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© L’Harmattan, 2009 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com
[email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-10010-7 EAN : 9782296100107
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Sociétés Africaines et Diaspora Collection dirigée par Babacar SALL Sociétés Africaines et Diaspora est une collection universitaire à vocation pluridisciplinaire orientée principalement sur l'Afrique et sa diaspora. Elle accueille également des essais et témoignages pouvant servir de matière à la recherche. Elle complète la revue du même nom et cherche à contribuer à une meilleure connaissance des réalités historiques et actuelles du continent. Elle entend également œuvrer pour une bonne visibilité de la recherche africaine tout en restant ouverte et s'appuie, de ce fait, sur des travaux individuels ou collectifs, des actes de colloque ou des thèmes qu'elle initie.
Déjà parus Me Boucounta DIALLO, La crise casamaçaise. Problématique et voies de solutions, 2009. Seidik ABBA, La presse au Niger. Etat des lieux et perspectives, 2009. Momar Sokhna DIOP, Quelles alternatives pour l’Afrique ?, 2008. Kodou WADE, Sexualité et fécondité dans la grande ville africaine, la cas de Ouakam, 2008. Ndiassé SAMBE, El Hadji Diouf, footballeur et rebelle, 2008. Seidik ABBA, Le Niger face au Sida : atouts et faiblesses de la stratégie nationale contre la pandémie, 2008. Mame Marie FAYE, L’immolation par le feu de la petite-fille du président Wade, 2008. Thierno DIOP, Marxisme et critique de la modernité en Afrique, 2007. Jean Joseph PALMIER, La femme noire dans le cinéma contemporain, 2006. Emmanuel EBEN-MOUSSI, L’Afrique doit se refaire une santé. Témoignage et réflexion sur 4 décennies de développement sanitaire, 2006. Vincent FOUDA, Eglises chrétiennes et Etats-nations en Afrique, 2005. Antoine WONGO AHANDA, La communication au Cameroun, 2005. Issa Laye THIAW, La femme Seereer (Sénégal), 2005.
$_h_m]c_h_ion Les personnes auxquelles je dois beaucoup et sans lesquelles cet ouvrage n’aurait certainement pas existé ne peuvent pas toutes être citées ici. Certaines, pour des raisons de sécurité et de protection de sources précieuses, ne peuvent pas l’être, d’autres n’auraient jamais apprécié que je les nomme, car pour elles, m’aider à faire ce travail est un devoir, auquel elles se sont astreintes, avec le sentiment et la fierté de s’acquitter d’une responsabilité morale. Ma dette est grande envers de nombreuses autres personnes. Je me permettrai d’en distinguer et d’en nommer certaines. Je pense ici à mon ami et frère Abdoulaye Ndiaga Sylla qui a accepté de lire le manuscrit, afin d’en extraire les scories et autres maladresses qui auraient pu amoindrir la qualité de l’ouvrage. Pour ses conseils avisés, pour son travail fastidieux de correction et d’édition, je ne saurai jamais le remercier à la mesure de son apport. Je manquerais à mes devoirs, si je n’exprimais pas ma gratitude à mon épouse pour sa patience et mes à enfants, pour accepter les arrivées tardives à la maison et les départs inopinés, alors qu’ils aimeraient apprécier davantage la présence d’un père souvent parti. J’exprime la même gratitude à l’égard de mes frères et sœurs pour leur soutien, je sais que j’en aurai encore besoin à la sortie de cet ouvrage qui ne manquera pas de déranger. Mes remerciements vont également aux amis et aux plus proches d’entre eux, je n’ai jamais rien entrepris sans leurs conseils éclairés. Je n’oublie pas Abdou Aziz Diop, enseignant à l’Issic qui a lu avec beaucoup de rigueur mon manuscrit et m’a convaincu d’en extirper certaines affirmations ou des allégations qui auraient pu allonger le texte, sans nécessairement lui apporter quelque chose d’essentiel. Je remercie le technicien qui s’est occupé de
l’infographie et du montage graphique des textes, Alioune Bâ. Mon complice de toujours qui a souvent été décisif dans tous mes ouvrages, Paul Négem, je dis encore une fois de plus merci. Merci pour tout. Je confonds dans les mêmes remerciements tous ceux et toutes celles qui ont directement ou indirectement rendu possible, grâce à leur présence à mes côtés, à leurs encouragements ou à leur sollicitude, la rédaction de ce livre.
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F0^c]Z]_ Au défunt confrère Norbert Zongo, je dédie ce document d’enquête. A chaque fois que je commence un travail d’investigation, je ne peux m’empêcher de penser à cette conversation que nous avons eue, en février 1998, chez toi, au Burkina Faso. Nous parlions tous les deux de notre passion commune pour le journalisme d’enquête et de son avenir dans notre continent. Nous discutions des risques, mais nous évoquions surtout les difficultés qui empêchent encore cette pratique journalistique de se répandre dans nos pays. On en a pourtant besoin sur cette terre d’Afrique, où nos dirigeants rusent la plupart du temps avec le peuple et se comportent souvent avec le bien public comme de véritables brigands. Et cela, plus qu’ailleurs dans le monde. Nous avions tort, je le reconnais aujourd’hui, de croire que les risques liés à la pratique de notre passion, n’étaient pas aussi réels que certains nous le disaient. Nous avions tort, dis-je, car dix ans après notre rencontre, je revenais chez toi, au pays des « hommes intègres » et me voyais désigné, par plus de cinq cents journalistes, pour rédiger et prononcer le texte de l’hommage qu’ils tenaient à te rendre sur ta tombe. Ce fut fait dans un bel élan de solidarité avec ta femme, tes enfants et avec toute ta famille. Nous étions venus nombreux de tous les pays du continent, et d’ailleurs, pour nous incliner sur ta tombe et dire haut et fort : plus jamais ça ! J’ai pensé, dans un souci permanent de perpétuer à jamais ta mémoire, proposer en guise de prologue à cet ouvrage, le texte lu ce jour sur ta tombe. Nous rappelions quelques faits te concernant. Treize décembre 1998. Norbert, tu es tombé, ce jour, sous les balles de tes assassins qui n’auront jamais le courage, comme tous les lâches, d’assumer leurs actes. Ils échappent, pour l’instant du moins, à la justice des hommes,
protégés qu’ils sont par ceux-là mêmes qui avaient la responsabilité suprême de veiller sur ta vie et sur celle de tous tes compatriotes. Nous espérons que cette Justice des hommes, jusqu’ici défaillante, par un heureux et salutaire retournement de l’histoire les rattrapera pour les châtier sévèrement. En attendant le jugement infaillible que leur réserve le Tout Puissant. Quand ces criminels retourneront à Lui pour rendre compte de leurs gestes ignobles. La transition est toute trouvée. Et elle s’offre à nous et nous permet de mettre en évidence le symbolisme qui s’attache à ce chiffre 13, dans la croyance chrétienne qui t’a vu naître et grandir. Les valeurs les plus nobles et les plus humanistes de cette foi ont toujours inspiré ton action professionnelle. Aussi, au risque de commettre un blasphème, vais-je m’autoriser une comparaison que d’aucuns pourraient trouver audacieuse, voire saugrenue. Mais que non ! Comme le Christ, ce chiffre vous aura été fatal. Lui, le Sauveur, de nos âmes, en payant de sa personne. Et toi, cher Norbert, pour le triomphe de la liberté d’informer, sur cette terre du Burkina Faso et au-delà de ses frontières. Tu es mort pour que cette liberté ne soit plus un simple credo professionnel inscrit au fronton de nos organes d’information, ni une simple pétition de principe politique destinée à apaiser les consciences malmenées de nos dirigeants, dont les discours en la matière n’ont aucune prise sur la réalité et sur le quotidien des citoyens. Ta liberté d’informer et la passion de ton métier ont toujours été mises au service d’un idéal : contribuer à éclairer ton peuple, en l’informant en profondeur et correctement. Et dans le seul et unique souci de faire reculer les frontières de l’ignorance. L’aider ainsi à s’affranchir de toutes les dominations, en particulier de celle des détenteurs du pouvoir. Pari audacieux et périlleux sur cette terre d’Afrique ! Cette terre où les ennemis de la liberté et du progrès des hommes, n’ont pas encore compris, hélas, qu’on ne tue pas des idées en supprimant les personnes qui les portent. Faut-il, alors, leur rappeler, ici, qu’on y arrive à 8
la condition de leur opposer des idées supérieures aux leurs. Comment ces ignorants qui nous gouvernent peuvent-ils le savoir ? Norbert, de la carcasse calcinée de ta voiture dans laquelle tes assassins ont abandonné ton corps carbonisé, s’élève une voix mystérieuse et grave, dans cet après-midi où tu as rendu l’âme. Et celle-ci répétant avec une force inouïe, le propos du philosophe qui martèle avec la même intensité de voix l’idée que : « La liberté est le sentiment des âmes élevées : elle produit les grandes actions, crée les grandes patries, et fonde les institutions durables ; elle se plaît dans l’ordre et la majesté ; elle s’allie avec tous les gouvernements, en dehors du despotisme. »
Tes assassins qui sont les alliés de ces despotes, commanditaires de leurs actes criminels, ne pouvaient pas naturellement entendre cette voix grave. Celle-ci ne rentre pas dans les oreilles des êtres non capables de générosité et qui restent aveuglés par leur quête de puissance et de pouvoir. Puissance et pouvoir souvent mis au service du mal. Le mal ? Oui, le mal. Et je te savais quelque peu préoccupé par le mal qu’ils étaient capables d’organiser et de perpétuer autour de toi. Préoccupé donc, par les risques auxquels expose la pratique du journalisme d’enquête, ici, en Afrique. Tu étais certes conscient de ces risques, mais tu n’as jamais été pris par cette peur paralysante qui devient finalement un obstacle insurmontable, pour tous ceux qui désirent s’engager dans cette voie du journalisme d’enquête. Sans être téméraire, tu faisais preuve d’un courage étonnant. Un courage marqué du sceau de cette lucidité et de cette clairvoyance qui ont permis au journaliste perspicace que tu as été de nous laisser des enseignements utiles. Et qui plus est, sont toujours d’une étonnante actualité. Je relis aujourd’hui avec admiration l’éditorial que tu as publié ce 25 juillet 1995. Tu écrivais avec élégance et avec beaucoup de bonheur pour nous lecteurs:
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« Cette capacité de se définir et d’exprimer sa conscience, nous l’avons perdue. Des intellectuels, jadis de renom, aux anonymes travailleurs, nous n’avons plus de personnalité au Burkina. Inutile d’indexer un coupable, cela ne nous soignera pas. Il faut s’attaquer au mal : il part de chacun de nous, il est en chacun de nous. Malicieusement ancré. »
Autrement dit, tu expliquais, non sans raison, que chaque Burkinabé avait renoncé au combat pour l’avènement d’une authentique citoyenneté. Celle qui fait de lui un acteur de sa propre histoire, non un sujet passif contemplant son déroulement. Tu pouvais, d’une certaine manière, le dire du Malien, mais aussi du Guinéen, du Sénégalais et de l’Ivoirien. Et de, que sais-je, encore ? Allons, Norbert ! Toi, tu n’as jamais renoncé. Tu n’as jamais déserté tes responsabilités. Et comme pour paraphraser Fanon, tu as su découvrir la mission de ta génération, assumer avec courage et lucidité ta part dans la conduite de cette mission. Et les actions que tu as engagées durant ta courte vie montrent que tu as bien compris le philosophe africain quand il enseigne: qu’« il n’y a pas de destins forclos, il n’y a que des responsabilités désertées ». Revenons à ce fameux éditorial signé par toi, ce 25 juillet et déjà cité en référence dans ce texte. Tu l’avais titré : « La quête ». La quête, disais-tu. Toute ta vie, tu as été en quête permanente de cette vérité utile et indispensable à la marche de toute société démocratique. Tu écrivais dans ce texte d’une très grande beauté poétique et philosophique, avec conviction et fort opportunément, ce qui suit : « (…) Seule cette quête de nouvelle citoyenneté sauvera ce pays. Il faut s’y attacher. La personnalité d’une nation est bien la somme des personnalités de ses citoyens. La quête individuelle est aussi collective. Elle est à elle seule une raison de vivre et de mourir. »
Mourir ! Un terrible mot. C’est toi-même qui le prononce, comme dans une sorte d’adresse prémonitoire. La mort est là, arrivée assez prématurément ce samedi 13 décembre 1998. 10
Elle est intervenue dans des conditions atroces et inhumaines. Et c’est ce qui pousse ta vieille mère à s’interroger, dans ce remarquable documentaire, « Bory Bana », dédié à ta mémoire par nos deux confrères, les réalisateurs : Abdoulaye Diallo et Luc Damiba. Stoïque et digne, la vieille dame, écrasée par le poids de la douleur de l’être inconsolable qui pleure l’irremplaçable, lâche devant la caméra: « Je m’explique qu’ils te tuent, sans pouvoir jamais le justifier. En revanche, qu’ils s’acharnent à brûler ton corps… Là, je ne comprends pas pourquoi ils se sont comportés ainsi. Je ne m’explique pas ce niveau de cruauté, ni cette bêtise humaine. »
Ta mère est toujours en quête d’une réponse qui ne viendra certainement jamais. Nous aussi, comme elle, ta femme et tes enfants, sommes en quête d’une hypothétique justice. Une justice pour toi. Une justice pour ceux qui croient à la liberté et aux valeurs humaines. Nous sommes cependant sans illusions dans cette quête. Nous savons que tu es mort pour avoir si souvent dénoncé les dérives du « Prince » et mis en évidence la corruption dans laquelle ce même « Prince » et son entourage sont englués et ont plongé une bonne partie de l’élite de ton pays. Comme disait l’autre autour de nous : « Tout cède aux ravages de cette corruption, rien n’y peut mettre un obstacle. La fortune et l’arrogance du prince montrent leur pouvoir là où aucune résistance n’a été préparée, et portent leurs fureurs là où elles savent qu’il n’y a point d’obstacles disposés pour les arrêter ».1
La Justice -le Prince en est tout à fait conscient- est un obstacle à son désir de puissance et de pouvoir. Il ne peut donc, de bon gré, renoncer au contrôle de celle-ci. La raison est simple : la Justice, la vraie, disons-nous, est naturellement cette force qui concourt avec les autres à la vertu d’une cité ? 1
Voir Machiavel : chapitre XXV du Prince.
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Si l’on en croit Platon (livre IV de la République). Ce type de justice nous manque encore dans nos pays. Inclinés sur ta tombe, nous professionnels d’Afrique et d’ailleurs, renouvelons un engagement : nous ferons tout ce qui est dans nos possibilités pour que justice te soit rendue : « La lumière de la petite lampe à pétrole trônant dans le hall du centre qui porte si majestueusement ton nom, s’éteindra le jour où cette justice te sera, enfin, rendue. »
Nous ne désespérons pas ! Pour conclure, nous réaffirmons le même engagement pour que Justice soit aussi rendue à notre confrère gambien Deyda Aïdara, lâchement assassiné par les despotes qui ont pris en otage son pays. Nous n’oublions pas Tahar Djaoud l’Algérien. Nous nous engageons à mener le combat le plus important : plus jamais ça sur cette terre d’Afrique. Nous nous battrons pour que d’autres confrères ne subissent pas le sort qui a été le vôtre. Nous vaincrons, car notre combat est juste et noble. Je suis également sûr que les faits que nous dénonçons dans cet ouvrage trouveront un jour écho auprès des juges et seront punis à la mesure des fautes commises. Je rappelle, enfin, qu’aux Etats-Unis, dans les années 40, lorsque le premier journaliste qui enquêtait sur cette pieuvre qu’est la mafia, est tombé sous les balles de ses tueurs, les membres de l’Association nationale des journalistes d’investigation ont fait sur son corps le serment suivant : « nous continuerons, ta mort ne nous arrêtera pas ». Tu es parti, nous continuons ! C’est aussi le sens de cet ouvrage. Sans perdre de vue que tes assassins sont aussi chez nous et reçoivent parfois leurs ordres de tuer des mal pensants comme toi, de personnes haut placées.
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%qZiodkmjkjn « On nous dépeint en justiciers : je sais l’injustice qui voit le faible subir la loi tandis que les plus forts agissent avec un sentiment d’impunité qui dépasse l’entendement »2 Eva Joly
J’ai décidé d’ouvrir cet ouvrage sur cette adresse que Fénelon - il fut prélat, théologien, écrivain français et grand éducateur - a faite en 1694 à Louis XIV, le « Roi Soleil », en lui envoyant une lettre anonyme, via Mme de Maintenon, son épouse morganatique, pour attirer l’attention de Sa Majesté, sur la vanité de son pouvoir et sur ses graves dérives qui risquent à tout moment de compromettre durablement la France, en tant qu’entité nationale. Si nous avons pensé aux mots de ce grand éducateur, après avoir fini d’enquêter sur la gestion de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci), par le fils du chef de l’Etat, c’est parce que nous sommes aujourd’hui profondément habités par la conviction que le Sénégal vit dans une quasimonarchie qui emprunte beaucoup de ses méthodes au règne du « Roi Soleil ». S’adressant donc au roi, Fénelon qui se présente comme l’un de ses plus fidèles sujets, lui dit : « Tout le monde le voit, et personne n'ose vous le faire voir. Vous le verrez peut-être trop tard. Le vrai courage consiste à ne se point flatter, et à prendre un pari ferme sur la nécessité. Vous ne prêtez volontiers l'oreille, Sire, 2
Citation d’Eva Joly, in Transparency International (2002) : Combattre la corruption : enjeux et perspectives, Karthala, Paris 2002. P.153. Elle a été juge d’instruction au pôle financier du tribunal de Grande instance de Paris. Elle a instruit les dossiers ELF, avant de démissionner. Elle a été Prix d’intégrité 2001 décerné chaque année par l’organisation non gouvernementale Transparency international. Eva Joly a été élue député européenne en juin 2009 sur la liste des écologistes français.
qu'à ceux qui vous flattent de vaines espérances. Les gens que vous estimez les plus solides sont ceux que vous craignez et que vous évitez le plus. Il faudrait aller au-devant de la vérité, puisque vous êtes roi, presser les gens de vous la dire sans adoucissement, et encourager ceux qui sont trop timides. Tout au contraire, vous ne cherchez qu'à ne point approfondir; mais Dieu saura bien enfin lever le voile qui vous couvre les yeux, et vous montrer ce que vous évitez de voir ».
Nous avons pris le pari de dire au « roi » sans adoucissement ce que son fils a fait de la mission qui lui a été confiée pendant quatre ans. Est-ce qu’il écoutera et entendra ? Pas sûr. Peu importe, d’ailleurs ! Le Peuple, lui, écoutera et entendra. Tant mieux ! En terminant la rédaction de cet ouvrage, j’en suis arrivé à la conclusion que ce qui s’est passé avec la création de l’Anoci et la manière dont l’agence a été gérée par le fils du chef de l’Etat, n’était possible au Sénégal que parce que nous vivons dans un Etat, où le président de la République, ses pratiques de gestion de l’Etat, comme celles observées par certains membres de son entourage proche, ne déparent pas trop certaines choses connues sous le règne du « Roi Soleil » en France et rapportées par les historiens. Ce qui était dénoncé dans la lettre de Fénelon, ce grand éducateur est, à certains égards, semblable à ce que nous avons constaté, en examinant et en soumettant à la critique juste le vrai bilan de l’Anoci. Un bilan exposé dans le détail dans cet ouvrage, pour que nul ne l’ignore. Seulement, à force d’écrire sur le pouvoir, d’en dénoncer les travers et de stigmatiser les innombrables manquements dans la gestion de l’Etat, j’en suis parfois sorti avec le sentiment qu’il est inutile de continuer. Inutile, tant l’indifférence apparente affichée par de nombreux Sénégalais, face aux dérives du régime en place que la presse n’a de cesse de dénoncer, est parfois déroutante pour tous les démocrates. Après avoir rédigé mon livre sur la gestion de la Loterie nationale sénégalaise et en ayant constaté l’indifférence avec laquelle les citoyens considèrent les 14
agissements des responsables de cette société d’Etat, j’en étais arrivé à me poser sérieusement des questions sur l’utilité de mon travail. Cette indifférence affichée presque par tous est à certains égards difficilement compréhensible. Sauf qu’on n’a jamais vu dans l’histoire un peuple mener spontanément un combat essentiel. Il a toujours eu besoin, à cette fin, de la direction d’une élite qui le conduise, l’encadre sur ce chemin et l’amène éventuellement à des victoires décisives. C’est cela qui rassure. J’ai également compris que le but de tous les régimes autoritaires est d’arriver à faire céder par l’intimidation, mais aussi souvent et surtout par le découragement savamment entretenu, tous ceux qui s’opposent à eux. Ils éliminent ainsi toux ceux qui leur opposent un point de vue critique. Je refuse de céder au découragement et avons décidé de reprendre la plume pour jeter la lumière sur l’Anoci et sur la conduite des travaux de la Conférence islamique. Certains, par leur manière de considérer et d’apprécier votre travail, vous dépeignent comme un justicier impénitent. Et en arrivent même à suggérer que vous menez un combat personnel. Un combat personnel qui, comme pensent les plus pervers d’entre nos critiques, est celui d’un homme frustré. Celui d’une personne aigrie, déçue de n’avoir pas reçu sa part du gâteau. A ceuxlà, j’oppose cette belle réflexion de l’ancienne juge Eva Joly qui explique bien le sens d’un engagement au service d’un idéal de progrès et de justice. Et cet engagement est d’autant plus fort et ira crescendo à mesure que notre pays s’enfoncera chaque jour davantage dans la corruption. La situation vécue à ce sujet renforce le sentiment chez de nombreux citoyens que l’intégrité n’est plus une valeur de base du service public et de la conduite des élites politicoadministratives. Or, comme disait Aristote: « Seul le meilleur doit servir l’Etat ». Est-ce que ce sont les meilleurs qui ont servi l’Anoci pendant les quatre années où elle a existé, comme entité administrative, chargée de conduire une importante mission de service public ? Beaucoup de faits 15
constatés au cours de nos enquêtes laissent penser que non. En tout état de cause, le bilan dressé par les autorités de l’Agence, le mardi 16 juin 2009, devant le Conseil de Surveillance ne suffira pas pour prouver aux Sénégalais que les responsables de l’agence ont été loyaux et corrects avec les deniers de l’Etat. Beaucoup de citoyens, cela a toujours été le cas, depuis que les rideaux ont été tirés sur le 11ème sommet de l’Organisation de la conférence islamique (Oci), nourrissent de fortes suspicions, quant à la transparence et à la probité des actes de gestion posés pour conduire la mission de l’’Anoci. Pour ma part, j’ai pris la responsabilité de m’intéresser de près à la gestion de l’Anoci. En le faisant, je suis certain de soulever le courroux et la vindicte des partisans du régime. Je suis de ce point de vue conscient des risques que je prends de nouveau. Il n’a jamais été aisé de parler du régime en place autrement qu’en chantant le chef et en participant à l’œuvre de construction de la mythologie personnelle de ce même chef. Critiquer le comportement de ses plus hauts responsables apparaît toujours, aux yeux de beaucoup de nos compatriotes, comme suicidaire. Ceux-ci ne sont pas pourtant des modèles en matière de gestion du bien public. Le risque est encore plus grand, quand il s’agit de parler de la gestion du prince et de la soumettre à une critique éclairante. Cela peut constituer une gêne réelle sur le chemin le conduisant tout droit vers le pouvoir et vers le sacre au suprême sommet. Un chemin que tente de baliser un père protecteur, parfois jusqu’à la déraison. D’une façon ou d’une autre, ce livre qui passe au peigne fin sa première expérience de gestion, pourrait constituer, dans un avenir plus ou moins rapproché, un élément, parmi tant d’autres, à partir desquels les citoyens pourront s’appuyer pour fonder leurs jugements définitifs sur lui. Tout y passera, le cas échéant : ses compétences, son sérieux et ses capacités à diriger un Etat. Cela pose un sérieux problème, dès lors que l’on sait que la famille et son entourage s’efforcent de présenter l’homme aux Sénégalais, comme le génie dont ils 16
auraient besoin, après le départ de « Dieu », le père. Et cela aggrave naturellement d’autant notre situation d’homme osant se mêler de choses qui ne le concernent point. Dans notre pays, la critique est la chose qui révulse le plus ceux qui gouvernent. Je suis cependant heureux de récidiver. Ma récidive est simple à comprendre : aucune démocratie ne peut espérer prospérer et atteindre un seuil de maturité qui confirme son irréversibilité, quand elle ne se nourrit pas et ne s’entretient pas à la source de la contradiction et de la critique porteuse de progrès. Du débat contradictoire et fécond jaillit la lumière éclairant judicieusement la marche de la démocratie. L’Anoci ne peut pas livrer un bilan de ses actions et activités menées au cours de ces quatre dernières années, en éludant les vraies questions soulevées par sa gestion des chantiers de la Conférence islamique. Et espérer en même temps que les citoyens se taisent ou applaudissent à tout rompre « les prouesses du fils du roi ». Cet ouvrage est un moyen pour dire non, nous refusons d’être réduits à des spectateurs passifs, face à notre propre histoire. L’Autorité de régulation des marchés publics a décidé de conduire un audit sur la passation des marchés de l’Anoci. C’est une bonne chose. Karim Wade appelle au débat et invite Ousmane Tanor Dieng sur les antennes d’une télévision privée à venir débattre avec lui. Le débat n’a pas eu lieu et ne pouvait pas avoir lieu. Celui qui en a eu l’initiative jouait en fait son petit numéro d’enfant gâté, il savait pertinemment que l’intéressé ne répondrait à son invite. C’est bien que le fils du chef de l’Etat fasse publiquement cette invite. Elle ne m’est pas adressée. Certes ! Il n’empêche, j’ai décidé de verser dans le débat, en attendant que Karim Wade trouve un interlocuteur pour débattre, des éléments qui permettront aux citoyens de se faire dors et déjà une idée de sa gestion de l’agence. Nous prenons la parole pour participer à un débat nécessaire et utile pour l’avenir de ce pays. Sans aucune prétention. Et sans rancœur !
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~iomj^p]ocji De la bonne ou de la mauvaise conduite des rois et des chefs dépendront la prospérité du sol, le régime des pluies et l’équilibre des forces de la nature ». Amadou Ampâté Bâ
Non, l’Anoci n’a pas utilisé 72 milliards de FCfa pour les travaux réalisés dans Dakar. Elle en a dépensé beaucoup plus. Elle en a dépensé au moins le double. A cet égard, il importe de distinguer le coût des travaux initiés dès l’ouverture des chantiers, des autres relatifs à des prestations liées aux travaux de base et de toutes les autres dépenses diverses générées par l’organisation du sommet. Nous parlons ici, de toutes les dépenses ordonnées par l’Anoci, même si les contrats y afférents ont été signés par d’autres responsables de l’Etat, comme des ministres et autres fonctionnaires. De ce point de vue, nous sommes à même de dire que l’Anoci a dépensé pour l’organisation de la conférence islamique une somme totale de 205 milliards 211 millions de FCfa. Nous avons pu reconstituer toutes ses dépenses, en épluchant les comptes présentés dans le rapport de contrôle de gestion de l’agence, dans celui lu par le Directeur exécutif de l’agence devant le Conseil de surveillance lors de la clôture de l’exercice 2006. Nous y sommes également arrivé en examinant le budget de l’exercice 2008, tel qu’adopté par le Conseil de surveillance en octobre 2007. Nous avons aussi pu avoir accès au rapport 2006 du commissaire aux comptes de l’agence (C.A.G.E.C SUARL), présenté le 31 décembre 2006. Nous avons obtenu copie de l’ensemble de ces documents et avons travaillé et rédigé cet ouvrage à la lumière des données disponibles. Nous avons à cet effet consulté le site officiel de l’Autorité de régulation des marchés publics. En examinant ce site,
nous y avons relevé, pour la seule année 2008, un nombre total de 41 contrats divers signés par divers ministères de l’Etat et le Secrétariat général de la présidence de la République, concernant des travaux divers et des prestations réalisés pour le compte de l’Anoci. Enfin, nous avons interrogé plusieurs personnes, des hauts fonctionnaires de l’Etat, en affectation à l’époque de l’organisation de la Conférence islamique ou dans les différents ministères, à la présidence de la République et même à l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique(Anoci). Pour compléter le tableau, nous avons procédé à plusieurs recoupements et à des lectures comparées, entre des documents (décrets de virements de crédits), signés de la main du chef de l’Etat et accordant plusieurs milliards de fonds à l’Anoci. De cette moisson fructueuse, nous avons rédigé cet ouvrage. C’est dire que ce livre a été essentiellement informé sur la base de documents officiels que l’Anoci elle-même a préparés et adoptés et des documents fournis par l’Etat. Aucune esquive possible, car ce sont les chiffres de l’Agence qui sont rapportés dans cet ouvrage. Nous avons pu collecter beaucoup d’informations, à partir des recoupements de dépenses, opérés de façon méticuleuse, relativement à plusieurs réaffectations de crédits concernant les années 2007 et 2008. Les informations obtenues de ces sources officielles font apparaître des transferts massifs de crédits ordonnés pour payer d’importantes dépenses ordonnées sur la base de nouvelles prestations générées par la signature de plusieurs avenants aux contrats de base signés, en faveur des entreprises, ayant eu en charge les travaux de l’Anoci. Les 205 milliards 211 millions de FCfa de dépenses effectives et réelles de l’Anoci comportent un chapitre ou une composante nommée : « Aménagement des bureaux du siège de l’Anoci ». Ce poste a englouti la somme de 750 millions de FCfa. Celle-ci a servi à l’aménagement des bureaux du président du Conseil de surveillance, M. Karim Wade et à l’équipement des bureaux 20
de ses collaborateurs. Ils ont été logés aux 1er, 2ème et 3ème et 10ème étages de l’immeuble Tamaro. C’est cela que les dirigeants de l’Anoci n’ont pas voulu dire aux parlementaires. C’est aussi cela que Messieurs Karim Wade et Abdoulaye Baldé tentent de cacher. Ils ne le diront jamais. Sauf contraints et forcés. L’Anoci n’a jamais pu mobiliser 432 milliards de FCfa. Pure affabulation ! Le décompte que nous avons pu établir à partir de leurs documents indique qu’une somme globale de 172 milliards de FCfa ont été effectivement mobilisés (emprunts divers, dons et autres). Abdoulaye Baldé l’avait déjà annoncé, lors d’une visite intervenue en fin janvier 2008. Les montants annoncés ont été en fait mobilisés par le biais de la coopération financière internationale qui, sous l’impulsion du ministère de l’Economie et des Finances, a utilisé les réseaux classiques et traditionnels de la coopération mise en route depuis l’aube des indépendances. En cas de besoin, le ministre des Affaires étrangères intervenait, dans le strict champ de ses compétences, pour pousser les requêtes de financements. C’est un bluff et un leurre que de tenter de faire croire que c’est l’Anoci qui a mobilisé ces 172 milliards de FCfa qui, au demeurant, agrègent dans une même et unique enveloppe, des fonds publics et privés investis en fonction d’un agenda et d’objectifs propres aux investisseurs concernés. Compte non tenu de l’agenda de l’Anoci. Dans certains cas, la coïncidence a été qu’il y a eu une rencontre entre deux programmes : la volonté de privés d’investir dans l’hôtellerie au Sénégal a coïncidé avec l’ambition des responsables de l’Anoci de mettre en place un important programme de construction de sites hôteliers, en prélude au sommet de l’Oci. Cela est particulièrement vrai dans deux cas au moins : l’hôtel le Terrou Bi et le Sea Plaza. Pour les Sénégalais, certes la question des fonds mobilisés est importante, mais celle de savoir si les dirigeants de l’Anoci ont eu un comportement diligent et responsable dans la gestion de tels fonds, l’est encore plus. Au regard de tous ces faits, la 21
question aujourd’hui posée est celle de savoir si les dirigeants de l’Anoci ont eu un comportement irréprochable. Est-ce qu’ils ont eu cette sagesse dont parle l’écrivain Amadou Hampâté Bâ et telle qu’elle s’affiche à l’entame de cette introduction ? Amadou Hampâté Bâ indique ainsi à nos dirigeants le chemin à emprunter pour conduire le destin d’une nation. Messieurs Karim Wade et Abdoulaye Baldé ont-ils suivi ce chemin dans la conduite de la mission de l’Anoci ? Nous ne le pensons pas. Qui sont d’ailleurs, parmi les élites dirigeantes actuelles, celles qui incarnent cette belle sagesse enseignée par le patriarche peul ? Elles sont rares, pour ne pas dire inexistantes. Et c’est la raison pour laquelle nos pays sont encore englués dans le sous-développement que l’on connaît et peinent à en sortir. Leurs dirigeants ne leur donnent aucune chance de trouver des moyens d’en échapper. Chaque dirigeant est occupé, dès qu’il est en charge d’une parcelle d’autorité de l’Etat, à travailler pour son compte, en transformant ce qui devrait être un sacerdoce en une sinécure, mise à son service personnel, à celui de sa famille, de son clan et de la confrérie à laquelle il appartient. Il est lui-même au service d’intérêts particularistes captifs. L’examen de la gestion de l’Anoci démontre la propension de certains responsables de l’Etat à gérer le bien public sans trop d’égards pour les règles fondamentales de l’orthodoxie et de la transparence. Depuis le jour où le fils du chef de l’Etat a été nommé à la tête du Conseil de surveillance de l’agence, beaucoup de Sénégalais n’ont jamais cessé de se montrer préoccupés. Préoccupés, par rapport aux capacités de l’homme, au manque de préparation de l’intéressé à assumer la charge, avec un maximum de bonheur pour l’Etat et pour la nation. La décision de son père qui l’a nommé le 10 juin 2004 à la tête de l’Anoci, avait quelque peu irrité beaucoup de Sénégalais. Une irritation compréhensible dans la mesure où les traditions de ce pays ont toujours tenu à l’écart des affaires publiques et de la marche de l’Etat la famille directe du chef de l’Etat en exercice. Contrairement à 22
ce qui se passait dans la plupart des pays africains, le Sénégal apparaissait, à la fois, sous les présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, en dehors de cas notoires décriés à l’époque, comme un exemple à part. Un bel exemple du reste qui n’avait pas encore poussé le népotisme –il aura causé beaucoup de torts aux pays africains-, aussi loin en réservant aux enfants du chef de l’Etat des postes de choix dans l’Etat et dans l’Administration publique. Avec Abdoulaye Wade, la couleur a été annoncée peu après son installation, avec l’arrivée, depuis Londres, de son fils Karim Wade venu occuper, auprès de lui, les fonctions de conseiller spécial. Le conseiller très spécial du reste avait été précédé au palais par sa sœur, Sindiély Wade, venue de Suisse où elle travaillait dans un cabinet d’audit, pour devenir l’assistante de son père. Les deux enfants du président de la République s’incrustent ainsi au cœur de l’Etat. Il faut tout de même relever une nette différence entre les deux. La fille est discrète, se montre raisonnable et soucieuse d’aider son père dans sa tâche, de façon positive et efficace. L’autre, le fils, manifeste des ambitions débordantes et se positionne plus que de raison dans les affaires de l’Etat. Il se croit investi d’une mission en tentant de régenter, avec l’assentiment du père, des secteurs entiers de la vie publique nationale. En fait, des secteurs et des matières qui relèvent pourtant normalement de la responsabilité et d’attributions propres à des ministres désignés à cet effet. Finalement, le chef de l’Etat a décidé d’en faire un super ministre bien placé au cœur du gouvernement et de l’Etat. Les choses sont ainsi plus claires. Le décret délimitant son champ de compétences et ses attributions donne une idée de l’immensité des pouvoirs du fils du chef de l’Etat. C’est son statut de président du Conseil de surveillance de l’Anoci, ou plutôt son statut incontestable de patron de l’agence créée sur mesure pour lui, qui lui a mis le pied à l’étrier. Il lui a aussi donné goût au pouvoir. C’est bon et jouissif d’être influent. C’est mieux, ont dit certainement son père et lui, quand on dispose à la fois du 23
pouvoir et de l’influence. L’aventure au cœur des affaires de l’Etat peut alors commencer ou continuer. Elle ne se déroulera pas tranquillement, sans que des comptes soient rendus à la nation. Des comptes sont exigés pour sa gestion précédente. Ils ont beau simuler et esquiver, Karim Wade et ses amis de l’Anoci, même protégés par le président, ne pourront jamais échapper à cette exigence de la démocratie. Ils se refusent encore à rendre compte, dans la transparence et la loyauté, de leur gestion. Rien d’étonnant. La vérité est que l’état des comptes laissés à l’Anoci, par lui et ses collaborateurs, ne plaide guère en leur faveur. Ils ne magnifient point leur clairvoyance et leur habilité à gérer. Ce n’est certainement pas au moment où le fils du président s’installera à la tête d’un important département ministériel qu’il se décidera à parler vrai aux Sénégalais. Nous étions parmi ceux qui craignaient beaucoup pour les conséquences éventuelles de la confirmation de la nomination du fils du président à la tête de l’Anoci. Les uns et les autres se montraient si inquiets de sa présence à la tête l’agence, qu’un changement de dernière minute avait décidé de son sort. Nous savions que son père avait d’abord nommé le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères à sa place, pour diriger le Conseil de surveillance de l’Anoci, comme en atteste le décret 2004-80 du 23 janvier 2004. A ce sujet, l’éditorialiste Issa Sall renseigne: « Il a fallu beaucoup de contorsions pour mettre en place la direction de l’Anoci. En créant l’Agence, le décret 2004-80 du 23 janvier 2004 mettait en avant le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l’Economie et des Finances. Le premier assurait la présidence du Conseil de surveillance, le second nommait un comptable public au sein de l’Agence. Le Directeur exécutif qui est le premier organe à côté du Conseil de surveillance était donc l’administrateur de l’Agence et surtout l’ordonnateur du budget (3-8 dudit décret) ».
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Le président de la République avait en toute logique, nommé son ministre d’Etat, ministre des Affaires au poste de président du Conseil de Surveillance, avant de revenir sur sa décision quelques jours après. Sur demande ? En juillet 2003, nous écrivions, dans notre ouvrage consacré à l’alternance intervenue en 2000, ce qui suit. « Nous ne sommes pas en monarchie. Les mœurs et les traditions républicaines qui nous inspirent ont établi certaines règles. Elles nous ont aussi imposé une pratique. Nous devons non seulement la sauvegarder, mais mieux, la renforcer. La consolidation de notre Etat de droit et la cohérence de sa marche sont à ce prix. La famille au premier degré du chef de l’Etat, son fils, notamment, accepte d’assumer des charges publiques. A partir de ce moment, Karim Wade doit accepter d’en assumer tous les risques. Ceux qui procèdent essentiellement du droit qui revient aux citoyens d’exiger des comptes et de les soumettre à la critique, de le prévenir, au besoin de le mettre en garde ».3
L’une des réactions les plus fortes à cette nomination a été celle d’un homme politique, Abdoulaye Bathily. Ce dernier fut sans ambages dans ses propos. Il déclarera à ce sujet: « L’Anoci s’occupe de tout. D’importation de pétrole, de constructions d’infrastructures… tout cela sera logé à la présidence de la République (….) L’Anoci de Karim Wade fonctionne comme un gouvernement parallèle. Et on la voit dans tous les secteurs vitaux où il y a de l’argent. Et c’est le fils du président de la République qui s’occupe de tout ça (…). C’est indécent que le président de la République mette son propre fils dans de tels deals financiers. C’est immoral ».
La charge a été dure. Sans aucun doute. Cependant au moment des comptes, on perçoit mieux et on comprend à sa juste mesure le sens de l’indignation, voire de la colère de l’homme politique. Ce dernier n’avait pas du tout, c’est le 3
Voir Coulibaly Abdou Latif (2003) : Un opposant au pouvoir, l’Alternance piégée : Dakar, Editions Sentinelles, P. 216.
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moins qu’on puisse dire, apprécié le fait que Karim Wade soit placé là où il a été mis par son père, pour gérer, avec le Secrétaire général de la présidence de la République, Abdoulaye Baldé, l’organisation, à Dakar, de la Conférence islamique. Un bilan tronqué, fait d’amalgames, de beaucoup de contrevérités, de dissimulations et d’omissions graves. Tout cela justifie a posteriori les fortes appréhensions manifestées dès la nomination de Karim Wade. Le bilan présenté devant le Conseil de surveillance de l’agence et devant la représentation nationale, tente de rendre compte des activités de l’Anoci. Il soulève beaucoup de controverses. Et pour cause ! Il est sommaire et reste totalement muet sur le détail des comptes, sur la nature des dépenses, sur leur volume global et sur les motifs réels de toutes ces dépenses. Celles-ci sont tout de même immenses et posent une question d’opportunité, au regard des faibles moyens de l’Etat du Sénégal et des priorités à arrêter en matière de dépenses publiques. Les dépenses réalisées nous interpellent fortement, du fait qu’elles sont essentiellement concentrées dans la capitale, dans des proportions défiant toute logique. Elles nous interpellent aussi, au vu de l’état global et physique des infrastructures qui en sont sorties. Le but de cet ouvrage est d’aider les citoyens à mieux lire et à mieux saisir les manquements et les insuffisances du bilan qui leur a été présenté par les responsables de l’Anoci. A l’entame de notre texte, nous craignions que les informations et les analyses que nous proposions de rendre publiques, ne soient rendues sans objet par la décision des responsables de l’Anoci de dresser publiquement le bilan de leurs activités. Si nous avons au départ nourri ces craintes, c’est parce que nous pensions que Karim Wade et Abdoulaye Baldé mettraient à la disposition du public les informations et les données qui sont disponibles dans le rapport d’audit qu’ils ont euxmêmes commandé. Rien de tout de cela ne se fit. Il y avait d’ailleurs quelque chose qui nous laissait penser qu’en dépit du caractère indulgent et très complaisant de l’audit en 26
question, il serait difficile pour Karim Wade et pour Abdoulaye Baldé, les deux responsables de l’Anoci, de révéler le niveau des coûts et l’ampleur des dépenses effectuées pour réaliser les travaux des chantiers. Tant cellesci nous paraissent extravagantes et fantaisistes. En effet, ni devant le Conseil de Surveillance, ni devant la représentation nationale, les deux acolytes n’ont osé révéler la vérité sur les dépenses de l’Anoci. Ils ont tenté de donner un bilan en se contentant de généralités déjà largement connues, même du grand public, avant la lecture publique de leur bilan. Les deux chiffres majeurs révélés au public dans ce bilan sont inexacts, à tous les points de vue. L’un, le chiffre de 72 milliards de FCfa annoncé, indique le volume des de l’argent utilisé (les dépenses) et l’autre, celui de 432 milliards de FCfa est présenté comme le montant global des sommes effectivement mobilisées par l’Anoci. En réalité, rien n’est moins faux. Les sommes théoriquement mobilisées par l’Anoci ont été en fait obtenues par les soins de la coopération financière internationale que notre pays entretient avec les pays arabes et qui est placée sous la direction du ministre de l’Economie et des Finances. Ce dernier a bénéficié, au cas où cela s’imposait du concours du ministre des Affaires étrangères. Si 432 milliards de FCfa ont été effectivement mobilisées, ils ne l’ont pas été par les actions des responsables de l’Anoci. Quant au chiffre de 72 milliards de FCfa, les enquêtes que nous avons menées nous permettent d’affirmer que les dépenses occasionnées par les travaux de l’Anoci constituent plus du double de tels montants. C’est cela la vérité historique. Ce livre est justement le résultat condensé de toutes ces enquêtes. Il aidera à faire éclater la vérité sur la gestion de l’Anoci et à donner au citoyen des moyens d’appréciation de ce qui se passait réellement dans la conduite de tous ces chantiers. Comme pour paraphraser un journaliste du journal français le Canard Enchaîné, il ne s’agit point dans cet ouvrage de pousser des cris d’indignation. Il est plutôt question de faire 27
la lumière, en braquant le projecteur de l’investigation sur le festival de milliards organisé par l’Anoci. Il ne s’agit pas non plus de polémiquer avec les mots. On peut à la limite considérer qu’il s’agit, ici, d’une polémique avec les faits. Polémiquer avec les faits ? Oui, en tentant du mieux possible de les exposer dans leur nudité crue, avec le maximum de rigueur et en les interprétant correctement, avec le seul souci d’en faire saisir la quintessence par le citoyen qui, en définitive, est le seul juge dans cette affaire des chantiers de l’Anoci.
