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eut-on favoriser la santé des Canadiens de tous âges ? Notre système de santé est-il de bonne qualité ? Quels en sont les coûts, comparativement à ceux des autres pays ? En février 1997, le Forum national sur la santé présentait au gouvernement fédéral ses recommandations quant aux moyens d’améliorer le système de santé du Canada et la santé des Canadiens. Le Forum appuie ses recommandations sur plus d’une quarantaine d’études réalisées par les plus éminents spécialistes du domaine. Ces études sont regroupées dans la série « La santé au Canada : un héritage à faire fructifier », qui comprend cinq volumes :
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La santé au Canada : un héritage à faire fructifier
Études commandées par le Forum national sur la santé
Volume 1 – Les enfants et les adolescents Volume 2 – Les adultes et les personnes âgées Volume 3 – Le cadre et les enjeux Volume 4 – le secteur de la santé au Canada et ailleurs Volume 5 – Données probantes et Information Le volume 4 présente les études suivantes : Geoffroy Scott – Comparaisons internationales du secteur hospitalier Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada : comparaisons internationales Centre de statistiques internationales – Comparaison internationale des dépenses de santé et de l’état de santé Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il avec celui d’autres pays ? Un aperçu Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines sur les dépenses de santé Ellen Leibovich, Howard Bergman et François Béland – Les dépenses de santé et le vieillissement de la population au Canada Raisa Deber et Bill Swan – Le financement des soins de santé : matière à réflexion Terrence Sullivan – Commentaires sur les dépenses de santé, les dépenses sociales et l’état de santé Allan M. Maslove – Les objectifs nationaux et le rôle du fédéral dans les soins de santé Raiser Deber, Lutchmie Narine, Pat Baranek et Natasha Sharpe – Le financement des soins de santé : le partage entre les secteurs public et privé John Marriott et Ann L. Mable – Modèles intégrés. Tendances internationales et conséquences pour le Canada Steven G. Morgan – La politique pharmaceutique canadienne : les enjeux isbn 2-921146-50-9
À la recherche d’un équilibre
À la recherche d’un équilibre
LE SECTEUR DE LA SANTÉ AU CANADA ET AILLEURS
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LE SECTEUR DE LA SANTÉ AU CANADA ET AILLEURS
FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ
Sans titre-8 1
V O L U M E
NATIONAL FORUM ON HEALTH
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LA SANTÉ AU CANADA : UN HÉRITAGE À FAIRE FRUCTIFIER ÉTUDES COMMANDÉES PAR LE FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ
À la recherche d’un équilibre
LE SECTEUR DE LA SANTÉ AU CANADA ET AILLEURS
FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ
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LA SANTÉ AU CANADA : UN HÉRITAGE À FAIRE FRUCTIFIER ÉTUDES COMMANDÉES PAR LE FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ
À la recherche d’un équilibre
LE SECTEUR DE LA SANTÉ AU CANADA ET AILLEURS
FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ
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Données de catalogage avant publication (Canada) Vedette principale au titre : La santé au Canada : un héritage à faire fructifier Publ. aussi en anglais sous le titre : Canada Health Action : Building on the Legacy L’ouvrage complet comprendra 5 v. Comprend des réf. bibliogr. Sommaire : v. 1. Les enfants et les adolescents – v. 2. Les adultes et les personnes âgées – v. 3. Le cadre et les enjeux – v. 4. Le secteur de la santé au Canada et ailleurs. ISBN 2-921146-61-4 (série) ISBN 2-921146-50-9 (v. 4) 1. Santé publique – Canada. 2. Santé, Services de – Canada. 3. Médecine préventive – Canada. 4. Enfants – Santé et hygiène – Canada. 5. Adultes – Santé et hygiène – Canada. 6. Personnes âgées – Santé et hygiène – Canada. I. Forum national sur la santé (Canada). RA449.C2814 1998 362.1’0971 C97-941657-4
Révision linguistique : Ginette Trudel et Robert Paré Correction des épreuves : Ginette Trudel Design de la couverture : Gérard Beaudry Réalisation des figures : Emmanuel Gagnon
Volume 4 : Le secteur de la santé au Canada et ailleurs ISBN 2-921146-50-9 Cat. No. : H21-126/6-4-1997F Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 1998 Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Canada, 1998 © Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, 1998
On peut se procurer la série Études du Forum national sur la santé à l’adresse suivante : Éditions MultiMondes 930, rue Pouliot Sainte-Foy (Québec) G1V 3N9 CANADA Téléphone : (418) 651-3885 ; sans frais depuis l’Amérique du Nord : 1 800 840-3029 Télécopieur : (418) 651 6822 ; sans frais depuis l’Amérique du Nord : 1 888 303-5931 Courrier électronique :
[email protected] Internet : http://www.multim.com
Publié par les Éditions MultiMondes, en collaboration avec le Forum national sur la santé et les Éditions du Gouvernement du Canada, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Tous droits réservés. La reproduction totale ou partielle de cet ouvrage, par quelque procédé que ce soit, tant électronique que mécanique, ou par photocopie ou enregistrement, est interdite sans l’autorisation écrite et préalable du ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Dans la présente publication, le générique masculin est utilisé uniquement dans le but d’alléger le texte.
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Avant-Propos En octobre 1994, le Premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien, créait le Forum national sur la santé en le chargeant d’informer et de sonder la population, puis d’aviser le gouvernement fédéral quant à des façons novatrices d’améliorer le système de santé et l’état de santé de la population canadienne. Le Forum a été constitué comme organisme consultatif composé du Premier ministre à la présidence, du ministre fédéral de la Santé à la vice-présidence et de 24 membres bénévoles, forts de leur engagement dans le système en tant que professionnels, consommateurs ou bénévoles. Les membres ont rempli leur mandat en privilégiant les enjeux à long terme et les grandes caractéristiques du système de santé. Visant à soumettre des conseils judicieux pour l’élaboration de politiques nationales, ils ont réparti les tâches en fonction de quatre domaines clés : les valeurs, l’atteinte d’un équilibre, les déterminants de la santé et la prise de décisions fondées sur des données probantes. Le rapport complet du Forum national sur la santé comprend les deux volumes intitulés : La santé au Canada : un héritage à faire fructifier Rapport final du Forum national sur la santé et La santé au Canada : un héritage à faire fructifier Rapports de synthèse et documents de référence Des exemplaires du rapport complet sont disponibles auprès de : Centre de distribution, Santé Canada Communications, PL 090124C, Édifice Brooke Claxton, Pré Tunney’s, Ottawa (Ontario) K1A 0K9. Téléphone : (613) 954-5995. Télécopieur : (613) 941-5366 (Also available in English.) Le Forum a appuyé ses recommandations sur 42 études réalisées par les plus éminents spécialistes dans le domaine. Ces études sont regroupées dans une série qui comprend cinq volumes :
Volume 1 – Les enfants et les adolescents Volume 2 – Les adultes et les personnes âgées Volume 3 – Le cadre et les enjeux Volume 4 – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs Volume 5 – Données probantes et information
Les volumes de la série Études du Forum national sur la santé peuvent être achetés auprès des Éditions MultiMondes, 930, rue Pouliot, Sainte-Foy (Québec) G1V 3N9. Téléphone : 1 800 840-3029. Télécopieur : 1 888 303-5931 (Also available in English.)
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LA SANTÉ AU CANADA : un héritage à faire fructifier
Le Groupe de travail sur les valeurs
Le Groupe de travail sur les valeurs a cherché à comprendre les valeurs et les principes de la population canadienne relativement à la santé et aux soins de santé afin de s’assurer que le système reflète toujours ces valeurs et continue d’en tenir compte. Pour cerner les valeurs fondamentales de la population à l’égard du système de soins de santé et en saisir la portée sur le processus décisionnel, le Groupe de travail a mené des sondages d’opinion à partir de scénarios, ou courts récits, traitant de plusieurs sujets sur lesquels les autres groupes de travail du Forum se sont penchés. Les scénarios ont été mis à l’essai auprès de groupes de discussion. Le groupe de travail a aussi entrepris des recherches quantitatives afin de pouvoir mieux généraliser les résultats de son sondage auprès des groupes de discussion. Il a en outre contribué à une revue des sondages d’opinion sur la santé et la politique sociale. Enfin, il a commandé une étude sur les organismes d’éthique au Canada et à l’étranger afin de cerner leur apport potentiel au débat continu sur les valeurs en tant que fondements de la prise de décisions. Le Groupe de travail sur l’atteinte d’un équilibre
Le Groupe de travail sur l’atteinte d’un équilibre s’est penché sur les moyens à prendre pour répartir les ressources restreintes de la société de manière à optimiser la protection, le rétablissement et la promotion de la santé de la population. Il a étudié la question de l’équilibre des ressources au sein du secteur de la santé et les autres branches de l’activité économique. Le groupe de travail a commandé une série d’études pour alimenter ses délibérations. Il a étudié à fond l’évolution internationale des dépenses de santé, de la consommation de services de santé et des performances sanitaires. Il a apporté beaucoup d’attention au partage des dépenses de santé entre les secteurs public et privé, à l’organisation du système de santé et aux transferts fédéraux-provinciaux. Il a publié un document sur le financement public et privé du système de santé et un énoncé de position sur le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le Groupe de travail sur les déterminants de la santé
Le Groupe de travail sur les déterminants de la santé a cherché à cerner les mesures à prendre dans la difficile conjoncture économique et sociale actuelle pour permettre aux citoyens de ce pays de continuer à vivre une longue vie et, si possible, d’améliorer leur état de santé. Il a consulté des spécialistes pour trouver des moyens d’agir sur les déterminants non médicaux de la santé. Il a chargé des experts de rédiger des études sur des sujets qui se rapportent à la santé de la population, notamment à l’environnement macroéconomique et au cadre de vie (c.-à-d. la famille, l’école, le travail et la communauté), ainsi que sur des sujets qui touchent la santé aux différentes étapes de la vie. Chacune de ces études fait état des connaissances sur la question, présente des exemples de réussites ou d’échecs et dégage les incidences en matière de politique.
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Avant-propos
Le Groupe de travail sur la prise de décisions fondées sur des données probantes
Le Groupe de travail sur la prise de décisions fondées sur des données probantes a étudié les moyens à prendre pour que les consommateurs, les professionnels de la santé et les responsables des politiques appuient leurs décisions sur les données les plus sûres dont on dispose. Il a organisé deux ateliers auxquels ont été conviés des experts afin de discuter des meilleures façons de tirer parti de l’information sur la santé pour créer et alimenter une culture de la prise de décisions fondées sur des données probantes, définir la nature des renseignements dont les Canadiens ont besoin pour devenir de meilleurs consommateurs de soins de santé, et de déterminer les moyens à prendre pour leur communiquer ces renseignements. Le groupe de travail a aussi commandé des études dans les buts suivants : déterminer ce qu’il faut entendre par « données probantes » et « prise de décisions fondées sur des données probantes » ; relever des exemples de décisions bien fondées et de décisions mal fondées ; décrire l’infrastructure de l’information sur la santé requise pour appuyer la prise de décisions fondées sur des données probantes ; examiner les outils d’aide à la décision ; et élaborer des stratégies qui permettront d’élargir le rôle des consommateurs dans la prise de décisions concernant leur santé et le système de soins de santé.
Membres du Forum
William R. C. Blundell, B.Sc.A. (Ont.) Richard Cashin, LL.B. (T.-N.) André-Pierre Contandriopoulos, Ph. D. (Qué.) Randy Dickinson (N.-B.) Madeleine Dion Stout, M.A. (Ont.) Robert G. Evans, Ph.D. (C.-B.) Karen Gainer, LL.B. (Alb.) Debbie L. Good, C.A. (Î.-P.-É.) Nuala Kenny, M.D. (N.-É.) Richard Lessard, M.D. (Qué.) Steven Lewis (Sask.) Gerry M. Lougheed Jr. (Ont.)
Margaret McDonald, inf. aut. (T.N.-O.) Eric M. Maldoff, LL.B. (Qué.) Louise Nadeau, Ph.D. (Qué.) Tom W. Noseworthy, M.D. (Alb.) Shanthi Radcliffe, M.A. (Ont.) Marc Renaud, Ph.D. (Qué.) Judith A. Ritchie, Ph.D. (N.-É.) Noralou P. Roos, Ph.D. (Man.) Duncan Sinclair, Ph.D. (Ont.) Lynn Smith, LL.B., c.r. (C.-B.) Mamoru Watanabe, M.D. (Alb.) Roberta Way-Clark, M.A. (N.-É.)
Secrétaire et sous-ministre, Santé Canada
Michèle S. Jean
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LA SANTÉ AU CANADA : un héritage à faire fructifier
Le Secrétariat
Directrice exécutive Marie E. Fortier Joyce Adubofuor Lori Alma Rachel Bénard Kathy Bunka Barbara Campbell Marlene Campeau Carmen Connolly Lise Corbett John Dossetor Kayla Estrin Rhonda Ferderber Annie Gauvin Patricia Giesler Sylvie Guilbault Janice Hopkins
Lucie Lacombe Johanne LeBel Elizabeth Lynam Krista Locke John Marriott Maryse Pesant Marcel Saulnier Liliane Sauvé Linda St-Amour Judith St-Pierre Nancy Swainson Catherine Swift Josée Villeneuve Tim Weir Lynn Westaff
Nous remercions sincèrement toutes les personnes qui ont participé aux diffé rentes étapes de réalisation de cette série d’études.
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Table des matières générale – Volume 4
Le financement des dépenses de santé Comparaisons internationales du secteur hospitalier ...........3
Geoffroy Scott Description des principaux modes de paiement des hôpitaux..............................7 Analyse comparative des dépenses d’hospitalisation de court séjour.....................7 Synthèse et conclusion.......................................................................................22 Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte ...................35
Astrid Brousselle Introduction......................................................................................................41 L’évolution des dépenses dans treize pays de l’OCDE........................................42 Explication des écarts des dépenses en santé par rapport à la moyenne des treize pays étudiés........................................................................................45 Conclusion........................................................................................................53 La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada : Comparaisons internationales ............................................................87
Wendy Kennedy Méthodologie....................................................................................................92 Les dépenses pharmaceutiques par habitant.......................................................93 Les dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales...........93 Les dépenses pharmaceutiques en pourcentage du PIB......................................95 Le rapport entre les dépenses pharmaceutiques et la richesse.............................96 La consommation de médicaments....................................................................98 Les structures propres au secteur pharmaceutique..............................................99 L’indice de l’état de santé...................................................................................99 Discussion.......................................................................................................100 Comparaison internationale des dépenses de santé et de l’état de santé .................................................................................155
Centre de statistiques internationales Les dépenses de santé des pays de l’OCDE......................................................159
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LA SANTÉ AU CANADA : un héritage à faire fructifier
Lien entre les dépenses de santé et l’état de santé.............................................159 Autres formes de dépenses sociales pouvant influer sur l’état de santé..............164 Les tendances au fil des ans..............................................................................168 Conclusion......................................................................................................171 Comment le sytème de santé du Canada se compare-t-il avec celui d’autres pays ? Un aperçu .................................................175
Damien Contandriopoulos Analyse descriptive des divers systèmes de santé...............................................179 État de santé, contrôle des coûts et performance du système...........................187 Conclusion......................................................................................................191 Comparaisons internationales des dépenses de santé ..........215
Delphine Arweiler Les différentes mesures des dépenses de santé................................................. 219 Prix et niveaux de consommation.................................................................. 227 Conclusion.................................................................................................... 238 Incidence des infrastructures et des ressources humaines sur les dépenses de santé ................................................255
Marc-André Fournier Introduction....................................................................................................259 Répartition des dépenses et caractéristiques des ressources...............................260 Caractéristiques des pays performants et non performants en matière de contrôle des dépenses.................................................................277 Conclusion......................................................................................................284 Les dépenses de santé et le vieillissement de la population au Canada ................................................................287
Ellen Leibovich, Howard Bergman, François Béland Introduction....................................................................................................290 Le vieillissement de la population et le coût des soins de santé au Canada........................................................................................................290 Le système des soins de santé pour les personnes âgées en Suède et au Royaume-Uni..........................................................................................298 Les soins de santé aux personnes âgées au Canada...........................................301
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Table des matières générale – volume 4
Stratégie en vue de l’établissement, au Canada, d’un système de soins de santé pour les personnes âgées de santé fragile.............................................302 Conclusion......................................................................................................305 Le financement des soins de santé : matière à réflexion ........309
Raisa Deber et Bill Swan Première question : introduction et résumé......................................................312 Un aperçu des données....................................................................................312 Quelques hypothèses.......................................................................................313 Analyse............................................................................................................331 Deuxième question (question supplémentaire) : le cas du Royaume-Uni...........333 Conclusions.....................................................................................................337
Commentaires sur les dépenses de santé, les dépenses sociales et l’état de santé ....................................................................347
Terrence Sullivan Introduction....................................................................................................350 Vue d’ensemble des données............................................................................350 Hypothèses......................................................................................................351 Conclusions.....................................................................................................356 Comparaisons internationales Les objectifs nationaux et le rôle du fédéral dans les soins de santé ...........................................................................373
Allan M. Maslove Introduction....................................................................................................377 Les objectifs nationaux et provinciaux dans le domaine de la santé..................378 Les leviers fédéraux dans le domaine de la santé...............................................387 Objectifs nationaux et mécanismes fédéraux : comment maintenir les principes nationaux des soins de santé........................................................393 Des exemples de partenariats financiers...........................................................398 Conclusion......................................................................................................405
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LA SANTÉ AU CANADA : un héritage à faire fructifier
Le financement des soins de santé : le partage entre les secteurs public et privé ....................................................429
Raisa Deber, Lutchmie Narine, Pat Baranek, Natasha Sharpe, Katya Masnyk Duvalko, Randi Zlotnik-Shaul, Peter Coyte, George Pink, A. Paul Williams Objectifs..........................................................................................................437 Fondement de la répartition actuelle des services entre les secteurs public et privé..................................................................................................437 Le cadre législatif et réglementaire...................................................................464 Le cas du Canada : certaines données sur le degré de partage entre les secteurs public et privé.......................................................................476 Études de cas se rapportant à différents modèles..............................................493 Évaluation des modèles : équité, efficience, sécurité et liberté...........................512 Les cadres de prise de décisions sur les services à assurer ou à exclure...............522 Conclusions stratégiques et recommandations.................................................542
Modèles intégrés. Tendances internationales et conséquences pour le Canada .....................................................557
John Marriott et Ann L. Mable Introduction....................................................................................................561 Aperçu des systèmes de certains pays...............................................................568 Aperçu du système de santé canadien et modèles.............................................626 Principales caractéristiques des modèles intégrés dans le contexte canadien.................................................................................659 Évaluation des modèles intégrés.......................................................................683 Conclusions et observations.............................................................................690 La politique pharmaceutique canadienne : les enjeux .........697
Steven G. Morgan Introduction....................................................................................................701 La hausse constante des dépenses pharmaceutiques.........................................703 Les aspects économiques et politiques de l’industrie pharmaceutique..............709 Tendances de l’industrie et stratégies des entreprises........................................720 Stratégies de gestion des prestations.................................................................729 Conclusion......................................................................................................753
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Le financement des dépenses de santé
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Comparaisons internationales du secteur hospitalier Geoffroy Scott Candidat au doctorat en santé publique Université de Montréal
Résumé Le système de soins de santé, et tout particulièrement le système hospitalier, se retrouve à la croisée des chemins. Les multiples compressions budgétaires des dernières années soulèvent plusieurs questions concernant l’allocation optimale des ressources consacrées à ce secteur. Le Forum national sur la santé, par l’intermédiaire de son Groupe de travail sur la recherche de l’équilibre, s’intéresse à la question et considère que le public doit être informé des enjeux. Les comparaisons internationales ont pour but premier de situer les pays les uns par rapport aux autres, afin de donner une idée juste et claire des ressources affectées aux secteurs en question. La présente analyse comparative, fondée sur les données les plus récentes de l’OCDE, examine quelques tendances actuelles dans le secteur hospitalier de certains pays de l’OCDE. Les résultats de ces comparaisons internationales peuvent comporter certaines imperfections et doivent donc être utilisés avec circonspection. Les données statistiques comportent quelques biais, et il est impératif que le lecteur en soit informé (cette question est abordée dans la description de la méthodologie). La présente analyse comparative tente de répondre à quatre questions pertinentes, à savoir : • La part des hôpitaux de court séjour dans les dépenses totales de santé a-t-elle diminué à l’échelle internationale ? • En contrepartie, quelles composantes du secteur de la santé ont vu leur part des dépenses totales augmenter ? • Les pays les plus riches dépensent-ils proportionnellement plus que les autres en hospitalisation de court séjour ?
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
• Le volume des ressources physiques a-t-il un impact sur la consommation de soins d’hospitalisation de court séjour ? Afin d’aider le lecteur à bien saisir les différentes actions entre l’utilisation des ressources hospitalières et le financement des hôpitaux, la première partie présente une brève liste descriptive des divers modes de paiement des hôpitaux utilisés dans les pays de l’OCDE.
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Table des matières
Description des principaux modes de paiement des hôpitaux ...............................7 Analyse comparative des dépenses d’hospitalisation de court séjour ......................7 La part des hôpitaux de court séjour dans les dépenses totales de santé a-t-elle diminué à l’échelle internationale ?.............................................7
En contrepartie, quelles composantes du secteur de la santé ont vu leur part des dépenses totales augmenter ? .........................................................13
Les pays les plus riches dépensent-ils proportionnellement plus que d’autres pays en hospitalisation de court séjour ? ........................................17
Le volume des ressources physiques a-t-il un impact sur la consommation de soins d’hospitalisation de court séjour ?.........................................................18
Synthèse et conclusion ..........................................................................................22 Bibliographie..........................................................................................................24 Annexes
Annexe 1 Glossaire.........................................................................................29 Annexe 2 Méthodologie.................................................................................31 Annexe 3 Calculs statistiques..........................................................................32 Liste des figures
Figure 1 Dépenses des hôpitaux de court séjour/Dépenses totales de santé...........9 Figure 2 Hôpitaux de court séjour, nombre de lits pour 1 000 habitants.............10
Figure 3 Effectifs (en personnel) disponibles par lit occupé (ensemble des hôpitaux, sauf psychiatriques).........................................................11 Figure 4 Densité (nombre de personnes) du personnel infirmier pour 1 000 habitants.............................................................................12
Figure 5 Dépenses hospitalières/Dépenses totales de santé..................................14 Figure 6 Dépenses en soins ambulatoires/Dépenses totales de santé....................14 Figure 7 Dépenses en produits pharmaceutiques/Dépenses totales de santé..........15 Figure 8 Autres dépenses/Dépenses totales de santé............................................16
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 9 Dépenses hospitalières/PIB...................................................................18 Figure 10 Dépenses hospitalières en soins aigus/PIB.............................................19 Figure 11 Corrélation entre le taux d’admission et le nombre de lits pour 1 000 habitants.............................................................................20
Figure 12 Corrélation entre la durée de séjour et le nombre de lits pour 1 000 habitants.............................................................................21
Figure 13 Corrélation entre le taux d’occupation et le nombre de lits pour 1 000 habitants.............................................................................22
Tableau
Tableau 1 Principaux modes de paiement des hôpitaux dans les pays de l’OCDE.......................................................................................8
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Geoffroy Scott – Comparaisons internationales du secteur hospitalier
Description des principaux modes de paiement des hôpitaux
Il paraît essentiel de décrire les principaux modes de paiement des hôpitaux, afin d’aider le lecteur à comprendre les facteurs qui ont un impact majeur sur le secteur hospitalier. En effet, les mesures incitatives peuvent varier beaucoup selon le mode de paiement ; à partir de sommes identiques, les différents modes de paiement influeront diversement sur la réalisation des objectifs d’équité, de productivité, d’efficacité et de contrôle des coûts (Rhéault, 1995). D’autre part, dans le secteur public, le mode de paiement relève avant tout du processus budgétaire, c’est-à-dire de la redistribution de fonds publics vers les établissements. Il y a cinq modes de paiement principaux auxquels l’État peut recourir pour financer les activités des établissements hospitaliers (Rhéault, 1995) : – le paiement par budget global, où l’organisation reçoit une somme globale pour l’ensemble de ses activités ; – le paiement à la capitation, où l’organisation reçoit un versement qui est fonction du nombre de personnes à servir ; – le paiement par épisode de soins, où l’organisation reçoit un versement qui est fonction de la complexité et de l’intensité des services prévus ; – le paiement à l’acte, qui fait référence aux remboursements effectués par un tiers payant ou par le gouvernement, en fonction du nombre d’actes posés. Plus préci sément, le paiement s’effectue de façon rétroactive, et le montant versé correspond au nombre d’actes effectués, multiplié par les prix correspondants ; – le paiement per diem, où un montant (habituellement fixe) est versé à l’organi sation en vertu d’un contrat de services. Enfin, le tableau 1 présente les principaux modes de paiement utilisés dans les pays de l’OCDE. Il montre qu’un pays peut utiliser plusieurs modes de paiement, mais que la grande majorité des pays privilégient la méthode du budget global.
Analyse comparative des dépenses d’hospitalisation de court séjour La part des hôpitaux de court séjour dans les dépenses totales de santé a-t-elle diminué à l’échelle internationale ?
Les dépenses des hôpitaux de court séjour représentent environ 80 % des dépenses hospitalières. Cependant, les compressions budgétaires des dernières années semblent avoir entraîné une rationalisation des ressources affectées aux hôpitaux de court séjour dans les pays de l’OCDE. Afin de bien vérifier cette tendance, l’analyse porte également sur un ratio des ressources matérielles et un ratio des ressources humaines.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 1 Principaux modes de paiement des hôpitaux dans les pays de l’OCDE
Paiement Paiement Paiement Paiement Paiement par budget à la par épisode à l’acte per diem global capitation de soins
Allemagne X Australie X Belgique X Canada X Danemark X Espagne X États-Unis X X Finlande X France X Grèce Irlande X Italie X Japon X Luxembourg Nouvelle-Zélande X Norvège X X Pays-Bas X Portugal X Royaume-Uni X Suède X Suisse Turquie X
X
X
X
X X
Source : Contandriopoulos et al., 1993.
Les dépenses des hôpitaux de court séjour
Il y a d’abord lieu d’examiner la part des hôpitaux de court séjour dans les dépenses totales de santé. Ce ratio indique la proportion des dépenses totales de santé affectée aux hôpitaux de court séjour depuis 1980. Le calcul de ce premier ratio (figure 1) repose sur deux définitions différentes. Premièrement, selon les données de l’OCDE, la part de l’hospitalisation de court séjour dans les dépenses totales de santé a diminué au Canada (passant de 40,9 % en 1980 à 38,7 % en 1992), ainsi que dans l’ensemble des pays de l’OCDE (passant de 40,01 % en 1980 à 34,8 % en 1992). Toutefois, cette baisse a été plus modeste au Canada que dans l’ensemble des pays de l’OCDE.
