Défis coopératifs Alimentation, crédit, démocratie, développement
Cooperative Challenges Food, Credit, Democracy and Development
Collection
LES CAHIERS DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ENTREPRENDRE AUTREMENT
Ce cahier constitue le sixième volume d'une collection centrée sur les thèmes majeurs de l'économie sociale et solidaire. Créée à l'initiative de l'Institut de l'économie sociale (lES), devenu l'association Recma, elle développe son programme en étroite relation avec la Revue internationale de l'économie sociale. La direction scientifique de la collection est assurée par Jean-François Draperi. La correction (Sylvie Irissou) et la maquette (Gabrielle Claisse et Cyril Dehay) sont réalisées par la Ciem. La coordination de ce volume a été assurée par Jean-François Draperi (comité de recherche de l'ACI), avec la collaboration de Jesse Bryant (Recma, textes en anglais), Jordane Legleye, Sylvie Mosser (Recma, textes en français) et Caroline Naett (GNC).
Ouvrages parus Pour une économie sociale sans rivages Jacques Moreau (1927-2004) Coord. André Chomel et Nicole Alix Les Cahiers de l'économie sociale - Entreprendre autrement, na 5, juillet 2005 Économie sociale et développement local Coord. Danièle Demoustier Les Cahiers de l'économie sociale - Entreprendre autrement, na 4, avril 2004
Les coopératives entre territoires et mondialisation Coord.
Jean-Marc
Les Cahiers
Touzard
de l'économie
et Jean-François sociale,
Draperi
na 2, juillet
2003
L'émergence de l'entreprise sociale Jean-François Draped, Léna-Morgane Jan ColI. « Entreprendre autrement », Fondation Crédit coopératif, octobre 2002
Coopération et économie sociale au « second» xx' siècle Claude Vienney (1929-2001) Coord. André Chomel Les Cahiers de l'économie sociale, na l, juillet 2002
LES CAHIERS DE L'ÉCONOMIE SOCIALE - N° 6
Défis coopératifs Alimentation, crédit, démocratie, développement
Cooperative Challenges Food, Credit, Democracy and Development
XXIIe conférence internationale de recherche coopérative Alliance coopérative internationale Dourdan, France, 9-22 octobre 2006
Cahier coordonné par Jean-François
Draperi,
avec la collaboration de Jesse Bryant, Jordane Legleye, Sylvie Mosser et Caroline Naett
Recma 24, rue du Rocher 75008 Paris
L'Harmattan
@ L'Harmattan,
2008 5-7, rue de l'Ecole polytechnique j 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected] harmattan
[email protected] ISBN: 978-2-296-07625-9 EAN : 9782296076259
Sommaire
Quel défi? Jean-François Draperi
9
What is the challenge? Jean-François Draperi
12
I-
ALIMENTATION: DE LA PRODUCTION
AGRICOLE
À LA CONSOMMATION
Typologie spatiale des groupes coopératifs agricoles français Maryline Filippi, Olivier Frey et Pierre Triboulet Economic evaluation of an agricultural cooperative: The case of the agricultural cooperative of Episkopi, Greece Simeon Karafolas and Electra Pitoska
17
39
Pour une coopération agricole et territoriale. Quelles innovations pour les agriculteurs en Cuma l'alliance des pratiques d'acteurs et des pratiques juridiques autorise-t-elle? . 57 Franck Thomas The role of producer-owned cooperatives in the dairy supply chain: Evidence from Armenia Vardan E. Urutyan
77
Économie sociale et solidarité: La Récolte de chez-nous et la viabilité des petites fermes agricoles du sud-est du Nouveau-Brunswick Gilles Martin, Orner Chouinard, Danièle Courchesne et Léopold Bourgeois
99
H - LE CRÉDIT: NÉCESSITÉ
ET COMPLEXITÉ
DES GROUPES BANCAIRES
Cooperative values, intra-group insurance and self-help groups in rural India Mani AmI Nandhi
119
Le rôle économique des banques coopératives dans les pays en transition: le cas du Kirghizstan Nazik Beishenaly
141
Credit unions' role in local economic development in Ireland and Lithuania: Problems and perspectives Dalia Kaupelyte and Olive McCarthy
159
The governance of the credit union system in Lithuania: At a crossroad between an atomised or centralised credit union system Jurgita Igaryte Gouvernance coopérative et sociétariat: une reconquête inachevée? Une illustration par les banques coopératives en France. Nadine Richez-Battesti
HI - ApPROFONDIR
179
199
LA DÉMOCRATIE ÉCONOMIQUE
La gouvernance dans les groupes coopératifs européens. La prépondérance de la proximité locale dans la construction d'organisations modernes et innovantes 221 Etienne Ptlimlin et Adrian Zelaïa Propositions pour un contrôle de la filialisation dans les groupes coopératifs Laurent Gros
239
Managers in workers' co-operatives: Empirical research in Spain Alfonso Carlos Morales Gutiérrez
253
6
Rethinking difference, rethinking deference: The struggle to create the egalitarian workplace in five worker cooperatives in Buenos Aires Collette Oseen
273
Bénévolat, citoyenneté, professionnalisation: administrateurs du Crédit mutuel André Rousseau et Yann Regnard
295
Coopération, participation et climat social: un enjeu de santé pour les salariés Patrick Guiol et Jorge Munoz
313
Évaluation de la responsabilité sociale des entreprises: quelles spécificités de l'économie sociale? Catherine Bodet, Thomas Lamarche, Gérard Leseul et Dominique Picard
IV -
DÉVELOPPEMENT
339
ET ÉDUCATION
La propriété commune de la coopérative, un modèle pour le droit du développement durable David Riez
361
Global co-operation experiments: Co-operative buying from China's worker co-ops Tom Webb and John Chamard
383
Transition réussie d'un groupe de coopératives de la construction vers un groupe industriel compétitif grâce à un fort attachement aux principes coopératifs Bernard Stauffer et Maria Teresa Branduzzi Étudier les coopératives multipartites pour faire avancer l'approche des parties prenantes Valérie Michaud Pratiques d'intercoopération: essai de modélisation Michel Lafleur, Ernesto Molina et André Martin 7
403
423 453
A recent experience in inter-cooperation: University-cooperative movement partnership in cooperative training and research Beatriz Diaz
475
Sustainable development of the local economy: The E-Iearning role-play Pekka Hytinkoski
491
La coopérative est plus moderne que la société de capitaux Jean-François Draperi
499
It is the difference that counts: Unique features of the co-operative form of co-operation as a resource and competitive advantage 509 Hans-H. Münkner Liste des contributions
525
8
Quel défi ? Jean-François Draperi
C
e livre a été élaboré à partir de travaux de recherche
présentés
lors de la XXIIe conférence internationale du comité de recherche de l'Alliance coopérative internationale (ACI), qui s'est tenue du 19 au 22 octobre 2006 à Dourdan (France). Cette rencontre a été co-organisée par le comité de recherche de l'Alliance coopérative internationale, le Groupement national de la coopération (GNC), le Centre d'économie sociale travail et société du Conservatoire national des arts et métiers (CestesCnam, Paris) et la Recma (Revue internationale de l'économie sociale), avec le soutien de la région Île-de-France. Elle a permis de présenter et de débattre de quatre-vingts contributions de recherche portant sur près de trente pays: Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Arménie, Biélorussie, Canada, Cuba, Danemark, Espagne, Éthiopie, Finlande, France, GrandeBretagne, Grèce, Hongrie, Inde, Iran, Irlande, Israël, Italie, Japon, Kirghizstan, Luxembourg, Lituanie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Portugal, République tchèque, Roumanie, Suède. Elle a réuni les meilleurs spécialistes mondiaux du mouvement coopératif et a été l'occasion pour les jeunes chercheurs, notamment français, de rencontrer leurs homologues étrangers. Cet ouvrage ne reprend pas l'ensemble des contributions. Nous avons retenu celles qui ont été retravaillées par leurs auteurs en vue de la publication en nous limitant à l'édition d'un volume de cinq cents pages environ. La liste de l'ensemble des participants à la rencontre est présentée en fin d'ouvrage. Nous nous étions posé la question suivante: le mouvement coopératif répond-il aux nouvelles attentes de la société? Nous avons rassemblé en quatre parties les réponses à cette question: alimentation, crédit, démocratie et développement. À côté de l'agriculture et du crédit, qui constituent les deux champs les plus
étudiés, les travaux portent sur la pauvreté, la santé, l'éducation, l'industrie et la pensée coopérative. Cela ne signifie pas que les coopératives ne répondent pas à d'autres attentes, mais que les celles-ci sont moins explorées par les chercheurs. Il est cependant logique que les recherches se répartissent ainsi. Les deux premières parties renvoient aux secteurs d'activité dans lesquels les coopératives sont les plus puissantes à l'échelle internationale. Les troisième et quatrième portent sur les autres secteurs d'activité et s'appliquent à étudier soit la coopérative proprement dite, soit la place des coopératives dans le développement. Il existe cependant des besoins sociaux auxquels les coopératives ne répondent pas ou peu. Leurs positions sont faibles dans la production et la transformation industrielles, dans la production d'énergie, ainsi que dans la recherche scientifique et technique. Dans le travail et l'emploi, dans le commerce et l'artisanat, les coopératives occupent une place non négligeable, mais à la différence des secteurs agricole et bancaire, elles sont peu influentes sur l'évolution générale de l'activité. Dans presque tous les secteurs, les coopératives font preuve d'une meilleure santé que les sociétés de capitaux avec lesquelles elles sont en concurrence. Y compris pendant des périodes de réduction de l'emploi, elles continuent à salarier un nombre croissant de personnes. Elles se situent très souvent à la pointe de l'innovation, défrichant de nouvelles voies délaissées par les pouvoirs publics, avec ou sans leur soutien. L'évolution de ces entreprises est toutefois complexe, dans la mesure où elles se heurtent à la puissance des régulations internationales qui tantôt les ignorent, tantôt les contrarient. Elles doivent lutter contre la généralisation de normes juridiques et comptables qui ne leur sont pas adaptées. Simultanément, la société civile, largement victime d'un capitalisme financier produisant exclusions sociales, inégalités économiques et désastres écologiques, attend de l'économie sociale - et particulièrement de la coopération - des solutions alternatives. C'est donc un paradoxe qui caractérise la situation de la coopération en ce début de XXIesiècle: l'économie dominante tente de l'affaiblir alors que les populations forment en elle des espoirs renouvelés.
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La majorité des recherches ont la forme de travaux analytiques avec, fréquemment, une mise en perspective théorique et/ou des propositions d'action. La majorité des travaux portent ainsi un regard nouveau sur la situation des coopératives qu'ils étudient, dans quelque pays que ce soit. Même si les difficultés ne sont pas ignorées, le sentiment qui prévaut est celui d'un grand dynamisme et d'un potentiel de développement considérable. Les coopératives répondent avec une grande réactivité aux nouvelles attentes sociales par des innovations remarquables et à des niveaux d'intervention extrêmement variés. On peut à la fois souligner l'unité du mouvement autour de valeurs et d'une démarche originale communément admise et sa diversité répondant à l'extrême variété des attentes sociales. La question qui se pose dès lors est peut-être la suivante: les coopératives sont-elles capables de susciter elles-mêmes des attentes différentes de celles provoquées par l'économie capitaliste? En effet, la transformation des attentes de la population - en termes de normes de production et de consommation, de rapport au crédit, de modèle de développement, de son contrôle et de ses finalités - est sans doute le défi le plus important auquel la société a à faire face aujourd'hui pour éviter une catastrophe écologique et sociale annoncée. Peut-être manque-t-il une ou des théories coopératives de grande ampleur, valides non seulement pour le mouvement coopératif, mais aussi pour la société dans son ensemble. À cette condition, le mouvement coopératif peut nourrir une nouvelle utopie sociétale, à l'instar de celle des microrépubliques de travailleurs du début du XIX"siècle ou de celle de la grande république - du commonwealth coopératif - qui motiva l'essor des coopératives de consommation à la fin du XIXesiècle et au Xxe siècle. Si cette question est pertinente, elle représente le meilleur encouragement pour renforcer la recherche et l'action coopératives.
11
What is the challenge? Jean-François Draperi
T
his book is a collection of research papers that were presented at the 22nd International Research Conference of the International Cooperative Alliance (ICA), which was held on 19-22 October 2006 in Dourdan (France). The conference was jointly organized by the research committee of the ICA, the Groupement national de la coopération (GNC), the Centre d'économie sociale travail et société at the Conservatoire national des arts et métiers (CESTES/Cnam, Paris) and Recma (Revue internationale de l'économie sociale) with support from the Ile-de-France region. The conference provided the opportunity for presenting and discussing eighty research papers covering around thirty countries including Argentina, Armenia, Belarus, Canada, Cuba, the Czech Republic, Denmark, Spain, Ethiopia, Finland, France, Germany, Greece, Hungary, India, Iran, Ireland, Israel, Italy, Japan, Kyrgyzstan, Lithuania, Luxembourg, Malaysia, New Zealand, Portugal, Romania, South Africa, Sweden and the United Kingdom. It brought together the world's leading authorities on the cooperative movement and gave young researchers, in particular the French, a chance to meet their foreign counterparts. This volume does not present all of the papers. Restricted to a book of around 500 pages, we selected the papers that were revised by their authors for publication. A list of all the participants at the conference appears at the end of the book. We asked ourselves the following question: Is the cooperative movement meeting society's new demands? The answers to this question were grouped into four sections: food, credit, democracy and development. Besides agriculture and credit, which are the two most studied areas, the papers deal with poverty, healthcare, education, manufacturing and cooperative theory.
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This does not mean that cooperatives ignore other demands but rather that they are less studied by researchers. However, it is logical that research looks at these areas. The first two parts of the book concern the sectors where cooperatives are most powerful internationally. The third and fourth parts concern other sectors and examine either cooperatives themselves or the role of cooperatives in development. There are, however, social needs that cooperatives do not meet or meet poorly. Cooperatives have a weak position in manufacturing, energy, and scientific and technical research. Worker, associated labor, retail and small business cooperatives play important roles in their respective sectors but, compared with agricultural and banking cooperatives, have little impact on business trends. In almost every sector, cooperatives are healthier than their conventional competitors. Even in periods of rising unemployment, cooperatives continue to hire. Cooperatives very often lead the way with innovations and open new paths abandoned by government, with or without public funding. The evolution of cooperatives is, however, complex, as they have had to grapple with powerful international regulations that sometimes ignore or hamper them. They have had to fight against the indiscriminate use of legal and accounting standards that are not adapted to them. Simultaneously, civil society, largely a victim of a financial capitalism that produces social exclusion, economic inequality and environmental disasters, expects alternative solutions from the social economy and particularly from the cooperative movement.
At the start ofthe 21sI century, the cooperative movement thus faces a paradoxical situation. While the dominant economy is trying to undermine the cooperative movement, civil society is forming new hopes about it. Most of the research is analytical work and frequently includes a theoretical overview and/or suggestions for action. The majority of the papers offer a new perspective on the situation of the cooperatives that they are studying regardless of the country. Even though the difficulties are not overlooked, there is a prevailing sense of great dynamism and the potential for considerable growth. Cooperatives respond proactively to new social needs with remarkable innovations
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and an extremely broad range of initiatives. It is worth emphasizing that the movement is both united around a set of values and a shared original approach and diverse in the ways that it meets the enormous variety of social needs. The question that now arises is perhaps the following:Are cooperatives capable of sparking different demands than those that the capitalist economy creates? Transforming society's demands - in terms of the standards of production and consumption, the relation to credit, the development model and its oversight and goals - is probably the most important challenge that society has to tackle today if we hope to avert the foretold environmental and social catastrophe. Perhaps we are missing a grand cooperative theory or theories, valid not just for the cooperative movement but for society as a whole. If we had that, the cooperative movement could foster a new utopia for society like the worker micro-republics in the early 19thcentury and the great republic of the cooperative commonwealth that spurred the growth of consumer cooperatives in the late 19thcentury and 20thcentury. If this is really the issue, then it is the best reason for encouraging more cooperative research and action.
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I - Alimentation: de la production agricole à la consommation
Typologie spatiale des groupes coopératifs agricoles français Maryline Filippi*, Olivier Frey** et Pierre Triboulet***
Les nombreuses opérations de délocalisation sont un exemple des modifications de l'organisation spatiale des firmes. Ce papier a pour objectif d'analyser les stratégies d'ancrage et de désancrage territorial des groupes coopératifs agricoles français. La méthodologie d'étude repose sur l'analyse des bases de données nationales (Lifi et EAE pour les années 2000 et 2003) en vue d'établir les correspondances entre les formes organisationnelles, les activités et la gestion de l'espace aux différents niveaux de l'organisation de la firme (établissement, entreprise, groupe). Les résultats soulignent le poids de l'activité dans la dynamique des logiques organisationnelles. Celles-ci se traduisent à la fois par un renforcement de la relation productive firme-territoire et par un étalement spatial du groupe. Si le désancrage des groupes coopératifs apparaît aujourd'hui limité, la concentration de la coopération agricole française sous l'effet de la mondialisation des marchés pourrait provoquer des basculements rapides.
* Enita Bordeaux (1, cours du Général-de-GaulIe, 33 175 Gradignan cedex. Mél. :
[email protected]), UMR CNRS Gretha, université Montesquieu Bordeaux-IV. ** Inra-Sad, UMR Sadapt (16, rue Claude-Bernard, 75231 Paris cedex 5); Coop de France (49, avenue de la Grande-Armée, 75116 Paris). *** Inra-Sad, UMR Agir (BP 52627,31326 Castanet-Tolosan cedex).
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'accélération du développement des groupes coopératifs agricoles depuis les années 90 exprime leur volonté de s'adapter à la pression concurrentielle et à la globalisation des marchés. Cependant, ce développement considérable induit de fortes tensions entre leurs formes organisationnelles et les principes mutualistes (Côté, 2001 ; Filippi et Triboulet, 2003). D'un point de vue juridique, « les coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres àfaciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité. Elles forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales» (article L521-1 du Code rural). Pour les coopératives agricoles, la filialisation dans des sociétés de droit commercial apparaît comme un moyen souvent incontournable pour développer et valoriser l'activité de base des agriculteurs. Parallèlement, le transfert ou le développement d'activités dans de telles sociétés renforce une logique de capital dans les groupes coopératifs qui peut paraître contradictoire avec les fondements coopératifs initiaux. Paradoxalement, il existe peu de travaux sur la coopération agricole permettant de mesurer le développement des groupes coopératifs et les évolutions en termes de mode d'organisation. Rappelons que, par définition, une société coopérative agricole est agréée par le ministère pour mener ses activités sur une zone géographique précise. Il est ainsi défini un périmètre d'action territorial pour lequel la coopérative a obligation de collecte et de service aux adhérents situés sur cette zone. Par ailleurs, la coopérative ne peut développer une activité avec des nonadhérents qu'à hauteur de 20 % de son chiffre d'affaires. Aussi la filialisation de droit commercial est-elle perçue comme un moyen d'alléger la contrainte du périmètre d'action en autorisant la collecte à d'autres agriculteurs sur des espaces et avec des produits différents. La filialisation correspond également au fait qu'investir l'aval des filières, c'est aussi chercher à contrôler la transformation des denrées fournies par les adhérents et qu'en conséquence ce processus participe à la valorisation des ressources locales.
L
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Ce papier a pour objectif d'analyser les stratégies d'ancrage et de désancrage des groupes coopératifs agricoles. Le développement considérable des coopératives agricoles sous forme de groupes de taille et de complexité grandissantes questionne le maintien de l'ancrage initial des coopératives mères (I). Les regroupements de structures, le développement de la filialisation et le positionnement à l'international induisent-ils une distanciation de cet ancrage traduisant une perte du pouvoir de l'adhérent? Autrement dit, comment les adhérents-propriétaires exercent-ils leur pouvoir au sein de groupes coopératifs qui se complexifient et qui s'éloignent de leur base territoriale? L'entrée par l'organisation spatiale des groupes coopératifs contribue à éclairer cette question. L'article repose sur l'analyse de bases de données nationales Lifi et EAE en 2000 et 2003 (Thollon-Pommerol, 1999) afin d'étudier les correspondances entre les formes organisationnelles, les activités et la localisation spatiale des groupes coopératifs français (Morin, 1988). Les résultats sur l'inscription spatiale des groupes coopératifs présentent un paradoxe. Alors qu'il leur est reproché de s'éloigner de plus en plus de leur périmètre territorial initial et, partant, d'introduire une distance avec l'adhérent-propriétaire, l'analyse statistique met en évidence une concentration importante de l'activité des groupes, soit dans la tête de groupe, soit dans des filiales situées dans le même département que la tête de groupe. Cette stratégie d'inscription spatiale dominée par une concentration géographique des outils productifs autour de la coopérative mère permettrait de maintenir un lien fort entre l'adhérent et le groupe.
La typologie de l'inscription spatiale des groupes coopératifs français La mobilisation des données statistiques apporte des éléments au débat sur l'ancrage ou le désancrage des coopératives agricoles, mais surtout sur la façon dont elles activent, sous forme de groupes (l) Les groupes coopératifs s'affirment aujourd'hui comme les acteurs principaux de la coopération agricole, y représentant 77 % de l'ensemble des effectifs salariés en 2000.
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d'entreprises notamment, leur ancrage géographique. L'analyse statistique montre que, si l'hybridation des statuts et la concentration des pouvoirs aux mains d'un petit nombre d'acteurs apparaissent comme des phénomènes majeurs dans la coopération agricole, la gestion de différentes échelles spatiales n'est pas un fait avéré au niveau des groupes. Le fort ancrage spatial mis en évidence ouvre alors sur la question du rôle de l'espace dans la structuration des activités des coopératives agricoles et de leurs groupes.
L'analyse statistique met en évidence la grande hétérogénéité des groupes coopératifs agricoles La constitution des groupes coopératifs est réalisée à partir des bases de données issues de l'enquête « Liaisons financières» (Lifi) et des enquêtes annuelles d'entreprises (EAE) des secteurs suivants: IAA, coopération agricole, commerce, industrie, services, en 2000 et en 2003. Pour 2000, l'enquête «Petites coopératives agricoles» a également été utilisée (2).Outre un travail considérable de prétraitement (nettoyage, appariement, validation), notre approche soulève le problème de l'identification des coopératives têtes de groupe et de la caractérisation du contrôle, qui se révèlent très délicates dans le secteur coopératif du fait de l'importance des liens minoritaires partagés entre acteurs coopératifs. L'étude porte sur les groupes coopératifs ayant un effectif total supérieur ou égal à cinquante salariés (3).Le choix de travailler uniquement sur les groupes coopératifs sans prendre en compte les coopératives indépendantes se justifie par le poids prépondérant et croissant qu'ils occupent au sein de la coopération agricole. L'analyse de leur organisation spatiale est menée à deux dates en vue de caractériser et de comprendre les stratégies de localisation. Elle croise les formes organisationnelles et les activités à deux (2) L'accès à ces enquêtes au niveau individuel a nécessité le passage au Comité du secret statistique. (3) Les groupes de moins de cinquante salariés représentent moins de 3 % de l'effectif salarié total des groupes coopératifs en 2000 et en 2003. Ces très petits groupes ne sont pas retenus, car, d'une part, la majeure partie de leurs activités est réalisée dans la coopérative mère et, d'autre part, les calculs statistiques sont peu fiables au-dessous de ce seuiL
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niveaux: le niveau groupe, avec la prise en compte de toutes les entreprises contrôlées, y compris les contrôles joints (50-50), et le niveau coopérative tête de groupe, au travers de ses établissements. Ainsi, nous construisons une typologie mettant en évidence l'inscription spatiale des groupes coopératifs.
Des groupes aux statuts juridiques hybrides dominés par un petit nombre d'acteurs Le développement des groupes coopératifs se traduit par une concentration des pouvoirs aux mains d'un petit nombre d'acteurs coopératifs (tableau 1). Dans le même temps, les groupes déploient de façon croissante leurs activités dans des filiales de droit commercial. Les interdépendances entre groupes coopératifs au travers des liens financiers qu'ils partagent jouent un rôle majeur dans les recompositions observées. Le tableau 2 (voir en page suivante) montre l'importance des effectifs salariés des filiales de droit commercial, dont la part augmente de trois points entre 2000 et 2003, de 53 à 56 % de l'effectif salarié total, alors que la part des têtes de groupe diminue d'un point, de 32 à 31 % de l'effectif salarié total. Dans le même Tableau 1 Une concentration économique importante dans quelques grands groupes coopératifs 2000 Taille du groupe (nombre de salariés)
Nombre d'entreprises Nbre
%
2003 Effectif salarié
Eff.
Nombre d'entreprises
%
Nbre
%
Effectif salarié Eff.
%
105
72,4 22610
23,2
160
78,4 27632
24,7
500-2499
29
20,0 29277
30,0
30
14,7 28 890
25,8
2500 et plus
11
7,6 45641
46,8
14
6,9 55423
49,5
100,0 97 528 100,0
204
50-499
Total
145
100,0 111945 100,0
Le tableau 1 souligne le mouvement de concentration observable dans la coopération agricole, avec une dizaine de groupes coopératifs de plus de 2500 salariés représentant environ la moitié de l'ensemble des groupes coopératifs.
21
des salariés
temps, la part des entreprises contrôlées de droit mutualiste est en diminution. Signalons enfin que les effectifs salariés des entreprises contrôlées à 50-50 comptent pour 5 % dans l'effectif salarié total des groupes coopératifs. Le nombre considérable de partenariats entre groupes coopératifs témoigne de l'importance des interdépendances entre les acteurs coopératifs. Ces partenariats s'établissent pour environ 30 % au travers de structures mutualistes et pour environ 70 % dans des entreprises de droit commercial. On note ainsi Tableau 2 Le poids économique croissant de la filialisation de droit commercial 2000 Nombre d'entreprises
2003 Eff. Nombre salarié (% arr.) d'entreprises
Eff. salarié
Eff. salarié
Eff. salarié (% arr.)
Groupe coopératifs
.Têtes de groupe
145
31 160
32,0
204
34 808
30,8
1018
61185
62,7
1549
72 542
64,1
920
51438
52.7
1415
63198
55,8
de droit mutualiste
98
9747
JO,O
134
9344
8,3
. Entreprises contrôlées à 50 %
""
90
5183
5,3
178
5840
5,2
.~.~ ... "
1253
97522
100,0
1931
. Entreprises contrôlées de droit commercial
Total groupes coopératifs
de droit commercial
~g '"
113190
100,0
Partenariats intergroupes
.Entreprises de droit mutualiste .Entreprises
-.: ::: 0.;
~g
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'-~ <:i ~
81
70
"" E E
'-" "" ~"
. """0 ";:: ~ ;, "~
163
220
"
'. .::: E .~
Total partenariats
233
301
Les entreprises contrôlées à 50 % sont des entreprises contrôlées par deux têtes de groupe sous la forme d'un contrôle joint 50-50; les effectifs de l'entreprise sont alors comptabilisés pour moitié dans chacun des deux groupes. Les entreprises en partenariats intergroupes sont des entreprises qui ont plusieurs groupes coopératifs dans leur actionnariat. Elles peuvent être contrôlées par un ou plusieurs groupes coopératifs.
22
~ g. '"" ""
une évolution de partenariats classiques entre coopératives sous forme d'unions de coopératives ou de sociétés d'intérêt collectif agricole (Sica) vers des partenariats dans des entreprises de droit commercial. Les structures en partenariat sont soit sous contrôle d'un groupe coopératif (53 % des cas), soit en contrôle joint 50-50 (12 % des cas), soit sous contrôle indéterminé ou partagé entre plus de deux groupes coopératifs (34 % des cas). L'ouverture du capital social d'entreprises contrôlées à d'autres groupes coopératifs est souvent la marque de groupes coopératifs leaders qui peuvent ainsi élargir leur emprise territoriale ou productive au travers d'alliances avec d'autres coopératives. Ainsi, les groupes coopératifs s'organisent au travers d'un double mouvement: d'une part, une logique de contrôle unitaire de filiales de droit commercial induisant une hybridation des statuts et des logiques au sein des groupes coopératifs et, d'autre part, une logique d'interdépendances fortes entre acteurs coopératifs qui se traduit par des contrôles partagés ou des partenariats plus ou moins équilibrés entre coopératives pour la mise en commun de moyens ou d'outils. La dynamique des groupes coopératifs révèle ce double mouvement de renforcement de la filialisation dans les sociétés de droit commercial assis sur un développement des interdépendances entre acteurs coopératifs (Filippi et al., 2006). Le poids du siège social de la coopérative mère traduit une relative concentration spatiale Compte tenu de l'hybridation des groupes coopératifs, qualifier la tête de groupe, qui en l'occurrence est toujours une structure de droit coopératif détenant le périmètre d'action, s'impose pour comprendre les stratégies d'ancrage. À ce niveau, le critère d'appréciation de l'ancrage territorial de la coopérative mère est la localisation de ces établissements. Pour mesurer cette emprise, nous distinguons les entreprises qui ont tous leurs établissements dans le même département de celles dont les établissements sont répartis dans plusieurs départements (tableau 3, en page suivante). La répartition d'établissements sur un nombre important de départements reste un phénomène limité au niveau des 23
coopératives mères (environ le tiers des coopératives sont mono-départementales et les autres sont présentes en moyenne dans trois départements) et, en règle générale, le siège social a un poids important (56,3 % en moyenne) dans l'activité totale de la coopérative. À ce stade, il nous faut qualifier le type de fonction des établissements de la coopérative mère. Cela nous amène à distinguer deux populations de coopératives, celles ayant une activité principale en IAA et celles ayant une activité principale de commerce de gros. Les coopératives en IAA, comparées à celles de commerce de gros, sont en règle générale des entités plus grosses et ayant un nombre d'établissements limité. À l'exception d'un effet taille, le profil des coopératives mono-départementales et celui des coopératives pluri-départementales se ressemblent, avec une activité de transformation largement dominante dans les Tableau 3 Une gestion de l'espace différente selon le type d'activité des établissements des coopératives agricoles en 2000
Inscription spatiale de la coopérative mère
Nbre d'entreprises
Répartition des effectifs salariés (%) en fonction de l'activité de l'établissement IAA
Commerce de gros
Effectif Nbre Nbre Poids salarié moyen ~oyend, moyen moyen d'établis- départe- du siège entresemen ts ments social prise
Autres activités
Industries agro-alimentaires Mono-département
9
95,9
4,1
0,1
218,7
3,0
l,a
68,6 %
Pluri-département
15
94,8
5,1
0,2
485,3
8,5
2,9
57,8 %
385,3
6,4
2,2
61,8 %
4,8
0,1
6,6
81,2
12,2
115,2
12.1
l,a
73,2 %
3,6
89,3
7,1
244,8
37,6
3,2
47,1 %
97
4,1
87,9
8,0
206,1
30,0
2,5
54,9 %
121
32,9
61,6
5,5
241,6
25,3
2.5
56,3 %
24
95,0
Mono-département
29
Pluri-département
68
Total
Total Commerce de gros
Total IAA et commerce
Sources: SCEES. EAE IAA et coopération agricole. 2000. Sur les 145 groupes
coopératifs,
24 coopératives
têtes de groupe
10 ont un effectif salarié inférieur à 20 et 14 n'ont pas paur de gros (dont 8 avec un effectif salarié inférieur à 20).
24
ne sont pas prises
activité
principale
en compte:
les IAA
ou le commerce
établissements et un poids du siège social important. Sur les vingt-quatre coopératives, seules trois ont un siège social qui ne réalise pas d'activité productive. Les coopératives de commerce de gros sont caractérisées par un nombre important d'établissements, lié à leur activité de collecte-approvisionnement. Les établissements restent spécialisés dans le commerce de gros au vu de la répartition des effectifs salariés, et cela que les coopératives soient mono ou pluri-départementales. Le poids du siège social dans l'entreprise reste important, même si une distinction nette apparaît entre les coopératives mono-départementales (73,2 %) et les coopératives pluri-départementales (47,1 %). Dix coopératives sur les cent cinq ont un siège social qui est uniquement un siège administratif, dont six pour les coopératives mono-départementales. Les résultats statistiques permettent de spécifier les caractéristiques des deux populations, qui s'opposent plus en termes d'activité qu'en termes d'emprise spatiale. Les coopératives mères se différencient ainsi nettement selon deux profils: des coopératives de transformation, caractérisées par un nombre limité d'établissements et un poids important du siège social, et des coopératives de commerce de gros, caractérisées par un nombre important d'établissements. De plus, ces deux types de coopératives présentent une spécialisation des établissements dans leur domaine d'activité. Les groupes se répartissent selon trois classes d'inscription géographique La mesure de l'inscription spatiale des groupes coopératifs (tableau 4, en page suivante) est basée sur la répartition spatiale relative des effectifs salariés des entreprises du groupe, en tenant compte de la localisation des entreprises contrôlées (y compris les contrôles 50-50) par rapport à la tête de groupe (TG). Les effectifs salariés sont localisés aux sièges sociaux des entreprises. La typologie permet de distinguer trois classes:
.
les groupes à tête de groupe dominante avec plus des deux
tiers des effectifs du groupe dans la tête de groupe et moins de 20 % des effectifs du groupe hors département de la TG ; 25
.
les groupes locaux qui ont soit plus des deux tiers des effectifs
du groupe dans les filiales du département de la TG et moins de 20 % des effectifs du groupe hors département de la TG, soit plus de 80 % des effectifs du groupe dans le département de la TG; les groupes multi-Iocalisés qui ont au moins 20 % des effectifs
.
du groupe hors département de la TG. Tableau 4 La typologie de l'inscription spatiale des groupes coopératifs en 2000 et 2003 2000 .... 1)
..s .... '"
Répartition
Tête de groupe
des effectifs du groupe (% arrondis)
Même dépt
Même région
,.
RegIOn
.. France Etrange '
con fIgue
_
c::
c "'" »"'" e'~,:j
~~ .<:> c ~
a ii 0u
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._ ~'" 0 1):;;
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-
~'"
'"
'" '"
'"
Groupes avec TG dominante 61 Groupes locaux 51 Groupes multi-Iocalisés 33 Ensemble 145
2003 Répartition
....
des effectifs du groupe (% arrondis)
u
..s .... '"
c "'" »"'"
e'~~ ",,8
~
Tête de groupe
Même dépt
Même région
Région contiguë
France
'tranger
~~g O' z'C
u
~
5 ~
1)8 ~:!i "':;
Groupes avec TG dominante
'" '"
-;; ~
ë
1),<;:; ~.;:: "'..::! '" '"
84 Groupes locaux 67 Groupes multi-Iocalisés 53
Ensemble 204 Sources:
ln,ree. Lift et EAE indu."rie, serviee.I', lAA, coopérution
26
agricole, commerce,
2000 et 2003,
La plupart des groupes coopératifs sont soit des groupes coopératifs dans lesquels la tête de groupe occupe une place dominante (classe 1), soit des groupes coopératifs dont les sièges sociaux des entreprises contrôlées sont majoritairement localisés dans le même département que la tête de groupe (classe 2). Seuls les groupes de la classe 3 localisent de manière significative leurs entreprises contrôlées hors du département d'origine de la tête de groupe. Ils sont de plus grande taille que les groupes des classes 1 et 2 et concentrent plus de 60 % des effectifs en 2000 et 2003. En termes d'évolution, on note une part plus importante de la classe 3 en 2003 par rapport à 2000. Alors que le nombre moyen de filiales est stable et que l'effectif salarié moyen diminue, l'effectif des groupes multi-localisés s'accroît. L'entrée par les groupes en segmentant trois niveaux, soit établissements, têtes de groupe, groupes, nous permet de montrer, d'une part, le relatif ancrage spatial des groupes coopératifs et, d'autre part, la spécialisation des coopératives têtes de groupe. Les groupes coopératifs se caractérisent par une concentration spatiale des activités soit au niveau de la tête de groupe, soit dans les filiales situées à proximité géographique immédiate de celle-ci. De plus, les coopératives têtes de groupe présentent une spécialisation de leurs établissements soit dans les IAA, soit dans le commerce de gros. Ces résultats sont finalement assez contradictoires avec l'hypothèse d'un désancrage important des groupes coopératifs du fait de la filialisation des activités et de l'extension spatiale du groupe. Ils méritent d'être discutés au regard des activités de la tête de groupe et du groupe, et en tenant compte du fait que la caractérisation de la tête de groupe ne conditionne pas nécessairement le type de groupe.
Le désancrage relatif des groupes coopératifs agricoles français La typologie spatiale des groupes coopératifs nous invite à discuter de l'hypothèse de leur ancrage à travers l'étude de la diversification de leurs activités. L'approche de l'ancrage territorial des groupes d'entreprises dans un contexte de mondialisation 27
a précisé que les logiques sous-jacentes à la gestion des différentes échelles spatiales reposaient sur un ancrage territorial des activités productives. Expliquer la typologie de l'inscription spatiale des groupes coopératifs nécessite alors d'articuler une double approche au niveau de la coopérative mère et au niveau du groupe dans son ensemble, complétée par une analyse des partenariats entre groupes coopératifs. Cette approche nous permet alors de montrer comment l'extension des périmètres d'intervention des coopératives suit une logique de contiguïté spatiale à partir de la localisation de la tête de groupe. La typologie montre l'importance de la logique productive comme déterminant de la localisation Apprécier la répartition des activités telles que nous les avons définies dans la première partie repose sur l'articulation de trois niveaux organisationnels, l'établissement, la tête et le groupe. La spatialisation des activités, opérée à partir de la localisation des entreprises, caractérise la grande hétérogénéité des groupes coopératifs en termes de répartition de leurs activités en deux types, ceux à la vocation industrielle (IAA) affirmée, qui sont spécialisés, et ceux plus impliqués dans la commercialisation, qui semblent plus diversifiés. Le poids de la tête de groupe est alors déterminant pour caractériser les logiques spatiales. La typologie révèle une segmentation de la population entre les activités de commerce et celles de transformation. L'approche de l'activité des coopératives mères à partir des établissements montre une spécialisation des établissements autour de l'activité des IAA ou de celle du commerce de gros. Cela tend à révéler une différenciation entre des coopératives axées sur les fonctions productives et d'autres axées sur les fonctions commerciales. Il nous a semblé intéressant d'analyser de manière plus fine les activités des coopératives mères pour pouvoir confirmer ce résultat (4). La diversification est caractérisée à partir (4) Pour ce faire, nous avons réalisé une analyse au niveau branche, critère plus précis que celui du secteur, de manière à pouvoir statuer sur le degré de diversification des fonctions de la coopérative tête de groupe.
28
d'un indice d'entropie calculé sur la répartition des effectifs salariés dans les différentes branches d'activité (Galliano, 1995). Les coopératives sont regroupées en quatre classes en fonction de la valeur de l'indice (voir le tableau Al en annexe). La diversification au niveau de la coopérative tête de groupe en termes de transformation, de commercialisation et autres activités apparaît relativement limitée. L'analyse au niveau des branches d'activité confirme ainsi les résultats obtenus à partir de l'activité principale des établissements, à savoir que l'effet taille joue sur le degré de diversification et que l'on note une différence significative entre les coopératives de transformation et celles de commercialisation. Les premières restent centrées sur cette activité et la part des activités de commercialisation et des autres activités reste faible, y compris pour celles qui diversifient le plus. Dans les coopératives de commerce de gros, le gradient de diversification est plus marqué et l'on note ainsi que, pour les plus diversifiées d'entre elles, l'activité de transformation représente en moyenne le quart de l'activité totale. En conclusion, au niveau de la tête de groupe apparaît une séparation marquée entre les coopératives impliquées dans les activités de transformation et celles pratiquant uniquement des activités de collecte, d'approvisionnement et de négoce. La caractérisation des fonctions et des activités au niveau du groupe a pour objectif d'isoler l'influence de la tête. La distinction entre IAA et commerce de gros reste pertinente pour caractériser l'activité au niveau du groupe (voir le tableauA2 en annexe). Ces deux populations se distinguent par leur dimension économique (les groupes des IAA représentent le quart des groupes, mais plus de la moitié des effectifs salariés totaux) et par le degré de diversification (90 % de l'activité des groupes des IAA sont dans les IAA). En complément, l'analyse sur les produits permet de mieux apprécier les spécifications des filières productives (voir le tableau A3 en annexe). Ainsi, la filière céréales et aliments reste dominée par l'activité de négoce et d'approvisionnement, alors que les autres filières sont majoritairement en transformation. Sachant la part importante et rémunératrice de l'activité commerciale dédiée au service de l'adhérent dans les coopératives céréalières,
29
on peut s'interroger sur les formes spécifiques organisationnelles et spatiales développées par ces groupes coopératifs. Les activités commerce ou transformation conditionnent donc les logiques productives. Or, la place de la tête de groupe dans le groupe influence de façon déterminante la logique de spatialisation sous-jacente. Le rôle différencié des coopératives têtes de groupe, depuis celles qui concentrent toute l'activité jusqu'à celles tendant vers une fonction de holding, situation relativement courante dans les grands groupes, conduit à examiner de façon conjointe les activités et les formes organisationnelles. L'influence déterminante de la tête de groupe dans la logique d'ancrage et d'étalement spatial Le fait de croiser une approche au niveau des établissements pour la tête de groupe et une approche au niveau de l'ensemble des entreprises contrôlées du groupe, y compris dans ses partenariats, permet de mieux comprendre comment l'ancrage territorial s'opère à partir de la localisation de la tête de groupe pour suivre un effet étalement dans l'espace. Caractéristiques de la classe 1, « TG dominante» Les groupes coopératifs à TG dominante ont pour caractéristique de garder dans la tête de groupe la majorité des activités. Les formes organisationnelles restent donc simples et les groupes sont de faible dimension en termes d'effectif salarié. L'analyse au niveau des activités et des établissements de la coopérative mère montre que ces groupes présentent cependant, pour une part importante, une diversification de leurs activités au niveau NAP 700 et une emprise spatiale de leurs établissements sur plusieurs départements. Ce sont pour la majorité des groupes ayant pour activité principale la commercialisation de gros et pour filière principale les céréales et aliments. La mesure de la diversification des produits au niveau du groupe est peu pertinente du fait du poids majoritaire de la coopérative dans le groupe. Sans surprise, les groupes coopératifs à TG dominante ne possèdent pas de holding dans leur grande majorité et ceux qui en possèdent en ont une et une seule.
30
Caractéristiques de la classe 2, « Groupes locaux» Les groupes locaux ont pour caractéristique de concentrer les effectifs des entreprises contrôlées dans le même département que la tête de groupe, cette dernière ne représentant pas plus des deux tiers des effectifs du groupe. Ils présentent un profil relativement similaire aux groupes coopératifs à TG dominante. La complexité organisationnelle et la taille du groupe augmentent légèrement et l'on note également qu'une part importante des groupes présente une diversification des activités et une emprise spatiale sur plusieurs départements. Signalons que se retrouvent dans cette classe un nombre significatif de coopératives têtes de groupe ayant un poids très faible dans le groupe. En termes de diversification produits des groupes, on observe deux souspopulations: d'une part, des groupes qui sont mono-produits et, d'autre part, des groupes diversifiés. Un peu plus de la moitié des groupes coopératifs locaux possèdent une, voire plusieurs holdings, ce qui tend à infirmer l'hypothèse selon laquelle la fonction financière des groupes est en général délocalisée.
Caractéristiques de la classe 3, « Groupes multi-localisés
» Les groupes multi-Iocalisés présentent un profil très différent. Tout d'abord, cette classe comprend tous les groupes de plus de 2500 salariés, groupes qui représentent 47 % des effectifs salariés totaux de la population étudiée. La complexité organisationnelle s'accroît fortement, plus de trois quarts des groupes ayant des prises de participation dans au moins dix entreprises. Ensuite, la part des groupes des IAA augmente et les filières lait et viande sont représentées de manière significative à côté de la filière céréales et aliments, qui reste dominante. On retrouve également, ici, un certain nombre de coopératives têtes de groupe ayant un poids très faible dans le groupe. En termes de diversification d'activités produit, un peu plus de la moitié des groupes sont mono-produits et un peu plus d'un quart sont diversifiés. Les trois quarts des groupes multi-Iocalisés possèdent une ou plusieurs holdings. Cette observation est à mettre en relation avec la diversification des activités de ces groupes. Certains de ces groupes ont notamment mis en place des structures holdings réparties par filières produit.
31
Ainsi, la tête de groupe cherche à exercer son contrôle aussi bien sur les activités que sur le périmètre d'action territorial. Les relations entre groupes coopératifs s'effectuent aussi sur la base d'une contiguïté géographique La gestion de l'inscription spatiale mobilise également les partenariats entre groupes coopératifs. Dès lors, ces derniers prolongent le raisonnement dans la mesure où ils s'opèrent dans une optique de renforcer le poids des entreprises coopératives. Nous prenons en compte ici les partenariats intergroupes vers des sociétés de droit mutualiste qui peuvent être des unions ou des Sica. Cette forme de partenariat est classiquement développée dans le secteur coopératif pour mutualiser des moyens et il est intéressant de se poser la question du choix de localisation de la structure en partenariat. Ces partenariats sont établis, pour environ les deux tiers d'entre eux, entre deux groupes coopératifs. L'analyse de la localisation des entreprises mutualistes en partenariats entre groupes montre, d'une part, que ces partenariats sont établis en majorité entre groupes d'une même région ou entre groupes situés dans des régions contiguës (75 % en 2000 et 80 % en 2003) et, d'autre part, que la société en partenariat est localisée essentiellement dans la région d'appartenance d'au moins un des groupes coopératifs (89 % en 2000 et 94 % en 2003). En règle générale, les acteurs coopératifs localisent donc la société en partenariat dans leur région d'implantation. Les groupes coopératifs visent ainsi à conforter et à étendre leur périmètre d'action en privilégiant une localisation à proximité ou à équidistance des têtes de groupe. Autrement dit, la tendance est à l'extension du périmètre d'action des coopératives mères. Ainsi, la typologie révèle qu'au-delà de la grande hétérogénéité des coopératives agricoles, trois classes se dessinent en fonction d'un jeu de multi-localisation. Sans surprise, ce sont les groupes les plus gros qui se délocalisent et se diversifient. Enfin, elle renseigne sur les modalités d'ancrage qui soulignent le contrôle dominant opéré par la tête de groupe coopératif. Ces coopératives conservent leur spécialisation initiale soit en IAA, soit en 32
commerce de gros, mais présentent des stratégies de localisation différenciées au niveau des filiales. L'achat d'outils industriels de transformation comme celui de magasins de commerce de détail (type Lisa, Gamm'Vert ou Point vert) ne contredit pas l'esprit mutualiste tant que la notion de profit n'entre pas en conflit avec le principe d'acapitalisme. Dès lors, cette dernière notion marque la limite entre, d'une part, ce qui relève de l'efficience économique et qui permet de réinvestir les profits pour maintenir un outil industriel compétitif et, d'autre part, ce qui relève d'une logique d'enrichissement d'un collectif de propriétaires. C'est sur cette frontière entre des revenus productifs réinjectés dans un outil de production et des revenus du capital transformés en dividendes versés aux actionnaires que s'opère la légitimité d'action des coopératives agricoles. En ce sens, la problématique des tensions entre localisation et globalisation se pose de façon pertinente au sein des groupes coopératifs.
Conclusion La caractérisation de la typologie spatiale des groupes coopératifs est opérée à partir de critères sur les activités et les formes organisationnelles. La typologie obtenue en trois classes (groupes à TG dominante, groupes locaux et groupes multi-localisés) permet de qualifier la gestion de l'espace des groupes coopératifs français. La mesure de l'ancrage repose sur la localisation des filiales complétée par la diversification des activités et le développement de partenariats sous contrôle mutualiste. La réorganisation des filières et le développement d'outils industriels performants ont un effet sur la concentration amont des sociétés. D'une part, la localisation des filiales de droit commercial s'effectue souvent sur le même périmètre spatial que les têtes de groupes coopératifs, traduisant une volonté de maintien d'un contrôle de ces sociétés. D'autre part, l'analyse des partenariats montre que l'extension du périmètre s'opère par contiguïté spatiale. Si le périmètre d'action des coopératives contraint leur activité et que les filiales permettent de s'en extraire, la gestion de l'organisation spatiale des coopératives 33
montre une forte volonté de co-localisation. La filialisation de droit commercial ne se traduit pas par un dés ancrage de la coopérative de son territoire. Autrement dit, le désancrage des groupes coopératifs serait un mythe qui trouverait son origine dans la complexification des organisations coopératives. Cependant, dans la réalité, l'hétérogénéité des groupes masque une grande fragilité de cet ancrage territorial des coopératives agricoles. En effet, une dizaine de groupes coopératifs génèrent environ la moitié de l'activité mesurée en termes d'effectifs salariés de l'ensemble des groupes coopératifs. La poursuite de la concentration au sein de ces groupes pose donc la question de l'aboutissement ultime de ce processus. Ces groupes cumulent tous les paramètres d'une réactivité très forte vis-à-vis de la pression des marchés. L'obligation de contractualisation avec l'aval, notamment avec la grande distribution, oblige les coopératives à fournir sur une période de l'année un volume supérieur à la production opérée localement. Dès lors, pour être en mesure de répondre aux exigences des distributeurs, les coopératives sont de plus en plus obligées de s'allier avec des producteurs situés dans d'autres bassins de productions complémentaires. Aussi, l'articulation de niveaux spatiaux étendus va se poursuivre. De même, l'apparition de rachats de sociétés à l'étranger exacerbe les tensions entre localisation et globalisation, induisant des distorsions géographiques et organisationnelles. Si en termes d'emplois les coopératives jouent le niveau local, la question qui se pose alors est comment les coopératives toutes classes confondues activent le potentiel local à travers le développement de projets et la mise en valeur des ressources territoriales.
34
Bibliographie Côté D. (édit.), 2001, Les holdings coopératifs, Éditions De Boeck, p. 413. Filippi M. et Triboulet P., 2003, « Les modalités d'exercice du pouvoir dans le cas du contrôle mutualiste: le cas des groupes coopératifs agricoles », Cahiers du Gres, n° 12, octobre, p. 26. Filippi M., Frey O., Triboulet P., Vivensang J., 2006, Bilan des lois de 1991 et 1992 et gouvernance des groupes coopératifs, rapport final, étude 03 B6 04 Ol-A, ministère de l'Agriculture et de la Pêche, 105 p. Galliano D., 1995, Les groupes industriels de l'agro-alimentaire français, Inra, Economica, p. 202. Morin E, 1988, « Les groupes industriels et financiers », chapitre 3, in Arena R. et alii, Traité d'économie industrielle, Economica, p. 208-217. Thollon-Pommerol V., 1999, « Enterprise group: the French methodology and results », in Micro and macrodata of firms, statistical analysis and international comparison, S. Biffignandi (ed.), Springer-Verlag, p. 59-68.
35
Annexes Tableau Al Diversification des activités des coopératives têtes de groupe selon leur secteur d'activité en 2000 ," .;::
Classe d'entropie
IAA
cc" '"
'"
" ~'c
OJ
~I:l. 8 "5'::E'" 0':::c" ~Z ." .... "'" "
Répartition des effectifs salariés (% arrondis)
~~IAA
Commerce Autres de gros activités
'"
NEE(') moyen
" ]5"5 >, c
e
o 0 Ze~
"
"'"
Mono-activité
4
173,0
100,0
0,0
0,0
Peu diversifié
8
233,3
93,6
4,6
1,8
1.00 1,57
3,63
Assez diversifié
4
527,3
89,2
9,5
1,2
2,47
5,25
diversifié Total
1,75
8
575,5
80,3
10,0
9,7
3,84
6,88
24
386,3
86,5
8,1
5,5
2,38
4,67
Il
83,1
0,0
100,0
0,0
1,00
2,00
97,3
2,6
l,55
3,23
87,3
5,3
2,44
4,28
Commerce de gros Mono-activité Peu diversifié
26
151,4
0,0
Assez diversifié
32
190,5
7,4
diversifié
28
390,2
23,7
67,1
9,1
4,55
7,61
Total Total IAA et commerce
97
225,5
13,9
79,6
6,5
2,65
4,70
121
257,4
35,5
58,3
6,2
2,59
4,69
Sources: EAE, 2000. (1) Le nombre équivalent entropie (NEE) est calculé à partir de la répartition des effectifs salariés par branches d'activité. L'analyse est effectuée sur les 12] coopératives têtes de groupe dont l'activité principale est en ]AA ou en commerce de gros et qui ont un effectif salarié non nul.
Tableau A2 Diversification des activités du groupe en fonction de l'activité principale du groupe coopératif " ~'C ~I:l. e " 0'::: '"
Activité principale
du groupe lAA Commerce de gros Autre Total
Répartition des effectifs du groupe (%)
Z c: Agriculture :;", " 1,2 39
IAA
Commerce Autres de gros activités
.-
......... '" 0 ..... .....
....
~:!i ....
~.:s OJ '"
89,0
5,9
3,9
50123
21,3
58,7
14,9
46818
103
5,1
3
59,1
0,0
0,0
40,9
585
145
3,4
56,0
31,2
9,4
97526
Sources: Lifi et EAE, 2000.
36
Tableau A3 Diversification des activités du groupe en fonction de l'activité produit du groupe
Activité principale
du groupe
Répartition
] .ë
des effectifs du groupe (% arrondis)
Jj :2
S e0'::
Z c
Agriculture
IAA
:;"
Autre Boisson Céréales et aliments Fruits et légumes Lait Sucre Viande Total
3
<ü ......... .~ 0 ..... .....
Commerce de gros
Autres activités
.... ....
~.!!! OJ '"
59,1
0,0
0,0
40,9
585
5
0,0
46,1
50,8
3,1
642
68
6,9
22,3
57,7
13,0
31769
8
9,7
69,5
19,0
1,8
6513
26
0,0
74,5
12,9
12,6
22 707
3
0,0
85,3
3,8
10,9
2920
32
0,5
71,8
23,1
4,6
32391
145
3,4
56,0
31,2
9,4
97 526
Sources:
37
Lift et EAE. 2000.
Economic evaluation of an agricultural cooperative: The case of the agricultural cooperative of Episkopi, Greece Simeon Karafolas and Electra Pitoska*
Agricultural cooperatives have a determinant role in the Greek agriculture sector, rural society and the economy. 6,350 Greek agricultural cooperatives are grouped into 118 unions of agricultural cooperatives. An agricultural cooperative manages the local agricultural production. Its social and economic role becomes much more important if the local economy is based essentially on the agricultural production managed by the cooperative. The paper examines the case of the Agricultural Cooperative A.S.O.P. EP1SKOP1S. This cooperative, founded in 1924, has had a determinant role in the local community since 54% of the local population is employed in agriculture. The cooperative's examination is focused on its economic and financial results and on its influence on the local economy. These results show that the cooperative responds to the necessity to operate as a competitive and profit-making entity.
* Department
of Financial
Applications
TEl of Western,
39
[email protected].
he agricultural sector remains an important sector for the Greek economy and society, particularly in rural areas. Its contribution to the Gross Domestic Product (5.2% of Gross Value Added in 2005) and employment (12.6% of the working population in 2004) is one of the highest within the European Union (see respectively Eurostat Pocketbooks, 2007, for G.Y.A. and Jouhette and Romans, 2005, for employment). Farm size in Greek agriculture is very small, as the majority of agricultural holdings (77%) do not exceed 5 hectares; agricultural population is near the retirement age, since 54% of the agricultural population was over 55 years old in 2003 (Tsiforos, 2005). Greek agricultural society is characterized by family farming and cooperative structure. The agricultural cooperative movement in Greece dates back to the beginning of the twentieth century. The present paper focuses on the agricultural cooperative A.S.O.P. EPISKOPIS which is one of the oldest agricultural cooperatives that dates from 1924 and has had a determinant role in the local community since 90% of the local population is occupied in agriculture. Section 2 of the paper discusses the context of the development of agricultural cooperatives in Greece. The local cooperative movement, the establishment of the cooperative under review and its role in the local society are examined in the following section. Section 4 presents the organization of the cooperative, its investment policy and a comparative financial analysis drawn from a national sample of agriculture companies. Conclusions are discussed in section 5.
T
Context of the development of agricultural cooperatives
in Greece
The agricultural cooperative movement in Greece dates from 1915 (Law 602/1915) when the agricultural cooperatives were established. Since then it has experienced a rapid growth, particularly in the post-war period and up to 1990s when it confronted problems related to changes in the socio-economic environment in Greece and worldwide, such 40
as structural changes in the Greek economy, globalization, and the Common Agricultural Policy (Tsiforos, 2005). The agricultural movement is organized in a pyramid structure in which the base of the pyramid includes the village cooperatives, which are the 1stdegree agricultural cooperative organizations (ACO). These ACOs cooperate among themselves on a wider geographical scale creating the 2nddegree ACO that form the Unions of Agricultural Cooperatives. The Unions of ACOs make up the Central Unions. Central Unions either operate on a limited geographical scale or on a national scale. Unions form the Panhellenic Confederation of Unions of Agricultural Cooperatives (PASEGES). This Confederation, founded in 1935 as a non-profit organization, is on the top of the pyramid and includes almost all agricultural organizations. A number of other cooperative organizations or companies engaged in specialized activities also exist. Table 1 presents the structure of the ACOs in Greece under the Panhellenic Confederation of Unions of Agricultural Cooperatives (PASEGES). 6,350 agricultural cooperatives (of pt degree) form 118 unions of agricultural cooperatives. The region of Macedonia is the most important region considering the number of ACOs, number of farmers, employees and turnover. Differentiations appear in the number of Agricultural Cooperatives (AC) and Unions of Agricultural Cooperatives (UAC) within regions. Some of them are characterized by a relatively small number of ACOs in comparison to members; this is the case of Sterea Ellada, the Aegean Islands and Crete. Some others are characterized by the relatively big number of UACs in comparison to ACOs; this is the case of Islands, Aegean Islands, Crete and Ionian Islands and it is due to territorial particularities of these regions. The cooperative movement has been characterized by state and political intervention. Farmers' interests were aligned much more with the state's policies (Klimis, 1991). This intervention has been constant till the decade of the 1990s. Patronis (2002) distinguishes some periods demarking the state's intervention towards the cooperative movement: 41
Table 1 Agricultural Cooperatives in Greece, members of PASEGES (end of 2000)
Geographical Division
on U
.... '<ï;' 0 .... ~" ;> := 0"" Eo
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i:
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ACs(2)
u
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0
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os "
&';
""
208,893
3,365
1,713
174,774
19
139,079
1,242
1,066
18
152,003
1,170
710
17
83,875
938
11
57,584
622
Thessaly
10
144,867
1,186
Epirus
6
57,081
499
Thrace
5
91,883
597
328
Ionian sea Islands
4
7,810
163
197
118
943,075
9,782
6,350
Macedonia
28
Peloponnese Crete Sterea Hellada &Evia Aeagean Sea Islands
Total Source: Ponhellenic
Confederation
ACI DAC
102
61
106,060
99
56
92,778
131
39
866
135,635
157
51
302
46,145
153
27
705
85,427
121
71
463
53,683
116
77
30,690
94
66
21,620
110
49
118
54
of Unions of Agricultural
746,812 Cooperatives
(PASEGES),
2006.
(1) Unian., of Agricultural Co-operatives (2"" level organÜations). (2) Agricultural Co-operatives (I" level organisations).
. The 1914-1920period with the establishment of agricultural cooperatives.
.
The inter-war period (1921-1939) characterized
by the state's
intervention on leadership and organization of agricultural cooperatives. The post-war period (1950-1973) when the agricultural
.
cooperatives were treated as appendages of state administration. Within this period two sub-periods have been distinguished, first, from 1950 to 1967, where state intervention focused on the transfer of surplus to the urban-industrial sector, and, second, the dictatorial period (1967-1973) when the dictatorial government placed cooperatives under direct control.
. The post-dictatorial period with a strong politicized image
of cooperatives; this phenomenon began in the 1974-1980 period
42
and was extended with the close identification of cooperatives to the political party in power during the intervaI1981-1989. The post-1990 period with cooperatives realizing the necessity to operate on a private-interest basis. The necessity to operate on a private-interest basis has been enforced by the changes provoked by the European policy in the agricultural area. It was also related to changes on the status of the Agricultural Bank of Greece (ATE). This bank was established in 1929 as an autonomous non-profit banking institution (Tragakis, 1980). ATE was established to provide credit to the agricultural sector (ATE, 2006); therefore it was chosen to assist the agricultural policy of Greek governments, (Gortsos, 1998), being the principal banking partner of cooperatives. Until the end of 1980s ATE had the obligation to submit its balance sheet and results to the Ministries of Agriculture and Finance. Practically the Bank of Greece, having the supervision role over the Greek banking system, did not exercise this supervision at the ATE. As a consequence Greek governments covered the bank's provisions for non-paid loans, largely owed by agricultural cooperatives. In 1991ATE became a société anonyme having full power to operate as a commercial bank and supervised, on the other hand, by the Bank of Greece. The consequence of these changes has been a much more strict policy over the loans of the cooperatives. Within this context the Greek State undertook the payment of debts owed to ATE. Through Law 2198/1994, debts of 1,467 million euros owed to ATE have been undertaken by the Greek state. This amount concerned 420 million euros for conventional payments to the bank and 357 million for agricultural cooperatives' debts (Patronis, 2002). Through a new legislative action three years later, (Law 2538/97), the Greek state undertook debts of agricultural cooperatives that had not been included in the previous legislative action of 1994 (Patronis, 2002). Agricultural cooperatives did not have the same efficiency during the post-war and particularly the post-dictatorial period based on the economic and financial results. Panagiotopoulos (1998) distinguished four categories of agricultural cooperatives considering credit ability and viability as an economic enterprise:
.
43
1- A small number of cooperatives which are competitive and profit-making; they attract the interest of many banks. 2- Problematic cooperatives with no chance of recuperation or survival; they have been excluded by the banking market. 3- Agricultural cooperatives which are under reform and undergo a process of reorganization; they are financed by the Agricultural Bank of Greece and have no access to other banks. These cooperatives have received adjustment of their debts by the Agricultural Bank of Greece; this group includes a large number of agricultural cooperatives. 4- The small-medium agricultural cooperatives which deal with agricultural supplies or simple processing activities; they require limited banking financing and have low credit risk; in spite of the low risk they do not attract any "commercial" bank and co-operate exclusively with the Agricultural Bank of Greece. According to Panagiotopoulos, (1998), this category includes the
largest proportion of 1st level agricultural cooperatives. The Law 2810/2000 on the agricultural cooperatives in 2000, (Official Gazette, 2000) promotes a business philosophy based on the necessity of the entrepreneurial spirit, the competitiveness and the private- interest basis of cooperatives. This philosophy encouraged the merger within cooperatives in order to become more competitive. Cooperatives did not seem to respond to this merging policy. For example in the case of the Prefecture of Imathia within 76 agricultural cooperatives of 1st degree no merger took place until the end of 2006. Cooperatives did not consider significant the gains from merging nor generous the incentive measures in order to sacrifice their autonomy.
The agricultural cooperative of Episkopi A.S.O.P. EPISKOPIS The Agricultural Cooperative of Episkopi AS.O.P. EPISKOPIS is one of the 76 agricultural cooperatives of the Prefecture of Imathia and one of the 14 agricultural cooperatives of the region of Naousa (see Table 2). This prefecture is characterized by the importance of agricultural cooperatives. More than 12,000 farmers
44
Union of agricultural
Table 2 cooperatives of Imathia OJ
...
Union of Agricultural Cooperatives
DAC of Veria
OJ OJ
... ... so&> ...
OJ uo&>" < E :;E "
" >l..:;E
59
8,138
" S" ca
" .->
t:4cat:4
"g
u
(end of 2003) OJ
Turnover (1,000
Euros)
0
ë.. S
!:LI
U 60,308
"" ~~»
2,879
37
(I) (2)
DAC of Naousa
14
1,828
90,976
2,451
51
AL.M.ME. Association of Agricultural Cooperatives
3
2,200
2,805,000
20,475
254(3)
Total
76
12,166
2,956,284
25,805
342
Source: Idem Table J. (/) 3 ofthem are permanent and 34 seasonal. (2) 19 ofthem are permanent and 32 seasonal. (3) 29 of them are permanent and 225 seasonal.
are members of cooperatives. The cooperatives are grouped in three unions of cooperatives, the most numerous being in the district of Veria, the largest in the Prefecture of Imathia. The big number of cooperatives is related to the importance of the agricultural production. Imathia has the highest production of peaches in Greece and one of the biggest productions of cherries, grapes, apples and wine. Historically, private companies and cooperatives in Imathia created the infrastructure of an extended commercial network of fruits and vegetables all over Greece that included other regions' producers of fruits and vegetables as well. These companies permitted the export of agricultural production from all of Greece to European and Middle Eastern countries. The commercialization of oranges from Peloponnesus, Crete and Epirus by Imathia's companies is an example. The community of Episkopi is one of the villages that form the town of Anthemia in the district of Naousa. Its population amounts to the average for Greek villages in the plains of Greece. Its territory is considered very fertile since 82.2% is under cultivation (see Table 3). As a consequence, the population is occupied principally in agriculture; 54% of the active population is employed in agriculture. The Community of Episkopi considers 45
that 90% of the population has a direct or an indirect (as owners of agricultural land) relation with agriculture (Community of Episkopi, 2006). In Table 3 the share of the employed population in agriculture shows the importance of Episkopi in comparison with the average of the Prefecture of Imathia. Agricultural production is very much oriented to the production of peaches, considering that almost 77% of the production in 2005 was of peaches. Besides the oligopoly in the production of peaches, the production of kiwi has been developed, approaching 13% of the total production in 2005 (see Table 4). The Agricultural Cooperative in Episkopi, "A.S.O.P. EPISKOPIS," was created in 1924 and had 300 farmers members in 2006, 165 of whom are local farmers and the rest from other districts and even the neighboring prefecture of Pella. The extension of members is related to the new agriculture policy of the European Union and the Greek State regarding the creation of the Producers' Organization (Ministry of Agriculture, 2003). The creation of this agricultural cooperative had a historic, social and economic role in the local area that is described in its statutes. The cooperative aims at equal terms for its members and assisting them in economic, social and cultural development.
Table 3 Community of Episkopi c
0
0
....
....
0: > ,-., .~ ;::~ ~::1'-' u_
...0:
.. .... 0 .... c "" ::I.5
g.", ::I~,-., u C
Population
u..'-' o u_ ... 0:0 "-0 Bô'" .........
(2001)
-8 c .~ .~
0: '" ..
0
... 0/)
...
-<
-< Prefecture of Imathia
42.7
143,618
10.5
Town
76.1
8,147
52.7
82.2
1,916
53.6
of Anthemia
Community
of Episkopi Source: National
Statistic
46
Service olGreece,
2006lauthor's
calculations).
Table 4 Community of Episkopi, agricultural production, in 2005
Total production (1,000 kg)
Share of total (%)
Peaches
13,000
76.9
Kiwi
Product
2,200
13.0
Apples
600
3.6
Pears
550
3.2
Plums
200
1.2
Apricots
180
1.1
Cherries Total
170
1.0
16,900
100.0 Source: Community
of Episkopi, 2006.
The cooperative is an enterprise operating under democratic management. In order to obtain these goals the cooperative can exercise any legal activity concerning the production and commercialization of agricultural products. For these objectives the cooperative can create agencies in the national or international area, and it can develop and commercialize agricultural products. It can ask for bank loans. The cooperative offers any technical aid to its members, and undertakes works for the improvement of the agricultural infrastructure within the area of Episkopi. The cooperative undertakes every necessary measure for the protection of the agricultural products of its members. It can create activities related to rural social and cultural tourism. The cooperative can undertake any action in order to improve the social and cultural conditions of its members. The Agricultural Cooperative A.S.O.P.EPISKOPIS has a strong involvement in the agricultural production of the area of Episkopi. 65% of the farmers of this region deliver their agricultural production to this cooperative, (A.S.O.P. EPISKOPIS, 2006). The cooperative operates on multiple levels regarding the production 47
and commercialization that reflects directly on its members. A major intervention was undertaken for the restructuring of agricultural production during the period 1996-1997 with the substitution of part of peach cultivation by kiwi culture. In the 1990s the commercialization and absorption by the market was problematic for a big part of peach varieties. Therefore the cooperative searched for new agricultural products that could replace part of the peach cultivation. Kiwi production seemed to offer better opportunities. As a consequence kiwi was chosen to replace peach cultivation. The results of this policy appeared in the production of 2005, where kiwi's production amounted to 13.0% of the agricultural production in the district of Episkopi (see Table 4).
The commercialization of production follows a specific process. The cooperative's members declare the cultivated area, the anticipated production and the quantity that has been collected already. The cooperative accepts only products that have received a quality control exerted by a cooperative's committee. The cooperative has criteria of quality, size, packing, presentation and marking that are related to the destination market. Therefore, part of the agricultural production that does not have the demanded quality is not commercialized by the cooperative. In accordance with the quality policy, the cooperative offers any help to its members to improve the quality of their products. The accepted products are allocated by variety, size and quality. Prices are determined by the market; expenses made by the cooperative are extracted from the final price to be paid for the products brought by the farmers, members of the cooperative. It appears therefore that the cooperative has a policy of quality control, on severallevels, but the prices of products are mainly determined by the market.
Organization and financial evaluation of A.S.O.P. EPISKOPIS A.S.O.P. EPISKOPIS follows the organization generally accepted within Greek cooperatives of analogous size. It is a simple organization structure characterized by the clear separation 48
of responsibilities and specializations. It has a central control of activities that could facilitate necessary improvements and changes. The organization facilitates direct communication with lower levels of the organization. Its philosophy is based on the professional management of the cooperative and the participation of members in the decision-making process The organizational chart depicts the process of collection, elaboration, maintenance and sale of the fruits and vegetables (see Figure 1). During the examined period 2000-2006 the cooperative proceeded to important investments in two periods. These investments were placed in two different programs, both publicly Figure 1 Organization chart of ACO "A.S.O.P. Episkopis"
Direction of Administrative and Economic
Services
Department of Receipt of Fruits and Vegetables
Direction of Receipt and Storage
Department of Selection, Elaboration and Maintenance
49
Direction of Sales
Department of Expedition
financed. The first investment began in 1999 and completed in autumn 2001. The second investment began in 2004 and continued unti12008, while part of it was completed in 2005. The first investment was placed under the Operational Program of Industry and particularly the program for the "Support for the Modernization and Improvement of the International Competitiveness of Commercial SMEs." This program was supported financially by the Greek state and the European Union (General Secretariat of Industry, 1994). The financial aid to the investor was up to 40% of the proposed budget. The aim of this particular program was the support of small- and medium-sized enterprises in the commercial sector for their modernization in order to become competitive on the international scene. The support was oriented towards modern production technologies, the creation of infrastructures, buildings and transport facilities. The cooperative proceeded to incur investments of 293,470 euros. These investments were related to new buildings, maintenance equipment, software, installation of quality systems, and new trucks. Investments were financed by public financial support for 40%; the remaining 60% of the budget was partly self-financed by the cooperative and partly financed through bank loans (granted by the Agricultural Bank of Greece). The second investment was related to the pre-recognition of the A.S.O.P. EPISKOPIS as a producer organization. The European Union has a policy on the creation of producer organizations, which can be agricultural cooperatives as well, and supports financially investments proposed by these organizations. Within this policy, the European Union finances operational programs proposed by fruit and vegetable producers. The aim of this support is to help fruit and vegetable growers in adapting to the changing market situation (Official Journal of the European Union, 2006). More specifically, the improvement of product quality, the reduction of production cost and the improvement of environmental practices are major targets of the EU-funded programs. Member States are responsible for approving operational programs and processing the payments. The content of an operational program may include the following elements: purchase of sorting and packing machinery, 50
employment of quality control staff and marketing staff, investments in irrigation facilities and greenhouses, subsidies to growers for replanting fruit trees, and the cost of natural and disease control approaches (Official Journal of the European Union, 2006).
The Greek government distinguishes pre-recognized from recognized producer organizations. In the first case the financial support is up to 70% of the proposed budget. In the case of agricultural producers in Imathia, a pre-recognized organization can be transformed into a recognized organization if it has at least 300 members and turnover of 3 million euros. A.S.O.P. EPISKOPIS submitted an operational program as a pre-recognized producer organization. In the first three years of the program, investments reached the total amount of 254,410 euros, publicly financed for 70% of expenses related to the purchase of equipment, track, software and a warehouse. Investments permitted the improvement of competitiveness, the creation of a brand-name, the application of quality control systems, increased production and maintenance capacity that offer greater possibilities for sales. Additionally, employment has been affected positively especially regarding part-time employees. Employment increase is due to the growth of production, especially of the production period of the cooperative that is now seven months per year instead of three months prior to the two investments. That has been possible because of the increase of maintenance and production capacity towards a larger variety of agricultural products with different periods of harvest. Agricultural production is largely influenced by weather conditions such as a sudden frost during the flowering period. That was the case in Imathia in 2003. The production that year of peaches was only 65,000 tons against the average of 331,500 tons in the period 2000-2005 (Prefecture of Imathia, 2007). Results regarding the cooperative's activity may be examined by the evolution of the balance sheet as well as by a comparative examination of financial ratios between the cooperative under review and a consolidated balance sheet of 250 agricultural companies in Greece. 51
In the period 2000-2005, assets of the cooperative went up 78%, influenced particularly by working assets that went up 180%, while liabilities were influenced by the equity that went up 79% and loans that went up 84%. The exceptionally low production of peaches in 2003 influenced particularly working assets; on liabilities, loans went up exceptionally in order to cover financial needs of the cooperative. Results were particularly influenced by the fall of peach production in 2003 (see Table 5). That year, turnover was at its lowest level; it had a negative effect on gross profit and provoked
Table 5 Selected elements of the balance sheet and results of A.S.O.P. EPISKOPIS (in euros) 2000
2001
2002
2003
2004
718,883
752,026
700,727
920,457
940,657
917,820
375,775
388,825
653,219
551,310
688,223
1,048,672
169,479
169,479
252,384
195,158
227,439
328,687
2005
Assets Net Fixed assets
(I)
Working assets Liabilities Cooperative capital Owner's Equity
897,807
971,657
1,170,863
1,082,507
1,404,832
1,604,119
Loans . Short-term loans
196,065
168,408
183,117
393,176
223,263
361,587
122,867
89,995
88,213
208,995
101,708
257,686
. Long-term loans
73,198
78,413
94,904
184,182
121,555
103,719
Total Assets - Liabilities
1,094,658
1,]40,851
1,353,980
1,476,470
],628,881
1,966,493
2,197,918 3,605,369
3,044,692
1,863,079 2,676,889
3,12],874
Results Turnover Gross profit
(2)
Interest charges Net profit before taxes
136,738
2]8,962
218,279
28,487
30,670
26,653
19,026
9,742
-95,598
3,767
1,686
278,876
336,913
262,680
40,742
34,058
379
2,962
Source: Ba/once Sheets and Income Statements
of the A.S.O.P. EPISKOPIS,
(1) After deduction of depreciations. (2) Turnover less cost of sa/es.
52
(A.S.O.P. EPISKOPIS
2006),
loses for the cooperative that year. The fall in interest rates during the examined period provoked a fall in interest charges in this period, without considering the year 2003. The cooperative's financial ratios, related to capital structure, profitability and operating leverage, are presented in Table 6. They have been examined in comparison with financial ratios of the consolidated balance sheet and results of 250 Greek agricultural companies offered by ICAP (2007). This financial analysis permits positioning the cooperative A.S.O.P. EPISKOPIS in comparison with a national average of companies of the same economic sector. Capital structure is examined through three financial ratios which are Loans on Assets that express the Borrowing Capacity, Net Fixed Assets on Total Assets and Equity on Assets that expresses Capital Adequacy. Operating leverage is examined by the ratio Turnover on Net Fixed Assets (See Saunders, 1997, on capital adequacy and Stafilidi, 2000, on operating leverage). Profitability is examined through three ratios: Return on Equity, Return on Turnover and Gross Profit on Turnover. The capital structure of the cooperative shows an excellent borrowing capacity in comparison with the average of Greek agricultural companies, (see Table 6). Capital adequacy presents significantly better results as well. This may be the result of good management, the public financial support on investments, the growth of the cooperative's capital and the necessity to restrain banking debts. Operating leverage is significantly higher for the cooperative, which has a higher use of its fixed assets for the company's activities in comparison with the average of Greek agricultural companies. Without 2003, profitability ratios show a better position of the cooperative in comparison with the average of the national sample, especially because Greek agricultural companies present loses instead of profits, (see Table 6). This may be the consequence of debt charges and the operating expenses policy. Contrary to the national average, the cooperative A.S.O.P. EPISKOPIS has a very prudent policy on borrowing. The findings enable classifying this cooperative as a low-risk company, rated by Greek banks (A.S.O.P. EPISKOPIS, 2007), 53
and at the same time a competitive and profit-making company according to the Panagiotopoulos (1998) classification.
Conclusion Agricultural cooperatives have an important role in Greek agriculture and Greek rural society due to their involvement in the local economy and society. They have spread throughout Greece since the beginning of the 20th century. They are organized in a pyramid structure. At the base of this pyramid are local cooperatives. The role of these cooperatives is enhanced
Table 6 Financial ratios of A.S.O.P. EPISKOPIS and consolidated balance sheets and results of 250 Greek agriculture companies Cooperative A.S.O.P. EPISKOPIS 2000 (%) (I) Borrowing capacity 17.9
2001
2002
2003
2004
250 companies 2005
2004
2005
Capital structure
14.8
13.5
26.6
13.7
18.4
218.0
192.0
65.7
65.9
51.8
62.3
57.7
46.7
38.6
42.4
82.0
85.2
86.5
73.3
86.2
81.6
n.a.
65.5
3.1
4.8
4.3
2.0
2.8
3.4
n.a.
1.5
Profitability and return (%) (3) 0.0
0.3
0.8
-8.8
0.3
0.1
-10.1
-1.6
Fixed to total assets (2) Capital adequacy Operating leverage Turnover on net fixed assets
Return on equity Return (4) on turnover
0.0
0.1
0.3
-5.1
0.1
0.1
-5.2
-1.0
Gross profit on turnover (%)
12.7
9.3
8.6
7.3
8.2
7.0
6.9
11.2
Source: Table 5 (elaboration (I) (2) (3) (4)
loans/assets. equity/assets.
net profit before taxes/equity. net profit before taxes/turnover. n.a.: not available.
54
of data by the author) and lCAP, (2007).
if the local economy is based on agricultural production. This is the case of the cooperative under review, one of the oldest in Greece, the agricultural cooperative A.S.O.P. EPISKOPIS. Its role has been influential since 65% of the local farmers commercialize their production through the cooperative. Its role has been decisive for the restructuring of the local agricultural production since it encouraged local farmers to replace part of their peach cultivation with that of kiwi. The cooperative followed a policy of modernization resulting in important investments, part of them public-financed. On the contrary, the cooperative avoided important banking debts, preferring the growth of the cooperative's capital. Thus the cooperative presents a low-risk company with better quality of financial ratios in comparison with a sample of 250 Greek agricultural companies. The cooperative's investments permitted greater flexibility in production and maintenance even if weather conditions can influence a cooperative's activity. The cooperative's orientation is part of a new philosophy about cooperatives, expressed by the idea of the cooperative entrepreneur (Patronis, 2002). Additionally, A.S.o.P. EPISKOPIS has implemented an extensive policy of searching for new members beyond the local geographic area and even beyond the Prefecture of Imathia in order to respond to the criteria of producer organizations advanced by the European Union and the Greek state.
55
References A.S.O.P. Episkopis. 2006. Letter to the author. A.S.O.P. Episkopis. 2007. Interview of the Director. ATE. 2006. "ATE Bank History." http://www.atebank.gr/English/Bank/History. Eurostat Pocketbooks. 2007. Agriculture Statistics, Data 1995-2005. Eurostat. General Secretariat of Industry. 1994. "Operational Program of Industry" (unpublished document in Greek). Athens. Gortsos, G. 1998. The Greek Banking System. Athens: Hellenic Bank Association and Sakkoula. ICAP. 2007. Greek Financial Directory 2007. Athens. Jouhette, S., and F. Romans. 2005. "Statistics in Focus: Population and Social Conditions," Eurostat, 9. KIimis, A. 1991. "Some notes from the history of cooperatives in Greece." In Cooperatives and European Common Market, 107-119(in Greek). Athens: Institute for Cooperatives Research and Studies. Ministry of Agriculture of Greece. 2003. Decision of the Minister on the minimum criteria for the recognition and pre-recognition of Fruit and Vegetable Producers' Organizations (in Greek). Athens. National Statistical Service of Greece. 2006. Letter to the author. Official Gazette. 2000. Law 2810/9 of March on Agricultural Cooperative Organizations, 61:1253 (in Greek). Official Journal of the European Union. 2006. Growing Success? Special Report 812006, C 282/32: 33-53. Panagiotopoulos, F. 1998. "The problem of debt and the crisis in agricultural cooperative organizations." Sineteristiki Poria, 52:102-112, (in Greek). Panhellenic Confederation of Unions of Agricultural Cooperatives (PASEGES). 2006. Tables on agricultural cooperatives in Greece, members of PASEGES. http://www.paseges.gr. Patronis, V. 2002. "Greek Agricultural Cooperative Organization in Transition Period." Paper presented at the 131hEconomic History Congress, July 22-26, Buenos Aires. Prefecture of Imathia, Department of Agriculture. 2007. Letter to author. StafiIidi, M. 2000. Lexicon of Money, Business and Finance, 2nJEdition. Athens: Stafilidi. Saunders, A. 1997. Financial1nstitutions Management. New York: Irwin. Tragakis, G. 1980. Greek Banking Legislation and Practice. Athens: Nomiki BibIiothiki (in Greek). Tsiforos, J. 2005. "Prospects and challenges of agricultural cooperation in the Mediterranean." Paper presented at Legacoop International Congress, Cooperative Enterprise, Europe and the Mediterranean Regions, Rome, July 14-15.
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Pour une coopération agricole et territoriale Quelles innovations pour les agriculteurs en Cuma l'alliance des pratiques d'acteurs et des pratiques juridiques autorise-t-elle? Franck Thomas*
Un agriculteur français sur trois est membre d'une coopérative d'utilisation de matériel agricole (Cuma). Les Cuma jouent un rôle important dans l'amélioration des conditions de vie des agriculteurs, en réduisant les charges de mécanisation et l'organisation collective du travail, ainsi que dans la vitalité des territoires ruraux par le développement de services environnementaux et territoriaux qui peuvent dépasser leur cadre d'action habituel: compostage de déchets, entretien de l'espace, production d'énergie, emplois partagés... Or, ces initiatives impliquent très souvent une collaboration avec des partenaires locaux nouveaux (collectivités locales, artisans, particuliers...), ouvrant ainsi de nouveaux champs de réflexion sur l'accompagnement et la formalisation de tels partenariats. Il s'agit en effet de surmonter les obstacles statutaires et culturels qui limitent cette évolution vers une coopération territoriale pourtant encouragée par de récentes avancées législatives sur les groupements d'employeurs coopératifs ou les sociétés coopératives d'intérêt collectif.
* Coordinateur du pôle « Territoire, emploi, travail », Fédération nationale des Cuma (49, avenue de la Grande-Armée, 75116 Paris; www.cuma.coop). Mél. : franck.
[email protected].
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(I) es coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cu ma) sont des coopératives qui mutualisent les moyens, notamment en matériels, nécessaires aux exploitations agricoles d'un territoire. Les 12700 Cu ma réunissent en France 236000 agriculteurs, soit un agriculteur sur trois. Elles jouent un rôle important dans l'amélioration des conditions de vie des agriculteurs, par la réduction des charges de mécanisation et l'organisation collective du travail, et dans la vitalité des territoires ruraux par le développement de services environnementaux et territoriaux. Les Cuma restent des coopératives de proximité (en moyenne, 21 adhérents pour 36000 euros de chiffre d'affaires) administrées par des bénévoles. Deux mille d'entre elles salarient du personnel (chauffeur, mécanicien, secrétaire.. .). Elles demeurent une spécificité française que l'on ne retrouve pas sous la même forme dans les autres pays européens.
L
Les Cuma, soixante ans de développement agricole Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'agriculture française s'organise pour se redéployer. Une foule d'organisations se met en place (syndicats, mutuelles.. .). Le 12 octobre 1945, la loi sur les coopératives d'utilisation de matériels agricoles est promulguée. Le mois suivant, la Fédération nationale des Cu ma est créée. Les Cuma, avec l'appui des pouvoirs publics (accès facilité aux matériels du plan Marshall), sont un outil de réorganisation de l'économie agricole de l'après-guerre. Avec l'essor des nouvelles techniques (le tracteur se banalise), elles affirment la dimension pédagogique de leur démarche collective. Cependant, bon nombre de Cu ma se traduisent par des échecs: leur création avait en effet été plus motivée par l'opportunité d'acquérir un matériel que par
(1) Ce texte reprend les travaux de la Fédération nationale des Cuma développés dans le cadre du programme Soqle, soutenu par le Fonds social européen-Equal et les fonds du développement agricole gérés par le ministère de l'Agriculture. Il témoigne des réflexions en cours dans un réseau de développement comme les Cuma, sans prétendre à la communication scientifique. Ce programme a été conduit en partenariat avec la Fédération des parcs naturels régionaux de France et la Confédération générale des sociétés coopératives de production.
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la volonté de coopérer entre agriculteurs. Une perte de crédit et de confiance est perceptible dès le début des années 50. L'Union nationaledes Cuma - sorte de groupement d'achat de matériel, de produits pétroliers et de charbon - sera même dissoute. A partir du milieu des années 50, les Cuma vont se réorganiser lentement: responsabilisation des adhérents, formation à la gestion et au suivi des matériels. .. Elles constituent, en outre, un terrain d'engagement pour les militants de la Jac, la Jeunesse agricole catholique. Des conseillers en machinisme, des animateurs et des comptables sont recrutés dans les départements pour accompagner les groupes. La loi d'orientation agricole de 1962 donne à l'agriculture les moyens de sa modernisation. La productivité agricole s'envole. Les Cuma contribuent, avec les autres groupes de développement (2\ à l'essor des nouvelles pratiques agricoles (moisson, ensilage, manutention, travail du sol). La crise de 1973 renforcera les Cuma dans leur vocation à réduire les charges de mécanisation. Au début des années 80, le réseau Cuma communique. Il lance son premier journal mensuel, Entraid'Ouest, qui sera suivi par trois autres éditions. Il organise également ses premiers salons agricoles (le Salon des fourrages, en juin 1980 à Châteaubriant, en LoireAtlantique). La gestion des Cuma s'informatise et s'uniformise. L'agrégation des données sur la mécanisation recueillies auprès des agriculteurs présente des statistiques issues des utilisateurs et riches d'enseignements (édition de guides « prix de revient »). L'arrivée en 1981 d'un gouvernement de gauche relance la dynamique Cuma. En effet, Edith Cresson, alors ministre de l'Agriculture, encourage les démarches de groupe par des prêts bonifiés aux Cuma pour l'acquisition de matériels. Elle instaure également la présence de représentants des Cuma dans les instances agricoles (commissions mixtes et chambres d'agriculture). Le réseau gagne en reconnaissance. Cependant, alors que de nouvelles activités se développent (drainage, irrigation, diversification des productions, gestion des (2) Centre d'études agricole (GVA).
des techniques
agricoles
59
(Ceta) et Groupement
de vulgarisation
espaces) et appellent des aménagements statutaires, les gouvernements successifs refusent toute évolution des règles juridiques qui bornent l'activité des Cuma. Dans les années 90 et 2000, la mécanisation raisonnée s'impose dans la démarche Cuma: meilleur service aux adhérents, utilisation collective de tracteurs, organisation du travail, conception de logiciels de diagnostic des charges de mécanisation. .. La protection de l'environnement s'immisce dans les préoccupations. L'action pédagogique des Cuma en est relancée (épandage des lisiers et fumiers respectueux de l'environnement, réglage des pulvérisateurs pour réduire les excès de pesticides). Les nouvelles problématiques rurales conduisent les agriculteurs en Cuma à réaliser des actions avec leurs voisins ruraux et à s'investir dans des projets de développement local: production collective de bois déchiqueté ou d'huile végétale pure, cocompostage de déchets verts... La question - jamais résolue - d'un modèle coopératif multipartenarial est de plus en plus posée. En 1997, le Salon des fourrages, organisé par les Cuma, changera même de nom pour devenir le Safir, Salon des fourrages et des initiatives rurales. Malgré une baisse continue du nombre d'agriculteurs, l'activité des Cu ma ne faiblit pas, même si des réorganisations s'imposent (fusion de Cuma, travail en inter-Cu ma.. .). Elles poursuivent, comme dans les années 60, leur mission de développement au travers notamment de l'organisation de journées de démonstration sur les techniques actuelles (récolte de l'herbe, techniques sans labour. . .). L'amélioration des conditions de vie et de travail devient une préoccupation importante des groupes, amenant les questions d'organisation au centre des débats. Dans certaines régions, des agriculteurs vont même jusqu'à partager l'intégralité de leur parc de matériels (dans des Cuma dites « intégrales »). Le nombre d'emplois partagés en Cu ma croît. La loi d'orientation agricole de 2006 introduit d'ailleurs dans le Code du travailla possibilité pour les Cu ma d'exercer une activité de groupement d'employeurs. La Cuma s'affirme comme un outil d'organisation collective du travail (matériel et main-d'œuvre, salariée ou non) par la mutualisation, en proximité, des besoins des agriculteurs. 60
Les Cuma, au service d'agriculteurs au service des territoires Dans un contexte agricole en mutation - diminution de la main-d'œuvre familiale et développement des services extérieurs, productions mondialisées et/ou territorialisées, moindre poids des agriculteurs dans la population rurale - les agriculteurs s'interrogent notamment sur l'évolution et la composition de leurs revenus ainsi que sur leurs conditions de travail. Le territoire, en tant qu'espace de besoins latents ou émergents, constitue l'une des réponses à ces mutations. Ainsi, les Cuma sont à l'origine de services territoriaux qui peuvent dépasser leur cadre d'action habituel: compostage de déchets, entretien de l'espace, production d'énergie, emplois partagés.. . . Près de 2000 Cuma possèdent des matériels d'entretien de l'espace (lamiers à scies, nacelles, débroussailleuses. ..). Parce qu'elles sont sur place, les Cuma sont régulièrement sollicitées pour déneiger les petites routes en hiver. Une centaine de Cuma, en France, utilisent une composteuse pour les effluents d'élevage des exploitations et, parmi elles, un tiers cocompostent avec le même matériel ces effluents avec les déchets verts collectés sur des plates-formes gérées par des collectivités locales. D'autres épandent pour leurs adhérents les boues de stations d'épuration de collectivités locales. . Aujourd'hui, de nombreuses Cuma sont équipées de déchiqueteuses qui fabriquent du bois énergie sous forme de plaquettes à partir des haies ou de taillis agricoles. Des agriculteurs en Cuma, enfin, initient de véritables actions structurantes pour l'économie du territoire, comme la production d'électricité avec des éoliennes, la transformation et la valorisation de produits fermiers ou la mise en place d'emplois partagés multisectoriels. Or, ces initiatives impliquent très souvent une collaboration avec des partenaires locaux nouveaux (collectivités locales, artisans, particuliers. ..), ouvrant ainsi de nouveaux champs d'activité
. . . .
61
pour les Cu ma et posant inévitablement la question sur la place que doivent prendre les Cuma dans ces initiatives. Ainsi, est-ce encore du rôle des Cuma que de composter des déchets, vendre du bois déchiqueté ou entretenir les haies du village? Selon l'opinion que l'on se fait du rôle des Cuma, certains répondront: «Evidemment oui, c'est l'avenir, il faut tisser des liens entre agriculteurs et ruraux », quand d'autres répliqueront: «Evidemment non, les Cuma n'ont pas à sortir de leur rôle, qui est de partager du matériel» ! Mais de quelle Cuma parle-t-on? Est-ce de la Cuma comprise comme une société aux règles de fonctionnement édictées par le droit? Ou est-ce de la Cuma comprise comme un groupe d'hommes et de femmes qui travaillent quotidiennement ensemble? Ces deux Cuma n'en font qu'une, existent réellement, et les opposer fige inutilement le débat. Aussi, ausculter la Cuma sous ses deux facettes permet d'apporter une réponse plus nuancée à la question posée: elle est à la fois un outil juridique caractérisé par des règles de droit et un groupe de personnes dotées d'ambitions et de projets communs.
La Cuma comme outil juridique La question de l'objet D'un point de vue juridique, l'objet d'une société définit les activités qu'elle est autorisée à développer. Il est cadré par la loi, précisé et inscrit dans les statuts. S'il advenait qu'une société exerce une activité importante qui n'entre pas dans son objet statutaire, elle se mettrait de facto hors la loi. Aussi, dans la plupart des projets de développement local où s'impliquent des Cuma, la question de savoir si l'activité mise en œuvre relève bien de l'objet des Cuma est légitimement posée. L'article 3 des statuts types définit l'objet d'une Cuma de la manière suivante: «La société a pour objet de fournir à ses seuls associés coopérateurs et pour l'usage exclusif de leurs exploitations, les services ci-après énumérés, nécessaires à ces exploitations: « r Mise à disposition de matériels, de machines et d'équipements agricoles et forestiers et de travaux d'aménagement rural. 62
« 20 Mise à disposition d'immeubles, d'ateliers et d'équipement destinés à la remise, à l'entretien et à la réparation de matériels [...]. « ]0 Mise à disposition de personnel spécialisé et de tous moyens propres à assurer le développement des exploitations associées [...]. » Au regard de cette définition statutaire (et particulièrement du troisième alinéa, « tous moyens propres à assurer le développement des exploitations »), le champ d'activité des Cu ma est large et se situe dans le prolongement des exploitations agricoles. Ce qu'un agriculteur est amené à faire à titre individuel, la Cu ma doit pouvoir l'aider à le faire dans les meilleures conditions grâce à une démarche de mutualisation de moyens. Certes, certains enferment l'objet des Cuma dans « la mise à disposition de matériels qui concourt à la réalisation d'opérations comprises dans le cycle annuel de la production agricole ». Cette interprétation s'éloigne de l'esprit des statuts Cu ma et tourne le dos aux mutations que connaissent les agriculteurs et les territoires ruraux. Ainsi, l'objet même des Cu ma se renouvelle corollairement à l'évolution de l'activité agricole, elle-même imbriquée dans celle de l'aménagement et du développement rural. Les initiatives de développement local entrent bien dans l'objet des Cuma, pour peu qu'elles s'inscrivent dans une démarche de mutualisation de moyens au profit des agriculteurs adhérents de la Cuma. La question du sociétariat L'activité de la Cuma est par principe réservée aux adhérents, et peuvent uniquement adhérer à la Cuma les agriculteurs ou les forestiers, ou ceux qui sont considérés comme tels (les coopératives agricoles, les collectivités locales pour leur domaine privé agricole, les lycées agricoles, etc.). Par ailleurs, si la Cuma le décide, elle peut réaliser une partie de son chiffre d'affaires (20 % maximum) avec des non-adhérents (autres agriculteurs, communes, entreprises, particuliers...) en respectant la procédure dite de dérogation à l'exclusivisme (comptabilité séparée, fiscalisation des activités.. .). Compte tenu des 63
évolutions des territoires ruraux et des relations croissantes entre agriculteurs et ruraux, cette procédure légale tend évidemment à se développer. Néanmoins, elle reste une procédure d'exception qui ne correspond pas aux projets à haut niveau de partenariat et qui s'éloigne des valeurs coopératives. Pour cette raison, le mouvement Cuma demande, depuis des années, une évolution de ses statuts pour permettre aux agriculteurs de coopérer et de mutualiser des moyens avec des acteurs ruraux, notamment les collectivités locales. En 1920, le législateur a su créer le statut des sociétés d'intérêt collectif (3) agricole (Sica) et plus particulièrement celui des Sica d'électricité pour que les communes puissent concéder aux agriculteurs le droit de partager avec leurs voisins (non agriculteurs) l'électrification des campagnes: une telle initiative serait-elle encore possible? Aujourd'hui, des projets de Cuma dépassent les simples logiques de mutualisation agricole et s'ouvrent sur des relations avec ceux qui ne sont ni agriculteurs ni forestiers: le cadre juridique devient alors contraignant pour le groupe, trop étriqué pour supporter l'organisation des relations entre partenaires. Les limites de la Cu ma comme outil juridique sont atteintes. En revanche, comme groupe de personnes porteur d'une motivation pour agir ensemble, la Cuma garde toute sa valeur: l'affectio societatis reste plus que . . . JamaiS VIvace.
(3) Au début du xx' siècle, la loi de juin 1906 organise la distribution de l'électricité, notamment en confiant aux communes le choix du concessionnaire. La construction des réseaux de transport et de distribution obéit à une logique de rentabilité, les zones rurales à faible densité de population n'intéressent pas les investisseurs privés. De plus, les potentiels de consommation sont faibles. Devant cette carence, les agriculteurs se constituent en coopératives d'électricité. Mais juridiquement une coopérative agricole ne peut avoir pour client qu'un adhérent, agriculteur qui plus est: conditions incompatibles avec le régime des concessions, qui exige que le distributeur d'électricité desserve, le long de son réseau, tout futur abonné qui en fait la demande. La loi du 5 juin 1920 sur le crédit mutuel et la coopération agricole apporte la solution avec la création des sociétés d'intérêt collectif agricole (Sica), qui peuvent recevoir comme membres des non-agriculteurs et effectuer des opérations avec des clients non sociétaires. En quelques années, plusieurs dizaines de Sicae se constituent. Aujourd'hui, les Sicae, coopératives agricoles, desservent plus de 1000 communes, dans 17 départements et 10 régions. Voir le site de la Fédération des Sicae, membre de Coop de France: www.fnsicae.asso.fr.