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2o @_ nZocn`_]co ^_ f~%a_i]_ L’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci) a réuni le mardi 16 juin 2009 son Conseil de Surveillance à l’effet d’examiner le bilan de clôture de l’agence. Le bilan a été présenté par son Directeur exécutif, Abdoulaye Baldé qui l’a défendu avec le concours de son président, le ministre d’Etat, Karim Wade. C’est ce dernier qui a présidé la réunion. Au cours de la rencontre, les membres du Conseil ont entendu un rapport d’activités générales et un rapport sur des missions spécifiques qui se sont toutes déroulées sur une longue période. Une période allant de l’année 2004 à 2008. Les membres du Conseil ont ainsi été informés sur l’ensemble des activités et sur toutes les procédures relatives à la gestion de l’agence. A cet égard, les membres du Conseil présents ont reçu l’assurance que toutes les activités de l’Anoci s’étaient normalement déroulées. L’authenticité des comptes présentés a été certifiée, ont révélé les dirigeants de l’agence, par un audit qui a été réalisé par le Cabinet d’audit international Cice. Le communiqué publié à la suite de la rencontre, nous apprend que : « Tout a été bien fait à l’Anoci (…) Les travaux se sont déroulés dans des conditions optimales de sécurité et de confort conformément aux règles protocolaires et au strict respect du cahier des charges de l’Oci ».
Le bilan présenté au Conseil de surveillance de l’Anoci par son Directeur exécutif et par le président du Conseil de surveillance de l’agence note que :
« Le budget d’investissement initialement fixé à 376 milliards de FCfa, s’est finalement stabilisé à 432 milliards de Fcfa, dont 77.980 milliards de FCfa ont permis de réaliser les projets exécutés (corniche I et II et VDN), 28 milliards de FCfa sont prévus pour la réalisation de la route de Ouakam et la route de l’aéroport non encore exécutées. 104.5 milliards de FCfa sont prévus pour financer la mise à niveau de la route nationale allant de la place du millénaire à l’aéroport de Ndiass (subdivisée en trois tronçons). 32 milliards de FCfa ont été mobilisés au titre de subvention et enfin 194,5 milliards de FCfa l’ont été au titre de l’investissement prévu pour les hôtels ».
L’Anoci insiste dans son communiqué de presse sur deux points majeurs au moins. Le premier point évoqué: les dirigeants de l’agence assurent que celle-ci a été régulièrement contrôlée, durant tout son fonctionnement par le Conseil de surveillance qui comprend, des membres du gouvernement, des parlementaires, des ambassadeurs, des organes de contrôle de l’Etat, des organisations de la société civile comme la Raddho, le Forum Civil et le Synpics. Et enfin, le deuxième point mis en évidence : l’Anoci a tenu à préciser, qu’au titre de la gestion des ressources, qu’elle n’a géré directement que son budget de fonctionnement, conformément aux règles de la comptabilité du Syscoa (c’est le système comptable en vigueur dans tous les pays regroupés dans le cadre de l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires : Ohada). L’agence précise dans le même communiqué qu’elle a également fait l’objet de contrôles de gestion et d’audit permanents, assurés par un cabinet international d’audit recruté par appel d’offres international, à savoir le Cice- Sénégal. Le communiqué diffusé par les responsables de l’agence, à la suite de la réunion du Conseil de surveillance affirme de façon nette : « Qu’elle était seulement comptable de son budget de fonctionnement, elle n’a donc pas géré le budget relatif aux investissements. C’est ainsi que les conventions de financements ont été signées par le ministère de
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l’Economie et des Finances qui les a inscrites dans le budget de l’Etat. Les entreprises en charge des travaux ont été directement payées par les bailleurs de fonds sans que les financements ne transitent par l’Anoci, après un audit réalisé par ceux-ci. Dans le même registre, les projets routiers ont systématiquement fait l’objet d’un appel d’offres international, au cours duquel toutes les étapes ont été validées par les bailleurs de fonds et les différentes structures concernées de l’Etat ».
L’Anoci se montre très fière de ses réussites, en ce qu’elle est parvenue, dit-elle, par les démarches entreprises par elle et : « Par ses différentes équipes à trouver des partenaires et des bailleurs de fonds pour le 11ème sommet de l’Oci. Cela a permis d’attirer l’attention d’investisseurs des pays membres de l’Oci et musulmans sur les projets et le potentiel du Sénégal. Ce qui a aussi permis de mobiliser des investissements pour la réalisation de projets qui vont au-delà du sommet avec notamment la zone économique spéciale intégrée ».
Le communiqué de l’Anoci note aussi, avec une nette pointe d’autoglorification, relativement à ses propres prestations, comme en témoignent du reste le ton et les mots utilisés dans le texte publié: « Le conseil de surveillance relève avec satisfaction que pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, une structure chargée d’organiser un sommet international a régulièrement rendu compte de l’exécution de sa mission ».
Pour l’ essentiel, c’est l’économie que l’on peut faire de l’ensemble des informations et données proposées aux Sénégalais par l’Anoci, pour faire le bilan des activités de l’agence. Court, tout de même ! Les informations et les données présentées par la direction de l’Anoci ne laissent pas à l’opinion beaucoup de matériaux pour se faire une idée précise et exacte de ce qui s’est réellement passé au cours des quatre années d’existence de l’Anoci. Il va falloir trouver autre chose, pour déterminer le comportement de ses 31
principaux dirigeants et leur diligence quant à la gestion de l’agence opérée pendant quatre ans. Cela est d’autant plus important que certains dirigeants de l’agence ont affirmé de façon forte à la face de la nation, qu’ils sont riches et disposent de moyens que leurs amis arabes leur ont gratuitement offerts. Abdoulaye Baldé qui a fait cette sortie à Ziguinchor, en mars 2009, au cours de la campagne électorale pour les locales, a surpris et inquiété plus d’un Sénégalais, quand après avoir géré l’Anoci pendant quatre ans, il se déclare riche comme Crésus. Comment Abdoulaye Baldé a-t-il été enrichi par ses amis arabes ? Les sociétés arabes qui ont été imposées aux sociétés sénégalaises pour constituer des groupements, en vue d’exécuter les travaux n’ont absolument pas participé à l’exécution des chantiers. Elles ne pouvaient donc, par conséquent, prétendre à aucun partage de chiffre d’affaires, comme c’est généralement le cas, quand des entreprises s’associent pour exécuter ensemble des marchés précis. Les entreprises arabes se sont contentées d’exiger des partenaires sénégalais le paiement de commissions négociées entre 15 et 25% du chiffre d’affaires global de chaque marché exécuté. Concernant le marché de la route de Ouakam que Bara Tall avait gagné, son associé arabe avait exigé 25% de commissions, ce que le patron de JLS avait refusé. Des fonctionnaires qui sont parfaitement au courant du dossier expliquent la gourmandise manifestée par la partie arabe. Cette gourmande s’explique par le fait que les Arabes devaient payer en retour des commissions à des intermédiaires. Quels intermédiaires ? Pour l’instant, les documents que nous avons consultés, ne nous ont pas permis d’identifier ces intermédiaires. Pour en revenir au cas Abdoulaye Baldé, nul ne doute que ce dernier aurait énormément de mal si toutefois il lui arrivait qu’on lui demande d’identifier publiquement les amis arabes qui l’ont enrichi. Il en aurait davantage eu s’il devait expliquer pour quelle raison les Arabes lui ont donné de l’argent, pour en faire un homme riche comme Crésus. En vérité, après les 32
explications fournies par l’Anoci et qui tiennent lieu de bilan, moult interrogations habitent encore beaucoup de nos compatriotes. Ceux-ci se montrent exigeants et soucieux de transparence dans la gestion des comptes publics. Le bilan lu devant le Conseil de Surveillance et ensuite devant les parlementaires du pays, se présente, tout compte fait, comme une véritable esquive. Celle-ci se veut astucieuse, pour éviter de révéler aux Sénégalais la vérité sur les chiffres de l’Anoci, alors que cette vérité est indispensable et nécessaire. Elle l’est d’autant plus que les responsables de cette gestion ont la prétention de prendre demain la direction du pays, pour le « construire ». On ne peut pas gérer autant de milliards, pour le compte de l’Etat, et s’en sortir en guise de bilan de son action, par une simple pirouette. Une pirouette consistant à dire au peuple : circulez, il n’y a rien à savoir sur notre gestion. Il faut des comptes clairs et précis, si l’on veut convaincre les Sénégalais, que l’argent prêté par les Arabes à notre pays, a effectivement et exclusivement servi à construire des infrastructures et à organiser la Conférence au sommet de l’Oci. Mais qu’il n’a pas plutôt servi à garnir des comptes en banque de particuliers. Des comptes détenus par des hommes et des femmes qui ont profité de leurs positions au sein de l’Etat, car assurés de pouvoir compter sur des protections diverses au sommet de l’Etat, pour spolier le patrimoine de la nation.
@~_nlpcq_ k_p Znop]c_pn_ ^_ f~%ij]c L’Anoci se félicite, comme le note le communiqué de presse publié à l’issue de la réunion de son Conseil de surveillance, d’être la seule structure officielle, depuis que le Sénégal existe, ayant été mise en place pour organiser un sommet, à avoir régulièrement rendu compte du déroulement de sa mission. On peut cependant lui rétorquer que le compte – rendu qu’elle a fait de cette mission, projette encore plus d’ombre sur sa gestion, qu’elle n’apporte de lumière et de réponses aux nombreuses questions que les Sénégalais se 33
posent, sur ses dépenses et sur l’utilisation de l’argent public. C’est mentir que de dire que c’est la première fois qu’un organe de l’Etat rend des comptes, comme l’Anoci l’a fait, à propos d’une tâche qui lui a été confiée. C’est aussi mentir que de tenter de faire croire au peuple que la réalisation des chantiers ouverts à la veille de la Conférence Islamique a couté 101 milliards de FCfa. Dans les faits, ces réalisations ont coûté beaucoup plus que le double des sommes ainsi avancées. C’est l’audit effectué par les auditeurs de l’Anoci et le rapport du contrôle de gestion qui l’établissent de façon formelle. Une autre source indique également le contraire. En effet, l’analyse opérée sur les virements de crédits notés dans les budgets 2007 et 2008, infirme les affirmations de l’Anoci. Ces virements de crédits ont dégagé d’importantes sommes d’argent qui ont été consacrées aux investissements de l’Agence. Plusieurs contrats éclatés dans le budget de plusieurs départements ministériels ont aussi permis l’exécution de nombreuses dépenses pour le compte de l’agence. Nous reviendrons sur toutes ces dépenses dans nos prochains développements. Avec des chiffres tirés de l’audit réalisé par le cabinet CICE International dans son rapport de contrôle de gestion, cet ouvrage essaie de corriger les dirigeants de l’Anoci. Le nom de ce cabinet a été souvent mentionné dans les différents documents de l’Anoci. Il a été en effet souvent évoqué pour donner crédit aux affirmations des dirigeants de l’agence. La vérité est que ces dirigeants prennent les Sénégalais pour ce qu’ils ne sont pas : des demeurés qui peuvent tout avaler. Quand on lit bien le communiqué diffusé au lendemain de la réunion du Conseil de surveillance, on reste frappé par la parade de ses dirigeants consistant à dire que nous n’avons pas géré directement les sommes payées aux entreprises qui ont réalisé les travaux. Et d’ajouter implicitement : on ne peut donc en dresser un bilan. Allez donc le demander au ministère de l’Economie et des Finances qui l’a fait à notre place. C’est tout de même facile ! Tous les honneurs à nous. 34
Et les problèmes qui jettent le déshonneur aux autres. C’est bon d’être fils de chef ! Tout le monde sait que les choses se sont déroulées autrement. C’est l’Anoci qui a ordonné toutes les dépenses payées par le ministère de l’Economie ou par un autre ministère technique. Et plusieurs ministères ont été sollicités à cet égard. En plus d’avoir fait ordonner les dépenses payées, l’Anoci a piloté les chantiers, choisi les entreprises et validé toutes les dépenses décidées par elles. Mieux ou pis, c’est l’Anoci, elle – même, qui a fixé le volume des travaux et décidé de toutes les opérations qui ont amené l’Etat à consacrer des sommes d’argent faramineuses à ses travaux. Et les résultats auxquels ont abouti les chantiers ouverts sont plus ou moins douteux. De nombreux techniciens estiment que les travaux réalisés présentent des garanties très peu fiables dans le moyen et le long terme. Comment l’Anoci peut-elle croire que les Sénégalais accepteront d’avaliser son argumentaire et lui donner quitus de sa gestion ? Elle se décharge, se défausse plutôt et sans élégance sur les autres, en particulier sur le ministère de l’Economie et des Finances, pour tenter ainsi de réduire sa responsabilité dans sa propre gestion à un strict minimum. Le communiqué de l’Anoci affiche une satisfaction totale de ses dirigeants, quant à la réussite notée dans leur tâche de mobilisation de ressources étrangères, arabes en particulier. En réalité, le triomphalisme affiché tente de masquer un échec cuisant à cet égard. L’Organisation de la conférence islamique à Dakar a saigné le Trésor public et a accéléré la crise financière dans laquelle se débat aujourd’hui le Sénégal. Les avances de fonds et autres moyens de contournement des règles budgétaires ont coûté à l’ancien ministre délégué au Budget son poste et expliquent également, en partie, la démission de l’ancien ministre Abdoulaye Sow, son successeur à ce département. Les avances de fonds ont entraîné d’importants dépassements budgétaires. Ceux-ci n’ont jamais été aussi massifs et aussi généreux, en dépenses publiques. Quand l’Anoci a assailli 35
les finances publiques pour l’achèvement de ses travaux, on n’a jamais vu pareil, en termes de dépense. La gestion budgétaire a été une catastrophe jamais égalée dans ce pays, en termes de gaspillages et de dépenses non réfléchies. Rien n’est moins faux que cette prétention de l’Anoci : « Les membres du Conseil de surveillance ont relevé le souci constant de l’Agence de se faire contrôler régulièrement par le Conseil de surveillance, pour les organes de contrôle de l’Etat … ».
Si ce contrôle était effectif, comment expliquer alors qu’on ait laissé dépenser la bagatelle de 750 millions FCfa, pour aménager les bureaux du président de l’Anoci au dixième étage de l’immeuble Tamaro qui abrite le siège de l’Agence ? Avec des documents que nous examinerons plus loin la nature des dépenses effectuées, leur volume, les prestations payées et dans quelles circonstances elles l’ont été. Nous dirons le total ahurissant des sommes que l’équipe dirigeante de l’Anoci a dépensé pour procéder à l’aménagement de leurs bureaux. Cette équipe a tout de même eu la décence de ne pas le révéler elle-même. Nous le faisons à sa place.
;_moZcin h_h[m_n ^p ;jin_cf ^jpo_io Des membres du Conseil de surveillance de l’Anoci doutent, eux-mêmes, de la fiabilité des comptes dévoilés par le président de l’instance. Cette position qui est celle du Forum Civil, n’est pas étonnante, encore moins surprenante. Cette organisation de la société civile qui s’est surtout distinguée dans la lutte contre la corruption, avait depuis longtemps suspendu sa participation aux réunions du Conseil de surveillance. Elle protestait ainsi contre la volonté de dissimulation des dirigeants de l’Anoci qui ne communiquaient jamais les documents préparatoires des réunions du Conseil. Ainsi, expliquant l’absence de son représentant, Jean Charles Tall, à la réunion du Conseil de
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surveillance convoquée le 17 octobre 2007, le président du Conseil, Karim Wade indiquait aux membres présents : « Jean Charles Tall m’a fait parvenir une correspondance dans laquelle il indique les raisons de son absence liées aux délais de réception des documents qui ne lui permettaient pas de participer dans les meilleures conditions aux débats ; en plus d’autres observations sur les travaux de l’Anoci ».
Serigne Adama Boye le représentant du Synpics qui assistait, pour la première fois, à une réunion du Conseil de surveillance, ce 17 octobre 2007, s’est abstenu de voter. Il a expliqué le sens de sa décision, quand le Président du Conseil a mis aux voix pour adoption les précédents procès verbaux établis à la suite des réunions de l’instance tenues le 12 juillet et le 10 octobre 2006. Serigne Adama Boye indiqua à l’assemblée qu’il ne pouvait pas voter dans un sens ou dans un autre, car n’ayant pas assisté aux réunions visées. La réunion du Conseil tenue ce 17 octobre 2007, a donné lieu à des débats qui laissaient déjà entrevoir les termes de la polémique nourrie et entretenue dans le pays depuis que l’Anoci a décliné publiquement son « bilan ». De nombreux citoyens se demandent si en réalité, il ne serait pas indiqué d’envoyer l’Inspection générale d’Etat vérifier les comptes de l’Anoci, pour s’assurer qu’un délit de surfacturation et de détournements de deniers n’a pas été commis. En tous les cas, certains membres de son Conseil de surveillance avaient clairement posé la question des nombreux dépassements budgétaires, constatés dans l’exécution des travaux de l’Anoci. Ainsi, prenant la parole à cette réunion du 17 octobre 2007, avec une très grande lucidité, Mme Aminata Niane, Directrice de l’Apix, indiquait à l’endroit de l’assemblée que : « L’Etat a investi beaucoup d’argent dans les infrastructures. Le coût du linéaire revient deux à trois fois plus cher qu’ailleurs car la concurrence est rude et la préférence est nationale : le marché est détenu par un cartel d’entreprises qui spéculent. Baisser les prix
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signifie nécessairement qu’il faut mener des études de qualité et avoir des entreprises expérimentées rigoureuses et transparentes, le marché pose de nombreuses problématiques qu’on ne peut pas malheureusement régler en Conseil ».
Mme Aminata Niane ne manqua pas de dénoncer certaines entreprises qui, selon elle, s’épanchaient dans la presse pour parler des conditions d’attribution des marchés dans des termes qui ne reflètent pas la vérité. Baïdy Agne, président du Conseil national du patronat du Sénégal (Cnp), comme piqué au vif par les propos de Mme Aminata Niane, lui a répliqué en soulignant que : « Les entreprises sénégalaises sont très compétitives. Il faut surtout instaurer une meilleure entente entre le public et le privé qui doivent avoir des rapports de partenariat. Aucune entreprise appartenant au Cnp ne fait dans la presse ce genre de débat, dont on a parlé tantôt et que déplore Mme Aminata Niane ».
Au cours de la réunion, Alioune Tine, président de la Raddho s’est montré cinglant à l’égard de l’Anoci en affirmant que: « La communication de l’Anoci est très médiocre. Les gens demandent à être édifiés ».
La position affichée par Alioune Tine semblait refléter les états d’âme d’un homme pris par le doute, par rapport à une situation d’ensemble d’une gestion manquant singulièrement de transparence. Et à laquelle sa présence et celle des autres membres de la société civile apportent une certaine caution et une forme de crédibilité. Le président de la Raddho semblait gêné et inconfortable. La présence de la société civile qui s’exprimait d’une certaine manière à travers sa voix, à travers celle du Forum Civil, absent ce jour, et du Synpics, représentait une estimation importante de ce manque de transparence. Cette caution, les dirigeants de l’Anoci en ont eu besoin et en ont encore plus besoin aujourd’hui. Le président de l’Anoci, Karim Wade qui a pris la parole devant 38
le Conseil de surveillance réuni ce 17 octobre 2007, pour donner son avis sur les prix pratiqués par les entreprises sénégalaises du bâtiment et des travaux publics, en particulier par celles impliquées dans les travaux de l’Agence, pour tenter ainsi de justifier les prix offerts. Aussi, ce dernier, révèle-t-il, à ce sujet : « Le secteur de la construction revient 40% plus cher que dans les autres pays voisins ».
En vérité, les entreprises qui ont réalisé les chantiers de l’Anoci : CDE (Consortium d’Entreprise), Fougerolles et la Compagnie sahélienne d’entreprise (CSE), à l’arrivée, ont facturé leurs prestations, 40 à 50 % plus cher, comparativement aux marchés de base qu’ils ont signés avec l’Etat, à l’ouverture des marchés. Quelle faute peut-on imputer à ces entreprises ? Aucune, sinon celle d’avoir proposé un marché et des prix sur la base d’une entente illégitime au départ ! En réalité, c’est l’Anoci qui est la seule responsable de cette entente illicite et du défaut de maîtrise des coûts des ouvrages. Ces coûts ont varié de façon exponentielle, à mesure que les travaux avançaient dans le temps et en volume aussi. Une organisation comme le Forum Civil, pourtant membre du Conseil de Surveillance, a laissé entendre par la voix de son coordonnateur, Mouhamadou Mbodji que ce qui s’est passé exige qu’il y ait un audit indépendant qui édifie définitivement les Sénégalais sur la gestion de l’Anoci. Et le coordonnateur du Forum Civil de s’interroger opportunément : « A quel titre le cabinet CICE qui occupait déjà une place dans le dispositif de la gestion financière de l’Anoci a publié les chiffres hier ? Est-ce que le cabinet CICE avait un contrat avec l’Anoci pour son contrôle interne, est-il habilité à faire un audit ? Peut-on parler d’audit dans ce cas là ? La convention qui lie CICE à l’Anoci doit être publiée ».
Le président du Forum Civil va encore plus loin, quand il exige un audit technique des ouvrages de l’Anoci : 39
« Nous ne voulons pas d’un audit financier, mais nous parlons plutôt d’un audit technique, comme celui qui a été inauguré sur les chantiers de Thiès (…). Les études de faisabilité n’ont pas été faites dans les règles, c’est pourquoi sur les tronçons, il y a eu des dépassements par rapport aux prévisions. Les responsables de l’Anoci ont quand même géré et dépensé 16 milliards d’appui budgétaire, soit 4 milliards par an ».
Manifestement, le Forum Civil qui est pourtant membre du Conseil de Surveillance de l’Anoci doute. Son doute est d’autant plus légitime qu’on note une très grande différence, en opérant une confrontation entre les nouveaux chiffres et montants annoncés et ceux que le Directeur exécutif de l’Anoci, Abdoulaye Baldé avait diffusés après la tenue, le 14 mars 2008, de la conférence de l’Oci. A l’époque, le directeur exécutif de l’Anoci donnait des chiffres tournant autour de 174 milliards FCfa, pour estimer le volume des financements obtenus. Ces chiffres ont mué pour se stabiliser dans les nouvelles annonces à 432 milliards FCfa. Le Forum note un important gap entre les chiffres rendus publics par le communiqué du Conseil de Surveillance publié le mercredi 17 juin 2009 et ceux qui ont été antérieurement diffusés. Aussi, Mouhamadou Mbodji précise-t-il, à ce sujet : « Après la tenue de la Conférence Monsieur Baldé avait déclaré que les investissements allaient coûter 174 milliards FCfa et qu’il restait même 73 milliards de FCfa de l’enveloppe globale des sommes mobilisées. Le budget initial de l’ensemble des chantiers devait tourner autour de 350 milliards de FCfa. Ce qui veut dire que le complément des 350 milliards de FCfa devait provenir du privé. D’où viennent les 432 milliards de FCfa ? Y at-il un prêt accordé à l’Etat ? Pourtant, ils avaient dit au départ que les travaux ne coûteront rien au pays et qu’il n’y a pas eu de travaux supplémentaires significatifs depuis la fin de la conférence »4. 4
Interviews accordées par l’intéressé au journal Le Populaire dans ses éditions du 18 et du 26 juin 2009.
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La réponse que lui oppose le Directeur exécutif de l’Anoci, plus d’une semaine après la publication officielle du bilan de l’agence, n’apaisera certainement pas le Coordonnateur du Forum Civil. Ni tous ceux qui, comme lui, doutent des chiffres officiels de l’Anoci. Aussi Abdoulaye Baldé déclare-t-il dans l’édition du Journal Le Nouvel Horizon paru dans semaine du 26 juin au 2 juillet : « Cette somme de 432 milliards de FCfa représente tout. C’est d’abord les hôtels qui sont des projets privés (194,5 milliards de FCfa), les projets routiers (205 milliards FCfa). Sur ces 205 milliards FCfa, nous n’avons utilisé pour l’instant que 72 milliards de FCfa pour les trois projets routiers. Sur ces 72 milliards, les 47 milliards de FCfa viennent des bailleurs de fonds et les 25 milliards de l’Etat du Sénégal. S’y ajoutent les 32 milliards de dons (27 milliards de l’Arabie Saoudite et les 5 milliards de l’Etat d’Abu Dhabi. C’est tout ça qui fait 432 milliards de FCfa. Les 28 milliards des Fonds koweïtiens Saoudiens, les 105 milliards du Fonds d’Abu Dhabi ne sont pas encore signés ».
Il est facile de tirer de cette déclaration les contrevérités qui la décrédibilisent. Dans le montant de 194,5 milliards de FCfa annoncés comme apport des hôteliers, il faut au moins en retrancher 21 milliards. En effet, quand l’Anoci affirme que l’hôtel Radisson a coûté 45 milliards de FCfa, le directeur du complexe apprend aux journalistes sénégalais que le coût du complexe est de 24 milliards de FCfa. « Des sept hôtels en construction ou en réhabilitation, seuls Terrou-bi (pour 11 milliards de FCfa), le Méridien Président (rénové par le Royaume d’Arabie Saoudite avec une enveloppe estimée à 18 milliards de FCfa) et le Sea Plaza/Radisson, sont à ce jour effectivement réceptionnés. Encore que pour ce dernier le coût passe, tenez-vous bien, du simple au double selon qu’il s’agit des chiffres fournis par l’Anoci (45 milliards de FCfa) ou le directeur de l’hôtel en personne (24 milliards de FCfa). En effet, à l’occasion d’une visite de découverte et de présentation organisée le 24 juin en prélude à l’ouverture prochaine du réceptif hôtelier qu’il dirige,
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M. Jean François Rémy a estimé le montant de l’enveloppe dégagée pour sa réalisation à 24 milliards de FCfa ».5
Quand on ment une fois, on ne se donne plus de limites, dit un proverbe de chez nous. Pourquoi mentir sur les chiffres concernant les sommes mobilisées ? Il y a de la frime de la part de l’auteur de ce mensonge. Cette esbroufe traduit un manque de jugement éclairé dans la façon de considérer et d’assumer les responsabilités étatiques qui sont les siennes. Comment peut-on dire aux Sénégalais que les 24 milliards de FCfa prévus pour réaliser le Baobab Cap Manuel et le Baobab Mamelles (12 milliards de FCfa) ont été effectivement mobilisés, alors qu’il n’en est rien. Les partenaires, ou plutôt l’entreprise espagnole initialement identifiée pour les réaliser connaîtrait des difficultés réelles, apprend-on. Au bas mot, ce sont au moins 67 milliards FCfa qu’il faut retrancher sur ce total de 194,5 milliards de FCfa que l’Anoci dit avoir mobilisé pour la réalisation de son programme hôtelier. Les responsables de l’hôtel Radisson ont déclaré avoir investi 24 milliards FCfa ans leur projet. Et ces 24 milliards de FCfa comprennent le coût des terres sur lesquelles sont édifiés l’immeuble, les bâtiments qui abritent le complexe. Les dirigeants de l’hôtel soutiennent en privé avoir intégralement réglé le coût de ces terres, alors que les dirigeants de l’Anoci prétendent avoir gracieusement mis les terrains à la disposition des hôteliers. Eux démentent et disent être en mesure de prouver qu’ils les ont payés. Les montants encaissés au titre des transactions effectuées, si toutefois elles ont eu lieu (certains hôteliers le soutiennent), sur les terrains n’ont jamais été communiqués au ministère des Finances. Certains responsables de ce même ministère disent ignorer tout de telles transactions. Les Sénégalais attendent d’être édifiés par les dirigeants de l’Anoci, trop 5
Voir article du journaliste Issa Sall publié dans Le Nouvel Horizon de la semaine du 26 juin au 2 juillet 2009.
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avares de déclarations à ce propos. L’Anoci aura du mal à convaincre qu’elle a pu mobiliser 432 milliards FCfa, pour des investissements à réaliser dans le pays. Ils ne cherchent pas à convaincre. Ils s’y prennent plutôt pour séduire et éblouir. Ils croient pouvoir trouver des naïfs dans le pays qui mordent à leur hameçon. C’est la preuve du manque d’expérience et de jugement de ceux qui ont eu la responsabilité de conduire la mission confiée à l’Anoci. « Je suis fier de moi et de ce que nous avons fait », déclarait Karim Wade, à la sortie de la séance d’information qu’il a tenue avec les parlementaires de ce pays, le mardi 30 juin 2009 Un péché d’orgueil et une autosatisfaction béate, exprimée sans retenue et avec une pointe d’arrogance qui sont la marque d’une immaturité certaine. L’Etat et sa complexité ne peuvent guère s’accommoder de telles tares.
%[^jpfZu_ Fcjk m_]oc`c_ 5Zmch Entre Abdoulaye Diop et Karim Wade, le courant passe à peine. Quelques situations et faits ont plus ou moins opposé les deux hommes, au cours des deux dernières années. Le patron de l’Anoci a difficilement supporté pendant ses nombreuses tournées dans les pays arabes, qu’il soit souvent retourné auprès du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, ou bien auprès de son homologue en charge de l’Economie et des Finances, pour la conclusion de certaines conventions ou accords financiers. Il est arrivé même que certains pays arabes en viennent à demander la présence exclusive du ministre de l’Economie et des Finances et dans d’autres cas, celle du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, pour traiter en profondeur ou pour conclure un dossier. Cette situation a beaucoup frustré le fils du chef de l’Etat, durant toute la durée de sa mission à la tête de l’Anoci. Il avait promis de prendre sa revanche. Il l’a fait, pourrait-on dire, en réussissant à devenir un « deuxième ministre des Finances », chargé justement de manière exclusive de la coopération financière internationale, avec 43
tous les pays qui l’ont ignoré. Ceux-ci l’ont fait alors qu’il pensait naïvement pouvoir directement traiter avec eux, en sa qualité de patron de l’Anoci. Ses conflits larvés ou parfois ouverts avec le ministre de l’Economie et des Finances et avec celui des Affaires étrangères, ont amené le chef de l’Etat à lui réserver un décret d’affectation de compétences et de champs d’intervention, totalement en porte-à-faux avec la lettre et l’esprit de la Constitution sénégalaise. Ce décret est surtout en contradiction avec ce texte majeur qui prévoit l’unicité de caisse dans la gestion des deniers de l’Etat. Ce principe fait du ministre de l’Economie et des Finances, le seul chef de département ministériel cumulant les fonctions de comptable public, d’administrateur de crédits et d’ordonnateur de dépenses et l’unique interlocuteur au Sénégal des Etats du monde entier en matière de finances. Même le chef de l’Etat ne dispose pas de telles compétences. Ou du moins la loi l’a amené à les déléguer à son ministre des Finances. La sortie du ministre de l’Economie et des Finances, Abdoulaye Diop qui s’est vu obligé de rectifier Karim Wade, quand ce dernier affirme n’avoir jamais géré directement les fonds publics était attendue. Car non seulement l’affirmation est fausse, mais elle est, en plus, de nature à installer la confusion. La vérité, telle qu’établie par les faits apparaissant à l’examen des écritures comptables et des mouvements de fonds effectués, entre son ministère et l’Anoci, dans la période 2004 et 2009, montre que tout dans les chantiers de l’Anoci a été géré par l’agence elle-même. Selon le journal Le Populaire le ministre est formel pour dire que : « L’inspecteur du Trésor détaché auprès de l’Anoci pour gérer la comptabilité publique dans l’agence n’a jamais rendu compte à mon département. La raison est simple : il était convenu dès le départ qu’il ne me rendrait pas compte, mais plutôt à la Cour des comptes. L’Anoci a géré aussi son budget de fonctionnement qui a été
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pendant ces quatre ans d’existence de 16 milliards de FCFA ».6
Ce démenti cinglant du ministre de l’Economie et des Finances constitue un gros pavé dans la mare tranquille de l’Anoci. Il vient ajouter au doute qui a envahi tous les citoyens de ce pays qui ont suivi l’exposé des grandes lignes de la gestion des responsables de l’Anoci. Cette gestion a été tout sauf transparente. Aujourd’hui, nombre de nos compatriotes qui ont suivi de l’intérieur, comme de l’extérieur les activités de l’agence, sont pris par le doute et sont habités par le sentiment que quelque chose leur est caché. Cache-t-on des informations qui pourraient, en cas de révélation, mettre en doute l’intégrité et la probité de l’équipe dirigeante de l’Anoci ? Revenant sur les fameuses accusations portées sur Abdoulaye Baldé, dès l’ouverture des chantiers de l’Anoci, le journal Le Populaire a révélé dans son édition du vendredi 27 juin, que la Commission nationale de lutte contre la non-transparence, la corruption et concussion (Cnlcc) a partiellement blanchi le Directeur exécutif de l’Anoci. Rappelons que ce dernier avait été accusé d’avoir perçu des pots de vin dans la conclusion des marchés de l’Anoci. La Commission reconnaît qu’elle ne dispose pas de preuves qui établissent, à son encontre, des faits de corruption, mais elle dit également qu’elle n’a pas pu obtenir auprès des banques de la place les informations auxquelles elle souhaitait accéder pour traiter ce dossier. La Commission dit également avoir sollicité la collaboration de la Cellule nationale de traitement de l’information financière (Centif), aux mêmes fins. Cette dernière a aussi opposé un refus catégorique à sa demande. Eu égard à l’ensemble de ces données, la Cnlcc a dit qu’elle n’avait pas établi de faits de corruption avérés contre Abdoulaye Baldé, mais affirme en même temps qu’elle n’a pas non plus eu les moyens 6
Révélations faites dans le journal le Populaire dans son édition du vendredi 19 juin 2009.
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nécessaires pour trancher de façon franche et définitive l’accusation. Elle en était incapable, faute de pouvoir accéder aux sources qui lui auraient permis de le faire. Les uns et les autres continueront de dénoncer qui, avec des éléments probants, qui avec des supputations, le manque de transparence. La situation d’ensemble de l’Anoci n’a été que cela, depuis le début.
@_ mn _o f~%`k _i km_hc1m_ fcai_ Il n’ y a pas que les organisations de la société civile qui s’interrogent sur le bilan rendu public par l’Anoci. Les partis politiques ne sont pas en reste. Ainsi, ceux de l’opposition en particulier, montent au créneau, depuis la fin de la conférence de l’Oci, pour dénoncer ce qu’ils nomment aujourd’hui la nébuleuse des chantiers de l’Anoci. Certains d’entre eux déclarent n’accorder aucun crédit au bilan publié par l’Anoci. Lors de la réunion du Bureau Politique du Parti socialiste (Ps), tenue dans la journée du mercredi 17 juin, un large débat a été organisé au sujet du bilan publié par l’Anoci. Le communiqué de presse sorti par le Ps à l’issue de la rencontre demande à l’opinion publique nationale, aux organisations de la société civile, aux partenaires bilatéraux de se montrer encore plus décisifs et plus massifs, dans leur interpellation des autorités de l’Etat, pour qu’un bilan honnête soit publié, au sujet des travaux de l’Anoci. Les socialistes enfoncent le clou en soulignant que : « L’argument tiré de l’existence d’un rapport n’est ni recevable, ni opérant parce qu’il s’agit d’une opération (intra muros) réalisée par le même cabinet qui tient la comptabilité de l’Anoci, en violation du principe de séparation des fonctions de comptable et d’auditeur. L’opinion publique et les institutions financières internationales doivent continuer à réclamer la révision détaillée des opérations et des comptes de l’Anoci ».
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Il s’agit pour le Ps, de continuer à exercer une pression par les voies démocratiques sur l’Etat, en vue de l’amener à ordonner : « Un audit des structures, des activités, des méthodes et des procédures de l’Anoci, avec des garanties sérieuses de fiabilité et d’indépendance. La nécessité de faire un audit s’impose, pour examiner l’opportunité des dépenses, leur volume ».
Le Ps se montre davantage critique et déterminé dans ses demandes, en exigeant qu’un audit indépendant soit ordonné afin de déterminer de façon précise: « L’opportunité et la fiabilité des ouvrages, ou vérifier leur conformité avec les normes sécuritaires, écologiques et avec les règles standard en matière d’urbanisme, sans occulter la question relative à l’inachèvement des chantiers de l’Anoci conçus initialement pour être des travaux d’élargissement, d’aménagement et d’embellissement ».
Le communiqué publié par les socialistes poursuit la demande adressée aux autorités de l’Etat, en soulignant avec force le fait que : « Les responsables de l’Anoci sont d’autant plus tenus de faire droit à l’exigence populaire d’un audit indépendant qu’ils ont été publiquement interpellés au sujet d’une connivence délictuelle dans la passation des marchés publics d’infrastructures, attribués, semble-t-il aux mêmes sociétés qui ont réalisé les études préalables et établi les devis ».
Et c’est là, l’une des raisons fondamentales qui expliquent la circonspection de certains membres du Conseil de surveillance. Ces méfiants n’hésitent même pas à se prononcer publiquement, en parlant, dans leurs déclarations et même parfois ouvertement, de suspicions légitimes. L’Alliance des forces de progrès (l’Afp) abonde dans le même que l’autre pilier de l’opposition démocratique qu’est le Parti socialiste. Elle indiquera dans un communiqué diffusé le 29 juin 2009 et qui parle de farce grossière : 47
« (…) Cette comédie qui aura pour cadre une Assemblée nationale illégitime constitue une expression de plus du mépris profond que le clan Wade voue aux Sénégalais ».
Et le communiqué de l’Afp de poursuivre : « L’Anoci est l’exemple de cette injustice criminelle, dont la logique amène des décideurs à investir des centaines de milliards sur la Corniche Ouest, alors que le mauvais état des routes dans l’hinterland provoque la recrudescence des accidents mortels. »
La charge contre l’Anoci se poursuit encore plus violente dans le contenu formulé : « Ceux-ci révèlent par ailleurs les insuffisances et le sous-équipement des infrastructures sanitaires qui, de surcroît, sont pénalisées par le manque de ressources humaines. Cette grossière farce est inacceptable ».
@_ n]_koc]cnh_ ^_ f~jkcicji Si nous avons choisi de mettre en évidence les réactions du Parti socialiste(Ps) et celle de l’Alliance des Forces de progrès (l’Afp), par rapport au bilan publié, c’est parce que celles-ci reflètent pour nous, et de façon presque parfaite, l’opinion de l’ensemble des formations politiques de l’opposition. Mais c’est aussi parce qu’elles nous semblent présenter le plus d’intérêt pour l’opinion publique en général. Elles sont pertinentes et traduisent le sentiment général de tous les Sénégalais. Y compris le sentiment de certains qui sont dans le camp du pouvoir et se sentent mal à l’aise, face au cas que constitue la gestion de l’Anoci. En matière de dépenses publiques, l’Anoci se présente assurément comme un cas d’école. Qu’est ce qui a bien pu réellement se passer, pour qu’il y ait autant de variations de chiffres et de montants dans l’ensemble des dépenses dévoilées par elle même, depuis la mise en orbite de l’Anoci en 2004 ? Et la fin de sa mission, prévue dans le courant de l’année 2009, ne constituera pas un point final au débat. Notre enquête dont les résultats sont consignés dans cet ouvrage tente d’éclairer 48
l’opinion sur la gestion de l’Anoci. Nous pouvons dire, avec au moins un des membres critiques du Conseil de surveillance, en l’occurrence, le Forum Civil, qu’il reste beaucoup de doutes à lever. Et des questions sans réponses qui jettent en définitive la suspicion partout dans la gestion de l’Anoci.
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=o Ei_ amjnnc1m_ `Zm]_ L’audition des responsables de l’Anoci devant les parlementaires a suscité beaucoup de commentaires dans l’opinion publique. La presse a dans son ensemble assez bien traduit les sentiments qui ont prévalu. L’organisation de la rencontre entre les responsables de l’Anoci et les parlementaires a en effet inspiré la presse. Celle-ci aura été à souhait ironique et sarcastique. L’opération montée paraissait infantilisante pour les députés et sénateurs. Ceux-ci ont été presque bâillonnés et livrés, bouche cousue, aux responsables de l’Anoci. Le lundi 29 juin 2009, la vieille de la prestation des responsables de l’Anoci devant les parlementaires, le journal Walfadjri titrait à la « Une » de son édition du jour: « Au théâtre ce soir ». Le journal Sud Quotidien, renchérissait, en titrant en ouverture, sur cinq colonnes, ce même lundi 29 juin : « La tragi-comédie devant l’Assemblée …. ». Et le journaliste Bakary Domingo Mané peut écrire : « Le dessein inavoué du comédien Karim Wade est d’enterrer le bilan de l’Anoci. Mais qu’à cela ne tienne » ! En réalité, les confrères du journal Le quotidien ne disent pas autre chose quand ils écrivent : « 432 milliards à huis clos à l’Assemblée nationale, les coulisses d’une grosse farce ». Ce titre que le journal Le quotidien propose à ses lecteurs, dans son édition du mercredi 1er juillet 2009, donne toute la mesure du spectacle monté devant les parlementaires, pour sauver le soldat Karim. Il renseigne, à suffisance sur tout le mépris que l’on peut avoir au sommet de l’Etat pour le Parlement, mais aussi pour le peuple. Ils n’ont pu cependant tromper personne. Peu de citoyens ont
été convaincus par le passage de Karim Wade devant les parlementaires pour faire ce qu’ils appellent le bilan de l’Anoci. Beaucoup de parlementaires, y compris certains appartenant même à la majorité, ont considéré l’exercice comme ayant été une vulgaire farce. La députée non inscrite, Ndèye Fatou Touré dira à la suite du passage de Karim Wade devant les parlementaires : « Nous avons eu droit à un discours très aérien. On nous a donné beaucoup de chiffres (…) Nous n’avons eu aucun rapport chiffré, aucun procès verbal d’activités (…) Nous sommes un organe de contrôle, donc notre rôle est de pouvoir vérifier toutes les déclarations faites aussi bien pour le président du conseil que par le Directeur exécutif de l’Anoci ».
Et la parlementaire d’ajouter : « Nous avons préconisé et même demandé que la Cour des comptes puisse faire le point, même après coup avec l’Anoci. Ils disent qu’ils ont fait 75 km de routes. C’est à vérifier. Est-ce qu’entre l’aéroport et le centre-ville il y a vraiment 75 km de routes ? Cela nous laisse un goût d’inachevé, une insatisfaction totale ».
El Hadji Diouf, député appartenant à la majorité se montre encore plus sévère, avec les dirigeants de l’Anoci, quand il déclare : « Tout a été arrangé pour habiller le prince d’un manteau brillant (…) Karim Wade et ses hommes étaient juste venus pour se faire applaudir par certains députés qui ne sont là que pour ça. Moi, je n’ai rien compris parce qu’on ne m’a pas présenté de rapport. Karim Wade est venu comme un professeur. On a juste parlé de réalisations et de généralités qui ne nous ont pas permis d’avoir un regard critique sur la gestion de l’Anoci ».
Doudou Wade, président du groupe parlementaire de la majorité présidentielle, a pris la parole devant les médias pour tenter de donner un crédit à la prestation de son cousin.
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Ainsi, dira- t-il, à la suite de la séance d’information subie par les parlementaires : « Ce fut un bel exercice de transparence, presque jamais connu dans le pays. Nous avons pu écouter les responsables de l’Anoci nous faire un bilan complet et clair de la gestion de l’Anoci. Nous nous félicitons de leurs prestations et les félicitons pour l’exercice ».