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Geoffroy Scott – Comparaisons internationales du secteur hospitalier
Figure 1 Dépenses des hôpitaux de court séjour/Dépenses totales de santé 44
dépenses totales de santé (%)
42 40
Canada (1)
38 OCDE 36 34 Canada (2)
32 30
1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 années
Deuxièmement, d’après le Rapport annuel des établissements de santé (1995), qui traite des dépenses des hôpitaux canadiens, la part des hôpitaux de court séjour dans l’ensemble des dépenses de santé du Canada est moins élevée que la moyenne correspondante des pays de l’OCDE, l’écart étant de 4 % à 5 %. Cependant, et c’est là la principale constatation, la part des hôpitaux de court séjour dans les dépenses totales de santé est en recul au Canada, passant de 34,2 % en 1980 à 31,5 % en 1991. Deux constatations s’imposent concernant les dépenses d’hospitalisation de court séjour : • Malgré l’écart d’environ 8 % entre les résultats obtenus à partir des deux définitions de base, la part des hôpitaux de court séjour dans les dépenses totales de santé tend à diminuer au fil des ans. • Dans tous les pays étudiés, l’hospitalisation de court séjour demeure le secteur de dépenses dominant de la santé, quelle que soit la définition de base des soins hospitaliers (OCDE, 1993). Dans les comparaisons, l’accent devrait cependant porter sur les tendances plutôt que sur les valeurs absolues.
Les ressources matérielles
Le ratio du nombre de lits pour 1 000 habitants est une excellente indication de l’offre de lits dans un pays. La figure 2 montre que le nombre de lits pour 1 000 habitants
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a diminué au Canada et dans l’ensemble des pays de l’OCDE1. De fait, au Canada, l’offre de lits de court séjour est passée de 4,6 à 3,9 lits pour 1 000 habitants entre 1980 et 1991, et dans l’ensemble des pays de l’OCDE, elle est passée en moyenne de 5,4 à 4,6 lits pour 1 000 habitants entre 1980 et 1992.
Figure 2 Hôpitaux de court séjour, nombre de lits pour 1 000 habitants 6,0
5,5
/1 000 habitants
OCDE 5,0
Canada 4,5
4,0
3,5 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 années
Le Canada possède donc moins de lits pour 1 000 habitants que la moyenne des pays de l’OCDE. De plus, la technologie médicale et les contraintes financières sont les principaux facteurs qui ont mené à la rationalisation de l’offre de lits (OCDE, 1993).
Les ressources humaines
Deux ratios donnent une bonne idée du niveau de ressources humaines affectées aux soins hospitaliers par lit. Toutefois, puisqu’un bon nombre de lits sont inoccupés (environ 20 % au Canada et 30 % aux États-Unis en moyenne, durant l’année), le
1. Les chiffres de 1980 à 1987 proviennent de l’Institut canadien d’information sur la santé, et non de l’OCDE. Ils ont été ajustés en fonction des données de 1988 à 1991, car les chiffres récents correspondent au nombre de lits approuvés dans les unités de courte durée de tous les hôpitaux.
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personnel par lit occupé est un ratio plus révélateur (figure 3) ; c’est pourquoi il est retenu. À noter que tous les types d’établissement, sauf les établissements psychia triques, sont inclus dans ce ratio.
Figure 3 Effectifs (en personnel) disponibles par lit occupé (ensemble des hôpitaux, sauf psychiatriques) 3,5
3,0
nombre par lit
Canada
2,5
OCDE 2,0
1,5 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 années
Les effectifs disponibles par lit occupé ont augmenté au Canada et dans l’ensemble des pays de l’OCDE depuis 1980. En effet, au Canada, le taux est passé de 2,56 en 1980 à 3,31 en 1990, et dans l’ensemble des pays de l’OCDE, il a grimpé de 1,8 en 1980 à 2,4 en 1992. Quant au second ratio, à savoir la taille du personnel infirmier pour 1 000 ha bitants, la figure 4 montre qu’il a augmenté, lui aussi, dans les pays de l’OCDE (passant de 5,3 en 1980 à 6,8 en 1991) et au Canada (passant de 9,6 en 1980 à 11,2 en 1991). De plus, comme ces chiffres permettent de le constater, le personnel infirmier est près de deux fois plus nombreux au Canada que dans l’ensemble des pays de l’OCDE.
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Figure 4 Densité (nombre de personnes) du personnel infirmier pour 1 000 habitants
nombre de personnes/1 000 habitants
12
Canada
10
8 OCDE 6
4 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 années
Le Canada semble posséder plus de personnel par lit occupé que la moyenne des pays de l’OCDE, mais ces chiffres doivent être interprétés avec circonspection ; quelques précisions permettent d’élucider l’écart. Le personnel hospitalier dispense des soins aux malades hospitalisés et aux malades externes. L’augmentation du personnel par lit reflète, du moins en partie, l’accroissement des soins ambulatoires (le numérateur du ratio correspond à l’ensemble du personnel hospitalier, tandis que le dénominateur s’applique seulement aux malades hospitalisés). De plus, la diminution de la durée de séjour dans les hôpitaux de court séjour, les conventions collectives et le développement de la chirurgie d’un jour peuvent expliquer le niveau élevé des effectifs disponibles par lit. Bref, un ratio élevé n’est pas nécessairement synonyme d’une mauvaise allocation des ressources à l’intérieur de l’hôpital.
Conclusion
Ainsi, la part des hôpitaux de court séjour dans les dépenses totales de santé a diminué, malgré l’augmentation des effectifs disponibles et du personnel infirmier par lit. Le nombre de lits pour 1 000 habitants a baissé, en valeur absolue, depuis 1980. Les contraintes budgétaires imposées aux hôpitaux de court séjour semblent avoir entraîné une réduction des dépenses et de l’offre de lits dans ce secteur. Il serait toutefois intéressant d’établir l’impact de ces réductions sur les performances sanitaires.
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Par ailleurs, les données révèlent un arbitrage entre le nombre de lits d’hôpital de court séjour pour 1 000 habitants (figure 2) et les effectifs (en personnel) dispo nibles par lit occupé (figure 3). Il semble en effet que les pays (comme le Canada) qui possèdent proportionnellement moins de lits d’hôpital de court séjour les utilisent plus intensément et y consacrent plus de ressources humaines. Par conséquent, on pourrait émettre l’hypothèse suivante (qui reste toutefois à vérifier) : la fonction curative des soins de santé est plus grande lorsqu’un pays possède proportionnellement moins de lits d’hôpital.
En contrepartie, quelles composantes du secteur de la santé ont vu leur part des dépenses totales augmenter ?
Si la part des hôpitaux de court séjour dans l’ensemble des dépenses de santé a diminué, il s’ensuit que la part d’autres composantes du système de santé a augmenté. Afin de vérifier ce postulat et d’examiner l’évolution de la composition des dépenses, nous donnons aux dépenses totales de santé la définition suivante : Dépenses totales de santé = Dépenses hospitalières + Dépenses en soins ambulatoires + Dépenses en produits pharma ceutiques + Autres dépenses. Toutes ces composantes sont analysées, afin de relever celles qui ont affiché une hausse depuis 1980. Tout comme à la question 1 (voir p. 7), une comparaison est établie entre le Canada et l’ensemble des pays de l’OCDE. La figure 5 montre assez clairement que les dépenses hospitalières ont baissé consi dérablement au Canada, ainsi que dans l’ensemble des pays de l’OCDE. En effet, la part des dépenses hospitalières2 dans les dépenses totales de santé est passée, au Canada, de 53 % en 1982 à 49 % en 1991 et, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, de 51 % en 1980 à 48 % en 1991. Cette baisse était toutefois prévisible, étant donné la diminution des dépenses d’hospitalisation de court séjour signalée à la section précédente. Le Canada dépense proportionnellement un peu plus que l’ensemble des pays de l’OCDE en soins hospitaliers, mais ses dépenses hospitalières suivent néanmoins la tendance générale marquée à la baisse. L’hospitalisation de court séjour, qui représente environ 80 % des dépenses hospitalières, a exercé de fortes pressions à la baisse sur cette catégorie de dépenses, alors que, fait étonnant, la part de l’hospitalisation de long séjour n’a pas augmenté (sauf dans le cas des soins à domicile). En ce qui a trait aux soins ambulatoires (figure 6), leur part dans les dépenses totales de santé n’a pas augmenté au Canada depuis 1980, soit environ 22 %, alors que dans l’ensemble des pays de l’OCDE elle a augmenté légèrement au cours de la même période – hausse constante depuis environ huit ans selon toute apparence. À ce chapitre, le Canada semble dépenser proportionnellement 5 % de moins que l’ensemble des pays de l’OCDE. La cause de cet écart est difficile à cerner avec pré
2. La catégorie des dépenses hospitalières est plus générale que celle des dépenses d’hos pitalisation de court séjour, car elle englobe les dépenses de tous les types d’établissement (voir le glossaire).
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Figure 5 Dépenses hospitalières/Dépenses totales de santé 54
dépenses totales de santé (%)
Canada 52 OCDE 50
48
46 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 années
Figure 6 Dépenses en soins ambulatoires/Dépenses totales de santé 28
dépenses totales de santé (%)
OCDE 26
24 Canada 22
20 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 années
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cision, mais elle est peut-être attribuable, en partie du moins, au fait que la réforme de la santé a été amorcée plus tard au Canada. Les dépenses en produits pharmaceutiques (figure 7) ont beaucoup augmenté au Canada, leur part des dépenses totales de santé passant de 9 % à 14 % entre 1989 et 1991. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la part des produits pharmaceutiques est restée constante, soit un peu moins de 14 % des dépenses totales de santé. Malgré la forte hausse des dépenses pharmaceutiques enregistrée au Canada depuis à peine dix ans, leur part des dépenses totales de santé est à peu près la même que dans l’ensemble des pays de l’OCDE. La montée en flèche de ces dépenses au cours de la dernière décennie serait notamment attribuable à la prédominance du financement privé (Evans, 1993).
Figure 7 Dépenses en produits pharmaceutiques/Dépenses totales de santé
dépenses totales de santé (%)
16
OCDE
14
12
10 Canada
8 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 années
Enfin, l’analyse porte sur le dernier élément des dépenses totales de santé, c’està-dire les « autres dépenses » (figure 8). Cette catégorie de dépenses comprend, entre autres, les appareils thérapeutiques, la recherche-développement, l’administration de la santé, ainsi que les investissements médicaux. Leur part dans les dépenses totales de santé a diminué dans l’ensemble des pays de l’OCDE aussi bien qu’au Canada ; entre 1980 et 1991, elle est passée de 18,9 % à 16,4 % dans l’ensemble des pays de l’OCDE, et de 16,4 % à 15,4 % au Canada. À souligner que la baisse a été plus forte
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dans l’ensemble des pays de l’OCDE qu’au Canada. On peut en déduire que la rationalisation des dépenses de cette catégorie a été plus marquée dans l’ensemble des pays de l’OCDE qu’au Canada. Figure 8 Autres dépenses/Dépenses totales de santé 22
dépenses totales de santé (%)
OCDE 20
18 Canada 16
14 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 années
Conclusion
Il y a plusieurs façons de définir ou de classer les dépenses totales de santé. La méthode utilisée dans la présente analyse fait ressortir les grands agrégats des dépenses totales de santé. Elle n’est pas exhaustive, mais elle donne une bonne vue d’ensemble de la question. Le Canada et les autres pays de l’OCDE ont un point en commun ; ils affichent tous une baisse proportionnelle considérable de leurs dépenses hospitalières. Une rationalisation se serait donc produite dans ce secteur, où il reste à explorer d’autres moyens de réformer les modes de prestation des soins de santé. Par ailleurs, si la part des soins ambulatoires dans les dépenses totales de santé est restée relativement stable au Canada et dans l’ensemble des pays de l’OCDE, les dépenses pharmaceutiques du Canada ont grimpé en flèche. En effet, elles ont presque doublé en dix ans, et se rapprochent maintenant de la moyenne des pays de l’OCDE. Que penser de tout cela ? On peut en tirer deux conclusions :
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• Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la diminution de la part des soins hospi taliers dans les dépenses totales de santé s’accompagne d’une augmentation de la part des soins ambulatoires et de celle des « autres dépenses ». • Au Canada, le secteur des produits pharmaceutiques semble avoir absorbé toute la réduction proportionnelle des dépenses hospitalières. La cause de cette tendance n’est pas claire, mais l’absence d’un régime public national d’assurancemédicaments a peut-être joué un rôle (les autres pays de l’OCDE possèdent un tel régime). Une brève revue de la documentation sur les dépenses de santé confirme ces observations. Le Conseil de la santé et du bien-être (1995) signale que les dépenses qui ont le plus augmenté au Québec au cours des dix dernières années sont les dépenses pharmaceutiques et médicales.
Les pays les plus riches dépensent-ils proportionnellement plus que d’autres pays en hospitalisation de court séjour ?
Pour répondre à cette question, une régression linéaire simple a été calculée à partir des variables en cause, puis vérifiée à un intervalle de confiance de 99 %. L’indice retenu pour cette comparaison est celui de la parité du pouvoir d’achat par habitant, car il donne une bonne estimation de l’allocation des ressources. Ces corrélations reposent sur les données de 1991 (figures 9 et 10). Le résultat obtenu est significatif 3 (r2 = 0,618425), c’est-à-dire qu’il existe un lien entre la richesse d’un pays et la taille de ses dépenses d’hospitalisation de court séjour. Par exemple, les États-Unis ont le PIB par habitant le plus élevé (21 574 $) et dépensent le plus par habitant en hospitalisation de court séjour (935 $). Par ailleurs, l’Espagne a le PIB par habitant le moins élevé (12 740 $) et dépense le moins, après le Royaume-Uni, en hospitalisation de court séjour (392 $). De même, il existe un lien entre le PIB d’un pays et la taille de l’ensemble de ses dépenses hospitalières. Bien que la corrélation soit moins forte (r2 = 0,234265) que dans le cas des seuls hôpitaux de court séjour, elle est tout de même significative à un intervalle de confiance de 95 %. D’autres études appuient indirectement cette constatation. Il existe en effet une forte corrélation entre le niveau des dépenses médicales d’un pays et le montant des ressources qu’il produit ou qui est disponible pour la consommation et l’investissement (OCDE, 1993). Cette corrélation semble même augmenter au fil des ans. Il s’est donc produit une escalade des coûts des soins de santé à l’époque où tous les nouveaux besoins étaient comblés (Evans, 1993). Enfin, il est à noter, aux figures 9 et 10, que la position du Canada au-dessus de la droite indique des dépenses hospitalières supérieures au niveau prévu, compte tenu de son PIB par habitant. C’est l’inverse dans le cas d’autres pays, tels le Royaume-Uni et l’Allemagne.
3. Une description détaillée des calculs est présentée à l’annexe 3.
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Figure 9 Dépenses hospitalières/PIB
dépenses hospitalières – Val/per, px crt ($PPa)
1400 États-Unis
1300 1200 1100
Coefficient de corrélation : 0,466 pente de la droite : 0,03 Suisse
1000 Norvège
900
Canada Islande
800 Pays-Bas
700
Finlande
600
Italie France Danemark Australie Allemagne
Nouvelle-Zélande
500
Royaume-Uni
400
Belgique Autriche
Luxembourg
Espagne
300 200 6000
Grèce
8000 10000 12000 14000 16000 18000 20000 22000 24000 26000 Produit intérieur brut – Val/per, px crt ($PPa)
Source : ECO-SANTÉ OCDE CREDES/OCDE Version no 3.6 (1995).
Conclusion
On peut en déduire que les pays les plus riches (selon leur PIB par habitant) ont très souvent un niveau élevé de dépenses hospitalières, et particulièrement de dépenses d’hospitalisation de court séjour. Deux constatations se dégagent des données : • Les dépenses en soins et services hospitaliers (de même que le volume de soins et de services) augmentent lorsque le PIB par habitant augmente. • Les soins et services hospitaliers (tout comme les soins de santé) deviennent un bien de luxe, du fait que leur consommation est plus forte dans les pays les plus riches.
Le volume des ressources physiques a-t-il un impact sur la consommation de soins d’hospitalisation de court séjour ?
L’analyse de l’utilisation des hôpitaux de court séjour repose sur trois indicateurs: le taux d’admission, la durée de séjour et le taux d’occupation. La méthodologie est la même que celle qui a été utilisée pour répondre à la question 3 (voir p. 17) ; des régressions linéaires simples ont été calculées à partir des variables en cause, mais vérifiées à un
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Figure 10
dépenses hospitalières en soins aigus – Val/per, px crt ($PPa)
Dépenses hospitalières en soins aigus/PIB 1 000 États-Unis
900 Coefficient de corrélation : 0,786 pente de la droite : 0,06
800
France
700
Canada
Islande
Suisse
600 500 Nouvelle-Zélande
Australie Pays-Bas
400 Espagne
300
Danemark
Royaume-Uni
Finlande
200 12 000 13 000 14 000 15 000 16 000 17 000 18 000 19 000 20 000 21 000 22 000 Produit intérieur brut – Val/per, px crt ($PPa)
Source : ECO-SANTÉ OCDE CREDES/OCDE Version no 3.6 (1995).
intervalle de confiance d’au moins 95 %. Les données sur le taux d’admission et le taux d’occupation sont de 1989, tandis que celles sur la durée de séjour sont de 1991. Il semble d’abord y avoir un lien entre le taux d’admission et l’offre de lits (nombre de lits pour 1 000 habitants), mais la corrélation est « faible », car elle est significative à 90 % et non à 95 % (r2 = 0,150161). On peut en conclure que le taux d’admission des hôpitaux de court séjour est moins influencé par l’offre de lits que les autres indicateurs (figure 11). De fait, les restrictions des dépenses, la recherche de la qualité, le progrès technique et les populations vieillissantes, sans accroissement de ressources, sont tous des facteurs qui peuvent influer sur le taux d’admission des hôpitaux de court séjour (OCDE, 1993). Par ailleurs, la durée de séjour dans les hôpitaux de court séjour est, elle, fortement influencée par l’offre de lits (figure 12). Puisque r2 = 0,489 et que la variable est significative à un intervalle de confiance de 99 %, on peut en déduire que l’augmentation de l’offre de lits allonge la durée de séjour. Il est cependant à noter que les pays où la durée de séjour est courte (notamment le Royaume-Uni, le Danemark et le Japon) investissent davantage dans les soins à domicile. Une meilleure intégration
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Figure 11 Corrélation entre le taux d’admission et le nombre de lits pour 1 000 habitants
Court séjour : admission – % de la population
24 Australie
22 Coefficient de corrélation : 0,494 pente de la droite : 1,52
20
Autriche
Danemark France
Islande
Luxembourg Allemagne
18 Royaume-Uni
16
Finlande
Belgique
Norvège Canada
Irlande
14
Suède
Suisse
États-Unis
12 Portugal
10
Pays-Bas
Espagne
8 2
3
4
5
6
7
8
soins aigus : lits – lits/1000 habitants Source : ECO-SANTÉ OCDE CREDES/OCDE Version no 3.6 (1995).
des ressources consacrées aux soins de longue durée pourrait expliquer ce phénomène. D’ailleurs, une étude effectuée par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec abonde dans le même sens :
[…] la chirurgie d’un jour est beaucoup plus développée en ColombieBritannique qu’au Québec ; de plus, les durées de séjour sont plus courtes, les sommes consacrées pour les soins de maintien à domicile des personnes âgées, plus importantes, et le gouvernement investit plus qu’ici dans les logements sociaux adaptés aux personnes âgées (Turgeon, 1995).
Quant au taux d’occupation, il semble, lui aussi, lié à l’offre de lits (figure 13). Bien que la corrélation soit moins forte que celle qui a été relevée entre la durée de séjour et l’offre de lits, elle est éloquente (r2 = 0,280 et la variable est significative à un intervalle de confiance de 95 %). Une forte offre de lits aurait donc pour corol laire un taux d’occupation élevé. Mais la prudence s’impose, car des taux plus élevés peuvent masquer des capacités excédentaires de même ampleur, lorsque la durée de
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Figure 12 Corrélation entre la durée de séjour et le nombre de lits pour 1 000 habitants
soins aigus : durée de séjour – durée de séjour
14 Suisse
13
Allemagne
Coefficient de corrélation : 0,741 pente de la droite : 1,32
12
Pays-Bas
11
Luxembourg Autriche
10 Espagne
9
Portugal
8
Canada
Norvège États-Unis Irlande Danemark Suède
7 6 Royaume-Uni
5
Belgique Finlande France Islande
Australie
Turquie
4 1
2
3
4
5
6
7
8
soins aigus : lits – lits/1000 habitants Source : ECO-SANTÉ OCDE CREDES/OCDE Version no 3.6 (1995).
l’hospitalisation est plus longue que nécessaire ou lorsqu’elle est motivée par des carences des équipements sociaux (OCDE, 1993). Dans l’ensemble, ces constatations appuient la thèse selon laquelle une forte offre de lits stimule la consommation de soins d’hospitalisation de court séjour. Parallèlement, le concept de la demande induite, selon lequel la demande en soins et services de santé est influencée principalement par l’offre en soins et services disponible sur le marché (Evans, 1984), semble plausible, à la lumière de ces observations. Par ailleurs, l’offre de lits ne saurait conditionner à elle seule la consommation de soins d’hospitalisation de court séjour. D’autres facteurs ont également un impact majeur sur cette consommation. Par exemple, le financement des hôpitaux par budget global incite ceux-ci à accroître la durée de séjour et à freiner le taux d’admission, tandis que le financement par volume prospectif de cas, axé sur les groupes homogènes de malades (Diagnosis Related Group – DRG), les incite à diminuer la durée de séjour et à accroître le taux d’admission (Schieber et al., 1991). Dans ce cas, les caractéristiques mêmes du processus budgétaire influencent la productivité des soins et services des établissements hospitaliers.
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Figure 13 Corrélation entre le taux d’occupation et le nombre de lits pour 1 000 habitants
soins aigus : occupation – Taux d’occupation (%)
86
Allemagne
Irlande
84
Belgique
82
Autriche
Danemark
80
Suisse
Luxembourg
Canada
78
France
Finlande
Norvège
76
Coefficient de corrélation : 0,491 pente de la droite : 2,33
Espagne
74
Pays-Bas
72 Australie Islande
70 68 États-Unis Portugal
66 3
4
5
6
7
8
soins aigus : lits – lits/1000 habitants Source : ECO-SANTÉ OCDE CREDES/OCDE Version no 3.6 (1995).
Synthèse et conclusion
Cette analyse comparative visait à cerner les principales tendances de l’hospitalisation de court séjour au sein des pays de l’OCDE. Étant donné l’ampleur et la complexité du sujet, l’analyse a porté principalement sur les dépenses et la consommation de soins dans cette composante du système hospitalier. Les tendances suivantes se dégagent des résultats : • La part des hôpitaux de court séjour dans les dépenses totales de santé a diminué au Canada et dans l’ensemble des pays de l’OCDE depuis 1980. Le nombre de lits pour 1 000 habitants a également diminué au cours de la dernière décennie. La réduction des budgets des hôpitaux de court séjour semble avoir provoqué une diminution des dépenses et de l’offre de lits. • Les effectifs disponibles et le personnel infirmier par lit ont augmenté depuis 1980. Toutefois, un ratio élevé n’est pas nécessairement synonyme d’une mauvaise allocation des ressources à l’intérieur de l’hôpital. • La baisse de la part des soins hospitaliers dans les dépenses totales de santé du Canada et de l’ensemble des pays de l’OCDE se traduit nécessairement par une
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augmentation de la part d’autres secteurs de dépenses. En effet, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, ce sont les dépenses en soins ambulatoires et les « autres dépenses » qui ont augmenté proportionnellement, tandis qu’au Canada ce sont les dépenses pharmaceutiques. • Les dépenses en soins et services hospitaliers (de même que le volume de soins et services) augmentent lorsque le PIB par habitant augmente. Il y a donc lieu, pour les pays les plus riches, de plafonner leurs dépenses hospitalières s’ils veulent les ramener à un pourcentage raisonnable de leur PIB. • Une forte offre de lits semble stimuler la consommation de soins d’hospitalisation de court séjour. Ces constatations ont cependant une portée limitée, car les variables observées reflètent une vision incomplète de la réalité. De fait, des variables telles que les modes de paiement des hôpitaux, les technologies médicales et les compressions budgétaires influent beaucoup sur ces tendances. Il serait donc préférable d’adopter, autant que possible, une perspective systémique.
Geoffroy Scott est actuellement candidat au doctorat en santé publique à l’Université de Montréal. Il est déjà titulaire d’une maîtrise en administration publique de l’École nationale d’administration publique. Il a travaillé au Forum national sur la santé dans le groupe de travail « À la recherche d’un équilibre ». Ses champs d’intérêt en santé sont les comparaisons internationales, l’utilisation des services bucco-dentaires dans les pays en développement, ainsi que l’évaluation des programmes de santé.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Bibliographie (Sources citées et consultées)
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Annexes
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Annexe 1
Glossaire Les dépenses totales de santé devraient comprendre :
– la consommation finale des ménages en soins médicaux et autres dépenses de santé, y compris les biens et les services achetés par les consommateurs, de leur propre initiative, par exemple les médicaments en vente libre, ainsi que la part des soins financés ou fournis par le secteur public restant à la charge du patient ; – les services de santé fournis par le secteur public, y compris les services de santé des écoles et des forces armées ; – les investissements dans les centres de consultation, les laboratoires, etc. ; – les coûts administratifs ; – la recherche-développement, à l’exclusion des dépenses des entreprises phar maceutiques ; – la médecine du travail (souvent traitée comme une consommation inter médiaire) est comprise, dans la mesure du possible (par exemple, les dépenses des organismes d’indemnisation des travailleurs) ; – les dépenses des organismes bénévoles, le matériel médical, les appareils thérapeutiques et les services ambulanciers.
Les dépenses totales d’hospitalisation Les dépenses courantes ; sont exclues les dépenses d’investissement consacrées aux établissements de soins intra-muros, y compris les hôpitaux publics et privés (maladies aiguës, maladies chroniques, convalescence). Cette définition englobe tous les types d’établissements : hôpitaux généraux, hôpitaux spécialisés (pédiatrie, orthopédie, cancérologie, rééducation, soins prolongés), hôpitaux psychiatriques et sanatoriums.
Les dépenses totales d’hospitalisation de court séjour Les dépenses courantes des établissements accueillant des patients dont la durée de séjour moyenne est inférieure à 30 jours. Le nombre de lits de court séjour pour 1 000 habitants
Le nombre moyen de lits disponibles dans les établissements pour maladies aiguës.