64
La Cuma comme groupe de personnes Affectio societatis Affectio societatis est une locution latine utilisée par les juristes pour désigner l'élément intentionnel indispensable à la formation du lien unissant les personnes qui ont décidé de participer au capital d'une société. L'existence de l'affectio societatis permet de distinguer ce qui relève de la société de capitaux, des syndicats, de certains groupements, de l'association. .. Dans les projets de développement local initiés par les Cuma, l'intention des acteurs de participer à une organisation commune est réelle: l'affectio societatis, s'il demeure implicite, existe bel et bien. Rien ne peut (ni ne doit) délégitimer cette dynamique collective utile au développement économique local, pas même un carcan juridique. En revanche, force est de constater qu'il ne s'agit pas du même affectio societatis que celui qui a prévalu à la création de la Cuma (où seuls les agriculteurs étaient généralement concernés). Cet affectio societatis s'est enrichi pour se déplacer et modifier les attentes vis-à-vis de la structure juridique porteuse. Pour ces raisons, et dans l'attente d'évolutions significatives du cadre juridique Cuma (comme celle sur l'emploi partagé en groupement d'employeurs coopératif, voir plus loin «La Scie, une nouvelle façon de coopérer en partenariat »), les agriculteurs en Cuma recherchent d'autres formes sociétaires, plus à même
de correspondre aux attentes du partenariat. « On veut faire du bois déchiqueté, est-ce qu'on fait un GIE? »; « La Cuma veut composter les déchets verts, est-ce qu'on se transforme en Scic ? »: dans le questionnement des agriculteurs rencontrés, l'activité semble commander la structuration juridique. Or, pour trouver la structuration juridique adaptée à un projet, il faut en revenir aux finalités du projet pour préciser justement cet affectio societatis et la façon dont il s'exprime aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle il convient, avant toute chose, de cerner les intentions que les partenaires mettent dans le projet; la structure juridique découlera de ces intentions. Pour ce faire, la Fédération nationale des Cuma utilise la méthode suivante, résumée ici en cinq étapes. 65
Dessiner les relations entre partenaires pour (re)préciser l'affectio societatis Dans les opérations développées par les agriculteurs en Cuma, il existe en général une succession chronologique d'opérations qui structure l'activité. Dans un premier temps, il convient de: Étape l, lister cette succession d'opérations élémentaires et les
.
reporter sur la première ligne d'un tableau à double entrée. Étape 2, lister l'ensemble des acteurs qui interviendront dans
.
l'activité et les reporter dans la première colonne du tableau à double entrée.
.
Étape 3, déterminer « qui fait quoi» dans le projet en cochant,
pour chaque opération, qui intervient, puis relier les points et organiser le tableau pour le rendre facilement lisible. Apparaît alors l'organisation d'un processus de production. Sur un chantier de production de plaquettes de bois, on obtient un schéma de ce type:
Préparation> déchiquetage> transport> stockage> transport> chaufferie
Cuma Agriculteurs
Scie Prestataire extérieur Entreprise. association
Etape 3
Particulier Commune ou communauté de communes
. Étape 4: en reprenant la liste des acteurs sur un nouveau tableau, cette étape consiste à repérer tous les traits verticaux qui correspondent, de fait, à une relation juridique entre deux acteurs. En reportant l'ensemble de ces traits sous forme de maillons dans un nouveau tableau, apparaît alors le maillage partenarial du processus de production.
66
.Étape 5: chaque maillon correspond à un cadre juridique précis (adhésion à la structure collective, prestation de services avec une entreprise ou une association, passation d'un marché public avec la collectivité locale, etc.). Ainsi, maillon par maillon, ce graphique permet de s'interroger sur la nature du lien entre les deux acteurs et sur le corps de règle juridique qui s'applique (prestation de service, salariat, adhésion.. .).
riculleur_. c\asslq11< . a scic j\dhés,OO la Scic "l'ag . lieur a 1 de roilure l'agrlCU uelle de ~al def°u j\c" e'veol ,\dhésioO
Cuma Agriculleurs Scie Prestalaire exlérieur Entreprise, association Particulier
Commune ou communauté de communes
Etape 5 veole
particulier
c=J
llouau . lIecllvl'lé dela
Scic "la c~ oluelle 'oeve j\dhéslO
Cette approche cartésienne, si elle comporte de sérieux atouts pour réduire la complexité, présente aussi l'inconvénient de minimiser, voire d'évincer des approches qui refléteraient plus fidèlement les logiques systémiques et/ou transversales. Néanmoins, pour organiser des processus de production multipartenariaux plutôt linéaires (comme le sont souvent les projets de Cuma sur la production d'énergies renouvelables, la gestion de l'environnement ou le traitement de déchets verts), cette approche conserve son caractère opérationnel. Employée auprès de différents groupes d'agriculteurs, elle permet de: . clarifier - grâce à une représentation graphique - le jeu des
acteurs en dénombrant de façon exhaustive toutes les relations élémentaires entre acteurs du partenariat;
.
prendre conscience de la multiplicité des modalités d'organi-
sation juridique en fonction non de l'activité, mais des conditions de mise en œuvre de l'activité et des relations entre les partenaires que les porteurs de projet souhaitent instituer. 67
Ainsi, cette approche permet de sortir de la recherche d'une solution juridique « magique» pour travailler sur l'organisation du maillage partenarial. La question n'est donc plus de savoir quelle activité la Cuma peut ou doit pouvoir faire, mais avec qui et comment la Cuma souhaite travailler. Le débat passe de « comment cocomposter du déchet vert, comment le facturer. .. » à « qui pilotera l'activité de cocompostage de déchets verts, qui en tirera profit, qui est client, qui est partenaire, qui est associé. .. »: moins techniques, ces questions renvoient à la clarification des finalités du projet développé. Une activité, quatre finalités, mille organisations possibles Dans le cadre du projet Soqle (4\de nombreuses initiatives ont porté sur la mise en place de microfilières de commercialisation de plaquettes de bois énergie. À partir de la méthode présentée précédemment, une clarification des finalités du projet permet d'orienter le porteur de projet vers telle ou telle organisation juridique, notamment coopérative. Nous avons rangé ces projets de Cuma rencontrés selon deux axes: Un axe horizontal caractérise l'ouverture partenariale du projet, allant d'une logique monosectorielle agricole à une logique multisectorielle. Il ne s'agit pas tant de savoir quelle sera la diversité des clients du service, mais de déterminer à qui revient le pouvoir de décision dans le projet (est-il exclusivement agricole ou est-il partagé avec des collectivités locales, des artisans, des associations, etc.). Plus les actions seront ouvertes sur des partenaires, plus le recours aux structures juridiques agricoles « classiques» sera limité. Un axe vertical renseigne sur la finalité individuelle ou collective du projet, allant d'une logique de recherche de plusvalues individuelles à une recherche de plus-value collective.
.
.
(4) Conduit
conjointement
par la FNCuma,
la Fédération
des parcs naturels
régio-
naux de France et la Confédération générale des sociétés coopératives de production, le programme Equal Soqle a développé entre 2002 et 2006 des actions territoriales et coopératives dans les espaces ruraux. Voir www.france.cuma.fr/dossiers/ territoires/soqle.
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Il s'agit ici de cerner notamment ce qui déterminera l'utilisation du résultat économique: soit le résultat a vocation à être réparti entre ceux qui ont investi dans la structure (logique de retour sur investissement et de plus-values individuelles), soit le résultat est réinjecté dans le projet économique collectif pour valoriser et développer l'activité de l'entreprise (logique de plus-value collective). En outre, le pouvoir de décision est-il proportionnel au capital détenu (plus-values individuelles) ou est-il démocratique (une personne égale une voix, plus-value collective) ? Ainsi, nous pouvons répartir les projets selon quatre grandes orientations. Logique de plus-values individuelles I
I
(0
0) Partenariat multisectoriel
Partenariat monosectoriel agricole
(0 Logique
0) de plus-value
collective
Cela permet de définir quatre logiques dominantes, non exclusives, qui se combinent: 1. le bois énergie comme activité de diversification des revenus des agriculteurs; 2. le bois énergie comme nouvelle activité commerciale (parmi d'autres) ; 3. le bois énergie comme nouveau projet collectif et coopératif agricole; 4. le bois énergie comme projet de développement du territoire. Chaque structure juridique possède ses propres règles qui correspondront plus ou moins aux logiques dominantes du projet.
69
Ainsi, le choix se fera en général autour des questions clefs suivantes: Qui décide (agriculteurs ou non-agriculteurs) ? Selon quelles modalités (répartition des droits de vote selon le capital investi ou une personne égale une voix) ? Quelle utilisation sera faite des bénéfices? Quel sera l'objet de la structure juridique (qui fait quoi)? Ainsi, selon ces logiques dominantes qui animent le projet, différentes formes juridiques peuvent être proposées. Si l'on applique le corpus juridique français au schéma précédent, on aboutit au schéma empirique suivant:
.
. ..
Logique de plus-values individuelles I
I
Partenariat monosectoriel agricole
Partenariat multisectoriel
Logique
de plus-value
La question de l'innovation
collective
coopérative
agricole
Dans le réseau Cuma, sur le bois énergie, on trouve des agriculteurs qui recréent des organisations juridiques dans les espaces n° 1 (Nièvre, Ille-et-Vilaine), n° 2 (Ariège, Dordogne) et n° 4 (Orne, Manche, Mayenne.. .)... mais pas dans l'espace n° 3, « nouveau projet collectif et coopératif agricole» : les agriculteurs en Cuma ne semblent pas remobiliser le corpus juridique coopératif pour réinventer des coopératives de proximité. 70
Réexploiter les statuts coopératifs agricoles Pourtant, l'analyse montre qu'une coopérative de collecte-vente de plaquettes de bois serait - dans certains cas - aussi pertinente qu'un groupement d'intérêt économique (notamment en termes de gestion des responsabilités individuelles et collectives). De la même façon, exploité pleinement - et sans doute allégé de
quelques-unesde ses lourdeurs -, le statut des société d'intérêt collectif agricole (Sica) permettrait d'organiser des activités qui certes conservent une prépondérance agricole, mais qui peuvent s'exercer avec des partenaires locaux. De plus, tous ces statuts, présents depuis des décennies dans le corpus juridique agricole, présentent l'avantage de pouvoir facilement s'articuler à la Cuma (l'adhésion d'une coopérative agricole à une Cuma est toujours possible), ce qui est loin d'être le cas d'autres organisations. Dans un souci de simplification, l'imagination juridique conduit même à penser à des coopératives agricoles polyvalentes de proximité qui géreraient dans une seule et même structure différentes branches d'activité. Une seule coopérative pourrait ainsi avoir une branche « coop. collecte-vente» pour commercialiser des plaquettes de bois, par exemple, et une branche « Cuma » pour partager des matériels entre agriculteurs. La redécouverte des statuts coopératifs agricoles et de leurs articulations les uns aux autres révèle ainsi des potentialités d'évolution évidentes qui autoriseraient l'expression de projets agricoles territoriaux et coopératifs. Mais, avant toute considération technique, la question posée par ce constat renvoie à celle de la capacité à penser (puis à accompagner) le statut coopératif agricole, non comme un héritage contraignant, mais comme un statut dynamique, débarrassé des visions parfois cloisonnées de son utilisation, porteur de sens et de valeurs pour les agriculteurs qui l'utilisent au quotidien. Le nouveau Haut Conseil de la coopération agricole, mis en place début 2007, a vocation à être « le garant du respect des textes, règles et principes dans ses objectifs puisqu'« il étudie développement du
de la coopération agricole ». Il devrait intégrer cette question de l'innovation coopérative, et propose des orientations stratégiques de secteur coopératif, [...] veille à son adaptation 71
permanente, selon des critères qui concilient l'efficacité économique, les exigences spécifiques du statut coopératif et le développement territorial. [...] Il exerce un rôle permanent d'étude et de proposition dans les domaines juridique et fiscal (5). » De plus, les groupes d'agriculteurs qui s'emparent aujourd'hui des dernières évolutions juridiques de la coopération témoignent - s'il le fallait - de la modernité de ces modèles économiques coopératifs: de ce point de vue, la création de la société coopérative d'intérêt collectif en 2002 ou celle du groupement d'employeurs coopératif en 2006 illustrent comment des évolutions juridiques partagées avec l'ensemble des familles coopératives, agricoles ou
non, pourraient participer - à moyen terme - au renouvellement de pratiques coopératives en milieu rural. Partager l'innovation entre familles coopératives La Scic, une nouvelle façon de coopérer en partenariat(6) La Scie est un statut innovant d'entreprise, qui permet d'associer salariés, associations, entreprises, agriculteurs, bénévoles et collectivités locales et qui semble particulièrement adapté pour le développement des services d'intérêt local en milieu rural. Cette innovation juridique est aussi source d'innovation dans la façon dont les agriculteurs en Cu ma pourraient coopérer, car passer d'une logique Cu ma à une logique Scic, c'est: . passer d'une logique de mutualisation de besoins des adhérents de la coopérative (marché fermé) à une logique de conquête d'un marché concurrentiel (marché ouvert) ; passer d'un ensemble homogène de sociétaires (dans la Cuma,
.
tout le monde est agriculteur) qui ont tous la même relation à la coopérative (utilisateurs du service) à un ensemble de sociétaires diversifiés (multisociétariat) qui entretiennent des intérêts différents avec la coopérative (salarié, usager, bénévole. . .) ; . passer d'un projet fondé sur l'intérêt collectif des sociétaires à un projet fondé sur l'intérêt collectif d'utilité sociale, c'est-à-dire sur un intérêt qui doit dépasser celui des coopérateurs. (5) Loi na 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation (6) Pour aller plus loin sur ce sujet: www.scic.coop.
72
agricole,
article
58.
L'expérience des premières Scic présente des éléments intéressants pour le réseau Cuma afin de l'aider à: constituer des filières courtes coopératives permettant l'organisation de circuits économiques locaux gérés selon des modalités démocratiques (bois énergie, valorisation locale de viande. ..) ; . s'impliquer dans les projets de développement local grâce à un sociétariat élargi; qualifier l'utilité sociale des projets pour montrer que leur intérêt dépasse souvent celui des agriculteurs.
. .
Le groupement d'employeurs coopératif, une nouvelle façon de mutua/iser des emplois Le groupement d'employeurs coopératif est de la même façon (7) une nouvelle possibilité introduite dans le Code du travail par la loi en faveur des PME-PMI du 2 août 2005(8) et la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 (9).Le Code du travail stipule dorénavant qu'un groupement d'employeurs peut s'organiser sous forme coopérative (et non plus seulement associative), même dans une coopérative existante qui a déjà une activité. En agriculture, cette possibilité est réservée aux Cuma. Ainsi, il devient possible d'organiser une activité « groupement d'employeurs» au sein même d'une coopérative. Pour bénéficier de cette activité, les personnes physiques ou morales intéressées adhèrent à la coopérative et salarient ensemble, chacune pour 20, 30 ou 40 % de son temps, le salarié. Cette pratique ouvre de nouvelles perspectives pour mutualiser des besoins en main-d'œuvre des sociétaires de coopératives et construire de nouveaux schémas économiques entre adhérents et coopératives pour conforter et pérenniser l'emploi sur les territoires. Coopératives agricoles et coopératives de salariés: des pratiques à partager Au-delà des Scic et des groupements d'employeurs coopératifs, et sur la base des échanges que le programme Soqle a permis (7) Code du travail, article Ll27-1. (8) Loi n° 2005-882 du 2 août 2005, art. 20-1, art. 20-II, Journal officiel du 3 août 2005. (9) Loi n° 2006-11 du 5 janvier2006, art. 58-IV, Journal officiel du 6 janvier2006.
73
entre Cu ma et Scop, la liste des innovations qui permettent de questionner les pratiques coopératives agricoles pourrait être allongée: pour traiter, par exemple, de la façon particulière dont le
.
capital, et particulièrement le foncier, serait géré collectivement en coopérative (comme l'est, par exemple, le capital d'une entreprise en société coopérative de production, qui se transmet de salariés à salariés, de génération en génération, sans rupture) ;
. pour interroger la capacité à développer des entreprises internationales en maintenant les valeurs coopératives (une Scop comme Groupe Chèque-Déjeuner (10),de même que de nombreuses coopératives agricoles, se développe à l'échelle de marchés européens: comment maintenir une vie coopérative
. pour disposer
dans ce cadre ?) ;
d'outils comme le sont les coopératives d'activités et d'emploi (II),qui permettent à des porteurs de projet de tester une nouvelle activité en minimisant la prise de risque dans un cadre coopératif, etc. Les histoires, les pratiques et les législations des différentes familles coopératives ont souvent été pensées et vécues de façon indépendante, en particulier avec le secteur agricole. Les questions qui se présentent aujourd'hui aux Cuma en matière de développement territorial et les réponses qu'elles devront construire pour que leurs actions conservent la modernité qui a fait leur force supposent - plus que jamais - une ouverture à l'ensemble des familles coopératives. Cette ouverture permet de transformer les points communs oubliés en points d'appui pour innover.
(10) Voir www.groupe-cheque-dejeuner.com. (11) Voir www.scop.coop/cooperative-activites-emploi.htm.
74
Bibliographie Carnet Jean-Pierre et alii, 2005, Que sont les Cuma ? Ed. de l'Archipel, « L'information citoyenne ». FNCuma, 2007, Les Cuma en chiffres, PNCuma. Lefèvre Denis, 1996, À l'ombre des machines: les Cuma, cinquante ans de solidarités locales, éd. Entraid'. Lucas Véronique, 2006, « S'ingérer dans les questions foncières, les atouts des coopératives », Entraid', octobre. Pionneau Franck, 2006, « Agriculture et territoire: la Scie pour de nouvelles gouvernances coopératives », FNCuma, mémoire universitaire, septembre. Thomas Franck, 2006, Les Cuma, ces cousines de l'économie sociale, PNCuma, juillet.
75
The role of producer-owned cooperatives in the dairy supply chain: Evidence from Armenia Vardan E. Urutyan*
The dairy industry is the largest among the other agricultural industries in Armenia. According to the 2004 statistical yearbook of Armenia, there are around 566,000 heads of cattle including 291,000 cows in the country. Since 2000, the number of cows increased by 30,000 heads. The same statistics indicate that milk production has sharply increased as well. In 2004, milk production comprised approximately 555,000 tons, which is 103,000 tons more than that
of 2000. Since 2002, cheese exports from Armenia increased by 10 times. This fact is related to the development of the dairy industry and increasing competition among dairy chain actors. This paper aims at studying and revealing the role of the producer-owned milk marketing cooperatives in the recovery and growth of the overall dairy chain in Armenia. The study reviews and analyzes the outcomes of the Cooperative Development Program implemented by the Center for Agribusiness and Rural Development. The paper also identifies and discusses the forms of vertical integration occurring in the dairy sector of Armenia and concentrates on several important issues like the contractual mechanism between cooperatives and processors, trust and social capital among the cooperative members, problems and challenges milk producers face, the financial situation of dairy farmers, farm technology and innovation issues. The research was based on surveys and interviews. Official publications, internal documents, interim and final reports, coops'financial statements and other materials were also used in the study. Based on the findings, certain recommendations have been proposed. * Ph. D., Director, International Center for Agribusiness Research and Education Foundation. Lecturer/Researcher, Agribusiness Department, Armenian State Agrarian University. E-mail:
[email protected].
77
Armenia in transition Armenia is a landlocked and mountainous country covering an area of 29,800 km2. It is located in the South Caucasus bordering Turkey, Georgia, Iran and Azerbaijan. The population of Armenia is 3.22 million (as of April 1, 2005), with another 5 million Diaspora (NSS, 2005). An estimated 64% live in urban areas, of which over half is based in Yerevan. For the one-third of the population that lives in rural areas, agriculture is the main source of livelihood (World Bank, 2005). During the Soviet period, Armenia exported its outputs chiefly to the other "brother" republics, and in turn relied on them for key inputs. The severe earthquake in 1988, the collapse of the Soviet Union, and the war with Azerbaijan left Armenia in deep political, economic and social crises aggravated by overwhelming levels of bureaucracy, corruption and nepotism. The market-oriented reforms introduced in 1991-92 included the privatization of many productive resources and organizations. Armenia and Georgia were the first former Soviet republics to privatize agriculture effectively and swiftly during 1991-92: after independence, followed the legislation necessary for the privatization of land; around 70% of arable land and agricultural output came into the hands of individual peasant farms. In recent years, the share of agriculture in GDP comprised around 20-27%. During the last decade of the 20th century, Armenia thus transformed from an industrialized state to one that is to a significant degree agrarian (Lerman and Bezemer, 2003). The egalitarian land privatization led to very small-sized family farms (l.4 ha on average, of which only 1.1 ha arable). The small farm size is not conducive to the application and use of new innovative technology, which itself hinders the development of the sector. Like in many transitional countries of Europe and Central Asia (ECA), a major problem in Armenia during the transition period was the breakdown of the relationships of farms with input suppliers and output markets. The result is that many farms and rural households face serious limitations in 78
accessing essential inputs (feed, fertilizer, seeds, chemicals, etc.) and selling their output (Swinnen, 2005). Widespread forms of contracting problems like long payment delays or non-payments for delivered products (Swinnen, 2005) were apparent in Armenia during the transition. Restructuring and privatization in Armenia has led to the separation of many previously horizontally and vertically integrated enterprises together with the emergence of new types of businesses (White and Gorton, 2004). This itself led to a situation of widespread financial distress, high discount rates, and a lack of contractual enforcement (Gow & Swinnen, 2001). In general, the model of agricultural transition in Armenia is similar to that of other transition countries in the region (Cocks, 2003). To a large extent, private solutions that successfully overcame the transition problems in ECA have not occurred in Armenia. White and Gorton (2004) show that significant reforms are occurring in farmer-processor relationships: contracting is becoming more prevalent, especially with larger farmers. In their study they found that the majority of processors in the sample used contract support measures or innovations to be able to overcome hold-up and contracting problems. The most popular measures applied were prompt payments, transportation and monetary credits. White and Gorton also showed (2004) that the number of support measures offered was significantly higher in Armenia, Georgia and Moldova than in Russia and Ukraine, connected to the higher FOI in the mentioned samples. They tried to evaluate the impact of the contract support measures using several indicators. The support measures with the largest impact on yields were the provision of specialist storage, veterinary support and physical inputs, followed by a set of market measures (prompt payments, guaranteed prices and market access). Moreover, a significant amount of development projects like land consolidation, cooperative development, contractual farming and cooperation, capacity building, training to farmers, etc., are being implemented by international and national organizations to take Armenian farmers out of this situation. 79
Dairy industry in Armenia Prior to transition, the milk-processing industry had an annual capacity of 320,000 tons of dairy production, about 27,000 tons of cheese and 13,000 tons of ice cream (MoA and FAO, 2002). All former 42 state-owned dairies (milk and cheese) have been privatized. Most of these factories work at a low level of their capacity, and many of them do not operate at all. Production focuses on cheese products, pasteurized milk and other dairy products. Many small plants exist (about 500), which produce mainly salted cheese under inadequate hygiene conditions. However, there are several large dairy operations that produce a wide range of dairy products, e.g. sour cream, yogurts, milk, ice-cream and cheeses. According to the State Commission for the Protection of Economic Competition of Armenia, no single dairy-processing company dominates the market for major dairy products because of the wide range of products and large number of processors in the market (SCPEC, 2005). There are no foreign direct investments and joint ventures in the dairy sector. Since independence, most of these farms have been dismantled, and currently the bulk of dairy production originates from small private farms with 1-2milking cows. Table 1 shows key dairy indicators for the period of the last five years. Positive changes can be observed looking at the numbers. In particular, the number of cows increased significantly. Milk production in 2004 was 23% more as compared with that of 2000. This is related to the rehabilitation and operation of several large dairy processors who increased their levels of milk collection. The import of milk is increasing but at a decreasing rate. However, butter imports increased by 40% in 2004 as compared with 2003. Cheese imports comprised around 493 tons. A very promising fact is the restoration of cheese exports. Starting from 2001, cheese exports increased by 24.5 times. An approximate 17% increase of cheese prices, connected to the increase of cheese export volumes, was conducive to a significant increase in prices of dairy products (CBA annual report, 2004). 80
Table 1 Key selected dairy indicators, 2000 Number
of Cows (x 1000)
Milk Production Milk Import
(x 1000 t)
(all types), tons
Butter Import,
tons
2000-2004 2002
2001
2004
262.1
264.9
270.1
280.8
291
452.1
465.3
489.5
513.7
555.2
1,886.1
1,467.3 2,077.9
3,575.9
3,711.9
3,778.5
3,829.8
3,303.4 3,644.6
5,109.4
253.5
492.7
96.2 1,002.6
1,005.7
Cheese
Import,
tons
190.6
158.6
Cheese
Export,
tons
0.1
41.1
94.3
105.0
PPI Dairy Products (previous year=IOO) %
2003
Source: NSS, "Socia-Economic
Situation
180.2
100.3
97.4
106.4
of the Republic of Armenia in 2004".
Both processors and dairy farmers have many problems. Processors face the situation where they have to collect the milk directly from small household farms. This results in unstable quality and quantity of milk purchased. These small farms cannot meet the necessary sanitary and hygiene conditions for milk production and are not able to introduce new technologies and methods of selection. On the other hand, small dairy farms face problems selling and marketing milk. This presents the biggest problem due to three important characteristics that set it apart from other farm products. First, milk is more perishable than other farm products (unlike most agricultural products, in its liquid form it can be stored only a few days). The second differentiating property is the flow nature of milk. While most agricultural products are harvested once a year and may be stored for later sales, milk is normally produced twice a day. Finally, supply and demand of milk is counter-cyclical over the year. These facts put an Armenian dairy farmer acting on his own at a competitive disadvantage when dealing with only a few relatively large processors (Hovhannisyan et al., 2004). 81
The paper aims at studying and analyzing the role and importance of the producer-owned milk marketing cooperatives to the member farmers and for the overall dairy chain of Armenia. The objective of this paper is also to identify and discuss the forms of vertical integration occurring in the dairy sector of Armenia.
Research methodology The research was based on survey data and interviews. A databank of 103 surveyed member farmers was used in the study. Official publications, internal documents, interim and final reports of the USDA Marketing Assistance Project in Armenia and the Center for Agribusiness and Rural Development, milk marketing cooperatives' financial statements and other reports were also used in the study. Ten interviews have been conducted to find out more about vertical integration in the Armenian dairy industry. The method of purposive sampling was employed for interviews, aiming at selecting people from whom the most could be learned (Lincoln and Cuba, 1985). The criteria chosen to select the interviewees were: 1) senior experts at the Ministry of Agriculture and the World Bank, 2) managers of dairy-processing enterprises, and 3) cooperative managers.
CARD's cooperative development program The role of the USDA Marketing Assistance Project, currently restructured as the Center for Agribusiness and Rural Development (CARD) Foundation, as a third-party facilitator in the development of dairy-marketing channels in Armenia has, been and remains significant. Through a package of marketing, technical and financial assistance, CARD aims at increasing rural incomes, creating jobs and raising the standard of living of rural communities. In particular, CARD contributed to the development of the dairy marketing channels in Armenia by establishing producer-owned milk marketing cooperatives and milk collection centers in many villages across the country. These cooperatives are not-for-profit organizations with the objective of marketing the milk produced by their members. 82
A cooperative is defined by the International Cooperative Alliance as "an autonomous association of persons united voluntarily to meet their common economic, social, and cultural needs and aspirations through a jointly owned and democratically controlled enterprise" (ICA, 1995) according to the following principles: a) voluntary and open membership, b) democratic member control, c) member economic participation, d) autonomy and independence, e) education, training and information, f) co-operation among cooperatives, g) concern for community. The goal of this list of principles is to provide a benchmark against which entities can be compared, to establish whether they are genuine cooperatives or not (Ward and McKillop). The first documented cooperative institution was founded in 1844 in Rochdale, England. The majority of Rochdalian cooperative principles are still in existence today and form the backbone of the current list of cooperative principles. The CARD-created cooperatives are owned and run by the member milk producers. They participate with the principle of "one member, one vote", irrespective of the level of their investment and ownership shares. The cooperatives closely work with CARD client dairy processors by supplying improved quality milk and are able to work with other processors as well. Following the activities and examples of CARD, many international and national organizations and large dairy processors assisted farmer groups to establish cooperatives aimed at improving management practices in the dairy farms in order to improve the quality and quantity of milk supplied. Currently there are about 20 milk marketing cooperatives throughout Armenia.
Vertical integration in the armenian dairy industry Vertical integration in the sector occurs either through full ownership or through formal or informal contracts. In Armenia, farmers or cooperatives do not own a processing company, and usually their relation is based on informal contracts. Gow and Swinnen many times discussed the importance of self-enforcing - by designing contracts such that private losses from any contract 83
breach
outweigh potential benefits (Gow & Swinnen, 2001) in
developing and transition economies. Hakobyan (2004) documents self-enforcing relationships in the Armenian dairy sector as follows: farmer-processor, farmer-cooperative, and cooperative-processors relationships. The most common is the farmer-processor relationship. Hakobyan (2004) alludes to the uniqueness of this type of integration that processors have milk collection and cooling capacities and are able to pay cash to farmers fast. Very often processors offer some contract support measures to farmers in order to guarantee a stable milk supply and higher quality of milk. The contract innovation measures (Gow & Swinnen, 2001) frequently take the form of prompt payments, covering the transportation costs, and veterinary services. According to White and Gorton (2004), contracting is relatively developed in the Armenian dairy sector. They conclude that in Armenia the relatively high level of contracting cannot be linked directly to FOI as all of the dairies in the country are owned by domestic investors, but it can be linked to the growing export volumes of dairy products (White & Gorton, 2004). Several processors are integrated with farmers through Credit Clubs. The initiator of the Credit Club program in Armenia was also USDA MAP. The concept of US credit unions was used as a keystone for launching the Credit Club program. Currently the program is also administered by CARD. This type of integration looks like the "triangular structures" model of vertical coordination (See Figure 1).
Figure 1 Triangular structure of vertical coordination
~
Dairy Processing Company I
I
Farmer
~
I
I
CreditClub I~ 84
Normally, a credit club is organized together with a processor, who also receives financial assistance from CARD. The repayment of the loan is then administered together by the club members and processors. The processor provides loan guarantees for loans to farmer-suppliers. The loan is aimed at purchasing feed, cows, and making other milk production investments. In some cases the processor makes the loan payments on behalf of farmers. Farmer-coop relationships are practically new for Armenia. Like processors, cooperatives also possess cooling tanks and storage facilities, which enable them to continuously procure milk from farmers. The reason for self-enforcement in this case is that if one farmer supplies low quality milk, the entire cooperative will suffer - as the milk will not be accepted by the processor, or the cooperative might receive a penalty for low quality (Hakobyan, 2004). Therefore coop members constantly improve the quality of milk and meet the requirements set by the processors. There is evidence that in the cooperative-processor form of relationship, mutual trust is apparent between the chairman of the cooperative and the manager/owner of the processing company. Trust is referred to as one of the common contract or relationship enforcement mechanisms by many authors (Gulati, 1995, Dyer & Singh, 1998). Hakobyan (2004) reports that many problems between cooperatives and processors related to the minimum quality requirements, prompt payments, etc. are being solved due to the increase in trust between the processor and cooperatives' chairmen.
Performance of CARD supported cooperatives In their earlier study Hovhannisyan et al. (2004) mentioned that around 95% of the member farmers surveyed reported that a major benefit of a marketing cooperative is to achieve an assured market for their milk. Their interviews with cooperative managers revealed that milk processors (buyers of milk) are more willing to deal with cooperatives when procuring raw milk because, first of all, it's not feasible for the processors to collect milk from each individual because of high collecting costs; secondly, cooperatives
85
provide stable high quality milk because cooling tanks allow a longer storage of milk and cooperatives test the milk quality on a daily basis; and finally, cooperatives are more stable quantity suppliers. In this sense, Armenian dairy processors, as any other producers, want to assure a year-round stable supply of milk to keep their production going. Their surveys showed that the number of cows of member farmers increased over time. A massive increase in the number of cows was recorded in the Ledjan and Elita cooperatives. The number of cows in the aforementioned coops increased 9 and 10 times respectively, while the other coops showed a quadrupling of this indicator (Hovhannisyan et al., 2004). In their study, the authors also mentioned that, on average, the number of members in the observed cooperatives increased five times. Particularly, in the Ledjan and Elita cooperatives the number of members increased 16 and 10 times respectively, while in the rest of the surveyed coops this measure increased six times. Currently, 12 CARD-supported milk producer-owned cooperatives operate in six provinces of Armenia collecting milk from 39 rural communities. These cooperatives involve more than 1,600 members. The figure below shows the milk collection and payments to member farmers by CARD-supported marketing cooperatives. It was planned to collect around 3,860 tons of milk in 2005, and the experts are sure that the target was more than achieved. The cooperatives received 69% more revenues in 2004 as compared with 2003. Likewise, member farmers received 72% more in 2004 than in 2003. During the first half of the year 2005, cooperatives received 33% more as compared with the first half of 2004. Member farmers received 30% more during that period (CARD, CDP report 2005). During ten months of 2005, member farmers received about $705,000 for their milk sold ($1 = 450AMD). In 2003, the average price for a liter of milk comprised 87 AMD; in 2004 and 2005 it was on average 102AMD per liter. Cooperatives pay their entire income to farmers, after taking out operating expenses. Operating expenses are paid through a price margin, i.e. the difference between the price of milk 86
Figure 2 Milk collection and payments to members by cooperatives (2001-2005) 4,000
'?
350,000
3,500
HH HH
300,000
3,000
+H+ HH
250,000
HH
2,500
+H+ +H+ HH +H+ ~HH HH ~HH HH + H+ +H+ HH HH HH +H + HH
~;::, '" 2,000 ~""
],500 ],000 500 0
200,000 ] ]
50,000 00,000
50,000 0
2001
~
2002
Milk Collected
2003
(ton)
-+-
Source: Financial Statement of Cooperatives 'Milk collection
and payments
2004
2005*
Payments to Members (OOOAMD)
(2001-2005)
and CARD Cooperative Development Program Reports.
in ten months only.
and the price received by farmers. The magnitude of the price margin depends on the operating expenses of the cooperative, and normally covers utilities, lease and loan payments, salary to milk collection center staff, etc. (Hakobyan, 2004). We can certainly state that the impact of the cooperative movement in increasing the cash incomes of member farmers remains significant. Hovhannisyan et al. (2004) showed that 88% of farmers used cooperatives to market their milk, while 7% sell it in the retail market and only 5% sell directly to processors. What is interesting is that the vast majority of surveyed member farmers expressed the intention to stay with cooperatives. Thirty percent of respondents would be willing to hand their milk to also those offering a higher price, while the remaining 70% value loyalty, trust and stability most. In general, this situation continues to be the same almost in all cooperatives. The role of cooperatives in the dairy supply chain continues to increase. "Ashtarak-Kat" CJSC, the biggest dairy processor, alongside with its eleven milk collection centers, is working with 87
13; Q
five milk marketing cooperatives. The company collects milk from a total of 5,000 farmers and pays them regularly on every 15thday. Not all processors are able to provide prompt payments to milk producers.
Dairy supply chain analysis The supply chain describes the full range of activities, which are required to bring a product or service from conception, through the different phases of production (involving a combination of physical transformation and the input of various producer services), delivery to the final consumer, and final disposal after use (Kaplinsky and Morris, 2001) cited by Arndt et al. (2005). It's important to distinguish the supply chain actors and supporters, who can have an influence on the efficiency of delivery. It's very important to make distinctions between nonfinancial and financial services because provisions of these services require different types of relationships between actors and supporters, for instance collateral for obtaining a loan. Thus, an actor in the supply chain, having certain financial resources, would be able to buy non-financial services without facing any problems, but would not be able to obtain credit because of a lack of collateral (Arndt, Cormier and Ryzanov, 2005). Value chains represent the value of each produce as it passes along the supply chain to the final consumer. Analyzing the supply and value chains can reveal important obstacles and inefficiencies in an agricultural economy, particularly in an economy in transition, as the structures and links in the supply chain are continuing to be developed to replace the Soviet production and distribution system. After the collapse of the Soviet Union, the agricultural supply chain is being created on an ad hoc basis, largely by entrepreneurs that have enough capital to finance the purchasing, processing, and transport of agricultural products. The value chain analysis for agricultural commodities reveals that these middlemen are currently capturing much of the value in these transactions (World Bank, 2005). 88
Figure 3 View of supply and value chain Commercial
and social interests
Consumers local market
~
Consumers external market
~
Imer-actor support. coordination. management
g~
Interventions Business Support
Interventions Business Support
Donors Extension
ta ~ < I
Il
NGOs Government il
Ii
Non-Financial Services
Banks
Micro Credit Institutions I
>
I
<
Financial Services
I
>
All supply chain actors and chain supporters (See Figure 3) are present in the Armenian dairy sector. However, most of the time, the processor also acts as a wholesale supplier and a transporter for itself and an exporter of its products. There are no professional logistic firms and exporters in the Armenian dairy industry. Many cooperatives also act as suppliers too. Having a milk tank and truck they supply milk to processors on a daily basis. There is a need for improvements in financial services either. The vast majority of Armenian banks refrain from financing agriculture due to the high risk of the sector. The only bank that has a serious share in agricultural lending is ACBA Bank (Agricultural Cooperative Bank of Armenia), which claimed to have more than 65% of the total commercial bank portfolio in agriculture (ACBA, 2004). The dairy value chain analysis indicates that return on costs for producers are in the range of 50-90%, making milk production a
89
relatively attractive addition to the household income. Calculations are based on average prices for milk and cheese (See Appendix). In general, winter prices are approximately 25% higher than the summer rates due to a scarcity of milk. The dairy enterprises secure their supplies through refrigerated milk tanks, working closely with cooperatives. This enables them to reduce their milk purchase cost and to benefit from economies of scale in production. Their increased costs are attributable to the fact that they package their produce and also that they pasteurize the milk before processing it into cheese. Their return on costs is in the range of 25-65%, which provides them with a profitable business and enables them to undertake the investments in equipment that are necessary for them to maintain their market leader status (World Bank, 2005). A major dairy product being exported from Armenia is cheese, mainly from the Lori, Tavush, Shirak, and Syunik regions. In addition to formal exports, a large amount of artisanal cheeses goes to Georgia, passing through unofficial trading channels. Armenian cheeses are exported to locations where the Armenian Diaspora has a notable presence - predominantly to the Moscow and Los-Angeles areas. Most of the exported cheeses are traditional white salty cheeses. Industry experts claim that these cheeses have high exporting potential and progressively gain consumers of Armenian and non-Armenian descent in the potential markets (Hakobyan, 2004). The increase of domestic demand for dairy products is largely linked to disposable incomes of the domestic population. As incomes increase, it is likely that demand in this sector will further increase as a whole and also that market differentiation will occur based on quality and price. However, any major expansion of the sector is going to rely on exports, for which there is a clear current demand. For instance, the total demand for cheese in Russia is estimated at 450,000 MT per year, and production has only managed to reach 50% of this level, leaving a huge market for imports (World Bank, 2005). Armenia has favorable conditions to compete in the Russian market if it can supply high and stable quality and quantity of 90
cheeses to high quality specialty markets. Milk yields in Armenia are relatively higher as compared with its neighbors. In addition, the reason for the main increase in milk production seems to be because of improving yields.
Conclusions and recommendations In this paper, we have argued that the role of producer-owned cooperatives in the dairy supply chain continues to increase. In that process, the Center for Agribusiness and Rural Development, which continues providing technical and financing assistance to these cooperatives, has its valuable contribution. CARD uses an integrated approach to assistance covering milk quality, cooperative development, dairy management, rural credit, and training in cooperative management and accounting that builds private enforcement capital between farmers and cooperatives and between cooperatives and dairy processors. These cooperatives provide several benefits, among which the increased opportunity of milk sales is valued most by member farmers. We must again indicate that the impact of cooperative development in increasing the cash incomes of farmers remains substantial. Following the activities and examples of CARD, many international and national organizations and large dairy processors assisted farmer groups to establish cooperatives aimed at improving management practices in the dairy farms in order to improve the quality and quantity of milk supplied. However, there are certain inefficiencies in the Armenian dairy sector. First, lack of working capital and collateral negatively affects the ability of both dairy processors and milk producer-farmers to raise finances. The vast majority of Armenian banks refrain from financing agriculture due to the high risk associated with the sector. Banks require up to 200% of collateral level and require residential property in urban areas for collateral. Even farmers willing to pay higher interest rates may not have enough assets to collateralize the amount of loan they need. A very few milk producers are able to fund the acquisition or feeding of larger dairy herds. 91
Small processors also lack sufficient collateral to be able to raise short-term finance, as their processing equipment is rather basic and relatively low value. In Armenia, the role of the Government in contributing to the development of the agriculture credit markets is relatively low. The Government should create an appropriate climate for the formation of specialized agricultural credit institutions, which are widespread in Western Europe (Urutyan and Aleksandryan, 2005). Another problem is the insufficient amount of milk cooling facilities or cold storage collection points and that it is very difficult for both processors and producers to get their milk to the dairy plants. This problem was solved to some extent in the observed producer-owned cooperatives. CARD provided them with milk cooling tanks and other needed equipments. Cheese grades and standards are missing or lack harmonization. Grades and standards can consist of quality requirements, specifications, terms, definitions, certifications, classifications, and labeling and can be of either performance or process characteristics (Cocks et al., 2003). Technical standards and certifications in Armenia are at a very low level. Especially at the retaillevel, many cheeses and other dairy products are being sold without the correct quality certificates. This not only poses a threat to consumer health and safety, but it also acts as a block to further trade. While there are standard "types" of cheese in Armenia (e.g. Lori, Chanakh, etc.), there is a wide variation in the methods of production and the resulting tastes for cheeses of the same type. One dairy processor said during our interview, "Right now I have 40 tons of Lori cheese sitting in storage, and each cheese block I cut has a different taste. How I can satisfy the customer, who requires stable and consistent quality?" This lack of uniform quality, combined with the fractured nature of the production base, makes it very difficult for distributors to collect cheese into commercial quantities for domestic or export sales (World Bank, 2005). Another important aspect is the lack of specialist knowledge for smaller processors and producers. Business training and consulting services need to be established on a regular basis. The 92
smaller processors need to improve their marketing, financial, management and other business skills to be able to compete in the market and expand their activities and market share. Hovhannisyan et al. (2004) documented that the majority of the cooperative managers surveyed stated the importance of seminars and educational tools to the success of their organizations. The majority of managers noted that they had participated in the "Cooperative Management", "Financial Management in Cooperatives" and "Milk Quality Improvement" seminars carried out by the agrarian university professors and extension specialists. They mentioned that education and employee training programs of cooperatives were very important. This paper is aimed at advocating to continue cooperative development and extend it over other aspects of the agricultural sphere enabling farmers to further integrate themselves in the agrifood chains and networks and improve their incomes.
93
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95
Appendix Figure 4 View of Supply and Value Chain
MILK PRODUCERS
~I
Marketing cooperatives
Milk tank
1
1
Local cheese
, ,, ,, ,, , ,, ,
Milk processor
Inter market traders
plant "
,-'
"
, ,, ,, ,, ,, , ,, ,, , , ,
,-' " "
,
,
~
Export Wholesale
,, , ,
I
Retrailer
,
.
,
Bazaar
,
, ,, ,
. , Pasteurised
milk ...~
Source: Armenia's Rural Economy
- From Transition
96
,,
,
1>/
Consumers
Raw milk
,
,
Cheese - - -- -- - -- ---~
to Development, World Bank 2005, adopted with changes.
Figure 5 Dairy Value Chain PRODUCERS Milk cost Sale
@
75-95D/litre
to processors, Net revenne
= 50Dllitre
to local cheese plant and to cooperatives
= 25-45DII = 50-90%
l
MILK COOPERATIVE Sale
@
87-I02D/litre to processors, to local cheese
Net revenue
= 8D/1 =
~I
..
9%
t
CHEESE
WCAL CHEESE PLANT
-
=
@
Sale
@
Milk cost = 85Dllilre Packaging costs = 25D/litre Distrihution costs = 25D/litre 33D/kg VTA
=
1000-1300Dlkg
Sale
850D/kg
= l60-460D/kg
Net revenue Net revenue
MILK
7liters milk = lkglcheese Milk costs =600Dlkg Addilives and costs = 100D/kg VTA = l40Dlkg
lkg cheese 8 liters milk Milk cost = 680D/kg6OD/kg Addilives and costs Sale
Processor
= 1l0Dlkg = 15%
23-65%
=
Net revenue
@
200D/kg
= 32D/kg = 24%
. TRADERS Cheese cost Other costs Sale Net revenue
@
= 850Dlkg = 50Dlkg
lOOODlkg
= 100Dlkg = 12%
~
CHEESE RETAILER
MILK RETAILER
Cheese cost = 1000-1300D/kg Sales costs = lOD/kg VTA 40-200D/kg
Cheese cost = 1000-1300D/kg Sales costs = 10Dlkg VTA 40-200D/kg
=
Sale Net revenue
@
=
1000D/kg
Sale
= 90-250D/kg = 9-25%
Source: Armenia's Rural Economy
- From
97
Net revenue
@
lOOOD/kg
= 90-250Dlkg
= 9-25%
Transition to Development, World Bank 2005, adopted with changes.
Économie sociale et solidarité: La Récolte de chez-nous et la viabilité des petites fermes agricoles du sud-est du Nouveau-Brunswick Gilles Martin*, Orner Chouinard**, Danièle Courchesne*** et Léopold Bourgeois****
La Récolte de chez-nous (RCN), entreprise coopérative de petites fermes agricoles familiales de 5 à 50 hectares du sud-est du Nouveau-Brunswick (Canada), est née en 1998, suite aux nombreux défis menaçant la survie économique des fermes familiales de la région. En moins de dix ans, grâce à des efforts soutenus pour rapprocher le consommateur du producteur, la RCN a pu relever plusieurs de ces défis. Forts de ces acquis, des membres de la RCN ont approché des chercheurs de l'université de Moncton. D'interviews semi-dirigées il ressort notamment que les membres reconnaissent que leurs pratiques agricoles se sont améliorées suite aux échanges de coopération, mais aussi grâce à l'utilisation de procédés biologiques en phase avec les attentes des consommateurs. D'autres défis restent à relever, comme l'accroissement des ressources humaines, pour gérer au mieux la croissance de la RCN.
professionnel de recherche, université de * Master en études de l'environnement, Moncton. Mél. :
[email protected]. de sociologie, gradué en ** Professeur titulaire, université de Moncton, département études de l'environnement. Mél. :
[email protected]. professionnelle de recherche, université *** Maîtrise en études de l'environnement, de Moncton. Mél. :
[email protected]. **** Président de la coopérative La Récolte de chez-nous. Mél. : recoltedecheznous@ eco-logik.com. Commanditaires du projet: Partenariat sur l'économie sociale et la durabilité et Programme pour l'avancement du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire (Pascaa), sous la direction du Conseil agricole du NouveauBrunswick.
99
ans cet article, nous voulons d'abord exposer ce qu'est l'économie sociale et son lien avec le développement durable dans le territoire néo-brunswickois de La Récolte de chez-nous (RCN), situé dans l'est du Canada (1).Ensuite, nous allons exposer brièvement la diversité de la production agricole de cette entreprise d'économie sociale ainsi que des enjeux de l'agriculture durable, dont l'utilisation d'intrants organiques en vue d'une production plus écologique. En ce sens, nous allons aborder l'intérêt de cette entreprise d'économie sociale pour des alternatives en matière de production par l'utilisation de compost biologique. Enfin, nous ferons état des perspectives d'avenir par la connexion des agriculteurs avec les consommateurs et aussi de l'importance que la RCN accorde au développement de la solidarité locale, nationale et internationale.
D
Approche théorique et méthodologique Afin de mieux cerner le rôle et l'importance de la coopérative de la RCN, nous nous sommes inspirés de l'approche de la nouvelle économie sociale en nous basant en particulier sur J. Restakis (2006), ainsi que du lien entre le développement durable et l'économie sociale de Gendron et al. (2004). Vu sous cet angle, nous avons voulu mettre en évidence les aspects sociaux de solidarité, d'échange et de partage de l'entreprise coopérative de l'économie sociale. Mais aussi, étant donné la dimension émergente du développement durable dans la RCN, nous avons voulu le mettre en lien avec l'économie sociale. À propos de l'économie sociale L'économie sociale, de façon classique, est définie comme une organisation particulière qui reconnaît les dimensions sociales de l'économie (Chantier de l'économie sociale, 2001, dans Gendron et al., 2004). Mais cette reconnaissance, selon Gendron et al. (1) Le Nouveau-Brunswick est l'une des trois provinces maritimes du Canada. De taille comparable à l'Irlande, il est bordé à l'est par le golfe du Saint-Laurent et partage
au sud une frontière
avec l'État
américain
100
du Maine.
(2004, p. 15), n'a une certaine réalité « que dans la mesure où elle a des règles: les gens qui parlent d'économie sociale ont retenu les règles coopératives, les règles mutualistes et les règles d'association ». Dans cette perspective, l'économie sociale intègre un processus de décision démocratique impliquant tous les acteurs, soutient la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition de ses surplus et revenus et, enfin, repose sur la participation, la prise en charge et la responsabilité tant individuelle que collective. Ensuite, l'économie sociale, à l'instar de la nouvelle gouvernance (Salamon, 2002), suppose un développement porté non plus seulement par l'État et le marché, mais aussi par la société civile et suggère une réarticulation des pôles de gouvernance (Gendron, 2006 et 2001). Ainsi, selon l'auteure (Gendron et al., 2001, p. 17), « percevoir l'économie sociale sous l'angle d'un mouvement [.. .], c'est faire état d'une nouvelle modalité de l'action sociale, c'est-à-dire une mobilisation qui ne s'exprime plus seulement dans les champs de l'institutionnel et du social, mais aussi dans des domaines autrefois étrangers de l'économie (finance solidaire, commerce équitable, etc.) ». Selon le Chantier de l'économie sociale 2001 (cité dans Gendron et al., 2004, p. 14), l'entreprise d'économie sociale accepte la logique du marché, mais diffère des entreprises traditionnelles parce qu'elle occupe un créneau inoccupé par ces dernières: «
[L'entreprise d'économie sociale] se distingue par plusieurs
éléments comme la relation employé-employeur, la relation entre les employés, la relation entreprise-société d'insertion [...]. On la reconnaît également par la gestion démocratique et la primauté
des besoins et des services aux personnes. » Puis, l'économie sociale, avec ses nouvelles pratiques, renvoie à la « transformation des pratiques économiques des acteurs sociaux, qu'elles soient portées par les mouvements sociaux ou même concrétisées par des acteurs traditionnels» (Gendron et al., 2004, p. 18). Cela implique que l'économie sociale tient compte des nouveaux mouvements sociaux et économiques, mais propose aussi des réformes de la société et des institutions. 101
Précisons également que dans l'économie sociale il y a, d'une part, les personnes qui sont mobilisées par l'idée d'un projet de transformation de la société et, d'autre part, des personnes qui cherchent à se créer ou encore à maintenir un emploi (Gendron et al., 2004). Dans une perspective de démocratie et de partage, il est important de maintenir l'équilibre entre ces préoccupations. Par ailleurs, des auteurs s'entendent pour dire que le paradigme du développement durable s'inscrit dans le débat de l'autre mondialisation et participe au renouvellement de la pensée sur le développement aux côtés du développement local viable (Gagnon et al., 1994). Comme le souligne C. Gendron, «depuis les dernières décennies s'opère une transformation radicale des imaginaires du développement que l'on qualifie aujourd'hui de durable, soutenable ou viable [. ..] » (Gendron et al., 2001, p. 5). Dans cette foulée, nous empruntons à Christiane Gagnon
(l995a) l'approche humaniste du développement durable, « qui s'inspire des recherches sur le développement, et qui met l'accent sur [...] l'humain, sur l'amélioration des conditions de vie et du niveau de vie pour tous [...] et met en lumière l'idée de justice environnementale, en s'appuyant sur les liens [...] entre pauvreté et dégradation environnementale [...] » (Gendron et al., 2004, p. 11). De plus, selon Restakis (2006), c'est la notion de réciprocité qui est centrale dans l'économie sociale. La réciprocité lie les personnes par la solidarité et l'entraide. Ces liens sont teintés d'une dimension morale. Pour enchaîner avec ce que nous venons d'énoncer sur le développement durable, c'est, selon Gendron, le social qui fait la différence majeure entre la conception classique du développement et un développement durable qui prend en compte les composantes sociale, économique et environnementale: « [C'est] l'élément social ainsi que l'intégration des composantes et les modes de gestion de cette intégration qui constituent les éléments distinctifs par lesquels le développement durable se démarque d'une conception traditionnelle ou dominante du développement et se pose en véritable révolution paradigmatique » (Gendron et al., 2004, p. 13). 102
Cela démontre comment la question environnementale nous convie à une approche systémique, voire holistique du développement, ce qui implique que la sphère économique ne peut traiter de façon autonome les questions environnementales. Dorénavant, les divers acteurs académiques, sociaux, politiques, industriels, environnementaux et économiques doivent participer à la résolution des problèmes reliés aux questions de la gestion de l'eau, des déchets, de l'agriculture et de la forêt. Cela implique que le développement durable est le résultat de l'action d'une constellation d'acteurs provenant de divers secteurs d'activité, ainsi qu'un processus de changement social. C'est, selon C. Gendron (et al., 2004, p. 27), l'aspect social « de l'économie sociale qui contribue à la dimension sociale du développement durable, [de plus] l'économie sociale intègre des dimensions distinctes de celles du développement durable ». En outre, alors que le développement durable pose en idéal le développement, l'économie sociale s'impose au niveau de l'opérationnalisation. « L'économie sociale [joue] un rôle majeur et privilégié, notamment grâce à ses valeurs, axées vers les processus de transformations socio-économiques, tandis que le concept de développement durable [représente] une expression originale du bien commun» (Gendron et al., 2004, p. 27). Enfin, si l'économie sociale n'est pas une condition nécessaire ni porteuse du développement durable, elle offre en revanche à ce dernier des perspectives de démocratie, d'inclusion, de justice distributive. Pour paraphraser certains auteurs en économie sociale, alors que l'économie sociale précède la recherche ou la réflexion théorique pour le développement durable, la réflexion théorique a tendance à précéder les pratiques, voire à inciter les innovations durables et les modernisations institutionnelles comme
organisationnelles. Selon Gendron et al., « on pourrait même dire du développement durable que les études et les réflexions à son sujet sont peu ancrées dans l'empirique, et plutôt riches en grands principes» (2004, p. 28). Ainsi, l'économie sociale en vue d'un développement durable propose, selon Gendron et al., une « nouvelle manière de faire 103
et participe en ce sens à l'innovation sociale» (2004, p. 31). C'est dans cette perspective que nous allons aborder le rôle la coopérative agricole de la RCN. Donc, nous considérons le rôle des membres de la RCN en tant qu'agents de changement. Le groupe de la RCN, par sa participation à la production de produit locaux de qualité, à l'amélioration des systèmes de gestion des engrais, à la lutte intégrée contre les insectes, à l'identification des enjeux en vue de la mobilisation de ses membres et de la sensibilisation du public à l'importance de la commercialisation de produits locaux, rend autant de services aux communautés que les entreprises privées et les gouvernements ne peuvent offrir. La RCN, en plus d'offrir ces services, sensibilise et éduque ses membres, le public et d'autres associations des communautés locales, ce qui s'inscrit dans la mouvance du changement social, de transformation sociale, voire d'innovation sociale (Gendron et al., 2004, p. 29). On note par exemple que des façons de faire sur les pratiques alternatives en agriculture et sur l'importance de la consommation locale dans une perspective de réduire le transport des produits agricoles tout en contribuant à réduire les gaz à effet de serre sont des initiatives que la RCN veut contribuer à répandre tant dans la province qu'ailleurs. À tour de rôle, nous allons aborder la méthodologie de recherche, le contexte de l'agriculture au Nouveau-Brunswick qui a donné naissance à l'entreprise d'économie sociale la RCN, le profil et les caractéristiques structurelles de la coopérative, le processus participatif et le financement de l'association de la RCN. Le tout afin de nous permettre de comprendre la particularité du rôle de cette entreprise au Nouveau-Brunswick et sa contribution significative comme entreprise d'économie sociale. Méthodologie
La recherche s'est déroulée en trois temps. D'abord, des entrevues semi-dirigées ont été réalisées en avril 2006 avec huit acteurs clés de la RCN afin de connaître les divers types de culture ou d'élevage et la diversité des intérêts de ces petits producteurs du Nouveau-Brunswick. Le deuxième temps de la recherche est apparu suite à l'émergence d'un intérêt, de la part 104
des leaders de la RCN, pour un projet mobilisateur afin d'encourager l'utilisation de compost biologique à la ferme. Cette dimension émergente provenait de la préoccupation de certains producteurs, mais était aussi renforcée par la demande des consommateurs lors des échanges par la vente directe. Pour réaliser ce projet, une recherche partenariale Université-RCN a été élaborée à l'été 2006 et nous sommes entrés en contact avec vingt et un des vingt-neuf producteurs en avril et mai 2007. Au moyen d'entrevues semi-dirigées, nous avons essayé de comprendre ce qu'impliquent la sécurité alimentaire et l'utilisation de compost biologique pour rebâtir les sols et pour répondre aux préoccupations des consommateurs pour une production locale et saine. En troisième lieu, les résultats ont été validés auprès de quatorze membres de la RCN lors d'un groupe de discussion tenu le 21 novembre 2007. Cette validation des résultats a été suivie d'interventions de « présentateurs experts» qui ont expliqué la complexité et la
biodiversité des sols et l'importance de les traiter correctement par des intrants « verts ». Pour l'analyse des résultats, nous avons utilisé l'approche de la démarche par théorisation ancrée (Paillé, 1996; Glaser et Strauss, 1967).
Contextes L'agriculture dans le Nouveau-Brunswick Le Nouveau-Brunswick est une des quatre provinces canadiennes de la côte atlantique. Sa population est de 740000 habitants en 2006. Trente-trois pour cent de sa population est francophone (acadienne) et une majorité anglophone. Dans l'ensemble, les fermes agricoles du Nouveau-Brunswick sont plutôt de petite taille et les productions sont extrêmement variées. Ceci est encore plus vrai dans le sud-est de la province (tableau 1, en page suivante). Depuis le milieu des années 50, le nombre de fermes agricoles a diminué considérablement dans la province du NouveauBrunswick. Dans la période de 1981 à 2001, par exemple, le nombre de fermes est passé de plus de 4000 à environ 3000
105
(statistiques Canada, 2007). De 1996 à 2006 seulement, la diminution du nombre de fermes est de près de 18 %. Certains éléments du contexte économique de la province ont rendu difficile la survie de la petite ferme, notamment: . l'exploitation des ressources naturelles est dominée par quelques grandes corporation dont la multinationale McCain dans le domaine agricole et Irving dans le domaine forestier; la société civile de la province est moins organisée que dans
. . .
certaines provinces comme le Québec; le facteur linguistique rend le regroupement
de petits
producteurs plus difficile; la province présente un caractère rural; on constate un manque d'appui gouvernemental
à l'échelle
.
des ressources humaines et financières. De plus, la marginalisation accentuée des petites fermes dans le contexte de la mondialisation, la domination de l'agroalimentaire par de grandes chaînes au niveau national (à l'exception de Coop Atlantique), le contrôle des prix (exemples de Sobeys, Loblaws),
Tableau 1 Importance des fermes dans le sud-est de la province Culture
Surface en acres
Gains ($)
Emplois
Nombre de producteurs
Petits fruits
360
1900000
128
47
Arbres fruitiers
250
I 250000
90
10
Bleuets
2500
3000000
175
56
Pommes de terre
1500
4500000
100
17
Légumes
500
1750000
250
58
117,5
3 900000
84
28
1300000
500
450
Serres et pépinières Céréales et fourragères
45000
Source: ministère de l'Agriculture
106
et de l'Aquaculture
du Nouveau-Brunswick,
2005.
la difficulté de fournir des volumes suffisants pour approvisionner ces grandes chaînes alimentaires et l'absence de collaboration entre les petits producteurs ont été des facteurs déterminants dans la création de l'entreprise d'économie sociale la RCN.
La Récolte de chez-nous (RCN) Le territoire géographique où sont implantés les membres de la coopérative la RCN s'appelle le sud-est de la province du Nouveau-Brunswick. Ce territoire se situe plus précisément à l'intérieur des comtés provinciaux de Kent, Westmorland et Albert. Afin de considérer les produits de l'entreprise la RCN, sous l'appellation« production locale », les membres ont décidé que les producteurs seraient implantés dans un rayon de 100 kilomètres du Grand Moncton. Soulignons que la région du Grand Moncton compte approximativement 130000 personnes dont environ le tiers est francophone, soit la même proportion que la province du Nouveau-Brunswick. Quoique mcyoritairement francophone, la coopérative la RCN doit donc opérer dans les deux langues officielles du pays afin de servir équitablement ses membres. Le salaire moyen des habitants du Nouveau-Brunswick était de 26644 dollars (I8727 euros) en 2005, la moyenne canadienne étant de 31542 dollars (soit environ 22170 euros). En milieu rural d'où proviennent les membres de la RCN, c'est-à-dire à l'extérieur de la grande région de Moncton, l'économie axée sur la ruralité est moins forte qu'ailleurs et le taux de chômage peut osciller autour des 15 à 20 %.
Les résultats Les étapes de la création de l'entreprise d'économie sociale la RCN Face à la concentration croissante des entreprises agricoles, les petits producteurs locaux parviennent difficilement à rentabiliser leurs opérations. En 1998, la coopérative de producteurs locaux la RCN voyait le jour dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. La mission de la RCN était de promouvoir les produits des agriculteurs du sud-est du Nouveau-Brunswick, de créer des alliances 107
avec des groupes de producteurs ou de distributeurs (par exemple, Coop Atlantique) et de renforcer les liens avec le Grand Moncton en ouvrant un site pour la vente directe dans la ville de Dieppe, qui fait partie du Grand Moncton. Pour y parvenir, la RCN propose: . d'assister les petits producteurs dans l'augmentation des ventes de produits locaux aux citoyens; de sensibiliser le public aux agriculteurs locaux et à leurs produits; . d'éduquer et de sensibiliser les membres;
.
. d'encourager le réseautage entre producteurs afin qu'ils puissent planifier des cultures complémentaires. À l'origine de la RCN, il s'agissait d'une collaboration entre neuf producteurs pour des campagnes de promotion des entreprises familiales et d'une collaboration pour l'établissement des prix. Peu à peu, l'entraide et le partage se sont développés, de nouveaux membres se sont ajoutés et de nouveaux projets ont vu le jour. Par exemple en 2000, la coopérative établissait sa structure de fonctionnement. En 2002, le projet de développement d'une éco-étiquette a été initié. Ce dernier projet consistait à créer un symbole, un logo permettant de refléter les pratiques agricoles moins dommageables à l'environnement adoptées par certains membres et d'offrir aux consommateurs locaux des alternatives aux produits de la grande industrie agroalimentaire, moins sensible à l'environnement. En 2005, les membres de la coopérative ont entrepris le projet qui, selon eux, a été leur plus grand accomplissement à ce jour, soit la mise sur pied du marché des fermiers de Dieppe. Il s'agit d'un marché urbain pour les producteurs agricoles, qui se tient les samedis matin et qui dès sa première année a généré environ 3 millions de dollars (2,1 millions d'euros). Le marché des fermiers de la RCN comprend 120 kiosques de fermiers et d'artisans. De 5 000 à 7000 clients fréquentent le marché de la RCN chaque semaine. En moins de dix ans, les membres de la RCN ont réussi à montrer que la cohésion entre les producteurs et les liens accrus entre les producteurs ruraux et les consommateurs urbains pouvaient jouer un rôle majeur à la fois dans la sensibilisation 108
et la participation citoyenne à une alimentation saine. Vingt-neuf producteurs sont membres de la RCN en 2005.
Les raisons qui ont conduit les fermiers à joindre la RCN Les chercheurs ont voulu comprendre ce qui avait encouragé les personnes à rejoindre la coopérative. En premier lieu, c'était pour faire cesser la guerre des prix qui avait lieu entre les petits producteurs du territoire du sud-est jusqu'en 1998. Plusieurs ont alors compris que les producteurs avaient tout à gagner à travailler dans la même direction plutôt que d'offrir des produits à un prix qui ne permettait pas la survie des fermes. Il y avait également un besoin de travailler ensemble comme producteurs pour se démarquer au niveau de leurs pratiques agricoles. Certains y ont vu une possibilité de faire des économies par une mise en marché commune. D'autres ont voulu mettre en valeur les fermiers et leurs produits en mettant l'accent sur leurs spécificités, c'est-à-dire sur des produits plus sûrs tant pour l'environnement que pour la sécurité alimentaire, ce qui a abouti à la création de l'étiquette Ecologik. Soulignons que tous les membres n'utilisent pas l'étiquette ; certains n'y voient pas d'avantage et au moins un producteur affirme être contre l'initiative, celle-ci risquant, selon lui, d'être trompeuse envers le client. D'autres membres, enfin, ont rejoint par curiosité la coopérative, puisque la RCN semblait marcher de manière positive. Ils soulignent également l'élément de confiance envers les leaders, petits producteurs, déjà impliqués comme élément incitatif. Avantages perçus par les membres Le développement des liens de confiance entre les agriculteurs (entraide, partage des produits, échange d'informations, etc.) est ressorti le plus fréquemment comme avantage à la coopération. Le fait que la coopérative a permis de mettre l'accent sur les ventes directes et de diminuer ainsi la dépendance vis-à-vis des grandes chaînes agroalimentaires est également considéré comme important pour la plupart des membres. Ainsi, par la création du marché de vente directe de Dieppe, dans le Grand Moncton, il y a eu une augmentation considérable des ventes 109
sans passer par des intermédiaires, ce qui est l'objectif premier de la RCN. Le regroupement de petits producteurs en entreprise d'économie sociale a permis, selon plusieurs, l'accès à des fonds de développement auprès des agences gouvernementales, ce qui a rendu possible la création du marché de vente directe de Dieppe et ce qui rend possibles des initiatives en cours comme celles de la stratégie agro-touristique et celle du projet pour une plus grande utilisation du compost. Un autre avantage perçu est la plus grande diversité de produits à offrir aux consommateurs par la mise en commun des produits. Cela se réalise grâce aux échanges de produits entre producteurs membres et à la sensibilité des producteurs pour répondre aux demandes des consommateurs. D'autres soulignent l'importance du développement récent du lien avec la chaîne de magasins coopératifs de l'entreprise collective Coop Atlantique comme avantage. De manière plus générale, les personnes interviewées parlent également du remplacement de l'esprit de compétition par celui de coopération, de l'utilisation de pratiques agricoles plus consciencieuses de l'environnement comme avantages découlant de la RCN. Certains y voient même des retombées qui vont contribuer à créer une relève agricole par la rétention des jeunes. L'engagement accru des membres de la RCN envers des pratiques plus durables et leur connexion aux espaces décisionnels témoignent de la volonté de la RCN d'accroître la prise en charge de leur avenir. De plus, le recours au bénévolat de certains des membres pour faire avancer les dossiers a aussi des retombées positives. Dans ce sens, cela rejoint l'un des objectifs du concept d'empowerment communautaire qui est de rendre la communauté capable d'analyser sa situation, de définir ses problèmes et de les résoudre en se donnant des objectifs à atteindre (Eisen, 1994). Une pratique en émergence: le compostage des sols Les objectifs de la deuxième phase de l'étude visaient à comprendre ce qui motive les producteurs à mettre en œuvre des pratiques agricoles plus durables ainsi qu'à augmenter la vente de produits issus de telles pratiques. Le résultat de cette enquête 110
montre que quatorze producteurs sur vingt et un se sont intéressés à modifier leur pratique par l'utilisation de compost. Puisque les producteurs agricoles de la RCN sentent le besoin d'améliorer leurs connaissances en ce qui a trait aux pratiques agricoles plus durables et à l'utilisation du compost, il semblerait qu'il y ait un besoin urgent de faire de l'éducation auprès des agriculteurs de la région. La sécurité alimentaire devrait passer par un virage écologique de l'agriculture afin de réduire la dépendance aux engrais chimiques et de maintenir ou d'améliorer la qualité des sols et leur capacité de production. Ce qui ressort de la phase d'enquête auprès des producteurs est qu'ils doivent s'adapter aux changements qui surviennent dans le monde agricole, aux coûts croissants des engrais chimiques et aux nouvelles réalités du marché. L'agriculture durable est un domaine très complexe et les producteurs ont besoin d'information et de formation à ce sujet. Il ressort également que certains agriculteurs ont besoin d'accompagnement pour développer une vision à plus long terme en vue de pratiques durables. De plus, les consommateurs doivent être mis au courant de ces nouvelles pratiques afin de comprendre pourquoi ils devraient payer un peu plus cher pour des aliments de qualité dont la production est locale et plus respectueuse de l'environnement. Aussi, l'utilisation éventuelle de compost sur les terres de la RCN permet d'établir des partenariats éventuels avec les entreprises de compostage. Qui plus est, elle développe la responsabilité sociale des producteurs, qui pourront transmettre aux générations futures des sols regorgeant d'éléments nutritifs. Avantages pour la communauté tels que perçus par les membres de la RCN Les agriculteurs ont souligné l'avantage de la sensibilisation de la communauté à l'existence des fermes locales, à la qualité et à la diversité de leurs produits ainsi qu'aux pratiques agricoles utilisées. Cela permet selon eux de rapprocher les producteurs des consommateurs (lien de confiance rural-urbain) et, de manière plus globale, de stimuler l'économie régionale par la fixation des petits producteurs. Pour certains, le maintien des petites fermes 111
agricoles est un atout envers la sécurité alimentaire régionale en assurant une production locale. Cela permet d'expliquer aux consommateurs la différence de coûts de la production locale avec les grandes entreprises agroalimentaires. L'achat local permet également de réduire le transport des aliments et de réduire ainsi la production de gaz à effet de serre. Défis et perspectives associées à la coopération à la RCN Pour la majorité, les difficultés associées à l'entraide et au partage nécessité par l'entreprise collective de la RCN sont minimes. La plupart de ces difficultés sont liées aux réalités de la sensibilisation au développement d'un code de prix équitable pour les produits locaux. L'entreprise d'économie sociale permet aux petits producteurs de développer un langage commun afin d'en arriver à proposer aux consommateurs des prix qui leur permettent de se respecter en tant que producteurs. La RCN a également permis de mettre en commun le degré de compétence et de connaissances locales des membres. En ce sens, cela rejoint aussi les objectifs du concept d'empowerment communautaire, qui dans une perspective organisationnelle réfère au transfert du pouvoir vers les usagers et la communauté (Cornwall et Perlman, 1990). La réciprocité entre producteurs et consommateurs semble être le tissu social sur lequel se bâtit l'organisation de la RCN. Seul un membre mentionne le manque d'affinité avec les autres, ce qui le laisse isolé. L'un des défis le plus souvent relevés est l'importance d'assurer une permanence et une stabilité en ressource humaine et financière pour l'organisation. Actuellement, la plupart sont d'accord que les capacités financières des membres limitent le rythme de progression de la RCN. Cela incite certains membres à œuvrer à des façons novatrices pour trouver des ressources humaines. Il semble aussi y avoir un besoin de s'entendre sur les priorités futures (dans le sens de l'intérêt commun). La RCN travaille également sur un exercice de vision qui va aider à fixer les objectifs d'avenir. Pour certains, la RCN, doit poursuivre ses efforts de sensibilisation du public à l'importance de l'agriculture locale, mandat qui passe parfois au second plan.
112
Pour d'autres encore qui ne font pas que de la vente directe, étant donné que tout ne peut pas être vendu localement, il y a besoin de mettre la production en commun pour approvisionner les grandes chaînes de l'agroalimentaire. Certains membres soulignent l'importance de développer de nouvelles initiatives telles que la réalisation d'un réseau agri-touristique et d'une boutique du terroir. Enfin, il y a, plusieurs fois exprimé, le besoin de gérer la croissance du groupe dans une perspective d'entreprise collective. Il y a eu de nombreuses demandes d'autres producteurs d'autres régions de la province du Nouveau-Brunswick et ailleurs au Canada pour ouvrir d'autres chapitres de la RCN. L'idée d'une définition de produits locaux, localisés à moins de 100 kilomètres d'un centre est donc un acquis qui semble mobiliser d'autres petits producteurs de la province.
Conclusion La RCN est un exemple d'entreprise collective d'économie sociale qui permet de réunir le savoir-faire local afin de faire face aux défis de l'économie globalisée dans le secteur agricole. La coopération entre petits producteurs a permis de relever le défi de mise en marché et de valorisation des produits locaux pour le sud-est du Nouveau-Brunswick. Le travail en commun a permis d'aller chercher des ressources humaines et financières pour la réalisation de projets qui bénéficient à toute la collectivité du sud-est du Nouveau-Brunswick, notamment le projet du marché de Dieppe. Le travail en coopération a permis le développement des pratiques organisationnelles, le développement de la solidarité entre fermiers, le renforcement des capacités pour la négociation avec les agences gouvernementales, le secteur privé, le secteur académique et les ONG. Finalement, les fermiers eux-mêmes ont retenu de l'expérience que la coopération plutôt que le travail en cloisons des agriculteurs a favorisé l'apprentissage mutuel et l'entraide. D'un autre côté, les chercheurs impliqués ont appris à connaître davantage les aléas de la vie des agriculteurs et les contraintes 113
qui en découlent, telles que leur faible disponibilité à la saison des semences ou des récoltes. Par ailleurs, cette collaboration a permis de faire connaître davantage les besoins des producteurs, ce qui a permis aux chercheurs d'identifier de nouvelles pistes de recherches-actions bénéfiques pour les deux partis.
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Bibliographie Chantier de l'économie sociale, 2001, rapport « Osons la solidarité », Sommet sur l'économie et l'emploi, 1996. Cornwall J. R., Perlman B., 1990, Organizational entrepreneurship, Homewood, II Irwin. Eisen A., 1994, « Survey of neighborhood-based, comprehensive community empowerment initiatives », Health Education Quaterly, 21 (2), p. 235-252. Gagnon c., 1999, «Les communautés locales face aux impacts des parcs de conservation et de l'industrie touristique », Actes du forum « Tourisme viable et parcs nationaux: quel avenir pour les communautés locales? », Chicoutimi, Gric-Uqac. Gagnon C., 1994, «La recomposition des territoires: développement local viable, récits et pratiques d'acteurs sociaux en région québécoise », Coopératives et Développement, vol. 26, n° 2, p. 61-82. Gendron C., 2006, Le développement durable comme compromis, la modernisation à l'ère de la mondialisation, Québec, Presses de l'université du Québec. Gendron C., 2004, «Développement durable et économie sociale: convergences et articulations », en collaboration avec Christiane Gagnon, Gilles Côté, Charles Guindon, Benoît Lévesque, Romain Lortille, Jacques Régnier, Jean-Pierre Revérêt, Michel Séguin, Marie-France Turcotte, Vincent Van Schendel, Jean-Philippe Waaub et Luce Proulx, Cahiers de l'Aruc-ÉS, collection « Recherche », décembre 2004, 36 p. Gendron C., 2001, «L'économie sociale et la recomposition des pôles de régulation dans le cadre de la mondialisation et du développement durable », Cœxistence humaine et Développement durable, Édition Montmorency. Glaser B. G., Strauss A. L., 1967, The discovery of grounded theory: strategies for qualitative research, Chicago, Aldine. Paillé P., 1996, « De l'analyse qualitative en général et de l'analyse thématique en particulier », in Archambault 1. et Paillé P. (édit.), La recherche qualitative dans la santé, recherches qualitatives, 15, p. 181-194. Restakis J., 2006, « Defining social economy, the BC context », prepared for the BC Social Economy Round Table, British Columbia Co-operative Association, 16 p. Salamon L., 2002, The tools of government: a guide to the new governance, Oxford, Oxford University Press, 669 p.
115
II - Le crédit : nécessité et complexité des groupes bancaires
Cooperative values, intra-group insurance and self-help groups in rural India Mani AmI Nandhi*
The growing popularity of microcredit has demonstrated that the rural poor can be provided with access to credit for improving their welfare and risk-bearing capacity. Vulnerability in poor households - especially women - emanates from a lack of resources, assets and opportunities. Experience shows that the social mechanisms of group solidarity, cooperation in the group-lending methodology, could act as a catalyst for better risk management among the poor through mutual insurance. The central focus of this paper relates to whether group-lending channels of microcredit serve as a social security network for poor households through the intra-group insurance created between members as well as act as a risk-hedging arrangement by enabling the members to reduce their vulnerability. This paper attempts to look at this in relation to the Self-Help Group (SHG) method of delivering credit to the poor in the Indian context. Data obtained is from a field survey of participating SHGs in rural India. One mainfinding of the study with potentialfor successful cooperative behaviour relates to how participation in SHGs offers protection against personal shocks for the members by stimulating intra-group insurance between members.
* Reader, Jesus and Mary College, gmail.com.
Chanakyapuri,
119
University
of Delhi, mnandhi@
ife is highly vulnerable for the poor in many low-income economies because they struggle to maintain a minimum economic threshold by fighting against a multitude of risks. Vulnerability to unpredicted drops in income of the poor arising
L
from downward mobility pressures and adverse shocks is compounded
by their lack of resources (land) or assets or access to opportunities (credit) or mechanisms to deal with risks. Though risks could be idiosyncratic (personal or household-specific affecting certain individuals) or co-variant (community-wide shocks affecting all households at the same time); both types of risks are major causes of poor households' exposure to a variety of risks; however,the poor in particular, are affected greater by personal risks. Susceptibility of poor households is heightened by their dependence on either single source or less diversified sources of income as well as the pressures of making choices by using coping measures that are welfare-reducing (reduction in consumption, withdrawing children for labour supply). The micro-credit movement has increasingly been using the group-lending technology for delivering credit to the poor in a number of developing countries. The functions of screening, monitoring and enforcement of repayment are largely handled by the group members themselves under the group-based microcredit programmes. Many studies have highlighted the dynamics of social mechanisms that function within the lending groups and their influence on repayment performance. There has been growing attention by the development community to the potential role and impact of microcredit in dealing with risks and reducing the vulnerability of poor households in developing countries. Evidence points that the provision of micro financial services has the potential to reduce the dependence on such mechanisms that are both costly and welfare-reducing. Due to the low risk-bearing capacity of the poor, especially women, provision of microcredit is an important option that would enable poor households to reduce their vulnerability and to increase their risk-bearing capacity. Vulnerability for poor households - especially womenemanates from a lack of resources, assets and opportunities. 120
The role of group-based lending programmes in creating positive impacts on women - through the benefits of social mechanisms, operating within the groups - is well documented. Due to social and cultural conditioning, women in many developing countries face relative isolation, hence, opportunities for building their social (and human) assets are either very limited or negligible. In this context, Sebstad and Cohen (1999) emphasize that participation in micro-finance programmes offers women access to knowledge and information, which assist them in their interaction in the outside world and permits the building and strengthening of social networks. By enabling women to strengthen and increase their social and human assets through group participation, microcredit empowers women to reduce their vulnerability. Micro-credit initiatives in South Asia exemplify that considerable benefits accrue for poor households by providing access to microcredit and the dynamics of group credit functioning as a risk-hedging arrangement. Access to microcredit with its emphasis on savings mobilization under the group-lending method has the merit of reducing the vulnerability of the poor and helping them manage their risks better. The provision of micro-financial services through the group-lending mechanism enables the rural poor to cope with risks because credit and savings can act as insurance substitutes. Besley (1995a) considers that credit serves as an insurance substitute when market opportunities for risksharing are limited and therefore, an individual may borrow in lieu of receiving an insurance payment for smoothing transitory shocks. Moreover, in his view, the distinction between credit and insurance becomes indistinct when lenders are willing to relent on some part of the repayment in the event of an unforeseen negative shock to the borrowers. Some selective recent studies demonstrate that group lending could act as a catalyst for better risk management of the poor through its mutual insurance. An argument for group lending rests on its functioning as a risk-hedging network because the group credit has a comparative advantage of enforcing loan repayment due to the 'termination threat'. The potential threat of losing access to future loans by the entire group acts as a 121
strong stimulus to implicitly insure each other. In the process of mutually helping each other, a group-based lending programme protects its members from idiosyncratic risks. Paxton et al. (2000) showed that 'group solidarity' was instrumental in helping the individual members on occasions and in the process functioned as a insurance mechanism for individual members to have access to the group fund when faced with idiosyncratic risks. Wydick (1999) while highlighting the potential role of microcredit in the provision of mutual insurance observed that 'while intra-group insurance may not be the stated goal of group lending, the positive externalities of such insurance to a poor household are obvious. In the process of establishing groups, microcredit is also fostering the development of miniature social security networks'. Research concerns The present paper has two critical research concerns. Firstly, does credit group participation act as a risk hedging arrangement by enabling the members to reduce their vulnerability? Secondly, do group-lending channels of microcredit serve as a social security network for poor households through the intra-group insurance created between members? This study attempts to answer these questions in relation to the Self-Help Group method of delivering credit to the poor in the Indian context. The data is drawn from a field survey of Self-Help Group (SHG) borrowers in Maharashtra, India.
Self-help group method of lending in India The self-help group method of delivering credit to the poor is largely a mechanism promoted by the NGOs in India. The groups that are formed consist of 11-30members selected by themselves. Typically, the formed groups consist of members residing in the same neighbourhood or known to each other as friends or long term acquaintances. The group members meet regularly (either weekly/fortnightly or normally monthly). Meetings are held on a fixed date, normally within the first seven days of every month either in a common place (school) or rotationally in 122
members' homes. The agenda is notified in advance. The agenda includes items ranging from minutes of the previous meeting, the disbursement of loans, the collection of savings, and other related matters. The meetings usually begin with a community song. The group leader or an office-bearer normally maintains records of savings and loans. These are verified by a representative of the local NGO and are sometimes audited by an external agency. SHGs function on a set of rules and regulations. SHG members are fully aware of entry and exit rules. For instance, in the present sample, a new member has to pay all dues and an existing member is discouraged from leaving before the first five years. Each member contributes a fixed amount towards a savings deposit, which is compulsory. Sometimes the fixed amount, which is the same for each member, can vary every month. Members cannot withdraw the savings deposits for a fixed term. For instance, the members of the SHGs in the present sample cannot withdraw the savings deposit for a five-year term. As the group funds swell, usually after six months since the SHG begins its operations, inter-lending activity begins, and the members can access credit from the SHGs. Loans advanced follow some predetermined norms and priorities of member needs. Loans are charged a rate of interest, which varies between 18 to 36 percent per annum. This is either channelled back into the common group fund or sometimes members get it back as interest on their savings or as a dividend i.e. as a share of profits.
Methodology This study is based on material collected (I)in three villages of Rajgurunagar Taluk (2),Pune District in Maharashtra, India. Kaman, Kadadhe and Mohkal, the three villages in the sample, broadly represent big, medium and small villages in terms of the area. Kaman is spread across a total area of 986,82 hectares with 308 households and a population of 1,661. Kadadhe is next to (I) The author personally undertook the data collection during September-October, 2002. (2) Chaitanya, the local NGO operates in this area, and most of the participants in the sample were from the SHGs promoted by Chaitanya, except four participants from the SHGs under Swaranjayanti Gram Swarajgar Yojna (SGSY).
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Kaman with a total area of 933.22 hectares, 558 households and a total population of 2,672. Mohkal is the smallest of the three villages with a total area of 442.88 hectares and a population of 753 and 121 households. The social composition of the villages indicates that the SC/ST population is 16.87%, 14.97% and 13.06% in Mohkal, Kadadhe and Kaman respectively. Sample The sample was consciously small to ensure quality data through intensive surveys of respondents but also due to resource and time constraints. Given the small sample size, some care was taken to ensure the representativeness of the sample by selecting some of the participant and non-participant households from some specific groups (3).A sample size of 50 households from the three villages was interviewed (4).The sample had two subsets -
35 participant households comprising the project group and
a matching control group of 15 non-participant households. In addition, some representatives of the NGO, financial institutions associated with the micro-credit initiatives and a few individuals representing institutions focused on rural development efforts were also interviewed to obtain a synthesized perspective on the concerned issues. Participant households Thirty-five households belonging to 18 SHGs from the three sample villages formed part of the project group. Of the thirtyfive participant households, 15 were non-poor and 20 were poor households (5).The participant households belonged to eighteen SHGs in the sample. (3) These were randomly selected from agriculturallabour households, femaleheaded households/widows, ethnic tribes (Takkars/Kolis belonging to the Scheduled Tribe, hereafter termed ST), Neo-Buddhist (Scheduled Caste, hereafter termed SC) representing the vulnerable sections. (4) The author conducted the interviews with semi-structured questionnaires. (5) Besides the household income, classification of households was based on multiple correlates of poverty i.e. whether the household head was illiterate, landless, widowed, or an agriculturallabourer or belonging to a ST/SC and including whether the household income is less than Rs.l7,500 per annum at current prices for a household size of 5.
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Non-participant households Fifteen non-participant households from the three sample villages formed the control group. The control group respondents were broadly from the ST, agriculture labour (6) households, small holders as well as a few non-poor nonparticipant households.
SHGs in the sample: A profile To gain an understanding about the values of cooperation, participation and mutual reciprocity that are manifest in the SHG members, tracing the pattern of the nature and profile of SHGs in terms of group composition, group norms and discipline, and social relationships among participant households would be illustrative. In the sample, the participant households belonged to 18 SHGs. The age of SHGs varied between 2 and 15 years old. While five SHGs were between 9 and 15 years old, 13 SHGs were between 2 and 5 years old. Of these SHGs, three groups were the youngest, four were oldest, and the average age of the SHGs was 5.86. The average size of the SHGs was 16. On average, the participant households were members of SHGs for 5.34 years. However, the non-poor participants had been members of self-help groups for a longer period than the poor participants. Average years of membership for non-poor and poor were 7.125 and 4.07 years respectively. Group composition In terms of gender composition, a majority of the SHGs barring two in the sample were 'women only' groups. While sixteen groups consisted of all women members, one had mixed gender and another had male members only. Caste affiliation of the SHGs in the sample revealed that while seven groups were socially homogeneous, eleven groups were socially (6) A smallholder household owns or cultivates about 2.5 acres of land. Four nonparticipant households had an average landholding of 1.75.
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heterogeneous (7).The proportion of Marathas and non-Marathas in the eleven socially heterogeneous groups indicated that while six groups had a higher proportion of Marathas, the remaining five had a higher proportion of non-Marathas (8). Group formation The success of pioneer and older groups was a significant factor in the formation of other groups (both women and male groups) in the sample villages. The selection of members in forming groups apparently followed no predetermined criterion. A foremost reason cited by the participating households was their association as fellow villagers (9).That is, all those willing to participate and known to each other either self-selected themselves or were inducted into the group with the efforts of the local NGO. Some participant households, who were members of groups formed after the success of older groups highlighted that their willingness and enthusiasm for joining a SHG stemmed from the perceived benefits of group membership. Twenty (out of thirty-five) participating households were from different wadis (10)located in different neighbourhoods in the present sample. The oldest groups consisted of people principally either from the same wadi or adjacent wadis. The two youngest groups out of eleven socially heterogeneous SHGs had members residing in diverse and far-flung wadis. The control group members also underlined that the SHGs were formed including all those who were willing to participate. An issue that was discreetly inquired into, in the course of the survey, was whether there were cases of the poorest being (7) Socially
homogeneous
groups
refer to SHGs consisting
of members
from the
same caste/community. While one group consisted of only Takkars/Kolis (Scheduled Tribe), six groups were composed of only Marathas (upper caste Hindus). Socially heterogeneous groups refer to SHGs with members from diverse castes/communities and non-Marathas i.e. ST, SC and Muslims. - Marathas, (8) The proportion of Marathas in 6 groups and non-Marathas in 5 groups ranged between 55 to 95 %. (9) Participating households
knew each other as fellow villagers
by virtue of being
either born or married into the village or as long-term acquaintances. (10) A wadi is a group of households who are related to each other either by blood or kinship or from similar caste and whose dwellings are clustered together in one geographical area of the village
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excluded while the groups were being formed. Though most of the participant households denied any potential (vulnerable) applicants being left out of the group membership, a minuscule of them did state that in rare cases, where the domestic and economic conditions were pitiable, other group members had reservations about admitting them, fearing their inability to meet the group requirements consistently. The non-participant households likewise knew of rare instances of potential aspirants being denied entry into SHGs in the sample villages. In effect, cases of the poorest of the poor who were unable to get membership cannot be ruled out. Reasons for non-participation by the control group households were largely voluntary and included inability and unwillingness to meet the compulsory savings requirement and to bear the risks of indebtedness, and lack of liquidity and lack of time to devote to group meetings at the expense of work time and consequent loss of earnings. Group discipline The SHGs adhered to the rules and regulations governing attendance in meetings, schedule for depositing savings, repayment of loans, and entry and exit. Fines and penalties for defaulters in many groups were considerably stringent to ensure the smooth functioning of the groups as well as to keep the group members' seriousness and interest in the functioning of the group. The extent of group discipline could be gauged, for instance, by the fines charge by the group. To illustrate, a few groups ensured group discipline by the practice of increasing the fine amount equivalent to the monthly savings contribution for non-payment of the loan instalment on time, and for non-attendance of members in the monthly meetings. Though some poor participant households found the fine amount burdensome, they admitted, however, that it was necessary to maintain group discipline. Besides stringent penalties, moral suasion was used to ensure that all the members attended the SHG meetings regularly. In case a member faced difficulty in either depositing the savings or repaying the loan, the SHGs expected the physical presence of such a member in the meetings to understand her/his personal exigencies for providing
127
support to help overcome her/his hardships. Consequently, group attendance was considerably high. Excepting the mixed-gender group, attendance in most of the SHGs in the sample ranged between 90 and 100 percent due to a combined strategy of moral suasion and firmness.
Social relationships/ties The social relationships among the members of the SHGs were defined primarily by their long-term village association. Almost all the participating households drew attention to this aspect in the interviews. Thirty-three out of thirty-five participating households recalled that their association with other group members was longer than eight years. Their relationship dated back to either since childhood or marriage in the village, and they had known each other as friends or neighbours or relatives or long-term acquaintances before participation. On average, the length of association of the participating households with the group members stood at 7.71 years. Structure of Social Interaction Besides the group meetings, there was social interaction among the group members periodically during festivals, family events (childbirth, marriage ceremonies), and also as and when free time was on hand after domestic chores and work. However, for agriculturallabour dependent participating households, the nature of their occupation did not permit much room for social visits with each other except on some occasions due to social or family obligations/compulsions. The interaction between the families of group members was considered 'good' by a majority (77%) of the participating households. About one fifth (20%) of the sample participant households considered the relations between the families of group members as 'somewhat good'. A poor (Maratha) participating household, who is also the leader of a two-year-old socially heterogeneous group offered one explanation for this perception. Her group of eleven members (all poor households) consisted of five Adhivasi households, who were poorer than the other six Maratha households. Though the Adhivasi members and
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their families were invited by Maratha members' households for family functions and festivals, reverse social visits had not yet occurred because traditionally such visits were atypical due to the lower status - both economicallyand socially - of Adhivasi members. However, relations between families of group members were gradually evolving in her group as the members' sense of belonging, mutual trust and reciprocity as well as adherence to the group's values were gradually growing over time as members were becoming conscious of the benefits of SHG participation. In the present sample, most of the group members' children were playmates and irrespective of caste affiliation, freely played together in the village. It was also pointed out by a small section of the project group that for children of those members' whose dwelling places were scattered in different neighbourhoods, it was practically not possible for them to play together. As some forms of daily behaviour and engagements between people - for instance, children playing together, joint participation in social activities (festivals, social events) are indicative of social networking, perception of the sample households illustrate the nature of social ties that existed between the group members in the sample SHGs. The average size of the social network (ll)ofthe project group members was four with a range of 1 to 15. There was, however, a wide gap between the non-poor and poor participating households' social networks. While the average size of the social network was six for the non-poor, it was two for the poor participating households. Three poor agricultural labour households had no personal social network. Nearly 83% of the project group members' social network was small and closely knit and 9% had a large and loosely knit social network. Social cohesion Solidarity between the members of the groups is a function of intra-group behaviour that exists between members. An inquiry (11) The social network referred to the number of people (friends/neighbours/ relatives) with whom the participant households had a close personal relationship.
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into the nature of intra-group bonding between the members perceived by the participating households is suggestive of the consistency in social relationships between the SHG members in the present sample. The sense of goodwill perceived by the participants was fostered by a number of values that build cooperation and mutual reciprocity was reflected in the following behaviour. Participants rated some dimensions of group behaviour indicating the extent of the group behaviour by the members: friendly and cooperative behaviour (86%), sharing and caring (91%), trust and allegiance between group members (83%), collective participation of members (89%) in social campaigns (e.g. health, education campaigns, and meetings of the SHG federation), religious trips (pilgrimages to nearby places of worship), entertainment (picnics, group get-togethers) and other activitieslceremonies (family events of members/villagers like marriage, birth, death). However, nearly one quarter of the poor participant households belonging to four heterogeneous groups felt that total trust and confidence between all the group members had not yet developed partially because it would take some time for an attitude of complete trust to set in relatively young groups. Crucially, they drew attention to the fact that since many of them were dependent on agriculturallabour, it was difficult to spend more time with each other except for an hour during the compulsory group meetings, and investing more time in collective activities meant loss of work and wages. As a result, the process of understanding each other for building complete trust was sluggish. To a specific question on whether and why they looked forward to attending the group meetings, just about the entire sample participating households expressed that they eagerly looked forward to attending the group meetings not only because it was a forum for collective activity but also it gave them an opportunity to share each other's experiences, troubles and to reach out to each other. They also revealed how the warmth of feeling and understanding between the members in the group meetings helped them to know each other better, thus forging new alliances - all of which improved their sense of belonging and allegiance with the group. 130
There was an easy, open and transparent flow of communication between the members as well as between the members and the leader. Not only was this aspect of the group characteristic endorsed by nearly 83% ofthe project group households, but many in the sample -
including two SC and two tribal households - drew attention to the
fact that members aired their opinions freely in the group meetings; fights between members sometimes were nasty; differences when expressed were unhindered by any fear or favour but ultimately the group members resolved their differences amiably. The members of the group also thawed any personal misunderstandings, if any, between members. Many participating households also highlighted that democratic discussion of all matters left no member nursing a personal grudge or any ill feelings. Overall, there was a sense of camaraderie between the group members since there was a perceived sense ofbeliefthat participation in the SHG was ultimately to help them. There was a strong dismissal of a suggestion about the presence of any groupismlbias amongst members from nearly 94% (33 out of 35) participating households. Though a handful of the participating households admitted that there were smaller sub-units of closeness between two or three personal friends or relatives, they drew attention to the fact that this kind of personal intimacy in no way undermined the sense of solidarity between the group members. Team spirit amongst the group members was perceived to be present in most of the groups that had been in existence for more than two years. However, it was weak in both mixed-gender and young groups. Asked to evaluate their groups in terms of cohesiveness, 20 participating households regarded their groups as closely knit and 15 participating households considered their groups as moderately knit units. Disaggregated analysis of the latter estimation revealed two strands of reasoning. The first strand of reasoning is illustrative of fifteen participants, of whom all but three were poor households. The principal source of income for nine households (out of the twelve poor households) was agriculturallabour; besides, seven of these twelve households belonged to young SHGs, which were 2 to 31/2 years old. As the participation in the group activities for the
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labour-dependent households was restricted to those events that were either compulsory or voluntary (12)due to the nature of their occupation, their complete involvement was less than adequate by necessity rather than design. This estimation was corroborated by three non-poor participating households (including two group leaders) belonging to three SHGs with a high proportion of agriculturallabour households (ranging between 47% and 95%). The second strand of reasoning was that the process of building complete trust between the members was gradually developing in a few groups that were quite recently formed and therefore, these young groups were considered as moderately knit. The rating of these participating households, however, in no way effected their emphatic denial of groupism or bias of any kind among the members in their groups. A high percentage of participating households (91%) expressed that the presence of 'we' feeling amongst the group members fostered the sense of bonding and belonging. Group solidarity Overall, the responses of the project group members on different dimensions of group members' conduct and attitude towards each other is reflective of the sense of solidarity shared between them within the group, notwithstanding a few members' inability to invest more time in group-related activities. On the issue of group homogeneity, Gaiha (2000) raises a concern about whether group cohesiveness could be synonymous with social background (that is caste affiliation) or economic status. This is due to the apprehension that a dominant group (either non-poor or upper-caste members) could corner the benefits of participation. Viewed in the context of social relationships and social assets that seems to have been built up among the members of the SHGs in the study, the cementing factor towards group cohesiveness apparently is the perceived (12) Compulsory activities were group meetings or designated group events (groups visits to members' residences to exercise group influence in case of loan delinquency), and voluntary activities included occasional visits to group members' houses to participate in social events (marriages or festivals) or friendly calls when time permitted.
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benefits of participation (both economic and non-economic) in the SHGs. Besides, a common social environment (in terms of village association with similar social norms and conventions) as well as prior social interaction before participation may well be likely factors for the social cohesiveness in the SHGs as perceived by the participant households in the sample villages. Anderson, et al (2002) observe that microcredit programmes often use group lending and group meeting techniques to potentially build human capital and strengthen social capital of the community because the participants in traditional rural economies have limited (or negligible) opportunities either for interaction or to build trust or warmth. The participating households' feedback on the nature of social relationships in the present study is illustrative of the social values of cooperation, trust, warmth and mutual reciprocity (social capital) that have been built up between the members of the SHGs.