Aliou Dia, député non inscrit, quant à lui considère que : « Les travaux de l’Anoci sont d’une importance extraordinaire. C’est une rencontre fructueuse dans la mesure où elle a permis aux uns et aux autres de poser des questions autour de l’Anoci qui avait suscité beaucoup de débats. Je crois qu’aujourd’hui, ces débats sont clairs, dans la mesure où un bilan vient d’être tiré par les autorités qui avaient en charge la gestion de l’Anoci ».
@_n ]jiom_q0mco0n n_mqc_n Zpt kZmf_h_ioZcm_n Devant les parlementaires sénégalais, les dirigeants de l’Anoci ont préféré construire des contrevérités n’ayant d’autre motivation que de chercher à couvrir la gestion calamiteuse et le gaspillage d’argent public, jamais égalé auparavant en ampleur dans le pays. Un gaspillage d’argent auquel ils se seront impunément livrés pendant les quatre ans d’existence de l’agence. « C’est un exercice de transparence de gestion des affaires. Nous sommes fiers d’avoir géré l’Anoci et de rendre compte comme cela n’a jamais été fait dans le pays. La conférence au sommet de 1991 n’a jamais fait l’objet d’un bilan »
Cette déclaration ne correspond à aucune réalité. La Conférence au sommet de l’Oci qui a eu lieu en 1991 a été directement gérée par le ministère des Affaires étrangères de l’époque, en l’occurrence, Djibo Leïty Kâ, actuel ministre d’Etat, ministre de l’Environnement. Ce dernier dispose de toutes les informations pour apporter un démenti cinglant à Karim Wade qui a été imprudent de se hasarder, comme il l’a 53
fait, à dire de telles contrevérités. En 1991, le bilan de la conférence a été présenté dans les règles établies et dans le cadre de l’exercice normal des fonctions de celui qui en avait la responsabilité directe : le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères. Il l’avait fait devant la presse nationale et devant l’Assemblée nationale. En effet, trois jours après la conférence de 1991, Djibo Leïty Kâ, alors ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, a été interrogé en direct à la télévision nationale, par des journalistes de la chaîne associés à d’autres de la presse privée de l’époque. Il était sur le plateau pour faire un bilan complet du sommet. L’exercice était libre et ouvert. J’ai eu la chance de faire partie du groupe de cinq journalistes qui avaient, trois heures d’horloge durant, interrogé le ministre d’Etat. Ce jour, le ministre aura eu le mérite de répondre franchement aux questions des confrères. Ces derniers étaient, à mon avis, bien préparés pour rendre l’interview instructive et significative, du point de vue des sujets débattus. Le bilan de la Conférence a été passé au crible, sur tous les plans. L’Etat n’avait pas créé un monstre comme l’Anoci pour gérer le sommet et en mettant entre parenthèse ses propres services. Le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères était en première ligne et tout a été organisé. Au plan financier, le ministre avait géré le sommet à travers les circuits classiques d’exécution du budget de l’Etat, dans la partie réservée aux allocations de son département ministériel et conformément aux autorisations de l’Assemblée nationale. Le ministre d’Etat, Djibo Leïty Kâ avait tenu, à l’époque, à féliciter publiquement le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères de l’époque, Moustapha Diagne, devenu plus tard ministre de l’Economie et des Finances, actuellement inspecteur général d’Etat à la présidence. Ce dernier avait en charge l’exécution de toutes les lignes budgétaires affectées à l’organisation du sommet. A la fin de la Conférence, ces crédits n’avaient pas été totalement consommés, révélait le ministre d’Etat, ministre des Affaires 54
étrangères. Ce dernier interviendra devant les députés de l’Assemblée nationale pour faire le bilan du sommet. En outre, une loi de règlement votée, il est vrai plus tard, en 1998, a donné quitus au gouvernement de l’époque de sa gestion du sommet de 1991. Autrement dit, les comptes de la conférence de 1991 ont été certifiés conformes, par la même Assemblée nationale, devant laquelle Karim Wade s’est présenté pour lui livrer des informations. Mais non pour se soumettre à sa sanction. Contrairement à ce que dit Karim Wade, le bilan de la conférence de 1991 avait été fait, dans le cadre normal des conduites des activités de l’Etat. Il faut préciser que jamais aucune autre entité parallèle et presque concurrente aux services classiques de l’Etat n’a été érigée, pour s’occuper de la conférence, comme cela a été le cas avec l’Anoci. C’est naturellement donc qu’il n y a pas eu de bilan spécifique du sommet de 1991, qui devait être fait, à la façon de ce qu’on attend aujourd’hui de l’Anoci qui est une entité dotée d’une autonomie budgétaire et financière. Le bilan du sommet de 1991 ne pouvait pas être détaché des activités globales de l’Etat et présenté en dehors de l’examen de la Loi de Finances et des Lois de Règlement subséquentes. Karim Wade ne peut pas comprendre cela, car n’ayant jamais eu de rapports directs instructifs avec l’Etat. Il ignore encore ses mécanismes. Il les découvrira peut-être, pourvu qu’il prenne le temps d’apprendre, en toute humilité. Les certitudes de l’homme et ses prétentions en seront d’autant tempérées. Nous l’espérons du moins.
@_ njhh_o ^_ 2++2 _o f_ ]jio_to_ ^_ f~0kjlp_ C’est dommage que Djibo Leïty Kâ garde le silence sur les mensonges de Karim Wade, alors que lui-même, en collaboration avec le délégué général au sommet, le haut fonctionnaire Abdou Wahab Talla, et avec de nombreux autres fonctionnaires anonymes, a réalisé un travail remarquable, pour la tenue du sommet de 1991. Avec la certitude et l’arrogance de l’ignorant qui s’ignore, Karim 55
Wade assène, avec une fougue déconcertante, des contrevérités sur le sommet de 1991, en prétendant qu’il n’y a jamais eu bilan de fait, à ce sujet. Djibo Leïty Ka qui siège à ses côtés au Conseil des ministres de chaque jeudi, peut dire le contraire. Ce serait une bonne façon de l’aider à apprendre les mécanismes et la façon dont fonctionne un Etat moderne. Le bilan en 1991 et celui du sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine qui a été organisé chez nous la même année, ont été bel et bien faits. Trois jours après le sommet de l’Oci de 1991, une grande interview télévisée de plus de deux heures d’horloge a été réalisée à cet effet. Je rappelle que cette interview avait été conduite par des journalistes de la télévision nationale et par d’autres de la presse privée. Cinq au total, dont deux venaient de l’hebdomadaire de l’époque Walfadjri et de Sudhebdo. J’étais personnellement de la partie, avec mon confrère Abdou Rahmane Camara. Nous avions eu l’avantage, avec les confrères de la télévision nationale, d’interroger sans complaisance le ministre. Ce serait surprenant que Karim Wade prenne le risque de se prêter au même exercice, avec des journalistes non embarqués. M. le ministre d’Etat, avezvous le droit de garder le silence, face aux mensonges d’un homme, n’ayant avec lui que la suffisance et la protection d’un père président, pour piétiner ce qui a été fait avant lui ? Laisser ainsi dire que l’ancien régime n’a jamais fait le bilan du sommet de 1991, participe d’un mensonge singulièrement éhonté. En 1991, le sommet de Dakar été organisé avec brio et compétence. Une personne, en particulier, Djibo Leïty Kâ, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, avec le concours de nombreux fonctionnaires de son département, avait servi, avec un rare bonheur, dis-je, la diplomatie de son pays, en la hissant au sommet de la communauté internationale. Le sommet de 1991 fut un éclatant succès organisationnel et diplomatique. Il le fut à tout point de vue. On ne peut pas laisser prospérer toutes ces contrevérités tendant à faire croire le contraire, ou qui insinuent que Dakar 56
1991 était moins bien réussi que Dakar 2008. Quand l’Etat est bafoué et calomnié, les démocrates qui savent, ceux-là qui ont une claire conscience de la vérité historique, se doivent de parler, pour démasquer les mystificateurs. Ils ne peuvent pas se taire, par peur de perdre des positions sociales ou par crainte d’abandonner des privilèges et des avantages matériels divers, nécessairement insignifiants, au regard de la grandeur de la nation. Les honneurs ne valent pas l’honneur ! Faisons alors en sorte que l’honneur de ce pays soit sauf. En 1991, l’Irak venait d’envahir le Koweït, quand quelques mois plus tard, le Sommet de l’Oci eut lieu dans notre pays. Un contexte diplomatique difficile, voire impossible, quand on connaît les divisions qui minent depuis toujours la communauté des Etats arabes. Ces divisions ont été naturellement exacerbées à l’époque par l’entrée des troupes irakiennes à Koweït City. Tout, dans le contexte diplomatique de 1991, prédisposait à un échec du sommet de Dakar. Et pourtant, nous nous souvenons tous, avec quelle détermination et quelle intelligence, le président Abdou Diouf et son ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, ont su déjouer tous les pièges diplomatiques, en gardant le cap sur les objectifs du sommet. Avec détermination et intelligence, ils ont su s’opposer à Yasser Arafat qui a voulu, en porte-à-faux d’ailleurs avec l’histoire de la terre de Palestine, donner écho aux positions intenables de l’Etat envahisseur du Koweït. Ils ont déjoué la manœuvre de l’homme et de ses alliés au sein du sommet. Ils ont ainsi évité la paralysie de la conférence. C’était loin d’être gagné d’avance. A l’époque, on ne comptait plus le nombre de sommets arabes qui avaient échoué, à cause de cette question koweïtienne. C’est dans ce climat d’extrême tension diplomatique et militaire que s’est préparé et s’est déroulé la Conférence de 1991. C’est dans cette ambiance de la première guerre internationale lancée par l’Occident contre l’Irak, que le Sénégal a organisé son sommet, sans incidence diplomatique majeure. Pourtant, notre pays avait pris des 57
risques, en envoyant des soldats en Arabie Saoudite, pour participer à l’effort de guerre contre l’Irak. Il prenait ainsi fait et cause pour le Koweït et ses alliés, contre une autre partie des Etats arabes qui soutenait les positions irakiennes. Il avait pourtant réussi, en dépit de ses prises de position fermes, à faire venir à Dakar toutes les nations islamiques et arabes, en particulier. Il est vrai que le Président Abdou Diouf n’était pas content de l’absence de certains grands leaders du monde arabe à Dakar : par exemple les rois du Maroc et d’Arabie Saoudite qui avaient pourtant confirmé leur participation. Il le dira à un journaliste du quotidien français Le Monde, en des termes très peu diplomatiques d’ailleurs, tranchant nettement avec la nature de l’homme : « Je considère pour ma part que les Arabes n’ont que du mépris culturel pour nous autres Africains ».
Quelques semaines avant cette sortie mémorable de l’ancien chef de l’Etat, Djibo Leïty Kâ affirmait : « Je connais bien Abdou Diouf. Avant qu’il n’ouvre la bouche, je lis dans ses pensées ».
Et c’est la raison pour laquelle, les journalistes et le ministre tiraient le bilan du sommet dans cette grande interview télévisée, ci-dessus indiquée. Je me permettais une amicale provocation à son égard, en l’invitant à nous expliquer ce que voulait dire le chef de l’Etat, quand ce dernier est allé jusqu’à affirmer que les « Arabes n’avaient que du mépris culturel pour nous les Africains ». Je suis sûr que le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères de l’époque, a tout cela en mémoire. Je fais ce petit récit historique, pour témoigner et surtout pour remettre à leur place tous ces arrogants, pire, tous ces ignorants, qui tentent de piétiner l’Etat, en visant le sommet de 1991. Ce n’est pas acceptable ! Le bilan du sommet de 1991 ne pouvait pas être fait autrement que dans le cadre normal des activités du ministre chargé des Affaires étrangères. Il a été fait devant le parlement et à travers les médias. Et de quelle manière ! Le sommet de Dakar n’était pas autre chose qu’une activité 58
diplomatique normale de l’Etat. Pour exceptionnelle qu’elle fût, elle n’en constituait pas moins une activité diplomatique ordinaire. Le bilan du sommet de 1991 a été fait, rappelonsle, conformément aux règles d’usage qui caractérisent la marche d’un Etat normal. Et c’était cela la force de l’Etat. Et, c’est à contrario, la faiblesse de ce régime qui confond tout et ignore parfois jusqu’aux règles les plus élémentaires de la conduite d’une charge officielle. C’est justement cette manière singulière d’assumer les plus hautes charges de l’Etat qui affaiblit constamment la République depuis 2000. Cette tare a fait de l’Anoci ce monstre qui a dévoré et gaspillé une part importante des budgets de l’Etat votés en 2006, 2007 et 2008. En toute impunité !
=i hcffcZm^n kjpm ^_n qcffZn dZhZcn njmoc_n ^_ o_mm_ Karim Wade fait un bilan à sa manière dans lequel il s’abstient volontairement de mentionner certaines réalisations intervenues dans le sillage de la Conférence de Dakar. Aussi, oublie-t-il (volontairement ?) d’expliquer aux Sénégalais par quels moyens l’hôtel de Simenti qui est entrain d’être construit par une firme anglaise- quelque part dans la région de Kédougou- est –il financé. Pourquoi cet hôtel qui est construit, en association avec un prince du Golfe arabo-persique, ne figure pas dans le programme hôtelier élaboré par l’Anoci ? Karim Wade et Abdoulaye Baldé n’ont pas non plus dit à la nation, pourquoi les villas présidentielles, pour lesquelles 26 milliards de FCfa ont été dégagés et remis à l’Anoci par le ministère des Finances, n’ont pas encore été construites ? Autre question n’ayant pas encore reçu de réponse de leur part : comment les deux hôtels Baobab qui sont prévus dans le programme hôtelier de l’Anoci, seront-ils édifiés par un groupe espagnol qui est en difficultés, depuis quelques temps ? En réalité, Karim Wade et ses collaborateurs n’ont pas fait de bilan. Ils ont juste tenté de jeter de la poudre aux yeux des Sénégalais. Rien n’est moins faux que de prétendre, comme ils l’ont fait, que 59
l’Anoci a réussi à mobiliser 432 milliards de FCfa pour des investissements à réaliser au Sénégal. Ils ont eu 170 milliards de FCfa. Par ailleurs, quand l’Anoci affirme dans son bilan que l’hôtel Sea Plaza Radisson a coûté 45 milliards de FCfa, le Directeur général de ce Complexe Hôtelier la dément. La presse qui l’a interrogé lors d’une visite guidée, a rapporté que le montant des investissements est de a aménagé dans ses bureaux au 10e étage de l’immeuble Tamaro qui abrite le siège de l’Agence, avec une somme tutoyant les 750 millions FCfa. Ils n’ont pas osé regarder le peuple en face, pour lui avouer avoir dépensé plus de 700 millions FCfa, pour se donner un confort à la hauteur de leur rang, avant de commencer de travailler pour le Sénégal. On savait l’estime dans laquelle ils tiennent ce peuple, mais de là à se donner le courage de lui faire l’affront de lui révéler le montant des sommes d’argent dépensées pour s’installer, il y a assurément un pas que l’équipe dirigeante de l’Anoci n’a pas pu ou osé franchir. Quand cette même équipe affirme qu’elle souhaite un audit externe, elle ne dit pas la vérité à la nation. Certes, le peuple souhaite qu’un tel audit soit fait. Mais, comme on l’a souvent constaté, ses désirs et souhaits sont souvent méprisés et ignorés par ce régime. Ce n’est certainement pas le « prince »qui demande et obtient tout de son père qui va changer les choses. Le chef de l’Etat aura aidé, par son attitude et sa bienveillance, l’équipe dirigeante de l’Anoci à rendre opaque et nébuleuse toute la gestion de l’Anoci. Rien n’aura été refusé à l’équipe du fils du chef de l’Etat. Les résultats de ce laisser-faire sont là, dramatiques.
0_njci ^_ dpnoc]_ L’éditorialiste Mamadou Ibra Kane exprime avec une pertinence réconfortante ce que beaucoup de citoyens pensent des mensonges qui ont été servis pour tenir lieu de bilan de l’Anoci. Il en est ainsi quand il écrit : « Pour un enterrement de première classe avec la complicité de l’inter commission des lois et des
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Finances d’une Assemblée nationale, nous l’avons dit, la semaine derrière, cela est illégitime ».
L’éditorialiste poursuit son raisonnement pour souligner avec beaucoup de justesse : « Aujourd’hui, ce n’est qu’une audition, un simulacre, soutient une large frange de l’opinion. Demain, et c’est là une exigence populaire, ce sera un audit sérieux parce qu’indépendant. C’est une obligation à laquelle aucun citoyen, s’il n’a rien à se reprocher, ne s’aurait se soustraire ».
Les dirigeants de l’Anoci ont justement beaucoup de choses à cacher. Qui a payé les avions loués par le chef de file de la Génération du concret et ses acolytes, pour participer à la campagne électorale des locales de mars 2009 ? Cette question qui reste encore sans réponse en aura, nous en sommes convaincus, dans les mois ou années à venir. Si on examine bien les textes de l’Anoci, on remarque que ceux-ci ont été faits de telle sorte que la responsabilité directe du fils du chef de l’Etat ne puisse jamais être mise en cause. Heureusement qu’en droit, il existe des techniques et des fictions juridiques subtiles et intelligentes pour saisir des cas qui autrement n’auraient jamais pu l’être. Abdoulaye Baldé, le pauvre qui n’a pas un père président de la République a été mis en avant dans tous les textes, pour constituer demain une cible facile à atteindre, alors que Karim Wade semble hors de portée. La responsabilité de Abdoulaye Baldé est pleinement engagée pour la totalité de la gestion de l’Anoci. Cette belle supercherie a été inventée pour rien. Elle a une finalité : mettre définitivement à l’abri et pour toujours éventuellement le « prince ». Dans l’Anoci, tout n’aura été finalement que du bluff. Les responsables de l’agence pensent que l’opinion nationale a mordu à leur hameçon. Mépris glacial que traduisent les différentes sorties publiques de ces dirigeants. Face à cela, nos compatriotes semblent réclamer un traitement égal entre citoyens, en pensant naturellement aux chantiers de Thiès. Aujourd’hui, 61
on refuse de voir la réalité en face pour en tirer toutes les conséquences de droit qui s’imposent. Il est important, comme dans le cas des chantiers de Thiès, de faire un audit indépendant de l’Anoci. En tout état de cause une inspection générale d’Etat doit être conduite pour savoir ce qui s’est réellement passé. Cela s’impose. Comme s’imposerait également la saisine de la justice au cas où cette inspection révélerait des choses interdites par la loi pénale.
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Ho @~j``m_ ^_ f~%ij]c Zpt _iom_km_i_pmn C’est en mars 2008 que le sommet de la Conférence au sommet de l’Organisation de la Conférence islamique a été enfin ouvert au Sénégal. La tenue de ce sommet a soulevé beaucoup d’interrogations. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières nationales. A l’étranger, les pays membres de la Conférence islamique se sont toujours demandé si, à la suite de deux reports de date, le sommet allait enfin avoir lieu à Dakar. Le doute s’était installé. Ils étaient nombreux à se demander si le Sénégal arriverait finalement à honorer ses engagements internationaux. A l’intérieur du pays, la polémique n’a jamais cessé d’enfler. C’est d’abord la nomination du fils du chef de l’Etat à la tête du Conseil de surveillance de l’Agence nationale chargée d’organiser le sommet (Anoci) qui avait suscité l’émoi et provoqué un tollé. La décision du président de la République de procéder à la nomination de son fils, à de hautes fonctions dans l’Etat, semblait en effet inédite, au regard des pratiques et de la tradition jusqu’ici observées dans le pays. Nous sommes en juin 2004. Le président de la République vient de créer l’Agence nationale pour l’organisation de la Conférence islamique (Anoci) prévue en mars 2006 à Dakar. Il nomme Abdoulaye Baladé, le secrétaire général de la présidence de la République, Directeur exécutif de la nouvelle agence. Karim Wade, son fils qui n’a jamais occupé de fonction officielle dans une structure de l’Etat, depuis l’arrivée de son père au pouvoir, est désigné président de son Conseil de surveillance. Le conseiller dans l’ombre de son père est en fait le véritable patron de l’agence. Celle-ci devra construire
des infrastructures, pour accueillir les hôtes du pays et prendre en charge leur séjour à Dakar. Ce ne sont pas moins de quatre mille personnes qui sont attendues dans notre capitale. Les sites hôteliers existants n’offrent pas de lits suffisants pour les nuitées nécessaires. Il faut alors en construire de nouveaux. Les routes à Dakar, rues, avenues et autres voies de circulation, ne sont pas à la hauteur de l’événement. Elles sont à peine capables d’assurer une fluidité acceptable de la circulation pendant le sommet. Les infrastructures existantes ne donnent pas à la ville une image digne de son rang et de son standing. Dakar doit changer de visage, pour recevoir ses hôtes qui viendront du monde entier. Qu’à cela ne tienne ! De grands travaux sont prévus pour l’événement. Ces chantiers ont besoin, pour être réalisés, du concours et de l’implication décisive des grandes entreprises du pays, en particulier celles spécialisées dans le Bâtiment et les Travaux Publics (BTP). A peine installée, l’Anoci en convoque cinq à la présidence de la République. Elle doit arrêter avec elles les modalités de la mise en route des travaux prévus. Elle doit également leur expliquer les modes de financement et les conditions de réalisation des ouvrages. Les entreprises concernées sont : Jean Lefebvre Sénégal (JLS), Consortium d’entreprises (CDE), la Compagnie Sahélienne d’Entreprise (CSE), Fougerolles, devenue plus tard Eiffage et Zakhem, une entreprise de construction nouvellement débarquée de Londres. Au cours de la rencontre, les responsables de l’Anoci annoncent l’ampleur des travaux à réaliser dans la Ville de Dakar. Ils expliquent aussi le volume des financements attendus des partenaires arabes. Le président de l’Anoci indiquera aussi à ses hôtes ce qu’il veut. Les détails ne manquent point. Le grand maître de cérémonie prend contact pour la première fois avec les bâtisseurs. Le « constructeur en chef » compte sur les entrepreneurs du pays. Préoccupé à bâtir et à asseoir son image de constructeur. Il va droit au but, en expliquant ce que son père et lui veulent : 64
« Au moment de la réalisation des travaux, chacun de vous sous-traitera avec l’entreprise arabe adjudicataire du marché depuis son pays. Autrement dit, quand nous obtiendrons les financements, les entreprises arabes seront désignées par leurs gouvernements respectifs pour réaliser les travaux. Et celles-ci seront tenues de les réaliser sur le terrain avec les entreprises sénégalaises, c’est-à-dire avec vous-mêmes ».
Les requêtes de financement seront accompagnées par les études de faisabilité et de factibilité des travaux prévus. Les coûts doivent être déterminés pour permettre à l’Etat de fixer les montants des financements nécessaires. Les études attendues devront également déterminer les conditions techniques de réalisation des ouvrages. Le hic, est là : aucun bureau technique n’avait été auparavant choisi pour conduire de telles études. Or, le temps presse. Il ne laisse plus de marge de manœuvre à l’autorité. Celle-ci se rabat alors sur les entrepreneurs, en leur demandant de fournir ces études. Ce n’est pas leur métier. Ils ne peuvent pas d’ailleurs le faire, car la loi s’y oppose. Mais cela ne retient point les dirigeants de l’Anoci qui attendent tout des entreprises de BTP conviées à la rencontre. Aussi, l’Anoci décide-t-elle de confier à chaque entreprise un secteur précis et une partie des ouvrages à réaliser. Chaque entreprise se voit ainsi confier la réalisation d’études techniques, en fonction des chantiers qui lui seront attribués, après une brève visite des hôtes du palais sur les sites désignés pour recevoir les travaux. Les responsables de l’Anoci proposent aux patrons de faire un tour en bus sur les différents sites qui seront ouverts. Il s’agit pour chaque entrepreneur de se faire une idée de la topographie de ces sites, avant l’attribution des travaux. Des termes de référence, en fait des informations très vagues sont donnés sur la nature des études à conduire. Tous partent ensemble sur le terrain. Le retour à la présidence de la République est intervenu au bout d’une à deux heures de visite. Enfermés dans un bureau : l’ancienne salle du Conseil des ministres, précisément, les patrons négocient entre eux le 65
partage des chantiers à sous-traiter avec les entreprises arabes. La procédure d’attribution des marchés qui est envisagée exclut l’organisation d’appels d’offres. Les entrepreneurs négocient donc dans la perspective de travailler à terme dans la position de sous-traitants des sociétés arabes qui seront nécessairement attributaires des marchés. Karim Wade précisera de nouveau à l’endroit de ses invités, avant de les enfermer dans la salle de partage des marchés, que les entreprises arabes ne seront privilégiées dans le choix de l’Etat que dans la seule mesure où leurs pays accordent des dons et des subventions pour le financement des marchés qui seront ouverts. Le cas échéant, les appels d’offres se feront chez eux et la compétition sera organisée entre les seuls entrepreneurs du pays donateur. Toutefois, si les financements escomptés sont obtenus sous forme de prêts - ce qui a effectivement été le cas pour l’ensemble des chantiers ouverts-, les appels d’offres auraient lieu au Sénégal, la compétition mettrait donc aux prises les entreprises sénégalaises. La porte peut maintenant se refermer sur les cinq patrons qui ont pris place dans la salle. Les débats sont ouverts. Chacun peut dire ce qu’il veut. C’est le Consortium D’entreprise (CDE) qui se propose de faire la corniche ouest. Celle-ci explique qu’elle est intéressée par le béton du tunnel. Elle se sent préparée à y aller. Fougerolles veut le tronçon Atépa TechnologieMosquée de la Divinité. Il propose de faire un viaduc, un pont suspendu au-dessus de la mosquée de la divinité. La Compagnie Sahélienne d’entreprise (CSE) opte pour la réalisation de la Vdn. Elle explique, à juste titre, qu’elle est bien indiquée pour réaliser les nouveaux travaux sur la Voie de dégagement nord (Vdn) et rappelle qu’elle a construit l’ouvrage de base dans les années 90. L’entreprise Jean Lefebvre s’est désignée pour faire la route qui part de l’aéroport vers le Méridien. Zakheim, l’entreprise venue de Londres, n’a aucune expérience avérée de construction dans le pays. Elle reçoit un lot à sa mesure. Les chantiers prévus 66
pour la réfection des rues et avenues de la ville lui reviennent. Elle n’est pas contente du sort qui lui est réservé dans le partage et proteste auprès de ses interlocuteurs. Elle est cependant vite remise à sa place. Et comme diraient les parents wolofs « Gaan doo yewi Bèy ». rendu en français, cela donne « Un étranger doit bien se garder de chercher à conduire le troupeau ». La réunion est terminée. Les entreprises sont pressées par l’Anoci, elle-même acculée par le temps, pour déposer leurs études. Elles ont quinze jours pour s’exécuter. Tout ne marche pas comme prévu. Les Arabes n’ont pas donné de l’argent aux responsables de l’Anoci qui sillonnent leurs pays. Karim Wade et Abdoulaye Baldé sont ainsi allés à la pêche des pétrodollars qui vont sortir les chantiers de terre. Au bout de quelques semaines, ils rentrent bredouilles, convoquent à nouveau les entreprises pour les informer que les Arabes n’ont pas réagi favorablement. « Nous devons changer d’approche », leur précisent les dirigeants de l’Anoci. Le temps presse. Les responsables de l’agence explorent toujours les pays arabes, mais ils reviennent souvent bredouilles de leurs tournées. Ces Arabes sur qui reposent tous les espoirs du gouvernement tardent à bouger. La Conférence islamique, me confiaient des ambassadeurs de pays accrédités à Dakar, quelques mois avant le sommet, n’est pas un business, une opération pour faire des affaires n’ayant rien à voir avec l’Islam. Seul le royaume d’Arabie Saoudite lâche 60 millions de dollars (trente milliards de FCfa). Pas suffisant. Le chef de l’Etat a même, pendant un moment, boudé l’argent. La variation du taux du dollar américain est entre temps passée par là, pour réduire les 30 milliards de FCfa à 26. L’Anoci se résout finalement à solliciter les fonds de la coopération financière internationale classique. Le ministre de l’Economie et des Finances, son homologue des Affaires étrangères viennent à la rescousse des naufragés... La date du sommet se rapproche à grands pas. Les travaux tardent à démarrer. L’argent n’est pas là. Que faire alors ? 67
Rio_io_ _iom_ _iom_km_i_pmn ^p 0:m Face aux chefs d’entreprise présents ce matin au palais, le président de l’Anoci leur explique que les travaux vont démarrer avec une solution de rechange. Elle consiste à faire financer les chantiers en recyclant des crédits déjà consentis à notre pays, en trouvant auprès des bailleurs de nouveaux emprunts, ou enfin, en sollicitant le Trésor public. Ce sont ces trois solutions qui sont finalement retenues. Dans le cas de la Corniche Ouest, l’Anoci a décidé de recycler un vieux crédit que les socialistes avaient obtenu du temps du gouvernement de Mamadou Lamine Loum. Un crédit accordé par le Fonds Koweitien à l’époque et qui devait servir à prolonger la Vdn jusqu’à Diamalaye. A défaut de pouvoir faire libérer la totalité de l’emprise sur laquelle était prévu ce prolongement, le projet n’avait pu être réalisé par les socialistes avant leur défaite intervenue en 2000. Les Koweitiens acceptent de recycler le crédit, en l’affectant à la nouvelle demande présentée par l’Anoci, concernant cette fois-ci la construction de la Corniche Ouest. Le Fonds saoudien est aussi sollicité, il accepte de payer l’élargissement de la route de l’aéroport vers l’hôtel Méridien président. Par ailleurs, c’est la Banque islamique de développement qui accepte de prendre le financement de la Vdn. Le tronçon Atépa-Mosquée de la Divinité sera réalisé, révèle le président de l’Anoci, grâce au budget d’investissement consolidé de l’Etat, sur trois années d’exercice, précise-t-il. Les données du problème changent sur un point : les appels d’offres seront faits au Sénégal. On ne peut pas y déroger, car on ne peut pas dépenser autant d’argent public, sans faire appel à la concurrence. Les responsables de l’Anoci avaient expliqué que chaque entreprise ayant conduit les études qui permettraient la réalisation d’un chantier précis, serait appelée à traiter avec les entreprises arabes adjudicataires des marchés. On ne change pas substantiellement les données. Les entreprises sénégalaises reçoivent chacune son lot de chantiers, à la suite 68
d’une procédure d’appels d’offres purement fictive. En réalité, c’est sur la base d’un arrangement que tout a été décidé d’avance. Des appels d’offres bidons, faits sur la base d’un accord au demeurant illégal et fortement préjudiciable à l’Etat. C’est l’Anoci qui a fait la proposition aux entreprises, pour confirmer et sauver les termes du « deal » convenu, depuis la première réunion tenue au palais. On a expliqué aux entrepreneurs que les appels d’offres seront formellement lancés. Seulement, pour chaque lot donné, les entreprises qui soumissionnent doivent se concerter entre elles. Ainsi, une entreprise ayant réalisé l’étude technique à partir de laquelle les financements ont été obtenus, va faire une offre qu’elle communiquera aux autres. Celles-ci feront, à leur tour, des offres avec des conditions financières nettement au-dessus de ce qui est contenu dans l’offre de base qui leur a été au préalable communiquée. Chaque entreprise adjudicataire a été également forcée et contrainte de s’associer avec une entreprise arabe de l’Etat d’où proviennent les financements des chantiers concernés. Cette association n’en était pas une en réalité. Car l’entreprise associée se contentait de négocier avec la partenaire sénégalaise un accord de paiement de commissions, au lieu d’un partage de chiffre d’affaires, comme c’est toujours le cas dans toutes les situations d’une offre commune déposée par des entités liées par un pacte de partenariat. Ce type d’association et les paiements de commissions qu’il a entraînés ont pu donner naissance à des abus en termes de détermination des coûts des travaux.
@Z hZo0mcZfcnZocji ^p ^_Zf npm f_ o_mmZci Concrètement le deal a opéré dans le cas précis des chantiers de la Corniche Ouest de la manière suivante: Fougerolles a fait une offre financière de 24 milliards de FCfa, alors que CSE a fixé la sienne à 23 milliards de FCfa. Bara Tall et JLS qui ont proposé 16 milliards de FCfa sont éliminés. C’est CDE qui gagne la mise. La presse se fait écho 69
de magouilles qui auraient marqué l’attribution du marché à CDE, alors que JLS était le moins disant. Invité sur le plateau de la télévision nationale, le Directeur exécutif de l’Anoci, Abdoulaye Baldé explique l’élimination de JLS, en avançant des arguments peu convaincants. Des arguments qui ont été du reste démentis par les constats faits et par les pratiques observées dans la conduite des appels d’offres faits par l’Anoci. Abdoulaye Baldé a osé regarder les Sénégalais dans les yeux pour leur expliquer que : « JLS a été éliminée parce que cette société n’a pas les compétences techniques requises pour réaliser un tunnel ».
Sauf que sur le même plateau, le directeur technique de CDE qui prenait part au débat reconnaissait lui-même que sa société a fait appel à une société française qui l’a accompagnée pour faire son offre. Autrement dit, CDE n’avait pas elle-même l’expertise en matière de construction de tunnel. Un autre argument a été servi pour justifier l’élimination de la société JLS. En effet, certains responsables de l’Anoci ont prétendu que si JLS a été éliminée, c’est parce que son offre a été sous-évaluée en termes financiers, et que de toute manière, elle aurait proposé à l’Anoci la signature d’un avenant. Là également, l’argument ne peut pas prospérer. CDE qui a gagné le marché de 22 milliards de FCfa, a signé avec l’Anoci un avenant d’un montant de 7 milliards de FCfa. Les responsables de l’Agence ne s’entendent pas sur la manière d’évaluer les offres qui sont faites par les entreprises engagées dans les chantiers et pour justifier l’élimination de JLS. Karim Wade explique que : « Les rallonges sur les marchés publics sont la plupart du temps causées par un dumping des entreprises qui sous-évaluent leurs offres par rapport au marché. L’échelonnement des travaux par l’Anoci s’explique par
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le souci de ne pas bloquer la mobilité urbaine à Dakar ».7
Quand Karim Wade dit cela, au même moment Aminata Niane, membre du Conseil de surveillance de l’Anoci, elle, soutient avec même une sorte de vindicte à la bouche que : « Il n’y a pas d’obligation de prendre une société moins disant. Il faut pendre la moins chère si elle en a les capacités, il y a une sorte de terrorisme communicationnel de certaines entreprises par le biais de leur groupe de presse, or celles-ci ne sont pas souvent les plus vertueuses. L’ouverture des offres financières se fait de façon publique. L’évaluation doit tenir compte de la capacité technique avant tout. Les résultats des dépouillements paraissant le lendemain dans les journaux. L’Apix, elle-même, a subi ce genre de pression ».8
Tous ces arguments ne sont en fait que des prétextes. Il faut plutôt chercher la décision qui fait perdre des marchés à Bara Tall dans la volonté de tuer et d’éliminer un homme d’affaires ayant refusé de participer à la mise en place de cette entente qui a abouti à une majoration excessive des prix dans le cadre des travaux de l’Anoci. Il y a un autre facteur explicatif lié à l’offre que Bara Tall avait déposée, suite à l’appel d’offres lancé pour la réalisation du tronçon de l’autoroute Malick Sy- Patte-d’oie.
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Procès verbal de réunion pour examen par le Conseil de surveillance de l’Anoci du rapport du contrôle de gestion sur l’exécution des projets d’infrastructures routières au 30 juin 2007. 8 Réunion, op.cit.
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So V_p` ]bZioc_mn npm f_ ^0kZmo Au total, neuf chantiers devaient être ouverts, selon le programme ambitieux qui a été présenté à l’Anoci à la première réunion du Conseil de surveillance. Chaque chantier correspondait à des travaux précis et à des sites identifiés dans l’ensemble de la ville de Dakar. De tous les chantiers prévus, seuls trois seront effectivement ouverts. Rappelons les travaux concernés au départ, avant de dresser le total bilan de ce qui a été réalisé. Au départ, l’Anoci devait construire et aménager les chantiers ci-après listés : 1) : Elargissement et Aménagement de la corniche Ouest à Dakar y compris la construction d’un tunnel à Soumbédioune et de trois trémies (passages souterrains au niveau de Stèle Mermoz (Cabinet Atépa), de l’avenue Frobenius (Fann résidence) et de la place du millénaire ; 2) : construction de la route Stèle MermozMosquée de la divinité- Pharmacie Mamelles : il s’agit, ici, de construire d’ouvrage d’art et cinq giratoires ; 3) : réhabilitation et Extension de la Voie de dégagement nord (Vdn). Ce chantier prévoit la construction de trois intersections dénivelées aux carrefours : Bourguiba, ancienne piste 2 fois 2 voies Liberté 6; 4) : élargissement et aménagement de la route de Ouakam avec la construction de cinq intersections dénivelées ; 5) : construction du prolongement de la route 2 fois 2 voies Liberté 6-dispensaire Philippe Maguilène Senghor ; 6) : Elargissement et aménagement de la route de l’aéroport LSS-site (Mamelles) y compris la bretelle de l’hôtel-Méridien et la corniche des Almadies ; 7) : construction de la route Virage-Route de l’aéroport.
D’autres chantiers ont été également prévus pour rendre le centre ville de Dakar plus conforme à l’image que l’on veut offrir aux hôtes de l’Etat. Les avenues très peu adaptées à la circonstance, les rues, boulevards et routes renvoyant l’image d’une ville dégradée doivent changer avant le sommet. C’est ainsi que d’autres travaux ont été envisagés dans tout le centre ville de Dakar. Ces travaux se décomposent ainsi qu’il suit : « 8) : Réhabilitation des Boulevards de la République et de la Libération, des Avenues Léopold Sédar Senghor, Nelson Mandela, Pasteur Roosevelt, et des Diambars ; 9) : construction de la route Avenue Lamine GuèyeGare ferroviaire (place du tirailleur) avec des ouvrages spéciaux ».
Au départ, le programme arrêté par l’Anoci était plus qu’ambitieux. Il s’est révélé à l’arrivée quelque peu modeste. En définitive, à peine un tiers des travaux a été réalisé par l’agence. Cet échec relatif explique en partie la décision du chef de permettre à son fils, dans le cadre de la délimitation des pouvoirs de son énorme ministère, d’avoir la haute main sur les infrastructures. Cela lui donnera les moyens de continuer de régir tout ce qui est construction de routes et autres au Sénégal .Tous les financements attendus au cours des prochaines années, pour le développement de ce secteur sensible et gourmand en investissements seront gérés directement par le fils du chef de l’Etat.
@_ oZpt ^_ m0ZfcnZocji Finalement, l’Anoci n’aura réalisé un an après la tenue de la Conférence islamique qu’un tiers des projets arrêtés. En vérité, sur les neuf chantiers identifiés au départ, seuls deux ont été achevés : Corniche Ouest et Mosquée de la divinité. Et encore ! Le chantier Patte-d’oie Aéroport a été à l’origine un projet de l’Agence pour les travaux publics (Aatr). Après l’achèvement du premier tronçon de l’autoroute, l’Agence avait estimé qu’il était logique de prolonger, dans les mêmes 74
perspectives, ce qui venait d’être fait vers la direction de l’aéroport. Pour les techniciens et responsables de l’Aatr, cette logique s’imposait d’autant plus que la construction de l’autoroute à péage, donnait un sens au projet global de modernisation des axes routiers dans tout ce secteur de la ville. La nouvelle autoroute à péage dont la construction était envisagée ouvrait des perspectives harmonisées sur l’ensemble du parcours, à la fois dans les sens nord et ouest de l’ensemble du tracé. A peine entamée dans le sens Patted’oie aéroport Léopold Sédar Senghor, le projet a été récupéré par l’Anoci. Il s’agissait sûrement pour elle d’étoffer l’actif dans le bilan de la Génération du concret. Rappelons que son chef de file se préparait pour prendre la mairie de Dakar et éventuellement le pays, drapé du manteau de constructeur. Depuis le 22 mars 2009, on sait que les électeurs en ont décidé autrement. Dans l’audit commandité par l’Anoci elle-même et réalisé par le cabinet CICE, on peut lire : « Au total, sur un budget autorisé de 100, 894 milliards de FCfa, l’Agence Nationale de l’OCI a effectivement mobilisé des financements à hauteur de 65% à la date du 30 avril 2007. Ce taux est passé à 88% à la date du 30 juin 2007 ».
Le rapport d’audit poursuit et donne des détails saisissants sur les réalisations de l’agence : « Au total, la situation d’exécution des projets est la suivante : projets en cours d’exécution, l’élargissement et l’embellissement de la corniche ouest, construction et aménagement de la route mosquée de la divinité, élargissement et embellissement de la Vdn. Projets dont le financement est acquis : élargissement et aménagement de la route de Ouakam, élargissement et aménagement de la route de l’aéroport-Bretelle Hôtel Méridien Président ».
Pour cinq autres projets, les recherches de financements étaient toujours en cours à la date du 30 juin 2007. En fin de compte, seuls trois chantiers ont été réalisés. Les deux 75
autres chantiers dont les financements ont été trouvés depuis 2007, n’ont jamais été réalisés et ne sont même pas en passe de l’être. La question légitime que tous les Sénégalais se posent est celle-ci : que sont devenus les financements destinés à réaliser l’élargissement de la route de Ouakam et l’agrandissement de la route Aéroport-Méridien ? Que sont devenues les villas présidentielles que l’Anoci avait décidé de construire avant le sommet ? L’audit réalisé sur la gestion ne répond pas à ces questions. Elle ne les aborde même pas. Comment expliquer l’échec de l’ambitieux programme de départ de l’Anoci ? Cet échec est illustré, par exemple, par le projet d’agrandissement de la route allant de l’aéroport au Méridien, pour un montant global de 60 millions de dollars. Soit 30 milliards de FCfa. Le projet devait être réalisé sur la base d’une requête présentée au Fonds saoudien. Ce dernier a finalement accordé le crédit. L’échec qui caractérise la mise en œuvre de l’ambitieux programme s’explique en partie par la manière dont l’agence a été gérée. Les chantiers de l’Anoci ont suscité beaucoup d’interrogations et continuent d’en susciter. Les procédures qui ont conduit au choix des entreprises jettent le trouble dans l’esprit de beaucoup de cadres de l’Administration qui suspectent de graves malversations dans l’attribution des marchés. On se rappelle que moins de deux ans après son installation au pouvoir, le président de la République avait dans son collimateur le président de CSE, Alioune Sow. Il lui reprochait d’avoir surfacturé des travaux à l’époque des socialistes et d’avoir été le principal bailleur de fonds de son rival de l’époque, Abdou Diouf. Il était également accusé d’avoir facturé des marchés fictifs qui ont été payés par l’Etat et d’avoir partagé le bénéfice avec des responsables socialistes. Ces graves accusations – il n’était pas évident de les prouver- avaient failli conduire en prison le plus ancien et l’un des plus respectés des entrepreneurs des BTP du pays. N’eussent été les nombreuses interventions en direction du président Abdoulaye Wade en sa faveur, Alioune Sow dont la 76
réputation d’homme rigoureux et droit jusqu’ici acceptée par tous aurait pu aller en prison. Il fut l’objet de menaces et de chantages qui l’avaient sérieusement ébranlé. C’est, entre autres, pour ces raisons que de nombreux spécialistes des BTP qui ont été contactés au cours de nos investigations n’ont pas compris pourquoi son entreprise a accepté de s’associer à des transactions sur des marchés manifestement problématiques. Les marchés de l’Anoci ont pu donner lieu dans les attributions à de vastes opérations de distraction, à des fins personnelles, de deniers publics. Les dépassements budgétaires notés, de même que l’ampleur des avenants qui ont organisé de tels dépassements laissent croire qu’il y a eu des choses très peu claires dans toutes ces opérations. On ne manque pas de le penser quand le rapport des auditeurs de l’Anoci qui mentionne que l’aménagement et l’équipement du dixième étage de l’Immeuble Tamaro qui abrite les bureaux du président de l’Anoci ont coûté la bagatelle de 750 millions FCfa. Une telle somme d’argent peut servir à construite à Dakar un immeuble de 11 étages sur un terrain de mille mètres carrés, au coût actuel des matériaux de construction, de la main d’œuvre et des terrains dans la ville de Dakar. On comprend alors que dans de conditions, où le manque de transparence fait loi, qu’on n’ait pas pu dégager suffisamment de ressources financières, pour tous les travaux. Paradoxalement, d’importantes sommes d’argent ont été dépensées. Si tout l’argent effectivement sorti des caisses de l’agence avait été utilisé de façon rationnelle, judicieuse on aurait pu couvrir tous les besoins de financement des neuf chantiers ouverts au départ. Malheureusement, tel n’a pas été le cas.