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Le taux d’admission dans les hôpitaux de court séjour Le nombre d’admissions (ou de sorties) dans les hôpitaux de court séjour, divisé par la population et multiplié par 1 000.
La durée moyenne de séjour dans les hôpitaux de court séjour Le nombre de journées-lits dans les hôpitaux ou les services de soins aigus, divisé par le nombre d’admissions (ou de sorties). Le taux d’occupation des lits hospitaliers de court séjour Le nombre de lits effectivement occupés dans les hôpitaux ou les services de soins aigus, divisé par le nombre de lits disponibles et multiplié par 100. Les ratios de personnel hospitalier Les travailleurs, en équivalents temps plein, employés dans les hôpitaux, et les médecins, le personnel infirmier et les administrateurs (y compris le personnel contractuel) salariés à temps plein, divisés par le nombre de lits disponibles. Les ratios de personnel infirmier Le personnel infirmier des niveaux 1 et 2, en équivalents temps plein, employé dans les locaux des hôpitaux, divisé par le nombre de lits disponibles. Le produit intérieur brut (PIB) Le PIB est l’indicateur qu’utilisent les Nations Unies pour mesurer l’activité économique d’un pays. On exprime souvent les dépenses de santé en pourcentage du PIB, ce qui donne une idée approximative du montant que le pays consacre à la santé par rapport à la capacité de payer de la société. Le PIB et le PNB (produit national brut) sont des mesures semblables, mais elles ne sont pas identiques. Le PIB du Canada est légèrement supérieur à son PNB.
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Annexe 2
Méthodologie Une comparaison internationale est un exercice à la fois enrichissant et périlleux – enrichissant, car il permet de situer les pays les uns par rapport aux autres sur divers plans, et périlleux, car il est soumis à plusieurs limites méthodologiques. On entend par « limites méthodologiques » les différences géographiques, démographiques, politiques, culturelles et économiques entre les États, ainsi que la variabilité des définitions d’un pays à l’autre. C’est pourquoi la présente analyse comparative porte sur les hôpitaux de court séjour, car leur définition est plus uniforme d’un pays à l’autre. Il serait préférable d’adopter une perspective systémique, mais l’ambiguïté des définitions des soins parallèles et de longue durée, dans les pays de l’OCDE, interdit actuellement toute comparaison valable.
Les données de base proviennent toutes de la base de données ECO-Santé de l’OCDE. L’Organisation de coopération et de développement économiques est un organisme international qui fournit, dans différents domaines, des données sur ses 24 pays membres1. Bien que ces données soient soumises aux réserves précisées cidessus, elles donnent un bon aperçu des ressources qu’un pays consacre à son secteur hospitalier. Et c’était là le but de l’analyse. Enfin, une revue de la documentation a permis d’étoffer l’analyse en complétant les premières observations faites. La présente analyse a été vérifiée par des personnes dont l’expertise permet de porter un jugement constructif et de qualité.
1. Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie.
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Annexe 3
Calculs statistiques Dans les calculs présentés ci-dessous et effectués à l’aide du logiciel Lotus 1.2.3, la valeur « p » est la suivante : valeur de p = coefficient de X écart type de X La valeur « p » ainsi obtenue est comparée avec la table de t afin d’établir si p est significatif à un intervalle de confiance ≥ 95 % (t = 0,005). Si oui, la variable est jugée significative. Question : Les pays les plus riches dépensent-ils proportionnellement plus que les autres en hospitalisations de court séjour ? Dans le cas des hôpitaux de court séjour, le résultat est le suivant : valeur de p = 0,056978 = 4,012 0,014153 où p (4,012) est supérieur à 3,17 (t = 0,05). Il existe donc un lien significatif entre le PIB et le niveau des dépenses d’hospitalisation de court séjour. Dans le cas de l’ensemble des hôpitaux, le résultat est le suivant : valeur de p = 0,034789 = 2,2 0,015255 où p (2,2) est supérieur à 2,11 (t = 0,025). Il existe donc un lien significatif entre le PIB et le niveau des dépenses totales d’hospitalisation. Question : Le volume des ressources physiques a-t-il un impact sur la consommation de soins d’hospitalisation de court séjourt ? Dans le cas du taux d’admission, le résultat est le suivant : valeur de p = 1,169333 = 1,74 0,674681 où p (1,74) est inférieur à 2,11 (t = 0,025), mais égal à 1,74 (t = 0,05). Il existe donc un lien entre le taux d’admission et l’offre de lits (nombre de lits pour 1 000 habitants), mais il n’est pas retenu puisqu’il est significatif à 90 %, et non à 95 %. Dans le cas de la durée de séjour, le résultat est le suivant : valeur de p = 1,286521= 4,035 0,318871 où p (4,035) est supérieur à 2,90 (t = 0,05). Il existe donc un lien très significatif entre la durée de séjour et l’offre de lits (nombre de lits pour 1 000 habitants).
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Dans le cas du taux d’occupation, le résultat est le suivant : valeur de p = 2,473295 = 2,4964848 0,990699 où p (2,49) est supérieur à 2,12 (t = 0,025). Il existe donc un lien significatif entre le taux d’occupation et l’offre de lits (nombre de lits pour 1 000 habitants).
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Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Astrid Brousselle Candidate au doctorat en santé publique Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) Faculté de médecine Université de Montréal
Résumé La croissance des coûts de la santé s’observe dans tous les pays, mais on constate des variations importantes d’un pays à l’autre. On a donc cherché, dans le présent article, à mesurer les écarts entre le système de santé canadien et celui de douze autres pays de l’OCDE, et de mettre en lumière les facteurs qui expliquent ces écarts. Ont d’abord été mesurés les écarts de coûts entre les différents pays, de 1960 à 1993, et ce, à l’aide de deux indicateurs : les dépenses de santé par habitant et la part du PIB consacrée à ces dépenses. Les coûts ont aussi été comparés avec les PIB par habitant. Dans un second temps, on a tenté d’expliquer les écarts par rapport à la moyenne (courbe de régression) des dépenses. Il s’agissait de déterminer quelles caractéristiques liées au financement et à l’organisation des systèmes de santé, et à la demande de soins de santé des différents pays pouvaient expliquer ces écarts. L’analyse révèle que les dépenses de santé augmentent en fonction du développement de chaque pays. Certains pays, cependant, maîtrisent beaucoup mieux que d’autres la croissance de leurs dépenses. Par ailleurs, les différences de coûts entre les pays ne sont pas associées à des différences dans les caractéristiques épidémiologiques ou démographiques, mais relèvent plutôt de la façon dont les systèmes de santé sont organisés, financés et réglementés. Si les méthodes de réglementation macro-organisationnelles semblent jouer un rôle prépondérant, les méthodes micro-organisationnelles sont difficiles à anlyser, mais les modalités de paiement des médecins joueraient un rôle important. La maîtrise des dépenses pharmaceutiques serait également indispensable pour maîtriser le coût total du système de santé.
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Table des matières
Introduction ....................................................................................................... 41 L’évolution des dépenses dans treize pays de l’OCDE ..........................................42 Les régressions effectuées....................................................................................42 Régressions linéaires......................................................................................42 Régressions logarithmiques...........................................................................42 Analyse..............................................................................................................43 Évolution des dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant..................................................................................................43 Évolution de la part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant..................................................................................................44 Explication des écarts des dépenses en santé par rapport à la moyenne des treize pays étudiés ......................................................................................... 45 Les facteurs liés à la demande de soins...............................................................46 La population âgée de 65 ans et plus............................................................46 Le taux de mortalité par tranche de 1 000 habitants.....................................46
Les facteurs macro-organisationnels...................................................................46 Le pourcentage de financement public.........................................................47 Le nombre de sources de financement..........................................................47 Le degré de centralisation.............................................................................48 Les facteurs micro-organisationnels..................................................................49 Le secteur hospitalier....................................................................................49 Le secteur ambulatoire..................................................................................51 Le secteur médical.........................................................................................51 Les dépenses pharmaceutiques......................................................................53 Conclusion ......................................................................................................... 53 Bibliographie..........................................................................................................55 Annexe . ................................................................................................................57
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Liste des figures
Figure 1 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant pour 13 pays de l’ODE, de 1960 à 1993..............................................59 Figure 2 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant pour 13 pays de l’OCDE, de 1960 à 1993...........................................59 Figure 3 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Australie, de 1960 à 1993.....................................................60 Figure 4 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et États-Unis, de 1960 à 1993..................................................60 Figure 5 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Allemagne, de 1960 à 1993..................................................61 Figure 6 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et France, de 1960 à 1993........................................................61 Figure 7 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Japon, de 1960 à 1993.........................................................62 Figure 8 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Royaume-Uni, de 1960 à 1993............................................62 Figure 9 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Pays-Bas, de 1960 à 1993.....................................................63 Figure 10 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Suède, de 1960 à 1993.........................................................63 Figure 11 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Danemark, de 1960 à 1993..................................................64 Figure 12 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Nouvelle-Zélande, de 1960 à 1993......................................64 Figure 13 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Suisse, de 1960 à 1993.........................................................65 Figure 14 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Italie, de 1960 à 1993...........................................................65 Figure 15 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Australie, de 1960 à 1993.....................................................66 Figure 16 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et États-Unis, de 1960 à 1993..................................................66 Figure 17 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Allemagne, de 1960 à 1993..................................................67
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Figure 18 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et France, de 1960 à 1993........................................................67 Figure 19 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Japon, de 1960 à 1993.........................................................68 Figure 20 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Royaume-Uni, de 1960 à 1993............................................68 Figure 21 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Pays-Pas, de 1960 à 1993.....................................................69 Figure 22 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Suède, de 1960 à 1993.........................................................69 Figure 23 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Danemark, de 1960 à 1993..................................................70 Figure 24 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Nouvelle-Zélande, de 1960 à 1993......................................70 Figure 25 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Suisse, de 1960 à 1993.........................................................71 Figure 26 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Italie, de 1960 à 1993...........................................................71 Figure 27 Écart ei expliqué par le taux de mortalité par tranche de 1 000 habitants.................................................................................72
Figure 28 Écart ei' expliqué par le taux de mortalité par tranche de 1 000 habitants.................................................................................73
Figure 29 Écart ei expliqué par le nombre de jours d’hospitalisation par habitant...........................................................................................74 Figure 30 Écart ei' expliqué par le nombre de jours d’hospitalisation par habitant...........................................................................................75 Figure 31 Écart ei expliqué par les dépenses hospitalières exprimées en pourcentage des dépenses totales......................................................76 Figure 32 Écart ei' expliqué par les dépenses hospitalières exprimées en pourcentage des dépenses totales......................................................77 Figure 33 Écart ei expliqué par les dépenses hospitalières par habitant..................78 Figure 34 Écart ei' expliqué par les dépenses hospitalières par habitant..................79 Figure 35 Écart ei expliqué par les dépenses ambulatoires par habitant.................80 Figure 36 Écart ei' expliqué par les dépenses ambulatoires par habitant.................81
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Figure 37 Écart ei expliqué par le nombre de médecins par tranche de 1 000 habitants.................................................................................82
Figure 38 Écart ei' expliqué par le nombre de médecins par tranche de 1 000 habitants.................................................................................83
Figure 39 Écart ei expliqué par l’indice des coûts pharmaceutiques.......................84 Figure 40 Écart ei expliqué par l’indice des coûts pharmaceutiques.......................85 Liste des tableaux
Tableau 1 Scores attribués aux différentes modalités de paiement des médecins...............................................................52 Tableau 2 Résultats des régressions effectuées..................................................86
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Introduction
Devant la croissance importante des dépenses du secteur de la santé, la crise des finances publiques et l’importance que la population accorde au système de santé, tous les pays s’interrogent sur l’avenir de leur système de santé et sur les ressources qu’il faudra y consacrer. Leurs inquiétudes sont tout à fait légitimes. En effet, d’une part, la proportion du PIB que les pays de l’OCDE consacrent en moyenne à la santé est passée de 3,88 % en 1960 à 8,32 % en 1993 ; d’autre part, en 1993, les dépenses moyennes par habitant, exprimées en $PPA1 étaient plus de 17 fois supérieures à celles de 1960. Cette année-là, elles étaient de 87,14 $PPA, alors qu’en 1993 elles étaient de 1 536,91 $PPA. S’il n’est pas possible de connaître le niveau optimal des dépenses de santé, il est néanmoins possible de tirer quelques conclusions de la position d’un pays par rapport au reste des pays de l’OCDE. En effet, alors que la tendance vers l’accroissement des coûts s’observe dans tous les pays, il existe des variations importantes d’un pays à l’autre. Ce projet a pour objectif de tenter de mesurer les écarts de coûts entre le système de santé canadien et celui de 12 autres pays de l’OCDE2 et de mettre en lumière les facteurs qui expliquent ces écarts. Pour ce faire, le projet a été divisé en deux parties. La première partie consiste à mesurer les écarts de coûts entre les différents pays, de 1960 à 1993. Pour ces 33 années, deux indicateurs ont été utilisés dans l’appréciation des coûts : les dépenses de santé par habitant et la part du PIB que représentent les dépenses de santé. De plus, pour mieux comparer les coûts dans le temps et entre les pays, nous les avons mis en relation avec le PIB par habitant. Dans les deux cas, nous avons effectué une régression logarithmique. Les résultats sont représentés graphiquement et ont été analysés. Dans un deuxième temps, nous avons tenté d’expliquer les écarts par rapport à la moyenne (courbes de régression) des dépenses. Pour ce faire, nous avons calculé, pour chaque pays, à chaque année et pour chacun des deux indicateurs de coûts, les écarts entre la valeur observée et la moyenne : ei (écart des dépenses par habitant) et ei' (écart des dépenses de santé en proportion du PIB). Nous avons ensuite tenté de déterminer quelles sont les caractéristiques liées au financement, à l’organisation des systèmes de santé et à la demande en soins de santé des différents pays qui peuvent expliquer ces écarts. Nous avons utilisé la base de données ÉCO-SANTÉ3. Tous les coûts utilisés dans cette étude sont en dollars, ajustés en fonction de la parité de pouvoir d’achat ($PPA).
1. Parité de pouvoir d’achat. 2. Ce sont l’Allemagne, l’Australie, le Danemark, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, les Pays Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. 3. OCDE, 1995, Logiciel Éco-Santé, Paris, Organisation de coopération et de développement économiques.
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L’évolution des dépenses dans treize pays de l’OCDE
D’une façon générale, nous observons que, depuis 1960, les pays développés ont connu une forte croissance économique et que, parallèlement, leurs systèmes de santé se sont considérablement développés. Pour mieux comprendre l’évolution des dépenses de santé, nous avons mis en relation les indicateurs de mesure des dépenses de santé et le PIB. Dans la première analyse, nous expliquons les dépenses par habitant par le PIB par habitant et, dans la seconde, nous expliquons la part du PIB que représentent les dépenses de santé par le PIB par habitant. Afin d’observer l’évolution des dépenses, nous avons utilisé des données portant sur les années 1960 à 1993, et ce, pour les 13 pays sélectionnés. Les régressions effectuées Régressions linéaires
Dans un premier temps, nous avons tenté d’expliquer les dépenses par habitant et les dépenses en proportion du PIB grâce à une régression linéaire. Pour la première régression, qui explique les dépenses totales de santé par habitant ($PPA) par le PIB par habitant ($PPA), nous avons obtenu les résultats suivants : DÉP. TOT./hab. = 144,006 0,094 PIB/hab. ei
DF = 434 t = (70,681) R2 = 0,92 (p = 0,0001). Pour la deuxième régression, qui explique les dépenses de santé en proportion du PIB par le PIB par habitant, nous avons trouvé : DÉP. TOT./PIB = 4,715 2,395 10– 4 PIB/hab. ei'
DF = 434 t = (25,896) R2 = 0,608 (p = 0,0001). Dans les deux cas, les résultats sont significatifs. Les dépenses totales du système de santé, que celles-ci soient exprimées en $PPA par habitant ou en proportion du PIB, sont associées positivement au PIB par habitant. Cela indique que plus un pays devient riche, plus il dépense pour son système de santé. Régressions logarithmiques
Dans un deuxième temps, nous avons utilisé, pour les deux régressions, une forme logarithmique qui nous permettait d’estimer directement la valeur de l’élasticité des dépenses par rapport au revenu. La première régression, qui explique les dépenses par habitant ($PPA) par le PIB par habitant ($PPA), est : ln(DÉP. TOT./hab.) = 5,219 1,284 ln(PIB/hab.) ei
DF = 434
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t = (140,978)
R2 = 0,979 (p = 0,0001).
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La deuxième régression, qui explique la part du PIB que représentent les dépenses de santé par le PIB par habitant, est la suivante : ln(DÉP. TOT./PIB) = 0,614 0,284 ln(PIB/hab.) ei'
DF = 434 t = (31,123) R2 = 0,691 (p = 0,0001). Ces deux régressions sont significatives. L’ajustement à partir de la forme logarithmique est supérieur, dans les deux cas, à celui obtenu par des régressions linéaires. Nous avons donc conservé le modèle logarithmique pour expliquer les dépenses de santé. Analyse
Dans les deux cas, la pente de la courbe est positive, ce qui signifie que les pays dont le PIB est le plus élevé sont ceux qui dépensent le plus en valeur et ceux qui consacrent une plus grande part de leur PIB à la santé. Cependant, les courbes n’ont pas la même forme (figures 1 et 2)4. Dans le premier cas, l’élasticité des dépenses de santé par habitant par rapport au PIB par habitant est supérieure à 1. Graphiquement, cela se traduit par une courbe légèrement convexe. Ainsi, plus le PIB par habitant augmente, plus le taux de croissance des dépenses de santé croît. Donc, les dépenses de santé par habitant augmentent plus rapidement que le PIB par habitant. Dans le second cas, l’élasticité est inférieure à 1. La part du PIB affectée aux dépenses de santé augmente en fonction du PIB par habitant, mais à un rythme décroissant. La courbe a une forme concave, ce qui signifie que les pays dont le PIB est faible augmenteront, si leur PIB augmente, la part du PIB consacrée à la santé dans une plus grande proportion que les pays dont le PIB est plus élevé. Pour analyser l’évolution des dépenses de santé suivant les pays, nous avons re présenté dans chaque cas notre droite de régression et l’évolution réelle des dépenses de santé par rapport au PIB pour le Canada et l’un des 12 autres pays (figures 3 à 26). Évolution des dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant
Parmi les pays qui se situent au-dessus de la moyenne, on retrouve les États-Unis, qui se démarquent largement, ainsi que la France et le Canada, où l’évolution est semblable. De façon générale, le Canada dépense plus par habitant pour la santé, étant donné son PIB par habitant, que la moyenne des 13 pays étudiés. Il dépensait autant que la moyenne au début des années 1980. Depuis, ses dépenses de santé ont augmenté plus rapidement que la moyenne, compte tenu de sa richesse. Jusqu’en 1989, le Canada se situait au-dessus de la moyenne, mais en restait proche. Mais 4. Toutes les figures sont en annexe.
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depuis 1989, l’augmentation des dépenses par habitant s’est accentuée. Celles-ci sont passées de 1 601 $PPA par habitant en 1989 à 1 971 $PPA par habitant en 1993. Si le Canada s’était comporté comme les autres pays de l’OCDE pendant cette période, ses dépenses seraient passées de 1 601 $PPA par habitant en 1989 à 1 763 $PPA par habitant en 1993. Aux États-Unis, par contre, les dépenses par habitant ont toujours augmenté par rapport au PIB par habitant de façon plus accentuée. On assiste à un élargissement de l’écart entre les dépenses de ce pays et la moyenne. En 1993, les dépenses par habitant, aux États-Unis, étaient une fois et demie supérieures à la moyenne des dépenses des 13 pays étudiés. Depuis la fin des années 1970, les dépenses de santé par habitant, au Japon, au Royaume-Uni et au Danemark, sont inférieures à la moyenne. Jusqu’au début des années 1980, les dépenses de santé du Japon évoluaient de la même manière que la moyenne, les coûts étant cependant légèrement inférieurs. Depuis les années 1980, les dépenses de santé par habitant ont diminué et se sont écartées encore davantage de la moyenne. En 1993, le Japon dépensait 1 495 $PPA par habitant pour la santé. L’évolution des dépenses du Danemark est presque semblable à celle du Japon. Depuis la fin des années 1970, ses dépenses par habitant ont chuté encore davantage en deçà de la moyenne. Depuis 1960, le Royaume-Uni dépense moins pour la santé, par habitant, que la moyenne des 13 pays. En 1993, les dépenses de santé s’élevaient à 1 213 $PPA par habitant.
Évolution de la part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant
Tout comme pour les dépenses de santé par habitant, ce sont les mêmes pays qui se situent au-dessus de la moyenne, c’est-à-dire les États-Unis, le Canada et la France. Les États-Unis se démarquent largement. La proportion du PIB qu’ils consacrent à la santé ne cesse d’augmenter avec la hausse du PIB par habitant et continue de s’éloigner de la moyenne. En 1993, cette proportion représentait 14,12 % du PIB. Au Canada, l’évolution est beaucoup moins linéaire. Jusqu’à la fin des années 1970, le pourcentage dépensé pour la santé était supérieur à la moyenne. On observe un sommet en 1971, les dépenses de santé du Canada représentant alors 7,37 % de son PIB. Ce pourcentage ne sera atteint de nouveau qu’en 1980 et il se comparera alors à la moyenne. Depuis le début des années 1980, la part du PIB consacrée à la santé, au Canada, est supérieure à la moyenne. En 1993, elle était de 10,22 %. Quant à la France, son évolution suit la courbe moyenne, bien que la part du PIB consacrée à la santé soit supérieure à la moyenne. Au Japon, au Royaume-Uni et au Danemark, la part du PIB consacrée à la santé est inférieure à la moyenne. En 1993, le Japon consacrait 7,2 % de son PIB à la santé, et le Royaume-Uni lui consacrait 7,07 % de son PIB. De 1965 à la fin des années 1970, le Danemark a consacré à la santé une part de son PIB supérieure à la moyenne. Depuis les années 1970, cette part a diminué, s’éloignant de plus en plus de la moyenne des pays. En 1993, le Danemark consacrait 6,67 % de son PIB à la santé.
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Deux groupes se démarquent, donc, tant pour les dépenses de santé par habitant que pour la proportion du PIB consacrée à la santé : d’une part, ceux qui s’éloignent le plus de la moyenne vers le haut, soit les États-Unis, le Canada et la France, et, d’autre part, ceux qui s’éloignent le plus de la moyenne vers le bas, soit le Japon, le RoyaumeUni et le Danemark. Bien que les dépenses aient été mises en relation avec le PIB par habitant pour chaque pays, il ne semble pas qu’il soit un facteur déterminant de l’évolution des dépenses (par habitant et en proportion du PIB) et de la situation du pays par rapport à la moyenne des autres pays. En effet, s’il est vrai que le pays qui dépense le plus dans les deux cas est aussi celui dont le PIB par habitant est le plus élevé (23 358 $ en 1993), le Danemark et le Canada, dont le PIB par habitant est presque semblable, soit 19 340 $PPA et 19 271 $PPA respectivement, en 1993, ne présentent pas du tout des dépenses équivalentes pour la santé. Il serait intéressant de savoir ce qui explique ces variations par rapport à la moyenne. C’est ce que nous allons tenter de faire dans la seconde partie du rapport.
Explication des écarts des dépenses de santé par rapport à la moyenne des treize pays étudiés
À l’aide des deux régressions logarithmiques effectuées dans la première partie, nous avons calculé les écarts ei et ei'. Par « ei », nous entendons l’écart entre la situation d’un pays et la valeur moyenne des pays obtenue au moyen de la régression qui explique les dépenses par habitant par le PIB par habitant. Par « ei' », nous entendons l’écart entre la valeur estimée de la part du PIB par habitant consacrée à la santé par rapport au PIB par habitant (deuxième régression) et la valeur réelle de cette proportion pour le PIB correspondant. Les écarts sont positifs pour les pays qui se situent au-dessus des droites de régression et négatifs pour les pays qui se situent en dessous des droites de régression. Nous avons tenté de dégager les facteurs qui expliquent ces écarts. Ces facteurs peuvent être divisés en trois catégories : les facteurs liés à la demande de soins de santé, les variables macro-organisationnelles et les variables micro-organisationnelles. Dans ce dernier groupe, nous nous sommes intéressés à quatre thèmes : le secteur hospitalier, le secteur ambulatoire, le secteur médical, les dépenses pharmaceutiques. De façon générale, nous avons effectué des régressions simples et polynomiales pour expliquer respectivement ei et ei', sauf dans le cas des modalités de paiement des médecins des secteurs ambulatoire et hospitalier. Les régressions que nous avons effectuées évaluent l’importance explicative de certaines variables pour les résultats. Nous avons utilisé les données de 1989 à 1993 inclusivement pour les variables micro-organisationnelles et les facteurs liés à la demande de soins. Pour ce qui est du financement public, nous avons utilisé les données de 1960 à 1993. Les évaluations relatives au nombre de sources de financement, au degré de centralisation et aux scores de paiement des médecins se fondent sur les données de 1993. Les résultats sont présentés en annexe (tableau 2).