Use of microcredit: Micro savings as insurance substitutes Since savings and credit take force after shocks occur and help insulate consumption patterns from income variability (Morduch, 1995), an issue is whether the Self-Help Group method of delivering micro financial services provides protection against personal shocks and emergencies by enabling its members to obtain sufficient sums of money to overcome the exigencies. An important motive for depositing the group savings by the entire project group in the sample was on the expectation that it would act as a risk-hedging arrangement in the future. Several participating households emphasised that participation in the SHG forced them to save in small amounts but enabled any member of the group to benefit in terms of accessing a loan amount higher than what would have been possible otherwise, with neither collateral nor any formalities. Attributing the surety of getting help in the form of 'credit at short notice' from the group savings fund with no major formalities, the project group households found that it made 133
it possible to meet any unexpected personal shocks and thus, regarded it as a means of coping with idiosyncratic risks. In this context, Besley (l995b), while reflecting on the existence of positive externality between the credit and insurance markets in economies with imperfect information, observed that 'private lenders, such as the Grameen Bank, who lend to groups, have been able to internalise this externality by requiring that groups create savings pools that function as an insurance fund to the members'. In effect, the creation of a group savings fund pooled from compulsory savings of each individual member of the SHG ensures that the participants of the SHG have access to an indirect protective cover to cope with personal shocks and to cope with the risk of losses arising from unexpected emergencies and/or major expenditures associated with lifecyc1e events. Another important but related aspect of the linkage between the 'compulsory' savings and credit is the opportunity for the participant households to swap tiny amounts of savings into lump sums using the dual financial services of the SHGs. Since the individual savings deposited with the SHG, by rules, is nonavailable before the 5-year period, instead the group provides credit from the group's savings fund. In effect, the SHGs offered dual opportunities for swapping, and the participating households could obtain ample sums of cash as and when needed for coping with risks. The crucial difference between these two kinds of swaps was their timing of availability. While the option of 'saving up' (saving) could be drawn at the end of a long term, the option of 'saving down' (loans) was available both at short notice and at times with no notice as well from the SHGs. This permitted the members the required flexibility to adapt their use of the twin services to their preferences. Thus, some participants (as the poorest - especially tribal and agricultural labour households) liked to save and withdraw at the end of a long term but would never consider borrowing; other participant households accessed loans because it proved useful to obtain a lump sum either to meet anticipated needs or unanticipated needs/emergencies and crises. 134
Since 'forced' savings forms the basis of securing right of entry to obtain group credit, the borrowers of the SHGs had more than one way of acquiring large sums of money by swapping their recurrently saved small amounts. Therefore, the inherent flexibility of the SHG method of lending with its emphasis on compulsory savings played the role of insurance substitutes by enabling members to raise huge sums of money in times of need - be it to meet anticipated lifecycle needs (education, marriage) or unanticipated emergencies (illness, accidents). Self-help groups and intra-group insurance Studies indicate that the group (repayment) performance and success of group lending are likely to be dependent on the extent of social cohesion that exists between group members. Group homogeneity that may manifest in the form of similarities in community, ethnic group, social class, gender, economic status, neighbourhood, friendship, and kinship may have an important bearing not only on the extent of group cohesion but also on the willingness of the group members to offer reciprocal help. Since mutual insurance in microcredit groups is ex post to adverse shocks (illness or unexpected economic pressures), an issue of concern is whether participation in a group-lending scheme (Self-Help Groups) offers the members protection against income fluctuations and other personal perils by stimulating the intra-group insurance between members. The mechanism of intragroup insurance was manifest in the SHGs in the present sample. Whenever a member of the SHG faced any personal difficulties in meeting financial obligations of membership (be it repayment of loan or depositing regular savings) due to adverse shocks, other group members either volunteered or agreed on request to assist the member affected by misfortune and bailed her/him out. Intra-group insurance: individuallevel At the individual level, participating households (80%) indicated that when a member of the group faced difficulties in depositing the compulsory savings or loan repayment, there was an unstated group norm that such a member would be helped 135
by any peer group member by contributing her/his share of the savingslloan repayment. However, this kind of individual level mutual insurance was nearly non-existent in groups with members from predominantly vulnerable sections, viz. from landless agriculturallabour, ST/SC, small farmer households. An important reason for their inability to provide mutual help arose from their dependency on agriculturallabour. As a result, the ability of the poorest households to spare money for some other member facing hardships was either very limited or rarely possible Intra-group insurance: Collective level A second form of intra-group insurance that existed in the present sample was at the collective level. That is, when a member of the SHG was in distress due to adverse conditions, the peer group members collectively helped such a member. The decision to help such a member is not only collective but also takes place in two ways. First, when a member is unable to meet an instalment obligation due to unexpected personal hazards (illness, medical emergencies), the group members either pool in money or use the group savings fund to repay the share of member's loan payment (be it interest or principal). The peer group members collectively assist in this manner whenever a member experiences difficulty in repayment of the loan extended by the SHG out of the borrowed funds from the sangha (the SHG federation) (13).As the loan funds from the sangha are to be repaid on due dates by the SHGs so as to protect the credit limit available to the group, the group members either collectively pooled the money or drew from the group savings fund to repay the afflicted member's share of loan payment to the sangha. Secondly, Self-Help Group rules dictate that no member is eligible for the next loan without repaying the previous loan with interest. However, whenever a peer group member faces negative
(13) Most ofthe SHOs in the sample were members of Oramin Mahila Swayamsiddha Sangha, the SHO federation supported by the local NOD. As federation members, SHOs accessed credit from the Sangha for meeting the demand for loans when their internal savings fund was inadequate for the purpose.
136
shocks (illness, medical emergencies, accidents), a majority of the sample participants reported that the group sets aside this norm to bailout the distressed member. They indicated that other group members agreed to help out any member by offering a second loan while the previous loan was outstanding so that the hardships faced by the unfortunate peer group member were eased. Towards this end, some groups even resorted to borrowing from other groups for meeting any emergency needs of their group members. That is, when the group's collected funds were exhausted after distribution of loans and in case any member required money urgently, the group petitioned another SHG to bailout the peer member in distress. Mutual insurance provided by the group members in the SHGs in the study covered idiosyncratic shocks that are both consumption as well as production contingencies. Implicit reciprocity formed the basis of mutual insurance provided by the SHG group members for any peer group members.
Group participation and impact on women Due to a selective focus on management of risks, women participants were fielded no specific questions about the changes in their personal lives/status or on management and control of loan financed assets after group participation. However, during the course of the personal interviews, more than a few women participants in the sample reflected about some of the positive changes that have occurred after their participation in the SHGs. Given below are some of the highlights of their reflections strung together. There was an overall sense of improved status within the household and outside the community for many after their participation - especially those members whose length of membership is longer than 4 years. After initial resistance to the idea of women forming groups, male attitudes underwent a transformation after the perceived benefits of participation occurred to the household. To illustrate this point, a leader of the oldest group in the sample indicated that the success of pioneer 137
women groups and subsequent groups paved the way for village males forming 'all male' groups in these villages. Many of the participating households perceived an increased awareness of one's self-esteem and self-confidence that set in after becoming members of SHGs. For instance, one non-poor participating household drew attention to the fact that group participation opened doors for meeting other women in the village to interact with them, share their personal experiences and build new relationships. Many others endorsed this aspect of participation suggesting that they took a break from household chores and responsibilities for attending group meetings, which helped them to strengthen bonds with other women facing similar problems and concerns in their lives. More crucially, self-help group participation became an important avenue for collective consciousness in dealing with issues of relevance in their day-today life (for example, to work together for improvement in basic needs like water) to handle and resolve domestic quarrels and marital discord. In addition, as the perceived benefits (especially, economic) of group participation grew, regular interaction amongst members of the groups created new awareness about how group participation has become an extended option for dealing with risks and to reduce their vulnerability. For instance, they drew attention to their heightened sense of confidence to get financial help when a contingency strikes their household because their SHG membership enabled them to obtain microcredit, which acted as a 'stand by credit' to tackle any untoward emergencies. Considering women have limited opportunities for social interaction in rural communities or limited opportunities for borrowing, participation in the SHGs acted as an outlet - both to meet and interact with other women as well as to access monetary help with ease and minimum formalities during personal shocks, thus augmenting their risk-bearing capacity.
Concluding observations The potential role of the group in a group-lending programme acting as a risk-hedging network acknowledged in recent 138
research is manifest in the SHG method of group lending. Both 'compulsory' savings and credit offered by the SHGs performed the task of insurance for the participant households by permitting them to swap tiny amounts of savings into lump sums in times of anticipated needs (marriage, education) or unanticipated needs (illness, accidents). More crucially, SHG participation ensured access to large sums of money in the form of credit than what would be possible otherwise - with neither collateral nor any formalities - at short notice as well as without notice for coping with any personal shock and emergencies by swapping over lump sums of cash either as credit or as savings. In the process, both the 'savings' and 'credit', the twin financial services of the self-help groups, provided protection to the participant households by improving their risk-bearing capacity to cope with personal shocks (illness, accidents, or anyemergencies). One finding of the study with potential for successful cooperative behaviour relates to how participation in self-help groups offers protection against personal shocks for the members by stimulating intra-group insurance between members. In addition to the nature of social ties that existed before participation, the perceived benefits of SHGs after participation fostered values of group cohesion, cooperation, trust, warmth and mutual reciprocity (social capital) and were at the core of the intra-group insurance displayed between the members of the SHGs. Mutual insurance between the SHG members was manifest when the group members bailed out any member having trouble in repayment or depositing savings - both at the individual and/or collective level. However, intra-group insurance - at the individual level - was nearly non-existent in groups with member households belonging to specific vulnerable groups (for example, landless agriculturallabourers, ST/SC). Though the results point towards how microcredit could buffer against personal shocks, the degree to which microcredit could help the member households - especially the poorest - absorb risks was limited due to certain group-specific and participant-specific factors. 139
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Le rôle économique des banques coopératives dans les pays en transition: le cas du Kirghizstan Nazik Beishenaly*
L'objectif de ce travail est de porter l'attention sur le rôle que les banques coopératives pourraient jouer dans les pays en transition comme le Kirghizstan. Ce rôle est étudié sous l'angle de la prise de contrôle d'une banque domestique par une banque étrangère, qui est un problème d'actualité dans de nombreux pays de l'ex-URSS. Dans cette situation, le statut coopératif et l'absence de possibilité de commercialisation des parts sociales des banques coopératives semblent être une solution pour le secteur bancaire national, dans la mesure où ces structures permettent au pays de maintenir une certaine stabilité financière. De surcroît, le crédit coopératif aurait la capacité d'amortir les effets négatifs de la présence étrangère dans le secteur bancaire, notamment en ce qui concerne le financement des PME.
* Doctorante; université de Grenoble-II, Cepse; université d'État du Kirghizstan. Mél. :
[email protected].
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e Kirghizstan, une ancienne république de l'URSS située en Asie centrale, est un pays indépendant depuis maintenant quinze ans. Son économie est en transition vers une économie de marché. À ce titre, tout s'y reconstruit, et le financement des activités économiques n'échappe pas à cette démarche générale. Un processus de transformation du système bancaire est en cours. Après avoir vécu une période marquée par l'essor de nombreuses banques commerciales privées (1991-1995), les années suivantes (1996-1999) furent caractérisées par la liquidation (faillite, recapitalisation interne, etc.) de nombre de ces nouvelles banques. Le système de crédit du Kirghizstan est en train de se stabiliser. Néanmoins, l'évolution du marché bancaire est accompagnée par un phénomène d'entrée des capitaux étrangers dans ce secteur. Cela représente sans doute des avantages, comme l'apport de nouvelles techniques bancaires et de savoir-faire. Toutefois, du point de vue de la stabilité du système financier, il est préférable pour le pays de compter un certain nombre d'institutions bancaires domestiques (I).Dans ces conditions, un créneau stratégique semble être réservé aux banques coopératives. En effet, d'une part, en tant qu'organisations complémentaires aux établissements privés et aux institutions publiques, les banques coopératives appartiennent à un sociétariat national et, d'autre part, elles peuvent acquérir ellesmêmes d'autres structures bancaires, comme en témoignent les acquisitions de banques commerciales par les groupes coopératifs en France. Les banques coopératives permettent ainsi d'éviter que d'autres banques domestiques ne passent sous contrôle étranger. Le rôle des banques coopératives est important non seulement du point de vue de la stabilité macroéconomique, mais aussi relativement au financement des PME. Comme le démontrent de nombreuses études empiriques réalisées dans les pays en développement, les banques étrangères ont tendance à choisir les meilleurs clients du marché où elles investissent en créant des conditions de concurrence difficiles pour les banques domestiques.
L
(1) Le terme « banque domestique » est généralement banques contrôlées par les capitaux nationaux.
142
utilisé pour désigner les
Dans ce contexte, on argumente que la promotion du crédit mutuel, qui intègre à la fois les avantages d'une banque domestique et les compétences d'une banque universelle, permet de fournir un financement adapté à la fois aux besoins et aux possibilités de remboursement des entreprises kirghizes, le plus souvent petites et moyennes. Ce travail se compose de trois parties. Il s'agit dans une première partie de parcourir la littérature sur la question des capitaux étrangers dans le secteur bancaire et ses conséquences pour le pays d'accueil. Dans un deuxième temps, nous discuterons le rôle économique des banques coopératives au regard de ce problème de la domination du secteur bancaire par les acteurs étrangers. Enfin, nous présenterons le système bancaire kirghize afin de justifier la nécessité du crédit coopératif.
L'entrée des capitaux étrangers dans le secteur bancaire: les conséquences pour le pays d'accueil L'entrée des capitaux étrangers dans le secteur bancaire peut s'effectuer de différentes manières en fonction de la juridiction du pays. Néanmoins, elle se matérialise selon quatre formes récurrentes: l'apparition d'un bureau de représentation dont les activités sont limitées aux opérations commerciales non bancaires; la création d'une succursale qui est autorisée à mener certains types d'opérations bancaires; la naissance d'une banque affiliée qui est une banque locale dans laquelle la société mère détient moins de 50 % du capital; enfin, la naissance d'une filiale dans laquelle la maison mère détient plus de 50 % du capital (Blandon, 1999; Clarke et al., 2001). Les bureaux de représentation et les succursales sont intégrés dans l'organisation de la société mère sans avoir un statut juridique distinct et leurs activités sont limitées à un certain nombre d'opérations bancaires. Ce type d'entrée correspond souvent à l'accompagnement de l'internationalisation importante des activités de la clientèle de la banque. Ces étapes constituent parfois un préalable à une implantation plus importante dans le pays. 143
Les deux derniers cas, naissance d'une banque affiliée ou d'une filiale, correspondent à des entrées de banques étrangères dans le capital de structures locales. Cette situation peut avoir lieu suite à une nouvelle implantation ou au rachat d'une banque domestique. Notre étude porte en particulier sur ce dernier cas, où le secteur bancaire passe progressivement sous le contrôle étranger. De nombreux travaux ont été consacrés à l'étude de la question de la présence du capital étranger dans le secteur bancaire (Berger, De Young, 2001 ; Claessens et al., 1998; Herrero, Simon, 2003). Selon ces études, les raisons économiques expliquant l'implantation des banques à l'étranger consistent en des avantages concurrentiels pour ces banques sur certains types de produits pour lesquels le marché local est en retard. Les rendements d'économies d'échelle représentent un autre facteur de motivation d'internationalisation des activités bancaires. Enfin, l'environnement politique et économique du pays d'accueil, et notamment les caractéristiques de son système bancaire, l'existence ou non de barrières réglementaires à l'entrée et la rentabilité espérée des opérations bancaires déterminent le volume des investissements étrangers dans le secteur bancaire. En ce qui concerne les conséquences pour le pays d'accueil, les économistes sont partagés. De nombreuses études réalisées dans ce domaine concluent que la libéralisation du marché bancaire et l'afflux de capitaux étrangers ont des effets positifs sur l'économie du pays hôte (Claessens et al., 1998; Clarke et al., 2001). Citons tout d'abord 1'« importation» du savoirfaire en termes de pratiques de gestion et de techniques bancaires, autant d'apports qui contribueraient à l'amélioration de la qualité des services offerts et à l'élargissement de la gamme des produits innovants (Berger, De Young, 2001). Ensuite, la présence étrangère peut être considérée, pour les banques étrangères qui investissent, comme un moyen de diversifier leurs risques en cas de détérioration de la conjoncture dans leur pays d'origine. Enfin, en disposant de la capacité d'attirer les investissements directs étrangers en provenance 144
de leur pays d'origine, les banques étrangères stimuleraient la concurrence locale. Or, une concurrence accrue se traduirait par un assouplissement des conditions tarifaires sur le marché local, ce qui profiterait in fine aux consommateurs, même si cette concurrence compliquerait le fonctionnement des banques domestiques (Claessens et al., 1998). D'autres économistes insistent sur les risques de perte d'autonomie financière pour le gouvernement et la banque centrale du pays d'accueil. Ces derniers peuvent craindre un poids excessif des capitaux étrangers qui pourraient aller à l'encontre des politiques nationales. La fuite de ces capitaux pourrait générer une crise financière qui viendrait aggraver d'éventuelles turbulences économiques ou politiques. Par ailleurs, les banques étrangères ont tendance à sélectionner les meilleurs clients du marché local (logique de «
cream skimming»
(2)
[Clarke et al., 2001]). Elles sont ainsi
à l'origine de difficultés pour les banques domestiques et les clients considérés comme risqués. La baisse des profits dans le secteur bancaire engendrée par la montée de la concurrence conduit les banques locales à se repositionner sur le créneau des entreprises délaissées par les banques étrangères. Les études empiriques réalisées sur cette question montrent que, la plupart de temps, les banques locales commerciales n'arrivent pas gérer ce changement (augmentation des risques, baisse des profits) et sont amenées à faire faillite (Berger et al., 2001 ; Detragiache et al., 2006). De plus, la présence des banques étrangères ne profite qu'à des meilleurs emprunteurs et par définition aux grandes entreprises existantes, au détriment des PME ou des entreprises nouvellement créées. Ainsi, les PME seraient touchées par le problème de rationnement de crédit (Beishenaly, Malo, Vézina, 2006) suite à la domination étrangère sur le secteur bancaire. Certains auteurs expliquent cette situation par la spécificité de fonctionnement (2) Ou encore« cherry picking» : termes renvoyant aux pratiques des multinationales qui jettent leur dévolu sur les meilleurs entreprises d'un pays donné en laissant les autres (et, partant, les coûts associés) aux banques locales.
145
des banques étrangères et notamment par la distance entre les unités opérationnelles et les instances décisionnelles. Pour limiter les aléas liés à cette distance, l'organe central de la banque introduit un ensemble de normes standardisées afin de mieux contrôler ses structures à l'étranger (Detragiache et al., 2006). Contenant des contraintes tarifaires et temporelles, ces normes limitent la prise en compte des facteurs relationnels dans les activités bancaires. Les banques étrangères pratiquent alors une approche transactionnelle (3)centrée sur les grandes entreprises, puisque « la distance rend difficiles les services basés sur le relationnel aux consommateurs locaux» (Berger, De Young, 2001, p. 1). Les consommateurs qui, comme les PME, nécessitent une approche relationnelle en raison de leurs spécificités vont donc subir un rationnement de crédit. Ainsi, l'entrée graduelle et la domination du secteur bancaire par les banques étrangères s'accompagnent de phénomènes contradictoires: d'une part, ce processus bénéficie au système bancaire local et renforce la concurrence, alors que, d'autre part, il est associé aux banqueroutes des banques commerciales domestiques et au problème de sous-financement des PME. Le processus de l'entrée des banques étrangères représente donc un phénomène ambivalent. Dans notre étude, nous évoquons une solution alternative aux problèmes engendrés par les banques étrangères sans pour autant s'opposer à la libre circulation des capitaux bancaires. Il s'agit des banques à statut coopératif, dont l'existence, à notre connaissance, n'est jamais prise en compte dans les travaux sur les banques étrangères. Le capital d'une banque coopérative, composé de parts sociales non commercialisables, permet en effet au pays d'accueil de disposer d'établissements bancaires nationaux sans être protectionniste. On estime par ailleurs que les banques coopératives sont mieux adaptées pour le financement des PME. (3) Une approche
transactionnelle
décrit
le comportement
des banques
qui
fonctionnent dans une logique de rentabilisation immédiate des portefeuilles. Cette approche s'oppose à l'approche relationnelle, qui caractérise la volonté des banques de développer des relations de long terme pour mieux connaître leurs clients (voir par exemple Berger et Udell, 2001).
146
Les banques coopératives comme un facteur d'équilibre entre le capital étranger et le capital domestique dans le secteur bancaire La présence des banques étrangères est loin d'être un phénomène univoque et chaque pays adopte une stratégie différente face à l'entrée des capitaux étrangers, en fonction de son environnement économique et politique. Certains pays ont fait le choix de limiter l'entrée des banques étrangères en mettant en place les restrictions réglementaires ou économiques, alors que d'autres fonctionnent avec un système bancaire appartenant entièrement à des banques étrangères. Nous estimons toutefois que, pour les pays où le système financier n'est pas stabilisé, il est préférable de trouver un équilibre entre les capitaux étrangers et nationaux dans son secteur bancaire. Cet équilibre sur le marché bancaire peut être important non seulement pour les pays en développement, mais aussi pour les pays européens. Une réticence à l'entrée des acteurs étrangers est (4) observable aussi bien sur le plan national que sur le plan régional, où les dispositifs de la Commission européenne favorisant les acquisitions intra-européennes ont permis jusqu'à présent de limiter les prises de contrôle par des entités extracommunautaires. Dans ce processus récent de fusions-acquisitions en Europe, les banques coopératives ont été les principaux acteurs: grâce à leurs réserves accumulées, elles ont pu acquérir sans difficulté des groupes nationaux ou étrangers. Si le rachat des groupes nationaux permet au pays de conserver le secteur bancaire dans les mains des acteurs domestiques, le rachat des groupes étrangers permet au pays de remplir ses ambitions de développement à l'international. Les banques coopératives bénéficient d'un positionnement privilégié dans ce processus de libéralisation des marchés. En effet, elles ne peuvent pas être rachetées, ni cotées en Bourse même si elles possèdent des structures qui y ont accès. Ainsi, un pays (4) Par exemple, le feu vert donné au Crédit mutuel lors de l'offre publique du CIC Lyonnaise de banque au détriment de l'ABN Amra (Hollande) ou encore l'opposition du gouverneur de la banque centrale italienne à l'occasion de l'DPA de l'espagnol BBVA au profit du groupe italien UnipoI.
147
avec un système de banques coopératives peut avoir une certaine assurance quant à la prise de contrôle étrangère dans son secteur bancaire: les coopératives appartiennent au sociétariat du pays. L'autre avantage que procurent les banques coopératives pour l'économie locale consiste en leur meilleure capacité de financement des PME comparativement aux banques étrangères et même aux banques domestiques commerciales. Comme on a pu le voir dans le chapitre précédent, l'entrée des banques étrangères pousse leurs concurrents domestiques à quitter leur marché local. La nature même des banques coopératives expliquerait leur plus grande résistance à ce processus. Premièrement, le capital social coopératif, constitué des parts sociales non commercialisables, ne peut pas passer sous contrôle étranger, alors que l'accumulation des réserves indivisibles rend possible le processus inverse. De plus, l'absence d'actionnaires majoritaires empêche que les décisions ne soient prises dans l'intérêt d'un petit nombre des individus. En outre, l'absence d'obligation de distribution de dividendes aux actionnaires permet à la banque coopérative de choisir une clientèle qui peut être de petite taille ou ne pas présenter un fort potentiel de croissance. Deuxièmement, le développement des banques coopératives « d'en bas vers le haut », contrairement aux sociétés par actions, et leur enracinement dans le tissu local contribuent à l'établissement de relations de proximité particulières. Cette proximité géographique, mais aussi socioculturelle avec le sociétariat permet à la banque de mieux appréhender la situation financière, les capacités professionnelles et personnelles de l'emprunteur et, partant, sa capacité à rembourser. Ce lien particulier nous permet d'avancer que les banques coopératives disposent, par rapport aux banques commerciales, d'un avantage concurrentiel concernant le problème de rationnement du crédit (Beishenaly, Malo, Vezina, 2006). En troisième lieu, l'autonomie financière des caisses limite la taille des crédits octroyés par celles-ci. Le fonctionnement autonome avec des comptes séparés oblige les caisses à ajuster leurs activités de crédit à leurs fonds propres structurés à l'échelle régionale. Elles sont alors naturellement amenées à traiter les demandes des entreprises de petite envergure, contrairement aux
148
succursales des banques commerciales, qui fonctionnent avec une vision nationale. Cette autonomie laisse par ailleurs une certaine marge de manœuvre quant à la gestion de leur budget local, ce qui permet souvent à la caisse de financer les activités de sa communauté et de renforcer son intégration dans le tissu local. Ainsi, le capital coopératif, la proximité géographique et l'autonomie des caisses favorisent le développement des connaissances mutuelles entre la banque coopérative et ses sociétaires. Ces connaissances contribuent à la formation de la confiance du banquier, ce qui réduit l'écart entre les anticipations asymétriques quant à la réussite de projet des emprunteurs et des pourvoyeurs des capitaux. Autrement dit, la structure coopérative va permettre à la banque de mieux comprendre l'environnement et les besoins financiers des entreprises comparativement aux succursales des banques commerciales. Au terme de notre raisonnement, il apparaît que, face à l'entrée de capitaux étrangers, les banques coopératives remplissent au moins deux fonctions importantes: d'abord, elles permettent au pays d'équilibrer la présence étrangère sur le marché bancaire; ensuite, elles amortissent les effets néfastes de cette présence sur l'économie et particulièrement sur l'accès au financement des PME. Les banques coopératives ont ainsi un rôle important à jouer au Kirghizstan.
Les perspectives de développement du crédit coopératif au Kirghizstan Le système bancaire kirghize est un système à deux niveaux: la banque centrale (la Banque nationale de la République kirghize, BNRK), d'une part, et, d'autre part, dix-neuf banques commerciales, dont la Compagnie d'épargne et des règlements (CER). Outre les banques commerciales, le marché financier comprend une pléiade d'institutions financières non bancaires (IFNB), dont les compagnies de microcrédit et les unions de crédit, ainsi que la Corporation financière agricole et la Compagnie de soutien des unions de crédit. Les banques commerciales kirghizes sont représentées par quelques anciennes banques soviétiques privatisées et par des
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établissements nouvellement créés. Les nouvelles conditions du marché libre ont été une épreuve difficile à laquelle plusieurs banques n'ont pas résisté. Les difficultés étaient essentiellement liées au manque de compétences, aux normes de capitalisation, aux problèmes de législation et de fiscalité, ainsi qu'à la sensibilité aux chocs externes comme la crise financière en Russie en 1998. En 1998, le Kirghizstan fut le premier pays de l'ex-URSS à adhérer à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui impliquait une ouverture du marché aux capitaux étrangers. Varrivée de ces derniers n'a pas tardé dans le secteur bancaire. Cette ouverture a profité en particulier aux banques kazakhes, qui occupent à l'heure actuelle plus de la moitié des actifs bancaires à propriété étrangère. Leurs performances s'expliquent par les excédents générés par la production pétrolière que les banques cherchent à investir dans le pays voisin. Les autres pays ayant une présence notable dans le secteur bancaire kirghize sont la Turquie, la Corée, le Pakistan et la Russie. Par ailleurs, les institutions internationales, notamment la Banque européenne de la reconstruction et de développement (Berd) et la Corporation internationale financière (CF!) de la Banque mondiale, détiennent des parts dans des banques kirghizes. Leur présence sert à renforcer la confiance de la population envers son système bancaire et permet à ces organismes de réaliser leurs programmes de financement de certains secteurs économiques. Fiche pays: Kirghizstan (2005) Population: Superficie
5,1 millions. .198500 km2. Bichkek. kirghize, russe.
....................
totale:
...
Capitale:..........
Langues officielles: .. PIB : ........... . 2,4 Taux de croissance du PIB: .. PIB par habitant: ................................................................
Part des principaux
. agriculture
. .
secteurs
d'activité
..-0,2 %. . 440 dollars.
dans le PIB: ...34,1 %; ..20,9 %; ..14,1 %; .. 30,9 %. ...4,4 % par an. .. 12,5 %.
..
industrie .. artisanat .. services ...................... Taux d'inflation: ... Taux de chômage:
milliards de dollars.
.
.
Source: Banque mondiale, 2006.
150
En termes d'actifs, le Kirghizstan est ainsi en tête des pays de la Communauté d'États indépendants (CEI), avec 70 % des actifs du secteur bancaire passés sous le contrôle étranger (la moyenne de la CEI est de 24 % en 2005) [graphique 1]. Graphique 1 Parts de marché des actifs des banques étrangères dans les pays de la CEI (2004) 100 90 80
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70
70
58
60 50
57
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20 10
11
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Source: Berd (2005), Rapport sur la transition.
En 2005, parmi les dix-neuf banques commerciales, quatorze ont une participation étrangère, dont neuf appartenant à l'actionnariat étranger à plus de 50 % de leur capital. En 2005, 67 % du portefeuille de crédit appartient aux banques étrangères. D'après le graphique 2 (voir en page suivante), le nombre important des banques étrangères se traduit par l'accroissement des parts de marché. Comment expliquer l'intérêt dans le marché bancaire de l'économie kirghize, petite par sa taille et modeste dans ses performances? Dans la littérature, l'arrivée des banques étrangères est souvent associée au déplacement de leurs grands clients -les firmes multinationales. Cela est vrai, par exemple, pour les banques russes qui suivent les compagnies pétrolières en Ukraine, en Moldavie (Petrocommerz), en Biélorussie (Gazprombank), etc. Le cas de Kirghizstan répond plutôt à un processus inverse, où les banques étrangères entraînent les entreprises de leur pays d'origine. 151
Graphique 2 Évolution de la présence étrangère dans le secteur bancaire kirghize
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Banques
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Banquesd'Ëtat
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16,6
15,8 1999
9,7 .
....-.-..-2000
Graphique
..-.............
2001
2002
7,2 2003
--. 2004
réalisé à partir les données du Rapport sur la transition
de la Berd (2005).
L'entrée des capitaux étrangers s'explique par les conditions spécifiques du pays: L'absence de toute barrière (réglementaire ou économique) à l'entrée, contrairement à certains pays de la CEI (Azerbaïdjan, Biélorussie, Kazakhstan, etc,) (5),
.
. Un différentield'intérêt parmi les plus élevés de la CEI: en 2005, le taux d'intérêt sur les crédits est autour de 20-25 %, alors que sur les dépôts il est en moyenne de 8 % (respectivement 12 % et 10 % en Russie, 14 % et 7 % au Kazakhstan).
. .
Les coûts d'acquisition relativement faibles des banques kirghizes. Le potentiel de croissance du marché kirghize: le taux de pénétration bancaire est très bas, ainsi que le taux d'endettement, d'épargne et de paiement en monnaie scripturale. Selon une étude de la Banque asiatique du développement (BAD, 2005), il existe une agence bancaire par 32000 habitants et seulement une personne sur quarante possède un compte bancaire. (5) Selon la loi kazakhe, par exemple, la totalité des parts détenues par les investisseurs étrangers ne doit pas dépasser 50 % du capital agrégé du système bancaire. Jusqu'en 2002, la Russie avait également plafonné la participation étrangère dans le secteur bancaire à hauteur de 12 %.
152
.Le faible niveau de concentration des banques kirghizes: dans les pays de la CEI avec peu de banques étrangères, on peut observer une forte concentration du système bancaire, comme en Ouzbékistan, en Azerbaïdjan et au Kazakhstan, où une seule banque occupe jusqu'à 60-70 % des parts de marché en termes d'actifs (Standard et Poor's, 2005). . La part de l'État dans le secteur bancaire: en Ouzbékistan, en Biélorussie, au Turkménistan et en Russie, où l'État possède des parts importantes du secteur bancaire, la privatisation et l'entrée des acteurs étrangers se poursuivent à une cadence plus modérée. Chez les autorités kirghizes, cette entrée des banques étrangères suscite des réactions controversées: si les uns la considèrent comme un processus normal et sain du marché libre, les autres estiment qu'elle peut devenir un facteur de risque dans les prochaines années en mettant en danger l'indépendance économique du pays. Ces derniers prédisent un affaiblissement du contrôle de l'État et de la banque nationale sur le marché financier domestique. Par ailleurs, pour eux, l'entrée des capitaux cache un problème potentiel de fuite des capitaux. Une sortie de capitaux peut en effet avoir lieu au fur et à mesure de la distribution de dividendes aux actionnaires étrangers, sans compter la crainte d'une sortie massive des capitaux en cas de détérioration de l'environnement politique ou économique du pays. La domination des banques étrangères a sans doute contribué à l'introduction de nouveaux produits et de technologies, ainsi qu'à la baisse des taux: en 2005, le taux d'intérêt sur les crédits des banques étrangères est de 19,5 %, contre les 25 % des banques domestiques (bulletin de la BNKR, 2005), ce qui renvoie à la difficulté pour les banques domestiques à faire face à la concurrence étrangère. L'impact des banques étrangères sur l'évolution du marché de crédit reste toutefois négligeable. Elles opèrent en effet principalement auprès des quelques entreprises présentant des résultats financiers exceptionnels. Malgré une légère augmentation de crédits bancaires à l'économie (la part des crédits dans le PIB est de 2,2 % en 2000 et de 6,2 % en 2004), la grande majorité 153
de la population n'a que peu accès au crédit. Des taux d'intérêt élevés, une courte durée de prêt (entre un et trois ans au maximum) et l'exigence de lourdes garanties alors même que le traitement de demande de prêt peut prendre jusqu'à neuf mois expliquent en partie cet état de fait. Certes, l'inefficacité des banques commerciales en matière de crédit est en partie comblée par l'offre des institutions financières non bancaires. Elles représentent 30 % du portefeuille de crédit à l'ensemble de l'économie, d'après les données de la BNKR (2005). La Corporation agricole possède la moitié des parts du portefeuille de crédit des IFNB; viennent ensuite les organisations de microcrédit (35 %) et les unions de crédit (15 %). L'agriculture et le commerce sont les premiers à bénéficier de leur financement. Leur performance s'explique par le soutien financier des institutions internationales comme la Banque mondiale et la BAD, bien que les conditions tarifaires restent très exigeantes. Cette performance des IFNB témoigne également d'un réel besoin de crédit et de l'inaptitude du système des banques commerciales à répondre aux besoins financiers de la population. Les IFNB, malgré leur efficacité apparente, n'apportent qu'une solution temporaire: leur fonctionnement étant conditionné par les finances des institutions internationales, elles risquent de se fermer aussitôt que ces programmes seront arrivés à leur terme. Le marché de capitaux étant quasi inexistant, l'économie est à la recherche de solutions nouvelles: l'État ne peut pas assumer les frais de fonctionnement des banques publiques, les banques commerciales sont inefficaces, les IFNB sont instables. Dans ces conditions, le crédit coopératif, méconnu au Kirghizstan, pourrait apporter une solution alternative aux problèmes actuels du pays grâce à sa capacité de mobilisation de l'initiative privée et de l'entraide financière. Le développement du crédit coopératif pourrait s'appuyer sur trois types d'acteurs du marché de crédit: la Compagnie d'épargne et des règlements (CER), la Corporation financière agricole (CFA) et le réseau des unions de crédit. La CER, créée en 1996, appartient jusqu'au 2005 à la banque nationale. En 2005, dans le cadre de reconstructions du système
154
financier, le gouvernement décide de procéder à sa privatisation. Créée sur la base d'une synergie de deux géants bancaires de l'époque soviétique (les Caisses d'épargne et le Crédit agricole), la CER occupe une place importante du marché bancaire, avec le réseau de filiales le plus étendu. Si jusqu'au 2005 ses activités étaient limitées aux opérations de paiement et de collecte, elle est maintenant autorisée à effectuer toutes les opérations bancaires. Quant à la CFA, créée en 1996 avec le soutien de la Banque mondiale, elle fait également l'objet d'un projet de privatisation. La CFA dispose aussi d'un réseau d'une dizaine de filiales implantées dans les régions du pays. Elle est un acteur important du marché de crédit: son portefeuille de crédit est de 7 millions en 1996 et, en 2006, il passe à 43 millions de dollars avec un taux de remboursement de 96 %. Enfin, le dernier groupe d'acteurs est représenté par les unions de crédit, qui sont apparues en 1996. En 1997, elles créent leur institution centrale: la Compagnie financière de soutien des unions de crédit (CFSUC), qui sert de plate-forme pour la redistribution des fonds reçus de bailleurs de fonds externes (notamment la BAD). Ainsi, les unions de crédit sont contrôlées par le gouvernement et la Banque nationale, financées par la BAD et gérées par la CFSUC. Par ailleurs, la GTZ (gouvernement de l'Allemagne) assure la formation et le conseil auprès des unions de crédit. Au Kirghizstan, les unions de crédit n'ont pas le statut de coopératives. Les débats sur leur identité se multiplient, car elles ont un statut d'entreprises privées, mais sans but lucratif, ce qui est source d'interprétations contradictoires de ses objectifs. Ces trois institutions sont les principaux acteurs du marché financier kirghize en termes de parts de marché et de réseaux de distribution. De plus, leurs domaines d'activité sont proches des orientations des banques coopératives dans le monde: l'agriculture, l'épargne et les unions de crédit. Elles sont pour l'instant parmi les seuls établissements qui n'ont pas de capital étranger, mais les privatisations annoncées risquent de modifier cette situation. Comme l'histoire en témoigne, l'émergence même du crédit mutuel était une réponse aux lacunes du marché. Depuis les expériences des caisses de Raiffeisen, la raison d'être des institutions
155
de crédit coopératif est de fournir un accès au financement aux petits producteurs, aux artisans et aux agriculteurs. Cette recherche de sources alternatives aux banques commerciales a conduit beaucoup de pays à reproduire les expériences européennes de coopération financière. Les pays de la CEl représentent une nouvelle région où le développement du crédit coopératif semble être important.
Conclusion Ce travail montre que, malgré les questionnements sur l'identité des banques coopératives, ces institutions sont toujours d'une utilité économique aussi bien pour les pays développés que pour les pays en développement. Deux fonctions économiques des banques coopératives ont été articulées: la capacité de servir de contrepoids à la présence excessive des capitaux étrangers dans le secteur bancaire et la capacité de réduire le problème de rationnement de crédit aux PME. L'étude de cas du Kirghizstan nous a permis de montrer comment une économie sans le système des banques coopératives peut être vulnérable vis-à-vis des capitaux étrangers et inefficace en termes d'offre de crédit.
156
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158
Credit unions' role in local economic development in Ireland and Lithuania: Problems and perspectives Dalia Kaupelyte* and Olive McCarthy**
Having 38 million members and over 100 million customers, 4,600 banks and 56,000 branches, cooperative banks and credit unions are major actors of local development in Europe. As cooperative financial institutions, credit unions and cooperative banks contribute to local economic development by not only providing financial services to their members (collecting savings which are in turn recycled in the form of loans to private customers or small and medium-sized enterprises), but also in various other forms: by supporting cultural events, financing local initiatives, organizing information exchange between their members and customers. Localisation of banking services and self-governance of cooperative banks and credit unions create preconditions for rapid reaction to the changes of members' needs by creation of new banking products or services. In this paper, in the context of cooperative banking development in the European Union, credit unions in Ireland and Lithuania are analyzed. Both countries are similar in size and population but differ in the development level of credit unions. The goal of the paper is to analyze credit unions' role andforms ofparticipation in local economic development in Ireland and Lithuania, as well as to define problems and draw perspectives.
[email protected]. * Vytautas Magnus University, Lithuania, Studies, University College Cork. ** Centre for Co-operative
159
aving 38 million members and over 100 million customers, 4,600 banks and 56,000 branches, cooperative banks and credit unions are major actors of local development in Europe. As cooperative financial institutions, credit unions and cooperative banks contribute to local economic development by not only providing financial services to their members (collecting savings which are in turn recycled in the form of loans to private customers or small and medium-sized enterprises), but also in various other forms: by supporting cultural events, financing local initiatives, organizing information exchange between their members and customers. Due to the large network of branches, cooperative banks and credit unions are spread locally in most European Union countries. Localisation of banking services and the self-governance of cooperative banks and credit unions create preconditions for rapid reaction to the changes of members' needs by the creation of new banking products or services. Though in the major countries of the European Union (such as Germany, Italy, France, Netherlands, Ireland) cooperative bank and credit union networks are well developed; in the new member states of the European Union such as Lithuania, Latvia, Czech Republic, credit union networks are undeveloped, just some of them - in Lithuania and Poland - have reached significant results so far. In this paper, in the context of cooperative banking development in the European Union, we have chosen two countries - Ireland and Lithuania - for the analysis. Both countries are similar in size and population but differ in the development level of credit unions. The goal of the paper is to analyse credit unions' role and forms of participation in local economic development in Ireland and Lithuania, as well as to define problems and draw perspectives. The paper raises the question of whether the claimed role of credit unions and cooperative banks in community development is supported by the findings of empirical studies. In the paper the results of the recent empirical studies conducted by the authors (D. Kaupelyte and O. McCarthy) are analysed to prove or disprove this argument.
H
160
Credit unions and cooperative banks: Close to local community needs? Credit unions and cooperative banks in Europe have always been close to customers in the European retail banking market. Credit unions and cooperative banks have the largest network of branches in Europe, which allows reacting to the local needs of the customers and providing services right in the place where the customers live and run their businesses. By their origin and nature, cooperative banks have historically been leaders in supplying financial services adapted to certain categories of customers, such as farmers and small and mediumsized enterprises, to which access to credit at other banks used to be limited. About 32% of small and medium-sized European businesses, representing a total of 4.2 million, are cooperative bank customers (European Association of Cooperative Banks, 2005). Cooperative banks bring support to SMEs, farmers, families, professionals, and residents of rural or outlying zones who, thanks to the presence of cooperative banks, can have full access to credit. Because of their close links with the SMEs, for whom they represent the major source of financing, cooperative banks also work towards the creation of enterprise and innovation, thus contributing to a competitive and growing economy. Table 1 Number of branches of European cooperative banks in Europe 2001 (EU 15)
2005 (EU 25)
Number of regional/local cooperative banks
3,923
4,437
Number of branches
50,252
58,221
Number of members
38,435,656
43,213,208
Number of clients
101,462,045
123,453,819
Market share in credits, %
17
15
Source: compiled by authors based on the dato of the EuropeanA.,mciationofCooperative
161
Banks (2002, 2005).
From the analysis of the results in Table l, we can see that despite the claimed help to SMEs and local economies, the market share in credits of cooperative banks in Europe has decreased from 17% in 2001 to 15% in 2005. The results of cooperative banking networks in the individual countries show that the number of regional/local cooperative banks and banking branches have decreased, while there has been an overall increase in numbers due to new member countries that joined the European Union in 2004.
Credit unions' impact on local development: Overview of empirical studies conducted in Lithuania In Lithuania credit unions are little developed (at the end of 2005 there were 65 credit unions having more than 64,000 members), and are less active in local economic development than Irish credit unions. Credit unions in Lithuania are more active in granting credits and providing financial services to their members than supporting other community initiatives, such as active participation in local community events, projects, etc. In recent empirical studies, credit unions' involvement in economic development in Lithuania was analysed in three aspects: 1- Credit unions' impact on economic development indicators in regions of Lithuania. 2- Credit unions' identity and involvement in community initiatives (case studies ofthe Zanavyku Bankelis and Academic credit unions). 3- Credit unions' and SMEs' financing in Lithuania.
Credit unions and their relationship to economic indicators in Lithuania In the research conducted by K.Levisauskaite, D.Kaupelyte (2003), the assumption was made that that worse macroeconomic conditions, a high unemployment level and fewer bank branches in the district should cause higher needs for financial services provided by credit unions. To prove or disprove this assumption, the authors did the following. 162
I) Ranked all the credit unions in districts by relative development indicators, e.g. by number of credit union members per 1,000 inhabitants, by assets per credit union, by assets per district inhabitant, and number of credit union members per credit union. For each of these indicators, districts were ranked from I to 10. After this ranking, all districts were given certain places considering the highest development ratios. 2) In the next phase of the authors' study, all districts were ranked by GDP per capita. Each district was given points from I to 10. The lower the GDP per capita, the lower the ranking of a district. According to the specifics of the indicator of the unemployment rate, all the districts were given numbers between I and 2. If the unemployment rate in a district was lower than the average, the district was given I point; if the unemployment rate was higher, the district was given 2 points. After counting the total sum of points, all districts were ranked by their development level. The results of the ranking are shown in Table 2.
Table 2 The relationship between credit unions activities' indicators and macroeconomic indicators in districts of Lithuania, end of 2001 Place by relative Place by GDP per capita and credit union development ratios unemployment rate
Place by banks branches density in the region
PaneveZYs district
I
5
4
Siauliai district
2
8
7
Klaipeda district
3
2
5
Taurage district
4
JO
2
Marijampole district
5
9
8
TelSiai district
6
6
6
Kaunas district
7
3
9
Alytus district
8
7
3
Vilnius district
9
I
10
Utena district
JO
4
I
Source: Deportment
ofStatistics
of Lithuania,
163
Association
of Lithuanian
Credit Unions.
Having ranked separate districts by relative credit unions' development ratios, by macroeconomic ratios (GDP per capita and unemployment rate) and density ofbank branches in the region, the authors saw that there is no straight relationship between the chosen macroeconomic indicators and the credit unions' development ratios. However, the authors could not disprove the assumption that was made in the research. The authors affirmed that in the districts that have lower GDP per capita and a higher unemployment rate, credit unions are better developed. For example, Panevézys district takes 5th place by GDP per capita and unemployment rate and first by credit unions' development ratios; Tauragé district takes 10th place by GDP per capita and unemployment rate and 4thby credit unions' development ratios. As an exception, Klaipéda district could be mentioned. It takes 2ndplace by GDP per capita and unemployment rate but 3rd by credit unions' development ratios. However, we should consider the fact that there is only one large credit union in this district, which had a great impact on indicators such as the number of members per credit union or total assets per credit union. As we see, districts that take high places by macroeconomic indicators, as for example Vilnius - first place, and Utenos - fourth place by macroeconomic indicators, have mostly poorly developed credit unions, which take accordingly 9th and 10th places by relative development ratios. The authors did not find any straight or inverse relationship between the density of banks' branches and the development of credit unions. For example, Utena district has the highest bank branch density and the lowest credit union development ratios; Vilnius district has lowest banks branches density and also low credit union development ratios. Those districts, that have high credit union development ratios - Panevézys and Siauliai - take 4th and 7thplace by bank density. The authors' research proved that for some districts, the lower macroeconomic indicators are related to the better development of the credit union sector. Conversely, we did not find any relationship between the density of bank branches and the development of the credit union sector in the district.
164
Case
study of the contribution of the Zanavyku Bankelis
and Academic credit unions to community development in Lithuania The research by Kaunas Vytautas Magnus University students Monika Zilyte, Zydréné Zemaityte and Dalia Kaupelyte (2004) was made in November 2004 to find out how the Zanavyku Bankelis and Academic credit unions contribute to the needs of local economies and how they perform social-economy functions. Twenty-nine respondents in the Academic credit union and 43 respondents in Zanavyku Bankelis were asked to fill out the questionnaires together with the employees of the credit unions (6 and 14 respectively). Zanavyku Bankelis states its goal is the development of the local community. On its internet site, the credit union claims that only common work may lead local community to their goals. The credit union was founded upon the request of local people to fulfil the needs of its members. Despite that 48% of credit union members define a credit union as a financial institution, 25% as a financial organization servicing its members by the principle that a person not the profit is the most important, and 24% of credit unions members stated that it is the organization that analyses members needs and provides support and charity, and also gives advice and recommendations. Figure 1 The most important factors for the growth ofthe Zanavyku Bankelis credit union ~ Profit r:J Mutual help for community ~ Cooperation 2%
6%
.N/a
40%
52% Source: Compiled by Zilyte, Zemaityte,
165
Kaupelyte (2004).
As the most important values of Zanavyku Bankelis, credit union members and employees have rated them as follows: 36%, mutual trust; 23%, transparency; 18%, community development and 16%, openness. Credit union members believe that the most important factor for the growth of the credit union are the principle "we - for community, community for us" - 52%. Most of the members (65%) are from rural areas and are farmers (52%). From the data, the authors have concluded that Zanavyku Bankelis is uniting people from rural communities, and members use its services for the development of agriculture. This community is quite unified, as 57% of members and 93% of employees have claimed that they know the members of the community. As problems occur, community members can help each other, and the credit union is a good mediator as employees know the community members better. Members of Zanavyku Bankelis state that in case of an accident or problems, they would ask for help not only from their relatives, priest, and charity organizations, but also their community and credit union. Most community members (86%) would contribute to the social welfare of community members. 65% of members believe that the credit union gives financial help to community members, but many Figure 2 Who would you ask for help in case of problems? 38% 31% 19%
en 0)
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Source: Compiled by Zilyte, Zemaityte,
166
<=: ~0 '2 ::I ;:a
u Kaupelyte
(2004).
respondents (35%) do not know about it. The data show the lack of information available to credit unions members. Zanavyku Bankelis dedicates a part of its profit to the social needs of community members. Zanavyku Bankelis establishes new branches, is a sponsor of community events, and provides financial advice and charity to its members. The credit union also involves members' children in various activities and takes care of vulnerable people. Though the credit union's members could not say how the credit union distributed its profit, its employees indicated that 25% of the profit was distributed to support individual community members, 23% for the improvement of communication between community members, and 21% for the improvement of customer service. The creditunion also contributes to the decrease in localunemployment not only by establishing new work places or providing loans for the establishments of new work places, but also by initiating new donor funds and providing financial support to vulnerable groups. Some employees mentioned that the credit union grants loans to people with low income, who are excluded by banks. The results of the research conducted on the Academic credit union show that most credit unions members are urban people (76%) and represent the academic community (62%). The largest Figure 3 Distribution of profit of the Zanavyku Bankelis credit union R ~
Improvement of clientele service
r+1 Support LJ to local activities r;:;:J Support
llIJ to
community
members 1:::::::1
Improvement
t::::3 of communication between members (seminars, meetings) r;;;I Organisation I.....J
of
educational
activities Source: Compi/ed by Zi/yte, Zemaityte,
167
Kaupelyte
(2004).
part of members (41%) is 18-25 years old. The second largest group of members are people that work in services. The Academic credit union is a city credit union, whose members use its services for studies, travel, a new home, etc. Seventy-five percent of respondents claim that Academic serves the financial needs of its members. Most members associate this credit union with a bank that is not in a sphere of social activities. Just 16% of members believe that this credit union behaves under a principle "people not profit are most important". As the most important values of the credit union, employees and members indicate mutual help, transparency and innovativeness are valued less. What is most interesting is that some members indicate money and low interest rates as the most important value of the credit union's activities. Only 7% of members know each other, 59% of members state that they do not know each other, and 34% barely know each other. Just 14% of Academic's profits is distributed for social needs, and 72% for improving customer service. Information spread between credit union members and employees are weak. Most credit unions employees and members do not know about the community initiatives organized by credit union. Academic credit union communicates with its members using internet (25%) and in credit union (24%). Forty-two percent of members of Academic credit union have pointed that they do not receive enough information from credit union. Zanavyku Bankelis' members receive the largest portion of information in the credit union (52%) and using local newspapers (24%). Differences between the two credit unions illustrate that the major goal ofZanavyku Bankelis is providing mutual help, and that of Academic credit union is serving financial needs. Zanavyku Bankelis is a rural crdit union, and Academic is an urban credit union. Members ofboth credit unions are ready to contribute to the social help of community members; just the initiative from credit unions is different. In case of disaster, 31% of members of Zanavyku Bankelis are ready to ask for help from the credit union, and only 6% of Academic's members would apply for help from the credit union.
168
The needs of the local community in Sakiai are fulfilled more than the needs of the Kaunas community. Both credit unions provide advice to their members and are establishing branches. Previously, Academic used to organize conferences with famous people and had a fund for vulnerable groups. Zanavyku Bankelis supports every community event and community initiative (local festivals, children competitions) and provides charity for community members. Academic should pay more attention to its involvement in the community's social activities by strengthening relationships between community members. The credit union should organize seminars as knowledge about the credit union's activities strengthens mutual trust and openness. Active participation in community activities would improve the image of the credit union and attract new members. The results of the credit union's contribution to community development also influence the credit union's image. Figure 4 shows Figure 4 Members' satisfaction with the services and activities ofthe Zanavyku Bankelis and Academic credit unions
11IIIII
U
Zanavyku
Bankelis
Academic
credit union
60% 50% 40% 30%
24%
20%
14%
10% 0%
2% Excellent
Not so well
Well
5%
I do not have my opinion
Source: Compiled by Zi/yte, Zemaityte,
169
Kaupelyte (2004).
how credit union members evaluate credit union activities. We can see that more members are satisfied with Zanavyku Bankelis' activities than with the activities of the Academic credit union. The most important point is that though evaluation of members differ in credit unions, it would be difficult to define a correlation between them and the credit unions' activities results (Table 3). Having analyzed the results, we can say that Zanavyku Bankelis has demonstrated evidently better activities results than the Academic credit union. So the question of whether a credit union's social activities influence their activities results is still open. Table 3 Activities results of the Zanavyku Bankelis and Academic credit unions 2003
2004 Value Increase in%
2005 Value Increase in%
1,205
1,662
38%
1,998
20%
2,679
5,697
113%
8,716
53%
2,121
5,052
138%
8,127
61%
9.6
-20.8
-317%
21.2
-202%
Value Members
Academic credit union
Deposits, thousands LTL Loans, thousands LTL Profit, thousands LTL
2003
Members
Zanavyku Bankelis credit union
Deposits, thousands LTL Loans, thousands LTL Profit, thousands LTL
2004
2005
Value
Value
Increase in%
Value
Increase in%
1,331
1,917
44%
2,443
27%
4,515
6,102
35%
10,841
78%
3,077
6,887
124%
5,900
-14%
58
95
64%
45.6
-52%
Source: Compiled by authors based on the data of Association
170
Lithuanian
Credit Unions (2006).
Credit unions in Lithuania and SMEs' financing Research carried out in Lithuania and related to SMEs' financing shows the same financing problems related to banks' financing. In the research made by the order ofMinistry ofEconomy in Lithuania (2004), 1,003 small and medium-sized companies were asked to identify major problems related with financing SMEs. Companies were asked to identify whether they have applied for financing, to which institutions, the size of financing and the problems they faced. Most companies have applied for financing up to 25,000 EUR (35.4%), fewer (22.64%) for financing up to 200,000 LTL, only 3.14% for financing more than 5 billion LTL (see Figure 6). As major problems in financing from banks, SMEs indicated size of collateral (28%), complexity of procedures (25%) and amount of commissions asked by the financial institutions (21%) (see Figure 5). This data proves that SMEs in Lithuania face problems in financing. Start-up SMEs lack of collateral, also even if they apply for credits, only 50% receive positive answer. Banks are orientated to grant large size loans; granting smallloans (10-20,000 LTL) is not financially Figure 5 Problems that SMEs face in search for financing . Size of collateral El]Complexity of procedures
30
D Amount of commissions
25
~ Refuse
20
to finance SMEs
15
lEI Financing part of the project
10
[2] Size of loans
5
3
o No confidence in innovative ideas
~ Other
o
Source: Compiled by K.Levisauskaite, D.Kaupelyte and M.Kersys (2005) ba.fed on Ministry of Economy (2004).
171
Figure 6 Size of financing that was asked by SMEs 40 35.04
.
up to 25,000 EUR
~ up tp 200,000 LTL
o 200,000 - 500,000 LTL ê! 500,000 - 1 Bn LTL ID 1 - 5 Bn LTL !2J More than 5 Bn LTL Source: Compiled by K.Levi.
profitable for banks because of high administration costs. Although several state-supported programmes for SMEs exist, SMEs lack information about them. Though it seems that credit unions are active in financing small and medium-sized businesses in Lithuania (see table 4) (the structure of credit union loan portfolios shows that loans granted to small and medium-sized businesses make up 20% of the totalloan portfolio for March 2005), part of small and medium-sized business financing has decreased from 35% in December 2002 due to the increase in mortgage and consumer loans. The extent of credit union financing for agriculture has remained about the same (17%in 2002 and 16% in March 2005). The authors state that it is important to mention that asymmetric information and agency problems are most keenly felt by SMEs since they have no track record or credit history and little or no collateral (excluding that of the entrepreneur). Good relationships between starting SMEs and a bank is very important, as these companies do not have any credit history. Cooperative banks are integrated into
172
Structure Purpose
of Lithuanian 2002
Table 4 credit union loan portfolio 2003
Percen tage of total Amount loan portfolio
Amount
2004
Percentage of total Amount loan portfolio
2002-2005 March 2005
Percentage of total Amount loan portfolio
Percen tage of total loan portfolio
Consumer loans
10,223,872
23%
21,858,861
26%
32,701,013
26%
35,009,924
27%
Mortgage loans
3,437,314
8%
10,886,938
13%
18,220,270
14%
20,406,710
16%
Small and medium business
15,365,696
35%
24,635,297
29%
29,497,121
23%
26,077,704
20%
Agriculture
7,627,784
17%
9,475,587
11%
17,692,950
14%
21,388,306
16%
Other
6,955,852
16%
17,109,966
20%
29,184,751
23%
28,049,967
21%
Source: compiled by K.LeviSauskaite, D.Kaupelyre based on the statistical data of A.<sociation of Lithuanian
and M.KerIys (2005) eredit unions (2005).
their local environment and their role goes beyond that of a provider of financial services. On account of their proximity to their members and their firm establishment locally, cooperative banks are well placed to gather more comprehensive information on their customers at a lower cost. This permits them to evaluate the needs and the solvency of their customers more thoroughly than other banks. The information asymmetry is reduced and, thus, moral hazard and adverse selection may be lowered (summary of research in European Association of Cooperative Banks, 2005). The authors have designed a model situation of credit unions' role in channelling information flows and knowledge to SMEs (see Figure 7). One common feature of many local communities is that much information does not flow freely because there are many institutions spreading information to SMEs. Due to the lack of human and time resources, SMEs are not capable of collecting all the relevant information, analyzing it and implementing innovative solutions. Obstacles in information flows become one of the most serious problems in the development of the knowledge economy. Acting locally, credit unions
173
Figure 7 Credit unions' role in managing information flows for SMEs
Governmental
institutions
Business consultants
Source: compiled by K.LeviIauskaile,
Other SME support institutions
M.Ker.
(2005).
are closely related to SMEs supporting institutions as well as SMEs and individuals controlling SMEs. Building a network of information change, credit unions are consolidating information flows and transferring them to SMEs in the same time opening new information channels. It's important to note that facilitating information flow process credit unions are not replacing the existing information flows from different economic agents and/or institutions but catalyzing the process. As credit unions have more human, financial, etc. resources, they may internalize the collection of information and analysis, at the same time leaving decision-making process for SMEs.
Credit unions' contribution to community development in Ireland There are over 550 credit unions in Ireland and over 2 million members. Credit unions play an important role in Irish community development by providing essentiallocal financial services and by contributing resources to local development initiatives (Byrne, McCarthy, O'Connor, 2004). This paper analyses the LEADER initiative in Irish credit unions, based on the research conducted by Inmaculada Buendia Martinez, Olive McCarthy, Robert Briscoe and Michael Ward (2001).
174
The LEADER programme represents the first specific intervention of the European Union in promoting the reactivation of rural areas through innovative projects and active participation of the local stakeholders. This initiative was begun in 1991 to find innovative solutions as models for all rural areas, as well to integrate the diverse sectoral measures designed by the European Community to promote rural development. In the context of LEADER, cooperatives hold special importance because they uniquely straddle both economic and social sectors (Comunidades Europeas, 1987,cited in Martinez, McCarthy, Briscoe, Ward, 2001). Within the Irish LEADER programme the potential role of credit unions should be more fully recognized given their unique usefulness as: (a) promoters of community development in their local area, a role which is acknowledged in credit union legislation as one of their key purposes; (b) financiers, with particular emphasis on financial support to new enterprises, since the majority of projects require private funding for their approval by LEADER; (c)banking organizations, allowing funds to remain within the area; (d) participating enterprises, given their dual character as people's associations and democratic businesses. The evolution of the LEADER programme in Ireland has been quite satisfactory overall. The programme has grown from 17 groups in LEADER I, covering 61% of the country (Ireland Department of Agriculture, Food and Forestry, 1995, cited in Martinez, McCarthy, Briscoe, Ward, 2001), to 37 groups in the second stage, covering the whole country. However despite their apparent suitability as important agents in the LEADER programme, credit unions have not been participating extensively in the programme. The present empirical study, carried out on all LEADER groups involved in the second part of the programme (1994-1999) found that only three credit unions (from a total of over 530) joined as members. This low level of participation is matched by a correspondingly low contribution by credit unions to the private financing of development projects, amounting to only 45% of almost 75 million euros of private funds obtained by groups in Ireland.
175
These findings are surprising for two main reasons: (1) the outstandingly successful development and pervasiveness of credit unions throughout the whole Ireland, and (2) the continuous existence of both urban and rural local development programmes in Ireland since the 1980s. In their research (Martinez, McCarthy, Briscoe, Ward, 2001), the authors try to analyze the reasons why credit unions have not become involved in local LEADER groups. The first of these might be a lack of vision on the part of credit unions and on the part of those establishing the LEADER groups. Unless credit unions were directly approached by those setting up the local LEADER group, it is unlikely that the credit unions would have become involved. Interestingly, a number of LEADER groups surveyed expressed disappointment that the group had not been approached by their local credit union seeking to become involved. Another possibility is the general weakness of credit unions in terms of financing local businesses. Additionally, most credit unions prefer to focus on their "core business" of saving and lending to individual members without paying much attention to more generallocal development issues. Both fear and apathy may also be found to exist in many credit unions towards greater involvement in local development.
Credit unions' contribution to the local economy development: Problems and issues Thoughthere is a generaloverallopinion,supportedby credit unions' and cooperative banks' representative institutions (e.g.European Association of Cooperative Banks), that credit unions and cooperative banks contribute a lot to local development, several cases analyzed in Ireland and Lithuania show that the relationship between the credit unions' "declaration" of their social and economic development mission, their results and credit unions' influence to economic development are doubtful. Credit unions' social mission is "hidden" (when we analyze the cases of the LEADER programme in Ireland and the activities of the Academic credit union in Lithuania). Due to credit unions' size, it is difficult to track a relationship between credit union development indicators and economic indicators of separate
176
regions in Lithuania. Also, though credit unions might be involved in SME financing in Lithuania, due to existing legal basis, their size and other reasons, SME financing is not very active, and credit union involvement in information channelling remains a theoretical model that has not been proven by empirical results so far.
177
References European Association of Cooperative Banks. 2002. Activity Report. Brussels. European Association of Cooperative Banks. 2005. Activity Report. Brussels. Levisauskaite, K., D. Kaupelyte and M. Kersys. 2005. "The Role of Cooperative Financial Institutions in Development of Knowledge-Based Economy through Promotion of Innovative Processes In SMEs." Paper presented at the International Conference "Knowledge-Based Economy Management of Creation and Development," Kaunas. Levisauskaite, K. and D. Kaupelyte. 2003. "Credit Unions in Lithuania: Their Regional Development and Perspectives" (Kredito unije regionine raida ir perspektyvos Lietuvoje. Organizacije vadyba. Sisteminiai tyrimai, Nr. 26). Kaunas, VDU. Martinez, 1. B., O. McCarthy, R. Briscoe and M. Ward. 2001. "The Input of Co-operative Banking in Local Development Structures: An Empirical Study of the Europea Leader Programme in Lithuania." Zilyte, M., Z. Zemaityte's and D. Kaupelyte. 2004. "Kredito unijos Lietuvoje, Baltijos salyse ir Zanavyke bankelio bei Akademines kredito unijos socialines veiklos tyrimas." Vytautas Magnus University, Kaunas.
178
The governance of the credit union system in Lithuania: At a crossroad between an atomised or centralised credit union system Jurgita Igaryte*
There are different models of cooperative governance systems in the world. The cooperative movement in each country chooses its own way of development and success. Lithuanian credit unions started their activities in i995 withfinancial supportfrom the Canadian international Development Agency, as well as other donors, and strong technical support from the Desjardins credit union movement (Quebec). Therefore, in most aspects the Lithuanian credit union movement resembles the Desjardins credit union system, with some exceptions due to the Lithuanian legal environment. The Lithuanian Central Credit Union (LCCU) was established at the end of2002, and it created the foundations for a two-tier credit union system in Lithuania. After three years of LCCU activity, credit union leaders began to discuss, whether the Lithuanian Central Credit Union model was appropriate for credit unions' needs. The purpose of this paper is to find out what governance structure for the Lithuanian credit union system will best correspond to credit unions' needs and to offer recommendations for the systemic development of Lithuanian credit unions.
* Lithuanian Central Credit Union, Lithuania, [email protected].
179
Key features of the Lithuanian credit union network The Lithuanian credit union movement started in 1995. After ten years of activity, the credit union movement achieved significant results and proved the necessity and benefits of the credit cooperative movement in Lithuania. Today 67 credit unions in Lithuania unite 80,000 members with accumulated savings of over EUR 131 million and over EUR 120 million of distributed loans. Credit union activity in Lithuania did not start spontaneously. In 1994, the Canadian International Development Agency and other donors with the help of Développement International Desjardins (DID) started a three-year project to help Lithuanians have access to alternative financial institutions - credit unions. After several years of activity it became clear to the leaders of Lithuanian credit unions that dependency on grants was not sustainable. The DID project was extended twice in 1997 and 2000 but with the condition that credit unions would create a consultative centre in Lithuania, which would be fully maintained by credit unions. Mainly because of this reason the Association of Lithuanian Credit Unions (ALCU) was founded in 1997, and it started to collect small fees from credit unions. These small contributions at the very beginning helped credit unions to get accustomed to the idea that the consultative centre had to be financed by their own funds and only a self-sustainable movement could survive in a long term. Until the establishment of the Central Credit Union in Lithuania, ALCU in parallel with the DID project used to provide all the necessary services for credit unions - marketing, training, computerisation, assistance in licensing, consultations, lobbying, credit lines, credit unions' liquidity management, and monitoring. After several years the idea matured that financial services should be provided by a separate central financial facility. Consultations regarding the establishment of a central financial facility in Lithuania started in 1999. A model of the Central Credit Union (central financial facility) was created according to the existing model of the two-tier Desjardins credit union system in Quebec (Canada) with some exceptions due to the Lithuanian legal environment. The Law on the Central Credit
180
Union was passed on 18 May 2000. The Lithuanian Central Credit Union (LCCU) was founded at the end of 2002 and established the foundations for a self-sustainable and self-sufficient two-tier credit union system in Lithuania. According to the law, the LCCU is a credit institution organised on a co-operative basis and established by at least 20 credit unions and the Government of the Republic of Lithuania. Following negotiations with the European Union, the EU requirement for the minimum initial capital amounting to EUR 1 million was prescribed to the LCCU. Because of the insufficient funds of the Lithuanian credit unions, the LCCU's initial capital was mainly financed by the Lithuanian government. Today the share capital of the LCCU is fully financed by its member credit unions. The main functions of the LCCU are to ensure the liquidity of credit unions and to restore the impaired solvency of credit unions. In order to fulfil these functions properly, the LCCU has established for its members a stabilisation fund and a liquidity reserve. In addition to the above mentioned activities, the LCCU acts as a clearing centre for credit unions, connects credit unions to the central bank's payment system, administers credit lines through credit unions, and provides payment cards and other services. After the establishment of the LCCU, the main threat to the
Lithuanian credit unions movement - full dependency on donations and grants - disappeared. At the same time, the LCCU's creation gave a new direction to the whole movement and more growth and development opportunities. Together, credit unions may offer those services, which individual credit unions would be unable to do separately. In the near future, the LCCU plans to create and introduce centralised IT system to offer internet banking services to credit unions' members. The development of credit unions into a single, strong and safe system is a key priority of the Lithuanian Central Credit Union. Although the legal framework for the LCCU's activities is quite favourable and adequate, several shortcomings in the legal regulations still appear. According to the law on the Central Credit Union, all LCCU services may be provided only to credit unions - LCCU members and credit unions are not obligated to
181
join the Central Credit Union. Since several credit unions operate in Lithuania that do not belong to the LCCU, these credit unions are not covered by LCCU safety instruments, such as supervision and restoration of impaired solvency or liquidity. Until 30 September 2006, part of the LCCU's functions overlapped with the ALCU's functions. Therefore most of the LCCU's employees worked in both organisations. Centralised functions were financed by both organisations. Integrity of the credit unions' strategy and coordination of both organisations' activities were ensured by the same board members of the LCCU and the ALCU, but the chairmen of the board were different. At the end of 2005, after three years of LCCU activity, the strategic plan for the next three-year period had to be prepared. Due to different approaches of the LCCU and ALCU leaders to the strategic development of Lithuanian credit unions, the creation of a strategic plan was postponed to mid-2006. In the first half of 2006, different members were elected to the boards of the LCCU
Characteristics Type of network
Table 1 of financial cooperative networks Functions
delegated
to central
institutions
Representation Atomised
Cooperative
systems
Advisory
and prudential
Voluntary
Consensual
pooling
Market
sharing
Unique
image
services
of resources
and standardization
networks
Delegation
Strategic
education
networks
Source: Desrochers,
of strategic
planning
function
Separation of strategic management
and operational
Prudential
supervision
role
Contractual
solidarity
M.: Fischer, K.P. The Power of Networks: Integration
182
decision
alld Financial Cooperative Performance, 2005.
and the ALCU. Since 1 October 2006, all functions and activities, except lobbying and representation, were transferred to the LCCU. After separating the centralised functions and management bodies, it became quite difficult to ensure the single strategy for the whole movement. Two strategies by both organisations were promoted: a federated network by the LCCU and a more atomised system by the ALCU. In order to reach one strategy for the future development of Lithuanian credit unions, the appropriate governance structure of the network will be created and all necessary powers delegated. Since there are a lot of different views of credit union leaders in the network, a survey in order to summarise these views and opinions was conducted.
Scope of the research and methodology Scope of the research There are a lot of different strategies for credit union development.
Various authors have tried to classify the stages of credit union development and types of their networks. The analysis of the Lithuanian credit union network in this research is based on Desrochers and Fischer's classification of financial cooperative networks (2005). Desrochers and Fischer have classified credit unions and other financial cooperatives according their level of integration: Atomised systems (very low level of integration); Consensual networks (medium level of integration); Strategic networks (high level of integration).
. .
.
Desrochers and Fischer have analysed 23 financial cooperative networks in different countries and assigned them according to ten functions that networks typically perform. Table 1 shows how these functions are spread in various levels of network integration. In case of atomised systems only functions of representation, cooperative education and prudential and management training are delegated to second-level institutions. When the system becomes more integrated and reaches the level of a consensual network, additional functions are delegated, such as voluntary pooling of resources/standardization; market-sharing mechanisms; unique
183
image/brand and delegation of strategic planning responsibilities. Second-level institutions in case of strategic networks carry out all of the above mentioned functions and these additional ones: separation of strategic and operational decision-making; internal prudential supervision and contractual solidarity. The main finding of the research is that "the higher level of integration ensures the higher efficiency of the system". This finding is very important in measuring the competitiveness of credit union networks. The network of Lithuanian credit unions was assigned to the consensual network according to business results in 1999-2002. Representation: Yes.
..
Cooperative education: Yes. Prudential and management training: Yes. Voluntary pooling of resources/standardization: Yes. Market-sharing mechanisms: No. Unique image/brand: Yes. Delegation of strategic planning responsibilities: No. Separation of strategic and operational decision-making: Internal prudential supervision: Yes. Subsidiarity: Yes. Contractual solidarity/contingency fund: No.
. . .
... . . .
Yes.
According to the study's authors, Lithuanian credit unions were prescribed to the consensual network because in Lithuania these functions are delegated to second-level structures: representation, cooperative education, training on risk management, internal prudential supervision, strategic planning and partial standardisation. The system of Lithuanian credit unions cannot be indicated as a strategic network because: strategic decisions are not fully delegated to the second
.
level;
.there is no affiliate
agreement
between the LCCU and member
credit unions; there are no powers to apply sanctions to credit unions that do
.
.
not comply with risk management standards; there is no list of services and standards that will be mandatory for all LCCU-member
credit unions.
184
Methodology of the research The purpose of the research is to find out what governance structure for the Lithuanian credit union system will best correspond to credit union needs and to offer recommendations for the systemic development of Lithuanian credit unions. In order to meet this purpose a questionnaire to the managers of credit unions, which are members of the Lithuanian Central Credit Union (LCCU) and Association of Lithuanian credit unions (ALCU), was prepared. The questionnaire was composed of 24 questions and sent to 48 credit unions (out of 59 LCCU/ALCU members). Answers were received from 43 credit unions. The survey was conducted in two periods. In October 2006, 30 credit unions were surveyed. In April 2007, 18 additional credit unions were surveyed in order to get more reliable results for the study. The research findings: attitudes of Lithuanian credit union managers to the future development of the credit union network Functions delegated to second-level organisations The first question of the questionnaire asked managers of credit unions to rank all the functions of the LCCU and ALCU from 1 to 10 according to their importance. The results are presented in Table 2 LCCU and ALCU member credit unions by assets size at the end of 2006 Size of credit union assets (LTL)
Number of CU managers, that participated in the survey
Number of filled questionnaires
Small credit unions
Assets <3 million
13
13
Medium credit unions
3 million < assets <8 million
21
20
Large credit unions
Assets > 8 million
14
10
Group of credit unions
Source: LCCU data, 2007.
185
Charts I and 2. Chart I presents the functions that are the most important to credit unions, and Chart 2 presents less important functions. As can be seen, the three most important functions are financial services provided to credit unions: loans (9.19), current accounts (9.08) and payment transfers (9.04). Other functions, such as contracting of centralised agreements (8.96), accounting and legal consultations to credit unions (8.96 and 8.77), liquidity maintenance (8.81),IT systems development (8.65), deposits (8.62) and unique logo (8.54) are important as well. The least important functions are IT systems maintenance (7.12), local marketing campaigns (6.85) and credit union staff selection (5.85)(Chart 2).As can be seen, one of the most important
LCCU functions - CU solvency maintenance (8.46) - was not as important to credit union managers as liquidity maintenance (8.81). This lower importance is caused by the reason that very few credit unions have had experienced solvency problems. Most credit unions use liquidity loans in order to comply with the central bank's liquidity indicators. Such common functions, as Chart 1 Importance of centralised services (more than 8.5 scores) Loans to CU
9.19
CU current accounts
9.08
Payment transfers
9.04
Centralised agreements
8.96
Accounting consultations
8.96
CU liquidity maintenance
8.81
Legal consultations
.77
Financial management consultations IT systems development
873 8.t9
Deposits from CU
8.62
Unique logo
854 Source:
186
data of the survey.
strategic planning (8.12) and common risk management (prudential supervision) (8.23) are not mentioned among the most important LCCU functions, though these functions are core functions in strategic networks. As can be seen from the survey results, credit unions are more likely to organise marketing campaigns by themselves because in this way they have a greater possibility of meeting local needs. The reason why credit unions managers did not list the implementation of new services (such as payment cards or internet banking) among the most important ones is probably the fact that current CU members are of an older age and are used to traditional banking services. In the opinion of several CU leaders, such services are implemented too early. The least important function for credit unions was CU staff selection. This reason for this may be that in fact very few credit unions use this service (1-2 CUs per month). Chart 2 Importance of centralised services (score less than 8.5) CU solvency maintenance
8.46
Training
8.42 8.31
Representation of new CU
8.31
CU risk management
8.23
Strategic planning
8.12
Establishment
IT consultations
8.00
Central marketing campaigns
7.96
CU internal regulations
7.96
Implementation of new services
7.88
IT systems maintenance
7.1~
Local marketing campaigns
6.85
CU staff selections
5.85 Source: data of the .",rvey.
187
In Table 3, the most important centralised services are ranked by size of credit unions. The most important functions for large credit unions are: payment transfers (9.1), accounting consultations (9.0), CU current accounts (8.9) and centralised agreements (8.9). The most important functions to medium credit unions are: CU current accounts (9.5), loans to credit unions (9.4), payment transfers (9.3) and accounting consultations (9.3). The most important functions for small credit unions are: loans to credit unions (9.5), centralised agreements (9.1), payment transfers (9.0), CU liquidity maintenance (9.0), legal consultations (9.0) and establishment of new credit unions (9.0). In Table 4, the least important centralised services are ranked by size of credit union. The least important functions to large credit unions are CU staff selection (5.9), IT systems maintenance (6.6) and common CU risk management (7.0). The negative opinion of CU leaders about common risk management (prudential supervision)
Table 3 Importance of centralised services by size of credit unions (the most important) Functions
Large credit unions Rank
Medium credit unions
Score
Loans to CU CU current accounts Payment transfers
Rank
Score
Rank
Score
2
9.4
1
9.5
3
9.0
3
9.0
3
9.0
2
9.1
3
9.0
3
8.9
1
9.5
1
9.1
3
9.3
CU liquidity maintenance Accounting consultations Legal consultations Centralised agreements
2
3
9.0
3
8.9
Establishment of new CU
Small credit unions
9.3
Source: data of the slIrvey.
188
was caused mainly by the desire for greater independence in risk management control. The least important functions to medium credit unions are CU staff selection (5.9), local marketing campaigns (6.8) and IT systems maintenance (7.6), The least important functions for small credit unions are local marketing campaigns (7.4), CU staff selection (7.6) and deposits from CU (7.8). Comparing the most and the least important functions by size of credit union it can be seen that on average all centralised functions are more important to small credit unions than large credit unions. These results show that at the beginning of activities it is very difficult for small credit unions to buy such services at market prises. When credit unions grow, their needs change to more professional services and it is more complicated to meet their needs. From the other side, bigger credit unions have bigger resources to buy services at market prices. Credit union managers were asked to evaluate if there was a need for additional centralised functions or maybe some of the functions were also not necessary. 14% of respondents indicated that these additional functions will be provided: participation in international projects and programs of external funding, more intensive strategic planning, internet banking, investment and Table 4 Importance of centralised services by size of credit unions (the least important) Functions
Large credit unions Rank
Medium credit unions
Score
Rank
Score
Deposits from CU CU risk management
3
Small credit unions Rank
Score
3
7.8
7.0
Local marketing campaigns
2
6.8
1
7.4
2
7.6
CU staff selection
1
5.9
1
5.9
IT systems maintenance
2
6.6
3
7.6 Source: data aftlze survey.
189
insurance services, disposal of large and long-term loans to CU members, and overdrafts to credit unions. 11.6%of respondents indicated that both second-level organisations will separate their activities and will not double them. Some of the respondents had the opinion that the ALCU should only carry out representation functions and all other functions be delegated to LCCU, while another part of the respondents had the opinion that the LCCU should only provide financial services to credit unions and all other functions should be delegated to the ALCU.
The creation of a common strategy In order to find out the opinion of CU managers about the creation of a common strategy, six questions were given to CU managers. 53.5% of CU managers answered that two second-tier organisations are necessary. 26.1% ofthese respondents said that a common strategy of the whole credit union network should be created by the LCCU, 8.7% said that the strategy should be created by the ALCU and 65.2% that the strategy should be created by both organisations together (see Chart 3). In addition, CU managers indicated that the activities of both organisations should be coordinated in the following ways: The chairman of the LCCU board should be a member of the ALCU board;
.
Chart 3 Answers to the question "Which organisation should create the strategy for the whole credit union network?"
Source: data of the survey.
8.7%
I
0 LCCU
~ ALCU
190
[il Bath organisations
I
. . . .
The ALCU should transfer its functions to the LCCU. There
should be one leader of the movement; The chairman of the ALCU board or board members should be members of the LCCU board; Policy coordination should initially be done at the level of both chairmen of the LCCU and ALCU boards; Decisions should be accepted at joint board meetings ofboth organisations, etc. Most ofthe CU leaders (81.4%) indicated in the survey that the network's strategy should be created during strategic planning sessions ofLCCU and ALCU elected officers and representatives of credit unions. 18.6% respondents answered that the strategy should be created by elected officers of the LCCU, and 7% answered that strategy should be created through special consultancy structures. 41.9% of the respondents indicated that the LCCU should represent credit unions to state authorities, 46.5% said that the ALCU should do it, and 11.6% said both organisations.
Chart 4 Answers to the question "Do you think that credit unions should sign an affiliate agreement before joining the Central Credit Union?" 100% 80%
.Yes
DNa
80%
60% 40% 20% 0% Large CU
Medium CU
Smal CU Source: dora of the survey.
191
Integration of the system Six other questions were given to CU managers in order to find out their views about system integration and competition. Most CU managers (74.4%) answered that all credit unions in Lithuania should be affiliated with the Lithuanian Central Credit Union. 53.5% CU managers answered that all credit unions should be affiliated with the Association of Lithuanian Credit Unions. Though there is no practice in Lithuanian credit unions that every member of the LCCU signs an affiliate agreement, an affiliate agreement is one of the features of a strategic network. Therefore CU managers where asked if credit unions should sign an affiliate agreement before joining the Central Credit Union? Most managers answered positively (72.1%). 86% CU managers answered that all LCCU/ALCU-member credit unions should use the same logo, but fewer managers (58.1%) answered that credit unions belonging to LCCU/ALCU should be identified differently from other non-affiliated credit unions. Those managers who indicated that credit unions belonging to the LCCU should be identified differently from non-belonging credit Chart 5 Answers to the question Answers to the question "Do you think that competition among credit unions is harmful for the network of credit unions?"
100%
.Yes
DNo
85% 80% 60% 40% 20% 0% Large CU
Medium CU
Sma! CU Source: data of the survey.
192
unions answered that these measures would reflect the common image of credit unions belonging to the LCCU: the same logo, advertisements, colours, branding, design of the premises, common mission and vision, etc. Competition among credit unions is considered harmful according to the opinion of most CU managers. 79.1% respondents indicated that credit unions should agree on business territories, and 20.9% respondents answered that credit unions and their branches could be established in all territories. Medium-size credit unions are the most interested in regulating credit union competition, and small-size credit unions are the least interested in regulating credit union competition. Common risk management Four questions of the questionnaire were related to common risk management of Lithuanian credit unions: monitoring, inspections, recommendations and stabilisation fund. A large number of credit unions (86%) expressed the opinion that monitoring and inspections should be made consistently according to a schedule. Only 9.3% answered that credit unions should be inspected only when they experience serious financial problems. 4.7% of CU managers think that the internal supervision provided by the LCCU is not necessary because the supervision of the central bank is sufficient. Chart 6 Answers to the question "When do you think monitoring and inspections should be done?" 47%
9.3% .
''','.
'~""
",-,,'.
--1/ . ,,~ .
~:::::\\ :-../ :\\"~?'Îi\\~:::::\\:\ \<~f1-\\~' ///:/;>:?\\.,
:~\\~
"'
IT]Consistently
8 In case of fin. problems
.'
86.0%
//:-..
[il Activity is not necessary
Source: data a/the survey.
193
Most credit unions (79.1%) think that only the recommendations of the Stabilisation Fund (SF) Commission that reduce the highest risks should be mandatory. 9.3% CU managers think that SF recommendations should be mandatory for all LCCU-member credit unions, and 11.5% think that these recommendations should not be mandatory. Since financial support from the fund may be provided to any insolvent credit union irrespective of the risk management procedures of such credit unions, credit unions were asked the following question: "If all credit unions make payments to the stabilisation fund and in case of insolvency may use its funds, must all credit unions observe the same risk management standards?" 97.7% of CU managers agreed that all credit unions should observe the same standards if they have equal opportunities at getting financial support from the fund. Financing of second-level organisations The financing of second-level organisations' activities is another big issue for credit unions. According to the existing practice of the Lithuanian network, credit unions now paya certain percentage from their assets to LCCU and ALCU budgets. But since there are a lot of discussions on this issue, credit unions were asked to express their opinion on the different principles of LCCU and ALCU budgeting. Chart 7 Principles of LCCU budgeting according to the opinions of CU managers 7.0%
o Combined system t;;;jOther [!] % from CU assets EJ Fixed fees Source: data of the -",rvey.
194
More than half of the respondents (53.5%)think that fees should be made only for those services that they are using. For those functions that may not be taxed in this way, a certain percentage from CU assets should be paid (Chart 7). 37.2% CU managers are satisfied with the existing budgeting system. 7% CU managers suggested using a combined system of LCCU budgeting (fixed fees, fees for the services used and percentage fees). 2.3% CU managers proposed flat fees. Chart 8 shows the opinion of CU managers about ALCU budgeting. There are some differences from LCCU budgeting. 37.3% CU managers think that fixed fees should be paid to the ALCU budget, and the same number of credit unions think that the existing system is appropriate. 14% CU managers think that ALCU activity should be financed directly by the LCCU without any additional payments from credit unions. 11.6% CU leaders think that ALCU activity should be financed in other ways.
Conclusions Though credit union managers made a strategic decision to separate LCCU and ALCU activities and to reduce the importance of second-tier organisations, the expectations of most credit unions is to stay at the level of consensual network. Chart 8 Principles of ALCU budgeting according to the opinions of CU managers 11.6%
~Financed
by LCCU !:I Other
~% from CU assets E:dFixed fees Source: data of the survey.
195
Larger credit unions are more disposed to be at the level of an atomised system. Since the importance of second-tier organisation services to larger credit unions is lower than medium and small credit unions, special services to large credit unions and an appropriate budgeting system should be developed. During an upcoming strategic planning session, credit union managers should choose which level of integration is appropriate for credit union needs (consensual network, strategic network or atornised system). While choosing the future strategy, the opportunities to compete with banks should be evaluated, as well, because only a consensual and strategic network can compete efficiently. If a consensual network or strategic network model is selected, necessary decisions to ensure that credit unions remain at the same level of integration should be made, i.e. the existing practice should be formalized. Since decisions at the general assemblies of the LCCU and ALCU do not always meet the needs and expectations of credit union leaders, more information about second-level organisation activities could be provided and more credit union managers should be involved in strategic planning. In order to ensure that all affiliated credit unions observe the standards agreed at the second level, affiliation contracts should be prepared for LCCU-member credit unions.
196
References Bank of Lithuania. Statistical data on Lithuanian credit unions. http://www.lb.ltllt/statistika/index.htm . Cuevas, Carlos E. and Klaus P Fischer. 2006. "Cooperative Financial Institutions: Issues in Governance, Regulation and Supervision." World Bank Working Paper 82 (36810). Desrochers, Martin and Klaus P. Fischer. 2005. "The Power of Networks: Integration and Financial Cooperative Performance." Centre interuniversitaire sur le risque, les politiques économiques et l'emploi, (CIRPÉE), Laval University, Quebec, Working Paper 05-14. Lithuanian Central Credit Union. Statistical data of LCCU-member credit unions. http://www.lku.lt. Seimas of the Republic of Lithuania. Law on Credit Unions. http://www.lrs.lt. Seimas of the Republic of Lithuania. Law on the Central Credit Union. http://www.lrs.lt.
197
Gouvernance coopérative et sociétariat : une reconquête inachevée? Une illustration par les banques coopératives en France Nadine Richez-Battesti*
Confrontées aux risques de banalisation les banques coopératives s'efforcent de reconquérir leur identité en renouvelant leur gouvernance coopérative. Elles tentent d'actualiser leur système de valeurs et d'affirmer l'affectio mutualis. Elles privilégient cependant une stratégie de management par les ressources plus que la redéfinition d'un agencement productif original porté par un projet, laissant de ce fait le processus de reconquête identitaire inachevé. Dans une première partie, nous nous efforçons de comprendre les raisons de la reconquête identitaire et de la priorité accordée au sociétariat, puis d'en analyser la mise en œuvre dans les banques coopératives françaises. Dans une seconde partie, en adoptant une posture conventionnaliste, nous tentons de montrer que ce processus de reconquête identitaire est sur déterminé par une stratégie de management par les ressources, puis d'en présenter les limites.
Maître de conférences en économie, * Mél.: [email protected].
université
199
de la Méditerranée
et Lest-CNRS.
n France, les banques coopératives sont organisées en cinq grands réseaux (I).Elles représentent plus de 50 % des dépôts, 210000 guichets, 17 millions de sociétaires et 60 millions de clients et prennent donc en charge une part significative de l'activité bancaire. Comparativement aux autres pays européens, la situation française se singularise par le nombre de groupes en présence et les parts de marché assumées. Mais en dépit de quelques travaux récents, les banques coopératives restent méconnues et peu analysées. Depuis la loi bancaire de 1984, elles ont pourtant fait la preuve à fois d'une excellente capacité d'adaptation dans un contexte concurrentiel exacerbé et de performances économiques et financières remarquables. Certains y décèlent l'expression d'un processus de banalisation imputable aux évolutions de l'environnement et à l'affaiblissement des pratiques démocratiques. On assisterait ainsi à une intensité croissante des règles de marché au détriment des règles coopératives (Côté, 2002). Pour le dire autrement, les banques coopératives auraient progressivement privilégié la rentabilité du service sur son utilité. Si ce débat sur la banalisation identitaire n'est pas nouveau, il prend une acuité particulière avec l'approfondissement de la construction européenne et la nécessité pour les banques coopératives de continuer à s'adapter aux nouvelles règles du jeu, tant en France qu'à l'échelle internationale, notamment en matière de réglementation prudentielle. Le plus souvent, la banalisation s'exprime dans l'évaluation de l'écart entre le modèle de référence retenu (la norme), celui des principes identitaires coopératifs (Vienney, 1980 et 1994; Côté, Levesque, 1995; ACI, 1995) et la réalité observée. Cependant, ces principes identitaires (lire l'encadré 1) caractérisent le modèle organisationnel coopératif (l'entreprise coopérative) plus que le processus de production ou la production réalisée. Il nous semble pourtant que c'est la combinaison de ces trois dimensions qui rend compte de l'identité coopérative. Aussi, notre hypothèse
E
(1) Le Crédit agricole, les Banques populaires mutuel et les Caisses d'épargne.
200
et le Crédit coopératif,
le Crédit
Les principes identitaires coopératifs Les banques coopératives, dont le capital est détenu par les sociétaires, se caractérisent par quatre principes. Le premier, « une personne-une voix », signale que le droit de vote n'est pas proportionnel à l'apport en capital et affirme une gestion démocratique. Le deuxième, dit de « double qualité », illustre le fait que le client ou usager est aussi sociétaire, c'est-à-dire détenteur des parts sociales composant le capital de la banque. Le troisième concerne la limitation de rémunération des parts sociales. Le quatrième repose sur la non-négociabilité des parts et l'impartageabilité des réserves. Ces quatre principes supportent un système de valeurs centré sur la primauté de l'homme sur le capital et de la gestion de service sur la gestion de rapport, et ils organisent l'intérêt commun entre les différentes parties prenantes. Ils fondent une gouvernance de type coopératif ou partenarial.
est la suivante: les banques coopératives, confrontées à la banalisation, tentent aujourd'hui de renouveler leur gouvernance coopérative. Elles s'efforcent d'actualiser leur système de valeurs et de reconquérir l'affectio mutua/is (IFA, 2006) et mettent au cœur de ce processus l'épreuve identitaire. Elles privilégient cependant une stratégie de management par les ressources plus que la redéfinition d'un agencement productif original porté par un projet, laissant de ce fait le processus de reconquête identitaire inachevé. Nous centrons notre analyse sur l'identité coopérative en nous situant dans une perspective conventionnaliste. Nous retenons une conception de l'identité comme combinaison, d'une part, de règles organisationnelles et des coopérations communautaires dans le travail et, d'autre part, de dimensions stratégiques et axiologiques (2).Cet article s'appuie sur des données recueillies dans le cadre d'un rapport de recherche réalisé pour le compte de la DIES (Richez-Battesti, Gianfaldoni [sous la diL], 2006), en combinant approche mésodynamique (traitement des données (2) Pour une première discussion sur la question identitaire coopératives, voir Richez-Battesti, 2006.
201
dans les banques
longitudinales et étude des groupes bancaires) et approche socioéconomique (un recueil d'information et des entretiens qualitatifs menés à différents échelons des principaux réseaux bancaires coopératifs et de leurs partenaires en 2004 et 2005). Dans une première partie, nous nous efforçons de comprendre les raisons de la reconquête identitaire et de la priorité accordée au sociétariat, puis d'en analyser la mise en œuvre dans les banques coopératives françaises. Dans une seconde partie, nous tentons de montrer que ce processus de reconquête identitaire est surdéterminé par une stratégie de management par les ressources, puis d'en présenter les limites.
Gouvernance coopérative et reconquête du sociétariat : contexte et mise en œuvre Le renouveau de l'intérêt des banques coopératives pour leur identité se déploie dans un contexte particulier caractérisé conjointement par une méconnaissance et une certaine défiance en direction d'un modèle coopératif qui aurait perdu ce « supplément d'âme ». Cette défiance est paradoxalement accentuée par les bonnes performances des banques coopératives dans les vingt dernières années. Il s'agit d'abord de mettre en évidence les effets des évolutions de l'environnement sur le comportement et les stratégies des banques coopératives. Nous illustrerons ensuite les modalités de mise en œuvre de cette reconquête. L'environnement: vecteur de banalisation? Les banques coopératives françaises se sont plutôt bien adaptées à l'intensification de la concurrence en France et en Europe et en sont sorties renforcées. Elles ont su tirer parti des mouvements de restructuration et de consolidation bancaire et s'inscrire dans la multiplication des innovations de produits et de procédures. Mais, dans le même temps, ces évolutions ont induit une fragilisation identitaire. Les transformations qui les ont affectées sont en grande partie imputables aux évolutions de l'environnement national et international (Pastré, 2006). Le processus de normalisation 202
résulte majoritairement de deux dynamiques -la concurrence et la
réglementation prudentielle - qui affectent conjointement le métier bancaire, les règles de gestion et le positionnement stratégique des banques coopératives. Ainsi en France, la loi bancaire de 1984 complétée en 1996 consacre la déspécialisation et le décloisonnement des circuits de financement, stimulant la concurrence entre les intermédiaires financiers. Les directives européennes dans l'objectif d'élaborer un espace européen unifié ont elles aussi contribué au renforcement de la concurrence et des processus de restructuration. On a assisté à un renforcement des impératifs de compétitivité dans un contexte d'industrialisation et de diversification du service bancaire, caractéristique des transformations du métier bancaire. Les augmentations de capital, notamment par croissance externe, ont permis d'emboîter intelligemment banque coopérative et banque SA en tentant de conserver le contrôle financier aux mains des banques coopératives. Les banques coopératives, organisées historiquement en réseaux avec comme activité principale la banque de détail, se structurent progressivement de manière stratégique au sein d'un périmètre plus large, le groupe coopératif, pour diversifier la gamme des produits offerts et gagner de nouveaux marchés. La normalisation de l'activité bancaire est enfin le fait du renforcement de la réglementation prudentielle, en lien avec les accords de Bâle 1 et 2, qui s'applique de façon identique à toutes les banques de façon à tenter d'encadrer les risques engendrés par le développement de l'activité au niveau international. Les ratios de solvabilité sont ainsi imposés indépendamment des statuts, de la structure de propriété et des caractéristiques de leur activité, induisant une certaine convergence des outils de gestion. Soumises aux mêmes normes juridiques et financières que les autres banques, elles ont progressivement remis en question leur modèle originel de type « bottom-up» et, avec lui, la coexistence entre des principes d'intégration stratégique (système fédératif) et des principes de décentralisation fonctionnelle et opérationnelle (autonomie décisionnelle des banques régionales et autonomie relative des caisses locales). Le basculement progressif vers un modèle d'intégration « top-down» s'est accompagné d'une 203
centralisation du pouvoir de décision et du contrôle stratégique allant de pair avec une réduction des zones d'autonomie et le développementd'un « sociétariat formel» (Di Salvo, 2002). On observe aussi un mouvement de rationalisation qui s'exprime par des fusions d'échelons régionaux et donc des stratégies de concentration. Dans le même temps, les objectifs économiques sont de plus en plus focalisés sur la recherche d'une augmentation de la taille critique des groupes coopératifs et sur des économies de ressources. Les impératifs de rentabilité imposent des techniques d'arbitrage et une analyse du risque qui réduisent les services dont la rentabilité n'est pas prouvée et les opérations supposées trop risquées. La rationalité entrepreneuriale des sociétés par actions s'insinue ainsi progressivement au sein des banques coopératives et impose un nouveau positionnement stratégique (Rousseau, 2004). Ces dynamiques n'ont toutefois pas eu, jusqu'à ce jour, d'effets significatifs sur la spécialisation des réseaux bancaires coopératifs. En termes de part de marché, les données économiques n'accréditent pas clairement l'idée d'une déspécialisation. Dans les années 2000, la part de marché occupée par les réseaux bancaires coopératifs reste importante: ils comptabilisent plus de 50 % des dépôts et plus de 60 % des crédits aux PME-PMI. Leur pénétration est importante en direction des PME-PMI fortement créatrices d'emploi, dans les villes de taille moyenne et en milieu rural, en direction des familles, et leur clientèle est en moyenne moins aisée que celle des autres banques (Parpais, 2004 ; RichezBattesti, Gianfaldoni [sous la dir.], 2006). Entre 1992 et 2002, selon les données de la Commission bancaire, on note toutefois une diminution significative de la part des entreprises individuelles (de 24 à 14 %), tandis que celle des ménages augmente (de 38 à47 %), ainsi que celle des administrations publiques (de 7 à 10 %). Cependant, le maintien d'une spécialisation relative, en lien avec les trajectoires originales de ces grands réseaux, ne doit pas masquer la tendance à la banalisation qui conduit les banques coopératives à adopter les mêmes pratiques, les mêmes modes de fonctionnement et le même type de clientèle que les autres banques, ni les risques de déstabilisation qui en résultent. 204
.