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^o % f~jmcaci_Y ]~0oZco pi hZm]b0 ^_ == hcffcZm^n Le marché de la Corniche Ouest qui part de chez Atépa Technologie (Place de la Bienvenue, pour respecter l’appellation préférée du président de l’Anoci), jusqu’à l’ex tribunal régional de Dakar (Bloc des Madeleines), a été le premier chantier lancé en grandes pompes par le chef de l’Etat lui-même. Les travaux concernaient une distance totale évaluée à 7 kilomètres linéaire pour un coût global hors taxe de 22 milliards de FCfa. C’est le Sénégal qui paie dans son budget consolidé d’investissement la somme de 3 milliards de FCfa représentant sa contrepartie et les diverses taxes afférentes. En réalité, le Trésor public décaissera beaucoup plus que cela, car il y a eu des marchés additionnels signés et la décoration pour assurer l’aménagement, l’embellissement des sites. L’Etat du Sénégal aura dépensé au moins 21 milliards de FCfa. L’exécution du marché de la Corniche Ouest a connu d’importants dépassements budgétaires. On peut lire dans le document d’audit de l’Anoci : « Le Fonds Koweitien, pour la partie hors taxes : 18 870 000 000 FCfa. Le Budget Consolidé d’Investissement, pour les taxes : 3 904 632 033 de FCfa. Soit un total de 22 774 632 033 FCfa. L’Etat du Sénégal a pris en charge l’ensemble des taxes initiales et additionnelles dans le cadre du BCI. En cours d’exécution et sur recommandations pertinentes des partenaires techniques (Onas, Aatr, Cetud), le projet a connu des aménagements et des adaptations techniques qui ont entraîné une augmentation du budget initial ».
Le rapport d’audit continue les explications et fournit des éclairages sur les importants dépassements budgétaires intervenus au cours de l’exécution du marché. En fait, ces dépassements constituent une marque dans la conduite des travaux de l’Anoci. De ce point de vue, le marché de la Corniche Ouest détient le record absolu. Le rapport indique. « La modification du profil en long du tunnel pour passer sous le canal de Soumbédioune a entraîné un surcoût pour la réalisation de l’ouvrage. Ce surcoût est dû essentiellement à la mise en œuvre de techniques pour garantir la solidité et la sécurité de l’ouvrage. Les parois moulées et les barrettes doivent être ancrées à des profondeurs de 17 à 22 mètres, pour une surface utile de 10 mètres. Il faut également ajouter les techniques de réalisation. La proximité de la mer, donc de la nappe phréatique à fleur de chaussée va entraîner la mise en œuvre d’une panoplie d’ingéniosité et de technicité pour vaincre le défi de la profondeur. Le coût du tunnel après les études approfondies est estimé à 9 802 204 286 FCfa, toutes taxes comprises ».
Les explications fournies pour justifier les dépassements paraissent parfois empruntées et traduisent dans certains cas un manque de préparation et un amateurisme caractéristiques d’un pilotage à vue, sans nom. Il en est ainsi quand les auditeurs tentent de justifier des coûts additionnels de 9 milliards de FCfa liés à la construction du tunnel, les 273 millions de FCfa dus à la construction d’un toboggan imposé par la présence d’un cimetière. On brandit un tel argument comme si on ne savait pas, au moment de faire les études techniques sur le chantier, que ce cimetière existait. Ce cimetière est tout de même là depuis presque un siècle. Pince sans rire : « L’élargissement de la Corniche Ouest côté mer dans la traversée de Soumbédioune allait entraîner la démolition et la reconstruction d’un pan important du mur de clôture du cimetière mais surtout le déplacement de quelques dizaines de sépultures. Un ouvrage en hauteur (Toboggan) a été conçu pour enjamber le mur du
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cimetière. Le coût de réalisation de cette infrastructure est estimé provisoirement à 273 692 349 FCfa (Ttc) ».
Les explications aussi fantaisistes les unes que les autres s’enchaînent. En réalité, ce toboggan était au départ envisagé pour assurer un déplacement sans encombres des habitants du quartier de la Médina vers le cimetière. Il était à l’origine conçu comme un pont. C’est en cours d’exécution des travaux que des contraintes techniques ont amené l’entreprise à supprimer le vide, en fermant totalement l’ouvrage, pour en faire un amas de béton dont la présence en cet endroit n’a aucune explication rationnelle. Si sa conception originelle avait été maintenue, l’ouvrage aurait permis d’éviter d’isoler totalement la Médina de la corniche. Ce qui est le cas aujourd’hui. Les brèches ouvertes bien tardivement sur les rampes centrales de la route ne règlent que très partiellement le problème de l’isolement de la Médina. Finalement, il se dégage une impression très fâcheuse, que le lancement des travaux de la Corniche Ouest n’a au départ reposé sur rien de sérieux. C’est à croire qu’aucune étude n’a été réalisée pour les lancer. C’est tout de même fort étrange quand on considère la très grande complexité qui caractérise la construction d’un tunnel qui plus à proximité de la mer. Certains édifices ne peuvent pas être construits sans des études de conception préalables. Prenons l’exemple du Pont routier du Canal IV, pour souligner davantage la désinvolture des initiateurs de ces travaux. A ce sujet, le rapport d’audit explique : « La construction du ponceau enjambant le canal IV dans la continuation de la route de Fann est devenue stratégique pour l’amélioration de la mobilité dans le cadre du Plan alternatif de circulation, compte tenu des problèmes liés au croisement du Canal de la Gueule Tapée et du tunnel de Soumbédioune, des contraintes liées à la construction du tunnel, des problèmes relatifs à la stabilité des bâtiments bordant le tunnel de Soumbédioune. Le coût de réalisation de cette infrastructure est d’environ 177 millions de F Cfa Ttc ».
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Le travail de conception de base d’un ouvrage d’art n’a jamais été et ne sera jamais une tâche superfétatoire à laquelle on peut décider de recourir ou de surseoir selon les humeurs ou les caprices de son commanditaire. En l’ayant oublié, les dirigeants de l’Anoci ont, par incompétence ou par négligence coupable, multiplié par deux les coûts des travaux de la Corniche Ouest.
@_ kcfjoZa_ ) qp_ ^_n ]bZioc_mn Pourquoi tous ces coûts additionnels largement prévisibles au départ n’ont pas été intégrés dans les calculs et présentés dans le marché de base ? En réalité, dans l’exécution de ce chantier l’amateurisme organisé est manifeste. A quelle fin ? Espérons qu’il ne s’agit point de moyens d’enrichissement sans cause. Le rapport d’audit parle de dépenses additionnelles relativement à la réservation de chaussée pour la traversée en expliquant que : « L’objectif de ces réservations pour la traversée de chaussée est d’éviter, pour des besoins d’extension ou de demande de raccordement, que les concessionnaires de réseaux (Sde/Sones, Onas, Senelec) démolissent la chaussée par des tranchées souvent mal refermées. Pour la densité et l’importance de l’occupation de la Corniche Ouest une dizaine de traversées de chaussée ont été aménagées. Le coût de ces travaux est de 109 596 252 de FCfa, toutes taxes comprises ».
109 millions de FCfa pour défrayer des coûts qui auraient pu être prévus dès le démarrage du projet, pour éviter ainsi de charger le budget pour la réalisation de travaux s’avérant, par la suite, inutiles et coûteux. C’est franchement curieux que l’on ne s’en rende compte, après avoir construit la route, comme le souligne le rapport d’audit : « il s’avérait nécessaire de réaliser la voie de desserte entre la trémie Frobenius et le giratoire Aimé Césaire pour accéder à l’hôtel Sea Plaza et à son Centre Commercial. Le coût de ces travaux est estimé à 182 968 782 de FCfa, toutes taxes comprises.».
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Comment peut-on justifier toute cette masse d’argent (183 millions de FCfa) consacrée, dit-on, à la construction d’une bande de terre asphaltée mesurant moins de 150 mètres de long ? Les dirigeants de l’Anoci devront fournir des explications autres que celles très sommaires contenues dans leur rapport d’audit pour justifier leur décision de construire la bretelle d’accès à un hôtel privé. On ne voit pas comment et pourquoi l’Etat doit payer cette facture, sans que ceux qui ont ordonné le paiement soient passibles de délit de détournement de deniers. Si c’est une convention qui l’a ordonné, on peut alors se poser des questions sur la légalité et la légitimité de cette convention. Les citoyens attendent d’être identifiés sur le paiement de ces 183 millions de FCfa qui ont permis de construire une bretelle pour accéder au Radisson Sea Plaza. Au chapitre de l’assainissement, on peut le constater pour le déplorer, les sommes engagées par l’Anoci sur ses fonds propres pour réaliser les travaux relatifs à ce chapitre sont extrêmement élevées. Sans compter ce qui a été réalisé dans ce même chapitre par les sociétés d’Etat concessionnaires des services publics d’eau et d’électricité : « Assainissement Carrefour Bloc des Madeleine, Déviation des eaux du Canal de la Gueule Tapée en buses 800, Assainissement Malick SY, Vanne murale et déversoir d’orage, vidanges et ventouses sur tuyaux de refoulement ONAS Université / Soumbédioune et traversée Canal V, Pose gaines réservation alimentation électrique TPC Bloc des Madeleines, Décapage du revêtement bitumineux existant, Abattage d’arbres, Sciage revêtement existant, Drains le long des murs des trémies, Etanchéité dalle supérieure tunnel et trémies, Bordures GS 2 et CS 1, Tubes en acier pour essais soniques. Le coût de ces travaux est estimé à 371 596 792 de FCfa (Ttc) ».
La conclusion du rapport d’audit sur l’ensemble des modifications apportées à l’exécution du projet initial de la Corniche Ouest est édifiante, par rapport au défaut de
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maîtrise des coûts des ouvrages construits sur tout le tracé de ce site. Au total, renseigne le rapport : « L’ensemble des modifications et adaptations techniques a fait évoluer financièrement le projet comme suit : pour les Travaux : d’un montant initial de 18 115 197 407 FCfa (Htva) à un montant réajusté de 25 988 396 FCfa (Htva) d’où un dépassement de 7 873 198 755 FCfa (Htva) correspondant à un taux de 43,5% ».
Les renseignements fournis sur le contrôle et sur son coût confirment en tout point, le constat général dressé à savoir que les chantiers de la Corniche Ouest ont été principalement caractérisés par un manque total de maîtrise des coûts des édifices : « Pour le Contrôle : d’un montant initial de 602 450 000 FCfa (Htva) à un montant additionnel total de 938 000 000 FCfa (Htva) d’où un dépassement de 335 550 000 FCfa (Htva) correspondant à un taux de 56%. Ainsi, pour les Travaux et le Contrôle, le montant global et initial du marché est passé de 18 717 647 407 FCfa (Htva) à un montant réajusté de 26 926 396 162 FCfa (Htva) d’où un dépassement de 8 208 748 755 de FCfa (Htva) correspondant à un taux de 44% ».
Arrêtons-nous un instant sur cette conclusion, pour faire un certain nombre d’observations, à la lumière de la nomenclature des dépenses, telle que présentée par le rapport d’audit de l’Anoci. De ce point de vue, il y a lieu de mentionner que le financement obtenu du Fond Koweitien (Fkdea) était au départ de 10 millions de dinars koweitiens soit 18,870 milliards de FCfa (1DK = 1887 FCfa). Compte tenu des aménagements et des adaptations techniques ayant entraîné une augmentation du budget initial, le recours à un financement complémentaire devenait dès lors nécessaire. A cet effet, une seconde requête a donc été adressée au Fonds en décembre 2006, pour un montant de 5 158 100 925 de FCfa(htva). Cette requête était devenue une nécessité pour compléter le coût de construction du tunnel de 84
Soumbédioune. En avril 2007, le Fonds Koweitien a donné une suite favorable à la requête, pour un montant de 5,5 milliards de FCfa, soit 10 millions de dollars US (I$US = 550 FCfa). En conséquence, les sommes globales obtenues sur financement du Fonds Koweitien, à la date du 30 avril 2007, se chiffrent à un montant hors taxes et hors douane de 24 370 000 000 FCfa. Ceci se décompose, selon les termes du rapport d’audit ainsi qu’il suit : « Financement initial : 18 870 000 000 de FCfa, Financement additionnel : 5 500 000 000 de FCfa, soit un total de 24 370 000 000 de FCfa. Le financement à rechercher pour les travaux additionnels et le coût des prestations de la mission de contrôle est estimé à 2 232 197 407 de FCfa. Il se présente comme suit : coût global Htva réajusté des travaux et du contrôle 26 926 396 162de FCfa financement obtenu à la date du 30 avril 2007 24 370 000 000 de FCfa. Le complément global du financement à rechercher à l’époque était de l’ordre de 2 556 396 162 de FCfa ».
La conclusion émise par les auditeurs sur ce point précis est accablante pour les dirigeants de l’Anoci. Ils sont accablants car elle atteste de l’incompétence et du laisser aller dans les actes de gestion posés par les dirigeants de l’agence, en matière de maîtrise des dépenses et de rigueur dans la planification stratégique. C’est d’ailleurs étonnant pour des gens qui se targuent d’être de grands spécialistes des finances et des stratégies d’investissement. Le père du président de l’Anoci se plaît souvent à souligner que son fils a fait l’ingénierie financière et exhibe à cet effet, son cv d’ancien banquier de la City à Londres. Toutes ces prétentions n’ont jamais été prouvées dans la gestion des chantiers, en particulier dans le cas de la Corniche Ouest. Les auditeurs de l’agence soulignent : « Il convient de souligner que le montant des travaux additionnels n’est pas encore stabilisé à la date du 30 juin 2007, il ne prend pas encore en compte le coût relatif à l’aménagement paysager qui avoisinera 2
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milliards de FCfa. Il y a donc lieu d’évaluer de manière exhaustive le montant de ces travaux avant d’engager une nouvelle procédure de régularisation ».
Au final, pour ce que nous avons pu reconstituer comme dépenses réelles sur la Corniche Ouest, les montants s’élèvent à un total de 40.028 milliards de FCfa. En lisant ce qui précède, on se rend compte qu’aucune planification stratégique des dépenses n’a été proposée par l’équipe dirigeante de l’Anoci. Celle-ci courait derrière les entreprises qui facturaient, déposaient des décomptes partiels et faisaient signer des avenants à mesure que les travaux avançaient. En effet, dans presque toutes les enquêtes que nous avons conduites et au vu des recoupements de budgets réalisés, indépendamment des informations fournies par le rapport d’audit de l’Anoci, nous avons pu noter des dépassements de coûts très importants, en ce qui concerne l’exécution des travaux de la Corniche Ouest. L’Anoci a largement utilisé, ici, la technique des marchés éclatés et imputés à plusieurs budgets sectoriels pour trouver les sommes d’argent nécessaires et pour faire face aux dépassements budgétaires provoqués. Rien n’a été au départ contrôlé dans les procédures de passation des marchés, en dépit de ce que veulent faire croire les auditeurs de l’Anoci : « Concernant la Passation des marchés, sur la base des procédures du Fonds Koweitien et de la manifestation d’intérêt du 19 mars 2005, une liste restreinte de neuf (9) Bureaux d’Etudes et de neuf (9) entreprises toutes sénégalaises a été soumise à l’avis de non objection du Fonds koweitien qui a approuvé la liste des bureaux d’études et celle des entreprises pré qualifiées de la partie sénégalaise le 30 octobre 2005. Ces bureaux d’études et Entreprises devront au moment de la consultation s’associer obligatoirement avec les Bureaux d’études et Entreprises koweitiens dont la liste a été envoyée par le Fkdea à l’Anoci le 9 octobre 2005 ».
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Les auditeurs poursuivent pour préciser à propos de la passation des marchés : « Par la suite, le 12 novembre 2005, par voie de presse au Sénégal et au Koweït, un appel à concurrence a été lancé par l’Anoci suivant les procédures de Fkdea auprès des Bureaux d’études et Entreprises koweitiens et sénégalais qui doivent se constituer sous forme de groupement pour pouvoir soumissionner ».
De telles affirmations sont contredites par la réalité des faits. Les auditeurs ignorent les négociations qui ont eu lieu à la présidence de la République bien avant l’ouverture des marchés de l’Anoci. Celles-ci ont conduit à la mise en place de cette entente illicite et illégale qui a marqué les rapports entre les différentes entreprises qui ont pris part à la compétition. C’est cette entente illicite qui a été largement dénoncée par un des acteurs des pourparlers de la présidence ayant eu lieu sous la présidence du patron de l’Anoci qui explique en partie aujourd’hui le défaut de maîtrise et les importants dépassements budgétaires constatés. Le marché de la Corniche Ouest illustre, de la façon la plus remarquable, l’extraordinaire gâchis qui a marqué la conduite des travaux préparatoires du 11ème sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique à Dakar. Les couvertures légales qui feront l’objet des développements ultérieurs indiquent dans quel état d’esprit les travaux ont été engagés et quelles étaient les motivations de ceux qui les ont conçus grands et insatiables en milliards. Et c’est à croire que les marchés n’étaient intéressants et utiles que dans la seule mesure où ils exigeaient beaucoup de milliards. Cette attitude des responsables de l’Anoci, curieuse à tout point de vue, ne s’explique pas pour de nombreux citoyens de ce pays. Ceuxci considèrent à tort ou à raison que les chantiers cachaient en vérité un agenda politique qui avait besoin de très gros moyens financiers pour être engagé, sous de bons auspices, et avec de meilleures chances de réussite.
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@_n ]jpq_mopm_n f0aZf_n Pour donner toutes les apparences d’une procédure légale et licite au marché conclu entre CDE et l’Etat du Sénégal, le contrat signé par le Directeur Exécutif de l’Anoci, a été visé par la Commission nationale des contrats de l’Administration (Cnca) et approuvé, en dernier ressort, par le Premier ministre de la République du Sénégal. La procédure de lancement de l’appel d’offres et l’adjudication du marché ont duré un peu plus de trois (03) mois. Le marché a reçu les approbations de la Cnca le 07 mars 2006 et celle du Premier ministre du Sénégal le 11 mai. Aussi, peut-on lire dans le rapport d’audit : « L’exécution financière de ce projet à la date du 30 avril 2007 peut être présentée comme suit : le taux moyen d’exécution financière est de 51,46%, alors que la durée prévue initialement était de 12 mois. En ce qui concerne les indicateurs de performance retenus pour ce projet ont été présentés ainsi qu’il suit : délai de mobilisation du financement initial : 7 mois délai de mobilisation du financement additionnel : 4 mois délai de passation des marchés : 3 mois 10 jours délai de traitement et de paiement des décomptes: 1,5 mois, taux d’exécution financière au 30 avril 2007 : 51, 46% taux d’exécution physique au 30 avril 2007 ».
Au tableau de la mobilisation des fonds nécessaires pour la réalisation des travaux et à celui de la passation des marchés, le rapport d’audit de l’Anoci précise que : « La mobilisation des fonds Le montant du marché, qui s’élève à 725 641 000 FCfa Ttc, est pris en charge dans les mêmes conditions que les travaux (montant hors taxes, hors douanes) par le Fkdea. La passation du marché pour le contrôle s’est faite par appel à la concurrence internationale sur la base de la liste des bureaux de contrôle validée par le bailleur. Les fournisseurs consultés ayant été sélectionnés à partir du fichier élaboré suite à l’appel à manifestation d’intérêt de mars 2005. Le groupement SETICO Ingénieurs Conseils/TAEP consortium de bureaux d’études a été
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retenu après évaluation des offres techniques et financières ».
Le rapport poursuit et donne davantage de précisions en indiquant que : « La procédure de dépouillement des offres et d’adjudication a duré 2 mois et 15 jours. Le marché a reçu les approbations ci-après: la Cnca le 21 avril 2006 ; le Premier ministre le 05 mai 2006. L’exécution financière de ce projet à la date du 30 avril 2007 peut être présentée comme suit : 11 mois et 22 jours après le début des travaux de contrôle, le taux d’exécution financière du marché de contrôle est de 64%. Le contrat ayant été conclu pour une durée de 13 mois, un avenant est prévu pour le proroger jusqu’à la fin des travaux ».
Et comme dans presque tous les marchés de l’Anoci, les coûts supplémentaires sont inévitables là aussi. Ainsi, le rapport note à ce sujet : « Le coût supplémentaire des prestations du Contrôle jusqu’à la fin des travaux est estimé à un montant de 395 949 000Fcfa HTVA 335 550 000 Fet peut être présenté comme suit : marché initial 602 450 000 FCFA marché réajusté 938 000 000 FCfa Coût supplémentaire 335 550 000 FCfa ».
@Z m0Zfco0 ^_n `Zcon Cette réalité est différente de ce qui est décrit à propos de la procédure d’attribution et de contrôle du marché. Les incohérences qui caractérisent cette procédure, en dépit de ce que l’on nous en dit, sont énormes et frappantes. Tout, dans les faits et les pratiques qui ont caractérisé la passation des marchés de l’Anoci, contredit les prétentions de l’agence qui ne correspondent pas à la réalité vécue. Bara Tall, l’un des entrepreneurs ayant participé aux offres, n’a eu de cesse de dénoncer ce qui s’est passé. Il a saisi officiellement l’Autorité de régulation des marchés publics pour dénoncer les agissements de ceux qui ont procédé à l’attribution des marchés. Aussi, écrit-il à l’attention de cette même autorité : 89
« Notre offre moins disant à 16 milliards de FCfa a été écartée au profit de celle de CDE qui était à 22 milliards : la raison avancée publiquement à la télévision nationale par le Directeur exécutif de l’Anoci, était que nous n’étions pas des spécialistes d’une part et que d’autre part nous faisions des offres basses pour ensuite faire des avenants. Nous vous laissons apprécier de tels arguments, sachant par ailleurs que le Directeur technique de l’entreprise retenue (CDE), a lui-même annoncé à la même télévision qu’ils ont fait venir des spécialistes de France pour résoudre les problèmes techniques rencontrés dans la réalisation du tunnel de Soumbédioune. Le même Directeur Exécutif de l’Anoci a été montré à la même antenne de le Rts signant un avenant de 6 milliards pour les mêmes travaux ».
Bara Tall, poursuit toujours en direction des responsables de l’Autorité de régulation des marchés publics : « Monsieur le président, nous attirons votre attention sur l’aboutissement de tout ce processus : l’existence et la protection de deux et parfois trois entreprises que tout le monde connaît et qui, par un jeu d’ententes totalement illicites, a fini de fausser complètement le jeu de la concurrence dans le secteur des routes, tirant les prix pratiqués à un niveau jamais égalé, irréaliste et sans commune mesure avec ce qui se fait ailleurs et avec les possibilités du Sénégal. Nous avons choisi délibérément de nous mettre en dehors de ce groupe en pratiquant la vérité des prix et nous en payons aujourd’hui les conséquences ».
Un membre de l’Autorité de régulation des marchés publics que nous avons contacté s’exprimant sous le sceau de l’anonymat affirme : « Nous avons manqué d’autorité et de poigne dans l’affaire des chantiers de l’Anoci, en entérinant des procédures injustes à l’égard de Bara Tall mais qui plus est totalement illégales et illicites. La plupart d’entre nous avons eu mal dans notre conscience face au scandale que constituent le choix des entreprises et la passation des marchés. Nous ne sommes pas crédibles.
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Notre institution est là pour légitimer parfois des forfaits inacceptables ».
Au départ, le marché de la Corniche ouest qui était fixé à l’origine à 22 milliards de FCfa a été réalisé pour un coût global de 40 milliards de FCfa. Le laxisme et le laisser-faire de l’autorité de régulation des marchés publics dans ce cas d’espèce et dans le cas de tous les autres marchés de l’Anoci, ont certainement permis une spoliation à grande échelle du Trésor public. Les auteurs de cette spoliation ont revêtu toutes les apparences de légalité. Ils ont joué avec la loi et rusé avec les citoyens qu’ils ont également tenté de bluffer lors de la présentation du bilan de l’agence. Nous avons identifié des marchés où l’incohérence qui structure le contenu et la nature des travaux jette le trouble dans les esprits. Dans tous les marchés de construction de routes, les bordures et pavés qui constituent une composante essentielle de l’ouvrage de base en construction sont toujours facturés dans le marché global ayant fait l’objet du contrat de prestation. Dans le cas spécifique de la Corniche Ouest, CDE a pu bénéficier d’un marché à part pour réaliser de telles bordures et pavés. Un contrat additionnel de 2,547 milliards de FCfa a été conclu en sa faveur. Les 22 milliards de FCfa de marché de base comprenaient bel et bien une rubrique réalisation de bordures et de pavés. « Ce contrat a été approuvé par la Commission nationale des contrats de l’Administration et approuvé en dernier ressort par le Premier ministre »
Il n’empêche, toutes les instances qui ont validé et approuvé ce marché n’ont fait qu’entériner un processus illégal et illicite ayant conduit peut-être à une vaste spéculation portant sur les deniers de l’Etat. Par ailleurs, le contrôle désinvolte des travaux s’est traduit par un allongement excessif des délais de réception des ouvrages. Ainsi, 11 mois et 18 jours après le début des travaux, le taux moyen d’exécution des travaux était de 58, 46%, alors que la durée initialement prévue était de 12 mois. La passation des 91
marchés pour le contrôle des travaux a été faite par appel à la concurrence internationale sur la base de la sélection de bureaux de contrôle validée par les Koweitiens eux-mêmes, bailleurs de fonds du projet. Le contrat a été conclu avec le Consortium SETICO, pour une durée de 13 mois. Ce contrat devait à l’origine coûter à l’Etat la somme de 602 540 000 de FCfa. Il a fallu cependant signer un avenant pour prolonger ce délai jusqu’à la fin des travaux. Le coût supplémentaire des prestations de SETICO jusqu’à la fin des travaux a été estimé à un montant en Ttc 395 940 000 de FCfa. Ainsi, le marché initial de base fixé à 602 450 000 de FCfa, a été réajusté pour 938 000 000 de FCfa. Les auditeurs de l’Anoci se sont contentés de noter la dépense supplémentaire, sans en donner une justification acceptable.
@_n ^0k_in_n Z^^cocjii_ff_n npm fZ ;jmic]b_ jp_no Nous disions dans nos développements précédents que d’importantes dépenses additionnelles ont été, en dehors du marché de base initial, effectuées sur la Corniche Ouest. Ces dépenses sont relatives aux travaux d’aménagement et de décoration des édifices construits sur la corniche. Sur ce chapitre, les informations relevées montrent que de nombreux marchés ont été éclatés dans les budgets de plusieurs ministères techniques et dans celui de la présidence de la République (Secrétariat général de la présidence). Les informations obtenues à ce sujet indiquent que les aménagements paysagers, embellissements et autres décorations réalisées sur la corniche ont coûté la somme faramineuse de 3.358.475.760 de FCfa. Ces montants d’argent ont été collectés pour ce qui concerne les décorations et l’embellissement de la corniche, du ministère de l’Urbanisme (Direction de la construction) pour : 86.177.642 de FCfa (décoration trémie située à la sortie de l’Avenue Frobenius), 73.281.030 de FCfa (décoration trémie Malick Sy), 90.948.000 de FCfa. La décoration trémie Malick Sy a été facturée deux fois : une première fois 92
(86.177.642 de FCfa), les fonds ont été tirés du budget du ministère de l’Urbanisme et une deuxième fois, pour un montant de 502.626.239 de FCfa du budget du secrétariat général de la présidence de la République. Au total, les décorations posées sur les ouvrages de la corniche ont coûté au contribuable sénégalais la somme de 623.000.000 de FCfa. On cherche en vain, dans toutes les décorations réalisées sur les ouvrages construits sur la corniche Ouest, ce qui peut bien coûter autant d’argent. Venons-en à la réalisation des trottoirs de la Corniche. Ce marché a été traité en dehors des prestations fournies par CDE. Cela nous paraît bizarre. En tous les cas, cet aménagement été facturé à l’Etat du Sénégal pour un montant global de 2.547.730.233 de FCfa. Cette somme a été transférée du ministère de l’Urbanisme (Direction de la Construction) vers l’Anoci. A la lumière des informations fournies par le rapport de l’Anoci et au regard des recoupements et de l’analyse des marchés éclatés et imputés à plusieurs budgets sectoriels, tels que ces marchés apparaissent dans les budgets 2007 et 2008, la réalisation des travaux de la Corniche Ouest a coûté, pour ce que nous avons pu collecter et authentifier, comme dépenses réelles, la somme totale de 40.000.000.000 de FCfa. Soit un dépassement par rapport au budget initial (22.000.000.000 FCfa), de l’ordre de 95 à 98%. Un tel dépassement qui semble trop exagéré a-t-il été volontairement organisé et à quelles fins l’a-t-il été ? Ces interrogations occupent l’esprit de nombreux citoyens. Elles l’occupent d’autant plus qu’une série de démentis et de réserves s’expriment depuis la publication officielle du bilan de l’Anoci. Après les travaux réalisés sur la Corniche Ouest, regardons de plus près ceux ayant eu cours sur la Vdn, pour voir si l’Anoci a été moins dépensière et moins gourmande en FCfa dans ce cas.
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io @~jpq_mopm_ ^p ]bZioc_m ^_ fZ P^i Ce marché a été attribué à l’entreprise du vieux routier Alioune Sow (CSE). Lors de la conclusion au palais de la République de l’entente de base qui a présidé à la construction des chantiers de l’Anoci, c’est lui qui avait manifesté un intérêt soutenu pour réaliser les travaux de la Vdn. Et pour cause ! C’est sa société qui avait été le constructeur de l’ouvrage de base de cette voie, au début des années 90. Le projet avait pour objet l’extension, la réhabilitation de ce tronçon et l’élimination des goulots d’étranglement de la circulation sur la Vdn. Les travaux effectués ont consisté en la réhabilitation et l’élargissement en 2 fois 3 voies par sens de circulation, de 6 km de route ; la construction de trois (3) échangeurs : carrefour 2 fois 2 voies Liberté 6, Carrefour ancienne piste, sortie Vdn, Avenue Cheikh Anta Diop (Place Omvs) ; la réalisation d’un système d’assainissement ; l’aménagement paysager. L’objectif assigné à de tels travaux était de rendre plus fluide la circulation sur la Vdn, laquelle était gênée par les carrefours desservant les quartiers traversés. Les travaux prévus devaient naturellement participer à améliorer grandement le trafic vers le centre-ville. A l’arrivée cet objectif n’est atteint qu’à moitié. Les échangeurs semblent avoir créé des points de conflit dans la circulation, en plus d’avoir abîmé la belle perspective d’ensemble qu’offraient le dispositif global et l’harmonie paysager du site. Les blocs de béton qui sont d’une laideur inouïe à leur niveau de placement dans la ville n’auraient jamais dû être là, précisent de nombreux spécialistes qui considèrent que ce sont des ponts totalement
dégagés (flyers) qui auraient dû être proposés. Et pourtant, à en croire ces mêmes experts, l’argent dépensé aurait pu suffire pour réaliser ces ponts modernes (flyers), à la place de ces horreurs qui ne sont concevables qu’en périphérie des villes, mais non au milieu d’un centre urbain dont ils dénaturent totalement la physionomie. Aussi, précisent les experts interrogés : « Des ponts totalement ouverts (flyers) auraient ainsi empêché de boucher les perspectives d’ensemble. Les amas de béton édifiés pour servir d’échangeurs sur la Vdn sont horribles et manquent singulièrement de goût, sans compter le fait qu’ils ont coûté trop cher à l’Etat, plus que leurs prix réels ».
Des responsables de l’opposition ont d’ailleurs annoncé leur volonté de faire disparaître de tels ouvrages le jour où ils prendraient le pouvoir. C’est dire à quel point de nombreux citoyens sont aujourd’hui scandalisés par la construction de ces ouvrages. En tout état de cause, ceux-là sont encore là, en attendant leur hypothétique démolition. Ils ont coûté cher. Trop cher même ! Selon le point de vue de plusieurs spécialistes des ponts et chaussées. Comment les fonds qui ont servi aux travaux sur la Vdn ont-ils été mobilisés ? Après adjudication du marché, le coût des travaux a été arrêté à la somme de 19 956 803 750 de FCfa (Ttc). Le marché est composé d’un premier lot qui consistait en des travaux de voierie (assainissement, embellissement), pour un montant de 8 126 838 287 de FCfa et un second lot constitué d’ouvrages d’art (échangeurs), pour un montant de 11 829 965 463 de FCfa. Cette somme ne prenait pas en compte les coûts de certains aménagements paysagers et d’embellissement d’ouvrages d’art. Ces travaux supplémentaires ont fait l’objet d’un autre marché à part, distinguant un premier lot consistant en un aménagement paysager pour un montant global de 1 580 000 000 de FCfa et un second composé d’un aménagement architectural de 144 209 600 de FCfa. Le financement des travaux a fait 96
l’objet d’une requête transmise le 29 décembre 2005 à la Banque islamique. Le 29 mars 2006, celle-ci a donné une réponse positive à la requête du Sénégal, en signant avec le gouvernement un accord de crédit à cet effet. En définitive, le total du crédit de la Bid s’élève à un montant de 15 402 211 844 de FCfa, hors taxes. La contribution totale de l’Etat du Sénégal se situe à un montant de 5 019 310 699 de FCfa. Cette contrepartie sénégalaise se décompose ainsi qu’il suit : 1 900 853 701 de FCfa en monnaie contrepartie et 3 118 456 998 de FCfa, en taxes. Alors que les travaux venaient à peine d’être lancés, il y eut des changements dans la conception de base de l’ouvrage : le dédoublement de l’ouvrage de la place OMVS est décidé. Il faut alors passer de 1X2 voies à 2X2 voies. Le coût supplémentaire d’un tel changement technique dans la conception des ouvrages est évalué à 1 602 481 418 de FCfa. Il fallait bien trouver les ressources additionnelles qui permettent la réalisation de cette nouvelle configuration technique des ouvrages. C’est à nouveau à la Banque Islamique que le gouvernement sénégalais s’adresse. Celle-ci accepte alors de rallonger le crédit pour un montant global de 5, 177 milliards de FCfa. La nouvelle requête doit permettre le financement du doublement de la voie, mais aussi l’aménagement paysager pour 1.725 milliards de FCfa. L’édification d’ouvrages facilitant les déplacements, de même que la mise en route de travaux de dévoiement des réseaux des concessionnaires (Senelec, Sones, Sonatel, ONAS) sont également concernés. Ces travaux doivent coûter la somme de 500 millions de FCfa. Le nouvel emprunt comporte un chapitre d’un montant de 1, 602 milliards de FCfa, prévu pour la réalisation d’une partie des échangeurs qui a été pourtant déjà facturée dans le lot 2 du marché de base. La Banque islamique accepte de financer pour un total de 1,35 milliard de FCfa la construction de passerelles sur la Vdn. Ce qui est étonnant, c’est qu’en lisant le rapport d’audit de l’Anoci, dans sa partie concernant le financement des travaux de la Vdn, on ne 97
trouve nulle part mentionnée, dans le bilan financier, cette somme prévue pour construire les passerelles. Ces passages n’ont d’ailleurs jamais été construits. Au départ des travaux, elles n’étaient pas prévues. Comme l’indiquaient des responsables de l’Anoci, lors d’une audience accordée à une délégation des populations riveraines vivant du côté du mur de l’aéroport LSS. Celles-ci étaient venues se plaindre en expliquant aux autorités de l’Anoci le danger extrême que représentait l’absence de passerelles sur cette autoroute urbaine. Les responsables de l’Anoci leur avaient alors affirmé, c’était en novembre 2006, que les financements reçus n’avaient pas prévu l’édification de telles passerelles. Ils ajoutaient que l’Anoci allait présenter une nouvelle requête au bailleur de fonds. L’audience sollicitée afin d’amener l’agence à construire de telles passerelles avait été décidée et accordée aux populations de Sacré Cœur 3 Vdn extension, par l’entremise du bureau de leur association de quartier, que dirige l’inspecteur de l’enseignement primaire, Mohamadou Moustapha Sène. Les populations concernées posent légitimement une seule et unique question : où est passé le 1,35 milliard de FCfa, normalement prévu pour construire des passerelles sur la Vdn ? L’Anoci doit des explications à ce sujet. En enjambant l’immense artère de la Vdn, les populations qui habitent des deux côtés de ces voies ultra-rapides courent de réels dangers. Ces voies sont la source de terribles accidents. Il est urgent de trouver des solutions, en débloquant et en consacrant l’argent normalement prévu pour l’édification de ces passerelles. De manière générale, les marchés concernant les travaux de la Vdn ont tous été passés avec toutes les apparences de légalité et de conformité aux règles prévues à cet effet par la loi. Là, comme ailleurs (dans le cas des marchés de la Corniche Ouest), c’est l’entente établie entre entrepreneurs sur recommandation expresse du palais de la République qui a prévalu dans la procédure d’appel d’offres. Nous avons suffisamment expliqué, au cours de nos développements 98
précédents, les conséquences et mis en évidence les effets pervers de cette entente illégale et illicite. Au 31 mai 2007, le projet avait connu un niveau d’exécution qui laissait voir des retards considérables dans la conduite des travaux. Prévu pour durer dix mois, les travaux ont duré plus de 18 mois.
@_n ci^c]Zo_pmn ^_ k_m`jmhZi]_ ^_ f~%ij]co Ces indicateurs de performance sont réduits à deux critères essentiels : le délai de mobilisation des fonds (3 mois 3 jours), celui de la passation des marchés (3 mois 7 jours), et le délai de traitement et de paiement des dépenses (1 mois 5 jours). La mobilisation des fonds dans un délai remarquable semble être attribuée à la diligence des autorités de l’Anoci, elles-mêmes. Cela n’est vrai qu’en partie. La réalité est que l’implication des deux ministères de l’Economie et des finances et Affaires étrangères a été, en définitive, décisive dans la mobilisation des fonds. Après les différents échecs et revers enregistrés par les responsables de l’Anoci dans leur quête de financements auprès des partenaires arabes, ces deux ministères sont venus à la rescousse pour débloquer la situation. Le rapport des auditeurs de l’Anoci explique que le contrôle des travaux s’est fait par des entreprises étrangères choisies par appel d’offres qui a été validé par le bailleur de fonds lui-même, en l’occurrence la Banque Islamique. Et cela à la suite d’une manifestation d’intérêt. Une enveloppe globale, hors Tva, de 17 348 266 000 de FCfa a été dégagée pour les travaux de la Vdn. Pour le contrôle de ces travaux, on a établi, le 15 mars 2005 une liste restreinte de neuf (9) bureaux d’études des pays membres de la Banque islamique a été arrêtée, d’un commun accord avec la Banque. Au final, sept offres sont parvenues aux responsables de l’Anoci. C’est la société malienne Cira Sarl qui a été retenue, suite à l’évaluation des propositions techniques et financières, après avis de non objection du bailleur de fonds. Le rapport publié par les auditeurs de l’Anoci précise que le délai écoulé, entre la date 99
de lancement et celui de l’adjudication du marché, a été de 5 mois et 25 jours. Le marché a finalement reçu l’approbation de la Cnca le 20 mars 2007 et celle du Premier ministre le 10 avril. Ce marché de contrôle a coûté à l’Etat la somme de 464 718 794 de FCfa (Ttc). Ce montant a été intégralement pris en charge par la Banque islamique de développement (Bid), elle-même. Au total, le marché de la Vdn à l’origine attribué pour un montant global de 19 956 803 749 de FCfa. Celui-ci a été rapidement ajusté pour s’établir à 27 552 340 297 de FCfa, avec la signature d’un avenant de 6 milliards de FCfa et avec la conclusion d’un autre marché de plus de 1,2 milliards de FCfa. L’avenant signé avec la CSE estimé à un peu plus de 6 milliards de FCfa n’a jamais été autorisé ni régularisé d’ailleurs, jusqu’au moment où les auditeurs ont déposé leur rapport. En vérité, l’audit ne procède qu’à un relevé monographique et chronologique des dépenses effectuées et à les nommer. Cet audit est cependant loin d’être inutile, car il révèle des extravagances qui suffisent à elles seules pour confondre les gestionnaires de l’Agence et tous les membres de son Conseil de surveillance qui ont laissé faire et osé donner quitus de cette gestion.
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to Ei_ [_ff_ m0pnnco_ o_]biclp_ Là, comme ailleurs, la gestion de l’Anoci a été caractérisée par d’impressionnants dépassements budgétaires sur lesquels les responsables de l’Agence se sont montrés avares en détails. Ils l’ont été à la fois devant le Conseil de surveillance et devant les parlementaires. Le projet avait pour objet d’assurer la continuité de la Corniche Ouest de Dakar par la construction de la place Bienvenue-Mosquée de la Divinité-Pharmacie des Mamelles. Ces travaux ont concerné pour l’essentiel la construction et l’aménagement de 4 km de route en 2x2 voies, avec séparateur Central, la construction du Pont de la Mosquée de la Divinité, la construction de l’échangeur à lunettes, à l’intersection de la route de Ouakam et à la hauteur du Monument de la Renaissance africaine. Il s’agissait aussi de procéder à l’aménagement des carrefours giratoires et le raccordement des voies d’accès des zones traversées. Le projet devait ainsi jouer un rôle stratégique dans le cadre de l’amélioration de la mobilité urbaine et devait conférer une dimension esthétique aux lieux, relativement à l’aménagement de sites touristiques et de loisirs adaptés au relief accidenté (ravins, falaises, rivages de l’Atlantique) du littoral. Le projet devait relier directement le Centre ville et l’aéroport Léopold Sédar Senghor, en passant par les sites de la Conférence islamique et d’hébergement des hôtes du sommet. Un an après la fin des travaux, les responsables de l’Anoci affirment que les objectifs assignés à ce projet ont été, largement atteints. Ces derniers ne se montrent pas peu fiers de leur œuvre. Aussi, écrivent-ils dans leur rapport d’audit :
« De toutes les réalisations proposées par l’Anoci, celles qui l’ont été sur la Corniche à la hauteur de la Mosquée de la Divinité sont sans aucun doute les plus réussies, en terme esthétique. Le projet a été financé par le Budget Consolidé d’Investissement (BCI), pour un montant de 15 545 130 809 de FCfa, TTC pour les travaux et 656 729 000de FCfa, pour le contrôle, mobilisable sur trois ans et portant en principe sur deux tronçons ».
A l’origine, ce marché attribué à Fougerolles devait coûter à l’Etat du Sénégal la somme totale FCFA 17 550 692 117. Là aussi, les dépassements budgétaires notés dépasse l’entendement et défie le bon sens en matière de gestion et de rigueur dans garde des deniers publics.