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Les facteurs liés à la demande de soins La population âgée de 65 ans et plus
On dit souvent que les dépenses de santé sont élevées parce que les personnes âgées représentent une part importante de la population. Nous avons évalué ce facteur. Le pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus n’explique pas les écarts des dépenses de santé. L’importance de la population âgée ne semble donc pas responsable du niveau élevé des dépenses de santé. Le taux de mortalité par tranche de 1 000 habitants
Nous avons également étudié le taux de mortalité par tranche de 1000 habitants (figures 27 et 28). Cette variable est significative dans les deux formes de régression. Elle est cependant plus significative dans le cas de la régression polynomiale : ei = 20,205 4,615 (MORT/1 000 hab.) 0,259 (MORT/1 000 hab.)2 zi
DF = 61
t = 5,792
t = 6,053
R2 = 0,439, (p = 0,0001) ei' = 20,171 4,608 (MORT/1 000 hab.) 0,259 (MORT/1 000 hab.)2 zi'
DF = 61
t = 5,787
t = 6,049
R = 0,439, (p = 0,0001) Il semble donc y avoir un lien entre la mortalité et l’importance des dépenses de santé. La courbe a une forme concave. On retrouve des pays où le taux de mortalité et où les dépenses sont faibles (Japon), des pays où le taux de mortalité comparé est moyen et les dépenses se rapprochent de la moyenne relative des pays de l’OCDE, et des pays qui présentent un taux de mortalité élevé et des dépenses de santé inférieures à celles auxquelles on pourrait s’attendre (Royaume-Uni, Danemark, Allemagne et Suède). Les États-Unis se démarquent largement du groupe, en raison du niveau important de leurs dépenses. Le Canada s’éloigne également de la courbe de régression. Il semble, étant donné son taux de mortalité, dépenser plus que la moyenne. Ce résultat illustre bien la difficulté qu’il y a à établir une relation de causalité entre l’importance des dépenses et le taux de mortalité. On peut soutenir que les dépenses de santé sont faibles parce que les besoins en soins exprimés par la mortalité sont faibles (Japon) ou encore que le taux de mortalité est élevé parce que les dépenses de santé sont trop faibles (Royaume-Uni, Danemark, etc.). 2
Les facteurs macro-organisationnels
Nous avons testé ici trois types de variables : le pourcentage de financement public, le nombre de sources de financement et le degré de centralisation. Les deux premières variables ont été testées en utilisant des régressions linéaires et polynomiales. Pour la
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dernière, nous avons comparé les moyennes des écarts des différents pays appartenant à chaque catégorie. Le pourcentage de financement public
Nous avons expliqué les écarts ei et ei' par la part que représentent les dépenses publiques dans les dépenses totales, en utilisant les données de 1960 à 1993 inclusivement. Les résultats sont les suivants : ei = 1,357 0,019 (% DÉP. PUBL.) yi
n = 426
t = 5,894
R2 = 0,076 (p = 0,0001).
ei' = 1,361 0,019 (% DÉP. PUBL.) yi' n = 426 t = 5,914 R2 = 0,076 (p = 0,0001). Ces régressions sont significatives. Elles signifient que plus la part des dépenses publiques est grande, plus les dépenses de santé sont faibles. Donc, plus l’État intervient dans le financement des dépenses de santé, moins les dépenses par habitant et la part du PIB consacrée à la santé sont importantes. Seulement, ce résultat ne se vérifie pas si on exclut les États-Unis de la base de données : ei = 0,18 4,799 10– 4 (% DÉP. PUBL.) yi
DF = 392
t = 0,104
R2 = 2,744 10– 5 (p = 0,9176).
ei' = 0,174 3,905 10– 4 (% DÉP. PUBL.) yi'
DF = 392 t = 5,914 R2 = 1,817 10– 5 (p = 0,9329). Une fois les États-Unis retirés de l’échantillon, les dépenses publiques n’expli quent plus de façon significative l’écart. Ce résultat signifie peut-être qu’il existe un seuil de dépenses privées au-delà duquel un pays ne peut plus contrôler ses dépenses. Les États-Unis auraient dépassé ce seuil. C’est en effet le pays dont la part du finan cement public est la plus faible. Sa moyenne, de 1989 à 1993, est de 42,37 %, alors que la moyenne des autres pays est de 77,3 % du financement total. De plus, les États-Unis se démarquent des autres pays par l’importance de l’écart des coûts par rapport à la moyenne. Pour les pays qui n’ont pas atteint ce seuil, le contrôle des coûts dépendrait non pas du pourcentage des dépenses privées, mais d’autres mesures de réglementation.
Le nombre de sources de financement
Nous avons recherché le nombre de sources de financement du système de santé, c’està-dire que nous avons cherché à savoir si la population ne participait qu’en payant des impôts et des taxes ou si elle participait d’une autre manière au financement des soins (primes d’assurance, cotisations patronales, paiement direct, etc.). Notre objectif était de savoir si plusieurs sources de financement contribuaient à l’augmentation des coûts.
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Pour les 13 pays étudiés, le nombre de sources de financement s’établit ainsi : Allemagne, 3 ; Australie, 3 ; Danemark, 3 ; États-Unis, 5 ; France, 3 ; Italie, 4 ; Japon, 4 ; Nouvelle-Zélande, 2 ; Pays-Bas, 4 ; Royaume-Uni, 3 ; Suède, 2 ; Suisse, 3 ; Canada, 3. Cependant, cette variable n’est pas significative.
Le degré de centralisation
À l’aide des descriptions de leur système de santé, nous avons regroupé les pays en fonction de leur organisation : régime centralisé ou régime décentralisé. Un régime est centralisé lorsqu’un seul palier de gouvernement effectue le prélèvement de fonds et que le versement des fonds se fait directement du palier central aux prestataires de soins, sans intermédiaires régionaux. Il existe deux formes de décentralisation : la décentralisation administrative et la décentralisation politique. Il y a décentralisation administrative quand il n’y a qu’un palier de prélèvement, mais que les fonds sont redistribués à divers paliers régionaux ou locaux avant d’être versés aux prestataires de soins. Il y a décentralisation politique quand il existe divers paliers de prélèvement (municipalités, régions, État) et que la redistribution se fait également vers des paliers régionaux et locaux. Nous avons utilisé ces groupes pour effectuer des analyses de variance. Les États-Unis sont exclus du groupe. Leur forme d’organisation est réglementé et ne constitue donc pas une forme de décentralisation.
Test d’analyse de variance de ei pour la centralisation Catégories
Effectifs
Moyenne
Test de F
Centralisé
3
– 0,250
0,102
Décentralisé
9
– 0,445
prob = 0,7558
Test d’analyse de variance de ei' pour la centralisation Catégories
Effectifs
Moyenne
Test de F
Centralisé
3
– 0,249
0,103
Décentralisé
9
– 0,445
prob = 0,7545
Comme on peut le constater, il n’existe pas de différence significative entre les régimes centralisés et les régimes décentralisés, tant pour ei que pour ei'.
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Test d’analyse de variance de ei pour le type de décentralisation Catégories
Effectifs
Moyenne
Test de F
Décentralisation administrative
3
– 0,679
0,301
Décentralisation politique
6
– 0,328
prob = 0,6005
Test d’analyse de variance de ei' pour le type de décentralisation Catégories
Effectifs
Moyenne
Test de F
Décentralisation administrative
3
– 0,678
0,299
Décentralisation politique
6
– 0,329
prob = 0,6014
Ici non plus nous n’avons pas trouvé de différence significative entre les deux types de décentralisation, tant pour ei que pour ei'. On ne peut donc établir aucun lien entre le contrôle des dépenses de santé et le degré de centralisation. Les facteurs micro-organisationnels
Nous nous sommes intéressés à trois secteurs : les secteurs hospitalier et médical et les dépenses pharmaceutiques. Dans la mesure du possible, nous avons utilisé des variables reflétant les quantités et d’autres reflétant les prix.
Le secteur hospitalier
Nous avons tenté de déterminer si le nombre de lits par tranche de 1 000 habitants et le nombre de jours d’hospitalisation par habitant pouvaient expliquer un écart important des dépenses de santé. Seule la dernière variable, soit le nombre de jours d’hospitalisation par habitant, s’est révélée significative, et seulement dans la forme linéaire : ei = 0,554 0,340 (JOURS HOSP./hab.) zi
DF = 62
t = 2,129
R2 = 0,069 (p = 0,0373).
ei' = 0,554 0,340 (JOURS HOSP./hab.) zi' DF = 62 t = 2,131 R2 = 0,069 (p = 0,0372). Ainsi, plus le nombre de jours d’hospitalisation est élevé, plus les dépenses de santé sont faibles. Cependant, ce résultat étonnant ne l’est plus quand on observe la situation des États-Unis. Encore une fois, ce pays est tout à fait à l’écart du groupe. Si
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on le retire de l’échantillon, les régressions linéaires ne sont plus significatives (pour ei, R2 = 0,006, p = 0,5747 ; pour ei', R2 = 0,006, p = 0,5756). Cela s’explique par le fait que les États-Unis ont le nombre de jours d’hospitalisation le plus faible, alors que les coûts de leur système de santé sont les plus élevés. Leur situation est telle qu’elle fausse les résultats des régressions. Ce n’est qu’une fois les États-Unis exclus que les régressions polynomiales de viennent significatives : ei = 6,817 4,901 (JOURS HOSP./hab.) 0,87 (JOURS HOSP./hab.)2 zi
DF = 57
t = 5,1
t = 5,055
R2 = 0,321, (p = 0,0001) ei' = 6,806 + 4,893 (JOURS HOSP./hab.) 0,868 (JOURS HOSP./hab.)2 zi' DF = 57
t = 5,095
t = 5,051
R = 0,321, (p = 0,0001) Il semble donc qu’il y ait un lien entre le nombre de jours d’hospitalisation par habitant et le niveau de dépenses. Les pays qui se situent aux deux extrêmes pour les jours d’hospitalisation (maximum : Japon ; minimum : Royaume-Uni, Danemark) sont ceux dont les dépenses sont les plus faibles. Les pays se situant autour de la moyenne des treize sont ceux dont les dépenses sont les plus élevées (figures 29 et 30). Sur le plan des dépenses, nous avons testé la part que représentent les dépenses hospitalières dans les dépenses totales, ainsi que les dépenses hospitalières par habitant. Dans le premier cas, seules les régressions polynomiales se sont révélées si gnificatives (figures 31 et 32) : ei = 17,427 0,783 (DÉP. HOSP./DÉP. TOT.) 0,009 (DÉP. HOSP./DÉP. TOT.) 2 zi 2
DF = 54
t = 4,903
t = 5,011
R2 = 0,33, (p = 0,0001) ei' = 17,402 0,782 (DÉP. HOSP./DÉP. TOT.) 0,009 (DÉP. HOSP./DÉP. TOT.) 2 zi'
DF = 54
t = 4,899
t = 5,006
R = 0,329, (p = 0,0001) Ces courbes sont concaves. Aux deux extrêmes on retrouve le Japon (faible part des dépenses totales consacrée aux dépenses hospitalières et écarts négatifs) et le Danemark (part importante des dépenses totales consacrée aux dépenses hospitalières et faibles écarts). De façon générale, les pays semblent bien s’aligner sur la courbe de régression. Seuls les États-Unis et le Royaume-Uni se démarquent, les États-Unis affichant des dépenses très élevées, et le Royaume-Uni, des dépenses faibles. 2
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Dans le cas des dépenses hospitalières par habitant, les deux formes de régression se sont révélées significatives. La régression polynomiale semble avoir un ajustement légèrement meilleur. C’est pourquoi nous avons choisi de l’utiliser (figures 33 et 34) : ei = 2,909 0,003 (DÉP. HOSP./hab.) 4,909 10– 7 (DÉP. HOS.P/hab.)2 zi
DF = 54
t = 1,824
t = 0,485
R2 = 0,71, (p = 0,0001) ei' = 2,906 0,003 (DÉP. HOSP./hab.) 4,917 10– 7(DÉP. HOSP./hab.)2 zi'
DF = 54
t = 1,822
t = 0,487
R = 0,71, (p = 0,0001) Ainsi, plus les dépenses hospitalières sont importantes, plus les dépenses globales sont élevées. De plus, la croissance est quasi linéaire. Un seul pays se détache vraiment, et c’est le Danemark (faibles dépenses). Les États-Unis se situent dans l’angle droit de la figure, au-dessus de la courbe. 2
Le secteur ambulatoire
Nous avons expliqué les écarts ei et ei' en fonction des dépenses par habitant dans le secteur ambulatoire. Les régressions linéaires et les régressions polynomiales sont significatives. Toutefois, les régressions polynomiales présentent un meilleur ajustement. Ce sont donc celles-ci que nous avons utilisées (figures 35 et 36). ei = 0,138 0,003 (DÉP. AMB./hab.) 5,489 10– 6 (DÉP. AMB./hab.)2 zi
DF = 50
t = 1,504
t = 3,137
R2 = 0,449, (p = 0,0001) ei' = 0,137 0,003 (DÉP. AMB./hab.) 5,486 10– 6 (DÉP. AMB./hab.)2 zi'
DF = 50
t = 1,506
t = 3,138
R = 0,449, (p = 0,0001) Les États-Unis s’écartent du groupe. Il est probable qu’ils faussent les résultats. Cependant, en incluant les États-Unis, nos résultats indiquent clairement que plus les dépenses dans le secteur ambulatoire sont importantes, plus les écarts ei et ei' sont élevés. 2
Le secteur médical
Nous avons d’abord examiné le nombre de membres du personnel soignant, plus précisément le nombre d’infirmières par tranche de 1 000 habitants, qui ne s’est pas révélé significatif, et le nombre de médecins par tranche de 1 000 habitants, qui est significatif dans le cas des régressions polynomiales (figures 37 et 38) :
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ei = 11,447 9,938 (NB. MÉD./1 000 hab.) 2,087 (NB. MÉD./1 000 hab.)2 zi
DF = 47
t = 4,532
t = 4,532
R2 = 0,334, (p = 0,0001) ei' = 11,44 9,932 (NB. MÉD./1 000 hab.) 2,086 (NB. MÉD./1 000 hab.)2 zi'
DF = 47
t = 4,533
t = 4,363
R = 0,334, (p = 0,0001) La forme de la courbe est donc concave. Cependant, les États-Unis semblent faire remonter la courbe. D’autre part, il y a lieu de relativiser la signification de cette variable, car elle ne tient pas compte de la part des dépenses de santé que représente la rémunération des médecins. Il est donc difficile de tirer des conclusions quant à l’effet du nombre de médecins sur les dépenses de santé, la rémunération variant beaucoup d’un pays à l’autre. Il n’était pas possible d’obtenir des données sur le niveau de rémunération des médecins. De plus, nous avons établi des variables qui pourraient mesurer le degré de contrôle exercé sur les dépenses de santé. Des scores ont été calculés selon le modèle suivant (9 serait le score permettant de mieux contrôler les dépenses associées à la rémunération des médecins). 2
Tableau 1 Scores attribués aux différentes modalités de paiement des médecins Détermination Mécanisme Méthode Score du prix de paiement de rémunération Médecin
1
Particulier
1
Paiement à l’acte
1
3
Médecin
1
Tiers
2
Paiement à l’acte
1
4
Négociation
2
Particulier
1
Paiement à l’acte
1
4
Négociation
2
Tiers
2
Paiement à l’acte
1
5
Négociation
2
Tiers
2
Salaire
2
6
Décision administrative
3
Tiers
2
Paiement à l’acte
2
7
Négociation
2
Tiers
2
Par habitant
3
7
Négociation
2
Organisation
3
Salaire
2
7
Décision administrative
3
Tiers
2
Salaire
2
7
Décision administrative
3
Organisation
3
Salaire
2
8
Per capita
3
9
Décision administrative 3
Organisation 3
Source : D’après le modèle de Contandriopoulos et al., 1993.
Des scores ont été calculés pour chaque pays pour les généralistes et les spécialistes qui travaillent dans le secteur des hôpitaux publics (PAIE HOSP) et dans le secteur ambulatoire (PAIE AMB). À l’aide de ces scores, nous avons effectué des régressions, toujours dans le but d’expliquer les écarts ei et ei'.
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
La variable « score de paiement en secteur hospitalier » n’est pas significative. Par contre, la variable « score de paiement en secteur ambulatoire » est significative dans la forme linéaire : ei = 3,078 0,606 (PAIE AMB) yi
DF = 11
t = 3,015
R2 = 0,476 (p = 0,013).
ei' = 3,075 0,605 (PAIE AMB) yi' DF = 11 t = 3,015 R2 = 0,476 (p = 0.013). Il semblerait donc que plus il y a de contrôle, moins les dépenses de santé sont élevées. Cette régression confirme ce que bien des études montrent, c’est-à-dire que le paiement à l’acte n’est pas le régime de rémunération qui permet le plus de réduire les dépenses ; au contraire, il crée des tensions inflationnistes.
Les dépenses pharmaceutiques
Nous avons calculé un indice de coût des dépenses pharmaceutiques de la manière suivante : Indice DP = (z (dép. pharma./PIB) 2 z(dép. pharma./hab.) / 3 Cet indice explique les écarts ei et ei'. Les régressions linéaires sont plus explicatives que les régressions polynomiales (figures 39 et 40). ei = 0,298 0,494 (DP) yi
DF = 5
t = 4,216
R2 = 0,238 (p = 0,0001).
ei' = 0,298 0,493 (DP) yi' DF = 58 t = 4,215 R2 = 0,238 (p = 0,0001). Ainsi, plus l’indice est élevé, plus les écarts ei et ei' sont élevés. Encore une fois, les résultats pour les États-Unis étaient très différents de ceux du groupe (dépenses plus élevées). Les résultats pour le Royaume-Uni et le Danemark se démarquaient au-dessous de la droite. Conclusion
Nos analyses nous permettent de tirer quelques grandes conclusions. Les dépenses de santé augmentent à mesure qu’un pays se développe, à un rythme croissant selon une trajectoire convexe, dans le cas des dépenses par habitant, et selon une trajectoire concave, pour la part du PIB consacrée à la santé. Il existe cependant des variations importantes d’un pays à l’autre. Certains contrôlent la croissance de leurs dépenses de santé beaucoup mieux que d’autres. La comparaison entre le Danemark et le Canada est, à cet égard, frappante. Alors que la croissance du PIB par habitant est similaire dans les deux pays, la part du PIB affectée à la santé est de 3 % plus faible au Danemark qu’au Canada.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Grâce à l’analyse des écarts ei et ei', nous avons constaté que les différences de coûts entre les pays ne sont pas associées à des différences dans les caractéristiques épidémiologiques ou démographiques des populations. Les facteurs explicatifs de la position relative d’un pays par rapport à la trajectoire moyenne d’évolution sont plutôt associés à la façon dont les systèmes de santé sont organisés, financés et réglementés. Les méthodes de réglementation macro-organisationnelles semblent jouer un rôle prépondérant. Le financement public du système est un instrument puissant de contrôle des coûts. Quand l’État ne contribue directement qu’à une proportion relativement faible des dépenses, comme aux États-Unis, la capacité de contrôler les dépenses est très faible. Cela ne veut pas dire pour autant que si l’État finance une large proportion des dépenses, il contrôlera efficacement les dépenses. La capacité de contrôler et la mise en œuvre de mécanismes de contrôle sont deux choses différentes. Les méthodes de réglementation micro-organisationnelles sont difficiles à analyser de façon indépendante les unes des autres et sans tenir compte de la macroréglementation du régime. Les résultats présentés révèlent cependant quelques tendances. Les données concernant les secteurs hospitalier et ambulatoire sont difficiles à analyser en les détachant du contexte organisationnel de chaque pays. Par contre, nos résultats semblent indiquer que les modalités de paiement des médecins et, en particulier, des médecins de première ligne, jouent un rôle important. L’abandon du paiement à l’acte favorise un meilleur contrôle des coûts du système. Il semble aussi que le contrôle des dépenses dans le secteur pharmaceutique soit indispensable pour contrôler le coût total du système de santé. Astrid Brousselle poursuit actuellement des études de doctorat en santé publique à l’Université de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en administration de la santé. Son mémoire de maîtrise portait sur la « modélisation de l’utilisation de préservatifs dans le cadre de la prévention du sida auprès des prostituées en Afrique sub-saharienne ». Astrid Brousselle a une formation en sciences économiques et s’intéresse particulièrement à l’économie de la santé.
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Bibliographie (Sources citées et consultées)
Befort, A.-F., 1990, Le système de soins et la maîtrise des dépenses de santé en RFA, Paris, Les cahiers Institut La Boétie. Contandriopoulos, A.-P. et al., 1993, Regulatory Mechanisms in the Health Care Systems of Canada and Other Industrialized Countries : Description and Assessment, Université d’Ottawa, Adminis tration, Médecine, Science de la santé. GRIS-Université de montréal/Groupe SECOR, 1996, Éléments financiers incitatifs/dissuasifs du système de santé du Canada, GRIS, Université de Montréal. Maynard, A. et al., 1990, La réforme de système de santé britannique, Paris, Les cahiers Institut La Boétie. OCDE, 1994, Études de politiques de santé n°5. La réforme des systèmes de santé : Étude de dix-sept pays de l’OCDE, Paris, Organisation de coopération et de développement économiques. ______, 1995, Logiciel Éco-Santé, Paris, Organisation de coopération et développement économiques. OMS, Groupe spécial de l’OMS sur le développement sanitaire des pays d’Europe centrale et orientale, 1991, Organisation, financement et réforme des systèmes de soins dans les pays d’Europe centrale et orientale, compte rendu de la réunion qui s’est tenue à l’Organisation mondiale de la santé à Genève, du 22 au 26 avril 1991. Pomey, M.-P., 1993, La réforme de système de santé aux Pays-Bas, Paris, Les cahiers Institut La Boétie.
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Annexe
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Figure 1 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant pour 13 pays de l’OCDE, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
3 500 3 000 2 500
R2 = 0,98
2 000 1 500 1 000 500 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 2 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant pour 13 pays de l’OCDE, de 1960 à 1993
Part du Pib consacrée à la santé
16 14 12 10 R2 = 0,69
8 6 4 2 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 3 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Australie, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Australie R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 4 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et États-Unis, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
3 500 Canada États-Unis R2 = 0,98
3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 5 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Allemagne, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Allemagne R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 6 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et France, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada France R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 7 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Japon, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Japon R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 8 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Royaume-Uni, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Royaume-Uni R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 9 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Pays-Bas, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Pays-Bas R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 10 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Suède, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Suède R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 11 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Danemark, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Danemark R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 12 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Nouvelle-Zélande, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Nouvelle-Zélande R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 13 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Suisse, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Suisse R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 14 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant, Canada et Italie, de 1960 à 1993
dépenses de santé/habitant ($PPa)
2 500 Canada Italie R2 = 0,98
2 000
1 500
1 000
500
0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 15 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Australie, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10 Canada Australie R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 16
Part du Pib consacrée à la santé
Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et États-Unis, de 1960 à 1993 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0
Canada États-Unis R2 = 0,69
0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 17 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Allemagne, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada Allemagne R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 18 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et France, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada France R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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Figure 19 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Japon, de 1960 à 1993 11 10
Canada Japon R2 = 0,69
Part du Pib consacrée à la santé
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 20 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Royaume-Uni, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada Royaume-Uni R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 21 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Pays-Bas, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada Pays-Bas R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 22 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Suède, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada Suède R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 23 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Danemark, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada Danemark R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 24 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Nouvelle-Zélande, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada Nouvelle-Zélande R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 25 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Suisse, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada Suisse R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
Figure 26 Part du PIB consacrée à la santé en fonction du PIB par habitant, Canada et Italie, de 1960 à 1993 11
Part du Pib consacrée à la santé
10
Canada Italie R2 = 0,69
9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 0
5000
10 000
15 000
20 000
25 000
Pib/habitant ($PPa)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 27 Écart ei expliqué par le taux de mortalité par tranche de 1 000 habitants 3 2
écart ei
1 0 –1 –2 –3 6
7
8
9
10
11
12
13
Taux de mortalité/1 000 habitants Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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royaume-uni suède suisse ei régression simple ei régression polynomiale
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 28 Écart ei' expliqué par le taux de mortalité par tranche de 1 000 habitants 3 2
écart ei'
1 0 –1 –2 –3 6
7
8
9
10
11
12
13
Taux de mortalité/1 000 habitants Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Figure 29 Écart ei expliqué par le nombre de jours d’hospitalisation par habitant
3 2
(Les états-unis ne sont pas inclus dans la régression polynomiale.)
écart ei
1 0 –1 –2 –3 1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
Jours d’hospitalisation par habitant Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 30 Écart ei' expliqué par le nombre de jours d’hospitalisation par habitant
3 2
(Les états-unis ne sont pas inclus dans la régression polynomiale.)
écart ei'
1 0 –1 –2 –3 1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
Jours d’hospitalisation/habitant Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 31 Écart ei expliqué par les dépenses hospitalières exprimées en pourcentage des dépenses totales
3 2
écart ei
1 0 –1 –2 –3 25
30
35
40
45
50
55
60
65
dépenses hospitalières en pourcentage des dépenses totales Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 32 Écart ei' expliqué par les dépenses hospitalières exprimées en pourcentage des dépenses totales
3 2
écart ei'
1 0 –1 –2 –3 25
30
35
40
45
50
55
60
65
dépenses hospitalières en pourcentage des dépenses totales Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 33 Écart ei expliqué par les dépenses hospitalières par habitant
3 2
écart ei
1 0 –1 –2 –3 300
500
700
900
1 100
1 300
1 500
dépenses hospitalières/habitant ($PPa) Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 34 Écart ei' expliqué par les dépenses hospitalières par habitant 3 2
écart ei'
1 0 –1 –2 –3 300
500
700
900
1 100
1 300
1 500
dépenses hospitalières/habitant ($PPa) Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Figure 35 Écart ei expliqué par les dépenses ambulatoires par habitant
3 2
écart ei
1 0 –1 –2 –3 0
200
400
600
800
1 000
1 200
dépenses ambulatoires/habitant ($PPa) Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 36 Écart ei' expliqué par les dépenses ambulatoires par habitant
3 2
écart ei'
1 0 –1 –2 –3 0
200
400
600
800
1 000
1 200
dépenses ambulatoires/habitant ($PPa) Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Figure 37 Écart ei expliqué par le nombre de médecins par tranche de 1 000 habitants
3 2
écart ei
1 0 –1 –2 –3 1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
nombre de médecins/1 000 habitants Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Figure 38 Écart ei' expliqué par le nombre de médecins par tranche de 1 000 habitants
3 2
écart ei'
1 0 –1 –2 –3 1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
nombre de médecins/1 000 habitants Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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Figure 39 Écart ei expliqué par l’indice des coûts pharmaceutiques
3 2
écart ei
1 0 –1 –2 –3 –2,5
–2,0
–1,5
–1,0
–0,5
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
indice des coûts pharmaceutiques Canada Allemagne Australie danemark états-unis
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france italie japon nouvelle-zélande pays-bas
royaume-uni suède suisse ei régression simple ei régression polynomiale
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Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte
Figure 40 Écart ei' expliqué par l’indice des coûts pharmaceutiques
3 2
écart ei'
1 0 –1 –2 –3 –2,5
–2,0
–1,5
–1,0
– 0,5
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royaume-uni suède suisse ei' régression simple ei' régression polynomiale
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Tableau 2 86
Résultats des régressions effectuées Régressions simples Régressions polynomiales ei ei' ei ei' R 2 p R 2 p R 2 p R 2 p
0,098 0,090
0,0756 0,0176
0,099 0,091
0,0748 0,123 0,0175 0,439
0,1396 0,123 0,1385 0,0001 0,439 0,0001
0,076 0,232
0,0001 0,0955
0,076 0,232
0,0001 0,0953 0,36
0,1071 0,361 0,1067
0,030 0,069 0,006 0,709
0,2233 0,0373 0,5658 0,0001
0,030 0,069 0,006 0,709
0,2280 0,030 0,0372 0,567 0,5665 0,330 0,0001 0,710
0,4799 0,0001 0,0001 0,0001
0,336
0,0001
0,336
0,0001 0,449
0,0001 0,449 0,0001
0,052 0,005 0,476 0,186
0,1197 0,6828 0,0130 0,1858
0,052 0,005 0,476 0,186
0,1200 0,334 0,6825 0,008 0,0130 0,1850
0,0001 0,334 0,0001 0,8834 0,008 0,8835
0,238
0,0001
0,238
0,0001 0,332
0,0001 0,332 0,0001
0,030 0,566 0,329 0,710
0,4792 0,0001 0,0001 0,0001
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Facteurs liés à la demande de soins Population ≥ 65 ans Mortalité par 1 000 habitants Facteurs macro-organisationnels % de financement public Nombre de sources de financement Facteurs micro-organisationnels Secteur hospitalier Nombre de lits par 1 000 habitants Jours d’hospitalisation par habitant Dépenses hospitalières par dépenses totales Dépenses hospitalières par habitant Secteur ambulatoire Dépenses par habitant Secteur médical Nombre de médecins par 1 000 habitants Nombre d’infirmières par 1 000 habitants Score de paiement ambulatoire Score de paiement hospitalier Dépenses pharmaceutiques Indice de coûts pharmaceutiques
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La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada : comparaisons internationales
Wendy Kennedy Candidate au doctorat en santé publique Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) Université de Montréal
Résumé Pour montrer comment le Canada se compare avec différents pays de l’OCDE, en matière de gestion des dépenses pharmaceutiques, la présente analyse part des données de l’OCDE sur la santé, des variables liées aux dépenses pharmaceutiques et à la consommation de médicaments, et des indices de l’état de santé de la population et de la situation économique. Des comparaisons ont été établies pour tous les pays de l’OCDE, pour les années entre 1989 et 1993. Les variables relatives aux dépenses de la santé et aux revenus ont été exprimées en parités de pouvoir d’achat (PPA) par habitant, afin d’éliminer l’effet de la population et les écarts de taux de change. Onze pays de l’OCDE ayant des caractéristiques socioéconomiques semblables à celles du Canada et dotés d’un programme de remboursement des soins de santé et des médicaments ont été retenus pour cette étude. Les dépenses pharmaceutiques engagées dans ces pays au cours des 15 dernières années ont été comparées. À l’aide de la régression des moindres carrés, les dépenses pharmaceutiques par habitant des pays de l’OCDE ont également été comparées avec le PIB par habitant pour les années 1981 à 1991. Des comparaisons ont aussi été faites au niveau de la structure des systèmes de distribution de médicaments des pays étudiés. On a enfin cherché à expliquer les différences observées entre les programmes de remboursement de médicaments de divers pays, de même que leur rendement relatif.
