Considérations sur l'objet Jomard, E.−F.
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Considérations sur l'objet Jomard, E.−F.
Considérations sur l'objet
A propos de eBooksLib.com Copyright En écrivant les réflexions qu'on va lire, nous n'avons pas eu pour but de répondre aux objections élevées contre la formation d'une collection géographique spéciale , mais bien plutôt de saisir une occasion de développer des vues qui nous paraissent utiles : puissent−elles contribuer à propager des idées trop peu répandues, et à étendre le cercle des connaissances qui sont d' une utilité sociale et pratique ! Il n'est que trop vrai que quelques personnes ont eu le courage de nier l'utilité du dépôt scientifique, spécialement consacré aux productions de la géographie , et placé à la grande bibliothèque royale, sous les ordres du ministère de l'intérieur. Il est possible que les personnes qui ont affecté de mettre en avant un tel paradoxe soient animées de vues de bien public ; mais comme elles paraissent croire que cette science consiste uniquement dans les livres qui en traitent, et qu'une erreur si forte ne doit pas s' enraciner, il est indispensable d'examiner attentivement cette question. Admettre leur opinion, c'est supposer apparemment que cette science est encore, après cinquante ans d'immenses progrès , au point où l'ont laissée les Crozat et les Expilly. Nier aujourd'hui l'importance des productions géographiques proprement dites, sous le rapport des besoins du commerce, et des arts utiles à la société, c'est, selon nous, ignorer complètement et l'état de la science, et sa fin et ses moyens . Nous osons avancer qu'une pareille thèse ne peut 1
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être soutenue que par des personnes, ou étrangères aux sciences exactes, ou dont le jugement est obscurci par des vues étroites et par des motifs intéressés, ou bien enfin dont le but est de se jouer des lecteurs trop crédules. En premier lieu, nous demanderons si les connaissances géographiques sont aussi répandues en France qu'elles devraient l'être, et qu'elles le sont en effet chez nos voisins. L'Angleterre, la Prusse, l' Autriche, la Russie même, et presque toute l'Allemagne, font rougir la France de son incurie à cet égard. Qui peut voir, sans la déplorer, l'ignorance de la plus grande partie de la population française en matière de géographie ? Nous voyons dans ces contrées le commerce intérieur et extérieur profiter chaque jour de l'extension des notions élémentaires, et particulièrement des connaissances géographiques, et l'on négligerait de les répandre chez nous ! Et l'on entretiendrait ce dédain qu'elles excitent encore trop souvent, au lieu de travailler à détruire un préjugé honteux et invétéré ! Et cela, dans un temps où la géographie s' enseigne partout dans certains pays, jusques sous les chaumières ! Qu'a−t−on fait depuis deux siècles en France pour l' encouragement des sciences géographiques et surtout pour l' enseignement de la science ? Rien, ou à peu près. Et de nos jours , même incurie ! Comment a−t−on perdu sitôt de vue les hautes pensées et même les actes du guerrier illustre qui, placé par son génie sur le premier trône de l'Europe, appelait la géographie à prendre rang entre les sciences les plus importantes pour la société ? On a déjà oublié qu'il lui avait consacré plusieurs chaires 2
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spéciales dans le plus savant et le plus ancien de nos colléges. Tout ce que la géographie a fait de progrès, tout ce qu'elle a obtenu de succès, elle le doit à des hommes de génie ou d'un rare mérite, mais hommes isolés et sans secours, qui ont devancé l'époque actuelle, époque où elle commence enfin à acquérir une juste considération et à gagner la place qui lui appartient. Chez nous, ni l'autorité, ni l'opinion n'ont été favorables, soit à la science, soit aux hommes recommandables qui l'on fait avancer, et qui ont même contribué à la gloire de la patrie, comme à son insu et sans sa participation. Et qu'on ne dise pas que les N Sanson, les De Lisle, les D'Anville, les Cassini et d'autres encore, ou bien quelques illustres voyageurs et navigateurs français, les Fleurieu, les Bougainville, les Lapérouse, et un grand nombre d'hommes habiles qui leur ont succédé, et qui honorent le temps présent, que ces hommes ont obtenu, dans un peu de renommée, le prix de leurs travaux. Leur dévoûment à la cause des sciences et des découvertes devait avoir pour véritable fruit l'avancement de la géographie en France, les progrès de l'enseignement géographique, et l'extension des connaissances, et c'est ce qui n'est pas arrivé : leur mérite n'en est que plus grand ; mais il n'appartient qu'à eux, et il n'a pas eu sa digne récompense . La révolution de I 789 a trouvé la jeunesse et les hommes faits aussi peu avancés dans cette étude, et même dans les notions les plus élémentaires, qu'au milieu du dix−huitième siècle. On 3
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connaît les saillies de Voltaire sur l'ignorance des français en géographie, passée presque en proverbe, et sur les plaisans quiproquos de nos diplomates. Rien n'est plus simple : on n'avait pas songé aux moyens d'instruction, et il n'y avait point de bonnes méthodes. On ignorait ou l'on négligeait l' usage de l'analyse dans l'enseignement de cette branche scientifique, qui est si compliquée. Enfin l'on n'avait à l' usage de la jeunesse que des cartes médiocres ou mauvaises, sans attrait comme sans fidélité ; les belles productions de nos savans étaient au−dessus des ressources des quatre−vingt−dix−neuf centièmes des étudians. Enfin il n'y avait pas non plus la centième partie de ceux−ci qui entrât dans le monde avec des connaissances positives en ce genre. Nous défions les sophistes les plus déterminés de nier cette vérité, quelque triste qu'il soit de l'avouer pour l'honneur de la France ; cela serait d' autant plus difficile qu'il suffit à chacun de consulter ses souvenirs, ou de voir ce qui est encore . Est−ce là un état de choses tolérable, et que l'honneur ou l'intérêt du pays doivent maintenir ? Non, sans doute. Voudrait−on persévérer dans une routine aussi funeste ? Trouve−t−on bien que les anglais, les russes, les américains, les allemands, et presque toutes les nations du nord de l'Europe soient mieux partagés que nous en institutions et en connaissances géographiques ? Dans ce cas, il n'y a rien de mieux à faire que de laisser les productions de la géographie au degré d'estime dont elles ont joui ici pendant plusieurs siècles, de continuer à les rendre inaccessibles au public studieux, et à faire en sorte 4
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qu'elles ne puissent entrer que dans les mains des amateurs fortunés qui ne s'en servent pas toujours utilement ; qu'en un mot, les cartes soient l'objet d'un monopole scientifique, et seulement affectées à l' usage d'un très petit nombre d'individus. Alors, pour être conséquent, qu'on enfouisse ou qu'on relègue dans quelques coins des bibliothèques les cartes géographiques utiles aux affaires, au commerce, aux sciences ; qu'on n'en ait nulle part en France une suite régulière et complète, même un catalogue faisant connaître le nombre, l'espèce, la valeur et le degré de mérite de ces travaux utiles ; enfin, qu'elles soient traitées comme les vers de Pompignan ; alors le but qu'on semble se proposer sera atteint complètement. Mais plus nous développons ces évidences, et plus il semble que c'est faire injure à la raison publique. Ce qui importerait plus ici serait de montrer quelle est la nature, le véritable objet d'une collection de géographie, et à quelle place appartiennent les cartes géographiques parmi les productions des sciences ; on en conclura mieux la nécessité d'en former une réunion, un ensemble, une suite aussi méthodique, aussi complète que possible. Qu'est−ce qu'une bonne carte géographique ou topographique, sinon la représentation complète d'un certain ordre, et souvent d'une multitude considérable de faits scientifiques, rassemblés dans un seul cadre ; de résultats, d'observations positives, rapprochés sous la forme la plus commode et la plus claire ? D'un seul coup d'oeil en effet, vous y embrassez plusieurs systèmes entiers ; l'aspect physique, les distances des lieux, les rapports d'état à état, de 5
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province à province, les divisions politiques ; la forme, l'origine et l' issue des bassins, soit de premier, de second ou troisième ordre, les moyens ouverts ou les obstacles opposés aux communications intérieures et extérieures, circonstances qui règlent tous les rapports du commerce et de l'industrie, qui président aux questions de paix ou de guerre, en un mot, presque tous les élémens des rapports sociaux. Si une carte est exacte, elle apprend toutes ces choses et bien d'autres encore qu'un oeil clairvoyant y trouve, et y lit, à l'instant même où la carte lui est soumise. Bien plus, la destination vraie et finale des cartes géographiques commence à se révéler, depuis une vingtaine d' années, par l'apparition des cartes historiques, et la faveur dont elles jouissent dans l'opinion, à juste titre, quoique encore imparfaites. L'on a senti que, puisqu'une carte fait connaître le théâtre des faits et le nom des peuples, il est naturel et nécessaire aussi d'y rattacher la date des événemens et les noms des personnages qui en ont été les héros. De là, les cartes physiques, politiques et historiques, aujourd'hui recherchées même par l'homme d'état, le guerrier et l'administrateur. Cependant des personnes peu réfléchies, ou qui ne s'élèvent pas jusqu'aux idées générales, et aussi des critiques d'un jugement tranchant plutôt que d'une autorité imposante, parlent de l'inutilité d'une collection spéciale de cartes géographiques ! Ils n'ont pas aperçu ce mouvement dans la science, ce changement considérable et décisif dont je viens de parler, changement plus heureux que tant d' autres qui menacent ou qui ont déjà frappé la littérature. C'est ainsi que nous voyons 6