Ces risques s'observent à deux niveaux: Le premier concerne l'organisation et se caractérise par une augmentation potentielle des conflits d'intérêts entre la banque et le mouvement, donc entre les stratèges (pôle management centré sur l'efficacité) et les sociétaires (pôle politique centré sur la solidarité). Qu'en est-il de la place et de la fonction du sociétariat dans l'organisation et dans l'activité productive? dans les choix productifs et dans le partage de la valeur? Plus largement, la gouvernance coopérative continue-t-elle à s'exercer et comment? . Le second affecte le type de produits et de services offerts, avec le risque de la prédominance de services rentables au détriment de services adaptés, laissant supposer là encore que le sociétariat n'opère plus significativement dans le choix des produits et des services offerts. À ces deux niveaux, les sociétaires semblent constituer un enjeu important et un levier d'action pertinent dans l'affirmation de l'identité coopérative. C'est dans ce contexte que l'on assiste dans les années récentes à un mouvement explicite de reconquête du sociétariat et de la gouvernance coopérative. Il se pose comme réponse au mouvement de banalisation et comme affirmation de la distinction coopérative. Modalité de reconquête du sociétariat et gouvernance coopérative comme ancrage identitaire La prise de conscience de ces risques et des déstabilisations qui les accompagnent a conduit les banques coopératives à se mobiliser pour reconquérir leur sociétariat et réaffirmer une gouvernance coopérative. Il s'agit maintenant de mettre en évidence comment elles opèrent concrètement dans cette reconquête. La reconquête de l'identité coopérative concerne notamment l'affectio mutualis (IFA, 2006). Les banques coopératives, dans le cadre de groupes de travail et autres commissions, construisent une stratégie centrée sur deux dimensions interdépendantes. D'un côté, elles s'efforcent de réactualiser leur système de valeurs et d'affirmer
leur « distinction coopérative» (Banque populaire, 2005), en interne et en externe: meilleure communication
205
en externe avec
multiplication des supports d'information, formation en interne. .. De l'autre, l'accent est mis depuis le début du nouveau millénaire sur la reconquête et la mobilisation du sociétariat, les caisses Desjardinsrestant à bien des égards « le » modèle de référence, que chacune des banques coopératives observe pour construire sa propre stratégie. Les processus sont encore en cours et diffèrent d'une banque à l'autre, en référence à l'histoire de chacune des grandes fédérations bancaires, notamment selon l'importance accordée à l'échelon central. Intéressons-nous premièrement au système de valeurs. On observe généralement que les banques coopératives communiquent peu sur leurs valeurs et sur leur contribution à la cohésion économique et sociale des territoires sur lesquels elles interviennent. Elles ont toutefois mis l'accent dans les années récentes sur les valeurs qui les fondent et en font à nouveau la base de leur différenciation vis-à-vis des autres banques coopératives et le socle du renouveau de leur modèle stratégique. À partir de groupes de travail constitués ad hoc et mobilisant notamment des administrateurs, les différents réseaux coopératifs ont réactualisé leur projet stratégique, 1'« intention stratégique» au sens de Côté(3) (2004), et tenté de repenser le « pacte d'association ». Ils se sont aussi efforcés de faire évoluer les «pratiques associatives» en interne, en renforçant l'information et la formation. En externe, les processus sont plus heurtés, voire contradictoires. Chacun des réseaux s'attelle à la modernisation de sa politique de communication. Individuellement, certains contribuent à construire une action collective dans le cadre de réseaux nationaux (IFA) ou européens (Groupement européen des banques coopératives), s'inscrivant ainsi dans une logique d'intercoopération. D'autres, au contraire, s'inscrivent dans des perspectives plus concurrentielles, n'hésitant pas à ester en justice à l'encontre de produits d'épargne réglementés détenues par quelques-unes seulement des banques coopératives. (3) Par intention des finalités.
stratégique,
Côté entend
206
la combinaison
des valeurs
et
En second lieu, et en forte interaction avec la réactualisation du système de valeurs, nous abordons maintenant la mobilisation du sociétariat. Elle repose sur la combinaison de trois dynamiques: connaître, informer, mobiliser. Mais les stratégies diffèrent relativement aux spécificités historiques et organisationnelles des différents réseaux des banques coopératives. La Fédération nationale des caisses d'épargne est en pointe avec la formalisation d'un grand nombre d'instruments d'observation et d'évaluation du sociétariat, et notamment un observatoire du sociétariat, ainsi qu'une politique volontariste d'animation. Il est vrai qu'« à la différence des autres banques mutualistes, nous sommes en train de créer ex-post un sociétariat fondé sur l'adhésion volontaire des clients à notre projet» (Milhaud, 2000, p. 51). Pour relever ce défi, la fédération a impulsé au niveau national des études quantitatives et qualitatives sur différents thèmes et notamment le sociétariat. Elle a aussi contribué à l'élaboration d'un certain nombre d'« intermédiaires sociotechniques » au sens de Latour, définis au niveau national ou résultant de stratégies de mutualisation des expérimentations régionales, qu'elle retrace dans ses rapports d'activité. De façon générale, la Caisse d'épargne semble avoir le plus structuré son organisation démocratique, notamment au niveau des administrateurs. Elle distingue deux types d'administrateurs (Duet, 2004) dont les profils et les missions diffèrent. Les administrateurs du conseil d'orientation et de surveillance (COS) assument une part de la gestion bancaire dans un objectif d'efficacité économique, tandis que les administrateurs de sociétés locales d'épargne (SLE) privilégient les relations de proximité avec les sociétaires et participent aux missions d'intérêt général et donc aux projets d'initiatives locales et solidaires (PELS). Ces derniers assument une fonction d'intermédiation, en interne entre les managers et les sociétaires et en externe entre les associations, l'environnement local et la Caisse d'épargne, offrant ainsi un cadre d'action concret, visible et valorisable aux administrateurs. Le Crédit coopératif se caractérise par un sociétariat institutionnel maîtrisé qui repose sur l'articulation au niveau régional entre vie démocratique (assemblée générale des 207
sociétaires au niveau des vingt et une régions) et vie associative (conseils d'agence qui rassemblent des représentants des sociétaires sélectionnés par les directeurs d'agence et comités de région comme instances de concertation). Les instances de participation introduites pour intégrer la vie associative, caractéristiques d'un sociétariat de personnes morales, associent les sociétaires dans le choix des services et des produits offerts à l'échelle infranationale. Une enquête a été menée en 2004 pour connaître la perception de la banque par les sociétaires, leurs attentes et tenter ainsi d'ajuster les stratégies. S'il semble plus difficile de mobiliser des personnes morales que des personnes physiques, on observe cependant que le pouvoir d'influence et de négociation des personnes morales est supérieur à celui des personnes physiques, plus atomisées, permettant ainsi un meilleur ajustement des produits et services offerts par la banque aux besoins de ses clients-sociétaires. On note aussi, dans cette configuration de sociétariat de personnes morales, l'importance et la spécificité des configurations régionales de réseaux d'acteurs fédératifs. Les Banques populaires, dès 2001, ont lancé une politique active du sociétariat afin de repérer un ensemble de bonnes pratiques et d'élaborer des plans d'action au niveau régional dans l'objectif en 2005 qu'un client particulier sur deux devienne sociétaire. A aussi été introduit un groupe sociétariat au niveau de la banque fédérale et un séminaire sur le thème « Valeurs, banque populaire et sociétariat: un enjeu stratégique ». Puis en 2004, forte du constat d'un relatif retard dans la mobilisation du sociétariat, une équipe de travail composée de dirigeants a été mise en place pour rédiger un livre blanc sur le sociétariat dans le groupe. Les Banques populaires construisent enfin un benchmarking du sociétariat entre banques coopératives françaises en retenant quatre critères: le nombre de sociétaires, la participation au welfare, l'existence d'une fondation et la participation à des actions de solidarité internationale. Au Crédit mutuel, les démarches de mobilisation du sociétariat restent moins structurées, ce qui s'explique pour partie par la forte décentralisation du groupe et par la mobilisation du 208
sociétariat encore significative sur le plan local. En effet, 60 % des clients du Crédit mutuel sont des sociétaires (6,1 millions), dont 24000 administrateurs, et l'objectif à atteindre dans les années à venir est de 100 %, tandis que pour la participation aux assemblées générales, il s'agit de tendre vers 10 %. Dans le même temps, la confédération apparaît très présente dans les espaces de débat et autres cercles de réflexion tant à l'échelon national qu'à celui de l'Europe. Ainsi, la confédération participe activement aux réflexions menées sur la gouvernance à l'échelle européenne et au niveau national (IFA, 2006). Enfin, le Crédit agricole semble lui aussi mobilisé, de façon plus récente, par une réflexion sur le sociétariat (meilleure connaissance et mobilisation). Fort de ses 5,7 millions de sociétaires, il affiche là encore une volonté de reconquête. Toutes les banques coopératives soulignent l'importance (4) de l'information et de sa diffusion dans la mobilisation des sociétaires et leur implication dans un projet collectif. Revues généralistes ou à destination de segments de « clientèle », publiées au niveau régional ou national, lettres électroniques d'information et sites Internet dédiés, autant d'instruments dont l'objectif est de renforcer conjointement la transparence, la proximité et la continuité de la relation avec le sociétaire. La diffusion de l'information est présentée comme un complément de l'AG annuelle, qui reste le principal moyen de participation des membres. Une fois encore, la Caisse d'épargne semble avoir fait preuve d'une grande diversité de moyens de diffusion de cette information à destination plus ou moins large. Certains groupes adjoignent en complément d'autres instruments, tels que des journées d'information, des clubs, des ateliers. D'autres vont même jusqu'à introduire des postes salariés dédiés à l'animation du sociétariat. On observe cependant que, le plus souvent, il n'y a pas d'évaluation de l'appropriation des informations par les sociétaires et d'une éventuelle amélioration de leurs capacités décisionnaires.
(4) On souligne que ce renforcement de la diffusion d'information n'est pas propre aux banques coopératives: les sociétés par actions ont aussi procédé de façon identique en direction de leurs actionnaires.
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On repère dans ces dynamiques l'enjeu de la mobilisation des sociétaires, mais la question des motifs de la mobilisation - pour quel projet? - reste peu abordée, comme si la question identitaire, et à travers elle celle des valeurs et de la gouvernance, se résumait à l'accroissement du nombre de sociétaires et au développement d'une politique de communication.
Du management par les ressources à la reconquête identitaire : l'épreuve identitaire en question Il s'agit maintenant de mettre en évidence que les banques coopératives ont avant tout développé une stratégie de management par les ressources plus que de reconquête de l'identité coopérative. Puis, nous nous efforçons d'identifier les limites de cette reconquête et d'envisager quelques pistes susceptibles de contribuer à la réduction de la fracture identitaire. La prédominance du management par les ressources dans la reconquête identitaire On observe une évolution du discours des banques coopératives valorisant explicitement leur distinction coopérative et le développement d'une conception du sociétaire comme ressource. En dix ans, les banques coopératives sont ainsi passées d'un discours centré sur l'efficacité à un discours qui s'efforce de combiner efficacité et valeurs réintroduisant progressivement des indicateurs de la distinction coopérative. Il s'agit non plus seulement d'afficher ses performances selon le même registre de la preuve que les autres banques (la performance financière), mais de réafficher sa distinction en termes de valeurs et d'engagement dans la proximité. Ce positionnement stratégique n'est pas neutre. Il s'inscrit dans la volonté de pérenniser le modèle coopératif dans un contexte de prédominance du discours sur les performances du modèle actionnarial. Il exprime aussi la réaffirmation de l'engagement coopératif au service des associés et du territoire en combinant élargissement des parties prenantes, réactivation de la proximité et transparence. 210
Il dénote enfin une tentative de créer, de renforcer ou de réintégrer les ressources en interne et en externe en s'appuyant sur un sociétaire client, mais aussi citoyen et donc acteur de son territoire (Cadiou et alii, 2006). Au sein de ce dispositif de reconquête et de valorisation de la gouvernance coopérative, les sociétaires occupent une place centrale dans le cadre d'une logique managériale. La stratégie mise en œuvre s'inscrit en effet dans une perspective de management par les ressources et les réseaux. Les sociétaires sont considérés comme un actif stratégique spécifique qu'il s'agit d'intégrer et de mobiliser, à la fois en interne et en externe. Source d'informations, d'engagement et de compétences, vecteur d'élargissement des parties prenantes, ils permettent de réduire les asymétries d'information, l'incertitude et le risque lors de la relation bancaire. Les sociétaires, mais le plus souvent les administrateurs élus, sont susceptibles de contribuer à la sélection des projets et à l'ancrage sur le territoire à travers leurs savoirs d'expertise. Souvent, ils sont à l'origine de configurations partenariales innovantes, renforcent et élargissent les réseaux et les processus de coopération. Ils participent aussi de l'émergence d'apprentissages, de communautés de pratiques et de compétences collectives à l'occasion de leur engagement. Ils sont enfin susceptibles de contribuer, à moindre coût, à l'adaptation des services offerts. Cette action sur l'offre est particulièrement significative en présence d'un sociétariat de personnes morales disposant d'un pouvoir de négociation effectif, ce qui est le cas du Crédit coopératif. Dans ce type de management, la proximité (Pecqueur, Zimmerman, 2004) joue un rôle clé et suppose d'être réactivée, voire reconstruite. Elle repose à la fois sur les processus de coopération et sur la construction de la confiance liée à la répétition dans le temps de l'action menée en commun; elle permet alors le renforcement de l'efficacité et une gestion mutualisée de l'incertitude et des risques. Elle contribue à réancrer l'organisation dans le territoire, dans les valeurs et dans le projet en s'efforçant de produire des effets externes territorialisés. Plus globalement, les sociétaires sont une pièce maîtresse du renouvellement des modalités du compromis managérial211
démocratique au sein de l'organisation, comme expression de l'équilibre et de l'identité coopérative et donc comme dépassement de la fragilisation identitaire. L'enjeu est de combiner, dans un univers fortement concurrentiel, pression du marché et satisfaction des besoins des clients-sociétaires, compétences techniques et gestion démocratique. Mais cette dynamique ne vaut qu'à condition d'identifier les ressorts de la cohésion entre les sociétaires, leur permettant de passer d'individus atomisés à des acteurs collectifs légitimes. On repère donc d'ores et déjà l'un des espaces possibles de tensions dans le processus de reconquête identitaire. Les limites de la reconquête identitaire Bien que le processus de reconquête soit en cours, nous pouvons d'ores et déjà en souligner quelques limites. Nous les distinguons selon trois entrées: la proximité, le régime d'engagement et l'épreuve identitaire. La proximité reste fragilisée. L'autonomie régionale ou locale est fortement contrainte par les dynamiques nationales et internationales, limitant ainsi les initiatives et les adaptations au contexte local. De plus, il est presque impossible d'évaluer l'engagement et l'ancrage des banques coopératives sur leurs territoires et les effets externes territorialisés (qu'ils soient directs ou indirects) qu'elles produisent: les banques coopératives n'ont pas introduit d'indicateurs permettant de disposer d'informations fiables sur les ressources consacrées à des initiatives de développement social ou de développement local, elles ont renoncé à internaliser les externalités. Enfin, elles développent des configurations partenariales innovantes pour répondre à une série de besoins non satisfaits (5),mais ces initiatives restent dans l'ombre et n'essaiment pas. Quant à l'action commune avec d'autres organisations se revendiquant des mêmes valeurs, elle reste à l'état embryonnaire. Ainsi, les différentes formes de proximité territoriales, axiologiques ou institutionnelles sont affaiblies.
(5) On pense notamment à leur contribution au développement du microcrédit, à J'appui à la création d'entreprise par des publics en difficulté, à leur engagement sur la finance solidaire, etc. (Richez-Battesti et alii, 2006).
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Le régime d'engagement (Thévenot, 2006) des sociétaires paraît inabouti; il oscille entre des conceptions du bien commun divergentes et qui ne sont pas mises en débat. L'amélioration de la transparence par des dispositifs d'information et de formation renforcés pour les sociétaires ne suffit pas à reconstruire une certaine cohésion entre eux, aux sources de la coopération. En effet, l'hétérogénéité croissante des motifs de leur engagement rend difficiles la compréhension commune des enjeux et l'élaboration de stratégies et d'actions collectives. Le contenu des consultations commence tout juste à faire l'objet d'une réflexion spécifique sur les questions à débattre. Des espaces de débat en complément des assemblées générales commencent à être instaurés, mais les pratiques et les expériences de débat se sont amoindries et des processus d'apprentissage doivent être réinventés. Enfin, la participation aux prises de décision reste insuffisante au sein du pacte associatif. Ce déficit pose le problème de l'influence des membres sur les affaires de la coopérative. Au-delà, il oblige à s'interroger sur les modalités d'articulation avec la technostructure et plus largement sur la gouvernance. Paradoxalement, alors que les caisses Desjardins, au Québec, font référence dans la plupart des banques coopératives quant à leur vie démocratique, on constate que le principe d'une participation active des administrateurs aux orientations d'une caisse locale en France semble soulever des réticences de la part des cadres salariés. On évalue donc bien que l'un des axes de tensions en matière stratégique concerne les pouvoirs décisionnaires des administrateurs et afortiori ceux des sociétaires, ainsi que la gamme des responsabilités qui leur sont confiées. Il y a là un enjeu réciprocitaire qui reste insuffisamment abordé et débattu: quelle contrepartie au fait d'être sociétaire, comment ne pas réduire cette contrepartie à une dimension symbolique? Le plus souvent, on s'abrite derrière la technicité du métier bancaire pour justifier l'absence de réciprocité dans les engagements. Quelle influence effective du sociétariat sur les orientations stratégiques des banques coopératives? Quelle contribution aux engagements locaux et à la prise de risque? En dépit d'une orientation vers un management par les ressources, il semble que les ressources cognitives des sociétaires sont largement 213
sous-évaluées, notamment au niveau de leur capacité à contribuer à la production de services (interne ou externalisée) dans des rapports de proximité. Remobiliser et élargir le sociétariat ne suffit pas si la question de sa place et de son rôle dans l'organisation n'est pas posée, et plus largement celle de son inscription dans un projet mobilisateur. La question de la réciprocité constitue selon nous une première piste pour approfondir la réflexion sur la reconquête du sociétariat et de l'identité coopérative. Enfin, l'épreuve identitaire susceptible de se résoudre dans le compromis entre valeurs et performance, à travers l'engagement sur un projet commun et le pacte d'association qui l'accompagne, reste en tension. On peut y voir au moins deux raisons. En premier lieu, bien que la place du sociétaire soit réaffirmée dans l'organisation, elle s'inscrit plus dans une dynamique contractuelle formelle que dans une convention d'usage qui reconnaîtrait sa fonction d'acteur et de coauteur. En second lieu, la question de l'action collective, et à travers elle celle des trajectoires identitaires qui s'y façonnent, fait problème: l'activité, le fait d'agir ensemble, et donc le collectif de travail, constitue un ciment important de toute organisation, et tout particulièrement de l'organisation coopérative. Mais cette action peut-elle se limiter aux acteurs de même statut et exerçant les mêmes fonctions? Ou naît-elle des interactions, des coopérations et des relations de pouvoir qui se déploient dans le travail et qui se jouent entre parties prenantes hétérogènes, mais coordonnées par un projet commun, dans le cadre d'actions réalisées ensemble, dans des temps longs? L'engagement coopératif ne peut se suffire de la reconquête de ses sociétaires, il suppose aussi des interactions explicites avec les salariés et des engagements dans des collectifs de travail. On conçoit donc l'enjeu d'articuler, sur la base du projet, principes d'organisation et collectifs de travail dans la reconquête de l'identité coopérative. En lien avec la réciprocité, l'activité productive, et avec elle le travail, nous paraît donc offrir une seconde perspective de reconquête du sociétariat et de l'identité coopérative. C'est en effet dans l'activité de travail que se construisent des objectifs partagés, que se tissent l'appartenance à un groupe et les 214
communautés de pratiques et que se développe l'interaction avec des groupes externes. C'est aussi dans le travail que se déploient les processus de socialisation à l'œuvre dans les coopérations communautaires. Or, les questions des collectifs de travail, et en leur sein des relations interpersonnelles, des solidarités vécues, du sens donné à l'expérience partagée en commun, et finalement les ressorts de l'action collective ne sont pas pris en compte dans les banques coopératives, ni dans leur dimension stratégique ni dans leur dimension axiologique. Ils sont absents des rapports auxquels nous avons pu avoir accès et nos entretiens confortent leur caractère marginal. Ils sont parfois évoqués indirectement, par des administrateurs de longue date, pour signaler leur moindre engagement dans le projet et l'affaiblissement de leur contribution au collectif. Ils sont généralement mis en avant dès qu'il y a externalisation des activités: ainsi, dans l'appui à la création d'entreprise, la communauté d'intérêt pour le projet, le temps passé en commun et les rites d'interaction tels que les comités d'engagement de crédit, voire la nécessité de justifier des résultats en direction de l'extérieur, sont autant d'attributs d'une coopération vecteur de création de connaissance, de sens et de contribution au développement du territoire. Mais on évalue bien que la piste principale de reconquête identitaire est celle de l'engagement sur ce projet commun qui reste à réinventer. Ainsi, les différentes facettes de l'identité coopérative (identité dans les règles organisationnelles autour du principe de double qualité, identité dans la gouvernance coopérative avec des sociétaires acteurs des prises de décision et du pilotage, identité dans les coopérations communautaires en interne et en externe autour de l'engagement dans l'action collective) trouveraient leur cohérence dans un arrangement productif renouvelé, à condition d'assumer l'engagement sur un projet commun.
Conclusion Nous avons tenté d'illustrer le processus de reconquête identitaire mis en œuvre par les banques coopératives. Nous en avons retracé les raisons, le mode opératoire et la réduction 215
dans une stratégie de management par les ressources. Il nous semble que l'épreuve identitaire est un révélateur pertinent des limites du processus. Les logiques marchandes et industrielles que les banques coopératives ont pleinement acceptées (Juvin, 2006) ne s'accompagnent qu'insuffisamment de la mise en œuvre d'une logique plus citoyenne d'engagement autour d'un projet, opportunité d'action commune entre parties prenantes hétérogènes. La stratégie de reconquête adoptée reste in fine centrée sur la performance plus que sur la combinaison entre valeurs et performance. Plus encore, confrontée à la faiblesse du projet fédérateur, elle tend à soumettre le mouvement (valeurs et sociétaires) à la banque. En ce sens, les valeurs, au lieu de se réinscrire dans l'organisation et son projet et d'être mises en acte, restent majoritairement un faire-valoir, propice à l'engagement, mais insuffisant néanmoins pour le pérenniser. On voit bien par conséquent, au-delà de la mobilisation du sociétariat et de son rôle dans la gouvernance coopérative, l'importance de recombiner les dimensions stratégiques et axiologiques dans la reconquête identitaire et l'enjeu du projet fédérateur pour engager durablement les parties prenantes. Car c'est bien à l'occasion de l'action commune orientée vers un projet que peuvent se réarticuler la banque et le mouvement et se résorber la fracture identitaire.
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III - Approfondir la démocratie économique
La gouvernance dans les groupes coopératifs européens La prépondérance de la proximité locale dans la construction d'organisations modernes et innovantes Etienne pflimlin* et Adrian Zelaïa**
Les groupes coopératifs apparaissent dans la deuxième moitié du xx'" siècle, suite à la réussite des coopératives locales. Relevant de secteurs économiques divers, ces groupes ont évolué ces dernières décennies selon des logiques différentes. Sept d'entre eux sont aujourd'hui membres de l'Association européenne des groupes coopératifs (ECG): le Consorzio nazionale della cooperazione sociale Gino Mattarelli (CGM), Mondragon Corporacion cooperativa (MCC), le Consorzio nazionale servizi (CNS), le Grupo Asociaciôn para la cooperaciôn de la economia social (ASCES), le Gruppo industriale cooperativo (CCPL), le Groupe Crédit coopératif et le Groupe Crédit mutuel. L'article aborde la question de la gouvernance de ces entités en mettant tout d'abord en lumière les principaux acteurs qui en leur sein incarnent la légitimité du modèle. Il s'applique ensuite à décrypter les logiques à l'œuvre de développement de la coopération transversale ou trans-hiérarchique. Un risque existe que le groupe brouille l'identité première de la coopérative: le contrôle démocratique permet de concilier efficacité économique, croissance et respect des équilibres coopératifs patiemment construits.
* Coprésident de Coopératives Europe, président du Crédit mutuel. ** Président de l'European Cooperative Group, secrétaire général de Mondragon.
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es groupes apparaissent dans un contexte d'adaptation des coopérativesà un environnement économique plus concurrentiel et donc plus ouvert, plus ouvert et donc plus concurrentiel. Si les racines historiques des coopératives plongent dans le XIXesiècle, les groupes coopératifs émergent quant à eux de la réussite des coopératives locales, dans la deuxième moitié du Xxesiècle et plus précisément durant ces trente dernières années. Mondragon Corporacion Cooperativa (MCC) date de 1991, le Consorzio nazionale servizi (CNS) de 1977, le Consorzio nazionale della cooperazione sociale Gino Mattarelli (CGM) de 1987.Le groupe coopératif est donc un fait nouveau. Nous parlons aujourd'hui de « groupe» sans que ce terme soit usité par tous; sans néanmoins traiter de sa pertinence, nous l'admettrons pour notre article. Les groupes coopératifs relèvent de secteurs économiques différents. Leurs points communs? Certainement un état d'esprit, une évolution de la forme coopérative. Ces évolutions sont motivées par des ambitions différentes: volonté de réunir des structures proches pour créer des effets de taille, comme c'est le cas en Italie avec CGM, structurer pour rationaliser dans une optique de concurrence économique nationale et internationale (MCC), intégration logique et historique bâtie dans le temps (Crédit mutuel)... Ces évolutions prennent surtout en compte une volonté affichée de conserver le modèle coopératif comme base du gouvernement d'entreprise et de concilier efficacité économique, croissance et respect des équilibres coopératifs patiemment construits. Le groupe se dessine grâce aux relations de réciprocité: les relations vont de la base vers le sommet, puisque ce sont les sociétaires qui détiennent la structure globale, et du sommet vers la base pour ce qui touche aux orientations stratégiques et aux services proposés à tous, mais aussi grâce aux relations transversales entre membres partageant la même organisation et les mêmes valeurs. Une première tentative d'explicitation a été réalisée par François Soulage en 2003 et permet d'éclairer la définition du groupe coopératif: «Le groupe permet de créer un ensemble
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d'entreprises articulées entre elles et qui peuvent permettre de répondre à plusieurs objectifs: la spécialisation, à l'inverse éventuellement la diversification, souvent expliquée par la recherche de cycles de production différents, la recherche de la dimension par agglomération d'entreprises voisines, mais dotées de structures autonomes expliquées par l'éloignement géographique, par l'histoire, par les clientèles, par les juxtapositions de fonctions économiques voisines. Le groupe est aussi expliqué par la possibilité, sans les contrôler totalement, de disposer d'autres entités de production tout en partageant les risques, tout en mobilisant d'autres apporteurs de capitaux. Enfin, le groupe peut être constitué pour permettre à des entreprises de bénéficier des faits d'externalité positive, de capacité d'achat, et cela rejoint le critère de la dimension suffisamment importante. Dans ce dernier cas cependant, et au fil des années, il est plutôt tendance non à créer des groupes, mais à externaliser certaines
fonctions et à créer des entreprises communes. » La gouvernance des groupes ne peut se comprendre que si l'on met en avant les raisons du rapprochement. La gouvernance n'étant que la mise en forme institutionnelle d'un projet humain, la genèse du groupe éclaire sur son fonctionnement actuel. En somme, le groupe est une adaptation de principes de base de coopération entre des individus, entre des organisations. Nous nous attacherons à n'étudier que les coopératives européennes qui se penchent aujourd'hui sur ce concept de groupe. Ces coopératives sont membres de l'Association européenne des groupes coopératifs (ECG). Ces groupes sont aujourd'hui italiens, espagnols et français. Le Consorzio nazionale della cooperazione sociale Gino Mattarelli (CGM) regroupe 83 consortiums locaux, qui eux-mêmes regroupent, au total, 1300 coopératives de base, 35000 salariés et 9000 bénévoles pour un chiffre d'affaires cumulé aux alentours du milliard d'euros. Mondragon Corporacion cooperativa (MCC) regroupe en sept secteurs d'activité 265 entreprises, dont une centaine sont coopératives, 78500 salariés, soit 10 % de plus que l'année dernière, et possède une réelle dimension internationale.
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Le Consorzio nazionale servizi (CNS) se structure autour de huit sièges territoriaux et comprend 200 associés sur l'ensemble du territoire national. Le chiffre d'affaires des coopératives associées est de l'ordre de 4 milliards d'euros en 2005. L'une des originalités de ce groupe est sa capacité de gérer des activités en direct. Les activités propres du groupe présentent ainsi un chiffre d'affaires de 400 millions d'euros. Le Grupo Asociaci6n para la cooperaci6n de la economfa social (ASCES) (I),nouvellement créé, est le fruit d'une évolution de plusieurs groupes dans la région de Valence. Il comprend six groupes coopératifs espagnols de 300 coopératives de base qui pèsent 1,4 milliard de chiffre d'affaires et 6700 salariés. Le Gruppo industriale cooperativo (CCPL) comprend plusieurs acteurs de taille variable agissant dans des secteurs divers. L'activité en 2005 a été excédentaire et présente un résultat net à hauteur de 4,2 millions d'euros. Le Groupe Crédit coopératif est une banque coopérative nationale. Les sociétaires du Crédit coopératif sont des personnes morales, pour beaucoup des entreprises de l'économie sociale et solidaire ou des petites et moyennes entreprises adhérentes de groupements. Son résultat net en 2005 est de 34,2 millions d'euros. Le Groupe Crédit mutuel, deuxième banque de détail en France, développe ses activités dans le domaine de la banque, de l'assurance et des services technologiques. Il compte 14,2 millions de clients, 6,7 millions de sociétaires, 57000 salariés et a un résultat net en 2005 de 2,4 milliards d'euros. Pour tous ces groupes, les questions de gouvernance sont importantes et régulièrement revisitées, par exemple en 2003 pour le Gruppo industrial cooperativo en Italie (CCPL) ou encore en 2005 pour le Crédit coopératif. La question de la gouvernance est elle-même un sujet porté par le mouvement coopératif européen. Elle a été le fruit d'une réflexion au sein du Groupement européen des banques coopératives en 2005 (EACB, 2005) et représente un des thèmes majeurs de l'assemblée régionale européenne de l'Alliance coopérative internationale en novembre 2006. (1) www.grupoasces.com.
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La gouvernance des groupes coopératifs présente ses zones de complexité juridique avec les liens capitalistiques entre société holding et filiales. Sur ces aspects juridiques et fiscaux, que nous n'aborderons pas ici, nous soulignons les efforts de synthèse et de clarté réalisés dans le passé par des praticiens du secteur (Soulage, 2003). De la même manière, les aspects liés à la question de l'accès aux marchés financiers et la redéfinition de la gouvernance interne sont des thèmes récurrents, et ce depuis plusieurs années (Pellervo, 2000). Nous n'avons pas, non plus, tenté de travailler à l'élaboration d'une typologie des divers modèles d'intégration ou non de ces groupes comme d'autres l'ont fait dans le passé pour les banques coopératives (Di Salvo, 2003). Nous partons simplement de la question de la gouvemance et de son évolution. Il est donc nécessaire de se pencher dans un premier temps sur les principaux acteurs qui, au sein de ces groupes, incarnent la légitimité du modèle, c'est-à-dire les sociétaires et les niveaux locaux des groupes. Ensuite, il s'agit de décrypter les motivations de regroupement ou d'élargissement et les modalités de cette coopération transversale ou trans-hiérarchique. Le groupe étant souvent perçu comme le prolongement de la coopérative, il ne vient que l'aider à atteindre ses objectifs de développement; il peut aussi progressivement effacer l'identité première de la coopérative. Dans tous les cas, l'organisation du contrôle démocratique représente le nœud gordien de la coopérative.
Le rôle du sociétaire dans la gouvernance : proximité de l'organisation auprès du sociétaire et renforcement du contrôle du sociétaire sur l'organisation Le sociétaire au plus près du centre de décision: prédominance de l'importance des niveaux locaux dans les groupes Le sociétaire reste la base, le centre de l'architecture. Le niveau local est donc considéré comme le niveau fort de l'organisation. Le principe de base, admis et pratiqué, est celui d'une personne, une voix. Les sociétaires s'expriment donc de manière égalitaire dans la gouvernance du groupe. Signe de l'ancrage local des groupes 225
coopératifs, le niveau de base est considéré comme particulièrement essentiel. À titre illustratif, pour MCC, la coopérative représente un «
élément fondamental»
qui « conserve sa propre structure
d'organisation et sa propre personnalité juridique» ; elle est donc « souveraine» (2). Pour le Crédit mutuel, « les 1 920 caisses locales des dix-huit groupes régionaux constituent la base de son organisation coopérative et mutualiste. Leur autonomie s'illustre par un statut juridique propre, à la différence des agences des autres réseaux bancaires ». Les caisses sont effectivement des sociétés coopératives qui bénéficient du statut d'établissement de crédit à part entière. COM met en avant comme trait principal de son organisation la « territorialité» qu'illustrent ses I 300 coopératives de base, actives dans le domaine des services. De même, CCPL souligne l'importance des structures de base comme assise du groupe. Ainsi, comme dans la plupart des groupes étudiés, l'histoire a une place importante, le sociétaire et la coopérative de base étant les premiers maillons d'un ensemble qui se structure au cours du xxe siècle pour donner naissance plus tard à des acteurs majeurs sur les marchés régionaux et nationaux. La vie démocratique locale représente ainsi un élément fort. Le Crédit mutuel organise chaque année 2000 assemblées générales, CNS présente son assemblée des associés (de niveau local) comme l'organe principal de sa gouvernance, etc. La gouvernance des groupes a ses racines au plus près des entités qui la composent. Si une stratégie globale n'est pas acceptée par l'ensemble des membres à différents niveaux, le mandat du dirigeant pourra être remis en cause par les sociétaires. La gouvernance des groupes repose sur la restitution régulière à un nombre important de parties prenantes de l'entreprise sous forme de comptes rendus, d'informations et de validation. La force de ce système repose sur la volonté des acteurs de coopérer. Le niveau local est important, car il représente le centre originel de toute construction organisationnelle ultérieure. Sans (2) www.mcc.es/fra/cooperativismo/expemcc/organos.html.
226
ce commencement, pas de suite. Comme le souligne Enzo Pezzini, qui a étudié le groupe italien CGM, cette construction « a été le fruit du libre arbitre de tous les acteurs» (Pezzini, 2001, p. 380). Pour tous les groupes coopératifs, ce qui est essentiel, c'est cette manifestation commune, cette volonté de coopérer. Voilà la raison primordiale de l'attachement à l'assise locale et aux entités de base. Les divers mécanismes de contrôle des sociétaires sur le groupe Un principe de base: la délégation de représentation Les sociétaires sont le fondement du groupe coopératif. Ils élisent parmi leurs pairs celles et ceux qui vont les représenter à toute strate supérieure du groupe, que le groupe soit à deux ou trois niveaux, deux niveaux étant le nombre le plus souvent retrouvé dans les cas étudiés. Ainsi, au Gruppo industrial cooperativo italien (CCPL), chaque coopérative du groupe élit ses délégués pour l'assemblée générale (3\ qui a autorité pour diriger l'ensemble du groupe (figure 1). Figure 1 Le rôle de l'assemblée générale (assemblée des associés) dans la gouvernance du groupe CCPL Assemblea dei soci
..
Collegio dei sindaci ~
:
~
Comitat; esecutivo
- --- --- --- ~ ,
,,
Consiglio di amministrazione ,., ,,
I
presi~ente I
Amministratore
delegato
I
Source: Bilancio sociale, CCPL, 2005, p. 25.
(3) Bilancio
sociale
2005, con suit able sur www.ccpl.it.
227
De la même manière, le Crédit mutuel, en trois degrés de représentation, met bien l'accent sur la place importante du sociétaire dans la gouvernance. L'image de la pyramide inversée est utilisée pour souligner que le sociétaire est le maillon premier du modèle de gouvernance (figure 2). Tout mandat provient du local, toute légitimité est acquise et, à la fois, détenue par le niveau local. La perte d'un mandat local entraîne le retrait des autres niveaux de représentation. Le président du niveau confédéral du Crédit mutuel ne pourrait plus assumer cette fonction s'il n'était plus président d'un groupe régional du Crédit mutuel, mandat également conditionné par une fonction d'administrateur dans une caisse locale. La cohérence de la représentation va de la base vers le sommet. Figure 2 Organisation du Crédit mutuel: les sociétaires et les trois degrés de la gouvernance Crédit mutuel: une organisation
non centralisée
6,7 millions de sociétaires 10,5 millions de clients 3 100 guichets dont 1920 caisses locales
18 groupes régionaux (fédérations et caisses fédérales) 1 fédération agricole (CMAR)
Source.' Rapport annuel, Responsabilité sociale de l'entreprise, 2005, p, 17.
228
MCC a également mis en place un système dans lequel le sociétaire assure un pouvoir très important sur la gestion d'un ensemble coopératif complexe (figure 3). Ce groupe comprend des coopératives ordonnées par secteurs d'activité; chaque coopérative a son assemblée générale et son conseil d'administration; chaque secteur d'activité possède aussi sa propre assemblée générale, qui élit à son tour son conseil d'administration. Un congrès, qui se nomme asamblea general deI grupo, réunit l'ensemble des délégués de toutes les coopératives. Les conseils d'administration de chaque secteur élisent le conseil d'administration - la « commission permanente» -, qui gère les orientations du groupe. La commission permanente nomme les membres du comité exécutif - le « conseil général» -, qui a une mission de gestion du quotidien et de proposition au conseil d'administration. Figure 3 Organisation de MCC Congrès Commission
permanente I Conseil général
I
I
Groupe
Automobile
I
Composants
I
Construction
I
I
I
I I industriel
I Groupe financier
I
Équipement
industriel
I Groupe distribution I
I
I
I
Foyer I I IIngénierie et biens d'équipementl
I I Centres de formation
Machines-outils
I
I I Centre de recherche
Source: site Internet de MCC, www.mcc.es/fra/estructura/estructura.html.
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Cependant, si des schémas clairs apparaissent sur la structure des groupes, comme ceux présentés ci-dessus, une lacune pour la plupart des groupes étudiés est à relever sur la schématisation de la gouvernance. La mise en ligne sur Internet des divers liens de pouvoir permettrait de gagner en clarté. De manière générale, les coopératives ne formalisent pas suffisamment leurs modes de gouvernance. Cette lacune est néanmoins en train de s'estomper. Une construction volontariste: la déconcentration de la vie coopérative Certains groupes coopératifs ont développé des politiques volontaristes pour créer de la proximité coopérative avec les sociétaires, les clients, les consommateurs. Ceux qui n'ont pas d'ancrage local à l'origine ont ainsi inventé des dispositifs permettant de créer du lien démocratique territorial. Cela est particulièrement vrai pour les groupes créés initialement au niveau national plutôt qu'à l'échelle locale. Dans tous les cas, il s'agit de dynamiser ou de se réapproprier le contrat coopératif. Certaine grandes organisations mutualistes et certaines mutuelles d'assurances, en France, ont opéré le même mouvement. Cette tendance souligne le besoin de réinventer le lien de proximité dont l'organisation a besoin. C'est le cas avec le Crédit coopératif, qui a développéune « proximité institutionnelle» (Gianfaldoni et Richez- Battesti, 2006) liée aux relations entretenues avec des organisations coopératives ou encore mutualistes et qui n'est pas territoriale, humaine. Le Crédit coopératif est ainsi « une coopérative dont les sociétaires sont des personnes morales» et dont le conseil d'administration se compose de représentants de fédérationsou d'associations « qui représentent des courants d'affaires significatifs avec la banque» (4). Afin de contrebalancer cette absence d'une base locale décisionnelle, les représentants des sociétaires institutionnels (4) « Charte de gouvernement d'entreprise du Crédit coopératif adoptée par]e con sei] d'administration du ]5 septembre 2005 », p. 6, consu]tab]e sur www.credit-cooperatif.coop/fileadmin/doc/charte_gouvernemenC cC38 .pdf.
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du Groupe Crédit coopératif sont associés pour instruire, par exemple, les dossiers de prêt auprès de leurs propres clients au niveau local. Une fonction de délégation et un mécanisme de co-responsabilisation sont mis en place, mais cela ne correspond pas à une fonction de gouvernance réelle. Le Crédit coopératif encourage la représentation des sociétaires individuels que sont les personnes physiques. On retrouve ainsi
dans la charte de gouvernementd'entreprise de 2005 que « la représentation des personnes physiques clientes auprès du conseil d'administration doit être encouragée. La nomination d'un représentant des porteurs de parts C en tant que censeur répond à cet objectif(5) ». L'entrée des sociétaires en tant que personnes physiques dans un modèle adapté uniquement aux personnes morales illustre certes une tendance de recherche d'une proximité plus grande, mais risque aussi d'avoir des effets importants dans la logique de la gouvernance du groupe. Pourra-t-il conserver un conseil d'administration à plusieurs logiques de représentation? Or, cette logique de recherche de proximité de la gouvernance se retrouve dans tous les groupes. CGM, qui manifeste son ambition d'une territorialité forte, porte une attention particulière à conserver des entités de petite taille au sein de son groupe, gage selon lui de l'expression directe des sociétaires. De la même manière, MCC est attaché à l'importance de ses structures de base au point de scinder ses coopératives lorsque celles-ci deviennent trop grandes. La proximité de la gouvernance des sociétaires est ainsi pleinement régénérée. CNS attache une attention particulière à l'expression de tous localement et permet la prise en compte des filiales dans la gouvernance (elles disposent de voix délibératives dans les conseils). Le Crédit mutuel, quant à lui, (5) « Charte de gouvernement d'entreprise du Crédit coopératif », op. cil., p. 7. Le Crédit coopératif est une coopérative de personnes morales. Les parts A de son capital ne peuvent être souscrites que par ces dernières, des entrepreneurs individuels ou les administrateurs. Le Crédit coopératif propose également ses services aux particuliers et, notamment, aux salariés ou sympathisants de ces personnes morales, qui peuvent souscrire des parts C.
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manifeste son souhait d'accroître le pouvoir local des sociétaires en faisant du développement du sociétariat et de la participation aux assemblées générales locales un objectif partagé par ses élus nationaux.
Des structures autonomes: les logiques d'intégration dans un ensemble plus vaste Le principe de l'autonomie des entités constituant les groupes coopératifs est une règle appliquée et commune aux acteurs européens. Les groupes coopératifs ont pu se constituer par le rapprochement de diverses entités. L'autonomie est donc souvent l'un des accords de base de l'alliance. Les groupes coopératifs peuvent également, lorsqu'ils sont relativement centralisés, chercher à organiser un peu d'autonomie régionale ou locale pour leurs membres par un mouvement de déconcentration volontaire. Dans les deux cas, un point d'équilibre est recherché entre les entités de tête et celles de base. L'autonomie est à étudier au regard des deux logiques d'intégration et d'animation de la vie coopérative: volonté de coordonner des acteurs dans un ensemble centralisé, volonté de préserver et de recréer de l'autonomie dans un ensemble centralisé. Dans les deux cas, le principe d'autonomie des entités du groupe est la conséquence de ces tendances. Coordonner l'autonomie: de la base vers la tête de réseau Le groupe est alors bien souvent perçu comme le prolongement de la coopérative, il est en soi une coopérative où les membres décident ensemble de l'orientation à donner au groupe. Pour le groupe ASCES, de nombreuses coopératives se sont rapprochées pour donner naissance à des ensembles plus larges mêlant diverses compétences. Cette phase s'est amplifiée ces trente dernières années. Le groupe ASCES témoigne d'une volonté d'aller encore au-delà et de créer un ensemble, une plate-forme plus transversale. Le fait de disposer du statut coopératif permet aux acteurs qui souhaitent s'y intégrer de disposer certes des avantages 232
économiques de l'alliance, mais aussi d'une forte autonomie de retrait si la coopération ne s'avère pas avantageuse pour les associés. Cette autonomie entraîne un avantage de taille en économie: la flexibilité. La gouvernance du groupe en est ainsi rendue plus simple, plus claire dans les objectifs et les intentions des uns et des autres. Il n'y a pas de crainte de leadership, de tomber sous le contrôle d'un autre acteur économique. On ne peut pas forcer une coopérative qui entre dans le groupe à aller contre son gré, contre ses intérêts dans une direction imposée. Le consensus est donc la règle, car l'association dans un groupe et le retrait de ce même groupe sont tout autant possibles. L'une des marques de cette flexibilité est la capacité des groupes coopératifs à allier des coopératives de secteurs d'activité divers. Rendre l'association libre, facile, permet de développer des ensembles économiques inédits, innovants. Les groupes espagnols ont ainsi structuré des ensembles étonnants. MCC se structure en trois secteurs d'activité allant de la construction de BTP à l'automobile, en passant par la fabrication de composants. Le nouveau groupe ASCES, lui, a réussi une alliance entre des coopératives actives dans le domaine de la commercialisation de produits agricoles, dans l'approvisionnement en tant que centrales d'achat, en réseaux de supermarchés, en centre de formation ou encore de gestion d'équipements sportifs. Les coopératives du groupe italien CGM ont pour objectif, d'après la loi n° 381 de 1991, de développer la gestion de services socio-sanitaires et éducatifs, le développement d'activités diverses dans les secteurs agricoles, industriels, commerciaux ou de services, permettant ainsi l'insertion professionnelle des personnes défavorisées (6). Le groupe italien CNS est actif dans les services, initialement les sociétés de ménage, puis il s'est élargi à la restauration, au gardiennage, à la perception des impôts locaux... Le groupe italien CCPL fabrique des produits à base de pétrole, propose des services dans le domaine de l'énergie, réalise de la gestion immobilière, est impliqué dans l'industrie du bâtiment et le packaging alimentaire. (6) Gazzetta
ufficiale,
12 mars 1991, na 283, p. 3-8.
233
Pour les groupes coopératifs français, nous soulignerons qu'ils développent principalement des activités dans le secteur de la banque, mais aussi de l'assurance ou des services. L'autonomie des entités régionales du Crédit mutuel permet une forte liberté dans l'élaboration de partenariats que tel ou tel peut souhaiter engager au niveau local. Notons que les initiatives se multiplient pour offrir aux sociétaires des services complémentaires, mais qui s'éloignent parfois du métier de base: agences de voyages, gestion immobilière, assurance automobile, mais aussi assurance santé, services dans les systèmes d'information, protection contre le vol, gestion d'organisations dans le logement social, maisons de retraite, services de proximité... Cependant, la quasi-totalité de ces initiatives prennent une forme de filialisation, ce qui ne les associe pas directement à la gouvernance du groupe. Les groupes coopératifs permettent l'originalité dans les alliances, de manière souple, non contraignante. Ces alliances se basent sur le concept de la coopération. Il n'y a généralement pas de recherche de domination, mais bien un objectif de gagnantgagnant. Si nous devions nous référer à un concept stratégique, nous choisirions nécessairement celui de l'inter-coopération, qui correspond le mieux aux groupes coopératifs. Renforcer l'autonomie: de la tête de réseau vers la base, renforcer l'inter-coopération Les groupes visent à coordonner les efforts de chacun, les compétences de tous au sein d'un ensemble permettant les mises en synergie tout en conservant une autonomie aux organisations de base. La volonté d'ouverture se manifeste par la représentation la plus grande des parties prenantes du groupe coopératif. Les filiales peuvent ainsi être membres de droit du conseil d'administration et être pleinement décisionnelles, au même titre qu'une coopérative classique; elles peuvent dans certains cas, comme à CNS, voter au même titre que les coopératives du groupe. Les partenaires économiques, les sociétaires qui sont à la fois clients du groupe peuvent également être appelés à être administrateurs ou simplement censeurs des conseils d'administration du 234
Groupe Crédit coopératif. Cependant, ces cas sont exceptionnels, puisque les autres groupes ne laissent pas aux filiales un droit de vote. L'inter-coopération est souvent à l'origine de la création de ces groupes et elle continue d'exister pleinement. Or, ce mode d'organisation est en très grande partie permis par l'existence d'une gouvernance locale. Un groupe économique centralisé pourrait ne pas envisager de faire coopérer telle ou telle structure locale. Cette gouvernance locale favorise les partenariats innovants, en lien avec des besoins locaux, réels, au plus près des besoins qui sont mieux identifiés. Elle renforce économiquement tous les niveaux de l'organisation et libère une énergie créatrice, en réseaux, en pleine synergie, qui est en totale cohérence avec les principes coopératifs. Le sixième principe de l'Alliance coopérative internationale, qui est de favoriser les coopérations entre coopératives, est ici pleinement satisfait (7).Le lien est alors à tracer entre l'autonomie de gestion, autrement dit la capacité de décider des orientations stratégiques par le niveau local, et les partenariats innovants, les coopérations porteuses économiquement. Chaque coopérative de base tend à engager des actions communes avec d'autres coopératives de base. L'inter-coopération apparaît comme logique au sein même des groupes coopératifs. C'est le cas au Crédit mutuel, au sein de MCC, de CNS - qui favorise les créations de coopération entre coopératives et la
constitutionde petits groupes -, pour ne citer que les exemples de ces groupes. La connexion des réseaux permet de gérer la complexité des réalités entre les entreprises membres. Des alliances entre coopératives se nouent et des petits consortia se tissent entre certains membres. Les 2000 caisses locales du Crédit mutuel adhèrent à l'un des 18 groupes régionaux du Crédit mutuel, qui eux-mêmes s'associent au sein du groupe national qu'est la Confédération nationale. CGM obéit à la même logique, les 1300 coopératives forment des consortia locaux au nombre de 83, qui constituent CGM dans son ensemble. (7) « Statement principles.html.
of the Co-operative
Identity»,
235
con suit able sur www.ica.coop/coop/
L'inter-coopération passe aussi par l'importance de structures capables de promouvoir de nouvelles coopérations, de nouvelles zones d'exploration. L'innovation a alors un rôle très important. MCC et ASCES ont ainsi développé un modèle singulier: associer la recherche au groupe, soit en créant de toutes pièces des universités et des centres de recherche au service du groupe, comme c'est le cas pour MCC, soit en associant pleinement au groupe une structure de ce type, comme ASCES. De manière générale, les groupes coopératifs sont particulièrement attachés à l'innovation et très actifs sur le champ de la formation. L'autre dimension de l'inter-coopération en termes de gouvernance est celle de la représentation. L'alliance au sein du groupe a pour objectif de mieux représenter les intérêts du groupe au niveau régional, national, mais aussi européen, comme l'illustre l'existence de l'Association européenne des groupes coopératifs (ECG).
Conclusion Phénomène particulier alors que toutes les entreprises cherchent aujourd'hui à se mondialiser, les groupes coopératifs tendent à maintenir de fortes autonomies locales pour une meilleure adaptation au marché national, voire international. Les groupes coopératifs se sont engagés dans des secteurs d'activité divers en vue de satisfaire au mieux les attentes économiques de consommateurs. Une diversification des produits et services s'illustre dans les groupes coopératifs réunis au sein d'ECG. Cela va d'un système offrant de la banque et de l'assurance, comme pour le Crédit mutuel, à des systèmes plus divers, comme c'est le cas pour MCC, qui propose notamment des produits automobiles. Cette tendance forte de diversification des activités s'accompagne surtout d'une volonté d'intégrer les diverses coopératives dans un ensemble économique plus vaste et homogène. Des pôles de compétitivité, en France, ou encore des « grappes industrielles », en Italie, développent depuis des années un nouveau modèle économique à base coopérative qui émerge discrètement, mais solidement, tout en restant ancré dans les territoires. 236
Le groupe coopératif permet aujourd'hui d'allier des compétences et des métiers différents, des connaissances de pointe dans tous les domaines économiques ou même universitaires. Les groupes coopératifs doivent croître, encore, se renforcer et devenir de véritables groupes réunissant des coopératives européennes. L'Association européenne des groupes coopératifs deviendrait ainsi l'association de groupes coopératifs européens. Enfin, le schéma de groupe coopératif devrait conduire plusieurs coopératives européennes à explorer ses modalités d'organisation et de gouvernance. ECG serait alors l'association la mieux à même d'aiguiller ces coopératives à la recherche de bonnes pratiques, d'une amélioration de la gouvernance d'entreprises qui se complexifient. Ce mouvement, d'ailleurs, ne devrait pas se limiter aux seules coopératives et pourrait fortement inspirer d'autres organisations comme les mutuelles en Europe. Au-delà de l'enjeu économique d'un modèle révolutionnaire par sa simplicité, nous soulignons dans cet article combien la réussite est conditionnée par le respect de la participation associée des sociétaires consommateurs ou producteurs, des dirigeants qui restent ensemble les porteurs visionnaires et les acteurs de ces nouvelles organisations coopératives.
237
Bibliographie Di Salvo R., 2003, The governance ofmutual and cooperative bank systems in Europe, BCC-Federcasse. European Association of Co-operative Banks (EACB), 2005, Corporate governance principles in co-operative banks, EACH. Gianfaldoni P., Richez-Battesti N., 2006, « Gouvernance et proximité: la contribution des banques coopératives au développement local », intervention à l'université de Bordeaux 4, 28-30 juin 2006. Pellervo, 2000, Corporate governance and management control in cooperatives, Confederation of Finnish Cooperatives. Pezzini E., 2001,« Le consortium CGM, le développement d'une "entreprise réseau" », in Daniel Côté (sous la dir. de), Les holdings coopératifs, évolution ou transformation définitive? Éditions De Boeck Université, Bruxelles. Soulage F., 2003, « De la nécessité et de la difficulté à constituer des groupes coopératifs », intervention pour la table ronde de l'Association européenne des groupes coopératifs, 5 décembre 2003, Bruxelles.
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Propositions pour un contrôle de la filialisation dans les groupes coopératifs Laurent Gros*
Les sociétés coopératives, à l'instar des autres sociétés, sont soumises au libre jeu de la concurrence et aux enjeux du développement économique et industriel. Dès lors, pour faire face aux défis de l'économie d'aujourd'hui, celles-ci ont une propension à la recherche d'une taille critique par le regroupement, l'union et la concentration; d'où la constitution de véritables « groupes coopératifs », principalement par le biais de la création de filiales capitalistes. Cependant, la technique de la filialisation peut porter atteinte à l'intégrité du statut coopératif et à ses principes. Ainsi, nous nous proposons de « réguler» ou à tout le moins de « minimiser» l'impact de l'existence de structures capitalistes dans les groupes coopératifs par la création d'outils législatifs nouveaux en s'inspirant principalement des travaux sur le « gouvernement d'entreprise ».
* ATER, moniteur en droit privé, université de Lille 2, centre René-Demogue. Site: http://web.me.comllaurentgros.
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F
er de lance du développement des groupes coopératifs depuis de nombreuses années, la filialisation apparaît bien souvent comme une réponse appropriée à la concurrence et aux exigences du développement économique. Malheureusement, malgré des bénéfices certains et une mise en œuvre aisée, cette technique ne va pas sans comporter certains écueils à l'égard de l'intégrité du statut coopératif (Jeantet, 1999). Le recours massif à la filialisation est en effet susceptible de contrevenir à certains principes coopératifs: le principe démocratique est remis en cause par le droit de
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vote concédé aux associés coopérateurs membres des filiales de droit commun en fonction de la participation dans le capital desdites filiales, et non en fonction de la règle « un homme égale une VOIX»;
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dans l'absolu, on pourrait admettre qu'une coopérative transfère l'ensemble de ses activités à sa ou ses filiales de droit commun pour n'être plus qu'une simple « société holding» se contentant de gérer l'activité des sociétés contrôlées. Dans une telle hypothèse, c'est le principe de double qualité qui s'efface, le double rapport d'associé et d'usager ne pouvant plus jouer, les associés coopérateurs perdant subséquemment la qualité de clients, de fournisseurs ou de salariés pour n'être plus que de simples apporteurs de capitaux; la filialisation peut apparaître comme un moyen de contourner la règle de l'exclusivisme en permettant à la société coopérative mère de traiter directement avec des tiers par le truchement de sa ou ses filiales de droit commun, ces dernières ayant toute liberté pour réaliser des opérations avec des partenaires extérieurs; le principe de l'acapitalisme est lui aussi perturbé, en raison de la possibilité offerte aux associés coopérateurs de bénéficier de dividendes distribués par les filiales. Derrière ces écueils, un risque bien plus prégnant et sournois, précurseur d'un capitalisme rampant dans les structures de l'économie sociale est à l'œuvre aujourd'hui, à savoir le risque de banalisation. On estime en effet que le conflit entre logique « coopérative» et logique « capitaliste» au sein des groupes coopératifs est susceptible à terme d'avoir une influence dans
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la coopérative mère du fait du développement de plus en plus important des filiales et de l'apport de capitaux extérieurs (Mauget, 1991), les coopérateurs perdant peu à peu le contrôle de leurs filiales dans la recherche de la maximisation des capitaux investis (Grandvuillemin, 2004). C'est la raison pour laquelle nous nous proposons d'encadrer le développement de la filialisation par la création d'un ensemble d'outils législatifs nouveaux, utilisables de manière cumulative ou alternative, afin de gérer le risque de banalisation. Pas question d'empêcher le recours à la filialisation, mais, sans omettre la responsabilité des acteurs du monde coopératif, nous nous proposons de « réguler» ou à tout le moins de « minimiser» l'impact de l'existence de structures capitalistes dans les groupes coopératifs, l'objectif recherché étant d'amoindrir le « mélange des genres» causé par la multiplicité des structures juridiques au sein des groupes coopératifs, spécifiquement en garantissant au maximum le contrôle de la société mère sur ses filiales. Pour réaliser ce projet, nous baserons principalement (mais pas uniquement) nos travaux sur les théories issues de la réflexion sur le « gouvernement d'entreprise ».
Heurs et malheurs de la corporate governance Rappelons simplement ici que les théories sur le gouvernement d'entreprise telles qu'on les connaît aujourd'hui sont issues d'un mouvement né aux États-Unis dans le courant des années 70 (Tunc, 1994). À cette époque, le débat avait pour objectif de permettre aux dirigeants de mieux exécuter leur fonction dans l'intérêt des actionnaires. Les travaux de l'American Bar Association et surtout ceux de l'American Law Institute furent déterminants en la matière. Cette institution réunissant les plus grands juristes américains est en effet à l'origine de l'une des plus importantes études en la
matière: les Principles of corporate governance
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Analysis
and recommandations. Ce document de plus de huit cents pages, représentant quinze années de travail, apparaît comme l'acte fondateur du mouvement de la corporate governance. 241
En Grande-Bretagne, suite à d'importants scandales financiers (Maxwell, BCC!, Polly Peck.. .), la City de Londres confia à une commission présidée par Sir Adrian Cadbury le soin d'élaborer des propositions destinées à renforcer le contrôle des groupes qui font appel public à l'épargne. Un livre blanc et un Code of best practice furent ainsi élaborés, et ce dernier, constamment amélioré, a conduit à la publication du Combined Code on corporate governance en juillet 2003. Véritable pierre angulaire de la corporate governance en Europe, le rapport Cadbury recommandait la création de comités spécialisés au sein des sociétés cotées. En outre, il préconisait la nomination, au sein de chaque conseil d'administration, d'au moins trois administrateurs indépendants. Les débats relatifs à la corporate governance se sont poursuivis en Grande-Bretagne sous l'égide de la Confederation of British Industry et de l'Institute of Directors, qui ont constitué un groupe de travail dirigé par Sir Richard Greenbury qui a rendu son rapport en 1995 (Tunc, 1993). Les importants bouleversements financiers des années 2000 à 2002 constituèrent un tournant pour le débat relatif à la corporate governance. Tout d'abord, la chute des valeurs liées aux entreprises de la nouvelle économie et les contre-performances du Nasdaq, sur lequel la plupart de ces sociétés étaient cotées, ont eu des incidences à la baisse sur l'ensemble des indices des valeurs boursières, dont le New York Stock Exchange (NYSE). Par la suite, les attentats terroristes du Il septembre 2001 eurent un certain impact sur les marchés financiers, notamment en affectant le secteur des transports aériens et celui de l'assurance. Mais c'est surtout l'implication dans d'importants scandales financiers de grandes sociétés américaines présentées comme des modèles de corporate governance qui fut à l'origine d'une remise en cause: Worldcom, Rank Xerox, Tyco, Enron (Pérez, 2003)... En réaction, fut adopté aux États-Unis, le 30 juillet 2002, le Sarbanes-Oxley Act, qui a pour objet principal de renforcer la transparence dans la gestion de la société, d'affermir le régime de responsabilité des dirigeants des sociétés faisant appel public à l'épargne et d'alourdir les sanctions en cas de violation des obligations légales. En France, le premier rapport 242
Viénot, en 1995, fut la première étude systématique en la matière. Il fut suivi par un second rapport Viénot en 1999. Enfin, face à l'ampleur de la crise financière mondiale, le Medef et l'Afep demandèrent à Daniel Bouton la rédaction d'un nouveau rapport sur la mise en œuvre de la corporate governance en 2002. Ces réflexions ont trouvé écho auprès du législateur français dans la loi n° 2001-420 sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 et dans la loi n° 2003-706 du 1eraoût 2003 sur la sécurité financière. Précisons, enfin, que nous travaillons dans l'hypothèse de la création par une société coopérative d'une ou de plusieurs filiales sous forme de société de droit commun et a fortiori de société anonyme, cas qui nous semble le plus problématique, mais aussi le plus représentatif de la pratique.
L'élaboration d'une charte de l'économie sociale à l'échelle du groupe coopératif L'appartenance de la société coopérative mère au secteur de l'économie sociale et solidaire doit à notre sens rejaillir et profiter à l'ensemble des sociétés du groupe. Ainsi, il serait peut-être utile d'élaborer, à l'échelle du groupe, une « charte de l'économie sociale» afin de coordonner les politiques de développement de chaque société du groupe sur la base d'un socle commun de valeurs. Des thèmes proches des problématiques de l'économie sociale et solidaire seraient ainsi au cœur de cette charte: la prééminence de la personne humaine, la participation et l'implication des salariés, la recherche du dialogue social, le respect des contraintes environnementales, l'application du principe de précaution, la transparence et la légitimité du pouvoir, la transparence des pratiques, etc. Ainsi, en dépit de la forme juridique capitaliste des différentes entités du groupe, on marque l'appartenance de celles-ci à un groupe coopératif en s'engageant autour de standards, de références propres à l'ensemble du groupe. L'ambition principale étant de créer un sentiment d'adhésion en réunissant les différentes entités du groupe autour d'un socle commun de valeurs. 243
La mise en place d'administrateurs de groupe coopératif dans les sociétés filiales Le concept d'administrateur indépendant est né aux États-Unis (Couret, 1995), en même temps que le débat relatif à la corporate governance. Il apparaît aujourd'hui comme l'une des pierres angulaires de cette théorie. Rappelons que la composition des conseils d'administration américains est sensiblement différente de celle que l'on connaît en France (Hursel et Thomas, 1995; Bienvenu-Perrot, 2003). En effet, les boards (conseils d'administration américains) sont composés de directors (l'équivalent des administrateurs français). Ceux-ci ont pour fonction la direction de la société et sont généralement dirigés par un chairman of the board. À côté des directors il y a les officers, c'est-à-dire les dirigeants administratifs, qui forment le management, avec à leur tête un president ou chief executive officer. Or, pendant longtemps aux États-Unis, les fonctions de directors étaient occupées par des salariés de l'entreprise (la loi américaine ne limitant pas le nombre de salariés composant les boards). En outre, il était constaté « un déplacement de l'autorité réelle» du board au profit du management (Tunc, 1994). On distingue parmi les directors les non executive directors (les administrateurs non dirigeants) et les executive directors (administrateurs dirigeants); les premiers sont chargés de contrôler les seconds, le but étant de renforcer le rôle du board et de s'assurer que celui-ci ne soit pas constitué uniquement d'executive directors qui prendraient seuls les décisions. S'inspirant directement du modèle du non executive director anglo-saxon, les deux rapports Viénot (1995, 1999) et le rapport Bouton (2002) proposèrent d'introduire en France le concept d'administrateur indépendant. Au vu de ces rapports, la qualité première de cet administrateur doit être l'absence de conflits d'intérêts potentiels avec la société. L'administrateur indépendant français ne peut se contenter d'être un «administrateur non exécutif»: il est plus qu'un non executive director, c'est un independent non executive director. 244
En pratique, ces propositions ont fait florès. Pour autant, la législation française reste muette sur le sujet, ce qui ne va pas sans poser quelques difficultés. Tout d'abord, la première difficulté provient des dissimilitudes dans la pratique du conseil d'administration à la française et du board anglo-saxon. En effet, l'instauration de non executive directors est avant tout destinée à répondre à une préoccupation particulière, à savoir le fait que les boards sont majoritairement constitués d'administrateurs salariés plus enclins à défendre leur propre intérêt que celui des actionnaires et à contrer l'omniprésence du management. En France, le problème ne se pose pas en ces termes, dans la mesure où les possibilités d'accès des salariés au conseil d'administration sont limitées. Ainsi, un administrateur en fonction ne peut conclure un contrat de travail avec la société sous peine de nullité dudit contrat. A contrario, un salarié peut devenir administrateur à condition que son contrat de travail corresponde à un emploi effectif. Et surtout, il appert de l'article L. 225-22 alinéa 2 du Code de commerce que le nombre des administrateurs titulaires d'un contrat de travail ne saurait dépasser le tiers des administrateurs en fonction. Quand bien même on passerait outre cette première difficulté, un autre écueil apparaît: comment caractériser 1'« indépendance» de cet administrateur (Delga, 2004)? Un administrateur se doit en effet d'être « investi» dans l'entreprise pour exercer correctement ses fonctions. Ce n'est donc pas tant une indépendance financière, mais plutôt une indépendance vis-à-vis du président. La compétence, l'implication, la liberté de parole de l'administrateur sont somme toute plus adaptées qu'une quelconque notion d'indépendance. Par ailleurs, l'une des questions parmi les plus prégnantes est le pouvoir de ce type d'administrateur. En droit français, en effet, l'une des particularités du conseil d'administration est son caractère collégial qui conduit à ce qu'il n'y ait qu'une seule catégorie d'administrateurs investis des mêmes pouvoirs. Prenant acte de ces faits et de l'ensemble des difficultés présentées, nous proposons de créer une variante des administrateurs indépendants à destination des groupes coopératifs 245
(et aussi, éventuellement, des groupes d'associations ou des groupes mutualistes qui rencontrent peu ou prou les mêmes difficultés pratiques), à savoir les « administrateurs de groupe coopératif ». Ces administrateurs seraient ainsi institués dans chaque société filiale du groupe. À l'instar de leurs homologues présents dans les sociétés cotées, ils auraient pour fonction première de contrôler le fonctionnement du conseil d'administration. À ce titre, il conviendrait d'organiser une réunion annuelle de ces « administrateurs de groupe coopératif », afin d'établir un rapport faisant le bilan de l'activité et l'évaluation du fonctionnement du conseil d'administration à destination conjointe de la coopérative et de sa filiale. De même, ce rapport aurait pour objet de se prononcer sur le respect des principes posés dans la « charte de l'économie sociale» précédemment présentée. En outre, ces administrateurs auraient pour fonction d'assurer la liaison entre les conseils d'administration de la filiale et la direction de la coopérative mère afin de faciliter la gestion de cette dernière. Par leurs connaissances et leurs compétences, ces administrateurs pourraient en effet apporter une aide intéressante à la coopérative mère dans la gestion quotidienne du groupe. Dès lors, nul besoin de rechercher 1'« indépendance» dudit administrateur et de tomber dans les affres du débat byzantin que connaissent les sociétés capitalistes. En effet, une nomination commune de ces administrateurs nous semble un choix judicieux en fonction de leurs compétences, de leurs connaissances du monde économique et de l'entreprise. Ainsi, l'assemblée générale des coopérateurs de la société mère présenterait à l'assemblée générale de sa filiale une liste potentielle d'administrateurs; cette dernière procéderait alors à un choix au sein de cette liste avec l'aide éventuelle d'un comité de nomination. Enfin, il serait souhaitable que le nombre de ces administrateurs soit proportionnel au poids de la coopérative mère dans le capital de sa filiale, sans pour autant excéder la moitié du conseil lorsque cette dernière est majoritaire. 246
L'instauration de comités de direction dans les filiales Une loi du 16 novembre 1940 avait autorisé la constitution d'un comité d'étude, nommé par le président, composé soit d'administrateurs, soit de directeurs. Les membres de ce comité avaient pour mission d'étudier les questions que le président renvoyait à leur examen. La loi du 24 juillet 1966 a éludé cette question. En revanche, le décret na 67-236 du 23 mars 1967 énonce, dans son article 90, alinéa 2, que le conseil d'administration « peut décider la création de comités chargés d'étudier les questions que lui-même ou son président soumet, pour avis, à leur examen. Il fixe la composition et les attributions des comités qui exercent leur activité sous sa responsabilité
».
De même, l'article 155 alinéa 2 dudit décret le permet pour la société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Cette pratique fit l'objet d'un renouveau en France par les différents rapports sur la corporate governance, les comités étant perçus comme un moyen de prendre des décisions techniquement opportunes en donnant une information complète aux actionnaires (Ganay d'Indy et Engel, 2003). À notre sens, l'instauration de tels comités dans les filiales de sociétés coopératives pourrait être une option intéressante en les adaptant aux spécificités des groupes coopératifs. En outre, ces comités pourraient être un supplément utile aux « administrateurs de groupe coopératif ». La concaténation des deux concepts permet en effet d'aboutir à un diptyque complémentaire, les uns ayant un rôle de surveillance du conseil d'administration, les autres ayant un rôle consultatif. De la sorte, plusieurs types de comités pourraient être mis en place:
.
un comité
d'audit.
Ce comité
guiderait
le processus
d'élaboration des comptes de la société et faciliterait le cas échéant l'établissement des comptes combinés des groupes coopératifs;
.
un comité de sélection et de nomination.
Un tel comité pourrait
se prononcer quant à la nomination d'éventuels « administrateurs de groupe coopératif », mais aussi éventuellement proposer la candidature de personnes aux divers postes de dirigeant;
247
. un comité
stratégique. Cet organe aurait pour fin de contrôler le respect des directives et des orientations apportées par la coopérative mère afin d'assurer la cohérence politique de l'ensemble. Afin de permettre à la coopérative mère de conserver un contrôle suffisant, ces comités devraient être composés au minimum pour moitié d'associés coopérateurs de la coopérative mère ou, le cas échéant, des « administrateurs de groupe coopératif» et pour moitié d'administrateurs de la filiale, éventuellement de cadres (directeur financier, RH, juridique, marketing, etc.), même de salariés de la société concernée. Enfin, il est nécessaire de réfléchir sur l'organe susceptible de mettre en place un tel comité. Classiquement, dans les sociétés à conseil d'administration, le conseil peut seul décider de la création des comités chargés d'étudier les questions que lui-même ou son président soumet, pour avis, à leur examen. Il fixe la composition et les attributions des comités qui exercent leur activité sous sa responsabilité. Dans la société anonyme à directoire et conseil de surveillance, la création d'un comité appartient au conseil de surveillance. À notre sens, il serait légitime d'autoriser par la loi la création de tels comités dans les filiales de coopératives non seulement en mettant à la charge de l'assemblée générale des actionnaires le choix d'utiliser ou non de tels comités, mais aussi en lui laissant le soin de nommer les personnes siégeant dans ces comités dans les limites exposées ci-dessus. Dans tous les cas, une intervention législative minimale nous semble suffisante, les comités étant avant tout une institution facultative à destination interne qui doit rester relativement souple dans sa mIse en œuvre. L'instauration d'un comité de censeurs dans chaque filiale Afin de renforcer les mécanismes de contrôle, peut-être serait-il souhaitable de rénover une institution à mi-chemin entre les comités spécialisés et l'administrateur indépendant, à savoir le censorat (Bienvenu-Perrot, 2003). Le censorat apparaît d'ailleurs comme une synthèse de ces mécanismes. 248
Le collège des censeurs est apparu au XIXesiècle. Il est traditionnellement présenté comme l'ancêtre des commissaires aux comptes, dont la désignation ne fut rendue obligatoire que par la loi du 29 mai 1863, puis par celle du 24 juillet 1867. Cet organe est une pure création de la pratique et n'est encore aujourd'hui visé par aucun texte. Les censeurs assistent au conseil avec voix consultative, et non délibérative, et ont un rôle de surveillance de la gestion de la société. Plusieurs fonctions sont traditionnellement dévolues aux censeurs: ils peuvent représenter les actionnaires minoritaires, ils peuvent par leur travail faciliter la tâche du conseil d'administration dans la gestion de la société, etc. Et pour ce qui nous concerne ici, le recours au censorat peut être un élément de contrôle dans la gestion d'une filiale, en faisant le lien entre filiale et société mère, voire en assurant un rôle d'arbitre entre les deux entités. Cette occurrence se rencontre encore aujourd'hui dans les groupes mutualistes et bancaires. En outre, à l'instar des comités de direction, ils doivent respecter les attributions légales de gestion, de contrôle ou de surveillance des divers organes sociaux prévus par la loi. Afin d'assurer pleinement leur rôle d'intermédiaire entre société mère et filiale, il serait intéressant d'user d'un mode de nomination similaire à celui proposé pour le choix des « administrateurs de groupe coopératif », la détermination du nombre de censeurs étant laissée au soin de l'assemblée générale de la filiale en fonction de ses besoins. Ici aussi, une intervention législative minimale devrait s'avérer suffisante afin de permettre à ce mécanisme de conserver ses caractéristiques essentiellement contractuelles.
La création d'un compte spécial de réserve destiné à accueillir les revenus apportés par les filiales L'un des atouts majeurs de la filialisation est la faculté pour la société coopérative mère de tirer un dividende de sa ou ses sociétés filiales en sa qualité d'actionnaire principal. Cela est d'autant plus intéressant dans les sociétés coopératives agricoles dans la mesure où la loi n° 91-5 du 3 janvier 1991 a mis en place un nouveau mode de rémunération des parts sociales 249
basé sur la remontée des dividendes. Les associés coopérateurs et non coopérateurs peuvent en effet percevoir tout ou partie des dividendes reçus par la coopérative agricole de ses filiales ou participations commerciales au prorata des parts sociales libérées (art. L. 523-5-1 du Code rural). Les participations visées sont les participations directes prises dans le cadre des procédures d'information prévues par l'article L. 523-5 du Code rural, ainsi que toutes participations indirectes prises dans le cadre des engagements coopératifs (par exemple, une société commerciale peut distribuer des dividendes à une union, qui les transmettra à sa coopérative associée, laquelle pourra les répartir entre ses adhérents). C'est à l'assemblée générale ordinaire de décider de la répartition des dividendes, car il s'agit d'une nouvelle forme de distribution de l'excédent annuel. Cette distribution du dividende entraîne transmission de l'avoir fiscal correspondant et donc réduction d'impôt au profit du sociétaire, qui doit toutefois déclarer ces sommes dans la catégorie des revenus mobiliers. Une limite importante est apportée à ce dispositif. En effet, lorsque les résultats propres de la coopérative sont déficitaires, les dividendes sont, à due concurrence, affectés à l'apurement de ce déficit (art. L. 523-5-1 al. 2 du Code rural). Ainsi, en l'état, il est possible pour une coopérative agricole d'organiser une distribution systématique et intégrale des dividendes perçus, tant que celle-ci n'est pas déficitaire. Or, en agissant de la sorte, la société coopérative adopte au final le même comportement que n'importe quelle société de capitaux consistant en la seule valorisation des capitaux investis. Une telle pratique pourrait à terme être nocive pour le statut coopératif. Tout d'abord, il convient selon nous non seulement de conserver ce mécanisme, mais aussi de l'étendre à l'ensemble des familles coopératives. En effet, rien ne justifie a priori de réserver l'utilisation de celui-ci aux seules coopératives agricoles. Dans le même temps, il serait souhaitable de limiter cette faculté de redistribution à une partie seulement des revenus tirés des filiales. Cela passe au préalable par l'instauration légale d'un compte spécial de réserve destiné à accueillir les revenus procurés par 250
les sociétés filiales dans chaque société coopérative mère. Les dividendes reçus des filiales seraient ainsi mis en réserve et collectivisés et seraient pour le surplus soumis aux dispositions communes aux réserves et aux excédents nets impartageables. Avec toutefois la possibilité de redistribuer sous forme de ristournes, aux associés coopérateurs ou non, au prorata des parts sociales libérées, la moitié des bénéfices ainsi mis en réserve dans ce compte spécial. Dans cette optique, la filialisation conserve son rôle d'apport de capitaux permettant à la coopérative mère de développer certaines activités ultérieures et de s'auto financer, mais elle conserve aussi un attrait financier pour les associés coopérateurs ou non. En outre,
l'utilisation de ce compte apporterait une meilleure « traçabilité
»
des revenus apportés par la filiale, ce qui au final est un nouvel élément d'information et de transparence à destination des associés coopérateurs.
251
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252
Managers in workers' co-operatives: Empirical research in Spain Alfonso Carlos Morales Gutiérrez*
The difficulty of directing workers' co-operatives has been one of the arguments maintained in economic literature to show the unfeasibility of this model. There are not many people with the necessary talent who are willing to direct owner-workers on the one hand, and to take on collective decision-making proceedings on the other, with the implications of unsustainable incentives for this very particular type of business. However, the growth of this special company has shown that it is possible for it to be done, so the facts give the lie to the unfeasibility argument. In this study a systematic classification is made of the empirical findings from different areas of management direction and their peculiarities with respect to other kinds of businesses, in one of the European Union countries with a high number of self-managed companies. This paper summarises the findings of socio-economic studies of the figure of the manager or general manager in workers' co-operatives.
Studies Research * Co-operatives (Spain), [email protected].
Group (SEJ-148),
253
ETEA,
University
ofC6rdoba
T
he theoretical difficulty of directing self-managed companies has been one of the arguments maintained in economic literature to show the unfeasibility ofthis model (Webb and Webb, 1920; Alchian and Demsetz, 1972; Williamson, 1985). The findings of empirical studies show that the co-operatives employ fewer managerial workers at significantly lower rates of pay than the counterpart private firms (Bartlett, Cable, Estrin and Jones, 1992). The growth of self-managed businesses has shown that it is possible to run them, so the facts give the lie to the unfeasibility argument: the existence of people with the necessary talent who are willing to direct owner-workers on the one hand, and to take on collective decision-making proceedings on the other. In this study a systematic classification is made of the empirical findings from different areas of management direction and their peculiarities with respect to other kinds of businesses in one of the European Union countries with a high number of self-managed companies: Spain. There are a few empirical studies about LMF managers in the rest of Europe. We have found some in a bibliographic search mainly in Italy (Marocchi and Zandonai, 1997; Zandonai and Pezzini, 2004), France (Huntzinger and MoysanLouazel, 1998, 1999; Bataille-Chedotel and Huntzinger, 2004) and Portugal (Barros et al., 2000; Pestana and Gomes, 2003). This paper is divided into four sections. The first delimits the conceptual framework. The second sets out the conclusions that have been reached concerning the managers' values, knowledge and styles. The third examines the context in which the managers have to assist in the governance of the employee-owned enterprises. The fourth part touches on certain findings regarding how the managers of social-economy enterprises promote action, directly or indirectly. Finally, the scope of these ideas is evaluated and possible lines of useful research are suggested.
Conceptual framework of this review A prior consideration: Explicit recognition of the figure of the general manager in self-managed enterprises Explicit recognition of the existence of a manager may seem 254
too obvious to warrant comment. However, many of the studies conducted in Spain (Gonzalez, 1987; Palacian and Albors, 1989; Monzon and Barea, 1991; COCETA, 1998) show that not all the enterprises in the social economy report the existence of a manager (other than the governing council) in their organisation. This partial, explicit or implicit recognition of the figure of the manager enables us to discern three basic management models in enterprises that are self-managed at the governing level: a singlecollective model with no individual manager figure (although the function is performed by various organs), a single-individual model where the function is performed by the most powerful person on the representative body, and a dualist model that has both the function and the figure. The studies summarised in the following pages refer above all to the organisations that explicitly recognise the existence of a manager. This situation appears to hold true irrespective of the sector to which the organisation belongs. In the case of social initiative co-operatives (COCETA, 1998), for instance, the management function is performed collectively in one of every four (in 17%by the governing body, in 4% by the assembly and in a further 4% by all the members), 41% of these co-operatives have a general manager (in 33% this person is a member and in 8% he or she is under contract) and in 29% the chairperson of the co-operative performs the duties of the manager. Focuses, perspectives and epistemological approaches to managers in employee-owned enterprises The conceptual framework of Mintzberg (1997) can be of use to us for revising and synthesising the main findings about the figure of the director in self-managed businesses. The selection of empirical studies has been made from the biographical research and consulting editions from public institutions related to these entities (Ministry of Labour and Social Affairs), specialised scientific institutions (CIRIEC, School for Co-operative Studies), from studies carried out by representative associations (COCETA) and unpublished doctoral theses. We have classified the studies encountered in the economics, sociology and psychology literature 255
on this subject in Spain according to the following categories (Morales, 2005): the conceptual framework, methodological elements, scope and subjective element (Table 1).
Findings A deep analysis of the articles referred above, enables us to categorise and discuss the findings in the following groups: values, knowledge and style; frame of action and managing action. Values, knowledge and style of managers of self-managed enterprises Specific values in workers' co-operatives The director's values go a long way towards explaining how he runs the business: the coherence of his action and organisation al values give him the back-up force to exercise efficient leadership (Schein, 1985). Ayerbe (1994) is an interesting study of the scale of values of workers' co-operative members at the management level. This research, conducted in the Basque Country, uses Hall's model of values to question the existence or otherwise of differences between the values maps of the managers of co-operatives and capitalist companies (I):Its findings also confirm various differences in attitude in their leadership styles. The main conclusions of this study refer to personal values and values in a work context. As regards the former, the managers of self-managed enterprises have a different values map to that of the managers of capitalist companies, leading to the conclusion that there is a certain relationship between the co-operative environment and personal values. As regards the latter, the managers of self-managed enterprises show a greater preference for values in the world of work that allow them, among other facets, to be less fond of material security and social position, more prepared to take business risks, more independent but (1) Of the 125 values studied, a total of 42 show significant differences, thus providing definite proof of the fact that exercising this profession in a co-operative environment involves different values.
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at the same time more interdependent, better placed to advance on the path of personal development, more participative, better at delegating, less hierarchical and authoritarian, more open to change, innovation and creativity, more community-minded but less institutionally-minded, better at internal integration and more competitive externally, less polite, hospitable and obliging but more considerate of people's dignity, with less empathy but prepared to inform, communicate, get close to people and decide in a group, less prepared to be controlled and to report and answer to bosses and hierarchies but better geared to integration in a joint mission. Management and gender in workers' co-operatives According to a study by the Escola Universitària d'Estudis Empresarials (1999), conducted in the Valencian Community, only 37.7% of those with management positions in co-operatives are women. In principle, according to this study, there is no specifically feminine aspect or area of work, although it mentions that women tend to be found in administrative departments (28.04%) whereas men are more often found in top management positions (41.43%), where there are considerably fewer women (14.63%). As regards the composition of the various organs of management and administration in the co-operatives studied, it was found that only 35.51% of the members of the boards of management and 27.47% of members of the governing councils were women. The figures for the 'social committees' [worker-members' representative committees] were even more discouraging, as only 18.75%oftheir members were women. On analysing the real numbers of women in the co-operatives, the study found that they were considerably less than those of men because although 61.6% of non-member workers were women, compared to 42.7% of men, the balance changed appreciably for membership of the co-operative, where 56.3% of members were men and only 38.4% were women. As a result, the combined proportion of women in these societies was 35.7%, compared to 64.3% for men. In any event, as this study mentions, it must be borne in mind that women are traditionally more numerous in certain sectors such as education, social services and services 258
to businesses, while in others, such as retailing and the footwear industry, they are slightly more numerous, so there are also more women managers in these areas. In conclusion, this study makes it clear that things are not particularly easy for women, as there are few existing channels for promoting them to higher positions in the co-operative. Only 52.85% of the co-operatives had an objective system of in-company promotion and only 5.7% of the co-operatives (normally with over Il members) carried out activities to promote women. These normally consisted of talks, training courses or social benefits. Competencies of social economy managers: Mainfindings Two studies enable us to discover the knowledge profile of managers in this type of enterprise. On the one hand, we have the white paper (Monzon and Barea, 1991), with data of a general nature, and on the other, the more specific study covering all types of co-operatives in Andalusia (Fondo Formacion, 1992). They provide two levels of data: the real profile and the desired profile of the manager. As regards the level of qualifications, the white paper (1991) shows that primary school studies are the highest level of education reached by 45% of workers' co-operative managers. Only 22% of workers' co-operative managers have a university qualification. By sectors, two extreme cases were found: on the one hand, sectors with an evident education deficit (agriculture, construction, clothing manufacture, etc.) and on the other, sectors with significant percentages of managers with university-level qualifications (teaching, cleaning, leather and footwear, wholesale trade, etc.) This same study reflects a slightly more encouraging situation among associated labour co-operatives, where over 34% of managers have a university qualification, although it is also true that a similar percentage did not continue beyond primary school. According to the COCETA study (1998), the training ofthose responsible for the management of social initiative co-operatives is largely based on the experience they have built up on the job. Nonetheless, continuing education (44% of social initiative co-operatives - and 67% of the co-operatives with management
259
personnel - provided training for management personnel in the last year in which they provided training) and self-education also play their part. However, an adequate prior level is required if self-education is to be useful. As regards formal, official studies, up to 40% of social initiative co-operative managers have higher education qualifications (degrees or above) and a further 23% have a university diploma or equivalent. 26% of managers have middle-level qualifications (baccalaureate, vocational training, professional/trade qualifications or similar). Only the remaining 12% of managers in social initiative co-operatives have lower levels of education. In many cases the situations reflected in some of the previous studies contrast with the expectations of this type of enterprise as regards the qualifications that a manager should have. The Fondo Formaci6n study (1992) in the autonomous community of Andalusia estimated management training requirements on the basis of drawing up an ideal profile for a co-operative manager as seen by the co-operative members themselves. 30.9% of the co-operatives surveyed considered that the management of a co-operative should be in the hands of a university graduate (economics or business administration degree was the answer given by 51% of those surveyed). Additionally, 62.2% of those surveyed mentioned that the manager should, preferably, have some additional training (in the co-operative's business area, in co-operative management and administration, etc.). 59.5% of the co-operatives surveyed considered previous experience to be necessary for a person to become manager of a co-operative, while 30.1% considered that a person without experience could do the work of a co-operative manager. This same study completed the manager's profile with psychological aspects drawn from the qualitative interviews. The main traits mentioned were leadership and dynamisation skills, cooperativist character and sensitivity to social problems. Specific leadership qualities in self-managed enterprises: Different approaches Leadership style is a little-studied aspect among enterprises in the social economy. Two studies will be mentioned here: one
260
is on leadership styles in co-operatives in Andalusia (Fondo Formaci6n, 1992) and the other is a comparison of ways of exerting influence among social economy enterprise managers and those of other types of companies (Ariza and Morales, 1999). The main conclusions of the Fondo Formaci6n study (1992) show that dual-nature leadership is predominant among the cooperatives (Figure 2). On the one hand, there is a contingent or adhocratic style where the leader adapts to the situation and takes risks. On the other, a paternalist style that avoids conflict and is based on charisma. If we compare this leadership style with the predominant style in other, non-eo-operative, companies in Spain, more bureaucratic and coercive in any event, the differences seem to support the thesis that there is a specific style of leadership in employee-owned enterprises. Figure 2 Leadership styles in the co-operatives Decider Technocrat Objectives-geared Takes on challenges Expert leader
Censor Autocrat Efficiency-geared Seeks security Standardising leader
Mover Entrepreneur Efficiency-geared Takes risks Leader fits in with situation
Guide Paternalist Harmony-geared Avoids conflict Charismatic leader Source: OWIIpreparotioll,
261
based Oil FOlldo Formaci611 (1992).
Ariza and Morales (1999) approached the problem from a different point of view, interviewing 638 people from 16 different organisations. Given that organisational management is influenced by the methods the management uses to guide the behaviour of the members of the organisation, this study's examination of leadership adopts the classification of power provided by French and Raven (1968), which considers there to be five types of influence: reward power (the ability to reward), coercive power (the ability to punish), legitimate power (the ability to inspire a recognition of legitimacy), expert power (based on the particular knowledge or skills that the influence attributes to the influencer) and symbolic or referent power (the ability to inspire imitation). Analysis of variance (ANOV A) was used for statistical validation ofthe results. The study's findings (see Figure 3) confirm the basic hypothesis that leadership in workers' co-operatives presents specific features compared to other types of organisations. Greater idealism (more referent power values), greater use of knowledgebased power (more expert power - more knowledge) and far lower non-contingent coercive power values (less coercion) are the characteristic notes that differentiate them from other types of company. Figure 3 Analysis of variance of the basic variables Power styles in organizations Expert power
5
.
Publics
- .. - KMF LMF
Referent power
Reward
. Significant
. Significant
Contingent
differences
Contingent
coercive power Source: own preparation
262
power differences
coercive power
based on Ariza and Morale.' (1999).
Managers of self-managed enterprises and their frame of action Managers in social economy enterprises are constrained by two dynamics. The first, the (upwards) dynamics of the enterprise, can be deduced from the manager being subordinate to the governing council. From this point of view, one of the most important tasks of the manager is to define his or her functions well, on both a formal level (responsibilities taken on) and an informallevel (a considerable degree of trust in order to be able to manage critical situations), with the governing council. The other is the workforce dynamics (downwards), where the manager must above all perform administrative and/or co-ordination tasks in traditional aspects concerning production or marketing. The main conclusions reached by the various studies of managers at the frame level are largely confined to their position, their situation as a nexus between the governing body and the organisational structure of the enterprise. The studies that have touched on this question, whether directly or indirectly, are Garcia Blanco and Gutiérrez (1990) on associated labour co-operatives and Fondo Formaci6n (1992) on workers' co-operatives. The main data on the subject may be summarised in the following working hypotheses: The management frame is constrained by the organisational
.
environment which, in the system of a participative organisation, tends towards either a more participative model (small enterprises) or a more representative model (larger enterprises) (Garcia Blanco and Gutiérrez, 1990). . At the workforce dynamics level, managers must do their jobs in a simple but decentralised structure where informal group type relations predominate. (Fondo Formaci6n, 1992). Morales and Ariza (2005) make an analysis of governance and social climate (Table 2) in a LBM with network social analysis. This empirical research shows that the daily interpersonal relationships at work can interfere with, or facilitate, the dynamics of corporate decisions in LMFs: social network in embeddedness with democratic dynamic. A "good" social structure of the company is
263
Table 2 Perceptions of organisation al climate between board, manager and owned workers in LMF
I 2.50
_ _
Board _ Managers
_ Worker
Board
Managers
Worker
I. My work
1.67
1.39
1.40
2. Myhead
2.08
1.62
1.90
3. Works in team and coordination
2.00
1.63
1.95
4. Focus on the client and quality
1.83
1.63
1.83
5. Leadership and organizational progress
2.17
2.11
1.92
6. Communication and participaci6n
1.69
1.46
2.17
7. Work conditions and compensation
1.97
1.76
2.01
8. Organisation and resources
2.20
1.73
1.68
9. General satisfaction
1.93
1.67
1.84
Source: own preparation.
a necessary condition as regards facilitating management, to the extent that the governing team is not "distant from its social base", is united internally and with the group, and its components are leaders and have prestige. LMFs are very determined by human capital and emotional capital specially (human relations).
Management in social economy enterprises and managing action Managers and information control Garda Blanco and Gutiérrez (1990) stress two facets of information: downwards communication and upwards communication. With regard to downwards communication, the worker assessment of the information they have on how their enterprise is performing, the workers of the associated labour co-operatives studied state that they are worse informed than the workers of a pIc. However, their situations are not directly comparable. The reason is that in the case of a labour company the expectations of the worker have been redefined, so it is only natural that they are more demanding in terms of information than 264
the workers of other types of company. The majority of workers in the companies studied were dissatisfied, "not very or not at all satisfied", with the degree of information they were receiving from the management on the progress of their enterprise. As regards upwards information, some important differences in the means the workers used to make complaints or requests to the company were found. Compared to a pIc, the immediate superior is significantly more important as a channel for complaints and initiatives. In principle, this seems positive, as it means that the 'natural' channel in the formal organisation of the company is being used as the means of vertical communications. On this subject, Orellana's study (1995) of the managers of employee-owned enterprises gives the following percentages: whereas practically half of the managers say that they hold certain specific meetings other than those that are obligatory, the other half only use the statutory means of participation (general assembly, etc.). Managers and decision-making control The studies of decision-making control by managers refer to workers' co-operatives and associated labour co-operatives. The study by Delicado et al (1991) distinguishes five contexts in the workers' co-operatives of the Valencian Community:
.
Participative transitional: characterised by a decentralised
power structure: rather than a formal management structure, there is a participative co-management that stimulates team work.
. Participative consultative: characterised
by a high degree
of trust between the management and the rest of the workers. Although decisions are sometimes taken at the top level, the members are consulted and their opinions are taken into account. Team work and participation are stimulated at certain levels. Participative self-managing: these are co-operatives with an
.
extremely high degree of trust between the management and the rest of the workers. Decisions are taken with the participation of the members and team work and participation are stimulated. Authoritarian coercive: decision-making control is absolute.
.
The representative bodies are mere effigies as the real power structure dispenses with their participation in decision-making. 265
.
Authoritarian
paternalist:
characterised
by a centralised
power structure which the managers present as justified by the immaturity of the members. The managers establish the business strategy. The workers receive a minimum of information. In the case of associated labour co-operatives, the study by Garcia Blanco and Gutiérrrez (1990) found that almost three quarters consider that taking important decisions, both as regards their control and their degree of influence, is a more or less restricted process. The split is almost fifty-fifty between those who believe it to be very restricted (only the management) and fairly restricted (the management and a few workers). These perceived low levels of influence increase slightly when sphere moves from the company as a whole to that of the department/work area or of work groups and jobs. Since none of the companies studied had implemented processes to introduce more participative work organisation methods, whether at an individual or group level, but retained the traditional methods practically intact, there is every indication that this greater influence is due to the mere de facto influence of the workers on the work processes in their immediate environment. Managers and conflict management Morales and Sanchez Porras (1996) conducted research among nearly 200 members of over thirty education co-operatives in the autonomous community of Andalusia to discover the various ways in which co-operative members solve their conflicts. One of their most interesting findings concerns possible differences between the conflict-solving roles of non-eo-operative company managers and those of co-operative members who, given their peculiar organisational context, may perform management tasks in accordance with a participative model. As can be seen from the results of this study (Table 3), the context in education co-operatives when faced with situations of conflict is marked by an atmosphere of equality and they adopt a style of integration, commitment, avoidance and servility that is more in keeping with members of the hierarchical role of colleagues, to a 99.5% level of significance. Consequently, a possible hypothesis is that managing
266
Table 3 Conflict-solving styles in co-operative and non-eo-operative organisations KMF (Non-Cooperative Companies) Organisational relationship Superior Subordinate Colleague Mean SD Mean SD Mean SD Integration 4.26 0.51 4.16 0.51 4.34 0.43 Commitment 3.8 0.57 3.62 0.62 3.88 0.51 Servility 3.44 0.72 2.92 0.51 3.09 0.52 3.3 3.46 0.71 Avoidance 0.72 3.37 0.7 Domination 3.09 0.69 2.96 0.87 2.76 0.75 Style
LMF (Co-operative Enterprises) Mean SD 4.42 0.75 4.34 0.82 3.79 0.96 3.72 1.74 2.68 1.31
Source: Morales and Sanchez [1996).
a business in an egalitarian context may imply greater difficulties in carrying out managerial work.
By way of a conclusion: Final reflections The path we have taken through the contributions to the knowledge of performance of the management function in social economy enterprises leads to the following reflections: 1- The management function adopted by employee-owned enterprises can only be understood by taking a contingent approach: it depends on the environment (sector of activity), the size of the enterprise (the greater the size, the greater the delimitation and differentiation of the post) and the degree of cooperativisation (a management figure that is indistinct from the members predominates in co-operatives, one that is highly delimited in associated labour co-operatives). 2- Professionalised management and its contribution to governance may clash with two structural problems, a cultural problem (arouses distrust, lack of compatibility with the expectations of a participative enterprise model) and an economy 267
of scale problem (only possible for enterprises with a certain level of business development). 3- The high costs involved in bringing in a good manager, the difficulties in getting a manager to understand that he or she does in fact have to work within a participative model and the high expectations the members have of a manager suggest that the possible long-term options are to seek and develop potential managers among the membership of social economy SMEs and to develop specific social economy training programmes for managers who will be working with the co-operative on an exclusively professional basis, in the case of enterprises with a high level of business development. 4- An attempt at synthesis has been made with respect to findings about the figure of the director. The efforts made allow us to better understand how this job is done. However, it would be interesting to apply this study at a transnationallevel, looking at the problem from the point of view of the framework described, and from an interdisciplinary perspective. 5- The dynamics of member direction or non-member direction configure an interesting element for analysis, not only from a transversal point of view - what the main differences are in doing the job - but also from a longitudinal point of view - what the tendencies are in adopting the strategy of director head-hunting.
268
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271
Rethinking difference, rethinking deference: The struggle to create the egalitarian workplace in five worker cooperatives in Buenos Aires Collette Oseen*
It's impossible to understand how to organize cooperatively withoutfocusing on 'sexual difference', the French philosopher Luce Irigaray's category forwhat has not yet been thought within our ostensibly sexually indifferent symbolic structures, but which we must think if we are to confront how patriarchy and hierarchy mutually reinforce each other. In this study of the struggle to create the egalitarian workplace in five worker cooperatives in Buenos Aires, I will follow Irigaray's argument that hierarchical relations will be continuously recreated if the patriarchal underpinnings of our symbolic structures which consign women always to the position of the lesser is not confronted. Workers and bosses come in two sexes: the individual without a sex does not exist, and to use the sexless individual as an analytical category simply obscures who has power and who does not. An absence of attention to sexual difference, which maintains that symbolically women are the same as men and experience the processes of organizing in exactly the same way, obscures rather than clarifies how we as women and men might organize in fully participatory, contiguous or non-hierarchical ways to get things done. Dismantling hierarchical relations between bosses and workers also means dismantling hierarchical relations between women and men: this study is an examination of what was accomplished in these five coops in terms of rethinking and rethinking difference.