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Grâce à des mesures de contrôle des prix, divers pays ont réussi à maîtriser leurs coûts pharmaceutiques. Par comparaison, le Canada, entre 1981 et 1991, affichait le pire rendement à ce chapitre. Le Canada n’exerce qu’un contrôle central restreint sur les prix des produits pharmaceutiques protégés par brevet.
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Table des matières
Méthodologie .......................................................................................................92 Les dépenses pharmaceutiques par habitant ......................................................93 Les dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales ...............................................................................93 Les dépenses pharmaceutiques en pourcentage du PIB.....................................95 Le rapport entre les dépenses pharmaceutiques et la richesse ...........................96 La consommation de médicaments .....................................................................98 Les structures propres au secteur pharmaceutique ............................................99 L’indice de l’état de santé......................................................................................99 Discussion ..........................................................................................................100 Bibliographie........................................................................................................104 Annexe..................................................................................................................107 Liste des figures
Figure 1.1 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($ PPA), 1989.....130 Figure 1.2 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($ PPA), 1990.....131 Figure 1.3 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($ PPA), 1991.....132 Figure 1.4 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($ PPA), 1992.....133 Figure 1.5 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($ PPA), 1993.....134 Figure 2
Dépenses pharmaceutiques totales en parités de pouvoir d’achat par habitant ($ US), 1980-1994.......................................135
Figure 3.1 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1989...............................................136 Figure 3.2 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1990...............................................137 Figure 3.3 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1991...............................................138 Figure 3.4 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1992....................................................................139
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Figure 3.5 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1993...............................................140 Figure 4
Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales exprimées en parités de pouvoir d’achat par habitant ($US), 1980-1994....................................................141
Figure 5.1 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1989.....................................................142 Figure 5.2 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1990.....................................................143 Figure 5.3 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1991.....................................................144 Figure 5.4 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1992.....................................................145 Figure 5.5 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1993.....................................................146 Figure 5.6 Indice global des dépenses pharmaceutiques (dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du PIB + 2 fois les dépenses pharmaceutiques par habitant/3), 1989-1993............147 Figure 6
Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut exprimé en parités de pouvoir d’achat par habitant ($ US), 1980-1994......................148
Figure 7
Régression: dépenses pharmaceutiques totales et produitintérieur brut, 21 pays, 1981.........................................149
Figure 8
Régression: dépenses pharmaceutiques totales et produitintérieur brut, 21 pays, 1991.........................................149
Figure 9
Consommation de médicaments mesurée en boîtes par habitant, 1981 et 1989...........................................................150
Figure 10 Nombre de pharmaciens pour 1 000 habitants, 1981 et 1991.......151
Figure 11
Pourcentage des dépenses publiques et privées par rapport au pourcentage des dépenses pharmaceutiques totales, 1989.........152
Figure 12 Indice global des pays de l’OCDE de 1989 à 1993.......................153 Liste des tableaux
Tableau A Position des dépenses pharmaceutiques par rapport à la régression des dépenses pharmaceutiques, calculée en fonction du PIB............97
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Tableau 1.1 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1980.....................................................................................109 Tableau 1.2 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1981....................................................................................110 Tableau 1.3 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1982....................................................................................111 Tableau 1.4 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1983....................................................................................112 Tableau 1.5 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1984....................................................................................113 Tableau 1.6 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1985....................................................................................114 Tableau 1.7 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1986....................................................................................115 Tableau 1.8 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1987....................................................................................116 Tableau 1.9 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1988....................................................................................117 Tableau 1.10 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1989....................................................................................118 Tableau 1.11 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1990....................................................................................119 Tableau 1.12 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1991....................................................................................120 Tableau 1.13 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1992....................................................................................121 Tableau 1.14 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1993....................................................................................122 Tableau 1.15 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1994....................................................................................123
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Tableau 2
Intervalles de confiance pour les régressions – 1981 et 1991........124
Tableau 3
Nombre de pharmaciens..............................................................126
Tableau 4
Rendement des programmes........................................................127
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Méthodologie
Pour montrer comment le Canada se compare, à l’échelle internationale, dans sa façon de gérer les dépenses pharmaceutiques, nous avons analysé, à partir des données de l’OCDE sur la santé, des variables liées aux dépenses pharmaceutiques et à la consommation de médicaments, ainsi que des indices de l’état de santé de la popu lation et de la situation économique. Nous avons ensuite établi des comparaisons, pour tous les pays membres de l’OCDE, pour chacune des années allant de 1989 à 1993. Les variables relatives aux dépenses et aux revenus sont exprimées en parités de pouvoir d’achat (PPA) par habitant, ce qui permet d’éliminer, dans la mesure du possible, l’effet de la population et les écarts attribuables au taux de change. Puisque l’OCDE fonde la PPA sur le coût d’un panier de biens semblables dans chaque pays, le facteur inflation devrait être constant pour tous les pays dans le temps, mais celui-ci n’a pas été éliminé de l’analyse. De plus, nous avons choisi onze1 pays membres de l’OCDE qui ont des carac téristiques socioéconomiques semblables à celles du Canada et qui se sont dotés d’un programme de remboursement des soins de santé et des médicaments, à savoir l’Australie, le Danemark, la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la NouvelleZélande, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis (les pays de référence). Nous avons ensuite comparé les dépenses pharmaceutiques engagées dans ces pays au cours des 15 dernières années. Nous avons également, à l’aide de la régression des moindres carrés, comparé les dépenses pharmaceutiques par habitant avec le produit intérieur brut (PIB) par habitant des pays de l’OCDE (moins l’Islande) pour les années 1981 à 1991, afin de voir les changements qui s’étaient produits au cours de cette décennie. Une analyse comparative de la consommation relative des médicaments, exprimée en boîtes par habitant, a été effectuée entre les pays. Malheureusement, ces données ne sont pas disponibles pour le Canada. Le nombre de pharmaciens pour 1 000 habitants et la proportion des dépenses pharmaceutiques assumée par des sources de financement publiques nous ont fourni des données qui ont servi à comparer la structure des systèmes de distribution de médicaments des pays examinés. Nous avons mesuré et comparé ces variables pour les années 1981 et 1991. Enfin, après avoir décrit et comparé les principales caractéristiques des programmes de remboursement de médicaments de plusieurs pays, nous avons cherché à expliquer les différences observées et le rendement relatif des programmes, à la lumière des niveaux de dépenses des pays de référence. On trouvera à la fin du document tous les tableaux et figures auxquels il est fait référence dans le rapport. Toutes les figures ont été construites à partir des données qui se trouvent dans les tableaux 1.1 à 1.17.
1. Au départ, le Japon faisait partie de la liste, mais des problèmes liés aux données de l’OCDE, quant aux sources globales des dépenses pharmaceutiques, nous ont obligée à retirer ce pays de l’analyse.
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Les dépenses pharmaceutiques par habitant
Les figures 1.1 à 1.5 montrent les dépenses pharmaceutiques totales2 des pays de l’OCDE pour les années 1989 à 1993 et incluent la moyenne de tous les pays en question. Le Canada est toujours au-dessus de la moyenne pour chacune des années. En 1989, le Canada était au sixième rang pour les dépenses pharmaceutiques totales par habitant ; en 1990, il occupait le cinquième rang (ayant surpassé le Luxembourg) ; en 1991, il était quatrième (avec les États-Unis) ; en 1992, il était toujours au quatrième rang (mais les États-Unis tombaient au cinquième rang) ; en 1993, il était troisième (l’Italie passait de la troisième à la cinquième place). Au cours de cette période, l’Allemagne et la France ont toujours occupé les premier et deuxième rangs respectivement. La figure 2 (parties A et B) compare le Canada avec les pays de référence et illustre l’évolution des dépenses pharmaceutiques en PPA par habitant pour la période allant de 1980 à 1993 (1994 pour le Canada et l’Italie). Les pays se partagent essentiellement en deux groupes : celui de niveau plus élevé comprend l’Allemagne, l’Italie, la France, le Canada et les États-Unis ; l’autre groupe, de niveau inférieur, inclut l’Australie, le Royaume-Uni, la Suisse, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la Nouvelle-Zélande. Comme on pouvait s’y attendre, l’Allemagne occupe le premier rang pour chacune des années de la période. Le Canada apparaît comme le pays qui a le moins bien maîtrisé ses dépenses pendant cette période. La Suisse a vu ses dépenses monter en flèche en 1985, pour ensuite augmenter à un rythme plus lent. Les dépenses de la Nouvelle-Zélande ont temporairement diminué en 1989. L’Allemagne, bien qu’elle ait enregistré les plus fortes hausses jusqu’en 1992, a vu ses dépenses diminuer de façon marquée de 1992 à 1993, à la suite des mesures de contrôle budgétaire qu’elle a prises et qui ont eu pour effet de réduire considérablement les ordonnances. L’Italie, dont les dépenses ont évolué sensiblement dans le même sens que celles du Canada jusqu’en 1992, a enregistré une baisse marquée de 1992 à 1993 et une chute encore plus importante de 1993 à 1994. La diminution reflète les pénalités que subissent les médecins lorsqu’ils prescrivent des médicaments sans respecter les règles établies3.
Les dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales
Les catégories auxquelles les dépenses de santé sont imputées varient d’un pays à l’autre. Nous comparons la proportion des dépenses totales de santé que chaque pays impute aux médicaments pour déterminer s’il y a un effet sur le contrôle des coûts en médicaments. Il est raisonnable de supposer que certains choix sont faits par 2. Cela inclut les dépenses de sources publique et privée. 3. Le service de santé national a dressé une liste de médicaments assortie d’indications et de modes de prescription à suivre. Le service paie les médicaments ainsi prescrits, et les médecins qui ne respectent pas ces règles s’exposent à des pénalités (Simini, 1995).
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rapport au type de dépenses ; un niveau plus faible de dépenses pharmaceutiques peut s’expliquer par des niveaux plus élevés d’autres catégories de dépenses. C’est pourquoi nous avons comparé les dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales. Les figures 3.1 à 3.5 présentent les dépenses pharmaceutiques des pays de l’OCDE en pourcentage des dépenses de santé totales pour les années 1989 à 1993 ; ils incluent la moyenne de tous les pays à l’étude. Ils révèlent une situation assez intéressante : de 1989 à 1992, le Canada s’est situé juste au niveau de la moyenne ou légèrement audessus. Par rapport au total de leurs dépenses de santé, de nombreux pays dépensent proportionnellement plus pour les médicaments ; l’Allemagne et la France, par exemple, dépensent beaucoup plus que le Canada en médicaments, tandis que la Grèce, l’Espagne et le Royaume-Uni dépensent beaucoup moins à ce chapitre. On peut voir, par ailleurs, que le pourcentage moyen augmente graduellement au cours de la période, passant d’à peine un peu moins de 13 % en 1989 à 14 % en 19934. Les pourcentages relatifs élevés tiennent à deux facteurs : l’importance relative des dépenses totales de santé (et la majorité des pays de l’OCDE5 sont en deçà du niveau du Canada) et l’importance relative des dépenses pharmaceutiques totales. La figure 4 (parties A et B) montre l’évolution des dépenses pharmaceutiques des pays de référence en pourcentage des dépenses de santé totales (toutes sources) pour les années 1980 à 1993. Une fois de plus, les pays se partagent en deux groupes, bien que la démarcation entre le groupe de niveau supérieur et celui de niveau inférieur soit moins évidente ici. Ce qu’il faut noter, par ailleurs, c’est que le Canada est le pays dont l’augmentation globale des dépenses proportionnelles de médicaments est le plus marquée. La Suède affiche aussi une hausse importante, mais ses dépenses en médicaments ont crû de façon constante à un niveau proportionnel inférieur à celui du Canada. En dépit des diminutions temporaires enregistrées en 1989 et 1990, la Nouvelle-Zélande a vu, elle aussi, ses dépenses proportionnelles en médicaments augmenter dans l’ensemble, pour atteindre un niveau supérieur à celui du Canada en 1993. Parmi les pays qui occupent de façon constante un rang supérieur à celui du Canada, la plupart affichent une courbe de leurs dépenses proportionnelles relativement uniforme ; ici encore, on peut voir que l’Allemagne a vu ses dépenses chuter de 1992 à 1993. Les dépenses proportionnelles de l’Italie ont augmenté jusqu’en 1987 environ, après quoi elles se sont stabilisées. La Suisse est le seul pays qui a connu une baisse générale, et très remarquable, de ses dépenses proportionnelles de médicaments au cours de la période examinée, bien que nous n’ayons pas de résultats après 1991.
4. La valeur pour 1993 est basée sur un nombre de pays beaucoup plus restreint que celle des années antérieures et ne reflète peut-être pas la médiane réelle ; néanmoins, elle se situe clairement dans l’étendue probable des valeurs pour la période en question. 5. À l’exception des États-Unis et de la Suisse et du Luxembourg, en 1993.
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Ces résultats mettent en évidence le message précédent : le Canada a manifestement de la difficulté à maîtriser ses dépenses pharmaceutiques, tant en termes absolus que par rapport aux dépenses globales de santé.
Les dépenses pharmaceutiques en pourcentage du PIB
Bien qu’une image assez claire se dégage des comparaisons précédentes, nous n’avons pas tenu compte de la richesse des pays à l’étude. Il est également possible de mesurer les dépenses en médicaments selon les moyens qu’ont les pays de les assumer. Comme il est connu que l’augmentation de la richesse s’accompagne en général d’une hausse des dépenses de santé (Contandriopoulos et al., 1993), les niveaux de dépenses devraient être analysés par rapport à la richesse de chaque pays. On peut donc préciser les dépenses pharmaceutiques brutes en utilisant le ratio des dépenses pharmaceutiques au PIB par habitant. Les figures 5.1 à 5.5 présentent les dépenses pharmaceutiques totales en pour centage du PIB des pays de l’OCDE pour les années 1989 à 1993 et incluent la moyenne de tous les pays à l’étude. Comme c’était le cas précédemment, le Canada a été constamment au-dessus de la moyenne à chacune de ces années. En 1989, ses dépenses pharmaceutiques proportionnelles par habitant le plaçaient au septième rang, à égalité avec l’Espagne ; en 1990, il était cinquième (ayant dépassé l’Islande et la Belgique) ; en 1991, il était quatrième (ayant devancé la Grèce) ; en 1992, il était de nouveau quatrième ; en 1993, il occupait le troisième rang (l’Italie étant tombée de la troisième à la cinquième place). L’Allemagne et la France se sont maintenues aux premier et deuxième rangs durant cette période. Pour obtenir une comparaison plus complète, nous avons indexé à la moyenne des pays membres de l’OCDE le ratio entre les dépenses pharmaceutiques et le PIB, combiné aux dépenses pharmaceutiques totales (figure 5.6). Le résultat montre clairement la position relative de chaque pays pendant la période de cinq ans examinée. Le Canada occupe le quatrième rang général, derrière l’Allemagne, la France et l’Italie, devançant les États-Unis, la Belgique, l’Islande et le Luxembourg, qui se situent tous au-dessus de la moyenne pour les pays membres de l’OCDE6. La figure 6 (parties A et B) présente l’évolution des dépenses pharmaceutiques totales des pays de référence en pourcentage du produit intérieur brut pour les années 1980 à 1994. On peut y voir que l’Italie et le Canada diffèrent des autres pays en raison de l’accroissement de leurs dépenses par rapport à leur richesse économique. Pour la plus grande partie de la période à l’étude, l’Allemagne a eu le rapport le plus élevé entre ses dépenses pharmaceutiques par habitant et sa richesse par habitant. La France, dont les dépenses relatives n’ont augmenté que légèrement mais de façon constante
6. Nous avons additionné les dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du PIB, au double des dépenses pharmaceutiques totales par habitant, puis nous avons divisé la somme par trois.
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durant cette période, n’a atteint le niveau de l’Allemagne qu’en 1993, année où l’on constate, une fois de plus, une chute marquée des dépenses relatives de l’Allemagne en médicaments. Les dépenses relatives de l’Italie, qui avaient toujours dépassé celles du Canada, sont tombées en deçà du niveau canadien en 1993, ce qui s’explique tant par l’accroissement plus important des dépenses relatives du Canada que par la baisse très marquée des dépenses de l’Italie de 1993 à 1994. Une fois de plus, le Canada se compare mal aux autres pays en ce qui a trait à la gestion de ses dépenses pharmaceutiques. Cette troisième comparaison interna tionale révèle que, par rapport à la richesse économique, le Canada est le pays dont les dépenses ont augmenté le plus et de la manière la plus constante au cours de la période en question. Le rapport entre les dépenses pharmaceutiques et la richesse
Nous avons examiné les dépenses pharmaceutiques par habitant en calculant, par la méthode des moindres carrés, l’équation de régression des dépenses pharmaceutiques par habitant, par rapport au PIB par habitant, calcul que nous avons fait en utilisant les valeurs des pays membres de l’OCDE pour les années 1981 et 1991. Les données pour les années postérieures à 1991 étaient trop incomplètes pour permettre des comparaisons raisonnables. Les résultats des analyses et les coefficients de régression pour les années 1981 et 1991 sont présentés dans les figures 7 et 8 respectivement. La régression des moindres carrés, pour 1981, donne la formule suivante : $Rx = 3D 0,009PIB + 1,02, où $Rx est le total des dépenses pharmaceutiques par habitant, exprimé en PPA, et où PIB est le produit intérieur brut par habitant, exprimé en PPA. Le coefficient de corrélation entre les dépenses pharmaceutiques par habitant et le PIB par habitant, pour l’année 1981, est respectable (0,6), la valeur de r2 étant 0,4 ; l’ANOVA de la variable est significative (p = 0,001)7. La régression des moindres carrés pour 1991 donne la formule suivante : $Rx = 0,011PIB – 1,86. Le coefficient de corrélation est de nouveau 0,6, et la valeur de r2, 0,4 ; l’ANOVA de la variable est significative (p = 0,005)8. Comme on pouvait s’y attendre, le rapport
7. Résultats d’une régression simple de 21 pays membres de l’OCDE, dans Statview® Student. L’Islande, l’Irlande, le Mexique et le Japon sont exclus. 8. Résultats d’une régression simple de 21 pays membres de l’OCDE, dans Statview® Student. Le Mexique, le Japon, le Portugal et la Turquie sont exclus.
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entre les dépenses pharmaceutiques et le PIB n’est pas aussi fort que celui entre les dépenses de santé totales et le PIB9. Les dépenses pharmaceutiques reflètent l’interaction de nombreux facteurs qui, ensemble, influencent la façon dont les ressources totales consacrées aux soins de santé sont réparties entre les secteurs de la santé, notamment le genre de thérapeutique que les professionnels de la santé choisissent et les contrôles exercés sur le type, le prix et la quantité des médicaments. Nous avons mesuré les positions des pays de référence pour 1981 et 1991, audessus et en dessous de la ligne de régression, à l’intérieur des intervalles de confiance de 90 % et de 95 %. Le tableau 2 présente la valeur probable et les données relatives aux intervalles de confiance à partir desquelles le tableau A a été créé.
Tableau A Position des dépenses pharmaceutiques par rapport à la régression des dépenses pharmaceutiques, calculée en fonction du PIB Pays Position en 1981 Position en 1991 Allemagne Australie Canada Danemark États-Unis France Italie Nouvelle-Zélande Pays-Bas Royaume-Uni Suède Suisse
+++ – – – – + + – – – – +
++ – + – + + + + –* – – – –
NOTE : + indique une position au-dessus de la ligne de régression qui se situe en deçà de l’intervalle de confiance (IC) de 90 %, ++, au-dessus de la ligne de régression et en deçà de l’IC de 95 % ; c’est l’inverse pour – et – –. Par exemple, la notation +++ indique une maîtrise extrêmement pauvre des dépenses pharmaceutiques par rapport à la valeur probable obtenue de la régression des moindres carrés en fonction du PIB ; par contre, la notation – indique une maîtrise relativement bonne. * La Nouvelle-Zélande était presque sur la ligne de régression.
De 1981 à 1991, les positions relatives de la plupart des pays sont demeurées plus ou moins les mêmes. Selon ces résultats, la maîtrise relative des coûts des médicaments 9. Pour 1981, la régression simple des moindres carrés, appliquée aux dépenses pharmaceutiques totales par rapport au PIB, produit un coefficient de corrélation de 0,9 et une valeur de r2 de 0,867 ; l’ANOVA de la variable est significative (p = 0,0001). La même analyse pour 1991 donne un coefficient de corrélation de 0,9 et une valeur pour r2 de 0,732 ; l’ANOVA de la variable est significative (p = 0,0001).
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s’est améliorée, puisque seulement la Suisse, l’Allemagne et trois autres pays (le Canada, les États-Unis et, dans une moindre mesure, la Nouvelle-Zélande) affichent une détérioration à ce chapitre. La consommation de médicaments
La figure 9 illustre la différence dans la consommation moyenne de médicaments, exprimée en nombre moyen de boîtes par personne, entre les pays de référence pour les années 1981 et 1989. Malheureusement, l’OCDE ne fournit pas de données sur la consommation de médicaments au Canada. La France a de loin la plus forte con sommation par habitant, suivie de l’Italie et de la Suisse, ex œquo au deuxième rang, mais à un niveau de consommation qui est seulement la moitié de celui de la France en 1989. D’après les données disponibles, seule la France a vu sa consommation par habitant changer de façon sensible au cours de la décennie, celle-ci ayant augmenté de presque 25 %. L’information sur la consommation par habitant, cependant, varie selon la source. Pour 1989, Rigter (1994) rapporte une consommation de presque 50 boîtes par habitant pour la France, de 20 à 30 pour l’Allemagne et l’Italie, de 10 à 20 pour le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse, et de moins de 10 pour les Pays-Bas. L’absence de données sur les niveaux de consommation au Canada fait qu’il est difficile de situer ce dernier par rapport aux pays de référence. Nous avons toutefois pris la liberté d’utiliser quelques données comparatives brutes concernant le prix des médicaments10 en vue d’estimer indirectement, et de façon très approximative, la consommation par habitant. Ce calcul a produit un résultat de 8 à 30 boîtes par habitant, une étendue trop importante pour être d’aucune utilité. Il est difficile de déterminer le nombre d’ordonnances par habitant au Canada, étant donné que la couverture des médicaments délivrés sur ordonnance varie énormément, une partie importante de la population n’étant pas assurée du tout. Il est toutefois possible d’obtenir des données de sources diverses. Le régime d’assurancemédicaments de la Saskatchewan couvre presque toute la population. Il rapporte la délivrance moyenne de 5,4 ordonnances par habitant en 1989. Les bénéficiaires de ces régimes, eux, rapportent des taux de prescriptions beaucoup plus élevés : en moyenne, il y a eu 8,2 ordonnances par usager en Saskatchewan11, 16,16 par usager
10. Nous avons comparé les prix des produits qui se vendaient le plus au Canada en 1993 avec les prix pratiqués dans divers pays ; les rapports entre les prix canadiens et ceux de certains des pays de référence sont les suivants : France, 1,36 ; Allemagne, 0,96 ; Italie, 1,31 ; Suède, 1,20 ; Suisse, 0,98 ; Royaume-Uni, 1,16 ; et États-Unis, 0,72. Nous avons calculé, pour ces pays, le coût moyen (en PPA) par unité de consommation en 1989. En utilisant le rapport des prix d’un pays donné avec ceux du Canada, nous avons calculé le niveau de consommation probable au Canada, compte tenu du fait que, au Canada en 1991, les dépenses pharmaceutiques par habitant étaient de 256 $PPA. 11. Quinn et al., 1992.
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pour le régime de remboursement des médicaments auquel ont droit les bénéficiaires de la sécurité du revenu au Québec, et 31,58 dans le cas des bénéficiaires du régime d’assurance-médicaments destiné aux 65 ans et plus au Québec12. La comparaison de ces données est très problématique, car les ordonnances peuvent viser des périodes nécessitant la délivrance de l’équivalent de deux « boîtes » ou plus.
