CONTES POPULAIRES
OSSÈTES
Illustrations: Chalva Bedoïev : Gwyrghoqo et sa chaussure (couverture) ; Iouri Abissalov : La souris qui cherchait à marier son fils; Mourat Djykkaïty : La Belle de Zdjyd ; Zara Valieva : La fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre; Le roi et le chasseur; Le fils du pauvre homme; Quel était le meilleur des objets? ; L'empereur et le cordonnier; Le conte de la ceinture; Le pigeon en bois.
Remerciements: Les traducteurs remercient chaleureusement Antoine Constant pour le soin minutieux qu'il a apporté à la relecture du manuscrit de cet ouvrage, et pour les utiles corrections et suggestions qu'il leur a poposées. Styr buznyg !
@ L'Harmattan,
2010
5-7, rue de l'Ecole polytechnique;
75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected] harmattan
[email protected] ISBN: 978-2-296-13332-7 EAN : 9782296133327
Textes traduits et présentés par Lora ARYS-DJANAÏÉV
A et Iaroslav
LEBEDYNSKY
CONTES POPULAIRES OSSÈTES (CAUCASE CENTRAL)
L'Hlemattan
Voix du Caucase Collection dirigée par Lora Arys-Djanaïéva et Iaroslav Lebedynsky Le Caucase est l'isthme qui s'étend entre la mer Noire et la mer Caspienne, à la fois barrière et point de contact entre des mondes différents: Europe et Asie, chrétienté et islam, nomades et sédentaires. Il concentre sur un territoire restreint une très grande diversité ethnique et linguistique qui n'a pas empêché le développement de certaines traditions communes. Aujourd'hui que cette région souvent disputée entre les empires du nord et du sud est une fois de plus redevenue le théâtre de conflits et de rivalités géopolitiques, il est essentiel de mieux la connaître. Le Caucase a toujours été nimbé de mythes et de légendes, mais son histoire, ses cultures, l'éternel balancement entre le fond indigène et les influences extérieures, doivent être redécouverts. La collection «Voix du Caucase» s'y emploie à travers des publications aux thèmes variés.
Déjà parus:
Vladimir Goudakov, Caucasiens, Cosaques et empires, 2009. Iaroslav Lebedynsky, Témoignages anciens sur les Therkesses, 2009. Iaroslav Lebedynsky, Armes et guerriers du Caucase, 2008.
INTRODUCTION Ce recueil présente un échantillon de contes populaires représentatifs de la tradition orale des Ossètes. Quelques précisions d'ordre historique, linguistique, et culturel, permettront au lecteur français de mieux les apprécier. Les Ossètes et I 'Ossétie Les Ossètes sont l'un des nombreux peuples du Caucase, cet isthme montagneux qui s'étend entre la mer Noire et la mer Caspienne et a de tous temps frappé les observateurs par sa diversité ethnique et linguistique. Ils résident dans la partie centrale de la chaîne, à cheval sur les deux versants. Du côté
septentrional, la République d'Ossétie du Nord - Alanie est l'un des membres de la Fédération de Russie. Du côté méridional, l'Ossétie du Sud, intégrée à la Géorgie à l'époque soviétique, s'en est séparée en 1992 et forme un Etat indépendant de fait dont le statut définitif n'est pas fixé. Chaque peuple du Caucase a son originalité. Celle des Ossètes est d'être issue du mélange d'un substrat local de langue caucasique et de vagues successives de nomades de langue iranienne venus des steppes ukraino-russes : Scythes, Sarmates, puis surtout Alains. Ces derniers jouèrent un rôle important dans l'histoire de l'Europe à la fin de l'Antiquité et durant le haut Moyen Age. Durant les Grandes Invasions des IVe-Ve siècles, certains groupes d'Alains parvinrent jusqu'en Gaule, et même en Afrique du nord avec les Vandales. Peu de Français savent qu'un royaume alain exista sur la Loire moyenne, au nord d'Orléans et dans la Beauce, dans les années 440-450, et que diverses localités françaises doivent leur nom (types Allaines, Allainville, etc.) à ces nomades venus des steppes et du Caucase.
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Les Alains demeurés dans cette dernière région, sédentarisés, christianisés vers 916, y tinrent l'une des premières places jusqu'à la désintégration de leur royaume après les invasions mongoles (première moitié du XIIIe siècle) et celles de Tamerlan (fin du XIVe siècle). Une partie d'entre eux fut alors assimilée par les ethnies voisines; il existe notamment un fort substrat alain chez les Balkars turcophones. Les autres se replièrent dans les hautes vallées du Caucase central et y donnèrent naissance au peuple ossète. Du fait de leur isolement géographique, qui n'a vraiment été rompu qu'avec le début de la conquête russe à la fin du XVIIIe siècle, les Ossètes ont longtemps conservé, non
seulement leur langue - forme moderne de celle des Alains médiévaux -, mais aussi une grande quantité de traits culturels archaïques dont les contes traduits ici offrent de nombreuses illustrations. La structure sociale était basée sur les liens du sang, de la famille à la grande communauté tribale, sans pouvoir politique central. Elle était nettement inégalitaire, avec une distinction de statut et de droits entre les «grandes familles» nobiliaires, les simples hommes libres, une classe de bâtards de nobles, et des serfs parfois d'origine étrangère. Il existait cependant des éléments de « démocratie» directe locale, sous la forme de conseils qui prenaient les décisions importantes (guerres, alliances, ambassades), et rendaient des jugements. La société était patriarcale; la femme, quoique travaillant dur, jouissait malgré tout d'un respect inconnu dans d'autres parties du Caucase, ce qui peut rappeler son statut élevé dans les sociétés nomades anciennes. Un respect plus grand encore
s'attachait aux vieillards - trait cette fois caucasien plus que nomade. Les contes reflètent une spiritualité essentiellement « païenne ». Outre l'ambiance merveilleuse liée au genre du conte lui-même, on y voit intervenir des personnages de la - 6-
religion populaire ossète, de Dieu lui-même (un «Dieu des dieux» à l'appellation révélatrice) à différentes sortes de génies, en passant par des divinités fonctionnelles parfois déguisées en saints chrétiens. Cette situation s'explique par l'histoire religieuse complexe des Alains puis des Ossètes. Les Alains s'étaient convertis au christianisme orthodoxe au début du Xe siècle. L'influence byzantine fut particulièrement forte en Alanie occidentale. Les Alains furent également touchés, sur le territoire de l'actuelle Ossétie, par le prosélytisme chrétien orthodoxe de la Géorgie voisine. Le fond pré-chrétien restait néanmoins très fort. Au moment de la conquête russe, la majorité des Ossètes était nominalement chrétienne, avec une minorité nominalement musulmane (sous l'influence kabarde), mais la religion populaire réellement pratiquée était essentiellement un système syncrétique: le vieux «paganisme» recouvert d'un vernis chrétien et avec quelques emprunts plus superficiels encore à l'islam. Comme chez la plupart des autres peuples du Caucase, la guerre (souvent traduite en brigandage ou en vendetta familiale) occupait une place importante dans la vie et la culture des Ossètes. Chaque homme libre était un guerrier au moins occasionnel, et quelques récits semblent même préserver un lointain écho de l'époque où les femmes scythes ou sarmates portaient également les armes. Raids et combats sont une toile de fond permanente des contes, dont les héros s'accomplissent souvent à travers des exploits guerriers. Les contes eux-mêmes, d'ailleurs, concouraient, à travers les exemples et les modèles qu'ils offraient, à la pérennité de ce tropisme martial. La tradition orale; typologie des contes Les Ossètes, on l'a dit, sont iranophones. Cela ne signifie pas que leurs ancêtres linguistiques soient venus d'Iran au sens -7-
actuel du terme. En fait, comme l'a prouvé l'étude depuis le XIXe siècle des vestiges des langues des Scythes, Sarmates et Alains (noms propres, toponymes, termes transmis par les auteurs antiques), la langue ossète appartient à un groupe autrefois très étendu de langues iraniennes du nord-est parlées par différents peuples «scythiques » de l'Antiquité. Elle est divisée en plusieurs dialectes, formant deux groupes principaux: oriental (iron ou ossète proprement dit, base de la langue littéraire moderne) et occidental (digor, plus archaïque). Cette langue ossète n'est vraiment écrite que depuis la fin du XVIIIe siècle (on connaît quelques documents en alain médiéval, mais il ne semble pas avoir existé de vraie littérature). Mais elle est le support d'une riche tradition orale, collectée à partir du début de la présence russe au Caucase central. En ce qui concerne les contes, il faut distinguer d'emblée une catégorie très particulière qui ne sera pas présentée ici (elle fera l'objet d'une publication ultérieure). Il s'agit des récits épiques mettant en scène les familles et les héros du peuple mythique des Nartes. Ces récits, connus chez de nombreux autres peuples du Caucase, forment des cycles comprenant de nombreuses variantes, liés par les personnages récurrents des grands héros et la thématique générale, mais qui n'ont jamais été unifiés. L'épopée narte n'a pas eu son Homère ou son Thomas Malory. Comme elle pose des problèmes historiques et culturels très spécifiques, nous avons préféré nous limiter dans ce volume aux autres types de contes. Ces derniers se subdivisent en plusieurs genres: récits quotidiens, satiriques, fantastiques, historiques, animaliers. Le bien y triomphe toujours du mal, les principaux personnages incarnent les valeurs morales de la société ossète: goût de la liberté, courage, noblesse, honnêteté, - 8-
fidélité dans l'amitié, intelligence. Il ne s'agit pas de contes
pour enfants - ce sont des récits, des traditions, qui reflètent sous une fonne allégorique des aspects réels de la vie du peuple. Ils s'adressent à toutes les catégories: «Tant les hommes que les femmes disent et écoutent des contes, de l'enfance à la vieillesse. Ces contes sont nombreux, variés et sont une forme d'art à part entière. Ils ont toujours été la distraction préférée du peuple. »(K. Khétagourov, Ossoba). Textes et traductions Les contes présentés ici ont été collectés en Ossétie, principalement dans les premières décennies du XXe siècle. Les textes ossètes ont été publiés, séparément ou par séries, dans des périodiques et des livres 1. Nous avons traduit ces contes en essayant de conserver leur tonalité d'origine, qui n'est pas celle d'une littérature sophistiquée, et la remarquable expressivité de la langue ossète. Ces traductions ont été publiées depuis 1996 dans D'Ossétie et d'alentour, revue de l'Association ossète en France. Elles ont été revues et améliorées pour ce volume.
I Nous avons utilisé principalement: Chamil Djykkaïty, Iron arghœwttœ, Ordjonikidzé (Vladikavkaz), 1983; Iron adœmon arghœwttœ , tome II, Stalinir (Tskhinval), 1960, Tsœrœgoïty arghœwttœ, Dzrewdjyqrew / Vladikavkaz, 1998.
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Transcriptions Pour faciliter la lecture, nous avons employé la même transcription « à la française» (non scientifique) que dans le manuel Parlons ossète paru chez le même éditeur. Les principales conventions sont les suivantes: 1£est un a bref tirant sur è. e est fermé comme dans dé, et se prononce comme dans lié en début de mot. g est toujours dur comme dans gare. gh est comparable au r français grasseyé. ï est la semi-voyelle de i et se prononce comme dans aie ou dans yoyo. k', p', t', ts', tch' sont des consonnes «glottalisées », c'est-à-dire accompagnées d'une occlusion glottale un peu analogue à ce que l'on entend au début de l'allemand aber. kw ressemble à la consonne initiale de quoi? I est dur (anglais weil). o est fermé comme dans dôme. q est un ktrès guttural d'arrière-gorge (qâfarabe). rest « roulé» comme en russe ou en italien. u se lit ou comme dans cou. west la semi-voyelle de u, comme dans l'anglais widow. y est une voyelle brève semblable au e français de petit ou allemand de Vater. Les graphies dz, s, ts, z sont employées ici conformément à la tradition et à l'étymologie. En ossète littéraire actuel, cependant, leur prononciation réelle est différente (dz = z dans lézard; s = ch dans chat; ts = s dans sac; z =j dans jus).
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LE CONTE D'ABBAÏKWYTSYKK
U
n prince avait une fois six serviteurs. L'un d'eux se nommait Abbaikwytsykk. Le prince n'employait ce
serviteur que pour aller à la chasse, et les cinq autres - pour
les travaux de la maison. Le prince préférait Abbaikwytsykk aux autres, et lui les regardait de haut. Un jour, les cinq serviteurs vinrent trouver le prince et lui dirent: - Là-bas, derrière la montagne, vit un géant, et il a un cheval
qui parle. Si Abbaikwytsykk est si bon que cela, eh bien, qu'il te l'emène ! Le soir, Abbaikwytsykk revint de la chasse; il portait des dépouilles d'animaux. Il ôta leurs entrailles, fit des brochettes avec la viande et les posa devant le prince. Mais non, le prince ne toucha pas aux brochettes. Alors Abbaikwytsykk lui demanda: - Qu'as-tu, tu ne manges pas, mon prince?
Lui resta silencieux un long moment, puis dit: - Là-bas, derrière la montagne, vit un géant. Il a un cheval
qui parle... si tu me l'apportais! Abbaikwytsykk en fut tout saisi et dit: - Celui qui t'a dit cela, puisse sa chance en ce monde ne rien
lui apporter de bon. Mais assieds-toi, mange. Il se trouvera bien une solution. Le prince s'assit et ils mangèrent ensemble. Lorsqu'il eut fini de manger, Abbaikwytsykk se leva et partit pour la montagne. Il alla, il alla et traversa un pont tout mince. Il parvint à la maison du géant. Il entra dans la cour. Il regarda, mais les portes étaient fermées de l'intérieur. Abbaikwytsykk inspecta tous les côtés de l'étable, et sur l'un d'eux trouva un petit trou. Abbaikwytsykk se changea en grain de blé, se glissa dans l'étable par ce trou et dit à l'oreille du cheval: - 11 -
- Et maintenant, si je te conduisais là où tu pourrais voir la
face du ciel, là où tu mangerais de I'herbe verte, là où tu serais lavé avec du savon, hein? Le cheval s'écria alors: - Alerte, Abbaïkwytsykkm'enlève!
Le géant sauta de Abbaïkwytsykk se les balayures. Le comme il ne trouva
son lit, se précipita dans l'étable, mais transforma en grain de blé et roula dans géant mit tout sens dessus dessous, et rien, il s'en fut et retourna se coucher.
Abbaïkwytsykk revint au cheval et lui dit à l'oreille: - Il est curieux que tu n'en aies pas assez de cet endroit. Moi,
je te conduirai là où tu verras la face du ciel, où tu mangeras de l'herbe verte, où tu seras lavé avec du savon! Le cheval n'était pas d'accord, mais Abbaïkwytsykk tira sur sa bride. - Alerte, Abbaïkwytsykkm'enlève! s'exclama le cheval.
Le géant tiré à nouveau de son sommeil s'élança, tourna et vira, mais ne trouva personne dans l'étable. Abbaikwytsykk en effet s'était transformé en grain de blé et avait roulé dans les balayures. Alors le géant prit un balai et l'abattit sur les flancs du cheval, et lui-même s'en fut et se recoucha. Abbaikwytsykk revint au cheval et lui dit à l'oreille: - Eh bien, si tu avais été d'accord, tu n'aurais pas été battu ?
Et à présent, si je te conduisais là où tu verrais la face du ciel, là où tu mangerais de I'herbe verte, où tu serais lavé avec du savon, n'y serais-tu pas mieux? Alors le cheval lui dit: - 12 -
- Maintenant, je viens.
Et Abbaikwytsykk tira sur sa bride et l'enleva. Lorsqu'ils arrivèrent au pont, le cheval le frappa de sa patte arrière, et le pont s'écroula. Quand ils furent tous deux de l'autre côté, le cheval s'écria encore: - Alerte, Abbaikwytsykkm'enlève!
Mais à ce cri d'alarme, personne ne se montra. Abbaikwytsykk conduisit le cheval devant le prince. Le lendemain, Abbaikwytsykk s'en alla à la chasse. Le soir, il rapporta la dépouille d'une bête, ôta les entrailles, fit des brochettes avec la viande et les posa devant le prince. Mais le prince ne mangeait pas. Abbaikwytsykk lui demanda alors: - Pourquoi ne manges-tu pas? Le prince lui dit: - Celui qui avait le cheval possède encore un chaudron qui
bout seul et une fourche à viande qui prend seule les morceaux. - Celui qui te l'a dit, puisse Dieu ne pas lui pardonner!
Assieds-toi, mange, il se trouvera bien une solution à cela aussI. Ils s'assirent et mangèrent ensemble. Abbaikwytsykk se leva, se mit en route et parvint à la maison du géant. Il vit que les portes étaient fermées de l'intérieur. Il tourna autour de tous côtés et voici qu'il trouva une petite fente. Abbaikwytsykk se transforma en grain de blé; il se glissa par la fente, ouvrit les portes, chargea le chaudron et la fourche à viande sur ses épaules et les apporta au prince. - 13 -
Le lendemain, Abbaïkwytsykk alla à la chasse. Le soir, il rapporta la dépouille d'une bête, ôta ses entrailles, fit des brochettes avec la viande et les posa devant le prince. Mais le prince ne mangeait pas. Alors Abbaikwytsykk lui demanda: - Pourquoi ne manges-tu pas, mon prince 7 Le prince lui dit: - Celui qui avait le cheval, celui qui possédait le chaudron et
la fourche à viande, si je pouvais le voir lui-même! Abbaikwytsykk lui demanda alors: - Et lui-même, il ne me mangera pas 7 Assieds-toi, mange, il se trouvera bien quelque solution à cela aussi. Le prince mangea. Abbaikwytsykk partit, et il alla crier: - Malheur, Abbaikwytsykk est mort !
Alors le géant dit à sa femme: - Va voir, il y a quelqu'un qui crie en bas qu' Abbaikwytsykk
est mort. Le géant n'attendit pas la réponse de sa femme, mais se précipita lui-même et trouva Abbaikwytsykk en train de couper un arbre dans le bois. - Et que fais-tu avec ça 7, lui demanda le géant.
II lui dit: - Abbaikwytsykk est mort et voici que je lui fais un cercueil.
Lorsqu'il eut fini le cercueil, il dit au géant: - Couche-toi dedans, que je voie s'il est bon 7 II s'y coucha, s'y étira de tous côtés et le fit éclater. - 14-
Alors le géant s'en alla lui-même à un gros arbre, le coupa et en fit un cercueil. Lorsque le cercueil fut prêt, Abbaïkwytsykk dit au géant: - Eh bien maintenant, couche-toi dedans. Je voudrais aussi
voir le couvercle. Et il y posa le couvercle. Puis il lui dit: - J'y planterai aussi les clous. Et il y planta les clous. Ainsi, quand il n'eut plus à craindre le géant, il le chargea sur ses épaules et le livra au prince. II entra et dit au prince : - Je t'ai apporté le géant, mon prince, et quand tu te lèveras
demain, cherche-le. Moi, je pars à la chasse demain de bon matin. Lorsque le prince se leva le lendemain, il chercha dans les coins et trouva le cercueil. Abbaïkwytsykk, lui, n'était pas parti à la chasse, mais avait grimpé sur le toit de sa maison à trois niveaux et il regardait de là-haut. Quand le prince souleva le couvercle du cercueil, le géant en bondit et l'avala, après quoi il fureta dans les coins et dévora les autres membres de la maisonnée. Quand il vit Abbaïkwytsykk en haut de ses trois étages, il lui dit: - Comment as-tu grimpé, eh?
II lui répondit: - Toutes les pierres que j'ai trouvées par terre, je les ai
empilées, et j'ai grimpé là-dessus. - 15 -
Alors le géant empila les unes sur les autres toutes les pierres qu'il trouva, et lorsqu'il parvint à la moitié de la hauteur, Abbaikwytsykk lui dit; -
Saute, maintenant, et je t'attraperai.
Le géant sauta, mais pas assez haut, et il tomba à grand bruit sur le sol et s'écrasa par terre. Abbaikwytsykk descendit de ses étages. Tous les biens du prince lui revinrent, et il vit et mange là-dessus aujourd'hui encore.
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LA FILLE BLONDE QUI SE TIENT DANS LA TOUR DE CUIVRE
I
l était une fois, il y a bien longtemps, un homme et une femme. Nul ne sait quand ils auraient vécu. Ils avaient trois filles. Quand elles eurent grandi, leur mère mourut, et elles restèrent orphelines. Le père épousa une seconde femme. Les trois filles commencèrent à vivre avec leur marâtre. La marâtre se montra mauvaise: elle ne cessait d'insulter les trois enfants ou d'exiger d'eux quelque chose. Et à part leur faire pousser un arbre sur la tête ou leur faire tourner des meules de moulin sur la poitrine, il n'est pas de méchanceté qu'elle n'ait commise à leur encontre, tantôt en les insultant, tantôt en les frappant, tantôt en colportant des ragots. La vie des orphelines dans la maison de leur père ne tint bientôt plus qu'à un cheveu. Et l'homme? L'homme est une crêpe, que retourne la femme. Un jour, la marâtre vint trouver son mari et lui dit: - Mon mari, je te le dis franchement:
si tu ne nous
débarrasses pas de tes trois filles, je réglerai leur sort de mes propres mains. Sache-le, il n'y a pas de place pour elles dans cette maison. L'homme en fut effondré, mais il ne savait que faire. Il avait pitié de ses filles orphelines. Alors, un jour, il se rendit au bois. Il creusa une fosse au pied d'un pommier et la recouvrit de branches d'arbre. Sous le pommier, il ramassa de belles pommes rouges d'un côté, en remplit ses guêtres et rentra chez lui pour le dîner. - Mes filles, que l'une d'entre vous ôte mes chaussures et
mes guêtres, dit le père.
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La fille aînée ne bougea pas, la deuxième n'obéit pas non plus, mais la cadette, vivement, se mit à ôter les chaussures et les guêtres de son père. Les pommes bien rouges dégringolèrent des guêtres. Les filles s'émerveillèrent: elles n'avaient jamais vu d'aussi beaux fruits. - Père, emmène-nous demain là où poussent ces pommes, et nous en rapporterons à foison, dirent les filles. Le père n'ajouta pas un mot à ce qu'elles avaient dit. Le lendemain, le père s'en alla vers le sombre bois avec ses filles et les conduisit sous le pommier. Les pommes bien rouges étaient comme rangées sous l'arbre. Lorsque les trois sœurs commencèrent à les ramasser, elles tombèrent dans la fosse. Leur père rentra chez lui. Les trois orphelines se sentaient bien mal, mais que pouvaient-elles faire? La fosse était profonde, il leur était impossible de grimper. Alors elles tournèrent leur poitrine vers le ciel et clamèrent: - Ô notre destin, ne nous abandonne pas; envoie-nous des
pelles en fer et des pioches en fer. Tu sais bien toi-même que le peu de jours que nous avons vécu, nous l'avons passé dans la souffrance et la peine à cause de notre marâtre! Et trois pelles en fer, trois pioches en fer apparurent dans la fosse. - Si nous restons là sans rien faire, personne ne nous aidera,
dirent les sœurs. Trouvons quelque moyen de ne pas mourir ici de soif et de faim. Elles se mirent au travail et se frayèrent un chemin sous la terre jusqu'au moulin d'un prince. Elles observèrent, et comme rien ne bougeait dans le moulin, elles emplirent leurs - 18 -
robes de la farine du moulin, la rapportèrent à la fosse et s'en nourrirent en la léchant. Les meuniers commencèrent à s'inquiéter: ils voyaient chaque matin qu'il manquait une part de la farine qu'ils mettaient dans le moulin, et encore, la meilleure part. Plusieurs matins de suite, ils remarquèrent en arrivant que quelqu'un emportait une partie de leur farine. - Si notre prince entend parler de cette affaire, il nous la
mettra sur le dos, se dirent les meuniers, et il nous fera payer ce qui manque. Retournons là-bas et découvrons ce qu'il advient de notre farine et qui l'emporte. Une nuit, les meuniers se mirent en embuscade au moulin, et ils virent que trois filles y avaient pris leurs habitudes et emportaient la meilleure part de la farine. Et ils dirent à leur prince: - Prince, trois filles ont pris I'habitude de venir à notre moulin, et nous n'en avons encore jamais vu d'aussi belles et bien faites parmi les habitants de cette terre. Elles viennent chaque soir à ton moulin, et cette meilleure part de farine qui y manque, ce sont elles qui l'emportent; où elles la déposent, voilà ce qu'on ignore. Le prince se cacha au moulin avec ses gens dans un endroit sombre, afin que les trois sœurs ne suspectent pas sa présence. Dès que les trois filles, après l'heure du dîner, apparurent pour emporter de la farine, le prince, avec ses gens, se montra, et de la sorte il les invita chez lui. Le prince accueillit les trois sœurs, apprit les circonstances de leur vie, leurs malheurs, comment ces trois filles belles comme une pierre porte-bonheur s'étaient retrouvées dans cette pénible situation. - 19 -
Les sœurs ne cachèrent rien de leur vie au pnnce, et lui révélèrent le cœur de leur marâtre. Le prince les écouta attentivement, puis dit: - Tout cela est bel et bon, mes chères invitées, mais je vais
vous demander quelque chose: il serait fort bien, si j'apprenais que vous avez quelque talent ou qualité, que je vous fasse faire quelque travail correspondant à ces compétences. Si je comprends bien, vous avez souvent été offensées dans votre vie, et si vous voulez aller ailleurs, qui sait si vous ne subirez pas pires avanies encore? Et l'aînée dit: - Altesse princière, nous mangerons les miettes que nous donnera Ton Altesse, nous boirons après tout le monde l'eau qui restera, nous regarderons la lumière du soleil de Ton Altesse. Je n'ai guère de talent. Mais nul ne meurt sans en avoir eu au moins un : Altesse princière, si tu me donnes le quart d'une peau à faire des souliers, j'en coudrai des chaussures pour tous tes gens. - Altesse princière, dit la seconde sœur, je rassasierai ton
peuple avec une assiette de farine, j'en nourrirai le monde entier. - Et toi, quel talent as-tu? demanda le prince à la troisième
fille.
La troisième fille faisait la timide, et son visage changea de couleur. Le prince la pressa de parler. La fille dit alors d'une voix timide: - Je n'ai pas beaucoup de talents que je puisse faire valoir devant toi ou qui plaisent aux gens. Mais quand je me - 20-
marierai, je donnerai naissance à un garçon aux cheveux d'or et à une fille aux boucles d'argent. Le mieux qu'un homme puisse souhaiter dans cette vie terrestre, c'est que le peu qu'il a devienne beaucoup: avec le quart d'une peau, des chaussures seront faites pour une foule entière, et cette foule sera rassasiée avec une assiette de farine. Mais le plus désirable, c'est bien un garçon aux cheveux d'or et une fille aux boucles d'argent: que peut souhaiter de mieux un homme? Et le prince se mit à réfléchir: le bonheur, sûrement, il ne faut pas le faire fuir, mais on ne l'attrapera pas non plus de force. Le prince organisa chez lui une grande fête, de grandes réjouissances: il demanda en mariage la cadette, célébra le mariage, confia la direction de la maison à la puînée, et plaça la troisième à la tête des couturières. Les trois sœurs commencèrent à vivre dans la maison du prince. Mais les deux aînées ne se trouvaient pas complètement heureuses: l'envie leur inspirait tristesse et sombres pensées, l'envie rendait leurs cœurs noirs de ténèbres. Lorsque le prince avait choisi leur sœur cadette comme épouse, il leur avait brisé le cœur, il leur avait rendu détestable cette dernière fille de leur mère. Qui sait combien de temps ils auraient ainsi vécu, mais voici que la femme du prince eut à regretter l'absence de son mari.
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Le prince en effet voulut partir en expédition? Et donc, le voici sur le départ, et il dit: - Notre maîtresse de maison, je pars en expédition et ne sais
quand reviendrai. Si tu as besoin de moi, voici une clochette. Fais-la tinter trois fois, et, même si je suis au bout du monde, je te reviendrai immédiatement: mon cheval avisé entendra le tintement de la clochette. Les deux sœurs aînées bouchèrent les oreilles du cheval avec des tampons de soie. Le prince partit en expédition: qu'aurait-il pu arriver d'autre? Sa femme resta à la maison avec ses deux sœurs. Les jours passaient. Pas de signe du prince. Pendant ce temps, sa femme accoucha. Ses deux sœurs aînées étaient à son chevet. Ainsi qu'elle avait dit, elle donna bien naissance à deux jumeaux: un garçon aux cheveux d'or et une fille aux boucles d'argent. Les deux sœurs aînées veillaient. Elles ne firent pas voir les jumeaux à leur mère, les enlevèrent, et les placèrent sous les mamelles d'une chienne qui venait de mettre bas. Elles leur substituèrent auprès de la jeune mère deux chiots nouveaunés. - Ton garçon aux cheveux d'or et ta fille aux boucles
d'argent se sont avérés des rejetons de chien. Le prince sera vraiment content quand il reviendra! Qu'aurait pu répondre Qu'aurait-elle pu faire?
la malheureuse
Jeune
mère?
Sur ces entrefaites, le prince revint de son expédition. 2
Le terme ossète de baIts a un sens assez riche de « voyage, expédition
militaire ou de brigandage
».
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En fait de garçon aux cheveux d'or et de fille aux boucles d'argent, notre sœur a donné naissance à des chiots, et nous les avons placés à ses seins. Vois par toi-même! dirent les sœurs.
Le prince se courrouça, fit coudre sa femme avec les chiots dans une peau de bœuf, et les fit placer sur le seuil. Ceux qui - 23 -
venaient chez lui essuyaient leurs pieds sur la peau de bœuf, ceux qui sortaient crachaient dessus. Du temps passa. Le garçon aux cheveux d'or et la fille aux boucles d'argent commencèrent à grandir. Aucune mère n'aurait veillé sur ses rejetons comme le fit la chienne. Mais une crainte vint aux deux sœurs: si le prince apprenait la vérité? C'est pourquoi elles conduisirent la chienne et les enfants à l'écart, dans un sous-bois, afin de les dissimuler au pnnce. Le garçon et la fille commencèrent à vivre dans cet endroit isolé, et la chienne prenait soin d'eux comme une mère aimante.
Ils vivaient, ils vivaient - le garçon grandit: il se fit un arc et des flèches et commença à chasser. Chaque jour, il rapportait de la chasse des bestioles et des oiseaux; ensuite il s'attaqua aussi aux cerfs, aux bouquetins, aux chevreuils, aux daims ou aux ours. Il construisit une hutte avec les peaux des bêtes, et la chienne, la sœur et le frère commencèrent à y vivre et à s'y nourrir. Ils firent une litière de plumes pour leur chienne nourricière, et ils la gâtaient autant qu'ils pouvaient. Le garçon dompta également un cheval sauvage. Mais leurs tantes ne les avaient pas oubliés. Elles comprirent que le prince finirait par rencontrer le garçon. Alors toute l'affaire serait découverte, et elles seraient en grande difficulté. - Il nous faut trouver quelque moyen de nous débarrasser du
garçon, sinon gare à nos têtes, dirent les deux sœurs. Un jour, elles se rendirent à la hutte. Le garçon était à la chasse, la chienne couchée sur du duvet, la fille s'affairait et rangeait la hutte. - 24-
Elles firent mine de faire fête à la fille. - Ceci nous donne la chair de poule,3 vraiment, dirent les
tantes. Comment peux-tu supporter d'être seule ici, dans cet endroit isolé? Il n'y a personne, ni voisin, ni parent. - Je ne suis pas seule: voici ma chienne nourricière, et ce
soir mon frère rentrera de la chasse, dit la fille. - Nous te plaignons, nous compatissons,4 jusqu'à quand
tiendras-tu ici sans compagnon qui parle? Non, peut-être que ton frère unique ne t'aime pas comme tu l'aimes. En somme, le cœur de la sœur appartient au frère, mais celui du frère appartient à la forêt! - Que nenni! Que dites-vous là? Mon frère n'aime pas sa
propre âme comme il m'aime, dit la fille aux boucles d'argent. - Il te laisse toute seule, il n'y a personne pour jouer avec toi, te tenir compagnie ou bavarder. Cela ne s'appelle pas de l'amour. Non, s'il t'aimait vraiment, il reviendrait à toi et t'amènerait de derrière les monts la fille blonde qui se tient dans une tour de cuivre. Le garçon aux boucles d'or rapporta de la chasse la dépouille d'un cerf. Il parvint à la hutte, posa à terre la dépouille. Et il vit que sa sœur unique, la fille de sa mère, pleurait; ses yeux en étaient tout enflés. Le garçon se sentit mal à l'aise. - Que t'est-il arrivé, qu'as-tu, mon unique sœur, unique fille
de ma mère? dit le frère. - Ce que j'ai? Tu me laisses ici, abandonnée, et mon âme est accablée de tristesse et de peine. Je n'ai ni compagnon de jeu, ni compagnon à qui parler. Mais si tu étais attentionné pour moi, tu me ramènerais la fille blonde qui se tient dans une tour de cuivre, pour que je puisse profiter d'une belle-sœur et passer gaiement ma vie avec elle. 3 Toujours plus expressif, le texte ossète dit « Que notre peau se rompe pour toi! » 4 Même remarque: littéralement, « Que nous soyons sacrifiées pour toi! ».
- 25 -
- Tais-toi, ma sœur, je suis prêt à faire n'importe quand tout
ce que tu souhaites. Je pars en expédition dès demain. La fille se calma, rit et commença à faire fête à son frère. Au matin, le garçon monta à cheval et partit en expédition. Le cheval lui dit: - Tu n'as pas entrepris là une bonne expédition, tu ne sais
même pas ce que tu fais. La fille blonde qui se tient dans une tour de cuivre vit au-delà des monts. Au passage du défilé, deux montagnes se battent comme des béliers. Même un oiseau ne leur échappe pas, elles l'écrasent aussitôt. Alors, comment espères-tu atteindre un tel endroit? Le garçon avait emporté une barre de fer derrière la selle du cheval. Il s'approcha de l'endroit où les deux montagnes se frappaient comme des béliers. Elles s'écartaient, puis se rapprochaient de nouveau. Le garçon s'était préparé: il plaça la barre de fer entre elles et leur échappa. Il avança dans l'étroit défilé. Il parvint à la tour de cuivre. Les meilleurs hommes de tous pays courtisaient la fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre, mais aucun ne l'avait obtenue. La fille blonde ne serait qu'à celui qui trois fois pourrait appeler: «Fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre, regarde-moi dehors! ». Aucun des prétendants de la fille blonde n'avait encore réussi. Les premiers à avoir appelé avaient été engloutis dans la terre. Bien des gens avaient disparu à cause de la fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre! Le garçon aux cheveux d'or savait tout ceci et commença à dire: - Fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre, regarde dehors! - 26-
Et à ces mots, le garçon s'enfonça dans la terre jusqu'à la taille. - Ô mon créateur, sauve-moi de ce trépas sans gloire! pria le
garçon, et de la sorte il se releva sur le sol. - Fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre, regarde-moi
dehors! appela le garçon avec un espoir renouvelé. Le garçon s'enfonça dans la terre jusqu'au dessus de la ceinture, mais aussitôt s'en extirpa derechef. «Nul jusqu'à présent n'a réussi à m'appeler deux fois» se dit la fille blonde, mais elle ne regarda pas dehors. - Fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre, regarde-moi dehors! ». L'appel retentit pour la troisième fois jusqu'à la tour. La fille regarda donc: qu'aurait-il pu arriver d'autre? Le garçon était sain et sauf, des cheveux d'or sur la tête. La fille sortit de la tour, belle comme si, en elle, jouaient des soleils et riaient des lunes. - Entre, mon hôte. L'intelligence est un chemin, le bonheur un messager. Ta bonne fortune a vaincu le sort. Tu as tenu ta parole: tu as appelé trois fois. Je ne romps pas non plus la mienne: entrons, Dieu nous a voués l'un à l'autre. Le garçon aux cheveux d'or et la fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre demeurèrent là une nuit, et tôt le matin quittèrent les montagnes et s'en allèrent là où vivait le garçon. Tout autour de cet endroit apparut, à la place de la hutte en peaux de bêtes, un château de cuivre. Dans cette nouvelle tour de cuivre commencèrent à vivre le garçon aux cheveux d'or, la fille aux boucles d'argent, la fille blonde, et aussi la chienne nourricière des orphelins.
- 27-
La jeune mariée et sa belle-sœur se plurent mutuellement. Deux sœurs n'auraient pas été plus unies. Qui sait s'il s'écoula peu ou beaucoup de temps après l'arrivée de la fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre, mais voici que les deux tantes du garçon aux cheveux d'or et de la fille aux boucles d'argent firent leurs préparatifs et se mirent en marche. Elles allaient leur chemin, pensant que le fils de leur sœur avait été écrasé entre les deux montagnes dans sa quête de la fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre. Mais en approchant de l'endroit où vivaient les enfants de leur sœur, elles furent saisies par le doute. Là où précédemment se dressait une jolie, une belle hutte en peaux de cerfs et de chevreuils, il y avait à présent une haute tour de cuivre, et tout autour une palissade de cuivre. Les deux sœurs arrivèrent. La fille aux boucles d'argent sortit au-devant d'elles et les invita à entrer. - Mon frère m'a amené la fille blonde, dit-elle aux deux
soeurs, je ne sais comment vous remercier. Grâce à vous, la fille blonde est devenue nôtre. Restez un peu chez nous, reposez-vous de votre fatigue. Pardonnez l'absence de mon frère, il est parti à la chasse. Les deux sœurs regardèrent, et virent la chienne qui dormait en ronflant sur des coussins de duvet, et la nouvelle épousée qui s'activait dans la tour de cuivre. - Qu'elle te soit une belle-sœur heureuse, dirent les deux sœurs, car elles ne pouvaient rien faire d'autre. Et à la fille blonde elles dirent: - Que pour toi aussi cette place soit heureuse, et que vous
viviez, avec ton seigneur et maître, mutuellement. - 28-
en vous aimant
Les deux sœurs ne purent éviter d'embrasser la jeune mariée, et elles s'assirent sur un fauteuil dans sa chambre. La conversation dura longtemps, et la fille et sa belle-sœur gâtèrent leurs invitées et les traitèrent bien. Lorsque les deux sœurs repartirent pour la demeure du prince, elles remercièrent puis dirent: - Vous vous contentez de vivre ici, mais nous avons pitié de vous. - Mais pourquoi? demandèrentla fille et sa belle-sœur. - Mais voyons! Nous vous avons prises en sympathie,
comme des sœurs. Votre tour est au milieu de la plaine, près d'un bois. Personne n'habite à proximité, chez qui vous pourriez aller, ou qui viendrait chez vous. Celui qui est, pour l'une de vous son seigneur et maître, pour l'autre le seul frère né de sa mère, vous laisse ici seules dans cette odeur de chienne, nous en avons la chair de poules, et lui s'en va à la chasse à sa fantaisie. - On ne peut rien reprocher à mon frère, nul n'aime
quiconque comme il nous aime, nous. Il apporte ici de la plaine, pour nous gâter, de la chair de bêtes sauvages et d'oiseaux, et il ne néglige ni notre nourriture, ni notre sommeil, leur répondit la fille aux boucles d'argent. - Si ce que tu dis était vrai, s'il était si dévoué, s'il se
préoccupait de vous et était attentionné, il vous apporterait la pelisse merveilleuse que tout le monde convoite. - Quelle pelisse si particulière est-ce donc là ? - Si vous voulez le savoir, eh bien, elle chante par son col,
bat la mesure avec ses manches et danse avec ses pans. Le soleil est sur son plastron, la lune sur son dos. Tant qu'il ne vous aura pas apporté cette pelisse, comment croire qu'il vous aime si fort? Cette pelisse rendrait votre vie bien plus 5
Litt. « que notre peau soit sacrifiée », cf. notes précédentes. - 29-
gaie. A présent, adieu. Si nous ne vous avions pas prises en sympathie,6 nous ne nous serions pas attardées à vous faire la conversation. - Faites bonne route, merci de votre conversation et de votre
venue. Les deux sœurs quittèrent la tour de CUIvre, le palais de CUIvre. Quand la mariée et sa belle-sœur furent restées seules, elles se dirent: - Dès qu'il reviendra de la chasse, nous le tarabusterons pour
qu'il nous rapporte cette pelisse. Le soleil se coucha derrière la forêt sombre. Le soleil rougit du côté de l'ouest. Les poules se couchèrent; tout le bétail rentra. Le cheval avisé du garçon aux cheveux d'or rentra aussi de sa pâture et retrouva sa place. Alors que la nuit tombait, le garçon à son tour revint de la chasse, une dépouille de cerf sur les épaules. «Pourquoi donc personne ne vient-il ce soir à ma rencontre? », se dit le chasseur. Il rentra dans la maison, y déposa la dépouille du cerf. Il vit que femme et sœur étaient au foyer, mais elles ne lui dirent rien de bon, ni rien de mauvais. - Quelles sont les nouvelles? Quel nuage pèse sur vos
sourcils? Ou bien quelque perte est-elle survenue? - Dieu nous en préserve! disent la femme et la belle-sœur.
Mais nous n'avons aucune raison de chanter ou de danser. Tu nous laisses ici seules dans cette odeur de chienne, et toi tu vas à la chasse et tu te divertis. - Et que pourrais-je faire pour vous? - Si nous t'étions si chères, tu inventerais quelque chose pour
que nous coulions des jours plus joyeux. - Et donc? 6
LiU. « Si notre œil ne vous avait pas aimées ». - 30-
- Ne fais pas l'ignorant. Tu ne peux pas ne pas avoir entendu parler de la pelisse merveilleuse: celle qui a le soleil sur son plastron, la lune sur son dos, qui chante avec son col, bat la mesure avec ses manches et danse avec ses pans. Si tu t'inquiétais vraiment de nous, si notre confort t'était si cher, tu trouverais un moyen de te procurer cette pelisse pour que nous ne nous ennuyions pas dans ce château. - Puisse Dieu refuser sa pitié à ceux qui vous ont dit cela!
Qui qu'ils soient, ils cherchent ma mort. - Pourquoi? - Parce qu'il n'y a pas de moyen facile de rapporter cette pelisse dont vous vous êtes entichées. Sinon, elle aurait déjà été emportée. - Elle ne doit pourtant pas être au Pays des morts 7, dirent l'épouse et la belle-sœur. Sinon, personne ne connaîtrait son existence? - Elle n'est pas au Pays des morts, c'est vrai, mais dans un
endroit lointain, et en outre elle a de nombreux gardiens. Elle est défendue par une source empoisonnée, et un pommier empoisonné, et des corbeaux au bec de fer, et des loups à la gueule sanglante, et une porte de fer. Il est difficile de leur échapper à l'arrivée, et deux fois plus difficile de leur échapper en repartant. - Mais si cet endroit est si terrible, alors nous vivrons sans
cette pelisse, comme nous nous sommes débrouillées pour vivre sans elle jusqu'à présent. Nous n'en avons absolument aucun besoin, s'il risque de t'arriver quelque chose. Personne ne dit rien pendant un moment. L'épouse et sa belle-sœur gardaient le silence, comme si elles se repentaient de ce qu'elles avaient dit, et le jeune homme semblait délibérer en lui-même. Puis il reprit la parole: -
Bien. Demain, je pars en expédition. J'essaierai de
rapporter la pelisse. Préparez-moi pour la route quelque chose 7 Le « Pays des morts» est l'Au-delà de la religion populaire. - 31 -
qui soit léger à porter et doux à manger. Préparez-moi aussi mes sacoches; mettez dans l'une du mouton et de la graisse
de brebis, dans l'autre - du blé rouge. Dès que l'étoile du matin apparut, le garçon aux cheveux d'or sella son cheval, attacha ses sacoches à l'arçon de sa selle, les fixa, puis prit ses armes, se mit en selle et partit en expédition. Il chevaucha longtemps. Nul ne sait combien il aurait ainsi voyagé, mais voici qu'apparut la source empoisonnée. Le voyageur mit pied à terre, se pencha sur la source empoisonnée et y but tout son saoul. Après quoi il remonta en selle et reprit sa route. Là-dessus apparut le pommier empoisonné. Il arrêta son cheval sous l'arbre et mangea goulûment les pommes empoisonnées. Il repartit, mais voici que des corbeaux fondirent sur lui. cavalier se pencha vers ses fontes et commença à répandre blé rouge. Quel cadeau divin pour les corbeaux! Ils jetèrent sur le blé rouge et se mirent à le picorer avidement leurs becs sombres.
Le du se de
Plus loin, des loups à la gueule sanglante se ruèrent sur le cavalier. Mais dès qu'ils eurent commencé à dévorer le mouton, ils n'eurent plus un regard pour le cavalier. Devant la porte de fer, le garçon sauta de cheval et ôta de sa sacoche la graisse de brebis. Il marcha jusqu'à la porte et la
lubrifia bien. La porte de fer s'ouvrit aussitôt - ses gonds ne grincèrent même pas. Le garçon s'empara de la pelisse. Et la pelisse de s'écrier: - Ouh ! Où es-tu, ma porte de fer, il m'enlève!
- 32-
- Tant pis pour toi! La porte de fer t'a protégée tant
d'années, et tu n'as jamais graissé ses malheureux gonds. Et voici que lui, à présent, m'a enduite de graisse de haut en bas.
Le garçon monta sur son cheval avec la pelisse. - Eh, mes loups à la gueule sanglante, il m'emporte! - Ceci ne nous concerne plus, nous vaquons à nos propres affaires. Nous avons tant travaillé pour toi et n'en avons rien retiré de bon. Bonne chance à qui t'emporte, et grâce à qui nous faisons bombance! - Mes corbeaux,je suis à votre merci, je suis perdue!
- Il te fallait le savoir plus tôt. Tu ne nous a jamais regardés d'un bon œil, tu ne nous a jamais empli le ventre même de déchets de blé. Et maintenant, lui nous a gavés de blé rouge. - Mon pommier empoisonné, on me fait violence! Dans ce monde comme dans l'autre, je suis à ta merci. Protège-moi de mon agresseur, ne le laisse pas m'emporter! - J'espère qu'il t'arrivera pire encore, dit le pommier. Comme on fait son lit, on se couche.8 Tu es déjà restée ici trop longtemps. « Pommier empoisonné, pommier empoisonné! », faisais-tu. Tu n'as jamais mangé un seul de
mes pépins. Cet hôte - que tout lui réussisse! - s'est arrêté et a mangé mes pommes comme du miel. - Ma source empoisonnée, tu me laisseras emporter? - Ah-ha, c'est toi qui m'as faite « source empoisonnée », et
grâce à toi, nul n'a jamais bu une gorgée, et toi-même, tu n'as
jamais daigné t'approcher de moi. Mais ce cavalier - qu'il soit béni de Dieu! - s'est penché vers moi, et c'est moi qui ai craint qu'il ne m'assèche complètement. Que mon eau lui apporte la santé, comme du lait maternel. Toi aussi, tu es tombée entre ses mains au bon moment, sois-lui une cause de bonheur!
8
Litt. « Ce que tu as fait, tu l'as trouvé ». - 33 -
Qui pourrait vous dire la joie de l'épouse et de la belle-sœur! D'une part, leur soutien, leur défenseur est revenu sain et sauf d'une expédition terrible, et d'autre part la pelisse tant convoitée est devenue leur. Par la suite, elles passèrent des jours heureux à profiter du chant de la pelisse, de la danse de la pelisse. Le soleil continuait de briller sur le plastron de la pelisse, la lune sur son dos. Dans leur tour de cuivre, dans leur château de cuivre vivaient avec bonheur la fille blonde, la fille aux boucles d'argent et le garçon aux cheveux d'or. Ainsi passaient sur eux les jours et les nuits. Une chose seulement faisait souffrir les cœurs de la sœur et du fIère: ils ne connaissaient pas leur mère et leur père, ils ne savaient pas s'ils vivaient sains et saufs, s'ils avaient gagné le Pays des morts. Fallait-il prier pour leurs jours ou pour leur repos éternel9, cela non plus ne leur était pas connu. Mais laissons-les pour l'instant à leur vie heureuse et demandons-nous: «qu'était-il arrivé au prince et à sa femme, les parents de la fille et du garçon? » Un beau jour, les veneurs du prince étaient partis à la chasse. Sur la plaine, un cerf se dressa devant eux, rabattit ses bois sur ses épaules et s'enfuit. Il se dirigea comme une flèche vers le cœur du bois. Les veneurs du prince se mirent à sa poursuite. Qui sait combien ils le pourchassèrent, mais le cerf rusé leur échappa dans le bois, et là sa trace se perdit. Ils revinrent sur leurs pas sans avoir tué même un lièvre. Ils continuèrent, et voici qu'ils parvinrent à la tour de cuivre, au château de cuivre. Ils furent accueillis au château, ils 9
Litt. « pour qu'ils soient lumineux », suivant la formule ossète de
bénédiction
des morts.