Ei ^0`c Zp [ji n_in _i hZoc1m_ ^_ a_nocji Des dépenses additionnelles importantes ont porté les coûts de départ à 25 097 481 246 de FCfa. Un avenant de plus de 7 milliards de FCfa a été signé le 22 février 2008 (entente directe : Anoci-Fougerolles), une autre entente directe signée entre l’Anoci et APAVE SAHEL qui a assuré le contrôle de la construction de ce tronçon a ajouté un montant de 162 899 000 de FCfa sur la facture payée par l’Anoci. La décoration du giratoire situé à la hauteur du quartier fenêtre Mermoz et celle du Pont de la Mosquée ont ensemble coûté la somme de 112 000 000 de FCfa. Soit une moyenne de 55 000 000 de FCfa par ouvrage. La décoration du giratoire de la Mosquée de la Divinité a coûté 53 000 000 de FCfa. Ce petit monument situé en face de la Mosquée surmonté d’un petit monticule en plâtre a coûté un total de 53 millions de FCfa. Il y a lieu de croire que les artistes qui ont eu la chance d’avoir été choisis, pour participer à la décoration des ouvrages de l’Anoci, ont fait de bonnes affaires. Il s’agit en particulier des artistes : Soly Cissé (112 496 541 de FCfa) pour assurer la décoration du giratoire (Ba 160) et du Pont de Ouakam, Alassane et Codé Diouf (53 100 000 de FCfa), pour la décoration du giratoire de la Mosquée de la Divinité. L’argent payé à ces artistes a été 102
prélevé sur le budget du ministère de l’Urbanisme (Direction générale de la Construction). La construction, l’aménagement paysagé et l’embellissement des 4,3 km a coûté un total de 25 097 481 246 de FCfa. Le pourquoi et le comment de ces montants faramineux n’ont jamais été expliqués aux Sénégalais. Pouvaient-ils l’être ? Ceux qui en sont les principaux responsables ont eu du mal à le faire. Au départ, ils se sont présentés à nous comme d’intrépides bâtisseurs ou comme des constructeurs avertis (sic). A l’arrivée, ils se sont révélés être de véritables gaspilleurs d’argent public. Sans pouvoir établir la preuve d’un enrichissement personnel, au bénéfice d’un seul responsable de ce gaspillage d’argent public sans précédent dans notre pays, force est de reconnaître aujourd’hui que les auteurs de ce gaspillage organisé sont tout sauf de bons gestionnaires, soucieux avant tout d’utiliser de façon rationnelle les deniers de la nation confiés à leur garde. Que ferait-il de leurs pouvoirs, si par un extraordinaire coup du sort, par un incroyable laxisme des Sénégalais, cette équipe qui a géré l’Anoci devait se retrouver à la tête de l’Etat ? La gestion de l’Anoci permet de mettre à nue la carence et le manque d’expérience avérée en matière de gestion de l’équipe dirigeante de l’Agence. Le paradoxe est là : ceux-là qui se prenaient jusqu’ici comme les nouveaux cadres dont le pays aurait besoin, ceux qui incarnent la modernité et disposent du savoir faire, en matière de gestion ne sont en fait que de piètres apprentis de la chose.
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o mZoo_ ^~bc_d%0mjkjmo 6 ]jAon _o ]jincnoZi]_ ^p hZm]b0 C’est le 06 mai 2006 que le marché de ce tronçon a été ouvert par la signature d’une Convention entre l’Etat et la compagnie Fougerolles. A l’origine ce projet a été initié par l’Agence pour les Travaux Routiers (ATR). Le rapport d’audit de l’Anoci reste très discret sur le détail de l’exécution de ce projet. De sources dignes de foi, nous avons cependant appris que si le marché a été à l’origine fixé à un montant global de 17 932 094 031 de FCfa, à l’arrivée, l’Etat a finalement payé pour la bagatelle de 28 milliards. Soit le double presque des montants signés au départ avec l’entreprise qui a réalisé les ouvrages. Il s’y ajoute que les travaux sur cette route ne sont pas encore achevés ni réceptionnés. Manifestement, il reste au moins une à deux couches de pavés à réaliser sur ce tronçon qui présente à certains endroits de réels dangers pour les automobilistes. Les travaux prévus pour les besoins du système d’assainissement des quartiers environnants sont inachevés et présente des inconvénients, voire des dangers réels pour les usagers de la circulation. En réalité, les ouvrages réalisés sur ce tronçon portent en eux-mêmes l’amateurisme et de l’insouciance des responsables de l’Anoci. Ces derniers n’ont jamais su gérer de façon clairvoyante les travaux qui leur ont été confiés sur cette route. Il reste à exécuter au moins 10 à 20 % des travaux prévus sur ce tronçon, avant qu’il ne puisse être réceptionné dans les règles de l’art. Fougerolles n’a que faire de l’état de la route et des états d’âme des usagers qui l’empruntent. Elle attend sûrement d’être payée, pour
terminer les travaux. Pourtant beaucoup de milliards ont été déjà engloutis dans ce projet. Un véritable gâchis que les Sénégalais ont toujours du mal à expliquer. Les autorités de l’Anoci sont, elles, passées à autre chose et n’en ont rien à cirer.
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+o @Z mjpo_ ^_ bpZeZh 6 pi hZm]b0 m_i^p ]Z^p] Pour le financement du ce projet, une requête a été envoyée au Fonds Saoudien de Développement (Fsd) qui a accepté de le financer, pour un montant de 15 852 585 690 de FCfa. Entre la date d’envoi de la requête et celle de signature de l’accord de crédit, il s’est écoulé 2 mois et 9 jours. La passation du marché s’est faite par appel à la concurrence, sur la base des procédures du Fonds Saoudien de Développement (Fds). A la suite de la manifestation d’intérêt du 15 mars 2005, une liste restreinte de neuf (9) bureaux d’études et de (9) Entreprises a été soumise à l’avis de non objection du Fonds Saoudien qui a approuvé qui a tout approuvé. A l’issue du dépouillement des offres, la Commission d’analyse et d’évaluation instituée à cet effet, a conclu que les entreprises n’avaient pas les moyens, les qualifications et les compétences nécessaires, pour livrer les travaux dans les délais exigés. Ainsi, aucune des entreprises n’a finalement été retenue. L’argument de l’Anoci pour justifier son refus d’attribuer le marché tient en ces mots : « En effet, à huit (8) mois du Sommet prévu en mars 2008, les différentes entreprises n’ont pas pris en compte dans leur soumission le délai très court pour réaliser les travaux dans un environnement urbain. La route de Ouakam est l’épine dorsale des réseaux des concessionnaires suivants qui desservent le centre ville de Dakar : SONATEL pour les liaisons téléphoniques, SONES/SDE, pour l’alimentation en eau potable du Plateau et des zones résidentielles de Point E, Fann, ainsi que les périmètres scolaires et estudiantins de l’Université de Dakar et de l’Hôpital de Fann, ONAS (Office Nationale de l’Assainissement du Sénégal) pour
tout le réseau de canalisation des eaux usées et des eaux de ruissellement, SENELEC pour l’alimentation électrique des zones résidentielles de Point E, Fann, ainsi que les périmètres scolaires et estudiantins de l’Université de Dakar et de l’Hôpital de Fann ».
D’autres arguments ont été avancés, pour expliquer la décision des autorités de l’Anoci de surseoir à ce marché : « Les Entreprises n’ont pas également pris en compte dans la méthodologie et l’organisation de la conduite des travaux, les problèmes de circulation engendrés par les travaux e cours de la VDN et la route de la Corniche Ouest, et leur impact sur la desserte des infrastructures suivantes telles que : l’Université et les différentes facultés et Instituts de formation, l’Hôpital CHU de Fann, les Ecoles et autres centres commerciaux ».
Ei_ qjfjio0 ^_ hcn_ ) hjmo ]ji`cmh0_ En réalité, tous ces arguments n’ont été que des prétextes fallacieux pour tenter de justifier l’injustifiable : la mise à mort de l’entreprise JLS qui, selon la volonté des autorités de l’Anoci, ne devait en aucune façon faire partie des entreprises autorisées par la volonté du « Prince héritier », à participer à la réalisation de ces travaux. Si ce dernier avait accepté, comme les autres, de facturer plus cher que nécessaire, il aurait eu sa part du gâteau. C’est lui-même qui l’explique dans une interview diffusée sur les antennes de la télévision 2STV, le mercredi 11 juin 2009. La commission a proposé de rendre caduc l’appel d’offres : « Car elle a jugé qu’aucune des Entreprises soumissionnaires ne présentait les matériels humains et l’organisation nécessaire pour exécuter les travaux dans les huit (8) mois requis dans le dossier d’appel d’Offres ».
C’est à croire que le ridicule ne tue pas. Comment expliquer alors que les autres travaux aient été réalisés dans les mêmes délais, par des entreprises qui ont les mêmes capacités que JLS ? 108
2&o %0mjkjmod%fhZ^c_nd [m_o_ff_ K0mc^c_idqcmZa_ Ce projet avait pour objet la réalisation des travaux d’élargissement, d’aménagement de la Route de l’Aéroport, de renforcement de la Corniche des Almadies et de construction de la route du Virage. Ce projet tenait à cœur l’Anoci. « Le départ vers Dakar à l’arrivée des délégations, dépendait, largement d’ailleurs, toute la fluidité de la circulation, donc l’élargissement et l’aménagement de cet axe s’avérait indispensable ».
Lors de la première réunion qui a eu lieu à la présidence entre les entrepreneurs et les dirigeants de l’Anoci, ces derniers avaient dit au patron de JLS qu’ils souhaitaient qu’il fasse ce projet, car de toutes les entreprises c’est elle qu’ils pensaient qu’elle pouvait le faire dans les délais prévus et avec le maximum de réussite. Le projet comprenait les travaux suivants : tronçon Mamelles-Aéroport : élargissement en 2x2 voies (plus un Séparateur central et les trottoirs) et l’aménagement de cinq carrefours giratoires, bretelles de Méridien Président, l’aménagement et élargissement en 2x2 voies plus un séparateur central et les trottoirs, la construction de la Corniche des Almadies, le renforcement, la réhabilitation et l’aménagement de la route, la construction de la route du virage en 2x2 voies, plus un séparateur central et les trottoirs et l’aménagement avec possibilité de passage dénivelé au niveau de l’intersection du virage. Si ce projet n’a pas été réalisé, c’est parce qu’il fallait éviter de le confier à JLS que les autorités de l’’Anoci avaient décidé de tuer, comme le président de l’Agence et son père l’ont dit, haut et
fort, à des journalistes reçus en audience au palais de la république le 29 avril 2009.
%pom_n kmjd_on L’Anoci avait aussi annoncé dès son installation la mise en route du projet consistant à assurer un prolongement de la 2X2 Voies Liberté 6 –Dispensaire Philipe Maguilène Senghor. Le projet avait pour objet la réalisation des travaux de prolongement de 2X2 voies liberté6 - Dispensaire Philipe Maguilène Senghor ; les travaux consistent en : la construction et l’aménagement en 2X2 voies de 2.4 km de route ; la réalisation du système d’assainissement ; la construction d’un pont de 50 m linéaire. L’objectif qui était assigné à ces ouvrages était de contribuer au renforcement du réseau existant autour de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor, en permettant la jonction directe entre les quartiers de Yoff, Aéroport à ceux de liberté 6, Sacré Cœur. En ce qui concerne la mobilisation des fonds pour la conduite de ces travaux, l’Anoci indique son rapport que : « ce projet, d’un coût de 1 643 150 000 de FCfa, inscrit dans le cadre des projets de l’Agence de Développement Municipal (ADM) financés par la Banque Mondiale, et prévu pour être exécuté à partir de janvier 2008, a été sélectionné par l’Agence Nationale de l’OCI et inscrit dans son programme prioritaire. Pour son financement, trois requêtes ont été envoyées respectivement à la BOAD, le Fonds de l’OPEP et l’IRAN. Aucune réponse n’ayant été reçue, une dernière requête a été envoyée le 12 janvier 2007 et adressée au Fonds Saoudien de Développement en même temps que d’autres projets routiers. Après étude, le Fonds Saoudien a porté son choix sur le projet de la Route de Ouakam présenté ci avant ».
;bjp [fZi] Zpkm1n ^_n [Zcff_pmn Au 30 mai 2007, l’Agence Nationale de l’OCI n’avait pas encore trouvé de financement pour ce projet, selon le rapport 110
d’audit. Ces financements n’ont d’ailleurs jamais été trouvés et le projet est encore dans les cartons. C’est le même sort qui a été réservé au projet de réhabilitation de la voierie urbaine du Plateau. Celui-ci comprend des travaux concernant les Boulevards de la République-Léopold Sédar Senghor-Roosevelt-La Libération, mais aussi les Avenues : Pasteur-Mandela-Diambars et la Corniche Est. Ce projet qui avait pour objet la réhabilitation de la voirie du Plateau, prévoyait aussi d’importants travaux relatifs à la réhabilitation des artères du centre ville et au renforcement des chaussées par un tapis de béton bitumeux de 10.729 km de route. Mais aussi le remplacement d’anciennes bordures, la réhabilitation de toues les signalisations (lumineuses et horizontales) ; la construction d’une trémie sur l’avenue Lamine Guèye. Il s’agissait, en somme, de rénover avant la tenue du sommet l’environnement urbain, d’améliorer la qualité de service des artères principales du centre ville. Et ceci en redonnant aux chaussées d’excellentes caractéristiques géométriques et structurelles qui garantissent leur longévité. Pour le financement du projet d’un coût hors taxes de 7,143 milliards de FCfa, une requête a été envoyée le 06 janvier 2006 au Fonds de l’OPEP. N’ayant pas reçu de suite, les autorités de l’Agence avaient alors manifesté l’intention de le faire prendre en charge par le Budget consolidé des investissements de l’Etat. Cela n’a pas été finalement fait. Pour être prudent, disons que les documents comptables et administratifs de l’Anoci, auxquels nous avons eu accès, ne mentionnent pas la disponibilité de ressources pour ce projet. Un constat s’impose : l’Anoci a eu énormément de mal à trouver des financements, pour tous les petits projets, dont la réalisation coûtait à peine plus d’un milliard. Dans le même temps, elle est apparue très à l’aise pour trouver des bailleurs pour les gros projets. Personne ne s’explique ce paradoxe. Certains n’hésitent pas à faire valoir l’idée que les petits projets ne dégageant pas de fortes « plus values », il s’est alors avéré peu motivant de leur trouver des 111
bailleurs. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de constater que la construction de la Route Avenue Lamine Guèye-Gare ferroviaire (Place des tirailleurs) n’a pas été réalisée. Ce projet avait pour objet la construction de la route Avenue Lamine Guèye-Gare Ferroviaire. Les travaux concernaient : la construction de 0.95 km de route en 2X2 voies, la réalisation de voiries de : chaussée et de trottoirs pour changer quelque peu le visage du centre ville de Dakar avant la tenue du sommet. Il fallait aussi s’occuper de l’assainissement, en réalisant des caniveaux latéraux et des dalots, en aménageant des carrefours giratoires et des carrefours dénivelés, en construisant un nouveau réseau d’éclairage public et de nouveaux panneaux de signalisation avec de nouveaux feux de circulation. Et enfin, en construisant un nouvel aménagement paysager et de nouveaux parkings en ville. En définitive, l’objectif du projet était de contribuer à l’amélioration de l’accès au plateau en mettant en cohérence les projets d’élargissement de l’autoroute et d’aménagement des carrefours dénivelés de Malick Sy et Cyrnos pour une meilleure distribution des flux provenant de ces échangeurs. Le financement du projet, une requête a été envoyée à la République Populaire de Chine. Les responsables de l’Anoci n’ont jamais reçu de réponse. Il a été transféré à l’Agence Autonome des travaux Routiers (AATR), sera probablement exécuté dans le cadre de la réalisation du Parc culturel dont la construction est en cours.
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22o @_n ^0k_in_n _tomZqZaZio_n ^_ f~%ij]c t^& hcffcjin kjpm Zh0iZa_m f_n [pm_Zpt ^p n kmci]_ p En 1995, alors que Pathé Ndiaye venait à peine d’être nommé à la tête de la Direction générale du Port autonome de Dakar, il obtient de son Conseil d’Administration la permission de dépenser 60 millions de FCfa, pour rénover une villa appartenant au port. Les travaux réalisés sur la villa avaient valorisé celle-ci à plus d’une centaine de millions. On parlait à l’époque de 200 millions de FCfa de valorisation. En tous les cas, selon les propres indications fournies par le Port en son temps, la rénovation de la villa avait permis à l’entreprise publique d’économiser beaucoup d’argent sur son budget de fonctionnement. Sa trésorerie ne dépensait plus un sou pour loger son patron. Il n’empêche, le député Iba Der Thiam qui portait fièrement le titre de « député du peuple » avait jugé utile d’envoyer une question orale au ministre de tutelle du Port, pour lui demander de s’expliquer sur cette dépense. Une dépense qui, selon les déclarations du député, était extravagante et scandaleuse. Pour lui, rien ne pouvait la justifier. A l’époque Iba Der Thiam avait un énorme souci de préservation des deniers publics. Comme député, il était décidé à veiller à une gestion rationnelle et efficace de l’argent public. Aujourd’hui que les chiffres indiquant le niveau des dépenses effectuées pour adapter au standing du « prince » Karim Wade ses bureaux, au siège de l’Anoci, sont disponibles, le peuple attend la même indignation de la part du « député du peuple ». Mieux, Iba Der Thiam serait bien inspiré de demander une Commission d’enquête parlementaire, pour vérifier
l’effectivité des dépenses alléguées par l’Anoci, en ce qui concerne l’aménagement et l’équipement du bureau du « prince ». Selon les écritures des propres auditeurs de l’Anoci, l’aménagement du dixième étage de l’immeuble Tamaro a coûté la bagatelle de 750 millions de FCfa. Selon des experts du bâtiment que nous avons consultés, ce montant permet la réalisation complète d’un immeuble de dix étages, bâti sur un terrain de mille mètres carrés. Détaillons les dépenses constatées pour mieux faire saisir le scandale dans toutes ses dimensions. Les « travaux de reconstruction et d’aménagement du 10éme étage » ont coûté la somme de 350.839.386 de FCfa. Ce n’est pas tout, pour le « Mobilier et matériel de bureau du 10ème étage », il a fallu dépenser la somme de 178.900.000 de FCfa. Soit un total de 529 739 386 de FCfa. Soit dix fois plus que le total des sommes dépensées à l’époque par Pathé Ndiaye. On n’est pourtant pas au bout de nos surprises, avec l’aménagement du bureau du « prince » Karim Wade. En effet, pour lui donner les moyens de travailler convenablement dans ses bureaux au dixième étage, on a procédé à de nouveaux réaménagements qui ont coûté à l’Etat du Sénégal la somme de 55.523.126FCfa. Cette somme vient s’ajouter aux montants ci-dessus annoncés. Le compte n’y est pas encore : la fourniture et la pose du matériel de sonorisation au dixième étage a coûté la somme de 84 940 686FCfa. Ainsi, la sonorisation et les nouveaux réaménagements effectués au dixième étage ont coûté la somme de 150.463.812 de FCfa. En définitive, le « prince » aura dépensé la somme de 680. 103. 198 de FCfa, pour s’installer dans ses bureaux. Les collaborateurs du prince n’ont pas été en reste dans les dépenses. Aussi, apprend-t-on que, pour aménager et cloisonner le bureau du garde du corps du président de l’Anoci, au dixième étage, l’Etat a dépensé la somme de 26 612 100 de FCfa. Ces montants s’ajoutent aux 680.103.198FCfa, ayant servi à accommoder le prince dans ses bureaux. Ainsi, pour les seuls besoins du fils du président 114
de la République et de ceux de son propre garde du corps, l’Etat a dépensé un total de 706.715.298 de FCfa. Si ce n’était que cela. Le rapport du contrôleur de gestion renseigne que l’aménagement des locaux des 1ème et 2ème étages a coûté la somme de 26 millions de FCfa. Au total donc pour les seules dépenses d’installation dans ses locaux l’Anoci n’a dépensé pas moins de 750 millions de FCfa.
S^& hcffcjin kjpm ]jhhpiclp_m ^Zin f_ hjf`_ On apprend dans le rapport d’audit que les dépenses pour assurer la communication dans le Golfe ont coûté 450 millions FCfa au contribuable sénégalais. Le rapport ne donne aucune indication particulière sur la nature des dépenses faites sous cette rubrique. Tout au plus apprend-on que les déplacements effectués dans le Golfe et les démarches effectuées par le cabinet chargé de la communication ont permis de faire réaliser des reportages sur le sommet et le Sénégal par des chaînes arabes comme Al Jazira. Cela laisse penser que de tels reportages ont été payés par le Sénégal. Devant le Conseil de surveillance tenu en date du 17 octobre 2007, Karim Wade son président révèle que : « L’Anoci a déjà fait beaucoup de reportages dans les pays arabes. Il faut effectivement accélérer cela. La Division de la Communication doit préparer un rapport pour le prochain sommet ».
Cette question de la communication a souvent été au cœur des débats du Conseil de Surveillance de l’Anoci. Et pour cause ! A sa séance du 22 juin 2007, le responsable de la Rencontre africaine des droits de l’Homme (Radho), Alioune Tine a tenu à attirer l’attention des membres du Conseil sur le fait qu’il lui semble important de : « Donner le maximum d’informations sur les marchés de l’Anoci et sur ses activités car les Sénégalais ont l’impression que tous le marchés de l’Anoci se font de gré à gré pour la passation des marchés. Il faut montrer
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aux Sénégalais transparentes ».
que
toutes
les procédures sont
Après sa déclaration qui sonne comme un satisfécit donné aux responsables du Conseil de surveillance présents à cette réunion, par rapport à la gestion de l’Agence, le président de Conseil de surveillance, Karim Wade s’est empressé de reprendre la parole pour demander à Alioune Tine qui venait de s’exprimer de « Reprendre la même déclaration devant les caméras de la presse. J’invite les représentants de la Raddho et du Synpics à expliquer au peuple sénégalais, face à la caméra, ce qui se fait négativement ou positivement au niveau de l’Anoci. Je trouve votre rôle important au sein du Conseil de Surveillance puisque vous représentez la société civile ».
Et ce fut le moment choisi par la Directrice de l’Apix, Aminata Niane pour faire la morale à Alioune Tine en lui reprochant le fait d’avoir parlé de l’Anoci et d’avoir fait référence dans les médias radiophoniques à la tenue du Conseil qui était en train de se dérouler. Elle a ensuite invité Alioune Tine à se mettre en avant pour communiquer correctement sur l’Anoci au lieu de s’en tenir à des allusions… Et Alioune Tine de lui répliquer, en expliquant à l’Assemblée réunie qu’il communiquerait à ce sujet le moment venu. N’est-il pas temps de faire au peuple un cadeau en lui expliquant ce qui s’est réellement passé à l’Anoci ? Ce serait étonnant que le président de la Raddho le sache. En réalité, on a souvent présenté au Conseil de Surveillance que ce qu’on a bien voulu qu’il sache. Serigne Adama Boye, le représentant du Synpics prendra d’ailleurs la parole pour demander que l’Anoci fasse preuve d’ouverture à l’égard des citoyens, surtout en direction de ceux qui sont opposés à ses projets. Il avait aussi émis l’idée d’un débat public sur les projets de l’Anoci qui serait un bon moyen pour communiquer. Quand on examine la gestion de l’agence, telle que décrite avec beaucoup d’indulgence dans 116
le rapport d’audit, on remarque facilement qu’en réalité, les organisations de la société civile qui ont été conviées dans le Conseil de Surveillance n’ont été que des faire-valoir qui pourraient servir de caution et de légitimation de la gestion globale de l’Anoci. C’est dans ce sens qu’il faut lire et comprendre l’invite faite par le président du conseil de surveillance à Alioune Tine, de répéter les propos tenus en réunion devant les caméras de la « télévision de papa ». Au nom et pour le compte du père et du fils !
%pom_n ^0k_in_n ^_ ]jhhpic]Zocji Pour revenir sur les dépenses concernant la communication de l’agence, on peut noter, avec le rapport d’audit, que des dépenses importantes ont été ordonnées pour la confection et la pose de la maquette en toile pour la Corniche Ouest (49 590 349) de FCfa et pour la réalisation de photographies de la même corniche (84.940.696 de FCfa). On apprend aussi que 21 millions de FCfa ont été dépensés pour l’acquisition d’appareils et de matériels photographiques. Ainsi, pour ce seul chapitre, c’est la somme de 105 millions de FCfa qui a été dépensée par l’Anoci. En définitive, on a appris par le rapport d’audit que la réalisation de la maquette placée à la place du Millénaire, dès l’ouverture des travaux de l’Anoci - et dont l’inauguration avait donné l’occasion au chef de l’Etat, de dire fièrement à son fils présent : « je dirai à ta maman que tu as bien travaillé »-, a coûté à l’Etat du Sénégal la somme de 134.531.035 de FCfa. Ce n’était pas peu payé, quand on connaît le coût habituel de telles réalisations et la nature du travail fait. La fourniture et l’installation d’une centrale téléphonique commandée par l’Anoci (17 millions de FCfa), de même que l’acquisition et la pose d’un câble intelligent (19 millions de FCfa) installé pour les besoins de la communication, ont ensemble coûté la somme de 36 millions de FCfa. Par ailleurs, la réalisation d’un film retraçant les travaux réalisés sur la Vdn et la beauté des édifices construits 117
a coûté la somme de 24 millions de FCfa. Nous avons en vain cherché, au cours de nos enquêtes, à connaître le format du film. Nous nous sommes posé la question de savoir si le document est une production d’une durée de six, treize ou de vingt quatre minutes, pour pouvoir en estimer le coût au prix du marché local. Pourquoi avoir réalisé un seul film sur un seul chantier ?
xpZi^ ji ijpn h1i_ _i [Zo_ZpY kjpm hcffcZm^n La location d’un navire pour héberger les hôtes du sommet a soulevé beaucoup de polémiques. Celles-ci concernaient à la fois l’opportunité de louer ce navire et le coût de l’opération. Sur l’opportunité, tous ceux qui avaient des doutes sur la clairvoyance de cette décision, ont eu, au final, raison. Le navire amarré au port de Dakar n’a pratiquement servi à rien, sinon qu’à enrichir son armateur. Très peu de participants au sommet ont été en effet hébergés dans le navire. Ceux qui ont séjourné dans le bateau auraient pu être logés dans les différents sites d’hébergement privés pris en location auprès de certains particuliers ou gracieusement mis à la disposition des responsables de l’Anoci par leurs propriétaires. Le 8 janvier 2008, dans l’édition du jour de Sud quotidien, nous publions un article dont nous présentons de larges extraits, afin de mieux poser le problème, tel que débattu dans l’opinion, trois mois avant la tenue du sommet. Aussi écrivions-nous à l’époque ce qui suit: « Les responsables de plusieurs pays arabes devant prendre part au sommet, souhaitent que les lieux d’hébergement des participants ne soient pas trop éparpillés dans la ville de Dakar, pour permettre une coordination rapide et plus efficace des moyens de surveillance et de contrôle. Cela pourrait être le cas, en ce qui concerne l’hébergement de certains hôtes. Et c’est, entre autres, les raisons pour lesquelles et compte tenu de l’insuffisance des lieux d’hébergement de haut standing à Dakar, le Sénégal a prévu de loger
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l’ensemble des hôtes qui feront, plus que d’autres, l’objet d’une surveillance et d’une attention particulières, au plan de la sécurité, dans deux bateaux de très grand standing. Il s’agit de louer et de mettre à leur disposition deux yachts royaux ».
Le texte se poursuit pour souligner, en mettant l’accent sur l’idée que : « Les responsables de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci) ont déjà annoncé l’arrivée d’un navire pris en location pour trois jours. Selon leurs dires, ce bateau qui est composé de mille suites et cabines devrait coûter la somme de 2 millions de dollars, soit 1 milliard de FCfa, au taux actuel du dollar américain. Curieux, tout de même, la faveur ainsi faite au Sénégal ! Si toutes les cabines et suites de ce bateau sont louées par jour à un taux moyen d’un million de FCfa (soit 2000 dollars), le bateau coûterait au moins 1 milliard de FCfa par jour au Sénégal.
Le texte poursuit et indique : « Or, on sait que dans ce milieu de location de navires de luxe, les prix pratiqués sont sans commune mesure avec de tels chiffres. C’est la raison pour laquelle, un hôtelier de la place, bien au fait de la question, raille cette information et donne une idée de son invraisemblance. Il explique à cet égard que si l’Anoci prenait en location pendant toute la durée de la Conférence au sommet l’hôtel le Méridien Président, elle ne paierait pas moins d’un milliard de FCfa par jour. Il faut au moins multiplier par cinq le chiffre officiellement annoncé. »
Le propos mettait l’accent sur le coût des navires qui à l’époque paraissait surréaliste pour tous ceux qui avaient pris connaissance des informations publiées sur les manœuvres des responsables de l’Anoci. Il n’était pas pensable pour eux que de telles informations soient fondées, car certains de nos lecteurs étaient déjà au courant que la location, pour une croisière d’une semaine de ce bateau, coûtait au total la 119
somme d’un million 200 mille dollars soit à peu près 700 millions de FCfa. Pourtant ce navire a couté beaucoup plus au Sénégal pour un séjour de trois jours chez nous. Nous écrivions : « Sud a appris que chaque navire prévu serait loué par l’Anoci, pour une durée de trois jours et sur la base d’un montant global de 5 millions de dollars par jour et pour chaque navire. Un seul contrat de location serait pour l’instant finalisé pour la location d’un bateau, pour un coût global d’un peu moins de 7 milliards de FCfa. Soit 2,5 millions de FCfa par jour de location ».
Pour conclure nous ajoutions : « Des banques commerciales de la place, en particulier la Société générale de banques ont été sollicitées pour assurer le financement de l’opération. Des sources proches de cette dernière banque confirment les informations et indiquent, en outre que, la banque est partante pour un financement d’un montant de cinq milliards de FCfa. Et les mêmes sources indiquent d’ailleurs que l’emprunt sollicité a été déjà autorisé par Paris. La convention de prêt devrait être très bientôt finalisée. Des aménagements pour accueillir les deux navires sont en cours de réalisation au Port autonome de Dakar. Les navires en question devraient jeter l’ancre au port une semaine avant l’ouverture du sommet. Ils seront placés sous la surveillance directe de la marine sénégalaise appuyée par les Français basés à Dakar. Par ailleurs, les services de sécurité des pays dont les chefs d’Etat seront logés dans ces bateaux prendront part à la surveillance de nos côtes et de nos eaux territoriales, pour parer à toute éventualité ».
Le lendemain de la publication de ces informations, le mardi 9 janvier 2008, Abdoulaye Baldé, directeur exécutif de l’Anoci apportait un démenti cinglant à ces informations, dans une dépêche de l’Agence de presse sénégalaise (Aps) reprise par le quotidien Le Soleil. Dans cette dépêche, le directeur exécutif de l’Anoci laissait clairement entendre :
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« C’est tout à fait faux. On a affrété un seul bateau (…) le chiffre de dix milliards avancé est totalement faux. Les montants prévus sont loin de ces sommes ».
Tout en démentant l’information, Abdoulaye Baldé se gardait soigneusement de dire aux Sénégalais les montants prévus pour affréter auprès de la société espagnole MSC Musica. Tout juste, se contentait-il d’indiquer que : « Les experts et les consultants de l’Anoci ont estimé que si le bateau est mis à la disposition des participants à raison d’environ 300 euros pour la pension complète la bateau-hôtel sera amorti à la fin du sommet ».
Sur la base des propres documents de l’Anoci, auxquels nous avons eu accès, le bateau a coûté la bagatelle de 11 millions d’euros à l’Etat du Sénégal. Soit un total de 8 milliards de FCfa. Nous sommes très loin des 2,5 milliards de FCfa qui ont été avancés par des sources officielles proches de l’Anoci. En tout état de cause, les Sénégalais attendent toujours avec impatience d’être édifiés sur les sommes qui ont été dépensées pour organiser le Sommet de la Conférence Islamique à Dakar. En attendant d’autres chiffres qui viennent confirmer ou infirmer ce que nous avançons. Ce serait étonnant, à moins que les documents fournis par l’Anoci à ses auditeurs pour la rédaction de leur propre rapport ne soient, eux-mêmes, erronés. Le ministère de l’Economie maritime a payé la facture de la location pour un montant de 2,5 milliards, le Port Autonome de Dakar est intervenu pour un montant global de 3 milliards de FCfa, avec un prêt à court terme (six mois) qui lui a été concédé par la Société générale de banques (Sgbs). Pour le reste des coûts nous avons appris que c’est le budget de la présidence (Secrétariat général) de la République a été sollicité pour un peu plus de 800 millions de FCfa. Le reste de la facture a été imputé à l’Anoci, elle-même.
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@_n =i hcffcZm^n ^_ fZ ^cn]jm^_ A la réunion tenue par le Conseil de surveillance de l’Anoci en date du 17 octobre 2007, son Directeur exécutif a procédé devant les membres du Conseil à une revue générale du programme hôtelier conçu par les responsables de l’Agence dès sa création. Aussi, le directeur exécutif révélait-il « le secteur privé national et international, en partenariat avec l’Anoci réalise un programme d’investissement de plus de deux cinquante milliards de FCfa représentant une capacité additionnelle d’environ 2500 lits dont 1000 en voie d’achèvement à travers la construction de cinq complexes cinq étoiles. De nouvelles enseignes feront leur apparition au Sénégal, comme Sheraton ? Radisson SAS, NH Hôtels, Ibis et Kempensky ».
Le président du Conseil de Surveillance explique à la suite du Directeur exécutif, Abdoulaye Baldé, pourquoi il est nécessaire de trouver une politique de promotion du tourisme accordant une priorité absolue à la construction de sites modernes et adaptés à la concurrence que se livrent les pays d’accueil. Ainsi, dira-t-il : « Le tourisme mondial est en pleine croissance. On a incité des investisseurs à venir au Sénégal à l’image de ce qui se fait au Maroc et en Tunisie. L’hôtellerie au Sénégal a un problème d’encadrement. La nuitée est plus chère par rapport à la qualité du produit proposé. Les infrastructures ne sont pas renouvelées, ni la formation du personnel. Ce n’est pas à l’Etat de faire cela mais aux opérateurs de s’organiser. »
Le président de l’Anoci poursuit ses explications en ajoutant : « La construction de nouveaux hôtels aux standards internationaux va créer de la concurrence et de la pression sur les réceptifs existants qui se réorganisent actuellement. Le ministère du Tourisme doit également mettre en place un système de contrôle strict et prendre des sanctions le cas échéant [perte d’étoiles]. Les hôtels doivent être rénovés tous les cinq ans ».
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L’ambitieux programme hôtelier ainsi décliné a séduit le Conseil de surveillance qui l’a fait connaître par la voix de certains de ses membres. Il a été adopté à l’unanimité des membres présents à la réunion. A l’époque, Mme Fatou Gassama était ministre du Tourisme, elle déclare sa satisfaction et justifie pourquoi la mise en œuvre d’un tel programme est souhaitable : « Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit sur les réceptifs du pays. Le Méridien, par exemple, n’a jamais changé de mobilier, ni de salle de bain depuis sa création. Les salles de bain sont rayées et moisies. Toutes les chambres que j’ai pu visiter étaient dans un état incroyable. Quant à la salle des congrès, elle n’est même pas climatisée ».
Au cours de la discussion engagée autour du programme hôtelier, Mme Aminata Niane a expliqué qu’il fallait faire en sorte que l’impact de la conférence soit maximisé sur le tissu économique. Aussi, recommandation a été faite pour que les artisans sénégalais soient privilégiés pour la décoration des hôtels. Elle se désolera de n’avoir pas vu de tissus sénégalais comme du pagne tissé parmi les propositions d’aménagement du Méridien Président. Et au président du Conseil de relever : « Il faut respecter les normes de sécurité et donc utiliser des tissus de qualité ».
Est-ce que le président de l’Anoci voulait insinuer que les tissus sénégalais ne sont pas de qualité ? Tout porte à le croire, d’autant plus qu’aucune entreprise sénégalaise n’est intervenue pour la réfection du Méridien Président, ce que la Directrice de l’Apix a déploré, à juste titre, d’ailleurs. Ainsi, à la suite de l’intervention du président de l’Anoci qui semblait mettre en cause la qualité des tissus sénégalais, Aminata Niane reprendra la parole pour dire que : « Je donne l’exemple de l’hôtel Téranga qui a passé un accord avec Hermès. Le Groupe Hermès privilégie le développement durable et n’utilise pas de produits
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chimiques. Le président de la République a souvent insisté sur la nécessité de valoriser nos produits. On peut construire des édifices modernes mais avec une décoration [ethnique] haut de gamme. Il existe une industrie de cadeaux de luxe au Sénégal, l’Apix peut d’ailleurs fournir une liste de base de données sur le secteur. Concernant le Méridien Président, je constate qu’aucune entreprise sénégalaise n’intervient sur le chantier ».
Elle obligera ainsi le président de l’Anoci à revenir sur la question pour accepter de concéder quelques avantages aux Sénégalais : « L’Anoci est intéressée par la liste des cadeaux proposés par l’artisanat sénégalais. Ce sont les autorités saoudiennes qui ont alloué la subvention du Méridien et ont donc choisi l’une de leurs entreprises pour exécuter la réhabilitation. C’est pourquoi d’ailleurs l’Anoci a abandonné le projet d’hôtel-centre de conférences ».
Finalement, à l’arrivée, seuls deux ou trois hôtels ont été construits. Et ils ne sont sortis de terre qu’un an après la fin de la conférence qui s’est déroulée sans que le programme hôtelier soit réalisé. Aujourd’hui : le Radisson, le Terrou-bi et le Sea Plaza sont les seuls réceptifs mis à la disposition des Sénégalais et des nombreux visiteurs qui arrivent dans ce pays et désirent trouver un hôtel. Ils s’ajoutent aux autres réceptifs existants et dont la qualité a été tant décriée par le président de l’Anoci. Les responsables ont décidé de rénover le Méridien Président.
@Z m0ijqZocji ^p K0mc^c_i mm0nc^_io Au cours de la réunion du 17 octobre 2007, le Directeur exécutif a tenu informé les membres du Conseil de surveillance sur ce projet. Ainsi, il leur apprendra que : « Les travaux de rénovation et d’équipement (…) sont en cours d’exécution par le Groupe saoudien Saoudi Bin Laden Group (SBG) en partenariat avec le Ministère de
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la Construction et l’Urbanisme. La livraison est prévue pour le 15 février 2008 ».
Et Karim Wade de rappeler que : « Le financement de la restauration du Méridien est pris en charge sur une subvention donnée par le Royaume d’Arabie Saoudite et directement versée par lui-même dans les caisses de l’Etat. La gestion de ce fonds est assurée par le Ministère de l’Economie et des Finances. »
Le démenti opposé par le ministre de l’Economie et des Finances, relativement à ces affirmations, vise en particulier la gestion de cette subvention de 26 milliards de FCfa qui ont permis la rénovation du Méridien. Le ministre n’a pas géré ce fonds. La gestion de ce fonds a opposé le ministre Abdoulaye Diop et Karim Wade. C’est à propos d’un marché portant sur 14, 210 milliards de FCfa que l’Anoci voulait attribuer de gré à gré que les deux hommes, selon les explications de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, ont échangé des propos assez fermes. C’est surtout Abdoulaye Diop, expliquent nos sources, qui s’est montré très ferme à l’égard du fils du chef de l’Etat. Le ministre a opposé un refus catégorique de signer le contrat accordé par entente directe à la société saoudienne Saoudi Bin Laden pour rénover le Méridien. Et c’est finalement le ministre de la Construction et de l’Urbanisme de l’époque, Oumar Sarr qui a signé le contrat qui a permis à l’entreprise désignée d’exécuter le marché. Ce marché portait, faut-il le rappeler sur 14, 210 milliards de FCfa. Un haut fonctionnaire du ministère de l’Economie et des Finances rapporte les termes des échanges qui ont eu lieu entre les deux hommes. C’est Karim Wade qui appelle Abdoulaye Diop. Au bout du fil l’argentier de l’Etat écoute et s’entend dire : « M. le ministre, tout est prêt. On attend que votre signature, pour que les travaux puissent démarrer au Méridien. Mon père m’a chargé de vous demander de signer le contrat pour la rénovation du Méridien. Tout
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est fait, les travaux doivent démarrer, il ne reste que votre signature ».
Et le ministre, rapporte le même fonctionnaire, de s’adresser à son tour à son interlocuteur : - « Je veux être clair, je ne signe pas ce contrat ». - « Mais comment on fait, alors ? - « Mais vous devez le savoir »… - « Je pense que vous devez signer, parce que c’est le président en personne qui vous le demande » - « Est-ce que le président me demande de signer ce contrat ? Il n’en est pas question. Ce n’est pas à moi de signer ni d’approuver. C’est clair ».
Et Karim Wade de revenir à la charge, pour réitérer les injonctions de papa et d’intimer également à Abdoulaye Diop: « Il y a urgence ».
Abdoulaye Diop reprend la parole et tente de clore le débat à sa manière: « Comment on fait ? C’est ce que je me tue à vous expliquer depuis tout à l’heure. Dites au président que je ne signerai pas ce marché. Si vous ne pouvez pas le faire, je le lui dirai moi-même ».
La cause est entendue. Le ministre refuse. Karim Wade s’incline et fait appel au service du ministre de la Construction et de l’Urbanisme. Lui signe le marché. La rénovation du Méridien Président peut alors commencer, d’autant que le ministre délégué au budget, à l’époque Cheikh Adjibou Soumaré a lui aussi approuvé le marché. Son remplaçant au Budget, Ibrahima Sarr, a révélé devant le Conseil de surveillance de l’Anoci qui s’est réuni ce 17 octobre 2007, que le montant décaissé par l’Arabie Saoudite pour la réfection du Méridien est de 26 milliards de FCfa. A sa suite, Cheikh Ibrahima Gaye, le responsable de la Division des Infrastructures de l’Anoci, explique à l’assemblée que :
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« 25 suites présidentielles et 46 suites juniors seront entièrement rénovées, meublées et rééquipées, toute la décoration sera réalisée par le cabinet britannique [Areeng] ».
Areeng ? C’est cette société, bien sûr étrangère, qui a ramassé des milliards pour décorer le Méridien. Cette prestation a été payée sur des fonds appartenant à des Sénégalais pour faire un travail qui aurait pu être parfaitement fait par une société sénégalaise. Aminata Niane avait raison d’attirer l’attention des membres du Conseil de surveillance sur la nécessité de donner l’opportunité et des moyens aux artisans sénégalais pour leur permettre de participer aux travaux de décoration de l’hôtel. Elle devait pourtant savoir, dès le départ, à quoi s’en tenir, car le président de l’Anoci avait dit qu’il fallait du tissu de qualité. Cet avertissement sous entendait que les Sénégalais ne pouvaient pas présenter un tissu de qualité. Quel mépris ! Mais en réalité, l’Anoci, ce ne fut que ça, depuis le début de ses travaux jusqu’à la fin. Le mépris affiché à l’égard des entreprises sénégalaises, même celles qui ont été sélectionnées pour les réaliser, n’a jamais été caché. C’est d’ailleurs, en partie, ce qui a obligé, lors de la réunion du 17 octobre, Baïdy Agne, le président du Conseil national du patronat (Cnp), à faire quelques mises au point, quand la compétitivité et les capacités des entreprises ont été mises en cause pour justifier les coûts exorbitants pratiqués sur le marché de la construction au Sénégal. Pour en revenir on a ramené rénovation, on a fait passer la salle des congrès de 650 à 609 places avec pupitre. Ainsi, quarante et une places ont été supprimées pour donner plus d’espace aux participants et pour améliorer leur confort. Au moment de procéder à la rénovation de ce complexe, tout le mobilier a été enlevé et stocké à la Direction du matériel et placé sous l’autorité directe de l’Administration. Un audit, en fait. Un inventaire de ce matériel a été fait, selon Abdoulaye Baldé qui s’adressait au Conseil de surveillance, afin de limiter la 127
responsabilité de l’Anoci, en cas de perte ou de vol. En réalité, la rénovation du complexe pose et soulève des questions plus importantes et plus dramatiques pour le pays que celles liées au sort réservé à ce matériel réformé. Comment la rénovation d’un hôtel a-t-elle pu coûter deux fois plus cher que la construction et l’équipement de base initiale du réceptif, même un peu plus de quinze ans (16 ans), après la réception de l’ouvrage en 1991 ? La question mérite d’être posée. Vingt six milliards de FCfa pour rénover un hôtel, il y avait de quoi bâtir un réceptif cinq étoiles et rénover le Méridien, pour le maintenir à un niveau de qualité égalant celle de n’importe quel hôtel cinq étoiles dans le monde. On a choisi une autre voie à l’Anoci. A quelles fins l’ont-ils fait ? Et c’est là une raison fondamentale qui doit pousser les responsables de l’Anoci à accepter un audit indépendant pour convaincre les Sénégalais qu’ils ont bien travaillé (sic).