Les structures propres au secteur pharmaceutique
Exception faite de l’Italie et de la Suisse, pour lesquelles aucune donnée n’est disponible, le nombre de pharmaciens pour 1 000 habitants varie parmi les pays de référence, les Pays-Bas ayant le rapport le plus bas, et la Belgique, le plus élevé. Bien que ce rapport ait peu changé pour chaque pays entre 1981 et 1991, il a augmenté de façon assez importante pour la Belgique, alors que l’Australie, le Danemark et la NouvelleZélande ont rapporté des diminutions. On ne voit pas clairement si ces chiffres ont un rapport quelconque avec les différences dans la gestion des dépenses pharmaceutiques (tableau 3 et figure 10). Dans les pays pour lesquels nous disposons de données, le pourcentage des dépenses pharmaceutiques totales assumé par des sources de financement publiques est demeuré à peu près inchangé de 1989 à 1993. En raison de cette stabilité et de la pénurie croissante de données plus récentes, nous nous attarderons à l’année 1989 (figure 11). Le pourcentage moyen des dépenses pharmaceutiques totales couvert par des sources de financement publiques, pour les pays membres de l’OCDE, est d’un peu moins de 60%. Par rapport aux pays de référence, seuls les États-Unis ont un niveau de financement public inférieur à celui du Canada. À 25 %, le pourcentage de financement public du Canada est bien en deçà de celui de la plupart des pays de référence, les seuls pays dont le pourcentage est plus bas que la moyenne de l’OCDE étant le Danemark, l’Australie et les États-Unis. Le niveau de financement public ne semble pas directement lié au contrôle des coûts : par exemple, en Italie et au Royaume-Uni, bien que ces pays aient des profils très différents dans ce domaine, l’État finance presque la même proportion (66 %) des dépenses pharmaceutiques.
L’indice de l’état de santé
Nous avons comparé les pays de référence du point de vue de l’état de santé de la population (figure 12). En prenant comme critère l’indice global de l’état de santé et comme point de comparaison l’indice moyen de l’OCDE (zéro), le Canada est derrière la Suède et la Suisse, mais devance l’Allemagne, l’Australie, la France, l’Italie et les Pays-Bas, qui ont tous un indice supérieur à la moyenne pour la majeure partie de la période examinée (1989-1993). Le Canada devance de beaucoup le Danemark, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis, dont les indices sont au niveau ou en deçà de la moyenne pour la majeure partie de la période. Il est difficile, en nous 12. Simard,1991.
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fondant sur ces données, de relier le niveau de dépenses pharmaceutiques, quelle que soit la façon de les mesurer, à la santé de la population. Le pays qui dépense le plus (l’Allemagne) a un indice d’état de santé qui n’est pas beaucoup plus élevé que la moyenne, tandis que celui qui dépense le moins (le Royaume-Uni) se situe au niveau de la moyenne, son rang étant supérieur à celui des pays qui dépensent davantage (la Nouvelle-Zélande, par exemple). Le calcul d’un coefficient de régression entre ces deux variables ne produit aucun rapport évident13. Discussion
On trouvera, dans le tableau 3, les caractéristiques des programmes de remboursement des médicaments en vigueur dans certains des pays de référence, à savoir l’Australie, le Danemark, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France et l’Allemagne. Il n’est pas facile d’établir une corrélation entre la maîtrise efficace des coûts pharmaceutiques et les mesures prises pour freiner l’augmentation de ces coûts. Par comparaison avec les augmentations inflationnistes des coûts au Canada, les pays que nous avons examinés ont relativement bien maîtrisé l’accroissement de leurs dépenses pharmaceutiques. Comme les dépenses résultent de deux facteurs, le prix et la quantité, les pays qui ont réussi à maîtriser leurs coûts pharmaceutiques devraient, en théorie, avoir adopté des mesures pour contrôler tant la quantité que les prix. En fait, les rares interventions énergiques visant à contrôler la quantité de médicaments vendus sont relativement récentes. Le plus souvent, c’est par des mesures de contrôle des prix qu’on a jusqu’ici cherché à restreindre les dépenses pharmaceutiques, les quelques interventions relatives à la quantité étant très limitées. En 1987, l’Australie a imposé des mesures de contrôle de la quantité en exigeant une autorisation pour prescrire certains produits. Le Danemark, pour sa part, a restreint le type de médecin autorisé à prescrire certains produits, et le Royaume-Uni a adopté, en 1991, des mesures limitant le nombre d’ordonnances que peut délivrer un médecin, les prescripteurs abusifs se voyant signifier un avis. Les Pays-Bas continuent de maîtriser assez bien les hausses des dépenses pharmaceutiques, sans recourir à des mesures importantes de contrôle de la quantité. Ils sont toutefois parvenus à dégager un consensus sur la nécessité de réduire les coûts pharmaceutiques. Dans une certaine mesure, les fabricants, les grossistes et les pharmaciens ont volontairement réduit leurs revenus dans ce pays. C’est une indication de l’attitude responsable que les professionnels de la santé néerlandais ont adoptée face à la réalisation des objectifs du système, et donc à la nécessité d’assurer des ressources financières pour l’ensemble du secteur. Aux États-Unis et dans la plupart des provinces canadiennes, les limites relatives à la quantité des médicaments tiennent surtout au fait qu’on n’y trouve pas de régime d’assurance-médicaments universel14 financé par l’État. 13. Une régression simple des moindres carrés donne un p > 0,9.
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Les interventions sur les prix peuvent être directes, comme en Australie, ou indirectes, comme au Royaume-Uni. Tous les pays examinés ont adopté des mesures de contrôle des prix au moyen de listes positives, négatives et (ou) restrictives qui ont nécessité la négociation, par l’industrie pharmaceutique et les administrations payeuses, de prix jugés appropriés par les régimes de remboursement. La Nouvelle-Zélande, qui a éprouvé de graves difficultés économiques et politiques au cours de la décennie, semble avoir maîtrisé ses dépenses pharmaceutiques pendant un court laps de temps par des interventions sur la quantité (prescription de certains articles limitée aux spécialistes et (ou) assujettie à l’autorisation d’un spécialiste) et sur les prix (liste positive et prix de référence). Elle ne semble pas avoir pu maintenir ce contrôle. Les pays qui n’ont pas réussi à maîtriser l’accroissement des dépenses pharmaceu tiques dans les années 1980 ne disposaient par ailleurs d’aucun mécanisme efficace pour contrôler la quantité des ordonnances. L’Allemagne a reconnu ce problème et a voulu, dans la réforme de son système des soins de santé qu’elle a entreprise en 1993, rendre les médecins responsables du niveau des médicaments délivrés sur ordonnance. Le médecin dont le montant d’ordonnances dépasse le maximum fixé pour sa région voit son revenu diminuer d’autant. On peut voir l’effet de ces mesures dans les données de 1993. Fait intéressant, la réforme de 1993 suit la tentative infructueuse qui avait été faite en 1989 pour maîtriser les coûts pharmaceutiques. Dans la réforme de 1989, on avait instauré un système de prix de référence qui fixait le montant maximum que pouvait se faire rembourser le consommateur, la différence étant à la charge de ce dernier. Le système a fonctionné au début, mais ce fut un succès de courte durée, puisque moins du tiers des médicaments pouvaient faire l’objet d’un prix de référence ; de plus, les fabricants ont trouvé moyen de compenser leurs pertes en augmentant le prix des médicaments ne figurant pas sur la liste. En Italie, la diminution des dépenses pharmaceutiques s’explique par la réduc tion du nombre de produits disponibles. Cette mesure a récemment été combinée à des dispositions législatives prévoyant de sévères sanctions pour les médecins dont les pratiques en matière de prescription font problème. En 1994, la France a mis en œuvre des réformes en vue de freiner les pratiques des prescripteurs abusifs, mais les données disponibles ne reflètent pas encore l’effet de ces réformes. Au cours de la période de dix ans étudiée, le Canada a manifestement affiché le plus mauvais rendement pour ce qui est de la maîtrise de ses coûts. Après avoir réussi à restreindre relativement bien ses coûts, son rendement a fléchi. Certains efforts ont été faits dans le but de contrôler les prix15. Récemment, on a aussi accru les mécanismes
14. Universel par rapport à la population couverte, et non en ce qui concerne la protection assurée. 15. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés contrôle le prix des médicaments protégés par brevet.
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permettant de contrôler les quantités d’ordonnances, notamment en obligeant davan tage les médecins à obtenir une autorisation spéciale avant de prescrire certains produits. Comme les programmes varient d’une province à l’autre, il est difficile de commenter les mesures prises à la grandeur du Canada dans le but de maîtriser les coûts. Enfin, au Royaume-Uni, où les augmentations des coûts étaient déjà bien maîtrisées, on a récemment introduit des mesures – apparemment efficaces – pour retenir le versement de fonds, dans le but d’inciter les médecins à prescrire moins de médicaments. Les interventions sur les prix semblent avoir donné des résultats limités. Il y a de nombreux exemples de mécanismes de contrôle des prix dans les pays que nous avons examinés : l’Australie négocie la fixation des prix de tous les produits, et la GrandeBretagne contrôle indirectement les prix en réglementant les frais de promotion des ventes et les prix. Le Canada exerce un contrôle central restreint sur les prix des produits pharmaceutiques encore protégés par brevet. Certaines parties du marché canadien font l’objet de pressions qui tendent à contrôler les prix ; celles-ci découlent, par exemple, de la négociation, à l’échelle provinciale, du prix des médicaments selon un index comparatif, ainsi que des pratiques d’achat par soumissions que suivent de nombreux hôpitaux et groupes hospitaliers. Pour ce qui est de l’efficacité générale des mesures destinées à contrôler les coûts pharmaceutiques, la solution des budgets globaux – assortie de la responsabilité financière (comme au Royaume-Uni) ou d’incitations financières (comme en Allemagne) – semble la plus prometteuse. De plus, l’abandon progressif de la formule de rémunération à l’acte et son remplacement par un système salarial ou de rémunération par individu permettrait de maîtriser, jusqu’à un certain point, la consommation de services de santé. La rémunération à l’acte, de par sa nature, tend à accroître le recours aux services de santé en permettant au médecin de neutraliser les mesures de contrôle des prix par l’augmentation du volume et des types de services. L’effet de ces programmes sur l’efficacité générale du système des soins de santé demeure une grande inconnue. Les initiatives visant à contrôler la consommation de médicaments influent très probablement sur le système dans son ensemble, posi tivement et négativement, mais nous ignorons la portée de ces effets. Il s’ensuivra sans doute des problèmes liés à la sous-utilisation de médicaments nécessaires, ce qui aura des répercussions à long terme sur la santé des personnes touchées et imposera des exigences accrues au système dans l’ensemble. Il faudra répondre à ces exigences accrues aux dépens d’autres services ou en acceptant de voir les coûts totaux augmenter. Quoi qu’il en soit, l’efficacité du système devrait augmenter à mesure qu’on réorientera les ressources vers les clients qui en ont le plus besoin et vers les thérapeutiques jugées les plus efficaces. Il serait intéressant d’évaluer à l’avenir la portée de ces conséquences.
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Wendy Kennedy est assistante de recherche au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) et à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, ainsi qu’auprès des Centres d’excellence sur les maladies respiratoires du Québec à l’Hôpital du Sacré-Cœur. Titulaire d’un baccalauréat en droit et d’une maîtrise en administration des affaires, elle a travaillé dans les milieux universitaire, industriel et gouvernemental. Ses recherches portent principalement sur les aspects économique, épidémiologique et politique des médicaments et des programmes pharmaceutiques. Wendy Kennedy termine actuellement son doctorat en santé publique à l’Université de Montréal.
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Tableau 1.1 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1980 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne 819 Australie 671 Autriche 697 Belgique 586 Canada 739 Danemark 595 Espagne 332 États-Unis 1 067 Finlande 521 France 711 Grèce 187 Irlande 451 Italie 581 Japon 526 Luxembourg 693 Mexique – Norvège 558 Nouvelle-Zélande 556 Pays-Bas 702 Portugal 263 Royaume-Uni 452 Suède 867 Suisse 851 Turquie 76
154 53 84 102 66 54 70 92 56 113 65 50 81 12 101 – 56 – 55 52 58 56 129 –
9 731 9 206 8 849 8 827 10 018 8 746 5 868 11 512 8 004 9 415 4 325 5 169 8 460 8 011 11 044 3 503 8 392 7 723 8 880 4 526 8 020 9 250 11 721 2 259
107 23 50 58 15 25 45 7 26 73 9 24 57 6 87 – 24 49 37 36 37 41 56 –
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Tableau 1.2 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1981 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne 928 Australie 764 Autriche 794 Belgique 687 Canada 849 Danemark 649 Espagne 372 États-Unis 1 226 Finlande 594 France 817 Grèce 211 Irlande 484 Italie 625 Japon 600 Luxembourg 783 Mexique – Norvège 609 Nouvelle-Zélande 608 Pays-Bas 776 Portugal 312 Royaume-Uni 513 Suède 963 Suisse 956 Turquie 93
175 62 92 110 77 59 77 103 61 134 69 – 90 13 113 – 61 69 61 57 65 63 141 9
10 662 10 247 9 658 9 584 11 257 9 513 6 394 12 779 8 906 10 391 4 704 5 793 9 321 9 036 12 014 4 045 9 255 8 848 9 608 5 028 8 673 10 134 13 104 2 554
122 29 54 61 18 26 49 8 29 – 12 – 63 7 98 – 26 56 41 24 43 42 64 8
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 1.3 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1982 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne 960 Australie 804 Autriche 831 Belgique 762 Canada 956 Danemark 709 Espagne 404 États-Unis 1 367 Finlande 661 France 894 Grèce 220 Irlande 496 Italie 685 Japon 671 Luxembourg 819 Mexique – Norvège 664 Nouvelle-Zélande 629 Pays-Bas 826 Portugal 335 Royaume-Uni 541 Suède 1 045 Suisse 1 022 Turquie 81
181 64 97 117 84 64 86 115 65 144 62 49 109 13 114 – 67 – 67 61 74 71 148 9
11 222 10 441 10 348 10 323 11 419 10 408 6 820 13 136 9 704 11 220 4 981 6 217 9 912 9 826 12 895 4 209 9 818 9 494 10 005 5 436 9 372 10 857 13 696 2 754
125 29 55 62 21 28 55 8 30 – 12 29 78 9 103 – 29 59 45 43 48 50 67 8
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 1.4 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1983 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 012 860 880 814 1 040 729 433 1 489 714 954 239 516 729 719 859 – 726 641 869 328 605 1 094 1 116 89
194 70 103 127 94 68 86 127 71 150 70 49 118 14 119 – 74 80 69 63 82 75 159 10
11 904 11 204 10 979 10 779 12 127 11 095 7 208 14 005 10 297 11 700 5 168 6 400 10 392 10 416 13 802 4 125 10 645 10 008 10 504 5 630 10 082 11 475 14 319 2 936
132 31 56 68 25 30 57 9 32 – 13 31 84 11 102 – 31 63 43 39 53 54 72 8
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 1.5 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1984 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 107 920 919 849 1 122 767 437 1 618 761 1 045 249 539 757 748 929 – 760 649 895 338 638 1 157 1 172 93
214 73 107 127 110 72 81 138 76 161 74 53 122 13 132 – 78 86 77 67 91 77 166 10
12 777 12 018 11 562 11 451 13 279 12 048 7 570 15 380 10 967 12 294 5 492 6 897 11 091 11 218 15 234 4 333 11 665 10 813 11 222 5 734 10 729 12 400 15 093 3 202
147 35 58 69 28 32 54 10 34 – 14 33 85 11 114 – 33 69 48 38 57 54 77 8
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 1.6 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1985 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 175 995 992 887 1 215 815 455 1 759 852 1 090 284 569 827 796 1 008 – 816 714 934 386 671 1 159 1 300 73
232 80 116 139 127 78 92 151 83 176 82 57 148 13 149 – 83 104 84 68 95 82 115 10
13 519 12 848 12 246 11 943 14 263 12 997 8 007 16 259 11 682 12 898 5 838 7 331 11 770 12 112 16 179 4 509 12 669 11 201 11 859 6 102 11 459 13 056 16 124 3 356
159 37 63 71 33 35 58 12 37 116 15 34 101 12 128 – 36 85 53 42 61 58 61 8
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 1.7 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1986 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 212 1 067 1 051 939 1 321 825 474 1 867 906 1 140 325 579 862 842 1 043 – 952 773 991 456 716 1 173 1 359 96
243 86 118 148 146 84 90 166 87 186 93 60 158 15 159 – 95 117 92 69 101 86 121 11
14 170 13 371 12 681 12 402 14 938 13 786 8 440 16 950 12 216 13 445 6 060 7 479 12 414 12 662 17 232 4 341 13 474 11 709 12 421 6 514 12 221 13 655 16 730 3 605
169 42 67 81 39 37 56 15 39 123 20 37 99 13 137 – 40 95 56 48 65 61 63 10
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 1.8 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1987 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 283 1 113 1 114 999 1 408 897 523 2 009 979 1 197 322 597 971 959 1 195 – 1 045 834 1 045 481 771 1 249 1 449 110
262 89 125 159 167 84 98 180 94 194 89 72 182 17 182 – 101 123 102 – 107 95 120 14
14 827 14 262 13 274 13 031 15 830 14 238 9 166 17 844 13 073 14 094 6 208 8 073 13 202 13 524 18 240 4 460 14 108 12 133 12 872 7 091 13 163 14 474 17 482 3 929
184 49 71 90 43 39 62 17 43 117 18 39 121 15 157 – 42 100 62 58 70 67 71 12
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 1.9 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1988 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 403 1 176 1 198 1 087 1 499 979 633 2 210 1 044 1 301 336 620 1 079 1 025 1 363 – 1 114 863 1 100 558 832 1 309 1 558 119
293 98 138 179 190 94 113 192 100 217 88 79 195 18 199 – 113 124 108 – 116 93 129 –
15 872 15 282 14 313 14 150 17 041 14 950 9 986 19 073 14 203 15 179 6 720 8 748 14 265 14 854 19 918 4 593 14 502 12 465 13 634 7 798 14 317 15 300 18 530 4 077
205 50 79 101 47 44 85 19 46 131 20 44 131 17 – 44 99 66 63 78 61 74 –
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 1.10 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1989 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 413 1 238 1 316 1 160 1 601 1 019 711 2 433 1 151 1 423 371 652 1 170 1 098 1 442 – 1 128 949 1 172 573 887 1 396 1 698 120
289 108 147 188 210 94 128 212 108 239 88 91 213 19 214 – 118 119 114 – 125 113 134 –
17 003 15 912 15 423 15 228 17 878 15 685 10 895 20 299 15 610 16 350 7 238 9 869 15 317 16 168 21 939 4 860 15 161 13 172 14 804 8 702 15 228 16 239 20 168 4 180
195 54 85 106 53 42 93 21 51 149 21 52 141 20 181 – 44 110 71 60 83 80 80 –
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 1.11 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1990 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 520 1 315 1 395 1 247 1 716 1 068 813 2 685 1 291 1 538 395 749 1 317 1 188 1 532 – 1 202 996 1 279 616 955 1 464 1 761 133
312 118 154 194 231 95 145 236 121 256 95 101 242 – 225 – 125 140 127 94 132 120 144 35
18 369 16 023 16 600 16 333 18 304 16 548 11 755 21 162 16 193 17 347 7 424 11 209 16 286 17 596 23 398 5 211 16 006 13 518 15 948 9 380 15 896 17 018 21 020 4 668
211 53 91 118 61 37 103 25 58 156 23 58 161 22 190 – 46 96 85 68 88 86 80 –
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 1.12 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1991 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 650 1 384 1 490 1 377 1 846 1 151 907 2 882 1 416 1 649 414 846 1 440 1 273 1 616 – 1 339 1 059 1 358 730 1 016 1 423 1 949 164
341 133 161 213 256 126 162 256 140 275 94 110 258 – 236 – 144 151 135 – 142 126 152 –
19 677 16 369 17 364 17 162 18 400 17 440 12 740 21 574 15 508 18 156 7 764 11 975 17 170 18 951 24 695 5 487 16 764 13 643 16 429 10 421 15 619 16 840 21 729 4 809
233 56 97 135 68 59 – 29 67 169 23 64 163 26 200 – 57 102 90 80 92 90 86 –
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 1.13 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1992 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Nouvelle-Zélande Norvège Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 831 1 415 1 672 1 532 1 912 1 211 963 3 094 1 406 1 798 469 906 1 553 1 411 1 817 340 1 109 1 531 1 494 815 1 181 1 300 2 133 148
378 135 176 250 276 138 175 267 151 299 110 128 281 24 – – 153 – 156 139 169 148 – –
21 196 16 642 18 674 18 889 18 661 18 249 13 305 22 396 15 017 19 190 8 545 13 377 18 343 20 150 27 048 6 962 14 471 18 555 17 534 11 497 16 824 17 138 22 779 5 003
260 66 110 155 76 66 – 31 69 185 27 76 160 31 233 – 108 – 147 87 108 104 – –
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 1.14 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1993 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1 815 1 493 1 777 1 601 1 971 1 296 972 3 299 1 363 1 835 500 922 1 523 1 495 1 993 – 1 592 1 179 1 531 866 1 213 1 266 2 283 146
335 – 191 267 298 147 – 280 – 309 – 129 275 – – – – 189 168 – 181 161 – –
21 163 17 555 19 126 19 373 19 271 19 340 13 330 23 358 15 530 18 764 8 782 13 847 17 865 20 550 28 741 7 019 19 467 15 409 17 602 11 800 17 152 16 828 23 033 5 376
205 – 120 160 81 71 – 34 – 191 – 81 135 – – – – 125 158 80 114 111 – –
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 1.15 Données sur les pays membres de l’OCDE (sauf l’Islande) pour 1994 PAYS Dépenses Dépenses Références Dépenses de santé prod. méd. macro- prod. méd. totales Dépenses économiques Dépenses Dépenses totales de PIB publiques de santé produits Valeur/ Produits totales pharmaceutiques habitant pharmaceutiques Valeur/ Valeur/ $PPA Valeur/ habitant habitant habitant $PPA $PPA $PPA
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –
– – – – 323 – – – – – – – 249 – – – – – – – – – – –
– 18 511 – – 20 312 – – – 165 017 – – – 18 573 – – – – – – – – – – 2 792
– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Tableau 2 Intervalles de confiance pour les régressions – 1981 et 1991 Intervalles de confiance pour les régressions de 1981 Médicaments du PIB Intervalle de confiance Intervalle de confiance de 95 % de 90 %
Allemagne Australie Canada Danemark États-Unis France Italie Nouvelle-Zélande Pays-Bas Royaume-Uni Suède Suisse
10 662 10 247 11 257 9 513 12 779 10 391 9 321 8 848 9 608 8 673 10 134 13 104
175 96,778 62 93,043 77 102,133 59 86,437 103 115,831 134 94,339 90 84,709 69 80,452 61 87,292 65 78,877 63 92,026 141 118,756
78,222 –31,043 –25,133 –27,437 –12,831 39,661 5,291 –11,452 –26,292 –13,877 –29,026 22,244
43,468 41,808 45,848 38,872 51,936 42,384 38,104 36,212 39,252 35,512 41,356 53,236
150,088 144,278 158,418 134,002 179,726 146,294 131,314 124,692 135,332 122,242 142,696 184,276
32,806 31,561 34,591 29,359 39,157 31,993 28,783 27,364 29,644 26,839 31,222 40,132
160,750 154,525 169,675 143,515 192,505 156,685 140,635 133,540 144,940 130,915 152,830 197,380
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
PIB/ Médicam./ Valeur Différence Limite Limite Limite Limite habitant hab probable inférieure supérieure inférieure supérieure
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Intervalles de confiance pour les régressions de 1991 Médicaments du PIB Intervalle de confiance Intervalle de confiance de 95 % de 90 % PIB/ Médicam./ Valeur Différence Limite Limite Limite Limite habitant hab probable inférieure supérieure inférieure supérieure Allemagne Australie Canada Danemark États-Unis France Italie Nouvelle-Zélande Pays-Bas Royaume-Uni Suède Suisse
19 677 16 369 18 400 17 440 21 574 18 156 17 170 13 643 16 429 15 619 16 840 21 729
341 214,587 133 178,199 256 200,540 126 189,980 256 235,454 275 197,856 258 187,010 151 148,213 135 178,859 142 169,949 126 183,380 152 237,159
126,413 – 45,199 55,460 – 63,980 20,546 77,144 70,990 2,787 – 43,859 – 27,949 – 57,380 – 85,159
96,525 79,985 90,140 85,340 106,010 88,920 83,990 66,355 80,285 76,235 82,340 106,785
332,649 276,413 310,940 294,620 364,898 306,792 290,030 230,071 277,433 263,663 284,420 367,533
76,848 63,616 71,740 67,900 84,436 70,764 66,820 52,712 63,856 60,616 65,500 85,056
352,326 292,782 329,340 312,060 386,472 324,948 307,200 243,714 293,862 279,282 301,260 389,262
Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 2 (suite)
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Tableau 3 Nombre de pharmaciens Pays Nombre de Population Pharmaciens pour Nombre de Population Pharmaciens pour pharmaciens (en milliers) mille habitants pharmaciens (en milliers) mille habitants 29 454 10 189 9 942 – 1 344 – 39 533 – 2 290 1 601 – 3 875 –
61 682 0,48 14 923 0,68 9 853 1,01 24 900 5 122 0,26 237 568 54 182 0,73 56 516 3 147 0,73 14 247 0,11 56 379 8 320 0,47 6 354
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
1991 37 550 10 880 12 490 17 296 990 182 000 51 277 – 2 223 2 287 32 913 5 285 –
64 074 17 284 10 004 28 118 5 154 262 200 57 050 56 748 3 406 15 070 57 649 8 617 6 808
0,59 0,63 1,25 0,62 0,19 0,69 0,90 0,65 0,15 0,57 0,61
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Allemagne Australie Belgique Canada Danemark États-Unis France Italie Nouvelle-Zélande Pays-Bas Royaume-Uni Suède Suisse
1981
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Rendement des programmes Pays Allemagne • Plafonnement du budget
Liberté Équité
Cote d’efficience* Méd./PIB 1981 : +++
• 92 % de la population couverte par une caisse maladie prévue par la loi • Copaiement déterminé en fonction de la quantité de médicaments achetée • Limite supérieure du copaiement fondé sur le revenu, l’état matrimonial et la taille de la famille • Aucun copaiement pour les personnes à faible revenu et les malades chroniques
Australie
• Liste de médicaments • Certains médicaments prescrits visés par des contrôles • Critères économiques pour déterminer les médicaments à inscrire sur la liste
Méd./PIB 1981 : – • Le Pharmaceutical Benefits Scheme couvre tous les résidents pour tous les Méd./PIB 1991 : – médicaments listés dans l’annexe. • Copaiement variable : plus bas pour certains pensionnés, les personnes invalides et les groupes économiquement faibles
Canada
• La plupart des provinces ont une liste de médicaments admissibles aux subventions gouvernementales.