- 34-
observèrent les habitudes de la maison, écoutèrent les chants de la pelisse, contemplèrent sa danse. Ils festoyèrent bien, se reposèrent de leur fatigue, remercièrent leurs hôtes et s'en retournèrent. Alors l'aîné des veneurs alla trouver le prince et lui tint ce discours: - Prince, de toutes les fois où je suis allé à la chasse, je n'ai jamais rien vu ni entendu d'aussi prodigieux que cette fois-ci. - Vous n'avez rien tué? demanda le prince. -
Nous avons suivi la trace d'un cerf, nous l'avons
pourchassé bien loin, nous avons tiré des épuisé nos chevaux, et finalement il nous a forêt sombre. Mais il ne s'agit pas de ce souvent qu'une bête échappe au chasseur. merveille que nous avons vue.
flèches sur lui, échappé dans la cerf rusé. C'est C'est une autre
- Et alors, cette merveille qui a pu t'étonner, quelle peut-elle
être? demanda le prince. - Près de la forêt, sur la large plaine, nous avons vu une tour de cuivre, un château de cuivre. Y vivent un jeune homme aux cheveux d'or, et son épouse, la toute belle fille blonde qui se tient dans la tour de cuivre, et la sœur du garçon, la suprêmement belle fille aux boucles d'argent, et puis une chienne qui repose sur un coussin de ouate, et la sœur et le garçon l'appelaient leur nourricière. Dans une pièce du château il y a une pelisse: le soleil est sur son plastron, la lune sur son dos. Cette pelisse chante avec son col, bat la mesure avec ses manches, danse avec ses pans. Nul ne se lassera d'écouter son chant, nul ne se lassera de contempler sa danse. - Demain, soyez prêts à partir en expédition, dit le prince, je veux m'enquérir de ces gens. Le soir, le prince commença à se remémorer sa femme, ce qu'elle lui avait promis, c'est-à-dire la naissance d'un garçon aux cheveux d'or et d'une fille aux boucles d'argent. - 35 -
«Quelque malheur aura été causé à ma femme alors qu'elle
accouchait, pendant que j'étais en expédition - se mit à penser le prince -. Mais si ces gens dont m'a parlé le veneur s'avéraient sans le moindre doute être mon fils et ma fille, et puis ma bru? Il faudrait en déduire ceci: les deux sœurs aînées ont caché le garçon et la fille par jalousie, et les ont
remplacés auprès de la mère par les petits d'un chien - à coup sûr, les chiots de cette chienne qu'ils gardent sur des coussins dans leur château. Eh bien, demain va arriver, qui tout va révélera ». Le prince et ses gens arrivèrent à la tour de cuivre le deuxième jour. Lorsqu'il vit la situation de ses propres yeux, il comprit que ses pensées avaient été justes. Le prince trouva ses enfants. Et il dit: - C'est moi votre père, et votre mère est chez nous; à quelle place elle se trouve, et par la faute de qui elle y est tombée, c'est à présent clair pour moi, mais vous aussi l'apprendrez. Maintenant, allez vers votre vrai foyer, et ce qui est à vous ici, emportez-le aussi. Ce que désirait le prince, ses enfants et sa bru l'accomplirent. Aussitôt surgirent à côté du palais du prince la tour de cuivre et ses habitants. Et le prince ordonna de sortir la mère de la fille et du garçon de la peau de bœuf, et de la baigner dans un lac de lait. Et la malheureuse mère, de joie, redevint une jeune femme. Le prince convoqua aussi les deux sœurs et rendit la justice. - Vous vous êtes mal conduites avec l'enfant de votre mère, vous lui avez causé un grand malheur, une grande souffrance, vous l'avez séparée de sa progéniture. Le garçon aux cheveux
d'or et la fille aux boucles d'argent - mes espoirs - sont devenus comme orphelins par votre faute. A nouveau vous avez intrigué pour que mon héritier périsse. Il n'a survécu - 36-
que grâce à sa chance. Tels sont vos torts. Je vous ferai ce qui vous échoit. Et il fit lier les deux sœurs aux queues de deux étalons indomptéslO, et ceux-ci les traînèrent sur la plaine, et on ne revit même jamais leurs squelettes.
-
10Ce supplice a une incontestable tonalité «steppique» et peut être une réminiscence ancienne. Des pratiques semblables sont attestées chez les Goths pendant et après leur séjour en Ukraine au contact des nomades sarmates et alains.
- 37-
LE MIROIR CÉLESTE
I
l était une fois un homme et une femme. Ils avaient un enfant unique. Un jour, ce fils vient trouver ses parents, et il leur dit: - Jusqu'à quand supporterons-nous cette misère? Donnezm'en l'autorisation, et je partirai quelque part : peut-être trouverai-je quelque chose, pour que nous ne mangions plus des branches à force de misère. Un temps, la mère et le père n'accédèrent pas au vœu de leur enfant unique, mais lui ne les laissait pas en paix, si bien qu'un jour ils préparèrent son expédition. La mère lui prépara pour la route des mets doux au goût et légers à porter. Le garçon rangea ses affaires de voyage dans son sac, salua ses parents, et s'en fut chercher fortune. Il prit la route, et qui sait combien il chemina, mais au bout d'un moment il manqua de provisions. Il atteignit un endroit boisé; il regarda, et voici qu'il y avait un loup. - Loup, je vais te manger, lui dit le voyageur. - Ne me mange pas, dit le loup, frotte-moi plutôt le ventre avec ton bâton, et un jour je t'aiderai. Le garçon frotta le ventre du loup et le chassa. Il poursuivit son chemin, et tomba sur un aigle. L'aigle essaya de s'envoler, mais n'y parvint pas. - Aigle, je vais te manger, lui dit le garçon. - Au lieu de me manger, tu ferais mieux de me lancer aussi
haut que mon envergure, et moi aussi, un jour, je te rendrai servIce. Le garçon lança l'aigle à la hauteur de son envergure. L'aigle s'envola et disparut, et le garçon reprit sa route. - 38 -
Chemin faisant il regarda, et voici qu'un renard se roulait sur le dos. - Renard, je ne peux pas ne pas te manger. Je ne peux plus
supporter la faim, dit le garçon. - Abandonne cette intention, mon garçon. Manger un renard
ne t'apportera pas grand-chose, et il faudra encore digérer ma viande, dit le renard. Approche plutôt et humecte ma gueule avec quelque chose; qui sait, peut-être auras-tu besoin d'elle. Le garçon humecta la gueule du renard et s'en fut plus loin. Il va, il va, et le voici arrivé au bord d'une mer. La mer s'agita, et un gros poisson resta sur le rivage. Le garçon se précipita sur le poisson et l'attrapa. - Je vais te manger, poisson que voici, je ne supporte plus la
faim. -Ou-ouh, ne me mange pas, dit le poisson. Qui sait ce qui peut arriver, s'il t'advient quelque difficulté, je ne négligerai pas non plus ton bien. Le garçon eut pitié du poisson et le rejeta à la mer. Qui sait combien encore il aurait cheminé, mais voici qu'il atteignit le village d'un prince et se rendit à la maison de la sorcière. - Mère, offre-moi I'hospitalité, dit le garçon. - Si tu le daignes, alors nous serons pour toi de pauvres
hôtes, dit la sorcière. Le garçon s'installa chez la sorcière: advienne que pourra! La femme l'accommoda avec ce qu'elle trouva dans la maison. L'hôtesse et son invité sympathisèrent en discutant. La sorcière dit: - Bien des notables de tous pays sont venus demander la
main de la fille de notre prince, mais elle n'en a accepté - 39 -
aucun. La fille a fait couper la tête à tous les prétendants et a fait planter les têtes sur les pieux de sa haie. Il ne manque plus qu'une tête à sa haie. - Et pourquoi les a-t-elle exterminés, pourquoi tant de colère
contre eux? demanda le garçon. - La fille de notre prince a un miroir célestell. Elle s'adresse
au prétendant et lui dit: " cache-toi trois fois où tu veux. Je prendrai mon miroir céleste et commencerai à te chercher. Si je ne te trouve pas, alors Dieu me donnera à toi. Mais si je te trouve, je te couperai la tête et je la planterai sur l'un des pieux de ma haie". - Je ne peux pas ne pas tenter ma chance moi aussi, ô mère,
dit le garçon; et le lendemain, il envoya un émissaire à la fille. La fille du prince fit appeler 1'hôte de la sorcière. - Cache-toi trois fois et, si je ne te trouve pas, je serai ton
bonheur; autrement, je te ferai couper la tête: il manque une tête à ma haie. Le garçon donna son accord, advienne que pourra. Il se dirigea vers le bord de la mer. Le poisson vint à lui sur une vague et il lui demanda: - Quel bienfait te faut-il de moi? - Cache-moi à l'endroit qui est le plus profond: la fille du prince va regarder son miroir céleste, dès qu'elle me trouvera, je serai perdu! Il
Le "miroir céleste" et son pouvoir magique évoquent les traditions religieuses des peuples irano-scythiques. On connaît des représentations scythes d'une" déesse au miroir". Chez les Sarmates et les Alains, les tombes féminines contiennent fréquemment un petit miroir métallique rond, décoré d'un tamga héraldique ou d'un signe solaire, parfois rituellement brisé au moment des funérailles. On pense que ces miroirs, employés du début de notre Ere au XIVe siècle, étaient au moins autant des objets de culte (du feu et du soleil ?) que des articles de toilette. - 40-
Le poisson ouvrit la gueule, engloutit le garçon et s'enfonça dans les profondeurs de la mer. La fille du prince prit son miroir céleste, et toute la journée chercha le garçon. Voici que le soleil se coucha, et le garçon fut découvert. Le poisson le remonta du fond de l'eau, et le garçon se rendit aussitôt chez la fille du prince. - Tu m'as trouvé, dit le garçon. - Eh bien, cache-toi demain aussi.
Le lendemain, le garçon alla trouver l'aigle. -
J'ai besoin de toi, aigle, dit le garçon, la fille du prince va
me chercher avec son miroir céleste, si elle me trouve, elle me coupera la tête. Cache-moi quelque part. L'aigle l'emporta sur sept pics de la montagne et le cacha à un certain endroit, sous un rocher. La princesse prit son miroir céleste, commença à scruter partout et dit: - Voyez-le, voyez!
Un aigle l'a caché, derrière sept
montagnes, sous un rocher. Aussitôt l'aigle le mit sur ses ailes et le déposa devant le palais de la princesse. -
Garçon,je t'ai trouvé, dit la fille. Tu m'as trouvé! dit le garçon. Eh bien, cache-toi encore demain: c'est ta dernière chance. Où es-tu passé, loup? dit le garçon. Si tu dois un jour
m'aider, jamais ton aide ne me sera plus nécessaire qu'en cette heure. Le loup apparut devant le garçon et il lui demanda: - Comment t'aiderais-je?
- 41 -
- Cache-moi dans l'endroit le plus reculé. On me cherche, et
si l'on me trouve, mon foyer périra.
Le loup l'emporta et le cacha dans un bois lointain et sombre, sous des souches. Au matin, la princesse, ayant fait toilette, prit son mIrOIr céleste et commença à scruter partout. Elle regarda en bas, elle regarda en haut, le garçon n'était visible nulle part. Elle tourna le miroir vers les noires montagnes, vers les
blanches cîmes - elle ne l'y vit pas non plus. Le soleil finit par se coucher. Et la fille de crier soudain: - Je l'ai trouvé! Un loup gris l'a caché parmi des souches, au
milieu d'un bois sombre. Le loup l'extirpa de sous les souches et le rapporta aussitôt au village du prince. - Qu'en dis-tu, garçon,je t'ai trouvé? dit la fille.
- Tu m'as trouvé, dit le garçon. Selon notre convention, il faut me mettre à mort, mais, je t'en prie, donne-moi droit encore à une chance. - Comment refuser ce droit à qui est si familier des bêtes
sauvages, des oiseaux et même des créatures de la mer! Au matin, le garçon se rendit dans la plaine et dit: - Renard, si tu ne m'aides pas, je suis perdu pour de bon!
Le renard apparut devant le garçon. - En quoi puis-je t'être agréable? - Cache-moi là où l'on ne me trouvera pas. - Allons sous la tour, dit le renard. Là, nous creuserons une fosse. Tu te cacheras dans la fosse, je déverserai sur toi de la terre et des pierres; moi-même, je me transformerai en femme, je me tiendrai sur la fosse et je commencerai à filer. - 42-
Ils firent comme le renard avait dit. La fille prit au matin son miroir céleste, commença à regarder. Il n'y eut aucun des quatre coins du ciel qu'elle n'observât, mais rien n'apparut jamais au loin. Alors elle tourna le miroir céleste plus près, et elle observa les environs de la tour. Elle scruta, elle scruta et elle vit ceci: tout près de sa propre tour, une femme filait sur une fosse nouvellement creusée, et, dans la fosse, il y avait le garçon caché. La fille s'étonna, et qu'y aurait-il eu de plus étonnant? Toute sa vie, des prétendants étaient venus à elle, mais aucun n'avait des amis et des compagnons comme ce garçon. Le garçon se rendit tristement chez son hôtesse, et dit sa peine et sa plainte à la sorcière. Le cœur de la femme fondit pour son invité: - Mon hôte, dit la sorcière, voici ce que nous allons faire! - Quoi donc? demanda le garçon. - Essaie encore d'obtenir que la fille du prince te donne le droit de te cacher une fois de plus. Qui sait, ta chance sera peut-être la plus forte, ne désespère pas d'elle. La fille donna au garçon le droit de se cacher. Alors, au matin, la sorcière délibéra avec son invité: - Ecoute, je vais te frapper de mon fouet de feutre, et tu vas
te transformer en un beau chien de chasse. Je t'amènerai à la tour de la fille. La fille commencera à te chercher au loin aussi bien que tout près. Mais toi, reste tourné et tiens-toi derrière la fille, et, quand elle se retournera, tourne derrière elle toi aussi, pour que le miroir céleste ne te découvre pas.
- 43 -
Là-dessus, elle ftappa le garçon de son fouet de feutre, et le garçon se transfonnaen chien de chasse. La sorcière se rendit à la tour de la fille. La princesse et tous les gens qui l'entouraient commencèrent à se réjouir et lui firent fête. C'est à peine si le chien regarda quiconque, et il se glissa derrière la fille et ne fit plus un mouvement. La fille du prince prit son miroir céleste et commença à regarder. Comme elle se tournait de tous côtés, le chien tournait derrière elle, pour que le miroir céleste ne le découvre pas hors de l'ombre de la fille. La fille du prince regarda dans toutes les directions avec son miroir céleste. Vint le temps du souper, mais la fille ne cessait de regarder; le soleil s'était couché, qu'elle s'efforçait toujours de trouver le garçon, mais elle ne le découvrit pas avec son miroir céleste. Alors, la fille du prince dit: ~
Je ne t'ai pas trouvé, viens !Mon destin, sûrement, était de
devenir tienne. Là~dessus, la sorcière sortit de la tour, frappa le chien de son fouet de feutre, et le chien redevint ce qu'il était auparavant. Le prince donna de grands trésors à sa fille unique et à son gendre. Le garçon et la fille s'assirent sur une charrette et s'en allèrent vers leur maison avec leurs trésors. Les parents du garçon avaient beaucoup vieilli. Le garçon les frappa de son fouet de feutre, et tous deux redevinrent comme des cerfsl2.
«0 12
Le cerf est un symbole de force et de beauté.
- 44-
LE ROI13ET LE CHASSEUR
U
n bon roi avait un bon chasseur. Longtemps, ce chasseur avait chassé au profit du roi.
Un jour, le roi lui dit: - Ce soir doivent venir chez moi des hôtes d'importance. Il
faut que tu abattes un animal qui fera leur admiration. Au chant du coq, le chasseur mit en bandoulière son arc et ses flèches et partit vers une épaisse forêt. Il chassa toute la journée. Il n'eut pas de chance ce jour-là: il ne prit rien. Le soir, il se trouvait au cœur de la forêt. Là, il vit un grand aigle perché sur un arbre. Il lui dit: - Malheur à ta nichée, aigle que voici! J'ai chassé toute la
journée sans rien prendre, alors c'est toi que je vais tuer. L'aigle répondit: - Eh, bon chasseur du roi ! Tu ne gagneras rien à me tuer,
alors que moi, je vais t'enseigner la sagesse et l'espoir. Continue ta route dans cette épaisse forêt. Quand tu parviendras à la lisière, tu y trouveras un lac de lait; là, faistoi une cachette bien dissimulée. Demain, trois colombes arriveront à tire-d'aile. Elles se poseront près du lac de lait et se transformeront en trois jeunes filles. Elles se baigneront dans le lac, et toi, regarde-les depuis ta cachette. Vole les habits d'oiseau de celle qui les enlèvera en dernier. Quand toutes auront fini de se baigner, deux des sœurs remettront leur habit et s'envoleront. La sœur cadette cherchera sa tenue et restera. Ne trouvant rien, elle te dira: «si l'homme que voici a caché ma tenue, alors, je suis sa fille, et il est mon 13Le texte ossète emploie le titre de mœlikk, emprunté à l'arabe. - 45 -
père ». Ne lui dis rien. Elle te dira: «si tu es une femme, alors, tu es ma mère, et je suis ta fille ». Ne lui dis toujours rien. Elle te dira ensuite: «Si tu es un jeune homme, Dieu m'a destinée à toi ». Aussitôt, apporte-lui son habit et donnele lui. Alors, elle ne pourra plus s'envoler, et elle demeurera avec toi, et c'est elle-même qui te montrera quoi faire. L'aigle lui donna ce conseil. Le chasseur se mit en route dans l'épaisse forêt. Parvenu à la lisière, il y vit bien un lac de lait. Sur la rive, il se fit une cachette, s'y installa, et regarda. Au lever du soleil, trois colombes arrivèrent à tire-d'aile. Elles se posèrent près du lac et se transformèrent en jeunes filles. Le chasseur les vit ôter leur habit d'oiseau. Il vola l'habit enlevé en dernier. Quand les jeunes filles eurent fini leur baignade, elles allèrent reprendre leurs habits. Quand deux des sœurs se furent rhabillées, elles se retransformèrent en colombes et s'envolèrent. La sœur cadette chercha son habit et ne le trouva pas. Alors, elle comprit qu'elle ne pourrait plus s'envoler. En pleurs, elle s'écria: - J'ignore qui a caché mon vêtement. Si tu es un homme,
alors je suis ta fille, et tu es mon père; si tu es une femme, je suis ta fille, et tu es ma mère; et si tu es un jeune homme, alors tu es mon mari, et moi ta femme. Alors, le jeune homme lui rapporta son habit. La jeune fille lui demanda: - D'où es-tu, et de quoi vis-tu ?
Le jeune homme lui répondit: - 46-
- Je suis le chasseur du roi, je chasse pour lui, et je ne
possède rien sur cette terre.
La jeune fille lui dit: - Alors, Dieu m'a destinée à toi; partons ensemble.
Ils partirent et marchèrent dans la sombre forêt. Lorsqu'ils approchèrent des terres du roi, la jeune fille arrêta le chasseur et lui dit: - A l'instant, je vais me transformer en colombe. Mets-moi
dans ta poche, va chez ton roi et dis-lui: «Voici quelques années que je te sers, je chasse et je ne suis jamais revenu bredouille. Mais il y a trois jours que je chasse, et je n'ai pas trouvé le moindre volatile. Sans doute ai-je épuisé ma chance, et ne suis-je plus digne de demeurer avec toi. Mais puisque je t'ai servi longtemps, attribue-moi quelque parcelle de tes terres, où je puisse construire ma maison. » Il te répondra: «Va, et construis-la où tu veux! ». Réclame-lui une promesse écrite. La jeune fille se transforma en colombe, et le chasseur la mit dans sa poche. Puis il se rendit devant le roi et lui dit: - Que notre Dieu nous en soit témoin: je chasse pour toi
depuis plusieurs années, et je ne suis jamais rentré bredouille. Mais à présent, sans doute, ma chance m'a quitté, et je ne prends plus nul gibier. Et puisque je t'ai servi longtemps, donne-moi sur tes terres une parcelle où je puisse construire une maison. Le roi lui dit alors: -
Si tu ne souhaites plus vivre avec moi, va, et construis-toi
une maison là où tu le souhaiteras. Le chasseur repartit, sans demander de promesse écrite. - 47-
Lorsqu'il arriva sur la plaine, la colombe s'envola de sa poche et se transforma en jeune fille. - Que t'a dit le roi ? - Il m'a autorisé à construire une maison là où je le voudrais.
La jeune fille frappa le sol de son talon, et un bâtiment à sept étages en or et en argent apparut là. Les sujets du roi commencèrent à venir là pour demander conseil. Les conseillers du roi se réunirent eux aussi dans la demeure du chasseur, et c'est ainsi que ce dernier mit la main sur le royaume. Le roi en conçut de la rancœur: «voilà qu'il ne me reste rien en fait de royauté! ». Il convoqua ses conseillers et leur dit: - Conseillez-moi de telle sorte que j'obtienne la femme de ce
chasseur et que sa parcelle de terre me revienne aussi. Eux se mirent à réfléchir à ce qu'ils pourraient faire pour cela. Ils firent appeler le chasseur et lui dirent: - Va jusqu'à l'extrémité du ciel. Là-bas se trouve un ours
attaché par des chaînes de fer. Si tu l'amènes ici, tu conserveras et tes biens et ta femme. Autrement, tout cela reviendra au roi ; et toi, tu devras t'en aller et disparaître. Le chasseur rentra chez lui, alla en pleurs trouver sa femme, et celle-ci lui demanda: - Que t'arrive-t-il ? - Le roi te convoite. Et on m'a donné cet ordre: je dois aller
au bout du ciel, là où se trouve un ours attaché, et le ramener. Alors, la jeune femme lui donna une balle en or :
- 48-
~ - Va, jette à terre cette balle d'or, et emporte ce mouchoir avec toi. La balle va rouler, et toi, suis-la. Assieds-toi devant la maison où elle s'arrêtera, et quelqu'un sortira à ta rencontre. Le mouchoir à la main, le jeune homme suivit la balle d'or. Elle roula jusqu'à la porte d'une grande maison. Il s'assit près d'elle, gardant le mouchoir dans sa main. Là vivait la sœur - 49-
aînée de la jeune femme. Son enfant sortit, salua le jeune homme, et s'en retourna dire à sa mère: - Il y a un visiteur à notre porte, et il tient à la main le mouchoir de ta sœur cadette. Alors, la femme sortit elle-même, s'assit près du jeune homme et lui demanda des nouvelles. Il raconta son affaire. Comment ne pas l'accueillir pour la nuit? Au matin, la femme lui dit: - Suis cette balle. Quand tu approcheras du bout du ciel, ne cherche pas à aller plus loin. Laisse-la suivre son chemin. Elle parviendra au bout du ciel en une demi-heure. L'ours la flairera, se libérera, et la suivra. Alors, mets-toi en route aussI. Le chasseur suivit la balle d'or. Quand il approcha du bout du ciel, il sentit la puanteur de l'ours. Il laissa partir la balle, et s'assit. La balle parvint au bout du ciel. L'ours la flaira, se libéra, et partit à sa suite. Le chasseur, suffoqué par la puanteur de l'ours, partit en courant. Quand la puanteur de l'ours parvint jusque sur les terres du roi, les gens du pays en furent incommodés et dirent au roi : - Convoque prestement le chasseur, et qu'il reconduise cet animal là où ill' a trouvé, et l'y rattache! Ils envoyèrent donc un messager au chasseur. La balle repartit et parvint au bout du ciel, et l'ours se rattacha luimême. La balle revint, et le chasseur la remit dans sa poche. Il s'en retourna chez sa femme. - 50-
Les conseillers du roi se remirent à délibérer: « Quelle autre épreuve infligerons-nous à ce chasseur? » Et vraiment, ils lui en trouvèrent une grande! Ils convoquèrent une deuxième fois le chasseur et lui dirent: - Va - nous ne pouvons te dire où. Reviens avec ce que les
autres ne peuvent voir. Si tu le fais, tu conserveras tes terres et ta femme. Si tu ne le fais pas, ta femme et ta maison reviendront au roi, et toi, on te coupera la tête. Le chasseur rentra chez lui en larmes. Sa femme lui demanda: - Qu'ont-ils décidé de te faire? - Il faut que j'aille chercher ce que les gens ne voient pas. Et
que diable les gens ne peuvent-ils voir sur cette terre? La femme lui tendit la balle d'or. - Allez, suis-la!
Le jeune homme se mit à suivre la balle d'or. La balle roula jusque sous les murs d'un grand château. Le chasseur sortit le mouchoir de sa femme et s'essuya les mams. La sœur de sa femme sortit à sa rencontre, se réjouit de sa venue et l'invita chez elle. Elle lui demanda où il se rendait. Il lui raconta ses aventures et lui dit: - Si tu as ce que je cherche, donne-le moi.
La jeune femme lui dit alors: - Je suis la maîtresse des bêtes sauvages.
Elle appela les bêtes. Et elle se mit à les interroger: -
Qui saurait ce que les gens ne peuvent voir? - 51 -
- Personne d'entre nous. Mais là-haut dans les montagnes vit un renard boiteux. Si ce que tu cherches existe, lui le saura. Ils firent appeler le renard boiteux, et celui-ci leur dit: - J'ai une telle créature, et c'est elle qui me fait vivre, car
moi, je ne peux ni travailler ni me déplacer. La femme lui dit alors: - Il faut que tu la donnes au chasseur.
Le renard désespéré partit devant le chasseur. Ils allèrent à son terrier, dans la montagne. Là, le renard fit asseoir le chasseur et dit: - Créature! Verse de l'eau sur nos mains, et apporte-nous à
manger et à boire! On leur versa de l'eau sur les mains, et on leur apporta à boire et à manger, mais ils ne virent pas qui. Le renard dit alors: - Tu ne m'appartiens plus: suis le chasseur. Le chasseur se mit en route. De temps en temps, il demandait: - Hé, créature, où es-tu ? - Je suis là, ne crains rien.
Car ses yeux ne la voyaient pas. Et voici qu'à l'entrée d'un pont était assis le gardien des lieux, et le chasseur l'interpella: - Que Dieu t'assiste, gardien! Le gardien lui répondit: - Et toi aussi! Assieds-toi, et mangeons un morceau! Le chasseur s'assit et dit: - 52-
- Créature! Verse de l'eau sur nos mains, et apporte-nous à
manger et à boire!
On leur versa de l'eau sur les mains, et on leur apporta à boire et à manger, mais leurs yeux ne virent pas qui. Le gardien dit alors: - Montre-moiton serviteur invisible. - Si tu ne peux le voir, moi non plus.
Le gardien entra chez lui et y prit une fœndyr/4 à douze cordes. Il détendit la corde gauche. Et des Cosaques armés de lances se mirent à sortir de l'intérieur de l'instrument. Ils emplirent les champs au point qu'il n'y avait plus de place pour marcher. Le gardien resserra la corde de sa fœndyr, et les Cosaques se précipitèrent à l'intérieur. - Voilà ce que peut faire cette fœndyr, chasseur; je te la donnerai, en échange de ta créature. Même si tu avais sept rois contre toi, tu pourrais faire sortir les Cosaques pour te défendre. Le chasseur lui répondit: - Je ne te donnerai ma créature à aucun prix.
La créature lui murmura alors: - Prends safœndyr; ne crains rien, je t'appartiens quoi qu'il arrive. Il ne me voit pas, il ne pourra pas m'attacher. De toute façon, je te rattraperai vite. Il prit la fœndyr. Il abandonna la créature. Celle-ci le rattrapa en route. Et lafœndyr aussi resta au chasseur. Ils s'en allèrent, et voici qu'un vieillard était assis au sommet d'un tertre. Et ce vieillard dit au chasseur: - Bonne route, pauvre homme! 14
L'instrument
à cordes ossète traditionnel. - 53 -
- Que Dieu te bénisse!
Le chasseur s'assît à côté de lui. La créature leur apporta à boire et à manger. Alors, le vieillard jeta devant eux sa canne. La canne se transforma en co11înede fer. La co1lîne se mit à tournoyer sur elle-même et à écraser les monts et toute la contrée. - Je te donnerai cette canne, en échange de ta créature. Ils firent l'échange, mais le chasseur usa de la même ruse. La créature le rattrapa en chemin. Alors, le chasseur fit sortir ses troupes de l'intérieur de la fœndyr sur les terres du roi, puis jeta la canne, et tout fut dévasté. Il garda sa femme, sa maison, et la créature.
-
-54-
LE CONTE DU PRINCE DE L'EST ET DU PRINCE DE L'OUEST
I
l advint que la jument du prince de l'Ouest mit au monde un poulain. Le poulain nouveau-né s'avéra un œfsurghI5. La rumeur en gagna d'abord les villages voisins, puis se répandit plus loin. Le prince de l'Ouest et son peuple s'en réjouirent. Comment ne s'en seraient-ils pas réjouis? Ils espéraient qu'avec ce poulain, ils amélioreraient leur race de chevaux, et que les œfsurgh seraient plus fréquents dans leur pays. Mais la joie du prince et du peuple ne dura pas. La nouvelle de la naissance du poulain atteignit le prince de l'Est. Le prince en perdit le sommeil: depuis longtemps, lui aussi convoitait un œfsurgh, mais il n'en avait jamais obtenu. Alors, il envoya des émissaires au prince de l'Ouest. Les émissaires se rendirent chez lui et lui dirent: - Le prince de l'Est nous a envoyés à toi. - Pourquoi? leur demanda le prince de l'Ouest. -L'étalon de notre prince, alors qu'il paissait à l'Est, a henni, et ta jument a entendu son hennissement. La jument est devenue grosse, et a donné naissance à ton œfsurgh. Notre prince nous envoie donc à toi maintenant, car l' œfsurgh revient au propriétaire de l'étalon. Et il te demande poliment de le lui envoyer sans résistance, sans violence, selon la coutume. Sinon, il enverra une armée s'emparer du cheval, et il ne te pardonnera sans doute pas de ne pas lui avoir obéi. Le prince de l'Ouest dit aux émissaires: - Je vous prie de demander au prince de l'Est qu'il m'accorde
un délai de quelques mois pour lui amener le cheval. - Nous transmettrons cela au prince, nous lui demanderons d'attendre le temps que tu souhaiteras. Ayant parlé, les 15 Race mythique de chevaux aux propriétés - 55 -
merveilleuses.
délégués firent leurs adieux au pnnce retournèrent dans leur pays.
de l'Ouest
et
Le prince de l'Ouest convoqua son peuple, et lui dit pourquoi les émissaires étaient venus. Le prince et le peuple délibérèrent. Ils conclurent que le prince de l'Est leur faisait violence pour s'emparer de leur poulain. - Il n'y a rien à faire, dirent le prince et ses conseillers, nous
comprenons qu'il nous insulte, mais nous n'avons pas le choix. Nous ne pourrons pas l'affronter: il sera le plus fort, il a une armée plus nombreuse. Cependant, choisissons des hommes et envoyons-les, peut-être fera-t-il des concessions. Nul ne voulait partir comme émissaire; ils discutèrent longuement, et finalement trois hommes acceptèrent contraints et forcés. Les émissaires se préparèrent à leur voyage, se mirent en selle et partirent supplier le prince de l'Est. En leur cœur, ils se sentaient comme envoyés en enfer, parce qu'ils savaient combien le prince de l'Est était dur. Ils allèrent longtemps, et arrivèrent à un village. A cette endroit, au croisement de trois voies, ils virent un garçon qui ramassait du petit bois et des brindilles; il y mit le feu et cna: - Au feu! Au feu! Par ici, réchauffez-vous!
Les émissaires s'étonnèrent; le comportement du garçon leur paraissait très étrange. Quand ils s'approchèrent de lui, ils arrêtèrent leurs chevaux, et l'un d'eux lui demanda: - Que fais-tu, au croisement de ces trois voies? Tu vas
mettre le feu au village. -
Ne craignez rien pour le village, dit le garçon, et il hurla de
nouveau: «Au feu! Au feu! Réchauffez-vous! ». - 56-
- Mais qui a besoin de ton feu? Le soleil chauffe déjà! - Au feu! Au feu! criait le garçon, en ramassant
des
brindilles et en les jetant au feu.
Qu'est-ce que cela peut bien être? se demandèrent entre eux les émissaires qui restaient à cheval, - Il ne faudrait pas
-
que ce soit un fou, sinon il va mettre le feu au village. Et ils lui demandèrent encore: - Tu as un père?
-Oui. - Et où est-il? - Aujourd'hui, bagarre. -
au lever du soleil, il est parti chercher
la
Et ta mère? Ma mère a été prêtée pour une délégation funéraire. Aurais-tu un frère, par hasard? l'ai un frère, il est là-bas en train de chasser dans la friche
derrière la maison.
Les cavaliers s'entre-regardèrent, n'ayant rien compris à ce que disait le garçon; ils reprirent leur route. Le garçon recommença à crier: - Au feu! Au feu! Au feu!
Les émissaires trottèrent quelque temps, puis commencèrent à discuter. - Nous n'avons pas compris pourquoi ce garçon faisait du
feu. - Ce n'est rien, mais pourquoi hurler «au feu! au feu! »?
c'est une curieuse histoire. - Alors, à mon avis, nous n'avons pas compris une seule de
ses réponses. - Le père parti chercher la bagarre, la mère prêtée pour une
délégation funéraire, et le frère qui chasse dans la friche... Revenons en arrière et vérifions ce que ces propos voulaient dire. - 57-
Ils s'en retournèrent et demandèrent au garçon: - Pour quelle raison ton père est-il parti chercher la bagarre?
-Nous avons un petit lopin de terre au carrefour de sept chemins, et le jour n'était pas encore levé quand mon père est parti le retourner. Excusez-moi, mais si vous labourez la terre au carrefour de sept chemins, comment les gens qui les empruntent ne la piétineraient-ils pas? Il sera obligé de se battre autant de fois qu'il y aura de passants sur ces sept chemins, parce qu'ils détruiront son bien. Les émissaires s'entre-regardèrent. - Et qu'appelle-tu être prêté pour une délégation funéraire?
-Un jeune homme est mort, et ma mère est allée là-bas; si demain c'est moi qui meurs, on viendra chez ma mère pour partager son deuil. Comment appeler cela autrement qu'un emprunt? - Comment faut-il comprendre, alors, le fait que ton frère
chasse dans la friche? - Là-bas, près de la maison, il a enlevé sa chemise et il y
cherche la vermine. Les émissaires descendirent de cheval et lui racontèrent où ils allaient, pour quelle raison, et qu'ils n'avaient guère de confiance ni dans le prince de l'Est, ni en eux-mêmes; ils craignaient d'échouer et que le prince leur fasse du mal, car c'était un homme très mauvais. - Peut-être, mon garçon, pourrais-tu faire quelque chose? - Je pense pouvoir arranger votre affaire, si vous m'envoyez
comme émissaire. - Très bien, alors, retournons chez notre prince de l'Ouest, et
nous expliquerons l'affaire pour qu'il t'envoie à notre place. Le garçon séjourna quelque temps chez le prince de l'Ouest. Le prince pourvut à tous ses besoins, de sorte qu'il ne lui - 58 -
manquait rien, il le traita avec prévenance, comme on traite un hôte de qualité. Un jour, le garçon remarqua que le prince avait l'air très angoissé, et lui demanda: - Pardonne-moi, prince, mais il me semble que quelque chose t'inquiète. - C'est vrai, dit le prince, j'ai obtenu du prince de l'Est qu'il
me laisse un délai dans l'affaire du poulain de l' œfsurgh. Le délai s'achève, et je n'ai pas trouvé de bon moyen de garder le poulain. Je crains qu'il ne m'attaque; dans ce cas, il s'emparera du poulain, et je ne sais ce qu'il pourra me faire, à moi. L'inquiétude me ronge. - Tu t'inquiètes de cela? Laisse-moi régler l'affaire. Je ferai en sorte que tu gardes le poulain, et que le prince de l'Est ne vienne plus aux frontières de ton territoire. Envoie-moi seulement comme émissaire. - Je ne peux rien demander de mieux à Dieu: je te donnerai la moitié de mes biens, dit le prince. - Alors je pars comme émissaire chez le prince de l'Est. Mais donne-moi pour mon voyage ce que je te demanderai. - Tout ce que tu demanderas sera prêt quand tu le voudras! dit le prince. - Bien, alors. Trouve-moi un grand chameau et un bouc à la longue barbe, donne-moi aussi cent cavaliers: voilà ce qu'il me faut pour mon voyage. Le garçon partit chez le prince de l'Est. Cent cavaliers le suivaient, avec un chameau et un bouc barbu. Ils allèrent longtemps, longtemps, qui sait combien de temps. Un jour, ils parvinrent au village du prince de l'Est. - Au bout du village, nous allons nous diviser. La moitié d'entre nous va trotter dans les rues du village, et tous les chiens du village vont se précipiter sur leurs traces. A ce moment, l'autre moitié va suivre les chiens, pour que ceux-ci se trouvent au milieu de la cavalcade. Voyez, dès que les - 59-
chiens seront au milieu, commencez à les tuer, pour qu'il n'en reste aucun vivant. Ensuite, nous nous rendrons à la maison d'hôtel6 du prince. Bien sûr, les gens seront très tachés, ils réclameront des explications, mais surtout ne dites rien. Quoi qu'ils vous disent, qu'aucun d'entre vous ne réponde. Ils firent ce qu'ils avaient décidé. Dès que le vacarme commença dans les rues du village, l'aboiement des chiens retentit. Les chiens du village se mirent entre les cavaliers; les cavaliers les massacrèrent tous. Puis ils firent mine de rien et s'arrêtèrent à la maison d'hôte du prince de l'Est. La foule s'émut, s'assembla devant la maison d'hôte, et l'endroit commença à bourdonner. Certains habitants disaient: « Il faut les tuer, vengeons nos chiens! » les autres: «Si nous les touchons à l'insu du prince, alors, vous le connaissez, il pourrait se fâcher. Croyez-le, non seulement nous ne ferons pas revenir nos chiens, mais sa vengeance ne nous fera pas plaisir: il va tuer la moitié du village, peut-être le brûler. Pensez que les coupables sont ses hôtes! » «Et alors, quoi? » «Alors, choisissons des hommes parmi nous et envoyons-les au prince. Ils lui expliqueront l'affaire, et nous saurons que faire. » Les émissaires se rendirent chez le prince, et lui présentèrent l'affaire. Le prince leur dit : - Allez demander à ces gens pourquoi ils ont tué tous les
chiens du village. Que leur avaient-ils fait? Ils se rendirent à la maison d'hôte et posèrent la question. Les visiteurs ne dirent rien. Les émissaires s'entre-regardèrent.
16
L'habitation indépendante qui est, au Caucase, à la disposition des invités. La mention du « village» du prince reflète bien la taille réduite de ces seigneuries ossètes!
- 60-
Alors le garçon prit la parole, et parla, parla, il leur raconta toutes sortes d'histoires, sans jamais s'approcher du sujet. Les émissaires attendirent vainement une réponse, puis ils retournèrent chez le prince et lui dirent: - Les visiteurs sont un garçon et cent hommes. Nous les
avons interrogés, et les cent hommes n'ont rien voulu nous dire, ils sont restés muets comme des pierres. Mais le garçon, puisse-t-il crever, cet avorton, a commencé à parler et alors, aïe-aïe! De quoi n'a-t-il pas parlé, nous attendons en vain la réponse, mais - rien ni jamais. - Retournez-y et dites-leur que c'est un homme à la large poitrine et à la petite tête qui doit donner la réponseI7. A cela, le garçon fit amener le chameau et leur dit: - Vous ne trouverez dans le monde ni poitrine si large ni tête
si petite sur quiconque. Mais il est douteux qu'il vous fasse une réponse digne de la largeur de sa poitrine. Quand on lui fit part de la réponse du garçon, le prince se gratta la tête. - Dites-leur qu'il faut qu'un barbu vous donne la réponse.
Alors, le garçon fit venir le bouc devant les émissaires. - Croyez-moi,vous ne trouverez pas beaucoup de barbes plus
longues et belles, même si vous cherchez durant toute une année. Mais je pense que vous n'allez pas exiger de sa part une réponse. Les émissaires rapportèrent une fois de plus les paroles du garçon au prince de l'Est. Il secoua la tête et dit :
17 Probablement, cette description s'oppose (comme la suivante: «un barbu ») à l'aspect du jeune homme, que le prince ne prend pas au sérieux.
- 61 -
- Je ne suis pas là en présence de n'importe quel hôte. J'y
vais moi-même.
Le prince souhaita la bienvenue à ses visiteurs, prit la place qui lui revenait, puis demanda: - Pourquoi avez-vous tué tous les chiens du village?
Les cent hommes se turent, et le garçon prit la parole: - Que pouvions-nous faire d'autre, prince, je te prie? Nous
sommes partis aussi nombreux à la chasse, nous nous approchions d'un bois, du côté de l'ouest. Nous avons vu, au moment où le soleil est passé au-dessus de la lisère du bois, cent cerfs qui paissaient au milieu de I'herbe, et pas de simples cerfs, mais tous puissamment cornus. Nous nous sommes préparés, chacun a visé un cerf, et au moment où nous pensions les tuer, les chiens de votre village ont aboyé, les cerfs ont pris peur, et ils ont disparu à notre vue. Qu'aurais-tu fait, prince, à notre place? Ne fallait-il pas tuer ceux qui nous ont privés de tant de cerfs? Le prince réfléchit puis dit: - Soit, vous avez trouvé cent cerfs à la lisière du bois, loin,
là-bas, à l'ouest, mais je vous demande alors comment l'aboiement des chiens pouvait être entendu aussi loin, alors qu'un cavalier ne peut y arriver en une semaine? - Prince, à ce propos, je vais te raconter une petite histoire, si tu es disposé à m'écouter, dit le garçon. - Je t'écoute, raconte, cher hôte, répondit le prince.
- Quelque part, très loin du côté de l'Ouest, à une extrémité du ciel, la jument d'un prince donna naissance à un poulain. Cette nouvelle parvint à un autre prince, qui habitait à l'autre extrémité du ciel, à l'Est. Ce dernier convoita le poulain, et je vais te raconter comment il eut des soupçons sur la naissance de l'animal. Il envoya au prince qui possédait le poulain le message suivant: «Mon étalon a henni au bord de la mer, à l'Est, ta jument l'a entendu à l'Ouest et t'a donné un poulain. - 62-
Puisque c'est le poulain de mon étalon, il est à moi, fais~le moi parvenir vite.» Et maintenant, prince, j'oserai te demander: si cette dernière histoire est vraie, pourquoi la première ne le serait~elle pas? Ou bien l'aboiement de tous les chiens ne serait~il pas aussi fort que le hennissement d'un seul étalon? Le prince fut mal à l'aise. Après une longue pause, il dit : - J'ai chéri une fille unique durant de longues années; jusqu'à présent, je n'ai jamais rencontré un jeune homme qui me plaise. Mais je crois bien que tu me conviendras comme parent. Je te confie mon unique fille chérie; et que le prince de l'Ouest soit tranquille pour ce qui concerne son poulain. Le garçon emmena la fille du prince de l'Est et s'installa chez l'autre prince. Le prince de l'Ouest célébra le mariage. Les gens firent bombance à la noce.
.
~63~
LE FILS DU PAUVRE HOMME
I
l y avait un homme, un pauvre homme, et il s'en alla labourer avec son petit garçon. Le garçon s'endormit immédiatement dans un sillon et fit un rêve. Le père alla vers son garçon et l'éveilla, et lui fit ce reproche: «pourquoi t'es-tu endormi au travail? » Le garçon lui dit: - Pourquoi m'as-tu réveillé? je faisais un rêve merveilleux. - Quel rêve? -
Je ne te le dirai pas.
Le père battit son fils et le chassa de la maison. Le garçon s'enfuit: qui sait combien de temps il fuit, beaucoup ou un peu, mais il atteignit quelque part le village d'un roi, il se rendit au palais de ce roi et attendit aux portes: il marchait de long en large, et il patientait. Le roi l'aperçut, appela ses serviteurs et dit : - Amenez-le ici rapidement, et demandez-lui ce qu'il fait à
ma porte. Ils le rejoignirent, l'interrogèrent sur ce qu'il faisait aux portes du palais, sur ce qu'il attendait. Le jeune homme dit: - Mon père m'a chassé de chez nous, et je me suis enfui. - Pourquoi?
Je me suis endormi dans un sillon, j'ai fait un rêve et je ne lui ai pas raconté ce que j'avais vu en songe. Il m'a interrogé, mais que lui aurais-je dit? J'ai souri, c'est tout. - Et alors, quel rêve as-tu fait? - Je ne le dirai pas, mais dites au roi qu'il me donne du
travail.
- 64-
Quoi que fissent les serviteurs du roi, il ne leur dit pas ce qu'il avait vu en songe. Les serviteurs se présentèrent au roi et lui transmirent les paroles du jeune homme. Quand ils les eurent répétées, le roi fit appeler le jeune homme pour l'interroger lui-même. -
Qu'est-ce que tu fais ici, mon garçon? demanda le roi.
- J'ai fui la maison de mon père, et toi, confie-moi un travail. - Je te ferai donner du travail, mais raconte-moi ce que tu as
vu en rêve. - Je ne te le raconterai pas, dit le jeune homme. -
Tu ne raconteras pas? se fâcha le roi. Mettez-le vite en
prison, dans un trou sous la terre, et tant qu'il ne racontera pas son rêve, ne le laissez pas sortir, ne lui donnez ni à boire, ni à manger. Ils emmenèrent le jeune homme. Ils le jetèrent dans le trou. Le roi avait trois filles, plus belles l'une que l'autre. Et la fille cadette avait entendu le roi son père interroger le jeune homme et le faire mettre en prison. Le jeune homme lui plaisait beaucoup. La fille lui apporta en cachette de l'eau et du pain, pour qu'il ne meure pas. Or, le roi avait un fils, et on voulait le marier. On envoya des émissaires au souverain18 d'un autre pays, pour qu'il donne sa fille au fils du roi. L'autre souverain fut d'accord, mais dit: - S'il sait répondre correctement aux deux questions que je
vais poser, je lui donne ma fille, autrement, c'est non. - Bien, dirent les émissaires, quelles sont ces devinettes?
18Le texte emploie le même tenne pour désigner les deux personnages; nous les avons ici identifiés respectivement comme « roi» et « souverain» pour faciliter la compréhension du récit. - 65-
- Voici la première: j'ai ici deux œufs de poule. Que le fils
du roi, qui demande la main de ma fille, devine: lequel contient un coq, et lequel une poule?
- 66-
Les émissaires revinrent et racontèrent à leur roi quelle devinette on leur avait posée, quelle réponse on leur avait donnée chez l'autre souverain. Ils réfléchirent longuement, mais qu'auraient pu trouver le roi et son fils à marier? Alors, la fille du roi apporta au jeune homme de l'eau et du pain, les lui passa par une petite ouverture, et lui raconta les affaires en cours et la devinette de l'autre souverain. Le fils du pauvre homme rit et dit à la fille cadette du roi : - Rien de plus facile! Que l'on jette les deux œufs dans
l'eau, dans un seau en bois, et celui qui restera à la surface de l'eau sera celui contenant le coq, celui qui coulera sera celui contenant la poule. Lorsque la fille remonta dans les étages du palais et vit les dos courbés et les têtes baissées de ses proches, elle leur dit: - Pourquoi êtes-vous aussi accablés? L'œuf qui flottera dans l'eau d'un seau sera celui du coq, celui qui coulera, celui de la poule. Le roi se réjouit. Il donna la réponse à ses émissaires, et les renvoya chez l'autre souverain. - C'est juste, dit ce dernier, lorsqu'ils donnèrent la réponse à
la devinette. Ma seconde devinette sera donc la suivante: quel est l'aîné de deux étalons jumeaux nés en même temps? Les émissaires du roi s'en retournèrent encore une fois et firent connaître la deuxième devinette. Ni le fils du roi, ni le roi lui-même, ne répondirent à la question. La fille cadette du roi présenta la deuxième devinette au jeune homme. Il rit et dit: - C'est vraiment simple. Il faut mener à l'écurie les deux
étalons. Qu'ils y restent trois jours sans eau. Ensuite il faut leur ouvrir la porte, et celui des deux qui bondira le premier dehors, celui-là sera né avant l'autre. - 67-
Le roi renvoya ses émissaires. Ils donnèrent la réponse à la seconde devinette de l'autre souverain. Et celui-ci se réjouit que son futur gendre soit un homme intelligent. Et il dit aux émissaires: -
Je suis d'accord pour m'allier à mon voisin le roi, en
donnant ma fille à son fils. Qu'il renvoie ses émissaires à mon palais, et à leur suite les marieurs. Les émissaires du roi s'en retournèrent, et lui rapportèrent les paroles de l'autre. Il se demanda pourquoi l'autre souverain invitait d'abord des émissaires, et si cela cachait une autre devinette, puis s'inquiéta de savoir qui il enverrait. Tout cela, la fille cadette du roi le raconta d'un bout à l'autre au fils du pauvre homme, alors qu'elle lui apportait en cachette de l'eau et du pain. Le jeune homme dit: -
Qui que l'on envoie comme émissaires et marieurs, il
dressera devant eux des obstacles. Mais si le roi m'envoyait accompagner le guide de la fiancée et le médiateurl9, avec trois hommes de mon choix, et si les mariés arrivaient plus tard, alors l'affaire serait possible. Ensuite je dirai encore un mot au roi, et il devra agir en conséquence. La fille remonta à l'étage et rapporta à son père les paroles du jeune homme. Le roi se fâcha: -
Je lui ferai couper la tête pour ces paroles et je la planterai
sur un pieu pointu. Alors, la fille avoua à son père:
19 Personnages qui jouent des rôles définis dans le rituel du mariage traditionnel (description détaillée dans Khetagourov, 2005). - 68-
- Si ce jeune homme n'était pas chez nous, nous n'aurions
pas compris les énigmes de l'autre souverain. - Et en quoi le jeune homme t'a-t-il aidée?
-Tout ce que je disais, c'est ce qu'il m'avait dit.
Lorsque le roi entendit cela, il ordonna à ses serviteurs et à ses geôliers de libérer immédiatement le jeune homme et de le lui amener. Quand on amena au roi, à l'étage du palais, le fils du pauvre homme, le roi dit: - Je suis d'accord avec tes paroles. Va, avec le guide de la
fiancée et le médiateur, et prends avec toi qui tu veux comme compagnons. Mais que veux-tu me dire de plus? Le garçon lui fit comprendre par des paroles détournées, des regards et la tonalité de sa voix, qu'il souhaiterait épouser sa fille cadette. Le roi lui dit: - Si tu te montres fidèle jusqu'au bout à notre maison, alors
nous pourrions devenir parents. La fille cadette du roi rougit en entendant cela et s'enfuit dans une autre pièce, et le fils du pauvre homme baissa les yeux. Quoi qu'il en soit, le fils du pauvre homme, le guide de la fiancée du fils du roi, et le médiateur, se mirent en selle et s'en furent chez l'autre souverain. Ils vont, et voici que sur la rive d'un grand fleuve se tient un homme, qui boit le fleuve d'un seul coup, et le fleuve en est asséché, puis il le recrache. «Celui-ci nous sera utile », pensa le jeune homme, et il l'emmena aussi comme émissaire chez l'autre souverain. - 69-
Ils vont, et voici qu'en un autre endroit, au milieu d'une plaine, un homme est allongé sur le sol et écoute la terre. « Et celui-ci, que fait-il? », pensa le fils du pauvre homme. Lorsqu'ils furent proches, il lui dit: -
Que Dieu t'aide!