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(10.000.000.000.) de FCfa, inscrite dans la Loi de finances rectificative de la gestion 2007. Le financement sera inscrit au budget de la gestion 2008 est de douze milliards (12000.000.000.)de FCfa. Ce virement de crédits proposé s’effectue conformément aux dispositions de l’article 15 de la Loi organique relative aux Lois de finance qui prévoit et autorisent les virements de crédits de chapitre à chapitre, par décret ».
Les quatre milliards de FCfa virés dans le cadre de ce décret ont été soutirés des montants inscrits au budget du ministère des Infrastructures pour un montant de 400 millions de FCfa (étude du pont de Ngouye, du chapitre relatif au renforcement et à la réhabilitation de la route Kolda-Diana-Carrefour 22 pour un montant total de 1 milliard de FCfa, du chapitre concernant la construction de la route Linguère-Matam, pour un montant total de 1, 500 milliards de FCfa, de celui concernant la route ZiguinchorMPack. Pendant que les populations habitant les localités concernées par les travaux routiers font quotidiennement face à de terribles problèmes de circulation sur des routes totalement défoncées, les autorités du pays s’amusent avec l’argent. Des villas dont l’utilité reste largement à démontrer doivent être construites. Alors que la conférence au sommet organisée par l’Anoci est largement derrière nous, on s’évertue toujours à amputer des budgets concernant de grands travaux routiers prévus à l’intérieur du pays, pour édifier des sites qui étaient normalement destinés à héberger les hôtes du sommet. Le décret de virement de crédits a été signé le 12 décembre 2007. On savait donc déjà, à cette époque, que les villas dont la construction était envisagée ne pouvaient, en aucune façon, servir à héberger des hôtes du sommet. Nous étions à trois mois de la conférence au sommet qui a été ouverte le 14 mars 2008. Une question reste posée : à quelle fin la décision de construire des villas présidentielles a été maintenue ? Personne ne sait. Les autorités chargées d’informer les citoyens restent encore totalement muettes à ce sujet. En tout état de cause, plus 129
deux ans après la mobilisation des fonds, on se demande encore pourquoi aucune villa n’est encore sortie de terre. Personne, n’est mieux placé que les responsables de l’Anoci qui se sont autoproclamés « bâtisseurs », pour édifier les Sénégalais sur la gestion des fonds qui ont été ainsi placés entre leurs mains pour construire ces villas. Il y a d’ailleurs, dans ce décret de virement de fonds, quelque chose de profondément injuste et scandaleux. Sur les prélèvements ordonnés par ce décret, on note qu’un montant d’un milliard de FCfa l’a été relativement au renforcement et à la réhabilitation de la route Kolda-Diana-Carrefour 22 qui ont été entièrement réalisés par l’entreprise JLS de Bara Tall. L’argent qui lui était dû et qui normalement était inscrit dans le budget 2007 lui a été soutiré pour être versé dans le budget qui servira à construire les villas présidentielles fantômes. Le procédé, non seulement est profondément injuste, mais il traduit, de la part de l’autorité qui a ordonné les virements, une méchanceté gratuite que rien ne justifie. Cette attitude est la manifestation d’une vindicte et d’un esprit de vengeance qui n’honore nullement les autorités de la République. La construction des villas présidentielles est une véritable absurdité, que le pouvoir maintient contre le bon sens et contre les règles de bonne gouvernance les plus élémentaires. C’est un paradoxe que de constater qu’on se débarrasse de certaines de ces villas situées en plein centre ville pour, dans le même temps, se mettre à en construire d’autres. Comment justifier une telle incohérence ? Il faut démontrer que derrière ces villas ne se cache pas une volonté manifeste d’enrichir des amis et des proches. On convaincra difficilement qu’il n’y a pas là une opération d’enrichissement personnel qui ne dit pas son nom.
@~Z]bZo ^_ fchjpnci_n Un contrat de ces voitures a été signé entre l’Etat du Sénégal et la Sénégalaise de l’Automobile en date du 22 février 2008. C’est avec le ministère de l’Economie et des 130
Finances que ce contrat a été paraphé. Il concerne l’achat de 50 Mercedes S 350, pour un montant global de 3,930 milliards de FCfa. Contrairement à ce qui a été fait au cours de la première conférence au sommet qui a eu lieu en 1991 au Sénégal et où les partenaires arabes avaient offert gratuitement une cinquantaine de Limousines à notre pays, le gouvernement a commandé ces véhicules en saignant le Trésor public. Plus d’une trentaine de ces véhicules sont garés quelque part dans un camp de l’armée nationale. Le chef de l’Etat en use comme il veut, distribue les clés en fonction de ses humeurs et de son désir de faire plaisir à des officiels, des marabouts, des proches ou des amis. Pourtant, en dépit du fait que les sommes prévues pour l’acquisition de ces véhicules ont été normalement décaissées, des sources de la Sénégalaise de l’Automobile indiquent que l’Etat reste leur devoir encore beaucoup d’argent. Pour le sommet de 1991, le gouvernement avait reçu en dons une cinquantaine de limousines offertes par l’Arabie Saoudite et par le Koweït. Ces voitures ont servi pour les hôtes du sommet et ont été toutes versées dans le parc automobile de l’Etat. Ce fut un modèle de gestion rationnelle et rigoureuse, sous ce chapitre précis d’acquisition de véhicules, disons-nous bien. Pour un coût global de 104 millions de FCfa, l’Anoci a acquis cinq véhicules Station Wagon et huit autres Peugeot 406 pour 102 millions de FCfa et une Kia Sorento à 13 millions de FCfa. Par ailleurs, l’Anoci a acheté trois autres Peugeot 307 et une Peugeot 407 pour un montant global de 43 millions. Au total, le parc automobile de l’Anoci, tel que cela a été répertorié dans le document d’audit du cabinet CICE a coûté la somme totale de 262 millions de FCfa. Nous ne sommes pas sûr de répertorier l’ensemble des coûts relatifs à l’achat de véhicules liés à l’organisation du sommet de l’Oci.
Ei ^_hcdhcffcZm^ kjpm `Zcm_ [0^jpci ) fZ km0nc^_i]_ Cette dépense nous paraît énorme. Elle a été effectuée grâce à une entente directe passée entre le Secrétariat général 131
de la présidence de la République et une société du nom de Publicis Live. S’élevant à un montant global de 502 625 239 de FCfa, on se demande encore quelles sortes de tentes ont pu coûter ces montants énormes, de quoi construire un immeuble. Seulement, avec l’organisation de la Conférence islamique dans notre pays, on aura tout vu en matière de dépenses publiques. On n’a rien refusé au « prince » et à ses acolytes, pour organiser, comme on n’en aura vu nulle part ailleurs dans le monde. En veux-tu, en voilà ! Ce fut presque le mot d’ordre qui a marqué les relations établies entre le Trésor public et l’Anoci. Par ailleurs, les tentes qui ont été installées sur le stand et la décoration de ce site ouvert à la Foire internationale, à l’occasion de la conférence islamique ont coûté la somme de 35 millions de FCfa.
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2=o @_ ojoZf [cfZi ^_ f~%ij]c Ei `Zpt [cfZi Il y avait quelque chose de pathétique dans le cirque organisé, dans la nuit du dimanche 19 au 20 juillet, par Karim Wade, avec la complicité de nos confrères, autour de l’antenne de la Télévision du Groupe Walfadjri. Pathétique de voir quelqu’un qui occupe les fonctions de ministre d’Etat jouer de la façon dont Karim Wade l’a fait à l’enfant gâté qui plus est, croit disposer d’un droit l’autorisant à se moquer du peuple. Pathétique également de constater à quel point les premiers responsables de ce pays sont convaincus que la presse n’est qu’un instrument dont ils peuvent se servir pour insulter l’intelligence des citoyens. Pathétique, enfin, de constater le désarroi et la profonde panique qui saisissent l’équipe dirigeante de l’Anoci, dès qu’un point de vue critique documenté s’exprime, pour dénoncer son travail, en mettant en évidence l’incohérence du faux bilan qu’elle a présenté au peuple. De toutes les interventions et critiques portant sur ce bilan, et formulées par une formation politique du pays, celles publiées par le Ps nous semblent les plus incisives et les plus pertinentes. C’est cela qui explique en partie le cirque auquel Karim Wade s’est prêté ce dimanche 19 juillet. La presse nationale ne s’y est pas trompée. « Dans ce pays, autrefois connu pour la finesse d’esprit de ses fils, le ridicule ne semble plus tuer. Sinon Rimka ne confondrait pas torchons et serviettes, en direct sur les ondes de Walf TV (…). Car le fils de Njomboor, au devant de la scène par la grâce de son pater, doit savoir que le débat le concernant, à propos de l’Anoci, ce n’est
pas avec le secrétaire général du Ps, mais avec des auditeurs indépendants, comme le réclame l’opinion ».
Le chroniqueur du journal Le Populaire, Samba Alaar résume bien la pensée de nombreux journalistes du pays, dans sa chronique publiée ce lundi 20 juillet. Il se montre inspiré, juste et pertinent. Le journaliste, Madior Fall de Sud quotidien l’est davantage, ce lundi 20 juillet 2009, dans son commentaire du jour, intitulé « Vaine arrogance ». Il suffit de lire le titre de l’article pour saisir la pensée profonde de l’auteur. Le journaliste écrit : « Certes, les décisions d’opportunité éminemment politiques se sanctionnent en République et en démocratie par l’électeur citoyen, mais les réalisations quant à elles, s’évaluent et sont évaluées de force ou de gré dans le cadre d’un contrôle régulier et rigoureux, parce qu’elles obéissent à des logiques normées immuables. On a beau dire, on a beau faire, on n’y coupe point ».
Tout est ainsi dit pour comprendre la fuite en avant de Karim Wade qui semble quelque peu perdre la raison face à l’incongruité du bilan qu’il présente. Cette raison, il semblait aussi l’avoir perdu au moment où il dépensait avec ses amis de l’Anoci. C’est cela qui explique ses difficultés actuelles à se soumettre à l’audit indépendant auquel le convie les confrères. Il cherche en vain à débattre avec Ousmane Tanor Dieng, car il est convaincu que tout ce qu’il a entrepris depuis plus de deux mois, pour essayer de convaincre les Sénégalais s’est avéré vain. Il invite au débat sans y croire un instant. En tout état de cause, son invite au débat me met davantage à l’aise, pour donner aux Sénégalais qui souhaitent débattre publiquement avec lui des éléments factuels d’évaluation de son travail. Son bilan est un faux bilan. Le total bilan de l’Anoci, pour reprendre une expression familière aux comptables, est différent à tout point de vue de ce qui a été exposé devant le Conseil de surveillance et largement diffusé dans la presse. On va examiner ce total, en rapport avec deux paramètres : le volume des fonds 134
mobilisés et les dépenses réelles effectuées pour réaliser les travaux de l’Oci et pour assurer son fonctionnement, pendant une période de quatre ans : 15 juin 2004 - 15 juin 2009. On ne peut pas cependant ignorer un autre aspect de ce bilan, si nous tenons compte des objectifs de départ de l’Anoci qui affirmaient que les travaux devaient avoir un impact positif sur le secteur privé sénégalais en lui donnant des moyens additionnels de croissance. On sait maintenant qu’à la suite des travaux initiés par l’Anoci, l’un des fleurons de l’industrie nationale de la construction, qui est également l’une des rares entreprises dans ce secteur à appartenir entièrement à des nationaux, Jean Lefebvre a été complètement détruite, du fait des agissements des dirigeants de l’agence. Nous devons tenir compte de cet état de fait dans l’examen du total bilan de l’agence.
@_n ]ji^n hj[cfcn0n Zpkm1n ^_n [Zcff_pmn Il serait intéressant à ce niveau d’opérer une comparaison pour mieux apprécier les supposées performances réalisées sur ce chapitre par l’Anoci. C’est avec une pointe de fierté non dicible que le Conseil de surveillance de l’Agence affirme avoir mobilisé la somme de 432 milliards de FCfa. Quelle est la réalité qui se cache derrière ce chiffre ? Nous l’avons déjà vu, les gouvernements saoudien et koweitien et la Bid ont alimenté en partie les caisses de l’Anoci, pour ce qui concerne les travaux ouverts dans les différents chantiers de la capitale. En ce qui concerne les travaux de la Corniche Ouest, c’est le Fonds koweïtien qui a assuré son financement de base pour un montant global de 24,370 milliards de FCfa. Pour les travaux réalisés sur la Vdn, l’audit proposé par l’Anoci révèle que ces travaux ont été pris en charge par un prêt effectué auprès de la Banque islamique de développement(Bid) pour un montant global de 19,956 milliards de FCfa. Par ailleurs, le Fonds saoudien a accepté de financer l’élargissement et l’embellissement de la route de Ouakam. Cet argent effectivement mobilisé n’a pas encore 135
été consommé. Par ailleurs, le gouvernement saoudien a fait un don de 26 milliards de FCfa à notre pays pour la rénovation du Méridien Président. Le Qatar a fait un don d’un montant total de 10 milliards de FCfa Pour ces dons, les responsables du ministère des Finances précisent qu’ils ont été directement versés à l’Etat, par le truchement de la présidence de la République. Au total, les dons et les crédits reçus par notre pays à l’occasion de l’organisation du sommet de l’Oci s’élèvent à un montant de 95.779 milliards FCfa. Les montants escomptés au départ, en ce qui concerne les investissements privés, étaient estimés à 250.000.000.000 FCfa. A ce propos, c’est Karim Wade qui a révélé au Conseil de surveillance au cours de la séance tenue le 17 octobre 2007 que : « Le secteur privé national et international réalise en partenariat avec l’Anoci un programme d’investissement de plus de deux cent cinquante milliards de FCfa… »
Depuis la fin de la conférence, seul le tiers de ces montants a été effectivement mobilisé et a permis la réalisation des trois hôtels sortis de terre de l’ensemble du programme hôtelier préparé par l’Anoci. En définitive donc, un peu moins de 85 000 000.000 FCfa ont été mobilisés par les responsables de l’Anoci, en matière d’investissements privés. Et encore ! Certains techniciens du ministère de l’Economie et des Finances, considèrent que ce chiffre comporterait même des montants virtuels et qui constituent des sommes d’argent susceptibles seulement, avec de fortes probabilités, d’être effectivement mobilisées. De hauts responsables du ministère des Finances expliquent qu’à cette date, les sommes mobilisées et qui sont approximativement connues du ministère se montent à un total de 170. 777.389. 440 FCfa se répartissant ainsi qu’il suit : 95. 779.389 440 de FCfa (fonds publics), 85. 000.000.000 FCfa (fonds privés). Nous sommes loin des 432 milliards de FCfa annoncés en grandes pompes par le Conseil de surveillance de l’Anoci. 136
@_n ^0k_in_n _``_]ocq_n ^_ f~%ij]c Certains commentateurs ont entretenu un amalgame qui n’aide pas à éclairer le débat sur le bilan. Volontairement ou par ignorance, certains citoyens, aidés en cela par certains articles de presse, affirment que l’Anoci a dépensé 432 milliards de FCfa, confondant ainsi les dépenses de l’Agence avec les sommes mobilisées, aux fins de réaliser ou de faire réaliser des investissements dans le pays. Ce sont deux choses différentes. Le Conseil de surveillance de l’Anoci a annoncé après sa réunion du 17 octobre 2007, que l’agence a dépensé la somme de 101 milliards de FCfa, soit un dépassement d’un milliard de FCfa, par rapport à ses prévisions et autorisations budgétaires de départ. Les dépenses réelles consacrées aux travaux sont estimées à 72 milliards de FCfa, selon les mêmes responsables du Conseil de surveillance. Les 29 milliards de FCfa restants ayant été consacrés à l’organisation et au budget de fonctionnement pendant une période de quatre ans d’existence de l’agence. Quelle est la réalité ? Elle est totalement différente de ce qu’on nous en dit. Procédons à une classification des dépenses effectuées par l’Agence. Il y a, d’une part, les dépenses effectuées pour réaliser les chantiers de l’Anoci, celles faites pour payer des prestations directement liées à l’organisation de la conférence à proprement parler. Et, enfin, les dépenses de fonctionnement de l’Agence.
/ct hcffcZm^nY f_ eh ^_ mjpo_ ]jinompco jp 0fZmac Les travaux de l’Anoci ont essentiellement concerné trois chantiers. Un premier tronçon sur une distance de 7 Km à élargir a été réalisé par l’entreprise CDE pour un montant global de 40,028 milliards de FCfa (Corniche-MadeleineAtépa) soit une moyenne de (5,718 milliards de FCfa), par km de route élargi. Un deuxième tronçon de route neuve à construire, sur une distance de 4,3 Km, a été confié à Fougerolles qui l’a réalisé pour une valeur globale de 25,097 137
milliards de FCfa, entièrement financé par le budget national. Soit une moyenne de 5, 837 milliards de FCfa par km de route construit. Le troisième chantier consistait en élargissement de la Vdn sur une distance de 6 Km, pour une valeur globale de 27,552 milliards de FCfa. Ce chantier a été exécuté par CSE, pour une moyenne de 4,592 milliards de FCfa, le km de route élargi. Ainsi, pour 14 Km de routes élargies et 4,3 km de routes neuves construites, l’Etat a dépensé un total de 92,677 milliards de FCfa dans le cadre des chantiers réalisés par l’Anoci, soit une moyenne de 5, 537 de FCfa milliards par km de routes élargies et nouvellement construites. Il s’y ajoute, qu’après l’exécution des quatre premiers marchés de base, signés pour le compte des entreprises : CDE, CSE et Fougerolles, de nombreux autres contrats ont été signés avec divers prestataires. Ainsi, nous en avons dénombré un total quarante et un (41). Ces marchés ont été payés sur les budgets de plusieurs ministères et institutions diverses. Les ministères les plus sollicités ont été le ministère de la Construction et de l’Urbanisme, et dans une moindre mesure, le département des Forces armées. Ainsi, les fonds prévus par les exercices 2007 et 2008, pour le compte de la Direction de la Construction du ministère de la Construction et de l’Urbanisme ont été largement ponctionnés. Le ministère des Forces armées et la présidence de la République n’ont pas été épargnés.
%pom_n o_]biclp_n ^_ ^0k_in_n pocfcn0_n Après l’exécution des quatre premiers marchés de base, signés pour le compte des entreprises : CDE, CSE et Fougerolles des avenants leur ont été consentis. Comme d’autres contrats ont été conclus pour effectuer d’autres travaux ou pour assurer d’autres prestations liées à la tenue de la conférence. Ainsi, nous en avons dénombré un total de quarante et un (41), pour un coût global de 107 milliards de FCfa.
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@_n hZm]b0n 0]fZo0n Pour éviter de charger les dépenses directes de l’Anoci, ses responsables ont très vite compris qu’il fallait en éclater certaines, dans plusieurs budgets de différents départements ministériels et de celui de la présidence de la République. Examinons quelques cas de dépenses pour mieux faire comprendre la technique. Le ministère de l’Urbanisme a été le département ministériel le plus sollicité avec un total éclaté dans ses budgets de 2007 et 2008, de 26 milliards de FCfa. Cette masse d’argent correspond en fait au don que l’Arabie Saoudite a fait au Sénégal. Il a été prélevé de ce montant, la somme de 14,210 milliards de FCfa, pour rénover l’hôtel Méridien-Président. Le reliquat de cette somme : 11,790 milliards de FCfa, a été utilisé pour des travaux d’embellissement, de décoration et d’aménagement paysager concernant les ouvrages construits dans la ville, pour l’accueil du sommet de l’Oci. 26 milliards de FCfa tirés du seul budget du ministère de l’Urbanisme, on peut dire que ce département a remporté la palme pour ce qui concerne les dépenses de l’Anoci qui ont été éclatées dans plusieurs ministères. Le ministère de l’Information suit avec un total de 4,250 milliards de FCfa. Cet argent a été dépensé, officiellement du moins, pour appuyer le quotidien gouvernemental « Le Soleil » et la Radio Télévision du Sénégal (RTS), pour la couverture médiatique du sommet. Des sources proches des directions générales des deux entités expliquent qu’elles ont effectivement reçu chacune une aide, dont le total pour les deux unités est chiffré à 850 millions de FCfa. Il reste un reliquat de 3, 450 milliards de FCfa. Cet argent a été peut-être dépensé ailleurs pour le compte du sommet. Le ministère de l’Economie maritime a fourni 2, 951 milliards de FCfa, pour la location du bateau hôtel. Un emprunt bancaire de 3 milliards de FCfa a été également contracté auprès de la Société générale. Cet emprunt consenti sur un délai de six mois a été entièrement supporté par le Port Autonome de Dakar. Le Port a également contracté, 139
pour le compte de l’Anoci, avec la société Jafza, qui devait conduire pour le compte de l’agence des études techniques nécessaires à la réalisation d’un projet de construction de résidences de grand standing dans la zone portuaire. Ce contrat a été évalué à 1,231 milliards de FCfa. En contrepartie, l’Anoci a décidé de lui octroyer des terrains sur le littoral de la capitale et des actions dans le capital social de Apix Sa. Au total, le Port a payé pour une valeur de 4, 231 milliards de FCfa des prestations effectuées pour le compte de l’agence. Le ministère des Forces armées a été sollicité. Il a donné un appui de 2,250 milliards de FCfa, pour équiper l’hôpital principal de Dakar et l’apprêter ainsi à faire face à d’éventuels cas d’urgence médicaux qui arriveraient pendant le sommet. Le Secrétariat général de la présidence de la République a contracté, pour l’Anoci, des marchés d’une valeur de 2,345 milliards de FCfa. Au total donc, on peut estimer l’ensemble de ces contrats que nous avons pu extraire de la masse des marchés administratifs disponibles sur le site de l’Autorité de régulation des marchés publics, à 29 milliards de FCfa, pour les imputer aux budgets de plusieurs ministères. On le voit bien, en dépit des tentatives de masquer les dépenses réelles de l’Anoci, en les éclatant dans différents ministères, les dirigeants de l’agence n’y sont pas parvenus. Ainsi, les fonds prévus par les exercices 2007 et 2008, pour le compte de la Direction de la Construction du ministère de la Construction et de l’Urbanisme, ont été largement ponctionnés. Par ailleurs, le ministère des Forces armées et la présidence de la République n’ont pas été épargnés. La mairie de Dakar n’a pas été en reste, elle aura largement participé aux dépenses de l’Anoci. Ainsi, nous avons pu reconstituer pour ce qui la concerne, trois avenants à des contrats de base. Nous n’avons malheureusement pu retrouver de tels contrats. Seulement, pour les trois avenants signés pour assurer l’éclairage des sites des différents chantiers de l’Anoci, la commune a payé un total de 4,634 milliards de FCfa. Des sommes dépensées pour assurer la 140
participation de la mairie à l’organisation de la conférence islamique. Selon des proches de la commune de Dakar, les contrats de base ont coûté la somme de 7 milliards de FCfa. Au total donc, la mairie de Dakar a dépensé un total de 11,634 milliards de FCfa qui viennent s’ajouter aux autres sommes dépensées par les ministères sur leurs propres lignes de crédits budgétaires. Au total, les dépenses réalisées par l’Anoci sur la base des contrats éclatés s’élèvent à 40,634 milliards de FCfa
@Z o_]biclp_ ^_n qcm_h_ion ^_ ]m0^con Cette technique du virement de crédits a été utilisée pour mobiliser en faveur de l’Anoci la somme totale de 27,900 milliards de FCfa. En 2007, 14 milliards de FCfa ont fait l’objet d’un virement de crédits en faveur de l’Anoci. En 2008, 12 milliards et 1,900 milliards de FCfa de virement de crédits, ont été également effectués en faveur de l’Anoci. Ce qui donne, pour la seule année 2008, un total de 13,900 milliards de FCfa de virements de crédits. Les crédits ayant fait l’objet d’un décret de virement sont estimés sur deux ans à 27,900 milliards de FCfa. Dans le cas des chantiers de Thiès, c’est l’Inspection générale d’Etat (Ige) qui avait principalement retenu contre Idrissa Seck, en qualifiant la technique de détournement de procédure. C’est ce qui a valu à Salif Bâ et à Idrissa Seck leur emprisonnement. Ce sont du moins ces motifs de droit qui ont été évoqués pour les mettre en prison. Si cette jurisprudence avait joué dans le cas des chantiers de l’Anoci, la Haute de Cour de justice n’aurait pas besoin d’être saisie. Le simple tribunal aurait été compétent pour entendre tous les hauts responsables de l’Anoci. Pour sûr, « Dieu », le père ne laissera jamais faire… Le total des sommes dépensées par l’Anoci à la faveur des dépenses éclatées (40, 634 milliards de FCfa) et des virements de crédits (27,900 milliards de FCfa) est de 68,534 milliards de FCfa. Rappelons que ces montants s’ajoutent aux 92,677 milliards de FCfa dépensés sur la base des emprunts 141
directement payés par les bailleurs de fonds. Sur la base de papiers préparés par l’Anoci elle-même et déposés au ministère de l’Economie et des Finances, ce dernier a servi de courroie de transmission aux différents bailleurs qui ont payé sur les indications de l’Anoci, aux entreprises prestataires. Les dépenses éclatées dans les différents ministères et les dépenses payées directement par les bailleurs donnent un total global de 161,211 milliards de FCfa. Le compte n’y est pas encore. Selon des indications fournies par des sources au ministère de l’Economie et des Finances, d’autres dépenses réalisées n’ont pas encore été totalement comptabilisées, parce que les justificatifs à cet effet ne sont pas encore disponibles. C’est le cas des villas présidentielles qui ne sont pas encore construites. Une enveloppe de 26 milliards de FCfa a été préparée, même si aucune villa n’est encore réalisée. Etant donné que les montants ont été déjà dégagés par l’Etat, on peut considérer que ce sont des dépenses réelles. Ils viennent alors s’ajouter aux 161,211 milliards de FCfa. Ce qui donne un total dépenses de 187,211 milliards de FCfa. Si on ajoute les frais de fonctionnement sur quatre ans estimés à 18 milliards aux montants dépensés pour les chantiers, les dépenses totales de l’Anoci se stabilisent alors à 205,211 milliards de FCfa.
2 hcffcZm^n _i S Zin kjpm fZ fcno_ ]cqcf_ ^p n mmci]_ p Le fonctionnement de l’Anoci durant les quatre années d’existence de celle-ci a coûté trop cher à l’Etat. Et selon les révélations du ministre de l’Economie et des Finances, ce budget est de l’ordre de 16 milliards de FCfa. Seulement, le Directeur exécutif Abdoulaye Baldé a expliqué dans une interview publiée par l’hebdomadaire Nouvel Horizon, dans sa livraison de la semaine du 26 juin au 2 juillet 2009, que le budget de fonctionnement de son agence a été de 18 milliards de FCfa. Ainsi, chaque année l’Anoci a coûté la somme de 4,500 milliards de FCfa. Pour comparaison, rappelons que la présidence de la République du Sénégal, 142
sous Abdou Diouf, coûtait chaque année, un peu moins que cette somme. Et sous Léopold Sédar Senghor encore beaucoup moins. La Cour suprême du Sénégal, le Conseil Constitutionnel et l’ensemble des Cours et tribunaux du Sénégal coûtent par an quatre fois moins que l’Anoci. Ainsi, quand on récapitule toutes les dépenses, on notera que les travaux et autres prestations ont coûté ensemble 187,211 milliards de FCfa, auxquels s’ajoutent donc les dépenses de fonctionnement de l’agence qui sont de 18.milliards de FCfa. La totalité des dépenses de l’Anoci est de 205,211 milliards de FCfa. C’est la somme que l’Anoci a dépensé pour assurer l’organisation, en 2008, du sommet de la Conférence islamique, mais non 101 milliards de FCfa, comme a tenté de le faire croire le Conseil de surveillance. Les 17,4 Km de route et l’organisation de la conférence islamique auront beaucoup plus coûté que rapporté de l’argent. Les coûts cidessus indiqués excluent les coûts des terres qui ont été gracieusement cédées à des privés pour l’édification d’hôtels, en vue de la mise en œuvre du programme hôtelier défini par l’Anoci. Selon les estimations fournies par des experts immobiliers et des architectes sénégalais, la valeur globale grossièrement estimée des terres cédées peut être établie à au moins 103.500 milliards de FCfa. Au total, la Conférence au sommet de l’Oci qui a eu lieu en 2008 au Sénégal, sous la conduite de l’Anoci, aura coûté au la somme de 308,211 milliards de FCfa (les montants globaux relatifs aux coûts des chantiers, à ceux ayant permis l’organisation du sommet, les coûts des terres cédées, etc.). Ces montants tiennent compte du budget de fonctionnement de l’Anoci, estimé à 18 milliards de FCfa, pendant les quatre années d’existence de l’agence.
%p kZun ^_ ;j]Zai_ jp V_q_mfZi^ omjkc]Zf En examinant les montants des dépenses listées dans les différents documents de l’Anoci qui détaillent ses dépenses courantes et ses investissements, on en sort complètement 143
sidéré, sur leur opportunité et sur leur cohérence d’ensemble. Sans mépris aucun, ni dédain, on peut croire et dire que ce fut comme à la kermesse où l’enfant accompagné d’un papagâteau généreux et magnanime accorde tout à son fiston et paie, à tous les coups, les demandes de son rejeton ébloui par l’achalandage des stands de jeu. Le rapport présenté à la fin de l’exercice 2006 par le directeur exécutif de l’agence, Abdoulaye Baldé, est illustratif à cet égard. Chaque exercice budgétaire, l’agence a payé la somme de 264 millions de FCfa au Cabinet conseil CICE pour dresser un rapport de constat des dépenses opérées. Une simple direction bien structurée avec un salaire maximal de cinq millions de FCfa pour son patron aurait mieux fait que ce cabinet qui a encaissé chaque année la somme de 264 millions de francs, sauf pour l’exercice 2004-2005 où il a gagné 256 millions de FCfa. Au total : 1,048 milliard de FCfa, des sommes payées à un cabinet à ne rien faire pendant quatre ans. Ce qui est encore plus étonnant dans cette affaire, c’est que l’Anoci s’est équipée pour une valeur de 259 millions de FCfa en logiciels de gestion comptable et financière de toutes sortes, alors qu’un cabinet a été normalement choisi pour réaliser le travail. Un travail qui, au regard du matériel et des logiciels achetés pour l’agence, aurait pu être exécuté par des cadres et par des employés de l’agence. Cette incohérence a conduit à de terribles gaspillages d’argent que rien ne peut expliquer, encore moins justifier. Il en a aussi été ainsi sur d’autres chapitres. Les extravagances que la direction de l’agence s’est permises en matière d’équipements se passent de commentaires. Au chapitre des téléphones portables achetés nous en avons relevé une soixantaine dont une vingtaine ne coûte pas moins de 549.000 de FCfa (Smartphone). A quelles fins ? Personne ne sait. C’est la même question que l’on pose, quand on lit dans le rapport du Directeur, dans sa partie financière que la lampe (luminaire) qui a été placée dans le bureau du Président du Conseil de surveillance de l’Anoci a coûté la somme de 8 millions de FCfa. Comme diraient nos 144
cousins ivoiriens, « c’est quelle lampe ça » ? On peut également se demander quels sont ces appareils de photo qui ont coûté et 8 et 9 millions de FCfa à l’Anoci. Le rapport de contrôle de gestion mentionne que l’habillement des hôtesses et des autres personnels d’appui a coûté 361 FCfa et 39 millions de FCfa (400 millions de FCfa). Nous avons enquêté, en demandant des devis à trois maisons de la place habituées à confectionner des tenues, comme celles que l’Anoci a distribuées à son personnel d’appui. Sur la base de 1000 tenues à la commande, nous avons obtenu des offres de prix variant entre 25000 et 50.000 FCfa la tenue. Nous avons ensuite considéré que chaque personne aurait besoin de deux tenues pour les deux jours de conférence du sommet sur la base de 50.000 FCfa la tenue. Pour chaque personne habillée, la dépense nécessaire a été de 100.000 FCfa. Pendant deux jours de conférence, à raison d’une dépense de 100.000 FCfa par personne, l’Anoci aurait pu habiller, avec les 400 millions de FCfa dépensés en habillement, un nombre total de 4000 personnes. Chaque participant à la conférenceofficiellement ils étaient 4000- pourrait disposer d’un service personnalisé, en ayant en permanence à ses côtés une hôtesse mise à sa disposition. L’habillement des chauffeurs n’a pas été pris en compte dans le calcul effectué. Tout cela est ridicule. Il traduit cependant l’insouciance et l’irresponsabilité qui ont présidé à la définition des priorités dans l’ordonnancement et dans l’exécution et la détermination des dépenses de fonctionnement de l’agence. On pourrait continuer à l’infini l’analyse des incohérences notées dans les choix de la dépense. La plus choquante de toutes ces dépenses, aura sans conteste été les 750 millions de FCfa consacrés à l’aménagement et l’ameublement des locaux du siège de l’Anoci. Nous parlions de jeu d’enfants dans une kermesse. C’est terrible ! Car il ne s’agit point d’un jeu, mais plutôt de la gestion des deniers d’une nation qui se débat dans les pires difficultés du monde pour nourrir, habiller et
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loger sa population. Et dire que ceux qui sont les auteurs de cette tragédie aspirent à nous gouverner demain.
@_n ^0kZnn_h_ion [p^a0oZcm_n La compétence d’un gestionnaire s’apprécie avant tout à sa capacité de préparer un budget, de dégager un compte prévisionnel et de le respecter dans ses grandes lignes de base. Si on l’apprécie à l’aune de ce critère, on constatera que l’équipe dirigeante de l’Anoci apparaît comme une piètre équipe de gestionnaires. Nous allons partir de l’exercice 2006 pour démontrer à suffisance cela. Le rapport présenté par Abdoulaye Baldé au Conseil de surveillance de l’agence au 31 décembre 2006 donne des indications effarantes en matière de dépassements budgétaires. Ces dérapages concernent tous les chapitres du budget, sans exception. Nous mettrons en évidence les dépassements les plus marquants de l’exercice, pour montrer l’ampleur du phénomène. En matière d’achats de biens et de services, les dépassements budgétaires notés ont été de l’ordre de 264,32%, alors qu’en ce qui concerne la recherche et la documentation, ces dépassements atteignent 306,26%. Pour les communications de l’agence, les dépassements relevés par le rapport du Directeur exécutif indiquent un volume de 126% des sommes prévues au moment de mettre en place le budget. Les dépassements les plus ahurissants concernent le « Poste divers et imprévus ». Un poste fourre-tout qui ne demande aucune facture particulière, ni justificatif de dépenses. Autant dire un poste qui permet de faire des décaissements soumis à aucun contrôle comptable, sinon le seul contrôle que veut lui appliquer les premiers responsables de ces dépenses. Avec un bond de 813,32%, ce poste enregistre le plus spectaculaire dépassement. Ce poste « Imprévus et divers » a englouti 1,229 milliard de FCfa en 2006 et 1,342 milliard de FCfa en 2007. De manière générale, les règles de gestion courantes imposent une limite de 5 à 10% de l’ensemble des dépenses budgétaires prévues 146
sur un exercice, pour le poste Imprévus et divers. Le budget de fonctionnement de l’Anoci étant stabilisé à 18 milliards de FCfa pour l’année, les imprévus et divers n’auraient jamais pu dépasser 180 millions de FCfa si l’Anoci avait été bien gérée. Les dépenses consacrées par l’Anoci aux événements religieux ont connu un bond de 234,93%. Dans l’exercice 2006, les dépenses réalisées par l’agence pour amener à la Mecque des pèlerins sénégalais étaient évaluées à 1,400 milliards de FCfa. Autant dire que l’Anoci fonctionnait également comme une organisation caritative islamique dans un pays ou l’Etat laïc relève désormais de la fiction.
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2Ho @Z ]Zpocji ^_n [Zcff_pmn @Z qcnco_ ^_n _tk_mon ^p ]hc ) f~%ij]c Devant le Conseil de surveillance de l’agence réuni ce 17 octobre 2007, le président de l’instance communique aux membres les félicitations que le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale leur ont tous les deux adressées pour louer la manière par laquelle l’agence est gérée, surtout la manière de procéder pour ce qui concerne la passation des marchés. Ainsi Karim Wade peut déclarer devant les membres du Conseil : « La mission du Fmi qui s’est déroulée auprès de l’Anoci le 20 juillet 2007 a été un succès total. Le Fonds s’est félicité des conditions de transparence qui caractérisent la passation de nos marchés et la rigueur de la gestion des ressources mises à la disposition de l’agence. Et celle-ci apparaît aux yeux des experts du Fonds comme un modèle du genre ».
Dans le sillage de la déclaration du président du Conseil de surveillance de l’Anoci, l’ancien ministre du budget, Ibrahima Sarr confirme les propos du fils du chef de l’Etat et indique : « Je confirme la satisfaction totale du Fmi et félicite moi-même le management et pense que c’est un exercice à encourager. J’encourage l’Anoci à communiquer davantage sur ses activités pour rassurer ses partenaires au développement qui doivent être rassurés officiellement, plutôt que d’être informés par d’autres canaux médiatiques qui, souvent, ne maîtrisent pas toutes les informations ou désinforment volontairement ».
Une vidéo de propagande diffusée sur toutes les chaînes de télévision du pays réserve une bonne part aux paroles d’un responsable du Fmi qui délivre un satisfecit aux dirigeants de l’agence quant à la rigueur de leur gestion. On peut déduire de la réaction des responsables de l’Etat et de ceux de l’Anoci, face aux positions exprimées par les organisations financières internationales que tout était propre. Tout est propre et exécuté dans les règles de l’art dans la gestion de l’agence. Et pourtant, c’est ainsi que le président du Conseil interprète la mission du Fmi et les conclusions qui en ont été tirées par ces experts. Le représentant résident du Fonds monétaire international se veut vigilant et très rigoureux dans la surveillance des dépenses publiques dans notre pays. Ce fonctionnaire du Fonds a quelquefois des accès d’humeur ou de colère qui ont poussé certains à organiser le cambriolage de son domicile. C’est bien tout cela. Alex Segura, c’est de lui qu’il s’agit, aime s’adresser à la presse pour parfois pourfendre la manière de gérer et de dépenser les deniers publics. En réalité, ses sorties pour vigoureuses qu’elles paraissent parfois, ne sont que de la poudre aux yeux. Elles n’ont, en définitive, aucune autre motivation que de rappeler au Sénégal ses engagements à l’égard du Fonds et des bailleurs de fonds internationaux. Ne nous y trompons pas. Il ne s’agit point pour lui et son institution de favoriser les conditions d’une gestion honnête et orthodoxe des dépenses de l’Etat, de manière générale. Il s’agit d’amener l’Etat à ne pas tout dépenser au risque de ne pas rembourser sa dette auprès des bailleurs de Fonds dont il protège les intérêts. Le Sénégal et les Sénégalais constituent le cadet de ses soucis. L’accroissement de la pauvreté des couches les plus vulnérables de la société qui résulte naturellement d’une dilapidation constante des ressources par l’élite gouvernante n’est pas, loin s’en faut, une préoccupation pour le Fonds et pour son représentant. Sinon, les experts qui ont visité l’Anoci en compagnie d’Alex Segura n’auraient pas donné le 150
20 juillet 2007 onction et bénédiction aux responsables de cette agence qui a gaspillé l’argent public à un niveau jamais égalé dans l’histoire de ce pays. Le Fmi et la Bm sont les complices de cette tragédie qui ronge la plupart des pays sous-développés. Ils couvrent certains forfaits par leur silence et les déclarations qu’ils sont parfois amenés à faire en appréciant les comportements de nos Etats dans la gestion des ressources financières du pays. Et nul n’est mieux placé qu’un ancien économiste en chef de la Banque mondiale 9 pour le dire. En effet, Joseph E. Stiglitz écrit : « Comment une organisation composée de fonctionnaires si talentueux (et bien payés) peut-elle commettre tant d’erreurs ? J’ai suggéré qu’une partie de ses problèmes venait de la discordance entre son objectif supposé, celui pour lequel elle a été initialement créée -promouvoir la stabilité économique mondiale-, et des objectifs plus récents- tels que la libéralisation des marchés des capitaux- qui sont mieux faits pour servir les intérêts de la communauté financière que ceux de l’économie mondiale »10.
Dès lors on comprend que les intérêts des Sénégalais préoccupent moins les experts du Fmi qui ont rendu visite à l’Anoci. Ils étaient juste venus pour voir dans quelle mesure les intérêts de la communauté financière mondiale ont été sauvegardés par la gestion de l’Anoci. De tels intérêts ne pouvaient pas, de toutes les manières, être menacés par le comportement global de l’Anoci. Au plus, Les experts du FMI pouvaient-ils demander des comptes à l’Etat du Sénégal, mais non à un de ses démembrements, fût-il l’Anoci, qui gère de façon ponctuelle et de manière limitée dans le temps une activité spécifique de l’Etat. Et il n’a pas manqué de demander de tels comptes au gouvernement du Sénégal. Et c’est ce qui a expliqué le limogeage de l’ancien ministre du budget Ibrahima Sarr, pris comme bouc 9
J. E Stiglitz (2002) : La Grande désillusion, Paris, Fayard, p. 294. J. E Stiglitz, op.cit. P 295.
10
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émissaire, alors que les responsables de l’Anoci et le chef de l’Etat qui les a couverts, ont été pour presque 60% dans les dépenses hors budget. Ce sont, eux, les vrais auteurs des manquements pour lesquels le pauvre ministre a perdu son poste.
@_ ]hc ]ji`jmo_ f_ hZilp_ ^_ omZinkZm_i]_ Le Fmi a demandé des explications au gouvernement sénégalais sur les énormes dépenses non prévues et dépassements constatés dans l’exécution des budgets 2007 et 2008. Les exigences de l’institution ont sans aucun doute poussé au renvoi par le président de la République de l’ancien ministre délégué au budget Ibrahima Sarr. Dans le même temps le FMI félicitait l’Anoci. Or, les dépassements fustigés par le Fonds monétaire ont été essentiellement causés par la gestion désinvolte de l’Anoci à qui rien n’a été refusé. L’incohérence est manifeste. Cette incohérence est une marque du Fonds monétaire et de la Banque mondiale. Joseph. E. Stiglitz, Prix Nobel d’économie explique cette incohérence congénitale des institutions financières de Breton Woods, en écrivant : « (…). Cette discordance a conduit à des incohérences intellectuelles dont la portée n’a pas été purement académique. Comment s’étonner qu’il ait été difficile d’en faire dériver des politiques cohérentes ? La science économique a été trop souvent remplacée par l’idéologie, qui, à défaut d’être toujours un guide très sûr, donnait des directives claires et était en gros conforme aux intérêts de la communauté financière, même si, quand elle conduisait à l’échec, ces intérêts n’étaient pas bien servis (…). Il serait beau que le Fmi, puisqu’on lui signale ses problèmes changeât d’état d’esprit et de comportement (…). Pour qu’il y ait un vari changement d’esprit. Davantage de transparence aiderait… ».11 11
J. E. Stiglitz (2002), op.cit. p. 298.
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Malheureusement, dans le cas qui nous occupe, le Fmi aura donné sa caution à une gestion non transparente et qui s’est révélée à terme catastrophique pour les finances publiques de ce pays. Il y est arrivé en confortant les responsables de l’Anoci dans leur manière opaque de gérer. Leur visite a été brandie comme la preuve du sérieux et de la transparence. Or, il n’en a rien été. Est-ce parce que, comme on dit souvent, que le goût du secret est naturel auprès des institutions financières internationales, que le Fmi a couvert la gestion ténébreuse et le gaspillage auquel s’est livré l’Anoci pendant ses quatre ans d’existence ? Dans la communauté financière, le secret est considéré comme normal. Et comme le dit le prix Nobel d’économie : « Les milliards de dollars qui s’en vont aux îles Cayman et autres paradis fiscaux ne le font pas parce que les services bancaires y sont meilleurs qu’à Wall Street. Londres ou Francfort. Ils sont pour le secret, qui leur permet de pratiquer l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent sale et d’autres activités néfastes(…). Mais le FMI n’est pas une banque privée ; c’est une institution publique. L’effet d’absence d’expression publique, c’est que les modèles, les politiques qu’ils offrent ne sont pas critiqués à temps ».