• Couverture : en général les personnes âgées, les pauvres et les malades chroniques • Copaiement : en général minime dans le cas des pauvres et des malades chroniques
Méd./PIB 1991 : ++
Méd./PIB 1981 : – Méd./PIB 1991 : +
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pharmaceutique : les dépassements entraînent des réductions dans les honoraires des médecins • Contrôle des médecins dépassant les normes (selon la spécialité, la composition de la clientèle, la technologie utilisée et la région) • Système de prix de référence : limite le prix des ordonnances que la CM rembourse • Liste négative pour les médicaments remboursés par la CM
Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 4
Pays Danemark
• Liste des
Cote d’efficience*
• Aucun copaiement : certains groupes de malades, les pensionnaires des foyers pour personnes âgées et les personnes handicapées • Subventions universelles pour les médicaments (résidents du Danemark)
Méd./PIB 1981 : –
médicaments admissibles à différents niveaux de • Couverture universelle subventions (3 types) • Copaiement minime dans le cas • Copaiement lié à la classification du des pauvres, des malades chroniques et médicament des personnes handicapées • Pénalités imposées aux prescripteurs abusifs
Méd./PIB 1981 : +
• Deux listes positives • Une liste négative • Certaines ordonnances limitées aux spécia listes • Subventions pour les médicaments selon le type de liste
médicaments admissibles aux subventions gouvernementales. Pour les médicaments à l’intérieur de sous-groupes thérapeutiques, la subvention est basée sur le médicament le moins coûteux de ce sous-groupe. • Certains produits disponibles seulement s’ils sont prescrits par un spécialiste, d’autres par l’intermédiaire d’une pharmacie hospitalière. Pour certains produits, les omnipraticiens doivent consulter un spécialiste.
• Couverture universelle (tous les résidents) • Copaiement minime pour les pauvres, les enfants, les malades chroniques et les accidentés • Maximisation du copaiement pour les autres, avec plafond annuel par famille
Méd./PIB 1991 : – France
Méd./PIB 1991 : + Nouvelle-Zélande
Méd./PIB 1981 : – Méd./PIB 1991 : +/–
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
• Listes de
Liberté Équité
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Tableau 4 (suite)
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Pays Pays-Bas
Royaume-Uni
Liberté Équité • Liste négative (avec le régime d’assurance public) • Copaiement lié à la classification du médicament
• 60 % de la population couverte par le régime public d’assurance-maladie obligatoire ; 40 % par des régimes d’assurance privés
• Liste restrictive pour certains groupes thérapeutiques • Information sur le niveau des habitudes de prescription individuelles envoyée aux prescripteurs abusifs
• Copaiement : montant fixe par produit ; 48 % de la population est exemptée du copaiement
Cote d’efficience* Méd./PIB 1981 : – Méd./PIB 1991 : –
Méd./PIB 1981 : – Méd./PIB 1991 : –
Source : Adapté et reproduit avec la permission de Kennedy et al., Selected National Drug Programs : Description and Review of Performance, document de travail, Ottawa, Santé Canada, Direction des médicaments, Division de la politique des produits pharmaceutiques, octobre 1995. * Un rendement en dessous de la ligne mais à l’intérieur de l’intervalle de confiance (IC) de 90 % est désigné par la notation « – », à l’intérieur de l’IC de 95 %, par « – – », et à l’extérieur, par « – – – ». Un rendement au-dessus de la ligne mais à l’intérieur de l’IC de 90 % est désigné par la notation « + », à l’intérieur de l’IC de 95 %, par « ++ », et à l’extérieur, par « +++ ». Par exemple, la notation « +++ » traduit une très mauvaise maîtrise des dépenses pharmaceutiques par rapport à la valeur probable obtenue de la régression des moindres carrés appliquée au PIB, tandis que la notation « – » indique une maîtrise relativement bonne.
Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Tableau 4 (suite)
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130
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 1.1 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($PPA), 1989 Parités de pouvoir d’achat par habitant ($us) 0
25
50
75
100
125
150
175
200
225
allemagne
250
275
300 1
australie autriche belgique Canada
6
danemark espagne Finlande France
2
grèce irlande islande
7
italie
4
Japon luxembourg
3
mexique norvège Pays-bas Portugal
Moyenne
nouvelle-Zélande
Royaume-uni suède suisse états-unis
5
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 1.2 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($PPA), 1990 Parités de pouvoir d’achat par habitant ($us) 0
25
50
75
100
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150
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allemagne
275
300
325
1
australie autriche belgique Canada
5
danemark espagne Finlande France
2
grèce irlande islande
7
italie
3
Japon luxembourg
6
mexique nouvelle-Zélande Pays-bas
Moyenne
norvège
Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
4
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 1.3 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($PPA), 1991 Parités de pouvoir d’achat par habitant ($us) 0
25
50
75
100
125
150
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225
250
275
allemagne
300
325
350
1
australie autriche belgique
7
Canada
4
danemark espagne Finlande France
2
grèce irlande islande
7
italie
3
Japon luxembourg
6
mexique nouvelle-Zélande Pays-bas
Moyenne
norvège
Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
4
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 1.4 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($PPA), 1992 Parités de pouvoir d’achat par habitant ($us) 0
25
50
75
100
125
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1
australie autriche belgique
6
Canada
4
danemark espagne Finlande France
2
grèce irlande islande italie
3
Japon luxembourg mexique nouvelle-Zélande Pays-bas
Moyenne
norvège
Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
5
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 1.5 Dépenses pharmaceutiques totales par habitant ($PPA), 1993 Parités de pouvoir d’achat par habitant ($us) 0
25
50
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100
125
150
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225
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allemagne
325
350
1
australie autriche belgique Canada
3
danemark espagne Finlande France
2
grèce irlande islande italie Japon luxembourg mexique nouvelle-Zélande Pays-bas
Moyenne
norvège
Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
4
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 2A Dépenses pharmaceutiques totales en parités de pouvoir d’achat par habitant ($US), 1980-1994 400 350 300 PPa/habitant ($us)
gne
ma
Alle
250 200 150 100
e
Franc
nis
ada
États-U
Can
e-Uni
Royaum
Australie
50 0 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
Figure 2B 350 ada
Can
PPa/habitant ($us)
300 250
elle uv nde o N éla Z
200 as
150 100
Pays-B Italie
Suisse
Suède
Danemark
50 0 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 3.1 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1989 Pourcentage des dépenses de santé totales 0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
allemagne
20
22
24
2
australie autriche belgique Canada
6 11
danemark espagne
4
Finlande 5
France grèce irlande
1 10
islande
8
italie
3
Japon luxembourg norvège nouvelle-Zélande
7
Moyenne
mexique
Pays-bas Portugal Royaume-uni
9
suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 3.2 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1990 Pourcentage des dépenses de santé totales 0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
allemagne
20
22
24
26
2
australie autriche belgique Canada
6 12
danemark espagne
4
Finlande France
5
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1
irlande islande
7
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3
Japon luxembourg
9
mexique norvège nouvelle-Zélande
10
Pays-bas Portugal Royaume-uni suisse états-unis
Moyenne
suède
8 11
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 3.3 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1991 Pourcentage des dépenses de santé totales 0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
allemagne
20
22
24
2
australie autriche belgique Canada
6 11
danemark espagne
4
Finlande France
5
grèce
1
irlande islande
9
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3
Japon luxembourg
7
mexique norvège nouvelle-Zélande
8
Pays-bas Portugal Royaume-uni suisse états-unis
Moyenne
suède
8 9
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 3.4 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1992 Pourcentage des dépenses de santé totales 0
2
4
6
8
10
12
14
16
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allemagne
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22
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australie autriche belgique
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danemark espagne
3
Finlande France
6
grèce irlande
1 11
islande
8
italie luxembourg mexique
3
Moyenne
Japon
norvège nouvelle-Zélande Pays-bas Portugal Royaume-uni
5 10
suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 3.5 Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales, 1993 Pourcentage des dépenses de santé totales 0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
allemagne
20
1
australie autriche belgique
4
Canada
6
danemark espagne Finlande France
3
grèce irlande islande italie luxembourg mexique
2
Moyenne
Japon
norvège nouvelle-Zélande
5
Pays-bas Portugal Royaume-uni
7
suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 4A Dépenses pharmaceutiques en pourcentage des dépenses de santé totales exprimées en parités de pouvoir d’achat par habitant ($US), 1980-1994
Pourcentage des dépenses de santé totales en PPa par habitant ($us)
25 e
Allemagn
20
France
15
ni
me-U
Royau
Canada
10
Australie États-Unis
5
0 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
Figure 4B Pourcentage des dépenses de santé totales en PPa par habitant ($us)
20
Italie
18 16 14
Pays Bas
-Zélande
ada
Can
12
Suisse
10 8
Nouvelle
Danemark
Suède
6 4 2 0 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 5.1 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1989 Pourcentage du produit intérieur brut 0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
allemagne
1,6
1,8 1
australie autriche belgique
5
Canada
7
danemark espagne
7
Finlande France
2
grèce
6
irlande islande
4
italie
3
Japon luxembourg norvège nouvelle-Zélande
Moyenne
mexique
Pays-bas Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 5.2 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1990 Pourcentage du produit intérieur brut 0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
allemagne
1,8 1
australie autriche belgique
8
Canada
5
danemark espagne
6
Finlande France
3
grèce
4
irlande islande
7
italie
2
Japon mexique norvège
Moyenne
luxembourg
nouvelle-Zélande Pays-bas Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 5.3 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1991 Pourcentage du produit intérieur brut 0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
allemagne
1,8 1
australie autriche belgique
6
Canada
4
danemark espagne
5
Finlande France
2
grèce
7
irlande islande italie
3
Japon mexique norvège
Moyenne
luxembourg
nouvelle-Zélande Pays-bas Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 5.4 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1992 Pourcentage du produit intérieur brut 0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
allemagne
1,8 1
australie autriche belgique
5
Canada
4
danemark espagne
6
Finlande France
2
grèce
7
irlande islande italie
3
Japon mexique norvège
Moyenne
luxembourg
nouvelle-Zélande Pays-bas Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 5.5 Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut, 1993 Pourcentage du produit intérieur brut 0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
allemagne
1,8
2
australie autriche belgique
5
Canada
3
danemark espagne Finlande France
1
grèce irlande islande italie luxembourg mexique
4
Moyenne
Japon
norvège nouvelle-Zélande Pays-bas Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 5.6 Indice global des dépenses pharmaceutiques (dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du PIB + 2 fois les dépenses pharmaceutiques par habitant/3), 1989-1993 –1,5
–1,0
– 0,5
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
allemagne australie autriche belgique Canada danemark espagne Finlande France grèce irlande islande italie Japon luxembourg mexique norvège nouvelle-Zélande Pays-bas Portugal Royaume-uni
1989 1990 1991 1992 1993
suède suisse états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 6
Pourcentage du Pib en PPa par habitant ($us)
Pourcentage du Pib en PPa par habitant ($us)
Dépenses pharmaceutiques totales en pourcentage du produit intérieur brut exprimé en parités de pouvoir d’achat par habitant ($US), 1980-1994 2,0 1,8
ne
Allemag
1,6
France
1,4
États-Unis
1,2
a
Canad
1,0
Royaume-Uni
0,8
Australie
0,6 0,4 0,2
0,0 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1,6 1,4 Italie
1,2
Pays-Bas
da
Cana
1,0 0,8
e
land
e-Zé
vell Nou
se
Suis
Suède
Danemark
0,6 0,4 0,2 0,0 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 7 Régression: dépenses pharmaceutiques totales et produit intérieur brut, 21 pays, 1981
dépenses pharmaceutiques totales – Val./habitant – PPa ($ courants)
180
Allemagne
Coefficient de corrélation : 0,64 Pente de droite : 0,01
160
Suisse
140
France
120
Luxembourg États-Unis
Belgique
100 Nouvelle-Zélande Espagne
80
Autriche
Canada Pays-Bas Suède Royaume-Uni Finlande Australie Norvège Danemark
Grèce
60
Italie
Portugal
40 20 Turquie
0 2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
14 000
Produit intérieur brut – Val./habitant – PPa ($ courants)
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
Figure 8 Régression: dépenses pharmaceutiques totales et produit intérieur brut, 21 pays, 1991
dépenses pharmaceutiques totales – Val./habitant – PPa ($ courants)
350
Allemagne
Coefficient de corrélation : 0,6 Pente de droite : 0,01
300 France Italie
250
Luxembourg
Espagne
150
50 5 000
États-Unis
Belgique Islande
200
100
Canada
NouvelleZélande Royaume-Uni
Irlande
Grèce
10 000
Danemark
Norvège Finlande Pays-Bas Australie Suède Autriche
15 000
20 000
Suisse
25 000
30 000
Produit intérieur brut – Val./habitant – PPa ($ courants)
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 9 Consommation de médicaments mesurée en boîtes par habitant, 1981 et 1989 boîtes par personne par année 0
5
10
15
20
25
30
35
40
australie belgique Canada danemark France allemagne italie Pays-bas nouvelle-Zélande suède
1981 1989
suisse Royaume-uni états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 10 Nombre de pharmaciens pour 1 000 habitants, 1981 et 1991 Pharmacien par millier d’habitants 0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
australie belgique Canada danemark France allemagne italie Pays-bas nouvelle-Zélande suède
1981 1991
suisse Royaume-uni états-unis
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 11 Pourcentage des dépenses publiques et privées par rapport au pourcentage des dépenses pharmaceutiques totales, 1989 Pourcentage des dépenses totales 0
10
20
30
40
allemagne australie autriche belgique Canada danemark espagne Finlande France grèce irlande islande italie Japon luxembourg mexique norvège nouvelle-Zélande Pays-bas Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
50
60
70
80
90
100
Publiques Privées
moyenne
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Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada
Figure 12 Indice global des pays de l’OCDE de 1989 à 1993 indice global de l’état de santé –4
–3
–2
–1
0
1
2
allemagne australie autriche belgique Canada danemark espagne Finlande
1989 1990 1991 1992 1993
France grèce irlande islande italie Japon luxembourg mexique norvège nouvelle-Zélande Pays-bas Portugal Royaume-uni suède suisse états-unis
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Comparaison internationale des dépenses de santé et de l’état de santé Centre de statistiques internationales Ottawa
Résumé Le présent document renferme une comparaison internationale des dépenses publiques consacrées à la santé et de certains autres types de dépenses sociales. Il vise à comparer les liens existant entre diverses formes et niveaux de dépenses publiques et l’état de santé de la population de chacun des pays membres de l’OCDE. Les deux indicateurs de l’état de santé national sont l’espérance de vie à la naissance et le taux de mortalité infantile. Le présent document soulève diverses questions : • Comment le niveau de dépenses de santé du Canada se compare-t-il avec celui des autres pays industrialisés ? • Les pays qui dépensent le plus au titre de la santé ont-il une espérance de vie plus élevée et un taux de mortalité infantile plus bas que les autres ? • Quelle incidence les autres facteurs socioéconomiques, comme l’inégalité du revenu, le niveau de pauvreté et le PIB par habitant, ont-ils sur l’état de santé ? Les résultats de la comparaison révèlent que, par rapport aux autres nations industrialisées, le Canada dépense beaucoup au titre de la santé. Même si l’état de santé de la population canadienne, mesurée d’après l’espérance de vie et la mortalité infantile, se compare favorablement à celui des autres pays, le lien entre les dépenses de santé et l’état de santé reste ambigu. Divers pays enregistrent une espérance de vie élevée et un bas taux de mortalité infantile, même s’ils dépensent moins que le Canada au titre de la santé. Autrement dit, les comparaisons internationales montrent que des dépenses de santé plus élevées ne sont pas nécessairement liées à un meilleur état de santé. Cette constatation étaye également le lien ambigu entre l’état de santé et d’autres formes de dépenses sociales, par exemple au titre de la sécurité du revenu et de l’éducation. Il semblerait que, parmi les nations industrialisées, les simples mesures des dépenses sont de piètres indicateurs du classement du pays pour ce qui est de l’espérance de vie et de la mortalité infantile.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Une mise en garde s’impose. Le présent document se limite à faire un survol du lien entre les dépenses de santé et l’état de santé de la population de nations industrialisées. Il ne vise nullement à contrôler la complexité des facteurs sociaux, démographiques, environnementaux et biologiques qui peuvent influer sur l’état de santé d’une population donnée. Ainsi, il faut exercer un certain discernement en interprétant les résultats, car une recherche plus poussée s’impose.
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Table des matières
Les dépenses de santé des pays de l’OCDE ....................................................159 Le Canada dépense-t-il davantage que les autres nations industrialisées au titre de la santé ?..........................................................................................159
Dépenses publiques et privées au titre de la santé............................................159 Le Canada finance-t-il plus de dépenses de santé au moyen des deniers publics que les autres pays ?..............................................................................159
Lien entre les dépenses de santé et l’état de santé ...........................................159 La population des pays qui consacrent plus à la santé jouit-elle d’un meilleur état de santé ?.............................................................................159
Dépenses de santé et espérance de vie..............................................................161 Autres formes de dépenses sociales pouvant influer sur l’état de santé ...........164 Dépenses au titre de la sécurité du revenu et état de santé...............................164 Inégalité de revenu, pauvreté et état de santé...................................................168 Les tendances au fil des ans ............................................................................168 Conclusion .....................................................................................................171 Bibliographie....................................................................................................173 Liste des figures
Figure 1 Total des dépenses de santé publiques et privées, exprimées en % du PIB, pays de l’OCDE, 1993..............................160 Figure 2 Dépenses de santé publiques exprimées en % du PIB, pays de l’OCDE, 1993....................................................................161 Figure 3 Total des dépenses de santé et mortalité infantile, certains pays de l’OCDE, 1993.......................................................162 Figure 4 Dépenses de santé totales et espérance de vie, certains pays de l’OCDE, 1993.......................................................163 Figure 5 Dépenses de santé totales et espérance de vie des femmes, 1993.........163 Figure 6 Dépenses au titre de la sécurité du revenu (1990) et mortalité infantile (1993), certains pays de l’OCDE.......................................166
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 7 Pauvreté des familles et mortalité infantile, certains pays de l’OCDE.................................................................168 Figure 8 Évolution du taux de mortalité infantile (1980-1993) et des dépenses de santé en % du PIB (1983-1993), pays de l’OCDE..............................................................................169 Figure 9 Évolution du taux de mortalité infantile et de l’inégalité de revenu au fil des ans....................................................................171 Liste des tableaux
Tableau 1 Dépenses publiques (exprimées sous forme de pourcentage du PIB) au titre de la sécurité du revenu, de l’éducation et des programmes du marché du travail : certains pays de l’OCDE, diverses années..........................................................165
Tableau 2 Coefficients de corrélation de classement, certaines variables des dépenses et de l’état de santé, pays de l’OCDE........................167 Tableau 3 Changements de certains indicateurs au fil des années, pays de l’OCDE...........................................................................170
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Centre de statistiques internationales – Comparaison internationale des dépenses
les DÉPENSES DE SANTÉ DES PAYS DE L’OCDE Le Canada dépense-t-il davantage que les autres nations industrialisées au titre de la santé ?
Par rapport aux 25 pays membres de l’Organisation de coopération et de dévelop pement économiques (OCDE), le Canada est au deuxième rang pour ce qui est des dépenses de santé totales, exprimées sous forme de pourcentage de son PIB (figure 1). Les dépenses de santé totales incluent celles qui sont financées au moyen des deniers publics et les dépenses privées, comme les primes d’assurance et les débours personnels. Les dépenses de santé totales représentent 10,2 % du PIB au Canada, tout juste derrière les États-Unis (14,1 %). En moyenne, les pays de l’OCDE consacrent 8 % de leur PIB à la santé.
Dépenses publiques et privées au titre de la santé
Dans la plupart des pays industrialisés, la majorité des dépenses de santé sont financées publiquement. Au Canada, 73 % des dépenses de santé sont financées ainsi, ce qui correspond à la moyenne des pays de l’OCDE. Les États-Unis font exception, étant le seul pays de l’OCDE à avoir une plus grande partie des dépenses de santé financées par des régimes privés, avec seulement 44 % des dépenses de santé totales assumées par le secteur public. À l’autre extrême on retrouve la Norvège où ce type de finan cement atteint 93 %.
Le Canada finance-t-il plus de dépenses de santé au moyen des deniers publics que les autres pays ?
Par rapport aux autres pays de l’OCDE, le Canada se classe deuxième pour les dépenses de santé les plus élevées exprimées sous forme de pourcentage de son PIB (figure 2). En 1993, les dépenses publiques de santé au Canada correspondaient à 7,4 % du PIB, soit 40,4 milliards de dollars. Malgré ce classement, le Canada a un niveau de dépenses publiques semblable à celui d’autres pays d’Europe, dont la Norvège, la Belgique et la France.
LIEN ENTRE LES DÉPENSES DE SANTÉ ET L’ÉTAT DE SANTÉ La population des pays qui consacrent plus à la santé jouit-elle d’un meilleur état de santé ?
Si l’on examine divers pays, il n’existe pas de lien précis entre le niveau des dépenses de santé et l’état de santé de la population. L’indicateur de l’état de santé d’une population le plus fréquemment utilisé est le taux de mortalité infantile, soit le nombre de décès survenus au cours de la première année de vie pour 100 naissances vivantes. À la figure 3, on peut voir le lien entre le total des dépenses de santé et le taux de mortalité infantile
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Figure 1 Total des dépenses de santé publiques et privées, exprimées en % du PIB, pays de l’OCDE, 1993
0
2
4
6
Pourcentage du Pib 8 10
14
12
16
états-unis Canada suisse France autriche Finlande Pays-bas allemagne australie italie belgique islande norvège nouvelle-Zélande suède Portugal espagne Royaume-uni luxembourg danemark
Moyenne de l’OCDE : 8,0 %
Japon
irlande grèce mexique Turquie
Source : L’OCDE en chiffres, 1995.
(et au tableau 2, les coefficients de corrélation du classement). On peut voir que des dépenses plus élevées au titre de la santé n’entraînent pas nécessairement un taux de mortalité infantile plus bas. Par exemple, les États-Unis consacrent 38 % de plus que le Canada au titre de la santé et ont un taux de mortalité infantile 25 % plus élevé que celui du Canada. Par contre, le taux de mortalité infantile en Norvège et en Suède est nettement plus bas que celui du Canada, et pourtant ces pays consacrent beaucoup moins de fonds aux dépenses de santé.
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Centre de statistiques internationales – Comparaison internationale des dépenses
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Figure 2 Dépenses de santé publiques exprimées en % du PIB, pays de l’OCDE, 1993 0
2
Pourcentage du Pib 4
6
8
norvège Canada belgique France Finlande islande Pays-bas suisse luxembourg suède italie états-unis autriche allemagne nouvelle-Zélande Royaume-uni australie espagne danemark irlande grèce Portugal mexique Turquie
Moyenne de l’OCDE : 5,8 %
Japon
Source : L’OCDE en chiffres, 1995.
Dépenses de santé et espérance de vie
Un autre indicateur utilisé pour évaluer l’état de santé d’une population est l’espérance de vie à la naissance, qui correspond au nombre d’années qu’un nouveau-né devrait vivre si les tendances dominantes de la mortalité à sa naissance demeuraient constantes tout au long de sa vie. Parmi les pays membres de l’OCDE, le Canada occupe la neuvième place pour ce qui est de l’espérance de vie à la naissance. Parmi les dix pays de l’OCDE qui ont l’espérance de vie la plus élevée, le Canada est celui qui dépense le plus au titre
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 3 Total des dépenses de santé et mortalité infantile, certains pays de l’OCDE, 1993 Total des dépenses de santé (% du Pib) 15
10
5
mortalité infantile 0
états-unis
0,2 Canada
France
France
autriche
autriche
Finlande
Finlande
Pays-bas
Pays-bas
australie italie
italie belgique norvège nouvelle-Zélande
suède
suède
Japon
Japon
Portugal
Portugal
espagne
espagne
Royaume-uni
Royaume-uni
luxembourg
luxembourg
irlande
1,0
australie
norvège
danemark
0,8
allemagne
belgique nouvelle-Zélande
0,6
états-unis
Canada
allemagne
0,4
danemark irlande
Source : L’OCDE en chiffres, 1995.
de la santé. Autrement dit, bien d’autres pays industrialisés ont une espérance de vie relativement élevée, mais des dépenses de santé moins considérables que le Canada. Aux fins d’une comparaison internationale, on peut dire qu’il n’existe pas de corrélation évidente entre le niveau des dépenses de santé et l’espérance de vie (figure 4). Il existe cependant une corrélation statistique importante entre le total des dépenses de santé et l’espérance de vie des femmes, à savoir que l’espérance de vie des femmes tend à être plus élevée dans les pays qui consacrent plus de fonds aux dépenses de santé (figure 5). L’examen des motifs expliquant l’existence d’un tel lien dans le cas des femmes, alors qu’il n’y a pas de lien dans celui des hommes, déborde de la portée du présent document. Il y a toutefois lieu de signaler que malgré cette association positive, bien des pays font exception. Par exemple, les États-Unis ont le niveau des dépenses de santé le plus élevé et une espérance de vie relativement faible pour les femmes. La Suède, à l’opposé, a des dépenses de santé relativement faibles, mais une espérance de vie élevée pour les femmes.
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Centre de statistiques internationales – Comparaison internationale des dépenses
Figure 4 Dépenses de santé totales et espérance de vie, certains pays de l’OCDE, 1993
dépenses de santé en pourcentage du Pib
16 États-Unis
14 12
France
10
Canada
Suisse Autriche Pays-Bas Australie Belgique Islande Allemagne Italie 8 Norvège Nouvelle-Zélande Suède Portugal Espagne Royaume-Uni Irlande Danemark Luxembourg 6 Grèce Finlande
Japon
4 74
75
76
77
78
79
80
espérance de vie à la naissance (années), 1992
Sources : OCDE, L’OCDE en chiffres, 1995 ; Nations Unies, Rapport sur le développement humain, 1995.
Figure 5
Total des dépenses de santé en pourcentage du Pib
Dépenses de santé totales et espérance de vie des femmes, 1993 16 r = 0,54 (ordre de rang) p < 0,01
États-Unis
14 12
Canada
10 8 6
Suisse France
Allemagne Finlande Pays-Bas Italie Australie Autriche Norvège Islande Belgique Nouvelle-Zélande Suède Portugal Royaume-Uni Espagne Irlande Luxembourg Danemark Grèce
Japon
4 77
78
79
80
81
82
83
espérance de vie des femmes
Source : OCDE, L’OCDE en chiffres, 1995.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Autres formes de dépenses sociales pouvant influer sur l’état de santé
Les dépenses publiques affectées directement à la santé ne sont pas les seules qui puissent influer sur l’état de santé de la population d’un pays. Les dépenses publiques au titre de la sécurité du revenu, de l’éducation et des programmes de main-d’œuvre, par exemple, peuvent promouvoir et améliorer la qualité de vie et, par conséquent, l’état de santé et le bien-être de la population. Ces formes de dépenses ne sont pas considérées comme des dépenses de santé à proprement parler, mais l’existence d’un lien entre la situation socioéconomique et l’état de santé a été démontré (Wilkinson, 1994 ; Institut canadien de la santé infantile, 1994 ; Wilkins et al., 1989).