- Vous aussi. - Que fais-tu? - Les serpents délibèrent dans les profondeurs de la terre, et
je les écoute. « Il va nous être utile », pensa le jeune homme, et il lui dit: - Tu ne viendrais pas avec nous chez l'autre souverain? - Je viendrais bien, répondit-il.
- Allons, alors. Et il partit avec eux. Ils vont, et ils arrivent au pied d'une montagne. Ils regardent,
et un chasseur vise de sa flèche - et s'arrête. «Ce chasseur aussi nous rendra homme, et il lui demanda:
service », dit le jeune
- Que vises-tu, bon chasseur? - Derrière sept montagnes paissent des mouflons, c'est eux
que Je VIse. - Accompagne-nous -
comme émissaire, si cela te convient.
Où et chez qui allez-vous comme émissaires?
- Pour le fils de notre roi, chez un autre souverain. - Pourquoi n'irais-je pas avec des gens aussi lestes?
fit le
chasseur, et il s'en alla avec eux.
Ils allèrent un moment. Le garçon voit qu'un homme est assis au bord de la route, des meules de moulin attachées aux genoux, et dans cette position il attrape un lièvre, le relâche et le rattrape. « Cet homme aussi nous sera utile en son temps» pensa le jeune homme, et ill' emmena aussi avec eux comme émissaire. Ils étaient maintenant sept. - 70-
Ils allèrent longtemps, mais voici qu'ils parvinrent au palais de l'autre souverain. Ils virent que le palais de cuivre, à plusieurs étages, était en feu et luisait de loin. Les serviteurs du souverain sortirent devant les émissaires, suivis du souverain lui-même, et les invitèrent dans le palais en feu.
« Pour que nous y brûlions - se dit le fils du pauvre homme mais nous trouverons un remède»; et il dit à l'oreille de celui qui buvait d'un coup le fleuve: « crache ton fleuve sur le palais ». L'homme cracha d'un coup le fleuve sur le palais en feu, le palais siffla et se refroidit tout de suite. Alors les émissaires entrèrent dans le palais, dans la maison d'hôte, et le jeune homme dit : - Il fait bien sombre, chez vous!
Les serviteurs du souverain ne disaient plus rien, et lui-même déclara: -
Vous avez gagné encore une fois, mais maintenant
affrontons-nous dans une course: un homme de chez vous, un de chez nous. - Bien, dit le fils du pauvre homme.
Alors l'autre souverain fit venir chez lui une sorcière et lui dit: - Nous devons l'emporter sur les émissaires. C'est l'homme
qui a des meules de moulin attachées aux genoux qui va courir pour nos hôtes. Et que pourra-t-il faire? Rien! Alors, qui doit courir pour nous? - Moi ,répondit la sorcière, moi-même. Je prendrai avec moi
sept bouteilles d'eau-de-vie de première distillation. Et je vais saoûler celui de nos hôtes qui fera la course. Le souverain accepta le conseil de la femme, et lui fit un beau cadeau. - 71 -
Alors deux coureurs: celui de l'autre souverain - la sorcière - et celui des émissaires - I'homme qui avait des meules de moulin attachées aux genoux - s'élancèrent. Ils s'arrêtèrent au pied d'une montagne après avoir traversé trois champs, et la sorcière était une belle femme. Elle fit boire une bouteille à I'homme, puis la seconde, la troisième, la quatrième, la cinquième, la sixième; elle mit la septième bouteille à son chevet, elle bondit et commença à courir pour arriver la première. Alors le jeune homme demanda à celui qui écoutait la terre: -Entends-tu le bruit de la course d'un homme ou d'une femme? L'homme posa son oreille sur la terre et écouta, puis dit: - C'est le bruit de la course d'une femme qui me parvient aux oreilles. Le jeune homme demanda au chasseur: - Regarde pourquoi notre coureur tarde. Il regarda et vit: I'homme aux meules de moulin attachées aux genoux était endormi et ronflait, une bouteille d'eau-devie à son chevet. La femme, elle, courait, et allait bientôt arriver au but. Il raconta au jeune homme ce qu'il avait vu. - Aïe, comment accepter la défaite? pensa le jeune homme,
et il dit au chasseur: - Réveille notre coureur.
Le chasseur tira une flèche, et la bouteille de boisson éclata au chevet de l'homme. Celui-ci sursauta, regarda autour de lui, et, ne voyant plus la femme devant lui, il se leva et arriva en un clin d'oeil au but alors que la sorcière n'avait même pas parcouru la moitié du chemin. - 72-
L'autre souverain se sentit mal à l'aise, et ses serviteurs aussi. Mais qu'y pouvait-il? Les émissaires du roi l'avaient emporté sur lui, ils avaient vaincu en tout. Et il accepta de donner sa fille au fils du roi. A ce moment arrivèrent également les marieurs. Ils discutèrent, ils mangèrent chez l'autre souverain tout un jour, puis ils prirent la fille avec eux et s'en allèrent. Alors, trois envieux20 jalousèrent le fils du roi, parce qu'il avait épousé une si belle fille. Et ils souhaitèrent le perdre. Ils dirent: «nous mènerons un cheval fou aux jeux de ses noces. S'il le monte pour montrer son adresse,21 il périra. Si nous ne réussissons pas, nous trouverons autre chose. Qui entendra nos paroles et les répétera au jeune homme, qu'il se transforme en pierre. » Ils menèrent le cheval à la fête, et lorsque le fils du roi voulut le monter pour montrer son adresse, le fils du pauvre homme s'approcha de lui et le retint par le bras. Le fils du roi se fâcha, mais quelqu'un d'autre monta le cheval et périt aussitôt; en voyant cela, le fils du roi se réjouit et remercia le jeune homme. Ensuite, les envieux s'entendirent pour que quelqu'un donne un pistolet au fils du roi, et que l'arme éclate pour qu'il en meure. Et le pistolet fut remis au fils du roi. Le jeune homme frappa sa main, le pistolet tomba par la fenêtre et éclata dehors.
20
21
Le texte ossète dit bizarrement « trois prophètes» (pakhumpar).
Il s'agit de la gymnastique équestre que l'on désigne par le terme russifié de « djiguitovka », et qui a rendu célèbres les cavaliers caucasiens et les Cosaques.
- 73 -
Alors, les trois envieux dirent: «introduisons chez le fils du roi, pendant qu'il reposera au côté de sa femme, son enfant dans ses bras (car alors, un fils leur était né), un serpent qui les mangera. » La nuit, alors que le fils du roi, sa jeune épouse et son enfant dormaient profondément, le serpent apparut dans le palais, et il allait, ah! manger le fils du roi, quand le jeune homme pauvre surgit, car il savait à l'avance. Il surgit, il décrocha du mur le sabre du fils du roi, et il coupa en morceaux le serpent et empila les rondelles. Lorsqu'il voulut remettre en place le sabre, le fils du roi s'éveilla. Il s'éveilla, et quand il vit son sabre dans la main du fils du pauvre homme, il s'écria: «Celui-ci voulait me tuer », et se mit en rage. Le jeune homme le rassura, mais l'autre ne se calma pas et le menaça: «Je vais te faire couper la tête. On voulait donner notre sœur cadette à ce fils de miséreux, alors qu'on aurait dû le laisser moisir dans son trou! » Le jeune homme le tranquillisa: - Je t'en prie, dit-il, calme-toi. J'ai tué le serpent pour qu'il
ne te mange pas, et je t'avais rendu beaucoup d'autres services. Il lui fit voir la pièce où étaient empilées les rondelles du serpent. Comme l'autre ne se calmait toujours pas, le jeune homme lui dit: - Si je te raconte la vérité, je serai perdu; ne me tue pas. -
Et alors, personne d'autre n'est jamais mort, peut-être?
demanda le fils du roi. Il n'y avait plus rien à faire, et le jeune homme raconta au fils du roi ce que s'étaient dit les trois envieux et comment ils voulaient l'assassiner. Dès qu'il eut raconté, il se transforma en pIerre. - 74-
Combien le regrettèrent le fils du roi, la maisonnée du roi, et surtout sa fille cadette! Les larmes baignèrent son visage. Elle partit pour un endroit lointain, voir les deux vieillards qui habitaient entre deux montagnes: un vieil homme et une vieille femme, si vieux que des verrues leur avaient poussé au bout du nez. Elle se plaignit à eux et dit: - Sauvez le fils du pauvre homme, né brave et sage, qui est
l'espoir du roi et de son peuple. Les vieux répondirent: - Il est bien difficile de ranimer une pierre: il y faut le sang
d'un roi. Faites fondre son enfant et arrosez-en la pierre. Si vous ne le faites pas, tous les parents du roi se transformeront en pierres par pitié pour le jeune homme. Ayant entendu ces paroles, la fille cadette du roi revint chez elle silencieuse, suivie de ses serviteurs. Quand elle arriva au palais, elle raconta ce que le vieil homme et la vieille femme lui avaient dit. Lorsque la jeune épouse fut endormie, on ôta l'enfant de ses bras, on le fit fondre et on renversa le chaudron bouillant sur la pierre. Le fils du pauvre homme reprit son aspect précédent, s'éveilla, et avec lui l'enfant de la jeune épouse, qui se retrouva, riant, dans ses bras. Comme ils se réjouirent!
- 75 -
Et le roi donna sa fille cadette au fils du pauvre homme. Et lui revint dans la maison de son père et raconta sa réussite à son vieux père. - l'avais tout vu dans mon rêve, mais je n'avais pas osé te le dire, fit le jeune homme. Et dès lors, il vécut heureux avec son vieux père et sa jeune épouse.
la
-76-
QUEL ETAIT LE MEILLEUR DES OBJETS?
I
l était une fois une femme et un homme. Ils avaient une fille unique. Elle était si belle, que trois fils de princes s'en vinrent un jour la demander en mariage. Les prétendants furent reçus, on les régala. La fille et son père les observèrent et demeurèrent perplexes: les trois étaient si plaisants, que la fille et son père hésitaient. Alors le père se présenta devant les trois fils de princes et leur dit: - Vous nous êtes également agréables, tous les trois, à moimême comme à ma fille; il serait grand dommage de dire du mal ou de dire du bien de l'un d'entre vous en particulier, nous ne pouvons nous y résoudre. Mais vous êtes mes hôtes, vous me faites honneur en voulant vous allier à moi et, Dieu m'en est témoin, je ne peux vouloir moi non plus de meilleure alliance qu'avec vous. Je connais un moyen pour que l'on ne se moque pas de moi22. Voici à vous partager cent toumans23, achetez chacun avec cet argent un objet, ramenezmoi ici ces objets, et ma fille acceptera d'épouser celui qui aura réussi à acquérir le meilleur. Les trois fils de prince, les trois prétendants, s'en furent.
Quels efforts ne firent-ils pas! Ils achetèrent: l'un l'autre - un miroir, le troisième - un verre.
-
un tapis,
Qui sait où ils se retrouvèrent sur le chemin du retour, mais ils se dirent: - Chacun d'entre nous a acheté un objet, comme le père de la
fille nous l'avait enjoint, mais il ne serait pas mauvais que
22Litttéralement : «pour qu'on ne me prenne pas en pitié ». 23 Unité monétaire d'origine persane, considérée au XIXe siècle comme l'équivalent de 10 roubles russes. - 77-
nous exammlOns ici quels sont les propriétés acquisitions.
de nos
Le propriétaire du tapis dit alors: - Qui s'assiéra sur le tapis sera transporté en un clin d'œil
aux extrémités du ciel. Le propriétaire du miroir dit : - Qui regardera ce miroir verra d'ici ce qu'il souhaite jusque là où s'étendent les quatre coins du ciel. Le troisième, le propriétaire du verre, dit: - Un homme serait à l'article de la mort, sur le point de
quitter ce monde lumineux, eh bien, si on lui versait de ce récipient quelque boisson dans la gorge, il redeviendrait tel que sa mère l'a mis au monde. Ils dirent alors: - Regardons donc notre miroir et voyons ce que fait cette fille
que nous courtisons. Ils regardèrent le miroir: la fille était très malade et sur le point de rendre l'âme. Les trois garçons s'assirent sur le tapis et, aussitôt, se trouvèrent au chevet de la fille. Le propriétaire du verre donna à la moribonde à boire dans son récipient, et la fille aussitôt redevint bien portante et forte comme un cerf. Ils s'assemblèrent pour délibérer et décider à qui revenait la fille, quel objet s'était révélé le meilleur pour le salut de cette dernière. Sans le miroir, ils n'auraient pas su sa maladie;
- 78-
sans le tapis, ils n'auraient pas rejoint à temps la malade; sans le verre, elle n'aurait pas échappé à la mort. ",Ils sont toujours assis à délibérer et discutent encore, mais ne parviennent pas à décider quel objet a été le meilleur!
. -79-
COMMENT UN OURSON NAQUIT D'UN PAUVRE HOMME
U
n ourson naquit d'un pauvre homme. Les gens vinrent chez lui voir le prodige. Quand l'ourson eut grandi, il dit à son père: « Va en Géorgie et demande au roi de Géorgie de me donner sa fille en mariage. » Le pauvre homme commença à s'inquiéter: «Ah, que le sang pleuve sur ma maison, et puissent les gens fuir à ta vue ! Comment le roi de Géorgie te donnerait-il sa fille, alors que je n'ai même pas de chemise à me mettre sur le dos! » Le pauvre partit, tout devant lui. ton souci?
homme jeta sa vieille veste sur ses épaules et anxieux. Il arriva chez le roi et mit chapeau bas Le roi lui dit: «Qu'as-tu, pauvre homme, quel est »
- Ah, que je périsse comme ton père! Un ourson m'est né, il
ne me laisse pas vivre, il me déchire, il m'égorge! Il m'a dit: «Demande au roi s'il me donnera sa fille comme épouse, et écoute le message dont il te chargera! » - Va et réponds-lui: «Si j'entends encore pareille chose de
toi, j'enverrai mes soldats, et ils te brûleront dans un feu de paille! » Le pauvre homme repartit en pleurant et en gémissant. Il rentra chez lui. L'ourson courut à sa rencontre. Il lui demanda: «Hum, mon pauvre père, dis-moi de quel message il t'a chargé. » - Il m'a confié ce message: dès qu'il entendra à nouveau
pareille chose de toi, il enverra ses soldats qui te brûleront dans un feu de paille, afin qu'il soit mis fin à tes jours. N'en reparle jamais! Les choses en restèrent là un certain temps. Mais l'ourson se remit à tarabuster l'homme: «Va et redemande-lui.» Le - 80-
pauvre homme ne voulait plus: «Je ne peux plus me représenter devant lui. » Mais l'autre lui dit: «Tu n'as pas le choix; va, et demande-lui cette fois encore. » Le pauvre homme repartit, sa canne sur les hanches24. Il arriva devant le roi et lui dit: «Que Dieu m'accorde ta bienveillance. Il m'est né un ourson, et il ne me laisse plus vivre. Fais disparaître l'un de nous. Il me fait demander pour lui la main de ta fille, et comment pourrais-tu la lui accorder? Il ne me laisse plus vivre dans ma pauvre masure, il me déchire et il m'égorge. » Le roi lui dit alors: - Va et dis-lui: «Puisque tu ne me laisses plus en paix, et si
tu veux la main de ma fille, alors construis un pont en or de chez toi à ici, assez large pour que deux chariots s'y croisent, afin que je puisse me rendre chez toi et voir comment tu VIS.» Le pauvre homme repartit chez lui. L'ourson courut à sa rencontre et lui demanda: «De quel message t' a-t-il chargé? » - Ah, que tes jours s'éteignent! Le message? Il te fait dire de construireun pont en or - si tu en es capable. - Hé, mon pauvre père, c'est bien ce genre de défis que je
recherche! Va donc te reposer. Le soir venu, ils se couchèrent. Et au matin, quand ils se levèrent, le fils frappa la terre de son talon et dit: «Qu'un pont en or apparaisse, de chez moi à la porte du roi ! » La terre trembla, et un pont en or apparut bien. Alors, l'ourson fit dire au roi: « Ce n'est pas pour si peu que tu me
24
Pour soulager son dos douloureux? - 81 -
refuseras ta fille, ô roi : voici ton pont en or. Emprunte-le jusqu'ici, et viens voir ma maison. » Le roi en frissonna: «Cet animal n'est pas un simple ourson! » Il envoya donc un émissaire: «Je n'irai pas voir ta maison, mais viens donc avec cinquante autre rois chercher ta fiancée. Si tu viens avec cinquante rois, je te donnerai ma
fille - sinon, tu ne l'auras pas. » L'ourson se coucha le soir. Au matin, il frappa de nouveau la terre du talon: «Que sur ce champ apparaissent cinquante rois, avec armes et bagages! » Le tonnerre retentit, et cinquante rois apparurent. L'ourson s'avança devant eux, et voici que les rois prirent peur et s'enfuirent. Ils voulurent ensuite le tuer, et l'ourson leur dit: - Pourquoi voulez-vous me tuer? Moi, je veux aller en votre compagnie demander la main d'une fille de roi. - Et quel serait ce roi qui te donnerait sa fille? - Ne vous en préoccupez pas. Suivez-moi.
Ils partirent, tous ensemble. L'ourson les fit entrer en groupe chez le roi et les installa dans des fauteuils. L'ourson jouait les futurs gendres, et il s'assit par terre à côté de la porte. La fille du roi se cacha quelque part et ne reparut pas. L'ourson fureta dans la maison - mais ne vit pas la fille. Alors, il sauta par-dessus le feu et dit au roi : - Ô roi, ce n'est ni toi que je demande en mariage, ni ta mère
ni ta femme - alors, où est ta fille? Ramène-la ici vite que je la voie, ou je te fais disparaître. Le roi fit appeler sa fille et la fit entrer dans la maison. Quand
elle vit l'ourson, elle lui donna un coup de pied et lui dit: Maudits soient le père et la mère de ceux qui t'ont engendré! L'ourson lui dit: - Bon, si tu ne me suis pas demain,je te livre aux garçons!
- 82-
Le roi n'avait plus le choix: il fallait qu'il envoie sa fille avec l'ourson. Il célébra le mariage, tout le jour. Le lendemain matin, il les fit partir, et envoya des soldats avec eux: - Allez-y aussi et, quand ils entreront dans la chambre, écoutez-les. Si le cœur de ma fille ne se réjouit pas, si l'ours la coupe en morceaux, elle hurlera; alors, enfoncez la porte! Ils partirent, et l'ourson les conduisit chez lui. Ils célébrèrent le mariage, des jours durant. Vint le moment où l'ourson décida de se coucher. Il dit aux gens du cortège: - Menez ma femme à ma chambre.
L'ourson partit dans sa chambre et s'assit. A ce moment, on lui amena la fille. Il ferma la porte, enleva sa peau d'ours, émit des étincelles, et se transforma en garçon aux boucles d'or. La fille rit et se jeta dans ses bras. Les soldats dehors entendirent le rire de la fille et s'en étonnèrent: «Nous qui pensions qu'elle allait se tuer de désespoir, et la voilà qui rit ! Qu'est-ce qui a pu réjouir son cœur? » La fille se mit à questionner son mari : - Si tu es ce garçon aux boucles d'or, pourquoi t'être ainsi
abaissé? Pourquoi portes-tu cette peau d'ours au lieu de te montrer tel que tu es ? - Je n'ai pas le choix: si je ne la porte pas, je vais avoir des
problèmes. Ils rirent et s'ébattirent du soir au matin. Le lendemain, le jeune homme revêtit sa peau d'ours et redevint ourson. Cela sembla indigne à la jeune femme, et elle commença à s'en soucier: «Il faut absolument régler cette affaire de peau d'ours ce soir. » Le soir, ils se rendirent dans leur chambre et recommencèrent à rire et à se réjouir; le jeune homme mit sa peau d'ours sous - 83 -
son oreiller et s'endormit ainsi. La jeune femme se leva furtivement et alluma un feu. Elle retira la peau d'ours de sous l'oreiller de son mari et la jeta au feu, où elle s'enflamma aussitôt. La puanteur réveilla le jeune homme; il chercha sa peau, et la retira à moitié brûlée du feu. Alors, il dit à sa femme: - Tu as détruit mon foyer! A présent, je ne peux plus te
servir à rien. Tu as nui à toi-même autant ~u'à moi. J'étais voué en sacrifice au céleste Frelvrera 5; cette peau l'empêchait de me toucher, mais à présent il va descendre des cieux et m'emmener avec lui. Tu ne me verras plus, et je ne te verrai plus. La femme se mit à pleurer: - Que peut-on y faire? » - Il n'y a plus rien à faire. Demain, quand il m'emportera aux cieux, va voir ton père, et dis-lui d'engager des faucheurs, et qu'ils ne laissent plus un brin d'herbe sur terre. Qu'ils commencent à empiler leurs gerbes - je pourrai faire en sorte que I'herbe ne repousse pas pendant sept ans. Ainsi, le petit bétail de Frelvrera sera torturé par la faim. Frelvrera cherchera partout à acheter du fourrage. S'il ne trouve personne d'autre qui en ait, il finira par venir te voir. Il te suppliera. Il te donnera moutons et berger, vaches et bouvier. N'accepte rien - en dehors de moi-même, et dis-lui: mon époux aux boucles
d'or que tu m'as pris, ramène-le moi.
Le lendemain, Frelvreradescendit du ciel et repartit avec le jeune homme. La jeune femme se rendit en pleurant chez son père et lui raconta tout. Puis elle lui dit:
25 Frelvrera est, dans la religion populaire ossète, le protecteur des moutons. Comme d'autres quasi-divinités de ce panthéon traditionnel, il a
empruntéson nom au christianisme - en l'occurrence aux saints Florent et Laurent. - 84-
- Si je ne parviens pas à remettre la main sur ce jeune
homme, il ne me reste plus qu'à me tuer; alors, engage des faucheurs! Le roi ouvrit ses coffres et engagea des faucheurs, et ils se mirent au travail. Ils ne laissèrent pas un brin d'herbe. Puis, pendant sept ans, I'herbe ne repoussa plus. Les moutons de Frelvrera commencèrent à dépérir. Frelvrera descendit sur terre. Il commença à tourner dans les champs à la recherche de nourriture. On ne lui indiqua personne., en dehors de la fille du roI..A la fin,.il alla la voir et lui dit: - On m'a dit que tu avais du fourrage: vends-le moi. Je te donnerai moutons et berger, vaches et bouvier. La jeune femme lui répondit: - Je ne te donnerai de fourrage que si tu me ramènes mon
garçon aux boucles d'or. Frelvrera lui rétorqua : ~ Je ne te le montrerai même pas! Il repartit et recommença à errer par monts et par vaux. Il ne trouva rien. Ses moutons continuaient à dépérir. Faute de mieux, il revint et recommença à supplier: - Vends-moi du fourrage, je te donnerai de quoi vivre. - Je ne donnerai rien tant que tu ne m'auras pas rendu mon
mari .! Frelvrera n'avait plus le choix: il s'envola et revint en ramenant le mari. Ille rendit à la jeune femme. Alors, elle lui remit du fourrage. Le petit bétail de Fœlvrera fut sauvé. Quant aux époux, ils vivent toujours ensemble.
. -85-
L'EMPEREUR ET LE CORDONNIER
I
l était une fois un empereur,26 et il était avare et pingre. Plus il avait de richesses, plus il s'ennuyait, son coeur n'était jamais léger. Près du domaine de cet empereur vivait un cordonnier, mais lui passait gaiement son temps. Le jour, il gagnait sa vie. Le soir, il achetait son repas, mangeait et buvait en famille, puis chantait et continuait à travailler. L'empereur s'étonnait:
« Voilà qui est surprenant: j'ai davantage de biens - des maisons, du bétail, de la terre, tout un pays. Mais moi, je ne chante pas, mon coeur n'est pas léger, alors pourquoi le cœur de ce cordonnier l'est-il? » Il appela le cordonnier et lui demanda: - Alors que tu n'as ni maison, ni terre, ni biens, et que moi
j'ai des richesses innombrables, comment se fait-il que tu t'amuses et que tu chantes chaque soir, alors que je m'ennuie? - Je gagne ma vie le jour, et le soir je nourris mes enfants
avec ce que j'ai gagné, j'achète à boire, nous mangeons un bon repas, et les fruits de mon travail me suffisent, et puis je chante. -Tiens, voici mille som27 en cadeau, emporte-les. Le cordonnier les emporta, mais il n'osait ni les manger, ni les laisser. Certes, il travaillait, mais il ne chantait plus à
26Le titre de paddzakh, padtsakh «roi, empereur» est un emprunt ossète à la nomenclature politique ottomane (turc osmanli padisiih, de l'iranien *piiti-xsiiyaOiyah). Le vrai dérivé ossète de la même racine désignant la royauté n'existe plus que sous la forme féminine khsin (<
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force de s'inquiéter pour son argent: si jamais il le perdait, qui le lui rendrait? Il travailla ainsi trois jours.
L'empereur s'étonnait: «Pourquoi le cordonnier ne chante-til plus, alors que je lui ai donné plus d'argent qu'il n'en gagne? »
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Trois jours plus tard, le cordonnier rapporta les mille som de l'empereur et lui dit : - Reprends tes mille som. Je ne peux plus travailler à cause d'eux, ni chanter, ni dormir. Ils m'ont pris ma vie gaie et insouciante, et je ne peux plus les garder. Alors l'empereur reprit l'argent et se dit: « Le cordonnier a raison. » Il le laissa partir. Le cordonnier se remit au travail, et son chant retentit toute la soirée.28
., 28 On aura reconnu un motif assez universel de conte (Le savetier et le financier, etc.) dont la morale est toujours «L'argent ne fait pas le bonheur! ».
- 88 -
LE CONTE DE LA CEINTURE
U
n prince se mourait; il prescrivit ceci à son fils: - Je meurs, mais si quelque chose te fait défaut, si tu
tombes dans la misère, va voir mon ami, et il t'aidera. Le prince mourut, son fils l'enterra princièrement. Il commença à vivre et à manger par lui-même. Quoi qu'il en soit, les biens de son père fondirent, et bientôt sa misère fut telle qu'il ne pouvait plus porter la main à la bouche. Alors il se rendit chez l'ami de son père. L'ami du prince se réjouit beaucoup de voir le fils. - Je ne soupçonnais pas que mon ami avait un tel fils, un tel héritier. Je ne te laisserai pas quitter ma maison d'ici une année. Et ta maison non plus n'a rien à craindre: elle ne disparaîtra nulle part. Lorsqu'une année fut passée, le maître de maison fit apporter deux chevaux. Sur l'un d'entre eux, on disposa une selle pour le jeune homme, et sur l'autre autant d'or qu'il pouvait porter. Le maître de maison dit ensuite au jeune homme: - Voici pour toi de quoi vivre. Mais écoute bien: en route, ne regarde pas derrière toi, sinon ton chemin s'arrêtera là. Le fils du prince remercia l'ami de son père de l'avoir tant aidé, si bien accueilli, et d'avoir ainsi fait un tel honneur à son ami défunt. Puis il se mit en route. Il partit, il alla. Chevaucha-t-il beaucoup, chevaucha-t-il un peu, qui le sait, mais finalement le jeune homme n'y tint plus et regarda derrière lui, et son chemin se ferma, et un bois touffu surgit devant lui. Le jeune homme ne savait plus quoi faire. Il commença à s'inquiéter: il n'y avait plus de route devant lui, ni derrière. - 89 -
Le frère aîné de l'ami du prince était un homme avisé. Il apprit que le fils du prince n'avait pas tenu compte de ce qu'on lui avait dit, qu'il s'était retourné, que sa route s'était interrompue. Il sauta sur son cheval et apparut tout près du fils du prince. - Tu n'as pas bien agi, jeune homme. Mais on n'y peut plus rien. Tiens, voici une ceinture. Ceins-t'en, et grâce à elle tu trouveras ton chemin hors du bois touffu. Tu sortiras du bois, tu arriveras dans la plaine. Là, il y a une tour de cuivre et une maison d'hôte en fer. Tu seras accueilli dans la maison d'hôte. Là viendra à toi la jeune maîtresse de la tour. Bien des prétendants sont venus chez elle, bien des hôtes, mais aucun d'entre eux n'est rentré chez lui. Celui qu'elle accueillera, celui qu'elle rejoindra dans la maison d'hôte, elle ne lui adressera pas la parole, mais celui qui réussira l'exploit de faire qu'elle lui parle trois fois, qui se montrera assez intelligent pour y parvenir, la femme appartiendra à ce chanceux et il aura droit sur elle. Elle viendra à toi, elle ne te parlera pas. Alors, enlève ta ceinture, pose-là sur la table, et dis: «parle, ceinture, raconte-nous une histoire; la maîtresse de maison ne dit rien, peut-être est-elle sourde-muette. » Agis ainsi trois nuits de suite, si elle te parle, tant mieux pour toi, sinon, elle te fera couper la tête et on la plantera sur un pieu. La ceinture racontera trois histoires et, chaque fois, te posera une question. A chaque fois, tourne-toi, et donne une réponse qui ne convient pas. Le fils du prince mit la ceinture, et trouva son chemin hors du sombre bois. Alors lui apparurent la tour de cuivre et la maison d'hôte en fer. Le cœur du jeune homme s'allégea un peu. Advienne que pourra: un homme doit accepter le sort qui lui échoit, il n'y a rien d'autre à faire.
- 90-
Le soir, la jeune maîtresse de maison apparut dans la maison d'hôte. Elle était si belle, qu'un homme l'aurait bue pour étancher sa soif. Le fils du prince la salua. La fille ne dit rien du tout. Alors le jeune homme ôta sa ceinture, la posa sur la table et dit: - Ceinture, raconte-nous quelque histoire. La maîtresse de
maison ne parle pas, distrais-nous comme tu peux. La ceinture répliqua alors: - Et quelle histoire raconterais-je? Le jour, je demeure à ta
taille, la nuit à ton chevet. - Il n'y a pas le choix, raconte-nous quelque chose, n'importe quOl. A ces mots, la fille haussa les sourcils et tendit les oreilles. La ceinture commença à raconter: * * * «Trois frères avaient un bœuf. L'un d'entre eux veillait sur son derrière, un autre sur sa verge, le troisième sur sa tête. Un jour, celui qui veillait sur le derrière se mit à courir chez son frère qui veillait sur la verge. Le lendemain, il arriva chez lui à midi et dit: - Notre bœuf ne fait plus de bouses. Le deuxième frère dit: - Eh bien, il ne pisse plus non plus. Allons chez notre frère, et délibérons. Les deux frères se mirent à courir et, alors que le soleil se couchait derrière les montagnes, ils arrivèrent chez leur frère. - Notre bœuf ne fait plus de bouses et ne pisse plus, dirent les
deux frères. - 91 -
- Et il ne mange plus non plus, dit le troisième frère; peut-
être a-t-il soif. Allons, donnons-lui à boire.
Ils le menèrent au fleuve. Le bœuf engloutit d'un coup l'eau du fleuve, et tout ce qui vivait dedans se trouva à sec. Un énorme poisson s'élança du fleuve et avala d'un coup le bœuf. Un aigle s'abattit des montagnes, planta ses serres dans le poisson, s'éleva et l'emporta. L'aigle posa le poisson sur une montagne, et la montagne fut réduite en poussière; il le posa sur un arbre, mais l'arbre ne put non plus le soutenir. Il le porta çà et là, guetta, et au bord de l'eau un berger paissait son troupeau. Sur le pâturage dormait le bouc, ses cornes croisées, et l'aigle portant le poisson vint se poser sur les cornes. Il mangea le poisson; quand il mangea le bœuf, une omoplate de ce dernier tomba et pénétra dans l' œil du berger alors que celui-ci dormait. Le soir venu, le berger ramena son troupeau au village. Il dit à ses trois sœurs: Aujourd'hui, alors que je paissais le troupeau, quelque chose m'est rentré dans l'œil, cherchez-le. L'une des filles retroussa sa manche et plongea la main au fond de l'œil. Elle chercha et fouilla, mais n'y trouva rien. La deuxième sœur aussi commença à chercher, sans plus de résultat. La troisième sœur ôta ses habits, plongea dans l'œil et en extirpa l'omoplate du bœuf. Ils portèrent l'omoplate sur le tas d'ordures au bout du village et la jetèrent là. L'omoplate resta longtemps au bout du village et y pourrit. Une fois, des portefaix laissèrent douze chariots au bout du village, et s'installèrent pour la nuit. Sur le coup de minuit, - 92-
voici qu'un renard arriva au bout du village pour une raison quelconque. Il tomba directement sur ce qui restait de
l'omoplate, l'attrapa et commença à la faire tourner - et les portefaix avec elle. L'un des portefaix se trouvait être un chasseur. Il tira et tua le renard. Ils commencèrent à dépouiller l'animal. Ils enlevèrent la moitié de la peau, voulurent retourner le renard, mais n'y parvinrent pas. Les douze portefaix s'habillèrent de la tête aux pieds avec la moitié de la peau de l'animal. Au matin, une jeune femme vint puiser de l'eau. Elle donna un coup de pied au cadavre du renard et dit: - Qu'est-ce que c'est que ça ?
Elle dépouilla l'autre moitié du renard, rapporta son eau à la maison et commença à découper dans la peau du renard le bord d'un chapeau pour son enfant d'un an, mais ne put y parvemr. » *
*
*
- Et voilà mon histoire, dit la ceinture. Maintenant, secoue-
toi et réponds-moi: dans cette histoire, qui était le plus grand? - L'aigle, qui d'autre? dit le jeune homme. Alors la fille rit et dit: - Tu as l'air d'un homme intelligent, mais ta réponse n'est pas juste. Dans cette histoire, il n'y a pas plus grand ni plus étonnant que l'enfant, parce qu'il avait déjà une si grande tête à un an. C'est ainsi que la fille parla une fois. - 93 -
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La nuit, le fils du prince se coucha. Lorsque vint le matin, il s'amusajusqu'au soir.
~ 94 ~
Le soir, la jeune maîtresse de maison alla de sa tour de cuivre à la maison d'hôte, s'assit et ne répondit pas à la salutation du jeune homme. Le fils du prince enleva sa ceinture, la posa sur la table et dit: - Ceinture, j'ai besoin de toi, raconte-nous une histoire. -
Et quelle histoire raconterais-je? Le jour, je demeure à ta
taille, la nuit à ton chevet, dit la ceinture. - Non, rien à faire! dit le fils du prince. La nuit est longue, je
n'ai pas sommeil, et notre hôtesse est sourde-muette. Alors la ceinture commença à parler: *
*
*
«Trois :ftères avaient un troupeau et le gardaient à tour de rôle. Une fois, le :ftère aîné le paissait. En sifflant, il le conduisit vers la lisière d'un bois. Le troupeau se mit à paître tout autour de lui. Lui revint en arrière et, pour ne pas rester oisif, pour ne pas s'ennuyer, il commença à graver un dessin sur le côté d'un arbre. Il grava l'image d'une fille et, le soir venu, il reconduisit son troupeau à la maison. Le matin suivant, le :ftère puîné sortit le troupeau. Lui aussi le conduisit à la lisière de la forêt. Le berger vit l'image de la fille que son aîné avait faite le jour précédent. - Comment imaginer un portrait de fille plus beau que celui-
ci ? dit le berger. Et si maintenant on pouvait habiller ce portrait de fille d'une robe à fleurs, et d'une chemise, de tout un costume, et lui colorer le visage des plus belles couleurs qui existent au monde! Et il commença à œuvrer sur l'image de la fille. Le soir venu, il reconduisit son troupeau à la maison. - 95 -
Au matin, c'est le frère cadet qui partit faire le berger. Dieu le mena également à la lisière du bois. Il tomba en arrêt devant l'image de la fille sur l'arbre et en resta bouche bée: si belle, si gracieuse était cette image! Le berger dit alors: - Celle dont je rêve depuis que je suis en vie et que je mange, je l'ai trouvée! Il s'approcha, et la fille s'avéra être une image. Le jeune homme commença alors à prier: - Dieu des dieux, mon Dieu, si tu m'as prédestiné à quelque
chose, donne une âme à cette image que mon frère aîné a faite si incomparable, sur laquelle mon frère puîné a fait toutes sortes de fleurs et de couleurs! Et aussitôt, l'image devint une fille vivante. Le jeune homme amena la fille chez lui, mais les frères se disputèrent à son sujet: chacun la voulait pour lui-même. » *
*
*
- Auquel des trois frères revient cette fille? demanda la
ceinture au fils du prince. - A l'aîné, dit le jeune homme. S'il n'avait eu l'idée de faire l'image de la fille, il n'y aurait pas eu de fille. - Tu te trompes, dit la jeune maîtresse de maison. Si elle
revient à quelqu'un, c'est au cadet, qui lui a obtenu une âme. Il n'est rien de supérieur à l'âme, sur la terre comme au ciel. La jeune maîtresse de maison avait fait là sa deuxième faute. Vint le soir du troisième jour, comme c'était inévitable. La jeune maîtresse de maison retourna à la maison d'hôte en fer.
- 96-
Elle s'assit en silence devant son invité, et pas un mot ne tomba de sa bouche. Alors le fils du prince ôta la ceinture de sa taille, la posa sur la table et dit: - Raconte-nous une histoire, ceinture que voici, la nuit est
longue, nous n'avons pas sommeil, fais que nous nous amUSlOns.
- Le jour autour de ta taille, la nuit à ton chevet, est-ce que je sais quelle histoire je pourrais te raconter? Mais s'il n'y a plus rien à faire, écoutez-moi: *
*
*
«Un prince et sa femme avaient une fille si belle, qu'on voyait en elle des lunes et à des étoiles. Quand elle buvait de l'eau, on la voyait descendre dans son long cou. Le prince et sa femme vénéraient jusqu'aux traces de ses pas. Ils vivaient pour elle, pour elle ils mangeaient et buvaient. Or, un jour, sept géants, sept frères, enlevèrent, ravirent de
force la fille unique du prince - puisse votre ennemi connaître le même malheur que celui dont furent affligés le père et la mère de cette jeune fille! Chaque fois que les parents réussissaient à remettre la main sur elle, elle passait chez eux un jour, deux jours, puis les géants l'enlevaient derechef. Dans le village du prince vivait une sorcière, qui avait trois fils; il n'y avait nulle part plus courageux qu'eux. Lorsque le prince et sa femme eurent perdu la tête de douleur à cause de leur fille, ils se rendirent chez les fils de la sorcière, chez les trois braves frères. - Bien que vous ne soyez pas mes égaux, je vous donnerai
ma fille si vous la sauvez des géants. Les fils de la sorcière acceptèrent de reprendre la fille aux géants. - 97-
Ils se mirent en route. Lorsque les trois frères furent à quelque distance du village, ils s'entre-regardèrent et se dirent: - Nous avons accepté l'offi'e du prince, mais si nous ne
connaissons pas nos qualités, ce dont chacun est capable, comment ferons-nous? L'aîné dit alors: - J'enlèverai la fille au milieu des géants, sans qu'ils sachent
comment. Le puîné dit: - Si la fille est entre mes mains, nul vent ne me rattrapera,
encore moins les géants. Le cadet dit: - Si l'on nous poursuit, je peux faire en sorte que nul de nos
poursuivants ne s'en retourne en vie chez lui, je les supprimerai tous. Ils poursuivirent leur route, et s'approchèrent de l'endroit où vivaient les géants. Là, le fi'ère aîné s'en alla seul vers la maison des géants, les deux autres l'attendirent. Le fi'ère aîné délivra la fille du prince de la maison des géants, à l'insu de ceux-ci; le puîné la prit à son aîné et l'emmena comme le vent dans ses bras à la maison du
prince. Le troisième guetta les poursuivants et - puisse celui qui vous souhaite du mal finir comme eux! - les extermina sur place, si bien qu'aucun d'entre eux ne retrouva sa maison. Les trois fi'ères revinrent chez eux, mais ne purent plus se mettre d'accord au sujet de la fille du prince. » - Auquel des trois fi'èresrevient la fille du prince, je t'en fais
juge, dit la ceinture. - Auquel elle revient? La fille du prince revient à l'aîné, qui
l'a délivré de la maison des géants, dit le fils du prince. - 98 -
A cette réponse, la jeune femme, maîtresse de la tour de cuhœe et de la maison d'hôte en fer, rit et dit : - Jeune homme, il faut croire que ton intelligence ne correspond pas à ton apparence. La fille du prince revient au plus jeune des fils de la sorcière. Enlever la fille de la maison des géants n'était pas une si grande affaire, et ceux qui l'ont ravie une fois pourraient le refaire à l'occasion. Mais si les ravisseurs, ceux qui l'avaient emmenée de force, n'existent plus, il n'y a plus de danger pour la fille. Ainsi la jeune maîtresse de maison fit sa troisième erreur. - Dieu m'a réservée pour toi, dit-elle au fils du prince.
Ils firent céans un beau mariage, devinrent mari et femme; ils s'organisèrent une belle vie tranquille et, peut-être, vivent et mangent toujours aujourd'hui. Vivez autant qu'eux, sans connaître le malheur!
t6YI$
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LA BELLE DE ZDJYD
I
l y a bien longtemps de cela vivaient au village de Zdjyd, dans une tour de cuivre, un homme et une femme. Ils avaient une fille unique. Ils ne vivaient et mangeaient que pour elle, et les gens l'appelaient la «Belle de Zdjyd ». Son père et sa mère moururent, et la Belle resta vivre dans la tour de cuivre. La jeune fille était une personne hautaine, elle ne cherchait ni compagnon de son âge, ni distraction dans les mariages ou pendant les fêtes. Mais même si elle ne se montrait à personne et ne fréquentait pas les gens, sa beauté ne demeurait pas secrète. La rumeur s'en propagea dans les rues du village, puis dans la contrée, puis dans les pays voisins. «Nulle part au monde il n'y a jamais eu de telle beauté, et on n'en verra plus d'autre », disaient les gens. Et les prétendants se multiplièrent. Non seulement de jeunes gens, mais aussi des hommes mûrs et même âgés, commencèrent à se dire que la Belle reviendrait à l'un d'entre eux. Mais elle considérait que les meilleurs d'entre eux n'étaient pas dignes d'elle. Alors, un jour, les prétendants, comme s'ils en étaient convenus entre eux, s'assemblèrent sur un grand pré devant la tour de cuivre, pour rivaliser de bravoure et de virilité et voir si l'un d'entre eux parviendrait à toucher le cœur de la jeune fille et à la conquérir. C'étaient les champions de toutes les contrées, de toutes les vallées, de Beslan, d'Iméréthie, de Digorie et autres lieux. On parlait de la Belle de Zdjyd jusqu'aux vallées des Balkars29.
29 Beslan et la Digorie se trouvent dans l'actuelle Ossétie du Nord. L'lméréthie est une province géorgienne. Le pays balkar se trouve au nord-ouest de l'Ossétie.
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A ce moment-là, depuis un village de Svanétie3o, un Svane se mit en route et se dirigea vers Zdjyd. «Elle ne va pas me choisir, et je ne vais pas la courtiser; mais si je ne vois pas au moins une fois cette beauté célèbre, je mourrai d'une deuxième mort dans l'Autre Monde! » se dit le Svane. Et lui aussi apparut sur le pré devant la tour de cuivre. Il avait une veste de feutre blanc, une ceinture de laine grossière cousue à gros points, des chaussures en peau de chèvre, et des guêtres en peau d'agneau. Les prétendants rirent de lui: - Voici encore un concurrent; approche-toi!
Et alors, tous commencèrent à s'affronter dans diverses épreuves. Ils commencèrent par le sirnd.31 Un nuage de poussière s'éleva sur le grand pré, comme de la laine cardée. Les joyeux prétendants à la main de la Belle finirent leur danse. Ils s'adressèrent à l'homme à la veste de feutre blanc: - Danse toi aussi, notre invité, c'est ton tour. - Moi aussi, je vais vous montrer ma valeur, bonnes gens, dit le porteur des chaussures en peau de chèvre. Et il se mit à danser. Les gens le regardèrent en se haussant du col32.On accourut de partout pour le voir. - Il est impossible de mieux danser, dirent les uns. - Il a remporté l'épreuve de danse, répondirent les autres.
Et ils commencèrent à chanter.
Les plus sûrs d'eux entonnèrent de beaux chants - vraiment, il y avait là de belles voix! Mais voici que vint le tour de l'homme coiffé d'une toque en mouton. Et sa voix retentit. Sur le grand pré, les gens se mirent à l'écouter, tout comme le bétail à quatre pattes, les oiseaux, et même les montagnes. Son chant magnifique fit le tour des vallées et des cimes. 30 Région de Géorgie. 31 Danse traditionnelle ossète. 32 Liu. «par-dessus les épaules les uns des autres ». - 101 -
Ayant écouté, les gens dirent: - Le prétendant svane a remporté aussi l'épreuve de chant.
Alors, ils commencèrent à rivaliser d'éloquence et d'intelligence. Les prétendants les plus sûrs d'eux, et les adultes, et les anciens, s'assemblèrent pour la compétition. Beaucoup d'entre eux se distinguèrent: ceux qui savaient bien parler, ceux qui avaient la langue caustique, ceux qui étaient doués d'une intelligence profonde. Mais le porteur de la ceinture en grosse laine se mit à parler. Les gens ne se lassaient pas de l'écouter, ils le fixaient bouche bée, tant étaient suaves les paroles qui tombaient de sa bouche. Et à nouveau, tous dirent comme un seul homme: - Nul n'a jamais parlé comme lui, plus droitement et bellement, ni plaidé si bien, même lors du jugement sur la mort de Qanyrnree3. Il fut déclaré vainqueur de cette épreuve aussi. Alors, la Belle de Zdjyd qui habitait la tour de cUIvre se montra et lui dit: - Hôte, viens plus près de la tour, et tourne-lui le dos.
L'homme s'approcha de la tour, et tourna le dos à la Belle de Zdjyd. A ce moment, elle lui mit sur le dos les images de la lune et du soleil, et lui dit: - Viens dans ma maison d'hôte, restaure-toi, repose-toi: tu as
fait un long chemin. La foule des fiers prétendants comprit alors que la Belle de Zdjyd avait choisi l'homme aux chaussures en peau de chèvre, aux omoplates saillantes, et ils repartirent chez eux la tête basse.
33
Allusion à un épisode historique ou légendaire
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oublié.
Le Svane et la Belle de Zdjyd vécurent comme mari et femme dans la tour de cuivre. Peu après, la Belle de Zdjyd tomba malade et s'alita. Son mari s'inquiéta et devint fiévreux: et s'il arrivait malheur à sa belle et célèbre femme?
- 103 ~
Vint la saison où l'on fauche. Les habitants de Zdjyd se préparaient aux travaux d'automne. Le messager cria: - Demain, un homme de chaque maison ira au Verger des
Mirabelles; qui n'ira pas sera mis à l'amende: son bœuf sera égorgé pour la fête du village. De cent quarante maisonnées, cent trente-neuf envoyèrent un homme au Verger des Mirabelles, avec outils, nourriture, et boisson. Le mari de la Belle de Zdjyd prit du retard en veillant sur sa femme malade. Et la malade lui dit: - Les hommes du village sont partis faucher au Verger des
Mirabelles. Seule notre maison n'a envoyé personne. Mais si tu n'y vas pas, on va égorger notre bœuf, et nous serons couverts de honte. - Et à qui pourrais-je te confier? Qu'ils mangent notre bœuf
et tout notre bétail: je ne te laisserai pas seule. - Si c'est le sort écrit sur mon front, c'est ce qui arrivera.
Nulle mort ne survient si ce n'est pas le destin, et contre le destin nul ne peut rien; ce qui est écrit aux cieux est bon34. Son mari se tut. Tardivement, avec sa faux et ses provisions sur l'épaule, il partit à son tour, sans cesser de penser à la malade. La nuit tombait quand il arriva au Verger des Mirabelles. Les faucheurs fatigués dormaient profondément et certains ronflaient. L'époux de la Belle de Zdjyd s'approcha, rangea sa nourriture et sa boisson, aiguisa sa faux sur un silex de Khod, et se plaça à l'une des extrémités du champ. Il commença à faucher. La lune éclairait comme en plein jour, et le faucheur inquiet ne se ménageait pas.
34
Liu. «est la graisse du ciel ». Comparer bœsty soï «la graisse du
pays », équivalent de notre « sel de la terre ». - 104 -
Dès que le Soleil des soleils frappa les cimes des montagnes de ses rayons d'or, il planta sa faux au bout du champ, entassa de l'herbe, se coucha dessus, et se couvrit de son manteau. Les faucheurs s'éveillèrent l'un après l'autre. Ils furent stupéfaits. A côté de la parcelle qu'ils avaient fauchée, ils en voyaient une autre de même taille. - Holà! Quel est ce prodige? Seraient-ce les anges et les
génies3s? Mais ils ne manient pas si bien la faux! Ils ne travaillent même pas, ils ne vivent que de l'odeur du travail des hommes. Ce ne sont pas non plus des démons36: ils n'apportent que du malheur, ils n'ont jamais aidé un pauvre homme. Alors, l'un d'entre eux regarda vers le fond du champ, et y vit une faux et une couverture de feutre.
- A coup sûr, le propriétaire de cette faux sera un inconnu.
Alors, voyons qui c'est! Aucun n'osait y aller seul; vingt d'entre eux se regroupèrent donc, et ils s'approchèrent prudemment. Avec mille précautions, ils s'enhardirent à soulever le coin de la couverture, et ils virent le mari de la Belle. Ils l'éveillèrent joyeusement, l'invitèrent chez eux, le traitèrent bien, puis lui firent cette proposition: - Tu as fait au centuple ta part du travail: tu en as fait seul
autant que nous tous. Nous te prions maintenant de retourner chez toi: ta femme malade est seule, va t'occuper d'elle. Puissent tes vœux se réaliser. Nous, nous allons finir le travail au Verger des Mirabelles, nous allons ramasser le foin et le mettre en meules. 35Les zœd et dawœg sont deux catégories d'êtres surnaturels mineurs. 36 Les dœlimon sont des êtres surnaturels malfaisants. Sur ces différentes catégories, cf. G. Dumézil, Romans de Scythie et d'alentour, Payot, Paris, 1978.