L’ancien économiste en chef à la Banque mondiale poursuit son raisonnement en indiquant : « Ce débat aurait non seulement permis de critiquer les postulats sur lesquels étaient fondées les prescriptions du FMI, mais aussi révéler qu’elles faisaient passer les intérêts des créanciers avant ceux des salariés et des citoyens. Cela aurait aussi permis de montrer que d’autres politiques étaient possibles et faisaient peser moins de risques aux moins faibles, et ces stratégies alternatives auraient peut-être reçu l’attention sérieuse qu’elles méritent ».12
12
J.E. Stiglitz (2002), op.cit P. 201.
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Les experts du Fmi ont donné le quitus à la gestion de l’Anoci, ce qui réjouit le président du Conseil de surveillance. Peuvent-ils, aujourd’hui, et de façon formelle, donner l’assurance aux Sénégalais qu’aucun franc provenant des immenses ressources mises à la disposition des responsables de l’Anoci, par l’Etat du Sénégal, au cours de ces quatre dernières années, n’a été déposé dans des comptes privés, dans les nombreux paradis fiscaux, bien connus de certains de nos dirigeants ? Ce serait étonnant que ces experts puissent donner de telles garanties. En tous les cas, même si la vénérable institution était au courant de tels faits, elle se serait soigneusement gardée de le faire savoir au peuple dont les besoins et les exigences sont très loin de constituer des préoccupations auprès de ces experts. Personne ne prend plus au sérieux les avis du Fmi ou de la Banque mondiale quand les deux institutions se prononcent. Ils se trompent toujours, en ce sens que les recommandations qu’elles formulent n’ont jamais apporté la prospérité, ni réduit la pauvreté dans nos pays. Seuls les idéologues acharnés, chantres d’un libéralisme sauvage et sans contrôle, sinon celui qu’ordonne la grande finance internationale, y croient. Et c’est cette sorte de mafia internationale de la finance qui dicte sa loi au Fmi et à la Banque mondiale. On va conclure ce chapitre sur les complicités avérées des institutions avec les responsables de l’Anoci avec cette réflexion de l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale : « Le développement n’est pas seulement une question de ressources et de capital mais une transformation de la société. Il est clair que les institutions financières internationales ne sauraient assumer la responsabilité de cette mutation. Mais elles peuvent y jouer un rôle important et, au strict minimum, elles ne doivent pas entraver son succès ».13
13
J.E. Stiglitz (2002), op.cit P.204.
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2So :bc1n q_mnpn f~%ij]c @Z [ZoZcff_ ^_n ]bc``m_n « Le montant des travaux effectués à Thiès dans le cadre du Programme de la fête de l’Indépendance 2004 a été arrêté à l’issue d’un travail contradictoirement mené avec le ministre du Patrimoine Bâti, de l’habitat et de la construction. Cette réconciliation réussie entre les positions des différents acteurs a permis d’arrêter le coût réel des travaux à 40 186 452 162FCfa, sur la base des instructions données par le ministère de la construction aux entreprises engagées »
Seulement, l’inspection Générale d’Etat chargée par le président de la République, après le différend qui l’a opposé à son ancien Premier ministre Idrissa Seck, maire de Thiès, a installé la confusion et a joué à charger la barque conduisant Idrissa Seck vers ses juges de la Haute Cour de Justice. Ainsi après les déclarations du ministre des Finances devant les députés, contrairement à ses habitudes faites de réserves, l’Ige a fait publier un communiqué de presse dans lequel, cette dernière précise que : « Le montant de l’engagement juridique et financier de l’Etat du Sénégal dans le Cadre des investissements réalisés dans la ville de Thiès pour la préparation de la Fête de l’indépendance 2004, est de 46 117 850 813 FCfa et non de 40 186 452 152 FCfa, comme le soutiennent les personnes impliquées dans la conception, le montage financier et l’exécution du programme d’investissement ».
Cette sortie inattendue de l’Ige visant le ministre Abdoulaye Diop donnait toute la mesure du climat détestable et franchement délétère qui minait le sommet de l’Etat. Un
climat très peu propice à un traitement serein du dossier des chantiers de Thiès. Dans le fond, l’accusation portée contre Idrissa Seck dans les chantiers de Thiès, c’est le Chef de l’Etat lui-même qui en explique la teneur aux Sénégalais et à l’opinion publique internationale. Le 31 juillet 2005, Abdoulaye Wade dit : « L’ancien Premier ministre, Idrissa Seck a abusé de ma confiance. Devant le ministre des Finances, je lui ai accordé une enveloppe de 20 milliards de FCfa pour les aménagements nécessaires à Thiès. Il est revenu et m’a réclamé la somme totale de 5 milliards. J’ai dis, soit ; pourvu simplement que cela soit dépensé à bon escient et que l’on rende compte à la fin. Et même si l’IGE remet les 25 milliards en cause, car assurant que ce n’est nullement par écrit, j’ai dit d’accord. J’assume les 25 milliards, mais je ne pouvais pas passer à perte et profit 46 milliards de FCfa qui dit-on avaient été finalement dépensés. Et c’est en plein Conseil des ministres que je lui ai dit qu’il a fauté dans cette affaire et que je n’entendais pas en rester là ».
Le président de la République se veut encore plus clair, en résumant en wolof, dans un langage imagé, sa pensée, pour que le Sénégalais moyen comprenne bien de quoi il s’agit réellement dans le dossier des Chantiers de Thiès : « Si vous demandez à quelqu’un d’aller prendre 2000 FCfa et qu’il en prenne 10 000, vous êtes en droit de lui demander ce qu’il a fait des 8 000 francs supplémentaires » (Sud Quotidien 14 juillet 2005).
En résumé, Idrissa Seck a été traduit devant ses juges pour au moins trois raisons officielles fondamentales, selon les déclarations du président de la République. Examinons les raisons avancées pour les confronter ensuite avec la situation qui a été décrite dans le cas actuels de l’Anoci. Premièrement : pour avoir dépensé plus qu’il n’était autorisé à le faire. Deuxièment, certaines entreprises avec qui Idrissa Seck était en collusion ont surfacturé leurs travaux et se seraient partagé le surplus avec l’ancien Premier ministre. 156
Dans le but probablement de lui donner les moyens dont il aurait besoin pour faire aboutir son projet politique. Troisièmement : l’accusation reprochait à Idrissa Seck d’avoir fait exécuter des dépenses non autorisées et d’avoir à cet effet procédé à des virements illégaux de crédits. Les virements de crédits consistent à prélever des sommes d’argent allouées à un autre chapitre précis du budget pour les réaffecter à un autre chapitre. Face à de telles accusations, le concerné répond lui-même en disant : « Je ne suis pas offusqué que le président de la République ordonne l’enquête de l’Inspecteur d’Etat. Les 40 milliards qui ont permis de financer les travaux comportent 25 milliards qui ont été exceptionnellement autorisés par le président de la République auxquels s’ajoutent des ressources financières additionnelles mobilisées grâce aux grappes de convergence : 6 milliards de FCfa pour 2004 et le reliquat, soit 9 milliards de FCfa à inscrire sur le budget 2005. Les 9 milliards initialement prévus pour être inscrits sur le budget de 2005 l’ont finalement été dans la loi de finance rectificative 2004 votée après mon départ du gouvernement, par l’Assemblée nationale, promulguée par le Chef de l’Etat et exécuté par mon successeur, permettant ainsi une couverture budgétaire complète de la tonalité des 40 milliards de FCfa de Thiès à la fin de l’année 2006 ».
Idrissa Seck tenait à clore son intervention au sujet des Chantiers de Thiès en révélant qu’un cinéaste lui avait fait parvenir l’écriture scénarisée d’un long feuilleton qui a tenu en haleine toute une année tout un peuple et dont le titre est : « Les Chantiers de Thiès ». Une écriture dont le résumé sera mis à la disposition du pays indique Idrissa Seck, en attendant la sortie du film. Il avait raison de parler de film. Les Chantiers de Thiès n’étaient qu’un film écrit par le Chef de l’Etat lui-même et tourné par la Justice sénégalaise qui n’aura d’ailleurs qu’une piètre réalisatrice. Comparé aux Chantiers de l’Anoci, le pseudo dossier de Thiès passe pour être une petite affaire même au cas où on aurait concédé au 157
Chef de l’Etat que des choses non orthodoxes aient été commises dans la gestion des travaux ayant eu cours dans cette ville de Thiès entre 2003 et 2004.
FZin fZ fjaclp_ ^_ fZ ^0hZm]b_ ^_ f~~a_ Une comparaison établie entre les travaux réalisés à Thiès et ceux que l’Anoci qui a engagés dans la capitale n’est vraiment intéressante et instructive que dans la mesure où on fait l’effort de replacer toutes les données chiffrées concernant Thiès et Dakar, dans la perspective et dans la logique dans lesquelles l’Etat s’était inscrit, pour faire évaluer les chantiers ouverts dans la commune de l’ancien premier ministre. Dans cette ville, les travaux consistaient d’abord à agrandir l’Avenue Caen (une route déjà existante), sur une distance de 2,8 km. Ces travaux ont été réalisés par l’entreprise JLS, pour un montant global de 1,727 de FCfa, soit une moyenne de 0,617 milliards de FCfa, par kilomètre de route élargi. Les travaux concernaient également la construction du Boulevard de Nguinthe, sur une distance de 2,6 Km, pour un coût global de 3,804 milliards de FCfa, soit une moyenne de 1,463 milliards de FCfa, par km de route construit. Un troisième chantier ouvert concernait la Voie de contournement nord (Vcn) qui permet aujourd’hui de contourner l’agglomération Thiéssoise, pour remonter sur la nationale1, à la sortie de cette même ville, en direction de la ville de Saint-Louis. Il s’agit là d’une nouvelle route longue d’une distance de 10,8 km. Elle a été réalisée par JLS, pour un coût global de 6,800 milliards de FCfa, soit un coût moyen par km construit de 0,630 milliards de FCfa. En définitive, l’entreprise JLS devait réaliser de nouvelles ou en élargir sur une distance totale de 16,2 km. Les travaux ont été globalement livrés pour un coût de 12,6 milliards de FCfa. Soit une moyenne globale de 0,760 milliard de FCfa pour km. Après les travaux, avant même la réception des ouvrages, le chef de l’Etat, dans le cadre d’un règlement de comptes politiques engagés contre son ancien Premier 158
ministre, Idrissa Seck, a envoyé l’Inspection Générale d’Etat pour aller vérifier l’effectivité des dépenses annoncées et leur volume ? La mission devait faire une telle vérification pour savoir si tout avait été fait dans les règles de l’art et en respectant l’orthodoxie budgétaire. L’Inspection Générale a alors désigné des experts, pour l’aider à forger son opinion. A la suite de cette expertise technique l’Ige en est arrivée à la conclusion que les marchés de Thiès, en particulier le marché de la Vcn, avaient été surfacturés. A la lumière des conclusions des experts désignés, l’Ige a considéré qu’il y avait dans le cadre précis de la Vcn une surfacturation de l’ordre de 6,1 milliard de FCfa, sur l’ensemble des 16,2 km livrés à l’Etat à Thiès. L’Ige a établi une base de calcul à partir de laquelle elle a estimé que le coût moyen au km vendu à l’Etat à 0,630 Km aurait normalement dû coûter 0,383 milliard de FCfa. C’est sur cette base de calcul que l’Inspection Générale d’Etat a évalué la surfacturation globale à 6,1 milliards de FCfa. Le chemin conduisant vers la prison a été ainsi balisé pour Idrissa Seck et son « complice » Bara Tall. L’Inspection d’Etat a écrit dans son rapport que pour les 6,8 milliards de FCfa dépensés pour faire les 10,8 km de la Vcn à Thiès, on pouvait faire 80 km de routes neuves. On se souvient que l’ancien ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom expliquant les raisons pour lesquelles Idrissa Seck avait été interpellé par la police avait laissé entendre que : « Les dépenses effectuées pour réaliser les chantiers de Thiès constituaient un crime économique ».
Venons-en maintenant aux chantiers de l’Anoci pour voir ce que cela aurait donné en termes de surfacturation, si la même base de calcul proposée à Thiès par l’Ige, leur avait été appliquée. Les travaux de l’Anoci ont essentiellement concerné trois chantiers. Un premier tronçon sur une distance de 7 Km à élargir a été réalisé par l’entreprise CDE pour un montant global de 40,028 milliards de FCfa (CornicheMadeleine-Atépa), une moyenne de (5,718 milliards de 159
FCfa), par km de route élargi. Un deuxième tronçon de route neuve à construire, sur une distance de 4,3 Km, a été confié à Fougerolles qui l’a réalisé pour une valeur globale de 25,097 milliard FCfa, entièrement financé par le budget national. Soit une moyenne de 5,837 milliards de FCfa par km de route construit. Le troisième chantier consistait en l’élargissement de la Vdn, sur une distance de 6 Km, pour une valeur globale de 27,552 milliards de FCfa. Ce chantier a été exécuté par CSE, pour une moyenne de 4,592 milliards de FCfa le km de route élargi. Ainsi, pour 14 Km de routes élargies et 4,3 km de routes neuves construites, l’Etat a dépensé un total de 92, 677 milliards de FCfa dans le cadre des chantiers réalisés par l’Anoci, soit une moyenne de 5,537 milliards de FCfa par km de routes élargies et nouvellement construites. Si l’Ige vérifiait les dépenses effectuées dans le cadre des chantiers de l’Anoci, on ne parlerait certainement plus des « surfacturations » de Thiès. Extrapolons un peu avec les chiffres tirés de la jurisprudence fournie par les chantiers de Thiès. Rappelons que dans ce cas précis, l’Ige avait considéré que le km de route construit devait normalement coûter à l’Etat la somme de 0,383 milliard de FCfa. Ce qui l’avait amenée à conclure à une surfacturation de 6,1 milliard de FCfa, à la lumière des coûts présentés au paiement par l’entreprise JLS. Appliquons cette même base de calcul, pour déterminer quel est le volume de la surfacturation des 4,3 km de route qui ont été réalisés à Dakar par Fougerolles, pour un montant global de 25,097 milliards de FCfa. D’après le calcul de L’Ige de l’époque, ce chantier aurait dû coûter à l’Etat la somme de 1,642 milliards de FCfa. Soit une surfacturation de 23, 455 milliards de FCfa. En fait, globalement, les 17,4 Km de routes construites et élargies qui ont coûté à l’Etat la somme de 92,877 milliards de FCfa, auraient dû normalement coûter 6,625 milliards de FCfa, d’où une surfacturation des chantiers de l’Anoci, pour un montant global de 86,052 milliards de FCfa. On saisit dans toute son absurdité le mode de raisonnement 160
adopté à l’époque par l’Ige, pour faire envoyer en prison Idrissa Seck et Bara Tall. Restons dans la même logique et dans le même état d’esprit que l’Ige, en considérant que l’inflation intervenue entre 2004, date de clôture des travaux de Thiès et 2008, année de réception des travaux de l’Anoci, l’inflation a pu amener l’Ige à modifier ses bases de calcul. Multiplions alors par dix (10), le coût de vente à l’Etat du km construit (0,383 milliard FCfa), qui a été établi par l’Ige. Cela donnerait de vente de l’ordre de 3,820 milliard de FCfa le km. Appliquons alors ce nouveau barème au 4,3 km livrés à l’Etat, par Fougerolles. Nous aurions un coût global de vente des 4, 3 km que l’entreprise a réalisés à 16,360milliards de FCfa. Là également, la surfacturation des travaux réalisés par Fougerolles est de l’ordre de 8,737 milliards de FCfa. Ce serait étonnant que le chef de l’Etat prenne le risque d’envoyer l’Ige contrôler le travail de son fils. Il n’aurait pas pu éviter, le cas échéant, le chemin des tribunaux. Si toutefois l’Ige décide de travailler en toute indépendance, en appliquant la même logique qui l’avait guidée au cours de la vérification des comptes des chantiers de Thiès. Si dans cette commune on aurait pu construire, selon la logique de l’Ige, 80 km de routes, avec 12,300 milliards de FCfa, à Dakar, avec ce que l’Anoci a dépensé, 92,677 milliards de FCfa, on aurait pu en construire au moins 500. Soit un peu plus de la distance qui sépare Dakar de Tambacounda (450 km).
@_ ^0ojpmi_h_io ^_ kmj]0^pm_ On a également reproché aux responsables des Chantiers de Thiès d’avoir ordonné des virements de crédits, c’est ce que l’ancien Premier ministre Idrissa Seck identifiait sous le vocable de grappes de convergences. L’Anoci en a également, effectué dans des proportions et des volumes plus importants que dans le cas des chantiers de Thiès. C’est un total de 14 milliards de FCfa qui a été mobilisé et transféré à l’Anoci pour la construction de villas présidentielles. Des 161
villas qui n’ont pas encore vu le jour. Un chef d’entreprise comme Bara Tall a été jeté en prison pour un délit imaginaire de surfacturation. Pourtant, JLS a facturé à Thiès le Kilomètre de route construit à 600 millions de FCfa, alors que les entreprises qui ont travaillé pour l’Anoci ont élargi et aménagé des routes déjà existantes à une moyenne de 5 milliards de FCfa par kilomètre. En revenant sur les virements de crédits, les spécialistes des Finances publiques expliquent que cette procédure est parfaitement légale. La technique de virement de crédit peut être utilisée à l’intérieur d’un même chapitre budgétaire, comme elle peut l’être, entre différents chapitres du budget. Si la technique est utilisée à l’intérieur d’un même chapitre, un simple arrêté ministériel édicté et signé par un ministre suffit à cette fin. Il est cependant impossible d’en user entre des chapitres budgétaires, à défaut d’un décret signé dans ce sens par le président de la République. Il y a cependant une limite à l’utilisation de cette technique dite des virements de crédits : les montants virés par arrêté ou par décret ne peuvent pas excéder 10 % de l’ensemble des crédits inscrits dans le chapitre concerné. Cette disposition de la loi de Finance organique qui prévoit les conditions de vote et d’exécution du budget de l’Etat a été constamment violée par le chef de l’Etat. Cela a été souvent le cas avec les nombreux dépassements budgétaires enregistrés dans le cadre de la réalisation des chantiers de l’Anoci. Si Bara Tall et Idrissa Seck sont allés en prison pour des délits imaginaires « de dépenses non autorisées, de virements de crédits, de surfacturation et autres », respectivement, pour 7 et 3 mois, Karim Wade et Abdoulaye Baldé sont chanceux de pouvoir compter sur la protection de « Dieu », le père. Sous aucun prétexte, le père n’accepterait que la justice demande des comptes à son fils et sa doublure. C’est cela le Sénégal. Tous les Sénégalais ne sont pas égaux devant la loi. Le fils du chef de l’Etat et ses amis peuvent s’autoriser toutes les libertés avec les deniers 162
publics, sans rendre compte à qui de droit. Les chantiers de Thiès ont permis de concrétiser une ferme volonté de détruire d’authentiques enfants de ce pays – ils n’auront eu comme seul tort que de croiser, sur le chemin de leurs ambitions diverses et légitimes, le président de la République et son fils, on a utilisé avec indécence différents corps de l’Etat, pour arriver à cette fin. Le ministre de l’Economie expliquera en vain que les allégations portées au sujet des chantiers de Thiès étaient fausses. Dans une adresse aux députés de la nation, il dira : « Les chantiers ont été exécutés dans des conditions d’extrême transparence. Les procédures utilisées n’ont en rien, de notre point de vue, enfreint les règles en matière de gestion des deniers publics. Elles sont régulières et orthodoxes ».
Au départ donc, les travaux envisagés ont été arrêtés à cette somme de 40 milliards de FCfa. Seulement, au moment d’engager les travaux, l’Etat ne disposait pas des ressources nécessaires. Et c’est ainsi que le président de la République est lui-même intervenu auprès des banquiers, notamment de Jean Claude Mimran, en particulier, pour que la Bceao accepte d’avancer un montant global de 7 milliards de FCfa à l’entreprise JLS qui avait été choisie pour réaliser le plus gros des travaux. Pourtant, l’Etat est resté sourd face à une telle réalité. C’est ainsi que l’Etat a trouvé un bouc émissaire, en l’occurrence Bara Tall, pour lui faire en partie porter le chapeau d’une fausse affaire.
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2^o @Z hjmo kmjamZhh0_ ^_ 0ZmZ :Zff Cette mort programmée et en partie déjà réussie fait partie du total du bilan de l’Anoci. On ne peut pas l’éluder. Plusieurs moyens ont été mis en œuvre pour tuer l’entreprise JLS et son patron. Nous en relevons quelques uns pour expliquer les raisons pour lesquelles le fils du président de la République et son père ont décidé ensemble de liquider le groupe.
@_ m_`pn ^_ 0ZmZ :Zff ^_ n~Znnj]c_m ) pi_ ]jh[ci_ Le premier marché ouvert avec les travaux de l’Anoci a été celui de la corniche Ouest. Bara Tall et JLS, contrairement aux propositions de l’Anoci, ont déposé une offre, pour concurrencer celle de CDE. Son offre financière est fixée à 16 milliards de FCfa. Là où le CDE propose de réaliser les travaux de la corniche Ouest pour un montant de 22 milliards de FCfa. Ses collègues semblent surpris et ne comprennent pas que Bara Tall refuse de marcher dans l’entente. Pourquoi JLS a-t-il fait une offre en bonne et due forme. Son président Bara Tall explique : « Je n’ai pas voulu marcher dans cette combine, dans cette entente illicite et illégale, car à l’époque je commençais déjà à faire face à toutes sortes d’attaques injustes dans l’affaire des chantiers de Thiès dans lesquels j’étais pourtant blanc comme de la neige. Je ne vais pas accepter de me placer dans une illégalité totale qui pourrait à chaque moment de ma vie m’être retournée. J’étais moins disant, mais j’ai été éliminé car j’avais refusé d’entrer dans la combine. On m’en a voulu. On ne me pardonnera jamais mon indépendance
et mon refus de m’associer à cette entente illicite et illégale ».14
Et ce dernier d’ajouter pour mieux expliquer sa position dans cette affaire : « Quand mes collègues ont cherché à comprendre pourquoi j’ai refusé de me montrer solidaire d’eux, en acceptant la combine, je leur ai simplement expliqué qu’il n’était pas question pour moi de l’être à leur égard. Je n’avais aucune raison : quand j’ai eu des problèmes avec l’Etat qui m’avait soumis à un traitement injuste, à la suite des accusations portées contre l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, relativement aux chantiers de Thiès, j’ai sollicité leur soutien et leur solidarité. Ils ont refusé, en me faisant clairement comprendre que je devais me débrouiller seul, car les problèmes en question, disaient-ils, me concernaient. Je ne pouvais pas naturellement dans ces conditions me montrer solidaire ».
Les collègues de Bara Tall ne comprennent pas. Ils ont tenté de le faire revenir sur sa position. Cette entente lui était insupportable. Il explique : « En France, par exemple, les entreprises de BTP dont Eiffage, société mère de Fougerolles Sénégal, ont été condamnées l’année dernière par la Justice française, pour délit d’entente, sur requête de la Sncf. Celles-ci ont été en effet condamnées à payer à l’entreprise publique de chemins de fer, un montant global de 235 millions. Soit 240 milliards de FCfa. Au Sénégal, ce sont, hélas, les autorités de l’Etat, elles-mêmes qui proposent aux entreprises de faire des ententes pour présenter leurs appels d’offres pour la réalisation d’édifices et d’ouvrages publics ».
Le deuxième marché ouvert a été celui de la Vdn. Ainsi le tour est joué. Nous sommes le 27 juin 2006. Les offres des entreprises sont attendues, dans les mêmes termes que le précédent marché. CSE doit être choisie. Elle propose pour la 14
Entretien avec l’auteur réalisé le 12 mai 2009.
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réalisation du marché la somme de 16 milliards de FCfa, Fougerolles dit plus. Bara et JLS ne se manifestent pas. Alors qu’il se rend au chevet de son père malade, un des responsables de CSE, le patron lui-même, Alioune Sow, l’appelle au téléphone et lui demande de faire parvenir son offre. Sa réplique ne se fait pas attendre : « Mon père est malade, pour l’instant je n’ai pas la tête à ça. Vous m’excuserez… Vous comprendrez bien que je ne puisse pas parler de tout cela actuellement. Je vous dis que mon père est gravement malade ».
Son interlocuteur s’excuse et lui exprime sa compassion, tout en formulant des prières. Il ne peut cependant s’empêcher de lui faire part, avant de raccrocher le téléphone, de son intention d’entrer en contact avec ses techniciens qui sont au bureau, pour leur demander d’envoyer leur offre. Celle-ci doit naturellement présenter des propositions financières supérieures à celles contenues dans le pli de CSE. Bara Tall appelle immédiatement ses services, alors qu’il est encore sur le chemin de l’hôpital, pour leur demander de donner une réponse négative à l’appel de la CSE. Toutes les autres entreprises, à l’exception de JLS, simulent une offre bidon. CSE est finalement désignée adjudicataire des chantiers de la Vdn. Elle peut se mettre alors au travail. C’est le même procédé qui est utilisé pour attribuer le marché Atépa Technologie-Mosquée de la divinité. C’est Fougerolles qui dirige la manœuvre, elle gagne naturellement face aux autres qui bidonnent leurs offres. Bara Tall et JLS refusent là également de jouer le jeu de l’entente illicite. Il est de nouveau éliminé. Les autorités de l’Anoci décident alors de retirer et de geler le projet de construction de la route qui part de l’aéroport jusqu’à l’Hôtel Méridien Président. Elles ont en décidé ainsi pour éviter de l’octroyer à Bara Tall qui a refusé dans tous les autres appels d’offres de se mouiller dans le jeu de l’entente illicite. Il a trop osé. Le spectre des chantiers de Thiès plane sur sa tête. Le chef de l’Etat ordonnera d’ailleurs plus tard qu’on mette 167
le patron de JLS en prison. Il le sera, pour avoir refusé d’accuser Idrissa Seck, en fait en refusant de s’accuser luimême, de fraude et de malversations dans la conduite des travaux de construction d’une voie de contournement de la ville de Thiès. En réalité, les accusations portées contre lui l’ont été sans fondement, comme les juges eux-mêmes le reconnaîtront, en rendant une ordonnance de non lieu en faveur de l’ancien Premier ministre. Bara Tall poursuit et indique avec beaucoup de force dans le timbre de la voix : « Dans ces conditions et pour des raisons éthiques et morales, je ne pouvais pas m’associer à une vaste entreprise de spoliation de l’Etat organisée dans l’unique but de plaire au prince et de s’enrichir indument. Je n’ai jamais accepté de me constituer, avec qui que soit, en association de malfaiteurs »15.
@Z mZi]pi_ i0_ ^_ fZ m0ZfcnZocji ^_ f~Zpojmjpo_ « Les lois du marché, que les marxistes ont voulu nier, existent. De même que la rationalité du consommateur : si vous avez le choix, vous achetez le meilleur et le moins cher. Et avec la mondialisation, les portes sont grandes ouvertes. Voilà pourquoi les entreprises chinoises assurent environ la moitié des chantiers en cours au Sénégal. Un exemple. La Banque mondiale finance, au Sénégal, l'autoroute à péage de Dakar. Les entreprises présentes dans mon pays forment un oligopole et font la loi : le kilomètre de route coûte deux fois plus cher à Dakar qu'au Maroc. Au moment où nous avons lancé l'appel d'offres, deux groupes se sont présentés : Fougerolles, une grande entreprise française, et JLS, une entreprise sénégalaise. Croyant que ces entreprises étaient seules sur le marché, Fougerolles a présenté une offre de 39 milliards de francs CFA. JLS, quant à elle, s'est associée à une entreprise chinoise et a proposé pour la même autoroute, le même cahier des
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Entretien réalisé avec l’auteur le 12 mai 2009.
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charges, 23 milliards. Ce projet l'a, bien sûr, emporté... »16
Pourtant, en dépit de ce que le président Abdoulaye disait aux journalistes du quotidien économique français Les Echos, à propos de Bara Tall et de son entreprise JLS, tous les deux ont été systématiquement éliminés de tous les appels d’offre lancés par l’Anoci, pour avoir refusé de marcher dans une combine faite d’ententes illicites. Paradoxalement, celui que le président de la République félicitait et exhibait dans la presse internationale, paie le prix de son outrecuidance qui l’avait amené à proposer 23 milliards de FCfa, contre 42 milliards de FCfa pour Fougerolles, pour réaliser le tronçon de l’autoroute qui part de l’Avenue Malick Sy jusqu’ à la Patte-d’oie. Il s’était fait pourtant éliminer et le marché a été attribué à Fougerolles. Cette dernière avait pourtant fait une offre financière de 42 milliards de FCfa. Les responsables de l’Apix et de l’Anoci n’ont jamais pu digérer l’affront. C’est au moment où leurs techniciens étaient en train de préparer le contrat de Fougerolles pour la réalisation de l’autoroute, que le chef de l’Etat, Abdoulaye Wade a tout arrêté. Sur intervention de Pierre Atépa Goudiaby, Bara Tall a obtenu un rendez-vous avec le président de la République à la résidence secondaire de Poponguine. C’est pendant que les deux hommes s’entretenaient que le chef de l’Etat a sommé les dirigeants de l’Apix de signer le contrat en faveur de l’entreprise qui fait l’offre la moins-disante. En l’occurrence, JLS. Le chef de l’Etat ne trouvait pas d’explications rationnelles qui puissent justifier l’attitude de ses collaborateurs dans cette affaire. C’est du moins ce qu’il laissait entendre à l’endroit de son interlocuteur ce jour. Et Bara Tall de lui exposer les raisons pour lesquelles il était absurde de réaliser les travaux prévus avec la somme faramineuse de 42 milliards de FCfa. Pour lui cette offre de 16
Abdoulaye Wade : en finir avec Echos n° 19629 du 20 Mars 2006 • page 15.
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l'Afrique
balkanisée,
Les
42 milliards de FCfa était irréaliste et franchement antinationale : « M. le président, l’offre qui a remporté le marché ne repose sur aucune base sérieuse. Elle est fantaisiste et démesurée. Nous avons fait tous les calculs possibles et imaginables, en nous appuyant sur des exemples précis, comme le cas des autoroutes réalisées au Maroc, il n’est simplement pas acceptable ni moral de construire l’autoroute au prix proposé par la concurrence ».
Bara Tall profite de l’oreille attentive du président de la République pour enfoncer davantage le clou contre ses adversaires. « Ils ont préparé le dossier d’appel d’offres en faisant en sorte qu’aucune entreprise nationale ne puisse participer. Sauf celles qui sont des filiales de sociétés étrangères, françaises, en l’occurrence. En quoi faisant ? Le dossier d’appel d’offres prévoyait que pour soumissionner il fallait avoir construit, au cours des cinq dernières années, au moins une dizaine de kilomètres d’autoroute. Aucune entreprise sénégalaise ne dispose d’une telle expérience. Les filiales françaises quant à elles font appel à leurs sociétés mères pour faire des offres. Cette façon de faire des dossiers d’appel d’offres est une technique utilisée pour éliminer les nationaux. »
Bara Tall poursuit son explication devant le président qui semble convaincu par le discours de l’homme : « Aucune société sénégalaise ne disposant d’une telle expérience, nous étions d’office éliminés. J’ai contourné la difficulté en faisant appel et en m’associant avec une société chinoise : Henan Chine. Les responsables qui ont géré le dossier d’appel d’offre ne s’attendaient pas à cette surprise. N’empêche, ils ont maintenu leur volonté de donner le marché à Fougerolles, en dépit de son offre financière surévaluée et largement d’ailleurs ».
Devant les explications du patron de JLS, le président de la République reprend la parole et fait des observations : « Je ne comprends pas pourquoi ils vous ont éliminé Bara. Mais je crois savoir qu’ils vous reprochent les
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nombreux avenants que vous avez l’habitude de faire signer à l’Etat, après avoir gagné un appel d’offres. Il paraît que vous sous-évaluez vos offres financières pour gagner. Je vous préviens, je leur dirai de vous confier le marché de l’autoroute, mais je n’accepterai pas d’avenants. Je suis sûr que vous ferez un bon travail. Vous avez déjà prouvé vos capacités. C’est bien je vous félicite ».
Quand Bara Tall a quitté le président de la République ce dernier a pris ses responsabilités pour s’opposer à la vaste magouille qui avait attribué le premier tronçon de l’autoroute à l’entreprise Fougerolles qui devait au passage enrichir sur son chemin des Sénégalais qui profitent de leur position dans l’Etat et de leur proximité avec le chef de l’Etat pour se livrer à un véritable brigandage contre les biens publics. Nous avons appris que les kilométres de route qui restent à bâtir sont confiés à l’entreprise Fougerolles. Rien ne donne la garantie que les travaux à venir ne sont pas surfacturés, comme ce qui a été fait dans la première offre de 42 milliards de FCfa. La somme de 300 milliards de FCfa est aujourd’hui avancée pour l’estimation qui a été faite des coûts de l’autoroute à péage. Dans les chantiers de Thiès, l’Inspection générale d’Etat a établi une jurisprudence dite de surfacturation de chantiers. Il n’est pas superflu, loin s’en faut, de rappeler que la voie de contournement à propos duquel Bara Tall a été accusé de surfacturation a été préfinancée par l’entrepreneur lui-même, par un emprunt bancaire et sur demande de l’Etat, pour un montant de 6,750 milliards de FCfa. Pourtant le marché avait été estimé au départ à 7 milliards de FCfa. JLS a donc économisé à la fin des travaux de la voie de contournement, plus de 200 millions de FCfa pour l’Etat du Sénégal. Pour moins de kilomètres de route construits sur la Corniche Ouest à Dakar, comparée à la voie de contournement de Thiès, CDE a facturé 50% plus cher que l’entreprise JLS. Nous y reviendrons. A défaut d’être félicité pour avoir préfinancé ce marché et pour avoir économisé plus de 200 millions de 171
FCfa, Bara Tall a été jeté en prison où il est resté trois mois. Il en sort, plus déterminé que jamais à faire valoir ses droits et à lutter contre tous ceux qui veulent la mort de son entreprise. C’est Atépa Goudiaby qui lui arrange de nouveau un rendez-vous avec le chef de l’Etat. Ce dernier le reçoit et feint de s’émouvoir de ce qu’il lui arrive. Alors qu’il s’entretient avec Bara Tall dans son bureau, il fait venir Abdoulaye Baldé. Ce dernier arrive et s’apprête à prendre place. Le chef de l’Etat lui intime l’ordre de ne pas s’asseoir. : « Vous n’avez pas besoin de vous asseoir. Ecoutez juste ce que j’ai à vous dire. Je vous demande de régler définitivement le cas Bara Tall. Laissez-le travailler. Laissez Bara travailler. Il paraît qu’il a gagné des marchés que vous refusez de lui attribuer. Mettez fin à cette injustice ».17
Abdoulaye Baldé peut retourner dans son bureau. Bara Tall l’y rejoint, à la fin de son entretien avec le chef de l’Etat. Ce dernier l’accueille avec beaucoup de déférence et tente de lui expliquer leur position : « Grand, je suis désolé pour tout ce qui arrive. Pour nous, c’est la guerre. La guerre comme à la guerre. Maintenant nous allons faire la paix. Je ne savais pas que l’appel d’offres a été lancé pour ce qui concerne le chantier de la route de Ouakam.. Maintenant nous allons normaliser tout ».
Et Bara Tall de lui répliquer : « Je ne demande aucune faveur particulière. Je vous demande d’être juste et loyal à mon égard et à l’égard de tous les entrepreneurs de ce pays. Je sais que tous les marchés que vous m’avez refusés, je méritais certainement de les gagner et de les réaliser plus que n’importe quel autre entrepreneur de ce pays. Cela aurait coûté moins cher à l’Etat, avec des garanties de
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Entretien avec Bara Tall, lui-même, réalisé le 26 mai 2007.
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fiabilité plus élevées. Je comprends pourquoi vous me les refusez ».
Abdoulaye Baldé a certainement oublié qu’il n’était pas le vrai patron de l’Anoci. Imprudemment, il s’est ’engagé devant Bara Tall, alors que Karim Wade qui est en réalité le vrai boss de l’agence, est en déplacement à l’étranger. Tous les engagements pris, y compris ceux de son père, n’ont aucune valeur, tant qu’il ne les aurait pas entérinés. Dès le retour de Karim Wade, Abdoulaye Baldé l’a informé des décisions arrêtées par son père et concernant le dossier Bara Tall. Sa réaction ne tarde pas. Il demande à ses collaborateurs de ne rien faire, en attendant qu’il s’entretienne avec son père. L’entretien eut lieu. Le verdict tombe dru comme un couperet : non pas question, Bara Tall ne travaillera plus dans ce pays, tant que nous serons là. C’est avec moi qu’il doit régler les problèmes, il doit me voir, je lui dirai, ce que j’ai à lui dire. Il faut qu’il le sache. La réaction de Karim Wade est rapportée à Bara Tall. Ce dernier lui retourne son messager, en lui expliquant qu’il avait une autre conception de la vie et de son avenir qui n’est entre les mains de personne, sinon de Dieu. La sentence de mort est sans appel. La cause est entendue. JLS et Bara Tall sont depuis cette date exclus de tous les appels d’offre lancés par l’Etat du Sénégal. Qu’ils concernent ou non les chantiers de l’Anoci. Lors de l’audience accordée par le chef de l’Etat à un groupement de journalistes sénégalais venus lui présenter, le mercredi 29 avril 2009, leurs condoléances à l’occasion du décès de sa sœur, le chef de l’Etat et son fils ont tenu à expliquer à leurs hôtes pourquoi ils étaient déterminés à faire la guerre et à éliminer Bara Tall de la scène des affaires au Sénégal, en tentant de leur démonter, comment Bara Tall s’était organisé à l’étranger avec Souleymane Jules Diop, en particulier pour faire la guerre au régime. A cet effet, ils ont brandi deux actes de constitution et déclaration de la société Talix Groupe, l’un à Luxembourg et l’autre au Canada, pour fonder leurs accusations. Si tel 173
était le cas pourquoi alors, Bara Tall se serait-il pas caché derrière un prête nom, pour déclarer sa société. En fait son bras armé qui l’aiderait à mener son combat contre le régime ? Si Bara Tall est interdit de travail chez lui, pourquoi alors ne tenterait-il pas sa chance ailleurs à l’extérieur des frontières nationales ? Ridicule, tout ça ! C’est un engagement patriotique que de soutenir Bara Tall dans le combat juste et légitime qu’il doit mener pour retrouver tous ses droits de citoyen libre, ne faisant l’objet d’aucune discrimination qui plus est fondée sur des motifs illégitimes et franchement en opposition avec l’éthique et les valeurs morales de la République. Bara Tall a refusé une entente immorale et illégale. Bara Tall a déjoué un complot monté contre ce pays, en faisant éliminer du marché ayant permis la construction du tronçon de l’autoroute Malick Sy- Patte d’oie, un concurrent mû par des motivations inqualifiables dans la préparation de son offre financière : 42 milliards de FCfa (Eiffage), contre 25 milliards (JLS) de FCfa. La fibre patriotique a fait la différence entre lui et les autres. Les autres : des « négociants » venus chercher fortune chez nous. De vrais chasseurs de primes, n’ayant rien à cirer des intérêts du Sénégal.
Ei ^0fco ^~cio0amco0 Ce nouveau délit pourrait être désormais intégré dans le code pénal sénégalais, au regard de ce qu’on a pu observer dans les relations entre Bara Tall et les responsables de l’Anoci. Ainsi, nous disions tantôt qu’on ne pourra jamais parler des chantiers de l’Anoci, faire son bilan, en passant sous silence d’autres chantiers qui ont tant fait parler d’eux. Il s’agit des chantiers de Thiès qui ont été le prétexte saisi par le chef de l’Etat et son fils pour tenter de briser un homme et son entreprise à la construction de laquelle ce dernier aura, sans relâche, consacré toute sa vie. Bara Tall et le groupe Talix symbolisent à eux deux cette tragédie qui a pris en otage des secteurs entiers de la structure de 174
production de l’économie nationale. Une bande de politiciens affairistes pilotent à vue le destin de la nation et n’ont jamais d’autre souci, préoccupation majeure que la sauvegarde et la préservation d’intérêts particuliers. Nul entrepreneur ne doit exister. Nulle entreprise ne doit prospérer. Impossible d’y parvenir, si jamais le plan prévu pour y arriver doit se réaliser avec un risque certain de remettre en cause les intérêts des preneurs d’otages. Ou si jamais une telle existence et une telle prospérité doivent intervenir dans un contexte ignorant les multiples et constantes sollicitations des affairistes qui ont transformé leurs positions en sinécures, aux fins de jouissance. Il en va ainsi du pays, depuis presque dix ans maintenant. C’est à cette tragique réalité que Bara Tall et son groupe ont été confrontés. Ils en paient le prix et leurs bourreaux se délectent de leur malheur qu’ils auront provoqué et largement entretenu, avec la flamme incandescente de la vengeance mûrie. Un retour sommaire dans le passé du groupe Talix donne une parfaite mesure du drame. C’est au cours des années 80 que l’entreprise française de travaux publics, Jean Lefebvre Sénégal (JLS), installée à Dakar depuis 1952, est passée entre les mains des Sénégalais, quand la maison-mère a décidé de se retirer progressivement du Sénégal. Elle décida alors de confier la société à un de ses jeunes ingénieurs, Bara Tall, pour terminer les chantiers en cours et fermer définitivement l’entreprise. C’est pendant la même période que les entreprises françaises de BTP : Colas et Dragages ont fermé leurs filiales sénégalaises. Nous étions à l’époque, en plein ajustement structurel. Le pays est exsangue. Les finances publiques se portent au plus mal. L’économie est presque à l’arrêt. Contre toute attente, JLS gagne de nouveaux marchés et retrouve un niveau de développement impressionnant. Ses dirigeants changent alors de stratégie pour assurer une sorte de transition avant leur départ. Ils décident de filialiser la société pour en faire une entreprise de droit sénégalais avec l’entrée dans le capital de l’ingénieur Bara Tall, avec l’appui 175
de Jean Claude Mimran, banquier qui fait confiance au jeune Sénégalais. Ce dernier prend une position minoritaire dans le capital. Ce qui met l’ingénieur sénégalais en pole position pour prendre le contrôle de la société quand le départ définitif des Français sera annoncé. Avec lui, l’entreprise continue à croître et atteint un chiffre d’affaires annuel moyen de huit (8) milliards de FCfa, avec un effectif de 400 personnes. Elle gagne des parts de marché à l’étranger, en Guinée Bissau, notamment. Nous sommes en 2000. La maison-mère est rachetée en France par le numéro 1 mondial de BTP, le Groupe VINCI, à travers son pôle routier EUROVIA. C’est à la fin de l’année 2001 que le capital de JLS passe complètement aux mains des Sénégalais avec le rachat, par Bara Tall, de l’ensemble des actions détenues par EUROVIA. Le chiffre d’affaires annuel de la compagnie JLS.SA atteint cette année-là 15 milliards de FCfa. JLS se constitue sous forme de Holding : Talix-Group, constitué de plusieurs sociétés. A partir de l’année 2000, le groupe de Bara Tall a investi 20 milliards de FCfa, avec une moyenne de 2,5 milliards FCfa par an, soit sur fonds propres, soit sur prêt bancaire. Cette période de croissance faste coïncide avec l’arrivée du président Abdoulaye Wade au pouvoir. Bara Tall devient son chouchou, l’exemple à montrer aux Sénégalais et aux Africains de manière générale. Avant le baiser de la mort ? Voire ! En tout cas, comme une bête de foire, Bara Tall est exhibé partout dans le monde par le chef de l’Etat. C’est cet outil construit par un de nos compatriotes, à la sueur de son front, que le chef de l’Etat et son fils - ils ne s’en cachent nullement - ont décidé de détruire. Et pour quelle raison ? C’est l’intéressé lui-même qui répond à la question dans une émission diffusée sur les ondes de la télévision privée 2STV, sans avoir été démenti par les mises en cause. « Je n’ai compris que très tardivement que je constituais, par mon comportement et par mon refus de participer à un vaste système de spoliation de l’Etat, un
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obstacle majeur au plan empêchant le déroulement d’un plan de carrière et d’un agenda politique conçu à mon insu pour promouvoir un homme ».