* Ph.D., Master of Arts, Integrated Studies Programme, Alberta, Canada, [email protected].
273
deference
Athabasca University,
t's impossible to understand how to organize cooperatively without focusing on 'sexual difference', the French philosopher Luce Irigaray's category for what has not yet been thought within our ostensibly sexually indifferent symbolic structures, but which we must think if we are to confront how patriarchy and hierarchy mutually reinforce each other. In our present day symbolic structures, or the words, stories, philosophies, myths, religions we use to make sense of our world, women lack the place of the subject; they are object. Men remain the fulcrum, the norm, the phallus, the hinge of the logos of Lacan on which all meaning depends, a dance where women must follow the dancer who composed the music, a dancer who is always male. For the male subject to maintain its coherence, woman is consigned to the place of the object, the body, emotion, all of the rejected aspects of the male subject which are then projected onto the place held by woman. As object, women are not differentiated; they all remain the same as each other - 'all dolls are the same' - and as object to the male subject they are both different from the male subject and lesser
I
assigning the status of the male subject to woman - does not confer equality on women who lack a place as subjects in our symbolic (1) These are Sky Masterson's famous words in 'Guys and Dolls', whose name itself exemplifies Irigaray's analysis. For more on Irigaray's analysis of the sexually indifferent symbolic structures and the necessity of creating a space for sexual difference and the female subject, see in particular Speculum of the Other Woman (1985), also 1994,2000.
274
structures. Instead, it reinforces woman's subordination to man in the guise of the masculine neutral. Irigaray maintains that it is only with the creation of the female subject through the actions of women and then in our definitions of those actions, will our differentness from each other as women be able to represented. And only then, by creating a place for the female subject who does not extrapolate from the male subject how to be in the world, will we be able to create a space among and between women who are different from each other, will we be able to solve conflict among and between women, will we be able to create a 'utopian horizon' which we struggle towards, acting on a world which we define as female subjects. And by extension, only then will differentness be able to be expressed organizationally without being confined to the position of the lesser. To follow Irigaray's argument, then, is to emphasize that workers and bosses come in two sexes: the individual without a sex does not exist, and to use the sexless individual as an analytical category simply obscures who has power and who does not. An absence of attention to sexual difference in favour of a belief that both women and men can occupy the place of the sexually indifferent individual despite the presence of patriarchy, a belief which maintains that symbolically women are the same as men and experience the processes of organizing in exactly the same way, obscures rather than clarifies how we as women and men might organize in fully participatory, contiguous or non-hierarchical ways to get things done. Without confronting the rhetoric of the individual without
a sex - the individual who in reality is male - without ensuring that cooperation means the contiguous organizing of sexual difference next to sexual difference, the female subject next to the male subject who equally act on and define the world, hierarchy inevitably reasserts itself, and cooperation, with its emphasis on the full participation of equals and the equal involvement of all, is subverted. Given my focus on these symbolic categories of [sexually indifferent] sameness and [sexual] difference as they underlie our assumptions about how we can achieve the egalitarian workplace, what interested me in my study of five worker cooperatives 275
in Buenos Aires(2) were two inextricably intertwined questions concerning how organizing cooperatively could be achieved in the face of hierarchy and patriarchy. First, how comprehensively did the men and women workers think about hierarchy in all its manifestations? What did they mean organizationally when they talked about equality and workers as equals, as 'more than workers, less than bosses' to paraphrase Raimbeau (2005, p. II)? Equality as sameness is what Irigaray has called the great dream of symmetry, which allows the powerful to escape their own complicity in the maintenance ofhierarchy, by asserting the two [the sexually different next to the sexually different] are One [the unacknowledged male One standing in for the two, male subject and female subject]. How did the women and men working in these cooperatives struggle to embody in their organizing processes and strategies the ethos of cooperation - learned as they said 'in the tent' - among and between equals who were not the same, who were different, and who experienced the processes of organizing differently? As the workers often proudly informed me, these were worker coops where all decision makers were elected and everyone was paid the same. And it wasn't only the 'one member, one vote' enshrined in the general assemblies and in the elections of coordinators. It was also that 'we are all members of the cooperative': all jobs were equally necessary, all were equally valuable, and therefore all were worthy ofbeing paid the same. But elected general assemblies and coordinators and equal pay for alljobs were only part ofhow workercooperatives struggled to interpret what equality and cooperation meant in practice(3). (2) At the turn ofthe last century, Argentina was richer than Canada (Martin, 19992000). However, by 2004, GDP per person in terms of purchasing power parity, Argentina ranked just below Poland, at about $12,500 per year, and above Chile at just over $10,000 and Mexico, atjust less than $10,000 (The Economist, April29, 2006, p. 102). In anothercomparison of Argentina to Spain and to South Korea, and "[m]easured in terms of per capita income and debt, Argentina has gone from being the richest ofthe three to the poorest in the last 20 years, and its position relative to Spain and South Korea is deteriorating" (Schaeffer, 2003, pp. 854-856). For more information on the worker cooperatives see the CBC documentary The Take (2004), directed by Avi Lewis on the worker cooperatives in Buenos Aires; also Allbert, 2005; Balch, 2005; Guillen, 2001; Huff-Hannon, 2004; The Economist, 2002; Valente, 2004. (3) According to Mutterburgh: "coop success depends not upon getting incentive structures right, but on successfully embedded" (2002, p. 77I).
negotiating
276
the social milieu
which coops are
Secondly, how did the workers confront how patriarchy circulates in these ostensibly egalitarian ways of organizing, where all work was treated as equally valuable, everyone could be elected to positions of authority, everyone was paid the same? More specifically, how did the worker coops deal with [sexual] difference, the argument, following Irigaray, that women and men are not substitutable, that women and men are equals who are different, who occupy different places in terms of who has power and who doesn't, and who experience differently the processes of organizing, in particular the processes of decision making which undergird all organizing: of deciding what to do, how and whom to do it, and then what to do next? How did the coops deal with this unacknowledged maleness of the supposedly sexually neutral or sexually indifferent individual, what Irigaray calls the reign ofthe masculine neutral, which must be confronted if cooperative organizing, with its emphasis on full and equal participation, full and equal involvement, is to succeed? How did the women and men challenge not only the hierarchy which cooperative organizing seeks to dismantle, but the patriarchal privilege that circulates simultaneously in our organizing processes, and which, unless confronted, inevitably reconstitutes hierarchical modes of organizing? Did no more deference to bosses by workers also mean no more deference to men by women? In the next part of this paper, I want to examine how hierarchy and patriarchy - shorthand for sexual hierarchy - intersect to subvert egalitarian organizing processes. More specifically, I want to examine the ways the workers, women and men, attempted, or not, to confront those hierarchical and patriarchal processes, each mutually reinforcing the other, in how they organized together to get work done. I want to begin by examining how the workers developed an ethos of cooperation, or how their shared experience of revolt 'in the tent' together led to a sense of politicized consciousness or awareness of their situation. Secondly, I want to examine how those shared experiences led, or not, to their commitment to egalitarian ways of organizing as they struggled to confront the workings of hierarchy in all its forms, not only between workers and bosses, but also between men and women. This analysis rests on how the workers conceptualized equality. Did the workers think that
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these egalitarian ways of organizing could be achieved through emphasizing that everyone is the same, the women just like the men? Or did they think that if the workers were different, they must be lesser, and equality could be achieved only if everyone is the same as everyone else? Or did they attempt to reconcile equality with difference in how they organized, so that being different did not mean being left out or pushed out by the same, however the same defined themselves? Did the workers, both women and men, confront how patriarchy - or sexual hierarchy - circulated within the ostensibly egalitarian organizing processes they put in place, and if they did, what did they do?
We were all 'in the tent' together: The development of shared politicized consciousness? In this section I wish to examine the consciousness-raising or demystification that characterized what the workers told me they had all undergone before they "recovered their factories", after "the owners ceased production, stopped paying wages, and went bankrupt", and before the workers took over the factories and made them produce "without a boss or owner"\4).However, they used a much more concrete term: the workers called this the experience of the tent, where they were all together before they recovered their factories, and where they learned they were far stronger than they thought, far more capable than they believed. They told me that this experience of the tent produced their commitment to democratic, egalitarian forms of organizing - 'we were alllike ants together' said one woman - just as it shaped them, demystified for them what they thought was going on, allowed them, in the company of their compatriots, to think again what was actually happening, and prepared them for deciding
(4) Trigona
states: "In almost
all cases workers
took over businesses
that had been
abandoned or closed by their owners in the midst of Argentina's financial meltdown in 2001. The owners usually ceased production, stopped paying wages, and went bankrupt. The workers' decision to take over their plant was a decision made out of necessity - not necessarily out of ideology. The clear worry of how to safeguard workers' jobs motivated the act of taking over a factory and making it produce without a boss or owner (unpaged, 2006). This process was called 'recovering' the factories.
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what they wanted to do about their present situation. In the tent they shared the opportunity for "discussion, feedback and comparison", a process of inclusion and consensus that allowed views to be shared and "competing truths and mystifications of the human condition" dissected (Young, 1993, pp. 143-144; cf. Lewis and Barnsley, 1992; Guijt & Shah, 1998). At the same time this shared experience of revolt was a process of politicized consciousness-raising (Raimbeau, 2005, cf. Brown, 1992) that enabled the workers in the tent "to gain a greater sense of self-worth, agency and common purpose" (Young, 1997, p. 370). What the workers - and most had been workers; only 20% of those who joined the recovered factory movement had been managers (Trigona, 2006) - had to unlearn was deference and passivity, the result of a hierarchical way of working divided between bosses and workers that Morgan (2006) argues creates passivity, dependence, competitiveness and deference(5). What they had to learn was the opposite. They had to learn to be subjects acting on the world and shaping it in a way that suited them, to learn contiguity in all its aspects, to learn how to confront the mutually sustaining operations of hierarchy and patriarchy as they circulated in the processes of ostensibly egalitarian forms of organizing: to confront the hierarchy between bosses and workers also meant to confront the hierarchy between men and women. What their shared experiences in the tent taught the workers was that activism and hierarchy were antithetical. If the recovered factories were to succeed as worker cooperatives, hierarchical relations had to be dismantled, and egalitarian relations among and between workers who were capable, and because of their capabilities, powerful, had to be constructed if they were going to be able to accomplish their goals. If they didn't construct ways of working together in egalitarian ways, they would revert to the bosses/worker hierarchy, so they had to figure out some way to displace that hierarchy in favour of contiguous relations among and between the workers. For these
(5) Morgan,
2006, is one of many organizational
theorists who have critiqued
hierarchy
for its necessary emphasis on control and on narrow, top down forms of decision making. See also Iannello, 1992; Jones & Svejnar, 1985; Lennie, 1999; Newman, 1980; Oseen, 1997a, b, 1999,2001,2004,2005; Semler, 1993; Suroweicki, 2005.
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workers there was an explicit link between the experience of revolt and the development of a democratic consciousness, between how they understood and what they decided to do, or between learning how to think through their own relationship to a problem and not just simply leaving it to others. In making these links they recognized that they were knowers, that through the experience of the tent, they had become 'political subjects', to use Raimbeau's term. By putting themselves in the picture, or grounding the issue in what they knew and had experienced (cf. Lewis and Barnsley, 1992), they took upon themselves the power to make decisions, to decide what is going on, and then what to do about it, structuring into this process both action and responsibility for those actions. They learned in the tent not to leave the thinking to others; they demystified the position of the knower as a position held by someone else that could never be held by them because they could never know enough, to a position that could be held by them, that they too could know the world and act on it. They took to themselves the position of the knower who does, or the subject who acts on the world, and rejected the position of the object that is always acted on. Formulating the position of the knower in a way that was understandable to everyone then, made finding a metaphor that could communicate that common understanding important. Hey led to the common use of the metaphor of the family to explain how to run an organization, but as we all know, that metaphor has quite different implications, and means quite different things, for women and men. I will return to this later. What the tent equally taught the workers was how valuable each of them was for each other, how much they needed each other, how differences which had previously mattered, were no longer important: "we worked together like ants, you couldn't tell who was the man and who the woman" said one woman to me. When the women talked about being ants together, they meant that everyone was together, women and men. The women didn't mean that they were the same as the men or each other, but that there were no hierarchies, including sexual hierarchies. There were reasons, then, why the workers kept emphasizing to me that "we are a coop": we pay everyone the same, if we defer to others, we will not be able to work together fully and completely.
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However, the experience of 'the tent' seemed to have much greater implications for the women than for the men in terms of their sense of equal worth: the women felt equal to the men, and it was the women who emphasized their equality with men. In the women's accounts to me when we were apart from the men, they emphasized the shared experience of the tent as eliminating not only hierarchical work relations, but also the patriarchal relations or sexual hierarchies between men and women that worked to subvert the egalitarian ways of working together which the shared experience of the tent inspired. The converse didn't seem to be true: the men never mentioned feeling equal to the women. The women felt equal to the men, but this equality between the two sexes that the women perceived 'in the tent' remained invisible to the men(6). What exactly, then, did 'we worked together like ants' mean for the women and for the men? How were sameness, difference, and equality interpreted in how they organized to get work done together in cooperative ways? This difference between the two sexes informs the next part of the paper.
No head of the household, but sisterhood; workers, but not brotherhood Reconstructing the patriarchal family in rethinking democratic decision-making, conflict, and the role of the coordinators by the workers The most common way of describing the arrangements to get work done was referring to the metaphor of 'the family' by both women and men. But like 'the tent', 'the family' was perceived in different ways by the women and by the men. In a patriarchal society the metaphor of 'the family' has quite different implications for women than for men: think of what 'the head of the household' might mean for women and for men, or 'sisterhood' or 'brotherhood' or 'parents' to the two sexes. What did the metaphor of 'the family'
(6) This is the point that Elizabeth Sundin (2000) has made in her analyses of the workplace: that women want to do men's jobs, but men do not want to do women's jobs, and willleave rather than do jobs that women now do.
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mean, then, for the construction of an egalitarian, contiguous workplace for the two sexes? How do they deal with power in their organizing processes, in the "micro-inequities" (Rowe, 1995; Fletcher & Meyerson, 2000), of who has power and who doesn't, if we accept that power circulates in our acts of organizing and in the names we give those acts, in the process either confirming or subverting the circulation of hierarchy and patriarchy within those symbolic structures? In particular, how have the workers dealt with the fact that they are not sexless individuals but men and women who experience the processes of organizing differently, who occupy different positions in a patriarchal society and who act and then define those actions within a hierarchical symbolic structure? What are the answers to these questions in terms of the key aspects of non-hierarchical, contiguous, participatory organizing, and how are they embodied in the organizing processes of women and men? What does it mean to figure out how to make decisions, how to deal with conflict, what the coordinator does, what aspect of 'the family' the coordinator embodies, and in particular, what that means for women and for men working together? To illuminate this question l will be drawing on Rothschild's (2000) analysis of how cooperative, non-hierarchical organizing works, as well as drawing on a study of the worker coops of Buenos Aires by Raimbeau (2005, 2006). Although neither of these studies of non-hierarchical cooperative organizing looked specifically at the relations between women and men, what they have done is to provide signposts about what is important in figuring out how to work together collectively and non-hierarchically, even if they didn't specifically confront how patriarchy works covertly to reinstate hierarchical forms of organizing, and how those patriarchal processes might be subverted. Both studies concurred on the key aspects of the non-hierarchical workplace. Raimbeau asserted that that there is a direct link between the consciousness-raising of the tent and the workers' commitment to democratic forms of organizing that are the outcome of that shared experience. She identified the following elements as crucial: "the assembly, where every worker has a voice", the election of non-permanent coordinators who are rotated in and out of their
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positions, equal pay, and "mechanisms to guarantee transparent accounting" (2005, p. 11).Rothschild's (2000) analysis replicates Raimbeau's. In her summary of how to organize cooperatively, Rothschild points out that this mode of organizing is comprised of four essential elements: worker self-management, a non-instrumental way of dealing with each other as workers, democratic decision-making with provision for dissent, and worker ownership, which guarantees the democratic process (cf. Blasi and Kruse, 2003)(7).It's not enough to ensure worker participation, Rothschild argues. Workers must benefit through ownership of their work; they must be in control of their work, and the split between the owners, managers, and workers must be erased through the position of the elected coordinator<8}. Decision-making and conflict resolution So how do the workers struggle with the basic processes of organizing of figuring out what is going on, what to do, how to do it, who is going to do it, and who's going to evaluate what's been done and how, using what criteria? How do they solve conflicts over these decisions? Rothschild's and Raimbeau's analyses of the necessary components to non-hierarchical organizing were replicated by what the workers told me about their general assemblies, where workers using majority rules decided on how the money was going to be spent, elected coordinators, made decisions on task rotation and on opportunities for education and training, and decided on the criteria for how to evaluate each other as workers. One group explained to me that: "We have an [upside down pyramid] - the base is what decides, and direction is given to management [in the general assembly]. The administrative council takes the decision as the result of assembly
(7) Rothschild
points out that in the TQM [total quality
management]
literature,
the
nearest to the study of cooperative organizing in mainstream organizational analysis, the focus is on "how the people in the organization feel". In contrast, in the democratic cooperative literature it is on how "actual ownership and control that is extended. It is the ownership that provides the legal foundation to ensure that democratic control will continue" (p. 200). (8) Like Rothschild, Blasi and Kruse stress that "employee participation isn't enough. The tangible rewards of employee ownership or some form of sharing the fruits of ownership must go hand in hand with work practices that give workers greater decision-making" (Blasi and Kruse, cited in Suroweicki, 2004, p. 210).
283
majority plus one". When I asked why they had chosen to organize in this way, the men answered: "We had to organize in some way because everything was a mess. At that moment we decided to use a majority. Many times we don't agree with the majority, but we have to accept. It's not a matter of being happy or unhappy. We have to accept the majority. The votes are what rules". Another man pointed out to me that "if you have an idea you put it forward, but if the answer is no, you learn to lose. I have to lower my head, respect my companions". When I asked what the assembly decides - everything? - the men emphasized that what was really important was not only that the general assembly made all the decisions, but that "cooperating, showing solidarity to others, is the basic tenet. We don't do as the owners used to do. They used to pay by level. We all get the same salary. We do everything the opposite way to the owner. A factory without workers does not exist. But a factory with workers exists". It was the process that was primary to them. Compared to the men, the women's analysis of conflict over decisions was both much more tied to the egalitarian structure of the coops and much more personal. The men talked about the rule of the majority, and 'lowering one's head', a phrase I never heard the women use. The women spoke, not about what they did as individuals, but about how the egalitarian way the cooperative was structured made it possible for them to bring up problems, if necessary to fight with the men, and overall to struggle to advance the cooperative. They spoke with relish to me how the men "tremble" when they walk into the general assembly. This was something that I had heard before, by women in another coop, of the strength and fearlessness of the women. In this coop it was the women, not the men, who did whatever was necessary, including begging on the street in order that the coop could survive, something the women told me the men could not bring themselves to do. The women knew they were strong, and what they as women had managed to do meant that they would not take a back seat to the men. They would confront them, fight with the men, when they felt it was necessary, when they had to. When I asked one group of women workers in a male-dominated factory how they spoke in their general assembly, they told me that: "we are bold, very frontal, very honest - more than the men. Sometimes the truth hurts. Many, 284
many times we put out the machines without packaging. One more person makes a difference and men allow things to happen and then we have a fight with the men. We can speak out because it's a coop. The men make the struggle through us. We speak and we get things for everyone. Three or four of us are the ones here who speak out - it's easier to argue here than in an ordinary factory". They told me that in the general assembly, they wanted more women on the administrative council, that it's "nine or ten women against 100 men. It becomes difficult, but we're fighters, we talk more. We dot the i's on the men. We come close to administrative council, they tremble when we go as a gang". The women also spoke to me about fighting with each other but then drinking mate, a communal drink that must be passed from person to person - it cannot be drunk alone. For the women, the repair of the relationship was integral; if women disagreed with each other, they could fight, but then they drank mate together. They didn't go home in a huff. As they emphasized to me, mate is an inclusive ritual; it is a way both literal and figurative to repair a relationship which has been marred by arguing. They told me: "We argue in associate meetings, but then we argue and forget. We might not agree with how they work, but I drink mate [with them] twenty minutes later. We drink mate together. There are some people who are very resentful. Sometimes with the afternoon shift we argue [they were the morning shift]. Our section together: we are all sisters. We've known each other for a long time". Interestingly, I never heard the men use the term 'brotherhood'; it was only the women that would refer to each other as sisters, or as a sisterhood. The only term I heard the men use was 'family' as in we are a family. 'Sisterhood' indicated the strong bond between those who are different from the dominant majority; 'family' was a much more ambiguous term, and prefigured in both senses the different ways the men and the women described the role of the coordinator, or the bridge in the phrase 'more than workers' to 'less than bosses'.
The role of the coordinator When I asked about the role of the elected coordinators - the workers never used the term 'manager' - how they were chosen, 285
and what they do, a male worker explained it to me like this: "The workers know when it begins and ends. Those who knew, they were the ones who became coordinators. The qualified officer knows how to do everything, but she still works on the machine because she's so fast". There is no hesitation about informing me that the coordinators are elected, and serve, through the will of the general assembly. One worker told me that: "Some coordinators are from the beginning of2002 and we will vote them out when they're too old, or too lazy". Most of the elected coordinators seemed to meet roughly once a week, and as one worker put it, decide on everything. As the worker went on to explain: "They make a diagram about what we have to buy. Almost once a week they meet, and see what is lacking in each sector, what's needed in each sector - missing staff, cleanliness, the kitchen - everything must come up". That meant areas of contention which the coordinators had to deal with, and when I asked how they dealt with this, they used the metaphor of the family: "When there's a problem in the house, the parents get together. We try not to cut heads off, to scold". When I asked in another coop how long the meetings were, they told me that they were one to two hours, and they talked about "how are the deposits going, how are the floors, the washroom cleaning, reception, the bar. The music [which they were not allowed to have before] makes it easier to work; it's easier to talk to the suppliers. It's different affinities, like any family". Women workers in a workplace dominated by men, however, had a different approach to the duties of the coordinator. The other workplaces had told me about what the coordinator does in very matter of fact tones, but they never questioned why there needed to be a coordinator in the first place: the family metaphor they used indicated that the position of a coordinator was necessary, like a parent or the head of a household. However, this group of women workers did. Unlike in other coops where it was more evenly split between women and men, or where women dominated, this group of women spoke the most specifically to me about what it was like to work in a male-dominated coop, and how that extended to how they saw their coordinator, and what terms they used to describe what the coordinator did. 286
When I asked how the women organized among themselves, one woman first pointed out their fundamental equality with each other, that "yes: from the beginning we are a coop". Although they had been working together, they told me, since 1985 for some, 1983, 1984 for others, some daughters, and granddaughters now working with the original workers, the coop was different. When I asked how, they told me: "We don't have bosses. Before we were told. Now we work, we do it for us, it's more of a sisterhood. We have a salary. It's ours, we do more, we're more careful, because it's ours. We're more conscious". When I asked how has that had affected their lives?, they told me: You wake up with more energy. You know you are workingfor yourself. Sometimes we wake up with such energy we come an hour late [and they alllaughed]. But we always try to be on time but before It looks like others have never been late [and they alllaugh]. We cover ourselves, [we use] the cell phone. We cover here when it happens with someone. We are alone, we're single mothers with young children. We continue to work after [we finish here], we're up at midnight still working, and up atfour a.m. We have to do two jobs. It's more flexible, we still have responsibilities, we talk among our companions. The women also complained to me how busy they were, how they had to do everything, despite having less time than the men, who did not have their double day. "Here, to kick out an associate [their term for another worker] there has to be previous sanctions, you can't be irresponsible. We are more responsible than men, but we have to do everything, because men have more time". What hampered them was that they had to be fully contributing workers who took on to themselves all the responsibilities of being fully participatory workers, but because they were single mothers, they told me, they had all the extra responsibilities of their families which the men simply did not have, and that made it harder for them to do all that they needed to do. When I asked what the coordinator did, the women didn't speak of any involvement by the coordinator in deciding what to do and how to do it. Instead they stressed that the coordinator fulfilled the role of information transmitter between the various departments
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because the coordinator "knows the orders and priorities with the warehouse, the warehouse coordinator tells the needs of packaging". It was they who decided what to do and how to do it, not him: "One day we each take turns, to switch the job so it's not so routine and that way we learn everything". When I asked why they did that, they replied that it was necessary "to learn other things to help each other so we can cover for each other". They also told me that they didn't really need a coordinator, since they made all the decisions themselves, including the rotation of tasks in order to cover for each other, and that they kept the coordinator only because he needed the job, he was old, and they didn't want to hurt his feelings. They kept him on, but they decided among themselves what a coordinator usually decided: who did what, and when. They ensured that the flexibility they required as single parents, on their own, with unpredictable demands, was there. They knew how to do each other's jobs - that way they could cover for each other. And they figured out among themselves who could cover. They told me: We don 't have a female coordinator but we don 't need either a male or afemale coordinator. Among us we could rotate the job of coordinator. Every business has to have a coordinator who meets with the administrative council [elected in the general assembly]. Supposedly the coordinator is voted in, but here the coordinator was chosen because he had the experience - twenty-five years. But he doesn't have to be there always - he could be taken out. There could be a coordinator, but we love him, we fight with him, he's been here so long we don't want to push him out. But they were quite adamant to me that a coordinator, another layer in the hierarchy, was someone they didn't need, in the same way they didn't need husbands. Just as they were able to cope with unemployment first, and then later the work of recovering the factory without the help of husbands - most of them were single parents, with responsibilities to children and parents - they couldn't see why they needed a coordinator to tell them what to do. Instead they told me that they just figured out how to get everything done between themselves so the line was never held up. They told me that they didn't need a 'head of the household', a term they reserved for
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married men. They never called themselves heads, although they had responsibilities for others younger and older than themselves; it was as if there was no word for their position for what they needed to accomplish. Just as they refused to use the term 'head of the household' because they felt it was not applicable to what they did, or needed to do, neither was a coordinator necessary. They didn't need anybody to tell them what to do, either at home, or at work, in order for things to go smoothly. Instead their solution to how they organized - which explicitly rejected any form of hierarchy - was not father, not mother, not 'head of household, nor even parent, but sister or sisterhood.
Conclusion: The metaphor of the family and challenging a patriarchal hierarchy To emphasize the common experience, to reiterate that everyone can do this, because everyone already knows how to do this, the constant, reoccurring metaphorused by the workers was the family, parents, the household, the home, sisterhood - but not brotherhood. The workers used these metaphors to talk about how to become more than a worker, but not a boss, they used these metaphors in terms of deciding what to do and how to do it, or how to organize as equals, since they were all paid the same. They used the metaphor to describe how to budget, how to deal with those who didn't know how to do the work well, how to deal with disagreements over how much money to take home and how much money to spend on capital improvements, how to establish rules about what to do and who was to do them and how they were to be done. The women in one of the factories were the most notable in how they used the family metaphor to frame what they were doing at work. They never used the term 'the head of the household', which they reserved for married men although they talked about their responsibilities as more onerous than those facing married men (they emphasized they worked 20 hours a day in order to meet all their responsibilities). Instead, they talked about their responsibilities as single mothers to their children and to their parents without ever defining that as 'the head of the household', which extended to how
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they
saw their relations at work. They spoke of the coordinator as
unnecessary for what they wanted to accomplish, just as they saw using the term the head of the family as unnecessary for what they wanted to accomplish in terms of meeting their responsibilities to their dependent others. In both their analyses of their place at home and at work, they did not use the hierarchical terms available to them to designate their place; they talked in other ways about their responsibilities at work and at home. Just as they never saw themselves as heads of families despite stating that they had more responsibilities than the married men they called 'heads of families' since their wives did the work in the home which they were responsible for, neither did they see how they got work done together as hierarchical. Instead they used the term 'sisterhood', stating that they didn't need a coordinator in order to get things done at work. In refusing to use the term the head of the household, they also refused to use any form of hierarchical address at work, while they continued to deal with the myriad responsibilities ofboth being income-earners for others and income-earners in their workplace. Confronting patriarchal privilege in the workplace If our goal is the democratic, egalitarian workplace, we have to focus on the relations between women and men. If we want democracy, and some version of a non-hierarchical workplace where people participate, we have to analyse people in terms of who has power and who doesn't, men and women who have different positions within the societal structure, where men are dominant and women are subordinate, maintained by patriarchy and reinforced by hierarchical ways of organizing that are not necessarily confronted in a democracy. Without an analysis of sexual difference there is no means of figuring out how women and men experience the processes of organizing differently. As we know, our Canadian democracy does not have proportional representation of women: men represent women and speak on their behalf, and it's certainly been argued that men legislate for themselves, not for women. This underlies that what happens in our legislatures carries over to our organizations, as Rothschild notes: "Rights in the political arena cannot be insulated from rights in the workplace" (2000, p. 195).
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Rothschild's real question is whether the team-based approach so emphasized recently in the US as the way to do things is a preliminary to a "much more deeply democratic form of control" (p. 196) whereas I maintain that democratic control is only possible when men and women confront patriarchy, that dismantling hierarchy, the control by a few of the many, means nothing if women are ignored in this equation. Ultimately, if we take difference seriously as difference next to difference rather than difference as lesser than the same, the compulsion of Canadian federalism which continuously struggles to figure out politically the non-substitutable next to the non-substitutable rather than the sameness of individuals, which only obscures who has power and who doesn't (9),we have to dismantle hierarchy and patriarchy simultaneously, since hierarchy and patriarchy work to reinforce each other, and neither is possible without the other, lrigaray's argument. Only dismantling our hierarchical and patriarchal symbolic structures through contiguous practices which are then defined will women be free from symbolic structures that constantly work to reaffirm women's subordinate status. We need to be able to create a word to describe how we work together contiguously, not just leaving that space blank, the way we do now, when we refer to men as heads of families and by extension heads of organization, reserving for women only an unfilled space in the symbolic structure because the word to define contiguous organizing has not yet been created. Only then will women no longer be admitted into the public sphere only as honorary men in the guise of the [masculine] neutral, which hides what it cannot admit, that the world of the public remains resolutely masculine, and women continue to be admitted into this masculine sphere of the public and the workplace only as honorary men. Only by struggling with patriarchy can cooperative organizing be created, since the family, the household, sisterhood, were recurring motifs in the interviews, dominant metaphors used to explain how to organize democratically. What we need finally are new ways of understanding the family metaphor as contiguous, with a female subject and male subject, (9) For some recent writings on the different next to the different in Canadian federalism, see Atwood & Y.-L. Beaulieu, 1998; Welsh, 2004.
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rather than patriarchal and hierarchical, with a male subject and a female object, the head of the household as the unacknowledged unanalyzed right of the male to rule, and the erased woman, never even referred to. What the women of the coop were searching for, a word in Spanish translatable into English that would capture their egalitarian, contiguous way of working, still awaits us. Democracy in the workplace that does not confront the covert practices of patriarchal privilege ultimately subverts that democracy. Egalitarianism can only succeed when sexual difference is both confronted and created as contiguous, as women and men next to the next, side by side, working together in the factory coops of Buenos Aires.
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Bénévolat, citoyenneté, professionnalisation administrateurs du Crédit mutuel
:
André Rousseau* et Yann Regnard**
Prenant appui sur des entretiens menés avec des administrateurs d'une banque coopérative, nous proposons d'éclairer les questions que pose l'articulation des logiques professionnelles et du bénévolat dans le gouvernement d'entreprise. La règle du bénévolat ne renvoie pas seulement, en effet, à l'absence de rémunération, mais à l'exercice désintéressé du contrôle sur la stratégie et les activités de la banque. L'ambition de cette étude est triple. Tout d'abord, nous souhaitons poser et argumenter la question cruciale des acteurs et de leur coordination, dans la modélisation ou la représentation de la gouvernance, qui sert d'horizon théorique à nos travaux. Dans un second temps, nous évoquerons les observations réalisées sur les pratiques et les opinions d'administrateurs d'une banque coopérative, et plus précisément sur leurs rapports avec les professionnels. Dans une troisième partie conclusive, nous relierons ces deux points en montrant comment la pratique du bénévolat est une pratique de citoyenneté et se trouve au centre d'une situation qui permet de poser, dans toute sa complexité, la question de la coordination économique par autre chose que l'intérêt et le calcul.
* Chercheur associé, université européenne de Bretagne (Brest, UBO), laboratoire ICI EA 2652. Mél. : [email protected]. ** Maître de conférences, université européenne de Bretagne (Brest, UBO), responsable du master de management des entreprises mutualistes et coopératives. Mél. : [email protected].
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Légitimité et acteurs bénévoles dans le gouvernement coopératif Cette communication s'inscrit dans un programme de recherche sur le gouvernement des entreprises coopératives. Sur la base d'un modèle général qui s'intéresse particulièrement, dans la ligne de M. C. Suchman, à la question de la légitimité, deux communications récentes sur la banque coopérative (Cadiou, Régnard, Morvan, Rousseau, 2006, et Cadiou, Régnard, Rousseau, 2006) donnent un aperçu de ce cadre de recherche et sont ici prolongées. Un élément central de ce modèle concerne la question de la légitimité du noyau stratégique de l'entreprise: quelle est la probabilité de rendre justifiables, pour les composantes de ce noyau lui-même et pour les autres parties prenantes, les choix stratégiques et les pratiques de l'entreprise? En amont ou à l'arrière-plan des choix de gestion, notre programme de recherche se propose de modéliser la façon dont peut s'établir une cohérence là où existent des intérêts multiples et de rendre compte des voies choisies pour réduire l'incertitude et renforcer la cohésion du projet. Notre modèle emprunte à M. C. Suchman (1995) une distinction entre trois modalités selon lesquelles un gouvernement d'entreprise peut viser à réussir l'épreuve de la légitimité. Celle-ci est définie comme «pragmatique» quand les choix stratégiques visent et atteignent la satisfaction des intérêts des partenaires, c'est-à-dire 1'« utilité» qu'ils recherchent. Elle est dite « cognitive» quand les moyens sont réunis de faire voir comme « allant de soi» les choix et les résultats de l'organisation. Enfin, une troisième modalité de la légitimité est dite « morale» si elle est fondée sur une appréciation de l'utilité ou de la signification sociales du projet, en référence à des normes, voire à des « valeurs ». Cette question est d'autant plus centrale dans le cas de l'entreprise coopérative que celle-ci ne repose pas sur la relation entre un management et des actionnaires, comme dans le modèle classique principal-agent (Charreaux, 1991). L'approfondissement de ce modèle intègre dans cet article les apports de 1'« économie des conventions» (Eymard-Duvernay, 2006; Thévenot 2006). Poser la question de la légitimité, n'est-ce pas en effet nous interroger
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sur la façon dont les composantes d'une banque coopérative (sociétaires, administrateurs, salariés, parties prenantes) peuvent trouver dans leurs institutions des moyens de justifier les choix et les pratiques? Rappelons que cette question a déjà été approfondie sur le terrain du Crédit mutuel de Bretagne et que les résultats de cette recherche de 1987 ont contribué à l'élaboration du modèle des « économies de la grandeur» (Wissler, 1989; Boltanski et Thévenot, 1991). Notre ambition est triple. Tout d'abord, nous souhaitons poser et argumenter la question cruciale des acteurs et de leur coordination, dans la modélisation ou la représentation de la gouvernance, qui sert d'horizon théorique à nos travaux. Dans un second temps, nous prendrons appui sur des entretiens semi-directifs conduits avec des administrateurs d'une banque coopérative pour montrer la complexité de leurs rapports avec les professionnels. Dans une troisième partie conclusive, nous relierons ces deux points en soulignant combien la pratique du bénévolat est le ressort d'une évolution institutionnelle pour l'heure de caractère utopique, mais ni plus ni moins que l'ensemble de l'économie sociale.
Gouvernance et désintéressement L'observation des banques coopératives permet souvent d'entendre des questions, ou des soupçons, voire des dénonciations croisées: le bénévolat des administrateurs ne sombre-t-il pas dans la notabilité, la passivité ou l'abus de pouvoir? Quelle est la légitimité de représentants élus par des bases parfois très étroites de sociétaires? Inversement, s'interrogent les administrateurs bénévoles, la compétence que détiennent les salariés ne les amènet-elle pas à présenter comme inéluctables les choix techniques et à vider de son contenu notre rôle « politique»? Ces questions, livrées comme elles sont entendues, montrent l'instabilité, voire une relative précarité des formes institutionnelles et des conventions. De son côté, l'économiste sera sensible aux déséquilibres potentiels du gouvernement coopératif, dès lors que managers et administrateurs s'adaptent à des incitations et mettent en œuvre des capacités d'ordres si différents. Les premiers résultats 297
d'enquête que nous avons analysés et publiés ont d'ailleurs mis en évidence la difficulté pour des administrateurs du Crédit mutuel de se représenter cet équilibre et de le pratiquer. Le bénévolat est un engagement personnel avant d'être un statut accepté. Dans les organisations de l'économie sociale, le mot fait couple avec «professionnels» rémunérés et pose d'emblée la question des modes de coordination entre les deux groupes. «Question» est le mot juste, si l'on considère avec Laurent Thévenot que la coordination des acteurs économiques n'estjamais acquise,qu'elle « reste douteuse et problématique ». Nous donnerons dans la seconde partie de multiples illustrations de 1'«inquiétude» qui affecte les administrateurs - mais pas seulement eux - quant à cette coordination. Par ailleurs, le mot « engagement », qui, dans la rhétorique militante, évoque implication, dévouement à une cause, est de fait employé par Thévenot en tenant compte de ces connotations, dans la mesure où, pour lui, il renvoie à « la dépendance aux personnes et aux choses» et «fait ressortir le gage de cette dépendance ». En d'autres termes, l'action bénévole, comme toute action, est la mise en rapport de choses, de valeurs et de personnes; elle offre toutefois la particularité de ne pas se modeler dans une logique de calcul. En disant que les administrateurs s'occupent de « politique », les acteurs des banques coopératives désignent, sans toujours la nommer ainsi, cette orientation vers la construction d'un « bien commun », ainsi que l'évoque l'étymologie de « bénévole» (benevolentia) : non pas celui « qui veut bien », mais qui « s'engage» pour le bien. Tentatives de réduction d'une bizarrerie Le retour proclamé des «valeurs» présente les banques coopératives comme exemples de conciliation entre efficacité économique, valeurs de solidarité, sens de la proximité et respect des consommateurs. Certains en concluent que ces banques ont donc tout pour réussir sur le marché, à condition qu'elles veuillent bien mettre en avant leur vertu, grâce à une communication plus offensive. L'angle mort de ce discours est son ignorance des dispositifs réels dans lesquels les bénévoles coopèrent avec les professionnels. Souvent on verra en eux une sorte de panel de consommateurs
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gratuit, qui permet à la banque coopérative de résoudre mieux qu'une autre les asymétries d'information et d'établir des conditions de la confiance. Ce passage de la représentation politique à la représentativité statistique autorise les glissements entre l'élection des administrateurs et leur« choix ». Cette ambiguïté est originaire, puisque, dès la fondation des caisses Raiffeisen, les administrateurs sont à la fois sollicités et élus, dans un jeu sur l'ambivalence de gewiilt. On verra comment cette question est un point subtil de la coordination entre administrateurs et salariés. À l'inverse, pour l'anthropologie sous-jacente à l'économie classique et à son « acteur rationnel », le statut de bénévole des administrateurs des banques coopératives peut sembler un mystère ou une incongruité. Si l'on adopte le point de vue de Becker (1968, 1976), il n'y aurait ni doute ni embarras pour interpréter le bénévolat comme une conduite économique. L'analyse coûtsbénéfices et la théorie des marchés ne mettraient pas longtemps à réintégrer dans le calcul rationnel ce qui se donne pour du désintéressement. Bonne volonté ou engagement sont en première approche peu intégrables dans un économisme littéral, mais ils le sont parfaitement du point de vue adopté par Becker. Le statut d'administrateur d'une caisse locale du Crédit mutuel n'équivaut pas toujours à un statut de notable, mais, sur le marché de la notabilité, il représenterait une valeur assez accessible, stable et peu risquée, pourvu que l'on admette que, dans l'analyse coût-bénéfice, l'output puisse être social et symbolique. Le bénévolat, clé de voûte du civisme, ne serait donc, sous ce rapport, qu'une forme du self interest du modèle économique du choix rationnel. Faut-il transposer à tout type d'acteur ce modèle de la conduite
intéressée qui fait de lui « un sujet maître de ses désirs, délié de toute valeur qu'il n'ait librement choisie et incorporée dans ses préférences, ne respectant les règles que si elles correspondent à son intérêt» (Eymard-Duvernay et al., 2006). Ce serait faire du bénévolat et de la référence à des valeurs de simples illusions, ou un voile, masquant les intérêts individuels. Sur de telles bases, les mots dans lesquels s'exprime l'identité coopérative sont piégés et objets de soupçon. La banalisation des banques coopératives pourrait bien illustrer le fait que les
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« valeurs coopératives» sont « contenues» dans une activité économique classique, au double sens du verbe « contenir» : elles s'y manifestent fréquemment, dans les rapports d'activité et les discours mobilisateurs; mais elles occupent un statut ambigu, car
d'un côté, dira-t-on, ce sont les résultats qui permettent de « faire du mutualisme» et, de l'autre, on proclamera les valeurs, mais pour « faire la différence» sur le marché. Dans cette perspective, les administrateurs bénévoles n'échapperaient pas à une sorte de schizophrénie les conduisant, comme dit Robert Musil dans
L'homme sans qualité, à « agir en commerçants et parler en moralistes» (cité par Bouveresse, 2001). Dans le cas qui nous concerne, enquêter sur les administrateurs bénévoles se réduirait rapidement à repérer comment ils font varier les différentes « mises» ou les différents capitaux investis sous la forme du bénévolat: compétences économiques rendant proche des salariés, prestige ou utilité marchande d'un capital social constitué dans cette activité, aptitudes à l'animation, aux tâches de représentation et de communication obtenues dans l'exercice de cette fonction. Un tel angle de vue permet de nommer et de donner sens à un certain nombre de situations, mais il fait totalement l'impasse sur la façon dont les acteurs élaborent normes et règles tout en les mettant en œuvre. En réalité, la coordination est une affaire complexe, voire,
comme le dit Laurent Thévenot (2006), « inquiète, douteuse et problématique ». Elle repose pourtant, de la part des bénévoles, sur un engagement, terme moral préféré par Thévenot à celui de coordination (ibid., p. 13). Il n'est pas sûr que notre modèle des légitimités respecte suffisamment cette complexité: les enquêtes de terrain que nous allons évoquer ont à rendre compte de la façon dont les acteurs produisent un point d'équilibre raisonnable pour eux, et pas seulement « rationnel », entre les trois modalités de la justification, sans jamais les figer. Comme le dit B. Reynaud (2002),« c'est l'action qui forme les règles et ce sont les acteurs qui les façonnent ». Le point délicat de notre modèle de légitimité serait d'oublier de rechercher les raisons pour lesquelles les acteurs se réfèrent à une dimension préférentielle ou selon quelles évaluations ils les pondèrent.
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Bénévolat: l'entreprise en société À travers la question des formes de légitimité, nous nous inscrivons dans les trois ambitions que se donne l'économie des conventions. Dans le courant de recherche désigné ainsi s'exprime la volonté de reprendre à frais nouveaux la conception de l'acteur économique. C'est bien là une question que le bénévolat oblige à prendre en considération. Dans la critique faite à l'instant à la tendance à tout ramener au calcul intéressé, nous voulons insister sur le fait qu'il est complexe d'appliquer à une entreprise coopérative, surtout en questionnant ses administrateurs, des critères adaptés à l'entreprise classique. La deuxième ambition est de faire apparaître que la combinaison des modalités de légitimité que l'on observe chez un sujet d'enquête ne découle pas d'une préférence calculée, mais bien plutôt d'un jugement de valeur et d'une perception d'un bien commun. La légitimité pragmatique n'est pas qu'une « préférence », mise en balance avec des effets sociaux, elle est aussi un jugement de justice ou de justesse; de même, la légitimité morale et la légitimité cognitive renvoient à une évaluation de ces deux dimensions, réunies dans un discours cohérent, qui articule responsabilité sociale et efficience. Il y a une morale du cognitif comme il y a une vérité des valeurs, si l'on suit Raymond Boudon (1988, 2002, 2003), et la rationalité ne s'oppose pas à un « reste» qui serait subjectif. Il faut donc recourir à autre chose que le marché ou la logique des intérêts - c'est la troisième ambition de 1'« économie des conventions» - pour comprendre la coordination d'acteurs aussi différents que des bénévoles et des professionnels. Il y a coordination si les acteurs sont d'accord sur la justesse des actions; à travers justifications et critiques, les acteurs ne cessent de créer les conditions de la vie en commun. Ils ne font pas qu'identifier et admettre des contraintes, ils sont mobilisés par ce qu'ils appellent des valeurs et posent des choix raisonnables sur lesquels s'entendre, et pas seulement en fonction d'une cohérence entre moyens et buts, mais en fonction d'exigences de justice et de démocratie. Si le bien que recherche le bénévole n'est pas réductible à un optimum économique ou à une préférence individuelle, mais
vise un « bien commun », le bénévolat n'est pas autre chose qu'une façon de faire entrer l'entreprise en société, de l'y « encastrer ». 301
La seconde partie va maintenant présenter les résultats d'entretiens qui font apparaître que les conventions coordonnant bénévoles et professionnels résultent de traditions, ne contiennent jamais de preuve éclatante de réussite et sont en permanence en discussion ou élaboration.
Tensions et conventions: la difficile coordination entre bénévoles et professionnels L'analyse des points de vue croisés des bénévoles et des professionnels que nous présentons a deux sources. Elle se réfère, rappelons-le, au Crédit mutuel de Bretagne (I). Sa première source est l'expérience qu'a accumulée l'un d'entre nous comme salarié de cette entreprise durant vingt-cinq ans. L'autre est une mise en forme de cette expérience diffuse: elle consiste en une enquête systématique auprès, d'une part, de vingt-cinq administrateurs de caisse locale et, d'autre part, de vingt-cinq directeurs de caisse. Ces cinquante personnes ont été choisies au hasard. Les entretiens semi-directifs s'ouvraient sur la consigne: «Racontez-moi la collaboration entre administrateurs et directeur de la caisse. » Ils comprenaient trois relances constantes: comment et pourquoi devient-on administrateur? (Variante pour les directeurs: comment sont repérées les personnes à qui l'on propose de se présenter comme administrateur?) En quoi consistent les contributions du conseil au développement commercial de la caisse? Que signifie enfin, pour les salariés et pour les administrateurs, la « différence mutualiste» ? Est-elle visible pour les sociétaires? Quoique ayant été conçus et réalisés deux ans avant la réflexion ici exposée, ces entretiens se prêtent à comprendre le caractère problématique de la coordination des bénévoles et des professionnels. Cette coordination est problématique parce qu'aucune des (1) Le Crédit mutuel de Bretagne (CMB par la suite) est l'une des dix-huit fédérations du Crédit mutuel. Il a pour marché les quatre départements de la Bretagne, où il compte 1,6 million de clients (dont plus d'un million de sociétaires) et 228 caisses locales. Intégré au Groupe Arkéa, qui réunit trois fédérations du Crédit mutuel et leurs filiales, le CMB gère en octobre 2007 environ 30 milliards d'euros de dépôts (banque, assurance, valeurs mobilières) et un encours de crédits de 15 milliards.
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conventions autour desquelles elle semble pouvoir s'articuler ne propose des dispositifs suffisamment stables et clairs.
Représentants « civiques» ou représentants « marchands» ? Les différents régimes d'action des bénévoles dominés par la convention marchande Les termes de l'interrogation ne sont pas une opposition ni même une alternative. Dans la définition qu'ils donnent de leur rôle ou de leur raison d'être, les administrateurs procèdent à un glissementde « représentants et porte-parole des sociétaires» à « représentants ou informateurs du CMB »... au service de son efficacité commerciale. Ce glissement est puissamment favorisé par l'attitude et l'influence des directeurs de caisse, on le verra plus loin, mais la polysémie du mot « représentant» est bien illustrée par les extraits d'entretien suivants: « Ici, nous sommes dans une caisse rurale très ouverte sur l'agriculture et la pêche. On connaît la moralité des gens, on a une connaissance des familles, du patrimoine, des gens et de leur ardeur au travail. On a toujours un rôle de représentants»; « On a un rôle moral auprès des sociétaires, on est les représentants des sociétaires, élus parce qu'on a des valeurs fortes... » ; « Le rôle de l'élu est d'apporter des informations,. c'est un moyen de récolter de l'épargne, d'être à l'écoute de ce qui se passe dans le pays. » Ces expressions se comprennent encore mieux si l'on découvre que la mission des administrateurs est retraduite par eux, sans tension, comme un échange: un carnet d'adresses contre une initiation à la banque. Les connaissances techniques de certains administrateurs sont une ressource, un appui pour la légitimité et, dans la coordination avec les salariés, elles permettent de remplir véritablement un rôle de représentant des sociétaires. Inversement, la façon concrète de pratiquer le rôle d'administrateur est plus éloignée du modèle « militant» que l'usage fréquent du mot « bénévole» peut le laisser prévoir. Le conseil d'une caisse locale apparaît en effet comme un lieu où le directeur rend compte d'une activité, et donc plutôt un conseil de surveillance. La vie du conseil est décrite comme une prise
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d'information qui permet de comprendre les orientations décidées « en haut»: « Tout est décidé à l'avance, mais c'est normal, il
faut un canevas, sinon ce serait le chaos. » Tout cela fait l'objet de débats récurrents qui opposent, d'un côté, la satisfaction que l'on retire d'une situation familière et routinière, où les personnes agissent selon des habitudes communes, et, de l'autre, la volonté de contribuer à une action qui se différencie vraiment de celle de l'entreprise et qui, dans son ordre, déroule un plan et un projet. La première attitude est présente chez ceux pour qui le bénévolat est l'offre gratuite d'une présence; elle est contestée par ceux pour qui le bénévolat est une action justifiable dans l'ordre civique. Ces constats s'enchaînent en outre très régulièrement avec des propos désabusés sur la « banalisation» qui fait du CMB une banque comme les autres et qui transforme les sociétaires en consommateurs individualistes. L'expression du mutualisme est de ce fait rendue très difficile d'après les administrateurs. En disant que les administrateurs sont définis comme des intermédiaires, on serait proche de ce que veulent exprimer les directeurs de caisse, mais cette vision est à comparer avec les statuts officiels qui font des administrateurs, parfois au grand dam des salariés, les superviseurs de la gestion et la véritable autorité dans la caisse. Il est donc intéressant de constater que tous adoptent sans problème, au contraire, une représentation courante dans la tradition orale de la banque coopérative et qui comporte deux versions: l'une portée par les administrateurs, aux termes de laquelle ceux-ci représentent les intérêts des sociétaires et sont donc les garants d'orientations qui mettent l'entreprise au service de ses usagers; l'autre qui est portée par les salariés et fait des administrateurs des apporteurs d'informations sur la vie locale ou même d'adresses de futurs clients. Quand ils évoquent le rôle des administrateurs, les salariés le décrivent d'emblée, dans leur grande majorité, en termes de contribution au développement commercial. D'autres dimensions ne sont pas totalement ignorées pour autant, mais elles se rangent plutôt dans le rayon du social ou des « œuvres de bienfaisance»: « Le conseil m'apporte une connaissance du terrain que je n'ai pas, car je suis nouveau ici. Ce sont des gens qui connaîtront toujours
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mieux le terrain que nous» ; « Ils apportent des informations sur les entreprises, les zones qui vont devenir constructibles, la vie locale. » Cette dimension du bénévolat est décrite tantôt comme une réalité, tantôt comme une cible souhaitable mais non atteinte, parfois encore comme la réalité prépondérante ou même la seule visible. Dans ce dernier cas, les directeurs, notamment, comparent explicitement cette situation avec les statuts de la caisse, qui effectivement parlent de tout autre chose: «Le président assure l'exécution des décisions du conseil d'administration et le fonctionnement régulier de la caisse» (statuts, art. 17); « Le directeur est chargé sous l'autorité du président d'assurer la gestion courante de la caisse» (art. 18).
Des dispositifs fonctionnant sur le non-dit plus que sur le consensus La quasi-totalité des directeurs de caisse voient clairement ce type de contribution au moins potentiel, mais plus d'un sur deux se plaint du manque d'implication des élus. Le reproche le plus fréquent concerne le manque de spontanéité de l'apport d'informations: il faut, aujourd'hui, solliciter ce qui, autrefois, était plus fréquent et naturel. Soulignons que ce reproche va systématiquement de pair avec la critique du non-renouvellement des membres du conseil, en clair, avec une certaine routine et une fermeture du conseil. Dans leur ensemble, et même si des exceptions individuelles sont citées, les directeurs doutent que les administrateurs, comme corps, soient capables de renouveler leur mission. Il apparaît clairement dans leurs propos qu'ils expliquent à leurs conseils des évolutions bancaires inéluctables; qu'ils parviennent à les y faire adhérer, mais que, si l'on ose dire, le mouvement des bénévoles suit l'entreprise. Pour les plus critiques ou sceptiques, la racine du problème serait la confusion entre « mutualisme» et tabou de la rentabilité. Ensuite, la rareté des compétences techniques empêche les administrateurs d'être réellement décideurs en matière de crédit. La délégation faite aux salariés est très large et le comité de crédit ne voit que « les dossiers particuliers », 305
en clair ceux sur lesquels les directeurs ont « des doutes », ceux qu'ils ne « sentent» pas. L'une des évolutions les plus récentes du fonctionnement des conseils d'administration consiste précisément à n'examiner que les cas difficiles et à déléguer complètement la décision de crédit aux salariés. Le recours aux administrateurs est fondé sur leur connaissance des personnes et la conviction que tout n'est pas financier dans les décisions à prendre. Deux dimensions se croisent et se complètent: la connaissance des situations particulières permet aux administrateurs de parfaire l'information des directeurs, en leur servant en outre de quasicouverture; et d'un autre côté, c'est sur cette information que repose la capacité à « faire du mutualisme» en intervenant sur des situations particulières. Le corrélat d'un rôle de surveillance et de porte-parole des consommateurs, c'est, bien entendu, la délégation très large faite aux directeurs. Cela étant posé, il reste à définir un rôle positif aux administrateurs. L'image d'une courroie de transmission paraît s'imposer: informateurs sur l'environnement et les clients potentiels, les administrateurs sont aussi définis comme porteurs de messages pour les sociétaires; ils doivent ainsi rendre positifs et compréhensibles les changements profonds qui affectent la caisse locale dans son agencement et l'organisation de l'équipe de travail. Les directeurs conviennent, bien sûr, que les conditions d'exercice de cette mission ont profondément changé.
L'évolution du mutualisme: œuvre sociale qui englobe la banque, puis la complète et enfin se dilue Les administrateurs interrogés éprouvent une grande difficulté à définir avec précision le « caractère mutualiste ». Les termes les plus fréquents sont « proximité» et « écoute », qui selon eux caractérisent une façon originale de faire de la banque, et donc avant tout le modèle dans lequel doivent s'inscrire les salariés. Puis viennent très fréquemment les termes « solidarité» et « entraide », qui introduisent un discours sur le refus d'exclure, sur l'attention aux gens en difficulté. Quelques-uns synthétisent en parlant d'une «
entreprise sociale et humaine»
qui doit ces caractéristiques
à la
présence des administrateurs. Mais un sur trois, tout en ne déniant pas le caractère ou les valeurs mutualistes, insiste d'emblée sur 306
le fait que le CMB est « une banque comme une autre », à travers ce qu'elle vend et ses contraintes de gestion. Si l'organisation est évoquée, et donc la« gouvernance », c'est pour décrire l'originalité de l'institution en termes de tension féconde entre l'entreprise et le mouvement. Des impératifs matériels d'un côté, des valeurs et un « esprit» de l'autre. L'activité de crédit, notamment parce qu'elle est ou a été, à l'origine, appuyée par la connaissance des sociétaires par les
administrateurs, est parfois (rarement)présentée comme « une aide»: aux jeunes couples, aux gens qui n'ont pas d'argent devant eux, aux « sociétaires qui ne rentrent pas dans les limites ». « [En devenant administrateur,] ce qui m'intéressait, ce n'est pas trop le plan financier. Ce qui m'a plu, c'est le social, c'était les dossiers de crédit, on aidait la population. » Sous une deuxième forme ou dans un deuxième temps, l'activité d'octroi des crédits est présentée comme une affaire de banquier qui connaît et qui calcule son risque. Toutefois, il se peut que le « banquier» en question soit intéressé de s'appuyer sur la décision des élus dans quelques cas « limites» (<
délégation fonctionne complètement
(<< Les
élus sont un peu
les perdants »). Le mutualisme apparaît alors sous la forme de voiture-balai qui traite les emprunteurs en difficulté et maintient des valeurs de solidarité, qui compensent la froideur bancaire. Mais les tensions évoquées portent sur deux points: d'une part, celui qu'évoque la citation précédente et qui atténue beaucoup l'idée de spécificité; de l'autre, celui qui concerne la réalité du fonctionnement démocratique de l'organisation. Ici, ceux « d'en haut» - les administrateurs exerçant des responsabilités régionales - sont pris à partie pour leur « carriérisme» et ceux « d'en bas» revendiquent le droit d'obliger « la direction générale» à « composer»: mais «peut-être que ce sont les administratifs qui ont placé volontairement ces personnes aux responsabilités régionales ». Les « choses» dont s'occupent les administrateurs ont bien des contours: ordre du jour des conseils, dossiers de crédit, assemblées
307
générales, sociétaires en difficulté. .. Mais le récit qui est fait du traitement de ces « choses» donne très souvent l'impression que celles-ci leur sont prêtées, qu'ils n'en sont pas tout à fait maîtres ou qu'ils les voient d'assez loin. Bref, le formalisme et la convivialité pourraient masquer le flou des contenus et la mauvaise qualité des dispositifs sur lesquels s'appuie l'engagement. Si l'affaire est entendue et que les sociétaires viennent ou demeurent fidèles, non pas pour le mutualisme, mais pour des salariés qui en ont « l'état d'esprit» et pour des prestations bancaires, une relance sur le statut coopératif évoque brutalement les élus bien oubliés. La moitié des directeurs seulement y voient un avantage commercial. Un sur six est même franchement réticent: «
Le rôle des administrateurs rendra méfiantes les entreprises qui
veulent emprunter,. les parts sociales, c'est incompréhensible, le mot coopératif est l'antithèse de l'efficacité économique. » « Le mutualisme bancaire n'existe pas. »Les directeurs parlent à partir d'une entreprise qui a des objectifs et dont les opérations quotidiennes sont entièrement prises dans une logique marchande.
Du mutualisme des fondateurs il ne doit rester que l'esprit: « Nous ne sommes pas une ONG, une association humanitaire, une assistante sociale, la Sécurité sociale. » Le signe de l'efficacité, c'est que l'on puisse être « proche» tout en ayant une réussite financière. Qu'en interne on soit humain, c'est une chose nécessaire, mais c'en est une autre plus contestable que de le clamer sur les toits, au risque de « récupérer tous les clients à problèmes du quartier ». Et il est hors de question de reconstituer l'époque où les administrateurs régentaient l'octroi de crédit. En résumé, semblent penser les directeurs, si dimension sociale il doit y avoir dans le mutualisme, c'est l'affaire exclusive des administrateurs; nous, salariés, pratiquons de façon moderne le mutualisme dans la relation commerciale.
Perspectives et questions Ce que cette seconde partie décrit et illustre, c'est que, pour être actives, les conventions qui existent entre salariés et administrateurs bénévoles réclament de la part de ces derniers des 308
capacités, mais surtout des dispositifs pertinents. Les conventions qui permettraient aux administrateurs de se penser plus clairement comme acteurs appellent un travail d'explicitation à frais nouveaux. Cette requête est claire dans la plupart des entretiens, et le conseil fédéral du CMB a lancé sur cette question une réflexion qui vient d'aboutir en septembre 2007. L'enjeu est de faire que les dispositifs dans lesquels les administrateurs bénévoles agissent s'adaptent aux transformations liées à l'autonomisation de l'entreprise dans ses logiques financière et commerciale. Il ne faut pas sous-estimer la difficulté pour les administrateurs de passer d'un régime de familiarité dans lequel la disponibilité permettait d'exercer un rôle traditionnel de « patronage» à un régime dans lequel la définition du« bien commun» est menacée d'être débordée en permanence par les seuls impératifs financiers. Parce qu'ils sont bénévoles, les administrateurs de la banque coopérative donnent à l'articulation entre management, actionnaires et parties prenantes un contenu différent de ce qui s'observe dans l'entreprise classique. Certes, la seconde partie a montré combien la coordination est complexe et combien les institutions sont parfois à la limite de la démotivation. Mais l'entreprise coopérative ne peut se ramener à l'articulation d'intérêts. Sans entrer dans le détail du débat, la conception de l'entreprise comme institution trouve quelque fondement au regard de ce qui se passe dans une banque coopérative. Certes, l'action des administrateurs bénévoles est complexe, voire paralysée, dominée par la légitimité pragmatique qui écrase les autres échelles d'évaluation. Mais la coordination de logiques et d'acteurs aux contenus et aux capacités très différents y est obtenue par d'autres voies que la subordination, les rapports de force ou les compromis d'intérêts. Elle repose bien plus, comme tente de le montrer l'économie des conventions, sur le triptyque suivant: La capacité pour les individus de comprendre et d'interpréter
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des situations et des conduites: la présence des administrateurs bénévoles oblige les dirigeants salariés à expliquer, à traduire et à motiver les choix techniques. Avec eux ils ont des autorités dont les évaluations qui hiérar-
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chisent les choix et les comportements reposent sur autre chose que leur intérêt propre, mais ceux des sociétaires, d'un territoire. ..
309
.
Le jugement partagé (bien commun) qui en résulte n'est pas que l'agrégat des préférences individuelles, mais implique des objets, des dispositifs reconnus par tous comme bien fondés. Au lieu donc de partir d'un individu calculateur, que le marché ou une organisation oblige à composer avec d'autres, nous interprétons l'action bénévole à partir des institutions qui rendent possible une action raisonnable pour des acteurs qui communiquent et évaluent, qui communiquent pour évaluer. Loin d'être une curiosité qui dissimule des intérêts ou qu'il faut « rendre utile », le bénévolat fait naître, en principe, des dispositifs où l'impératif de justification n'est pas de nature purement pragmatique. Détaché de l'actionnariat, le rôle des administrateurs peut se déployer comme celui de porte-parole des sociétaires, justifier l'efficacité économique de sa banque au nom du bien commun régional, de la création d'entreprise ou de l'aide à l'insertion, par le microcrédit. Nous énumérons là les thématiques fréquemment mises en œuvre pour fonder les choix stratégiques. Laurent Thévenot conclut Lesformes de l'action (2006, p. 238) en évoquant des modèles parents du sien et qui partagent sa triple ambition: partir de l'acteur individu, prendre en compte la pluralité des logiques d'action ou des régimes d'engagement et, enfin, comprendre comment les individus agissent sur l'histoire et les institutions. Récapitulant ses analyses, il emploie pour définir l'action une expression que Hannah Arendt aimait utiliser pour
caractériser la vie: l'action de l'individu est « une façon d'être humain parmi d'autres»;
Arendt, à la pensée de qui nous allons
articuler nos réflexions finales, se référait à l'adage romain
«
Inter
homines esse ». L'engagement qui ne va pas sans mise en gage vise, selon Thévenot, à faire d'une dépendance un pouvoir, non pas selon la forme d'un simple renversement des termes, mais dans le
souci de « faire un monde commun ». L'administrateur bénévole n'est pas seulement celui qui manque de capacités techniques, il est celui que l'institution dote des capacités à orienter le bien commun, à prononcer un jugement de valeur. Dans La condition de ['homme moderne (1983), Hannah Arendt propose sa distinction bien connue entre travail, œuvre et action, que l'on peut traduire: produire pour consommer, créer
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du durable, agir pour un monde commun. L'administrateur bénévole d'une banque coopérative réalise peu de choses, il ne s'inscrit pas dans un processus de production de service. Gardien du principe d'impartageabilité des réserves, il contribue à inscrire l'activité économique dans la durée et non dans la mobilité des capitaux. Surtout, il crée et anime une « vie coopérative» qui vise à constituer une démocratie participative. On a vu avec quelles hésitations. Mais la réanimation (ou la« reconquête ») du sociétariat, qui est l'horizon très actuel des banques coopératives, même si elles portent en elles des vertus de fidélisation (de loyalty, dans le vocabulaire d'Hirschmann) de la clientèle, pointe vers un objectif sans doute utopique défini par Hannah Arendt quand elle écrit: « Le monde d'objets fait de main d'homme [...] ne devient pour les mortels une patrie dont la stabilité résiste au mouvement toujours changeant de leurs vies et de leurs actions, que dans la mesure où il transcende à lafois le pur fonctionnalisme des choses et la pure utilité des objets produits pour l'usage» (p. 194). Cet horizon demeure largement utopique au vu des hésitations et des malentendus décrits dans la seconde partie. Cette interprétation ne manque pas de validité. Mais elle demeure partielle. Certes, le travail des administrateurs apparaît plutôt à la marge. L'œuvre solide dont ils accompagnent le développement semble leur échapper, prise en main qu'elle est par des professionnels et encadrée dans des règles de marché. Leur action pourrait passer pour une énigme. Mais la description la plus précise possible des cercles peu vertueux - dont cet article est une tentative - est sans doute le premier pas de leur transformation en spirales.
311
Bibliographie Arendt Ho, 1983, La condition de l'homme moderne, trad. fr., Calmann-Lévy. Becker Go, 1968, « Crime and punishment: an economic approach », Journal ofpolitical economy, 76(2), p. 169-217 Becker Go, 1976, The economic aproach to human behaviour, Chicago University Press. Boltanski L. et Thévenot L., 1991, De la justification, les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, « Essais ». Boudon R., 1988, « L'acteur social est-il si irrationnel (et si conformiste) qu'on le dit? », in C. Audart et al., Individu et justice sociale, Ed. du Seuil, p. 219-244. Boudon R., 2002, Déclin des valeurs, déclin de la morale? PUP. Boudon Ro, 2003, Raison, bonnes raisons, PUP. Bouveresse J., 2001, L'époque, la mode, la morale, la satire, Agone. Cadiou C., Régnard Y., Morvan J., Rousseau Ao,2006, « Le gouvernement de l'entreprise mutualiste, essai de positionnement à partir d'un modèle intégré », communication aux XVIIIe, Journées nationales des IAE, Montpellier, 3 et 4 avril, 17 pages. Cadiou C., Régnard Y.,Rousseau A., 2006, « Légitimité du gouvernement coopératif: les pratiques de légitimation du Crédit mutuel », communication au colloque Rulescoop, Brest, mai. Charreaux G., 1991, « Structure de propriété, relation d'agence et performance financière », Revue économique, mai, p. 521-552. Eyrnard-Duvernay P. (sous la dir. de), 2006, L'économie des conventions, méthodes et résultats, 2 vol., Paris, La Découverte. Eyrnard-Duvernay E, Favereau O., Orléan A., Salais R. et Thévenot L., 2006, « Valeurs, coordination et rationalité: trois thèmes mis en relation par l'économie des conventions », in Eymard-Duvernay P. Reynaud B., 2002, The practical knowledge of operating rules, Londres, Macmillan. SuchrnanM.c., 1995,« Managing legitimacy: strategic and institutional approaches », Academy of Management Review, 20(3), p. 571-610 Thévenot L., 2006, L'action au pluriel, sociologie des régimes d'engagement, La Découverte. Wissler A., 1989, « Les jugements dans l'octroi de crédit », in Boltanski L. et Thévenot L., Justesse et justice dans le travail, cahier du CEE, na 33, PUP.
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Coopération, participation et climat social: un enjeu de santé pour les salariés Patrick Guiol* et Jorge Munoz**
La présence de pratiques participatives et l'ouverture de la direction de l'entreprise au dialogue social génère un climat qui n'est pas sans effet sur la santé des travailleurs. Si l'étude a retenu le critère de la gouvernance effective de préférence au statut juridique de l'entreprise, il va sans dire qu'au titre des entreprises sélectionnées dans la catégorie des « participatives» figurent des Scop. L'article montre d'abord dans quelle mesure une gestion autoritaire des ressources humaines et un mauvais climat social ont un impact sur la santé des travailleurs, notamment dans le registre des pathologies à composante anxio-dépressive. À cette occasion, il confirme combien la question de la reconnaissance apparaît, une fois de plus, centrale. Il s'attache aussi à distinguer au sein de ces mêmes résultats les particularismes des entreprises coopératives. À condition que les professionnels de santé en saisissent la singularité, le secteur de l'économie sociale institué peut s'avérer un bon modèle pour l'orientation des politiques de santé publique.
* Chargé de recherche CNRS au Centre de recherches sur l'action politique en Europe (Crape). Mél. : [email protected]. Maître de conférences en sociologie à l'université de Brest, délégation CNRS Crape. ** Mél. : [email protected].
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a santé des salariés au travail représente un enjeu auquel la vocation sociétale de la coopération ne saurait se soustraire (I). Les politiques de santé publique se montrent en France, à l'instar des autres pays occidentaux, toujours plus sensibles à l'approche environnementale et à son corollaire, la prévention. Si les dernières décennies ont permis de voir émerger une multitude d'études montrant une dégradation tendancielle de l'état de santé des salariés en raison, notamment, de l'intensification du travail, et si ces travaux ont montré que cette dégradation se décline de manière très diversifiée en fonction du secteur, du statut socioprofessionnel de la personne ou de son sexe, ceux-ci restent assez silencieux, en revanche, sur une variable de la plus grande importance pour l'éthique coopérative, à savoir les formes de pouvoir que traduisent les politiques de gestion de l'entreprise et la nature de la direction du personnel. En effet, selon qu'elles accordent une place assez large aux techniques de motivation du personnel en privilégiant la concertation et l'intéressement, c'est-à-dire la participation, ou, au contraire, qu'elles s'appuient sur une conception autoritaire de la hiérarchie, l'impact sur le psychisme du travailleur ne sera pas nécessairement le même. La question de la participation des salariés à la gestion de l'entreprise peut donc être une excellente variable de modulation des effets des conditions de travail. L'Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail en admet depuis peu le principe. Parmi les conditions déterminant le risque de stress au travail,
L
a-t-elle
récemment
affirmé,
«
la participation
insuffisante
à la prise
de décision et le manque de contrôle sur le travail font également partie du contexte et peuvent être considérés comme un problème d'organisation plus général ». On sait que nombre de facteurs psychosociaux, comme les conflits de rôles, l'ambiguïté ou l'imprécision de la définition des responsabilités au sein de l'organisation, les relations interpersonnelles délétères, l'isolement social ou physique et les mauvais rapports avec les supérieurs, sont autant de causes de stress au travail (Légeron, 2003). Or, ces caractéristiques
(1) Cette contribution est une version condensée d'un article publié dans la Recma : P. Guiol et J. Munoz, « Management, participation et santé des salariés: des médecins et des salariés parlent », Recma, n° 304, mai 2007, p. 76-96.
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appartiennent au contexte du travail et non au contenu du travail. Considérer le mode de gestion du personnel comme un facteur révélateur des disparités de santé s'avère, en conséquence, fondé. Les entreprises coopératives se trouvent interpellées par cette problématique dans la mesure même où leur projet se caractérise, notamment, par la participation des salariés. Comme on va le voir, il est possible d'aborder les questions de la pénibilité au travail sous ses différentes formes à partir d'une problématique collective qui positionne l'angle d'approche par rapport à la dimension managériale et à la politique de ressources humaines de l'entreprise. Ce que Karasek (1990) a montré d'effets négatifs pour la santé d'un individu du fait d'une déficience de l'autonomie décisionnelle fortement ressentie par celui-ci et ce que Dejours (1993) a montré des effets tout aussi préjudiciables de la non-reconnaissance qu'éprouve l'individu dans son travail peuvent trouver une explication en amont de nature collective et non personnelle, dans les mécanismes au niveau des logiques institutionnelles, à savoir le type de management de l'entreprise. Les résultats exposés dans ce chapitre sont issus d'une enquête auprès d'une population de médecins du travail (MT) jouissant de l'autorité nécessaire pour témoigner d'un tel impact. Conjointement, l'étude s'appuie sur l'analyse d'un échantillon de plus d'une centaine d'entreprises similaires par paires, mais scindées en deux groupes opposés par le type de management: participatives et autoritaires. Il s'avère que la présence de pratiques participatives et l'ouverture de la direction au dialogue social génèrent un climat qui n'est pas sans effet sur la santé des travailleurs. Si le critère de la gouvernance effective a été retenu de préférence au statut juridique de l'entreprise, il va sans dire qu'au titre des entreprises sélectionnées dans la catégorie des « participatives» figurent des Scop. Les formes de pouvoir ne sont, en effet, pas indifférentes. Les plus ouvertes d'entre elles renvoient aux règles de fonctionnement démocratique pour développerdes activitésmarchandes et rejoignent en cela les caractéristiques inhérentes à l'économie sociale, qui propose un modèle de l'homme au travail respectueux de ces principes tout en étant animé par une éthique de l'impact social. 315
Trois leçons essentielles seront évoquées après un rapide préliminaire méthodologique. La méthode des « cas témoins» Pour comparer les effets respectifs d'une gestion participative ou autoritaire de l'entreprise - considérée comme environnement psychosociologique au travail-, on a eu recours à un classique de l'enquête sanitaire: la méthode des « cas témoins ». Dans le cas de figure examiné ici, deux populations d'entreprises sont distinguées à travers leur culture et le type de relation d'autorité dans les processus décisionnels. L'étude y considère la place dévolue à l'apporteur de travail. Cette place, caractérisée par l'admission du salarié ou, à l'inverse, son exclusion à toute forme de contribution à la marche de l'entreprise, renvoie à la distinction entre présence ou absence d'un mode plus ou moins coopératif ou participatif et codécisionnaire de management. Lors de précédents travaux, nous avions établi avec une méthode similaire que la gestion du personnel peut façonner ou encadrer certains comportements qui ne se limitent pas à la sphère du travail. Ainsi avions-nous mis en lumière l'existence d'un « effet participation» dans la détermination des opinions et des comportements (sociaux, culturels, syndicaux, politiques, etc.) des salariés dans et hors l'entreprise en fonction de leur environnement relationnel au travail (Guiol, 2000). De telles incidences extra-économiques sont d'autant plus intéressantes à observer qu'elles ne sont ni prévues ni recherchées comme telles dans les entreprises capitalistes par les auteurs de ces techniques de management dont l'objectif est tourné exclusivement vers l'accroissement de la productivité. Cet (2) « effet de bord» agit-il également sur la santé ? Tel est donc le questionnement des lignes suivantes. Des présomptions existent déjà sur l'effectivité d'incidences de cette nature, repérées plutôt jusqu'à présent davantage sous forme d'effets pervers à imputer aux accroissements de stress observés
(2) Cet effet a été déjà souligné en termes de prévention des accidents du travail. Un management davantage participatif permet une réelle baisse du taux de fréquence. Cf. Marcel Simard et Alain Marchand, 1995.
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dans les situations où une responsabilisation excessive pèse sur un salarié, généralement un cadre moyen. Mais, par-delà ce genre de situations individuelles extrêmes, nous nous attacherons ici aux distinctions globales de management où, à l'inverse, nous disposons d'indications de nature différente grâce à la thèse d'un chercheur britannique effectuée en Italie du Nord, lequel explore les incidences bénéfiques d'un environnement « égalitaire» imputable à un fort tissu coopératif (3).Plus récemment, les travaux réalisés par Lorenz (2005) et Valeyre (2007) montrent clairement une différence flagrante entre les modes de management et surtout de participation des salariés. Un protocole d'enquête - en trois temps - a permis de croiser sources et indicateurs. D'abord, une confrontation à l'expérience des professionnels par un relevé du vécu de 234 médecins généralistes; ensuite, une analyse comparative selon la méthode
des « cas témoins ». Elle oppose ici, sur la base d'une variable isolée (le type de management), deux échantillons d'entreprises suffisamment contrastés sur ce seul paramètre, mais par ailleurs similaires en tous points (secteur d'activité, taille, implantation). L'élaboration de ces échantillons a été menée avec la collaboration des inspections du travail et des centrales syndicales. Avec, aussi, le support d'un questionnaire d'identification pour chaque entreprise comprenant vingt-cinq questions fermées sur critères objectifs, douze questions fermées sur critères subjectifs (analyse réputationnelle) plus une question ouverte de libre expression permettant aux délégués syndicaux de préciser leurs avis sur les directions des entreprises (4).Ce second temps « comparatif» mobilisera également un panel de médecins du travail (MT)
(3) David Erdal, 1999. Sa méthode a consisté à comparer les statistiques disponibles de deux zones géographiques d'Italie du Nord situées de part et d'autre de Bologne, une commune emblématique pour son fort tissu coopératif, sans doute le plus dense d'Europe après la vallée de Mondragon, au Pays basque espagnol, Imola et une autre d'industrialisation semblable, mais sans particularisme coopératif, Faenza, chacune de ces communes représentant environ 60 000 et 80 000 habitants. (4) Au final, afin de respecter l'exigence d'équilibre entre entreprises de managements opposés, mais similaires par la taille et la spécialité ou la branche, 128 entreprises (35 000 salariés) ont été retenues sur une présélection de plus du double.
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sélectionnés pour leur exercice dans lesdites entreprises, puis interrogés par questionnaire. Cette phase essentielle - objet du présent chapitre - a ensuite donné lieu à une vérification statistique, car bien que considérés comme suffisamment « autorisés », ces témoignages et avis émis n'en demeurent pas moins restreints aux limites d'un sondage d'opinion. Les données santé mises à disposition par la Cram sur la base de ces mêmes échantillons sont donc venues contrôler, et confirmer, leur expérience professionnelle. Cette stratégie méthodologique - que l'on peut qualifier de « combinatoire» - a donc consisté à réunir sur un même outil un ensemble de techniques d'enquête permettant, étape par étape, une progression dans la construction des indicateurs.
Des médecins du travail unanimes sur l'impact du climat social Première question: quelle vision les médecins du travail pouvaient-ils avoir des modes de gestion, d'une part, et de leur degré de «nocivité» pour la santé des salariés, d'autre part? Allait-elle conforter ou infirmer nos hypothèses de départ? Affirmation d'une différence dans la gestion des ressources humaines et graduation des niveaux psychopathogéniques Pour saisir la perception que les MT portent à l'impact des modes opposés de direction des ressources humaines, on a d'abord cherché à évaluer la classification « psychopathogénique » qu'ils attribuent à chacun de ces modes. Précaution élémentaire, il leur a été demandé au préalable s'ils avaient rencontré au cours de leur carrière professionnelle des différences flagrantes dans les gestions du personnel. Leur expérience du terrain ne laisse aucun doute: à l'unanimité (98,8 %), les MT ont répondu avoir été confrontés à des univers contrastés, voire opposés, dans la manière de gérer les hommes au sein de l'entreprise. Ils sont donc convaincus de la variété des modes de direction des ressources humaines. Quant à savoir si cette variété se traduit par une différence d'incidences sur la santé, ils se sont prononcés à travers la question suivante: « Si vous exercez dans plusieurs entreprises, 318
pouvez-vous établir un lien entre les psychopathologies et la gestion du personnel? » En cas de réponse positive, une échelle graduée de 1 à 10 leur était présentée afin de positionner leur avis relatif au degré psychopathogénique de chaque nature de gestion (ventilée en six catégories, de la plus autoritaire à la plus participative et coopérative). À la question, 65 % des MT ont répondu « oui ». Quant aux avis suivants, leur regroupement en deux pôles extrêmes aboutit au graphique 1 (en page suivante). La courbe à traits discontinus (reliant les ronds) représente les réponses effectives de 65 % des MT concernant les entreprises à management autoritaire. La droite en gras représente le trend de la courbe, c'est-à-dire la tendance linéaire calculée en fonction des résultats cumulés à partir des réponses relatives au mode de management directif. Cette droite indique l'orientation générale. On constate aisément que les réponses données par les MT suivent et dépassent à deux moments la tendance. La situation apparaît totalement inversée à la lecture des réponses relatives aux entreprises à management participatif. En effet, la courbe en pointillés (reliant les triangles) trace plutôt une figure symétrique. Quant à la droite à trait fin qui en représente le trend, elle illustre une tendance suggérant une moindre prédisposition psychopathogénétique à mesure que le management s'ouvre au dialogue participatif. En tous les cas, la situation apparaît diamétralement opposée à la précédente. Les MT se montrent, par conséquent, conscients d'une manière remarquablement homogène des liens éventuels que la question laissait présager entre un certain mode de gestion des entreprises et un degré de psychopathologie. Reste à savoir par quel cheminement ils établissent ce genre de relation entre une forme d'organisation du travail, une forme de gestion du personnel et les conditions de travail? Prudence à établir une correspondance entre gestion et climat social S'ils sont unanimes à reconnaître l'impact du climat social, les MT sont pourtant plus réservés à établir par eux-mêmes la connexion entre climat social et modes de gestion. Malgré les 319
Graphique 1 Classement des médecins du travail du degré psychopathogénique 50
.'. ..47
£45
. .'.' .
40 JJi.'
:40
30 20 20 10
o 3
4
5
_
.10 --8--
Très directive et autoritaire
_
Très participative coopérative
6 Linéaire (très directive et autoritaire) Linéaire (très participative coopérative)
NB: les deux courbes représentent. au .<einde chacune des deuxfamilles de management. le nombre de eitations pour chacun de,. degrés de l'échelle de prédisposition psychopathogénique (le degré le plus faible étant 0, et le plu., fort, JO). RéJultat éloquent: le degré le plus eité du côté partieipatif est le 3 et, du côté autoritaire, le 8.
affirmations précédentes, ils font preuve à cet endroit d'une prudence que l'on décèle par le taux élevé des non-réponses.
Selon que le libellé des questions use des termes « climat» ou « gestion », ce taux sera en effet variable: quasi nul dans le premier cas, élevé dans le second. Les répondants, en revanche, sont dans leur quasi-totalité affirmatifs. Sans doute la prudence des non-répondants exprime-t-elle leur pudeur ou un doute quant à leur légitimité à intervenir sur un terrain qui ne leur apparaît pas naturellement le leur. On y reviendra plus loin. En somme, tandis que le « climat» est le constat d'un résultat qui s'impose à eux comme un fait objectif et peut, à ce titre, entrer sans réserve dans un diagnostic, la « gestion» s'annonce au contraire comme un processus dans lequel ils ne sont pas partie prenante. Pourtant, ce lien de dépendance entre climat et gestion s'est vu validé par la méthode des « cas témoins », puis vérifié dans la phase finale 320
de notre étude grâce au verdict des statistiques de la Cram (Guiol et Munoz, 2006). Cette enquête permet déjà de noter l'importance accordée à la dimension managériale par des professionnels de la santé. Une perspective de plus en plus admise, notamment sur le plan international, où l'on observe la réalisation croissante d'enquêtes de type comparatif qui sont consacrées aux modèles d'organisation du travail (Lorenz et Valeyre, 2005). Le modèle de la Lean production viendrait s'imposer et dépasserait celui du fordisme et du taylorisme. Selon les auteurs, la thèse de la convergence d'un seul modèle ne résiste pas à l'analyse des faits. En s'appuyant sur une exploitationsecondairede l'enquête « Conditions de travail» effectuée par la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail et, notamment, sur les combinaisons particulières de trois dispositifs que sont la formation continue, les systèmes de rémunération et la représentation des salariés, ils arrivent à discerner quatre modèles d'organisation du travail. La première forme est nommée « apprenante », la deuxième rassemble les organisations « Lean production », la troisième concerne
les organisations
«
tayloriennes
» et la dernière
regroupe les organisations à « structure simple ». Outre ce classement, les deux chercheurs établissent une distinction intéressante en termes, d'une part, de caractéristiques de l'organisation du travail et, d'autre part, de caractéristiques de gestion des ressources humaines. Les formes de type « apprenant» se caractérisent par une forte autonomie dans les méthodes de travail, un degré conséquent de liberté dans le rythme de travail, une facilité à résoudre les problèmes imprévus, un autocontrôle de la qualité, alors qu'à l'inverse les organisations de Lean production se caractérisent par des normes de qualité déterminées, la rotation des tâches, des contraintes de normes de production quantificatives précises, le travail en équipe. En retenant de ces travaux simplement deux critères de distinction relatifs à la gestion des ressources humaines - à savoir la formation continue et les discussions sur les conditions de travail-, les statistiques font apparaître une nette différence 321
entre les organisations selon qu'elles sont apprenantes ou de type lean production, tayloriennes ou à structure simple. Les premières se caractérisent par la proportion la plus forte de salariés ayant eu droit à une formation continue, alors que celles qui relèvent de la lean production, de l'organisation taylorienne ou à structure simple se distinguent, dans l'ordre croissant, par les taux les plus élevés de salariés n'ayant pas suivi de formation continue. Concernant le second critère - les discussions sur les conditions de travail -, les mêmes résultats se perçoivent et dans le même sens. Les discussions sont plus nombreuses dans les organisations apprenantes que dans les organisations tayloriennes. On notera au passage une plus grande présence de coopératives dans les organisations apprenantes; idem pour l'actionnariat salarié. En conséquence, ce qui apparaît décisif, c'est que les incidences du mode d'organisation du travail sur le mode de gestion des ressources humaines peuvent se répercuter sur les conditions de travail. Mieux encore, à tel modèle de gestion de la ressource humaine correspondent telles conditions de travail. Si bien qu'avec leurs observations précédentes les MT ne font qu'abonder dans le sens d'un lien entre mode de gestion et mode d'organisation du travail. Ici, la terminologie oppose les modes de management participatifs (apprenants) et les modes de management autoritaires ou patriarcaux (lean production et tayloriens). Les résultats de l'enquête Lorenz et Valeyre légitiment la présente quête d'informations utiles à la détection dans l'entreprise des incidences d'une forme de gestion particulière sur l'état de santé des salariés.
L'« effet participation» serait-il modulable selon la CSP? L'impact sanitaire de l'environnement relationnel dans l'entreprise se déc1ine-t-il différemment selon les catégories professionnelles? Pour tester l'opinion des MT sur le poids de cette
variable, leur a été posée la question suivante: « Si vous deviez choisir, diriez-vous que les constats de psychopathologie ou de 322
souffrance au travail vous apparaissent davantage fonction de la CSP ouf onction du climat social régnant dans l'entreprise? » La déclinaison des réponses proposées leur permettait d'établir une hiérarchie d'incidence entre la catégorie professionnelle, le climat social, les deux à égalité, ou de citer un autre facteur. De cette combinaison de quatre cas de figure, les réponses obtenues dégagent une nette prédilection des MT pour le deuxième. À 65,2 %, ils se prononcent en faveur d'une explication exclusive par le «climat social» régnant dans l'entreprise, alors que 27 % seulement s'accordent à privilégier l'interaction des deux variables dans l'interprétation des constats de psychopathologie et qu'une infime minorité (2 %) des MT estiment préférable de se déterminer uniquement à partir de la catégorie professionnelle. Une modulation secondaire, mais effective Cette répartition sans ambiguïté de la part de professionnels de la santé en entreprise est extrêmement instructive, car elle permet de mettre en évidence la dimension relationnelle du phénomène que nous examinons. Il ne s'agit pas de balayer l'importance de la variable « catégorie socioprofessionnelle », qui, évidemment, permet aussi de mesurer un tel phénomène, mais d'écarter les idées reçues et de relever à quel point la réalité du climat social retient l'attention des médecins sur les rapports sociaux et les modes de régulation de ces derniers au sein de l'entreprise. À cet égard, on notera que la régulation sociale dont fait preuve le modèle coopératif apparaît de manière plus flagrante. Aucun des MT interrogés ne considère la CSP comme ayant une influence sur la souffrance au travail. À l'inverse, ils sont 90 % à penser que le climat social joue un rôle, tandis que leurs homologues des entreprises capitalistes ne sont que 56 % à partager le même avis. La question de la souffrance psychique au travail telle qu'elle a été évoquée plus haut ne peut se comprendre qu'à l'intérieur d'un contexte précis. Le cadre, l'ouvrier, l'employé ne voient leur statut prendre du sens que dans l'interaction avec autrui. Celui-ci peut être son homologue - collègue d'équipe - comme son subordonné ou son supérieur. 323
Le climat social se joue dans ces interstices. Par conséquent, la question de la souffrance ne résulte pas d'un attribut particulier, attaché à un individu, mais d'une interdépendance. Et justement celle-ci recouvre une forme toute différente dans des entreprises de type coopératif ou mutualiste. Reste à s'interroger sur la manière dont les MT perçoivent la position des différentes catégories socioprofessionnelles par rapport aux deux variables que sont le type de management et les prédispositions aux situations psychopathogéniques. Une représentation graphique de l'analyse factorielle des correspondances permet de dresser une carte (Guiol et Munoz, 2007, p. 85) qui laisse apparaître l'existence d'un lien entre type de management et catégorie socioprofessionnelle. Ainsi l'ouvrier représenterait-il la catégorie la plus exposée dans les entreprises de type « autoritaire », qu'il jouxte précisément sur la carte, alors que le cadre supérieur, situé à proximité des entreprises « participatives », serait le moins exposé aux problèmes psychopathologiques. L'un des axes oppose également les employés aux cadres supérieurs, ces derniers étant plus proches des entreprises plus ouvertes au dialogue social, alors que les employés seraient plus proches des entreprises sans réelle différence en termes de management. L'autre axe oppose les cadres moyens aux ouvriers, les premiers étant plus proches des entreprises « très participatives» et « plutôt participatives », alors que les seconds sont plus proches des entreprises « autoritaires ». Cette proximité signifie qu'aux yeux des MT le mode de management affecte différemment les salariés en fonction de leur statut au sein de l'entreprise. Globalement, plus l'agent est situé haut dans la hiérarchie, plus il a de chances de ne pas être affecté par le management d'une entreprise autoritaire. Ainsi, les cadres supérieurs se distinguent des employés notamment dans le cadre des entreprises ouvertes au dialogue et sans distinction, alors que les ouvriers et les cadres moyens s'opposent notamment dans le cadre des entreprises participatives et autoritaires. Naturellement, une telle projection ne fait que présenter la perception que les MT ont de l'impact santé des différents types de management sur chaque catégorie socioprofessionnelle. 324
Reste à s'interroger sur la part d'autonomie dont ces catégories disposent dans des univers de travail aussi opposés. Le fait d'occuper une fonction hiérarchique ne se traduit pas obligatoirement par une autonomie plus grande dans l'organisation, comme l'ont montré les travaux de M. Crozier et E. Friedberg (1977). D'un point de vue strictement structurel, les cadres sont mieux placés que les ouvriers pour résister aux contraintes, mais ces dernières dépendent également des configurations locales à l'intérieur de l'entreprise. D'où l'intérêt particulier de saisir les formes concrètes de participation à l'intérieur des organisations. Un autre graphique permet de livrer une représentation très persuasive du résultat (graphique 2, en page suivante). On y lit, d'abord, à quel point les MT estiment le degré du risque psychopathologique plus fort pour toutes les catégories socioprofessionnelles à mesure que l'on s'éloigne de la gestion participative et combien ils considèrent ce risque tout particulièrement élevé dans les entreprises dites autoritaires. Il montre, ensuite, que l'influence du mode de management serait proportionnellement plus tangible chez les ouvriers que chez toute autre catégorie. Ce sont eux qui auraient le plus à gagner à l'instauration d'une gestion participative. La courbe indique en effet que l'ordre de classement qui les concerne s'inverse progressivement à mesure qu'elle progresse d'un pôle extrême vers l'autre. Il ne s'agit toutefois à ce stade, rappelons-le, que d'une corrélation suggérée par les MT en fonction de leurs expériences et non de l'observation scientifiquement établie d'un lien de cause à effet. L'avis est-il pour autant dénué de tout intérêt ou de toute crédibilité? Non, bien sûr, dans la mesure où il s'agit de professionnels dont on peut légitimement supposer qu'ils connaissent leur métier. Dans l'optique où nous nous sommes placés, il paraîtrait inopportun de refuser ou de sous-estimer une telle vision malgré sa composante subjective. Significative, à commencer par la prise en compte d'une interférence supposée du caractère autoritaire ou participatif, elle nous permet d'examiner la manière dont certains acteurs en position 325
d'observateurs avertis et permanents, ici les MT, vont interpréter la réalité sociale de l'entreprise. Ces derniers intègrent dans leurs jugements la variable managériale. Alors qu'on a vu précédemment qu'ils étaient peu enclins à se prononcer lorsque la question employait l'expression « gestion du personnel », tout se passe chez eux comme si l'expression était réservée à une réalité sociale restreinte et circoncise, tandis que le type d'entreprise serait plus large ou neutre. Selon que tu seras cadre supérieur ou ouvrier.. . Pour préciser davantage encore la lecture de cette relation, on a regroupé les catégories d'entreprises selon deux pôles: d'une part, les entreprises « autoritaires» et «plutôt autoritaires» et, de l'autre, les entreprises « assez participatives» et «très participatives ». Il en résulte le graphique 3 (en page suivante). Cette lecture en deux items extrêmes offre une vision différente qui permet de vérifier, ici aussi, que ce sont les catégories socioprofessionnelles les plus basses qui se distinguent comme les plus exposées aux incidences des modes de management.
Graphique 2 « Si oui, veuillez nous indiquer pour chaque type d'entreprise la catégorie socioprofessionnelle correspondant au plus fort degré de psychopathologie» (nombre de citations) 60 50
Ouvriers
53 52 49
~
Employés
___
Cadressupérieurs
Cadres moyens
40 30 20 10
o Très directive et autoritaire
Plutôt directive et peu de dialogue social
Sans distinction particulière
326
Assez participatif et concertation
11 7 6 4 Très participatif
Graphique 3 « Si oui, veuillez nous indiquer pour chaque type d'entreprise la catégorie socioprofessionnelle correspondant au plus fort degré de psychopathologie» (nombre de citations) 80 70
80
60 50 40
-e-_
79
77 Très directive et plutôt directive Assez et très participative
30
52 23
20
15
10 0 Ouvriers
Employés
Cadres moyens
Cadres supérieurs
Ce sont elles qui souffriraient le plus dans les systèmes autoritaires (ouvriers et employés), tandis que les cadres moyens se singularisent en apparaissant davantage touchés dans les entreprises de type participatif. Une singularité qui pose la question de la place des hiérarchies intermédiaires dans une organisation prônant la participation directe ou, en tout cas, une certaine autonomie des salariés. En effet, certains travaux, tels que ceux de Stéphane Bellini et d'Anne Labit (2005), montrent la difficulté des agents de maîtrise à se positionner au travers des attentes et des règles de l'entreprise et de leur représentation de leur métier ou fonction (5). (5) Le malaise de plus en plus croissant de ces catégories intermédiaires résulte, on le sait, de plusieurs facteurs. Le premier est d'ordre juridique. En France, les conventions collectives sont très ambiguës pour définir la place de ces salariés. Le second est d'ordre sociologique. Souvent ces cadres moyens sont issus, selon les entreprises, du corps des ouvriers ou des employés. Cette nouvelle position, entre les exécutants et la direction de proximité, les place dans une situation difficile où managers et cadres supérieurs vont reprocher aux cadres moyens de ne pas faire du management, alors que dans le même temps leurs propres subordonnés vont critiquer leurs ordres sans fondement technique. Enfin, l'évolution des organisations du travail se traduit par un aplatissement des échelons hiérarchiques qui rend leur position plus difficile à tenir.
327
Quant à la situation des ouvriers et employés dans les entreprises autoritaires, elle laisse déduire combien les MT considèrent la gestion autoritaire comme étant plus significativement pathogène. Que nos interlocuteurs appartiennent à l'échantillon des entreprises au management autoritaire ou à celui des participatives ne change rien à leur constat général: au terme de leur expérience épidémiologique, ils sont majoritaires dans les deux groupes à opter pour l'effet plus préjudiciable du management autoritaire. Est-ce à dire qu'un tel résultat confirme les conclusions des recherches concernant l'autonomie et la liberté décisionnelle? Notre enquête ne permet pas de trancher de manière catégorique. Elle pose en revanche la question de la perception que les MT peuvent avoir de la position des salariés au sein des entreprises et plus particulièrement de leur capacité de résistance aux injonctions. Tout se passe en effet comme si les catégories supérieures étaient automatiquement moins sujettes aux contraintes de l'activité productive ou qu'elles y échappaient. La plupart des études effectuées sur les conditions de travail montrent assez clairement l'intervention de cette variable dans l'atténuation des répercussions sur la santé des salariés (Cézar et Hamon-Cholet, 1999; Bué et Rougerie, 1999). Lorsqu'ils s'accroissent, les efforts physiques au travail n'affectent pas de la même manière tous les salariés. Ainsi les ouvriers et le personnel de soins des hôpitaux sont-ils plus touchés que les employés de bureau ou les cadres. Prédominance confirmée du type d'entreprise: la santé saisie comme instrument de médiation sociale Si la catégorie socioprofessionnelle induit une fluctuation dans les effets psychopathogéniques du management, une autre modulation vient conforter la prééminence du climat social jusqu'à en impliquer le statut d'entreprise. Il s'agit de la perception que les MT rapportent de la conduite des salariés à leur égard. Jusqu'à quel point les travailleurs se saisissent-ils de la santé comme instrument de médiation sociale pour exprimer un malaise plus général ou résoudre un problème particulier? 328
Nous avons tenté de le mesurer. Les résultats obtenus sont éloquents (graphique 4), car ils montrent une nette différence entre les entreprises. À l'intérieur même des entreprises considérées comme participatives et ouvertes au dialogue social, les résultats penchent indubitablement en faveur des coopératives. Là, les MT n'observent semble-t-il que très peu de conduites instrumentalisant la santé. Dans 50 % des entreprises coopératives, les MT n'ont «jamais» constaté ce genre d'attitude, alors que pour les rubriques « parfois », « souvent », « assez souvent» et « très souvent », ce sont systématiquement les MT attachés aux sociétés capitalistes qui signalent davantage ce genre de recours à des problèmes de santé comme mode de médiation sociale. Cela veut-il dire que les entreprises coopératives échappent complètement aux problèmes liés à l'intensification du travail? En l'état actuel de notre enquête, il semble fort probable que dans les entreprises coopératives apparaisse une autre manière d'appréhender la question des conditions de travail. Reste à connaître sa forme, son ampleur et son processus. Graphique 4 Les salariés se saisissent-ils de la santé comme médiation sociale?