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le discours se mêler aux productions de la géographie, pour compléter, dans une seule page, dans un tableau unique, l'ensemble des notions qui doivent, toutes à la fois, être présentes à l'esprit. Cette réponse suffirait pour prouver que les cartes géographiques ont des avantages qui leur sont propre, et qu'elles ne sont pas inséparables des livres . Est−ce parce que certains livres sont accompagnés de cartes, qu'une idée si fausse pourrait prévaloir ? Mais ce serait sacrifier le principal à l'accessoire. On ne pourrait voir là au contraire qu'un motif de former une collection particulière des cartes qui sont attachées à ces mêmes livres, cartes qu'on a malheureusement beaucoup de peine à se procurer séparément, quelque besoin qu'on en ait. Ce n'est pas ainsi qu' ont pensé les savans étrangers, les directeurs des musées de l' Europe, qui ont fait des collections spéciales pour les cartes géographiques et pour tout ce qui se rapporte à la science. Déjà en France, la force des choses et l'utilité directe ont fait distinguer les cartes dans les bons catalogues scientifiques et les ont fait mettre à part. Comme projection géométrique du sol, de ses accidens et de ses divisions, une carte est déjà un ouvrage scientifique entièrement distinct d'un livre. On peut ajouter même qu'il n'y a presque rien de commun entre l'un et l'autre. Ces deux ouvrages de l'esprit et de la main instruisent par des moyens qui diffèrent autant que leur nature propre et intime diffère. Si l'on a souvent ajouté des cartes à des livres, c'est que les lecteurs de ceux−ci ne 7
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pouvaient se passer de ce secours ; tandis que dans un très grand nombre de cas, et même dans presque tous les cas, une carte peut se passer du secours d'un livre quelconque. On lit un livre, on perçoit pour ainsi dire une carte. Un livre se lit mot par mot, et page à page ; une carte permet d'embrasser tout un sujet à la fois. Une carte est aussi une description comme un livre de géographie, mais une description graphique. Chacune de ces productions s'adresse à une faculté différente de l' intelligence. Les figures géométriques / et la partie graphique des cartes n'est pas autre chose que de la géométrie / ont pour caractère de mettre sous les yeux, simultanément, la totalité des élémens du sujet qui est soumis à l'étude, et la perception de l'ensemble est à l'instant complète. Ici, l'espace est figuré par des lignes assujéties à de certaines lois, et dont l' expression est déterminée / invariable ou conventionnelle /. Mais un discours est une suite de propositions qui s'enchaînent, et par lesquelles il faut, de toute nécessité, passer successivement pour former un jugement complet. Ainsi, je le répète, une carte est la description graphique d'une contrée, ou d'une portion plus ou moins grande du globe. C'est un tableau qui diffère essentiellement, par sa fin comme par sa forme, d'une description écrite et du discours ordinaire. Ce sont là des choses dont sembleraient ne pas se douter les personnes qui, étant étrangères aux mathématiques, ne peuvent saisir les considérations de la géométrie, et lisent machinalement sur une carte des noms propres, sans y voir guères autre chose. Il y a loin, sans doute, d'un livre sur les forces, les 8
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revenus et le comme ce d'une contrée à un tableau statistique , présentant d'un coup d'oeil et sur une seule page tous ces résultats réduits à des chiffres. Une carte est quelque chose de semblable par rapport à une description écrite ; mais elle en diffère encore davantage que le tableau synoptique ne diffère d'un livre. Position respective des lieux, distances qui les séparent, relief et formes du sol, situation par rapport aux obstacles naturels, emplacement des cours d'eaux, des montagnes et des vallées, nature du terrain et des couches dont il se compose, nomenclature des lieux, circonscriptions politiques ou administratives, etc. ; ce n'est là qu'une très petite partie des documens et des faits que rassemble une bonne carte. Et que sera−ce quand chaque point sera marqué d'un nombre exprimant sa hauteur absolue au−dessus du niveau de la mer ? Or cette troisième coordonnée deviendra indispensable, comme les deux autres auxquelles on se borne actuellement / la longitude et la latitude / ; addition qui ne peut manquer un jour, bientôt peut−être, d'être faite aux bonnes cartes géographiques, et qui leur donnera une bien plus grande utilité que n'en ont les cartes actuelles les meilleures, une importance nouvelle sous tous les rapports sociaux. Il n'est pas difficile de prévoir que , par un procédé tout aussi simple, on apprendra à connaître par les seules cartes la population, et d'autres données susceptibles d'être exprimées par des chiffres. C'est ainsi que par le concours des sciences mathématiques, la géométrie, l'astronomie, etc., les productions géographiques parviendront à leur 9
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destination, et au summum de leur utilité sociale et pratique. Le nom d'imprimés , sous lequel est désigné le département des livres, à la bibliothèque royale, a donné lieu à une fâcheuse équivoque. Ce mot serait−il un motif suffisant pour laisser confondues à tout jamais au milieu des livres, les cartes et les productions géographiques, de quelque importance et en quelque nombre qu'elles fussent, et cela, parce que ces pièces sont, comme les livres, un produit de l'impression ? Il faut convenir qu'aujourd'hui et dans l' état actuel des sciences, un tel motif serait bien puéril ou bien peu philosophique, un simple jeu d'esprit sans aucune vue sérieuse ; ou plutôt ce serait là une vue fausse et insoutenable. Si les grands dépôts littéraires, accrus, depuis un demi−siècle, dans une immense proportion, pêchent par quelque côté, c'est peut−être par le manque de divisions et de sections spéciales , commodes pour l'étude : mais c'est surtout par le manque d' une branche telle que la géographie , que cet inconvénient se fait sentir. Personne ne pourrait nier qu'il vaut mieux trouver toutes les cartes géographiques réunies sur un même point que d'avoir à les chercher au milieu de centaines de milliers de livres ou d' estampes, nombre qui s'accroît tous les jours avec celui des lecteurs, avec les progrès de la civilisation et de l' instruction sur tous les points de l'Europe, surtout quand on songe à l'étendue de l'espace que ces livres exigent, au temps qu'il faut pour parvenir aux points extrêmes des galeries de nos grands 10
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musées littéraires. Dira−t−on que les cartes doivent être considérées comme des livres, parce qu'elles peuvent être reliées comme eux, et réunies en volumes ? Mais cette objection serait plus faible encore, ou même sans fondement ; car ce n'est pas / il s'en faut / sous la forme d'atlas que les cartes sont de l'usage le plus commode. Il faut tout au contraire qu'elles soient isolées, placées sur des tablettes, ou bien roulées et suspendues à la manière anglaise. Tirera−t−on une autre objection de ce que des cartes sont indispensables à une collection de livres ; certes, on ne conçoit pas qu'une bibliothèque puisse se passer de cartes géographiques : est−ce à dire pour cela que les livres et les cartes ne sont qu'une seule et même chose ? C'est comme si l'on confondait deux fonctions de la vie aussi distinctes que la nourriture et la respiration, parce qu'il faut également, pour vivre, et de l'air et des alimens. On pourra objecter aussi que ceux qui demandent des livres dans les bibliothèques et qui veulent lire avec des cartes sous les yeux, ne pourraient avoir cette faculté avec une section séparée pour la géographie. Le fait est qu'il n'y a ici aucune difficulté réelle. Les cartes géographiques veulent être ménagées et demandent de l'espace ; il faut donc que des tables particulières leur soient consacrées ; c'est là que doivent travailler les lecteurs qui ont à étudier des cartes, en même temps qu'ils lisent des livres. La communication une fois établie ici entre les départemens des livres et des cartes, ce qui ne peut être très éloigné, il sera très facile de pourvoir à cette condition. Rien n'aura changé alors, si ce n'est qu'il y 11
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aura plus d'espace, et que le public fera commodément ce qu' il pourrait à peine essayer, ou bien faire sans inconvénient dans l'état actuel des choses. Supposera−t−on enfin qu'un simple employé suffirait pour le service d'une section de géographie. Tout ce qui précède, et ce qui suit sur le nombre et la diversité des branches de la science montre l'étendue du travail imposé au chef d'un pareil service et répond à cette supposition : il faut qu'il réunisse autorité, responsabilité, spécialité . Comment un subordonné pourrait−il remplir cette tâche difficile, surtout quand les réglemens veulent que les employés soient disponibles à tous momens pour les besoins imprévus ? Une remarque spécieuse pourrait être faite à l'égard des estampes. « ce sont là aussi des imprimés , ainsi que les livres et les cartes géographiques. » mais il faut bien s' entendre sur la destination des estampes proprement dites. Or cette destination n'est pas moins distincte de celle des cartes géographiques que l'objet des ouvrages−livres. Quel est leur but spécial ? C'est de représenter et de conserver les ouvrages des beaux−arts, des arts d'imitation, la peinture, la sculpture, etc . ; c'est d'en multiplier et d'en répandre des copies fidèles. Les productions de la géographie dépendent uniquement des sciences exactes : les cartes sont avant toute autre 12