Qui ? Lui demande le journaliste qui l’interroge. Il n’hésite point pour désigner Karim Wade, le fils du président de la République, qui, selon les dires de l’homme d’affaires, est décidé à avoir sa peau. Pourquoi le fils du chef de l’Etat lui en veut, lui demande encore le journaliste. Il marque un silence, avant de se confier J’ai refusé, dit-il, de marcher dans une combine qui n’avait d’autres fins que de spolier l’Etat, pour accompagner, au plan économique et financier, le déroulement d’un agenda politique. La liquidation de Bara Tall est alors programmée. Les chantiers de Thiès sont tout trouvés, pour l’immoler. Il devait d’autant plus périr qu’il a été à tort, selon lui, identifié, comme l’argentier de l’adversaire désigné du fils du chef de l’Etat, en l’occurrence Idrissa Seck . L’ancien Premier ministre est Thiessois, Bara Tall aussi. L’un est un homme politique ambitieux, l’autre un homme d’affaires prospère, disposant d’une très grande entreprise du BTP. L’association est vite faite entre les deux hommes. Facile de faire valoir l’idée que l’homme d’affaires mettra ses moyens au service des ambitions de l’homme politique. Les amalgames seront d’autant plus faciles à faire et à entretenir pour les besoins d’un sournois combat politique que Bara Tall a accepté, sur sollicitation du président de la République lui-même, de s’engager dans l’aventure des chantiers de Thiès. La ville de Thiès dont Idrissa Seck, encore Premier ministre, préside le Conseil municipal, est désignée dans des circonstances particulières, pour accueillir le grand défilé de la quarante quatrième fête de l’indépendance. De grands travaux sont prévus pour rendre la ville plus belle. L’Etat ne dispose pas des fonds nécessaires pour engager de tels travaux. Les entrepreneurs sont sollicités pour avancer les fonds et réaliser les travaux. Bara Tall accepte. Un piège infernal s’ouvre ainsi grand devant lui et sur le chemin de sa société. Sa vie 177
professionnelle et celle de son entreprise y ont été précipitées. Terrible reconnaissance !
@_ kc1a_ ci`_miZf Jusqu’en 2004, JLS est une entreprise modèle ayant une activité florissante et bénéficiant d’une situation financière confortable. Elle peut se prévaloir, dans le milieu des BTP sénégalais, d’une notoriété et d’une crédibilité incontestables. Ses capacités financières sont réelles. Le gouvernement qui est engagé dans une véritable politique d’équipement et de construction des villes de l’intérieur, à travers l’organisation tournante de la fête de l’Indépendance dans les capitales régionales, a besoin d’elle pour conduire les travaux prévus dans la cité du rail, qui devait accueillir en 2004 la fête nationale. Mais, l’argent manque. Pris dans une improvisation sans nom, le gouvernement qui n’a presque rien prévu pour ces travaux dans le budget en cours d’exécution, déploie un trésor d’imagination, pour trouver les moyens financiers nécessaires. L’ancien Premier ministre Idrissa Seck parlera plus tard de grappes de convergence, pour expliquer les acrobaties ou montages budgétaires et financiers qui ont permis le financement des chantiers de Thiès. Acrobaties, montages financiers, rien n’y fait, l’argent fait défaut, la fête risque d’avorter. Le chef de l’Etat supplie Bara Tall de préfinancer. Les sommes nécessaires sont énormes. JLS peut tenter l’aventure à condition, toutefois, que les banques acceptent de l’accompagner. Celles-ci se montrent peu disposées à s’engager. Or, sans un soutien des banquiers, rien ne peut se faire. Qu’à cela ne tienne ! C’est à Poponguine que le président de la République reçoit le syndicat patronal des banques et développe une armada d’arguments pour convaincre son président et ses membres d’accompagner Bara Tall. Ce ne doit pas être difficile, car ce dernier dispose déjà d’une excellente réputation auprès du système bancaire national. L’aval de l’Etat suffit pour que les banques mettent en place les lignes de crédits nécessaires 178
pour le financement des chantiers de Thiès. Finalement, ce sont presque vingt (20) milliards de FCfa qui sont engloutis dans l’opération, en attendant que l’Etat soit en mesure de payer la totalité des sommes avancées pour réaliser les travaux. Mais, avant la célébration du 44ème anniversaire, arrive la brouille au sommet de l’Etat. Abdoulaye Wade et son Premier ministre, Idrissa Seck se séparent dans des conditions presque dramatiques : au cœur de la dispute, les chantiers de Thiès. Ces chantiers sont montés en épingle pour trouver une explication rationnelle et convaincante à un conflit politique sur fond de bataille de succession. Idrissa Seck qui est le maire de Thiès est accusé de graves malversations, de détournement de deniers publics et de concussion. Son complice ? Il est vite trouvé en la personne du bienfaiteur de l’Etat, en l’occurrence Bara Tall. Le pauvre ! Il est accusé de surfacturations et de corruption de fonctionnaires. Tous les qualificatifs sont bons pour noircir le tableau. La machine de propagande de l’Etat s’emballe. Elle confond dans ses diatribes et accusations Bara Tall et Idrissa Seck. Ce dernier est jeté en prison pour sept mois. Bara Tall est encerclé et harcelé. On lui demande d’accuser Idrissa Seck, en confortant les éléments de la calomnie. Il refuse. Abdoulaye Wade, lui-même, lui propose un marché : « Vous l’accusez, vous irez certes en prison, mais on vous aidera à payer votre caution devant les juges et vous retrouverez votre liberté ». La ficelle est trop grosse. Niet catégorique de l’intéressé. Il est alors jeté en prison pour trois mois. On s’emploie alors à déconstruire et à détruire, avec l’acharnement du revanchard puissant et sûr de son fait, ce qui a été bâti, au prix d’efforts incommensurables, pendant plus de cinquante ans est démoli sans état d’âme. On s’y met avec une arrogance cinglante. JLS est visée dans ses fondements. Pourtant, c’est elle qui a construit le tronçon de l’autoroute, Malick Sy-Patte d’Oie, alors que le conflit avait déjà éclaté. Avec l’appui du chef de l’Etat, reconnaît Bara Tall. En fait, ce marché a été adjugé à une société 179
concurrente, en l’occurrence Fougerolles qui proposait la bagatelle de quarante deux (42) milliards de FCfa pour la réaliser. Pour le même marché JLS propose un devis de vingt cinq (25) milliards de FCfa. C’est Abdoulaye Wade, luimême, qui a ordonné aux responsables de l’Apix qui avaient attribué le marché pour 42 milliards de FCfa de choisir l’offre de Bara Tall. Celle-là, presque deux fois moins coûteuse. Le désaveu coûtera cher à Bara Tall. Ce dernier perdra par la suite tous les marchés pour lesquels il a soumissionné au Sénégal. En fait, il en aura même gagné certains, mais les autorités politiques, en particulier le président et son fils décideront à chaque fois de passer outre le choix de l’adjudicataire proposé. Ce fut le cas du marché de la construction de la route, Patte D’Oie-Aéroport. Dans ces deux cas, les plis de JLS n’ont même pas été ouverts pour des motifs qui n’ont jamais été expliqués. Pour le marché : route Gouraye-Sélibaby, les partenaires espagnols de JLS se sont retirés la veille du dépôt des offres, quand ils ont été informés de l’arrestation de Bara Tall. Adjudicataire provisoire du marché concernant l’élargissement de la route de Ouakam, JLS a de nouveau, nous l’avons déjà amplement expliqué dans nos développements précédents, perdu la manche, car l’appel d’offres a été déclaré infructueux. Et cela a été également le cas dans d’autres marchés, comme : la route, Linguère-Matam, l’élargissement de la Corniche ouest, l’élargissement de la Voie de dégagement nord, etc. Au total, JLS a été exclue de tous les appels d’offres auxquels elle a participé au cours de ces cinq dernières années, pour un montant global de cent quatre (104) milliards de FCfa. La destruction de l’entreprise Talix-Group est inexorable. Elle est programmée et rien ne devrait venir la remettre en cause. Cette destruction sera mise au passif du régime actuel et au passif particulier du chef de l’Etat. De vingt sociétés, le Groupe a fortement réduit sa voilure et ne comprend plus que treize sociétés, dont la majorité vit dans une situation financière catastrophique. Talix-Group qui était parti, au 180
moment où s’installait le nouveau régime, pour être un grand conglomérat employant plus de cinq (5000) personnes dans divers domaines d’activité il y a à peine cinq ans, a subi une mise à mort qui a fini de jeter dans la rue des milliers de Sénégalais pris en otage et sacrifiés par un régime revanchard et ayant la rancune tenace. Son isolement et la mise en quarantaine de l’entreprise JLS constituaient un impératif catégorique pour les responsables de l’Anoci. Sa présence et sa participation étaient de nature à contrarier des projets connexes aux chantiers ouverts et des agendas politiques cachés derrière tous ces travaux qui devaient fournir les moyens financiers nécessaires pour dérouler de tels agendas.
]Zoc]ed5ZjfZ]e 6 pi_ `Zm]_ ^mZhZoclp_ Après son emprisonnement à la suite de l’affaire des chantiers de Thiès qui tourne en eau de boudin, on revient sur un autre dossier : le tronçon Fatick Kaolack. Comme la bête traquée, JLS sera pourchassée dans tous ses chantiers, ceux déjà réalisés et ceux à venir éventuellement. On fouille ainsi dans le passé. Et tout y passe. On croit tenir la société dans un vieux marché exécuté au début des années 2000. Le tronçon reliant Fatick à Kaolack est mis sur la table des inquisiteurs. Dans leur entreprise de destruction de JLS, les autorités ont concocté un vaste plan de mise en accusation et de mise en doute du sérieux et de la réputation technique de l’entreprise. Pour ce faire, elles visent les dégradations graves de la route reliant Fatick à Kaolack qui, moins de deux ans après sa réhabilitation, a subi de graves dégâts qui seraient imputables à des malfaçons attribuées au constructeur. Rien n’est moins faux qu’une prétention. C’est onze mois après avoir réceptionné l’ouvrage que l’Etat convie l’entreprise JLS à réparer les dommages constatés sur le tronçon Fatick-Kaolack. Or, dans le procès-verbal de réception de cet ouvrage, les fonctionnaires de l’Etat et leurs mandants notent avec satisfaction : 181
« le travail a été fait dans les règles de l’art. A toutes les étapes d’exécution des tâches sur l’ouvrage, les contrôles externes étaient de rigueur ».
Dans ces conditions, comment peut-on imputer les manquements - si manquements il y a - à l’entrepreneur ? La vérité est que l’ouvrage est hypothéqué, dès le départ, par un défaut de conception qui n’est pas le fait de l’entrepreneur. Ce défaut est plutôt imputable au bureau d’études choisi par l’administration et à elle-même. Un défaut de conception que JLS avait noté et bien analysé, dans une lettre adressée à l’Etat, en date du 12 septembre 2003. JLS précisait dans sa correspondance : « la structure prévue dans le dossier d’étude de base qui prévoit un mélange de l’ancienne chaussée avec un apport de latérite crue pour avoir une fonction fine de centimètres n’était pas acceptable car elle était risquée. La solution de base proposée fait l’objet d’une mauvaise hypothèse de dimensionnement dans le rapport géotechnique à partir duquel les travaux doivent être réalisés. En effet, la chaussée ancienne a été considérée comme une couche de 35 cm avec un module de 8000 barres alors que la couche ne fait que 20 cm et le module équivaut à 3000 barres ».
Après avoir fait ces précisions techniques, bien avant d’accepter plus tard de commencer les travaux, JLS a proposé aux services de l’Etat une solution technique qui aurait pu permettre d’éviter les dégâts survenus après la construction de la route. Ainsi, JLS avait proposé : « De mettre en place une couche de fondation autonome de 15 cm sur l’ancienne chaussée griffée. Soit la même hauteur de 15 cm sur l’ancienne chaussée régalée ».
La proposition de JLS a été rejetée par l’Etat qui lui a demandé de construire la route sur la base des normes qui ont été définies dans l’étude géotechnique qui souffre d’un grave et terrible défaut de conception à la base. A l’arrivée, on constate les dégâts et on cherche de façon malhonnête et irresponsable à faire porter le chapeau à JLS qui aura, quand 182
même, averti l’Etat des risques graves qu’il y avait à s’en tenir à sa solution technique. Le reproche fait à Bara Tall à qui l’Etat a demandé de construire selon des normes erronées, c’est d’avoir accepté de faire le travail, en sachant qu’il y avait un défaut de conception à la base de l’ouvrage qui a été commandé. Ce reproche n’est pas fondé. En cas de refus de faire suite à sa sélection, JLS perdait automatiquement sa caution de soumission, fixée en l’espèce à 100 millions de FCfa. Elle s’exposait en plus à des poursuites pour refus d’exécution d’ouvrage, après avoir participé régulièrement à un appel d’offres public. Le cas échéant, JLS pouvait faire l’objet d’une forte condamnation et d’une exclusion temporaire ou définitive de tous les appels d’offres de l’Etat. C’est pourquoi, elle a décidé de construire en se conformant strictement aux conditions techniques définies par le cahier des charges. C’est ce qu’elle a fait. L’Etat pouvait décider, après la construction de l’ouvrage, de limiter les poids à l’essieu des véhicules qui circulent sur la voie, pour lui éviter une dégradation rapide. C’est la seule solution qui s’imposait à lui, après avoir maintenu les normes techniques prévues dans l’étude géotechnique. Celle-ci prévoit des charges à l’essieu de l’ordre de 10 à 13 tonnes, alors que dans la réalité, les charges que supporte actuellement la route sont de l’ordre de 20 à 25 tonnes à l’essieu, avec la circulation dense des camions maliens et autres véhicules de gros tonnages en route vers la Gambie et vers les autres pays frontaliers. Prétextant des malfaçons sur la route Fatick-Kaolack et à la faveur d’une extraordinaire campagne de désinformation, l’Etat tente d’instrumentaliser la Justice pour justifier le refus de payer des sommes dues à JLS. Les juges ont, dans un premier temps, dit non à l’Etat qui leur avait demandé une ordonnance qui pouvait fonder les retenues de paiements qu’il ordonne de façon illégale sur des créances dues, au titre d’autres marchés exécutés par l’entreprise JLS. L’Etat est revenu dans une seconde procédure tendant à faire constater par le juge les malfaçons 183
constatées sur la voie. Le juge a déjà ordonné une expertise tendant à établir de telles malfaçons. En agissant ainsi, le juge, a priori, considère qu’il y a des malfaçons, car son attitude ignore la base de conception de l’ouvrage. Ce qui lui aurait permis de savoir si les dégâts constatés sur la route relèvent effectivement d’une malfaçon ou d’un défaut de conception de l’ouvrage. En raison de conflit factice créé de toutes pièces par l’Etat, les autorités refusent de payer à JLS une somme de 6 milliards de FCfa due, suite à la réalisation effective de marchés exécutés et régulièrement réceptionnés. Aussi, le patron de JLS, Bara Tall peut-il écrire à l’endroit du ministre d’Etat, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres, des Télécommunications et des TICS : « Pourquoi le refus de payer des sommes dues depuis 2005 et 2006 et disponibles entièrement dans le budget 2007 que vous avez présenté et défendu à l’Assemblée nationale qui l’a voté ? Pourquoi la ponction une première fois de 500.000.000 FCfa régularisée par le décret 2007-702, en date du O7 juin, pour financer entre autres des subventions et constituer des provisions ? Pourquoi la ponction une deuxième fois de 1.000.000.000 FCfa régularisée par décret 2007-1497 en date du 12 septembre pour financer en partie un programme de construction de villas présidentielles non encore réalisé ? Pourquoi le report en fonds libres, au lieu de nous payer, du reliquat disponible de 1.300.000.000 de FCfa sur la gestion 2008 du budget d’investissement » ?
Cette série de questions ne trouvera jamais de réponse de la part de l’autorité, car les actes qui les fondent procèdent d’une volonté délibérée de nuire et de détruire un des fleurons du secteur des BTP au Sénégal, qui a été bâti par un Sénégalais, alors qu’au même moment, d’autres entreprises dirigées par des étrangers, bénéficient de toutes les largesses et bienveillances de l’autorité qui les arrosent de milliards. Et pour cause ! Pour en revenir à la route Fatick-Kaolack qui sert de prétexte, après les chantiers de Thiès, pour punir Bara 184
Tall, on devrait, au contraire, exiger une enquête criminelle pour déterminer les responsabilités des uns et des autres, en auditionnant tous les fonctionnaires et les ministres qui ont ordonné sa construction, alors que des défauts de conception étaient, dès l’entame du projet, relevés par JLS avec compétence et portés à la connaissance des autorités qui ont préféré les ignorer. Cette attitude procède de négligences criminelles coupables qui mettent en lumière la légèreté avec laquelle on gère depuis plus de huit ans les deniers publics dans ce pays. Les chantiers ont en scène des acteurs différents, mais avaient tous un dénominateur commun : la mise sous orbite politique du fils du président de la République, Karim Wade.
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2io @~%ij]cY pi kmjd_o kjfcoclp_ @~Zmh_ ^_ fZ np]]_nncji hjiZm]bclp_ L’Anoci a été d’abord conçue pour faire prospérer un projet de succession monarchique. Le système de représentation politique privilégié depuis toujours dans notre pays a été singulièrement renforcé au cours de ces huit dernières années - et les modalités de légitimation qu’il induit ont créé un système de gouvernance et de conduite des affaires de l’Etat qui s’inscrivent en droite ligne dans la théorie globale proposée par Max Weber qui décrit l’Etat patrimonial. Cet Etat patrimonial est le terreau de toutes les corruptions politiques, de la prévarication administrative et de la concussion. Elles se sont aggravées avec la venue au pouvoir des libéraux. Après un examen attentif des actes de gestion posés à l’Anoci, à la lumière de ce qu’en révèlent les rapports d’audit et de contrôle de gestion de l’agence, on reste frappé par les pratiques de gestion douteuse, voire scandaleuse. Celles-ci ont été naturellement favorisées par le fait que le premier responsable de l’Anoci n’est personne d’autre que le fils du chef de l’Etat. Personne d’autre que lui n’aurait osé prendre autant de libertés avec la garde des ressources de l’Etat. Le prétendu « Golden boy de la City » de Londres venu apporter ses « lumières » à la survenance de l’alternance à la tête de l’Etat du Sénégal, se sait protégé et couvert par l’amour d’un père qui lui certifiait, avant même qu’il n’entre en fonction, qu’il avait bien travaillé. Il a bien travaillé. Pour qui ? Pas pour les Sénégalais, en tous les cas. Pour la famille ? Sûrement ! Les scandales politico financiers qui ponctuent la marche quotidienne de l’Etat n’émeuvent
plus les citoyens qui semblent avoir décidé de les banaliser. Seuls quelques uns s’en indignent encore, pendant quelques jours, et après passent à autre chose. Chaque jour l’actualité braque ses projecteurs sur le phénomène avec de grosses manchettes de la presse et des émissions interactives diffusées sur les ondes des stations radiophoniques qui en font leurs choux gras. Après les « gesticulations » indignées des journalistes, tout rentre de nouveau dans l’ordre établi, en attendant le prochain scoop qui alignera des milliards et s’étalera sur cinq colonnes à la Une dans les titres quotidiens dakarois. Ainsi va le Sénégal ! Qu’est-ce qui pourrait changer le cours de l’histoire ? Tout semble indiquer que nous nous enfonçons davantage dans la spirale de la corruption, de la concussion et de la prévarication d’Etat. La gestion à l’Anoci que nous avons décrite tout au long de nos développements précédents vient de confirmer des pratiques observées avec une constance affligeante depuis que le chef de l’Etat s’est installé aux commandes du Sénégal. Les élites au pouvoir aujourd’hui ne semblent guère prendre la mesure du fléau. Ni celle de son impact catastrophique sur le développement du pays. Certaines, parmi elles, se plaisent même à nier l’évidence qui crève pourtant les yeux. La position publiquement exprimée par le Chef de l’Etat en avril 2002, lors de la cérémonie de présentation du rapport du Programme des nations unies sur l’état du développement humain au Sénégal en est une parfaite illustration. Il tentera maladroitement de nier cette réalité affligeante. Cette posture participe de l’expression d’un malaise commun à une bonne partie de l’élite sénégalaise qui tente ainsi de soulager une conscience malmenée par un renoncement coupable, face aux exigences que lui impose la lutte contre ce mal. Un mal qui n’en finit pas d’annihiler tous les efforts de développement entrepris. Si tant est qu’on en déploie sincèrement pour construire les bases d’un développement harmonieux, et par conséquent, porteur de réels progrès sociaux et économiques. 188
@Z ]jmmpkocjiY pi hju_i 0]jijhclp_ _o kjfcoclp_ Quand on parle de corruption politique au Sénégal et en Afrique en général, on ne réduit pas le phénomène à une simple analyse de type économique. Elle va au-delà de ce simple paramètre économique pour épouser d’autres dimensions: « La finalité de la corruption n’est pas seulement l’enrichissement et la survie économique. Elle est aussi profondément politique, en ce qu’elle vise à assurer une survie politique aux dirigeants qui sont ici en jeu ».
Les enjeux économiques et politiques sont des faits indissociables, car il faut des ressources économiques pour obtenir des dividendes politiques et inversement. Derrière la nomination de Karim Wade à la tête de l’Anoci se profilait un agenda et un projet politique qui ne peuvent pas s’épanouir et prospérer sans des moyens financiers et économiques substantiels que seul l’Etat peut donner dans le contexte national. « Je suis né pauvre et je suis aujourd’hui devenu riche », déclarait Idrissa Seck. Une richesse acquise après moins de cinq ans de présence de son parti au pouvoir. Le projet d’être le quatrième président du Sénégal (à tout prix ?) s’est alors davantage précisé. Sous Léopold Sédar Senghor, on soupçonnait quelques faits de corruption. De tels soupçons se sont davantage renforcés sous Abdou Diouf qui n’aura pas réellement lutté contre ce mal, en dépit des proclamations de principe matérialisées à son arrivée au pouvoir par l’adoption, en 1981, de la fameuse loi sur l’enrichissement illicite. L’ancien chef de l’Etat est resté velléitaire à ce sujet. Incapable de changer le cours des choses, il en était réduit à des supplications vaines. Réuni en congrès avec ses camarades du Parti socialiste, le 24 août 1992, Abdou Diouf suppliait certains d’entre eux qui étaient supposés avoir détourné et transféré d’importantes sommes d’argent à l’étranger de les rapatrier, pour le réinvestir dans le pays. On avait semblé toucher le fond avec cet appel. Il sonnait comme un cri de détresse du Chef de l’Etat d’alors et 189
un aveu de taille d’une extrême gravité. Avec ce qui se passe depuis huit ans, on accumule des preuves palpables. Il ne s’agit plus d’indices, mais d’actes probants qui indiquent aux juges le chemin à suivre, pour traquer tous les criminels nichés dans les plus hautes « stations » de l’Etat et s’emploient à dilapider, pour leurs seuls intérêts, les biens de la nation. Tout est faux dans le bilan publiquement présenté par l’Anoci. En fait, on tente ainsi par la force des mots, à l’insu du peuple, de construire un langage plus ou moins subtil, inventé pour maquiller la conspiration n’ayant d’autre motivation que de masquer le partage des biens de la nation. Et ce, dans un consensus mou entretenu par une partie de l’élite politique et qui épargnera aux uns la critique et garantira aux autres des places de choix dans le système de redistribution des biens. La démocratie est ainsi prise en otage par les faux discours, de fausses postures et par la surenchère d’acteurs jouant à cache-cache pour réussir leurs coups. L’Etat patrimonial n’est autre chose qu’une sorte d’Etat avorté. La corruption lui est consubstantielle, car reposant sur le pouvoir personnel. Ici, au Sénégal, comme ailleurs en Afrique, la plupart des chefs d’Etat ont réussi à bâtir un véritable système de pouvoir personnel autour d’eux-mêmes et de leur famille proche. Le chef jouit de son pouvoir de nomination en allant parfois jusqu’à le transformer en un pouvoir de patronage distribuant alternativement la faveur et la défaveur, la grâce et la disgrâce. C’est ce qui explique la présence de Karim Wade à la tête de l’Anoci. La légitimation - et donc la reproduction de ce système de pouvoir personnel -, suppose que le chef dispose d’une capacité de redistribution qui lui permet de faire accepter le recours à la contrainte, dont il use pour soustraire, à des fins privées, des ressources de l’Etat. La corruption au Sénégal, ne correspond pas à des finalités uniquement économiques d’enrichissement individuel. Elle a aussi des fonctions politiques et sociales qu’on ne peut ignorer. Elle se présente sous plusieurs formes, évolue et se 190
renforce dans une perspective systémique. Or, dès lors que celle-ci est érigée en système, les formes de collusions entre l’Etat et les acteurs du phénomène sont naturellement complexes et divers. De même, les mécanismes de la redistribution des faveurs qui découlent naturellement de ce commerce, se déroulent sans tenir compte de la rationalité et de l’efficacité administratives. Il y a eu une constante dans la gestion de l’Anoci, en dépit du fait qu’on veuille nous faire croire le contraire : les règles étaient systématiquement dévoyées par un contournement fréquent et un dévoiement des procédures. Les responsables de cette agence ont travaillé chaque jour à rendre plus sophistiqué le jeu de cache-cache. Ainsi, certains mécanismes qui étaient exceptionnellement prévus, pour rendre l’action de l’Etat plus rationnelle et plus efficace ont été transformés en une machine à fabriquer des faveurs et à les distribuer aux affidés du prince. On a construit des complexités multiples et diverses auxquelles les règles rigides de la comptabilité publique ne peuvent pas s’appliquer, pour gérer. Ses responsables ont souvent ordonné une suspension temporaire de la rigueur des règles de gestion imposant une tenue comptable orthodoxe des Finances publiques, pour faire régner leurs propres règles. Avec la création de l’Anoci on a cherché d’abord à rétribuer la famille, les amis et les souteneurs du régime, en écartant les fonctionnaires, compétents et prêts à servir. C’est ce que le député de la majorité Samba Diouldé Thiam dit quand il déclare : « L’Anoci c’est qui ? L’Anoci, c’est pourquoi ? Certains disent que c’est une rampe de lancement qui est offerte, d’autres pensent que c’est pour se faire de l’argent, ce qui est extrêmement grave, d’autres pensent également que c’est pour l’accession au pouvoir. L’Anoci a pratiquement vassalisé l’Etat. A cause des moyens qui sont mises à sa disposition, sa puissance et les protections qui l’accompagnent et qui la rendent intouchable, irresponsable. C’est ce qui fait d’elle une véritable serial-killer politique qui a fait des cadavres et
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continuera d’en faire. Quel que soit ce qu’elle fera elle ne pourra pas se laver, ni convaincre les Sénégalais »18.
Le député continue en se prononçant sur la décision des responsables de l’Anoci de se présenter devant l’Assemblée nationale pour faire leur bilan. Là aussi, Samba Diouldé. Thiam se montre impitoyable pour ce qu’il considère comme une farce de mauvais goût. Il indique un brin cinglant : « Je considère que c’est un épiphénomène. Les conditions pour que l’Assemblée nationale connaisse de cette situation ne sont pas remplies. L’année dernière il a été impossible que l’Anoci se présente devant l’Assemblée nationale, j’ai l’impression que l’Assemblée nationale est une scène de théâtre où l’on a besoin d’un acteur. Je n’ai pas été envoyé à l’Assemblée nationale pour assister à une scène de théâtre. Avec tout le respect que je dois à Abdoulaye Wade, à son fils et à sa famille, je ne me prêterai pas à ce genre de chose »19.
Samba Diouldé Thiam dit tout haut ce que beaucoup d’autres députés de la majorité pensent tout bas. Il est également le porte-parole, à son insu, de beaucoup de citoyens qui considèrent que le jeu auquel s’est prêté l’Assemblée nationale en écoutant les responsables de l’Anoci lire dans l’hémicycle les grandes lignes d’un bilan tronqué et maquillé, sans réellement pouvoir demander des comptes à Abdoulaye Baldé et à Karim Wade, n’est qu’une farce désespérante et déshonorante pour l’Assemblée et les députés du pays. Au-delà des chiffres consternants sur les dépenses de l’Anoci, on note que c’est encore plus l’esprit qui sous-tend ses pratiques de gestion qui pose problème. Le népotisme et le favoritisme demeurent les seuls critères qui fondent l’action. Ce qui, en définitive, a remis en question la rationalité et l’efficacité dans la conduite du service dû et 18 Interview accordée à la Radio Futurs Média, le dimanche 28 juin 2009, rapportée dans les colonnes du journal le Populaire dans son édition du lundi 29 juin 2009. 19 Interview, op.cit.
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effectivement rendu par l’Etat. Le mot d’ordre : accumuler pour mieux distribuer dans le seul et unique but de constituer davantage de ressources politiques. C’est l’unique mobile de la course folle vers les biens, richesses de la nation et de leur accaparement. Pour mettre une administration au service de l’intérêt général, on ne peut, sans dommage pour ce même intérêt, ignorer la question de l’opportunité des actes posés. Une opportunité qui nécessairement met en relation les coûts et des rendements attendus. En vérité, toutes les administrations modernes et dignes de ce nom qui prennent en charge, avec un sens élevé de la responsabilité, la conduite du développement d’une nation, fonctionnent en tenant compte de ces paramètres. Sauf si elles restent engluées, comme l’est celle de notre pays, dans la corruption politique et la prévarication institutionnelle. C’est le fondement de tous les Etats patrimoniaux. Sinon, comment expliquer qu’on ait pu dépenser plus de 200 milliards de FCfa pour construire, dans la ville de Dakar, moins de 20 km de routes au moment où tous les grands axes qui relient notre pays aux Etats limitrophes sont dans un état lamentable. L’élite politique au pouvoir, si on en juge par ce qui s’est passé avec l’Anoci, n’est manifestement pas concernée par le développement du pays. Elle est plutôt occupée par une quête, par ses membres, de positions politiques et de ressources économiques. Il ne faut pas alors s’étonner que, dans ces conditions, que le Directeur exécutif de l’Anoci déclare disposer de moyens pour faire sa politique grâce au concours de ses amis arabes. En faisant dépendre les décisions publiques des intérêts et du bon vouloir des leaders patrimoniaux, l’Etat est naturellement source d’arbitraire et d’abus et induit une incertitude chez les investisseurs privés vis-à-vis du pouvoir politique. C’est la raison pour laquelle l’Anoci n’est pas crédible quand elle prétend avoir convaincu des privés pour venir investir dans un important programme hôtelier au Sénégal. En fait, ils n’ont convaincu personne. Seuls sont venus ceux qui les ont aidés dans leur volonté de 193
mettre l’Etat au service d’intérêts privés exclusifs. L'alternance politique intervenue au Sénégal en 2000 a constitué une situation particulière, inédite. Est-ce, par ce fait, qu’on observe la multiplication d'événements scandaleux ? N'assiste-t-on pas dans cette situation particulière à une certaine conception de l'action politique qui est à la base de tous ces scandales? La personnalité des principaux protagonistes et leurs prédispositions morales ne sont-elles pas de nature à favoriser les scandales ? La façon dont finit le scandale, à savoir l’absence de sanctions et de procès devant les tribunaux, les interventions de personnalités religieuses ou politiques pour les étouffer, ne renseignent-elles pas sur la nature du régime sénégalais, de la maturité, ou des imperfections quant à l'exercice du pouvoir dans le pays ? Les dossiers de scandales portant sur d’importantes sommes d’argent ne se comptent plus au Sénégal. L’Anoci bat tous les records, avec 307 milliards de FCfa d’argent non justifiés, ni devant le Conseil de surveillance de l’agence, ni devant la représentation parlementaire. La course effrénée vers les richesses est une caractéristique essentielle de ce régime. L’enrichissement sans cause est un crime économique, quel qu’en soit le mobile, le moyen, la source et la personne qui s’en rend coupable. Etonnant de la part des censeurs qui, avec une redoutable vindicte, vouent aux gémonies tous ceux qui ont touché directement ou indirectement aux chantiers de Thiès et observent un silence coupable et couard dès lors que l’on évoque les chantiers de l’Anoci. Pire, ces sicaires promettent de faire taire ou de massacrer ceux qui ont eu l’outrecuidance de mettre en doute la gestion de l’Anoci avec des éléments de preuve à l’appui. L’Anoci aura été un véritable scandale. Elle est aussi la résultante directe des mécanismes de déploiement d’un système de gouvernement et d’une gestion d’Etat qui ont érigé la corruption et la prévarication en méthode d’action.
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2to ;ji]fpncji « Le développement dépend de la bonne gouvernance. C’est l’ingrédient qui fait défaut dans beaucoup de pays depuis bien trop longtemps. C’est le changement qui peut déverrouiller les potentialités de l’Afrique. Enfin, c’est une responsabilité dont seuls les Africains peuvent s’acquitter.»20
Beaucoup d’Africains n’ont pas attendu l’arrivée du président américain pour le dire et pour le crier haut et fort. Il n’est toutefois pas inutile qu’une voix aussi autorisée s’en fasse écho. Certains esprits ont tenté faire passer l’idée que nous acceptons de telles remarques de Barack Obama à cause de la couleur de sa peau et les récusons quand elles émanent du président français, chef de l’Etat d’une ancienne puissance coloniale. Faux. Cette affirmation est une honteuse contrevérité. La différence entre les discours de Sarkozy et d’Obama tient en une seule chose : là où Sarkozy a mis en cause la culture africaine en lui faisant, à tort, le reproche injuste de n’être pas suffisamment entrée dans l’histoire, Obama, lui, a mis le doigt sur le facteur essentiel du désastre qui frappe depuis toujours ce continent, à savoir le comportement des élites gouvernantes. La vérité rappelée par Barack Obama en Afrique s’adresse essentiellement aux élites de ce continent. Elle s’adresse particulièrement aux politiques, aux gouvernants, à la tête desquels se trouvent naturellement les chefs d’Etat. Ce sont eux et eux seuls qui 20
Extrait du discours prononcé par le président américain, Barack Obama, devant les parlementaires ghanéens, lors de sa première visite en Afrique qui a eu lieu du 8 au 10 juillet 2009.
sont en cause. Ce sont ces élites politico-administratives, intellectuelles, technocrates et autres liguées qui spolient et pillent les richesses des nations. Elles exploitent ainsi des populations démunies et sans défenses. Des prédateurs sans foi, ni loi ! Je sors de la rédaction de cet ouvrage encore plus convaincu que jamais de la justesse des propos que tient le chef d’Etat de la première puissance mondiale, sur l’Afrique. Après avoir fini de rédiger cet ouvrage, je me suis posé beaucoup de questions, par rapport au devenir de mon pays, mais également par rapport au destin de tout un continent. J’en suis arrivé là en pensant que, le système sénégalais qui devient chaque jour plus avilissant pour les citoyens, peut s’enorgueillir d’être classé cité pour ses prétendues performances sur ce continent. Et pourtant, je n’en finis pas encore de demander autour de moi pourquoi osons nous encore parler de démocratie dans le cas du Sénégal. Je m’interrogeais ainsi, tant j’ai été bouleversé par l’impuissance de notre système démocratique à rendre impossible des comportements, des attitudes et agissements comme ceux qui ont caractérisé la conduite de l’équipe dirigeante de l’Anoci. Je suis sorti de la rédaction de mon ouvrage avec un sentiment de désespoir et d’inquiétude. Moi qui pensais naïvement qu’en 2000 notre pays avait réalisé des pas de géant irréversibles dans la construction de son système politique. Ce système n’est pas encore sorti de son âge préhistorique. Nous avons encore beaucoup à faire dans la construction de notre projet démocratique. Celui-ci est loin, tant s’en faut d’ailleurs, de présenter les garanties d’un Etat de droit, contrairement à ce qui est souvent affirmé avec beaucoup de prétention. Notre système politique a été incapable de refuser qu’une équipe de femmes et d’hommes, singulièrement incompétente et peu regardante par rapport à l’éthique et à la morale, s’empare du sommet de l’OCI et de la mission liée à son organisation, pour en faire une vulgaire sinécure. Ces gens-là ont confondu les charges de l’Etat avec des missions privées. Ils ont considéré l’Etat comme un 196
instrument permettant d’abord d’assouvir des ambitions personnelles. Les dépenses effectuées dans le cadre des chantiers de l’Anoci ont été très lourdes. Elles se chiffrent au moins à un peu plus de 200 milliards FCfa, alors que l’enveloppe autorisée au départ était de 100 milliards de FCfa. Des montants d’argent importants ont été dégagés pour la réalisation de passerelles pour permettre aux citoyens de traverser dans les conditions de sécurité optimales, les voies rapides ouvertes en ville. Rien n’a été fait. 26 milliards de FCfa ont été dégagés du Trésor public pour l’édification de villas présidentielles. Aucune villa n’a été à ce jour construite. Et personne ne dit aux citoyens de ce pays où est passé cet argent. Karim Wade et ses amis ont dépensé la somme de FCFA 750 millions de FCfa pour aménager les locaux dans lesquels ils ont servi, disent-ils l’Etat, pendant quatre ans. La somme est exorbitante. Ils ne pourront convaincre personne dans ce pays que cet argent a été effectivement utilisé aux fins déclarées. Et même si tel était le cas, ce serait plus grave, car cela voudrait dire que le gaspillage de l’argent a été un sport pratiqué à grande échelle par les dirigeants de l’Anoci. Après avoir enquêté en profondeur sur le système Anoci, je suis davantage plus convaincu que la primauté du citoyen doit irriguer tout système politique et démocratique. La participation du citoyen, de façon effective et active, prouve son engagement au sein de la communauté. Elle constitue surtout une garantie contre des abus comme ceux qui ont rythmé la gestion de l’Anoci. Cette participation établit également sa responsabilité au sein de la communauté de son pays. Pour l’avoir oublié ou négligé, notre pays n’a pas su se mettre à l’abri des faits graves constatés dans la gestion de l’Anoci et d’autres dossiers. Et que nous dénonçons Nous n’arrêterons jamais de dénoncer ces manquements. Soyons clairs : la corruption se nourrit du silence, elle s’entretient par le désintérêt du citoyen par rapport à la chose publique. Elle prospère surtout par la démobilisation ou par la 197
marginalisation des citoyennes et des citoyens. Le rôle de l’information est fondamental pour lutter contre ce fléau. Elle est vitale pour élargir les espaces de la transparence et de l’intégrité. Pour combien de temps encore le Sénégalais qui a toujours été ignoré par des régimes arrogants sortira-t-il de son ghetto de simple sujet mineur pour devenir un citoyen debout ? La question mérite d’être posée, avec gravité d’ailleurs, au moment où les plus informés d’entre nous se scandalisent, face au bilan présenté par l’Anoci. Puisse la lecture de cet ouvrage aider à voir plus clair dans la nébuleuse Anoci. Ce qui s’est passé entre 2004 et aujourd’hui heurte les consciences les plus assoupies, insulte l’intelligence de la majorité des Sénégalais. Il urge donc de travailler à la réhabilitation de l’entité individuelle que représente le citoyen dans son contexte socio-économique. Cette réhabilitation est indispensable pour légitimer tout régime démocratique, car elle constitue une garantie contre des cas de gestion comme celle décrite dans le cadre de la conduite de la mission de l’Anoci. L’agence prétendait être en route pour le sommet. Au finish, elle a plongé dans un gouffre à milliards.
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:Z[f_ ^_n hZoc1m_n Remerciements ...........................................................................5 Dédicace .....................................................................................7 Avant-propos ............................................................................13 Introduction ..............................................................................19 1. Le satisfecit de l’Agence ......................................................29 L’esquive peu astucieuse de l’Anoci....................................33 Certains membres du Conseil doutent..................................36 Abdoulaye Diop rectifie Karim............................................43 Le Ps et l’Afp en première ligne ..........................................46 Le scepticisme de l’opinion .................................................48 2. Une grossière farce ...............................................................51 Les contrevérités servies aux parlementaires .......................53 Le sommet de 1991 et le contexte de l’époque ....................55 26 milliards pour des villas jamais sorties de terre ..............59 Besoin de justice ..................................................................60 3. L’offre de l’Anoci aux entrepreneurs ...................................63 Entente entre entrepreneurs du BTP.....................................68 La matérialisation du deal sur le terrain ...............................69 4. Neuf chantiers sur le départ ..................................................73 Le taux de réalisation ...........................................................74 5. A l’origine, c’était un marché de 22 milliards......................79 Le pilotage à vue des chantiers ............................................82 Les couvertures légales ........................................................88 La réalité des faits ................................................................89 Les dépenses additionnelles sur la Corniche ouest ..............92
6. L’ouverture du chantier de la Vdn........................................95 Les indicateurs de performance de l’Anoci..........................99 7. Une belle réussite technique ...............................................101 Un défi au bon sens en matière de gestion. ........................102 8. Patte d’Oie-Aéroport : coûts et consistance du marché......105 9. La route de Ouakam : un marché rendu caduc ...................107 Une volonté de mise à mort confirmée. .............................108 10. Aéroport-Almadies- bretelle Méridien-virage..................109 Autres projets .....................................................................110 Chou blanc auprès des bailleurs.........................................110 11. Les dépenses extravagantes de l’Anoci ............................113 750 millions pour aménager les bureaux du « prince »......113 450 millions pour communiquer dans le Golfe..................115 Autres dépenses de communication ...................................117 Quand on nous mène en bateau, pour 8 milliards ..............118 Les 26 milliards de la discorde...........................................122 La rénovation du Méridien Président .................................124 26 autres milliards hantent des villas fantômes..................128 L’achat de limousines ........................................................130 Un demi-milliard pour faire bédouin à la présidence.........131 12. Le total bilan de l’Anoci...................................................133 Un faux bilan......................................................................133 Les Fonds mobilisés auprès des bailleurs ..........................135 Les dépenses effectives de l’Anoci ....................................137 Six milliards, le km de route construit ou élargi ................137 Autres techniques de dépenses utilisées.............................138 Les marchés éclatés............................................................139 La technique des virements de crédits................................141 18 milliards en 4 ans pour la liste civile du « Prince ».......142 Au pays de Cocagne ou Neverland tropical .......................143 Les dépassements budgétaires............................................146
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13. La caution des bailleurs ....................................................149 La visite des experts du Fmi à l’Anoci...............................149 Le Fmi conforte le manque de transparence ......................152 14. Thiès versus l’Anoci........................................................155 La bataille des chiffres .......................................................155 Dans la logique de la démarche de l’Ige ............................158 Le détournement de procédure...........................................161 15. La mort programmée de Bara Tall ...................................165 Le refus de Bara Tall de s’associer à une combine ............165 La rancune née de la réalisation de l’autoroute..................168 Un délit d’intégrité .............................................................174 Le piège infernal ................................................................178 Fatick-Kaolack : une farce dramatique ..............................181 16. L’Anoci, un projet politique .............................................187 L’arme de la succession monarchique ...............................187 La corruption, un moyen économique et politique ............189 17. Conclusion........................................................................195
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