.
50%
50,00 %
Autres entreprises
D Coopératives
40%
30%
28,10%
20%
10%
0% Très souvent
Assez souvent
Souvent
329
Parfois
Rarement
Jamais
« Management» et « climat social» : la question cardinale de la reconnaissance La parole des médecins face à la GRH : avis autorisés ou parole illégitime? On vient de l'évoquer, le point de vue que les MT pouvaient développer sur la gestion du personnel des entreprises concernées et le lien avec la santé n'était pas exempt d'ambiguïté. L'enquête s'est heurtée à un problème d'interprétation - voire de compréhension - du questionnaire. En effet, lorsque l'expression« gestion du personnel» était libellée, les MT semblaient bien moins concernés ou réceptifs que lorsque nous employions l'expression « gestion des ressources humaines» ou « climat social ». Autant ils ont paru à l'aise pour évoquer les effets du climat social sur la santé, autant le lien au type de gestion du personnel n'a éveillé que très imparfaitement leur attention. Ainsi, le nombre de réponses a été variable: pour la première option, nous avons eu seulement 40 % des MT à s'exprimer sur ce lien et 60 % à ne pas répondre, alors que pour la question concernant les résistances les plus importantes dans le domaine des « ressources humaines» et du « relationnel », les MT ont tous répondu sans exception. Il en a été de même, on l'a vu, pour les questions concernant le « climat social» dans l'entreprise. Serait-ce que nos interlocuteurs ne trouvent pas l'expression « gestion du personnel» assez significative? À moins que le lien ne leur paraisse si évident que répondre à une telle question relèverait du pléonasme? Ou serait-ce, au contraire, que l'articulation entre les deux facteurs ne leur apparaîtrait pas spontanée et mériterait d'être approfondie? Assez curieusement pourtant, il s'avère que, lorsque l'on demande aux MT de qualifier le type de management présent dans l'entreprise dont ils ont la responsabilité, des différences importantes et significatives séparent les populations des deux échantillons. Les médecins interrogés pour les entreprises de type autoritaire sont en effet plus nombreux à considérer que la gestion du personnel peut être définie comme « très directive », à 11,4 %, contre seulement I % des médecins d'une entreprise participative. De même, les MT des entreprises autoritaires sont
330
8,6 % à considérer que le qualificatif de la gestion du personnel qui s'applique le mieux, c'est« assez participatif », contre 12,4 % des MT des entreprises participatives. Au total, 74 % de ceux qui relèvent d'une entreprise que nous avions sélectionnée comme autoritaire (sans qu'ils le sachent) ont choisi les libellés allant de « sans distinction» à « très autoritaire », tandis que 69 % de ceux qui relèvent d'une entreprise ouverte au dialogue social ont choisi les libellés allant de « sans distinction» à « très participative ». Il n'y a donc pas incohérence, même si nous sommes éloignés du cas type idéal de 100 % d'un côté et 100 % de l'autre. De plus, lorsque l'on compare les réponses en fonction du statut de l'entreprise, les différences apparaissent également. Ainsi, 45,5 % de MT qualifient les coopératives de très participatives, contre seulement 37 % pour les autres entreprises. Globalement, les médecins se situent relativement bien. Comment alors expliquer les discordances marginales? Soit certains médecins n'identifient pas assez nettement leur entreprise, soit nos échantillons, pourtant constitués avec la collaboration de l'inspection du travail et des centrales syndicales, n'ont pas abouti à une sélection aussi contrastée qu'il eût été souhaitable, soit un mélange des deux facteurs. Néanmoins, l'écart logique est suffisamment significatif pour valider la distinction.
La parole des salariés: un besoin prodigieux de reconnaissance Si le lieu du travail constitue un élément central de la construction de l'identité sociale des acteurs sociaux, notamment par l'élaboration de nouveaux liens affectifs fondés sur d'autres registres que ceux que l'on peut observer en d'autres lieux, il s'avère que le travail lui-même a été considérablement modifié ou affecté ces dernières années. Les conséquences pour le salarié en termes de perception de soi ne sont pas anodines. Elles sont apparues flagrantes à l'occasion de plusieurs autres travaux scientifiques (Thuderoz, 1995), notamment celles imputables à la souffrance causée chez ces salariés par un déficit de reconnaissance sociale dans leur activité professionnelle. Ce phénomène non seulement est à l'origine des dysfonctionnements interindividuels, 331
mais touche aussi à l'essence même des pratiques et structures participatives. Ne fonde-t-il pas la connexion entre «climat» et « gouvernance » ? On a voulu tester sur cette problématique l'expérience des MT. Au préalable, il convient de s'accorder sur la significationexacte à attribuer au terme « reconnaissance ». Celle-ci dépasse, à nos yeux, les simples notions de rétributions financières ou de gratifications honorifiques, pour viser le lien social lui-même. Or, ce dernier a tellement évolué dans sa nature et sa forme que la proximité avec autrui ne suffit plus à donner du sens à l'activité. L'interdépendance et l'interconnaissance qui contribuent au développement des relations sociales à l'intérieur d'une entreprise se sont altérées. Or, l'engagement professionnel postule l'acceptation de l'idée que les acteurs sociaux ne sont pas seulement impliqués pour partager un objectif commun dans l'organisation du travail, mais que cet engagement appelle une certaine réciprocité dans les rapports sociaux. Selon A. Honneth (2000), cette réciprocité est à la base de la reconnaissance sociale dans notre société. Plus précisément, la reconnaissance passe par un déplacement de l'approche et vise à laisser de côté les approches ontologiques de la reconnaissance qui considèrent que celle-ci est attachée à un individu. Pour Honneth, il faut s'intéresser à l'intersubjectivité qu'implique la reconnaissance. Cette dernière est un processus qui suppose la conscience d'autrui notamment pour une activité telle que celle du travail. Autrement dit, une réciprocité entre soi et autrui. Dans ce sens, les travaux effectués par C. Dejours (1993) et S. Paugam (2000) convergent pour montrer et alimenter l'idée selon laquelle les salariés font l'expérience du « mépris social» (6),le mépris social
(6) En psycho dynamique du travail, la reconnaissance se définit par deux types de jugements auxquels se confronte le travailleur: un jugement d'utilité, par lequel il voit - ou non - reconnus sa compétence et son apport à la valeur de l'entreprise, et un jugement de beauté, à travers lequel il perçoit si l'on considère qu'il agit de belle manière, avec justesse et adéquation. Ce jugement de beauté comporte lui-même deux volets: un aspect de conformité dans l'application des règles et usages du métier et un aspect d'originalité grâce au style et à la manière personnelle dont il exerce son métier (sous réserve, bien sûr, que ce style soit reconnu pertinent dans la profession). Ces jugements, qui émanent de la hiérarchie, mais aussi des pairs ou des clients, ont un impact important sur l'image de soi.
332
étant cette forme de dénégation de l'autre dans son existence sociale (Honneth, 2000). L'individu recherche dans son activité professionnelle une communauté dans laquelle il puise des caractéristiques stables lui permettant de forger son identité sociale et de donner une signification à ses conduites. L'intensification du travail et certaines formes de management freinent ou rendent difficile tout semblant de reconnaissance sociale. Mais en amont, le sentiment de reconnaissance commence en droit, terrain juridique sur lequel nous observons dans bien des situations l'impossibilité pour les salariés de faire respecter les normes communes et la répartition légitime des droits et des devoirs. Les différentes formes de violence au travail, les licenciements abusifs, le non-respect des normes de sécurité, etc., sont autant d'éléments qui se conjuguent dans le déni de reconnaissance. Mais la reconnaissance sociale se trouve aussi questionnée du côté de l'idée de la solidarité. Dans certaines entreprises, en effet, on observe un mépris social s'installer, qui se traduit par l'omission ou la minorisation de la prise en compte de l'itinéraire personnel des salariés. L'estime réciproque que les interactions sociales devraient instaurer ne parvient pas à subsister, car les modes d'organisation ne tiennent pas compte des réalités personnelles. La mise en préretraite constitue une forme de mépris social pour certains salariés. Elle occulte leur parcours en ne tenant nullement compte des acquis qu'ils représentent. Une véritable reconnaissance consisterait, ici, à valoriser ces salariés en leur offrant la possibilité de faire fructifier leur apport auprès des nouveaux embauchés par une transmission des savoirs. Qu'observent à cet égard les MT attachés à nos échantillons
d'entreprises? Tel sera l'objectif de la question suivante: « Vos patients-salariés expriment-ils des doutes ou des récriminations
quant à...
»
Suivait une série d'items relatifs à la trop grande
pression qu'ils subissent ainsi qu'au fait de ne pas pouvoir gérer le temps à leur guise, à la fatigue ou à la perception d'une insuffisante résistance physique de leur part, à un manque de reconnaissance à leur égard, à un déficit ou à une inadéquation de leurs qualités professionnelles ou encore à d'autres facteurs. Précisons tout 333
d'abord que la population des salariés auscultés par les médecins du travail n'est pas composée de travailleurs nécessairement en mauvaise santé ou faisant l'objet de pathologies déclarées. Aussi les doutes relatifs à leur résistance physique ne s'élèvent-ils qu'à 9 % des réponses, un score relativement faible. Faut-il en soupçonner les salariés de délibérément minimiser ce paramètre en présence du médecin d'entreprise parce qu'ils préfèrent se plaindre de facteurs qui ne leur sont pas directement imputables? Le fait de ne pas pouvoir gérer le temps (27 %), par exemple, ne leur fait courir aucun risque d'être tenus pour responsables des rythmes qui leur sont imposés. Enfin, ils n'attribuent que très rarement leur malaise ou leur souffrance à un déficit ou à une inadéquation de leurs qualités professionnelles (2 %). À l'opposé, c'est avec une fréquence tout à fait spectaculaire qu'est apparu un item privilégié par un grand nombre de salariés: celui de la récrimination du manque de reconnaissance à leur égard. Cette plainte affiche une prédominance indéniable avec un score de 54 %. Encore s'agit-il de chiffres globaux, car lorsque l'on analyse l'ordre de classement des items, le « manque de reconnaissance» arrive toujours largement en tête dans la catégorie des items cités au premier rang; il figure même à égalité avec celui qui tient le second rang. C'est dire la prégnance du phénomène. Il désigne, à n'en pas douter, une source majeure de souffrance au travail. Or, qu'interpelle un tel déficit de reconnaissance sinon un état de relations insatisfaisantes dans l'entreprise et, plus avant, une spécificité du management? D'ailleurs, lorsque l'on demande au MT de s'exprimer plus particulièrement sur l'entreprise pour laquelle il est interrogé, on observe des écarts significatifs de réponse pour certains items. Selon que le médecin parle pour une entreprise « participative» ou une entreprise « autoritaire », les chiffres diffèrent. Ainsi, au premier rang des 38 % de MT ayant placé en tête la récrimination d'un « manque de reconnaissance », 59 % d'entre eux émanent des entreprises« autoritaires ». Sous un autre angle, si l'on aborde la ventilation des résultats au sein de chaque catégorie d'entreprises, l'analyse des réponses souligne davantage encore l'écart: 48 % des MT des entreprises autoritaires classent au premier rang 334
le « manque de reconnaissance », contre 26 % de leurs confrères des entreprises dites participatives. Pour ces derniers, c'est « le fait de ne pas pouvoir gérer le temps» qui arrive en tête, avec 31 % des réponses, autrement dit un paramètre imputable au contexte économique imposé à l'entreprise plutôt qu'à la nature de sa direction et de sa gestion des ressources humaines. Là réside également une surprise majeure concernant les entreprises coopératives. Celles-ci apparaissent en effet, aux yeux des MT, comme des entreprises où « le fait de ne pas pouvoir gérer le temps» arrive en premier (40 %), suivi par « la résistance physique (épuisement professionnel) » (30 %) et, en troisième place seulement, « le manque de reconnaissance» (20 %). En un mot, si le manque de reconnaissance classé en tête dans les entreprises capitalistes, et dans les deux groupes de MT, est patent, on observe néanmoins des différences importantes dans sa déclinaison. Il semblerait que le mode de management joue un rôle de médiateur ou de modulateur qui reste à préciser. Ainsi, lorsque les réponses données par les MT sont cumulées sans tenir compte de leur classement par rang, on obtient un écart très net (16 points) entre les types d'entreprises autoritaires et participatives. Cet écart est toutefois moindre entre les plus «participatives» des entreprises capitalistes et les coopératives: il est de seulement un point pour le manque de reconnaissance sociale. Un dernier item vient conforter ces présomptions: une forte propension de salariés (60 %) n'hésitent pas à se plaindre devant le médecin du travail d'un climat conflictuel ou délétère dans leur entreprise, dérogeant ainsi à toute prudence. Et lorsque l'on extrait les entreprises coopératives, nous observons pour elles un pourcentage réduit à 40 % de plaintes.
Conclusion Au terme de cette enquête destinée à tester l'impact supposé d'un facteur constitutif des déterminants psychosociaux de la santé au travail- en la circonstance, le mode de direction envers le personnel-, nous sommes en mesure de conclure que ce mode
335
intervient bel et bien sur l'état de santé des salariés selon des degrés qui, au demeurant, peuvent être éminemment variables selon les branches d'activité. La question de la reconnaissance des salariés apparaît aux yeux des médecins comme un axe central de la modulation des effets du type de management. Il semblerait que les entreprises s'approchant le plus d'un modèle participatif, voire coopératif, soient en meilleure position pour remplir cette dimension. On s'approcherait du modèle de l'entreprise sociale de Jean-Louis Laville: « Elle est caractérisée, au-delà de ses finalités sociales et de sa dynamique entrepreneuriale, par une forte dimension de production de biens et services et une intense participation à la vie de l'entreprise de toutes les parties prenantes - bénévoles, salariés, dirigeants, usagers, représentants d'organismes publics ou privés» (Laville, 2005). Outre le fait que les médecins spécialisés en environnement au travail reconnaissent que l'univers industriel est traversé, à secteur identique, par l'existence de différences flagrantes dans la gestion des ressources humaines et, dans le même temps, que l'implication de cette gestion sur la santé des salariés est différenciable selon leur catégorie socioprofessionnelle, leurs témoignages unanimes établissent une relation progressive entre le degré d'autoritarisme de la direction et la propension de l'entreprise à devenir un terrain propice aux pathologies; inversement pour les établissements qui bénéficient d'une ouverture participative, au nombre desquelles figuraient les coopératives. Le mode de gestion des entreprises coopératives se fonde sur un certain nombre de principes parmi lesquels on retrouve la participation à la gestion de l'entreprise. Il semblerait, d'après nos résultats, que les MT aient quelques difficultés à faire le lien entre gestion du personnel et santé des salariés, alors même que l'expression « climat social» les réunit facilement. Cela voudrait-il dire que les modes de gestion coopératifs ne sont pas identifiés comme tels par les MT? À l'heure de la globalisation de l'économie et de la banalisation de certains principes chers au monde coopératif, il serait judicieux de s'interroger plus amplement sur la visibilité qu'offre le modèle coopératif également dans le domaine de la santé au travail. 336
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Évaluation de la responsabilité sociale des entreprises: quelles spécificités de l'économie sociale? Catherine Bodet*, Thomas Lamarche**, Gérard Leseul*** et Dominique Picard****
Les problématiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE) se développent alors que l'État se désengage de la voie réglementaire dans le champ des questions économiques. Au moment où se multiplient les scandales financiers, sanitaires et sociaux, les firmes multinationales cherchent à se construire une impérieuse légitimité. Soutenues par les comités comptables internationaux, leurs orientations deviennent la référence, y compris pour les PME. Des outils adaptés aux organisations de l'économie sociale ont été créés, telle Bilan sociétal. Fournissent-ils l'ensemble des preuves nécessaires ou bien est-il pertinent d'aller se confronter aux outils des autres entreprises? La réponse aux défis sociétaux actuels passe par la preuve de l'utilité sociale et
de la « haute qualité entrepreneuriale » de l'organisation. La méthodologie du Bilan sociétal, basée sur la participation des différentes parties prenantes à l'évaluation et sur l'écart entre les valeurs affichées et la réalité perçue par les parties prenantes, apparaît bien opérationnelle quel que soit le statut juridique de l'entreprise.
sociale et environnementale des * Économiste, analyste de la responsabilité organisations. Mél. : [email protected]. ** Université Lille 3 et Germe Paris. Mél. : [email protected]. *** Administrateur du Centre des jeunes dirigeants et acteurs de l'économie sociale (CJDES) et responsable de la communication et des relations institutionnelles de la Confédération nationale du Crédit mutuel. Mél. : [email protected]. **** Chargée de mission en économie sociale à la Caisse des dépôts. Mél.: [email protected].
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Responsabilité sociale et environnement ale des entreprises: une éviction du social? Les entreprises coopératives, les mutuelles et les associations se trouvent confrontées à de nouvelles questions à propos de l'évaluation de leurs actions, des effets de leurs activités et de leurs manières de faire. L'intérêt de l'économie sociale et solidaire (ESS) pour le thème de sa responsabilité et de son utilité sociale est historique, on pourrait dire qu'il est intrinsèque à l'économie sociale et à ses fondements philosophiques ou politiques. Le système de gouvernance spécifique tout comme la prise en compte du halo sociétal des activités figurent parmi les caractéristiques organisationnelles essentielles des organisations qui la composent. Pourtant, le chantier de la responsabilité se trouve assez brusquement remis dans l'actualité par la conversion des entreprises capitalistes au thème de la citoyenneté, puis à celui de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSEE) [Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004]. L'acuité de la question de la gouvernance dans les sociétés cotées (affaires Enron et suivantes, collusions, rapports sur la gouvernance, loi NRE [relative aux nouvelles régulations économiques] de mai 2001...) comme dans l'ESS mérite d'être resituée. L'antagonisme capital-travail n'est pas de nature identique selon les types d'entreprises: les formes de compromis sociaux sont historiquement distinctes. La nature intrinsèquement conflictuelle des relations capital-travail prend une forme assez radicalement différente dans l'économie sociale. Dans l'économie sociale, le capital n'est pas exogène à l'entreprise, alors qu'il tend à l'être dans les firmes les plus financiarisées. Aglietta et Rebérioux (2004) considèrent dans ce sens que le
pouvoir financier qu'exercent les actionnaires est « extérieur » à l'entreprise: les actionnaires disposent d'un pouvoir de contrôle, mais n'ont pas la main sur le contrôle de l'information et donc sur la stratégie. Dans l'économie sociale, le pouvoir naturellement endogène du sociétariat et des administrateurs constitue une hiérarchie que les mutuelles et les coopératives ont systématisée et érigée en principe d'équilibre des pouvoirs 340
techniques et politiques. La mobilisation collective du capital est liée à un projet social et les modalités de la répartition de la valeur entre sociétaires et salariés constituent ainsi un élément de singularisation des compromis propres à l'économie sociale. Permettons-nous un rappel historique. La longue crise du fordisme, dans sa période 1975-1990, constitue un moment d'intenses pressions sur le rapport salarial (flexibilité du travail, désindexation des salaires, forme d'éviction du compromis social. ..). Une hypothèse possible est que l'émergence du concept de RSEE développe un nouveau compromis, remplaçant le compromis fordien capital-travail (I). Dans ce sens, la RSEE peut être comprise comme un régime politique ou un régime symbolique dans lequel s'enchâsse la relation capital-travail (2). C'est l'abandon du compromis salarial fordien, d'une part, et le démantèlement de l'État-providence, d'autre part, qui induisent la recherche d'un nouvel ordre symbolique. L'entreprise de capitaux a besoin de construire une nouvelle légitimité pour succéder au compromis salarial fordien. L'émergence du discours en responsabilité correspond à cette quête de justification (La Broise et Lamarche, 2006). La mobilisation d'un discours sociétal constitue alors une forme d'écrasement du social, au sens de la politique sociale telle qu'on la conçoit dans la grande entreprise industrielle. C'est ainsi que le discours environnementaliste ou sociétal peut être analysé comme une pression exercée à l'encontre du travail et des régimes de protection des salariés. La justification de l'entreprise se fait au nom des générations à venir (politique de développement durable, notamment) ou au nom de la prise en compte de facteurs non strictement sociaux (parties prenantes, environnement.. .). Il semble que les entreprises de l'ESS (mutuelles, coopératives et celles que l'on nomme « entreprises associatives ») n'ont pas intrinsèquement cherché une nouvelle justification comme l'ont (1) C'est le thème du programme de recherche « Responsabilité sociale et environnement ale de l'entreprise: interaction des logiques d'acteurs dans la construction de normes », Clersé-Ifresi (Boidin et al., 2007). (2) Sur la construction de régime symbolique fondant le pouvoir politique en économie, voir notamment: Théret, 1992; Lordon, 1999.
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fait les entreprises à capitaux (Bodet et Lamarche, 2006). D'une part, elles ne remettent pas en cause leur compromis salarial: au sein des mutuelles, on ne repère pas d'écrasement du social ni de recherche d'un projet alternatif au compromis fordien ; pour les entreprises associatives, la nature des compromis sociaux n'est pas passée par l'élaboration de compromis sociaux ou salariaux que l'on pourrait qualifier de fordiens (faiblesse des avantages sociaux et salariaux et des salaires indirects). D'autre part,
ces organisations de l'ESS n'ont pas à se faire « pardonner» (ou à faire passer) deux aspects majeurs de la réorganisation contemporaine des entreprises qui ne les concernent pas: la déconstruction des frontières de l'entreprise aux dépens des salariés (externalisation et délocalisation) et la montée des inégalités salariales liées à la reprise en main du pouvoir actionnarial (stock-option.. .). Les discours en responsabilité des entreprises tentent d'aborder le terrain politique. Avec une logique d'autopromotion, d'autoproduction de sens, de valeur, les entreprises à capitaux se déplacent sur un terrain qui est originellement celui de l'économie sociale (économie pilotée par des valeurs et non pas seulement par le profit). C'est ainsi une menace paradoxale pour l'économie sociale, menace qui est perçue dès les années 80. La tension qu'exercent les stratégies RSE sur les entreprises de l'économie sociale entre en résonance avec une certaine crise de la démocratie (réalité du sociétariat, fréquentation des AG.. .). Il Ya bien question sur la nature des projets qui animent les entreprises de l'économie sociale en comparaison avec les entreprises à but lucratif. L'évaluation prend, dans ce contexte de confrontation de valeurs, une place singulière. Le chantier de l'évaluation en entreprise donne lieu à une intense activité qui suppose de travailler sur les modalités de l'évaluation (le « comment évaluer »), mais suppose préalablement de définir ce qui doit être, ou va être, évalué (le « quoi évaluer »). Vient enfin la question de qui produit l'évaluation, c'est-à-dire la question du financement de l'évaluation, donc du modèle économique de l'évaluation. 342
L'évaluation peut se considérer dans le cadre d'un renforcement de ce que les Anglo-Saxons appellent accountability et fait référence à la façon dont les élus rendent des comptes à leurs électeurs. Sont alors associées les notions de responsabilité à l'égard des parties prenantes et de transparence (3).Dans le cas de la RSEE, les pratiques d'évaluation vont de pair avec l'émergence d'une politique volontaire d'application des lois; c'est le passage à la soft law qui est partie intégrante de l'émergence des pratiques de RSEE. Les entreprises vont se trouver en situation de prouver par elles-mêmes leurs bonnes pratiques, même si des acteurs extérieurs tentent de produire de l'information autonome (4).Les formes de l'évaluation lient des éléments discursifs de valorisation et des référentiels structurés, formalisés, qui peuvent prétendre à devenir des normes à l'échelle d'une profession, d'un secteur ou de ce qui peut former une communauté de pratiques, en l'occurrence l'économie sociale et solidaire. Les modalités d'évaluation vont donc se multiplier, coexister, voire se concurrencer. L'une des particularités de l'ESS est de travailler sur l'utilité sociale. Dès lors, on se trouve confronté à l'une des questions les plus difficiles et insolubles, celle de la définition de l'intérêt général. La RSEE peut en effet être considérée comme une tentative de prise en compte, en interne, de la gestion des externalités négatives: l'entreprise « responsable» cherche alors à réduire, ou à compenser (Commenne, 2006), ses impacts négatifs sur l'environnement, sur les générations futures, sur les parties prenantes impliquées dans les effets de la production. .. En d'autres termes, la RSE peut être décrite comme un mouvement visant à l'endogénéisation des externalités. Or, c'est une des particularités historiques de l'ESS que de tenter de considérer l'environnement humain et social dans son activité. Reste à définir comment peut être administrée la preuve
(3) Le principe de publicité de l'information induit des pratiques de divulgation, d'où une variété de discours, de reporting, d'évaluation, de justification, de mises en scène. (4) Associations consuméristes, par exemple, mais qui sont sans financement lié. Les agences sont dans une situation différente, elles sont certes extérieures, mais leur indépendance mérite d'être interrogée (risque de collusion).
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de la réalité de cette démarche. Pour les organisations de l'ESS, l'engagement dans une logique de preuve des bonnes pratiques vise aussi à rendre visible une part cachée de sa participation à une certaine utilité sociale. Comment rendre compte d'une richesse qui n'est pas nécessairement mesurable, quantifiable,
(5) monétisable ? De plus, pour l'ESS, l'évaluation est utile à deux niveaux: au niveau des structures elles-mêmes, en les engageant dans une démarche d'amélioration des pratiques; et au niveau de l'ensemble de la communauté de l'ESS, par la reconnaissance et la valorisation de ses pratiques.
Outils universels, outils spécifiques L'outil Bilan sociétal a été créé au sein de l'économie sociale par des militants et des praticiens de ces entreprises. Ce contexte le rend évidemment adapté à l'évaluation des organisations de l'ESS, comme le montrent les cas de mise en œuvre dans les mutuelles, les coopératives (notamment les Scop) et les associations. La question qui se pose, par contre, est celle de l'universalité de l'outil: d'une part, ses indicateurs sont-ils adaptés aux organisations externes à l'économie sociale et, d'autre part, les organisations de l'ESS ont-elles besoin de se confronter aux indicateurs produits en dehors de l'ESS ? Produire des preuves de la responsabilité des entreprises de l'ESS, grâce à des outils « adaptés» à leurs spécificités Au début des années 90, alors que sont médiatisés des concepts liés à l'entreprise citoyenne et que le rapport Bruntland a imposé l'expression « développement durable », le Centre des jeunes dirigeants et acteurs de l'économie sociale (CJDES) crée
(5) Certaines
démarches
d'évaluation
de l'utilité
sociale
ou de la responsabilité
en référence les réflexions visant à reconsidérer la richesse ce qui n'est pas habituellement comptabilisé par les comptes privée et comptabilité nationale) [Viveret, 2005].
344
ont
en prenant en compte officiels (comptabilité
le Bilan sociétal, outil visant à permettre aux organisations de prendre en compte et d'évaluer la mise en pratique des valeurs autres que financières: citoyennes, environnementales, humaines, démocratiques (Capron et Leseul, 1997). Le référentiel a été élaboré collectivement par un groupe de travail réunissant de nombreux acteurs d'horizons différents (dirigeants d'entreprise, universitaires, acteurs de l'économie sociale, spécialistes de la RSE. ..), garant d'un référentiel objectif sur lequel peut s'appuyer la démarche d'évaluation. Le but du Bilan sociétal est de faire entrer l'organisation qui le met en œuvre dans une démarche de progrès pour une meilleure prise en compte de ses responsabilités globales envers son milieu. Pour cela, le référentiel balaye les domaines économique, social et environnemental de l'organisation (6)et l'analyse des données se fait au regard de quinze critères d'appréciation (7). La démarche est participative et « multi-parties prenantes ». Les mêmes questions sont posées aux différents acteurs de l'entreprise (dirigeants, salariés, représentants du personnel, clients, sociétaires, adhérents, fournisseurs, élus locaux.. .). Le regard croisé des acteurs de l'organisation sur son action fonde la base du diagnostic et ouvre un processus de dialogue interparties prenantes. Le diagnostic sociétal de l'organisation n'est pas une fin en soi, mais permet le déploiement d'une politique de responsabilité sociale et environnementale, basé sur un bilan qualitatif et une implication des acteurs. La recherche absolue du profit financier n'est pas au centre des préoccupations des organisations de l'économie sociale: elles n'ont pas de mirobolants dividendes à verser ni d'actionnaire à rémunérer. Leur objectif est autre (satisfaction des besoins des (6) Neuf domaines sont précisément explorés: produits, services et relations clients; gestion économique; anticipation, innovation, prospective; organisation du travail et de la production; gestion des ressources humaines; acteurs internes de l'entreprise; environnement humain, social et institutionnel; environnement biophysique; finalités, valeurs. (7) Dans l'ordre: activité; citoyenneté et participation internes; citoyenneté externe; compétitivité; convivialité; créativité; esthétique; efficacité et efficience; employabilité et développement des compétences; éthique; précaution et prévention; satisfaction; solidarité; utilités sociale et collective; viabilité.
345
« clients », utilité sociale, etc.) et leur mode d'organisation repose sur un principe démocratique (une personne-une voix, primauté de la personne. ..). La rente est en quelque sorte internalisée. C'est sur la base de ces principes qu'a été développé le Bilan sociétal et que sont évaluées les actions de l'organisation. Les principes et les valeurs de l'économie sociale sont donc intégrés à cet outil, qui ne s'y réduit cependant pas. Les thèmes de la préservation de l'environnement naturel ou de la formation et de l'employabilité des salariés, par exemple, ne sont pas spécifiques à l'économie sociale, mais font évidemment partie intégrante de l'évaluation. Quels sont les apports du Bilan sociétal aux organisations? Le centrage de l'outil sur les valeurs est-il nécessaire? Qu'attendent finalement les organisations qui entrent dans une démarche d'évaluation de leur responsabilité? Dans chaque organisation qui l'a mis en œuvre, le Bilan sociétal est vécu de façon différente, particulière. Néanmoins, on peut relever quelques expériences significatives. Des mutuelles ayant réalisé leur Bilan sociétal (8)y ont trouvé une revitalisation des valeurs de l'entreprise, notamment en interne, et une implication des acteurs sur les pistes de travail engagées suite à la réalisation du diagnostic. La mise en œuvre du Bilan sociétal dans les Scop est également à l'origine d'un réveil des valeurs et des échanges autour des modes d'organisation démocratique. Des formations pour les coopérateurs ont ainsi été mises en place suite au bilan de L'Artésienne, imprimerie organisée sous forme coopérative, et le plan stratégique de l'entreprise a été élaboré à la suite du diagnostic(9). Pour les associations qui ont réalisé leur Bilan sociétal, le bilan apporte un accroissement de la visibilité de leur identité et de leurs apports à la collectivité. L'évaluation qualitative de (8) Voir notamment la présentation de sa démarche Bilan sociétal par la Maif: www.maif.fr. (9) Voir: Le Bilan sociétal de L'Artésienne, L'Artésienne-CJDES, 2004; Ignace Motte (2004), «Quand L'Artésienne... se remet en question », illustrant l'article d'Alain Déto]]e, « Le Bilan sociétal, une boussole pour les entreprises de l'ESS », Travailler dans l'économie sociale et solidaire, TESS, n° 6, février, p. 26.
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l'utilité sociale est soutenue par l'exigence de transparence de la démarche, une certaine forme d'objectivité de l'évaluation croisée, et par une contextualisation des apports au sein d'un certain nombre de contraintes externes (10). Dans tous les cas, le Bilan sociétal engage l'organisation dans un processus participatif d'amélioration des pratiques. La participation des différents types d'acteurs au diagnostic contribue à sa fiabilité et l'on peut attendre une démultiplication de l'efficacité d'une démarche de progrès qui intègre les différents acteurs concernés en amont de la démarche (Bodet et Picard, 2006). Le centrage de l'évaluation sur les valeurs, aussi nécessaire et apprécié des acteurs de terrain soit-il, n'est cependant pas suffisant: l'efficacité de l'outil, en tant que démarche d'amélioration des pratiques, passe également par le caractère participatif multi-parties prenantes, qui, même s'il n'est pas spécifique aux organisations de l'ESS, correspond cependant bien à leur type de fonctionnement.
Répondre par l'universalité des indicateurs, c'est-à-dire sur un terrain commun à toutes les entreprises Produire des indicateurs spécifiques pour conduire des audits et des évaluations d'un monde entrepreneurial qui se veut différent peut susciter quelques interrogations. Certains détracteurs s'interrogent ainsi sur la volonté de réelle transparence, d'autres s'amusent parfois de cette apparente volonté de distinction qui pousse à créer des outils spécifiques, voire des méthodes d'appréciation endogènes. Derrière les logiques d'évaluation traînent encore très souvent des logiques de comparaison et de benchmark. Il n'est d'ailleurs pas illégitime pour les entreprises de l'économie sociale de vouloir démontrer la qualité de leur gouvernance ou l'efficience de leur organisation économique et humaine. Et parfois, la démonstration prend la forme comparative. C'est d'ailleurs dans cet esprit de juste (iO) Voir la synthèse de l'expérimentation du Bilan sociétal dans cinq associations rennaises en 2005 : www.audiar.org/emploi/doc/bilan-societal.pdf, ainsi que le Guide du Bilan sociétal associatiftéléchargeable sur www.cjdes.org.
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sincérité que les promoteurs du Bilan sociétal ont travaillé à rendre universels le mode d'interrogation et les champs du questionnement. C'est la raison pour laquelle le Bilan sociétal est aujourd'hui mené dans des entreprises TPE ou PME hors champ de l'économie sociale. Le mode participatif et dynamique d'interrogation peut fonctionner quels que soient la taille et le statut juridique de l'entreprise. Toutes les entreprises fonctionnent selon des principes ou des logiques d'action pluriels, rappelés à de nombreuses reprises par Boltanski et Thévenot (1991),et c'est une articulation particulière entre ceux-ci qui à un moment peut permettre de mener une évaluation de type sociétal dans une entreprise. L'élément déterminant de choix réside dans la finalité que l'entreprise accorde à l'évaluation sociétale. À qui est principalement destinée cette mise en interrogation? Quel est le destinataire réel, supposé ou sublimé de l'évaluation sociétale? Si l'objectif est avant tout externe, lié à un souci de meilleure communication publique, il y a de fortes chances que le Bilan sociétal ne réponde pas totalement aux attentes. Si l'évaluation est avant tout souhaitée comme participative et collective dans un but d'amélioration interne des process de décision, de production, dans une logique de responsabilité et de transparence, alors une évaluation de type Bilan sociétal est possible. L'universalité des indicateurs n'est aujourd'hui pas encore atteinte, mais un large consensus s'est construit autour des grands champs de responsabilité et différents projets de normes voient le jour (voir les normes ISO 26000, par exemple). Bien qu'il faille se réjouir des tentatives de rapprochement conceptuel et méthodologique, il faut veiller à ce que les logiques d'universalité ne mènent pas tout droit à des normalisations impérieuses et partiales. Les logiques du marché risqueraient de trop rapidement corseter la diversité. Le risque est d'autant plus réel que les entreprises de l'économie sociale cultivent encore trop souvent l'idée selon laquelle il faut absolument utiliser les techniques et les véhicules des entreprises cotées pour pouvoir se faire reconnaître. Or, ces indicateurs sociétaux et ces démarches d'audit sont très souvent issus des obligations nées de la loi NRE 348
et leur nature est très peu participatve, puisque liée à des logiques communicationnelles externes. Ces outils ne seront pas remis en cause ici, mais nous souhaitons qu'ils se conjuguent davantage à la méthode participative de regards croisés du Bilan sociétal et qu'ils viennent nourrir le débat de l'universalité plurielle plutôt qu'assurer la promotion d'un modèle unique d'entreprise. C'est la raison pour laquelle plusieurs mouvements d'économie sociale ont choisi en 2001 de créer le Groupement européen pour le bilan social (GEBS) afin de partager leurs réflexions, leurs pratiques et de définir un cadre commun de référence sur les conditions d'évaluation de la responsabilité sociale des entreprises, principalement au sein de l'économie sociale.
Spécificités de l'ESS et universalité des questionnements Une évaluation poussée du type de gouvernance dans l'outil Bilan sociétal Le Bilan sociétal est en rapport étroit avec la question de la gouvernance d'entreprise au sens large: c'est un outil de reddition (pour « rendre compte ») supplémentaire, de dialogue avec les parties prenantes internes et externes de l'entreprise. Vecteur de transparence et de responsabilité, il participe d'un mouvement de renforcement des possibilités de contrôle, non seulement des actionnaires ou sociétaires, mais de l'ensemble des parties prenantes concernées par les activités de l'entreprise (Capron et Quairel, 2002). Par la méthodologie du regard croisé, invitant les différentes parties prenantes à participer à l'ensemble de la démarche engagée par l'entreprise, le Bilan sociétal offre une originalité propre particulièrement« impliquante » et exigeante, en particulier pour les managers de l'entreprise. Accepter de confronter sa vision de l'entreprise avec celle d'autres parties prenantes, notamment internes, c'est prendre le risque d'identifier des zones de dissensus sur des aspects sensibles du fonctionnement de l'entreprise et accepter la remise en cause d'un certain nombre de certitudes établies. Mais c'est aussi la possibilité de reconnaître les zones 349
de consensus, les points forts sur lesquels s'appuyer pour travailler sur les points faibles. Le Bilan sociétal, en réinterrogeant par ses questions le projet et le mode de fonctionnement de l'entreprise, sert à éclairer, d'une manière partagée, ce qui devra constituer une démarche de progrès pour l'avenir et qui pourra être construit collectivement. Parce que l'ESS revendique des valeurs spécifiques et un autre mode d'entrepreneuriat - son slogan n'est-il pas « Entreprendre autrement» ? -, il était normal qu'au travers des neuf domaines de réflexion thématique définis par le Bilan sociétal, un questionnement particulièrement pointu soit apporté sur les aspects de gouvernance et de management. La gouvernance des entreprises de l'ESS est en effet caractérisée par trois spécificités fondamentales: le pouvoir remonte de la base vers le management, la légitimité émane du vote et de l'adhésion de sociétaires ou des adhérents; les processus de décision sont fidèles au principe démocratique « une personne, une voix» ; enfin, la recherche du profit est considérée comme un moyen pour réaliser leur projet et non comme un objectif en soi. La gouvernance démocratique est donc au cœur des pratiques de l'ESS et traverse l'ensemble des familles qui la composent. Si l'on regarde de plus près trois domaines d'investigation du Bilan sociétal qui concernent l'organisation du travail, les ressources humaines et les acteurs internes-citoyens de l'entreprise, on retrouve beaucoup de questions ayant trait à la façon dont s'organise cette gouvernance démocratique et à la participation des salariés dans le cadre d'une citoyenneté interne: « Y a-t-il une négociation sur l'aménagement et la réduction
. du temps de travail? .. . . . .
» « Le droit d'expression des salariés est-il organisé?
» « La participation des coopérateurs ou salariés aux assemblées
est-elle importante? « Le processus « Existe-t-il un «Le nouveau
» de production est-il présenté aux salariés? » tutorat organisé? » salarié est-il présenté aux différents ser-
vices? » « L'entreprise est-elle présentée au nouvel embauché? 350
»
.
«
Y a-t-il des initiatives solidaires proposées par les salariés
et soutenues par l'entreprise? » Etc. Le dernier domaine d'investigation du Bilan sociétal porte sur les finalités-valeurs-éthique de l'entreprise: là encore, et de manière très incisive, le mode de gouvernance est interrogé, relié de manière explicite aux valeurs de référence de l'ESS. Les questions portent sur l'affichage des valeurs et leur lisibilité auprès notamment des salariés, les modes de communication et de transmission organisés au sein de l'entreprise, le respect des procédures et de la législation, la transparence des décisions auprès des différentes parties prenantes, les modes d'élection et de participation aux différentes instances de décision, l'éthique des comportements de l'entreprise. À l'heure de la généralisation de la communication des entreprises autour de leur responsabilité, de leurs valeurs et de leur éthique, ces questions de gouvernance sont centrales quels que soient les types d'entreprise ou leur taille. La structure et le mode de questionnement du Bilan sociétal portent une pertinence intrinsèque pour interroger la gouvernance de tout type d'entreprise: à l'intérieur de l'ESS comme pour des PME ou des établissements de grands groupes sensibles à leur intégration dans le territoire. Quelle structure
économique
pour l'évaluation?
Lorsqu'une organisation s'engage dans une évaluation de sa responsabilité sociale, qui doit en supporter le coût? L'organisation elle-même? La collectivité? Un « mixte» des deux? Dans le cas de l'évaluation des firmes cotées, les gestionnaires de fonds « éthiques» peuvent également figurer parmi les financeurs. Dans le cas de financements publics des évaluations, quel est le niveau le plus pertinent: les collectivités locales, la région, le pays, l'Europe? Il n'y a pas aujourd'hui de modèle économique idéal. Les organismes d'évaluation ont du mal à trouver leur équilibre et le modèle dominant de « l'évalué payeur» pose un certain nombre de questions. Quid de la validité de l'évaluation lorsque l'évalué « finance» l'évaluateur? N'y a-t-il pas un risque d'« acheter» son évaluation, dans le cadre d'une relation client-fournisseur? 351
Il en est de même lorsque l'organisation évaluée est actionnaire de l'évaluateur(ll). Il y a là un risque sérieux de collusion entravant la marge de manœuvre de l'évaluateur. Il convient donc de penser l'architecture (ou la gouvernance) en articulant différents niveaux: la collecte ou la construction de l'information dans les entreprises; la mise en œuvre de l'évaluation par un prestataire externe; le contrôle ou la certification des évaluateurs ; la production de la norme (i. e. de la méthode) elle-même. Sur ce dernier point, on peut faire le parallèle avec la privatisation des normes comptables (Chiapello et Medjad, 2007) : c'est la profession (ici l'économie sociale, là les grandes entreprises et les grands cabinets d'audit comptable) qui édicte la norme. Le retrait des pouvoirs publics en tant qu'arbitre est un signe des temps particulièrement saisissant. La RSE de façon générale est un terrain d'émergence de normes privées. Parmi les producteurs de normes, les professions constituées et les secteurs sont des lieux actifs, l'histoire de l'International Accountability Standard Board (lASB) en est pleine d'enseignements. Le coût d'une évaluation ne peut pas être supporté par toutes les organisations. Comment faire en sorte qu'elles puissent toutes en bénéficier, les moins riches autant que celles qui sont financées par les pouvoirs publics sur projet et n'ont pas de marge de manœuvre en matière d'allocation de leurs ressources? Les PME, les associations. .. sont pour la plupart exclues de fait des chantiers d'évaluation, mis à part lorsque des dispositifs spécifiques sont mis en place pour contrecarrer cette inégalité d'accès. Il est ainsi intéressant de voir se composer à une autre échelle que celle de l'entreprise ou de l'organisation un système permettant l'évaluation. Le lien avec les territoires ou avec différents réseaux de proximité est à ce moment un signe de nouveaux liens organisationnels, secteurs et territoires apparaissant comme des lieux essentiels de recomposition des régulations remises en cause dans la période de crise (Du Tertre et Laurent, 2007).
. . ..
(11) C'est la situation
de Vigéo,
par exemple.
352
Ces dispositifs spécifiques peuvent nous aider à imaginer un modèle possible de l'évaluation de la RSEE. L'exemple du Bilan sociétal réalisé à l'initiative des collectivités locales dans les associations rennaises volontaires est à ce titre intéressant à étudier. L'objectif du Conseil de développement du pays de Rennes (Codespar) était de trouver un outil permettant d'évaluer et de valoriser les apports de l'économie sociale et solidaire à la vie locale, dans une perspective de développement durable. L'idée était également que cette initiative soit à l'origine d'un renforcement des relations et du partenariat entre les associations et les institutions du territoire (élus, administrations locales...) pour améliorer la qualité des prestations rendues à la collectivité. Il a été ainsi proposé à des associations rennaises de participer à l'expérimentation de l'outil Bilan sociétal dans un cadre collectif (cinq associations réalisaient leur Bilan sociétal sur la même période, avec des temps d'échanges collectifs interassociations) et sans être contraintes par la question financière, puisque le financement était entièrement public (Drass, conseil régional, Rennes métropole, ville de Rennes, conseil général d'Ille-et-Vilaine). Outre la nécessité d'adaptations techniques marginales, ces Bilans sociétaux ont permis de valoriser les apports des associations en termes d'utilité sociale par une analyse transversale des organisations (économique, sociale et environnementale). Ils ont également permis à ces associations d'accroître leur visibilité et d'entamer un débat interne et externe sur leurs points forts et la définition de pistes de travail. Aucune de ces associations n'aurait pu, faute de moyens financiers suffisants, entrer dans une démarche Bilan sociétal s'il n'y avait pas eu une mobilisation publique autour de ce type d'évaluation. De même, l'union régionale des Scop de l'Ouest (I2)s'est engagée dans une recherche-action sur la démarche Bilan sociétal auprès d'un échantillon de Scop bretonnes. L'objectif principal (I2) En partenariat avec le CJDES, la Fondation Macif et la CGScop.
la Caisse
353
des dépôts
et consignations,
la Drire,
était de donner aux Scop participantes les moyens d'évaluer leurs pratiques au regard de leur projet d'entreprise, d'apprécier les écarts entre les pratiques mises en œuvre et les valeurs affichées et défendues et, enfin, d'identifier d'éventuels axes de progrès. Les salariés, les dirigeants et les administrateurs, ainsi que des représentants de parties prenantes externes (clients, fournisseurs essentiellement), ont été invités à s'exprimer sur des thèmes peu abordés habituellement. Ces échanges se sont révélés riches pour la vie démocratique au sein de l'entreprise et ont pu faire ressortir des points forts comme des malaises ou des difficultés internes. Il est notable que les parties prenantes externes aient généralement exprimé une perception plus positive de l'entreprise que les salariés: « C'est un peu comme si les valeurs ajoutées coopératives, par rapport aux entreprises "classiques", étaient moins perçues en interne qu'en externe », remarque François Kerfourn, directeur de l'union régionale des Scop de l'Ouest(13). L'un des résultats de l'expérimentation est que la mise en œuvre d'une démarche Bilan sociétal est facilitée par le caractère collectif de l'expérimentation et surtout par la prise en charge financière de l'évaluation. Selon François Kerfourn, « les démarches volontaires d'entreprises pour s'engager dans un Bilan sociétal risquent de rester isolées si elles ne sont pas soutenues à la fois par des réseaux (fédérations professionnelles, chambres consulaires, groupements...) et par des dispositifs publics de type appui-conseil permettant une prise en charge financière ». Associer la problématique du financement de l'évaluation et l'inscription territoriale des entreprises constitue une importante piste de réflexion. En effet, la territorialité des entreprises est aussi une question de responsabilité sociale. On fait ici référence aux firmes financiarisées (i. e. dont le capital est détenu dans le cadre de portefeuilles financiers de type fonds de pension) dont la mobilité du capital est une des toutes premières caractéristiques
(13) François Kerfourn, « Les défis du secteur des organisations coopératives et mut ualis tes », http://rehue.csociales.uch ile. ci/pro grama s/proasoci a/proye cto s/ rulescoop/t aIleres.html.
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et dont la volatilité est souvent pointée lorsque les dégâts se mesurent localement (délocalisation, fermeture de site.. .). La responsabilité territoriale de l'entreprise, son inscription dans la durée auprès d'un sol, d'une population et des pouvoirs publics peut être comprise comme une démarche de responsabilité, associant développement durable et territoire. L'implication des acteurs territoriaux dans les démarches d'évaluation peut ainsi constituer une configuration efficace pour jeter les bases d'une nouvelle forme de contrat social s'appuyant sur une meilleure connaissance commune et une plus grande confiance réciproque.
Conclusion: pour une « haute qualité entrepreneuriale » La question de l'évaluation dans l'économie plurielle renvoie à la nature des engagements des différents acteurs et à leur positionnement en ce qui concerne les enjeux écologiques et sociaux. L'évaluation incite à une forme de retour aux fondements des projets et de projection vers un futur souhaitable. Elle s'inscrit dans une injection de sens dans l'organisation et le monde du travail. Un vaste mouvement de quête de sens touche l'entreprise de façon générale. C'est avec un certain mimétisme que se trouvent mobilisées les notions de responsabilité sociale, assez largement inscrites dans des logiques de projet. Se retrouve ici la fonction mobilisatrice du projet collectif comme figure du nouvel esprit du capitalisme. L'évaluation, considérée comme la mesure ou la production d'information, se traduit par la prolifération d'objets communicationnels en matière de responsabilité d'entreprise (charte, rapport, site, convention.. .). Les démarches d'évaluation de la responsabilité doivent ainsi être considérées comme une composante à part entière des relations sociales de l'entreprise avec son milieu: elles produisent des données pour communiquer, d'une part, et elles résultent de processus communicationnels (internes, notamment), d'autre part. 355
L'évaluation ne mérite alors pas d'être abordée comme un objet ou une question technique, professionnalisée, mais relève au contraire d'un projet politique qui suppose d'être porté par et dans l'entreprise. Loin d'évacuer le « social» et le travail, l'évaluation peut permettre, au contraire, de le resituer au cœur de l'organisation. Les conditions de production de l'évaluation et des discours sur la responsabilité et le projet méritent donc d'être scrutées avec soin. Trois modèles sont discernables : Pilotée par le haut: l'évaluation est voulue par le management; elle est mise en œuvre sous son contrôle à des fins stratégiques. C'est une situation classique en matière de communication de RSE: le reporting est institué, pour ne pas dire instrumenté, aux fins de constituer une identité de firme responsable. Professionnalisée: l'évaluation est prise en charge par des services spécialisés qui se saisissent de sa portée stratégique pour légitimer leur position. Cette analyse en termes de logique d'acteur peut être appliquée à différentes professions dans l'entreprise, particulièrement autour de la qualité (pilotage par les normes) et de la communication. La technicisation de l'évaluation renvoie à son autonomisation dans l'entreprise; c'est dans ce sens qu'elle peut échapper (partiellement au moins) à un contrôle politique ou managérial. La professionnalisation de l'évaluation peut aussi induire une forme de désappropriation pour l'entreprise: évaluée en externe, elle perd la main sur les constituants de son évaluation.
.
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Coproduite: l'évaluation peut être l'occasion d'une production
collective dans l'entreprise, une production collective qui aboutit à des formes d'engagement traitant notamment du projet de l'entreprise, de la responsabilité sociale... Cette dernière forme d'évaluation est d'ores et déjà utilisée par les entreprises de l'ESS avec l'outil Bilan sociétal, qui propose une démarche d'évaluation participative multi-parties prenantes. Le Bilan sociétal, au travers de son questionnement, permet de mettre en valeur la richesse essentielle des entreprises de l'ESS, c'est-à-dire leur potentiel humain. Par son mode d'organisation et de pratiques, par ses valeurs qui lui donnent sens, l'entreprise d'ESS doit pouvoir réunir les conditions d'une adhésion 356
de ses parties prenantes favorable à une meilleure performance économique et à une plus grande reconnaissance extérieure. À l'heure des délocalisations, de la casse humaine dans les entreprises, avec son cortège de maux et de mal-être, facteurs de démobilisation et de démotivation, les modes de gouvernance et de management deviennent une ambition stratégique de première importance. Les entreprises de l'ESS peuvent relever ce défi par
des pratiques de «haute qualité entrepreneuriale » porteuses d'inventivité, d'autonomie, de créativité et d'utilité sociale en leur sein et pour la collectivité. La recherche du sens devient une question primordiale. Or, historiquement, l'ESS traite de cette question du sens en répondant, par ses actions et son mode de fonctionnement, à une aspiration légitime de mieux-être individuel, de cohésion sociale, de transformation des modes de vie et des relations interhumaines. C'est en cela que les entreprises de l'ESS ne doivent pas hésiter à « convoquer le projet », comme disait Georges Rino, fondateur du Groupe Chèque-Déjeuner, quand le sens de l'action menée ne semble plus en cohérence avec les fondements. Le Bilan sociétal peut permettre de se poser et de se reposer les bonnes questions pour y parvenir et permettre de maintenir la conciliation du projet économique et du projet social.
357
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Paris,
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358
IV
-
Développement et éducation
La propriété commune de la coopérative, un modèle pour le droit du développement durable David Hiez*
Si les caractéristiques de la coopération sont nombreuses, l'une d'entre elles consiste dans le mode d'appropriation des biens, autrement dit dans le rapport institué entre les hommes et les biens, ce rapport ayant des échos dans les relations entre la coopérative et les coopérateurs. Fondée sur un contrôle du groupe qui nefasse pas disparaître l'individu, cette organisation préserve la protection des biens nécessaires au développement et à l'épanouissement des coopérateurs et de la coopérative. Ces caractéristiques, correspondant à l'institution germanique de la propriété en main commune, constituent un possible modèle pour les interrogations propres à notre temps telles qu'elles sont formulées à travers la thématique du développement durable. Source d'inspiration, la coopération atteste de sa richesse séculaire, qu'elle ne conservera que si elle se montre capable de la renouveler.
* Professeur de droit à l'université du Luxembourg. Mél. : [email protected].
361
e mouvement coopératif face aux attentes de la société: tel est le titre de ces rencontres internationales. Il y a de multiples façons de répondre à cette invitation. Spontanément, j'ai été tenté de développer l'une des difficultés que rencontre la coopérative pour répondre à ces attentes, d'insister sur les enjeux de l'évolution que connaît de nos jours le mouvement coopératif et sur les risques de décalage entre les pratiques et les principes affirmés. Et puis, réflexion faite, je me suis dit que la coopération recelait tout de même des atouts, sans quoi il serait préférable de renoncer à s'y intéresser. C'était l'occasion de mettre en parallèle l'un de ces atouts avec des réflexions voisines, l'une des directions envisagées pour le devenir de nos sociétés. Or, une des perspectives les plus en vogue, y compris dans le monde de l'entreprise, est celle du développement durable. Il est bien connu que la coopération faisait du développement durable bien avant que le mot n'existe, qu'elle prenait en compte des exigences que les autres n'avaient pas encore perçues. Cette antienne, que nous connaissons bien, a servi d'argument fort dans l'opposition qui s'est faite aux tenants de la nouvelle économie solidaire, taxés d'ignorance sur la réalité historique et d'irréalisme. Ainsi affirmé, l'argument se transforme aisément en pétition de principe et cristallise les rancœurs plutôt qu'il n'anime le débat, pourtant fort utile. C'est donc sur ce terrain que j'ai choisi de me placer, mais de façon indirecte et très partielle. Il me semble en effet qu'il existe une réalité du fonctionnement des coopératives qui rejoint de très près les préoccupations des zélateurs du développement durable ou des tenants de la décroissance (l),c'est le sort très particulier réservé au capital de l'entreprise, détaché, voire préservé, de l'attraction des membres de l'entreprise, coopérateurs ou non. C'est ce qui se rattache à ce qu'il est convenu d'appeler le principe d'impartageabilité des réserves. Par les mécanismes qu'il induit, ce principe assure en effet, par-delà la méfiance qu'il témoigne aux individus présents, une prise en compte des générations futures.
L
(1) Voir par exemple l'invocation de la propriété en main commune, que je développerai plus loin, par un objecteur de croissance: www.apres-developpemenLorg/ activites/brens.htm.
362
Voilà donc mon ambition: montrer en quoi la construction par les coopérateurs de solutions techniques et concrètes, fruit de tâtonnements depuis bientôt près de deux siècles, pour assurer la pérennité de leur œuvre peut servir de modèle dans la recherche de solutions aussi pratiques aux enjeux de nos sociétés actuelles. Puisque je suis juriste et que c'est encore au droit que l'on demande de fournir des cadres à l'activité humaine, c'est sur le terrain juridique que je vais me situer. Cela suppose de faire le lien avec les concepts juridiques en cause. Or, s'agissant de la relation que les individus ou les groupes, voire l'humanité, entretiennent avec les biens extérieurs, le concept clé est celui de propriété. Pour rendre compte de la situation connue des coopératives, il me semble que c'est à la propriété commune qu'il faut faire appel. Je montrerai que cette notion correspond aux règles du droit coopératif. Ce n'est qu'alors que je pourrai esquisser des liens entre celles-ci et les recherches les plus contemporaines sur la traduction juridique des préoccupations du développement durable et essayer de convaincre de leur utilité.
Qu'est-ce que la propriété commune? Pour répondre à cette question, j'emprunterai successivement deux voies. D'abord, de façon plus théorique, je ferai appel à l'anthropologie juridique pour préciser les contours de la notion. Ensuite, plus techniquement, je tâcherai d'exposer succinctement la résonance que cette conception trouve dans les concepts juridiques de nos sociétés. Ni propriété individuelle ni propriété collective Il peut sembler surprenant de faire un détour par l'anthropologie juridique, dans la mesure où notre propos s'intéresse exclusivement à la situation de notre société occidentale contemporaine. Pourtant, il s'avère que ses apports sont tout à fait essentiels en ce qui concerne le repérage des diverses façons de rendre compte des liens entre l'homme et les choses, autrement dit de la propriété. Par la confrontation à des modes d'organisation très différents, 363
les anthropologues sont particulièrement à même d'apprécier la portée de notre propre terminologie, et ce d'autant plus lorsqu'elle vise à rendre compte de modèles qui ne nous sont pas naturels. Or, il ressort des études anthropologiques une méfiance particulière à l'égard de la notion de propriété collective. Elles relèvent en effet que cette notion est généralement utilisée pour rendre compte de l'évolution des sociétés humaines, celle-ci étant marquée par le passage progressif de la propriété collective à la propriété individuelle (Terre,2006), la première manifestant dès lors un degré inférieur dans les différents stades du développement. À une société inorganisée dans laquelle le groupe apparaît comme un tout informe correspondrait une propriété collective, les individus étant incapables de présenter des caractères spécifiques susceptibles de les distinguer les uns des autres (Roulant, 1988, p. 254). Aux yeux des anthropologues, cette présentation ne correspond pas du tout à la réalité pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il n'y a aucune évolution linéaire, mais bien plus une juxtaposition des modèles, d'abord dans l'espace, mais même au sein d'une même société. En outre, la conception de la propriété collective que se font les juristes qui colportent cette représentation ne correspond à aucune réalité: bien loin de faire preuve d'une inorganisation liée à la référence à un tout informe, les sociétés traditionnelles - qui ne mettent pas la propriété individuelle au centre de leur structuration - mettent au contraire en scène des relations d'une grande complexité, qui font écho aux problèmes que nos sociétés rencontrent aujourd'hui. En effet, la différence fondamentale tient plutôt à ce que leur structure sociale ne se situe pas d'abord sur les relations de l'homme aux choses, mais des hommes entre eux, le rapport aux biens n'étant dès lors le plus souvent que la manifestation de relations sociales. En conséquence, les droits sur les choses font apparaître des interrelations personnelles, les différents membres de la communauté disposant de droits complémentaires sur une même chose, comme le connaissait notre ancien droit avec la propriété simultanée et les diverses utilités d'un même bien (Patault, 1989). Pour rendre compte de cette spécificité, les anthropologues préfèrent se référer à la propriété communautaire, plus proche 364
de l'idée de communauté qui anime les sociétés traditionnelles et dégagée de la gangue qui entoure la propriété collective, surtout dans notre siècle marqué par des expériences totalitaires. C'est sur cet arrière-plan conceptuel que nous pouvons mieux comprendre les constructions techniques qui ont été proposées dans nos sociétés occidentales. Propriété commune et gesammte Hand Au regard des notions juridiques de nos sociétés occidentales, nul doute que la propriété commune soit plus marginale. Ce n'est pas à dire qu'elle soit inexistante. Elle se débat pourtant elle aussi entre propriété individuelle et propriété collective. C'est évidemment la propriété individuelle qui domine, au point de constituer pour ainsi dire la seule institution de droit positif. C'est ainsi que la propriété publique, que l'on pourrait songer à rattacher à la propriété collective, est en réalité forgée sur le modèle de la propriété individuelle (2),le propriétaire étant ici simplement l'État. La conséquence en est une confusion généralement opérée entre propriété collective et propriété commune. La distinction me semble pourtant devoir être faite. La raison la moins scientifique tient à ce que la propriété collective est rattachée, dans la pensée commune, à l'appropriation collective (des moyens de production), et donc au marxisme(3), ou encore au modèle platonicien (4).La raison plus technique tient à ce qu'il existe un modèle, certes peu connu, qui doit être qualifié de propriété commune: la gesammte Hand (Ricol, 1907; Josserand, 1904, p. 357). La gesammte Hand est une notion du droit germanique, tombée en désuétude à l'heure de gloire du droit romain, mais réapparue avec le Code civil allemand de 1900. Il s'agit d'une institution familiale par laquelle il est rendu compte de l'appropriation de biens par un groupe. Ce mode d'appropriation marque une forte relation du groupe aux biens, puisque c'est le groupe entendu (2) C. Aubry et C. Rau par P. Esmein, voI.2, na 42. (3) Voir Vocabulaire Capitant. (4) F. Terre, op. cil., na 104.
Traité
365
de droit civil français,
7e édition,
comme ensemble de ses membres qui en est propriétaire, et non une conception unitaire du groupe comme nous le propose le modèle de la personnalité morale. L'importance accordée aux individus du groupe conduit à retenir en droit allemand cette forme juridique pour les sociétés de personnes. Parallèlement, cela conduit à exiger l'accord de tous les membres du groupe pour passer un acte de disposition sur un élément de cette gesammte Hand, à moins bien sûr qu'ils n'aient tous décidé de mandater quelqu'un pour les représenter. L'attachement à la communauté conduisait le droit allemand originaire à mettre fin à la gesammte Hand en cas de disparition ou de sortie du groupe d'un de ses membres. En effet, d'abord conçu pour la famille, le groupe de base de la gesammte Hand ne pouvait se dissoudre sans que prenne fin la gesammte Hand elle-même. Peu à peu toutefois, cette conception s'est assouplie par l'utilisation élargie de l'institution. La sortie d'un membre du groupe ne se traduit donc plus par sa dissolution, mais par sa subsistance avec pour principe l'accroissement de la gesammte Hand des biens du sortant au bénéfice de ceux qui restent. De nouveaux assouplissements ont encore été prévus en cas de décès d'un membre pour permettre l'entrée en ses lieux et place de ses héritiers en ligne directe, puis, plus récemment, en matière de sociétés, pour permettre à un membre de céder ses parts à un étranger qui intégrera le groupe. Deux éléments doivent retenir l'attention du droit coopératif: la théorie de l'accroissement et la conception du groupe. La conception du groupe est intéressante en ce qu'elle tranche avec celles que connaît notre droit français. En effet, en droit actuel, soit le groupe est personnifié et alors ses membres se fondent dans la personne morale au sein de laquelle ils perdent leur individualité (Simonart, 1995); soit il ne l'est pas et alors nous ne pouvons au mieux être en présence que d'une indivision, dans laquelle les individus ne constituent pas un groupe, mais un agrégat dont il est loisible à chacun des indivisaires ou à leurs créanciers de provoquer la dissolution <S).La gesammte Hand (5) C. Aubry
et C. Rau par P. Esmein,
op. cil., na" 329 sqq.
366
présente un modèle médian, essayant de concilier constitution d'un groupe et respect de chacun des membres. Cela nous semble parler au droit coopératif, qui essaie de faire en sorte que la coopérative ne soit pas autre chose que ses coopérateurs et pour qui, dans cette perspective, la personnalité morale est un vêtement fort mal commode, puisqu'il autonomise et coupe irrémédiablement la coopérative de ses membres en en faisant un être juridique distinct (6).Le second intérêt porte sur la théorie de l'accroissement: forte de l'unité du groupe, la personne qui quitte le groupe n'emporte aucun des biens de la gesammte Hand, car individuellement elle n'est titulaire d'aucun droit; or, puisqu'elle renonce à faire partie du groupe, elle ne peut qu'abandonner les droits (communs) qui s'attachaient à cette seule qualité. Cette solution totalement inconnue de notre droit résonne d'un écho familier aux oreilles coopératives, puisqu'il renvoie au principe de l'impartageabilité des réserves. Le mécanisme technique diffère puisque, dans le droit coopératif, celle-ci n'empêche pas le coopérateur sur le départ de réclamer le remboursement de ses parts sociales. Toutefois, l'inspiration est la même, assurer la pérennité du groupement, et la spécificité du remboursement des parts sociales par rapport au droit des sociétés peut d'ailleurs trouver à s'expliquer de cette façon également. C'est un approfondissement des points de convergence entre les deux techniques que je vous propose à présent de poursuivre.
La spécificité du mode d'appropriation en droit coopératif Je voudrais montrer que le concept le plus adapté pour rendre compte des droits des coopérateurs sur les biens de la coopérative est celui de propriété commune. Il est pourtant classique de parler ici de propriété collective (Espagne, 1994, p. 54). Il nous semble toutefois qu'il ne faut pas attacher de dimension juridique à cette notion et nous en trouvons une double confirmation dans (6) Il serait légitime et judicieux de s'interroger sur la réalité de ce lien entre coopératives et coopérateurs. Notre recherche ne se présentant toutefois pas comme critique de la vie coopérative actuelle, nous ne nous y emploierons pas.
367
les discours coopérativistes. D'une part, les premiers écrits visaient les réserves impartageables par le vocable « capital social indivis» (Espagne, 1994, p. 56), alors que toutes les analyses juridiques s'accordent à placer l'appropriation indivise dans le giron de la propriété individuelle. D'autre part, il est habituel de citer parmi les ancêtres des mouvements coopératifs les communautés taisibles (Gueslin, 1998, p. 9(7)),or celles-ci étaient des exemples de gesammte Hand (Ricol, 1907, p. 237), de propriété en main commune. Ce n'est toutefois qu'en envisageant l'arrière-plan théorique de ce mode d'appropriation et sa consécration technique que nous pourrons nous en faire une conception plus certaine. La propriété commune, produit du travail de tous Si l'on se penche quelques instants sur la genèse du mouvement coopératif, autrement dit sur les utopistes du XIXesiècle, on ne peut que constater la résonance de ces discussions. Partout la propriété privée y est fustigée, considérée comme largement responsable des maux de la société: elle aiguise les appétits du propriétaire et le pousse à opprimer ceux qui sont sous sa dépendance afin de mieux les satisfaire. Que l'on consulte les écrits de Fourrier, d'Owen, de Proudhon ou des penseurs plus pratiques comme Buchez, tous préconisent la remise en cause de la propriété privée. Ils partagent même cette préoccupation avec Marx et ses disciples. Les solutions qu'ils proposent au mal ainsi analysé ne sont toutefois pas les mêmes. Certains prônent un contrôle social sur l'utilisation des biens, là où d'autres préfèrent s'en remettre à l'appropriation par une communauté restreinte, quitte à reconnaître en son sein des formes de propriété privée, cette appropriation étant même parfois parée des vertus de l'émulation des propriétaires. Même si le spectre est ainsi étendu, les initiateurs les plus directs du mouvement coopératif tiennent une voie moyenne. On sait qu'ils ne sont pas favorables au maintien de la propriété privative. Par opposition aux marxistes, ils ne (7) L'auteur inexacte.
les qualifie d'ailleurs
de propriété
368
collective,
qualification
juridiquement
se montrent toutefois pas plus favorables à une appropriation collective, à la mise à la disposition de la société dans son ensemble des outils de production (8).Ils préfèrent l'attribuer à la communauté de travailleurs qui utilisent ces outils. Ce faisant, nous retrouvons la même idée de propriété commune, intermédiaire entre deux systèmes extrêmes dans leur perspective. La volonté d'émanciper durablement les travailleurs est toutefois la même et le risque formulé par Marx de ne faire qu'augmenter le nombre des capitalistes n'est pas ignoré (Berger, 1974). Si les utopistes suggèrent des moyens concrets de réformer la société, ces propositions sont orientées vers la durée et des mesures sont donc envisagées pour assurer ia pérennité du projet. Du côté de la relation de l'homme au capital, qui est présentée comme accessoire, c'est une forme de propriété particulière qui se profile: celle, inaliénable, du groupe. Le mot central est lâché, la propriété sera inaliénable. Deux raisons justifient cette préconisation: d'abord, immédiatement, pour la soustraire aux appétits du groupe, des sociétaires; mais surtout, plus fondamentalement, pour assurer la persistance de la communauté ainsi créée, de l'association coopérative. En effet, les membres de la coopérative ne se rassemblent pas pour maximiser leur enrichissement par une mise en commun de leurs moyens, mais pour échapper à la misère et à l'emprise de ceux qui profitent d'eux (patrons, commerçants, usuriers.. .). La conséquence en est que le produit des gains réalisé n'est pas naturellement destiné à leur revenir. Certes, il est légitime qu'ils vivent et l'étendue du produit qui doit leur revenir sera l'objet de discussions pendant plus d'un siècle, et il n'est d'ailleurs pas certain que la question ne se repose actuellement avec une acuité d'autant plus insidieuse qu'on la dissimule derrière des considérations techniques. Une partie du produit de l'activité de l'association doit ainsi échapper à l'emprise de ses membres pour servir à l'association elle-même, ou plutôt devrais-je dire au groupe. En effet, le groupe ne se confond pas avec ses seuls membres présents, mais est amené à se renouveler, à connaître (8) Henri Desroche opposait ainsi collectivisme 1981, p. 128)
369
et coopérativisme
(Desroche,
(9) qui devraient pouvoir profiter du travail de nouvelles générations d'émancipation collectivement réalisé par leurs pères. L'ancrage chrétien de Buchez le conduit même à aller plus loin dans cette voie en suggérant que ce capital se conçoive sur le modèle des biens de mainmorte (Gide, 2001, p. 66) : il s'agissait des biens dont les institutions religieuses étaient propriétaires dans l'ancien droit, qui s'accroissaient sans cesse par l'effet de nouvelles donations et qui ne disparaissaient jamais, puisque ces institutions étaient perpétuelles (10). Donc, aux fondements de l'appréhension des rapports de l'homme aux choses, on retrouve des idées voisines de celles qui animent la propriété commune. Reste à vérifier que cela se retrouve dans les solutions juridiques effectivement retenues.
L'encadrement juridique de l'appropriation commune Il est difficile d'appréhender cet encadrement juridique de façon globale tant les solutions varient, d'abord en fonction des droits nationaux, ensuite au sein de chaque droit selon les diverses familles de la coopération. Faute de connaître sérieusement les droits étrangers, c'est au droit français que je me référerai principalement. Cette référence ne peut toutefois être exclusive sauf à fausser la présentation, tant chaque pays est marqué par des pratiques spécifiques, la France étant généralement considérée comme spécialement impliquée dans la coopération ouvrière. Je m'appuierai donc pour compléter cette approche sur les principes de l'ACI, représentant le dénominateur commun des divers mouvements coopératifs, ainsi que sur le droit européen et plus particulièrement sur le règlement du Conseil n° 1435/2003, du 22 juillet 2003, instituant la société coopérative européenne (Il). (9) Buchez cité par H. Desroche (1981, p. 22). (10) Quoique Gide ne semble pas en avoir fait le rapprochement, cette idée d'un accroissement perpétuel de l'association coopérative peut être rapprochée de celle de république coopérative, chère à cet auteur. (11) Ph. Marchand, « La société coopérative européenne à l'épreuve des principes coopératifs », in La gestion de l'économie sociale et solidaire, entre spécificité et banalisation, J.-L. Laville et Ph. Marchand (sous la dir. de), à paraître; Grandwillemin, 2003, p. 1900; Parléani, 2004; Alfandari et Piot, 2005.
370
Conformément à la volonté de mettre l'homme au premier plan et en conséquence le capital au second, le droit coopératif français limite l'appréhension par les coopérateurs des excédents dégagés par la coopérative, notamment en prévoyant qu'ils ne percevront pas de dividendes, mais des intérêts limités dans leur montant. Parallèlement, dans l'esprit de la tradition buchézienne, ce droit est marqué par le principe de l'impartageabilité des réserves (Espagne, 1994): une partie non négligeable des excédents doit en effet être affectée à une réserve, au terme de planchers définis par la loi et les statuts (12),dont l'utilisation est réglementée. Cette réglementation s'oriente dans deux directions: d'une part, la prohibition de son appréhension par les coopérateurs; de l'autre, l'obligation en cas de dissolution de la coopérative d'attribuer le boni de liquidation à une œuvre d'intérêt général. S'agissant tout d'abord de la limitation des droits des coopérateurs sur les fonds de la coopérative durant son existence, on peut considérer que cette perspective est commune à l'ensemble du mouvement coopératif. Au titre du principe de « participation économique des membres », l'ACI prévoit en effet: « Les membres contribuent de manière équitable au capital de leurs coopératives et en ont le contrôle. Une partie au moins de ce capital est habituellement la propriété commune de la coopérative. Les membres ne bénéficient habituellement que d'une rémunération limitée du capital souscrit comme condition de leur adhésion. Les membres affectent les excédents à tout ou partie des objectifs suivants: le développement de leur coopérative, éventuellement par la dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable, des ristournes aux membres en proportion de leurs transactions avec la coopérative et le
soutien d'autres activités approuvées par les membres.
»
Le
règlement européen, s'il ne contient pas les mêmes références à la propriété commune (ou collective), n'est pas pour autant en reste, puisqu'il comporte le principe de la rémunération limitée dans son dixième considérant et, par interprétation du septième (12) L'insertion de ce principe dans la loi a été progressive (Coutant, accomplie par la loi de 1947, qui n'a peut-être pas clos l'évolution.
371
1950) et s'est
considérant et de l'article 4 paragraphe 8, de l'impartageabilité des réserves (13),
Le droit français est plus développé et plus strict (Hiez, 2005, p. 20). L'article 14 de la loi de 1947 limite expressément la rémunération du capital au taux d'intérêt moyen du rendement des obligations et, si certaines familles coopératives connaissent des dérogations (comme les Scop), la limitation n'est jamais abandonnée, pas plus que la primauté de la ristourne. Quant à l'impartageabilité des réserves, elle est prévue par l'article 16 de la même loi. L'évolution contemporaine va toutefois dans le sens d'une atténuation de la rigueur du principe, la loi de 1992 ayant introduit des assouplissements: il est désormais possible d'incorporer une partie limitée des réserves au capital social et, ainsi, de les rendre partageables. S'agissant ensuite du sort des réserves ainsi accumulées au moment de la dissolution de la coopérative, force est de constater que l'ACI est peu diserte. Si elle préconise l'ouverture de la coopérative vers l'éducation, la formation et même le développement durable de la communauté, elle est silencieuse sur le sort qu'il convient de faire à l'éventuel boni de liquidation. C'est une différence importante avec le droit français, nous le verrons, puisque l'on considère, dans cette tradition, que sans ce pendant l'appropriation commune et l'impartageabilité des réserves risquent bien d'être lettre morte. Sous cet angle, le règlement européen va plus loin que l'AC!. Son article 75 affirme en effet la dévolution désintéressée et, s'il permet aux législations nationales d'y déroger, il le pose néanmoins en principe, conformément d'ailleurs au préambule du règlement. Là encore, le droit français est plus ferme. Si la coopérative est dissoute, le boni de liquidation doit revenir à une œuvre d'intérêt général. Lorsque la coopérative se transforme sans que cela entraîne sa dissolution, la nouvelle structure devra, au sein de son capital, prévoir une masse particulière de biens (ceux provenant de la coopérative) qui demeureront impartageables (13) P. Marchand, « La société coopérative européenne coopératifs », à paraître.
372
à l'épreuve des principes
durant dix ans. Alliée au contrôle exercé par les pouvoirs publics sur les demandes de sortie du statut coopératif, cette solution apparaît de nature à protéger la sacro-sainte impartageabilité des réserves. Que tirer de ce rapide résumé? Tout d'abord que l'interdiction faite à l'un quelconque des coopérateurs de tirer un profit individuel de la coopérative correspond parfaitement au rejet de la propriété individuelle. Si chacun bénéficie de l'activité qu'il réalise au sein de la coopérative, les résultats produits par l'ensemble des coopérateurs ne peuvent profiter qu'à tous ou, plus exactement, à la communauté. Ensuite, la constitution de réserves, quelle qu'en soit l'étendue, correspond à l'établissement d'un patrimoine commun à tous, d'une masse sur laquelle les coopérateurs disposent d'une propriété commune. S'agissant d'une propriété commune, le départ d'un coopérateur ne peut juridiquement produire qu'un accroissement au profit de tous, accroissement qui dans le cas particulier des coopératives est susceptible de bénéficier à tous, et particulièrement aux futurs coopérateurs. Cette propriété commune, à travers les règles strictes qui l'encadrent, a notamment été conçue pour assurer l'avenir de la coopérative et c'est en cela qu'elle est susceptible d'éclairer les réflexions suscitées de nos jours par les problèmes écologiques.
L'adéquation aux exigences du développement durable Le développement durable (sustainable development) constitue l'outil actuel pour repenser notre mode de développement économique afin de tenir compte des impératifs écologistes négligés, voire bafoués, par le mode de production capitaliste. Il est apparu que la confiance dans la propriété privée soulevait, là également, des difficultés, dans la mesure où les propriétaires, totalement libres de l'usage des biens dans leur dépendance et n'ayant pas à prendre en considération d'autres intérêts que les leurs, tendaient à puiser dans ces biens, au risque, pour les plus fragiles ou les plus rares, de les épuiser, mettant ainsi en péril de devenir de l'humanité. Cela a conduit à qualifier certains biens de patrimoine commun. À un niveau inférieur, pour ne parler que 373
du secteur de l'activité économique (celui des coopératives), le même souci a conduit à repenser la notion d'entreprise. Or, il apparaît que sous ces deux aspects la propriété commune constituait une clé, ce qui amène à se demander si le modèle coopératif n'est pas de nature à fournir un cadre de réflexion pertinent.
La notion de patrimoine commun Le patrimoine commun est une notion juridique nouvelle qu'il faut rapporter à celle de patrimoine que connaissait déjà le droit civil français. Depuis le XIXesiècle, en effet, le patrimoine est conçu comme une façon adéquate de rendre compte des droits qu'un individu détient sur les choses extérieures dès lors que l'on cherche à les envisager de façon globale (Hiez, 2004). C'est ainsi qu'il est classique d'affirmer que toute personne dispose d'un patrimoine et d'un seul. Cela concerne toutes les personnes, à savoir les personnes physiques (les individus), mais également les personnes morales (tous les groupements auxquels on a reconnu une existence juridique, comme les sociétés, les associations. ..). Le patrimoine est donc l'ensemble des droits d'une personne, présents ou à venir. Il représente donc dans le même temps la puissance juridique de la personne au monde, son aptitude à disposer de droits et à en acquérir. En conséquence, le patrimoine est la marque même de l'esprit de domination qui anime les hommes sur le monde. Cette qualité s'accompagne de la charge individualiste que recèle la propriété, tout patrimoine ne pouvant jamais (et ne devant) qu'être rattaché à une seule personne. Le patrimoine commun se rattache à une tout autre conception du rapport de l'homme à la nature et des hommes entre eux (Ost, 1995,p. 336). Il n'est en effet pas rattaché à un individu déterminé, mais à un groupe, dont le contour est plus ou moins large et plus ou moins précis. Ainsi, le patrimoine intègre l'attention du rapport non plus d'un homme, mais de plusieurs hommes sur un ensemble de choses et permet donc d'envisager la diversité de leurs situations en cherchant à organiser leurs interrelations. La conséquence juridique fondamentale est donc une remise en cause de la propriété privée, sinon dans ses fondements, du moins dans sa prétention à appréhender la totalité des rapports de l'homme 374
au monde. Que l'on prenne l'exemple du patrimoine commun de l'humanité et l'on s'aperçoit immédiatement que les droits que chaque homme peut détenir sur un bien incorporé à ce patrimoine vont devoir être conciliés avec les droits que tous les hommes, en tant que membres de cette humanité, peuvent faire valoir sur l'ensemble du patrimoine (Kiss, 1982) (14).En d'autres termes, à côté de l'appropriation privée va voir le jour une autre forme d'appropriation, qui ne s'y substituera pas, mais se superposera à la première. Dans la mesure où la propriété collective est dans son essence inconciliable avec une appropriation privative partielle, il semble que seule la propriété commune est à même de rendre compte de cette nouvelle conception. Si le modèle coopératif peut être utile à ce stade, c'est dans la mesure où il a dû inventer des solutions pour assurer l'intégrité des droits de la communauté des coopérateurs sur le patrimoine de la coopérative. Or ces solutions ont été trouvées, on l'a vu, dans une restriction, voire une suppression des droits individuels: prohibition des prélèvements, interdiction du partage. n y a sans doute là matière à inspiration pour le patrimoine commun et/ou à rapprochement pour les règles qui ont déjà été dégagées. Si la consécration d'un patrimoine commun a pour objet d'assurer une pérennité de ses éléments jugés essentiels pour la communauté à laquelle il est rattaché -l'humanité, mais aussi la nation, pourquoi pas la commune ou quelque autre communauté -, la seule solution consiste à restreindre les droits des membres de la communauté sur ces éléments. L'évolution est en ce sens qui interdit par exemple au propriétaire d'effectuer librement des travaux sur un immeuble lorsque celui-ci présente un intérêt architectural particulier. Le train est ici en marche, moins à l'initiative de communautés que sous l'influence de l'État, tant l'intérêt général est en jeu. n n'est en conséquence pas certain que l'exemple coopératif soit le plus utile dans cette matière. n faut toutefois remarquer, et ce n'est pas rien, que les mécanismes mis en œuvre par les (14) Pour une mise en perspective de cette question à travers le prisme des « biens publics » : D. Compagnon, « La biodiversité, entre appropriation privée, revendication de souveraineté et coopération internationale », Développement durable et Territoire, mars 2008, http://developpementdurable.revues.org/document5253.html.
375
coopérateurs pour répondre aux problèmes sociaux auxquels ils devaient faire face sont similaires à ceux préconisés aujourd'hui pour répondre aux dangers écologiques. Il y aurait peut-être matière à des rapprochements qui ne sont pas toujours faits, non pas afin de permettre au mouvement coopératif de se glorifier de son antériorité, mais, fort de son expérience, de se constituer en exemple et de ne pas laisser la place à des acteurs plus intéressés par leur enrichissement personnel. C'est d'ailleurs au niveau des entreprises que le modèle coopératif retrouve tout son sens. La coopérative, modèle de l'entreprise? C'est sans doute sur ce point qu'il y aurait le plus à dire, cette question étant à elle seule l'objet d'une réflexion indépendante. Nous nous contenterons pour notre part de quelques réflexions ramassées dans la perspective générale de notre étude. Ce sont donc les apports que peut fournir la coopérative qui retiendront seuls notre attention. Ces apports doiventêtre mesurés à l'aune de ce qu'est aujourd'hui l'entreprise, entendons l'entreprise capitaliste puisqu'elle constitue le modèle ultra-dominant. Il ne s'agit pas ici de la décrire, mais de rappeler les relations qu'elle entretient avec la notion de propriété (Ripert, 2005). Or de ce point de vue, force est de constater qu'elle ne comporte juridiquement aucune autre référence que celle de la propriété individuelle. Ce n'est pas à dire que l'entreprise est la chose exclusive des détenteurs de capital qui sont individuellement propriétaires des actions qui en représentent la valeur, voici plus de cinquante ans que toute une école de juristes s'est appliquée à montrer que l'entreprise constituait une institution qui englobait de nombreux autres acteurs (salariés, créanciers, clients. ..) [Despax, 1957]. Simplement, pour s'en tenir aux analyses qui ont été reçues dans le cercle des juristes, autrement dit en excluant les propositions les plus radicales (collectivistes), les divers droits des individus dans l'entreprise se sont déclinés sur le mode de l'appropriation individuelle. C'est ainsi bien entendu d'abord la propriété des actionnaires, c'est ensuite celle que certains partenaires peuvent avoir sur des éléments de l'entreprise (vente de matériel avec clause de réserve de propriété) ou celle des créanciers qui détiennent 376
une créance contre celle-ci. Ce sont encore les salariés, eux aussi créanciers de l'entreprise. Ces créanciers présentent également une physionomie particulière et auraient pu constituer la base d'une autre forme d'appropriation; il n'en a toutefois rien été. En effet, si l'on met à part la question syndicale, qui constitue certes une expression collective des salariés, mais détachée de l'entreprise prise dans son individualité, il ne reste que le comité d'entreprise. Or celui-ci n'a aucune dimension réelle, en ce sens qu'il se situe en dehors de toute question liée aux droits sur le patrimoine de l'entreprise. Le comité d'entreprise est un élément de la citoyenneté dans l'entreprise, un moyen d'information et de consultation des salariés, mais n'a aucune incidence sur leurs droits pécuniaires. Ceux-ci ne sont conçus que de façon individuelle, sous forme de salaire, d'abord, et accessoirement par une participation qui peut prendre plusieurs formes, mais qui se rapporte toujours à l'octroi de droits individuels dans l'entreprise. C'est ainsi que, lorsqu'on a voulu favoriser l'intégration des salariés à la vie patrimoniale de leur entreprise, on a cherché à développer l'actionnariat salarié. Or chacun sait que ce qui distingue l'actionnariat salarié de la coopération ouvrière, c'est précisément l'absence de toute dimension collective dans le premier (15).Et ce que nous venons de dire des salariés, pour lesquels l'appréhension collective semble plus avancée dans la pensée commune, en héritage de l'analyse marxiste de la classe ouvrière, nous pouvons l'affirmer a fortiori des autres partenaires de l'entreprise, qui font pâle figure si on les compare aux coopératives d'entrepreneurs. Peut-on et comment dès lors introduire une dimension d'appropriation commune dans l'entreprise? Il n'est pas question ici de proposer de transformer l'entreprise individuelle en entreprise collective ni même en entreprise coopérative; d'autres l'ont très bien fait. Je voudrais plutôt me demander, plus modestement, quelles propositions concrètes et immédiatement applicables le monde coopératif peut faire aux entreprises désireuses de répondre aux enjeux de notre temps. En effet, l'entreprise (15) Il ne faut évidemment l'absence
totale de référence
pas négliger à la double
le second qualité
377
aspect de cette différence, (Hiez, 2006, p. 34 sqq).
qui est
capitaliste est peut-être en mutation, en tout cas certains des penseurs et des acteurs de l'économie capitaliste commencent à remettre en cause les dogmes dominants au nom des risques d'implosion qu'ils pressentent (16).Ces frémissements se font sentir dans le droit, principalement à travers la notion de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) à laquelle il faut rattacher les préoccupations de l'éthique dans l'entreprise. Ces orientations mettent en avant le fait que l'entreprise est un acteur de la vie sociale autant qu'économique et que, à ce titre, elle a également des devoirs ou, juridiquement, des obligations. Celles-ci sont principalement dirigées vers la protection de l'environnement, la sécurité des salariés, le respect de leurs droits individuels ou collectifs... Autrement dit, elles sont sans incidence sur le mode d'appropriation de l'entreprise. Raison de plus pour les coopératives de profiter du mouvement en cours pour susciter d'autres évolutions. Comme nous l'avons vu, le moyen concret de protection des coopérateurs, autrement dit de l'entreprise coopérative, c'est la limitation des droits individuels des coopérateurs au profit de la collectivité. Titulaires du pouvoir dans la coopérative, ceux-ci pourraient en effet avoir la tentation d'en abuser. Or, les titulaires du pouvoir dans l'entreprise capitaliste sont, d'une part, les actionnaires et, d'autre part, les dirigeants. Après avoir été dans le sens de l'accroissement des pouvoirs des dirigeants, censés avoir une vue moins immédiate et plus désintéressée du devenir de l'entreprise, la mode est passée, au nom de la corporate governance, à la réaffirmation de celui des actionnaires, titulaires finaux des droits sur l'entreprise. On ne voit guère dans ces changements que le résultat d'une lutte d'influence entre deux pouvoirs concurrents et non une réduction des droits de prélèvement sur l'entreprise elle-même, dans la mesure où la diminution des droits de l'un s'accompagne corrélativement de leur attribution à l'autre. Autrement dit, comme l'a montré l'exemple coopératif, ce n'est pas seulement la restriction des (16) Pour une synthèse des évolutions les plus innovantes, façon un peu idyllique, voir Laville, 2006.
378
parfois présentées de
droits, mais aussi l'affectation des biens ainsi préservés qui doivent être envisagées. En conséquence, quoiqu'il puisse paraître plus juste, un rééquilibrage des fruits de l'entreprise au bénéfice de ses salariés ou de ses partenaires n'apporterait aucune solution au problème de fond de la durabilité de l'entreprise. Faut-il imaginer dès lors que l'entreprise capitaliste soit contrainte de procéder à une mise en réserves, comme peut l'être la coopérative? Techniquement plus facilement envisageable pour l'entreprise structurée sous forme de société que pour l'entreprise individuelle, la solution se heurte certainement de façon trop frontale à l'appréhension économique globale pour être sérieusement suggérée. Alors, un échec? Oui, sans doute. La tentative pour utiliser le modèle coopératif dans la réflexion sur l'entreprise de demain ne fournit pas la boîte à outils dont on aurait pu rêver. En revanche, la confrontation nous apporte de précieux enseignements. En effet, alors que le mouvement coopératif trouve ses solutions dans une remise en cause de la propriété individuelle, plus précisément dans la propriété commune, il apparaît que l'entreprise capitaliste ne parvient pas à se dégager de ce modèle et que, en conséquence, les règles qui encadrent ses activités et son fonctionnement lui sont dictées de l'extérieur, les limitations de ses droits patrimoniaux étant de nature plus collectives et abstraites. Celles-ci proviennent en effet de l'État et non d'un groupe qui n'a pas réussi à se construire autour de l'entreprise; or, les droits que fait valoir l'État ne sont jamais que ceux de la collectivité tout entière. Il y aurait de quoi se demander si la suppression des groupements, intermédiaires entre l'individu et la société, que nous a léguée la Révolution et que l'on croyait avoir dépassée ne fait pas encore sentir ses marques. Ce que nous apprendrait dès lors la coopérative, c'est une voie pour retrouver la communauté et l'on sait que c'est dans cette voie qu'elle continue d'innover, notamment par l'invention récente du multisociétariat. La coopérative n'a certainement pas d'aide technique à fournir aux entreprises capitalistes, ce serait trop simple; elle ne peut que continuer à être un modèle, non pas le modèle, mais une solution alternative. 379
Que conclure? Tout d'abord, que la coopération a quelque chose à apporter aux questions qui se posent à nos sociétés contemporaines dans des domaines qui ne sont pourtant pas ceux qui sont à l'origine de ce mouvement. C'est déjà rassurant pour la vitalité du mouvement et la richesse des valeurs qui l'animent et des techniques qui les traduisent. Le mouvement coopératif est donc en position favorable pour répondre aux attentes des citoyens vis-à-vis de leurs entreprises, même s'il ne leur est pas possible de s'appuyer sur leurs seules réalisations, mais qu'il leur appartient de faire fructifier ces valeurs et ces techniques à l'aune des problèmes environnementaux. Plusieurs des familles coopératives se sont d'ailleurs déjà engagées dans cette voie. Il n'est toutefois pas possible de s'arrêter là. En effet, si j'ai mentionné de-ci de-là les évolutions qui caractérisent les coopératives depuis une trentaine d'années, je n'ai pas insisté sur leur importance et leur signification. Or celles-ci sont de nature à faire peser une lourde hypothèque sur leur aptitude pratique à servir de modèle. Il est en effet frappant de constater le décalage croissant entre les discours externe et interne. Les coopérateurs sont très prompts à faire valoir leurs atouts spécifiques à l'égard des entreprises capitalistes et leur écho dans les médias, quoique marginal, est fondé sur cette originalité plutôt bien perçue. C'est alors la capacité d'innovation qui est mise en avant, particulièrement avec la création de nouvelles structures, telles que les Scic et les coopératives d'activité et d'emploi. En revanche, lorsque les micros s'éteignent, les propos changent de nature. Pour répondre aux difficultés propres au monde coopératif, liées pour l'essentiel à sa confrontation à la concurrence capitaliste, tout particulièrement dans les secteurs économiquement les plus puissants, les solutions trouvées ne proviennent pour l'essentiel pas de l'imagination coopérative, mais de l'inspiration capitaliste elle-même. Les valeurs coopératives ne sont pas oubliées, mais, petit à petit, elles se trouvent grignotées sous le regard bienveillant de l'impérieuse nécessité. Que mon propos ne soit pas mal interprété. Je ne pense pas que les coopératives doivent s'enfermer dans une quelconque tour d'ivoire. Les difficultés existent et le capitalisme peut lui 380
aussi être porteur de solutions satisfaisantes que les coopérateurs auraient bien tort de ne pas utiliser lorsqu'elles servent leurs intérêts spécifiques. Toutefois, il faut prendre garde à ce que ces spécificités ne s'émoussent au point de ne plus caractériser la coopérative qui, du coup, perdrait son caractère propre. Il serait alors toujours possible de se consoler en constatant que les entreprises capitalistes, de leur côté, auront elles aussi utilisé des recettes coopératives pour s'adapter. Tel n'est cependant certainement pas l'objectif des coopérateurs. La question reste ouverte: comme le disent certains spécialistes, la coopération serait-elle déjà en voie de disparition au Nord et ne subsisterait-elle qu'au Sud? J'espère que non, car alors c'est à une prochaine disparition de celle du Sud que l'on assisterait, lorsque ces sociétés auraient atteint un niveau de développement similaire au nôtre. Entre la muséification et la perte d'identité, il y a incontestablement un espace. Pour qu'il soit emprunté, il suffit d'une seule chose, la plus difficile, la confiance des coopérateurs dans la coopérative comme perspective de leur avenir personnel.
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Global co-operation experiments: Co-operative buying from China's worker co-ops Tom Webb and John Chamard*
The paper briefly explores the current wave of globalization and its antecedents. It is suggested that different approaches to globalization are possible and that, given the impacts of corporate globalization, an alternative, global co-operation could be potentially attractive. The impacts of corporate globalization on co-operatives are noted. The paper then looks at an effort on the part of several large consumer co-operative systems to purchase globally and how that effort might have reflected global co-operation as an alternative to corporate globalization. The paper concludes that much conceptual development and more experiments are needed if co-operative businesses are to be able to offer global society an alternative to corporate globalization.
* Saint Mary's University, Halifax, Nova Scotia, Canada, [email protected].
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lobalization is characterized by increasing economic interdependence, indeed integration, among countries (Nayyarand Court, 2002).An earlier versionof globalization, which ran from about 1850 to the First World War and which has been termed "the cosmo-political economy" (Ghani and Lockhart, 2006), featured growing international trade spurred by lowering tariffs and other trade barriers, widespread availability of funds for foreign investments (especially in then-developing countries like Argentina, Australia, and Canada that were needed for their raw materials and agricultural products), dramatic improvements in transportation and communications, and openness to large migrations of individuals and families who sought personal opportunities in newly developing countries in North America, South America, and Oceania. As Akyuz et al. (2002) point out, "globalization can create 'losers' as well as 'winners.'" The effects of this globalization were positive for the better developed countries of the world, who managed to skim off much of the benefit of trade and finance. The impact was less positive for much of Africa, Asia, and Latin America whose governments were less able to benefit from expanded trade and whose infant or potential industries were often crushed by inexpensive imports. The First World War put an end to this globalization episode. Migration was dramatically reduced, the ending of the gold standard made trade more difficult (or, at least, injected a previously unknown currency risk), and, with the Depression, trade barriers were erected that served to discourage international trade. The results of the decline of globalization came to be believed to be profoundly negative (at least for the major players in the developed world). So after the Second World War efforts were made to put into place the institutions that were seen to be important in "reglobalizing" the world. The International Monetary Fund was to stabilize currencies, the World Bank was to facilitate the flow of investments to the developing world, and GATT (the General Agreement on Tariffs and Trade, now superseded by the WTO) was to encourage tariff reduction and elimination of non-tariff barriers to international trade. More recently, the trend towards
G
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privatization has opened up large parts of the economies of all countries to private investment. And the development of faster means of communication has promoted active foreign exchange markets that serve to make the value of currencies more subject to larger fluctuations. The current instance of globalization has become highly politicized. With the demise of the USSR some have seen the potential for the globalization of a capitalist system that can give rise to more or less unlimited global prosperity. The caveat to this belief is that global institutions like the UN, IMF and the World Bank will need to reconceive themselves to allow the participation of "nonstate actors" (Ghani and Lockhart, 2006), for which read "global capitalist enterprises." Certainly, global enterprises "are at the centre of the globalization process as they drive trade, technology transfer and foreign direct investment" (Kleinert, 2001). Others note the reality of cheap labour becoming a vital requirement for global enterprises, thus precipitating a "race to the bottom" (Rama, 2003) which may leave developing countries worse off. Yet others note the problems created when globalization does not include free movement of people to where the jobs are (Rodrik, 1998). Indeed the freedom of trade and investment with labour immobility is one signal difference between the 1850-1914 globalization and the current one. For better or for worse, however, we now have a pervasive global economy. Our insurance is linked to global reinsurance. Many of the 'family' stores on Main Street are global franchises. The car we buy is manufactured everywhere. A crop failure in Chile causes prices to rise in Norway. Unrest in Nigeria nudges up oil prices. A virus outbreak in Asia closes hospitals in Toronto. Forty years ago in Atlantic Canada food was distributed by small family businesses supplied by family wholesalers and perhaps a local co-operative. Today the co-operative may remain but across the region national or multinational corporations account for more than eighty per cent of food retail and wholesale. In cities small and large, small towns and rural villages the local convenience store grocer is equipped with a freezer that carries Nestle products only. This holds true whether you are in rural Australia, small town United States, cities
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in the UK or remote rural areas of Canada. Enormous multinational companies dominate the food industry from niches in convenience stores to hypermarkets. Globalization is pervasive on a scale never before evident. It is clear to co-operative leaders and thinkers that modern globalization is not being led by co-operatives and credit umons. What is also clear, as in all human endeavor, is that it is possible to imagine more than one type of globalization. It is possible to have investor owned capitalist business, whose over riding bottom line or purpose, is the maximization of profit and at the same time have co-operative business whose purpose is meeting the needs of members and community. Because they have a different purpose, the two, in theory, behave differently. They are both still businesses but when they are true to their purposes they are trying to achieve different things. Co-operatives, operating in a world dominated by investor owned business may have to adapt their behavior to some extent and/or from time to time in order to survive but, if they are true to their co-operative purpose, they will return to co-operative values and principles and seek solutions that allow them to act in line with them. In our world it is clear that what is popularly called globalization is often the particular set of international trading rules and practices that meets the needs of investor-owned companies in pursuit of the purpose for which their investors bought their shares - increased returns. For the purposes of this paper this particular brand of globalization is referred to as 'corporate globalization.' By that is meant a set of trading rules generally supported by governments, especially those of the rich countries where the largest corporations are based, and, which are promoted by most major international organizations like the WTO, the World Bank and the IMP. These trading and other rules are designed to allow large corporations to pursue trade and investment with the minimum of interference from national governments. For co-operatives, international trade raises difficult problems. Co-operatives begin with a local focus and are not by nature expansionary. They do not have an integral profit seeking dynamic that drives them to expand sales and profits indefinitely.