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chose une projection mathématique du globe ou de ses parties, une application de la géométrie descriptive. Les unes s'adressent au goût et à l'imagination ; les autres s'adressent, à la raison et à l'utilité positive, et leur objet est plus austère et plus sérieux. Il semble donc, quoique les unes et les autres soient utiles à la société, mais diversement, qu'il n'existe entre elles aucune communauté d'origine ou d'objet, et qu'au contraire, elles se distinguent par une différence fondamentale. Il n'y a en effet presque rien de commun, ni dans les hommes qui s'en occupent, ni dans les connaissances qu'elles supposent, ni dans les études qu'elles exigent, ni dans les moyens qu'elles emploient. Il paraît donc convenable que des hommes spéciaux aient sous leur surveillance et leur administration des collections qui sont distinctes par leur nature : sans quoi elles ne pourraient être continuées et complétées de la manière la plus utile au public. S'il n'en a pas été ainsi dans l'origine, il y a de fortes raisons pour entrer dans une meilleure voie : car les choses ont grandement changé, et les scieces géographiques ont fait bien des pas, depuis que la bibliothèque royale a été fondée ; mais quelque accroissement qu'elles aient reçu, la bibliothèque n'a pas pu en profiter, faute d'une amélioration que réclamait l'intérêt de ces sciences ; amélioration qui aurait bien prévenu des regrets, si on l'eût introduite plus tôt . La distinction entre la science et l'artistique / j' entends la grande branche des beaux−arts / est une règle simple et 13
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sûre, qui permettra toujours de classer les gravures et dessins à leur vraie place, dès leur entrée dans les bibliothèques, et par conséquent de les retrouver sans aucune peine, quels qu'en soient le nombre et l'espèce ; par exemple, qu'il soit question de gravures représentant des nivellemens, des profils de canaux, des coupes géologiques, etc., et tout ce qui se rapporte en ce genre aux sciences exactes, on les classera avec la géographie, rien de tout cela n'ayant de rapports avec la peinture, la sculpture ou la musique, et n'entrant dans le domaine du goût et de l'imagination. Combien il me serait facile de développer ces considérations. Peut−être ont−elles échappé à beaucoup de monde ; mais sans doute elles étaient présentes à l' esprit de la haute administration, quand elle a voulu fonder, il y a deux ans, d'une manière durable, un grand établissement géographique, tout en le subordonnant, dans l'intérêt de l' ordre et de l'économie, au plan général de notre vaste dépôt littéraire et scientifique ; véritable musée, mal désigné sous le nom de bibliothèque, mais composé en réalité de cinq établissemens différens. Le caractère distinctif de cette collection étant bien établi, il faut chercher à montrer comment elle peut atteindre son plus haut degré d'intérêt et d'utilité scientifique. L'ordonnance qui l' a fondée veut qu'on y réunisse les divers objets qui proviennent des voyages scientifiques ordonnés par le ministère de l' intérieur : disposition d'autant plus sage que ces objets sont dispersés et quelquefois perdus au 14
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retour des voyageurs ; je pourrais apporter en preuve les voyages de feu Baudin, de Leschenaut De La Tour, et beaucoup d'autres. Déjà l'on y a rassemblé ceux qui provenaient de l'expédiion française en égypte ; des fragmens et objets modernes recueillis par la commission qui a publié une description de cette contrée par ordre du gouvernement ; les archives de cette commission scientifique ; enfin les dessins originaux de l'expédition. On doit y placer dans la suite des produits de l'industrie des peuplades lointaines, visitées par les voyageurs français. C'est principalement sous le rapport ethnographique que cette disposition acquerra de l'importance, aussitôt qu'elle pourra être réalisée dans le local convenable que l'on prépare en ce moment. En peu d'années, la civilisation, chez certaines peuplades a fait des progrès tels qu'il faudra, si l'on veut connaître et conserver l'histoire des races humaines, se hâter de rassembler les élémens de leur état natif, non−seulement leur langage, leur écriture, leur physionomie propre, mais les produits mêmes de leur industrie, ouvrages d'un art encore dans l'enfance, mais qu'il est intéressant d'observer dans ses développemens. Ce qui se passe dans l'Amérique Du Nord, chez les chérokées ; dans l' Océanie, aux îles Sandwich ; l'imprimerie établie à Eyméo / où l'on a vu le roi se faire imprimeur lui−même /, et tant d' autres exemples qu'il serait long de citer, montrent avec quelle rapidité des barbares peuvent adopter l'industrie, les moeurs et même les langues européennes, et abandonner leurs idées ou leurs habitudes. Une collection 15
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ethnographique formée sur un plan bien conçu ferait voir le point de départ de la civilisation chez les peuples sauvages et ses progrès successifs. Les objets curieux qui se perdent ordinairement, ou qui sont exportés à l'étranger, seraient ainsi conservés à la France ; enfin ils serviraient de supplément, de commentaire ou d'éclaircissement à la description géographique des peuples mal connus ; ils exciteraient le zèle des voyageurs et stimuleraient le goût des voyages : enfin ils formeraient une série de matériaux propres à donner une juste idée des différentes races humaines, classées d'après leurs caractères physiques, en même temps que selon leurs notions morales et intellectuelles et les fruits de leur industrie. Outre la belle collection de Goettingue, l'on peut citer une collection semblable formée dans une contrée reculée de l'Europe. La France a à envier à la Russie le musée ethnographique , collection précieuse, dont M Mertens a fait don à l'académie des sciences de SaintPétersbourg. Les objets ont été recueillis principalement dans les îles du grand océan. Le motif qui a fait créer ce musée est précisément le même que celui que j'ai mis en avant plusieurs fois ; c'est que ces objets curieux, ces ustensiles, ces ornemens, ces vases et ces instrumens divers, sont de vrais monumens de l'industrie des peuplades, et qu'ils deviendront de plus en plus rares et précieux, puisque même, dans certaines localités, telles que Sandwich, il est devenu très difficile et presque impossible de s'en procurer. Parmi les ouvrages de l' industrie extra−européenne, il semble qu'on devrait choisir surtout 16
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une certaine classe d'objets, comme très propres à caractériser le degré ou le genre de la civilisation. Je veux parler des instrumens qui servent à exprimer et à transmettre le sentiment musical, mode d' expression inné chez tous les hommes ; il faudrait s'attacher à réunir le plus complètement possible tous les instrumens à vent, à corde et de percussion appartenant aux peuplades. S'ils sont semblables ou analogues à ceux dont l'ancien monde civilisé a fait usage, on en pourra tirer des inductions sur l'origine de ces peuplades ; s'ils en diffèrent absolument, ils donneront lieu à d'utiles remarques sur le génie inventif des différentes tribus, et sur le goût particulier aux hommes des diverses races. On peut en dire autant des différens jeux, et des objets servant aux exercices gymnastiques. Tous ces objets dessinés par les voyageurs sans vérité, ou d'une manière fugitive / quand encore ils ont le temps de les copier /, perdent encore à la gravure, et aucune description ne peut les suppléer. Outre les armes et les armures de toute espèce, il faudra rechercher les outils employés dans les arts et dans le travail des métaux, les ustensiles variés de l'économie domestique et de l'agriculture, les monnaies, poids et mesures, les tissus de tout genre, les ornemens de parure, souvent très riches par la matière, par la forme et par le dessin ; puis les ornemens et les symboles du culte et des superstitions, tels que les talismans, les trépieds et les autels portatifs, les divers signes extérieurs des cérémonies de la 17
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religion ; enfin tout ce qui constate l'état des moeurs, des préjugés et des idées sociales et religieuses. Joignons encore à cette énumération les peintures et les reliefs qui expriment le caractère de la physionomie, quand ils sont l'ouvrage des indigènes mêmes. Je n'en excepterais pas certains costumes, comme on en voit dans l'Afrique centrale et occidentale, dont les voyageurs ne remarquent souvent que la bizarrerie, mais qui éclaircissent des usages civils ou religieux, ou des superstitions d'un genre particulier. La collection de tous les instrumens matériels qui servent à compter, peser et mesurer, serait, à elle seule, d'un haut intérêt : que de matières précieuses et d'objets des trois règnes, mis en oeuvre par les indigènes, et qu'il serait avantageux de réunir ! Si les espagnols, au lieu de détruire ou de laisser disperser les ouvrages de l'industrie américaine, les produits des arts des mexicains, des péruviens et surtout de l'Amérique centrale, les avaient, au contraire, conservés avec soin et rassemblés dans une grande collection ; si l'on avait ainsi constaté la situation sociale des américains au jour de la conquête, certes on aurait aujourd'hui des lumières sur leur origine ; on n'en serait pas réduit à des conjectures sur ce qu'il faut penser de l'état primitif des aborigènes ; on saurait enfin plus positivement, si leur civilisation a eu plusieurs sources, plusieurs degrés, plusieurs périodes. J'ai fait déjà pressentir l'importance que présentent, autant pour l'utilité de chaque pays que pour la connaissance complète du globe en général, la détermination exacte du relief du sol et l'inscription, sur les 18