- 105 -
Illes remercia, mit sa faux sur l'épaule, et se précipita chez lui. Il courut, courut, et lorsqu'il arriva au col de Qivon, il demanda à des bergers: - Quelles nouvelles de la Belle de Zdjyd ? - Son état s'est aggravé, répondirent-ils.
Il poursuivit sa route et parvint au sommet du Mont du Bouquetin. Là, il interrogea des vachers: - Que dit-on de la Belle de Zdjyd ? - Elle ne peut plus se relever, dirent les vachers.
Du sommet du Mont du Bouquetin, il gagna les Portes de Qivon. Là, des hommes qui surveillaient des veaux lui dirent: - Qu'elle repose en paix
!37 La Belle de Zdjyd a quitté ce
monde. Quand le mari entendit cela, il détacha le manche de sa faux et commença à s'en frapper la tête, jusqu'au sang. Il entra dans la cour, et là tout le monde lui présenta des condoléances. Il vit que quelques-uns construisaient un cercueil pour une personne. - Puissiez-vous vivre sans souffrance, et que Dieu vienne en
aide à votre labeur. Mais faites-moi cette grâce: construisez un cercueil assez grand pour deux. Je n'ai plus la force de VIVre.
37
Littéralement:
«Qu'elle
soit lumineuse! - I 06 -
».
~
Les hommes firent un cercueil assez grand pour deux. Ils rassemblèrent ce qui serait utile à la défunte sur le chemin des morts, tant de la part des siens que de celle des autresj. et placèrent le tout dans son sépulcre. L'époux apporta au tombeau quatre cierges de cire, les alluma aux quatre coins du cercueil, et lui-même s'y allongea et commença à pleurer sa chère épouse, la Belle de Zdjyd. Il se serait assoupi, abruti de douleur, si un serpent n'avait soudain surgi de nulle part et commencé à dévorer les mollets du cadavre. L'homme tira - 107 -
son poignard et coupa le serpent en deux. La moitié de la tête disparut pour reparaître aussitôt, une perle blanche dans sa gueule. Les deux moitiés de l'animal se rapprochèrent, le serpent frotta sa blessure avec la perle blanche, et redevint tel qu'il était auparavant. Et quand l'homme l'attaqua de nouveau, le serpent prit peur et s'enfuit, laissant la perle dans le tombeau. « Ce qui a remis ce serpent à neuf devrait bien aussi soigner le corps de ma femme », se dit I'homme, et il frotta dans tous les sens la perle blanche sur le cadavre. Et la morte s'éveilla et dit: - Oh, oh ! Commej'ai dormi! - Vraiment, tu n'as jamais dormi d'un meilleur sommeil, ma
femme, dit son mari. La Belle de Zdjyd se rémémora son mal et ses souffrances. Mari et femme se réjouirent sans fin de sa guérison. Devant le tombeau passait un chemin qui allait vers la forêt et, quand les forestiers s'approchèrent, ils furent stupéfaits: - N'est-ce pas prodigieux? Hier nous avons enterré la Belle
de Zdjyd, et aujourd'hui on entend danser et rire? Ils regardèrent dans le tombeau: la Belle de Zdjyd et son seigneur et maître étaient là, à se réjouir. Comment les forestiers ne se seraient-ils pas réjouis eux aussi? Ils les raccompagnèrent à leur village; en chemin, leur perle blanche tomba. Au village, on organisa un banquet, et toute une journée on resta à faire bombance, à chanter, à danser, à faire le simd ossète. La Belle de Zdjyd et son époux eurent une postérité, et euxmêmes vécurent longtemps dans la gloire et la paix. - 108-
Le Châh de Perse entendit parler de la perle blanche. Il envoya ses soldats. Ils passèrent au crible la terre de Zdjyd, à l'endroit oÙétait tombée la perle blanche, maisell e ne reparut pas. L'endroit que les soldats avaient passé au crible s'appelle encore de nos jours «Les terres criblées38 ».
38C'est un c1assiqueexemple de légende explicative de la toponymie. - 109 -
LE PIGEON EN BOIS
U
n orfèvre et un ébéniste se disputaient. Chacun vantait son travail.
L'ébéniste disait: - Mon travail est bien plus utile aux gens que le tien, et d'ailleurs, tu n'es pas aussi habile dans le tien que moi dans le mien. - Ce n'est pas vrai, répondait l'orfèvre. Ton travail est plutôt grossier, et ce que tu fabriques n'a pas grande valeur. Personne n'y verra un trésor. Mon travail à moi est plus fin. Je n'utilise pas le bois: rien sans doute n'est plus commun, plus banal au monde, que le bois. Je travaille toujours des matériaux précieux: de l'argent et de l'or. Ce que l'on fait avec eux sera montré partout. - Peut-être seront-ils chers, les objets que tu vas créer. Mais
le monde pourrait survivre sans or et sans argent, pas sans bois, rétorquait l'ébéniste. Les deux artisans ne se supportaient plus, et leur querelle fut plaidée devant le roi. - Juge notre affaire, ô roi : dis-nous qui est le plus utile, et le plus habile, de nous deux, dirent les deux rivaux. - Celui qui fabriquera le meilleur objet, celui qui se montrera le plus habile, l'emportera, dit le roi. L'ébéniste et l'orfèvre rentrèrent chez eux. Chacun se mit à réfléchir de son côté. Ils ne ménagèrent ni leur intelligence ni leurs efforts, ils ne travaillèrent pas peu! L'orfèvre s'affaira et produisit une cassette. D'un côté, il avait représenté tout un village; de l'autre, tout un troupeau de vaches au pâturage. L'ébéniste, lui, fit un pigeon en bois - mais pas n'importe quel pigeon: si l'on s'asseyait sur lui et qu'on remontait sa clef, il emportait en un clin d'œil son passager là où celui-ci le désirait.
- 110-
Donc, ils apportèrent leurs créations au roi. Le roi les contempla longuement, les retourna en tous sens, et se mit à réfléchir. Ayant longuement médité, il dit enfin: - Bel objet que cette cassette sur un côté de laquelle on voit
tout un village, Mais ce pigeon et étonnantes: passager où ce prodige, ni n'en
tandis que sur l'autre paît tout un troupeau. de bois a des propriétés bien plus précieuses qu'on s'asseye sur lui, et il emmènera son dernier le veut. Je n'avais jamais vu un tel avais ouï parler.
L'ébéniste l'emporta donc. Le jeune fils du roi entendit parler des propriétés du pigeon de bois et eut envie de jouer avec lui. Sur ce, il monta sur le
pigeon, remonta le ressort - et le garçon disparut soudain. Oui, il disparut pour de bon. Le roi prit peur pour son fils. Il fit arrêter l'ébéniste et le fit jeter en prison. Quant à l'orfèvre, il rentra chez lui. Alors, l'ébéniste interrogea le roi: - Ô roi - puisses-tu vivre longtemps! -, pourquoi m'as-tu
fait arrêter? Je n'ai rien à me reprocher! - Ton pigeon a emporté mon fils je ne sais où. Je crains qu'il
n'ait causé sa mort quelque part. Jusqu'à ce qu'il reparaisse sain et sauf et revienne, reste donc en prison! Le cœur du prisonnier ne pouvait guère se réjouir d'entendre cela, et de la perspective d'une vie en captivité! Le fils du roi avait volé, sur le pigeon, jusqu'à un autre royaume et, là, s'était posé au milieu d'une forêt. Or, dans cette forêt, le fils du roi local était parti à la chasse. Il y
-111-
rencontra son visiteur, ils se questionnèrent mutuellement, et ils devinrent frères jurés39. - Mon cher, puisque nous nous sommes rencontrés dans mon
pays, tu es ici mon invité; allons, je vais te conduire chez mon père et je te présenterai à la famille. Chez le roi, on se réjouit de la venue de l'invité et on lui fit fête. Le jour suivant, au matin, les deux jeunes gens partirent à la chasse. Ils ne rentrèrent pas durant deux semaines, chassant dans la forêt. Puis ils montèrent sur le pigeon et repartirent. En arrivant au palais du roi, ils passaient devant une tour, quand le jeune invité croisa le regard d'une jeune fille, qui brillait comme une étoile au sommet de la tour. - Mon ami, qu'est-ce qui a brillé là, au sommet de la tour?
demanda l'invité. - Ah, si tu ne l'as pas reconnue aussitôt, quel ami es-tu pour moi? Là-haut se trouve ma sœur, et c'est sa lessive qui blanchoie. Le jeune invité dit alors: -
Je me suis trop attardé en ce pays. On va me chercher chez
moi, on va s'inquiéter de moi: nul ne sait où je suis parti. Adieu donc, mon ami, je repars chez moi. - Au revoir, mon hôte, lui dit le fils du roi. Là-dessus, ils se
quittèrent. Le jeune homme monta sur le pigeon de bois, remonta le ressort et retourna dans la forêt. Il y resta une journée, puis remonta sur son pigeon et s'en retourna vers le palais du roi. Il vola et - bien sûr - alla trouver la jeune femme en passant par la fenêtre de la tour. 39 Lien d'alliance particulièrement fort connu dans diverses cultures, notamment celles des anciens nomades de la steppe. - 112 -
Le fils du roi et la fille de l'autre roi se plurent l'un à l'autre et se prirent d'amitié. Le jeune homme resta toute la nuit dans la tour. Le lendemain, alors que l'étoile du matin annonçait le lever du soleil, il monta sur le pigeon, s'envola de la fenêtre, et alla se cacher dans la forêt. De là, le fils du roi prit l'habitude de revenir à la tour désormais familière, et, chaque nuit, il passait du bon temps avec la fille de l'autre roi. On ne saurait dire combien de fois
le jeune homme serait ainsi allé à cette tour, mais voici qu'un jour les serviteurs et les cuisiniers de la jeune femme tinrent conseil: - Quel prodige est-ce là ? Dieu sait quand notre princesse a
jamais mangé autant, et cela se voit sur son assiette; auparavant, c'était comme si elle ne touchait à rien. Mais à présent, il ne reste rien dans l'assiette, et pas même une miette sur la langue. - C'est vrai, c'est vrai, notre maîtresse s'est mise à faire bonne chère de façon inhabituelle, elle n'est jamais repue, dit un second. - Il Y a là anguille sous roche, ce n'est sûrement pas rien.
Mais même si elle mange plus, elle n'a pas grossi, dit un troisième. -
Alors, comment éclaircirons-nous une affaire aussi
surprenante? - Rien n'est plus facile! Allons chez la sorcière. Que ne sait-
elle pas? Il n'est rien qu'elle ne connaisse sur cette terre. Tôt le matin, ils se rendirent chez la sorcière, lui donnèrent des nouvelles de leur maîtresse et lui demandèrent: - Quel est ce fabuleux prodige qui touche la fille de notre roi? Ne nous le cache pas, révèle-le nous.
-113-
- Je ne vous cacherai rien. Il n'yen a pas pour un carat40de
mystère, dit la sorcière. Auparavant, la fille mangeait ellemême sa part mais, à présent, elle a un commensal, et c'est pour cela qu'elle n'en a plus assez. - Avec un compagnon!
- Hein? - Et comment n'avons-nous pas vu cela? - Ça, je n'en sais rien, mais il n'y a aucun doute qu'un
homme va voir votre maîtresse chaque nuit; si vous voulez vous en assurer, je peux aussi vous donner un conseil, répondit la sorcière. - Si nous le voulons! Il nous faudra en répondre devant le
roi : s'il arrive quelque chose à sa fille, il ne nous bénira pas! - Alors allez-y, et guettez celui qui vient la voir chaque nuit.
Et en guettant, vous verrez un jeune homme voler vers elle sur un pigeon de bois. Vous découvrirez sur quelle fenêtre se pose le pigeon de bois. Quand vous le saurez, étalez-y une glu sans eau. Le pigeon restera collé sur la fenêtre et, au matin, le jeune homme ne pourra pas repartir. Les serviteurs de la princesse suivirent les instructions de la sorcière. A l'aube, le jeune homme, se disant qu'il était temps d'y
aller, se dirigea vers son pigeon de bois - mais il ne réussit pas à le soulever: il était pris dans la glu sans eau. Le jeune homme - bien sûr - resta dans la tour. Les suivantes de la princesse alertèrent le roi : - Notre roi! Dans la tour, là-haut, nous avons surpris un
homme avec ta fille!
40 Le texte ossète dit: «un miskhal », unité correspondant au zolotnik russe, soit un quart de carat.
- 114 -
- Un homme, vous dites? Avec ma fille! s'écria le roi.
Amenez-les-moi ici au plus vite; nous leur ferons ce qu'il faudra. La princesse et le jeune homme ne se sentaient plus très bien, mais que pouvaient-ils faire? Aussitôt, on les fit comparaître devant le roi. - Allez et criez par tout le pays: qui peut tirer au fusil, qui
sait frapper du bâton, lancer des pierres
-
que tous se
réunissent sur le terrain d'exercice! Au cri des hérauts, les gens s'assemblèrent en foule sur le terrain d'exercice. Le roi y fit comparaître devant eux sa fille et le jeune homme, pour qu'ils les jugent. La fille et le garçon comparurent sur le terrain d'exercice, face à la foule. Les gens s'assirent pour délibérer, le roi parmi eux. Or, leurs propos ne s'accordaient pas, leur intelligence se dispersait. Les uns disaient: «nous ne trouvons chez eux rien de honteux ou de coupable. Les enfants font toujours des bêtises41, mais quelqu'un qui a montré tant de valeur, qui a obtenu ce précieux pigeon, nous sera toujours utile de quelque façon. Le tuer nuirait à notre pays. » D'autres disaient: «ils ont violé la coutume, ils ont déshonoré leurs mères et le pays, sali le nom de notre roi, et puis ce ne sera qu'un début, et d'autres en feront autant, et l'ordre du monde sera ruiné... Il faut les tuer! » La foule ne s'accordait toujours pas. Alors, le fils du roi s'empara du pigeon et, pendant que les gens se disputaient, il
41
Littéralement:
«mangent
toujours des charbons ». - 115 -
sauta dessus, attrapa la jeune fille sous l'aisselle et décolla du terrain d'exercice; la foule resta là à les suivre du regard. Les jeunes gens se retrouvèrent chez le garçon en un clin d'œil. Là, le roi ne se réjouit pas peu de leur arrivée: c'était son fils, et il avait retrouvé sa demeure, et il ramenait de l'étranger une jeune épouse si belle, qu'ils semblaient à eux deux être le soleil et la lune. On fit à la jeune femme des habits de mariage. On célébra de belles noces, on libéra l'ébéniste, et les habitants festoyèrent durant des jours. Après cela, les jeunes mariés commencèrent à vivre dans la demeure du roi. En quelques années, il eurent des enfants: trois garçons. - Tiens, si je visitais la famille de ma femme, dit le fils du
roi. Et l'on se mit à préparer des cadeaux. Ils préparèrent tant de boisson qu'il faudrait atteler dix-huit buffles pour l'emporter, et autant de nourriture. Ils préparèrent donc le tout et l'envoyèrent chez le père de la jeune femme, dans sa maison natale. Le gendre s'installa sur le pigeon, s'envola devant les porteurs de cadeaux vers la maison de sa belle-famille, et commença à faire ses visites. Les gens de la maisonnée en furent fort surpris. A ce moment, les porteurs de cadeaux apparurent eux aussi. Alors, le roi envoya son héraut proclamer: « La belle-famille du roi lui a envoyé des présents. Qui des habitants peut marcher, qu'il vienne, et qui ne peut marcher, qu'on le porte à l'assemblée! » Nul d'entre les habitants ne resta à l'écart: tous s'assemblèrent dans la demeure du roi. Ils s'assirent, mangèrent, burent.
- 116-
Le gendre faisait le service. Or, cinq hommes étaient assis d'un côté de l'assemblée, et il leur versa à boire. Après avoir bu et mangé, le petit groupe se mit à trop parler, et la conversation tomba sur le gendre: ils ne savaient pas que c'était lui qui les servait. - Oui, c'est quand même étonnant que quelqu'un qui a été capable de préparer autant de mets et de boisson, le maître d'autant de biens, s'abaisse à épouser la fille de notre roi. En vérité, elle était légère: sans rien vous cacher, j'ai été son amant, dit l'un d'eux. Sur ce, les autres commencèrent aussi à se vanter. A les entendre, la fille du roi avait été la maîtresse de chacun d'entre eux. Le gendre les écoutait. Quand ils eurent fini, il leur demanda: - Vraiment! Alors, elle a été la maîtresse de chacun de vous
cinq, dites-vous? -
Oui-oui! dirent unanimement les cinq. C'est bien vrai? leur demanda le gendre. Nous disons vrai! Eh bien, espérons que non, mais faisons un pari: celle que
vous avez calomniée, c'est ma femme. Rendez-vous donc chez moi. Et si celle dont vous parlez accueille l'un de vous de la façon que vous dites, je m'engage à faire venir ici par la terre ferme, sur ce terrain d'exercice, des bateaux. Mais si elle n'accueille bien aucun de vous, alors vous devrez faire en sorte que des navires parcourent ce même terrain dans les deux sens. Qu'auraient pu répondre les jeunes vantards? L'aîné d'entre eux sauta en selle et partit voir la femme du jeune homme. Quand il parvint à la demeure royale, il fouetta son cheval, s'éleva jusqu'à la fenêtre de la jeune femme et dit: - Alors, comment ça va, ma voisine? Elle lui répondit: -117-
- Entre, entre, Tepsyr, nous t'offrirons l'hospitalité.
Tepsyr sauta de son cheval et entra dans la maison. Le soir, on lui fit à dîner et on le traita bien. Ensuite, après le repas, on le conduisit à sa couche. L'invité s'assit sur le lit et étendit la jambe vers la jeune femme. Elle lui ôta sa chaussure. Il tendit l'autre jambe. Alors, elle le repoussa, et il se retrouva dans une fosse dissimulée. Elle referma sur lui le couvercle. Elle en usa de même avec les quatre autres. A présent, tous les cinq jeunes vantards croupissaient dans cette même fosse. Evidemment, leur idée ne leur semblait plus si bonne, mais il ne leur restait rien de mieux à faire que de prendre leur mal en patience. Là-dessus, le mari revint sur son pigeon de bois volant. - Où sont passés mes invités, qu'en as-tu fait? C'est moi qui
les ai envoyés chez toi. - N'aie crainte, ils n'ont rien et ils ne sont pas loin. L'homme regarda à l'intérieur, entra, s'assit sur le banc et demanda à son épouse: - Alors, où sont mes invités? - En bas, dans la fosse secrète, à se morfondre et à s'indigner,
à se raconter quels exploits ils ont accompli et où : voilà de quoi ils parlent. L'homme ouvrit le couvercle de la fosse secrète, et dit à ses invités captifs: - Vous avez perdu?
- Nous avons perdu! admirent les invités. Ils sortirent de la fosse, et voilà! Le maître de maison les traita bien, mais il leur rappela la parole donnée: ils devraient réussir à traîner sur la terre de la belle-famille de cet homme, sur le terrain d'exercice, des bateaux. -118-
Ils ne pouvaient s'en sortir: le gendre les accompagna chez sa belle-famille et là, contre leur gré, sur le terrain d'exercice, ils traînèrent des bateaux dans les deux sens. Les trois garçons du fils du roi avaient grandi et mûri. Un beau jour, les trois frères allèrent trouver leur père et lui dirent: - Hé, papa! Notre foyer ne nous plaît plus tant que cela.
Nous voulons quitter notre vieille résidence et nous chercher un meilleur endroit, où la vie sera plus gaie et plus facile. Le roi ne répondit rien de particulier au vœu de ses fils. Ils rassemblèrent leurs affaires, se préparèrent complètement, ordonnèrent à leurs serviteurs de se préparer eux aussi au départ. Au jour fixé, ils partirent à la recherche d'un nouveau foyer, et leur ébéniste les accompagnait. Ils partirent donc, avancèrent, et parvinrent dans un beau pays. La forêt était sans égale, ses eaux étaient agréables à boire, ses pâturages et ses terres cultivables s'étendaient à perte de vue; en outre, son climat était bon. Leur cœur se réjouit, leurs membres se firent légers. - C'est en cet endroit que nous nous établirons, dit l'aîné des
frères. Où que nous errions dans le monde entier, nous ne trouverons jamais de meilleur foyer qu'ici. - Etablissons-nous ici! dirent les deux autres frères. Alors, le frère aîné prit une assiette et la lança. Là où l'assiette avait tournoyé, un grand palais apparut. Le second frère, à son tour, lança son assiette et lui fit décrire une plus grande trajectoire. Un palais plus grand apparut dans cette courbe. - 119 -
Puis le troisième frère lança lui aussi son assiette, plus fort encore, sur la plaine. Un beau palais, plus fabuleux encore que les autres, apparut dans la courbe qu'elle avait décrite, suivi d'une maison à trois étages. Ainsi donc, les trois frères se mirent à vivre dans cette contrée. Innombrables étaient leurs troupeaux, et sans limites leurs champs de blé. Ils vivaient dans le confort et en bonne intelligence avec leurs travailleurs. Nul ne peut savoir
combien de temps ils auraient ainsi vécu - mais un jour, le frère cadet était assis, tourné vers le soleil. Et voici que devant lui passa un vieil homme, allant son chemin, errant à son gré. Le vieux s'arrêta, contemplant les palais, les bâtiments, et s'étonna: - Dieu, il y a longtemps que je crois que tu es unique. Durant
les longs jours que j'ai vécus, je n'ai pas peu erré, je n'ai pas peu vu, mais des palais et des maisons comme ceux-ci, je n'en ai jamais connu! De quoi pourrait-on s'étonner davantage? Leur taille, leur beauté sont absolument sans égales! Eh bien, si Dieu était miséricordieux, la flûte magique des Nartes42 jouerait sur le toit, et une clochette résonnerait, et une oie d'or danserait à cette musique... Là-dessus, le vieillard passa son chemin. Le frère cadet avait entendu ses paroles, il rentra chez lui et répéta les paroles du passant à son père. Alors, le père dit: - Il faut trouver ces trésors!
Les trois frères se mirent en route à la recherche de la flûte magique, de la clochette et de l'oie d'or. Ils partirent et arrivèrent au pied d'une montagne, à l'entrée de trois gorges, 42 Les héros mythiques des récits épiques (cf. Introduction), qu'il est intéressant de voir ici évoqués dans ce conte populaire. - 120 -
et s'y arrêtèrent. Ils délibérèrent pour savoir qui d'entre eux emprunterait quel chemin. -
De ces gorges, celle de gauche est la «Gorge des
brigands43 », dit le frère aîné; celle du milieu est dite «Va et ne reviens pas»; la troisième «Va et reviens ». Or donc, tirons au sort, et que chacun emprunte la gorge où tombera sa baguette 44. -
Moi, dit le frère cadet, je prendrai le chemin «Va et ne
reviens pas », sans tirer au sort.
L'aîné emprunta alors la gorge de droite, le puîné - celle de gauche. En se séparant, ils se dirent l'un à l'autre: - Qui sait, si l'un de nous s'en revient, qu'il cherche les
autres dans ces gorges.
Chacun s'en alla donc sur son chemin. Le frère cadet arriva à un grand rocher et s'arrêta
là: son cheval n'avançait
plus.
Tandis qu'il se débattait avec sa monture, deux hommes lui apparurent. - Bonne route, jeune homme! - Que tout vous réussisse! - Tu n'as rien à manger?
demandèrent
Nous mourons
de faim,
les deux voyageurs.
- N'ajoutez pas à mes soucis! je serai bien embarrassé de
savoir quoi faire, parce que je n'en ai moi-même aucune idée, dit le jeune homme. - Eh bien, sacrifie ton cheval pour nous.
43 Littéralement «des abreks », type d'insurgé-brigand particulier au Caucase. 44 Les trois frères pratiquent le tirage au sort divinatoire par les baguettes (rhabdomancie), une très vieille tradition attestée chez les Scythes par Hérodote (Ve siècle avo J.-C.) et chez les Alains par Ammien Marcellin (IVe siècle apr. J.-C.). L'expression ossète pour «tirer au sort» signifie littéralement «jeter les baguettes ». - 121 -
Le jeune homme se résolut à abattre son cheval. Les deux hommes ne touchèrent pas à la viande de la bête, mais demandèrent au jeune homme: - Où te mène ton chemin? - J'erre à la recherche de la flûte magique, de la clochette et
de l'oie d'or, répondit-il. Tant que je ne m'en serai pas emparé, je ne pourrai pas reprendre une vie nonnale. - Nous allons te montrer la voie qui y conduit, dirent les voyageurs. Si tu prends ce chemin tout droit, tu parviendras à une rivière. Son eau est si amère qu'on ne peut en boire. Mais toi, vas-y et complimente-la: la rivière te prêtera assistance. Plus loin, tu verras un beau pommier: mange une de ses pommes. Ensuite, tu rencontreras des loups à la gueule de fer, tu atteindras le faucon au bec de fer, puis la mère du serpent-
dragon, et enfin la porte d'une forteresse. Apporte avec toi une queue de mouton salée, jette une étoffe de soie sur les épaules de la mère du serpent -dragon, enduis de beurre fondu les gonds de la porte de fer; la porte s'ouvrira, et l'oie d'or sera à toi. Le jeune homme se baigna dans la source, mangea un fruit savoureux du pommier; puis il fit tout ce que les deux voyageurs lui avaient prescrit... L'oie lui échut, comme de bien entendu, et ilIa rapporta de la forteresse. Il repartit et, en chemin, tomba sur la flûte magique et la clochette. Illes prit également, bien sûr, et parvint à l'entrée de la gorge où il retrouva ses frères. De là, les trois frères portant leurs trois trésors repartirent vers leur maison. Quand le serpent-dragon n'entendit plus la musique de la flûte magique et le son de la clochette, il s'alarma et partit à la poursuite de ses trésors. Il tourna et vira, mais son affaire se tennina mal: il périt en passant la rivière. Les trois frères rapportèrent chez eux les trois trésors, les placèrent en haut de leur château, comme leur père en avait rêvé. La flûte - 122-
magique et la clochette jouent encore à présent, tandis que l'oie d'or danse à leur son sans discontinuer. Vous qui n'avez pas vu tout cela de vos yeux, puissiez-vous ne connaître davantage ni la maladie ni l'ennemi.
.
-123 -
LE POPE ET LE MOLLAH
U
n jour où le ciel fronçait les sourcils, Wastyrdji45 allait sur une route, monté sur son cheval boiteux. Il rencontra un pope, le salua et lui demanda: - Tu es un homme de religion, un savant, alors dis-moi: il va
pleuvoir ou non? Le pope contempla le ciel et répondit: - Il va pleuvoir. - Pour l'amour de Dieu et de ce Christ que tu pries, dis-moi
la vérité: il va pleuvoir, ou non? redemanda Wastyrdji. Le pope scruta de nouveau le ciel et répondit: - Lajoumée ne s'achèvera pas sans qu'il ait plu.
- Si tu mens, transforme-toi en âne! Le pope se transforma en âne et poussa par trois fois un braiement asinien. Wastyrdji le chassa devant lui. Le ciel s'obscurcit. Wastyrdji vit alors un mollah qui marchait. - Que ta route soit droite, mon bon mollah, lui dit Wastyrdji. - La tienne aussi, mon bon voyageur! répondit I'homme. - Dis-moi donc: il va pleuvoir ou non?
Le mollah répondit aussitôt: - Il va pleuvoir. - Pour l'amour de ta croyance, dis-moi la vérité: va-t-il pleuvoir, ou pas? redemanda Wastyrdji. - Il va obligatoirement pleuvoir, assura le mollah. - Si tu mens, transforme-toi en ânesse!
Le mollah se transforma en ânesse. Wastyrdji poursuivit sa route, chassant devant lui l'âne et l'ânesse. Chemin faisant, il 45
Wastyrdji, qui porte le nom du saint Georges chrétien, est dans la
religion populaire ossète le protecteur des guerriers et des voyageurs. On le décrit souvent monté sur un cheval à trois pattes (ici: boiteux). - 124 -
vit un homme qui descendait des montagnes, avec sous le bras quatre sacs de cuir. - Droite soit ta route, lui dit Wastyrdji. - Et que la tienne aussi soit droite, mon soleil, répondit le
montagnard. - Tiens, dis-moi, bonhomme: il va pleuvoir ou non? - A cela, mon soleil, je ne répondrai pas: le Dieu des dieux
ne m'a jamais fait part de ses intentions! - Pour l'amour de ton Dieu, dis-moi: pleuvra-t-il ou pas? redemanda Wastyrdji. - Que le Dieu des dieux fasse de moi sa victime, mais moi je
te répète: ce que Dieu médite, je n'en sais rien. Je te dirai seulement ceci: il arrive qu'il pleuve par un jour ensoleillé; et il arrive que le soleil brille par un jour pluvieux. Alors, il pleuvra, ou bien il ne pleuvra pas. - Et où vas-tu donc ainsi? - Dans la plaine; peut-être que j'arriverai à trouver du blé
quelque part: ma famille a faim. - Et que portes-tu ? - Des sacs. - Mais combien peux-tu en rapporter? - Si je trouve à louer chevaux ou ânes, je n'aurai pas à les traîner à pied. Si je ne trouve rien, j'en prendrai autant que j'en pourrai porter. - Ecoute, je m'en vais au loin, et ces ânes ne sont qu'un
embarras pour moi. Prends-les pour toi, fais-les travailler une année entière, et prête-les à tes voisins. Puis ramène-les ici. Ayant dit, Wastyrdji jeta dans les sacs du pauvre homme des grains de blé, et les sacs s'emplirent tous de blé.
Le montagnard chargea les ânes - deux sacs sur chacun -, remercia le voyageur et s'en fut. Il revint chez lui en chantant et, sans ménager sa peine, se mit au travail: il ne s'asseyait pas de la journée, ne dormait pas de la nuit. A la fin de l'année, un joli petit ânon aux longues oreilles courait derrière l'ânesse.
- 125 -
L'année passée, le pauvre montagnard se rendit à l'endroit convenu avec les deux ânes et l'ânon. Il vit que le voyageur était déjà arrivé. - Bonjour! ~
Puisses-tu bien vivre! répondit le montagnard. Voici, je t'ai
ramené tes deux ânes. - Et qu'y a+il encore derrière? demanda Wastyrdji.
-C'est leur ânon, répondit le montagnard. -Alors, fais-les travailler un an de plus, puis ramène-les de nouveau ici. Moi, je n'en ai pas besoin, je n'ai pas le temps. Le montagnard les fit travailler une deuxième année, et un second ânon - une femelle - courait derrière l'ânesse. Il ramena les quatre animaux au même endroit, et le voyageur qui s'y trouvait déjà lui dit; - Les deux ânons sont à toi. Retourne chez toi, et, quand les ânons auront grandi, fais-les travailler. Et le montagnard ramena en chantant les deux ânons dans ses montagnes. Wastyrdji poussa devant lui l'âne et l'ânesse et, là où la route sortait de la forêt, il retransforma l'âne en pope. - Que Dieu te châtie, Wastyrdji, ce montagnard m'a rendu
malade à force de travail. Un peu plus loin, Wastyrdji retransforma l'ânesse en mollah. - Puisse Allah ne pas te pardonner, Wastyrdji, pour avoir laissé ce montagnard me forcer à trop travailler, dit le mollah. Wastyrdji disparut.
~ - 126-
LA SOURIS QUI CHERCHAIT À MARIER SON FILS
I
l était une fois - on ne sait ni quand, ni où - une souris, une
souris comme toutes les autres: moustachue, rondelette, les oreilles pointues, les yeux vifs, quatre courtes pattes et une longue queue fine comme un brin de paille: en un mot, comme toutes les souris que l'on voit. Elle avait une résidence, un joli trou qu'elle avait elle-même creusé dans la terre avec ses petites griffes. Elle avait volé de la laine souple dans le papier d'une vieille femme, et s'en était fait un lit bien doux. Elle avait aussi des réserves: elle les garnissait pour l'hiver de graines dérobées, de noisettes, d'akènes de platane. Or, voici que les souris voisines commencèrent à la visiter, car elle ne sortait plus: elle allait mettre bas, et les voisines vinrent prendre des nouvelles et faire office de sages-femmes. Un jour, les porteurs de bonne nouvelle se mirent en route: -Un cadeau contre une heureuse nouvelle: notre souris a eu un souriceau! Les proches de la souris se réjouirent beaucoup de son bonheur, et la couvrirent de cadeaux. La souris aimait beaucoup son bébé. Comme on dit: « Même
un crapaud trouve son fils beau comme le soleil» - eût-il des genoux cagneux et des yeux globuleux. Elle veilla à son éducation. Quand le souriceau, rayon de soleil de sa mère, eut grandi et commença à trotter, elle se mit à l'instruire. Il ne fallut guère de mois ou d'années pour que l'on ne parlât plus que de ce souriceau, partout dans le monde des souris. - Nous n'avons jamais eu de pareil garçon, heureuse la mère
qui l'a mis au monde, disait une souris. - 127 -
- Tu as raison, ma parole, je pense aussi qu'il deviendra une
souris célèbre. - Oui, oui! Il plaît non seulement à vous, mais aussi à tous
ceux qui l'ont vu. - Il est beau, il est bien fait, bien élevé, intelligent! - Ce souriceau a de grandes qualités: nul n'a l'ouïe aussi
fine, nul n'entend de plus loin le chat miauler, ni ne comprend mieux d'où vient le danger pour nous. - Et encore, nul ne se débrouille mieux: on ne parvient pas à
le suivre des yeux, et il travaille avec la vivacité de la flamme. Nous nous sommes trouvés ensemble à fouiller dans les greniers. Il s'est mis aussitôt à faire un trou avec ses petites dents pointues, et il s'est emparé d'un bon tas de blé rouge pour l'hiver. - Et moi, je l'ai rencontré dans le bois de noisetiers. Périssent
les jaloux: ce qu'il faisait seul, nous autres n'y arrivions pas à plusieurs. Il a fait des stocks prodigieux de noisettes et de blé mûr dans ses placards. Et il n'y a pas d'autre souris aussi courageuse que lui: voici, la poule toutes ailes dehors et ses poussins se promènent dans la cour, et elle appelle ses poussins quand elle trouve à manger: cot-cot! Et le chat peut s'étirer à côté, les moustaches frémissantes aux aguets. Mais notre souriceau, tel le céleste Watsilla46, se jette sur un
poussin et l'attrape; en un éclair, le poussin - tchip-tchip ! se retrouve chez la souris, et la poule et le chat en restent pantois. Oui, les saisons passèrent, le souriceau grandit, et la mère se mit en tête de chercher une épouse pour son garçon. Il y avait bien des envieuses, beaucoup de souris poussaient du museau leur fille, d'autres leurs parentes ou leurs connaissances. On aurait pu faire le tour de la société des souris sans trouver une
46Watsilla est la quasi-divinitéde l'orage dans la religion populaire ossète. Son nom dérive de celui de saint Elie. - 128 -
famille qui ne veuille donner sa fille, avec gratitude, au garçon de notre souris. Et la mère souris comprenait bien comment était faite la vie de son époque. En d'autres temps aussi, chacun cherchait un parent riche, glorieux et fort. Elle voulut donc amener à son garçon la fille du soleil, parce que le monde jugeait que nul n'était plus fort que le soleil. Car la terre gèle en hiver, le sol durcit, les légumes, les reptiles, les animaux volants, beaucoup de bêtes sauvages périssent, d'autres dorment d'un profond sommeil, certaines gagnent des pays chauds. Mais au printemps, quand le soleil est de nouveau haut et commence à briller dans le ciel bleu, quand le printemps éclate après l'hiver glacial, alors la chaleur du soleil d'or brise de ses rayons les chaînes de la terre. Alors la vie ranime les noirs champs morts: verdissent les monts, les plaines, l'herbe, la terre; l'air revit. Donc, la souris s'en alla chez le soleil. Je ne vous conterai pas comment elle trouva son chemin, car je ne le sais pas moi-même. - Bonjour, Soleil d'or des soleils47 ! - Bienvenue, bienvenue, souris à la longue queue. Je t'offre l'hospitalité, ta vue m'est agréable, dit le soleil. - Puissent ne t'arriver que de bonnes choses, dit la souris à
longue queue. Je suis venue traiter une affaire, ô Soleil d'or des soleils. - Peut-être me la feras-tu connaître? - Pardonne-moi, Soleil d'or des soleils... Voici: j'ai un fils,
un fils semblable à Watsilla. Le temps est venu pour lui de se marier, et j'ai à cœur de lui trouver une épouse. Dans notre pays, toute la gent souris me supplie d'accepter ses filles, mais je n'ai donné mon accord sur rien, je ne les juge pas digne d'une alliance. Je cherche pour mon fils une fille qui ait 47 Appellation
cultuelle du soleil divinisé. - 129 -
de la force. Dans le monde, nul n'est réputé être plus fort que toi. Donne-moi ta fille pour mon petit: je te conviens comme parente, et ni toi ni ta fille ne vous en repentirez. - Pour être fort, je suis fort, dit le soleil, et je ne te refuserai
pas ma fille... mais il y a plus fort que moi. - Qui donc s'avérera plus fort que toi? - La nuée, le brouillard. - Comment cela? - Le nuage s'interpose entre la terre et moi, masque le ciel, et je ne peux plus rien: il ne me permet plus de voir mes enfants. - Alors, adieu: tu ne me conviens pas comme parent.
- Puisses-tu en rencontrer un meilleur, souris à longue queue! La souris s'en alla voir le nuage. - Nuage, je suis venue à toi pour conclure une alliance. Je te demande ta fille pour mon fils. J'ai sollicité le soleil, on le croyait fort, mais il t'a décrit à moi comme plus fort que luimême. Ce jugement est digne de foi. En toutes choses, c'est grâce à toi que nous vivons sur terre. Si tu n'existais pas, nul ne survivrait sans eau. - Nul ne dira de mal de toi! Mais ce que tu attends de moi, je n'en serai pas capable. Peut-être me trouverai-je plus fort que le soleil, mais il y a plus fort que moi aussi. - Alors qui? - C'est le vent qui est plus fort que moi. Quand il émet un
souffle, quand il me promène de çà de là, il joue avec moi comme avec un ballon, me heurte contre les cimes, me fait tournoyer aux extrémités du ciel. - Merci pour cette parole de ta bouche. Adieu.
- Bonne route! Et tantôt galopant, tantôt trottinant, la souris alla se présenter devant le vent. - 130 -
- Donne-moi ta fille pour mon fils: plus fort que toi, dit-on, il n'y a pas. Je suis allée chez le soleil que je croyais fort, mais il m'a confié qu'il jugeait le nuage plus fort que lui, et le nuage m'a renvoyée à toi. Ta force n'est pas contestable. Moi-même, je ne l'ignore pas. Quand le soleil, lors des chaleurs, commence à brûler la contrée, tu surgis de nulle part et apportes les nuages de pluie. Ou alors, quand le pays est lassé de la pluie, quand l'œil d'or du soleil n'apparaît plus au ciel, alors, grâce à toi, les nuages se dissipent et disparaissent. Grâce à toi, les hommes mangent du pain: les grandes ailes des moulins se meuvent de par toi, et les gens
peuvent moudre leur blé - j'en ai aussi une part! Grâce à toi, les tas de blé sont nettoyés, les navires sillonnent la mer dans les deux sens. Cela quand tu es de bonne humeur. Mais quand tu te fâches, tu provoques aussi de grands malheurs. Lorsque tu émets un souffle courroucé, tu arraches la sombre forêt à ses racines, tu ne laisses plus aux hommes ni blé ni herbe.
On ne saurait mieux me glorifier; je te dois des remerciements - et pourtant, il y a plus fort que moi. - Quoi? Plus fort encore que toi? Et qui sera-ce donc?
-
- C'est le bœuf. - Le bœuf, dis-tu ? - Oui. Le bœuf paît dans les prés et broute l'herbe grasse. Je souffle, et lui ne bouge même pas la queue: je lui importe moins qu'une mouche. La souris en quête de belle-famille repartit donc. Elle allait, et voici qu'au milieu de l'herbe paissait un fort bœuf noir. Il paissait, attrapant I'herbe verte avec sa langue et la coupant avec ses larges dents. Une mouche se posait de temps en temps sur son échine et ilIa chassait de la queue.
- 131-
48
- Je suis venue à toi pour faire alliance. Je demande ta fille
pour mon célèbre fils unique. Je cherche comme parent le plus fort de tous les êtres forts. Je suis allée voir le soleil, et le nuage s'est avéré plus fort que le soleil, le vent plus fort que le nuage, et le vent m'a indiqué que toi-même tu étais plus fort que lui. On peut se fier à la parole du vent. Grâce à ta forte encolure, les gens labourent, transportent du bois, vont en expédition, construisent leurs demeures. Le fort bœuf noir releva la tête de l'herbe grasse, regarda la souris de ses grands yeux doux, et dit: - Meu-euh! Tu me fais grand honneur en me considérant
comme digne de toi. Mais il me semble que tu me surestimes, que tu me loues excessivement. Je ne suis pas faible, c'est vrai, mais tu te trompes quand tu m'assignes la place du plus fort. - Alors qui est plus fort que toi?
- La charrue est plus forte que moi. On y attelle huit bœufs comme moi qui la tirent pour labourer la terre. Il ne s'écoule guère de jours avant que nos encolures soient endolories et se mettent à nous démanger. Encore heureux quand on nous les soigne à la graisse de mouton pour les radoucir. Nous maigrissons au point que nos côtes se rapprochent. Que celui qui ne nous aime pas subisse donc ce que nous subissons! - Alors, toi non plus tu n'es pas un parent pour moi! Porte-
toi bien, dit la souris. - Que ton chemin soit doux comme du coton, ma chère! Et le bœuf abaissa sa grosse tête dans I'herbe, se battant paresseusement le dos de sa queue, les mouches s'envolant en masse de son large dos.
48 On imagine que le « bœuf» a eu une fille alors qu'il était encore un taurillon!
- 132 -
La souris se mit à chercher la charrue. La charrue était aux champs: le laboureur l'avait détachée et la préparait au bout du champ. Il fixa son soc et ses mancherons. La charrue se reposait au bout du champ, c'est là que la trouva la souris. - Hé, charrue, j'erre à la recherche du plus fort du monde:
J'essaie d'obtenir sa fille pour mon fils. J'ai demandé la fille du soleil, mais le nuage est plus fort que le soleil; j'ai demandé la fine du nuage, mais le vent est plus fort que le nuage; je me suis encore adressée au vent, mais le bœuf est
plus fort que le vent. Et le bœuf t'a désignée à moi comme plus forte que lui. - 133-
- Comment cela, plus forte? Au printemps et à l'automne, je
retourne l'écorce de la terre. Il n'y a plus beaucoup de pays où je n'aie laissé la trace de mon soc, à quelques coins arides près. J'ai fait noircir les endroits les plus reculés et les plus abrupts. J'apporte l'abondance au monde. Il n'y a personne qui ne parle de moi. On compose sur moi poèmes, épopées et chants; à certains moments, quand ils veulent s'égayer, les gens les chantent pour s'éclaircir le cœur. Mon soc nourrit et entretient le monde. Je suis la porteuse d'abondance, grâce à moi les silos s'emplissent de blé, grâce à moi les meules du moulin sont mues par le vent, l'eau, la vapeur. Toi-même, tu sais tout cela, c'est pour cette raison que tu te rapproches des moulins, des réserves et des champs: il t'en vient du profit. Mais si je te disais qu'il n'y a pas plus fort que moi, je mentirais; qui aime à réfléchir ne sera pas d'accord avec moi, et on me tournera en dérision. Or moi, j'aime vivre droitement, dans l'estime de moi-même, car je peux vivre de mon travail, je ne demande rien à personne et je n'attends rien de quiconque. - Ah, alors qui donc l'emportera sur toi en force ? - Ecoute-moi attentivement... mais je ne voudrais pas te
lasser par mes paroles. - -Parle, je t'en prie, il me plaît de t'entendre. Tu es une
ancienne, tu as vu beaucoup de bon et de mauvais. Je retirerai moi aussi quelque chose de ta sagesse. - Bon, je t'ai raconté l'histoire de ma force. Je parlerai
maintenant de ma faiblesse. On m'attelle à huit bœufs robustes. Les travailleurs sont assemblés: le chef, les bouviers, le conducteur de la charrue, le laboureur. Le plus capable se tient près des mancherons. Les bœufs s'ébranlent, je commence à labourer, j'essaie de faire voir le soleil au dessous de la terre. Mais voici venir le moment difficile. Quand je passe dans la friche, les tiges me prennent à la gorge, je suis coincée, et même le conducteur ne peut rien y faire. C'est la première chose. Ou alors, quand je laboure la terre inculte, alignant les sillons comme les fils d'une même - 134 -
mère, je vais, je vais, et la racine de I'herbe se place devant moi, et soudain je m'arrête: je ne veux plus bouger. Si elle n'était pas plus forte que moi, la racine de l'herbe ne me retiendrait pas. La mère souris quitta la charrue. - Pour comprendre qui est fort, il faut avoir rencontré celui que l'on considère comme tel, et l'avoir compris, se disait la souris. Qui diable aurait pu imaginer que je serais moi-même la plus forte de tous? Le soleil est fort, le nuage plus fort que le soleil. Le nuage est fort, le vent plus fort que le nuage.. Le vent est fort, le bœuf plus fort que le vent. Le bœuf est fort, la charrue plus forte que le bœuf. La charrue est forte, la racine plus forte que la charrue. A ce compte, je me suis trouvée plus forte que tous. Et pourquoi pas! La racine, que l'on considère comme la plus forte du monde, je la mets en pièces avec mes dents aiguisées. Et la souris cessa d'errer à la recherche du plus fort; elle s'en retourna chez elle et trouva comme femme, pour son unique souriceau, la fille la plus belle, la plus modeste, la plus brave de toute l'espèce des souris. C'était un beau soir d'été. La pleine lune brillait au milieu du ciel. Les étoiles scintillaient. La Voie Lactée partageait le firmament en deux. Ce soir-là et aucun autre, la mère souris organisa les noces.. Vieux et jeunes se régalèrent. Puis tous se rendirent dans une grande clairière et y dansèrent. Au milieu du cercle du simd, une souris conduisait la danse en chantant. Elle chanta le chant du vieux Gaïsym. Qui sait, et si quelqu'un d'entre vous rencontrait encore cette ronde?
~ - 135-
LE PRINCE ET LE HÉRISSON
L
e printemps est arrivé, il fait un beau soleil. Avec un tel printemps, les oiseaux chantent de joie dans toutes les langues. Par un tel jour bien chaud, même la perdrix ne craint pas l'aigle; elle se perche sur une roche et son chant emplit la vallée. La perdrix ne se gêne pas non plus: elle se vante sans retenue, disant que c'est elle qui a montré à l'homme, en chantant, que le bois de charme était bon pour faire les manches de hache. En écoutant le chant de ces oiseaux, un prince se dit: - Et si j'allais à la chasse, peut-être rencontrerais-je quelque
proie?
Le prince s'en alla à la chasse. Il erra dans les monts et les rochers, regarda dans sa longue-vue, mais ne vit rien: il n'y avait là ni bête ni oiseau. Finalement, il aperçut un hérisson. En le regardant, il vit un serpent allongé sur une laîche ellemême en forme de serpent. Le hérisson se dressa sur ses pattes arrières et commença à examiner le serpent réfléchissant peut-être à la façon de triompher de lui. Soudain, il fit un grand bon vers le serpent endormi, ils
commencèrent à se battre, et - bien sûr - le hérisson tua le serpent. Voyant cela, le prince fut pris de sympathie pour le hérisson et se dit: il faut que je ramène chez moi ce hérisson pour le choyer; voyez donc! Depuis toujours, le serpent est un poison pour l'homme, mais lui, il s'est battu avec le serpent et l'a vaincu. Donc, le prince prit le hérisson et l'emporta chez lui pour le choyer. Il lui fit faire une couche en ivoire, une litière en poils de chameau, une couverture et un oreiller en soie, et le - 136 -
hérisson n'était pas privé de nourriture, Mais l'animal devint de plus en plus triste, Un jour, le prince lui demanda;
- Dis donc, hérisson, pourquoi t'attristes-tu
ainsi, ta vie ne te convient pas, ou quoi? - Ah, ma vie chez toi est certes bonne, mais ma maison, ma chère maison doit maintenant avoir été détruite par les serpents, les souris, les rats, les hamsters et autres! -
Bon, alors, hérisson, je ne veux pas ton malheur, Rentre
donc chez toi, et vis là~bas comme tu l'entends, Le hérisson partit. Il arriva dans la forêt, s'enroula sous un buisson et se dit tout joyeux; oh, oh, ma maison, heureusement je te retrouve intacte - rien ne vaut sa maison à soi!
lA
- 137~
LA RENARDE ET SON RENARDEAU
D .
.
epuis l'ubac de la montagne de Qariw, une renarde
tounlait son poitrail vers l'incendie qui brûlait au loin,
sur la plaine kabarde 49.
Son renardeau lui demanda: Que fais.tu, ma mère? Où toumes.tu ton poitrail ? - Tu ne vois pas le feu? Je m'y réchauffe.
-
Une heure passa, et soudain le renardeau, fils de la renarde, frémit puis sursauta. La renarde lui demanda: Que fais4u, mon renardeau ? Qu'est~ce qui t'a effrayé?
-
- Non, je n'ai pas eu peur.
- Alors, que t'arrive~t-il ? - Une étincelle a volé, depuis ce feu chez les Kabardes, et elle m'a brûlé. Alors la renarde de répondre: - A mon avis, tu seras plus renard encore que moi!
49
Au nord-ouest
de l'Ossétie.