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Co-operative business seeks simply to meet member needs. What drives co-operative businesses to expand is their need to be able to compete with investor owned firms that achieve economies of scale and competitive power. They may also be driven to expand by an 'ideological' commitment to increase the portion of the economy that is co-operatively organized. In co-operatives these forces to expand are balanced by fears about expansion and loss of control by members at the localleveI. In spite of these balancing pressures co-operative business faces a relentless competitive pressure from multinational competitors with strong economies of scale and enormous financial resources and commercial muscle. The co-operatives of the Mondragon group face the problem of either locating factories abroad or losing their competitive position in many key products that they sell to investor owned firms (Errasti et al., 2003). Retail co-operatives find themselves carrying products that come across the world from sweatshops. Co-operatives in primary production from Ghana to the USA and Canada find international commodity supply chains driving down prices for a wide range of commodities from chocolate and coffee to beef without a similar drop in the prices of agricultural inputs. Can co-operatives simply opt out of the corporate globalization system? That does not seem to be possible. What is possible? What would 'co-operative globalization' look like? If co-operatives had a vision of 'co-operative globalization,' how would they get there from their present reality? Dr. Sidney Pobihushchy, a renowned Canadian co-operative thinker, loved to say, "If we don't know what we value we cannot establish our direction, where we are going. If we don't know where we are going any road will do" (Pobihushchy, 2004, 6). He urged co-operators to develop a vision of the kind of co-operative economy they wished to create and then set about the hard task of getting there from here. One approach to creating a possible vision of what 'global co-operation' might look like would be to develop an analytical description of the characteristics of global trade and what those characteristics might look like if co-operative values and principles were shaping them. This paper will not undertake such a description of that vision.
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The aim in this paper is limited to describing a co-operative attempt to carry out global trading differently and how that effort played out in order to tease from it a sense of what 'global co-operation' might look like. Itis intended to be one of a series of papers stimulated by the MMCCU program to explore experiments being made by co-operatives with the aim of expanding our understanding of and contribute to an emerging vision of 'global co-operation'. The co-operative initiative examined here was an effort on the part of severallarge co-operatives to achieve enhanced buying power while engaging in ethically responsible purchasing form worker owned co-operatives in China.
Methodology The intent was to interview several key participants in the China buying initiative. Of eight key players identified we were able to contact and interview only one. The e-mail addresses current in 2001 were no longer valid as some key participants had retired and others had moved on to different jobs. We were able to obtain however several key documents that shed significant light on the China buying initiative. Those documents include an in-house assessment of the initiative by Co-op Atlantic and the ethically responsible purchasing guidelines developed by the Co-operative Wholesale Society (CWS) and used by the group to select co-operative firms in China from which to purchase. It is hoped that we will be able to contact additional interviewees over time and determine whether additional analysis is possible.
History In 2001 several influential consumer co-operative organizations - the Co-operative Wholesale Society (CWS) (which later became the Co-operative Group) in the United Kingdom, Co-op Atlantic in Canada and NTUC FairPrice Co-operative in Singapore - began developing an initiative to purchase products from worker-owned co-operatives in China. These products were non food items, primarily general merchandise. Over time, the purchasing group
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included, to a lesser level of involvement, Federated Co-operatives in Canada, and the Japanese Consumers' Co-operative Union from Japan. Federated purchases were limited and the Japanese co-ops participated in discussions but not purchasing. For the purposes of this paper we will refer to the co-operative initiative to purchase from China as the China Co-op Purchasing Arrangement or CCPA. It is clear that both CWS and Co-op Atlantic were involved in purchasing from China as far back as 1996. The then CEO of Co-op Atlantic, Eric Claus, was attending meetings in the UK in the late 1990's and the mutual discovery of each other's China purchasing activity led to the conclusion that joint purchasing offered some economies of scale and increased buying power for both parties. The joint purchasing activity began in 2001. The joint purchasing never had a formal organizational structure nor was it the subject of a formal agreement. There were no formal exchanges of correspondence to create a joint committee. None of the partners 'institutionalized' it within their structures and the participants became involved on an ad hoc basis. Subsequent to the Claus visit, those involved in purchasing from China in both organizations began to contact each other and FairPrice. While 90% of the contact took place bye-mail there were a couple of video conferences, a couple of meetings in Europe and one in China, a Symposium of the group with their partners from China held in Beijing. There were no 'regular' meetings that one might have expected if an organizational structure had been created, rather, contact was ad hoc and driven by the need to obtain product in the course of internal purchasing cycles. Within Co-op Atlantic, from November 2003 to April 2004 there was one person who spoke Mandarin Chinese who dealt with all the contacts, but that was an incidental part of their job and other assignments eventually took precedence and their involvement ceased (Turner, 2006b). From the start, the focus was on obtaining product and the excitement centered on product and 'making it happen'. There was discussion from time to time about what the process and the principles of proceeding were but they were never laid out. No 'secretariat' was created and there was nobody in Co-op Atlantic
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who was responsible for either maintaining contact or achieving set goals through the CCPA. That is not to say that there were not goals for import purchases but rather to point out that those goals were not necessarily to be achieved through the CCPA. Those involved had their own internal departmental goals but the joint purchasing arrangement had no goals other than to buy whatever they could together. From the outset the initiative had two apparent purposes: 1- To offer co-operative members and customers in the home markets of the group goods with high value, a combination of quality and price, to be gained by purchasing together from low wage firms in China, and 2- To achieve a high standard of ethical purchasing through buying from worker owned co-operatives in China using carefully developed ethical screening criteria. The commitment to ethical purchasing was not there equally for all the participants from the start but had "emerged strongly by 2003" (Turner, 2006b). These purposes are not set out in order of importance and indeed it is difficult to determine which, if either, took priority. From the interviews and the documents, each at times is presented as 'sine qua non'. It would appear that neither would have been pursued alone. This strategy was, for each of the co-operative partners, part of their larger buying and procurement strategy. From the Co-op Atlantic perspective, it was one of three broader objectives (Co-op Atlantic, 2004): 1- To capitalize on procurement opportunities (First, it allows them to find innovative products with which the Atlantic Canadian consumer is not yet familiar. Second, it allows them to improve their margins by finding items they already sell, at the same quality, for lower cost.); 2- To develop strategic alliance opportunities (these were alliances, some already existing, within the North American market place some of which were with other co-operatives and some of which were with non-eo-operatives); and 3- To participate in international Co-operative partnerships like the one explored in this paper.
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The strategic alliance opportunities, point 2 above, were with non-eo-operative businesses involved, for example, in the grocery buying group in which Co-op Atlantic participates in Canada in order to increase its purchasing power. That purchasing group includes both other co-operative members and non-eo-operative grocery chains, none of whom significantly compete with each other in the Canadian market place due to their regional limitations. The key Co-op Atlantic purchasing group also includes Federated Co-operatives Limited from Western Canada. The strategic alliance objective never came to fruition. The challenge for the CCPA participants was to ensure that, in their very competitive markets, they had products that were competitive in terms of price and quality with products being offered for sale by their competitors in their home markets. They also had the opportunity to develop a value added 'ethical trade' opportunity to the extent they saw ethically responsible retailing as viable and of value to members and customers. From Co-op Atlantic's perspective they tended to see the ethical purchasing as something they ought to do because they were a co-operative and something that might one day have some level of competitive advantage, but, for the immediate future, that competitive advantage was not seen as something that was within reach or of short term value. "In the short term, ethical sourcing makes sense in and of itself; it is inherently correct. In the long term, ethical sourcing may become a vehicle for differentiation in itself. It is possible that ethical procurement can become a marketable property for the company, and can be used as an advantage over the competition" (Co-op Atlantic, 2004). For the Co-operative Group, ethical trade was part of an ethical purchasing strategy that was of increasing importance to the Group as part of its unique co-operative market positioning and was an extension of guidelines it had developed for purchasing products for its co-operative Brand. The Co-operative Group believes that ethical consumerism fits with its co-operative identity and that it will continue to appeal to more and more people in the UK. Part of the Group, The Co-operative Bank, has developed an annually measured Ethical Purchasing Index (EPI) which 391
measures 'ethical spending' in the UK on a comparable annual basis. The December 2004 report shows a steady annual increase
in ethical spending noting that in 2003, ethical spending rose by 16% while household expenditure increased by only 4% in the same period (Co-operative Insurance Services, 2004). There was a formal in-house product identification process as well as an informal one. Each member of the China co-operative buying group would engage its departments and buyers and develop a list of items. The items might include stainless steel cooking ware, school bags, tools, lawn furniture, Christmas items, camping goods, stainless steel barbeques, etc. They would then pool these product ideas, research them, source them and eliminate those that did not fit what was possible for that round of buying. There were also purchasing trips that would result in an informallist of items identified 'on the ground' outside the formal in-house purchasing processes.
Results and successes The CCPA did manage significant purchasing although it declined over time. The reasons for the decline will be dealt with in greater detail below. There was, however, one enduring achievement. As part of the purchasing process Co-op Atlantic and the Co-operative Group agreed upon a set of guidelines for choosing the co-operative factories from which they would purchase. The guidelines were drawn up primarily by the CWS, the earlier incarnation of the Co-operative Group (Croft, 2000). The guidelines covered a wide range of concerns which are briefly summarized below. There were sets of standards relating to these concerns including: Product safety. Products had to meet the legal, health and
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safety standards required and expected in the UK, the European Union, Canada and Singapore, particularly related to fire safety (for fabrics and furniture), composition (no lead in paints etc), toy safety, hazard analysis and certain hazardous chemicals; Factories must operate effective systems to deliver products
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that consistently met the Co-operative Group's retail specifications.
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Quality assurance systems were required to be in place to ensure that: - If not accredited to ISO 9000 a documented management system is needed
quality
- Documented product specifications agreed with Co-operative Retail before production commences
. . . . .
- Records for all parts of the production process & testing - Satisfactory test results provided before dispatch Environmental issues including ISO 14000 standards,
sustainable timber guidelines and restrictions on pesticides Workplace standards Suppliers systems and records must be in place to provide records of controls and support legal needs These records will be inspected by Co-operative
Retail
auditors A site inspection process that included provision for: -
Site inspection by Co-op Retail or agents
- Assess site against requirements
BRC standard,
and Co-op
Retail
- BRC audit at supplier's cost - Regular future audits, potentially unannounced - Routine checks by Denis Liu, based in Shanghai . Subcontracting is NOT allowed without prior agreement Specific Product controls included:
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- Loading supervision - Checking handling standards to avoid damage in shipping - Fumigation of container (must still allow safe removal in the UK, otherwise the product can not be used) -
.
Random sampling on receipt by Co-op Retail
- Consumer feedback - Feedback to producer related to consumer complaints, - Charges made for each complaint (£27) Specific environmental policies included: -
Develop Environmental Management Systems Consider ISO 14000
- Demonstrate legal compliance -
Avoid use of PVC in packaging 393
- Minimise packaging use, and use recycled material - Timber from sustainable sources -
Worldwide Fund for Nature Forestry Stewardship products
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and accreditation Workplace standards sought: -
No exploitation of labour - no bonded labour Freedom of association and collective bargaining Safe working environment - health & safety standards No child labour - special provision for young workers Living wage paid - legal or industry standard minimum Working hours not excessive - 48 + 12 hours weekly, holidays
No discrimination
- Regular employment - contracts, not relying on temp staff - No harsh or inhumane treatment - no physical, mental abuse
. Workers must not be discriminated against for comments
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made to auditors Corrective action plans specified that: - Issues identified at audit will form part of corrective action programme -
Actions would be agreed between supplier and Co-op Retail
- Timescales for completion - Documentation requirements - Suppliers must confirm actions completed in writing - Ongoing monitoring - By product review and consumer feedback - Follow-up site audits -local representative, Denis Liu These standards were highly valued by both the Co-operative Group and Co-op Atlantic. (We were not able to determine the FairPrice view, and a meeting at which the guidelines were presented to all the players ended inconclusively when the representatives from Singapore were not present for a discussion of them). The standards were connected to their involvement in the Ethical Trading Initiative (ET!) which involved unions, companies and non-governmental organizations in the UK. The ET! includes the Co-operative Group's principal competitors ASDA, Tesco and
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Sainsbury's. The Co-operative Group also notes that the principles of their sound sourcing policies reflect those of the ILO but do not directly relate to co-operative values and principles (Co-operative Group 2001). "Working closely with the CWS group in the UK, Co-op Atlantic has endeavored to make ethical sourcing a priority. Both publish a document outlining the minimum standards to which all factories must adhere in terms of labor standards, product quality and environmental efficiency" (Co-op Atlantic, 2004, page 8). These standards are still used in supplier selection even though Co-op Atlantic and the Co-operative Group purchase alone outside the CCPA. The standards were adopted and implemented by the CCPA partners and are similar to those used by the Co-operative Group in sourcing co-op brand products. It was not clear to what extent Chinese co-operators were involved in the development and enforcement of the standards although they contain provision for collaboration with suppliers to meet them. At present the CCPA has ceased to function. There are no longer joint purchases, and contact between the players have ceased. Co-op Atlantic still uses and highly values the approved supplier list that came out of the initiative, but no new suppliers are being added to the list and Co-op Atlantic no longer has a contact person with the Co-operative Group to even be aware if any new suppliers have been identified who meet the guidelines.
Problems encountered As with all new initiatives this one was subject to both problems and changing circumstances. A number of problems were encountered as the international co-operative partners moved forward. "They encountered an increasingly difficult time to choose items that worked in each of their different local markets." While the partners were all initially strongly committed to purchasing more and more together, a set of issues emerged that resulted in a decline in joint purchasing (Turner, interview, August 21,2006). Different areas and cultures have different practices and expectations. Chinese practices in packaging are different from those of North America and Europe. As Co-op Atlantic buyers 395
noted, for example, "Packaging in China almost always means a white box with no photo, and is truly a case of getting what you pay for" (Co-op Atlantic, 2004, page 9). For products that have to be assembled, directions in clear English that can be understood in Singapore, North America and the UK were a challenge. The more complex the product the more demanding the translation needs. For the Canadians, bilingual packaging and directions were required since approximately 30 % of their market is French-speaking. Bilingual packaging was unnecessary for the Co-operative Group (Co-op Atlantic, 2004, page 9). More important were the differing needs that emerged as a result of market differences. The Co-operative Group stores are generally smaller and more tightly focused on food than either, Coop Atlantic, Federated or Fair Price stores. Products that presented significant market opportunities for stores with significant general merchandise floor space had little or no place in smaller convenience store formats. For example, with the knapsacks dealt with in more detail below, convenience stores are not seen by consumers as a source of 'back to school' supplies while 'back to school' items move quickly in larger stores with more general merchandise. There were also interesting differences that emerged in term of what would sell in one market but not in another. Several examples illustrate the issue: Stainless steel cooking ware. Stainless steel pots and pans
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were identified by all the participants as a significant opportunity. As a result volumes were estimated and the CCPA attempted to set out detailed specifications. While much of the specific detailed specification could be agreed upon, the types of covers became a source of difficulty with buyers in the United Kingdom indicating that consumer preferences there were for steel covers while buyers in Canada indicated strong consumer preferences for glass or see through covers. As a result one single order became several orders (Turner, 2006a). In a later conversation an official of the Co-operative Group expressed the view that 'see-through' covers might likely have had just as strong a consumer appeal in the UK as well (anonymous interview, September 12, 2006).
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Knapsacks.
A source of knapsacks was identified offering
a very strong combination of quality and price. In spite of the delivery time that brought the product to retail in March, which was not an ideal time in the school year, the product value was so attractive the CCPA decided to make a joint purchase regardless. Co-op Atlantic saw it as an opportunity to promote the co-op brand and wished to put a number of co-op brand products in the knapsack. The Co-operative Group believed that the best opportunity in their market was to purchase more 'upscale' and retail it at a very competitive price. For Fair Price the knapsacks had to have a wide, large-toothed zipper and very bright colours not seen as attractive in Canada or the UK. The net result was that they all ordered from the same supplier but as three separate orders. The product moved very well and was a success for all the CCPA participants. The belief in the Co-operative Group was that offering the same product again in the fall would be too soon and that demand for it would not be strong with so short a time gap. They also, as noted above, did not see most of their stores as 'back to school' shopper destinations. In Atlantic Canada it was felt that the back to school market was so strong that a repeat would still be very attractive. The net result was that the later orders, while they went to the same supplier, were done separately at differing times and with differing specifications for Singapore rather than as a single CCP A purchase (Turner, 2006a). Federated and Co-op Atlantic explored the possibility of
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purchasing stainless steel Barbeques. They discovered that the Western Canadian and Atlantic Canadian market preferences were widely divergent and that they could not agree on a single common order (Turner, 2006a). Changing delivery lead times. The lead time to purchase was impacted by a couple of factors. As the level of imports from China to North America and Europe increased the ability to ship in a timely manner became more difficult particularly to Canada's West coast. It became more difficult to predict precisely when a product would arrive and for time sensitive products (like Christmas items) the lead time had to be increased to ensure timely arrival. The increased demand for Chinese products not only
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stressed shipping but also resulted in Chinese factories seeking longer lead times in order to fill orders. Internet reliability in China. While rapidly improving the internet in China is less smooth than in Canada, Singapore or the UK. Systems can change rapidly and e-mail addresses that work one week may not operate the next (Turner, 2006b). The CCP A was also impacted by changes in global competition. Other countries have learned to match the Chinese in terms of specifications for commodity products, and it will soon be beneficial in terms of lead-time to deal with emerging economies directly. Those countries expected to absorb volume from China in the coming three to five years include India, Turkey, Israel, Brazil, Italy and Thailand. The import program of the future is mostly likely going to be product/category specific by country, with some categories such as furniture coming from South America, glassware from southern Europe, giftware from Southeast Asia and so on. (Co-op Atlantic, 2004, 5) These shifts have begun already with increasing product being sourced from India and Thailand although there have been no Co-op Atlantic purchases from Turkey and Italy. Co-op Atlantic also notes that there is some level of concern that internal political and economic changes within China may have an impact on whether or not co-operatives will continue to exist for initiatives like the CCPA to purchase from. "Government procedures in China are hinting that Co-operative factories as they currently exist will soon disappear from the Chinese business landscape" (Co-op Atlantic, 2004, page 6). Chinese co-ops have been closely linked to and supported by the government. Government has traditionally owned 50% of the shares. As China seeks to integrate into the world trading system itwill need to respond to the World Trade Organization tendency to view the government participation as a subsidy and divest itself of the shares. Who will be in a position to buy them? Will the co-ops be able to come up with the money? Will offshore investors seek to be able to purchase them? Already there is talk about rich Thai and Japanese families wishing to buy. (Turner, 2006b)
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Lessons for global co-operation Perhaps the greatest lesson from the CCPA is that it happened at all. It is clear from examining the arrangement that co-operatives are keenly aware of the challenges that globalization poses to them and it is equally clear that there is a will and an interest in shaping their response to globalization from a co-operative perspective. The depth of the purchasing protocols related to ethical purchasing and their extension to purchasing outside national boundaries is instructive. Clearly such protocols can work. It was also noteworthy that while there was difficulty in finding common products to purchase there was a strong acceptance of the Co-operative Group's purchasing protocol. It was notable as well that even though there was a failure to identify products with specifications that participants were confident would sell in all of their local trading areas, the agreement on which suppliers from whom to purchase remained in place. It would never the less be interesting to know whether or not the inability to agree on product was based on real market differences and to what extent it might have rested on some other factor or factors. The interview comment that the stainless steel pots with see through covers may have had just as strong appeal in the UK raises interesting questions. One great danger is the people involved seem to have for the most part dispersed into retirement or other jobs as a result of organizational change and normal movement with the result that the lessons learned may well be lost. This is especially true since the CCPA was not 'institutionalized' and has left seemingly few formal records behind. It would be useful to attempt to gather as many of the key individuals together or add significant data collection to that accomplished in this limited study. While the CCPA has ceased to function, from the perspective of the key player from Co-op Atlantic, it was not because of a lack of interest, enthusiasm or will on the part of those involved in Co-op Atlantic, the Co-operative Group or FairPrice. "There was a very strong will and commitment to work together and to find joint purchasing opportunities" (Turner 2006b). Significant 399
questions remain however about the extent to which it was seen as important to the business plans of the partners and whether support or enthusiasm for it went beyond the key CCPA players in each organization who certainly were committed. Some facts seem to indicate limited enthusiasm and a limited sense that the initiative was or could be important to business performance. The main fact in this regard is the failure to create a structure or institutional reality for the initiative. Another fact was the failure of Co-op Atlantic to see it as a market positioning opportunity even though Co-op Atlantic was at the time searching for ways to deepen its 'co-operative difference'. There was sufficient commitment to move the project forward but a mixed level of belief in what was possible. How pervasive does a supportive management commitment have to be to ensure success? Was part of the failure to reach agreement on product purchases a result of less than full organizational commitment to the idea? Finally, the question was raised, "What could have been done differently to improve the chances of success?" Co-op Atlantic's Lee Turner felt that the initiative would have worked much better if it had been institutionalized and the process and objectives had been a greater focus than obtaining product. "We need to define the process first then the products. We got very excitt~d about the product first and just made it happen but we never really established a process, never defined the principles. Why were we doing it?" (Turner, 2006b). He added, "There was not established way of communicating and nobody was really in charge of the overall initiative either at the Co-operative Group or Co-op Atlantic. We were charged with doing the buying and we worked hard at it. The initial contact was negotiated by Eric Claus but it was never really formalized" (Turner, 2006b). It was not clear how the CCPA related to the core Co-op Atlantic business plan and what the organization wished to achieve through it that was of significant importance. The commitment and enthusiasm of the key participants was not sufficient to overcome this deficiency. These observations underline the importance of the Pobihushchy dictum cited above about the need to know where we are going in deciding what road to follow. How will co-operatives 400
cope with the competitive pressures of corporate globalization? What would global co-operation look like? What kind of trading arrangements would reflect co-operative values and principles? The CCPA suggests some tentative answers. They include: Global co-operation initiatives may be more likely to succeed if, A) they are part of the participants' co-operative business plans and are linked to the co-operative purpose and nature of the business, and B) if the organizational commitment is sufficient to warrant institutionalization and structure building. Global co-operation will not be characterized by unrestrained exploitation of workers in less wealthy countries to produce the lowest possible price for consumers in richer countries. The result will be reflection and guidelines related to worker health and safety, wages and benefits, working conditions and terms of employment, environmental impact, child labour, etc. . There is need for much more research and conceptual development. Co-operatives have a clear set of values and principles. The values and principles have been thought through for their implications in terms of many operational issues but the work of thinking through their implications for trade and globalization has barely begun. The CCPA does provide some insights and raises some questions but barely scratches the surface. What is needed is a sustained dialogue between practitioners and theorists. That said, these conclusions are tentative given the narrow information base available in this study. More research is clearly needed.
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Transition
réussie d'un groupe
de coopératives de la construction vers un groupe industriel compétitif grâce à un fort attachement aux principes coopératifs Bernard Stauffer et Maria Teresa Branduzzi*
Créé en 1904 par vingt-sept coopératives pour répondre à la mise au concours d'une voie ferrée locale, le Consorzio Cooperative di Produzione e Lavoro (CCPL) a commencé au début des années 90 à souffrir de conflits internes et d'une crise d'identité. Jusqu'alors, il s'était efforcé avant tout de répondre aux besoins des coopératives associées. L'influence des partis politiques de gauche s'est peu à peu estompée et les marchés considérés comme spéculatifs par les dirigeants communistes, donc interdits aux coopératives associées, sont alors devenus de nouvelles opportunités économiques. Une fois les coopératives de premier degré devenues autonomes, après différentes phases de fusion, le consortium s'est trouvé une vocation industrielle et réorganisé si drastiquement qu'il a transformé en sociétés par actions ses différentes branches d'activité. Pour autant, cette transition n'est pas synonyme de reniement des valeurs coopératives à l'origine du consortium.
* Chercheurs indépendants. Via San Filippo, 11,40200 Reggio Emilia, Italie. Mél. : [email protected]. 403
a thèse de la transition réussie est défendue par Giulio sapelli, historien économique de l'Università Statale de Milan, qui a publié en 2004 (Sapelli, 2004) un ouvrage sur le Consorzio Cooperative di Produzione e Lavoro (CCPL), dont le siège se trouve à Reggio Emilia, petite ville du nord de l'Italie renommée pour sa tradition coopérative et la couleur de son administration: socialiste pour la première fois au tout début du siècle passé, communiste dès la sortie de la guerre, puis de centre gauche (I). Créé en 1904 par vingt-sept coopératives pour répondre à la mise au concours d'une voie ferrée locale, le Consorzio Cooperative di Produzione e Lavoro a commencé au début des années 90 à souffrir de conflits internes et d'une crise d'identité. Jusqu'alors, il s'était efforcé avant tout de répondre aux besoins des coopératives associées. Tant que celles-ci étaient de dimension modeste et composées surtout de travailleurs journaliers, maçons, manœuvres ou charretiers, le CCPL répondait aux appels d'offres lancés par les offices publics ou privés, gérait les chantiers et mettait à disposition les techniciens spécialisés et les instruments de travail qu'une coopérative isolée ne pouvait pas se permettre d'embaucher ou d'acquérir. En propre, le CCPL s'était muni d'installations de concassage de pierres et, en 1949, d'une première briqueterie. Les activités du groupe consistaient alors en travaux de terrassement (30 %), construction de routes (20 %) et construction
L
(1) En 1997, et la situation ne s'est guère modifiée depuis, il y avait statistiquement, dans la province de Reggio Emilia (dont la ville de Reggio Emilia est le chef-lieu), davantage d'associés à une coopérative locale (près de 200000) que de familles résidantes (près de 170000, cf. tableau 1 en annexe pour davantage de détails). Les personnes associées à plus d'une coopérative devaient être nombreuses (il est très probable que de nombreux sociétaires d'une coopérative agricole, de production, de services, de transport, d'habitation ou du temps libre aient été en même temps associés à une coopérative de consommation), mais l'ordre de grandeur d'un associé par famille est très vraisemblable. D'un point de vue quantitatif, la tradition coopérative se porte donc encore bien dans cette province. Les coopératives associées à la Federcoop, dont fait partie le CCPL, proche des partis socialistes et communistes (avant leur transformation et leur fragmentation), étaient dominantes en 1996 (80 % des sociétaires et 64 % du personnel). Les coopératives associées à l'Unioncoop, de tradition catholique, correspondaient à 13 % des sociétaires et 30 % du personnel (une minorité de coopératives étant associées aux deux fédérations: 7 % des sociétaires et 6 % du personnel). Une petite minorité de coopératives n'adhéraient à aucune fédération.
404
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de bâtiments (50 %). Durant les années 50, diverses coopératives associées ont créé de nouvelles activités industrielles: production d'éléments préfabriqués, de dalles pour pavement de sol, de portes et fenêtres, de charpenterie métallique et de carreaux de céramique. De consortium interprovincial depuis 1975, le CCPL est devenu interrégional en 1978. En 1981, les vingt-trois coopératives situées dans la province de Reggio Emilia produisaient près des trois quarts des revenus totaux. Cette année-là, le consortium décida de contrôler une télévision locale en acquérant 60 % de ses actions. Tant que les coopératives étaient petites, le CCPL était pour
elles un
«
phare, il organisait des activités sociales, ludiques
et avait une école de formation. Davantage qu'une entreprise, c'était un mouvement. Unfort sentiment d'appartenance liait les coopérateurs. Dans les écoles du consortium, les coopérateurs n'apprenaient pas seulement un métier, ils ne recevaient pas seulement une formation technique, mais ils s'imprégnaient d'esprit coopératif. À cette époque, on disait "Je fais partie du mouvement (Sono nel movimento)". La création d'un consortium a été une grande innovation, elle a permis à de petites entreprises de bénéficier des meilleurs techniciens et de participer à la création de grandes infrastructures en Italie et à l'étranger(2) ». Au cours des années 70, pour faire face aux difficultés de l'industrie du bâtiment, le CCPL a encouragé les fusions entre les petites coopératives composées de quelques dizaines de salariés en général sociétaires. Au cours des années 80, il a encouragé une deuxième vague de fusions de coopératives moyennes (3).C'est que le secteur était très fragmenté et dispersé, puisqu'en général une coopérative de « maçons », de « manœuvres» ou de « charretiers» (ou une combinaison des trois) avait vu le jour dans chacune des quarante-cinq communes de la province, du moins dans celles
(2) Entretien avec un responsable de la communication du CCPL. Dans la suite du texte, en l'absence d'une autre spécification, nous reportons des bribes reconstruites du même long entretien, qui a eu lieu en septembre 2006. (3) Comme exemple de fusions ayant porté à la création d'une relativement grande coopérative de J'industrie du bâtiment et des routes, sociétaire du CCPL, cf. figure 1 en annexe.
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de la plaine du PÔ et des collines basses, lors des différentes vagues de poussée coopérative (fin du XIxe-début du Xxesiècle et à la sortie de la Seconde Guerre mondiale). Les relations entre le CCPL (personne morale, de fait coopérative de coopératives, consorzio en italien) et ses coopératives associées ont été longuement débattues et modifiées au cours du temps. La répartition des bénéfices sur les travaux contrôlés ou non par le CCPL et celle des bénéfices annuels du CCPL, la facturation des services, la diffusion du know-how et la légitimité ou non-légitimité de certaines tâches ont continuellement été remaniées. Durant les vifs débats politiques de 1968, les associations nationales et régionales des coopératives de production et de travail avaient par exemple décrété que l'accumulation de capital était légitime seulement pour les coopératives de premier degré et que les coopératives de deuxième degré devaient se limiter à effectuer de purs services à leurs coopératives associées et les facturer au prix coûtant. Il est vrai que, comme pour vider de sa substance une telle recommandation, les organes « politiques» de la coopération de gauche avaient en même temps encouragé les coopératives du deuxième degré à accumuler des réserves pour faire face aux éventuelles insolvabilités de leurs coopératives associées. Le CCPL n'a donc jamais renoncé à l'accumulation de capitaux, principalement sous forme d'équipements et de pouvoir. Au cours des années 80, l'influence des appareils politiques traditionnellement liés aux coopératives « rouges », communistes et socialistes, a commencé à s'estomper. Les prises de position idéologiques nettes des années 60, comme le refus d'adopter le travail à la tâche ou de spéculer sur le marché immobilier, se sont peu à peu édulcorées à force de revendications des coopératives désireuses de devenir plus compétitives. Pendant les années de forte croissance de la construction immobilière, la direction du CCPL, suivant la direction politique du mouvement coopératif de gauche, avait en effet imposé à ses associés, contre leur gré, de se tenir à l'écart du marché de la construction des habitations privées, le retenant spéculatif et capitaliste; en revanche, elle les encourageait 406
à participer aux mises au concours de construction d'habitations à loyer modéré. Selon un responsable local des coopératives
de production de l'époque,
«
la politique demandait trop à
l'économie et à l'entreprise coopérative [.. .], deux prescriptions presque mortelles: le non au travail à la tâche et le non au marché de l'immobilier» (Fontanesi, 1994, p. 92). Peu à peu, le modèle privilégié semble être devenu celui de la centralisation idéologique et de la centralisation des ressources, donc de la prédilection pour les consortiums. Le CCPL a donc profité de cette nouvelle tendance et quelques coopératives ont commencé à lui reprocher de trop centraliser les décisions et les ressources, d'avoir pris une tournure trop bureaucratique et de manquer de transparence. Puis, « durant sa longue présidence (4),LS a réussi à institutionnaliser l'entreprise et à l'affranchir de l'influence politique. Sa manière de privilégier les résultats de l'entreprise a été contrariée par le parti communiste dont les dirigeants ne lui ont jamais pardonné d'avoir appelé les Carabinieri durant un conflit syndical. Jugé et invité à donner sa démission, snobé même par les plus modérés, mais soutenu par ses propres collaborateurs, il a tenu bon et continué à diriger l'entreprise ». Comme l'ensemble des coopératives «rouges », durant les années 80, le CCPL a alors commencé à sacrifier ses fonctions sociale et politique aux règles du marché. Les branches sèches ont été coupées, le personnel réduit, la politique salariale relativement égalitaire abandonnée, les cadres recrutés parfois dans l'entreprise privée, les dirigeants coopératifs formés à devenir des entrepreneurs, le marketing, la finance et la dimension commerciale pris au sérieux, les regroupements encouragés, de nouveaux marchés expérimentés et des constructions complexes livrées clé en main. Une fois les diverses vagues de fusion réalisées, le CCPL « avait terminé son rôle de mentor et de soutien aux coopératives de premier degré et a dû changer de peau, celles-ci n'en avaient
(4) D'une
vingtaine
d'années
(années
60 et 70).
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plus besoin pour leur propre destin ». Dotées d'un personnel qualifié, spécialisées et capables de répondre directement aux mises au concours de grands travaux, les grandes coopératives ne sentaient plus le besoin de passer par le CCPL, qu'elles ressentaient même parfois comme un rival. Depuis 1985, celui-ci avait concentré l'ensemble de ses propres activités en un département chargé de toutes les prérogatives d'une entreprise autonome, tandis qu'il avait regroupé les services aux coopératives associées en un département séparé. Déjà à ce moment-là le fleuron du CCPL était la production de barquettes en polystyrène pour l'alimentation fraîche. Dès le départ, ce nouveau secteur d'activité a été pensé comme alternatif à celui de la construction, même si dans un premier temps des panneaux isolants pour bâtiments ont été produits. Il a vu le jour dans une fabrique créée au début des années 70 sur le site d'une briqueterie obsolète du consortium. Il s'agissait avant tout de trouver une occupation aux ouvriers de la briqueterie fermée. « La décision de produire des emballages pour l'alimentation fraîche illustre bien l'interdépendance du monde coopératif: bien qu'aucune coopérative de consommation n'ait jamais appartenu au consortium, celui-ci s'est engagé à répondre aux besoins d'un
grand groupe coopératif. » Après le tremblement de terre en Basilique, « le CCPL a décidé en 1982 de construire une nouvelle unité de production à Ferrandina comme acte de solidarité pour créer des postes de travail dans une zone en grande difficulté. Aujourd'hui, c'est la seule fabrique importante en pleine activité dans cette zone. Toutes les autres, construites [aussi] avec des subventions nationales, ont fermé leurs portes ». Après une réorganisation de l'ensemble des consortiums, sous la pression des grandes entreprises de production, le mouvement coopératif a assigné au CCPL le rôle de chef de file national du secteur industriel dans l'espoir de voir décoller ce secteur coopératif peu développé en Italie. Le département industriel du CCPL est alors devenu son axe de développement essentiel grâce aux secteurs traditionnels des matières premières (cailloux, gravier, sable) et des briques dont il détenait déjà le leadership au niveau local, mais surtout grâce
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au secteur en pleine expansion de l'emballage pour aliments frais dont il détenait déjà le leadership national.
Tout au long de son histoire, le CCPL « a toujours soutenu les coopératives en difficulté, même celles d'autres secteurs, et fourni des cadres compétents aux coopératives en crise. Son pouvoir économique et son know-how lui ont permis d'effectuer plusieurs opérations de sauvetage. Sans sa prompte intervention, Orion Petroli, fournisseur du consortium, n'aurait pas échappé à la faillite. Comme dans tous les cas de telles opérations de sauvetage, les dirigeants ont élaboré une stratégie de développement et, dans ce cas précis, décidé un joint-venture avec une entreprise privée ». C'est ainsi que la distribution d'hydrocarbures s'est inscrite au rang des activités du CCPL. De 1988 à 1994, le CCPL a achevé sa grande transformation. De consortium essentiellement actif dans le secteur de la construction (terrassement, routes, ponts et bâtiments), il est devenu une entreprise industrielle performante sans modifications drastiques de ses statuts juridiques. Dans un premier temps, ses dirigeants avaient imaginé de regrouper les activités industrielles dans une nouvelle société contrôlée de fait par un groupe restreint de grandes coopératives, appelée CCPL Industrie. Après de longs et francs débats, une alternative insatisfaisante s'est profilée: ou bien choisir des statuts assurant à l'ensemble du CCPL une majorité des voix, refusant ainsi aux dirigeants des coopératives industrielles minoritaires une autonomie de décision, ou bien garantir à la minorité des entreprises industrielles une autonomie réelle, leur offrant ainsi un patrimoine lentement accumulé par l'ensemble des coopératives appartenant au CCPL. Désireux de se doter d'instruments modernes de gestion sans pour autant s'approprier un patrimoine ne leur appartenant pas, les dirigeants des grandes coopératives ont abandonné l'idée de créer un CCPL Industrie comme sous-groupe du CCPL. Cette option aurait d'ailleurs posé un problème de conflits d'intérêts difficile à résoudre sans l'abstention des grandes coopératives qui avaient le plus grand intérêt à une telle transformation. Les dirigeants ont alors décidé, de manière transparente, de ne pas bouleverser l'organisation du CCPL, mais simplement
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d'encourager les coopératives sans expérience industrielle à quitter le CCPL. Parmi les 118coopératives associées en 1991, seules 65 comptaient, qui faisaient partie de sa zone géographique d'influence (Emilie Romagne, dont 20 de la province de Reggio Emilia, Basilique, Lombardie, Ligurie et Piémont). Les 53 autres ne s'étaient jointes au consortium que pour décrocher quelques commandes de travaux (Fontanesi, 1994, p. 143).La douloureuse restructuration de la propriété commencée en 1992 pour donner au CCPL
«
une connotation franchement
industrielle
et manu-
facturière» (Sapelli, 2004) a comporté le départ (volontaire) de plus de 80 coopératives. En 2003, les coopératives sociétaires du CCPL n'étaient plus que 31 (Sapelli, 2004, p. 71). Les nouveaux statuts approuvés en 1994 prévoient une pondération des voix. Chaque coopérative a le droit d'envoyer un délégué pour chaque fraction de cinquante sociétaires, mais au maximum cinq délégués. La nouvelle répartition de la propriété a été le prélude à une réforme drastique de l'attribution des responsabilités, plus précisément à une séparation claire des rôles de la propriété et du management. Dans un premier temps, la présidence, porte-parole de la propriété, ne s'était pas limitée à définir la stratégie du CCPL, mais avait continué à garder la mainmise sur la gestion du personnel, la finance, les relations publiques et les services offerts aux coopératives industrielles. En d'autres termes, la direction générale, responsable du management, ne détenait pas les instruments et les pouvoirs nécessaires aux activités de développement et de gestion de l'entreprise. La double nature de la présidence, à la fois représentante de toutes les coopératives sociétaires (équivalant à un rôle de représentante des actionnaires) et détentrice des instruments essentiels de contrôle de l'entreprise au détriment du management, a empêché le CCPL, selon Giulio Sapelli, de prendre une tournure franchement gestionnaire de 1994 à 1997. Le changement décisif a eu lieu en 1997, lorsque le conseil d'administration a pris conscience de la nécessité d'une nette distinction de rôle entre la technostructure et la propriété afin d'éviter les superpositions de responsabilité (Sapelli, 2004, p. 63). 410
Il était devenu clair aux yeux des dirigeants « que la propriété doit exercer sa fonction en déterminant les objectifs généraux et les politiques adéquates, les choix stratégiques, l'attribution des ressources, et exercer le contrôle des résultats. Par contre, à la technostructure doivent être prescrites l'activation des objectifs, la direction de la gestion et de la production et la tâche de présenter des propositions stratégiques d'intervention sur les activités actuelles et sur de nouveaux projets de développement de l'entreprise» (Sapelli, 2004, p. 63). Dorénavant le président, en tant que représentant de la propriété, c'est-à-dire des coopératives sociétaires, a vu son rôle limité à la direction stratégique, tandis qu'un administrateur délégué a été nommé et chargé de la responsabilité de la gestion, le directeur général devant alors répondre des activités de l'administrateur délégué. Afin d'impliquer l'ensemble des coopératives sociétaires, une rotation du mandat de président a été prévue, celui-ci devant être choisi parmi les présidents de l'une d'entre elles. L'ensemble des unités de production contrôlées par le CCPL a alors été réorganisé, certains secteurs abandonnés, d'autres renforcés, d'autres acquis et de nouvelles alliances ont été formées. «Le CCPL devient ainsi chef de file (capogruppo) d'un groupe coopératif multibusiness unitaire, formé de six sociétés de capitaux couvrant des aires de business spécifiques, qui joue un rôle de gouvernement et de contrôle dans le respect d'une logique industrielle. La nouvelle structure et le modèle de gouvernance qui lui correspond représentent une nouveauté importante au sein du monde coopératif, ils permettent d'éliminer les imperfections organisationnelles créées au cours du temps et d'assigner à chaque business unit la responsabilité directe des conséquences de leurs prises de décision (gestionnaires, financières et patrimoniales), ils garantissent les intérêts des sociétaires et des stakeholders et garantissent le fonctionnement opérationnel de la structure» (CCPL, 2003, p. 57). Après la réforme du droit italien des sociétés de 2003, le CCPL a encore modifié sa structure. Les sociétés de capitaux correspondant aux activités de production ou de service ne sont
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plus contrôlées directement par la société coopérative, mais par une holding, la CCPL SpA, actuellement contrôlée en totalité par la CCPL Société coopérative à responsabilités limitées. «
Aujourd'hui (septembre 2006), les mêmes administrateurs
dirigent les deux sociétés, mais cela pourra changer; en accord avec la nouvelle législation, cette structure permet l'arrivée de capitaux privés. Aujourd'hui, l'administrateur délégué des deux sociétés est un coopérateur de vieille date, mais dans le futur, après l'arrivée de capitaux privés, les deux conseils d'administration seront probablement distincts. On peut même imaginer que l'administrateur délégué de la SpA proviendra un
jour du secteur privé. » À la fin de l'année 2003, le groupe employait 1360 personnes et générait un chiffre d'affaires de près de 700 millions d'euros. La société coopérative à responsabilités limitées, chef de file du groupe, comptait 91 employés (y compris neuf dirigeants). En 2003 (5), les secteurs d'activité, répartis en six sociétés de capitaux, comprenaient quelques nouveautés: l'activité économique dominante était celle des emballages pour aliments frais (704 salariés, neuf établissements, dont trois en Espagne, et deux filiales commerciales), suivie par la distribution d'hydrocarbures depuis l'acquisition en 1996 d'une chaîne de stations-service et plus tard d'un secteur spécialisé dans les questions énergétiques des immeubles (211 salariés, dix filiales ou sociétés contrôlées), par l'extraction et le concassage de pierres ainsi que la production de matériaux de construction tels que béton, conglomérat et émulsion bitumineuse (137 salariés, dix filiales ou sociétés contrôlées), par le conseil aux entreprises,
(5) La nouvelle culture d'entreprise et la nouvelle structure organisationnelle ont porté le CC PL à une forte croissance économique, plus précisément à plus de 74 millions d'euros de valeur ajoutée brute consolidée en 2003. Ceux-ci ont servi à payer le personnel (salaires et charges sociales, 56,8 %), les impôts directs et indirects (8,2 %), le financement de capitaux (9,9 %) dont la distribution de dividendes (2,2 %) et à augmenter le patrimoine de l'entreprise (24,9 %) sous forme de bénéfices non distribués (9,3 %) et d'amortissements (15,6 %). Le reste (0,2 %) a été distribué en sponsorisations (CCPL, 2003, p. 139-140). Pour des chiffres plus récents: www.ccpl.it.
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surtout dans les secteurs de l'informatique, de l'e-business et de la communication (l18 salariés, sept filiales ou sociétés contrôlées en totalité ou partiellement), par la fabrication de biens du secteur de la construction tels qu'éléments préfabriqués, pavés autobloquants, charpenterie métallique et construction de routes (87 salariés, quatre filiales ou sociétés contrôlées) et par les activités immobilières dont la gestion du patrimoine immobilier du groupe (douze salariés, trois filiales ou sociétés contrôlées). Comme on peut s'y attendre, parallèlement aux transformations profondes des deux dernières décennies, « la socialité au sein du CCPL s'est amoindrie, l'épisode du recours aux Carabinieri a marqué une rupture et la dimension sociale de l'entreprise s'est fissurée. Au sein des départements historiques du groupe, par exemple dans le secteur du concassage, il y a encore une vie sociale intense, mais dans les autres non. C'est pourquoi, pour combattre cette diminution du sens d'appartenance, la direction s'engage à consolider les valeurs coopératives ». Afin de contraster les effets de la dispersion territoriale, un portail Internet a été conçu pour les familles du personnel. Les coopératives locales ont de tout temps favorisé la stabilité de l'emploi, ce qui les a rendues attrayantes même durant les périodes de plein emploi, malgré parfois, pour les cadres, « une rémunération de 30 à 40 % plus basse par rapport à l'entreprise privée, car la croissance professionnelle est plus lente que dans le privé ». Ainsi, « sur un millier de salariés [que compte le CCPL] en Italie, seulement cent vingt ont moins de 36 ans et l'ancienneté professionnelle est d'environ trente ans ». Cela signifie que la structure d'âge du personnel pose un problème au management et aux jeunes, qui doivent se confronter à « l'inertie de l'ensemble ». D'où une attention particulière à la formation des jeunes cadres. La tournure managériale du CCPL, attentif à la rentabilité économique de ses opérations et disposé à battre ses concurrents sur les marchés les plus compétitifs, ne lui fait pourtant pas renier son appartenance au monde coopératif. Les choix
stratégiques de l'entreprise tiennent compte des « opportunités 413
de développement offertes par le système coopératif» (CCPL, 2003). Ses liens avec le monde coopératif ne se limitent pas à au versement de cotisations et à la participation aux réunions organisées par les organismes coopératifs, mais se matérialisent en actes concrets de solidarité coopérative, de diffusion des valeurs coopératives et d'engagement culturel au niveau local. En collaboration avec les principales coopératives de Reggio Emilia, le CCPL a fondé en 2000 une société dénommée Boorea visant à agir dans le champ de la coopération internationale.
Selon ses protagonistes, c'est « un instrument [...] pour défendre les valeurs coopératives, affermir l'enracinement territorial, favoriser la naissance et la croissance de nouvelles coopératives, promouvoir les valeurs de la solidarité sociale et créer des instruments de lutte contre la pauvreté et l'accès à la connaissance et au travail des populations pauvres de la planète (6)». L'aide aux handicapés en Palestine, la formation de cadres coopératifs sud-africains du secteur agro-industriel, une conférence en Croatie sur le thème des investissements des coopératives de l'Émilie dans ce pays et des projets de collaboration avec des entreprises bosniaques sont quelques exemples de réalisations concrètes. Comme autre forme d'engagement coopératif international, le CCPL participe aux activités de l'European Association of Cooperative Groups (ECG), une « association de groupes coopératifs qui forme un lobby pour la promotion de groupes similaires ». La transformation récente du CCPL a fasciné l'historien de l'économie Giulio Sapelli, intéressé de longue date à la coopérative (7).Pourtant, dans l'ouvrage qu'il a dédié à ce consorzio, il ne s'arrête pas sur le choix d'une forme juridique antinomique à celle de la coopérative, c'est-à-dire à la création de diverses sociétés de capitaux contrôlées par la coopérative. Rien n'empêche (6) Boorea, Cooperare per la solidarietà e lo sviluppo, petit fascicule de présentation, sans date. (7) L'auteur souligne l'originalité de l'entreprise coopérative, qui se distingue de toute autre entreprise essentiellement par trois caractéristiques, « l'entreprise coopérative est une entreprise à propriété collective. à but mutualiste et solidaire et à direction managériale élue" (Sapelli, 2006, p. 23).
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juridiquement une coopérative de contrôler des sociétés de capitaux, et donc de se poser en entreprise financière, mais il est probable qu'un tel artifice ait provoqué quelques perplexités auprès des vieux coopérateurs. C'est le prix que les dirigeants du CCPL ont accepté de payer pour insuffler de la souplesse organisationnelle au sein de leur groupe. C'est aussi le signe que l'esprit coopératif est en train de se transformer drastiquement (8). Le principe d'une voix par personne est maintenu, même si chaque membre de l'assemblée des sociétaires ne représente pas seulement lui-même, mais environ cinquante sociétaires d'une coopérative de premier degré. Ce principe empêche bien évidemment tout genre de contrôle de la coopérative par le capital financier, et même l'ouverture aux investissements extérieurs par la création d'une holding ne comporte probablement aucun risque pour le patrimoine de la coopérative. Quant aux mécanismes de décision, la part belle est faite aux dirigeants, puisque l'organe suprême chargé de contrôler les dirigeants du groupe, c'est-à-dire l'assemblée des sociétaires, est composé de dirigeants des coopératives qui en détiennent la propriété. Comment le groupe se prémunit-il contre d'éventuelles dérives de ses dirigeants? Les agissements peu conformes à l'éthique coopérative de deux dirigeants d'un grand groupe coopératif auquel appartiennent plusieurs coopératives de Reggio Emilia ont d'ailleurs défrayé la chronique nationale durant l'hiver 2005-2006 et incité de nombreuses coopératives à réagir en organisant quelques débats publics afin de rassurer l'opinion publique et les coopérateurs inquiets. Le passage de la « résistance» au « développement» donne l'impression d'un mouvement inéluctable de la démocratie à l'oligarchie. Pour le contrecarrer, la base des différentes unités
(8) Bien entendu, une telle organisation
ne correspond plus au modèle classique
de la coopérative composée de coopérateurs salariés qui « ne court pas le risque de devenir une institution de l'économie capitaliste, parce qu'elle [...J est, par sa nature, anticapitaliste », selon Bruno lossa (<
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de production devrait inventer de nouveaux mécanismes de régulation, mais cette réaction ne semble guère à l'ordre du jour. Alors que la grande coopérative souffre déjà d'un déficit démocratique, d'un éloignement de la base de ses sociétaires, ces mêmes sociétaires portent un regard encore plus éloigné sur une structure du deuxième niveau. Par ailleurs, en quoi le salarié d'une entreprise contrôlée par une coopérative se différencie-t-il de celui d'une entreprise contrôlée par une société de capitaux? Bien des économistes ont suggéré que la coopérative de production tend, théoriquement, à maximiser le salaire moyen des coopérateurs salariés (9). Une entreprise au statut juridique de société de capitaux, bien que contrôlée par une coopérative, ne risque-t-elle pas de concentrer ses efforts à maximiser son taux de profit? Alors que la coopérative de production de premier degré formée avant tout de coopérateurs avait éliminé l'antagonisme social entre propriété et travail, cet antagonisme ne se présente-t-il pas à nouveau dans le cas de figure exposé ici, quand bien même la propriété est collective et non point privée, puisque les dirigeants ne sont pas l'expression directe ou indirecte du personnel opérant dans les unités de production qu'ils dirigent, mais d'un groupe de coopérateurs externes (cf figure 2 en annexe)? Puisque les réserves accumulées, indivisibles, appartiennent à la coopérative et non pas aux individus, la grande coopérative semble immunisée contre la boulimie du gain. Mais les possibilités d'enrichissement du management, même licites, sont-elles vraiment limitées? L'asymétrie de l'information favorise les managers en général. Ceux des entreprises privées donnent déjà du fil à retordre à un actionnariat puissant, capable de mobiliser des spécialistes à son service pour découvrir les éventuels abus de ses managers, ceux des coopératives ne sont contrôlés que par une base peu aguerrie en matière économique. Tant que les managers restent des coopérateurs de vieille date socialisés au sein du mouvement coopératif, le risque de dérives individualistes semble faible. Par
(9) Il est bien évident que les coopérateurs but si utilitariste.
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ne réduisent jamais leur activité à un
contre, en quoi les nouveaux managers des grandes coopératives se différencient-ils des managers de l'entreprise privée? Aberration du point de vue des économistes, l'existence de la grande coopérative ne peut pas s'expliquer par ses objectifs économiques uniquement. Lorsque l'entreprise était liée à une forte idéologie, elle s'en nourrissait. Mais aujourd'hui, alors que ce lien s'est relâché, à quelles sources la grande coopérative s'abreuve-t-elle? Afin d'éviter toute ombre sur la probité de leurs démarches lors de la grande transformation du consortium, les dirigeants du CCPL ont débattu en toute transparence, comme le prouvent de nombreux documents d'archives mis à la disposition des chercheurs, et se sont efforcés de défendre les intérêts généraux du groupe. Mais si la transparence ne dépend que de la bonne volonté des personnes, la tentation d'opacité ne risque-t-elle pas de s'imposer rapidement? « L'enracinement territorial et le développement des communautés locales », « la contribution au développement d'autres coopératives », « la solidarité sociale et internationale », « les politiques de qualification et de développement du travail, surtout de celui des jeunes» et « la transparence» ne semblent pas de vains mots (CCPL, 2003, p. 42). Mais ils semblent là pour rééquilibrer une organisation très collée à l'économie de marché, comme pour se la faire pardonner. Lorsque ce sens de culpabilité sera estompé, la mutualité active s'évanouira-t-elle? La grande coopérative, et en particulier une coopérative de deuxième degré comme le CCPL, s'écarte notablement du modèle classique de la coopérative de production des origines, et comme tous les cas limites celui-ci soulève de nombreuses questions, il est donc une stimulante occasion de réflexion et mérite attention. Ignorer l'existence de rapports de pouvoir et de situations potentiellement conflictuelles au sein de la grande coopérative séduite par l'efficience économique reviendrait écarter a priori toute possibilité de son perfectionnement. D'autant plus qu'il se pourrait bien, comme l'a écrit Sapelli (Sapelli, 1998, p. Il), que « seulement un capitalisme associatif [...] peut résoudre les problèmes aussi bien de la croissance économique que du développement civil ». Si l'efficience capitaliste écrase 417
la dimension associative, on peut tout de même se demander si la tradition coopérative ne se réduit pas à une forme juridique séduisante. Avouons une certaine frustration. Alors qu'une recherche de terrain, indispensable pour nous autres, ethnologues, aurait permis de donner à voir la vie concrète de l'entreprise, nous avons dû nous contenter d'un seul entretien et d'un travail préliminaire d'information basé sur des documents. Toutes les questions fondamentales restent ainsi ouvertes, sans bribes de réponse. La qualité du travail et des relations entre les personnes n'a pas pu être effleurée, ni même la capacité émancipatrice actuelle de la coopérative. Dès ses origines, la coopérative s'était donné comme but l'émancipation de ses sociétaires, mais il y a un siècle, le seul fait d'améliorer les conditions matérielles, de fournir des objets de première nécessité et une instruction minimale comportait un saut en avant de la qualité de vie. Les conditions difficiles de survie favorisaient la formation spontanée de liens de solidarité. Aujourd'hui, dans un contexte de bien-être économique et de scolarisation diffuse, les processus d'émancipation deviennent plus immatériels et plus complexes, ils touchent par exemple aux soins donnés aux relations interpersonnelles, à la formation non seulement technique, mais centrée sur la responsabilité individuelle et morale et sur l'incitation au développement continu des capacités intellectuelles et psychiques de chaque participant à l'entreprise coopérative. Favoriser un tel développement, bien que nécessitant une sensibilité particulière des dirigeants et des compétences spécifiques, devrait aussi améliorer la qualité des produits et des services fournis par la coopérative. La forme coopérative prise par une entreprise moyenne et performante comme cel1e du CCPL favorise-t-el1e encore en soi un tel essor? Une forte adhésion au groupe, basée non plus sur un lien idéologique, mais sur l'existence de structures favorisant la résolution des conflits et l'enrichissement immatériel des individus, prend-elle forme? Ces interrogations restent ouvertes, mais nous ne désespérons pas de réussir à entreprendre une recherche permettant d'apporter un peu de chair au squelette à peine esquissé. 418
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419
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Figure 1 Origine de l'actuelle coopérative de construction Unieco, sociétaire du CCPL
Muratori e Braecianti di Reggio Emilia (1884-1889)
Muratori di ~ Reggio Emilia (1889)
187 salariés (sociétaires ou non) en 1974
coopératives fondatrices du CCPL en 1904
52 en J974
Muratori e Biraceiai di S. Polo (1902) Edile Val d'Enza (1966)
Muratori e Biracciai di Monteechio (1902)
67 en 1964 41 en 1970 EdiJcoop di Barco (1970)
lrcoop Industrie Reggiane Cooperative (l975) siège à Reggio Emilia
Muratori di Quatro Castella e Ville (1945) Muratori c Arti Affini di Vezzano (1920)
Unieco (1985 )
Braccianti di Correggio (1901)
siège à Reggio Emilia 546 en 1986 dont 460 soc.
Edile Stradale di Correggio (1973 )
Muratori e Manovali di Correggio (1901) Muratori e Affini di Bagnolo (1898)
Fornaciai Laterizi di Correggio (1945)
70 en 1974
Unicoop (1975) siège à Correggio
1991
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Muraturi e Manuvali di Carpineti (1932) Operai di Gatta e Villaminozzo (1945)
CILES Cooperativa Intercommunale Lavoratori Edili e Stradali (1968)
Source: Fonranesi, /994.
420
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Bibliographie Buonocore Vincenzo et Jossa Bruno (a cura di), CNR-Istituto di Studi sulle Strutture Finanziarie e 10Sviluppo Economico (ISPSE), 2003, Organizzazioni economiche non capitalistiche, economia e diritto, Bologna, II Mulino. CCPL, 2003, Bilancio sociale, exercizio 2003. Fontanesi Amus, 1994, CCPL 1904-1994, le vocazioni industriali di una cooperativa di cooperative, Reggio Emilia, Comma. Fontanesi Amus, 1994, Lafamiglia Unieco, Reggio Emilia, Comma. Fontanesi Amus (a cura di), 1997, Tutte le cooperative reggiane 1860-1996, Reggio Emilia, Comma. Sapelli Giulio, 1998, La cooperazione: impresa e movimento sociale, Roma, Edizioni LavoTO. Sapelli Giulio, 2004, Cooperazione, proprietà, management: il modello CCPL, Milano, Libri Scheiwiller. Sapelli Giulio, 2006, Coop, il futuro dell'impresa cooperativa, Torino, Einaudi.
422
/
Etudier les coopératives multipartites pour faire avancer l'approche des parties prenantes Valérie Michaud*
Alors que la gestion des parties prenantes (ou stakeholders) apparaît comme le nouveau credo de la littérature en gestion, dans le monde coopératif, des coopératives multistakeholder émergent, d'abord en Europe et, depuis 1997, en Amérique du Nord, avec les coopératives de solidarité québécoises. Dans le cadre d'une thèse doctorale portant sur les processus de gouvernance multistakeholder au sein des coopératives de solidarité, nous avons comparé ces dernières à d'autres initiatives multipartites similaires, du moins à première vue. Le contexte d'émergence de la coopérative de solidarité, ses acteurs, de même que certaines de ses principales caractéristiques institutionnelles et organisationnelles, sont comparés à ceux d'autres initiatives, dont certaines sont coopératives (la Scic française ou la coopérative sociale italienne, par exemple), d'autres pas (tables rondes, tables de concertation ou programmes de participation des travailleurs, entre autres). À la lumière de cette comparaison, nous soutenons que les coopératives multistakeholder sont les seules à institutionnaliser le « multistakeholderisme » tout en offrant à leurs parties prenantes une potentielle triple participation au pouvoir, au capital et à l'activité. Enfin, face au constat du peu de recherches ayant été menées au sujet de l'émergence organisationnelle et des processus de gouvernance des initiatives multistakeholder, nous avançons que de telles études pourraient enrichir la gestion des parties prenantes et la théorie associée.
* Chercheure doctorante, chaire de recherche du Canada en économie sociale, université du Québec à Montréal. Mél. : [email protected].
423
ans la foulée de la responsabilité sociale de l'entreprise et de la mouvance vers le développement durable, l'approche des parties prenantes (ou stakeholders) a suscité, dans les dernières années, un intérêt croissant en gestion (Jones et Wicks, 1999; Pesqueux et Damak-Ayadi, 2005; Mercier, 2001). Suivant cette approche, l'actionnaire n'incarnerait plus à lui seul toutes les préoccupations de l'entreprise. Les travailleurs, les fournisseurs, la communauté, bref, « tout individu ou tout groupe pouvant influencer ou être influencé par les buts de l'entreprise» (définition classique des parties prenantes par Freeman, 1984) devrait être pris en compte. Alors que les théoriciens du courant normatif proposent une justification éthique à cette prise en compte, ceux du courant instrumental tentent de démontrer quels en sont les effets pour l'entreprise et d'autres encore, du courant descriptif, tentent de décrire ou de modéliser les interactions de l'entreprise avec ses parties prenantes (Donaldson et Preston, 1995; Jones et Wicks, 1999). Malgré toute la vitalité dont témoignent les nombreux écrits au sujet des parties prenantes et l'avancement vers une théorie des relations entreprise-environnement, force est de constater que les travaux empiriques n'abondent pas (Winn et Keller, 2001 ; Gioia, 1999; Trevifio et Weaver, 1999). Qui plus est, dans les études menées sur des terrains (souvent des entreprises capitalistes traditionnelles), l'accent est davantage mis sur l'identification des parties prenantes et sur leur influence plutôt que sur le « comment» de leur participation, de leur possible intégration ou des prises de décision. Dans un tel contexte, l'étude de nouvelles formes de coopératives offre selon nous l'opportunité d'une contribution significative à l'approche des parties prenantes. Dans le monde coopératif, trois principes viennent attester de la participation ou, minimalement, de la considération des parties prenantes: les principes d'adhésion volontaire et ouverte à tous, de pouvoir démocratique exercé par les membres et d'engagement envers la communauté. Malgré l'affichage de tels principes, le sociétariat des coopératives a traditionnellement été formé de membres issus d'une catégorie unique: travailleurs dans les coopératives de travail, consommateurs dans les coopératives éponymes, et ainsi de suite. Fruit de changements législatifs dans
D
424
certains pays, certaines coopératives ayant émergé au cours des dernières années poussent un cran plus loin leur ouverture aux parties prenantes. En effet, par un sociétariat potentiellement ou obligatoirement mixte selon les cas, les coopératives sociales italiennes, les sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic) françaises et les coopératives de solidarité québécoises institutionnalisent la gestion de certaines de leurs parties prenantes. Du coup, leur gouvernance ainsi que les processus de prise de décision se voient complexifiés par la présence, à droits égaux, de porteurs d'intérêts potentiellement divergents (Hansmann, 1996; Pestoff, 1998). Notre objet de recherche central réside dans l'étude des processus d'émergence et de gouvernance des coopératives de solidarité québécoises. Ces coopératives n'étant pas les seules initiatives multipartites (l), nous les comparerons, dans les pages suivantes, à d'autres initiatives similaires, du moins à première vue. Le contexte d'émergence de la coopérative de solidarité, ses acteurs, de même que certaines de ses principales caractéristiques institutionnelles et organisationnelles, seront comparés à ceux d'autres initiatives dont certaines sont coopératives (la Scic française ou la coopérative sociale italienne), d'autres pas (tables rondes, tables de concertation ou programmes de participation des travailleurs, entre autres) (2).À la lumière de cette comparaison, nous soutiendrons que les coopératives multistakeholder et les Scic sont les seules à institutionnaliser le « multistakeholderisme » tout en offrant à leurs parties prenantes une potentielle triple participation au pouvoir, au capital et à l'activité. Enfin, face au constat du peu de recherches ayant été menées au sujet du développement et des processus de gouvernance des initiatives multistakeholder, nous présenterons ce en quoi l'étude de ces initiatives pourrait, à terme, enrichir la gestion des parties prenantes et la théorie associée.
(1) Nous étendons la définition du multipartisme de « système ou instance comptant plus d'un parti politique » à plus d'un groupe de parties prenantes. (2) À cet égard, précisons tout de suite un accent« québécois », voire nord-américain, sur les initiatives
non coopératives
comparées.
425
Délicate étude comparée de la gouvernance des coopératives multi-sociétaires Malgré une tendance émergente, dans la théorie comme dans la pratique, «à reconnaître que la collaboration multipartite et le développement de nouvelles formes de résolution de conflits sont nécessaires pour résoudre des problèmes sociaux complexes dans des conditions toujours plus turbulentes» (Driscoll, 1996, p. 156, notre traduction), les connaissances sur les initiatives multipartites et instances plurielles de gouvernance nous apparaissent limitées. Non pas que les chercheurs ne se soient pas attardés à ces instances de collaboration, mais bien que la particularité qui nous intéresse, c'est-à-dire leur gouvernance multipartite, n'est pas souvent l'objet central des recherches menées. Pour résumer, ce sont davantage leur contexte d'émergence et de développement (entre autres: N'Diaye, 2005; Tremblay et al., 2005; Manoury, 2001; Borzaga, 1995; Lindsay et Hems, 2004; Kochan et Rubinstein, 2000; Morin, 1994-1995; Bouchard et al., 2005; Girard et al., 2000), les conditions de leur succès (Driscoll, 1996; Kochan et Rubinstein, 2000), les apprentissages qu'elles facilitent (Turcotte et Dancause, 2002; Turcotte, 1997; Malo et Elkouri, 2001 ; Poncelet, 2001), leurs règles juridiques (Borzaga, 1995; Espagne, 1999) et leurs impacts sur la cohésion sociale (Langlois, 2004a et 2004b ; Langlois et Girard, 2005 ; N'Diaye, 2005) qui retiennent l'attention que leur gouvernance (3)ou la dynamique de négociation entre les diverses parties prenantes ainsi rassemblées. La littérature portant sur les coopératives multistakeholder est limitée et, du coup, limite les possibilités de comparaison sur
(3) Du moins lorsque l'on retient l'acceptation « coordination » (Bouchard, 2005 ; Bertrand, 2003) du point de vue des sciences de la gestion et de l'économique (plutôt que de sciences politiques, où la gouvernance renvoie plutôt à la régulation) et dans les entreprises collectives, dans lesquelles « ceci se traduit par les préoccupations concernant les rapports entre élus et managers, la composition des conseils d'administration, la place des usagers, la participation des travailleurs, le rôle desfinanceurs» (Bouchard, 2005, p. 582).
426
de multiples critères (4).Par ailleurs, l'étendue et le champ des connaissances diffèrent grandement selon les initiatives multipartites. Les prochains paragraphes découlent d'une recension qui ne prétend pas à l'exhaustivité, et c'est donc à partir des informations dont nous disposions au sujet des coopératives de solidarité et de leurs cousines européennes que nous opérerons des comparaisons. En outre, précisons d'emblée que, s'il est impossible de généraliser par rapport aux coopératives de solidarité, notre objet central, il en est de même pour diverses autres instances plurielles (notamment les tables de concertation et les tables rondes), toutes différentes. Néanmoins, quelques grandes lignes se dessinent et sont présentées dans un tableau récapitulatif, en annexe. Nos comparaisons sont basées sur les dimensions d'analyse contenues dans la grille du Centre de recherche sur les innovations sociales (ci-après, Crises; Comeau, 2000). Exhaustives, elles composent un cadre d'organisation et d'analyse qui permet de documenter l'innovation sociale par le biais de son contexte d'émergence, de ses acteurs, de ses dimensions organisationnelles et institutionnelles.
Brève présentation de la coopérative de solidarité Un bref retour sur le Sommet socio-économique du Québec tenu en 1996 est nécessaire. Parmi les recommandations du groupe de travail sur l'économie sociale se trouve un projet d'amendement à la loi sur les coopératives pour la création d'un nouveau type de coopérative « regroupant les travailleurs, les usagers et les représentants du milieu (5)» mis de l'avant par différents groupes pour favoriser les partenariats et la prise en charge de certains services (initialement l'aide à domicile,
(4) Par exemple, alors que la littérature portant sur ses cousines européennes (notamment les sociétés coopératives d'intérêt collectif, ou Scie, françaises et les coopératives sociales italiennes) insiste fortement sur leur contexte sociétal d'émergence, peu d'écrits documentent cette dimension pour les coopératives de solidarité. (5) Point 5.6,« L'actualisation du statut juridique des associations, des coopératives et des organismes sans but lucratif », tiré du rapport « Osons la solidarité nible à l'adresse suivante: www.unites.uqam.ca/econos/rosonsf.htm.
427
», dispo-
les services de garde et des coopératives multiservices en région) par les collectivités. Le sociétariat des coopératives québécoises était, jusque-là, constitué sur une « base sociale homogène» (Espagne, 1999): les travailleurs dans le cas des coopératives de travail, les consommateurs ou usagers dans celui des coopératives de consommateurs, les producteurs au sein des coopératives de producteurs et les travailleursactionnaires dans les coopératives éponymes. En 1997 a été adopté à l'Assemblée nationale le projet de loi 90 modifiant la loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopératives de solidarité. Langlois et Girard (2006, p. 209) précisent qu'« en 1997, le concept de coopérative de solidarité s'est avéré une importante innovation de type institutionnel et cela à plusieurs niveaux », notamment parce que « le modèle venait prendre contre-pied à la formule de coopérative pratiquant l'unicité du sociétariat. Le pari était audacieux, expérimenter une nouvelle voie rompant radicalement avec une tradition séculaire dans le mouvement coopératif québécois ». Telle qu'originellement instituée, la coopérative de solidarité regroupe à la fois:
. la coopérative; .des membres qui sont des travailleurs œuvrant au sein de celle-ci; .des membres de soutien, soit toute autre personne ou des membres qui sont des utilisateurs des services offerts par
société qui a un intérêt économique, social ou culturel dans l'atteinte de l'objet de la coopérative (loi sur les coopératives, article 226.1). Dans les faits, « les membres de soutien sont surtout des personnes ou des organismes communautaires, ou proviennent d'autres organismes du milieu tels que les centres locaux de services communautaires (CLSC) » (MDEIE, 2004, p. 22). Il est important de noter que la loi sur les coopératives a ensuite été modifiée pour permettre une « modulation plus souple du membership: deux catégories requises sur trois» (sommaire des principales modifications apportées à la loi sur les coopératives et à son règlement d'application, site Internet 428
Graphique 1 60
Répartition sectorielle des coopératives de solidarité au Québec (au 30 septembre 2008)
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du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation) (6). Fin septembre 2008, soit plus de dix ans après la création de leur statut juridique, on répertorie au Québec 422 coopératives de solidaritém. Il s'agit du type de coopérative ayant affiché le plus grand taux de croissance au cours des dernières années. Ces coopératives interviennent dans plus de vingt-sept secteurs d'activité, mais se retrouvent principalement dans le secteur tertiaire, notamment les services personnels et les loisirs (voir graphique 1), et hors des grands centres urbains (Montréal, Laval et la capitale nationale). Leur nombre total de membres (toutes catégories confondues) (6) Nouvel article 226.1 de la loi: « La coopérative
de solidarité
est celle qui regroupe
au moins deux catégories de membres parmi les suivantes [...J », www.mdeie.gouv. qc.ca/fi leadmin/sites/internetldocuments/pub lications/pdf/Entreprises/cooperatives/ sommaire_modiCloi. pdf (dernière consultation le 30 septembre 2008). (7) Selon le Répertoire des coopératives du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation du Québec, www.mdeie.gouv.qc.ca/index. php?id==2221 (dernière consultation le 30 septembre 2008).
429
s'élevait à 25467 en 2002, dont la majorité était des membres utilisateurs, ce qui s'explique par le grand nombre d'usagers des coopératives de services à domicile (MDEIE, 2004, p. 17-18). Voyons maintenant en quoi la coopérative de solidarité se distingue ou non d'autres instances plurielles de gouvernance eu égard au contexte d'émergence et aux acteurs, ainsi qu'aux dimensions organisationnelles et institutionnelles.
Le contexte d'émergence et les acteurs On relève un contraste entre la coopérative de solidarité et les coopératives sociales italiennes, qui existaient depuis déjà plus de vingt-cinq ans au moment de leur reconnaissance légale, en 1991 (Borzaga, 1995; Girard et al., 2000). Ainsi, contrairement à la naissance des coopératives sociales italiennes à partir du terrain et à leur reconnaissance légale a posteriori, les coopératives de solidarité québécoises, mais aussi les sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scie) françaises sont apparues« légalement» avant d'être créées sur le terrain (à trois exceptions près, au Québec). Or, bien que l'émergence de la forme juridique s'inscrive dans une logique
de développementpar le haut (<
locaux (<
autant par des personnes que par des organismes du et « vise à la fois à exercer une activité économique et à à des besoins sociaux qui émanent du milieu» (MDEIE, 20). Langlois et Girard (2006, p. 209) rappellent que la demande pour la création de ce nouveau modèle « émanait avant tout d'acteurs du développement plutôt que de représentants de fédérations sectorielles existantes [.. .], acteurs [qui] avaient à l'esprit, comme son nom l'indique, l'application d'un modèle organisationnel fédérateur à des situations nécessitant la solidarité de plusieurs groupes d'acteurs réunis autour d'une problématique commune ». Le secteur de l'aide domestique, dans lequel on retrouve de nombreuses coopératives de solidarité,
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illustre à juste titre, selon Langlois et Girard (ibid.), ce modèle fédérateur: les personnes âgées ont besoin d'aide à domicile, les travailleuses souhaitent améliorer leurs conditions de travail et l'État cherche, entre autres choses, à combattre le travail au noir dans le secteur et à diminuer la pression sur les services publics. Le contexte local d'émergence des coopératives de solidarité (et des coopératives en général, pourrions-nous ajouter) diffère donc de celui, plus « top-down », d'autres instances plurielles de gouvernance, dont plusieurs tables rondes (Driscoll, 1996; Pasquero, 1991; Turcotte, 1997), forums hybrides (Callon et al., 2001) et près de la moitié des comités sectoriels de (8) main-d'œuvre (CSMO) [Tremblay et al., 2005] initiés par le gouvernement, qu'il soit fédéral, provincial ou municipal. En outre, au Québec et plus largement au Canada, de telles initiatives sont généralement financées en grande partie (voire exclusivement) par l'État, alors que les coopératives de solidarité, bien qu'elles puissent se prévaloir d'aide gouvernementale (c'est souvent le cas au démarrage; MDEIE, 2004, p. 28; Girard et De Bortoli, 2004, p. 271), comptent également sur la participation économique de leurs membres ainsi que sur des dons et des revenus de la vente de biens et services (hybridation de ressources marchandes, non marchandes et non monétaires; Laville, 1994), ce qui leur confère potentiellement une plus grande autonomie par rapport à l'État (9). La participation économique des membres et l'autonomie constituent d'ailleurs (8) Les CSMO sont des instances composées de représentants de certaines industries (travailleurs et employeurs) et de représentants gouvernementaux en formation de la main-d'œuvre. Leur mission est de favoriser et de consolider la concertation et le partenariat afin de résoudre les problèmes de main-d'œuvre communs aux entreprises et aux organismes de certains secteurs. (9) Cette autonomie parrapport à l'État diffère toutefois d'un secteur d'activité à un autre. Par exemple, en aide domestique ou dans les centres de la petite enfance, la coopérative de solidarité (l'entreprise d'économie sociale, en général), bien qu'elle se perçoive comme un fournisseur de services à l'État (contrats pour des services, et non subvention), doit respecter des normes plus ou moins négociées et perçoit la majorité de ses revenus auprès du gouvernement, dont elle est à la fois dépendante (normes, ressources et volonté politique) et relativement indépendante (d'un point de vue de gouvernance et de gestion interne). On observe donc un « dialogue avec l'État social» dans certains secteurs (Lévesque et al. pour le Ciriec, 2005, version non finale).
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des principes coopératifs (Déclaration d'identité coopérative internationale de l'ACI, 1995). Deux autres principes coopératifs permettent de différencier la coopérative de solidarité, soit « l'adhésion volontaire et ouverte à tous» et « le pouvoir démocratique exercé par les membres ». Contrairement aux instances précédemment mentionnées dans lesquelles les membres sont généralement désignés, cooptés ou sélectionnés (jusque par le Premier ministre du Canada dans le cas de la table ronde sur l'environnement et l'économie; Pasquero, 1991, p. 49), il est important de souligner, d'une part, que la coopérative de solidarité et ses cousines européennes sont théoriquement fondées sur le volontariat et ouvertes à toutes les personnes aptes à utiliser leurs services et déterminées à prendre leurs responsabilités, et, d'autre part, que leurs dirigeants sont élus démocratiquement sur la base de la règle « un membre, un vote» (Déclaration d'identité coopérative internationale de l'AC!, 1995). Le développement partant de la base des coopératives de solidarité rappelle en revanche celui des premières corporations de développement économique communautaire québécoises (ci-après, CDEC) (10),développées à l'initiative, entre autres, des acteurs locaux du milieu communautaire (Favreau et Lévesque, 1996; Morin, 1994-1995; Ayoub et Malo, 2001 ; Bouchard et al., 2005). Comme les premières CDEC, mais aussi, notamment, comme la table de concertation Vivre Saint-Michel en santé (ci-après, VSMS; N'Diaye, 2005) (11),les comités «Zone d'intervention prioritaire» (ZIP; Turcotte et Dancause, 2002) (12)et les sociétés (10) Les CDEC, au nombre de quatorze au Québec, sont des organismes de développement territorial travaillant à lier le développement économique au développement social par la création d'entreprises, le développement de la main-d'œuvre, etc. Le conseil d'administration de chacune de ces organisations est composé de représentants de divers collèges électoraux, dont ceux de J'entreprise privée, des organismes communautaires, des élus. (11)« Vivre Saint-Michel en santé est un mouvement de concertation intersectorielle et multiréseaux qui réunit des citoyens, des organismes communautaires, des institutions et des gens d'affaires de tout le quartier Saint-Michel afin de définir et de promouvoir ensemble des priorités d'action visant l'amélioration de la qualité de vie du quartier et le développement social et économique de sa population. » Consultable sur www.vsmsante.qc.ca. (12) Les comités ZIP visent à mobiliser les citoyens et la communauté de certains territoires pour la protection et la mise en valeur de certains écosystèmes.
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d'aide au développement des collectivités (SADC; Simard, 1995), bon nombre de coopératives de solidarité apparaissent comme des instances plurielles de gouvernance territoriale, « car le territoire y constitue la base à partir de laquelle a été constitué le regroupement » (N'Diaye, 2005, p. 5-6). C'est le cas des coopératives de solidarité en milieu rural, actives dans des secteurs tels que l'aide domestique, le développement économique et les coopératives multiservices (essence, alimentation, etc.), fortement ancrées dans le territoire local et régional dont elles sont parties prenantes (MDEIE, 2004, p. 9). L'enquête du MDEIE révèle
que le marché - et donc en quelque sorte l'échelle d'action - des coopératives de solidarité est surtout local et que les liens avec le milieu sont jugés très importants. Comme c'est souvent le cas dans l'économie sociale, la création des coopératives de solidarité apparaît comme le résultat d'une mobilisationd'acteurs locaux souhaitantla « construction conjointe de l'offre et de la demande par les usagers et les professionnels» (Laville, 1994) pour certains services sur leur territoire. Alors que, pour les travailleurs, il s'agit de l'opportunité de se créer un emploi, pour les utilisateurs, c'est la garantie d'un service maintenu, que ce soit pour eux, pour leurs proches ou pour la population qu'ils desservent, en réponse à la dévitalisation de leur région, au vieillissement de la population ou à la crise de l'État-providence (Girard et de Bortoli, 2004). Dans de nombreux secteurs, la constitution de la coopérative de solidarité articule à la fois des intérêts individuels, mutuels et altruistes. Hybride, la coopérative de solidarité vient brouiller les traditionnelles distinctions entre organisations d'intérêt mutuel et d'intérêt altruiste (Gui, 1993). Cela nous mène aux buts et objectifs visés. « La résolution de "métaproblèmes" est la raison d'être de la création d'un espace d'interaction au niveau du domaine (Emery et Trist, 1965). [...] Par définition, les PMC (processus multipartites de collaboration) sont des mécanismes visant la résolution de "métaproblèmes" » (Turcotte, 1997, p. 48-49). C'est le cas notamment de tables rondes, de tables de collaboration, de comités de suivi en environnement et de forums hybrides liés aux enjeux environnementaux,
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d'exploitation des ressources naturelles ou de santé (Turcotte, 1997; Turcotte et Dancause, 2002; Driscoll, 1996; Pasquero, 1991; Poncelet, 2001; Callon et al., 2001 ; Gagnon et al., 2002) qui abordent des problèmes complexes, souvent trans-scientifiques,
porteurs de controverses (Turcotte, 1997, p. 49) et « qu'aucun acteur seul ne peut résoudre à lui seul» (Gagnon et Turcotte, 2004, p. 37). Dans de tels cas, le projet de l'instance plurielle est souvent la résolution du problème par un consensus (Turcotte et Pasquero, 2001 ; Pasquero, 1991), mais son pouvoir se limite généralement à la formulation de recommandations ayant fait l'objet de consensus entre les diverses parties prenantes. Ces instances, regroupant la plupart du temps des représentants du gouvernement, de l'industrie et de groupes écologistes, sont souvent consultatives. Il en est ainsi des comités de suivi environnementaux étudiés par Gagnon et al. (2002, p. 27), qui ont pour la plupart un rôle de liaison, « c'est-à-dire qu'ils créent un lien entre les lieux ou les organismes qu'ils représentent et entre le promoteur et leur organisme ou milieu. Relativement peu de comités ont pouvoir formel de recommandation, c'est-à-dire prendre position en tant qu'entité distincte, voire en tant que comité, des recommandations qui impliqueraient que les autorités ou les responsables y réagissent ». Cela ne signifie pas que de telles instances ne soient pas des lieux de pouvoir (Simard, 1995, p. 107), mais plutôt que l'instance plurielle comme telle n'est généralement pas le centre décisionnel, servant parfois de façade (Mayaux, 1999) ou de mythe rationalisé aux fonctions symboliques, dans des visées d'accroissement de la légitimité (Meyer et Rowan, 1977). À preuve, le (dur) constat de Lapointe (2001b, p. 782-786) au sujet de la participation du syndicat à la gestion du complexe industriel de Témiscaming, au Québec, de la société intégrée de produits forestiers Tembec : il s'agit une « pseudo-participation» qui affaiblit le syndicat plus qu'elle ne le renforce, caractérisée par une absence de pouvoir pour le syndicat et les travailleurs dans les prises de décision les plus importantes. D'autres instances sont plutôt orientées vers la concertation, c'est-à-dire vers la coordination de leurs actions et vers l'harmonisation de leurs pratiques, dans un secteur ou sur un territoire. C'est
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le cas des CSMO, paritaires (entre employeurs et travailleurs), dont la principale responsabilité est le développement et la formation de la main-d'œuvre dans leurs secteurs respectifs (Tremblay et al., 2005). C'est également le cas de VSMS, dont la mission, typique des tables de concertation communautaires, « vise à définir, de manière concertée, des priorités d'action en vue de promouvoir l'amélioration de la qualité de vie dans le quartier Saint-Michel », à Montréal (N'Diaye, 2005, p. 7). En termes d'engagement (Malo et Elkouri, 2001), dans ces instances de concertation comme dans celles de consultation pour la résolution de métaproblèmes, les parties impliquées demeurent autonomes et leur investissement est limité au temps et à l'expertise accordés par chaque représentant (Fontan et Lachapelle, 2000, p. 5-6). Les secteurs concernés sont habituellement d'intérêt général ou liés à des biens publics (Ogus, 1994; Hyman, 1993). Ces instances s'inscrivent dans le contexte d'un modèle de développement partenarial dans lequel on observe
une gouvernance distribuée et partenariale caractérisée par « la présence d'acteurs qui ont des logiques d'action autonomes et différentes et qui, en même temps, recherchent des compatibilités institutionnelles pour leur coopération» (Bernier, Bouchard et Lévesque, 2002, p. 56; dans Bouchard et al., 2005, p. 2 (13»). Alors que certaines coopératives de solidarité s'inscrivent dans cette tendance (notamment dans les secteurs de la santé et des services sociaux, ainsi que dans celui du développement économique), d'autres (dans des secteurs plus typiquement investis par des entreprises capitalistes, comme le commerce de détail, les services personnels, les loisirs, les activités manufacturières, etc.) s'en démarquent toutefois. On observe aussi que certaines coopératives de solidarité opèrent dans des secteurs d'activité rentables sur le marché. On peut donc distinguer, comme Manoury (2001) le propose pour les Scic françaises, des coopératives
(13) Selon Bouchard et al. (2005), dans ce modèle caractéristique de la période 1981-2003 au Québec, on observe un État partenaire, animateur et catalyseur plutôt que planificateur. De nombreuses instances (Sommet socio-économique de 1996, CLD, CDEC, tables sectorielles et de concertation) sont mises en place pour l'élaboration de stratégies de développement social et économique, mobilisant l'État, le marché et la société civile.
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de solidarité d'intérêt collectif (14)d'ordre social ou sociétal et d'autres d'intérêt collectif d'ordre économique (rejoignant ainsi les entreprises d'économie sociale à dominante non marchande, de développement social et à dominante marchande, de développement économique; Lévesque, 2002). Cette dimension économique nous dirige tout droit vers des comparaisons organisationnelles et institutionnelles.
Dimensions organisationnelles et institutionnelles Pour résumer en quoi elle se distingue d'autres instances sur les dimensions organisationnelles et institutionnelles, la coopérative de solidarité combine à la fois un multisociétariat institutionnalisé, constitutif de l'entreprise, et une triple participation des membres au pouvoir, au capital, mais aussi à l'activité (cette triple participation serait, selon Manoury, 2001, p. 108, élément central des Scic françaises). Revenons tout d'abord sur le but des coopératives de solidarité: répondre à des besoins sociaux par une activité économique. Les coopératives de solidarité constituent des entreprises autonomes, formelles, «à part entière» (Pécoup, non daté), menant des activités économiques et dont l'existence dans le temps n'est pas limitée a priori, ce qui n'est pas systématiquement le cas des autres instances plurielles étudiées. Sur ces caractéristiques, les conseils sectoriels de main-d'œuvre se rapprochent de la coopérative de solidarité: chaque CSMO est en effet formellement constitué en association, de durée de vie non limitée, et bien que certains CSMO ne comptent que sur des subventions gouvernementales pour défrayer leurs coûts, d'autres ont développé des activités économiques sur le marché (formations, analyses, etc.) [Tremblay et al., 2005]. En lien avec l'activité économique, les coopératives de solidarité se distinguent aussi des tables rondes, de concertation ou des CSMO par le fait qu'elles peuvent être à but lucratif ou non.
(14) Les Scic (et ce bien qu'elles portent« intérêt collectif» dans leur nom) de même que les coopératives sociales italiennes sont légalement tenues d'opérer dans l'intérêt général, ce qui n'est pas légalement requis pour les coopératives de solidarité.
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Pour bénéficier du statut « sans but lucratif », les coopératives de solidarité doivent « mettre une clause dans leurs statuts de constitution pour interdire l'attribution de ristourne pour être reconnues sans but lucratif au ministère du Revenu et ainsi bénéficier d'avantages fiscaux tels que l'exemption d'impôts sur le revenu [de même que] rajouter dans la clause qu'il est interdit de verser des intérêts sur les parts privilégiées» (Langlois, 2004a,
p. 39).Par ailleurs, si Saturn - le partenariat développéconjointement par la direction de General Motors (GM) et le syndicat américain des travailleurs automobiles (UAW) pour la création d'une filiale et la rétention d'emplois aux États-Unis et pour la compétitivité de GM sur le marché des petites voitures - donne aussi l'impression de se rapprocher de la coopérative de solidarité à but lucratif sur ces quelques points, on constate rapidement qu'il ne s'agit pas d'une entreprise autonome, mais bien d'une division du géant américain. Ainsi, bien que le pouvoir de décision quant à la gestion de Saturn réside à voix égales entre gestionnaires et syndicat, l'existence même de la division demeure soumise à la volonté des actionnaires, détenteurs du capital de GM (Kochan et Rubinstein, 2000). Dans la tradition coopérative, la coopérative de solidarité fonctionne selon la règle démocratique « un membre, un vote ». La participation aux instances démocratiques est indissociable du thème plus général de la démocratie au sein des entreprises d'économie sociale (Jetté et Lévesque, 2003, p. 159). L'idée d'accorder de l'importance à la participation à la vie démocratique des travailleurs, utilisateurs et représentants de la communauté trouve ses assises théoriques dans le principe multistakeholder (Pestoff,
1998). « Ce principe renvoie à la participation d'une multitude de "porteurs d'intérêts" aux instances décisionnelles de l'organisme. [... L]'application de la philosophie du multistakeholders (sic) fait appel à une délibération entre divers groupes d'intérêt, ce qui incite ces derniers à faire des compromis allant dans le sens de l'intérêt général et du dépassement des corporatismes» (Vaillancourt et Jetté, 2003, p. 17-18). Cette délibération pour la construction conjointe de l'offre et de la demande (Laville,
1994) suppose un espace public de débat permettant de « bien 437
voir comment ce qui apparaît souvent comme une somme de problèmes individuels constitue en réalité un problème social (Laville, 1994)>> (Lévesque, 2001, p. 8) Dans les coopératives multistakeholder, l'espace public « institutionnel» du multisociétariat institutionnalisé est constitué de l'assemblée générale des membres et du conseil d'administration (auquel chaque catégorie de membre peut être représentée). Bien que cet espace existe, il ne semble toutefois pas utilisé à son plein potentiel: l'assemblée générale de nombreuses coopératives de solidarité affiche des taux de participation très bas, du moins chez les membres utilisateurs et de soutien. Pour Jetté et Lévesque (2003, p. 174), il apparaît d'ailleurs « évident que dans les cas soumis, les usagers constituent un acteur avec une "faible" influence par rapport au pouvoir de gestion des directions ou d'autres acteurs présents dans les conseils d'administration bénéficiant du poids et de la légitimité d'un établissement ou d'une organisation ». On remarque ainsi, du
côté des utilisateurs, que les « structures [...] de représentations institutionnelles (présence d'usagers au CA) [...] demeurent soit investies faiblement, soit occupées de façon individuelle» (Jetté et Lévesque, 2003, p. 174, au sujet des entreprises d'économie sociale en aide domestique, dont certaines coopératives de solidarité). À cet effet, Jetté et Lévesque (2003, p. 172-3) soutiennent que « la participation aux assemblées générales est importante si l'on veut dépasser la simple représentation individualisée des usagers dans les conseils d'administration », situation dans laquelle les représentants des membres utilisateurs ne parlent qu'en leur propre nom. En clair, pour eux, il s'agit donc de passer d'une représentation individuelle à une représentation collective des utilisateurs (15), d'enrichir une démocratie directe ou participative sous-exploitée en assemblée par la délibération, pour une plus grande démocratie représentative au conseil d'administration (Lévesque, 2001). (15) Un défi plus ou moins grand selon le secteur d'activité de la coopérative de solidarité, sa taille et l'équilibre de ses parties prenantes. En aide domestique, par exemple, l'utilisateur, une personne typiquement âgée ou malade, reçoit le service de façon individualisée, à son domicile, tandis que dans un centre de la petite enfance, les parents, mobiles, se rencontrent potentiellement deux fois par jour...
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Cette tendance à la représentation individuelle n'est pas étrangère aux corporations de développement économique communautaire. En effet, selon Morin (1994-1995,p. 35), un enjeu vécu par la plupart des CDEC consiste à rendre effective cette forme de démocratie indirecte, ce qui suppose que les membres de leur conseil d'administration soient de véritables représentants de leur milieu respectif, qu'ils parlent au nom du corps électoral duquel ils ont reçu un mandat et non pas en leur nom personnel. Dans d'autres instances « intermédiaires» (inter-organisationnelles, voire supra-organisationnelles dans le cas étudié par Pasquero, 1991), il semble que les membres agissent souvent à titre de représentants de leur organisation ou de leur secteur. Sur la participation au capital, la coopérative de solidarité ainsi que ses cousines européennes se distinguent clairement des autres instances étudiées: dans la Scic comme dans la coopérative de solidarité, les parties prenantes participent à la constitution plurielle du capital, dont la caractéristique est d'être indivisible» (Manoury, 2001, p. 108). Toujours selon «
cette auteure,
«
la prise de parts respectives apparaît comme
un élément de crédibilisation de la structure d'un point de vue économique, de garantie quant à la dimension démocratique de la démarche, de consolidation du lien social territorial ». Les membres utilisateurs, travailleurs et de soutien sont conjointement propriétaires et entrepreneurs de la coopérative de solidarité. Leur projet s'articule autour de la création d'une entreprise coopérative par diverses parties prenantes et constitue un partenariat, un engagement contractuel entre les divers membres de cette entreprise, dont certaines parties prenantes traditionnellement externes se voient internalisées (Pestoff, 1998, p. 110). Enfin, alors que le pouvoir et le capital touchaient davantage la dimension institutionnelle de la coopérative de solidarité, « l'activité recouvre la question de la participation au processus de production et plus largement la dynamique économique dans son ensemble, c'est-à-dire l'organisation du processus de production entre différents acteurs et la combinaison de ressources croisées» (Manoury, 2001, p. 122). Alors que le rapport d'activité n'est pas nécessaire dans les associations (quoique l'implication des bénéficiaires
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soit une tendance, comme précédemment mentionné; Locke et al., 2003) ni dans les tables et organismes considérés, il touche directement les coopératives et les instances comités de gestion au sein des entreprises, puisqu'elles gèrent la production de biens et de services à des usagers. En revanche, dans ce dernier cas, les usagers ne sont pas impliqués dans les opérations, contrairement à la possible implication des membres utilisateurs dans les activités des coopératives de solidarité, toutefois plus ou moins intense selon les secteurs. Toujours selon Manoury (2001, p. 122), la « dynamique coopérative et participative de la Scic (identique à celle de la coopérative de solidarité) peut amener un acteur, bénévole, collectivité publique ou de l'économie sociale et solidaire, à être investi tant dans le processus de production que dans le capital social. Il peut être amené à être simultanément partenaire et partie prenante ».
Conclusion On le constate: les possibilités de comparaison entre les coopératives multistakeholder et d'autres initiatives multipartites de gouvernance sont nombreuses, et nous ne les avons certes pas épuisées. Chacune des initiatives abordées constitue en soi une innovation sociale, mais la discussion des dimensions organisationnelles et institutionnelles de la coopérative de solidarité ainsi que celle de son contexte d'émergence et de ses acteurs ont tôt fait de nous ramener à l'originalité de la combinaison multisociétariat institutionnalisé et triple participation au pouvoir, au capital et à l'activité. En soi - et bien qu'il se distingue de multiples réponses volontaires organisationnelles à des pressions institutionnelles (Oliver, 1991) récemment développées dans des visées de responsabilité et de légitimité sociale -, le multisociétariat institutionnalisé n'est pas exceptionnel: le multipartisme est en effet constitutif d'autres instances, comme nous l'avons démontré. De même, certaines instances se démarquent par la participation de leurs membres au pouvoir (certaines associations, les CDEC, CSMO), au capital (coopératives et entreprises avec travailleurs-actionnaires) ou à 440
l'activité (coopératives traditionnelles, comités paritaires). Or, selon nos recherches, il ressort que, mis à part les coopératives de solidarité et les Scic, aucune instance ne conjugue le multisociétariat institutionnalisé et la triple participation. En effet, malgré le récent assouplissement de la loi sur les coopératives pour permettre la création de coopératives de solidarité à deux (plutôt que trois) catégories de membres, le multisociétariat (même s'il s'agira parfois plutôt d'un « bi-sociétariat ») est maintenu. De même, dans les Scic françaises, la représentation des travailleurs et des usagers est obligatoire. À ces deux catégories de membres «de base» peuvent s'ajouter des bénéficiaires, bénévoles, autorités publiques, donateurs ou toute autre partie prenante pertinente (Lindsay et Hems, 2004, p. 278-279)(16).Par contre, comme le soulignent Borzaga et Santuari (2000, p. 32), les coopératives sociales italiennes peuvent avoir un sociétariat mixte, mais ce n'est pas obligatoire et il existe des coopératives uniquement formées de travailleurs ou d'usagers. En outre, Borzaga et Santuari notent que plusieurs coopératives sociales ont également des membres qui ne participent pas directement aux activités (appelés « membres inactifs ») et qui ne participent pas à la prise de décision. Hybridation entre la coopérative de consommation et la coopérative de travail (Cazes, 1999) ou entre la coopérative et l'association (Münkner, 2004, cité par Lévesque et al. pour le Ciriec, 2005), les coopératives de solidarité québécoises, tout comme les coopératives sociales italiennes et les Scic, « invitent en quelque sorte le mouvement coopératif à tenir compte non seulement de l'activité, mais aussi de l'ancrage dans la communauté et la région comme le faisaient, sans doute de façon différente, les coopératives à l'origine, les associations et le "développement économique communautaire" orientés plus explicitement vers la communauté et la recherche de solution aux problèmes socioéconomiques» (Lévesque et al., op. cit.).