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cartes, des mesures de hauteurs : c'est là proprement l' hypsologie , que je considère comme une nouvelle branche de la science, ou même pour ainsi dire comme constituant une science à elle seule. C'est par elle que l'on possède une foule de données d'économie publique, agricole, industrielle. C'est par elle en effet qu'on déterminera les bassins, leurs pentes générales et celles de leurs affluens, les points arrosés, ou ceux qui peuvent l'être en mettant plusieurs bassins en communication. Quelle source de résultats utiles pour le commerce, pour le tracé des routes et des canaux ! Quel moyen d'étude pour l'administration , l'ingénieur et le législateur lui−même ! N'est−il pas évident que cette connaissance des hauteurs absolues et relatives est plus importante que celle de la distance à l'équateur ou au premier méridien : ce à quoi cependant se réduisent presque les cartes actuelles, puisque les moyens usités pour l'expression du sol sont de leur nature si bornés et si imparfaits. L'art d' exprimer ce même relief sur les cartes par des procédés plus ou moins rigoureux, plus ou moins fidèles, c'est ce qui constitue l'hypsographie . Plusieurs systèmes divisent à cet égard les géographes et les géomètres, celui des tranches horizontales, celui des lignes graduées pour la force et la distance, celui des lignes de plus grande pente, etc. ; mais il est très difficile, sinon impossible de fixer un diapason commun, et surtout applicable à des échelles différentes. Dans cette divergence qui est un effet naturel des limites imposées à la nature des représentations graphiques, on sent l'avantage, ou plutôt la 19
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nécessité d'avoir un certain nombre de cartes en relief qui offrent à l'oeil des résultats rigoureusement exacts, et à l'esprit des idées parfaitement nettes. Personne n' a mieux réussi en ce genre qu'un géographe prussien, qui récemment, et en s'aidant de la magie de la couleur, a exécuté de cette manière les cartes de l'Europe et des autres parties du monde, les cartes générales de l'Allemagne et de la France, les cartes particulières du Harz et du Mont−Blanc, etc., etc. Il y a longtemps qu'on représente en relief des plans de villes, de fortifications et de ports de mer ; mais on n'avait pas fait encore en relief de la géographie proprement dite, si ce n'est peut−être les cartes marines en relief de M Lartigue, qui sont antérieures. L'exécution des cartes de Berlin ne laisse rien à désirer pour la beauté et la précision. Celle de l' Allemagne, surtout, est remarquable par la manière dont l' artiste a rendu les mouvemens les plus légers des terrains, comme le relief des Alpes et des autres chaînes de montagnes. Ces sortes de cartes sont précieuses pour l'enseignement : mais elles présentent encore beaucoup d'autres applications non moins utiles. Il suffirait d'un certain nombre de ces pièces bien choisies pour apprendre la configuration physique des divers systèmes de montagnes. Telle contrée insulaire, et même telle île peu étendue peut donner une idée juste d'un continent tout entier. Il serait inutile et d' ailleurs impraticable d'avoir de semblables cartes−relief pour toutes les parties du globe ; mais ce mode de représentation, combiné avec le procédé ordinaire, 20
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donnerait des notions parfaitement justes. Quelques exemples bien choisis serviraient de specimen pour juger de la forme précise du sol sur les cartes ordinaires, d'après la seule indication des chiffres hypsométriques. Il suffit d'avoir vu quelque ouvrage parfait en ce genre pour en reconnaître l'utilité, pour être frappé des avantages que réunit ce mode de représentation, et désirer qu'il se propage partout. Je puis citer, entre les reliefs que l' administration du comté de Mayo, en Irlande, a fait exécuter à l'occasion de la belle carte de ce comté, celui de l'île Clare à l'échelle de (..). Tout est déterminé rigoureusement, la hauteur de chaque point important ayant été mesurée. Comme aucun détail quelconque, étranger à la forme du sol, ne distrait l'attention de l' observateur, il y suit de l'oeil avec une facilité extrême les mouvemens variés et infinis du terrain et presque tous les accidens du sol. Les lignes de partage y sont figurées de la manière la plus claire. Parmi les personnes versées dans la géographie scientifique, et qui ont vu dans le département de géographie, à la bibliothèque royale, le relief de l'île Clare, il n'en est aucune qui ne soit frappée de son utilité et de la beauté d'exécution. Les juges compétens, c'est−à−dire, ceux qui y joignent la connaissance des sciences mathématiques et naturelles aux notions communes de la géographie en ont jugé de même. C'est surtout aux ingénieurs et aux artistes chargés de dessiner et de graver les cartes, que ces sortes d'ouvrages apporteront le plus d'avantages. Sur des cartes de cette espèce, le géologue, l'ingénieur, le militaire, 21
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l'administrateur pourraient lire des résultats importans. Il n'est pas jusqu'au naturaliste et à l'homme qui s'occupe de l'agriculture en grand, qui ne pussent y trouver des renseignemens utiles. Enfin l'homme politique qui veut se former une idée parfaitement sûre de ce qu'on appelle limites naturelles, doit consulter des cartes en relief de cette espèce, et il évitera les graves erreurs, ou de singuliers quiproquos auxquels il est exposé, en fixant ces limites sur les cartes gravées ordinaires. Dans ces cartes, trop souvent les bassins sont confondus, le cours des rivières interverti, et les obstacles naturels déplacés ; presque toujours les hauteurs y sont exagérées dans la seule vue d'offrir à l' oeil des contrastes agréables, de ménager des oppositions, de symétriser les effets, ou de balancer les teintes locales dans les diverses parties d'une carte / comme ferait le peintre dans une composition pittoresque /, et sans égard pour la réalité : oubliant ainsi la vraie destination des cartes , c'est−à−dire de servir à l'utilité pratique, et d'être une collection de faits et d'observations positives, soumis au nombre et à la mesure, assujétis aux lois de la science plutôt qu'aux règles du goût, où rien enfin ne doit, ne devrait du moins être arbitraire . On se demande toujours comment, tant de bons esprits, parmi les géomètres, s'étant occupés de géographie et de cartes, ces principes ne sont pas fixés depuis long−temps, et comment il se fait, encore aujourd'hui, que certains fabricateurs de cartes ont encore pour ainsi dire, carte blanche , pour distribuer capricieusement sur le papier, les élévations et même les 22
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chaînes de montagnes, sans sollicitude aucune pour ce qui pourra en advenir. Cependant les conséquences de cet abus sont−elles d'une si médiocre importance qu'on puisse les négliger ? Par exemple, si le chef d'une expédition, avec de telles cartes à la main, vient à rencontrer des obstacles naturels, un jour ou deux plus tôt qu'il ne devait s'y attendre ; et s'il découvre des montagnes autrement dirigées, d'une élévation et d'une forme toutes différentes, des défilés là où il cherchait des contreforts accessibles, une cime escarpée là où il s'attendait à trouver des plateaux unis ; et si l'ennemi occupe en force ces montagnes, cette cime, ces défilés ! Qu'arrivera−t−il du corps expéditionnaire ? Par suite du système arbitraire que suivent librement un grand nombre de dessinateurs et graveurs de cartes, il arrive aussi que les pentes générales des grands bassins et les pentes particulières des bassins de second et de troisième ordre, sont souvent inverses de la réalité. Alors, que deviennent les troupes ou les voyageurs, qui, sur la foi de ces pentes, cherchent les cours d'eau résultant de leur direction ? Ces idées sont si simples et frappantes qu'il suffit de les énoncer, et qu'elles ne mériteraient pas d'être développées, sans les conséquences qui découlent de si vicieuses méthodes, et si les hommes qui s'y livrent n'avaient pas libre carrière, par le bénéfice de la routine et par l'incurie des maîtres de la science. En signalant ces abus, je remplis un devoir qui n'est pas sans quelques inconvéniens personnels 23
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qu'il faut avoir le courage de braver ; mais je sais aussi que nombre de personnes instruites, ou de géographes de profession, partagent mon sentiment, et se préparent à élever leur voix contre le scandale dont on se plaint depuis si long−temps. L'instruction géographique peut seule y remédier ; il faut encourager tous les bons moyens de la propager. Quand elle sera plus répandue, il y aura plus de juges compétens : alors le tact nécessaire pour apprécier les productions géographiques, devenant plus commun, les auteurs changeront de marche et réformeront leurs méthodes. C'est ainsi, pour me faire mieux comprendre, que la musique acquérant plus de connaisseurs, les compositeurs ont été contraints de donner au public des ouvrages plus forts, plus savans et d'une imitation plus fidèle : commençons, s'il est permis d'user d'une expression vulgaire, commençons par faire le parterre, et nous aurons de meilleures pièces. Or, qu'est−ce qui peut plus et mieux contribuer à propager les bonnes études géographiques qu'un établissement gratuit , où les meilleurs ouvrages élémentaires, les productions les plus savantes, les bons travaux les plus récens, seront réunis, et tous les jours exposés au public ? Comme je le conçois, le dépôt général géographique de France pourrait être un jour un des dépôts littéraires et scientifiques les plus utiles et les plus instructifs de l'Europe, et un rendez−vous 24
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pour les hommes de toutes les nations, qui connaissent l'importance et les applications de la science, et qui savent à combien de branches de l'organisation sociale se rattache la géographie. Contester chez nous une vérité de cette évidence, c'est abandonner l' héritage des Sanson, des De Lisle, des D'Anville, des Gosselin et aussi de ce Malte−Brun que la France avait adopté et qui avait compris la portée de la science. Après les explorations savantes et les découvertes géographiques d'un Humboldt / qu'on peut citer quoique vivant sans faire injure à ses contemporains /, après les sacrifices des anglais, des américains, des russes et les nôtres mêmes, pour les progrès des découvertes sur tous les points du globe, arrêter les développemens d'une institution où les résultats de ces tentatives admirables, et si honorables pour l'esprit humain, doivent être rassemblés pour former le plus utile des enseignemens, ne serait−ce pas, en quelque sorte, reculer à la barbarie ? Depuis vingt ans, des cartes d'une nouvelle espèce ont été imaginées pour l'instruction. Il fau que ces moyens nouveaux soient communiqués au public avec libéralité, que les maîtres et les disciples puissent les étudier librement, et tous les jours, dans une institution gratuite, ouverte à tout le monde . Je ne citerai qu'un seul de ces moyens ; je l'ai vu, il y a seize ans, employé en Angleterre avec succès. De grandes toiles noires sont couvertes de lignes blanches indélébiles, qui ne représentent que les lignes de projection, que les linéamens des cours de rivières, des frontières et des côtes et les principales positions géographiques, etc., ou seulement une 25