- 138 -
GWYRGHOQO ET SA CHAUSSURE
A
Lats vivait un khan, et à Brerzyqrew trois frères: Abyrreg, Wyryzmreg et Gwyrghoqo. Le khan50 de Lats fit annoncer: «Celui qui pourra m'endormir par ses paroles recevra l'une de mes trois filles ». Et Abyrreg de Brerzyqrew se rendit chez le khan. Il parla, fit tous les efforts possibles, mais ne put endormir le khan. Pour le punir, le khan lui fit arracher du dos trois lanières de chair, et Abyrreg rendra chez lui les mains vides. Wyryzmreg à son tour se rendit chez le khan, mais revint de la même manière. Vint le tour du cadet, Gwyrghoqo. Il se présenta au khan et dit: - Notre khan! Paix et prospérité à toi! Au nom du saint
protecteur de ton foyer, permets-moi de tenter ma chance. Le khan le fit venir dans sa forteresse et lui dit: - Eh bien, jeune homme, parle, je t'écoute.
Et Gwyrghoqo conta ce qui suit: - l'étais pâtre dans la montagne et j'avais creusé une rigole qui allait directement des pâturages de la montagne à Brerzyqrew, au foyer de ma mère. Je trayais les chèvres et je faisais couler leur lait dans la rigole et ma mère en faisait des fromages. Par un matin couvert, un loup se coucha dans la rigole. Je ne le remarquai pas et laissai couler le lait. Le lait emporta avec lui le loup endormi, l'animal passa à travers le tamis, tomba dans le tas de fromage blanc, et ma mère en fit un fromage. Au moment de la fenaison, je partis travailler avec mes frères. Et voici que notre mère cuisit un gâteau avec ce fromage et l'apporta au pré. En tant que cadet, je coupai le gâteau, et le loup gris en bondit. Je jetai sur lui ma faux, elle 50
Titre d'origine
turque.
- 139 -
s'enfonça dans sa nuque et y resta plantée. Avec la faux ainsi plantée, il me coupa trente moyettes de foin, puis je le chassai. Après la fenaison, je me mis en selle et me fis gardien de chevaux. Une fois, je mis pied à terre et m'assis pour me reposer. Une caille vola au-dessus de ma tête. Je lui jetai un bâton et la tuai. Je la dépouillai et en tirai plus de douze paniers de lard. Les chaussures d'un pauvre homme sont toujours dures, desséchées. Je décidai de les assouplir au lard. Je frottai, frottai, et tout le lard passa dans une seule chaussure. La seconde s'en offusqua et s'enfuit. Je la poursuivis. Je vis ma seconde chaussure qui battait les épis dans une grange étrangère. Je résolus d'exiger son salaire. On donna à ma chaussure une demi-mesure. Cette idiote prit ce qu'on lui avait attribué, et nous partîmes. Nous parvînmes à un pont. Je dis à la chaussure: «Allons, je vais te porter, que tu ne trébuches pas sur le pont. » Cette idiote de chaussure entêtée ne m'écouta pas, trébucha, tomba, et le millet se répandit dans l'eau. Je me transformai en couveuse avec ses poussins et rassemblai tout le millet. Seul, un grain et demi revint aux ondines, et de tout le reste je fis trois énormes chaudrons de bouillie. Je mangeai et repartis. Vint le mois de mai. Je conduisis le troupeau de chevaux à l'abreuvoir. Je vis que toutes les sources étaient couvertes d'une glace épaisse. Je descendis aux rivières, et la glace y était encore plus épaisse. Je transformai ma main en burin, le sommet de mon crâne en masse, et je crevai la glace. Je fis boire le troupeau et le ramenai. En chemin, je vis un prodige: un seul homme battait le grain au creux d'un arbre avec douze taureaux. - Eh, malheur à toi! Nous, nous battons avec peine dans notre clairière, et celui-ci a trouvé le moyen de le faire dans un creux d'arbre, et encore avec douze taureaux! - Malheur à toi-même! Moi, je n'avais jamais vu pareil prodige :un homme monté sur un demi-cheval, et lui-même avec une demi-tête!
- 140-
Je regardai le cheval: il en manquait la moitié; je me passai la main sur la tête - sans trouver la voûte crânienne. Je revins sur la rive. Je vis l'autre moitié de mon cheval dépasser du marécage. Je l'en retirai, recollai les deux moitiés. Ensuite, je coupai une grande branche de pommier, la travaillai pour un faire une cordelette et l'enroulai autour du cheval. J'avais oublié de couper un rameau de cette branche, et un pommier poussa sur l'échine du cheval. Je montai en selle, grimpai sur le pommier et, montant de branche en branche, mangeant pomme après pomme, je me hissai jusqu'au ciel. Là, je demandai au Forgeron célesteS! de me faire une voûte crânienne en cuivre. De là, je commençai à redescendre le long d'un rameau fin comme une paille. Au cours de cette descente, mes jambes gelèrent. Je fis un feu, m'allongeai. Je m'endormis, me retournai dans mon sommeil et tombai; en tombant, je me brisai le dos. Si tu ne me crois pas, khan de Lats, regarde toi-même mes côtes! Mais le khan assommé par ces longs discours était tombé dans un profond sommeil, et dormait tant que Gwyrghoqo lui coupa une moustache sans qu'il ne bouge. Une fois réveillé, le khan dit: - Allez et amenez une de mes filles à ce jeune homme brave
et astucieux. On amena la fille. Gwyrghoqo sortit un couteau et fit mine de la découper en trois morceaux. Le khan lui demanda: - Que fais-tu? Que te passe-t-il par la tête? Gwyrghoqo répondit: - Nous sommes trois frères, c'est pourquoi je partage ta fille
en trois.
51
Kwyrdalregon,
personnage
bien connu de la religion populaire. - 141 -
- Ce n'est pas un hOlI111le,c'est un démon! s'exclama le khan. Amenez et remettez-lui mes deux autres fiUes! Et c'est ainsi que Gwyrghoqo ramena chez lui, à Bœrzyqrew, les trois filles du khan de Lats. On célébra les trois mariages le même jour. On reçut magnifiquement tous les invités, et les frères vécurent heureusement avec leurs femmes
respectives - ce que nous vous souhaitons aussi.
~~
- 142-
TEXTES OSSÈTES
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Y reHbIr Hre XYbICCreHreH rerrenn KO,L{Ta,CK'breTMre 6aJIHYbIp,L{Ta, reJIre A66aHKYbIQbIKK MreHreYbI rara eCTa,[{HreMre 6bIpre,L{TbI 6aTbIJI,L{H. Y reHbIr paQaryp-6aQaryp aKO,L{Ta reMre KYbI HHQbI CCap,L{Ta,
yre,L{ recTreMre
A66aHKYbIQbIKK ,L{3ypbI: -,[J;Hccar axreM
reMre
CXYbICCbI)].H.
Ta 6aQbI,L{H 6rexMre
reMre
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Hre X'bYCbI
y, ,L{bIaQbI paH reJIMreQrre ,L{rep KYbI,L{Hre KreHbIC! iE3,L{re
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KreM YbIHaH,
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A66aHKYbIQbIKK. -re,L{HC! A66aHKYbIQbIKK
Mre reJIaCbI, -
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Ta HbIX'bX'brep
KO,L{Ta6rex. YreHbIr 6a3HJI
,L{rep Ta XYbIccrerreH
eXaJI HC,
aKO,L{Ta, reJIre Ta CK'breTbI
paHCTa YHCOH reMre )].3bI 6reXbI 6aQbI,L{H reMre Ta CXYbICCbI,L{H. A66aHKYbIQbIKK
parrenn
Ta KO)].Ta, Pa3HJI-
HHKreH ccap)].Ta.
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Y re,L{ yreHbIr
KO,L{Ta, Hrexre,L{rer
Ta HreM 6aQbI)]. reMre Ta HbIH Hre X'bYCbI ,L{3ypbI:
-r'beHbIp KYbI 6aKYbIM,L{TaHC, yre,L{ ,L{bIH YbIQbI Ha,[{ YbI,L{aH,L{?HbIp ,L{rere3 axreM paHMre KYbI aJIaCHH, reMre apBbI QrecrOM KreM YbIHaH, Q'brex XOC KreM xrepaH, canOHreH )].bIH XYbI3,L{rep Hre yaH)].?
pbIHrreB,L{bIJI,L{ KreM aHHaaH, yre,L{
Y re,L{6rex 3ar'bTa: -r'beHbIp QreYbIH. iEMre HbIH Hre pOXbIJI paxreQbI,L{ reMre Hre paJIaCTa.
XH,L{MreKYbI 6axreQQre, yre,L{ reH 6rex HbIPPHYbIr'bTa,
reMre XH,L{HbIxxaY)].H.
- 144-
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XH,lI,reH üre aLl,bI <papC KYbI
HbIX'bX'brep
KO,ll,Ta:
Mre <preJlaCbI!
<preLl,H. A66aüKYbILI,bIKK
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PaüCOMreü Ta A66aüKYbILI,bIKK Ll,yaHbI aLl,bI,lI,H.lhrepbI Ta üeMre CbIp,ll,bIMap,ll, repxaCTa, üre XYbIJl
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Xre,ll,HCrre
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KreMreH
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YbIMreH
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reMre
,lI,reyreH qH 3ar'bTa, YbIMreH reü xYbILI,aü Ma Hbl66apre,ll,. YbI,lI,OHreH ,lI,rep HCTbI aMan YbI,lI,3reHH.
C6a,ll"
C6a,D,TbICTbI reMre Ta HYMre 6aXOp,ll,TOÜ. A66aüKYbILI,bIKK Xre,ll,3apMre
Ta
CbICTa,ll, reMre
CCbl,ll,H.
KrecbI,
reMre
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,lI,yrepTTre
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yreÜbI,lI,)KbI
MH,lI,rerreÜ
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,lI,3bl HY qbICbIJl XYbIHK'b CCap,ll,Ta. A66aüKYbILI,bIKK Ta üreXH MreHreYbI rara
anblBapc
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ar reMre
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'KKOÜ CKO,ll,Ta A66aüKYbILI,bIKK reMre cre
Ta A66aüKYbILl,bIKK
u,yaHbI aLl,bI,lI,H. I-hrepbI
CbIp,ll,bI Map,ll,
üre XYbIJl
,lI,3bl
aKO,ll,Ta reMre Ta cre reJl,ll,apbI pa3 aBrep,ll,Ta. JEJl,ll,ap Ta Hre XrepbI. -IJ,reYbIJlHre
xrepbIC,
reJl,ll,ap?
JEJl,ll,ap Ta 3ar'bTa:
-
YbIÜ üre 6rex KreMreH y, YbI,lI,OH üre ar reMre üre
Y re,ll,reü A66aüKYbILI,bIKK 6a<papcTa:
- 145 -
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1£JIAap rel\reYbI
6aXOPATa.
A66aMKYbIl\bIKK
apaCT
H reMre X'breprreHrre
:
-y reM, A66aMKYbIl\bIKK aMapAH! y reA yreMbIr Mre YCMre A3ypbI: -Qy-Ma, reKrec, AreJIre 1.J:H,Z:{rep KYbIA x'brep KreHbI - A66aMKYbIl\bIKK AaM aMapA. YreMbIr YCMre Arep HM reKacT, reJIre MrexreArer ayaA reMre A66aMKYbIl\bI1.J:1.J:bI X'breAbI 6reJIac KMrre creMMreTa. -1£Mre YbIMreMTa l\bI KreHbIC? - 3ref'brre Mre 6aapcTa yreMbIr. YbIM MbIH 3af'bTa: -A66aMKYbIl\bIKK aMapA, reMre MbIH MreHre 1.J:bIpbIHKreHbIH. qbIPbIH
KybI CKOATa, yreA A3ypbI yreMbIrMre:
-1£PXYbICC-Ma
A3bI, l\bIMre XOp3 y?
1£PXYbICCCbIA, reMHrepAreM blJI aXrel\bIA reMre Mre aTbIATa. y reA yreMbIr MrexreArer AbIHWKbIp 6reJIaCMre 6al\bIAH, aKMATa reMre A3bI 1.J:bIpbIH cKoATa. A66aMKYbIl\bIKK -r'beHbIp-Ma
qbIPbIH
KYbI Cl\reTTre
A3bI repXYbICC. 1£xxrecT Crep
Ma MbIH Mre crep Arep eHoH,
Ma A3bI 3rerreJITre
3rerreJITre
Arep Ta A3bI HbIK'bK'bYbIpATa.
Arep repK'bYbIpOH.
ATreMreM yreMbIrreM KYbIHreYM reMre Mre repxacTa reJIAapMre. reJIAapMre: -y reMbIWKbI AbIH repxaCTOH, yreA-HY reM pal\aryp. PaMCOMreM reJIAap
TapCTH, yreA reM Me 'KKOM CKOATa Dal\bIAH MHAreMre reMre A3ypbI
Me ' JIAap
1£3 paMCOM paWKbI
reMre paMCOM KYbI CbICTaM, l\YaHbI l\reYbIH.
KYbI CbICTaAH, yreA K'bYMTbI pal\arybIpATa A66aMKYbIl\bIKK xreA3apbI
-
Arep blJI repreBrepATa.
-1£xxrecT
repTrereMreryreJIre
Mre
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3af'bTa:
3af'bTa A66aMKYbIl\bIKK. CTreM Ta MbIH 3af'bTa:
1.J:bIpbIH ccapATa.
HC, yreA
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Arep
l\YaHbI
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KreCTH.
- 146 -
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reMre reJIre
reMre creM YbIPAbIrreM
.tEJI~ap qbIPbIHbI crep KYbI crennrepCTa, yre~ yreübIr YbIp~bIrreÜ crrenn KO~Ta reMre reJI~apbI aXOp~Ta, CTreÜ K'bYMTbIpa3bIJI~H reMre HHHre 6HHOHTbI ~rep aXOp~Ta. A66aüKYbIQbIQ%I repTre yreJIa~3bIWKbI crep KYbI aYbI~Ta, yre~ reM ~3ypbI: -KreYbIJITbI C6bIpbI~Tre, Kre? YbIÜ ÜbIH 3af'bTa: -3reXXbIJI ~ypreü KreÜ CCap~TOH, YbI~OH reMreryreJIre CaMa~TOH reMre YbI~OHbIJI CXbI3TreH. Yre~ yreübIr, ~ypreü KreÜ ap~Ta, YbI~OH Krepre~3HübI yreJIre <preQaMa~Ta reMre reM6HCbI OHr KYbI cxreQQre, yre~ reM A66aÜKYbIQbIKK ~3ypbI: -r'beHbIp crrenn KreH, reMre ~re re3 aQaXC~3blHreH. Y reübIr crrenn KO~Ta, <preJIre rexxreCT He cxaY~H reMre 3reXXbIJI üre T'brenn <preQbI~H reMre YbIM HbmnbIpx H.
A66aüKYbIQbIKK
yreJIa~3bIrreü
repXbI3TH. .tEJI~apbI Hc60H reMre CbIJI a60H ~rep Ma QrepbI
UYYbIJI~rep YbIMreH 6a33MbICTbI, reMre cre XrepbI.
*
*
*
- 147 -
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qbI3)J,:>KbI. KYbI paX'bOMbIJl
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bI)J,bryC Pa3bIH)J,H
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Haprer)J,rep CCH. JIrer Y re)J, 6a3)J,rexT -JIreraM,
yre)J, Ha)],reM, yre)J, - yre)J, reJlr'bbICTreM, cre y)J, cre bI)J,bI xre)J,3apbI rep)J,YMre
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JIrer - JlaYbI3, yc - reJl)J,axrer.
bI)J,CbIJlreMre )J,3YPbI JlrerreH:
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)J,bIH 3reIDbIH:
)J,e 'pTre
QbI3)J,)KbI KYbI HHQep)J,reM
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Mre K'breXTbI
YbIMreH HHU;bI 3bI)J,Ta. TrepHr'bre)J, Yre)J, MYaxreMbl yrepM
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HCQH yre paJlacre)J,
Mre )J,3a6blpTre,
Mre 3reHrreÜTTre,
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)J,3ypbI creM cre bI)J,. Hre
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- 148 -
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K'bOp,lJ, paHcoMbI 6a
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lEJI,lJ,ap HbIH a~bI X'bYbIMar KYbI 6aM6apa, ya:,lJ, HbIH a:H Ha:XHYbIJI CbIBa:p,lJ,3a:H, Ta:pXOH KO,lJ,TOHKYbIpoHra:cTre, reMa: HbIH a:H Ha: ~apMa:H CHC,lJ,3a:H. ba3,lJ,a:xa:M a:Ma: 6a30Ha:M, He CCa,ZJ, ~bI <pa:Ba:HHbI, qH Ha: Xa:CCbI, YbIH.
-
-
- 149 -
Ea6a.n;TbICTbI KYbIpOHrreCn~ li)'reXCreB KYbIPOHbI, reMre c6reprer, KYbIpOHMre repTre %I3,LVKbI KreH !}>reu,af'bYbI)J,bICTbI reMre CCa)J,bI )J,3bIrybIpTre YbI)WH KreH XaCTOÜ. }EMre ce ' JI)J,apreH 3af'bTOH: -}EJI)J,ap, Hre KYbIpOÜMre reprerreH ap)J,reM !}>reu,aroY)J,bICTbI repTre 4bI3,LVKbI, 3reXXOH a.n;reMreH YbI)J,OH XYbI3reH Xrep3aMB, xrep3KOH)J, Max HreMa !}>e)J,TaM.YbI)J,OH MbI 'xcreB u,reYbIHu, )J,re KYblpOHMre, reMre cca)J, üre 6repu,bIJI HM BreÜÜbI, üre )J,3bIryblpTre ÜbIH axreccbIHu,; u,reyrre Kre)J,reMaKreHbIHQ, YbIH He c6reprer BreHHbI. }EJI)J,ap c6a)J,T re)J, a)J,reM KYbIPOÜbI MY aYYOH paH, repTre XOÜbI KYbIHHre !}>rerybIpbIcxO YbI)J,aMKKOÜ, re!}>Tre. KYbI)J,)J,rep Ta !}>recaxcreBrep !}>re3bIH)J,bICTbI4bI3,LVKbITre cca)J, xreCCbIHMre, re!}>Tre creM reJI)J,ap reA a.n;reM paproM KO)J,Ta ürexM, reMre ca YbIQbIxYbI3reHreü aXYbI)J,TOÜüre xre)J,3apMre. CYa3rer KO)J,Ta reJI)J,ap repTre XOHbI, 6a3bI)J,Ta YbI)J,oHreH cre QapAbI reyyreJITre, cre 3bIH)J,3MHre)J,Tre, 6a3bI)J,Tre, KYbI)J, rero)J,ayreü 6a!}>TbI)J,bICTbIQbIKYbIpaHbI !}>repAbI,LVKbIxYbI3reH repTre %I3,LVKbI axreM YbIHrrer paHMre. HMQbI 6acycrer KO)J,TOHXOTre reJI)J,apreH ca u,ap)J,bI yarreü, pa.n;3bIp)J,TOÜÜbIH cre !}>bI)J,bIYCbI 3rep)J,reübI yar. }EJI)J,ap CaM !}>reX'bYbICTa reHYBbI)J,reü, -AJIu,bI)J,rep
XOp3,
6axaT)J,3bIHreH:
Mre
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CTreü 3aroTa:
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Ya3)J,)KbITre, KreMre
JIre)J,)KbIX'bre)J, MC, YbIH KYbI 6a30HMH, KYbICT 6aKreHMH
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U,bI MMHHYrer,
yre)J, YbIH YbIMre rrecrre
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yreM U,bI MCTbI
a!}>TreMreH 4bICbIJI
re!}>xrep)J, Hre 6aHHre!}>TaT yre Qap)J,bI reMre Ta MCKre)J,reM KYbI c!}>reH)J, KreHaT,
yre)J"
4M 30HbI
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HO,LVKbI yre33aY)J,rep
3bIH)J,3MHre)J,TbI
6a!}>TaT.
}EMre 3aroTa XHCTrep: -}EJI)J,ap u,repa, Max )J,re Qrepaüre xrep)J,3bICTreM Hre K'bre6rep, HYa3)J,3bICTreM reHreyrepcT AOHreH, )J,re Qrepaüre XYPbI PYXCMre KreC)J,3bICTreM.MHHli)'rerreÜ MreM HMQbI YbIüac HC. reJIre reHre Ii)' MMHli)'rer Mrep)J,TreM HH4M QreYbI: reJI)J,ap Qrepre, MreHMre crepa4bI QbmnrepreMxaH KYbI paTIaH, yre)J, )J,3bI reHreX'breH )J,3bIJIJIreÜreH K'baXbI)J,aprec 6aXYbIÜ)J,3bIHreH.
- 150 -
-Yre,lJ,re, reJI,lJ,ap Qrepa, - 3af'bTa ,lJ,bIKKar XO, CCa,lJ,bITre6rer'breM ,lJ,re a,lJ,reMbI
reCa,IJ,HH, rerac
,lJ,YHeMbI ,lJ,3bI 6aXbIHQHH.
-U,bI MHHHYrer HC ,lJ,reYMre Ta? - ,lJ,3ypbI reJI,lJ,ap repTbIKKar
4bI3rMre.
lEcrepMbI
XYbI3.
KreHbI 4bI3r,
yre,lJ, Ta areJIHBbI Mre QrecroMbI
lEJI,lJ,ap Ta MreM HO,lJ,)KbIXaTbI. Y re,lJ, 3af'bTa -MreHMre
4bI3r
HO,lJ,)KbIrecrepMX'breJIreCreM:
JIre,lJ,)KbIX'bre,lJ,reM YbIMac
paB,lJ,HCOH,
a,IJ,reM MreM
QreMreM
Q>reQreOH, yre,lJ, MbIH paMrybIp,lJ,3reH reMre reB3HCT6eQbIK,lJ,)KbIH
HHQbI
HC, MreXH ,lJ,bIH QreMreM
repKrecoM,
Q>reJIre JIrerMre
CbI3f'brepHHKoQopa,lJ,)KbIH
KYbI JIrenny
4bI3r.
XYbI3,lJ,rep Ma a,IJ,reMMar QreMre 6a6reJI,lJ,3reH Hre 3rexxoH Qap,lJ,bI: aM y, reMre ,lJ,re 4bICbIJI 6Hpre aXre,IJ"IJ,3reH- crepa4bI QbmnrepreMxaMre rerac ,lJ,3bIJIJIreMreHK'baXbI,lJ,apreC 6apreB,lJ,3rreHreH YbI,lJ,3reH, CCa,IJ,bI Tre6ref'breM Ta CbIH 6aCa,IJ,reH YbI,lJ,3reH. reJIre ce 'nnreTreM 3bIHapTh,lJ,rep Ta CbI3f'brepHHKoQOPa,IJ,)I(bIH JIrenny reMre reB3HCT6eQbIK,lJ,)KbIH 4bI3r. Y bI,lJ,OHreMXYbI3,lJ,rep Ta Ma yre,lJ, a,lJ,reMMar QreMre 6a6reJIJIa! lEMre X'bYbI,lJ,bITbIJI reQH reJI,lJ,ap: «AMOH,lJ" reBreQQrerreH reMre cyprreMre Hrey, TbIxxreM ,lJ,repreM Hre 6aMC,lJ,3bIHre». CTbIp KrecTrep 6ap
6reprer6oH,
CTbIp QHH,lJ,3HHa,lJ, capre3Ta
XOMbI paKYbIp,lJ,Ta, 6aKO,lJ,Ta
reJI,lJ,ap Mre Xre,lJ,3apbI,
4bIH,lJ,3reXCreB CKO,lJ,Ta, aCTreYKKar
Xre,lJ,3apbI
recHHa,lJ"
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Ta
XOMbI CKO,lJ,Ta
XYbIM,lJ,)I(bITreH cre XHCTrep. IJ,repbIHTre
6aM,lJ,bI,lJ,TOM repTre
XOMbI reJI,lJ,apbI
Xre,lJ,3apbI.
reJIre
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xreJIrer CbIJI 6aQ>TbI,lJ,TaMaCT reMre caThrec, areJI,lJ,reXTacre 3rep,lJ,reTre. Cre KreCTrep
XOMbI CbIH reJI,lJ,ap MreXHQreH KreM paB3repCTa
YbIM CbIH aMap,lJ,Ta cre 3rep,lJ,reTre, yreHrreJI Ma,lJ,bI3reHre,lJ,)KbI, cre KreCTrep XOMbI.
- 151 -
XOMbI:
xreJIrer CbIH caTrercay
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IJ,ac pau;ap)J,aHKKOH, qH 30HbI, <preme reJI)J,apbI yC 3rep)J,reXCaHrre <preU;H. lEJI)J,ap reXCbl3roH paCT KreHbI, a
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IJ,bI 3ar'bTaH)J, reBr'bre)J,bI 6a)J,rer yc! IJ,bI 60H reH YbI)J,H? YaJIbIHMre
reJI)J,ap rep6a3)J,rexT
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- 152 -
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cre
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KO,D;Ta. lEJI,D;apbI
Xre,D;3apMre
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re,D;,D;reMreqM IJ,bI,D;,Ybl,D;OHTa HbIJI TY KO,D;TOH.
PreCTrer
IJ,bI,D;M.
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IJ,bI,D;, YbI,D;OH raJI,D;3apMbIJI
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YbI,D;OH KYbI,D; xaCTa,
reJIre ,D;bIyyre XOHbI TaC 6alJ,bI,D;M: relJ,rer,D;3MHa,D;KYbI 6a30Ha YbIHa,D;bIJI axacToH,
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JIrenny
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J1renny
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- 153 -
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- ,lI,3ypbIHQ
-
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-MYHrer Hre ,lI,reH:MreHre Me cxreccrer rre,ll,3a, H3repbI Ta QyaHreü repQreY,ll,3reH Me'cbIMrep,
- 3ar'bTa
QbI3r.
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,lI,re HyHrer
recbIMrep,
,lI,bI Hre KYbI,lI, yap3bIc,
aTre. Y reBrre,
XOÜbI 3rep,ll,re - recbIMrepMre, recbIMrepbI 3rep,ll,re Ta - X'bre,ll,Mre. -Yreyy, reHa, YbIH Ta YbIH Qep,ll,bIrOH HbIxreCTre CTbI! Me'cbIMrep
MreH KYbI,lJ,yap3bI, -HbIyya,ll,3bl a6a,ll,aH,
-
aq>Tre HreXH y,ll,bI ,lI,rep Hre yap3bI,
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QbI3r.
,lI,re 3bl6bITbI
HyHrerreü,
KreHMre
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KreHMre
Hy ,lI,3bIp,ll, KreHMre CKreHaH, axreM ,lI,bIH HreH. YbIH yap3T
XYbIHHbI.
cI>reJIre ,lI,re reQrer
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KYbI yap3H,lI"
Hre
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MreCbI,lI,)KbI 6a,ZJ,rer EYP%I3,l1,)KbI repXreCCH,lI,.
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KO,ll,TOH! AQbIpaH
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MbIH
Mre Xrep3,l1,3ref'breJIreH
reMre
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HreH.
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repxreCCHC,
QbIH,lI,3bI a,ZJ,
Mre Qap,ll, KreHMre apBHTHH.
Mre XO, ,lI,rey QbI,lI,repH,lI,,lI,rep 6areH,lI,a, YbIH capa3bIHMa
KreMrepHMrep
qbI3r
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Ma,ll,bI
reHT'bbICHrerreH
KreMreH eHHH, X'breJI,lI,3rerreH -EaHQaH,
XO, Mre HYHrer
Qrerrre
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,lI,reH. TreKKre paHCOM QreYbIH 6aJIQbI.
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- 154 -
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- 156 -
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X'bre.n;bT cpreCTre.
CbTpX-CbTpXTA)],
acpren.n;reXT apB XypHbTrybTnreHbT 'p.n;blrreü. Krep%ITre 6a,1J,bIHMre cpeCTbT; cpOC, X'bOM rep6au,bI.n;bTCTbT. CbT3rorepTAHKou,opa)J;)KbIHbT 30HbIH)J;)KbTH6rex .n;rep XTA3bIHreürep6au,bI.n;TA,üre 6bIHaT ccap.n;Ta. reTaJIbTHrrrepreTTre,
acpTre
u,yaHreü
Ca)J;)KbI Map.n; üe yrexCKbTJT, acpTreMreü. TACau,bT TA3rep!»
- ürexTAHbTMrep.n;3ypbI
Cblp.n;bI Map.n; repreBrep.n;Ta. 6bIHaTbI,
pa3Mre
nrenny
.n;rep,
3bTHrer KYbI Hre
u,yaHOH. Dau,bI.n; xre.n;3apMre,
reMre QbTH.n;3 .n;rep reMre xo .n;rep
cprenre üreM Hre XOp3 .n;3YPbIHU" Hre reB3rep.
-IJ,aBrep xa6ap repu,bI,1J,? -3TAaHreü
KrecbI,
rep6a3.n;rexT «Mre
y? IJ;bI MTAf'b 6a.n;bI ye
XYbIu,ay
6axTA3re.n;! -
'pcprybITbI?
iEBTA TACTbT3TAaH
.n;3YPbTHU, %TH.n;3 reMre XO.n;bTf'b.n;. -
renre 3aprre reMre Kacprre u,reücpre,1J,bTJT KreHreM, YbIMreü .n;rep HreM HTAU,bITAC. AU,bI paH Hre TAYHrerreü ra.n;3aübT TrecpMre HbTYYa.n;3bIC, .n;rexre.n;rer cpreu,reYbIc
u,yaHbI
reMre .n;reXTATApxrecpcbIc.
- 158 -
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-YbIn6repc
3rep,D,Har
,D,bIH KYbI yaHKKaM,
KreHHC, u;reMren MaX ,D,rep Hre 60HTre
yre,D, HCTbI repX'bYbI,D,bI
reHK'bap,D,ren
Ma'pBHTreM.
-YreMrep? -,l],rexH reHre30Hrer Ma CKreH. ,l],rexre,D,rer reHreX'bycrre Hre YbI,D,3bIHre ,D,HCCa,D,)I(bIKrepU;bI Kon: Hre PHYbI xyp, nre <preCOHTbI Mren KreMreH HC,
re
,D,bIM)J,)I(bITren
3aprre
Ta
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Ka<prre.
KreHbI,
lEu;rer
,D,3re6reX,D,3HHa,D, ,D,bIH a
YbIU;bI Krepu;reH,
,D,bICTren
HbIJI
KYbI
reM,D,3rer'b,D" TbIXCHC,
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aU;bI raITyaHbI
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KYbIHHre
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-XYblu;ay
CbIH ren Ma cxaTbIp
YbI,D,OH U;bI,D,repH,D,,D,rep y,
YbIn qH 3ar'bTa. HaIT OH, YYbIJI
KreHre,D" CbIMaxreH
yreMrep,
re3
u;reMren
apxanbIHU;. -QreMreH? -y blMreH reMre YbIU;bI Krepu;reH, reHU;OHBa,D,aT Hrey
nre
CbIMax
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KYbI,D, reHX'breJI
Y re,D, Ma nre HbIpMre
CTYT, a
paxaCTaH,D,.
-Mrep,D,TbI6reCTbI X'byaMre Ma ya,
Y re,D,ren
30Hrre
-Mrep,D,TbI6reCTbI
Hren,
aHHreMren
HC 6Hpre
cya,D,OH, 6Hprer'bTre paHpBre3bIH -lEMre
- 3ar'bTOn
QbIH,D,3 reMre XO,D,bIr'b,D,.
,D,rep HHqH KreHH,D,.
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YbIn
paCT
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rreCTre.
<preTK'bYbI,
<preJIre YbIn
re
reMre re
yre,D,re Kre,D, axreM
YbIn
XaITreTTre,
6aHpBre3bIH
Tac paH HC, yre,D, HbIpOHr
reHre YbIU;bI Krepu;, aMren<preCTreMre
HC ,D,ap,D, paH,
X'breX'bX'breHbIHU;
MaCT
ryr,D,3bIX ,D,rep 3bIH y,
,D,rep <prepre3TaM
,D,rep u;rep,D,3bICTreM HCTreMrenTbI
reHre YbIn: ,D,reYblJI HCTbI repu;reYblHbI
6reCTbI Max rennbIH,D,rep
HHU;bI
X'breYbl. MY,D,3reBrap
HHQH YaIT HHU;bI 3ar'bTa,
XO,D,bIr'b,D" U;bIMa <preCMOH KO,D,TOn, JIanny nreXHHbIMrep, YbInay 3bIH,D,H. CTren
JIrenny
Krepu; paxreCCbIHbIJI. xrepbIHreH
CTbI qbIH,D,3 reMre
Ta U;bIMa TapXOHbI
6aU;bI,D,
,D,3ypbIH 6aH,D,bI,D,Ta:
-Yre,D,re a
<prex'bYc
paCT KreHbIH 6aITU;bI. MreXH
6aB3ap,D,3bIHreH
BapreB,D,3 MbIH KreHYT <preH)J,arrar:
a,D,)J,)I(bIH qH
ya.
HO)J,)l(bI
- 159 -
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Mre
xreCCbIHreH XOp,D,3eHTre
6apreB,D,3 KreHyr; re,D,3reXX
EOHBrepHOH JIrenny
aHHreHbI
CbIpX
reMre
MreHrey.
KYbI,lJ"lJ,repH,lJ"lJ,repCKaCT, a
6reXbIJI
a
HY l.{reCTbI ,D,3bI <preXCbIHTre l.{reBrepyr
caprb
aBrep,D,Ta,
KO,D,Ta, rep6aCTa
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XOp,lJ"lJ,3eHTre YbIH<preCTre
CaprbbI
Hre
rOnnbIJI
Xrel.{reHrrep3Tre
6reXbIJI a6a,D,T reMre apaCT 6aJIl.{bI.
IJ,reYbI reMre l.{reYbI. IJ,reH6repl.{ <prel.{bI,D"YbIH 6reprer HHqH 30HbI, <preJIre MreHre - MaCT CYa,D,OH.ErexreH repXbI3T 6reJIl.{l.{OH, MaCT cya,D,OHbIJI rep,D,reJIrOM reMre ,D,3bI XOp3-XOp3 6aH03Ta, CTreH Ta 6reXbIJI C6a,D,TreMre Ta ,D,ap,lJ"lJ,rep apaCT Hre <preH,D,arbIJI. YaJIbIHMre rep6a3bIH,D, MaCT
,D,ap,D,Trep creXH aH,D,3repCTOH ryr,D,3bIX
yaiiTaf'b,D,,D,rep
YbI,D,OH <preXCbIHTre
6Hpref'bTre.
XrepbIHbIJI
reprrenn
JIacTa,
Krecrre
HaJI <preKO,D,TOH6aprerMre. JE
pa3
JIrenny
6rexreH
re,D,3reXX ,D,bIMrer
JE
yre,D, Ta, MaH,D,bIMa, HY X'bbIppbICT JIrenny
paxreCCbI
-Hre
aMreTTrer
<preX'baX'bX'bre,D,Ta,
yaiiTaf'b,D,
<prey! reMre
KreHbI:
<prexaCTreYbI
JE
al.{aJI-aYaJI
a3bI
Mre 3HJIreHTre
COHbI
MbIH YbIH Mre crepreH
JIrenny.
- 160 -
Mre! ,D,re
MbIH rerrep-MrerYbIp
X'breCTre ,D,rep HHKYbI <preKO,D,TaH. HbIp 6bIHMre HYYbIJI,D,rep COHre 6aHCrepCTa.
EreXbIJI re,D,Krepl.{ HrexH 6annrepCTa
CKreHOH.
Krepl.{. Krepl.{ x'brep
-Y, l.{bI <pre,D,re Me '
XOp,D,3eHreH
HrexH <pre
Mre
-Yre Mre ryrA3blx 6UpreThTre, <preXreCCbIMre! -,lJ;reYMre Hre HaIT reBAreJIbI, HreXU KOÜ KreHreM MaX Arep. Aü6repll, AbIH <preKYbICTaM, reMre Are HUlI,bI XOp3
Arep
-
Ae Ya3rer.
EaUpThreB
Mre TbIxrreHrerreu,
xreCCbIH Mre Ma
ayaA3 !
-HOA)I(bIArepAbIH
<paTK'bYbI.
- ~I
6aKYbICTaU, YbIU ccapATau. HblpMre Kreu 6a33MTre, YbIÜ Arep AbIH rerrep YbIAU. «MaCT <preTK'bYbI, MaCT <preTK'bYbI» MbIH <preKOATau. Hy rara Mre HUKYbI 6aXOPATaü. AlI,bI Ya3rer, ure X'bYbIAAar paCT all,reya, 6a3AreXT, reMre MbIH paCT MbIAbI xrepA 6aKoATa. -Mre MaCT cyaAoH, ayaA3A3bIHre Mre xreccbIH? -Aü-Thau, «MaCT CYMOHreu» Mre <preAapATau, Arey pya,LPKbI Mre, uy xYbmn lI,UY,YbIUArep HUKYbIHUqU cKoATa, ArexreArer Arep MbIJIHe 'BBrepCbIATre. YbIlI,bI 6aprer XYbIlI,aYbI Ya3rer
- 161 -
LEPXYbI BypQbI3r,
MreCbI}:pKbI, repXYbI rMyaHbI aMOH.n;MMre [(ap.n;bICTbI reB3MCT6e[(bIK,[{)KbIH QbI3r reMre CbI3f'brepMHKO[(Opa)J;)KbIH
JIrermy.
BOHTre
reMre CbIJI reXCreBTre pa[(bI.n;aM.n;, reBre[([(rerreH.
My paHreH repMrecT X'brep3bI.n;Ta cre 3rep.n;re xo reMre re
Hre YbI.n;.
reMre
LEPXYbI
LEp
- TrepX'bYC
<preCTreMre,
MreCbIr, KO.n;TOH
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IJ,reYbIHIJ:
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repKaCTbICTbI
<pa.n;reTTreM,
<preX'bYbICTOH Krep[(bI 3ap)J;)KbITreM, <preKaCTbICTbI HbIH Hre Ka
aH6repIJ:
.n;Mccrerrre X'bycrre
uyaHbI
<prexaTTreH, .n;MccarreH
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KreHbI.
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[(bI
HMIJ:bI
.n;rep HMKYbI <preKo.n;TOH.
-HMIJ:bl aMap.n;TaT? -My
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<paTreH
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reMap.
- 162 -
ya?
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-X'bre,D;Mre reBBaXC, repXYbI
nmyaH.
TbIf'b,D; 6bI,D;bIpbI MaX
IJ,repbIHI.(
raJIyaHbI
JIrenny, YbIMreH He '
6a.n;rer Eyp%I3r, yreJIapBOH
JIrennyHbI xo
precyf'b,D;.
MreCbIr,
CbI3f'brepHHKOI.(Opa,D;)KbIH
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MreCbI,D;)KbI
reB3HCT6eI.(bIK,D;)KbIH
-
%I3r
HO,D;)KbI,D;rep ra,D;3a, 6YM6YJIH 6a3TbIJI
XYbICCbI,
xo reMre Hre JIrenny XYbI,D;TOHce cxreccrer. fanyaHbI My yaTbI KrepI.(: Hre pMybI - xyp, Hre <precoHTbI - MreH. Y bII.(bI KrepI.( re
-
-
iExcreBbI
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reBrep,D;Ta,
YbI,D;OH, OMa
reB3HcroeI.(bIK,D;)KbIH « IJ,aBrep,D;rep
CbI3f'brepHHKOI.(Opa,D;)KbIH
qbI3r
YbI,D;aH,D; Me
apbIH. iE3 6anlJ,bI KYbI YbI,D;TreH,yre,D;, Kre,D; reMre,
I.(yaHoH
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YbI,D;OH YbI,D;3bICTbI Mre
,D;apbIHI.(, YbIH K'bre6bIJIaTre
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iEPXYbI
yre,D;
Mre qbI3r,
cre 6recTbI 6a3TbIJI
YbI,D;3bICTbI reHreMreHr.
HbIJI 60H KreH,D;3reH. iEMre yre,D; X'bYbIMar re,D; a.n;reM
reMre
-
reJI,D;ap.
Ta repIJ,bI,D;au.n; a
reMre QbI3,D;)KbI 6aM6rexCTOH,
Ma,D;bIJI KYbI,D;3bI K'bre6bIJIaTre
iEJI,D;ap
reMre
KreH pa,D;3bIp,D;Ta, YbI,D;OH reI.(rer pa3bIHOH,
CTreH Mre QbIH,D;3. X'bYbIMar XOHbI XreJIrerreH
JIrenny
HbIHHapbIHreH.
IJ,reH,
Ta KreH
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HrexH aMOH,D;3reH ».
MreCbI,D;)KbI 6anaYYbI,D;
,D;bIKKar
60H.
X'bYbIMreITreM HrexH I.(reCTreH KYbI 'pKaCT, yre,D; 6aM6repCTa, paCT KreH YbI,D;bICTbI Hre X'bYbI,D;bITre. iEJI,D;ap cCap,D;Ta Hre X'bre6YJITbI. iEMre ,D;3ypbI: -iE3
,D;reH yre
I.(bI paHbI
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KreH axxocreH repxaY,D;Ta YbII.(bI paHMre, YbIH MreHreH 6reJIBbIp,D;rOH,D; y, <preJIre Hre CbIMax ,D;rep 6a30H,D;3bICTYT. HbIp y, reMre I.(OMYT yre 6reCTreM,
I.(bI,D;apu.n;,D;rep YbIH HC aI.(bI paH, YbIH ,D;rep aHCYT yeMre.
iEJI,D;rep I.(bI C<preH,D; KO,D;Ta, YbIH crexxreCT %IH,D;3.
YaHTaf'b,D;
reJI,D;apbI
ranyaHbI
MreCbIr reMre Hre I.(rep,D;)KblTre.
- 163 -
KO,D;TOH Hre 3reHrer,
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Hre
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reJI,lJ,rep ,lJ,3blp,lJ" raJI,lJ,3apMreÜ
Ma,lJ,bl KYbl,lJ, CHCOÜ, reXCblpbl
.Qa,lJ,bI üre
qbI3r
reMre
JIrennyübl
KYbI,lJ, HbIHHaÜOÜ.
reHaMOH,lJ, Ma,lJ,
lEMre
,l],blyyre XOMre ,lJ,rep rep6aCU,lJ,T reJI,lJ,ap reMre TrepXOHbI rep6a,lJ,T.
-CbIMax yre Ma,l],bI3reHrerbIJI raJIuyreü pa.QbI,lJ,bICTYT, CbIMax reü CTbIp
<pre3bIH,lJ,.
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,lJ,rep reH,lJ,rep Ma.QbI
*
* *
- 164 -
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reMre
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x'bre6YJI. MyaxreMbI reMre CbIH aqJTre 3reThbI: -Kre)),Mre q,repa3)),3bICTreM HCK)'bI)),reM q,reu:reOH: q,bIpMrerybIpreH
6a3)),rexbI
reMre JIrenny
aU:bI MrerybIpreH?
YC. YbI)),H Hre Eap
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Ma)], q,reH)],arMre capre3Ta, xrepbIHreH a)J,)KbIH,xreCCbIHreHpor 'IH YbI)]" axreM XrepHHreITre. JIrenny 6aq,cHaif)),Ta Hre q,reH)),arrreITre XbI3bIHbI,xrep360H 3aThTa Hre HbIHHap)J,)KbITreH reMre apacT aMOH)], aryprer. IJ;reYbIHTre 6aH)),bI)),Ta, reMre u:reH6repu: q,reQbI)),H, 'IH 30HbI, q,reJIre YaJJbIHMre CX'byar HC XrepHHreITreH. Yre)), 6aq,TbI)), MY X'bre)),6bIHMre, KreCbI, reMre )),3bI MreHre MY6Hprer'b. -EHprer'b, xreprre )),re KreHbIH, - )),3ypbI HreM 6reJIu:u:oH. -Ma Mre 6axrep, - 3ar'bTa 6Hprer'b, - YbIH 6recTbI MbIH )),re pa3bI )),re JIre)),3rerreH Mre rybI6bIH axaq" reMre )),bIH MY60HbI crepreH q,exxYbIc YbI)),3bIHreH.
JIrenny
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IJ;reYbI Ta )),apMrep Hre q,reH)),arbIJI, 6axreu:u:re MY u:reprreCMre. IJ;reprrec au:apxaH)),Ta TreXbIHbIJI, q,reJIre Hre 6aq,repre3Ta. -IJ;reprrec, xreprre)),re KreHbIH, - )),3ypbI HreM JIrenny. -XrepbIHbI 6reCTbI Mre q,reJITay q,exc xrep)),Mre HBa3HbI 6repu:, reMre )),bIH re3 )),rep MYaxreMbI Me'xxYblcbI xaH 6aKreH)),3bIHreH, - 3ar'bTa u:reprrec. JIrenny q,excTa u:reprreCbI HBa3HbI 6repu:. YbIHa)],bIJI u:reprrec aTaXT reMre KreM)),rep q,reayyoH, JIrenny Ta KO)),Ta)),ap)),)),rep Hre U:bI)),bIKOH. YaJJbIHMre u:reyrre-u:reYbIH KreCbI, reMre MreHre MY pYBac paryJI6aryJI KreHbI He par'bbI HYrepTTbIJI.
- 165 -
-PYBac, )J,rey MbIH HM HC reHre 6axreprre. HreJI repa3bIH reXXOpMarreM, - 3af'bTa JIrenny. -HbIyya)J,3 YbIU,bI reH)J"JIrenny. PYBaCbI 6axrep)J, )J,bIH 6Hpre Hre aXreC)J,3reH, CTreH )J,bIH X'byaMre TaMrre )J,rep Ma 6aKreHa Mre bI)J")J,3ypbI PYBac. - reJITaY 6a3)J,rex reMre MbIH Mre KOM HCTreMreM 6aXYbIJIbI)J,3 KreH, qH 30HbI, HCKYbI)J,re Mre crep 6ax'breya. PYBaCbI KOMaXYbIJIbI)J,3KO)J,TaJIrenny reMre apaCT )J,apMrep. IJ;reYbI,
u,reYbI,
reMre
pareHJIbI)J,Ta,
MY )J,eH)J,)l(bI3bI 6bIJIMre
6axreu,u,re.
~eH)J,)KbI3
reMre
MY Kre XYbICK'bbIJI a33a)J,H. JIrenny reJIre6YP)J,Ta KreMre reMre Mre pau,aXCTa. -Xreprre )J,re KreHbIH, MreHre Kre, HM repa3bIH rexxopMarreM. -Yy-y, Ma Mre 6axrep, - 3af'bTa Kre. - qH 30HbI, KYbI)J, BreMMbI, U,bI
BreMMbI, HCKYbI 3bIH)J,3HHa)J,bI KYbI 6axayaM,
yre)J, )J,bIH re3 )J,rep )J,re
XOp3 Mre yreJIre Hre Hbryya)J,3)J,3bIHreH. reTrepHf'bre)J,
KO)J,Ta
JIrenny
KrereH
reMre
Mre
)J,eH)J,)KbI3bI
6acxYbIcTa. IJ.ac Ma reu,bI)J,aH)J" qH 30HbI,
reJIre YaJJbIHMre
6aTbI)J, reMre K'bYJI6a)J,rer YCbI xre)J,3apMre -HaHa, bICbIM MbIH reyT, )J,3YPbI JIrenny. -KYbI HbIJI 6apBreccaM, K'bYJI6a)J,rer
reJI)J,apbI
X'breYMre
6apacT. bICbIM, - )J,3ypbI
yre)J, )J,bIH Max - MrerybIp
yc.
6abIcbIM KO)J,Ta K'bYJI6a)J,rer YCMre, yre)J,re U,bI YbI)J,aH)J,. YC reM 6a3bIJI)J, Mre xre)J,3apbI U,bI ccap)J,Ta, YbIMreM. bICbIM reMre
JIrenny
Ya3rerreH
)J,3bIp)J, 6au,aii)J,af'b.
K'bYJI6a)J,rer
yc )J,3ypbI:
-He' JI)J,apbI qbI3rMre reu,bI)J,bIcTbI Kyprer aJJbI xrep3re)J,)KbITre aJJbI 6recTreM, reJIa cre HHKreMreH 6aKYbIM)J,Ta. KYP)J,)KbITreH-HY qbI3r paJJbIr
KreHbIH KO)J,Ta cre crepTre
reMre cre KaYbI MHXTbIJI repca)J,3bIH
KO)J,Ta, MY crep X'byar Ma reu,H Kay. -AMre cre yre)J, u,reM TbIxxreM HbIu,u,af'bTa, u,reYbIJI reu,H? - 6arepcbI He
'JI)J,apbI
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re3ref'bbI KYprerreH: «lEpTre XaTfbI YbIM. lE3 paMc)J,3bIHreH Mre apBbI 6aM)J,aii)J,3bIHreH. )J,reyreH. reMre
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6aM6rexc, aM)J,reH
Kre)J, reMre )J,re He ccapOH, )J,re KYbI ccapoH,
)J,bIH reM Mre KaYbI
YbIM6repu,
MreCTbI creM-HY
JIrenny. 6a3)J,rexbI
KreM )J,re reH)J,bI, reMre )J,re arypbIH
yre)J, Mre XYbIu,ay
yre)J, )J,bIH paKreH)J,3bIHreH MYbIJI repKreH)J,3bIHreH».
- 166 -
reMre
pa)J,Ta
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-
Mre aMOH,lI,MbIH reHre 6aB3reprreiire Hreii, Mre Ma,ll,bI xaii, MreHreH ,lI,rep, - ,lI,3ypbI JIrenny reMre ,lI,bIKKar 60H MHHreBap 6apBbICTa qbI3rMre. lEJI,lI,apbI qbI3r -lEpTre
6aCH,lI,TH K'bYJI6a,ll,rer YCbI Ya3rerMre.
XaTTbI 6aM6rexc,
reMre ,lI,re Kre,ll, He 'ccapOH,
aMOH,lI" HaMre ,lI,bIH paKreHbIH Ma y Mre Kay. JIrenny
Cpa3bI,
KreH,lI,3bIHreH ,lI,re crep,
yre,ll,re QbI YbI,lI,aH,lI,. ApaCT
reM cpreJIayreHblJI
yre,ll, re3 - ,lI,re My crep
,lI,eH,ll,)KbI3bI 6bIJIMre.