(16) Avec toutefois une règle de distribution du pouvoir: aucun groupe ne peut détenir plus de 50 % des parts ni moins de 10 %. Quant aux autorités publiques, leur pouvoir ne peut excéder 20 % des parts (Lindsay et Hems, 2004).
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Si les paragraphes précédents ont permis de dégager l'originalité des coopératives multisociétariat, il en ressort également l'absence de recherches s'étant penchées au cœur des processus de gouvernance multistakeholder, des négociations et des compromis entre acteurs aux préoccupations et intérêts potentiellement divergents. Les quelques études de cas recensées dans le cadre de cet exercice de comparaison et la recherche exploratoire menée auprès de deux coopératives de solidarité en 2006 nous permettent d'affirmer que les tensions sont inhérentes à la rencontre d'acteurs traditionnellement isolés, ainsi qu'à la construction de nouveaux espaces de dialogue. Parallèlement à ce constat, l'approche des parties prenantes fait face à un déficit de travaux empiriques. Qui plus est, parmi les travaux empiriques s'inscrivant dans cette approche, les études s'étant intéressées aux processus de prise de décision et de négociation en contexte multipartite se font également rares. La boîte noire des processus de gestion et de gouvernance multistakeholder reste à décortiquer. Que ce soit par un déplacement du normatif à l'empirique, du « qui» au « comment », d'une attitude organisationnelle réactive à une posture proactive, de la considération instrumentale à la participation démocratique des parties prenantes, d'études quantitatives et macro aux études de cas, qualitatives ou encore par l'ouverture à des organisations alternatives aux entreprises capitalistes traditionnelles, les études sur les coopératives de solidarité et certaines de leurs cousines européennes représentent à nos yeux un potentiel d'éclosion pour l'approche des parties prenantes.
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Annexes Tableau récapitulatif(1)
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(1) Pour une version intégrale du tableau, voir Michaud Valérie (2006). 443
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Pratiques d'intercoopération: essai de modélisation Michel Lafleur, Ernesto Molina et André Martin*
La coopérative réunit des personnes qui coopèrent afin d'atteindre un but commun. Mais qu'en est-il des activités de coopération entre les coopératives d'un même secteur et entre les fédérations et les coopératives de secteurs différents et de différents pays? L'identité coopérative, à travers ses valeurs, est bien connue. Il existe le principe de coopération entre coopératives, qui est souvent évoqué par les coopérateurs, mais il n'existe pas de modélisation permettant de mieux comprendre les pratiques reliées à l'intercoopération et d'évaluer leurs impacts sur le succès des coopératives. Que signifie concrètement « œuvrer ensemble» dans un monde mondialisé? D'où s'inspirent les pratiques d'intercoopération: de l'identité coopérative ou de l'entreprise traditionnelle? Quelles sont les bonnes pratiques en ce domaine? Comment évaluer l'impact des pratiques d'intercoopération sur les avantages des membres?
* Institut de recherche et d'éducation pour les coopératives et les mutuelles de
l'université de Sherbrooke (Irecus). Mél. : [email protected], [email protected], [email protected].
453
Ernesto.
a coopérativeréunit des personnes qui coopèrent au sein d'une organisation afin d'atteindre un but commun. C'est ce que l'on observe quotidiennement dans les coopératives: des personnes mettent ensemble leurs idées, leurs compétences et leurs ressources afin d'avoir un meilleur travail, un meilleur rapport qualité-prix pour des produits d'épicerie, d'intrants agricoles, de débouchés de marché, etc., tout en respectant les valeurs et les principes coopératifs. Entre les secteurs coopératifs, nous observons la même dynamique, mais à la place de personnes-membres, ce sont des coopératives-membres entre elles, au sein d'une fédération, qui collaborent afin d'améliorer leur capacité à atteindre la mission de leur organisation. Plusieurs coopératives, fédérations de coopératives ou regroupements de coopératives du Québec ont voulu mieux connaître leurs pratiques d'intercoopération afin d'améliorer le service à leurs membres. Dans un contexte de croissance des coopératives de base et d'émergence de nouveaux secteurs, et avec un objectif de meilleur fonctionnement coopératif, les directions coopératives se sont retrouvées devant une demande pour de nouveaux services à leurs coopératives de base. Plusieurs acteurs coopératifs se demandaient s'il fallait développer de nouveaux services pour répondre à ces nouveaux besoins ou s'il ne fallait pas plutôt s'associer avec les autres fédérations qui offraient des services similaires ou qui possédaient des compétences pouvant servir à la production de ces nouveaux services. La question de fond était de reconnaître les pratiques d'intercoopération et de savoir comment elles peuvent augmenter les avantages des membres consommateurs.
L
Problématique Le sixième principe coopératif adopté par l'Alliance coopérative internationale (AC!) décrit ainsi l'intercoopération : « Pour apporter un meilleur service à leurs membres et renfoncer le mouvement coopératif, les coopératives œuvrent ensemble au sein de structures locales, nationales, régionales et internationales. »Par ailleurs, les principes coopératifs et l'expérience démontrent que la coopérative
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ne doit pas évoluer en vase clos; au contraire, elle doit se regrouper afin de mieux servir ses membres et de renforcer le mouvement coopératif. Cependant, la définition de l'ACI ne spécifie pas en quoi consiste l'expression « œuvrer ensemble ». Est-ce à dire que toutes les activités et toutes les ententes de partenariat entamées par une coopérative, une fédération ou une confédération relèvent de l'intercoopération? Sur le plan théorique, si la définition de la coopération entre coopératives ou de l'intercoopération existe effectivement, on se heurte rapidement à l'inexistence de modèles satisfaisants pouvant à la fois catégoriser les pratiques d'intercoopération et évaluer les résultats de ces pratiques sur la coopérative. La question guidant la recherche est: comment reconnaître les pratiques d'intercoopération? comment contribuent-elles à la réussite d'une coopérative et de son projet? Pour y répondre, nous présentons un cadre d'analyse pour mieux définir et répertorier les pratiques d'intercoopération et permettre de connaître les processus et les résultats de ces pratiques sur les prestations de services des coopératives.
Méthodologie À partir d'une démarche d'étude de cas (Yin, 1993, 1994) et d'analyse par théorisation ancrée (Locke, 2001), des chercheurs et des étudiants de l'Institut de recherche et d'éducation pour les coopératives et les mutuelles de l'université de Sherbrooke (Irecus) ont réalisé, entre octobre 2003 et octobre 2006, une série d'études portant sur les pratiques d'intercoopération dans des projets de coopération internationale, dans le secteur des coopératives de consommateurs au Québec, ainsi qu'entre les coopératives d'une région administrative du Québec: l'Estrie. Une première recherche, menée en 2003-2004, a porté sur les pratiques d'intercoopération entre les coopératives du Québec et celles d'Amérique du Sud à travers des projets de coopération internationale pilotés par la Société coopérative de développement international (Socodevi), organisme regroupant les principales fédérations de coopératives du Québec (Lafleur, Dion et Lussier, 2005). 455
Une deuxième recherche a porté sur les pratiques d'intercoopération des six grands regroupements de coopératives de consommateurs du Québec, soit la Fédération des coopératives de services à domicile du Québec (FCSDQ), la Fédération des coopératives de câblodistribution du Québec (FCCQ), la Confédération québécoise des coopératives d'habitation (CQCH), la Fédération des coopératives d'alimentation du Québec (FCAQ), celle des coopératives funéraires du Québec (FCFQ) et la Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire (FCQMS) [Lafleur, Molina et Taillon, 2005; Lafleur et Molina, 2006], toutes ces fédérations étant membres du Conseil québécois de la coopération et la mutualité (CQCM). Finalement, la troisième recherche, issue d'un partenariat entre l'Irecus et la Coopérative de développement régional de l'Estrie (CDR-Estrie), porte sur des coopératives de tous types qui fonctionnent dans la région administrative de l'Estrie, au Québec (Bussière, Senghor et Vachon, 2006). Ces recherches ont demandé l'utilisation d'entrevues et de consultations, de questionnaires envoyés par la poste ou administrés par téléphone auprès des membres, gestionnaires et administrateurs des coopératives et des fédérations des coopératives. Les résultats de chacune de ces recherches ont été présentés aux principaux intéressés, les coopérateurs, lors de rencontres de validation et du Forum sur l'intercoopération organisé à ces fins, ainsi que lors de séances d'information et de tournées régionales de sensibilisation au modèle coopératif.
Cadre théorique Pour mieux comprendre les données émanant du terrain, nous nous sommes servis des concepts de stratégie, de compétences clés, de défis coopératifs et de bonnes pratiques. Le cadre théorique que nous présentons ici de façon résumée constitue la base de notre analyse qui nous permet de proposer une classification des pratiques d'intercoopération selon leur lien avec l'atteinte de résultats précis.
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La stratégie Dans les manuels de gestion, la stratégie est souvent définie comme étant « les plans de la direction pour atteindre les résultats en rapport avec les missions et les objectifs de l'entreprise» (Mintzberg, Ahlstrand et Lampel, 1998, p. 19).Une définition plus complète et plus près de sa réalité complexe amène ces auteurs à conclure que la stratégie nécessite une définition comportant une série de dimensions afin de mieux cerner sa complexité. Ils proposent cinq dimensions fondamentales pour définir la stratégie, soit les notions de plan, de modèle, de position, de perspective et de stratagème. Ces dimensions ne doivent pas être perçues comme étant en opposition, mais bel et bien complémentaires. Les compétences clés Avec cette définition de la stratégie, nous présentons maintenant l'école des ressources en stratégie. Celle-ci remet en question l'approche selon laquelle l'étude de l'environnement externe sert de base à l'analyse stratégique. C'est plutôt sur les éléments internes à l'organisation qu'il faut analyser, puisque c'est sur ces éléments que les gestionnaires ont un meilleur contrôle (Prahalad et Hamel, 1990). Ainsi, les stratégies des entreprises devraient se baser sur leurs ressources et leurs capacités uniques, ayant de la valeur et étant inimitables, plutôt que sur les produits et les services provenant de ces capacités (Zack, 1999). Il s'agit de changer le focus de la stratégie, en se concentrant sur une vision de la stratégie axée sur les ressources internes d'une organisation: l'essence de la stratégie n'est pas la structure du produit et du marché d'une société, mais la dynamique de son comportement. Le but est d'identifier et de développer les éléments difficiles à imiter des capacités organisationnelles qui distinguent une organisation de ses concurrents. C'est là que se trouverait l'avantage compétitif d'une organisation et non dans la captation d'une opportunité dictée par les résultats de l'étude de l'environnement externe (Stalk, Evans et Shulman, 1992). Selon cette école, l'avantage concurrentiel a son origine dans les compétences profondément enracinées chez une organisation et qui dépassent ses produits et services. Les compétences clés d'une
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organisation se retrouvent dans ses ressources et ses capacités durables, difficilement identifiables et imitables. Ici, l'accent est mis sur l'apprentissage et les habiletés des gestionnaires à développer les compétences clés de l'organisation: les sources réelles d'avantages doivent être trouvées dans la capacité de la direction à consolider des technologies étendues d'entreprises et des habiletés de production dans les compétences qui permettent 1'« empowerment» des entreprises pour s'adapter rapidement aux occasions changeantes (Prahalad et Hamel, 1990). La compétence clé peut se définir comme étant la conséquence de l'apprentissage: les compétences clés sont l'apprentissage collectif au sein de l'organisation, particulièrement sur la façon de coordonner diverses habiletés de production et d'intégrer les multiples flots de technologies (Prahalad et Hamel, 1990). Prahalad et Hamel (1990) proposent trois tests pour identifier les compétences clés d'une organisation. Premièrement, une compétence clé doit donner un accès potentiel à une vaste gamme de marchés; deuxièmement, elle doit apporter une contribution significative aux avantages que perçoit le consommateur dans le produit final; troisièmement, la compétence clé doit être difficile à imiter par les concurrents. D'autres auteurs ont complété cette première liste. Ainsi, Grant (1991) propose quatre caractéristiques générales qui servent à considérer ressources et capacités comme véritables sources d'avantages concurrentiels durables, soit être durable, être transparente, être transférable et être imitable.
.
Durable:
cette caractéristique
fait référence
à la longévité. Plus
une ressource ou une capacité aura une grande longévité, plus elle procurera un avantage concurrentiel durable.
.
Transparente:
la transparence
fait référence
à la complexité
des
capacités et des ressources nécessaires aux compétences clés d'une organisation. Plus une compétence sera simple, donc transparente, plus les compétiteurs auront de la facilité à la reconnaître et à tenter ainsi de la copier. Un degré élevé de complexité rendrait les ressources et les capacités d'une organisation, donc ses compétences clés, moins transparentes aux compétiteurs, donc difficilement copiables, lui conférant ainsi un avantage compétitif plus durable. 458
. Transférable:
cette caractéristique fait référence à la possibilité
de duplication de la compétence à partir du transfert des ressources et des capacités nécessaires. Plus la duplication de la compétence est facile, moins elle sera considérée comme compétence clé, puisqu'elle ne représentera pas un véritable avantage concurrentiel durable pour l'organisation. Imitable: afin de dupliquer une compétence, une organisa-
.
tion pourra tenter d'imiter le succès d'une autre firme par des investissements internes. Comme au critère précédent, la facilité d'être imitable donnera à la compétence clé une valeur stratégique différente. Certaines capacités seront dès lors extrêmement difficiles à imiter, rendant ainsi la compétence clé de l'organisation unique pour son avantage compétitif. Bref, le succès actuel d'une organisation repose sur une compréhension de la dynamique interne, en termes de ressources et de capacités, donnant à l'organisation ses compétences clés durables, peu transparentes, difficilement transférables et imitables (Prahalad et Hamel, 1990; Grant, 1991), alors que le maintien et le prolongement dans le temps de ce succès reposent sur les capacités dynamiques d'une organisation difficilement réplicables et imitables (Teece, Pisano et Shuen, 1997). La question n'est plus uniquement d'avoir une compétence clé, mais d'en connaître la dynamique sous-jacente afin de la faire évoluer dans le temps. Les défis coopératifs Le modèle des défis coopératifs (Lafleur, 2003) met en relation de façon dynamique sept particularités de l'identité coopérative qui, dans leur application stratégique, doivent mener à une offre de services et/ou de produits concurrentiels, intégrant les dimensions de prix, de qualité et de plus-value coopérative. Un défi coopératif traduit en termes stratégiques une particularité de l'identité coopérative en décrivant la relation entre cette particularité et la conduite de la gestion et du développement de la coopérative dans un contexte concurrentiel. La formulation du caractère distinctif de la coopérative en huit défis est le fruit d'une construction réalisée en utilisant les valeurs et les principes coopératifs jumelés à une démarche de cueillette et d'analyse de données du terrain. 459
La formulation de chaque défi coopératif énonce formellement les valeurs et principes coopératifs qui y sont associés, suivis d'une description du défi coopératif. Le défi de la bonne gouvernance coopérative (DGC) Par le principe d'égalité, par la constitution d'une assemblée générale avec plein pouvoir, par l'élection périodique d'administrateurs, par les valeurs de prise en charge, de solidarité et de responsabilités personnelles et mutuelles, les pouvoirs et devoirs démocratiques de la coopérative sont bien établis. Ces particularités définissent en grande partie la structure de la bonne gouvernance de la coopérative. Stratégiquement, cela se traduit par un droit et une obligation de participation des membres et par une série de règles de délégation de pouvoir entre les membres, les administrateurs, les gestionnaires et les employés. Une démarche participative est, d'une part, incontournable dans une coopérative afin d'assurer un apport unique des membres aux destinées de la coopérative et, d'autre part, indispensable pour s'assurer que les décisions de la coopérative se font dans l'intérêt des membres. Cette démarche participative doit aussi produire des résultats concrets pour la coopérative: fidélité de ses membres, apports en informations stratégiques, sentiment d'appartenance, vécu de la différence coopérative, etc.
Le défi de l'investissement et de la capitalisation (DIC) Par les principes coopératifs de la rémunération limitée sur le capital investi, de la réserve inaliénable et de la nécessité d'être membre-usager pour siéger au conseil d'administration, la dynamique de l'investissement et la capitalisation posent un défi particulier en termes de sources de financement et de capitalisation. Stratégiquement, cela oblige la coopérative à puiser l'argent nécessaire à son démarrage, à son développement et à sa capitalisation principalement chez ses membres, à même leurs avoirs et/ou leurs parts des trop-perçus. Cela pose le défi de rémunérer adéquatement les investissements des membres (en argent ou par valeur d'usage) et d'établir le lien entre capitalisation et prix de revient, tout en maintenant un investissement interne adéquat pour le développement de la coopérative. 460
Le défi des valeurs coopératives (DVC) L'idée de base de la coopérative est de regrouper des gens qui ont un besoin commun, soit acheter un service (coopérative de consommateurs), vendre une production (coopérative de producteurs), se trouver un emploi (coopérative de travailleurs) ou un mélange de ces éléments dans le cadre, par exemple, d'une coopérative de solidarité. Ce faisant, ces personnes, regroupées en coopératives, veulent bâtir un projet selon des valeurs bien précises, celles du coopératisme. Ce point de départ fait en sorte que la coopérative doit se développer de façon à ne pas créer d'incohérences coopératives et appliquer les valeurs coopératives à l'ensemble de ses relations avec ses parties prenantes. Stratégiquement, la prise de décision face aux différents acteurs de la coopérative doit refléter cet engagement envers le projet coopératif. Le défi de la relation d'usage (DRU) Toute la dynamique de gestion des coopératives vise à maximiser la relation d'usage ou les avantages coopératifs de ses membres. Cette particularité de l'identité coopérative sert aussi de guide de développement, un développement centré sur les besoins des membres dans un secteur précis. Stratégiquement, la dynamique de développement de la coopérative devra toujours être en lien avec cette relation d'usage et non avec une relation financière. Conséquemment, l'analyse stratégique pour le développement de la coopérative reposera non pas sur une profitabilité maximale, mais sur une maximisation de la relation d'usage ou, dans un vocabulaire plus coopératif, sur une optimisation des avantages coopératifs. La planification et les objectifs stratégiques sont par conséquent forts différents de l'entreprise traditionnelle. Le défi du développement de la collectivité (DDC) L'objectif premier d'une coopérative est de donner de meilleurs produits et services aux membres. Mais, en réalisant cet objectif, les coopératives, individuellement et collectivement, doivent aussi participer, selon leurs moyens, à un développement harmonieux de
leur communauté. Cela fait partie de la vision « développementale des coopératives. Cette participation à un meilleur développement
461
»
de la communauté est innée à la coopérative. Celle-ci appartient à sa communauté de par la provenance de ses membres et, traditionnellement, la coopérative verse annuellement une ristourne sociale à sa communauté. De par sa réserve inaliénable et sa capitalisation provenant uniquement de ses membres, elle ne peut être l'objet de spéculations qui la sortiraient de sa communauté. Stratégiquement, le développement de la coopérative devra aussi être centré sur sa communauté. Ainsi, le gestionnaire devra prendre en considération les dynamiques locales du travail de sa coopérative et évaluer les meilleures façons de faire un usage bénéfique des potentialités de son identité coopérative. Le défi de l'éducation coopérative (DEC) Baignant dans un océan d'entreprises traditionnelles où l'indice de réussite se résume au retour sur l'investissement, la coopérative doit faire valoir sa réussite à une plus grande échelle. Par le défi de l'éducation coopérative, la coopérative doit stratégiquement faire en sorte que les membres et ses parties prenantes connaissent bien les différences coopératives, ses rôles, ses responsabilités, etc., afin de développer et de maintenir une cohésion dans son développement. Comme le veut l'adage coopératif, une coopérative sans éducation coopérative n'est pas une coopérative. Le défi du service ou produit (DSP) Les coopératives sont créées pour répondre à un besoin par l'offre d'un produit ou d'un service dans un cadre de développement coopératif et non de développement capitaliste traditionnel. Cependant, le produit ou service de la coopérative va au-delà de la traditionnelle équation qualité-prix. Même si cette équation demeure un élément incontournable de sa prestation de services, la coopérative doit aussi produire une plus-value coopérative. Stratégiquement, la coopérative doit donc offrir un produit et/ou un service avec un prix concurrentiel, une qualité concurrentielle et une série de plus-values coopératives uniques. L'ensemble des caractéristiques de l'identité coopérative que résument les défis doit donc générer une série d'éléments distinctifs dans la livraison du produit ou du service qu'offre la coopérative.
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En ce sens, les six premiers défis (I) doivent avoir un impact réel sur l'offre du produit et/ou du service de la coopérative, le défi du produit et service étant l'aboutissement de l'atteinte ou non des autres défis coopératifs. Ainsi, toutes les particularités issues de l'identité coopérative se conjuguent pour trouver leur aboutissement dans le produit et/ou le service offert par la coopérative. Avec ce modèle, il est possible de documenter les compétences clés de la coopérative, liées à son identité. Bonne pratique de gestion Le concept de bonne pratique est associé à l'analyse stratégique, plus particulièrement à l'analyse interne de l'organisation et à l'organisation apprenante. Une bonne pratique est un concept relatif dans l'environnement changeant d'aujourd'hui, le terme « bonne» étant en perpétuelle évolution: une bonne pratique aujourd'hui n'est pas nécessairement une bonne pratique pour demain. Avant d'être désignée comme telle, une bonne pratique émerge d'une idée simple qui a été systématisée et qui a fait ses preuves au sein d'une industrie. Une bonne idée (non prouvée) fait référence à des idées non corroborées qui font néanmoins, intuitivement, du sens. Cette idée pourrait donner des résultats positifs pour une organisation, mais a besoin de révision et d'analyse plus poussées. Pour sa part, une bonne pratique est définie comme une technique, une méthodologie ou une procédure qui, lorsque déployée, améliore la performance d'affaires d'une organisation. Cette bonne pratique devrait permettre de satisfaire certains aspects des besoins des clients et des parties prenantes. La bonne pratique devra être corroborée par des données collectées au sein de l'organisation. Finalement, une meilleure pratique est une bonne pratique qui a été prouvée comme étant la meilleure approche pour plusieurs organisations. Elle est basée sur une analyse de données du processus de performance (The Manager Mentor). On définit une bonne pratique comme étant une technique ou une méthodologie qui, par l'expérience et la recherche, a prouvé mener (1) Dans cette présentation, nous ne faisons pas référence au défi de l'intercoopération qui est présenté dans le modèle original (Lafleur, Lopez et Dion, 2004).
463
à un résultat désiré, et ce de manière fiable (Heffes, 2002). Dans le cas de coopératives, nous associons une bonne pratique à ce qui améliore la performance à l'égard de la satisfaction des besoins des membres-propriétaires-usagers et de la communauté dans une finalité de meilleur développement.
La modélisation des pratiques d'intercoopération Les résultats de la recherche permettent de répertorier les pratiques d'intercoopération et d'évaluer l'impact de ces pratiques sur les prestations de services des coopératives. Dans un premier temps, nous présentons la catégorisation des pratiques d'intercoopération (2).Par la suite, afin de mieux comprendre ces pratiques, nous les avons analysées selon cinq caractéristiques: les acteurs impliqués, le territoire, les résultats internes que ces pratiques donnent à la coopérative, les impacts de ces pratiques sur l'avantage concurrentiel et les défis coopératifs qui sont présents dans chacune de ces pratiques. Les pratiques d'intercoopération Mis à part les pratiques associatives traditionnelles et de base, qui font référence à l'affiliation d'une coopérative à une fédération ou à un regroupement réservé aux coopératives, nous avons regroupé les techniques, les méthodologies, les procédures, les activités et les projets liés à l'intercoopération en six grandes pratiques. 1. Pratiques de mise en marché coopérative: quand deux coopératives ou plus s'unissent pour établir une stratégie commune de commercialisation. Quand deux coopératives ou plus établissent un traitement préférentiel entre coopératives. 2. Pratiques de soutien au développement coopératif: quand une coopérative met ses ressources ou son expertise au service d'une coopérative en démarrage ou en phase de développement. (2) Dans cette présentation, nous n'aborderons pas les pratiques que nous appelons de partenariat, où les coopératives travaillent avec des entreprises ou des organisations non coopératives dont les valeurs se rapprochent des leurs. Nous parIons de pratiques de don et commandites, des pratiques de développement du milieu, ainsi que des pratiques de concertation et d'association autres qu'avec des coopératives.
464
Quand une coopérative favorise, avec d'autres coopératives, le rayonnement du mouvement coopératif autant localement que régionalement. 3. Pratiques de partage-échange de ressources: quand une coopérative partage ou échange des ressources avec une ou plusieurs autres coopératives ou un regroupement de coopératives. Il peut s'agir de ressources humaines, matérielles ou techniques; la pratique peut être permanente ou occasionnelle, formelle ou informelle. 4. Pratiques d'affaires: quand une coopérative se lie à une autre coopérative pour vendre, acheter ou utiliser des services ou des produits. Quand une coopérative applique une politique formelle ou informelle de préférence d'achat de produits ou services d'autres coopératives. 5. Pratiques de concertation: quand une coopérative échange ou fait circuler l'information auprès d'autres coopératives. Quand elle promeut et facilite la prise de position commune. 6. Pratiques de formation: quand une coopérative travaille avec d'autres coopératives pour créer l'offre ou la demande d'activités de formation. Les caractéristiques analysées 1. Les acteurs: a. Des coopératives du même secteur d'activité. b. Des coopératives de secteurs d'activité différents. c. Une fédération de coopératives et des coopératives. 2. Le territoire: a. Local. b. Régional. c. Provincial. d. National. e. International. 3. Résultats internes sur la coopérative: a. Améliore la prise de décision. Par des pratiques d'intercoopération, la capacité de l'organisation à obtenir des informations, à les analyser, à développer des options de solution et à faire un choix est améliorée.
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b. Augmente les capacités des personnes. Par des pratiques d'intercoopération, l'organisation compte, à l'interne, sur du personnel aux capacités améliorées. c. Accroît l'accessibilité à des expertises. Par des pratiques d'intercoopération, l'organisation a accès, à l'externe, à des experts sur différents sujets. d. Accroît la capacité de développement. Par des pratiques d'intercoopération, l'organisation peut compter sur des ressources financières adaptées pour son développement. e. Augmente le sentiment d'appartenance au réseau coopératif. Par des pratiques d'intercoopération, les acteurs d'une organisation ont une meilleure connaissance des réseaux coopératifs et de leurs activités. f. Améliore l'image. Par des pratiques d'intercoopération, l'organisation bénéficie d'une notoriété accrue. g. Renforce la solidarité et la puissance de l'organisation. Par des pratiques d'intercoopération, l'organisation bénéficie du réseau afin d'augmenter son pouvoir d'achat et de négociation. 4. Résultats types sur l'avantage concurrentiel: l'avantage concurrentiel doit permettre d'offrir des services et/ou des produits concurrentiels intégrant les prix, la différentiation et la plus-value coopérative dans une dynamique de développement durable de la communauté. a. Prix: offrir un produit ou un service au prix le moins élevé du marché. b. Différenciation: offrir un produit ou un service de qualité particulière, qui devient singulier et apprécié par l'usager ou le consommateur. c. Plus-value coopérative: donner un avantage en termes de ristournes individuelles et collectives ainsi qu'en termes de capitalisation (réserve), tout en assurant son autonomie et une dynamique locale. Il faut remarquer qu'une partie de la plus-value coopérative se situe dans sa démocratie, sa durabilité, ses objectifs à long terme, etc. La promotion de cette plus-value auprès de ses membres et de sa communauté facilite la prise en considération des résultats au niveau développement al : économique, social et environnemental.
466
5. Les défis coopératifs: chaque pratique est aussi analysée selon son lien avec l'identité coopérative. Ce lien est déterminé selon le modèle des défis coopératifs présenté précédemment. Le tableau en fin d'article est une synthèse des pratiques d'intercoopération selon les cinq caractéristiques présentées ci-dessus. Cette première modélisation, qui a été présentée aux coopératives et aux fédérations impliquées dans cette recherche, a démontré que les pratiques d'intercoopération sont plus nombreuses et ancrées dans le quotidien des coopérateurs qu'ils ne l'avaient imaginé au départ. Ces pratiques se développent au sein d'un même secteur (onze cas) et entre différents secteurs (dix cas). Les résultats de ces pratiques sur les organisations sont nombreux, similaires selon chaque pratique d'intercoopération et, au total, assez bien répartis. C'est l'augmentation du sentiment d'appartenance (neuf cas) et l'augmentation des capacités des personnes (huit cas) qui reviennent le plus souvent. Au niveau de l'avantage stratégique, ces pratiques ont une influence sur le prix (onze cas), sur la différenciation (onze cas) et sur la plus-value coopérative (neuf cas). Au niveau de l'identité coopérative, c'est nettement le défi de la relation d'usage qui prévaut, c'est-à-dire que les pratiques d'intercoopération permettent d'améliorer la capacité des coopératives à fournir un meilleur produit ou service.
Conclusion La modélisation des pratiques d'intercoopération proposée ici a été élaborée à partir d'un exercice de théorisation et d'un travail de terrain qui nous a fait connaître plus de pratiques d'intercoopération que même les coopérateurs n'imaginaient au départ. La modélisation ici présentée, en plus de favoriser la mise en évidence des pratiques existantes ainsi que la promotion de nouvelles pratiques, permet de mieux comprendre les pratiques d'intercoopération. Pour le travail futur sur cette modélisation, d'une part, nous avons besoin de mieux connaître le comment et le pourquoi des acteurs et, d'autre part, nous devrons aborder quelques questions qui font référence aux modèles de développement: afin d'acquérir 467
la solidité que demande le contexte actuel de mondialisation, les coopératives doivent-elles jouer sur des règles et avec des modèles contraires au projet coopératif? Dans ce même contexte, les plus gros joueurs coopératifs doivent-ils devenir moins coopératifs?
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A recent experience in inter-cooperation: University-cooperative movement partnership in cooperative training and research Beatriz Dfaz* The purpose of this paper is to share an extraordinary experience of partnership and collaboration between a Canadian and a Cuban university (both members of the University Network for the Americas, UNIRCOOP) and the Cuban cooperative movement, in order to face the challenges on cooperative training and research that emerged when state-owned farms became agricultural cooperatives in 1993, and due to the lack of experience these new cooperatives' members had in running their own cooperative enterprises. Presently, agricultural cooperatives are very important in Cuban agricultural production: 62% of the land is in the hands of 6,000 cooperatives that produce for domestic food consumption as well as for exports. Initiated in 1997, the partnership between the University of Sherbrooke, the University of Havana, and the Cuban cooperative movement has a participatory approach, allowing mutual learning from academics and from practical experience. This collaboration enabled creating a master's program in cooperative management and development. Since January 2000, 105 students from cooperatives located in all of the 14 Cuban provinces have been trained in the master's program. Multiplication is this program's most significant output.
* FLACSO Cuba, Edificio "Varona" altos, University of Havana, [email protected]. FLACSO is the acronym for the Latin American Faculty on Social Sciences, a Latin American academic network with programs in Il Latin American countries. FLACSO is also an intergovernmental organization.
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Rural Cuba: A brief overview Several stages may be identified in characterizing the rural Cuba economic and social situation during the last century. Three wars against the Spanish colonial power took place mainly in Cuban rural areas (1868-1978 and 1895-1898 being the two main war periods) during the 19thcentury's last thirty years. At the end of 1896, the war had expanded from East to West and Cuban troops controlled practically all the territory, except the main villages. The Cuban population, at that time mostly rural, suffered cruel repression from the Spanish government on the island. In order to isolate the Cuban fighters and to impede the support they received, the rural population was moved to concentration camps near the villages. Like in Nazi concentration camps during the Second World War, many Cubans perished due to malnutrition and illnesses in those camps, estimates varying from 150,000 to 200,000 persons (Lôpez et al., 1998: 101).When in 1898American troops entered the war due to a still unexplained explosion that occurred in the "Maine," a ship in the Havana bay, the war ended by the "Paris Treaty," by which the Spanish Crown ceded to the American government control over Cuba, Puerto Rico and the Philippines. Cuba was then occupied by American troops and had American governors from 1898-1902 and 1906-1909, both occupations enabling the American government and American enterprises to grasp total economic and political control over Cuba. During the first American occupation of Cuba the so-called Platt Amendment was imposed. It stated that the American government had the right to military intervention in Cuba any time its interests could be considered endangered. Two other important treaties were enacted. The Trade Reciprocity Treaty between Cuba and the Unites States (1903) established a mutual 20% tariff reduction, plus a reduction from 25% to 40% that several American products received when imported to Cuba. From 1900 to 1905, Cuban exports to the United States went up from 67.98% to 86.53% of total exports. These exports' main commodity was sugar (36% of total exports in 1900 and 73% in 1910).At the same time, the 476
American market absorbed 43.77% of Cuban imports in 1900 and 45.4% in 1905 (ibid., 134, 135and 138).Another flagrant violation of Cuban control over its own territory was the 1903 Naval Bases Agreement, which initially referred to three important Cuban bays and later on was limited to Guantanamo Bay. Occupied by the United States government during more than a century, the Guantanamo Bay American base has been well known recently on account of the prisoners held there and the treatment they have received. The Cuban Republic that began to exist in 1902 was powerless and morally weak. The second American intervention from 1906 to 1909 completed American economic and political control over Cuba. American investments in Cuba grew from 25 million dollars in 1903 (23% in the sugar sector) to 1,505 million dollars in 1928 (53% in the sugar sector). Other American investments went to railroad construction (needed for transporting sugar to ports), mining, land and real state, and public services. In the first half of the 20thcentury the distribution of wealth in Cuba was very unequal. Brundenius' data (1981: 147) show that the lower 50% of the population received only 10.8% of the total income, while the upper 10% received almost 40% of it, and the wealthiest 5% received 26.5% of incomes. Extreme poverty prevailed in rural Cuba. There were more than 600,000 unemployed workers during the almost eight-month period between sugar cane crops ("zafras") every year (c. Rodriguez, 1978: 13).Among the 5.8 million inhabitants in the 1953 national census, 22.1% were illiterate, but illiteracy was much higher in rural areas: 40% of the rural population was illiterate (UNESCO Statistical Yearbook, 1963: 29). Moreover, a study conducted in the 1950s by the Catholic University Youth Organization among agricultural workers, showed that "they ate mainly beans, rice and potatoes; only 11.2% of them drank milk, 4% ate meat, 2% ate eggs, 1% fish and 3.4% bread (cited by 1. L. Rodriguez, 1990). Rural poverty and unemployment was related to a much skewed land ownership distribution. According to the 1946 National Agricultural Census, 8.1% of land properties had 71% of the land, while 91.9% of existing farms had 29% of the land. 477
Only 21.7% of the agricultural land was actually under exploitation; sugar cane and cattle raising latifundia possessed 87% of total farm land (Acosta, 1972). Two agrarian reforms laws enacted respectively in 1959 and 1963 drastically changed this situation. Table 1 shows land property distribution before and after the 1959 land reform. The second agrarian reform law, enacted in 1963, established 67 ha as land properties' maximum area, and all the land exceeding this size was expropriated. As in the 1959 reform about 3.6 million ha (44%) of latifundia land was not distributed and remained as State property; with the 1963 reform the state-owned sector went up to 70% of the land. Many other programs and social policies were applied in order to provide the Cuban rural population with high quality healthcare and educational services. These and other favorable conditions particularly enjoyed by peasants were characterized by Lehman as "underexploitation" as opposed to the overexploitation typically associated with the Third World peasantries (Lehman, 1985).
Emergence and development of agricultural cooperatives Peasants and agricultural workers who received land ownership created the first agricultural cooperatives, the so called Credit and Services Cooperatives (CCSs), which received Table 1 Land ownership distribution Before the 1959 Agrarian Farm size (ha)
No. of farms
% of total
Reform Area (ha)
% of Area
67 or less
28,735
68.3
632,388.6
7.8
More than 402
3,597
8.5
5,772,572.6
71.6
Farm size (ha)
No. of farms
% of total
Area (ha)
% of Area
67 or less
154,703
93.2
2,400,000
29.8
More than 402
592
0.3
380,000
4.7
After the 1959 Agrarian
Source: José Acosta,
Reform
"Las leyes de reforma agraria en Cuba y el sector privado campesino," Economfa y Desarrollo, No. 12, 1972.
478
a lot of support from the state in the form of credits as well as in technical and other types of assistance. In 1976 some of these cooperatives' members decided to unify their lands and to produce collectively, and a second type of agricultural cooperative emerged: the Cooperatives for Agricultural Production (CPAs), which continued receiving considerable support from the state in credits for buying machinery and building houses (because when they unified their lands they also wanted to build small communities with more comfortable, urban facilities). Contrary to the forced collectivization of land in the former Soviet Union and other socialist countries, various researchers have highlighted the voluntary spirit that prevailed in the cooperative process that led to the creation of the CPAs: . "In contrast with the cooperative process carried out in other socialist countries, the Cuban collectivization has been relatively successful because of its voluntary nature" (Deere et al., 1991:20). . "In comparison with the eastern European countries who tried to force along a collectivization process, the Cuban cooperatives seem to be more successful in the gradual agriculture process. .. with the principle of voluntary membership in the CPAs having been fully respected" (Skoczek, 1994: 228). At the same time, the state-owned agricultural sector continued to develop under "green agriculture" principles, considered to be the expression of scientific and technological development. In 1989. The state agricultural sector had 82% of the land, organized in 385 state-owned monoculture farms (sugar cane, rice, cattle-raising, etc). High amounts of chemical fertilizers and pesticides were used, and many tractors and other types of agricultural machinery were also introduced. As well as the oil that this machinery needed, all these inputs were imported from the former socialist countries, mainly from the Soviet Union (Diaz, 1999). The severe economic crisis initiated in the early 1990s was due to the disappearance of Cuba's main trade partners, as well as to the increasing American blockade against Cuba. From 1989 to 1993, the GDP decreased by 35%. It was impossible to import all the goods required by the "green revolution" procedures, and the state farms' production system collapsed. 479
In 1993 most of these farms became cooperatives, the so called Basic Units for Agricultural Production (UBPCs), whose members are former state farm workers. Although these cooperatives did not receive land property, they are allowed endless use of the land with no charge, they have bought (with credits) all the machinery and other productive means, and they own their produce, which they sell mainly to the state but also in agricultural markets. At present there are in Cuba almost 7,000 agricultural cooperatives including the three different types, they have 317,000 members and produce in 61% of agriculturalland, 70% of cultivated land and 40% of total land (Oficina Nacional de Estadisticas, 2003 and 2005). These worker cooperatives are thus the main actors in Cuban agricultural production, and their economic activity is decisive both for internal consumption and for exports. All of these cooperatives function according to cooperative principles. In general assemblies, which take place once a month in every cooperative, the most important decisions are taken with the "one member, one vote" principle. Among these decisions are the election of cooperative executives (who may also be removed by the assembly at any time), the admission of new members (as well as members' expulsion) and all financial and economic matters, like the distribution of incomes among cooperative members and the allocation of new investments. The need to train UBPC members The creation of UBPCs in 1993 was thus a huge change in Cuban agricultural production, and some authors consider it as a third land reform. Taking this into account, our team on "Rural Development and the Environment" in FLACSO Cuba, which had been intensively working with cooperatives, decided to initiate a study on UBPCs. We also invited researchers from several other groups and institutions, and from 1994 we were able to exchange our research results in meetings and workshops. In a conference held in January 1995, a conclusion was apparent: cooperative training was urgently needed. Being former salaried workers, these cooperative members lacked essential abilities related to cooperative management and development (Diaz et al., 1995). 480
This entire research program was conducted with a participatory approach, that is, our main goal was to work with cooperatives and for them, and to help them attain their own goals. Considering the importance general assemblies have in cooperative democracy, we paid especial attention to them. We observed many general assemblies in which participants were not really interested in matters that were discussed. Although 75% of members' attendance is required for a general assembly to be conducted, many cooperative members did not follow all the discussions, or raised their hands without fully understanding what they were voting for. This situation was due to several reasons. Regarding physical conditions, many cooperatives did not have a proper place to conduct their assemblies. The cooperatives' dining rooms were adapted, but noise from different sources (falling rain, barking dogs, water pump motors, etc.) could impede actual listening. Besides, as assemblies were held in the late afternoon, many members were tired and sleepy. They wanted the assembly to end quickly in order to be able to go home. But the most important difficulty was that subjects to be discussed were presented in a dull and hard to understand manner. Financial and economic aspects were especially boring for members. And all the discussed subjects were not prepared from the grassroots up (Diaz, 1997).
An important fact to be taken into account was that the majority of UBPC executives elected were agricultural engineers or technicians, and thus they did not have proper economics and social sciences qualifications.
Two universities' partnership When in the autumn of 1996 a representative of the Cuban Ministry on Higher Education attended a meeting organized by the Association of Universities and Colleges of Canada (AUCC), he met a professor from the University of Sherbrooke (USH) and they exchanged information about what was going on in Cuba regarding cooperatives and the work ofIRECUS, the USH Institute for Research and Teaching on Cooperatives. Very soon after that, in January 1997,
481
two IRECUS members traveled to Cuba. In FLACSO, we were delighted to know about lRECUS' expertise on cooperatives training and research. Both institutions' members also happily discovered that we had in common not only our mutual interest in cooperatives, we also shared the same participatory approach to research. We both wanted to help cooperatives and their communities have a better standard of living by means of helping them to establish their own development goals and the ways to attain them. IRECUS and FLACSO Cuba then prepared and presented to AUCC a project for cooperative training and research in Cuba, which was accepted in a very competitive contest and received funds from the Canadian International Development Agency (CIDA). The project's main objective was to create a master's program on cooperative management and development in Cuba. Although at FLACSO Cuba and the University of Havana we did not have any previous experience in cooperative training at the university level, there were several professors and researchers interested in cooperatives, and many of them were taking part in the research program on UBPCs referred to above. The IRECUS colleagues shared with us their own master's program course contents with which we were able to match experts in different areas from the two universities. A very rich exchange program took place, with Canadians traveling to Cuba and Cubans traveling to Canada in order to be able to understand the situation of cooperatives in both countries. We then organized workshops in which Cuban professors discussed and adapted to the Cuban situation IRECUS' courses, eliminating some courses, changing other courses' contents or creating new ones. For performing this task, we also asked cooperative organizations, representatives from government departments and NGOs what needs they had in cooperative training, and announced that we were preparing the master's program on cooperative management and development. Their responses and aspirations were also taken into account in our workshops. The program, which was ready in 1999, received approval from the Ministry on Higher Education in July that year and was initiated in January 2000 (Programa de Maestria en Gestion y Desarrollo de Cooperativas, 1999).
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University Network of the Americas on Cooperative Studies (UNIRCOOP) In the meanwhile, another circumstance that was going to be decisive in our future relationships took place. In 1998 FLACSO Cuba joined the then initiating network on cooperative studies, UNIRCOOP. This network, which is coordinated also by the University of Sherbrooke, integrates 22 universities in 15countries. Five universities function as coordinators in different regional areas: North America and the Caribbean, Central America, the Andean Region, Brazil and the Southern Cone. The network has also been supported by a CIDA funded project and has developed a very intensive academic activity. Several features of how the network functions may be mentioned. A very important one is the existence of multi-country academic committees, formed by university professors from different universities in the network, who develop a research or a teaching project and work together for a year. For this purpose, a very strict competition is organized yearly and all projects are evaluated and ranked by the network's scientific committee. 'UNIRCOOP also organizes conferences every year. In November, 2006, the 10th Annual Conference took place in Copan, Honduras. One of these conferences' main features is also characteristic of the network. This is the presence of and collaboration between scholars, students and cooperative members. This fact directly reflects the intentions and the spirit that prevail in the network, i.e. the joint collaboration and exchange ofknowledge from universities and from cooperatives' experiences. The network's web site (www.unircoop.org) is dedicated to cooperative thinking and research, and it also serves as a means of communication between the network's members. In the annual journal, UniRcoop, the best research articles are published. For Cuban scholars participating in it, UNIRCOOP has been a great opportunity to communicate and exchange with their colleagues from so many different countries. All this common knowledge and the experiences exchanged have undoubtedly positively influenced cooperative development in Cuba. 483
The master's program on cooperative management and development: Its functioning principles Organizing principles When we conceived the master's program in 1998-99, we fully realized that we could never reach every cooperative member in the country, not even every UBPC member. We decided then that the only possible way of contributing to cooperative development, which was our main goal, was to train multipliers. This is the main idea that has guided our work: the master's program should be a means for disseminating cooperative values and cooperative thinking, as well as economic and social knowledge that could improve cooperative functioning, through training multipliers who could then develop this expertise at the grassroots level in agricultural cooperatives. Several principles guided the student selection process. Students should be either active cooperative members or technicians and other specialists who work with cooperatives. We do not accept any student who is not directly working with cooperatives. This principle made us change the usual Cuban requirements for admission to master's programs. We do not require the knowledge of a second language, and we also do not ask students to present a research proposal. We consider that the knowledge they are going to bring from their practical experience and the possibility of developing them as multipliers is more valuable. Besides, every student has to be supported either by a cooperative or by an NGO or a government department working with cooperatives. Another important aspect is that teaching alternates with two-week internships every six weeks for two years, enabling students to bring newly acquired knowledge to their own practice, and to bring back this experience to the next internship. Our students come from everyone of the 14Cuban provinces; cooperatives and the Cuban government have to provide students with transportation, lodging and accommodation. Students' regular incomes are also maintained during training periods. 484
Educational approach The master's program is based on three psychological and pedagogical theories and conceptions: 1) Jean Piaget's (1967) work and thinking let us understand how each individual's cognitive development is self-constructed and based on his or her own experiences. The attainment of high levels of logical thinking is guided by the process of assimilation, which consists not of copying reality, but in incorporating different properties by means of the cognitive activity. 2) Lev S. Vygotski (1982)taught us how socially created cultural mediators give meaning to psychological development, mainly through language development and the process of interiorizing actions performed under language control. 3) Paulo Freire's (1971) revolutionary pedagogical thinking taught us to appreciate and trust popular knowledge. He stresses that knowledge construction takes place through a dialogue in which each partner provides valuable knowledge. Freire also conceives the educational process as a means of attaining freedom through knowledge and the acquisition of a new consciousness. These ideas are part of the basis of the participatory approach in social sciences and action-research. These three conceptions guide our understanding of teaching and training as an active, participatory and democratic process of mutual exchange between trainers and trainees, each part providing academic or practical applied knowledge. And as we found later on, our students' experiences provided scholars not only with empirical knowledge, but also important and interesting unsolved questions that have since then continuously guided our research.
The master's program results Training Summing up the program's three editions, 102 students coming from all of the Cuban provinces have satisfactorily graduated. As the demand for the program is very high, in each edition we have accepted a little more than 30 students, and thus this figure 485
shows that we have had very few dropouts. 61% ofthese students are from provinces other than the capital province. And 38% of them are women, in comparison with the 18% of women in the cooperative movement. Research Research is also a very important component in the program. The first and very important research was jointly conducted by the program's professors and students and included four case studies. The research results were published in a book (Colectivo de Autores, 2002) by the Ministry of Sugar. The book later was included in the reading list used in the program's second and third editions. The student's master's thesis is a second and very important type of research. 29 students have finished their master's thesis, many of them developing research that takes their own cooperatives as case studies. These master theses refer to different agricultural cooperatives' productive sectors, such as sugar cane, cattle-raising, forestry and urban agriculture. Theses are also much diversified regarding scientific fields. While some theses focus on economic, financial or accounting aspects, others pay attention to social factors, such as local development. Gender studies are also represented, with three theses dedicated to women's participation in cooperatives and how to increase it. Finally, social and economic factors linked to technical procedures that may increase cooperatives' productive and economic performance are also considered in some theses, devoted mainly to agriculture extension services and the adoption of new and more effective technologies by cooperatives. Although teaching is a very important way in which professors participate in students' research, the master's program has also been a great opportunity for scholars to conduct their own research projects. The most important of these projects are linked to the above mentioned UNIRCOOP academic committees. These studies, initiated by a diagnostic of Cuban cooperatives (Jiménez and Almaguer, 2003), have included several other subjects, like local development (Diaz, Martel and Rojas, 2004), ethics and cooperatives (Pérez and Diaz, 2006), cooperatives as a way of East-West migrants' social inclusion in Cuba (Diaz, 2005) or how
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agricultural cooperatives in Brazil, Cuba and Mexico face the present global market situation (Rojas, Diaz and Pires, 2006). Taking part in UNIRCOOP has given Cuban professors the opportunity of conducting comparative research with colleagues in other countries. A very important study was conducted by a professor for his Ph. D. dissertation on cooperative education as a means of increasing cooperative members' participation in decision-making in their own cooperatives (Jiménez, 2006). All of this research constitutes invaluable new knowledge that enriches cooperative training in the country and is available to new generations of students. Multiplying The geographical distribution of the master's program's graduates, active in all Cuban provinces, means that our goal of training them as multipliers has been attained. But our students have not only acquired new knowledge from specific scientific fields related to cooperative management and development. They have also changed their attitudes regarding social behavior and more specifically, taking into account others' opinions and suggestions. This change is a direct result of the participatory approach we use in our courses, also required when they conduct workshops in their cooperatives, which is one of the regular assignments they receive. In this sense, it is important to consider that our students are mainly agricultural engineers, with no previous training in economics or social sciences, and they are also used to giving orders. Learning to listen, to respect others' opinions and experiences, and to integrate different positions in a constructive way are new skills that they acquire. And these skills enable them to be much more effective multipliers. An unexpected output of the master's program was the creation of regional schools for cooperative management training, initiated by the Ministry of Sugar in 2002. These schools are dedicated to training cooperative board members from all over the country. Both the training program and the participatory approach were adapted by our students from the master's program. In the four schools now existing in different Cuban provinces, 1,680 cooperative members have been trained in a month-long course.
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Conclusions The creation and functioning of the master's program on cooperative management and development is a great experience of intercooperation in which several partners are actively taking part. These partners are mainly a Cuban and a Canadian university, other universities belonging to UNIRCOOP, the Cuban cooperative movement, the Cuban government and the Canadian International Development Agency. Due to the fact that cooperatives are the main actors in Cuban agricultural production, the program's relevance was guaranteed from the beginning. But mutual respect, close partnership and the commitment to serving cooperatives are guiding principles that have enabled having a much higher social impact than was expected initially. In this respect, the goal of training our students as multipliers and the participatory approach that guides both teaching and research have been decisive for obtaining these remarkable results.
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Sustainable development of the local economy: The E-Iearning role-play Pekka Hytinkoski*
Co-op Network Studies (studies of cooperation and social economy) is a university teaching network of nine Finnish universities, and it is coordinatedfrom the University of Helsinki Ruralia Institute in Mikkeli. The network offers the students of its university partners and the Helsinki Open University its teaching contents through e-learning, with a refined internet pedagogic and adult education-like touch. The best Finnish experts act as teachers in the network and the contents of the courses are modern. The network produces an internet course called "the sustainable development of the local economy," which is used as a pedagogical case in this paper. The aim of this course is to get acquainted with the possibilities, innovations and different alternative technological innovations of economic co-operation as a possible solution to local economic development. With it we wanted to experiment with role-playas a tool for event-based pedagogy and teaching cooperation and the social economy on the internet. Is this possible?
* The author is a specialist in Ruralia-institute and received research in senior researcher Troberg and research director
network-based education at the University of Helsinki a scholarship from the Finnish Cultural Fund for his Eliisa Troberg's team. Acknowledgements to Eliisa Tapani Kappa. E-mail: [email protected].
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Sustainable development of the local economy A lot of money and work have been invested in e-learning in many countries and globally, but the results have often led to successful pilots but non-working in practice or to multi-media demonstrations or remote tasks to be done on the internet. Nevertheless, many principles of adult education, the constructivist view to learning, functional ways of learning (for example drama in education) and conceptions of significant learning have been admitted to be functional practices of teaching and learning already for a long time. For different reasons, mainly the lack of skills, courage or understanding, these have not been fully taken into use in e-Iearning. This paper introduces an experimental way of learning, which has been tried out in the e-leaming of cooperation in practice, and a pedagogical approach to the teaching/training of the sustainable development of local economies (for example small countryside villages), and the adoption and dissemination of innovations and new solutions for economic development. The Co-op Studies team of the Ruralia Institute of the University of Helsinki produces and coordinates the studies of cooperation and the social economy in the university network. At the moment the Co-op Studies university network includes nine different universities in Finland. Teaching is carried out on the internet. Random classroom lecturing is also used but still combined with the use of information and communication technology. Co-op Studies produces an internet course also for the Rural Studies network, called "the sustainable development of the local economy." The aim of this course is to get acquainted with the possibilities and different alternative technological innovations of economic cooperation as a possible solution to local economic development. This course was carried out for the fifth time in October 31 to December 16,2007 and will be carried out again at the end of 2008. During the course, role-play was used as a tool for teaching. How can new solutions be found to utilize the possibilities of technology as a means of teaching and especially of learning? For example, a common discussion on the internet could be useful 492
and informative if it is clearly instructed and supervised, and motivated as well as possible. The individual student's thoughts are commented on by other students at best, and in this way the dialogue, based on opinions, statements, argumentation and objections, and possible common conclusions, can be more than the sum of its parts. When successful, role-play takes the examination of these aforementioned different viewpoints and the common dialogue even further. With the help of the role taken/given in the role play the student can step aside from his or her everyday personality, and although it is present all the time, with the help of the role play s/he acts out viewpoints that are new to her/himself, too. Or this student at least examines certain phenomena and the course of events in a different role from his/her usual one. Tynjiilii(1999, 37-39) writes that the view that links up with the different trends of constructivism is that knowledge is always constructed by an individual or a community. Constructivism does not accept the idea that objective information about the world could be gained through the perceptions and experiences of an individual. Adapted from the cognitive conception of learning, learning is the active activity of the learner, but constructivism especially emphasizes the fact that the learner construes this knowledge on the basis of his or her earlier knowledge and experiences. In role-play the student also analyses the thoughts of his/her role self and of others in roles through his/her own persona. And because in role-play they act as a group, this effect will be repeated. This is why in role-play it is just as important as the work process to reflect and analyse the role-play. Through this the students can specify the activity of their own roles and of others' roles, their motives and the consequences of their actions.
E-Iearning role-play The role-play proceeded as follows. The students were informed already at the beginning of the course that one and a half weeks of the course time will be used for role-play. When that moment in the course was coming nearer, the Piekana case was introduced
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to the students. Piekana is a fictional (based on a few real cases) municipality of ca. 5500 inhabitants. The centre of Piekana, the Piekana village, is located 50 km north of the town of Varikko (which in turn has features from a few Finnish cities). Piekana has certain problems like the closing of the village school, scarcity of new jobs, a break in the communal activity of the village and in the creation of new common operations models, scarcity of families with children, the insufficiency and problems of the services in the village (caused especially by the wide range of vivacious services in Varikko) and the lack of an internet broadband channel (too expensive for the large operators), that are quite common to local economies in the Finnish countryside today. Piekana has also many assets, like for example active farming, the increasing amount of summer residents, clean and beautiful nature, forests and an empty village school building, which is in excellent condition. The aim was to create a scenario, the problems and possibilities of which are common and easy to understand, but at the same time very challenging in their diversity. This is particularly true as people with very different backgrounds, opinions and objectives are the ones deciding on matters. How can they get along and find new innovative solutions to contribute to the common good in this situation? When the students had become acquainted with the Piekana scenario, after different directions they were given roles in which they acted throughout the role-play. Only in the reflection phase did they step outside their roles and both analysed the role-play and its themes and processed their own feelings about the role-play. The basic idea in the role-play was that an open discussion would be held tonight in the Piekana village, and villagers (in role) would arrive to discuss the problems (certain themes given beforehand) that are at the same time Piekana's problems as well as quite common or at least reasonably realistic in villages and municipalities in the countryside. For example the idea for the broadband-problem arose from a real internet cooperative in Finland. The managing director told us about the problems of the cooperative and the situation that led to the founding of the internet cooperative and the voluntary installing 494
of the broadband channel in the countryside villages of the area. Thus was revealed that the operators wanting to save money are not the only reason why broadband channels are not becoming more common. Another reason might be that the villagers are not ready to invest large sums of money in something that they have always managed without. Methods and solutions were used also outside internet pedagogy, from the field of drama pedagogy. In this way our instructions were enriched with elements that were encouraging and that pedagogically promoted the students' creative activity. When the introductory questions had been considered enough, the ideas that got the most support were gathered into various discussion areas to be considered. In this way the students were able to circulate in different areas and listen to the follow-on suggestions presented and comment on them. The aim was to take the discussions to the point of creating additional strategies. In the end the leader of the discussion (the instructor of the course) gathered the central viewpoints and decisions of different areas together and tried to present a strategy for Piekana for the next year based on them.
Challenging task In addition to constructing the Piekana scenario, the instruction and activation of the students were very challenging in this role-play. For example, how should students be instructed to act in role? The idea was that these roles would give the students motivation, different viewpoints and backgrounds (compared to their everyday opinions/outlooks) and at the same time courage them to play and be actively involved. This is challenging because the given roles can scare the students and paralyze them or make them try too hard. In that case the given roles do not offer possibilities and motivation, but limit and hinder the work process. The instructor, who is in control of the discussion, is significant. S/he has to understand both the grounds and objectives of the role-play, to direct the discussion (in role) when needed, to allow and accept the voluminous 495
discussion with diverse opinions, but at the same time to keep in mind the basic idea of the role-play and the common activity. The job of the instructor is also to feed suggestive ideas to the role-play when needed or sum up presented ideas but still to strive at getting to as fresh and even surprising outcomes and solutions as possible in the end. In the role-play the student constructs his or her own understanding about the context and contents of teaching. But what does the view of the learner as the construer of his or her own knowledge mean in e-Iearning? According to Alamiiki and Luukkonen (2002, 91), the conformances with the law of learning are still the same. Thus the student needs to have an active role in learning also in the digital developing of know-how (e-Iearning). According to constructivism, the learning situation and learning environment on the internet should be built on the basis of the learners' experiences and conceptions, which would then be reworked. Still in the period of enlightenment learning was believed to be seizing given information. Bringing it to a head, information is transferred into the head where it does not yet exist. Today learning is defined as the construing of knowledge arising from the person's environment and learning can be classified according to its form, function and context in social activity (Linturi, 2002). In all this the meaning of language is emphasized, and since e-Iearning is based (so far) for the most part on written text, does not e-Iearning excellently support exploratory learning as described above? E-Iearning can also be considered from the following sociological viewpoint: today's societies are more and more clearly built on the two-way interaction between the internet and the ego (Castells 2001, 3). In relation to this e-Iearning and in this case internet role-play can be seen to have other important aims in addition to its contents of teaching. This way an individual can learn meta skills for learning, group work skills and media literacy and at the same time discern the relationship between oneself and the surrounding society. Certain organisations that arrange education still believe that e-learning is economically a cheap alternative. This is not true. 496
On the contrary, the average cost of an e-learning student is higher than that of a distance-learning student studying through traditional printed material (Bates, 2001, 83). According to my own experience as well, the pedagogical planning, technical work, instruction and evaluation (together with other people) of an internet course demand more resources than traditional teaching or distance learning/teaching. The aims of quality e-Iearning cannot thus be viewpoints relating to economic efficiency but some other objectives. On the Sustainable Development of the Local Economy course the aims were challenging pedagogically and content-wise. The course was planned in cooperation between the team carefully and with a lot of time and work resources. Development director Satu Piispa-Hakala and planner Marja Kerttu Kurkela have also been in the creating team for the Piekana scenario. The aim of this paper was to both present and describe practical experiences on making use of role-playing in training aimed at the development of the countryside. The task was and is challenging. Although many people plan on using role-playing on the internet and some have even tried it, with varying results, busy teaching groups often operating with small resources simply do not have enough time, know-how and courage to try new pedagogical solutions. Another problem is that there is not enough written information on good practices or case descriptions of role plays in e-Iearning. Later the Piekana scenario will be developed further with the help of the feedback (from students and specialists) completing the fictive Piekana case with for example pictures, maps and a more detailed case description. Despite the possibilities of multimedia, the most important thing is to create a case description in text form that is reachable and realistic enough or includes real elements, is contradictory and has versatile, even hidden, possibilities.
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References Alamaki, A. and J. Luukkonen.
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La coopérative est plus moderne que la société de capitaux Jean-François Draperi* Les valeurs et les pratiques du mouvement coopératif nourrissent la réflexion actuelle sur l'économie sociale. Nous proposons de revenir de façon synthétique sur quelques spécificités du mouvement coopératif qui font de l'entreprise coopérative une institution économique d'avenir. Il s'agit d'une pensée de l'entreprise, conçue comme outil d'un changement social pacifiste, au service de la personne humaine considérée comme un être libre dans une société égalitariste. Cette approche qui fait de la coopérative l'entreprise la plus à même de répondre aux attentes de la personne humaine questionne les relations entre la science et la société.
* Directeur du Centre d'économie sociale (travail et société) au Cnam ; rédacteur en chef de la Recma. Mél. : [email protected].
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Une pensée de l'entreprise Ce qui unifie l'ensemble de ces représentations de la coopération et de l'économie sociale, c'est le concept de coopérative définie comme un type particulier d'entreprise. L'entreprise signifie deux faits articulés: « Dans sa simple généralité, l"'entreprise" recouvre la tendance qui porte à l'action, l'élan qui n'est pas encore entré dans la phase de sa réalisation effective. Elle exprime aussi l'effectuation elle-même, l'activité en tant qu'elle n'est pas encore réalisée, achevée (I). » Une pensée de l'entreprise est celle qui inclut dans son objet aussi bien la conception du projet (du dessein) que sa réalisation. La coopération s'inscrit dans cette idée moderne selon laquelle l'individu peut agir de façon raisonnée en concevant un projet et en le réalisant. À ceci près qu'elle suppose l'action collective de plusieurs individus. La coopération constitue cette façon particulière d'entreprendre que désigne l'entreprise collective. Elle conjugue de ce point de vue l'aspiration individuelle du sujet et la conception égalitaire et solidariste de l'action collective. L'entreprise coopérative n'est pas, en effet, un instrument d'enrichissement individuel, mais l'outil d'un changement social collectif. Pour exister, il a besoin d'une société pacifiée. C'est la raison pour laquelle le mouvement coopératif est fondamentalement un mouvement pacifiste.
La coopération:
un mouvement pacifiste
Le mouvement coopératif est avant tout une réponse non violente à la violence de l'économie capitaliste. Nous pouvons aborder cette question selon plusieurs angles. L'argument le plus significatif réside sans doute dans la constance de la référence à la paix des rapports de l'Alliance coopérative internationale (ACI). Le thème de la paix est en effet le seul qui soit permanent dans l'histoire des débats menés au sein de l'AC!. Les rapports sur la paix sociale se succèdent entre 1896 et 1902. Au cours du congrès (1) H. Vérin, Entrepreneurs,
entreprise,
histoire
500
d'une
idée. PUF, 1982, p. 249
de 1913, le président W. Maxwell affirme que
«
la coopération
internationale est le véritable antidote de la guerre ». Von Elm, délégué de l'Allemagne, précise que l'organisation des producteurs et la communauté des principes coopératifs, c'est la paix, parce que « la cause de toute guerre (le profit capitaliste) est exclue ». Après plusieurs motions pacifistes entre les deux guerres, la réflexion s'enrichit d'un « Manifeste aux coopérateurs du monde entier» (<
sur la paix ne cessent de rappeler que « les statuts de l'alliance font obligation à toutes ses organisations membres de contribuer à l'établissement durable de la paix et de la sécurité» (compte rendu du congrès de Hambourg, 1984, p. 23). L'ACI prend position en faveur du désarmement et de la limitation des armes nucléaires et stratégiques. Si le « maintien de la paix» n'est pas le premier problème de l'AC!, elle considère qu'il est le « problème numéro un de l'humanité» (Trunov, 1984), et il constitue l'une des raisons d'être du mouvement coopératif. Ainsi, l'attachement de l'ACI à la paix ne se manifeste pas que
lorsque celle-ci est menacée. « Les buts de l'Alliance coopérative internationale sont économiques, sociaux et humanitaires, dans le sens le plus plein du terme, et toute son activité des cinquante dernières années ne constitue rien d'autre qu'une campagne économique et politique en faveur de la paix» (ACI, « Déclaration aux pays membres de l'Organisation des Nations unies », 1946, cité par Watkins, 1971, p. 238). Quelle que soit la portée de ces textes et résolutions, on ne peut qu'être frappé de la permanence de l'attention portée au pacifisme et à la paix, permanence qui participe à la structuration de l'alliance. La question qui se pose est plutôt celle de savoir si ces textes fonctionnent comme un système d'idées relativement indépendant d'une pratique - une forme d'artefact - ou bien comme un système de forces impliquant et impliqué par une pratique -la pensée active d'un mouvement. L'un et l'autre sans doute. C'est un système d'idées repris du discours socialiste dominant à une
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certaine époque de son histoire. C'est un système de forces, car l'AC!, à défaut de déterminer directement une plus grande sécurité politique et juridique, joue un rôle important dans l'émergence de règles économiques sur le plan international, par exemple à travers son action à la Food and Agriculture Organization (FAO) ou à l'Organisation internationale du travail (OIT). Elle se situe bien dans le prolongement des coopératives elles-mêmes en unifiant un secteur et en régulant simultanément des évolutions économiques, sociales et politiques génératrices d'inégalité, d'anomie et exclusion. Dans la mesure où il se manifeste par des discours et par des pratiques non violentes, l'attachement à la paix est fondateur de la posture théorique et épistémologique de la tradition coopérative. La pratique non violente du changement social est indissociable de l'idée selon laquelle l'économie est au service de la personne humaine, indépendamment de son appartenance sociale.
Une idéologie de la personne On a souvent présenté l'économie sociale ou la pratique coopérative comme se fondant sur l'égalité, le respect de l'homme, la solidarité. P. Apostol détermine plus précisément deux origines distinctes des associations coopératives: tantôt elles ont été édifiées en réaction contre le triomphe complet de l'individualisme, tantôt elles ont accompagné la marche en avant de l'individualisme (2). Ces deux thèses sont fréquemment présentées de façon antinomique. Dans sa thèse sur les shakers américains, H. Desroche cite un article de F. Engels de 1845 dans lequel ce dernier affirme que l'existence de la communauté des shakers aux États-Unis témoigne de la possibilité du communisme (3).Ce texte constitue l'une des sources de sa thèse d'une continuité entre les mouvements de dissidences religieuses et les mouvements socialistes. Si les règles de fonctionnement des coopératives sont radicalement différentes
(2) P. Apostol,
L'Artèle
en Russie,
son histoire,
son état actuel,
Paris,
G. Fauquet, Le secteur coopératif, 1935, éd. AISe, 1965, p. 55-56. (3) H. Desroche, Les shakers américains, Minuit, 332 p.
502
1899, cité par
de celles d'une communauté traditionnelle, la dissidence coopérative au sein de l'économie capitaliste procède du même élan créateur que la dissidence religieuse et les principes coopératifs ne sont pas sans rappeler les principes des communautés religieuses réformées. Parallèlement, plusieurs auteurs ont souligné l'apparentement
entre coopération moderne et coopération traditionnelle: « Les principes de coopération, d'entraide et de solidarité sont beaucoup plus anciens que la forme juridique de la société coopérative, telle qu'elle est apparue pour la première fois dans la coopérative de consommation des pionniers de Rochdale. L'idée fondamentale de la coopération interindividuelle se manifeste dans de nombreuses communautés sous des formes très diverses qui vont de la simple entraide à la création d'organisations complexes. Quelques-unes d'entre elles ont été formées à dessein, d'autres découlaient d'attitudes sociales inhérentes aux traditions, aux coutumes et aux structures sociales (4). » Mais de nombreux spécialistes de la coopération et plus spécifiquement de l'essor coopératif dans les pays en développement tiennent une position opposée: « Le communautarisme traditionnel diminue avec l'intégration au système capitaliste et le double processus d'individualisation et de différenciation qui partout l'accompagne: en particulier les terres communautaires sont appropriées privativement, les travaux collectifs disparaissent, l'entraide diminue. Autrement dit, puisque le développement coopératif va de pair avec l'intégration capitaliste, que ce soit pour renforcer les groupes dominants ou pour défendre les groupes dominés, on peut affirmer que plus il y a développement coopératif, moins il y a communauté (5).» Louis Dumont a donné une lecture pénétrante de l'individualisme, en opposant celui-ci au type dominant l'ensemble des sociétés traditionnelles et des civilisations autres que la société occidentale, type qu'il définit par l'holisme. Dumont montre que
(4) OIT, Formes non classiques de la coopération, Genève, Bureau international du travail (BIT), 1968, p. 3 (avec G. Gosselin, D. Gentil, A. Meister.. .). (5) OIT, idem, p. 5.
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l'opposition majeure entre les valeurs caractérisant les sociétés traditionnelles et celles des sociétés modernes se résume en la soumission de la société à la hiérarchie comme valeur suprême pour les premières et en la soumission à l'égalitarisme pour les secondes (6).Cette opposition en révèle une autre plus fondamentale entre, d'une part, la valorisation de l'holisme, c'est-à-dire de l'ordre, donc de la conformité de chaque élément à son rôle dans (7) l'ensemble, en un mot à « la société comme un tout », et, d'autre part, la valorisation de l'être humain individuel, que Dumont appelle l'individualisme. Si la hiérarchie implique l'holisme et si l'égalitarisme implique l'individualisme, l'inverse, montre l'auteur, n'est pas nécessairement vrai. L'individualisme implique généralement la liberté, qui n'est pas toujours convergente avec l'égalité. Les combinaisons, variables, entre égalité et liberté distinguent entre elles les sociétés modernes. Parallèlement, la hiérarchie dans les sociétés traditionnelles s'articule fréquemment au pouvoir. Le cas de l'Inde serait, selon Dumont, le cas extrême de société holiste, dans la mesure où la hiérarchie est tout à fait indépendante du pouvoir. À l'opposé, ainsi que le soulignait déjà Tocqueville, la France serait la société individualiste par excellence (par rapport aux États-Unis et à la Grande-Bretagne), parce que l'accent y est mis sur l'égalité au détriment de la liberté. Ce serait ainsi une forme spécifique d'articulation entre égalité et liberté qui caractériserait le mouvement coopératif. Pour être plus précis et comprendre à la fois les thèses de H. Desroche et celle du BIT citées ci-dessus, il faut situer ce débat relativement aux deux grandes utopies ayant successivement dominé le mouvement coopératif, l'utopie communautaire et l'utopie coopérative. Dans l'utopie communautaire, les statuts sont rigoureusement hiérarchisés, l'accent est mis sur la relation entre les membres euxmêmes, la propriété est peu valorisée: tous ces principes révèlent (6) L. Dumont, Homo œqualis, Gallimard, 1977, introduction. (7) L. Dumont, Homo œqualis, op. ci!., p. 12
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une proximité de ce type avec les sociétés traditionnelles. Par contre, bien que l'on y constate une forte soumission de l'individu à la communauté, un certain holisme, la personne a la faculté d'agir sur le groupe. La régulation, c'est-à-dire la construction des règles sociales, est radicalement différente de celle caractérisant les sociétés traditionnelles. Le modèle d'individualité n'est cependant pas identique à celui des sociétés modernes et des coopératives. La personne est prise en compte dans sa globalité. La conscience individuelle n'est pas soumise au travail et à sa division. Alors que dans les organisations des sociétés modernes, l'homme complet est un homme compétent, dans la communauté l'homme complet est un homme achevé (8). Ce point marque une différence essentielle avec l'utopie coopérative. Il a pour corollaire un rapport différent entre les hommes et l'organisation. Grossièrement, la communauté est au service de ses membres, alors que les coopérateurs sont au service de la coopérative. Dans les communautés comme dans les sociétés traditionnelles priment les relations entre les personnes; dans les coopératives comme dans les sociétés modernes, ce sont les relations aux objets qui déterminent le statut social. Dans le modèle coopératif, le principe égalitaire fonde l'adhésion et les relations essentielles sont celles entre les coopérateurs et la coopérative.
La coopérative plus moderne que la société anonyme Parce qu'elle associe liberté et égalité, la coopérative constitue une institution plus moderne que la société de capitaux, uniquement attachée au principe de liberté. Telle est la thèse dont pourraient se saisir le mouvement coopératif et l'économie sociale pour fonder leur relation à la société et au mouvement social. En effet, à mesure que se développe l'idéologie libérale comme théorie de référence de l'économie capitaliste, la conception de l'individu se complexifie et s'enrichit. La définition étriquée que lui donne (8) E. Durkheim, De la division du travail social, PUF, conc1usion. La première édition date de 1893.
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l'idéologie libérale - d'homme cherchant à maximiser son intérêt individuel -laisse la place à une définition de la personne humaine tournée vers un ensemble large de besoins matériels et immatériels. C'est le capitalisme lui-même qui provoque cette évolution par les inégalités qu'il donne à voir. Celles-ci montrent simultanément l'infinie étendue des besoins humains et la vanité de la recherche de leur satisfaction absolue. Surtout, elles nient l'idéologie libérale dans la mesure où elles montrent que la liberté est le corollaire de la richesse. La définition de société individualiste de Louis Dumont prend ici tout son sens: une société ne peut permettre à l'individu d'exister que si elle offre une liberté comparable à tous les individus, c'est-à-dire si elle tend à l'égalité. En donnant le pouvoir aux usagers ou/et aux salariés, la coopérative et l'entreprise d'économie sociale permettent une plus grande égalité entre les hommes. Elles le font en résolvant le problème insurmontable des sociétés de capitaux qui, pour rémunérer librement les placements financiers, limitent la rémunération du travail. La rémunération éventuelle des capitaux dans le cadre coopératif ne contredit par cette proposition, puisqu'elle est établie sous le pouvoir des sociétaires et dans le principe d'un taux fixe et limité. Elle inverse les relations entre capital et travail en salariant le capital, qui devient variable d'ajustement et libère le travail et l'usage, qui deviennent la finalité économique. Pour garantir l'accession égalitaire à l'entreprise coopérative dans la durée, l'excédent de gestion (le bénéfice des sociétés de capitaux) est versé aux réserves impartageables et inaliénables dans les coopératives de travail, c'est-à-dire dans l'outil de travail collectif, et il est ristourné au prorata des activités dans la coopérative d'usagers, c'est-à-dire qu'il retourne au consommateur. La coopérative résout ainsi le conflit entre l'économie de rente que constitue la rémunération du capital placé et l'économie du travail conçue comme instance d'émancipation. Il lui reste à résoudre la question de l'arbitrage entre la rémunération du producteur et celle du consommateur. Mais tous deux sont des fonctions ou des besoins nécessaires. Cet arbitrage est donc d'une autre nature, il ne met pas aux prises deux statuts opposés, mais deux besoins complémentaires. En supprimant le pouvoir des actionnaires, 506
l'économie sociale renforce l'unité de la personne et réduit les inégalités sociales. Elle donne ainsi à chacun la capacité de recouvrer son individualité.
Repenser la relation science et société Le mouvement coopératif n'a pas cherché à définir un homme nouveau, qui serait doté de qualités particulières. Le mouvement coopératif cherche à définir des règles nouvelles qui permettent un fonctionnement meilleur de l'entreprise, un fonctionnement respectant les mêmes valeurs que la société dans son ensemble. Adopter ces règles, c'est également suivre un processus éducatif qui constitue l'apprentissage de la coopération. Par retour, la coopération modifie la conception que les personnes se font de l'économie. Ce changement, qui peut être très profond, correspond à l'accès à une plus grande unité, un sentiment de libération. En effet, la participation à un fonctionnement coopératif dans le travail et dans la gestion de son économie, de son argent, selon les mêmes principes et règles que ceux qui gouvernent la vie familiale, associative et amicale permet d'être
plus serein: comme le dit le philosophe Alain, « le coopérateur est un homme heureux. Dans toute assemblée d'hommes qui discutent, parmi tous ces visages tendus comme des arcs [...],on le reconnaîtrait sans peine à un libre sourire, qui ressemble à celui de la première enfance» (Trois propos sur la coopération, in L'Émancipation, puis Revue des études coopératives, 1961). Bien sûr, cette formulation fait... sourire. Il n'en reste pas moins vrai que la coopération donne la possibilité d'être plus conséquent, d'agir en économie comme en société. Bien sûr, cette posture est toujours fragile, en sursis, car la coopération est souvent dominée. Mais rien n'empêche la recherche permanente de nouvelles voies coopératives, à travers essais et erreurs. Le rapport entre théorie et pratique lui-même en est modifié: les coopérateurs n'ont pas souscrit à la division des sciences de la fin du XIXesiècle. Cette posture est sans doute la meilleure explication de la marginalisation des théories coopératives au sein des sciences économiques et sociales. Les coopérateurs ont maintenu 507
une démarche expérimentale, revendiquant non seulement l'unité de la sociologie et de l'économie, comme le revendiquent aujourd'hui de nombreux sociologues et économistes par le biais de la notion d'encastrement, mais aussi l'unité de la philosophie et de l'économie, ce que défend l'économiste indien A. Sen. Cette unité revendiquée par la coopération s'exprime par la relation permanente qu'elle opère entre éthique et valeurs, d'une part, et principes et règles, d'autre part. Inversant les rapports entre théorie et pratique, les coopérateurs ne se contentent pas d'une critique théorique de leurs pratiques. Les coopératives résultent de projets volontaires et construits. Leurs fondateurs ont déjà théorisé leur critique sociale avant d'entreprendre en coopération. Ils expérimentent et tirent les leçons de leurs essais. Cette posture invite à repenser la place et le rôle du chercheur professionnel, universitaire, dans la société. Sans mettre en question l'indépendance de la démarche scientifique, elle questionne la relation entre science et société et invite à définir de nouvelles mesures de l'utilité sociale de la recherche.
508
It is the difference that counts: Unique features of the co-operative form of co-operation as a resource and competitive advantage Hans-H. Münkner* This text offers a short survey of the contents of 14 papers presented at a colloquium held in Marburg, Germany with the title: "Perspectives of co-operatives in the future - elements of type-specific further development", attended by 13 research workers and 5 professors engaged in co-operative subjects**. The aim of the colloquium was to raise the fading interest of students of economics and law in co-operative studies and to draw the attention of practicing co-operators to new research results which can offer them new ideas on how to solve their practical problems. After an introduction showing that large established co-operative enterprises prefer to learn from modern theories of economic co-operation what genuine co-operative societies have been practicing for more than 100 years, some topical issues are dealt with in a concise form: co-operative corporate identity as a resource, co-operative membership and customer relations management, changes in the internal structure of co-operatives with special emphasis on co-operative management and co-operative entrepreneurship and the special ways in which co-operatives deal with capital and profit. The differences between co-operative integrated systems and networks are discussed as well as the methods of defining, measuring and evaluating success of co-operatives. Finally, rules to prevent demutualisation and hostile take-overs are presented. In conclusion it is underlined that where professional co-operative managers and leaders of apex organisations operate without a strong co-operative orientation, the chances of co-operatives to survive as a special form of organisation are poor. * University of Marburg, Germany, [email protected]. ** The full text of the 14papers discussed in this summary is available in German under the title Zukunftsperspekitiven von Genossenchaften: Bausteine für typgerechte Weiterentwicklung, ed. Hans-H. Münkner and Günther Ringle, (Bern: Haupt Verlag, 2006). 509
W
hy is this topic topical? It can be observed in day-to-day economic reality that commercial, investor-driven firms use strategies, methods and instruments to increase their profit, reduce cost and grow, which are propagated as new and modem. However, what is discovered as new is in fact often a long-standing practice in co-operative societies. And yet, co-operatives are seen by many as old fashioned organisations and remnants of the past. Such newly discovered old co-operative practices are:
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Valuing corporate identity and corporate culture as a resource.
.
Tying customers
to the enterprise
by offering them a reward in
proportion to business done, similar to the co-operative patronage refund. Relying on core competency to guarantee good quality of
. .
goods and services. Introducing participatory systems of governance and control,
encouraging staff and customers to express their views on how to improve performance of the enterprise and how to meet the requirements of the market.
.
Working together with other firms in a variety of forms of
co-operation, ranging from project groups over franchising and networking to strategic alliances. Itis paradoxical to see that some established large co-operative enterprises learn about these new/old business strategies, methods and tools not by going back to their own co-operative roots, but by copying them from their commercial competitors, who are preaching co-operation among enterprises and stakeholders as a modern trend. Loss of co-operative substance can occur on various levels. In co-operative legislation, where provisions taken from company law are included: in the by-laws, where increased autonomy is used to legitimise deviations from co-operative principles and pursuit of other than co-operative objectives and in day-to-day work, where non-eo-operative practices are applied by managers and staff without a solid co-operative background to increase turnover and market share, to make profit, to attract and reward investors and to grow by merger and acquisition. 510
In this paper the results of a colloquium on "Elements of a strategy for securing the future of co-operatives", held in Marburg in September 2005, are summarised. The intention of the author is to point to the danger of losing the internal driving force of co-operatives by levelling the co-operative profile in pursuit of approximation strategies, turning co-operative societies gradually into management-dominated companies with a commercial or general-interest orientation. This levelling process, which the French call banalisation, originates from professional management and membership lacking co-operative consciousness, but also from modified legal and regulatory provisions, by-laws and their practical application not only allowing but even recommending deviations from good co-operative practice. It is also intended to give those not conversant with the German language the chance to follow what is currently discussed in German co-operative research. The colloquium was held to raise the interest of young research workers in the subject of co-operation, covering economic cooperation among enterprises in general as well as co-operation in co-operative societies (co-operation along co-operative lines) in particular. The aim was to motivate young research workers in the fields of economic co-operation and co-operative studies to make their contributions to shape a modern, future-oriented and successful co-operative movement with a strong profile. This can only be achieved if established and successful co-operative enterprises maintain their co-operative character and are prepared to use the chances of their own corporate culture as a competitive advantage, rather than levelling the unique features that distinguish them from commercial enterprises in order to work like every other firm. Where co-operatives are approximated to their commercial, investor-driven competitors, only general economic co-operation among enterprises would remain as an interesting subject for research. Studying the special mechanisms and functioning of co-operative societies and their integrated systems would lose 511
importance, fail to raise interest and finally become obsolete. Such development would have far reaching effects, which Blome-Drees and Schmale expressed as follows: nobody wants to study an obsolete subject, to give lectures which no student wants to hear, to give advice which no practicing co-operator wants to follow and to write books which nobody wants to read. Most proposals for amendment of co-operative legislation are based on the results of independent research. Yet, the leaders of existing co-operatives and their federations are often hesitant to accept scientific analysis of their problems and their typically co-operative features as a chance to understand their uniqueness as a special form of doing business, which can be used as an internal driving force, a source of strength and a competitive advantage. Why do practitioners of co-operation hesitate to implement the findings of co-operative research? Do research workers investigate the wrong questions? Do they study for the sake of studying purely academic issues and are preoccupied with refining their own theories which are not really relevant for practice? Do research workers dwell on the past, or do they deal with future prospects of co-operatives, do they make suggestions for further development of co-operatives as a form of organisation suitable for solving present and future problems? Do co-operative societies need a specially trained management or is every well trained manager also a good co-operative manager? As user-driven enterprises with the aim to offer members a "co-operative advantage" (aiming at 'member-value' rather than shareholder-value), co-operative management has to deal with several dilemmas, which managers of commercial firms do not have to face. They have to: target success in promoting the interests of the members (member-success), which, however, is only possible, if the cooperative enterprise operates successfully in the market (marketsuccess as a precondition for member-success);
.
512
. .
balance the rules securing economic efficiency with those
allowing democratic and participatory structures; be conversant with management of groups,
two-way
information and communication systems and member-relations management; raise sufficient capital for their operations. If they need more
.
capital than the members are willing and able to contribute, they have to attract "patient capital", i.e. capital from within the co-operative system or from sources with a non-profit orientation. If co-operative-specific rules are applied, they keep rent-and power-seeking investors away; stand the test of performance audit, social audit and
.
assessment of their ability in achieving member-oriented as well as development-oriented effectiveness. All these skills are not taught and cannot be learned in ordinary business schools. Hence, there is need for special training of co-operative managers. The idea of the colloquium was to find an answer to the question of what young research workers can contribute to secure the future of co-operatives. The results are published in a book entitled Perspectives of co-operatives in the future: Elements of type-specific further development (Bern: Haupt Verlag, 2006). The studies focus on height issues:
.
Co-operative
corporate
culture
as a resource;
. . pros and cons of an internal democratic and participatory uniqueness of co-operative membership
and discrimination
of non-members;
structure;
.special features of co-operation .
management and co-operative
management; specific co-operative ways of dealing with capital and profit; co-operative integrated systems compared with networks and
.
conglomerates; methods and means to define, measure and evaluate success
.
.
of co-operative enterprise; and typically co-operative instruments to prevent demutualisation and hostile take-over.
513
Co-operative corporate identity as a resource First of all, there has to be a clear definition of co-operative identity (as given by the ICA in 1995) presenting the features which determine the uniqueness of the co-operative way of cooperation. The core of co-operative organisation and of co-operative corporate culture is the identity of owners and users. Common deviations from this "principle of identity" are work with external directors, work with external funds and doing business with non-members. Concessions in these fields may be inevitable due to changing circumstances, however, every step away from identity of owners and users weakens the co-operative profile and interferes with the working of co-operative rules. Genuine co-operative business philosophy is based on self-help and solidarity, commitment and trust, expressed in co-operative values and principles. Deviation from co-operative values and principles weakens the co-operative profile and damages the credibility of the concept. Measures to strengthen the co-operative profile and to weaken it are discussed. Membership Membership as such is not a distinctive feature of co-operative societies. All organisations have members. What is unique in the case of co-operatives is that the members are at the same time owners and users of their co-operative enterprise (principle of identity). The membership group is the foundation of every genuine cooperative society. Membership is voluntary and can be terminated when the member loses interest. Membership in a co-operative has to make sense. Offering exclusive advantages for members means different treatment of members and non-members and represents 'member value' as opposed to shareholder value. Business with non-members on equal terms with members devalues membership and invites free-riders. In the last analysis business 514
with non-members calls the reason for being of a co-operative into question. Members may decide to extend the services of their co-operative to non-members as an expression of their solidarity. Where transactions of a co-operative society are extended to nonmembers in order to earn income, to increase turnover and market share, the borderline with commercial business and profit-making is crossed.
Internal structure Co-operatives are characterised by their democratic and participatory internal structure. However, growing size of cooperative enterprises and professionalisation of their leadership and management require hierarchical structures. The growth of the membership group turns locally rooted organisations into regionally rooted or up-rooted ones, becoming increasingly anonymous and distant for the individual member, which make it difficult to practice direct democracy. General meetings are replaced by meetings of delegates, meaning that the ordinary member loses many of its membership rights (formerly exercised in general meetings) and opportunities for active participation in decision-making and control. A more heterogeneous membership puts strain on the classical rule of "one member, one vote" and calls for the introduction of moderate forms of plural voting. The combination of a more autonomous and professional management on the one hand and reduced membership rights on the other leaves little of the original democratic and participatory structures.
Co-operative management There is a difference between management of user-driven enterprises as compared to investor-driven enterprises, between management with the aim to provide services to members-users near cost and management with the aim to make profit in the market. In co-operative societies, management has to combine the requirements of efficient management of the co-operative enterprise and its resources with effectiveness in managing the democratic
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and participatory co-operative group. In co-operatives there are three management levels: competitor-oriented management, identity-oriented management and member-oriented management. Co-operative management has to deal with all three levels. It has to safeguard operational efficiency of the co-operative enterprise, to maintain and strengthen co-operative identity as a resource and competitive advantage and to secure member-oriented effectiveness in terms of managing the co-operative group, orienting members towards a common objective and offering members a "co-operative advantage". It includes investment in member education and training and in two-way information and communication systems between the co-operative enterprise and the co-operative group. To some extent, member-relations management is the co-operativespecific form of customer-relations management.
Co-operative entrepreneurship as shared entrepreneurship In individual enterprises the function of entrepreneur is as a rule taken over by the founder or innovator who has established the enterprise. If such enterprises co-operate with other enterprises, part of the entrepreneurial decision-making can be transferred to the hub firm as is the case in franchising and to the co-operative enterprise in the case of co-operative societies. However, this only refers to co-operatives in which the members are enterprises and not to co-operatives where members are households. Entrepreneurship is not perceived as the role of allocation of factors of production but as the search for new supply and marketing opportunities and new production methods. Competition is seen as a trial and error process of innovation, followed by imitation. Where the entrepreneur wants to ensure that innovative drives are also coming from within the enterprise (by offering incentives, an adequate information system and a favourable organisation culture) this can be referred to as intrapreneurship. In co-operative societies, consisting of the co-operative enterprise and members' enterprises, intrapreneurship is essential. However, co-operatives differ from individual firms because in co-operatives there are
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boundaries between the organisations and systems, between the joint enterprise and the members' enterprises, which distinguish and separate the enterprises from each other. The powers of the co-operative board of the members' enterprises are laid down in the law, the by-laws and in agreements. But apart from what board members of the co-operative enterprise and entrepreneurs of the affiliated enterprises are entitled and able to do, it is also important what they want to do alone or together. Where the law or the by-laws restrict the powers of the cooperative board too much, the co-operative may loose its capacity to react to changes in the market, to adjust its business policy to new conditions and to take entrepreneurial risks. Where co-operative board members are entitled to act as entrepreneurs, there have to be institutional safeguards to avoid excessive risks and to make co-operative entrepreneurs accountable to their members. On the other hand, the co-operative entrepreneurs may not restrict the autonomy of the members' enterprises too much but rather count on the advantages of intrapreneurship. Several questions arise: How does membership in a multi-tier co-operative system affect entrepreneurship and intrapreneurship in the lower-level units? How can conflicts between actors on the different levels be resolved? How can the special knowledge and potential of the different partners be used best for innovations?
Special co-operative ways of dealing with capital and profit The organisational pattern of co-operatives is based on persons and on the personal and active participation of members in their double capacity as owners and users. To operate a co-operative enterprise in the market, co-operatives need capital, not as a source of power (in terms of voting rights and rights to profit) but as a means to achieve the objectives of the co-operative. To make this possible, capital in co-operatives is deliberately deprived of its insignia of power. Voting rights are allotted according to the rule "one member, one vote" and the right to share economic results, which are not needed to accumulate indivisible reserves, is granted
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in proportion to business done with the co-operative enterprise. From their origins, co-operatives see private ownership of capital as the main source of inequality, exploitation and domination. Hence, deliberate attempts to give capital a serving, rather than a dominating role. The special features of a co-operative share correspond to this overriding objective. They are linked to membership, non-transferable, refundable upon withdrawal at par value and rewarded by a limited dividend, if any. They are tailor-made to suit the special needs of co-operatives and not wrongly designed, because they do not attract investors. To claim that this model of co-operative shares needs to be revised and to approximate them to company shares means to level the co-operative profile and to weaken rather than to strengthen the special capital structure of co-operatives. Other ways to strengthen co-operative equity capital are discussed. In the case of co-operative societies the task of the law-makers and of the managers is for instance to find ways to attract 'patient' capital within and outside the co-operative integrated system and to fend off rent- and power-seeking investors. One suggestion is to strengthen the position of members as owners and controllers by introducing shares of the integrated co-operative system (based on the assets of unions, federations and specialised firms), which members of primary co-operatives can own. This would not mean direct participation in the capital of the primary co-operative society to which the member belongs. Such financial participation of members in the assets of the integrated system would strengthen the independence of the primary co-operative society within the system and strengthen the owned capital of the system, while submitting the system as a whole to some degree of member control.
Integrated system versus network Multi-tier co-operative integrated systems are usually composed of primary co-operatives, affiliated to secondary co-operatives (unions and federations), which in turn are members of one or several apex organisations. Such co-operative integrated 518
systems are characterised by a power and capital structure which runs from the bottom to the top. Voting rights in general meetings at regional and national levels are distributed in a democratic manner (giving each organisation at least one vote and excluding dominating positions). Control is exercised by members' elected representatives. Integrated co-operative systems usually operate on the basis of voluntary discipline or according to rules approved by the majority. Unlike networks, they are not simply structures for minimising cost and optimising profit, but a grouping which serves first of all the lower-level bodies according to the principle of subsidiarity. Their aim is to strengthen the primary co-operatives by pooling resources, outsourcing activities to those member units of the system where they can be performed best or at lowest cost. Co-operative integrated systems also follow the principle of identity of owners and users. Strategic decisions are not taken on behalf of the members by a hub-firm but are based on mutual agreement.
Methods to define, measure and evaluate success in co-operatives When seeing co-operatives only as enterprises, success could be measured in terms of profit, growth and market share. However, success or failure of co-operatives can be seen and assessed on all three levels of co-operative management: institutional efficiency of the co-operative enterprise as shown in the annual return, balance sheet and profit and loss account. This efficiency can be measured and evaluated by a certified public accountant like in the case of every other enterprise. Co-operatives follow their own business philosophy and the objective to promote the interests of their members, to maintain good labour relations to their staff, to offer services of good quality and to care for the community and the environment. These objectives should also guide the activities of leadership and management of co-operatives. However, compliance with the co-operative corporate culture is not a subject of financial audit. For this purpose there is need for a "performance audit", an assessment of member-oriented effectiveness, a social audit and an assessment of development-oriented effectiveness. All these
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aspects are contained in the "bilan sociétal" developed by the French Federation of Agricultural Co-operatives (FNCA). The degree of reaching the aims of member-oriented effectiveness can only be measured, if targets for memberpromotion during a given period are set. To this effect, German co-operative science has developed the instruments of the promotion plan and promotion report, with the promotion plan being established jointly by management and members in general meeting and the promotion report being presented to the members at the end of the period by the management, allowing all actors to assess to what extent the promotion plan has been put into practice. The results of such joint assessment in a participatory process can be used as the basis of the next promotion plan, creating a sort of feed-back controlled system.
Rules to prevent demutualisation and hostile take-overs of co-operatives The original legal structure of co-operatives contains specific barriers against demutualisation and hostile takeovers expressed in a number of provisions. As a result of the democratic decision-making mechanisms ("one member, one vote") accumulation of a majority of votes in one hand or in a few hands is ruled out, provided that there are no new provisions allowing plural voting, or admitting preferred non-voting shares held by investor members, which turn into voting shares if the promised return on capital is not paid for some consecutive years. Decisions on conversion of co-operative societies into another legal form, on merger and on dissolution are originally the prerogative of the members in a general meeting with a qualified majority. However, with the growth of co-operatives and large numbers of members, the general meeting has turned into a meeting of delegates and the ordinary member has lost influence on these important matters. Furthermore, the rules of quorum can be such that a qualified majority of one half of the delegates may be sufficient to take such far-reaching decisions. 520
To keep the mechanisms against demutualisation and take-overs working, new rules must be introduced, e.g. reserving the right to decide on conversion of the co-operative into another legal form, merger and dissolution to the members by referendum or to raise the quorum and percentage of approving votes for such decisions, to provide for two consecutive meetings and to prescribe that an opinion of the competent auditing federation on the issue has to be read to the meeting before the vote, to make decisions on such matters valid.
Conclusion To sum up, in established, successful, German co-operative enterprises, a continuing process of approximation to the company model can be observed. In practice, professional managers without strong co-operative orientation are acting according to their own expense preferences, which focus on market success, securing employment (including their own) and growth. Following the requests by leaders of co-operative federations, step by step the laws and by-laws have been brought closer to the company model, which again encourages practicing co-operators to level the co-operative profile and to work more and more like their commercial competitors. Success is equalled with growth, turnover and market share (favouring mergers). Other goals like satisfying special needs of members, supporting sustainable local development, solidarity (e.g.fair trade), protection of the environment and social responsibility are pursued not as a major concern but only as much as market conditions permit. Among large and successful German co-operatives, the trend is: . to turn from a user-driven to investor-driven enterprise, . to prefer approximation to the company model rather than showing a strong co-operative profile, which is widely seen as a burden of the past, and to hide the co-operative difference, rather than perceiving it as a trademark, as a resource and as a competitive advantage.
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However, there are also successful profession-based co-operatives, which maintain their co-operative character and strictly adhere to the principle of identity of owners and users. There are also new co-operatives pursuing social, medical, ecological and educational objectives. In 2006 the German co-operative law was revised to allow co-operatives with social and cultural objectives and to make it more easy for small groups to form new co-operatives by reducing the minimum number of founder members to three and allowing co-operatives with less than twenty members to operate without a supervisory committee and with a one-person board. To end, Volker Beuthien may be quoted, when he writes: "Reservations regarding the legal form of co-operative society do not only have economic and legal reasons. Theyalso result from the fact that the co-operative idea is not presented in public with sufficient vigour and credibility. The chances of co-operatives to develop as enterprises and as a legal pattern would be greatly enhanced, if all persons involved in the co-operative economy, i.e. the members, the management of co-operative societies and the leaders of co-operative federations would identify themselves more strongly and publicly with the idea of co-operative self-help and member-promotion and its historic roots. In so far a future oriented look back on co-operative traditions is required." (Beuthien, 2000)
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References Beunthien, Volker. 2000. "Introduction." ln Genossenchaftsgesetz und Umwandlungsrecht, 13: XXXVII. Ed. Munich. Hans-H. Münkner and Günther Ringle (ed.). 2006. Zukunftsperspekitiven von Genossenchaften: Bausteine für typgerechte Weiterentwicklung. Bern: Haupt Verlag.
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Liste des contributions Les contributions présentées à la XXIIe conférence internationale de recherche coopérative de l'ACI mais non colligées dans ce volume peuvent être demandées directement aux auteurs ou consultées sur http://www.entreprises.coop/UPLOAD/ rubrique/pages/178/178 _rubrique.php.
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