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partie de ces divers tracés. Sur ce simple canevas, sans aucuns chiffres ou noms quelconques, l'élève doit, avec le crayon blanc, ajouter tout le reste. Ce seul énoncé fait voir qu'on peut placer douze ou quinze enfans en cercle en face de cette toile, et que par l' ingénieux procédé de l'enseignement mutuel, les élèves doivent y acquérir promptement des connaissances positives, qui ne s' effaceront pas plus de leur mémoire, que les lignes capitales du tableau lorsqu'on efface avec l'éponge les traits ajoutés. Ce n'est pas le lieu d'entrer dans plus de détails sur cette méthode féconde à laquelle on peut ajouter plus d'une idée utile. Un autre point de vue que je ne dois pas omettre est la nécessité de mettre les bonnes cartes, les cartes exactes, à la portée du public. On se récrie avec raison sur leur trop grande cherté ; on devrait en effet pouvoir acheter les cartes à très bas prix, parce qu'elles se détruisent promptement ; et au contraire elles sont infiniment trop chères. Ainsi il faut répandre beaucoup de bonnes cartes, et il faut qu' on puisse en avoir huit ou dix pour le prix qu'on met aujourd' hui à une seule. La lithographie doit résoudre un jour ce problème, comme je l'ai montré dans un travail spécial sur ce sujet ; question qui a attiré, d'un côté, le concours des amis des sciences ; de l'autre, la vive opposition de personnes intéressées. Cette application de la lithographie est en effet une des plus utiles possibles, et j'ai dû engager une illustre association de bien public / la société d'encouragement pour l'industrie nationale / à offrir des prix 26
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pour cette amélioration urgente. On doit donc I encourager les productions géo−lithographiques ; 2 réunir dans un lieu public celles qui sont les plus parfaites et les moins dispendieuses à la fois, afin de montrer comment on peut faciliter l'étude, et de fournir aux familles et aux maîtres une multitude de bons modèles, accessibles à toutes les fortunes. Les cartes exécutées au moyen de la typographie méritent aussi d'être encouragées. Enfin, toutes les cartes et les modèles destinés à répandre une bonne et solide instruction géographique, il faudra les rassembler dans le nouvel établissement : c'est ainsi qu'on échappera au double monopole dont les productions géographiques sont l'objet depuis trop long−temps. Ce ne serait pas assez de tous ces services que peut rendre le dépôt spécial de géographie ; son existence seule doit encore provoquer plus d'une amélioration. On commence à apercevoir le berceau et même les progrès d'une branche importante de la géographie, divisée elle−même en autant de parties qu'il y a de règnes naturels. Ces trois branches succèdent à la géographie pure , celle des formes du sol, telles que les représentent, par exemple, les reliefs du comté de Mayo cités plus haut : c'est−à −dire proprement l'hypsographie , ou l'état des continens sortis du sein des eaux, sans aucune trace de végétation ou de vie animale, encore moins de lieux d'habitation humaine. I le sol observé à la surface ou dans ses profondeurs, présentant les diverses roches dont il est composé, et les espèces minérales 27
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qu' il renferme : différentes, analogues ou pareilles sur les divers points du globe, dans de certains rapports avec la configuration du sol et son élévation : de là la géographie minéralogique et une espèce particulière de cartes, les cartes minéralogiques . 2 le sol se couvrant de végétaux ; alors que les montagnes et les vallées présentent à l'observateur les plantes, les productions végétales de toute espèce, variant, selon les localités, avec la position du lieu, son exposition, sa hauteur absolue : de là, la géographie botanique et les cartes phytologiques . 3 le sol avec les animaux de tout genre, vivant sur le sol, ou dans les airs, ou dans la profondeur es mers, appartenant aux différentes régions du globe, et aux différentes élévations des lieux : de là, la géographie zoologique . Or, il n'est aucune de ces trois branches qui ne fournisse déjà des cartes générales ou spéciales. Il est du devoir du géographe instruit de les rechercher, de les rassembler, de les comparer, de provoquer enfin la composition de cartes semblables ; on fournira ainsi une source abondante de lumières à l'étude et aux recherches des hommes spéciaux. Ces cartes, on le voit, n'ont rien de commun avec les cartes ordinaires ; elles ne supposent pas l'existence de l'homme et des sociétés civiles, ni les divisions politiques. C'est une partie entièrement distincte de la science, car elle diffère même de la géographie physique proprement dite, qui ne subordonne pas aux localités la description des phénomènes généraux. Elle a pour objet tout 28
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particulier de montrer les rapports des êtres et des productions, avec la position absolue du lieu, rapporté aux trois coordonnées. Le savant établit ces rapports par une étude approfondie, il en dévoile et en expose les lois, il montre que les espèces sont, pour ainsi dire, fonction de cette position absolue combinée avec l'exposition. Un jour les cartes où tous ces résultats seront réunis, et classées selon une méthode savante, formeront l'ensemble du tableau de la science dont je parle, et à laquelle M De Humboldt, à la tête de savans illustres, a fait faire les plus grands pas. On aperçoit maintenant la différence entre cette branche et la géographie physique. Celle−ci fait connaître les climats, les courans, les marées, les phénomènes volcaniques, les variations magnétiques, la direction des vents régnans, l'hydrographie maritime et continentale, les parallèles entre les fleuves et entre les montagnes, tant hypothalassiennes que continentales, les différences des observations du pendule, les anomalies, les observations isothermiques, magnétiques, etc. Ces phénomènes ne sont pas enchaînés à des lois générales, tandis que l'habitation des êtres est soumise à de certaines conditions locales, qui ont été définies plus haut. Ils sont toutefois chacun le sujet d'une espèce particulière de cartes, ou ils le seront par la suite. Ajoutons encore une autre espèce de cartes utiles, les cartes industrielles . Je n'entends pas par−là des cartes où l'on noterait les divers objets manufacturés dans un pays ou dans une province, mais celles qui sont consacrées à une 29
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seule espèce d' industrie ; ainsi, par exemple, une carte de France où l'on marque tous les lieux consacrés au travail du fer ; d'autres où sont notés uniquement les points où se trouvent les fabriques d' étoffes, ou les filatures, ou les divers produits chimiques, ou les exploitations des mines et des houillières, les cartes de la navigation intérieure, etc., etc. C'est ainsi qu'à mesure qu' une science s'étend et que ses productions se multiplient, le secours de l'analyse devient nécessaire pour reconnaître l'objet propre de chacune d'elles et le bien déterminer. Aidée du secours de cet instrument, la science, à son tour, en profite et s'en agrandit encore. Voilà comment la réunion de toutes les cartes dont je viens de parler doit tendre à en augmenter le nombre, et par conséquent à reculer les limites de cette partie importante de la science. Telles sont les branches qui composeront un jour, et quand il aura tous les encouragemens et les ressources nécessaires, le département de géographie de notre grande bibliothèque. Elles se rattachent à trois principales : cartes proprement dites, cartes hypsographiques, ethnographie / sans parler des globes et des planisphères /. L'ensemble peut former un jour une sorte de musée de la géographie et des voyages, où d' immenses sources d'instruction seraient prodiguées libéralement. Bientôt, je l'espère, il n'y aura pas un ami des sciences, un savant impartial, un français jaloux de l'honneur ou de l' intérêt national, un sincère partisan de la civilisation et de l' instruction, qui n'applaudisse franchement à l'institution, ou 30
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ne coopère à son succès. Mais il faut d'abord se dégager de vues étroites et routinières, qui malheureusement existent encore à l' égard de la géographie, et aussi des vues individuelles et des idées mesquines de personnalité. Il faut encore oublier un moment le dommage que des individus peuvent craindre de l' institution du musée géographique. Peut−être quelques intérets en seront froissés momentanément : mais qu'ils se rassurent ; le goût de la géographie plus répandu en fera rechercher davantage les productions, et donnera de la vie au commerce des cartes. Alors cesseront des attaques intéressées, qui ne peuvent prévaloir contre l'intérêt général, contre le bon sens du public . Ce public s'étonne de ce que la formation d'un dépôt également utile aux sciences et aux affaires, puisse être l' objet d'une plainte : mais sans doute le jour approche où personne ne s'opposera à ce que la France possède une collection géographique complète, et au niveau des découvertes, des travaux les plus récens de l'Europe savante ; à ce que Paris ne reste pas au−dessous de Londres, Goettingue, Berlin, Vienne, Pétersbourg ou Weimar ; le commerce, la politique et la science réclament également un établissement spécial, digne de l'époque présente et des progrès immenses de la civilisation. On ne prétextera plus enfin le peu d'empressement du public d' autrefois à consulter les cartes de nos bibliothèques, pour refuser d'enrichir en ce genre les collections nationales ; et en même temps le peu de richesses de ces collections, pour empêcher 31