X'byar Krecp
paQbI,lI, reMre cprepCbI JIrennyiibI:
-ll,bI XOp3 ,lI,re X'breYbI MreHreii? -Apcp,ll,rep
QbI paH
y,
YbIQbI
paH
Mre 6aM6rexc:
KreC,lI,3reH reJI,lI,apbI QbI3r, KYbI,lI"lI,rep Mre ccapa, Krecp
cprexreJIMy
,lI,eH,lJ,)KbI3bI
KO,ll,Ta iire
6bIHMre
apBbI
aii,ll,reHreii
acpTre crecpbIH!
,lI,3bIX, JIrennyiibI
aHbIX'bYbIp,ll,Ta
reMre
acpap,ll,rer.
lEJI,lI,apbI QbI3r paiicTa apBbI aii,ll,reH, 60H-H3repMre YbIQbI arybIp,ll, cpreKO,ll,Ta JIrennyiibI. lEBre,ll,3a HbIp xyp aHbIryblJIbI, acpTre JIrennyiireH ,lI,rep iie ccapbIH. Krecp reii paxacTa ,lI,OHbI 6bIHreii XYCMre, reMre JIrenny
yaiiTaf'b,ll,
reJI,lI,apbI QbI3rMre
6aJIreYYbI,lI,.
-CCap,ll,TaH Mre, - ,lI,3ypbI JIrenny. -Yre,ll,re Ta 6aM6rexc
paiiCOM ,lI,rep.
Il,reprrecbI yreJIX'bYc 6aJIreYYbI,lI,,lI,bIKKar60H JIrenny. -)J;re crep Mre 6aX'bYbI,lI,H, Qreprrec, - ,lI,3ypbI JIrenny. lEJI,lI,apbI %I3r Mre aryp,ll,3reH apBbI aM.,D,reHreii,KYbI Mre ccapa, yre,ll, MbIH paJIbIr KreH,lI,3reHMre crep. EaM6rexc Ma HCKYbI. ll,reprrec reii axaCTa aB,lI, XOXbI crepTbI reMre Hre My paH aiiHre,lJ,)KbI 6bIH 6aM6rexcTa. lEXCHH-QbI3r Ta paiicTa apBbI aii,ll,reH, 6aii,ll,bI,lI,Ta aJIbIp,ll,reM cpreJIrreCbIH reMre ,lI,3ypbI: -KreCYT-Ma iireM, KreCYT! AB,lI, XOXbI cprecTre iire My aiiHre,lJ,)KbI 6bIH
6aM6rexcTa Qreprrec. Y bliia,D,blJITa iire Qreprrec cpeJIBreCTaiire yreJI6a3bIpTbI reMre iire reXCHHbI raJIyaHbI
pa3 repreBrep,ll,Ta.
-JIrenny, CCap,ll,TOH,lI,re,- ,lI,3ypbI QbI3r. -Ccap,ll,TaH! - 3af'bTa JIrenny. -Yre,ll,re MbIH paiicoM ,lI,rep 6aM6rexc,,lI,re cprecTar reMf'bYbI,lI,bI60H y.
- 167 -
-QbI <).>re)J,re,6HpreI"b? - )J,3ypbI JIrenny. - Kre)J, Ma MbIH HCKYbI reXXYbIC KreHbIHMre X'baBbIC, yre)J, Mre au,bI caxaTreli XYbI3)J,rep HHKYbI
6aX'breY)J,3reH
)J,e 'XXYC.
DHpreI"b rep6aJIaYYbI)J, JIrennylibI pa3 reMre lire <).>repcbI: -Me 'XXYCbI xali )J,bIHu,reMreli 6aKreHoH? -Ap<).>)J,repU,bI paH y, YbIU,bIpaH Mre 6aM6rexc. Aryprer Mre HC, KYbI
Mre ccapa
-
6alixreJI)J,Mre K'bOHa.
DHpaI"b reM <).>eBHreJI)J,Ta reMre lire )J,ap)J,cay X'bre)J,bI K'bO)J,reXTbI6bIH 6aM6rexcTa. QbI3r-rexcHH palicoMreli KYbI 6a3bIJI)J, lirexHMre, yre)J, palicTa apBbI ali)J,reH reMre <).>reJIrreCbIH pali)J,bI)J,Ta aJIbIp)J,reM. AKacTH )J,reJI)J,3rexMre,aKaCTH yreJI)J,3rexMre, - HHKYbI 3bIHbI JIrenny.
Capre3Ta ali)J,reHcay K'bre)J,3rexTreM, ypc xreXTreM- Hre pa3bIH)J, YbIM )J,rep. Xyp
aK'bYJI,
yre)J,re
U,bI YbI)J,aH)J,.
QbI3r
)J,bIH <).>rex'brep
KO)J,Ta:
-Ccap)J,ToH reii! Cay X'bre)J,bI aCTrey reli u,'brex 6HpreI"b K'bO)J,reXTbI axcreH 6aM6rexcTa. K'bo)J,rexTbI 6bIHreli lire 6HpreI"b paK'baXTa reMre lire ya)J,H)J,rerreH reJI)J,apbI X'breYMre rep6axreu,u,re KO)J,Ta. -KYbI)J, 3reI"bbIC, JIrenny, ccap)J,ToH )J,re? - )J,3ypbI '-IbI3r. -Ccap)J,Tali, 3aI"bTa JIrennyo - ,l1;3bIp)J,Mre rrecrre MbIH HbIp reM6reJIbI aMreJIbIH, <).>reJIreMa )J,re KypbIH HY reM6rexCTbI 6ap-Ma MbIH paTIo -YbIli6repu, xreJIrepTIre KreMreH pa3bIH)J, CbIp)J,Treli, MrepI"bTreli, paCT Ma )J,eH)J,)I(bI3bIu,rep)J,)KbITreli )J,rep, YbIMreH KYbI)J,Hre paT)J,3bIHreH HY reM6rexCTbI 6ap! PreliCOMreli -PYBac, PyBac
JIrenny
apaCT 6bI)J,bIpMre
reMre )J,3ypbI:
)J,bI MbIH KYbI Hre 6aXXYbIC KreHali, <).>eCTa)J,JIrennylibI
-QbI )J,3re6rex
yre)J, - cre<).>TreMre cre<).>T!
pa3.
)J,bIH <).>reOH?
-KreM Mre He ccapoli, axreM paH Mre 6aM6rexc. -QOM MreCbI)J,)l(bI 6bIHMre, - )J,3ypbI pYBac. - YbIU,bI paH yrepM paK'baXreM. Y repMbI )J,bI 6aM6rexC)J,3bIHre, re3 )J,bIJI CbI)J,)I(bIT reMre )J,ypTre HbIKKaJI)J,3bIHreH; Mrexre)J,rer yc <).>eCT)J,3bIHreH, CJIreY)J,3bIHreH yrepMbI crep reMre 6ali)J,ali)J,3bIHreH reJIBHCbIHo DaKO)J,Toli, pYBac KYbI)J,3aI"bTa, a<).>Tre.
- 168 -
qbI3r paifcoMreü paücTa apBbI aÜ)J,reH, KreCbIHTre CHCTa. ApBbI Qbmnap K'ba6a3reü Kre)J,reM Hre <preKreCT, aXreM HM 6a33a)J" <preJlre )J,rep)J,TbIJl
HHKYbI
reMre
HHQbI
3bIHbI.
Y re)J, apBbI aÜ)J,reH XreCTre)J,)KbITreM capre3Ta reMre <preJlrreCbI MreCbI)J,)KbI M<paM6bIJlaÜMre. reKacT, <preKaCT reMre re)J,HCKO)J,Ta%13r, reMre ,lJ.HCcar)J,repTa Ma QbI YbI)J,aH)J,!YbIü6repQ <preQap)J,H, YbIü6repQ reM <preQbI)J,bICTbI KYP)J,)KbITre, <preJlre a JlrennyübI xYbI3reH JlbIMreHTre reMre xreJlrepTIre HHKreMreH Pa3bIH)J,H.
iEHK'bap)J,reü 6apaCT Jlrenny
üre
X'baCT K'bYJl6a)J,rer ycreH. YCbI 3rep)J,re <preTreHrer üre Ya3rerMre. -Mre Ya3re)J,)KbI xaü, - )J,3ypbI K'bYJl6a)J,rer yc. - A
K'bYJl6a)J,rer yc HbIxac KreHbI Ya3rerHMre:
X'bYCbIC, MreHre HbIMreTbIH excreü repQreB)J,3bIHreH, reMre )J,bI precyrn)J, erap reJlre-HY )J,bl 6a3)J,rex reMre %I3)J,)KbI <preCTre CJlreyy reMre, YbIÜ KYbI)J, 3HJIa, a
- 169 -
YbIU:bI paKrec-6aKreC
aKO,D;TareJI,D;apbI lIbI3r apBbI aibreHreH.
CTbIp
CI1XOpaoH CCI1, 1JbI3r Hre ya,D;3bI Hre KaCT, xyp ,D;rep aHblrybIJI,D;, yre,D;,D;rep Ma reJIBrep,D;Ta, u:reMreH CCap,D;TaH,D; JIreIInyHbI, reJIre Hre HM repu:aXCTa
apBbI aH,D;reH.
Y re,D; ,D;3YPbI reJI,D;apbI
-HM
lIbI3r:
,D;re CCap,D;TOH, pau:y.
YbI,D;I1, u:reMreH
Mre
HbIB,
reBreu:u:rerreH,
reMre
aTre
reYOH ,D;re xaH.
YbIHa,D;bIJI K'bYJI6a,LJ;rer yc MrecbIrreH aHcTa HreXI1, paK'bYbIp,D;Ta HbIMreTbIH excreH erapbI, erap recTreMre,U:bIYbI,D;l1,YbIH ecTa,D;l1. El1pre xre3HaTre 6aJJreBap KO,D;TareJI,D;ap Hre HYHrer 1JbI3rreH, Hre Cl1aXcreH. nreIIny reMre 1JbI3r C6a,LJ;TbICTbIxre,D;TYJIrreyrep,D;OHbI reMre re,D;xre3HaTre repap,D;rer CTbI cre Xre,D;3apMa. TbIHr 6a3repoH,D; CThI
JIreIInyHreH are HbIHHap,WKbITre.nreIIny
cre repu:aBTa HbIMreTbIH
excreH,
ecTa,D;bICTbI.
reMre
,D;bIYYre ,D;rep Ca,WKbI xYbI3reH
*
* *
- 170 -
JEMiE :QYAHOH
MiE.JIHKK
X
OP3 MreJIMKIŒ;)H XOp3 u,yaHOH YbI)J,M. DMpre KO,lJ,Ta u,yaHoH MreJIMqqbI K'bYXbl.
l1y60H
60HTbI
<preu,yaH
reM ,lJ,3ypbI MreJIMKK:
-AXCreB
MreM reHaXYblp
Ya3,LVKblTre repIJ,reYMHar
,lJ,MCreHKreH <preXreCCOH, axreM Cblp,lJ, X'byaMre KapK
KYbI
HblyyacbI,lJ"
yre,lJ, u,yaHOH
6a
CTbI, reMre Ybl,lJ,OH
aMapaH.
Hre <paT reMre He 'P,lJ,bIH
CCbI,lJ,M caYX'bre,lJ,Mre. DOH-M3repMre
6aM,lJ,bI,lJ,Ta u,yaH KreHbIH. Me
'HaMOH,lJ, Ybl,lJ, u,yaHOHreH
YbIIJ,bl
60H,
reMre
HMIJ,bI CCap,lJ,Ta
rennbIH,lJ,rep. PapaCT
KO,lJ,Ta M3repbI
IJ,reprrec
6reJIacbI
caYX'bre,lJ,bl
MM,lJ,rer. KreCbI,
reMre
MY CTblp
yreJIre 6a,lJ,bl. Y re,lJ, reM u,yaHOH ,lJ,3ypbI:
-):(O,lJ,OH MbIH ,lJ,re Xre,lJ,3ap <preIJ,M, yreJIre
IJ,reprrec,
re3 a60H,lJ,repr'bbI
u,yaH KreHbIH reMre HMIJ,bI CCap,lJ,TOH rennbIH,lJ,rep,
HbIp ,lJ,rey yreMrep
Map,lJ,3bIHreH. IJ,reprrec
reM ,lJ,3ypbl:
-f'be, MreJIMqqbI XOp3 u,yaHOH, ,lJ,bI Mre aMap,lJ,reH HMIJ,bI Capa3,lJ,3bIHre rennbIH,lJ,rep, <preJIre ,lJ,bIH re3 6aIJ,aMOH,lJ,3bIHreH 30H,lJ, reMre <preH,lJ,. ApaCT
KreH aIJ,bl caYX'bre,lJ,bI
<prexreIJ,IJ,re yaH, XaJIarny,lJ, capa3 6reJIOHbl.
lEXCblpbI
qbI3,lJ,3)1(bITre. TaJIbIHr nbICYJITre, ,lJ,blyyre 6reJIreTTre
MM,lJ,rer. CaYX'bre,lJ,bI
IJ,a,lJ,bI cyp
lEXCbIpbI
XaJIarnY,lJ,reH
a6a,lJ,3bICTbI
IJ,a,lJ,bI HaÜ,lJ,3bICTbI Krec.
lEnnreTbI
reMre creXM
<preCTre
XOHbI
cre
nbIcYJITre
aKreH,lJ,3b1CTbI
c<pap,lJ,rer
cre
YbI,lJ,3b1CTbI
XO Hre nbICYJITre aryp,lJ,3reH
cre
yre,lJ, ,lJ,reM ,lJ,3YP,lJ,3reH: «Kre,lJ, MbIH JIrer
apa,
YbIM
KYbl
reMre qM
creM
paJIaca
,lJ,bI Hre
YbIMreH cre pa,lJ,aB. YbI,lJ,OH creXM Ha,lJ, KYbl <preYOH, yre,lJ,
KreCTrep nbIcYJITre,
KrepOHMre
yre,lJ, YbIM MC reXCbIpbl IJ,a,lJ" reMre YbIIJ,bI paH Tap ,lJ,reXMIJ,reH. PaHCOM yreJIapBreH paTreX,lJ,3reH repTre
«Kre,lJ, yc
reMre
yreJIapBMre.
reMre 6a33aH,lJ,3reH.
yre,lJ, re3 - ,lJ,re Qbl3r,
3rern,lJ,3reH:
yreJIre
Ta Cre
KYbl HMKYbI
6aM6rexcTa
Mre
,lJ,bI - Mre
- 171 -
YœMœp-MY œM MaUbI C,n;3Yp.YbIH
Hœ TIbICYJITœ, YbIMœH cœ pa.n;aBTœ.
qbI3)J;)1(bITœ cœXM Ha,n; KYbI
cœ
Han
apbI.
-qM MbIH 6aM6œxCTa
Ea3bI,n;Ta x'bœp
Hœ 60H,
yœJIapBMœ
HbIH
KœHbI:
Mœ TIbIcYJITœ, YbIH KYbI Hœ 30HbIH œ3. Kœ,n;
JIœr,n;œ yœ,n; œ3 -,n;œ 'IbI3r, ,n;bI- Mœ
qbI3r
Hre 'IbI3r:
œMœ YbIMœH uyaH KœHbIH, œH,n;œp
HM'IM MC 3œXXbIJI.
bIH 3aïbTa:
-Yre,n;re Mœ XYbIuay
,n;reyreH 3aïbTa,
reMre ureyœM
- 172 -
HYMœ.
PapaCT
KO)J.TOIi reMre QreYbIHQ cay X'bre)J.bI MM,lJ,rer.
KYbI 'paBBaxc CTbI MreJm:qqbI reMre libIH )J.3ypbI:
3reXXMre,
yre)J. reli qbI3r
6aypre)J.Ta
-r'beHblp re3 6reJIOH ecT)J.3bIHreH, )J.re )J.3bmnbI Mre HbIBrep reMre )J.re MreJIMKKMre 6aQy reMre libIH 3ref'b: «lE3 Qan)J.rep a3bI )J.re pa3bI JIrerra)J. KreHbIH, QyaHbI QreYbIH reMre )J.reM HMKYbI repQbI)J.TreH reHre Cblp)J.bI Mrep)J.Tre. Hblp repTre 60HbI QyaHbI QreYbIH reMre Q'buyTrexrer )J.rep Han ccap)J.TOH: reBreQQrerreH Me 'HaMOH)J. repQbI)J., reMre )J.eMre QrepbIHreH Han 6re33bIH re3, reMre )J.bIH YbIli6repQ reJIrerra)J. KO)J.TOH, reMre )J.re 3reXXbIJI xre)J.3ap KreM Capa30H, YbIÜ MbIH paTI». Yre)J. )J.bIH Yblli 3ref'b)J.3reH: «AQY, reMre )J.re KreM reH)J.bI,YbIM capa3». qbI3r
eCTa)J.6reJIOH, reMre lire JIrenny
PapaCT -Hre
K'bYXbICT-MY )J.3bI paüc.
KO)J.Ta QyaHoH,
XYbIQay
KreHbIH
re3
reBreQQrerreH,
MreJIMq%I
lire )J.3bmnbI
pa3Mre
He 'B)J.McreH reyre)J., Qan)J.rep reMre
)J.reM
HMKYbI
HbIBrep)J.Ta.
6aQbI)J.M reMre lireM )J.3ypbI: a3bI )J.re K'bYXbI QyaH
repQbI)J.TreH
aTM)J,reli.
HbIp,
Me 'HaMOH)J. repQbI)J., reMre MbIH Han M CbIp)J.Treü xaü,
reMre )J.bIH Yblli6repQ 3reXXbIJI MY xre)J.3ap
reJIrerra)J.
KO)J.TOH re3, reMre
KreM repreBrepOH,
MreXMQreH
)J.re
YbIIi MbIH paTIo
Y re)J. reM MreJIMKK )J.3ypbI: -AQY,
Kre)J. )J.re MeMre QrepbIH
paH)J.re
reH)J.bI,YbIM capa3
PaQbI)J.M
QyaHOH
Han
reH)J.bI, yre)J., KreQbI)J,repMMrep
)J.reXMQreH xre)J.3ap.
Yblp)J.blrreli,
K'bYXbICT
)J.3bI
Hre
palicTa,
aTreMreli.
EbI)J.blpMre KYbI paxreQQre, yre)J. 6reJIOH lire )J.3bmnreü CTaXTM reMre ecTa)J.M qbI3r. -QbI )J.bIH 3af'bTa)J.re -Eap
MreJIMKK?
MbIH Pa)J.Ta, KreM Mre reH)J.bI,YbIQbI paH xre)J.3ap
Capa3bIHreH.
Y re)J. %I3r lire 3reBreTreli repPMYbIf'bTa 6bI)J.blpbI aCTrey, reMre )J.3bI ecTa)J.MaB)J.reMreryreJIrelibI CbI3f'brepMH reMre reB3McTreü apre3T. MreJIMqqbI
a)J.reM 6ali)J.bl.JJ.TOIi YbIMre
aMOHbIHMre. QyaHoHbI
MreJIMqqbI
af'bYbIcTbI
QreYbIH
TrepxoHbI
MM,lJ,rer, MreJIMqqbI
QyaHoHbIK'bYXbI.
- 173 -
JIreITre
repcbIH reMre )J.rep
30H)J.
rep6a)J.TblcTbI
na)J..JJ.3axa)J. )J.rep 6aTbI)J.M
YreA MreJUlKKMre repKaCTM X'bbIr: «YreAre Mre naAA3axaA HMqbIyan Y MreHreH». Mre TrepXOHbI JIreITreM 6aCMATM MreJIMKK reMre CreM A3ypbI: -AxreM TrepXOH CKreH)'T CbIMaX, reMre YbIqbI qyaHoHreH Hre YC Arep Mre K'bYXbI KYbIA 6aqna reMre Hre 6reCTbIXreHTTre Arep MreHreH KYbIA 6a33aHOH. YbIAOH TrepXOH 6aHAbI,l\TOH, qbI repX'bYbIAbI KreHreM, 3rernrre, YYbIJI. EaCMATbICTbI qyaHoHMre reMre HbIH 3rernbIHq : -reqy apBbI KrepOHMre, YbIM MC apc re<)JcreHHar preXbICTreH 6aCT, YbIH KreA repKreHaH, yreA Are arnYbICTbITre Arep ArexM, Are yc Arep ArexM, KreHHoA AbIH X'byaMre 6a33aHOH MreJIMKKreH; ArexreArer X'byaMre cbIcTaH reMre <)Jeca<)JaHAre crep. QyaHOH
pa3AreXTM
<)JreCTreMre, Kreyrre
6aqbIAM
Hre YCMre, reMre Hre
<)JrepCbI Hre yc : -U.bI KOATaH? -MreJIMKK Are
MCbIHBreHA
<)JreqreYOH X'byaMre, repKreHoH.
apBbI
cKoATa.
MreHbIJI
KrepOH MC apc
6aCT,
cTrepxoH
KOATOH:
reMre YbIH X'byaMre
y reA reM qbI3r PaATa CbI3rnrepMH nopTM: -Aqy, CbI3rnrepMH nopTM annap 3reXXMre, aqbI K'byxcrep<)JreH axrecc AeMre, nopTM ryJIA3reH HreXM rernAayreH, ll,bI arnYbICTbI 6bIH repreHqaHa, CTreH AreM yreA qreyrer YbIA3reH.
reMre AbI Hre <)JreCTreqy.
YbIqbI paH-MY Hre qypbI
rep6aA,
ApaCT KOATa nopTMHbI <)JreAbIJIJIrenny, axaCTa K'byxcrep<)JreH Hre K'bYXbI, 6aHAbIATa qreYbIH nopTMHbI <)JreAbIJI, 6aTbIJIAM MY CTbIp arnYbIcTbI AyapMre. iEp6aATM YbIM Hre qYPbI. K'byxcrep<)JreH CMCTa JIrenny reMre Hre Hre K'bYXTbI AapbI. YbIM qapAM Hre xMcTrep XO QbI3rreH. PaYaAM HreM YbIqbI QbI3,lVKbI CbIBreJIJIOH, rerrecqyatîTre HbIH paKOATa, HrexreArer <)Je3AreXTM<)JreCTreMre reMre Hre MaAMre A3ypbI: -,lJ:reJIre Hre AyapMre MY Ya3rer, K'byxcrep<)JreH Hre apMbI.
reMre KreA M Are KrecTrep XOHbI
- 174 -
YreA reM paXbI3TH YC ÜreXreArer, rep6aATH üre Q)'pbI reMre ÜbIJI U,HH KreHbI, 6aÜAbIATa üre <j.>repCbIH Xa6repTTreÜ. lt'aHOH bIH <j.>reA3bIPATre üre
X'bYbIMreITre.
iExcreB
reü
KYbIHHre 6aYa3rer
KOATaH)J,!
PaüCOM KYbI C60H H, yreA reM A3ypbI YC: -Au,y au,bI nOpTHÜbI <j.>reAbIJI.ApBbI KrepOHMre KYbI 6aBBaXC yaü, yreA AapAArep u,reYbIHbI <j.>reHAMaYarI CKreH. I10PTHÜbI-HY üaxH 6ap ayaA3, reMre YbIÜ ürexreArer u,reYA3reH, ArexreArer-HY c6aA YbIM. YbIÜ HbIxxreu,u,re YbIA3reH apBbI KrepOHMre caxaTbIpArerMre. EaCMYM3reH reM apc, CYaA3A3reH üreXH, pau,reYA3reH nopTHübI <j.>reAbIJI.)J;rexreArer Arep-HY pa3Mre u,reYbIHbI KYbICTKreH. ApaCT H Q)'aHOH nopTHübI <j.>reAbIJI.ApBbI KrepOHMre KYbI 6aBBaxc H, yreA bIJI creM6renAH apCbI Tre<j.>.AyarDTa Q)'aHOH nopTHüreH üreXH, ürexreArer C6aATH YbIM. I10pTH HbIxxreu,u,re apBbI KrepOHMre. iEpbICMbICTbITre KOATa apc nopTHMre reMre cyarDTa üreXH - papaCT KOATa YbIpAbIrreü üre <j.>reAbIJI.lt'aHoH Arep apCbI Tre<j.>reüKYbIHHre YbIHrrer KreHbI reMre pa3Mre 3rDOpbIHbI KYbICTKreHbI. ApCbI
Tre<j.>KYbI creM6renAH
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KYbIA aKreHa
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<j.>reCTreMre KYbIA 6a6reTTa.
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EaCH)J,TbICTbIAbIKKar xaTT Q)'aHOHMre reMre üaM A3ypbIHU, : -reQ)', KreAreM, - Hre 30HaM. iEpKreH, aAreM Kreü Hre YbIHOÜ, axreM. KreA repKreHreü axreM, Are 6recTbIxreÜTTre Arep ArexH, Are yc Arep ArexH. KreA He 'pKreHaü - Are yc reMre Are arnYbIcTbITre MrenHq%I X'byaMre yoü. )J;rexreArer Ta X'byaMre <j.>eca<j.>aiî Are crep.
- 175 -
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- 176 -
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,!J,reH, Ma Trepc.
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reH QreCTreH YbIHrre
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,!J,3YPbI:
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YbIH Hre YbIHbIHQ.
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XH,!J,rrec! bIH ,!J,3ypbI:
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C6a,!J, reMre Krep,!J,3bIH 6axrepreM.
lEp6a,!J,TU YbIQbI paH reMre QyaHOH ,!J,3ypbI: -POqKre, Hre K'bYXTbIJI HbIH ,!J,OHrepKreH reMre HbIH xrep,!J, reMre Hyre3T repreBrep! ,lJ;OH CbIH cre K'bYXTbIJI repKO,!J,Ta, xrep,!J" HYre3T cre pa3bI
aBrep,!J,Ta,
<preJIre Hre Hre YbIHbIHQ QreCTreH. Ya,!J, reM xU)J,rrec
,!J,3ypbI:
-
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Eayrero)J,
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K'bYJIreH
,!J,bIYYa,!J,reCTreHOH
6aH,!J,bI,!J,TOH <preH,!J,bIpbI XYbIJI<preH. QreYbIHQ
3reXXbIJI.
Ea3,!J,bIXTa
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HO)J,)KbI
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,!J,re 60H Y yre,!J, YbI)J,OH CYa,!J,3bIH. Yre)J, reM QyaHOH ,!J,3ypbI: paT)J,3blHreH
- 177 -
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X'bHC,
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paT,!J,3bIHreH, ,!J,a pOqKre Ta - MreHreH. AB,!J, naM3aXbI
,!J,bIH HHQreH TbIxxreH
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CTbI 6bl)J,bIpTre,
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X'ba3ax'bX'b 6aKaJJ)J,bICTbI Hre XYbIJI
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POqKre ÜreM cycrerreü ,lI.3ypbI : -Paüc <preH,lI.bIp.Ma Trepc.lE3 yreMrep ,lI.rey ,lI.reH.YbIÜ Mre u,recTreü Hre YbIHbI. EreTrre Mre Hre 6aKreH,lI.3reH. lE3 ,lI.re yreMrep aüüa
TaID,lI..
PaüCTa <preH,lI.bIp. POqKreÜbI HbryyaïbTa YbIM. POqKre ,lI.rep reü HbIüürereH,lI.bIp,lI.rep ürex" 6au," u,yaHoHreH. U;reYbIHu, YbIp,ll.bIrreü, reMre MY 3repOH,lI. JIrer o6aYbI crepbID 6a,D.bI. 3repoH,ll. JIrer reM ,lI.3YPbI: -.n:re <preH,lI.arpaCT, MrerybIp JIrer. -XYbIu,aYbI xop3rex. lEp6a,D.m YbIÜ u,yp ,lI.rep. POqKre Ta CbIH xrep,ll., Hyre3T repxaCTa. Y re,ll.CbIH 3repOH,ll.JIrer cre pa3bI annrepCTa JIre,ll.3rer. JIre,ll.3rer re,ll.reü reMre 6recTre-xrexTre üre 6bIHbI MYP KO,ll.Ta. -AU,bI JIre,ll.3rer ,lI.bIHpaT,lI.3bIHreH. .n:re pOqKre Tre - MreHreH. Ea"BTOÜ, <preJIre u,yaHOH 6aKO,ll.Ta MreHr <preH,lI.arbIDHbIüüre
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*
*
*
- 178 -
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X'breYTbIJI, CTreH aTaYbI3 H
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XypHblrybIJIreH
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iEJI.l{ap reMre .l{3bIJIJIreHbl U,HH 6Hpre Hre axaCTa. HOr3a.l{ re4>cypIDbl KOH 6aHX'bYbICT xypblCKrecreH reJI.l{apMre. iEJI.l{ap reHu,a.l{ Han KO.l{Ta - parreH 6reJIJIbl.l{H YbIH .l{rep re4>cypIDMre, 4>reJIre HbIJI Hre xreCT KO.l{Ta. Y re.l{ MHHreBrepITre apBbICTa XYPHblrybIJIreH reJI.l{apMre. MHHreBrepITre HreM ap6au,bl.l{bICTbl reMre HblH 3aIDTOH : -XYbIpbICKrecreH reJI.l{ap Hre papBbICTa .l{reYMre.
-IJ;reMreH?- 6a4>apcTa MHHreBrepITbIreJI.l{ap. -XYPbICKrecreHbl XH3rreHre He 'JI.l{apbI YbIPC HblyyacbI.l{H, XypblCKrecreH YbIPCbI yacblH .l{re e4>cbI X'bYCTbIJI repll,bl.l{H. E4>c YbIHa.l{bIJI 4>re3aHHar H reMre .l{blH re4>cypf'b HbI33a.l{M. Hblp .l{reM He ' JI.l{ap repBHTbI, - re4>cypID reM6reJIbI YYbIJI, Hre YblpcreH KreM pau,bI.l{, YblMre rrecrre. iEMre .l{re Kypbl, .l{3re6rexreH HbIH reH, reID.l{aYbIJI, reHre X'baYIDaHre, reHre 3aID.l{reH KYbl.l{ 6apBHTaH, a4>Tre. HaMre .l{reM re4>ca.l{ rep6aKreH.l{3reH reMre re4>CYPID .l{rep aKreH.l{3reH, cTreH .l{re YYbIJI .l{rep X'byaMre Han HbIYYa.l{3a, Hre .l{3bIP.l{blcrepTbl Krew aXbI3Tre, YblWTbIxxrew. iEJI.l{ap 3aIDTa -Ta6ya4>cM
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KreH.l{3bICTreM
4>reJIreyya
MMHreBrepITre
reJI.l{apreH,
reMf'bYbl.l{Mre, xrep360H
3aIDToH
6axaT.l{3bICTreM,
.l{reXHu,reH
6reprerMre,
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a3.l{reXTbICTbI cre 6recTreM.
- 179 -
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u,reMrew -
reJI.l{apreH
reMre reMre
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repCH,IJ,TH, YbIM QblH pa,lJ,3bIp,lJ,Ta.
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QblH TbIX KreM KreHbI, cre 6atipar -HHQbI
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Hre re<jJxrepbI,
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reJI,IJ,ap 6axaTblp
KYbIM,IJ,Ta reJI,IJ,apMre
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,lJ,3blJIJIre. PaB3repCTOM,
CblH 6aMCbIH KreM c<jJreH,IJ,KO,lJ,Ta.
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JIreITre
reMre cre apBHTreM,
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KreHH,lJ,. MHHreBapbI,
6Hpre
JIre,lJ,)KbI TbIX
<jJrepaKre-6aKre
reMre
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KO,lJ,TOM.
6aQre,lJ,Tre
reMre apaCT
KO,lJ,TOMcreXH 6aJIQMre,
CTbI xypbICKrecreH
C6a,n,TbICTbI
reJI,IJ,apMre Kyprer.
cre
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cre 3blH,IJ,OHMre repBbICTOM, YbIMay YbI,IJ,H cre 3rep,lJ,re, YbIMreH reMre XypbICKrecreH
reJI,IJ,ap KYbI,IJ, Kap3 a,n,reHMar
YbI,IJ,H, YbIM CblH reHre
3blH,IJ, Hre YbI,IJ,H.
L(reYbIHQ, QreYbIHQ reMre HY XbreYMre 6axreQQre CTbI. Y bIQbI paH repTre YbIH,IJ,:>KbIaCTrey KreCbIHQ, reMre HY JIrenny KbreQreJITre, 6bIpreTTre paM6blp,lJ, KreHbI reMre cre apT CKreHbI, CTreM Xbrep KreHbI
aJIbIp,lJ,reM:
-ApT! ApT! ApT! Ap,lJ,reM, ap,lJ,reM, TaBrreYT yrexH!
- 180 -
,L{HCCar Y aH? - ,L{3yphIHlI, cre Krepre,L{3HMre MHHreBrepTIre 6a.n:rreHre. - Hre 30H,L{ HreXHMre KreMreH HreH, axreM
-U,aBrep
cre 6reXTbIJI
Ma pa3bIHre,L{, }EMre
yre,L{ X'breYbIJI
reH,[{3apbI.
Ta Hre <prepChIHlI,:
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-Mc. -}EMre KreM HC? -A60H
creY,L{apreH 3ar'b,L{ arypbIHMre
all,bI,L{H.
-)J;re Ma,L{Ta? -Mre
Ma,L{re
-Kre,L{ ,L{bIHre
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MbIH HC reMre ,L{reJIre YbIM Hre Xre,L{3apbI <preCK'bYJI
6bI,L{bIpbI u,yaH KreHbI.
Krepre,L{3HMre 6aKaCTbICThI 6apWKbITre, HHlI,bI 6aM6repcTOH JIrennyHbI ,L{3bIp,L{TreH reMre apacT CTbI cre <preH,[{arbIJI. JIrenny
Ta 6aH,L{bI,L{TaX'brep KreHbIH:
-ApT! ApT! ApT! MHHreBrepTIre
lI,aHre6repre,L{)KbI aya.n:aHKKOH,
a
,L{3ypbIH
6aH.L{bI,L{TOH:
-JIrenny apT lI,reMreH KO,L{Ta,YbIH Hre 6aM6repCTaM. -YbIH HHlI,bI y, <preJIre «ApT! ApT!» lI,reMreH x'brep KO,L{Tre,YbIH y ,L{HCCarreH
,L{3ypHHar.
-y re,L{reHbIH, MaHMre rrecrreHre,
Hre ,L{3yannbITreH Max MY,L{repHre
6aM6repCTaM. -
lI,bI HbIxreCTre
HbIH CTbI, YbI,L{OH.
HbIH HC MY HreYYbI rrennreJI, reMre, 60H Hre <preJI,L{aXbIHMre all,bI,L{H. EaxaTblp
HreMa
<prell,'brex,
Kreuyr,
<preJIre aB,L{ <preH,L{a,[{)KbIaCTrey
lI,reYWKbITre <preH,L{arbIJI
a
lI,bI rer'b,L{ayreH all,bI,L{?
reHreX'bblr,L{ap,L{ lI,aJI
lI,reyre,[{)KbI
KreM ya,
YaJI
lI,bI XYbIM
6aKreHaH,
HbIYYa.n:3,L{3bICTbI? XaTIbI
Hre
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AB,L{ KreHbIH
X'breY,L{3reH, YbIMreH reMre HbIH 3HaH KreH,L{3bICTbI Hre <preJIJlOH.
- 181 -
YbIH
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MHHreBrepTTre.
6aKaCTblCTbI
-JEMre yre,ll, re
Ta U;bI XOHbIC?
aMap,ll,H, reMre Mre Ma,ll, YbIp,ll,reM <preU;bl,ll,H, paHcoM
re3
KYbI aMreJlOH, yre,ll, Ta Mre Map,ll,Mre repu;reY,ll,3blCTbl X'bblITre KreHbIHMre. YbIH re
6bI,lI,bIpbI
reM6apbIH
Q)'aH KreHbl ,lI,e '
YbIH Ta yre,ll, KYbI,lI,
X'breYbl?
-~reJlre Hre Xre,ll,3apbI 3MreJl)J,)KbITre arypbI.
<preCK'bYJl Hre Xre,ll,OH panacTre
reMre
,lI,3bl
MHHreBrepTTre repXb13TblCTbl cre 6reXTreH reMre HbIH pa,ll,3blp,ll,TOH, Kre,ll,reM u;reYbIHU;, u;reH <pre,ll,blJlu;reYbIHU;, Hbl
reJl,ll,ap. -JIrenny,
qH 30HbI, reMre ,lI,blHCTbl 6aKreHHC?
-X'bYbIMar KreHYT.
He
CTbl
-
YbIMreH
CTblp
a,D,reHMar
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Capa3bIHMre Mre HbI
-XOp3 yre,ll,re, U;OM <preCTreMre XypHbIrybIJlreH reJl,ll,apMre reMre HbIH X'bYbI)J,)J,ar 6aM6apbIH KreHreM, ,lI,rey KYbI,lI, apBHTa Max 6reCTbI, a
XOp3
Ya3re)J,)Kb1
KYbl,ll, ,lI,apaH,
a
Y re,ll, uyaxreMbI Jlrenny paHpTrecTa, U;blMa reJl,ll,ap CTblp Car'breCbl 6aU;bl,ll,H,YblHay, reMre Hre <prepcbI: -EaxaTblp KreH, reJl,ll,ap, <preJlre MreM a
repbIHK'bap,ll,
-PaCT
y, - 3ar'bTa CKO,ll,TOH, u;reMreH
,lI,re.
reJl,ll,ap, - XypblCKrecreH Mre yre,ll,Mre 6ayar'bTaH,lI,
reJl,ll,apreH reMr'bYbI,lI, MreXH 6ap Hor3a,D,
re
C,lI,reH.
- 182 -
YblMreH
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,lJ;rep MreTbI 6all,bI,IJ;Tre! X'bYbI,IJ;,IJ;ar Mre 6ap
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6aYbI,IJ;3reH, XypbICKreCreH ,lJ;rep HM ayaii,lJ;3reH.
-Yre,lJ;re
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reM MreH CMHHreBap xYbIlI,ayreii:
-:QbI,IJ;repHMrep
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KreH.
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lI,reTTre ,lJ;bIH YbI,IJ;3bICTbI, Kre,lJ;Mre 3ref'baii,
reJI,IJ;ap. reMre MY CTbIp 60ll,'bOTre KreMreH ya, HO,lJ)KbI MbIH oH,IJ;3bICCre,lJ;3 6apre,lJ)KbI
-XOp3
yre,lJ;re. My CTbIp Teya
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lI,rey
MbIH
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,lJ;rep
Mre HC-Mre 6HCreH ,lJ;bIH
- 3af'bTa reJI,IJ;ap. re3 XypbICKrecreH reJI,IJ;apMre
,lJ;reyreii ,lJ;rep lI,bI KypOH, YbIii MbIH capa3 yre,lJ;Mre, - 3af'bTa
6aiipar
reJI,IJ;ap ,lJ;rep ,lJ;bIH ,lJ;re 3reXXbI KrepreTTbI
-lEH,IJ;rep XOp3 HHlI,bI paKypHH Me 'M6HC paTTHH,
reMre
ccap,
6aqnay
MeMre - YbI,IJ;OH,lJ;bIH, Mre 6aJJlI,reH qH X'breYbI, YbI,IJ;OH.
ApaCT
KO,lJ;Ta JIrenny
6apre,lJ)KbI lI,reYbIHlI" XypbIcKrecreH -X'breyrrepoH 6rexTbID
iire qH
XypbIcKrecreH
reJI,IJ;apbI X'breYMre 6aBBaxc
OH)l.3bICCre,lJ;3
BreiiiibIHlI,.
,lJ;b'YYre ,lJ;HXbI reYbI,IJ;3bIcTreM. He
X'breYYbIHITbI
reyaii,lJ;3bICTbI,
reYbI,IJ;3bICTbI, lI,bI CTbI, YbIMreii; KYbIiiTbI
reJI,IJ;apMre.
re,lJ;bID, Teya reMre 3aq'be,lJ;:>KbIH lI,rey. IJ,reYbIHlI" 30HbI, lI,reii6repll, rell,bI,IJ;aHKKoii. recTarMre
aiiC,IJ;3bICTYT
recTeiire,
'M6HC
Treprre-
- X'breYbI KyiiTre cre re,lJ;bID
yre,lJ; CbIMaxreH KYiiTre
yre
cre aHHre reM6HC aCTreyreii
KYbI,IJ;
reyoii,
aTre. KrecYT, reBre,lJ;3a, KYiiTre yre aCTreyreii ecTbI, KYbI,IJ; HreYaJJ aTre CbID paJJreYYT, MY ,lJ;rep ,lJ;3bI y,lJ;reracreii aHpBre3a, reTre. YbIiirecTre repXH3,1J;3bICTreM reJI,IJ;apbI Ya3rer,lJ;OHbI.
Kreii
YbI,IJ;3bICTbI, ,lJ;3yann cpre,lJ;Hiia!
3rer'bbIH yre
reii
X'breYbI,
aryp,lJ;3bICTbI,
,lJ;3bIDJIre yreM reJIre yre
CMreCTbI
MaqH
Mall,bI
IJ,aC,IJ;repH,ll,,IJ;rep yreM Hre ,lJ;3ypoii, MaL[H yre cpre,lJ;Hiire,lJ;.
KYbI,IJ; creH,IJ;KO,lJ;TOii, aTre KreHrre ,lJ;rep 6aKO,lJ;Toii. X'breYbI YbIHr ThbI6ap-ThbI6yp, KyiiTbI preiibIH ecTMH reBaCT. X'breYbI KyiiTre reBaCT 6ap,lJ)KbITbI aCTrey ecTbI; 6ap,lJ)KbITre CbIH xrep3 lI,af'b,lJ;HbIKKO,lJ;TOii,creXYbI,IJ;Trer HHlI,bI paKreHOHbI XYbI3 paiiCToii reMre XypbICKrecreH reJI,IJ;apbI Ya3rer,lJ;OHbI repXbI3TbICTbI. ,l];3bIDJIre rere,lJ;HC CTbI, Ya3rer,lJ;OHbI pa3 paM6bIp,lJ; CTbI, reMre 6reCTre rennreT C,IJ;3f'bOJIf'bO-MOJIf'bO.X'brey6recTreii L[H aTre:« lEJI,IJ;apbI reBaCTreii CaM KYbI 6aBHaJJreM, yre,lJ;, iire axaCT bIH 30HYT, KYbI CMreCTbI ya. BaYbIpHre,lJ; yre, Hre KyiiTre KYbl)J; Hre YbI,IJ;bICTbI, reJIre Hre YbI,IJ;OHbI MaCT ,lJ;rep HM - 183 -
6aH,IJ;aB,IJ;3reH:Hre X'breYbI
'M6MC HbIH IJ;reTh,ll,rre ,lI,rep HbIKKreH,ll,3reH, apT ,lI,rep bUl 6aH,lI,3ap,ll,3reH. 30HYT, 3MaHCKreHrer Ya3rer 6aKO,ll,TOH creXM ». «y re,ll,re KYbI,lI,?» «y re,ll,reMre CMcreM JIreITre Hre aCTreyreH reMre cre 6apBMTreM
reJI,lI,apMre.
KreH,lI,3bICTbI, YbIH»
Ybl,ll,OH
Mre yre,ll, c6reprer
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X'bYbIMar
YbI,lI,3reH,
6aM6apbIH
IJ;bI KreHbIH
X'breYbI,
.
MMHreBrepTTre
6aIJ;bI,lI,bICTbI reJI,lI,apMre,
X'bYbIMar
bIH eX'bycbIH
KO,ll,TOH. lEJI,lI,ap CbIH 3aThTa:
-AIJ;reYT, reMre cre 6arepcYT: IJ;reMreH reIJ;ar'bTOHx'brey6recTbI Kymre? IV>I CbIH paKO,ll,TOH? Ya3rer,ll,OHMre 6aIJ;bI,lI,bICTbI reMre repCbIHIJ;.Ya3)],)KbITreH HMqM HMIJ;bI ,lI,3ypbI. MMHreBrepTTre Krepre,ll,3MMre 6aKreCbIHIJ;. Y re,ll, JIreIIny Hblxac KreHbIH 6aH,lI,bI,lI,Ta,aXreIJ;bI,lI,reMre axreIJ;bI,lI" axreM Komre CbIH paKO,ll,Ta, reMre X'bYbIMarMre reBBaxc ,lI,rep Hre 6aIJ;bI,lI,bICTbI.
MMHreBrepTTre 6a3,l1,rexTblcTbI
,lI,3yaIIII
reHX'breJIMre
reKacTblcTbI,
-Ya3)],)KbITre
CTbI
My
reMre
oH,lI,3bICCre,ll,3 JIrerreH
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CTreH
reJI,lI,apMre reMre HbIH pa,ll,3blp,ll,TOH:
CKO,ll,Ta, IJ;aB)],)],ypTbI
JIreIIny
reMre
My Hblxac
JIrey,ll, KO,ll,TOH.
reya, 3rexxreH yreJIreMre TbIxxreH 3bIHbI, M, U;Y-IJ;Y! KreYbUlTbI
oH,lI,3bICCre,ll,3 JIre,ll,)J(bI.
Hre
-
,lI,rep HMqM
JIreIIny,
,lI,3ypbIHTre
aXreIJ;bI,lI,M, ,lI,3yaIIIIMre
CT'breJI,lI,bI 6aH,lI,bI,lI,Ta,
eHX'breJIMre
KaCTbICTreM, reJIre - HMKYbI reMre HMIJ;bI.
-IJ,reyrreYT reMre IJ;bIH 3reThYT: ,lI,3yaIIII YbIH, CTblp rybIp reMre qbICbUl crep KreMreH ya, axreM JIrer KYbI,lI,pa,ll,Ta, aTre. YblMre CbIH JIreIIny Teya rep6aJIaCbIH KO,ll,TareMre CbIH 3aThTa: -AH xYbI3reH CTblp ryblp KreMreH pa3bIHa, cTreH aH crepbI apre3TreH qbICbUl crep He CCap,ll,3bICTYT MY JIrerreH ,lI,rep rerac ,lI,YHeHbUl ,lI,rep. eX'bYCbIH KO,ll,TOH, yre,ll,. -3reThYT
IJ;bIH, IJ;reMreH YbIH ,lI,3yaIIII pa,ll,Ta 3aq'be)],)KbIH
- 184 -
JIrer.
lEMre yre,L{ JIrenny rep6aXOHbIH KO,L{Ta MMHreBrepTTbI pa:3Mre QreYbI . -I>aYblpHre,L{ yre, MreHre aQbI 3aQ'beTreH CTbIJI,L{repreMre aMB,L{rep 3aQ'beTre 6Mpre He CCap,L{3bICTYT,MY a<pre,L{3KYbI <preQarypaT, yreMrep. reJIre 'HX'breJI ,L{reH,reMre Hre ,L{3yannbIJI YbIH6repQ Hre 6a,L{OM,L{3bICTYT.
I>axacTOH Ta repBbICT JIrerrre JIrennYHbI ,L{3bIp,L{Tre XypbICKrecreH reJI,L{apMre.HbITTbIJI,L{TareJI,L{apHre crep reMre 3arbTre: -XYbIMreTre,LPKbI Ya3re,LPKbI axreCTbI Hre <pre,L{reH. QOH creM Mrexre,L{rer. lEraCQyaH
3arbTa
Ya3,L{)I(bITreH
reJI,L{ap,
rep6a,L{T,
KreM
bIJI
reM6reJI,L{, YbIQbI paH, CTreH <prepCbI: -QreMre
rrecrre
HbIQQar'bTaT
OH,L{3bICCre,L{3reH reHQa,L{
X'brey6recTbI
KYHTre?
JIreYYbIHQ,
JIrenny
,L{3bIp,L{ aHCTa
HrexMMre: -lEMre
yre,L{re
KYbI,L{ 6aKO,L{TaMKKaM,
KrecbIc,
aH6repQreH
6aBBrexc
CTreM,
X'bre,L{rrepOH
xyp
QyaHbI
XypHbIrybIJIreHbI HreXM
,L{re xop3rexreH, reJI,L{ap? paH X'bre,L{Mre MY MY
paQbI,L{bICTreM,
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'p,L{bIrreH. a
KrecreM,
reMre
aCTreYMre Krep,L{rerbIJI XM3bIHQ, caITre - Crep,LPKbIH carrre ce 'nnreT ,L{rep. HreXM 6aQreTTre KO,L{TaM, <preHHre carMre 6aX'baBbI,L{bICTreMreMre cre HbIp pa<preJI,L{axreM, 3rerbrre, a
lEJI,L{ap MY Q'bYC,L{yr aX'bYbI,L{bI KO,L{Ta, CTreH 3arbTa: -reyre,L{ a
CCap,L{TaT
X'bre,L{rrepOH, ,L{ap,L{KreM,L{rep, <preJIre Ma yre 6a<prepcOH - KYHTbI preHbIH
Ta
YbIH6repQ
,L{ap,L{ paHMre
KYbI,L{ 6aHx'bYbICTaM,L{,
6reX,LPKbIH reM K'bYbIPM KYbI Hre <prexreQQre YbI,L{3reH, yre,L{? QbICbIJI reM6MCOH,L{ -lEJI,L{ap, YbIH<pre,L{bIJI ,L{bIH re3 MY repXreC,L{3bIHreH, 6aHX'bYCbIH MreM ,L{reXMQreH aKKar KYbI CKreHaH, yre,L{, - 3ar'bTa JIrenny.
- 185 -
-X'bYCbIH )J,reM, 6aw)J,aw )J,3ypbIH, Mre Ya3re)J,)KbIxaw,
-
)J,3yann blH
pa)J,Ta reJI)J,ap.
-KreM)J,rep, )J,ap)J" apBreH MY KrepOH, XypHbIrybIJIreHbI 'p)J,bIrreW reB3rep 6awpar HbI33a)J,H reJI)J,apbI elj>c. YbIQbI xa6ap 6aWX'bYbICT reH)J,rep reJI)J,apMre, YbIW Ta Qap)J,H apBreH HHHre KrepOH, XypbICKrecreHbI 'p)J,bIrrew. recTar reJI)J,ap rep)J,ay KO)J,Ta 6aWparbIJI, reMre WbIJI)J,ay )J,rep QreMre rrecrre repKO)J,Ta, YbIW )J,blH KYbI Pa)J,3ypHH. Ea3)J,reXT reMre 6apBbICTa, 6awpar Krew YbI)J,H, YbIQbI reJI)J,apMre: «Mre YbIPC HbIyyaCbI)J,H )J,eH)J.)KbI3bI6bIJIbIJI, XypbICKrecreHbI, XypHbIrybIJIreHbI wre )J,re ec lj>eX'bYbICTa reMre )J,blH 6awpar HbI33a)J,H. Eawpar Mre YbIpcrew KreM y, YbIM MreHbIJI reM6reJIbI, reMre MbIJI rew Tarn)J, creM6reJIbIH KreH ». Hblp )J,reM, reJI)J,ap, re3 )J,rep 6ayreHM3blHreH, Kre)J, Ij>recTar Tayprern 6aYbIpHHHar y, yre)J, pa33ar Tayprern QreMre rrecrre Hrey 6aYbIpHHHar? lEBH rerac x'brey6recTbI KYWTbI x'brep MY YbIPCbI X'brepbI xYbI3reH Hre aWX'bYbIca? lEJI)J,ap xop3ay HM reQH. CTrew repre)J,)KHay 3arnTa: -llYHrer qbI3r 6YQreH rexacToH aQaJJ-aYaJJ a3bI, Mre 3rep)J,reMre qH 6aQbI)J,aH)J" axreM JIrennywbIJI HHKYbI rexreCT)J,reH HblpbI OHr. reJIre reHX'breJI )J,reH, )J,bI MblH xreCTrerreH c6re3)J,3blHre. Mre MYHrer 6YQ %I3)J,)KbI )J,blH aKKar KreHblH. XYPHbIrybIJIreH reJI)J,apreH )J,rep aMreTTrer yre)J, wre 6awpar. JIrenny 6bIHTbIJI
XypbICKrecreH
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XypHbIrYbIJIreH
lE)J,reM )J,3bI X'breJI)J,3rerrew
QbI3)J,)KbI paxaCTa
reJI)J,ap QbIH)J,3reXCreB CKO)J,Ta.
MHHac reKO)J,TOW.
*
*
*
- 186 -
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MiErYbIP JIJE,rpKbI
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3aïbTa: -Taïb.n:.n:éep MH KéeHb!.
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Mée ,n:yapMée
Hée, QbI MM KéeHbI ranyaHTbI
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3aïbTa:
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,n:éeH, cPbIH cPe,n:TOH éeMée HbIH, Mée cPbIHbI QbI
Hée pa.n:3bIp,n:TOH.
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- 187 -
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na,D,,D,3aX 6a,D,3YPbIH KO,D,Ta, MreXre,D,rer reH a<prepCOH, 3reIDrre. -AM U:bI MH KreHbIc, JIrenny? -Mre
-KYbICT ,D,bIH paTTbIH YbI,D,OH MbIH pa,D,3yp.
-Hre pa,D,3YP,D,3bIHreH, - 3aIDTa -Hre
Pa,D,3YP,D,3bIHre?
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Hre pa,D,3ypa,
reMre MbIH HCTbI KYbICT paTT.
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yre,D,Mre Hre Ma paYa,D,3YT, xrepHHar
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AKO,D,TOHJIrennyHbI. HbIKKreH,D,Mre Hre u:rennrepcTOH. ITaM3axreH repTre %I3,WKbI YbI,D" My HHHreMreHpacYIDMrep. iEMre KreCTrep qbI3r X'bYbIcTa, naM3ax - Hre
YbI,D, My
KO,D,TOH. iEH,D,rep 6reCTbI
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MHHreBrepTTre
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Hre
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Hre qbI3f
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-iE3 U:bI 3aIDOH, YbIH KYbI 6a30Ha, paCT ,D,3yannbITre MbIH KYbI paTTa Mre ,D,blyyre <papCTreH, yre,D, bIH Mre qbI3)J,)KbI ,D,reTTbIH, KreHHO,D,
Hre. -XOp3, -Mre
- 3aIDTOH
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MHHreBrepTTre,
6a30H:
KreU:bIHbI HC yacrer MHHreBrepTTre
Hre
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u:aBrep 6a30HTre YbIH ,D,bIyyre
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reMre KreU:bIHbI HC KapK? rep6a3,D,reXTbICTbI
KO,D,TOH, U:bI 6a30H
CbIH 3aIDTOH,
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CbIH pa,D,TOH HHHre
na,D"l],3aXMre, YbIH. PaX'bYbI,D,bI-6ax'bYbI,D,bI naM3rex
reMre Hre ycryp
KreHbIHU:,
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U:bI 6a3bI,D,TaHKKOH
- 188 -
KreCT<ep %I3r
mennyHreH ,lI,OH reMre K'bre6rep HblXXaCTa reMre HbIH cre 6aJIreBrep,ll,Ta PY,lI,3bIH)J,)Kbl QreCTreH reMre HbIH pa,ll,3blp,ll,Ta X'bYbI,lI,,lI,rerrreH)'YbIJI,lI,rep, Ybl,ll,OHMMreMHHre naM3aXbI 6a30H ,lI,rep. MrerybIp JIre,ll,)l(bIJIrenny HbIXXY,lI,TreMre 3ar'bTa naM3aXbI KreCTrep qbI3rreH: -YbIMreH reHQOH,ll,rep Ta Qbl X'byaMre ya? ,[(blyyre aH%I ,lI,OHbI QrennapreHT, K'brepTaHbI, reMre, ,lI,OHbI yreJIre qM 6a33aHa, YblQbI aHqbl Ybl,ll,3reHyacrer, ,lI,OHbI6bIHMre qM aQreya, YbIM Ta KapK. qbl3r
ranyaHbI
yreHTreX'bMJI
yreJIa3rybITreM reMre
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6MHOHTbI yre,ll,
CbIH
3arnTa: -YYbIJI Ta Qbl 6Mpre MreT KreuyT? K'brepTaHbI ,lI,OHbI yreJIe QbI aHK JIeHK KreHa, YblM Ybl,ll,3reH yacrer, 6bIHMre qM aQreya, YbIM Ta KapK.
ITa.D.,lI,3ax6aQMH KO,ll,Ta. MMHreBrepTTreH ,lI,3yann 3arnTa reMre cre recTreMreapBbICTa MHHre naM3aXMre. -PaCT y, - 3arnTa MHHre naM3ax, 6a30HreH ,lI,3yann KYbI pa,ll,TOH, yre,ll,. - HbIp YbIH Mre ,lI,bIKKar6a30H Ta YbI,lI,3reHMreHre axreM: HYMre rybIp,ll, ,lI,bIYYre xrep3reMXYbI30H Pa3,l1,reXTbICTbI na,ll,,lI,3axbI
Ta recTreMre naM3aXbI
,lI,bIKKrer 6a30H
na.D.,ll,3ax HreXre,ll,rer ITa,ll,,lI,3aXbI KrecTrep flrenny
6aHparreH
XMCTrep KreQbl y? MMHreBrepTTre
pare3MbI,lI,TOH. ITaM3axbI
reMre
MHHre
bIpT ,lI,rep,
,lI,rep Hre pa,ll,TOH ,lI,3yann aQbI 6a30HreH ,lI,rep. qbI3r JIrennyHreH pa,ll,3bIp,ll,Ta ,lI,bIKKar 6a30H.
HblXXY,ll,TM reMre 3ar'bTa:
-Xrep3reHQOH Y YbIH. ,[(blyyre 6aHpa)J,)l(bI CK'breTbI 6aKreHbIH X'breYbI. My-repTre 60HbI reHre ,lI,OHreH KYbI,lI, reYOH. YbIHreCTre CbIH )],yap eroM KreHbIH X'breYbI, reMre 6aHprerrreH ,lI,yapbIJI pa3,l1,rep qM parrenn KreHa, YbIH paHrybIp,ll,M MHHreMreH pa3,l1,rep.
ApBblCTa naM3ax Hre MMHreBrepTTbI. MHHre naM3axreH Ta 3arnToH Hre ,lI,bIKKar 6a30Hbl ,lI,3yann. /EMre 6aQMH KO,ll,Ta, yre,ll,re Mre Hor CMaxc 30H)J,)J,)l(bIHJIrer YbI,lI,3reHM, 3rernrre. /EMre MMHreBrepTTreH 3arbTa: -Pa3bl ,lI,reH Mre Cblxar na,ll,,lI,3aXMMre xreCTrer 6aKreHbIHbIJI, Mre %I3)J,)1(b1 Hre bIpTreH paTTbIHbIJI. /EQrer papBMTre,ll, Hre
- 189 -
MHHreBrepTIbl
Mre raJl)'aHTreM,
cre
re,lJ.bIJI Ta QblH,lJ.3XreC;::vKbITre
KYbI)J, rep6aIJ,reya. lla,lJ.,lJ.3aXbl paKO,lJ.TOH naM3ax, 6a30H
MHHreBrepTIre HHHre
recTreMre
na.lJ.)J.3axbl
MHHreBrepTIbl HC, 3rerorre,
HblxreCTre.
pa3reH cTreH
YYbIJI ,lJ.rep. YbI,lJ.reTIre
6bIHMre
pa.n.3blp,lJ.Ta
K'bre6rep
KYbl HblxxaCTa
Mreryblp
na.lJ.)J.3aXreH
HbIX'bX'bYbl,lJ.bl
IJ,reMreH XOHbl,
acarorec
apBHTa,
pa3,lJ.reXTbICTbl,
KO,lJ.Ta
Kre,lJ. Ta ,lJ.3bl HCTbl
KO,lJ.Ta, MHHreBrepTIreH
Ta na.lJ.)J.3aXbl KreCTrep JH~,lJ.)KbI JIrennyHreH,
HHHreTbl cycrerreH,
qbI3r
KreH crepreH-
,lJ.OH reMre
HbIH
yre,lJ..
JIrenny 3aroTa: -KreHreH,lJ.bI apBHTreHT MHHreBap reMre %IH,lJ.3XreCCrer, yre.lJ.)J.rep bIH IJ,reJIx.n.ypTre CreBrep,lJ.3reH Hre pa3Mre. reJIre MreH KYbl apBHTH,lJ. K'bYXbIJIXreIJ,rer, repTre JIrerHMre,
reM,lJ.3yap,lJ.)KbIH reMre, MreXH KreH 6areH,lJ.a, axreM QblH,lJ.3XreC,lJ.)KbITre Ta yan recTe KYbl 6a33aHKKOH,
yre,lJ. ,lJ.3bl HCTbl payaH,lJ.. CTreH Ma HO,lJ.)Kbl,lJ.rep na.lJ.)J.3axreH HY Hblxac
3rerooH, reMre MbIH YblH KYbl crexxreCT KreHa, yre,lJ.. CCbl,lJ.H Ta yreJIa,lJ.3blrMre
reMre
Hre bl,lJ.reH pa,lJ.3bIp,lJ.Ta JIrennyHbI
HblxreCTa. PaMreCTbl -AxreM
HC na.n.,lJ.3ax. HblxreCTbl
Hre IJ,bIpro
MHrobIJI
TblxxreH
HbIH re3 Hre crep
paKreH,lJ.3bIHreH
Y re,lJ. %13r Hre bl,lJ.reH,lJ.3YPbl, 6acacTH: -y blIJ,bl JIrenny HbIH KYbl Hre Ybl,lJ.aH,lJ., yre,lJ. HHHre 6a30HTre
na.lJ.)J.3aXbI
Hre 6a3bl,lJ.TaHKKaM.
-A!.Mre ,lJ.3bl JIrenny -A!.3-HY IJ,bl 3aroToH, llaM3ax
reMre
repCa,lJ.3,lJ.3bIHreH.
YblH
KYbl
Ta IJ,bl reXXYbIC reIJ,H? YbI,lJ.OH MbIH JIrenny eX'bYbICTa,
,lJ.3blp,lJ.Ta.
yre,lJ. ,lJ.3blp,lJ. pa.n.Ta
He'cre.lJ.)J.OHTreH
reMre axrecToHbl XHIJ,reYTIreH, JIrennyHbl cyar'b,lJ. KreHyT Tar'b.lJ.)J.rep, 3rerorre, reMre Hre ap,lJ.reMpaKreHyT. JIrennyHbl, Mreryblp JIre,lJ.)KbI blpTbl, na.lJ.)J.3axMre KYbl CKO,lJ.TOH ranyaHTbl yreJIa.n.3blrMre, yre,lJ.Ta na.lJ.)J.3aX3aroTa: -Pa3bl ,lJ.reH ,lJ.re HbIXreCTbIJI. Au.y K'bYXbIJIXreIJ,rer reMre reM,lJ.3yap,lJ.)KbIHHMre, reM6reJITIreH Ma ,lJ.eMre aKreH ,lJ.reXH KreH reH,lJ.bI,Ybl,lJ.OHbI. reJIre Ma MbIH HO,lJ.)Kbl,lJ.repIJ,bl 3rer'bbIHMre X'baBbIC?
- 190 -
JIrenny HbIH ,LI,reJIrOMMre HbIXreCTreH, u,reCTreHraCreH reMre X'breJIreCbI axacTreH 6aM6apbIH KO,Ll,Ta,Hre KreCTrep %I3,LI,)KbIHbIH KreH paKYPH,Ll" YbIH. TIa,LJ"LJ,3aXbIH 3reThbI: -KrepOHMre ,LI,rep Hre Xre,Ll,3apbIJI ,LI,e' HYBbI,LI,3UHa,Ll,KYbI paB,LI,UCaH, yre,Ll, XreCTrer 6aKreHbIH
,LI,rep reM6reJIbI.
TIa,LJ"LJ,3axbIKreCTrep qbI3r yaTMre aJIbITh,Ll" MrerybIp
YbIH cpeX'bycrreHre HbICCblpX reMre UHHre JIre,Ll,)I(bI cpbIPT Ta Hre u,reCTbITre ,LI,reJIreMre
repyaThTa. KYbI,LI,BreHHbI, U,bI BreHHbI, cpreJIre MrerybIp cpbIpTbI
K'bYXbIJIXreu,rer
C6a,Ll,TbICTbI
reMre
apaCT
reMre
CTbI UHHre
JIre,LI,)KbIcpbIPT naM3axbI
reM,LI,3yap,LI,)KbIHUMre
6reXbIJI
na,Ll,,LI,3aXMre.
l(reYbIHu" reMre uy paH cpYP,Ll,bI 6bIJI JIreYYbI DY JIrer, cpYP,Ll,YbIU,DY XYbInn CKreHbI, reMre cpYP,Ll, axyc BreHHbI, CTreH Ta Hre cpreCTreMre paQ'bblpTT
KreHbI.
« AH HbIH 6a6re3,L1,3reH », MUHreBapreH
-
aX'bYbI,LI,bI KO,Ll,TaJIrenny
reMre Hre HeMre
aKO,Ll,Ta UHHre na,Ll,,LI,3aXMre.
l(reYbIHu, reMre Ta MreHre uy paH, JIreTh3 6bI,LI,blpbI aCTrey, uy JIrer XYbICCbI3reXXbIJI reMre 3reXXMre X'bYCbI. « AH Ta U,bIMUrreHrer y? » aX'bYbI,LI,bIKO,Ll,TaMrerybIp JIre,LI,)KbI JIrenny. KYbI HreM 6axreCTrer CTbI, yre,Ll,,LI,3ypbI: -EaHpHaH! -PaHrre YT.
-
-l(bI
MU KreHbIC YbIH?
-,l];reJI3reXXbI
KreM,LI,rep KreJIMbITre TrepXOH
KreHbIHu, reMre YbI,Ll,OHMre
X'bYCbIH. « Ea6re3,L1,3reH HbIH », - aX'bYbI,LI,bI KO,Ll,TaJIrenny -MUHreBapreH HeMre Hre au,reyuc naM3aXMre?
reMre HreM ,LI,3ypbI:
-Au,reyuH, - 3aThTa. -l(OM yre,Ll,re. lEMre apaCT U ceMre. l(reYbIHu, reMre Ta DY xoxpre6bIHMre 6axreu,u,re CTbI. KrecbIHu" reMre DY u,yaHoH cpaTreH HbIX'bX'baBbI reMre Ta cpreJIreYYbI. « y re,Ll,reHbIH au,bI u,yaHOH ,LI,repnaH,LI,a YbI,LI,3reH», 3aThTa JIrenny reMre Hre cprepCbI:
- 191 -
-IJ;éeMée
X'baBbIC, XOPX3 .QyaHOH?
-AB.n; XOXbl éeMe -MaxHMée
.n;3ée6H.n;blPTée XH3bIHII, éeMée Ybl.n;OHMée XbaBblH.
MHHéeBapéeH
pa.Qy, Kée.n; aKKar KéeHbIC, Yée.n;.
-KéeMéeH lléeYT MHHéeBap
éeMée KéeMée?
-TIa.n;.n;3aXbl
XYbI3éeH CéepéeHTHMée
KYbIHHée alléey.n;3blHéeH?
-
éeMée CeMée apaCT.
MYllac.n;éep
Ta
KéeCbl
JIéenny
KYblPOMbl MY JIéer, Mée Yéeparbm TéePX'bYC pallaXCbI éeMée Ta Mée cya.n;3bI. 6a.n;bl
éeMée
« AlibI JIéer .n;éep HblH Mée a
éeMée YbIM .n;éep CeMée
aKo.n;Ta
a
- aX'bYbI.n;bI
MHHéeBapéeH.
HbIp
6aHCTbl aB.n; JIée,WKbI. DHPée
JIéeYYbI éeMée .n;ap.n;Mée lléeXéepTée
raJIyaHTéeM
paya.n;blCTbl
na.n;.n;3aXbI
HHHée na.n;.n;3aXbI éepXYbI raJIyaH
KaJIbI. MHHéeBéepTTbl
Cée
ranyaHTéeM.
« YblM KYbI.n; 6acy.n;3éeM, a
MéerybIp
JIée,WKbI
Y blM .n;éep
YaJI
3aroToM
na;:UJ,3aXbI
HHHée
na.n;.n;3ax
MéeXée.n;éer 3éeroTa: -AM6bIJI.n;TaT
Ta Hée alibI xaTT .n;éep,
payaMéeM:
CblMaXéeM MY JIéer, MaXéeM .n;éep.
-XOp3, - 3aroTa Méeryblp JIée,WKbl
- 192 -
Ko.n;Ta K'bYJI6a.n;éer YCbl
-Hre
MHHreBrepTTblJI X'byaMre q,reyreJIaXH3 yreM. Ya3)J,'IKbITreH A)'r'bbI yaH)].3reH, Hre yreparbIJI KYbIPOHbI
)].3yann
paTTa
K'bYJI6a)].rer
yc,
- re3 Mrexre)].rer. JE3 MeMre
axreC)].3bIHreH aB)]. aB)J)KbI q,bIu,u,reITreH. JEMre )].3bI Hre Ya3)].)I(bITbI )].Yr'bOHbI q,repaCbIr KreH)].3bIHreH. IIaM3ax Cpa3bI YCbI q,reH)].OHbIJIreMre HbIH XOp3 J1reBap paKO)].Ta. Y re)]. )].bIY)'re A)'r'bOHbI, HHHre na)].)].3axbI A)'r'bOH - K'bYJI6a)J.rer yc reMre na)J.)].3axbI MHHreBrepTTbI A)'r'bOH - KYbIPOHbI q,re)].Tre 6aCT U,bI J1rerbIJI YbI)].bICTbI, YbI)].OH q,reu,araH)].TOH; repTre 6bI)].blpbI re)].)].e xoxpre6bIH aq,reCTHaT CTbI, reMre K'bYJI6a)].rer yc precyr'b)]. yc YbI)].H; YbIH J1rerreH HY aBr aHa3bIH KO)].Ta,YbIHq,reCTre )].bIKKar, repTbIKKar, u,bIllnrepreM, q,reH)].3reM reMre rexcre3reM, reB)].reM Ta HbIH Hre HbIBrep3reHbI repreBrep)].Ta, q,rerrenn JIaCTa reMre 3r'bOpbIH 6aH)].bI)].Ta, q,repa3reHOHbI TbIxxreH. Y re)]. J1renny q,repCbI, )].reJ13reXXMre qH X'bYbIcTa, YbIU,bI JIbI)J.)I(bI: -HreJIroHMa)J.)I(bI K'breXTbI x'brep X'bYCbIC reBH CblJIroHMa)J.)l(bI? YbIH 3reXXbIJI Hre X'bYC aBrep)].Ta -CbIJIroHMa)J.)I(bI
reMre 6aHx'bYbICTa,
cTreH 3rer'bbI:
K'breXTbI x'brep yaHbI Mre X'bYCTbIJI.
nrenny u,yaHOHbI aq,apCTa: -AKreC-Ma Hre )].Yr'bOHMre, u,reMreH reprerMre 3bIHbI. YbIH aKaCT reMre YbIHbI: KYblpOHbI q,bI)].Tre 6aCT U,bI JIrennyHbIJI YbI)].bICTbI, YbIH XYbIpbITTreH XYbICCbI, Hre HbIBrep3reHbI Ta apaX'bbI aBr. Y C Ta 3r'bOpbI reMre X'byaMre Tar'b)]. aM rep6anreyya. u,bI q,e)].Ta, YbIH J1rennyHreH paq,re3MbI)J.Ta. « Ay HreXH CaCTbIJI 6aHbIMaHreM?! » - ax'bYbI)].bI KO)].Ta JIrenny reMre Ta u,yaHOHMre )].3ypbI: -PaHX'ban KreH Hre A)'r'bOHbI. IJ,yaHoH <paT cyar'bTa, reMre J1re)J)KbI HbIBrep3reHbI H03TbI aBr HbIllnblpx H; JIrer q,eCX'bJfY)].Ta, apaKrec-6aKrec KO)].TareMre Hre pa3bI YCbI KYbI Han q,e)].Ta, yre)].
- 193 -
Xop3ay HaJI <preQU UHHre na)JJJ,3ax reMre Hre <preCJJ;3reYUHTreJJ;rep. reJIre Ma HbIH QbI rreHreH YbIJJ;! IIaJJ;JJ;3aXbI MUHreBrepTTre HbIJI <preyreJIaXU3 CTbI, aM6bIJIJJ;TOH aJIQreMreH JJ;rep. iEMre Cpa3bI Hre qbI3r paTTbIHbIJI nMJJ;a3axbI reHblxac, <preMUHac KOJJ;TOH UHHre na)JJJ,3aXMre MY UHHre60HreH UHHre UHHre6oHMre, CTreH qbIHJJ;3bI paxaCTOH reMre paQbIJJ;bICTbI. Y reJJ;repTre naXYbIMnapbI TbIHr xreJIrer KOJJ;TOHna)JJJ,3axbI
Ta JIrennyMre
6aYbIHa
UCqU JJ;aM6aQa
a
Hre
KYbIJJ; paTTaUJJ:, reMre YbIH
<preMapJJ;
KreHUJJ;,
3renrre,
KOJJ;TOH naXYbIMnblpTre.
iEMre na)JJJ,3aXbI
YreJJ; Ta
repTre naXYbIMnapbI 3anTOH: « IIa)JJJ,3aXbI
6axrepa ». iExcreBbI na)JJJ,3axbI
nrenny
YbIM <pre3bIH)]., YbIMreH reMre YbIH X'bYbI)].)].ar pa3)].rep
YbIM
3anHar
KanMbI
lExcaprap)].
naM3aXbI
CK'bYhIXTre
KO)].Ta reMre
<preCTreMre Hre 6bIHaTbI
naM3aXbI
eX'ban
Kap)].
K'bynreH
)].3bI cap)].3HHTre
caYbIH)].30H
3bI)].Ta.
paThI)].Ta
reMre
caMa)].Ta.
KYbI)]. 3aThTa,
reMre MrerybIp
nre)].)I(hI
a
K'bYXbI He 'xcaprap)]. KYbI
nrenny Hre ca6bIp KreHhI, <prenre Ma KreM reHI.\aHbI naM3aXhI
Hre ca6bIp KO)].Ta:
-KYPbIH )].re, - 3reThrre, aMap)].ToH, )].rey Ma 6axrepa,
6aca6bIp y. lE3 3anHar KanMhI KYbI re3 )].bIH 6Hpre reH)].rep XOp3)].3HHre)].Tre
KYbI <pre)].reH.
EaKo)].Ta
Hre
3anHar
KanMreH
cap)].3HHTre
KreM
caMa)].Ta,
yaTMre )].rep. KYbI Han reMre Han reHU;a.n., yre)]. bIH nrenny
YhIU;bI
HO)].)KhI)].rep
3aThbI: -lE3
)].hIH reu;rer)].3HHa.n.
KYbI pa.n.3ypOH,
yre)]. 6aHcre
- Ma
Mre ca
MY )].rey XYbI3reH HHKYbI
lEH)].rep
rreHreH
pa)].3hIp)].Ta,
Han
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YhI)].,
reMre
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naxYbIMnbIpbI
Map)].TOH, YbIH. YbIH
KYbIMrep
U;bITre pa.n.3bIp)].Ta,
naM3aXbI
na.n..n.3axbI )].3hIp)].TOH,
a
reH
u;aB)].)].YP
6aX'bbIr
6HHOHTre,
yren)].aii.n.rep
u;reCCbIITreH XOXbI aCTrey reMre
YCMre,
KO)].TaHKKoH Ta
HreXH u;rexca)].Ta. qH u;ap)].H,
na.n..n.3aXbI
naM3aXbI YbIH
KreCTrep
cre
YbIH
<preU;bI)].H )].ap)]. paHMre,
YbIU;bI )].bIYYre 3repOH)].Mre:
na.n.)].3aXbI
%I3r.
3repOH)].
30K'bOTre
Hre
)].bIyyre nrer
KreMreH
rep3a.n., YbI)].OHMre. PaKO)].Ta ChIH Hre X'baCT reMre 3aThTa: -epBre3bIH KreHYT 30H)].)].)KbIH rybIp)].bI, HbI
MrerYbIp na.n..n.3ax
nre)].)KbI
- 195 -
3apOH,lI, JIrer reMre YC 3arbTOU: -lJ,aB,lI,,lI,yp ryrreu.
paumc
KreHreH
Mre CbIBreJIJIOHbI
,lI,reJIroM
repKreHYT
6aKreHaT,
yre,ll, ure
lI,aBMypTre
3bIHTreU:
lI,aB,lI"lI,ypbIJI
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3repOH,ll, yc
MYYbIJI,lI,rep
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lI,bI 3af'bTOU,
YbIU. Cre
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lI,aBMypbIJI
3repOH,lI, JIrer
QbIH,lI,3 cpbIHreu
KYbI YbI,lI"
repcpreJI,lI,reXTou.
Hor QbIH,lI,3bI CbIBreJIJIOH ure X'bre6bICbI
xY,ll,rreure
YbIMMre
JIreYYbI,lI,M.
6all,MH KO,ll,TaMKKou!
na,D,,lI,3aX ure
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reMre
COUTa,ll, reu CKO,ll,TOU
JIre,ll,)KbI
KYbIHHre
YbIlI,MY KYbI Hre
ure cpreC,lI,3reYMHTre ure cpre,ll,bIJI lI,reyrreure.
KYbI 'Pll,bI,lI" yre,ll, pa,D,3bIp,ll,Ta,
reMre ar cpbIlI,rre-cpbIlI,bIH
lEMre
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QbI3,l1,)KbI pa,D,Ta
YbIU,ll,rep pa3,l1,reXT ure
-YbI,lI,OH YbI,lI,TOH Mre cpbIHbI, cpreJIre cre 6ayreH,ll,bI,lI,TreH,- 3af'bTa JIrenny. yre,ll,reu cpreCTreMre ure
aMOHLllJ.)KbIHreu
lI,repbIHTre
MrerybIp
cpbI,lI,bI Xre,ll,3apMre
3repOH,ll, cpbI,lI,reH pa,D,3bIp,ll,Ta, KYbI,lI, cpecrybIxTMC,
lEMre
lE
6MHOHTre
yre,ll, bIH ure K'bYXTreu ure CbIBreJIJIOH pauCTou,
lEMre
naM3axbI ure
KreCTrep %I3r YbIlI,bI HbIXreCTre cpeX'bycrreure
pa3,l1,reXT reHre,ll,3yprreure,
Mreryblp
reMre
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TIaM3axbl Cre
MC repMreCT,lI,rep
UbIH COUTa,ll, CKreHreHT
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,lI,reyreH 3ref'bbIH
3repOH,lI, cpbI,lI, reMre Hor
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*
*
*
- 196 -
JIre,ll,)KbI reMre ure
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XYLI3~P
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,lI;3AYMA CiE IvE:QLI YLI,[(H?
ap,lIJ>ICTbI reMre YbI,lI,bICTbI YC reMre JIrer. YbI,lI,M CbIH uy qbI3r. qbI3r YbI,lI,M aXreM preCYID,lI" reMre HreM YbIU,bI MY preCTre,ll,)KbI
rep6au,bI,lI,bICTbI QbI3rrypTbI qbI3r
Kyprer
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repTre reJI,lI,apbI 4>bIpTbI. KO,ll,TOH, XOp3 cre 4>e,ll,TOH. .tEpKacTbICTbI
,lI,rep, 1J:bI3,l1,)KbI4>bI,lI, ,lI,rep reMre C,lI,bI3rep,ll,bIr CTbI: repTre
YbI,ll,bICTbI a4>Tre 3rep,ll,reMre,ll,3reyrre,
reMre
KaTaHbIJI
CCM lJbI3r
creM ,lI,rep ,lI,rep
reMre 4>bI,lI,,lI,rep. Y re,ll, 4>bI,ll, palJ,bI,lI,M
.tEMXYbI30H
repTre
'JI,lI,apbI
a,LJ"lI,)KbIH CTYT,
1J:bI3rreH ,lI,rep; CbIMaxreH pannreJIbIH
4>bIpTMre
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,lI,rep
MCKreH pa4>aYbIH,
CbIH ,lI,3ypbI:
MrexMu,reH
,lI,rep,
Mre
He yre MCKreMreH yreJI,lI,aH
CTbIp TrepMIDre,ll, YbI,lI,3reH, Max reH HreXMMre Hre McreM.
Mre Ya3,l1,)KbITre cTYT,
aryPYT,
XYbIu,ay
apID
MbIH
KreuyT,
Me 'B,lI,MCreH, re3 ,lI,rep CbIMaxreH
xreCTrerreH
Mre
XYbI3,l1,rep xreCTar
Hre arypbIH. Mre crepreH 30HbIH uy XOC, u,reMreH Mre crep TrepMIDre,ll"ll,)KbIHMa 4>reya. MreHre YbIH 4>reHHre cre,ll,re ryMaHbI, YbI,lI,OHreH6aJIxreuyT ,lI,3aYMaHbI, rep6axreccYT cre ap,ll,reM reMre yre, XYbI3,l1,rep ,lI,3aYMa 6aJIXreHbIH KreMreH 6aHTbIca, YbIMreH Cpa3bI YbI,ll,3reHMre UYHrer lJbI3r. .tEpTre reJI,lI,apbI 4>bIpTbI, ycrypTre, apaCT CTbI. KYbI,lI, Hre 6aX'bap,ll,TaMKKOH creXM. DaJIXre,ll,TOH,lI,3aYMa: cre MY cre 6aJIXre,ll,Ta raYbI3, MHHre- aH,lI,reH, repTbIKKar - arybIB3re. KreM 6auy
CTbI 4>recTreMre
u,reyrreHre,
'lM 30HbI, 4>reJIre ,lI,3ypbIHU, cre
Krepre,ll,3MMre: -AJIlJM,[(rep
Hre 6aJIxre,ll,Ta
4>re,ll,3reXCTa, a4>TreMreH, au,bI paH, U,bI MMHuyrer
uy
,lI,3aYMa,
4>reJIre reB3rep
1J:bI3,l1,)KbI 4>bI,lI, HbIH KYbI,lI, Hre yaM,lI" KYbI pa,ll,3ypMKKaM
MC He 'JIxre,ll, ,lI,3aYMaTreM.
Y re,ll, raYbI3bI
xMu,ay 3aIDTa:
-A raYbI3bIJI apBbI KrepoH
6a,LJ,T 6a4>repre3TaH, 4>ecTbIH KreH,ll,3reH.
yre,ll, ,lI,re u,recTbI4>reHbIK'bYbIJI,lI,Mre
Ai1,LJ,reHbI xMu,ay 3aIDTa: -ApBbI
u,bmnap
K'ba6a3bI
aH,lI,reHreH Kre,ll,reM aKrecreH,
Kre,ll,reM
aIJ,bI,lI,bICTbI,
YbIU,bI paH
4>eH,ll,3bIHre.
- 197 -
YbI,ll,OHreH
au,bI
,lI,3bI, U,bI ,lI,re 4>reH,lI,a, YbIH
lEpTbIKKar,
arybIB3reHbI
-A,D,reHMar,
reBre,ll,3a, Hre y,ll, HCbIHbill
XHIJ,ay, ,lI,3ypbI:
,lI,YHeHre, yre,ll, bIH aIJ,bI HYa3reHreH
CCH, XHIJ,reH KreHbI aIJ,bI pyxC
HCTbI H03T ayaf'bTaH
yre,ll" Hre Ma,ll, reH KYbI,lI, HbIHHap,ll,Ta,
Hre X'bYbIPbI,
YbIHay <j.>eCT,lI,3reH.
y re,ll, Ta ,lI,3ypbIHIJ,:
-l.I.reH-Ma, yre,ll,re, aKrecreM Hre aH,lI,reHreH reMre 6a30HreM, Kre,ll"ll,repa IJ,bIMH KreHbI, KreH KypreM, YbIIJ,bIQbI3r. AKaCTbICTbI
aH,lI,reHreH.
qbI3r
<j.>recreHrre
PbIH%IH
reMre
Hre
y,ll,
HCbIHbill CCH. lEpTre
JIrennyHbI
a6a,ll,TbICTbI
raYbI3bill
reMre
yaHTaf'b,ll,
QbI3,l1,)KbI
yreJIX'b yc 6anreYYbI,lI,bICTbI. HYa3reHbI
XHIJ,ay pa,D,Ta MreJIreT,lI,3ar
Hre HYa3reHbI, TrepXOHbI
reMre qbI3r
rep6a,D,TbICTbI
yaHTaf'b,ll,
pbIHQbIHreH
IJ,aBrep,ll,rep
H03T
Ca,lI,)KbI XYbI3reH reHreHH3 CCH.
reMre reB3apbIHIJ"
KreMreH
reM6reJIbI
QbI3r,
KreIJ,bI XYbI3,l1,rep ,lI,3aYMa pa3bIH,lI, %I3,l1,)KbI <j.>epBre3bIHreH. AH,lI,reH Hre YbI,lI,H, yre,ll, PbIHQbIHbI Hre
xa6ap
YbI,lI,H, yre,ll, a<j.>OHHa,ll,bill Han
Hre 6a3bI,lI,TaHKKoH:
creM6reJI,lI,aHKKOH
raYbI3
PbIHQbIHbill;
HYa3reH KYbI Hre YbI,lI,aH,ll" yre,ll"ll,rep bIH Hre YbI,lI,H reHre MreJIrre. .. .Ea,ll,bIHIJ, TrepXOHbI
HbIp ,lI,rep Ma, reB3repbIHIJ,
Hre <j.>repa3bIHIJ, paB3apbIH,
HbIp ,lI,rep Ma, <j.>reJIre
XYbI3,l1,rep ,lI,3aYMa cre KreIJ,bI YbI,lI,H.
*
*
*
- 198 -
MlErYLIP
KYLI,lJ,
lliEr iEH APCLI XbLI6LIJI p AHrYLIP~
M
rerybIP JIrerreH apCbI X'hbI6bIJI paHryblp)J,H. )J;HCMre HreM QbI)J,bICTbIa,LI,reM.ApCbI X'hbI6bIJI KYbI 6aX'hOMbIJl H, yre)J, Hre cpbI)J,Mre)J,3ypbI: « AQy )J,bI KaJIaKMre reMre MbIH KaJIa%I naM3axbI 6acpapc, reMre MbIH Hre %I3)J,)I
MrerybIp xre)J,3apbIJI,
JIrer KaTaHbI MH)J,rer CCHC: « Y re, TYr HbIyyapa Mre reMre a,LI,reM)J,re YbIH)J,reH JIH)J,3rre KYbI KreHbIHQ! KaJIaqbI
na,Ll,)J,3ax Hre %I3r
)J,reyreH KYbI)J, paT)J,3reH ycreH?!
xre)J,OH CKreHbIH KYbI Hre cprepa3bIH MrerybIp
MreHre
Mre yreJIre
».
JIrer Hre KrepQbI K'hrepHT Hre yreXCqbITbIJl
rep6aKO)J,Ta
reMre
apaCT KaTaH-rreHrre. HbIxxreQQre
na)J,)J,3axMre
reMre
HreM 6aQbI)J,H XY)J,aHCTreH. I1a)J,)J,3ax
reM )J,3ypbI: « l(hI KreHbIC, MrerybIp -)J;re cpbI)J,rexreH
cpecrecpOH,
Mre HaJI ya)J,3bI
QrepbIH,
MbIH 6acprepc,
JIrer, QbI )J,re Hre ya,Ll,3bI? »
apCbI X'hbI6bIJI TOHbI reMre
MbIH paHryblp)J,HC,
Mre reprreB)J,bI:
Kre)J, MbIH Hre qbI3)J,)I(bI
ycreH
paTTH)J"
reMre
« I1a)J,)J,3aXbI reMre
HreM
6aHX'hYC, KreMrepa )J,bIH QbI xa6ap papBHTH)J,». -AQY, reMre HbIH 3ref'h: « KYbIMrepHMrep Ma )J,re YbIH cpeX'hYCOH, yre)J, )J,reM CaJI)J,aTbI apBHT)J,3bIHreH, reMre )J,re X'hreMnbIH apTbI 6aCY)J,3)J,3bICTbI ».
MrefY'hlp JIrer pa3)J,reXTH YbIp)J,bIrreH Kreyrre reMre HMYrreHre. <1>reQreYbIcre xre)J,3apMre. <1>repcbI Hre: «r'he, Mre Mreryblp CPbI)J" QbI xa6ap )J,bIH papBbICTa, YbIH MbIH 3ref'h» . -IJ;bI xa6ap MbIH papBbICTa, KYbIMrepHMrep Ma )J,re YbIH cpeX'hyca, acpTre )J,reM CaJI)J,aT papBHT)J,3reH reMre )J,re X'hreMnbIH apThI 6aCY)J,3)J,3reH,)J,re 60H HbIKKaJIaH, cpreJIre Hre KOH )J,rep MaYaJI CKreH. Da33a)J,bICTbI acpTreMreH MY K'hOp)J, 60HTbI. HO)J,)I(bI Ta Hre HaJI ya,Ll,3bI:« AQy, reMre Ma MbIH reH MY cpapCT 6aKreH ». HaJI bIH KOMbI MrerybIp JIrer: « MreHreH Mre 60H YbIH pa3Mre HbIQQreYbIH HaJI Y ». y re)J,bIH )J,3ypbI: « HreH )J,bIHrreHreH, aQy reMre Ma Hre 6acprepc aQbI xaTT ».
- 199 -
ApaCT KO,ll,Ta MrerybIp JIrer, Hre JIre,ll,3rer CreBrep,ll,Ta Hre CHHTreM, aqnreMreH. HbIxxreu,u,re HC na)J,)J,3aXbI pa3Mre reMre Ta HreM ,lI,3ypbI: -,[(re xop3rex MbIH XYbIu,ay paTTre,ll,. ApCbI X'bbI6bIJI MbIH paHrYbIp,ll, reMre Mre u,repbIH HM ya,ll,3bI. KreHre YbIH <):>eca<):>, KreHre MreH. ,[(re qbI3)J,)KbI MbIH KypbIH KreHbI, reMre ,lI,bIYbIMreH Kreu,reH paT,lI,3bIHre ,lI,re%I3)J,)KbI! HM Mre ya,ll,3bI u,repbIH Mre Xre,ll,3apbI. TOHbI reMre Mre reprreB,lI,bI. Yre,ll, reM na)J,)J,3ax ,lI,3ypbI: -Au,y,
reMre
HbIH a<):>Tre 3ref'b
,lI,bI:
«
Yre,ll,re
Mre Kre,ll, HM
ya,ll,3bIC
reMre MbIH Mre QbI3,l1,)I(bI KYpbIC, yre,ll, YbIp,ll,bIrreH ap,ll,reM CbI3f'brepHH XH)], capa3, ,lI,bIyyre yrep,ll,OHbI HbIJI <):>repcreH-<):>repCTreM KYbI,lI, ryJIa, reMre
,lI,reM YbIH yreJIre
ccreYOH
reMre
xa6apMre
».
MrerybIp
JIrer pa3,l1,reXTH YbIp,ll,bIrreH
a3f'bOp,ll,Ta
Hre pa3Mre
,lI,bIH 6aKreCOH
Hre Xre,ll,3apMre.
reMre Hre <):>repCbI: «IJ,bI
ApCbI
xa6ap
-f'be, ,lI,re 60H HbIKKaJJaH, U,bI xa6ap ,lI,bIH 3ref'bTa?! ,lI,bIH apa3bIH KreHbI, Kre,ll, ,lI,re 60H y, yre,ll,.
,lI,re u,ap,ll,bI
X'bbI6bIJI
,lI,bIH 3ref'bTa? CbI3f'brepHH
» XH)],
-f'be, Mre MrerybIp <):>bI,lI"yre,ll,re re3 axreM arypbIH. ,[(bI ,lI,rexHu,reH reHu,a,lI,c6a,l1,.
X'bYbI)J,)J,reITre KYbI
1£xcreBbI
CbICTa,lI,bICTbI,
HbIXXYbICCbI,lI,bICTbI.
PaHCOM
KYbI
yre,ll,
JIrenny Hre 3reBreTreH 3rexx repK'bYbIp,ll,TareMre 3ar'bTa: « Mre Xre,ll,3apreH
breCTre
na,ll,,lI,3aXbI
reMreHK'bYbICT
,lI,yapMre
MbIH CbI3f'brepHH
HbIKKO,ll,Ta, reMre
XH,lI, KYbI,lI, <):>eCTa )).
,lI,3bI <):>eCTa,ll,H, reu,rer,ll,rep,
-
CbI3f'brepHH XH,lI,. Y re,ll, reM HbIpBbICTa, apCbI X'bbI6bIJI, na)J,)J,3axMre: -,[(re QbI3)J,)KbI MbIH YbIH TbIxxreH Hre ,lI,reTTbIC, na)J,)J,3ax, YbIH Ta ,lI,bIH CbI3f'brepHH
XH,lI,. Pau,y
HbIp Hre yreJIre reMre MbIH Mre xre,ll,3ap
TIa,lI,,lI,3aXbI reMpH3re,ll,)l(bI apcbI
6apbI3TH: « YbIH, X'bbI6bIJI KYbI Hrey )). Yre,ll, reM papBbICTa
,lI,re Xre,ll,3apMre YbIHrer na)J,)J,3axHMre
reu,rer,ll,rep, MHHreBap:
Hre u,reYbIH, <):>reJIreMreM pau,y
QbIH)J,3XreCCrer,
yre,ll, ,lI,bIH paT,lI,3bIHreH
KreHHO,ll, Hre )).
- 200 -
<):>eH. ,lI,3re6rex
«1£3
,lI,reM
<):>OH,lI,3bICCre,ll,3 Mre QbI3,l1,)I(bI,
1£xcreBbl Ta
HbIXXYbICCbl,D,11 apCbl
3rexx
repK'bYblp,D,Ta
X'bbI6bIJI.
reMre
PaikoM
3ar'bTa:
«
q,OH,D,3bICCre,D,3 na)J,)J,3aXbI KYbl,D,q,eCTa re,D, rap3, EreCTre
repBHreprerrey
q,OH,D,3bICCre,D,3
HbIHHrepbl,D"
na)J,)J,3aXbI.
reMre ,D,3bl na)J,)J,3aXTre Hre aMapOH,
ApCbl
TrepcbIHu"
-1£Mre
reMre
X'bbI6bIJ1
reMre creM ,D,3YPbl apCbl X'bbI6bIJI:
,D,reyreH
Hre
qbI3)J,)KbI
ql1
KYbI
6bI,D,blpbl
,D,3bl
paxbI3TI1
q,eCTa,D,11 cre
pa3Mre,
J111,D,3bIHU,.X'byaMa
« Maprre
Mre u,reMreH
paKYblp,D,TOH
Pa)J,Ta,
MbIH
re,D,60c ».
q,reHHrep,D,reM
KreHYT?! 1£3 na)J,)J,3aXbI %13)J,)Kb1 qbIH,D,3XreCCrer KYbI KreHbIH ».
KYbl C60H 11, yre,D,
AU,bl
YblH
reMre
u,aBrep
yre
na)J,)J,3ax
Ybl,D,3reH? -YbIH MreT Ma KreHYT, CbIMax pau,reyT ApaCT
CTbI YbIp,D,blrreH,
Mre q,re,D,bIJI!
reMre cre HbIKKO,D,Ta reM6blp,D,reH.
EaKO,D,Ta
cre reM6blp,D,reH reMre cre pa6a,D,bIH KO,D,Ta K'breJ1reT)J,)KbIHTbIJI.
ApCbI X'bbI6bIJI cl1axcHyar KreHbI reMre q,reC,D,yap C6a)J,TI1 Hre q,reCTar rep,D,rerbIJI. TIa)J,)J,3axreH Hre %I3r 6aM6rexcTI1 KreM,D,repreMre He 'B,D,I1CbIHreXI1. ApCbI X'bbI6bIJ1 paKrec-6aKrec KreHbl xre,D,3apbl reMre Hre YbIHbl QbI3)J,)Kbl. Y re,D,6arrenn KO,D,TaapTbl crepTbl reMre na)J,,D,3axMre Hre ,D,re YCbl, Hre q,eHOH,
,D,3YPbl:
«TIa)J,)J,3ax,
yre,D, ,D,re Qbl3r
re3 ,D,bIH KYbl Hre ,D,reXI1 KypbIH,
KreM
11? PaKreH
KreHHO,D, ,D,re 6bIHcreq,T
KreHbIH!
Tan,D,
KYbI
,D,re Qb13)J,)Kb1 reMre
»
PapBblCTa Hre Qbl3rMre na)J,)J,3ax reMre Hre 6aKO,D,Ta Xre,D,3apMre. ApCbl X'bbl6bIJIbl KYbl q,e,D,Ta%13r, yre,D,reH Hre K'baXreH CK'bYblp,D,Ta reMre HreM ,D,3YPbl: «.lJ:e 'pKreHre)J,)Kb1 Ma,D,reMre q,bI,D,reH q,reJ1,D,bICT q,rey! » ApCbl X'bb16bIJI reM ,D,3ypbl: « Y re, Kre,D,paHCOM Mre q,re,D,bIJI Hre pau,reyaH, yre,D,,D,req,eH,D,3bICTblJ1renTIyTre ». HM I1C na)J,)J,3axreH rreHreH: X'byaMre apBI1Ta apcbl X'bb16bIJIreH Hre QbI3)J,)KbI. EaH,D,bl,D,TaQblH,D,3reXCreBTre KreHbIH rexcreBreH-6oHMre. 1£q,reH,D,apaCT cre KO,D,TapaHCOMbl reMre CbIH apBblcTa caJJ,D,aTbl ceMre: « Au,reyT cblMax, reMre-I1Y yaTMre KYbl au,reYOH, yre,D, creM X'bYcyT. Kre,D, ,D,3bl Hre 3rep,D,re HI1u,reMreH pyxc
- 201 -
KreHa, reMre Hre,
MHtiar, My
TOHa reMre reprreB;::J;a, yre;::J; Q'breXaXCT KreH)J;3reH 1.J:bI3r, reMre-
6acreTTYT ;::J;yapTTre».
PaQbI;::J;bICTbI
Yblp;::J;blrreti,
reMre
cre
xre;::J;3apMre. Eati;::J;bI;::J;TaMy a60Hreti KreHbIH.
CKO;::J;Ta apCbI
HHHre a60HMre
Mre XYbICCbIH a4>oH KYbI 'PQbI;::J;H apCbI
X'bbI6bIJ1
1.J:bIH;::J;3rexcreBTre X'bbI6bIJ1reH,
4>reQreYbI XYbICCbIHMre. Mre 1.J:bIH;::J;3reM6reJ1TTreM 4>recTreMre « PaKreuyT MbIH Mre YCbI Mre yaTMre ». AQbI;::J;H apCbI X'bbI6bIJ1 tire yaTMre
tire yre;::J;
;::J;3ypbI:
reMre YbIQbI paH 6a)J;bI. YaJ1bIHMre
tireM aKO;::J;Toti 1.J:bI3,WKbI.ApCbI X'bbI6bIJI yaTbI ;::J;yrepTTre reprexrre;::J;Ta tireXMyblJ1,
tire
repC;::J;3apM 4>eJ1BreCTa,
4>eCTa)J;H CbI3r'brepHHKOQopa,WKbIH tire
X'bre6bICMre
6annrepCTa
1.J:bI3,WKbI XY;::J;bIHMre reMre
QrexrepTre
J1renny.
tireXH.
qbI3r
HbIKKaJ1;::J;Ta reMre HbIXXYMHC
CaJ1;::J;aT reMetire
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«Max
reMre
X'bYCbIHQ a4>Tre
KYbI
'HX'breJ1;::J;TaM, reMre Yblti tirexH Map;::J;3reHHc, reMre xY;::J;rre KYbI KreHbI, yre;::J;;::J;3bI,QbIMre, QreMreti 6apyxc tire 3rep;::J;re!» y re;::J; reti JIrenny
1.J:bI3r 6ati;::J;bI;::J;Ta 4>repcbIH:
KYbI ;::J;re,QbI ca4>blc
reMre a;::J;reMreH QreMreHHre
« CbI3r'brepHHKOQOpa,WKbIH
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reB;::J;HCbIC;::J;rexH? »
-Hreti MreHreH rreHreH: Yblti KYbI Hre ;::J;apoH, yre;::J; MreHreH He 'PQreY;::J;3reHMre X'bYbIMar Xop3. iExcreBreti-6oHMre C60H
6ati;::J;bI;::J;Toti X'ba3bIH
H, yre;::J; Ta tie
apCbI X'bbI6blJ1. qbI3rMre «AQbI
'pC;::J;3apMreH
reH;::J;rep rreHreH AxcreBbI
reMre XY;::J;bIH. PaticoM
KYbI
'pC;::J;3apM tire yreJ1re CKO;::J;TareMre Tre 4>eCTa;::J;H rera;::J; 3bIHbI reMre 6atî:)J;bI;::J;Ta KaTati KreHbIH:
KYbI HHQbI
XOC CKreHOH
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yre;::J; MbIH
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aQbI;::J;bICTbI yaTMre
reMre 6ati;::J;bI;::J;Toti X'ba3bIH reMre XY;::J;bIH,
tire repC;::J;3apM Ta tire HbIBrep3reH
6aKO;::J;Ta J1renny
6a4>bIHreti. ~I3r CbICTa;::J;H cycrerreti repC;::J;3apMbI J1rennytibI HbIBrep3reHreti
reMre Ta a4>TreMreti
reMre apT CKO;::J;Ta. PatiCTa reMre tire 6rennrepCTa apThI,
reMre CCblr'b;::J;HYbIQbI paH.