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qu'on vienne y puiser des notions utiles : cercle vicieux qui aboutirait à empêcher l' accroissement de la science, et même de toute science, et le développement d'une institution devenue, plus que jamais, indispensable à l'extension des relations scientifiques et commerciales de toute espèce, entre la France et les nations étrangères. D'un autre côté, dans l'état actuel des communications de peuple à peuple, il est temps que la France prenne le rang qui lui appartient, qu'elle fournisse à la carrière des découvertes un plus grand nombre d'explorateurs, et surtout de voyageurs habiles et instruits, en état de rivaliser, de lutter avantageusement avec les missionnaires de la science et de la civilisation, qu'envoient partout les anglais et les états−Unis d'Amérique. Ce qu'il faut surtout, c'est qu'on prépare les voies sans retard pour que la France profite à son tour de l'extension toujours croissante des nouveaux rapports entre les peuples. Naguère on a vu un voyageur anglais faire hommage à la France de ses projets d'expéditions dans les mers de l'Inde et de la Chine, et dans le grand océan. Cet homme distingué, entièrement étranger aux vues étroites de nationalité, a manifesté une haute satisfaction en voyant se former dans la capitale une grande collection géographique, et comme foyer d' instruction, et comme centre de correspondance. Que d'étrangers on pourrait citer à cette occasion, espagnols, allemands, italiens, etc., qui sont venus visiter le nouvel établissement depuis quinze mois qu'il est ouvert, et, tous, ont rendu hommage à son utilité. Au reste, les riches présens de cartes géographiques que la bibliothèque royale a reçus 32
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de la Grande−Bretagne, depuis un an et demi, prouvent mieux que tout ce qu'on pourrait dire l'opinion que se forment les étrangers de cette institution naissante. Il est honorable à la France d'avoir excité cet intérêt sympathique chez une nation telle que l'Angleterre. L'établissement nouveau n'est pas proprement une création : c'est la réalisation d'une ancienne pensée dont les troubles publics avaient suspendu l'essor. Au temps de la révolution, le ministère de l'intérieur ordonna la formation d'une grande collection géographique ; Mm Desmarest, Gossellin et BarbiéDu−Bocage furent placés à la tête. Cette collection était déjà riche quand les événemens ont amené sa dispersion. Voilà comme le défaut de suite et de persévérance anéantit, dans le germe, de bonnes institutions ; qu'un jeune plant soit abandonné à luimême, les vents l'agiteront, et ses racines, toujours ébranlées, ne pourront tirer de la terre un suc nourricier ; mais soutenez−le par un tuteur, et il croîtra promptement, et il rapportera des fruits prochains. Pour des établissemens d'utilité générale, c' est le gouvernement qui doit être ce tuteur toujours résistant et persévérant. La collection de Desmarest aurait dû, dans le temps , être recueillie avec soin et déposée à la grande bibliothèque, confiée enfin à la garde d'un administrateur responsable ; mais il n'en a rien été, parce qu'une personne spéciale y manquait. Plus tard, M Barbié−Du−Bocage fut placé à cette même bibliothèque, pour mettre en ordre les cartes géographiques 33
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existantes. Différentes circonstances l'ont fait renoncer à cette occupation, plus utile que brillante, et qui exige plus de dévouement qu'elle ne peut offrir d'avantages. Aujourd'hui que tant de découvertes et de travaux géographiques faits par les anglais et d'autres nations ont malheureusement éclipsé, ou fait un peu pâlir la gloire de nos voyageurs et de nos géographes, l' opinion secondera sans doute une institution qui peut concourir à nous replacer au premier rang ; ou je me trompe, ou c'est là une entreprise patriotique et nationale, par ses rapports avec la prospérité du commerce français, par son influence future sur nos relations avec toutes les parties du globe. Mais cette entreprise ne peut avoir ses fruits qu'en recevant l'extension dont elle est susceptible, et qui entre dans le plan que je viens d'exposer. Si les dépôts de la guerre et celui de la marine rendent des services journaliers aux officiers des armées de terre et de mer, ne doit−on pas désirer que les intérêts du commerce et les besoins de la science et de la civilisation soient aussi, sous ce rapport, l'objet de l' attention de l'autorité ? D'ailleurs les dépôts dont je viens de parler ne sont point ouverts au public ; il en est de même de celui des affaires étrangères, formé pour le besoin de la diplomatie. Il manquait donc essentiellement une institution libérale et gratuite, à l'usage de tout le monde, et non spécialisée à tel genre de productions géographiques, ou bien affectée uniquement à telle espèce de service et d'individus. 34
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Enfin, puisque les ministères de la marine et de la guerre, et même celui des finances, ont chacun une collection géographique, ne serait−il pas bien extraordinaire que le département de l' intérieur en fût le seul privé, et qu'on n'en trouvât pas une, aussi riche que possible, à la bibliothèque royale, dans le plus grand dépôt littéraire et scientifique de la France, naguère le premier de l'Europe entière ? C'était là sans doute une lacune grave, et qu'il eût fallu remplir depuis long−temps. Si elle n' eût pas existé, on n'eût pas perdu, au temps de la révolution, la grande collection géographique de Louis Xvi, et celles de la reine et de madame élisabeth, et celle de M De Châtellux, etc ., dont il ne reste aujourd'hui que le souvenir, avec quelques étiquettes ou bulletins de la main de feu Barbié−Du−Bocage : notes que le conservateur actuel a trouvées seules, en place des cartes géographiques. On eût recueilli les débris de la riche collection de Saint−Germain−Des−Prés, que l'incendie n'a pas dévorée entièrement ; on eût conservé la collection de Desmarest, dont j'ai parlé ; et enfin, de nos jours, les collections de M De Mortemart, de M De Lauriston, et d' autres, n'auraient pas été emportées en Russie, ou vendues à vil prix et dispersées. Il suffisait pour cela qu'un homme spécial et responsable, un administrateur vigilant, fortement intéressé à conserver, à maintenir complète, et à enrichir de plus en plus une grande collection nationale, eût eu la charge de veiller sur les mutations, et sur les conséquences des événemens de ce genre ; circonstances qui sans doute ne se renouvelleront plus, à moins que l'administration ne laisse le 35
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nouvel établissement sans moyens et sans force. Cette nécessité de former une telle collection était dans la pensée constante du chef du gouvernement impérial. Il appréciait parfaitement tous les rapports des sciences géographiques avec les besoins et la force des états ; il voulait donner à ces sciences de l'encouragement, et surtout répandre l' instruction ; I 5 oooo francs devaient être consacrés aux acquisitions de la bibliothèque impériale en ce genre, I 2 ooofr ensuite pour chaque année ; enfin plusieurs chaires de géographie étaient fondées par lui au collége de France. Quelque incomplète que fût la collection, encore limitée en I 829 à quarante−cinq mille pièces environ, sans parler de la topographie, elle réclamait déjà de l'attention et un travail tout spécial. Personne n'ignore qu'il manque des employés dans plusieurs départemens de la bibliothèque royale pour le service urgent de tous les jours, et en outre, pour l'inscription des articles et la rédaction des catalogues. D'un autre côté, il n'est personne qui ne sente aisément la difficulté matérielle que présente cette même opération, bien plus longue, plus ingrate et plus minutieuse pour le dépouillement des cartes géographiques : tellement qu'il serait superflu d'entrer, à cet égard, dans aucun détail. Il était donc physiquement impossible que les chefs ou les autres employés des départemens, chargés tous les jours de répondre et de satisfaire aux demandes de plus de cent à 36
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cent cinquante personnes, s'occupassent du classement et du catalogue de toutes les pièces de géographie, et les missent par−là en état de servir aux besoins du public. C' est pourquoi ces pièces n'avaient pu être, jusqu'à présent, ni classées, ni cataloguées, ni estampillées, ni même comptées et inscrites sur des listes ou des bulletins : partant, pas de moyen de contrôle. Comment eût−on pu découvrir et fournir aux travailleurs, à moins de recherches d'une longueur extrême, telle carte donnée, sans négliger le service plus impérieux des livres imprimés ? Comment s'assurer aussi de l'existence de telle pièce rare et précieuse dans les portefeuilles ? Le public laborieux ne pouvait donc être satisfait pour les demandes de cartes géographiques : comment aurait−il afflué à la bibliothèque pour les consulter ? Ainsi, sous les trois points de vue qui intéressent le plus directement un dépôt littéraire ouvert à tout le monde, la conservation, l'amélioration et le service public , presque tout restait à faire. Dira−t−on qu'il n'y avait pas de remède à apporter à cet état de choses ? Et parce qu'un siècle s'était écoulé ainsi, fallait−il continuer encore pendant un autre siècle ? Et cela, pendant que les sciences géographiques marchent, et prennent un si grand accroissement ! Pendant que leurs productions se multiplient d' une manière presque prodigieuse, que les découvertes annuelles en augmentent journellement la masse, et profitent de plus en plus aux relations commerciales ; enfin, quand on voit avec douleur le sceptre de la science passé de la France à l'étranger ! Ce malheur tire sa source première du défaut 37