JIrenny tire xycbIcMarMre 4>ex'baJ1, acrrepcTa tire repc;::J;3apMreMre tire rep;::J;rerCbIr'b;::J;TbITreti4>eJ1BreCTreapTreti. Y re;::J;tire YCMre ;::J;3ypbI:
- 202 -
« Mre Xre,n:3ap MbIH ureH XreJ1,n:Q>reKO,n:TaH!f'beHbIp MreHreH ,n:reyreH Han HC naH,n:a. ,lI,rexH ,n:rep cl>ecrecl>TaH reMre MreH ,n:rep. iE3 ,n:reH yreJ1apBbI ap,n:rer KreH,n:3reH YbIp,n:reM. Han Mre cl>eH,n:3bIHre, Han ,n:re cl>eH,n:3bIHreH
».
qbI3r 6aH,n:bI,n:TaKreYbIH:
« Yre,n:re Ma UbI XOC CKreHreM?!
»
-YbIMreH XOC rreHreH Han HC. MreH paHCOM KYbI axrecca yreJ1apBMre, yre,n:-HY ,n:bI ,n:re cl>bI,n:Mreauy reMre HbIH 3rern: Kycrer 6aXXYbIpcre,n: reMre 3reXXbIJ1 Krep,n:re.rPKI>IU'bynn Mayan HbIyya,n:3re,n:. PaH,n:aHre,n:cre U'bbIHaTre aMaHbIH. MreHreH Mre 60H YbIH 6aYbI,n:3reH, reMre aB,n:a3bI re3 3rexxreH Krep,n:re,LPKbIunynn cxaYbIH Ma Cya.n:30H. Acl>TreMreH CK'bYHH,n:3bICThI reCTar xaTT repurey,n:3reHH ,n:reYMre. JIrerncTre ,n:bIH KreH.D:3reHH.
,lI,reT,n:3reHH
,n:bIH re,n: cl>bIHHay
,n:3YITre,
re,n: X'bOMrreC
prernreYTTre. MaUbI-HY ,n:3bI 6aKOM Mrexo He,n:TreMre. IH MOH Mre axacTaH, YbIH MbIH repxrecc Q>reCTreMre». PaHCOM KYbI C60H H, yre,n: paTaxTH ap,n:rer Ko,n:Ta yreJ1apBMre. qbI3r Kreyrre Hre naM3aX cl>bI,n:MreHbIUUbI,n:HC reMre HbIH Hre xa6repTTre cl>re,n:3bIp,n:Ta.Y re,n: reM %I3r ,n:3ypbI Hre cl>bI,n:Mre:« HbIp MreHreH MreXH MapbIHbI He,n:TreMre xoc Han H, YbIUbI J1renny Mre K'bYXbI KYbIHreyan 6acl>Ta, yre,n:, cl>reJ1reKycrer 6aXXYbIpc ». IIaM3ax Hre K'ba3HaTre 6aMToM Ko,n:Ta reMre 6aH,n:bI,n:Ta Kycrer rexxYbIpcbIH, 6aH,n:bI,n:ToHxoc Krep,n:bIH. Han HbIyyarnTOH 3reXXbIJ1 Krep,n:rer. Y re,n: aB,n: a3bI 3rexxreH Krep,n:rer Han cxay,n:H. EaH,n:bI,n:TOM bIHHay ,n:3YITre, re,n:X'bOMrreC prernreYTTre ». qbI3r
reM ,n:3ypbI:
- 203 -
-lE3
.lI.reyreH HIH.I,re)TbIJI paT.lI.3bIHreH
Mre
Cbl3rorepHHKOl.l,Opa,ll,)l(bIH
xOJIJIar,
cpreJ1re al.J.Y reMre MbIH
J1re,lJ,)KbI cpreCTreMre
repxrecc,
reMre
.lI.bIH paT.lI.3bIHreH XOJ1J1ar. reJ1Brepa HreM .lI.3ypbI:
-lE3 .lI.bIH reH l.I,reCTreH .lI.rep Han J1rennyHbI. Pa3.l1.reXTH
reJ1Brepa
6bI.lI.bIpTbI
3HJ1bIH. HHKYbI
HHKYbI apbI, J1rerocTre
YbIp.ll.bIrreH apbI.
reMre Mre
yre.ll. Ta repbI3.l1.reXTH
KreHbIH
cpeHbIH KreH.lI.3bIHreH YbIl.I,bI
paif,ll,bI.lI.Ta
reMre
cpOC .lI.rep CK1>YHHbIHl.I,. KYbI
cpreCTreMre.
HO,lJ,)KbI: «PayreH
XreXTbI
MbIH
PaH.lI.bI,ll,Ta Ta HbIH
KreH
XOJ1J1ar,
l.I,reMreH
cprel.l,repaH, YbIH .lI.bIH .lI.reTTbIH». -HHl.I,reYbIJ1 repxreccaH rreHreH
.lI.bIH paT.lI.3bIHreH,
l.I,anbIHMre
MbIH
Mre
MOHa,lJ,)KbI
cpreCTreMre, yre.ll.Mre. bIH Han YbI.lI.H. ATaXTH
yreJ1apBMre
MOHa,lJ,)l(bI. Pa,lI,Ta HbIH reH. qbI3r
reMre HbIH repxaCTa
.lI.rep bIH cyarD.lI.
reJ1BrepaHreH Hre .lI.3YITre cpepBre3TbICTbI. qbI3r reMre J1renny .lI.rep l.I,repbIHl.I, a60H HYMre.
*
* *
- 204 -
Hre
KO.ll.Ta XOJ1J1ar.
llA).I.ll;3AX JEMIE ,lJ;3A6bIPxYlfÜiEr
Y
bI.LJ;MCMY n~3aX reMre YbI.LJ;MC3bI.LJ; reMre Krepre
Qac
reM
KO.LJ;Ta,
Hre 3rep.LJ;re Hre pa.LJ;M. Y bIIJ;bI naM3aXbI
KrepTbI
YbIH Ta X'breJI.LJ;3rerreH M3rep
MCTbI
u;yp IJ;ap.LJ;M.LJ;3a6bIp XYMHrer .LJ;rep, <preJIre
repBbICTa
Hre preCTrer.
DOH-MY 6aKYbICTa,
6anXre.LJ;TaM.LJ;, 6aXOp.LJ;TaM.LJ; reMre
6aHbI3TaM.LJ;
Hre
6MHOHTMMre, CTreH-MY 3apbI.LJ;M reMre KYbICTa. ,lJ;MC KO.LJ;Ta na.n;.LJ;3ax: «
AH
IJ;bI .LJ;MCCar y:
<preJIJIOH
MaHMre
aroYbICTblTre,
IJ;reMreH paHbI Hre 3rep.LJ;re? »
re.LJ;3bIp.LJ;Ta .LJ;3a6bIpXYMHrerMre
reMre Hre <prepCbI:
-KYbI Hre .LJ;bIHXre.LJ;3ap MC, KYbI Hre 3rexx, Ta Mre <preJIJIOHreH 6aKreHreH 3aprre -lE3
KYbI Hre <preJIJIOH, MreHreH
.LJ;repHreH, reMre .LJ;bIanbI M3rep X'ba3rre-
KreHbIC, re3 Ta reHK'bap.LJ; KreHbIH, yre.LJ;IJ;reMreH a
M3rep YbIIJ;bI 6aKYbICTreH
Mre 6MHOHTreH xrep.LJ;,
HYre3T 6anxreHbIH, a.LJ;,WKbIH rexcreBrep 6axrepreM, KYbICTreH reror'bre.LJ; 6a33aHbIH, CTreH <pre3apbIH. -Yre.LJ; .LJ;bIHMreHre MMH COMbI JIreBap ,lJ;3a6bIpXYMHrer reBrepbIH 3apbI.
cre paxaCTa,
yreH.LJ;bI. Kycrre
MMHHar
cre
reMre
Mre
KreHbIH reMre cre axrecc.
<preJIre cre Hre xrepblH
yreH.LJ;bI, Hre cre
6reprre
KreHbI, <preJIre reXIJ;aHbI MreTreH Han KYbI 6aXap.LJ;3 KreHre, yre.LJ; bIH cre qM
reKYbICTa a
.LJ;MCKreHbI: « QreYbIJIHreyan
3apbI
.LJ;3re6bIpXYMHrer,
reXIJ;a
HbIH, IJ;bI 6aKYCbI, YbIMreH
lEpTre 60HbI <preCTre .LJ;3a6bIpXYUHrer n~3aXbI MMH COMbI <preCTreMre rep6axacTa reMre HbIH 3rerobI: -AHc .LJ;reMMH COMbI <preCTreMre. A.LJ;OHMreH Hre KYCbIH ya.LJ;3bIHIJ;, Hre 3apbIH, Hre XY.LJ;bIH.Mre X'breJI.LJ;3rer reHreMreT IJ;ap.LJ;MbIH 6aHcToH, reMre cre 6aX'baX'bX'breHbIH Mre 60H Han y.
- 205 -
y re.D: naM3aX
rexu:a <preCTreMre paHCTa reMre HreXHu:reH 3rerbbI: «PaCT y .D:3a6bIpXYHHrer».lEMreHre ayarbTa.
,lJ;3a6bIpXYHHrer H3rep .D:rep.
Ta K)'CblH 6aH.n;bI.D:Ta, reMre Ta Hre 3apbIH
*
*
*
- 206 -
U:bI.D:HaJIbI
POHbI APr'bAY J[i JI,lI;ap KYbI Map,ll;H, yre,ll; 6acpre,ll;3reXCTa Hre cpbIpTreH: .l1....:J MreJIbIH, cpreJIre HCKYbI Mre cpreCTre KYbI CX'byar, cMrerybIp
yaH,
6axxYbIc
yre)J;-HY
cpreQ)'
Mre
XreJIapMre,
,lI;bIH YbIH
KreH.ZJ;3reH.
JEJI,lI;ap aMap,ll;H, cpbIPT reH 6aHbIrre,ll;Ta, axreM HbIrre,ll;reH. Hrexre,ll;rer KYbI,lI; YbI,lI;H, reJI,lI;apbI repre,WKHay
Hre
cpbIpMrerybIpreH. TbIHr
reMre
KYbI
Hc60H
KYbIHrer
,lI;3bIXMre Hre
K'bYXTre
XrepbIHTre
CHCTa. Il,bI YbI)J;H,
KreHbIH
6aH,ZJ;bI)J;Ta, reMre
cxreCCbIHX'bOM
HM
YbI,lI;H
JEMre cpreQbI,lI;H yre,ll; Hre cpbI,lI;bI XreJIrepMre.
6aQHH KO,ll;Ta reJI,lI;apbI xreJIap
-JE3 YbIH reHX'breJI 6bIH.ZJ;ap 6a33a,ll;
YbIMreH Hre cpbIpTbIJI.
KYbI Hre YbI,lI;TreH, reMre Ma axreM
Mre XreJIapreH.
aya,ll;3,l1;3bIHreH Mre Xre,ll;3apreH. HHKYbI,lI;reM
reJI,lI;apreH KYbI,lI; reM6reJI,lI;H,
QrepbIHTre,
Ap,ll;bIrreH
cpbIPT, axreM
acpre,ll;3bI 60HMre
,l.J;re xre,ll;3apreH
,lI;re Hre
,lI;rep Tac Hre YbI,lI;3reH:
cpreJIH,lI;3,l1;3reH.
Acpre,ll;3bI 60H KYbI repxreQQre, yre,ll; Xre,ll;3apbI xHQay ,lI;bIyyre 6rexbI rep6aKreHbIH KO,ll;Ta. HYbIJI ,lI;3bI capTh CbIBrep,ll;TOH JIrennyHreH 6a,ll;bIHreH, aHHreHbIJI, QbI cprepre3TaH,ll;, YbIH yrepThTre CreBrep,ll;TOH CbITh,ll;rer CbI3ThrepHHreH. CTreH 3aThTa Xre,ll;3apbI xHQay JIrennyHreH: -MreHre ,lI;bIH QreMreH QrepreH, YbIH. reJIre X'bYc, Qreyrre-QreYbIH cpreCTreMre
Ma paKrecaH,
JEJI,lI;apbI
cpbIPT
reXXYbIC,
YbIH6repQ
yre,ll; ,lI;bIH cpreH,lI;ar
apcpre
CKO,ll;Ta Hre XreJIapbI
paKO,ll;Ta
rern,ll;ay
Hre
bIH
QrecroMreH
qH
HM
YbI,lI;3reH.
cpbI,lI;bI XreJIapreH, pa,ll;Ta,
YbIH6repQ
Mrep,ll;TbI6reCTreM,
YbIH6repQ aprn
CTreH apaCT
qH Hre
cpreH,lI;arbIJI. Il,reYbIHTre CHCTa, QreYbIHTre. DHpre cpreQbI,lI;, qbICbIJI cpreQbI,lI;, qH Hre 30HbI, cpreJIre JIrenny HM 6aypre,ll;Tre HrexH, paKaCT cpreCTreMre, reMre Hre pa3BreH,lI;ar JIrenny
HM
axrre,ll;Ta,
TapX'bre,ll; cpeCTa,ll; Hre pa3Mre.
3bI,lI;Ta, QbI KO,ll;TaH,lI;, YbIH, KaTaHbIJI
HM HC, Hre pa3Mre,
Hre cpreCTreMre.
- 207 -
CCH: cpreH.ZJ;ar bIH
.tEJI,lJ,apbI
rep,lJ,XOp,lJ,bI XHCTrep
re4>cbIMrep
30HblH,lJ,)KblH
a,ZJ,reHMar
YbI,lJ,H. Y bIH 6a3bI,lJ,Ta, reJI,lJ,apbI 4>bIpTreH 4>re,lJ,3reXCT lJ,bI YbI,lJ,H, YbIH KreH Hre CreXXreCT KO,lJ,Ta, 4>recTreMre
KreH paKaCT,
Han HC. llre 6reXbIJI HreXH 6annrepcTa,
4>reH,lJ,ar blH KreH
reMre reJI,lJ,apbI 4>bIpTbI
yreJIX'b YC 6anreYYbI,lJ,H. -XOp3
Hre 6aKO,lJ,TaH, JIrenny.
reH
HHlJ,bIyan.
AH ,lJ,blH MreHre pOH. POH ,lJ,' aCTreYbIJI rep6a6reTT, reMre ,lJ,blH YbIH pya,lJ,)KbI 4>reH,lJ,ar CYbI,lJ,3reH TapX'bre,lJ,bI. X'bre,lJ,reH aXH3,lJ,3bIHre, 4>re3Mre 6a4>T,lJ,3blHre. creH Ya3rer,lJ,OH. Ya3rer,lJ,OHbI 4>bICbIM 6aKreH,lJ,3blHre. YbIp,lJ,reM rep6alJ,reY,lJ,3reH
,lJ,reYMre MreCbI,lJ,)KbI XHlJ,ay %I3r-reXCHH.
BHpre
HreM
4>relJ,bI,lJ,H YbIlJ,bI reXCHHMre KYP,lJ,)KbITre, Ya3,lJ,)KbITre, 4>reJIre ,lJ,3bI MY ,lJ,rep 4>recTreMre Han creM6reJI,lJ,H Hre Xre,lJ,3apbIJI. .tExcHHMre qH rep4>bIcbIM
KreHa,
reXCHH Ya3rer,lJ,OHMre
4>re,lJ,3YPbI, 4>reJIre YbIH repTre YbIH6replJ,
qH
caprexca,
XaTIbI
YbIH6replJ,
palJ,reY,lJ,3reH,
YbIMre Hre HreXHMre,
30H,lJ, KreMre
aMOH,lJ"lJ,)KblHbI 6aYbI,lJ,3reH qbI3r-reXCHH ~reYMre
KreMre palJ,reya,
qH C,lJ,3YPblH KreHa
pa3blHa,
reMre Hre HC-Hre 60H.
Hre ,lJ,reM ,lJ,3YP,lJ,3reH. .tEMre-MY
paHxan, 4>bIHrMre-MYreH 6annap,
YbIlJ,bI
yre,lJ, ,lJ,re pOH
CTreH-MY3rern: « ~3yprre, pOH,
HblH repxrecc; Xre,lJ,3apbI XHlJ,ay HHlJ,bI ,lJ,3ypbI, MY Tayprern reBrelJ,lJ,rerreH r06H Y ». A4>Tre 6aKreH repTre 'xcreBbI, Kre,lJ, ,lJ,reM , C,lJ,3ypa - ,lJ, aMOH,lJ" HaMre ,lJ,blH ,lJ,re crep paKreHblH KreH,lJ,3reH, reMre Hre KaYbI MHXbIJI repCa,lJ,3,lJ,3bICTbI. POH repTre TayprernbI repXreC,lJ,3reH reMre ,lJ,re anbIXaTI
,lJ,rep 4>repC,lJ,3reH ,lJ,3yannreH.
pa3,lJ,rex reMre HblH, KYbI,lJ,He 'M6reJIbI,
axreM ,lJ,3yann paTIo
.tEJI,lJ,apbI 4>bIpT pOH
reMre
rep6a6acTa,
HbIH
~bI-HY
4>reH,lJ,ar 4>relJ,H
caYX'bre,lJ,bI. YanblHMre pa3bIH,lJ, repxYbI MreCbIr reMre re4>creH Ya3rer,lJ,OH. IJ,aHre6repre,lJ,)KbI 6apyxc YbI,lJ,aH,ll,JIrennyHbI 3rep,lJ,re.
a4>Tre %I3r-reXCHH
Ta YbI,lJ,H a4>Tre precyrn,lJ"
Ya3rer,lJ,OHMre reMre
4>re3blH,lJ,H. Precyrn,lJ,reH
Hre a,ZJ,reHMar ,lJ,OHHbIHbI UYa3reHbI
6aH03TaH,lJ,. .tEJI,lJ,apbI 4>bIpT canaM JIrenny
paHxreJI,lJ,Ta
pa,ZJ,Ta. qbI3r
Hre ,lJ,3ypbI 'Mre Hre ,lJ,3ypbI. Y re,lJ,
Hre pOH, 4>bIHrMre Hre 6annrepcTa
- 208 -
reMre ,lJ,3ypbI:
-POH, HCTbI Taypref'b reMre
YM
HbIH repxrecc;
Xre,1J,3apbI XHlI,ay Hre ,1J,3ypbI,
Hre ,1J,bI HCKYbI,1J, aHpXre
Y re,1J, pOH C,1J,3bIp,1J,Ta <preCTreMre:
-lEMre
,1J,bIHre3 lI,bI Taypref'b
repXreCCOH?
lE3 60H ,1J,' aCTreYbIJI 6acT
BreHHbIH, reXCreB -,1J,re HbIBrep3reH. -repre3 HreH, lI,bI,1J,repH)J,)J,rep y, yre,1J,,1J,repHbIH HCTbI pa,LJ,3Yp.
YbIlI,bI HbIXaCMre qbI3r He 'p<prybITre Xrep,1J,MreCHCTa, Hre X'bycTre CX'bHJI
POH
KO,1J,Ta.
6aÜ,LJ,bI,1J,Ta
,1J,3ypbIH:
* «lEpTre
'
*
*
YbI,1J,H MY rM.
Ybl)J,OHreH cre
MY
X'baX'bX'bre,1J,Ta rMreH Hre XOp,1J,30H (Hre <precTar), aHHre - Hre ,1J,0H)J,30H(Hre MH3r), repTbIKKar - Hre crep. HyaxreMbI, rMbI <precTrep,1J,bIrreH qH X'baX'bX'bre,1J,Ta, YbIH yaHbIH 6aH,1J,bI,1J,TaHe ,
HM
KreHbI.
<prell,reyreM reMre HbIH HCTbI 6aYbIHa
HM
YP,1J,Mre Hre reMre
He
'
CHCTOH, reMre, H3repreH xyp xreXTbI HreXH, a
lI,reYbI,
HM
-y re,1J,rexreprre ,1J,repKYbI HM KreHbl, -lEBrell,lI,rerreH
U;OM KreHreM.
MH3bI,
- 3af'bTa
-
3af'bTOH
repTbIKKar
,1J,blyyre
re
reMre HbIH ,1J,OHHbly. U;0MYT, ,1J,OHbIH 6a,LJ,apreM. <preJIaCTOH.
rM
XYbICK'bbIJI
a33a,1J,bICTbI.
- 209 -
XYbInn
CKO,1J,Ta,
YP,lJ,reti MY Kre<j:> cJIre6YP,lJ,Ta
paTaXT,
reMre
raJIbI
XrexTreti
Qreprrec
6rep30H,lJ,
reMre tire <j:>rexreCCbI. U,reprrec
reMre XOX <j:>reHbIK<j:>eCTbI; repreBrepbI ,lJ,rep Hre ypOMbI. ,lJ,OHbI 6bIJI
Paxrecc-6axrecc
<j:>Htitiay
HbIX'bYbIp,lJ,
repreBrepbI
tire 6reJIaCbIJI,
aKO,lJ,Ta.
CHCTa tire
Kre<j:>bI XOXbIJI, reMre tire 6reJIac
reti <j:>reKO,lJ,Ta,X'bax'bX'breHbI,
pHBre,lJ, KreHbI
XYbICCbI Qrey, tire CbIK'baTre
YbIQMY
Kre<j:>bI tire HbIXTre repCaf'bTa,
tire
reMre
<j:>OCbI K'bOp,lJ,. HreYYbIJI
<j:>ecTbI ,lJ,3yapre<j:>TbI,lJ" reMre Qreprrec
re,lJ,
Kre<j:> QreYbI CbIK'baTbIJI repyaf'bTa tirexH. Eaxop,lJ,Ta Kre<j:>bI; raJIbI KYbI,lJ, XOp,lJ,Ta, a<j:>Tre raJIbI yreHblcTrer repxaY,lJ,H reMre <j:>HtitiaYbI QrecTbI 6axaY,lJ,H, <j:>Htitiay xYbIcrre
KYbI,lJ,KO,lJ,Ta, a<j:>TreMreti.
.tEpH3rep, a<j:>Tre<j:>Htitiay repTap,lJ,Ta X'breYMre tire <j:>OC.Xre,lJ,3apMre KYbI 6aQbI,lJ" yre,lJ,,lJ,3ypbI tire repTre XOMre: -A6oH pHBre,lJ, a<j:>OHa<j:>bIHreti ,lJ,reH, reMre QbI,lJ,rep 6axaY,lJ,H Mre QrecTbI, acrapYT reti. XOTreti MY a<j:>HcTrer KO,lJ,Ta tire QOHr, preM6bIHbIK'bre,lJ,3Mre tire aThbICTa QreCTbI. PaQaryp-6aQaryp <j:>reKO,lJ,Ta,<j:>reJIre HHQbI CCap,lJ,Ta. ,l(bIKKar xo ,lJ,rep Ta arypbIHTre 6aRp,bI,lJ,Ta, YbIti ,lJ,rep Ta HHKYbI 'Mre HHQbI. lEpTbIKKar XO <j:>eJIBreCTaHre ,lJ,apreCTre, 6aJIeHK KO,lJ,TaQreCTbI reMre raJIbI yreHbIcTrer Yblp,lJ,bIrreÜ pa,lJ,aBTa. Y reHbICTrer <j:>a.z:PKbICTHMre X'breyrrepoHMre YbIQbI paH annrepcToti. ,[J;3reBrap
<j:>reJIreYYbI,lJ,H yreHbIcTrer
paJIacTOti
reMre
X'breyrrepoH,
tire
HreY,lJ,3ap
CbIBrep,lJ,Ta.
I1yaxreMbI
%IpreJIaC,Wl(bITre
cyaf'bToti,
rexcreBMYaT
,lJ,bIyya,lJ,reC
,lJ,3bI 6aKO,lJ,Toti.
yrep,lJ,OHreti
lEM6HcrexcreB
X'breyrrepoH KYbI,lJ, <j:>reQH,
a<j:>Tre pYBac X'breyrrepoHMre rep6aQretiQbI,lJ,H HCTreti reBCOH. Y bIQbI pacTreti <j:>reKOMKOMMre, yreHbI X'bYbIM6bIJIbIJI QbI <j:>bI,lJ,bI3f'breJI a33a,lJ,H, YbIMre, yreHblcTrer
Qblpre,lJ,3aYTreH pYBacbI
<j:>rexreCT bIJI HC reMre
reMre Qblpre,lJ,3aYTre cre
aMap,lJ,Ta.
6aRp,bI,lJ,TOti
MY QyaHOH ,[J;bIYYa,lJ,reCreü
cblpM3apM.
3HJI,lJ,YX KreHbIH
6ati,lJ,bI,lJ,Tre
,lJ,rep. pa3bIH,lJ,H.
6a3,lJ,reXTbICTbbI
Cblp,lJ,,lJ,3apMbI
a<j:>reJI,lJ,aXbIHMre tire X'baBbI,lJ,bICTbI,
YbIti
6a3,lJ,reXT reMre
'p,lJ,rer
<j:>reJIre CbIH pYBac
Hre 6aKYbIM,lJ,Ta.
- 210-
reMre
CThHf'bbIH
6aCThblf'bToti, a<j:>reJI,lJ,aXbIH
,[(blyya,n,rec %Ipre.LJ,3aYbI CblpM3apMbI reM6ucreil crexu cre crepreil cre K'baXMre c<preJIbICToil. PailcoMreil KYbI C60H u, yre.LJ, MY %IH.LJ,3 pau;reilU;bI.LJ,U .LJ,OH xreCCbIHMre. QbIH.LJ,3 pYBaCbI
Map.LJ, CK'bYblp.LJ,Ta
ilre K'baxreil
reMre
.LJ,3ypbI:
-Ail Ta u;aBrep y? PYBaC.LJ,3apMbI
'p.LJ,rer
pYBaC.LJ,3apMbI
'p.LJ,rerreil
ca6uilreH
XY.LJ,bI6bIJITre,
CbICTblr'bTa,
-YbliI .LJ,bIHMre Tayprer'b, paTT:
*
*
- 3ar'bTa pOH. - Hblp 6a3.LJ,rex reMre MbIH
reH.LJ,repqU, - 3ar'bTa JIrenny.
Y re.LJ,%I3r
6axY.LJ,T reMre .LJ,3ypbI: a.LJ,reilMa,WKbI KaCT KreHbIC, <preJIre .LJ,re.LJ,3yann paCT Hrey.
Tayprer'bbI YbIil6repu;
reMre
a<pre.LJ,3.LJ,3bI.LJ,
MU.LJ,rer qU YbI.LJ,U CTblp.LJ,rep?
Tayprer'bbI
-IJ;reprrec,
-iEM6aprre
rep6axacTa
<preJIre ilbIH .LJ,3bIHre paU;bJ.LJ,u. »
*
.LJ,3yann
.LJ,OH
Krep.LJ,bIHTre 6ail.LJ,bI.LJ,Ta ilre
ca6u-JIrennyilre crepbI
YbIU;blxYbI3reHreil
CTblp.LJ,rep
reMre
xuu;ay
QU YbI.LJ,Ua<pre.LJ,3Mre.
%I3r
MY pre.LJ,bI.LJ,<preKO.LJ,Ta.
.LJ,uccar.LJ,rep
iExcreBbI 6axYbIcCbI.LJ,U reJI.LJ,apbI
Hreil,
KYbI C60H
U,
l-hrepreil Ta ilreM qbI3r-reXCUH repxYbI MreCbIrreil ilrexu repyar'bTa Ya3rer.LJ,OHMre,C6a,n,TU Ta YbIU;bI paH reMre .LJ,3yann Hre .LJ,reTTbI JIrennyilbI canaMreH. iEJI.LJ,apbI
HbIH repxrecc.
-IJ;bI Tayprer'b .LJ,bIH paKreHoH, 60H .LJ,re aCTreYbIJI rexcreB -.LJ,re HbIBrep3reH, - 3ar'bTre pOH. -Hreil,
reH.LJ,rep aMan
HbIH He 'pu;reY.LJ,3reH,
- 3ar'bTa
6acT
BreililbIH,
reJI.LJ,repbI
-rexcreB .LJ,apr'by, xYbIccrer Mre H'axCbI, Hre
lEMre Ta yre,lJ, pOH 6aH,lJ,bI,lJ,Ta ,lJ,3ypbIH:
*
*
*
«lEpTre re
,l(bIKKar paHcoM
cre aCK'brep,lJ,Ta aCTreYKKar re
,lJ,rep Ta
x'bre,lJ,pre6bIHMre Tap,lJ,.
re
60H
Hre
U,bI 1.J.bI3,lJ,)I(bIHbIB CKO,lJ,Ta, YbIH.
-Yre,lJ,re Ma aMreH aHB,lJ,rep 1.J.bI3)J,)1(bIHbIB KYbI,lJ, YbI,lJ,3reHH, - 3aroTa
-
aHHreMreH
TreXY,lJ,bI,
HbIp
au,bI
1.J.bI3)J,)1(bI HbIBbIJI
K'ba6a
CKreH,
Xre,lJ,OH, CTreH Hre <preJIbICT, HO,lJ,)I(bI HbIH, precyro,lUl,rep
reMre aHB,lJ,rep U,bI axopreHTre
HC ,lJ,YHeHbIJI, YbI,lJ,OHreH Hre u,recrOM
caxop. lEMre
6aH,lJ,bI,lJ,Ta
KYbI repH3rep, PaHCOM
KYCbIH
1.J.bI3)J,)1(bI HbIBbIJI.
yre,lJ, Ta Hre
X'bre,lJ,pre6bIHMre
re
6a
HbIBMre reMre caro,lJ,ayreH
au,bI)J,H. Y bIH ,lJ,rep Ta XYbIu,ay
6a33a,lJ,H -
cre Xre,lJ,3apMre.
6reJIaCbIJI
a
1.J.bI3)J,)1(bI a
aHB
YbI,lJ,H YbIU,bI HbIB. Y re,lJ,
KreMre
YYbIJI <prexreCT
,lJ,reH.
HreXH
reMre 1.J.bI3,lJ,)I(bIHbIB pa3bIH,lJ,H. JIrenny
yre,lJ,
HreM 6ayaroTa,
KYBbIHMre
6reJIJIbI,lJ,TreH,
<preu,H:
-XYbIu,reYTTbI xYbIu,ay, MreXH xYbIu,ay, Kre,lJ, Ma Mre HCTreMreH CKO,lJ,TaH,yre,lJ, au,bI HbIB, Mre XHCTrep re
reHaHnn KreH Capre3Ta, H' aCTreYbIKKar re
YbIH XYbI3reH - al.(bI HbIBbI,
XYbIl.(ay, Y,LI,6aya,Ll,3. lEMre YbIl.(bI paH HbIB Y,LI,reraC %I3r QbI3)J,)KbI JIrenny
Hre Xre,Ll,3apMre aKO,Ll,Ta, reMre
HaJI
*
HbIJI re
X.baBbI HreXH ».
*
*
KreYbIJI cre reM6reJIbI YbIl.(bI %I3r repTre re
-XHCTrepbIJI, - 3arbTa JIrenny . - YbIH crepMre KYbI Hre repl.(bI,LI,aH,LI, QbI3,l1)KbI
HbIB Capa3bIH,
yre,Ll, QbI3r
QbI3r-reXCHH. - QbI3r Kre,Ll,reM6reJIbI, yre,Ll,
- Pre,Ll,HHbIC, - 3arbTa reM6reJIbI
KreCTrepbIJI,
Y,LI, ,LI,3bI QH 6aya,Ll,3bIH
X'byaMre
Mal.(bI
,ZJ;bIKKar
pre,Ll,bI,LI, <preKO,Ll,Ta reXCHH-%I3r.
lEpTbIKKar
ya
,LI,rep Hre YbI,LI,aH,LI,.
3reXXbIJI
,LI,rep reMre
60H ,LI,rep repH3rep,
yreJIapB
KO,Ll,Ta. Y,LI,reH xHcTrep ,LI,rep.
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- 213 -
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- 214 -
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- 215 -
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3)J;)KbI)J;bI PreCYf'b)J;reH aMap)J;bICTbI Hre Ma)]; reMre Hre
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Y re)J; MYaxreMbI ycrypTre, ~bIMa MYMre )J;3bIp)J;rOH,l\ YbI)J;bICTbI, YbIHay YbI~bI MY preCTremKbI iEPXYbI MreCbI)J;)KbI pa3 CTbIp <pre3bI repreM6bIp)J; CTbI. Cre X'bapYTre, JIre)J;)KbIX'bre)J;TreKYbI)J; 6aB3apOH, Kre)J;, MHHHar, HCQH Hre 3rep)J;reMre 6a~reYH)J;, reMre HreM QbIH)J;3bI )J;rep <pre~reYH)J;. iEB3reprre <preCHBre)J; YbI)J;HC a~bI paH aJIbI 6reCTreTreH, aJIbI KreMTTreH, EHaCJIaHTreH 3ref'baH, ¥IMepeTreH, ~bIryproMreH reMre reH)J;rep preTTreH. 3mKbI)J;bI PreCYf'b)J;bI KOH cyaHr ACHHbI KreMTTreM )J;rep aHX'bYbICT. YbI~bI paH CapHHbI X'breyreH MY capHar 6a3)J;reXT reMre papaCT BreHHbI 3mKbI)J;Mre. «KOMrre )J;rep MbIH Hre 6aKreH)J;3reH, Kyprre )J;rep reH Hre KreHbIH, <preJIre YbI~bI HOM)J;3bI)J;precYf'b)J;bI Mre H)' ~recTreH yreMrep
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- 217 -
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Ya3rer iEPXYbI MreCbIrMre HreXH 6axrecTrer KO,ll,Ta,Hre cprecomre pa3,l1,rexTa
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- ,lI,ap,ll,reH
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X'ban cpreCHBre,ll, 6aM6repCTOH - 3)J,)KbI,lI,bIPrecyr'b,ll, HreXHu;reH paB3repcTa repq'bH)J,)KbIHbI, reMre yreHTreX'bHJ1, creprybI6bIpreH cre Xre,ll,3repTTreM
cpreU;bI,lI,bICTbI.
CapHar reMre 3)J,)KbI,lI,bIPrecyr'b,ll, J1rer reMre ycreH iEPXYbI MreCbI)J,)KbI.
repu;ap,ll,bICTbI
EHpre HreMa paU;bI,lI,HC,acpTre 3,l1,)KbI,lI,bIPrecyr'b,ll, cprepbIHqbIH HC reMre repca,ll, Hre xYbIccreHbI. Mre J1rer Car'breCbI 6aU;bl)J" reMpH3re)J,)KbI pH3bI: HCTbI, MHHHar, KYbI 'pu;reya Hre precyr'b,ll" Hre HOM,lI,3bI,lI, recpCHHbIJ1.
XOCrrep,ll,bIHTre panreYYbI,lI,bICTbI. 3)J,)KbI,lI,bI X'brey6recTre creXH 6apreB,lI,3 KO,ll,TOHcpre33re)J,)KbI KYbIcTbITreM. H,lI,wyrerHbIX'bX'brep KO,ll,Ta: -CoM6oH X'brey6recTre Xre,ll,3apreH J1rerreH iExcbIHU;'bbIHarMre xoc Krep,ll,bIHMre u;reYbIHU;; qH Hre pau;reya, YbIH YbI,lI,3reHH HBreprOH,lI,: Hre ran bIH reprreB,lI,,lI,3bICTbIX'breyrybIB,lI,reH. AB,lI,bICCre,ll,3 Xre,ll,3apreH cprecrecpu;rer KycreHrrep3Tre,
HY,lI,rec reMre
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- 218 -
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nrer HHlI,bIYaJI3ar'bTa, repre,LI.)KHay, Hre lI,reBrer, Hre xap3 He 'KKOH, a
,LI.3bIcre XYblP-XYbIP
lI,reYbI. 3)J.)KbI)J.bI PrecYr'b,LI.bI Jlrer 6a3,L1.reXT reMre Hre xrep,LI., Hre H03T 6a
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Mre CaMaM,ll,3bIcTreM.
Apq,re paKO.ll.Ta, Mre QreBrer Me 'KKOM 6annapbI, MreXre.ll.rer apacT TbIH.lI.3rre Mre Xre.ll.3apMre. QreYbI, QreYbI reMre X'bHBOHbI reBQrerMre KYbI cxreuure, yre.ll. repcbI preThayrreCTbI: -3,lJ,)KbI.lI.bI PrecYTh.ll.reM Qre 6a3bI.lI.TaHKKaT? -.tEpTapq, H, - 3amTOM premayrrecTre. QreYbI .lI.apMrep reMre ,l];3re6H.lI.bIpbI XOXbI crepMre YbIQbI paH q,repcbI X'bOMrreCTbI: -3,lJ,)KbI.lI.bI PrecYTh.ll.reM
rep6axreQQre.
QbI X'b YCYT?
-AX'ba33ar Han y, - 3amToM X'bOMrreCTre. ApaCT
Ta ,l];3a6H,lJ,bIpbI
6axreQQre. -Pyxcar
XOXbI crepreM
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.tEQbI paH bIH pO.ll.rreCTre 3aThToM: yre.ll.! 3,lJ,)KbI.lI.bIPrecYTh.ll.
Mre .lI.YHeMre aXHQreH.
JIrer YbIM KYbI q,eX'bYbICTa, yre.ll. QreBrerreM QreBrerx'bre.ll. q,ennrepCTa reMre .lI.3bI Mre crep XOMbIH 6aM.lI.bI.lI.Ta,crepreH Mre Ty,lJ,)KbI nbIpx KaJJ.lI.HC.KrepTMre 6aQbI.lI., YbIM bIH .lI.3bIJIJIre preX'bbIITre KO.ll.TOM. JIrer KrecbI, reMre MYK'bOp.ll.a.ll.reMMa,LPKbITa6reT apa3bIHQ MYHrer a,lI,reMMarreH.
- 220 -
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,D.bIYYreWbI 4>ar
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bIH
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3rennre,D.3Mre wrexre,D.rer
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3.lVKbI,D.bI PreCYrD,D.bID.
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apre,D.3re-Mre,D.3re KO,D.TaH,D., a4>Tre ,D.bIH MreHre MY KaJJM KreQreW,D.rep 4>re3bIH,D.H: 4>re3bIH,D. reMre Map,D.reH wre 3reH)J.)KbI xreQ'bre4> xrepbIHMre 6aBHreJI,D.Ta. J1rer X'baMa 4>eJIBreCTa reMre ,D.3bI KaJJMbI ,D.bIYYre 4>rexaYbIH KO,D.Ta. KaJJMreH wre crepbI 'p,D.bIrreW xaw QbI,D.rep rep6aQbI,D.H,
4>reJIre yawTarD,D.
4>rep,D.rer wre ,D.3bIXbI. )J;blyyre 4>rep,D.bIrreW cre pacrep4>Ta ,D.bIH reM 4>reJIre6YP,D.Ta, 4>reQHC,
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reMre KaJJM, QbI YbI)J.H, YbIW 4>eCTa,D.. J1rer KaJJM 4>reTapCT
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Map,D.reH ,D.rep X'byaMre
4>recTreMre
JIbI)J.)KbI Krepre,D.3HMre aQapre3Ta,
KYbI
HHHrep,D.reM
reMre ,D.3ypbI:
4>reXYbICCbI,D.TreH!
-)J;3re6rex XYbICTrew Hre XYbICCbI,D.Tre,HaxHOH, - C,D.3bIp,D.TaJIrer. 3)J.)KbI)J.bI PreCYrD,D.reH
wre PbIH%IH,
wre TyXHTre rep6aJJreYYbI,D.bICTbI
wre 3rep,D.bID. J1rer reMre YCbI QHHreH KrepOH HM YbI,D..
3rennre,D.3bI X'bre)J.)J.3ayrre
-)J;Hccar a60H
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QreYbI
KYbI 6aBBaXC
Ta KYbI,D. Hre y,
X'bre,D.Mre 4>reH,D.ar,
CTbI, yre,D. )J.)KHXTre
KreHbIH
3HOH 3)J.)KbI,D.bI PreCYrD,D.bI
Ta ,D.3bI X'baCT reMre XY,D.bIH QreYbI. EaKaCTbICTbI
3)J.)KbI,D.bI Precyro,D.
reMre
reMre ,D.3bI wre crepbIXHQay
- 221 -
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6aw,D.bI,D.TOW.
6aBrep,D.TaM, 3rennre,D.3Mre:
QHHTa,
MOH,D.aITre
KreHbIHQ. X'breM3ayrre ~rep CbIH KYbI~ Hre 6aQHH KO~TaHKKOH. PaXYbI~TOH cre X'breYMre, reMre <preH~arbIJI cre ypc <prep~bIr axay~. X'brey6recTre KYbIB~ capre3TOH, HHHre a60HreH ~3bI HHHre a60HMre MHHaCbI <pre6MTbICThI, 3aprreHre, Ka<prreHre, HpOH CHM~Tre KreHrreHre. 3,LVKbI~bI Precyr'b~reH reMre Hre crepbIXHQayreH 3reHrer paQbI~, 6Hpre <preIJ,ap~bICTbI KM reMre pa~reH. Ypc <prep~I,WKbI KOH I1epcbI rnaXMre 6aHX'bYbICT. YbIH re
*
*
*
- 222 -
X'L.tE~IH
3
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IJ.tEJlOH.
reMre X'bre.ll.reHv,ll.reCHbI (3bIpHreH3liJIrer)
<pre6bIQrey
CTbI: aJI'Ili ,lI.rep cre CTbI.lI.Ta lire KYbICT.
X'bre.ll.reH ,lI.reCHbI 3ref'bTa: -Mre KYbICT ,lI.re KYbICTreH 6lipre ,lI.bI ,lI.re KYbICTbI YbIH6repQ
naH,lI.a,ll.rep Y ,lI.3bIJIJIreHreH, HO.ll.)I(bI re3 KYbI,lI. apreXCbIH Mre
Hre apreXCblC,
KYbICTbI.
-YbIH paCT Hrey, - 3af'bTa 3repliHrybIp,ll., -,lI.re KYblCT ,lI.reyreH CTaB,lI. KYbICTy, CTreH ,lI.3bI,lI.3aYMaCapa3aH, YbIH a
30HbI, reMre 3bIHapf'breH
YbI,lI.OH,
<preJIre
,D,yHe
3bIHapf'b reHre
YbI,lI.3bICTbI, ,lI.bI KreH CKreHaH,
CbI3f'brepliH
reMre
reB3liCTreH
6a<prepa3,l1.3bICTbI <preQrepbIH, reHre X'bre,ll.Ta CbIH <preQrepreH HreH, 3af'bTa
-
X'bre.ll.reH ,lI.reCHbI.
HaJI
paCT naM3axbI
OHr 6bIQbI,lI.Ii.
-PaB3ap
HbIH, na.D..D.3ax, ,lI.bI Hre X'bYbIMar:
naH,lI.a,ll.rep, 'Iii Hre Y ,lI.reCHbI,lI.rep, - 3af'bTOH
-XYbI3,l1.rep ,lI.3aYMayre 'Iii capa3a, na,D..lJ.3aX,- YbIH aM6bIJI,lI.Ta.
3ref'b HbIH, 'Iii Hre Y 6bIQreyrreH.D.)l(bITre.
YblH - ,lI.reCHbI.lI.rep,- pa,ll.3bIp,ll.Ta
Cre Xre.ll.3repTIreM <preQbI,lI.bICTbI X'bre,ll.reH .lI.reCHbI reMre 3repliHfYbIp,ll.. X'bYbI,lI.bI KreHbIH cre 6aH,lI.bI,lI.Ta aJIlJli,ll.rep. Hre 6aQayrepcToH cre 30H,lI.bIJI, cre K'bYXTbIJI, 'bICbIJI Hre <preKYbICTOH! 3repliHrybIp.ll. 6a3.l1.reXTIi reMre capre3Tre rexQa,ll.OH. YbIH YbI,lI.1iaxreM rexQa,D.OH, reMre Hre MY <papCbIJI Qap,ll.li CTbIp caxap (KaJIaKK X'brey),
- 223 -
reHHre <papc Ta
-
CrepBreT,
reMre
A3bI
XbI3TH
X'bOM,
reHreX'breH
prerbay. X'breAreH
AreCHbI capre3Ta
YbIAH: a6aA
bIJl, reBreA3a,
u;reCTbI<preHbIK'bYbIJlAMre, 6anreYYblH
6reJlOH.
YbIH XYbIMreTre,Z:VKbI 6reJlOH
Mre HbIH
Hre
yreA AbI
<preHAbIAaHA,
YbIM
KOATaHA.
JEpxacTOH cre nMA3axMre, yreAre U;bI YbIAaHA. TIaM3ax CaM 6Hpre <preKaCT, paYbIH-6aYbIH cre <preKOATre, CTreH 6aHAbIATa X'bYbIAbI KreHbIH. DHpre <preX'bYbIAbIKOATa reMre <preCTarMre 3arbTa: -XOp3 A3aYMa u;reYbIJlHre Y aU;bI rexu;aAOH, Hre MY <papCbIJl u;reprre X'brey KreMreH repreHu;aA, aHHre <papCbIJl Ta reHreX'breH prerbay KreMreH XH3bI. reJlre aU;bI 6reJlOHMre U;bI MHHMYrer Pa3bIHA, YbIH 6Hpre 3bIHaprbArep reMre AHccar Arep Y rexu;aAOHbI MHHMYA)[(bITreH. X'breAbIH axreccreA.
6reJlOHbIJl a6aA, reMre Are KreAreM <preHAa, YbIpAreM JE3 axreM AHccrer YbIHrre Arep, x'bycrre Arep HreMa
<preKOATOH. X'breAreH
ArecHbI aM6bIJlATa.
TIaAA3axbI Jlrenny reaYYOH, yreAre U;bI YbIAaHA. TIaM3ax <preTapCT Hre recTreMrepa3AreXa, yanbIHMre axreCTOHbI 6M. IJ;aHre6repre,Z:VKbI 6apyxc YbIAaHA HbIxrecTreH, axreCTOHbI u;apAreH!
- 224 -
axreCTbI
3repAre
YbIU;bI
I1aM3axbI
Krepre,lJ.3l1HbI
reMre
rep,lJ.XOp,lJ. re
CKO,lJ.TOH.
Mre xreJIap, Mre 6reCTbI KreM creM6reJI,lJ.bICTreM, YbIM Mre Ya3rer ,lJ.re reMre ~OM, re3 ,lJ.reMre
reMre
YbI,lJ.OH
Ya3rer JIrenny yre,lJ.,lJ.3ypbI: -iErrep 611pre 6a<preCTHM ,lJ.reH a 6recTbI, - arYP,lJ.3bICTbI Mre HreXI1Mre, carnrec MbIJI KreH,lJ.3bICTbI:Kre,lJ.reMpa~I,lJ.TreH, YbIH Hre 6a3bI,lJ.TOH. Xrep360H YaJI y, Me 'P,lJ.XOP,lJ., re3 ~reYbIH Hre Xre,lJ.3apMre.
-<1>reH.ZJ.apaCT,Mre Ya3rer, YbIHMblJI <preXI1~reH CTbI. JIrenny reMre
3arnTa
X'bre,lJ.bIH 6reJIOHbIH X'bre,lJ.Mre
6a<preCTl1aT, ranyaHTreM. pY,lJ.3bIHrblJI
6aTaXT
cTreH ATaxT, %I3rMre
C6MTI1, <preCTreMre.
c6MT
Hre
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HbIH naM3axbI
6reJIOHbIJI ~bI
6a~bI,lJ..
- 225 -
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YbI,lJ.al1,lJ.,
aTaXT reMre
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naM3axbI MreCbI)J.)KbI
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bIpT reMre
3rep,D,reMre,
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JIrenny.
PaHCOMreH
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aTre a6a,D,T 6reJIOHbIJI, 6arecBre,D, KO,D,TaHreXH. YbIp,D,bIrreH MreCbIrMre
IJ,reH6repu; reJIre
na,D,,D,3axbI
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6aU;bI,D,bICTbI Krepre,D,3HHbI
reMre X'breJI,D,3rerreH apBbICTa
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HCKYbI YbIH6repu;
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re3bIHa; I.J;bIMa-HY reM rennbIH,D,rep Hre 6aBHreJI,D,Ta, aTre YbI,D,H Hre xrep,D,. reJIre HbIp reprerreH ap,D,reM Tre6rernbI, reB3arbIJI U;bI a,D,apaH, YbIH ,D,rep HaIT a33aHbI,
-lEu;rer, 6acHc
reu;rer, bIH
HaIT
bIHrHCrerrar
reHaxYbIp HC,
Hre, reJIre.