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d'un grand centre d' instruction, de l'imperfection des méthodes et du manque des moyens pratiques pour l'étude, lesquels sont principalement les bonnes cartes géographiques, assujéties à une bonne classification méthodique. Ne serait−ce pas avoir peu de souci de l'honneur national, que de ne pas seconder l'institution qui doit y remédier, et dont l'objet est de servir sous plusieurs rapports les intérêts français ? C'est aussi ce qui me l'a fait considérer comme éminemment patriotique par son but et sa fin : un tel motif pouvait engager un ami de son pays à en accepter la direction, quelque ingrate et difficile qu'elle pût être. Dans sa situation actuelle, cet établissement naissant présente déjà des résultats qui ne sont pas indignes de l'attention publique, ce que confirme l'assiduité des travailleurs et des étrangers qui viennent chaque jour le consulter ; et cependant le local provisoire qu'on lui a consacré est peu commode, et son entrée trop éloignée de l'entrée principale ; disposition vicieuse, mais qu'il est facile de corriger. L' établissement doit se composer, d'après l'ordonnance de création en date du 3 omarsi 828, de deux parties principales : I les cartes géographiques et plans, déposés à la bibliothèque depuis l'origine ; 2 le dépôt des voyages scientifiques ordonnés par le ministère de l'intérieur, notamment celui des français en égypte en I 798 / c'est−à−dire le grand ouvrage publié par ordre du gouvernement : planches, imprimés, manuscrits et dessins originaux du voyage, et les objets qui se rapportent à l'ethnographie /. Le local qui est maintenant en construction 38
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permettra à l'administration de placer convenablement ces divers objets, et au public, d'en faire un usage commode. Les portefeuilles de cartes géographiques provenant des collections de Saint−Victor, de Saint−Germain et d'autres sources anciennes, renferment environ vingt−cinq mille pièces, à quoi il faut joindre deux cents atlas ou volumes de cartes, à peu près quinze mille pièces ou feuilles ; plus, environ trois mille cartes détachées provenant, entre autres, du dépôt légal ; collection malheureusement très incomplète, si l'on remonte à l' année I 8 ii, époque où le dépôt légal est devenu obligatoire. Voilà ce qui compose l'ancien fond , déposé jusqu'à ce jour au département de géographie. Ce rangement par porte−feuille est vicieux. L'expérience journalière a fait voir les inconvéniens graves attachés à cette disposition, savoir, de détruire les cartes, et d'en rendre la recherche difficile. En cartes anciennes ou rares, la collection de la bibliothèque royale est assez riche : c'est ce dont m'a convaincu la lecture de plusieurs catalogues géographiques, et notamment du catalogue des cartes léguées au British Museum par le feu roi d'Angleterre, et qui avaient appartenu à son père Georges Iii ; cette dernière suite est fort belle, mais il y manque beaucoup de cartes curieuses que nous possédons ici. Je n'en citerai qu'un très petit nombre entre les cartes vénitiennes et romaines du seizième siècle : ... etc. Il en existe beaucoup d'autres plus rares, pour l'Espagne et d' autres contrées. Je citerai aussi une carte de Transylvanie, Hongrie, Moldavie, etc., faite d'après un dessin trouvé au palais de Gabor Bethlem, roi de 39
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Transylvanie, montrant la marche de Soliman en I 52 o, celle des tartares en I 595, la défaite de Ladislas Iv, en I 444, etc. La suite des anciennes cartes sur la France est très étendue dans la collection royale, et digne d'attention. En voici plusieurs, parmi les plus anciennes cartes, gravées sur bois, ou sur étain, ou sur cuivre : une carte de Hamon Blaesien , peinte pour Charles Ix, et de l'année I 568, véritable miniature et chef−d'oeuvre de travail et de finesse ; la France , carte allemande, par Stumpf , sur bois, I 548, ayant le sud en haut ; la Franza , I 553, Venise ; le boulonnais , etc., grande carte française, très curieuse, par A Nicolaï du Dauphiné, en six feuilles, I 558 / avec le privilége de I 555 /, et montrant la tour d'ordre , avec beaucoup de détails ; la haute et basse Picardie / sur bois /, d'Olivier Teuchet, peut être de I 5 6 o, allant jusqu'à Nancy et Sens, d'un très beau travail / ces deux pièces, le Boulonnais et la Picardie, sont extrêmement rares / ; la carte de la France, par F La Guillotière, en neuf feuilles, sur bois, I 632, ouvrage très rare ; les deux cartes de France, de J Jolivet, l'une sur bois, faite par commandement de Charles Ix, de I 57 o ; l'autre sur métal, de I 589 ; la France, en neuf feuilles, de Cornelius De Judoeis , I 592 ; la carte générale de N Berey, d'après La Guillotière, neuf feuilles, I 645, etc., etc. Une des pièces les plus remarquables, malheureusement un peu gâtée par la poussière et le frottement, est une grande carte d'Amérique, manuscrite, de l'an I 6 o 4. La dimension est de neuf pieds (..) sur huit pieds ; elle porte le titre suivant : ... etc. ; elle s'étend du cinquante−eptième degré 40
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sud au soixantième degré nord ; ses détails sont curieux à étudier pour l'histoire de la science. Le nom de l'auteur est écrit en or dans un cartouche, comme il suit / au−dessous des échelles / : ... etc. Toutes les montagnes sont peintes en or ; l'écriture est fort belle et paraît espagnole. Les climats sont marqués sur les côtés auprès des latitudes. Cet ouvrage est exécuté avec un très grand soin ; on ignore comme il a été apporté à la bibliothèque, s'il a été envoyé en présent, ou s'il provient d' une prise, comme la magnifique carte manuscrite d'Irlande, par Petty, en deux grands volumes atlantiques, déposée en ce moment au département des manuscrits. Depuis quinze à seize mois que la collection est ouverte au public, trois sources sont venues l' enrichir : le dépôt légal, les acquisitions, les dons gratuits , c'est ce qui compose le fond nouveau. Le dépôt, ordonné par la loi, des deux exemplaires à fournir à la bibliothèque royale, s'étend aux départemens ; mais l'envoi ou le dépôt des pièces n'est pas fait avec exactitude ; et, à Paris même, plusieurs éditeurs savent se soustraire à cette obligation. Les acquisitions se sont bornées à une faible somme, attendu l'exiguité des fonds dont on peut disposer : cependant elles comptent deux mille six cents pièces, parmi lesquelles on citera seulement : I une carte manuscrite, en seize grandes feuilles, de tout le pays compris entre Samarcand et Pékin, d'après les auteurs chinois ; 2 plusieurs cartes chinoises dont les légendes paraissent être de la main du père de Mailla ; 3 l'original de la grande carte de Coromandel, par d'Anville ; 4 les grandes cartes originales manuscrites du voyage du général Collot 41
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aux états−Unis en I 796 ; 5 les grandes cartes récentes anglaises de l'Asie et de l'Inde ; 6 un exemplaire des cartes de Ptolémée, sur vélin, de I 49 o ; 7 le grand atlas de l'Europe, de Vandermaelen, qui doit avoir cent soixante−six feuilles environ ; 8 la collection de l' Espagne de Lopez, et le grand atlas maritime, par Tofino ; 9 un d'Anville, presque complet, plus son atlas de la Chine et de la Tartarie, Io le grand plan de Paris en cent soixante feuilles ; les cartes récentes de la Prusse, etc., etc. Citons aussi plusieurs nouveaux produits d'une industrie étrangère, remarquables pour le mérite de l'exécution ; je veux parler des cartes−relief de Berlin, par M Kummer , dont nous avons parlé précédemment, et qui offrent tant d' intérêt sous le rapport de la géographie physique. Quant aux dons offerts à la bibliothèque royale, et que nous nous félicitons d' avoir provoqués par une correspondance active et par quelques soins / en y contribuant nous−mêmes pour une partie /, le nombre des pièces est plus considérable que celui des acquisitions ; ce nombre s'élève à environ 37 oo : au premier rang l'on doit placer la collection des cartes marines anglaises en sept à huit grands volumes atlantiques et d'autres formats, offertes en présent à la bibliothèque royale, par l'amirauté de Londres , et la grande carte d'Angleterre, dite de l'artillerie ou d'ordonnance , en quatre−vingt−six feuilles du plus grand format, chef−d'oeuvre d'exécution, offerte par le maréchal Beresford, grand−maître de l'artillerie / on attend la carte des comtés / ; la carte du comté de Mayo , en Irlande, en vingt−cinq feuilles, donnée par 42
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l'ingénieur, M William Bald, auteur de ce beau travail ; la collection complète du dépôt de la marine de France, depuis l'origine, donnée par le ministre de la marine ; celle du dépôt de la guerre , en six cent quarante−une feuilles, don du ministre de la guerre ; les beaux plans lithographiés de Louvain, Liége, Maëstricht , donnés par M Jobard de Bruxelles, et qui excellent par leur perfection : produits d'un art nouveau, mais déjà digne de rivaliser avec la calcographie ; les grandes cartes récentes de cinq des états de l'Amérique septentrionale , publiées par ordre de ces états, offertes par M Roux−DeRochelle, ministre plénipotentiaire ; le portulan mexicain pour les côtes de l'Amérique septentrionale, par le contreamiral Cortès , don de M Cochelet, consul−général ; les fac−simile de plusieurs cartes supposées du neuvième et du dixième siècles, également curieuses pour l'histoire de la géographie et pour celle des cartes géographiques, telles que la Tabula Geographica , etc., tirée d'un manuscrit de la bibliothèque de Turin de l'an 784, et don de M le chevalier de Saint−Quintino, etc. Aucun de ces objets intéressans, qui sont venus enrichir la bibliothèque à titre gratuit , ou par voie d'acquisition, n'y serait maintenant, s'il n'y avait pas eu un centre, un dépôt spécial pour les recevoir. Ainsi, la collection s'est accrue d'un sixième en un ou deux ans : il est aisé de prévoir ce qu'elle peut devenir en dix années, si le public et l'autorité secondent sous ce rapport le zèle de l' administration. La valeur des objets ainsi offerts en dons gratuits représente déjà une somme assez considérable. Je 43
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produirai ailleurs la liste des donateurs. Il sera nécessaire aussi de publier un jour, à l'instar du musée britannique et sur un plan meilleur, une liste méthodique de toutes les cartes actuellement réunies dans la collection. Ces cartes et beaucoup d'autres sont journellement consultées par les travailleurs ; trop souvent aussi ils demandent des pièces qui manquent à la collection, et de fâcheuses lacunes se découvrent tous les jours... la liste de ces desiderata serait malheureusement un peu longue, surtout en cartes étrangères modernes , précisément ce qui est le plus demandé par le public. Croirait−on, par exemple, que la bibliothèque ne possède pas les nouvelles cartes de Souabe et d' Italie, publiées à Stuttgard et à Milan ? On n'a pas même la grande carte de Bavière , faite il y a vingt−huit ans sous les auspices de la France, et en partie par des ingénieurs français, au nombre desquels je m'honore d'avoir été ! Et pourtant cette belle carte est publiée depuis longues années ! Les cartes étrangères sont en général d'un prix élevé. Les ressources de l'administration, malgré l'importance qu'elle met à la collection géographique, lui permettent rarement de les acquérir. On pourrait du moins les obtenir par échange ; mais le temps s'écoule, on ne prend aucune mesure, et les lacunes s'augmentent... combien peu de personnes font venir ces cartes étrangères, non−seulement à cause de leur prix élevé, mais encore parce que les cartes sont l'objet d'une sorte de fraude, au dehors comme chez nous. On doit se 44
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défier de leur date surtout, et il faut absolument les voir, les comparer et les juger, pour se décider à les faire venir avec sûreté. Or, c'est en partie pour faire cesser, s'il est possible, ce déplorable état des choses que le dépôt de géographie a été institué. Le classement que nous avons adopté embrasse toutes les parties de la science géographique : il repose sur trois divisions principales ; les cartes faisant collection les cartes consacrées à l'une des parties du monde , et les cartes des contrées . I la première comprend les sousdivisions qui suivent : atlas généraux du globe, atlas statistiques et historiques, cartes des voyages et cartes itinéraires, catalogues et dictionnaires géographiques, géodésie et triangulation, géographie comparée, géographie physique, géographie sacrée, hydrographie maritime, hydrographie continentale / ou rivières, canaux, lacs, etc. /, hypsométrie et hypsographie, mappemondes, tableaux géographiques et tableaux des distances itinéraires, tableaux statistiques, théâtres des guerres et expéditions militaires, uranographie et cosmographie. / l'ordre de ces articles n'est qu'un classement alphabétique pour la facilité des recherches. / outre ces seize branches, on se propose d'établir, par la suite, des sections pour les suivantes : la géographie des productions du globe, les cartes d' économie politique, les cartes frontières, les cartes des chaînes de montagnes ou orographiques, enfin les anciens monumens de la géographie , ce qui comprend les cartes faites chez les anciens peuples de l'Occident et de 45
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l'Orient, et les cartes du moyen−âge, ou cartes européennes, jusques vers I 6 oo. Ii la seconde division, n'a que six branches principales. Iii la troisième se partagera en chorographie, topographie et plans de villes. Il y a en outre, pour les articles du fond nouveau , le classement par ordre d'entrée, subordonné, dans le catalogue par bulletins , au double ordre alphabétique par noms d' auteurs et par noms de contrées. En général, chaque bulletin ou étiquette doit être double, l'un par nom d'auteur , l'autre par nom de pays . Chacun contient les indications suivantes : en tête, le nom du lieu ou de l'auteur, le premier toujours écrit en rouge ; aux quatre angles le numéro d'ordre, le format, le nombre des feuilles et l'année. Après le nom de l'auteur et celui du pays / ou de la collection , ou bien de la partie du monde /, vient le titre exact de la pièce, puis le lieu et l'année de la publication, le genre d'exécution de la carte / c'est−à−dire, manuscrite, ou gravée, ou lithographiée , coloriée, typographiée, etc. /, enfin le nombre d'exemplaires. L'ordre alphabétique des auteurs et celui des lieux servent de base constante pour l'arrangement. Dans le classement par nom d'auteur, l'ordre alphabétique des noms de lieu est en second, et celui des dates en troisième. Dans le classement par collections, parties du monde ou contrées, l'ordre du nom d' auteur vient en second, et ensuite celui des dates. De cette manière, et lorsque le classement sera terminé, il sera presque impossible qu'une carte géographique quelconque échappe aux recherches, même 46
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pour celles dont les auteurs sont ignorés. Aujourd'hui, le classement est achevé pour tout ce qui appartient au fond nouveau . Les listes et bulletins sont à jour . L'estampille est apposée sur la totalité des cartes et atlas des deux fonds déposés jusqu'à présent. Le classement et l'inscription des pièces composant l'ancien fond continuent ; ils s'appliquent à une multitude de pièces isolées, de formats différens, mélangés ou confondus depuis longues années. Toute personne au fait de l'histoire des cartes géographiques sait, ainsi qu'on l'a déjà observé, que les noms, titres, dates et autres indications sont plus longs à découvrir sur les cartes anciennes, et même sur les cartes de toute espèce, que sur un livre, sans parler du maniement qui est plus long et plus pénible ; cependant ce travail d'un inventaire exact et complet est indispensable et même urgent. Parmi les moyens qui se présentent pour faire prospérer l'institution et la porter au degré d'utilité dont elle est susceptible, c'est un devoir de choisir les voies les plus économiques ; or, avant tout, il en est deux qui remplissent cette condition, et que l'expérience a consacrées ; provoquer des donations, et faire des échanges. I la publication des noms des donateurs , l'honneur d'avoir concouru au succès d'un établissement national, détermineront probablement plus d'une personne à déposer à la grande bibliothèque des collections ou des pièces rares qui perdent une grande partie de leur prix pour être isolées, qui se dispersent ou périssent lors des mutations, lorsqu'elles ne vont pas 47
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s'enfouir à l'étranger. 2 les échanges peuvent avoir lieu avec les bibliothèques étrangères au moyen I des doubles de la bibliothèque en cartes géographiques, et des exemplaires de la description de l' égypte et du grand atlas topographique de cette contrée, ouvrages dont le fond est déposé au département de géographie ; 2 du produit de la vente de ces mêmes exemplaires. 3 on peut encore solliciter par l'intermédiaire des ministres de France à l'étranger la communication des meilleures cartes récentes, et celle des anciennes cartes, précieuses pour l' histoire de la science ; dans plusieurs mémoires produits devant l'administration, nous avons donné les indications de cette espèce... 4 plusieurs dépôts de différentes espèces, et appartenant au gouvernement, à Paris et ailleurs, renferment des cartes géographiques inutiles à ces dépôts, et qui ne servent point non plus au public. Une mesure générale prise dans un intérêt bien entendu peut réunir ces cartes à la collection générale, ainsi que les plans−reliefs, les globes et planisphères , j'entends ceux qui seraient inutiles aux collections de la guerre et de la marine, etc. 5 exiger rigoureusement le dépôt légal à Paris et dans les départemens ; 6 faire faire la recherche des documens géographiques et statistiques, anciennement déposés au ministère de l'intérieur et dispersés depuis. Il en est de même des papiers de l'institut du Caire, déposés au retour de l'expédition d'égypte ; 7 faire profiter le nouvel établissement des fonds qui deviendraient disponibles. 48
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Quant à la partie ethnographique, il existe déjà un noyau à la bibliothèque dans le local actuel du dépôt de géographie et dans celui du département des médailles : il ne sera pas difficile de l'enrichir, sans frais, avec les objets épars dans la capitale. Au reste, cette question intéressante est l'objet d'un article séparé. / voyez l' appendice. / 8 il est à désirer qu'un fond annuel et suffisant soit consacré à l'accroissement de la collection, soit pour la tenir au courant des nouvelles productions étrangères qu'on n' aurait pu obtenir par don ou échange, soit pour remplir d' anciennes lacunes importantes. Je ne puis, en finissant, qu' inviter les savans français, également amis de leur pays et des sciences, à joindre leurs voeux et leurs efforts pour la prospérité d'un établissement vraiment national. Il sera soutenu surtout par la société de géographie dont les généreux sacrifices ont déjà tant contribué à mettre la science en honneur , et qui a eu la gloire de servir de modèle aux nouvelles sociétés de Berlin et de Londres. Quoique son objet diffère de celui du dépôt de géographie, la fin doit être la même : c'est le progrès de la science. Ce dépôt a pour objet principal de répandre l'instruction géographique en recueillant avec ordre toutes les productions de cette espèce, tandis que la société a pour but de faire avancer les connaissances, en provoquant les découvertes, en favorisant et encourageant les voyageurs ; c'est pour cet objet important qu'elle a réservé ses ressources, non pour s'occuper des moyens de l'enseignement. Un foyer d'instruction, comme le dépôt général de géographie, secondera donc merveilleusement l' 49
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institution de la société française. Jomard.
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