Dépenses au titre de la sécurité du revenu et état de santé
Le Canada est au nombre des pays industrialisés qui dépensent le plus au titre de la santé, mais le niveau des dépenses publiques pour des programmes de sécurité du revenu est plus modeste. Ces dépenses ont trait aux services de bien-être social, aux pensions de l’État, aux prestations d’assurance-chômage et aux autres régimes de soutien du revenu. Elles correspondent à 11,9 % du PIB, ce qui est au-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE et bien au-dessous du niveau des autres pays de l’OCDE, particulièrement la Suède et le Danemark (tableau 1). Bien que les objectifs et le concept des programmes de sécurité du revenu puissent varier énormément d’un pays à l’autre, dans la plupart des nations industria-lisées (voire dans toutes), ces programmes ont pour but commun d’aider, de suppléer et de stabiliser les revenus produits par les économies des marchés privés. Entre autres exemples, on retrouve des programmes de soutien et de supplément du revenu des démunis, des programmes de remplacement du revenu pour les chômeurs, des programmes d’aide publique pour les personnes handicapées et les malades, de même que des pensions de retraite pour les personnes âgées. Dans la mesure où les dépenses au titre de la sécurité du revenu débouchent sur une amélioration de la situation socioéconomique, surtout celle des groupes les plus vulnérables de la société, on peut affirmer qu’elles ont une incidence positive (du moins indirecte) sur l’état de santé. La figure 6 compare le niveau des dépenses publiques au titre de la sécurité du revenu et du taux de mortalité infantile dans chacun des 20 pays de l’OCDE pour lesquels il existe des données. En se fondant sur les résultats de ces pays, on ne peut voir de lien statistique significatif entre la mortalité infantile et les dépenses au titre de la sécurité du revenu, comme pourcentage du PIB (voir les coefficients de corrélation selon le classement au tableau 2). Toutefois, comme le montre la figure 6, trois pays, soit le Luxembourg, le Japon et l’Australie, semblent « déborder » de ce qui apparaît autrement comme une relation linéaire. En fait, lorsqu’on élimine ces trois pays de l’analyse, il se dégage du classement une corrélation fortement significative entre les dépenses au titre de la sécurité du revenu et la mortalité infantile (r = –,73, p < ,001). Autrement dit, les pays qui ont des niveaux plus élevés de dépenses au titre de la sécurité du revenu ont tendance à avoir des taux de mortalité infantile plus bas.
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Centre de statistiques internationales – Comparaison internationale des dépenses
Tableau 1 Dépenses publiques (exprimées sous forme de pourcentage du PIB) au titre de la sécurité du revenu, de l’éducation et des programmes du marché du travail : certains pays de l’OCDE, diverses années Programmes du marché du travail Sécurité Éducation Assurance- Autres du revenu chômage Suède Danemark Pays-Bas Luxembourg Norvège Finlande France Autriche Italie Royaume-Uni Belgique Allemagne Irlande Espagne Nouvelle-Zélande Canada Portugal États-Unis Australie Japon Moyenne
26,3 23,1 23,0 22,7 21,6 20,8 20,5 19,0 18,5 18,5 18,4 16,8 15,2 14,5 12,9 11,9 11,3 9,4 7,4 6,8 16,9
7,5 7,6 5,6 – – 8,3 5,5 5,8 5,1 5,1 6,0 4,1 5,6 4,6 6,5 7,1 – 5,3 5,5 3,6 5,5
2,7 3,6 2,2 0,3 1,6 4,6 1,6 1,4 0,6 1,2 2,2 2,0 2,8 3,5 2,0 2,3 0,9 0,6 1,9 0,3 1,9
3,1 3,2 1,2 0,8 1,3 2,3 1,4 0,4 1,2 0,5 1,8 2,2 1,5 0,5 0,7 0,6 1,0 0,3 0,8 0,1 1,2
Remarques : 1. Les dépenses au titre de la sécurité du revenu ont trait aux dépenses en bien-être social dans les domaines suivants : pensions, prestations d’assurance-chômage et autres prestations de soutien du revenu en 1990. 2. Les données sur les dépenses au titre de l’éducation sont fournies par l’OCDE et ont trait aux dépenses publiques à tous les niveaux d’éducation, exprimées en pourcentage du PIB, en 1991-1992. 3. Les données sur les dépenses au titre du marché du travail sont tirées de OCDE, Perspectives d’emploi, 1994 et sont exprimées en pourcentage du PIB, en 1992-1993.
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Figure 6 Dépenses au titre de la sécurité du revenu (1990) et mortalité infantile (1993), certains pays de l’OCDE
dépenses pour la sécurité du revenu (en % du Pib)
30 Suède
25
Danemark
20
Finlande
Norvège
Allemagne
Pays-Bas
Luxembourg
France Autriche Royaume-Uni
Italie
Irlande
15
Canada
Belgique
Espagne Nouvelle-Zélande
Portugal
10 États-Unis
Australie
Japon
5 0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
mortalité infantile Sources : OCDE, L’OCDE en chiffres, édition de 1995 ; OCDE, Nouvelles orientations de la politique sociale, 1994.
Des 15 pays qui dépensent plus que le Canada au titre de la sécurité du revenu, 5 ont un taux de mortalité infantile plus élevé, et 10 ont un taux plus bas. Le lien entre les autres formes de dépenses sociales et les divers indicateurs de l’état de santé est présenté sous forme résumée au tableau 2. Comme on peut le voir dans ce tableau, il existe une corrélation statistique significative entre la mortalité infantile et les dépenses du marché du travail. Ces dernières ont trait à une vaste gamme de programmes, dont les prestations d’assurance-chômage, la formation de la main-d’œuvre, les programmes d’emploi pour les jeunes, les mesures à l’intention des personnes handicapées et les mesures d’aide à l’emploi. Le coefficient de corrélation entre les dépenses du marché du travail et la mortalité infantile est négatif, ce qui signifie que des niveaux de dépenses plus élevés sont associés à des taux de mortalité infantile plus bas. Il n’y a pas de corrélation significative entre les dépenses au titre de l’éducation et la mortalité infantile ou l’espérance de vie.
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Tableau 2
Espérance de vie Espérance de vie Espérance de vie Mortalité à la naissance à la naissance à la naissance infantile (hommes et femmes) (hommes) (femmes)
Dépenses de santé (totales) exprimées en pourcentage du PIB Dépenses de santé (publiques) exprimées en pourcentage du PIB Dépenses au titre de la sécurité du revenu exprimées en pourcentage du PIB2 Dépenses au titre de l’éducation exprimées en pourcentage du PIB3 Dépenses (totales) au titre du marché du travail exprimées en pourcentage du PIB4, 5 Dépenses au titre de l’aide à la main-d’œuvre exprimées en pourcentage du PIB4, 6 Dépenses au titre des programmes d’aide à l’emploi exprimées en pourcentage du PIB4, 7 PIB par habitant Rapport entre le quintile le plus élevé et le quintile le plus bas8 Part du revenu détenu par les 40 % de ménages les moins bien nantis8 Pauvreté des familles9
0,16 0,18 – 0,08 – 0,32
0,10 0,16 – 0,14 – 0,22
0,54** 0,48** – 0,14 – 0,26
– 0,10 – 0,21 – 0,31 – 0,23
– 0,14
– 0,11
– 0,11
– 0,46**
0,09
– 0,04
– 0,09
– 0,39*
– 0,24 0,12 – 0,38 0,41* 0,13
– 0,19 0,06 – 0,17 0,19 0,18
– 0,17 0,28 – 0,22 0,28 0,24
– 0,41* – 0,14 0,27 – 0,17 0,71**
Sources : OCDE, L’OCDE en chiffres,1995 et OCDE, Perspectives d’emploi ; Nations Unies, Rapport sur le développement humain, 1995 ; Étude sur le revenu au Luxembourg. ** p < ,05 ; *p < ,10 . 1. Toutes les corrélations sont fondées sur les données de 23 pays de l’OCDE. Le Mexique et la Turquie ont été exclus parce que, dans le Rapport des Nations Unies sur le développement humain (1995), ils n’avaient pas un classement élevé et semblaient faire exception pour une bonne partie de l’analyse. D’autres notes ont trait à d’autres pays qui ont été exclus parce qu’il n’existe pas de données pour eux. 2. Mis à part l’Islande et la Suisse. Les dépenses au titre de la sécurité du revenu ont trait aux prestations d’aide sociale, aux pensions publiques et aux prestations d’assurance-chômage, ainsi qu’à d’autres programmes de soutien du revenu. 3. Mis à part la Grèce, l’Islande, le Luxembourg, la Norvège et le Portugal. 4. Mis à part la Grèce, l’Islande et la Suisse. 5. Inclut les mesures de retraite anticipée, comme les programmes de réaménagement des effectifs, et les programmes du marché du travail. 6. Inclut la formation de la main-d’œuvre, les programmes d’emploi pour les jeunes, les mesures à l’intention des personnes handicapées et l’aide à l’emploi. 7. Inclut l’aide aux chômeurs. 8. Mis à part l’Autriche, la Grèce, l’Islande, l’Irlande, le Luxembourg et le Portugal. 9. Comprend seulement la Suède, la Finlande, le Danemark, la Belgique, la Norvège, les Pays-Bas, le Canada, l’Australie et les États-Unis.
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Coefficients de corrélation de classement, certaines variables des dépenses et de l’état de santé, pays de l’OCDE1
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Inégalité de revenu, pauvreté et état de santé
Une foule de travaux de recherche démontrent que la mesure de l’état de santé des pays est fonction du revenu. Au Canada, par exemple, dans un rapport sur la santé de Statistique Canada, on établit un lien entre la mortalité infantile, le faible poids à la naissance et le revenu (Wilkinson, 1994 ; Institut canadien de la santé infantile, 1994 ; Wilkins et al., 1989). On pourrait donc raisonnablement s’attendre que des pays qui ont un plus fort degré d’inégalité de revenu ou des niveaux élevés de pauvreté relative aient aussi des niveaux de santé nationale plus bas. Comme le montre le tableau 2, des éléments attestent de ce lien. Il y a un rapport important entre l’espérance de vie et la part de revenu que détiennent les 40 % de ménages les moins bien nantis, en ce sens que les pays dont ce segment de la population détient une plus grande part du revenu ont une espérance de vie plus élevée. En outre, il y a une forte corrélation entre la pauvreté des familles et la mortalité infantile : les pays qui ont des taux élevés de pauvreté des familles ont tendance à avoir un taux plus élevé de mortalité infantile (figure 7). Il faut signaler que le lien entre la pauvreté des familles et la mortalité infantile est fondé sur neuf pays seulement (puisque les données ne sont disponibles que pour ces derniers). Les résultats doivent donc être utilisés avec discernement.
Figure 7 Pauvreté des familles et mortalité infantile, certains pays de l’OCDE 25
Taux de pauvreté des familles 20 15 10 5 0
Taux de mortalité infantile 0,2 0,4 0,6 0,8
1,0
suède
suède
Finlande
Finlande
danemark
danemark belgique
belgique
norvège
norvège Pays-bas
Pays-bas
Canada
Canada
australie
australie
états-unis
états-unis
Source : Étude sur le revenu au Luxembourg et OCDE, L’OCDE en chiffres, 1995.
Les tendances au fil des ans
Cette partie du document a trait au lien entre les changements survenus dans les taux de mortalité infantile au fil des ans et un certain nombre d’éléments comme la variation annuelle moyenne du PIB, la variation des dépenses totales au titre des soins, la variation des dépenses au titre des programmes de sécurité du revenu et la variation de l’indice de l’inégalité du revenu.
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Comme le montre le tableau 3, dans tous les pays de l’OCDE pour lesquels il existe des données, le taux de mortalité infantile était plus bas en 1993 qu’en 1980. Au Canada, par exemple, la mortalité infantile (soit le pourcentage de naissances vivantes) est passé de 1,04 en 1980 à 0,68 en 1993. À peu près à la même période, les pays de l’OCDE ont connu une variation marquée du niveau de leur croissance économique, des dépenses de santé, des dépenses au titre de la sécurité du revenu et de l’inégalité du revenu. Par exemple, au Canada, les dépenses totales consacrées aux soins, exprimées en pourcentage du PIB, ont augmenté de 1,6 point de pour centage entre 1983 et 1993 (passant de 8,6 % à 10,2 %), alors qu’en Suède elles ont baissé de 2,0 points de pourcentage (passant de 9,5 % à 7,5 %). Y a-t-il un lien entre les tendances de la croissance économique, les dépenses de santé, les dépenses au titre de la sécurité de revenu ou l’inégalité du revenu et les va¿riations du taux de mortalité infantile ? Les pays qui ont augmenté leurs dépenses de santé sont-ils ceux qui ont connu la plus forte baisse du taux de mortalité infantile ? Les taux de mortalité infantile ont-ils baissé plus rapidement dans les pays qui ont cherché à améliorer l’égalité de revenu ? L’analyse des corrélations du classement ne révèle aucun lien significatif entre la mortalité infantile et l’un ou l’autre des éléments du tableau 3 (soit les figures 8 et 9).
Figure 8 Évolution du taux de mortalité infantile (1980-1993) et des dépenses de santé en % du PIB (1983-1993), pays de l’OCDE
évolution du taux de mortalité infantile
0 Canada
–0,5
–1,0
–1,5
–2,0 –3
–2
–1
0
1
2
3
4
évolution en points de pourcentage des dépenses de santé (en % du Pib)
Pour les sources et les notes, voir le tableau 3.
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Changements de certains indicateurs au fil des années, pays de l’OCDE Pays Mortalité Variation Variation en points Variation en points Inégalité : variation Inégalité : variation infantile annuelle de pourcentage de pourcentage en points en points 1980-1993 moyenne des dépenses de santé des dépenses au titre de pourcentage de pourcentage du PIB (%) exprimées en pourcentage de la sécurité du coefficient Gini du coefficient 1983-1993 du PIB 1983-1993 du revenu 1980-1990 Gini rajusté*
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Australie – 0,46 3,3 0,8 1,0 0,8 0,02 Autriche – 0,78 2,3 1,2 1,0 – – Belgique – 0,30 2,0 0,7 – 1,5 0,7 0,23 Canada – 0,36 2,6 1,6 3,0 0,3 0,05 Danemark – 0,30 1,9 0,1 2,9 – – Finlande – 0,32 1,0 1,9 4,5 0,8 0,27 France – 0,36 1,9 1,6 2,6 0,0 0,00 Allemagne – 0,69 2,8 0,1 – 2,3 – – Grèce – 0,94 1,7 1,1 – – – Islande – 0,29 2,2 1,0 – – – Irlande – 0,52 4,4 – 1,4 2,2 – – Italie – 0,70 2,2 1,5 4,3 – – Japon – 0,30 3,7 0,4 1,0 – – Luxembourg – 0,30 3,7 0,7 3,0 – – Mexique – 2,0 – – – – Pays-Bas – 0,23 2,5 0,4 1,7 2,1 0,53 Nouvelle-Zélande – 0,56 1,6 1,3 3,7 – – Norvège – 0,31 2,7 1,4 6,7 1,2 0,17 Portugal – 1,73 2,8 1,5 1,9 – – Espagne – 0,35 2,8 1,3 2,3 – – Suède – 0,21 1,2 – 2,0 2,6 2,1 0,35 Suisse – 0,30 1,8 2,1 – – – Turquie – 5,3 – 0,3 – – – Royaume-Uni – 0,55 2,2 1,1 2,4 3,4 0,49 États-Unis – 0,41 2,8 3,5 – 0,8 3,2 0,46 * Mesure la différence entre les coefficients Gini à 2 points (de la fin des années 1970 au milieu des années 1980). Les différences sont divisées par le nombre d’années entre les points d’observation. Sources : Colonnes 1, 2, 3 : données de 1993 fournies par l’OCDE, tirées de L’OCDE en chiffres, 1995 ; données de 1980 fournies par l’OCDE, tirées de La santé en chiffres, 1960-1983, 1985. Colonne 4 : OCDE, Nouvelles orientations de la politique sociale, 1994. Colonnes 5, 6 : OCDE, La répartition des revenus dans les pays de l’OCDE, 1995 (d’après les données tirées de l’Étude sur le revenu au Luxembourg, 1995).
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Tableau 3
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Figure 9 Évolution du taux de mortalité infantile et de l’inégalité de revenu au fil des ans évolution du taux de mortalité infantile
–0,1
–0,2
–0,3
Canada
–0,4
–0,5 –0,6 0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
inégalité du revenu en points de pourcentage du coefficient de gini (rajusté)
Pour les sources et les notes, voir le tableau 3.
Conclusion
Par rapport aux autres nations industrialisées, le Canada consacre un montant élevé au titre de la santé (exprimé en pourcentage de son PIB). Les dépenses totales au titre de la santé (sources publiques et privées confondues) correspondent à 10,2 % du PIB, de sorte que le Canada se retrouve deuxième derrière les États-Unis à ce chapitre. Quant aux dépenses publiques au titre de la santé, elles s’élèvent à 7,4 % du PIB, et le Canada se classe deuxième derrière la Norvège. Les pays qui dépensent plus au titre de la santé n’ont pas nécessairement une meilleure espérance de vie ou un taux de mortalité infantile plus bas que les pays qui dépensent moins. La simple mesure des dépenses consacrées aux soins, exprimées en pourcentage du PIB, semble un bien piètre indicateur du classement d’un pays par rapport aux deux mesures de l’état de santé de sa population (mortalité infantile et espérance de vie). Il y a un lien statistique significatif entre les dépenses de santé et l’espérance de vie des femmes – un lien qu’on ne retrouve pas pour les hommes. Il faut poursuivre les travaux de recherche pour mieux comprendre ce lien. Le lien entre d’autres formes de dépenses – sécurité du revenu, éducation et programmes du marché du travail – et l’état de santé est aussi ambigu. Ni les dépenses au titre de la sécurité du revenu ni celles pour l’éducation ont une corrélation signi ficative avec l’état de santé. La corrélation statistique significative entre les dépenses
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du marché du travail et la mortalité infantile doit aussi faire l’objet d’autres travaux de recherche et d’explications. Bref, l’examen des corrélations selon le classement entre les dépenses et l’état de santé (espérance de vie et mortalité infantile) ne révèle pas de tendance uniforme. Même si des études plus fouillées s’imposent pour mieux comprendre ces liens, les constatations que renferme le présent document laissent croire que le rang d’un pays, pour ce qui est de l’état de santé de sa population, n’est pas fonction du montant des dépenses qu’il consacre à la santé. Quelques éléments incitent à croire à l’existence d’un lien entre l’état de santé et l’inégalité de revenu. Ainsi, les pays qui ont un taux relativement élevé de pauvreté des familles ont tendance à enregistrer aussi un taux élevé de mortalité infantile. Un certain nombre de facteurs influent également sur ce lien, notamment l’accès aux soins, la nutrition et le mode de vie. Là aussi, il faudrait pousser la recherche. La seule conclusion qui pourrait être tirée avec un certain degré de certitude est que les différences enregistrées au titre de l’espérance de vie et de la mortalité infantile dans les divers pays ne sauraient être expliquées par un seul facteur. Tout au long du document, l’analyse a porté sur les pays de l’OCDE pour lesquels il existait des données. Il faut signaler que, dans bien des cas, des corrélations statistiques significatives entre des variables autrement non reliées pourraient être obtenues si certains pays n’étaient pas pris en compte. C’est le cas du lien entre les dépenses au titre de la sécurité du revenu et la mortalité infantile. Même s’il n’existe par de corrélation significative, d’après l’étude des 20 pays membres de l’OCDE pour lesquels il y avait des données, l’exclusion de 3 pays a permis d’établir une association solide et significative. La sélectivité des données est donc un facteur critique des comparaisons internationales dont il faudra tenir compte dans toute recherche ultérieure. Enfin, le rapport recourt à des mesures de l’état de santé et des niveaux de dé penses émanant de sources de données secondaires. Ces données ont été tirées de sources internationales de données normalisées, et aucune tentative n’a été faite pour évaluer la comparabilité de ces mesures pour toutes les nations.
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Bibliographie Institut canadien de la santé infantile, 1994, The Health of Canada’s Children, 2e édition, Étude sur le revenu au Luxembourg, 1995, Totalisations spéciales élaborées par le Centre de statistiques internationales, vers 1991. Nations Unies, 1995, Rapport sur le développement humain. Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 1995, La répartition des revenus dans les pays de l’OCDE, Paris, OCDE. ______, 1985, La santé en chiffres 1960-1983, Paris, OCDE. ______, 1994, Nouvelles orientations de la politique sociale, Paris, OCDE. ______, 1994, Perspectives d’emploi, Paris, OCDE. ______, 1995, L’OCDE en chiffres, Paris, OCDE. Wilkins, R., O. Adams et A. Brancker, 1989, « Changes in mortality by income in urban Canada from 1971 to 1986 », Ottawa, Industrie, Science et Technologie, Rapports sur la santé, 3(1), p. 7-31. Wilkinson, R.G., 1994, Unfair Shares, Essex, Barnardo’s.
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Comment le sytème de santé du Canada se compare-t-il avec celui d’autres pays ? Un aperçu Damien Contandriopoulos Candidat au doctorat en santé publique Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) Faculté de médecine Université de Montréal
Résumé Ce document a pour objet de décrire la performance du système de santé du Canada et de la comparer avec celle de 23 autres pays de l’OCDE * durant les cinq dernières années où les données ont été accessibles, soit de 1989 à 1993. Les données utilisées sont toutes extraites de la base de données ÉCO SANTÉ de l’OCDE. Pour atteindre cet objectif, le rapport est divisé en deux parties. Dans la première partie, nous analysons et présentons de façon graphique certaines données brutes sur la santé ou le système de soins dans les 24 pays à l’étude. Nous comparons ensuite les dépenses de santé de ces pays en fonction de leur richesse. Dans la deuxième partie, nous bâtissons à partir de ces données brutes, trois indices composites sur les coûts du système, la santé de la population et la performance du système. Nous discutons ensuite de la place du Canada par rapport aux autres pays, pour ce qui est de ces indices.
* Soit : l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse.
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Enfin, en annexe, nous décrivons, sous forme de tableau, les principales particularités des systèmes des différents pays. Ces comparaisons nous permettront de situer le système de santé canadien par rapport à celui des autres pays de l’OCDE et de déterminer quels sont les pays dont la situation se compare à celle du Canada.
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Table des matières
Analyse descriptive des divers systèmes de santé ........................................... 179 Données épidémiologiques et démographiques...............................................179 Espérance de vie combinée (hommes et femmes).......................................179 Mortalité infantile (taux pour 100 naissances)............................................180 Pourcentage de personnes de plus de 65 ans...............................................181 La capacité d’offre de services...........................................................................182 Nombre de lits pour 1 000 habitants..........................................................182 Nombre de médecins pour 1 000 habitants................................................182
Les dépenses de santé.......................................................................................183 Dépenses de santé exprimées en pourcentage du PIB et en dollars PPA.........................................................................................183 Pourcentage de dépenses publiques et privées en santé...............................185 Régressions sur les dépenses de santé expliquées par le PIB national...........186 État de santé, contrôle des coûts et performance du système .........................187 L’indice composite des coûts du système..........................................................187 Présentation de l’indice...............................................................................187 Analyse des résultats....................................................................................188 L’indice composite de l’état de santé de la population......................................189 Présentation de l’indice...............................................................................189 Analyse des résultats....................................................................................189 L’indice composite de la performance du système............................................190 Présentation de l’indice...............................................................................190 Analyse des résultats....................................................................................190 Conclusion .....................................................................................................191 Bibliographie....................................................................................................193 Annexe.............................................................................................................195
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Liste des figures
Figure 1 Espérance de vie combinée (hommes et femmes) à la naissance.......201 Figure 2 Mortalité infantile (taux pour 100 naissances).................................202 Figure 3 Pourcentage de la population de plus de 65 ans...............................203 Figure 4 Nombre de lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants..............................204
Figure 5 Nombre de médecins pour 1 000 habitants......................................205
Figure 6 Dépenses de santé exprimées en pourcentage du PIB.......................206 Figure 7 Dépenses de santé par habitant en dollars PPA................................207 Figure 8 Pourcentage des dépenses de santé privées.......................................208 Figure 9 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1989.......................................................................209 Figure 10 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1990.......................................................................209 Figure 11 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1991.......................................................................210 Figure 12 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1992.......................................................................210 Figure 13 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1993.......................................................................211 Figure 14 Indice global des dépenses de santé, de 1989 à 1993.......................212 Figure 15 Indice global de l’état de santé de la population, de 1989 à 1993...............................................................................213 Figure 16 Indice global de la performance du système de santé, de 1989 à 1993...............................................................................214 Liste des tableaux
Tableau 1 Classement des pays (moyenne 1989-1993)..................................184 Tableau 2 Tableau descriptif des différents systèmes de santé (en annexe)........197
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Analyse descriptive des divers systèmes de santé
Pour toutes les analyses de données brutes nous analysons les données moyennes sur les cinq années à l’étude, ce qui peut expliquer que les chiffres que nous mentionnons ne soient pas directement visibles sur les graphiques fournis en annexe. Néanmoins, quand on peut observer une évolution des tendances sur les cinq années nous le mentionnons explicitement. Les données brutes que nous présentons peuvent être regroupées en trois catégories. Premièrement, des mesures descriptives de la population (pourcentage de personnes de plus de 65 ans) et des mesures de l’état de santé de la population (espérance de vie à la naissance et mortalité infantile). Deuxièmement, des mesures de la capacité d’offre de services de santé (nombre de lits pour 1 000 habitants et nombre de médecins pour 1 000 habitants). Enfin, des indicateurs de dépenses (dépenses de santé par habitant, dépenses de santé en pourcentage du PIB et pourcentage de dépenses privées et publiques).
Données épidémiologiques et démographiques Espérance de vie combinée (hommes et femmes)
Nous analysons ici l’espérance de vie combinée des hommes et des femmes, puisque c’est l’état de santé global de la population qui nous intéresse. Il faut toutefois garder en tête que, par rapport à cet indice global, l’espérance de vie des femmes est toujours plus élevée et, à l’inverse, l’espérance de vie des hommes est toujours plus faible. Cela s’explique par le fait que l’espérance de vie des femmes est, dans tous les pays à l’étude, supérieure à celle des hommes (en moyenne, tous pays confondus, de 6,2 à 6,4 ans, selon les années étudiées). Par contre, cet écart tend à se réduire de manière globale avec le temps. La deuxième remarque globale est que l’espérance de vie est en progression dans tous les pays à l’étude (sauf pour certains pays, où des données manquantes empêchent de connaître l’évolution de cette variable). En moyenne, l’espérance de vie combinée s’est accrue de 1,13 an de 1989 à 1993, comme on peut le voir dans la figure 11. Des années 1930 aux années 1950 l’espérance de vie s’est considérablement accrue, en partie à cause d’une diminution de la mortalité infantile. En revanche, de nos jours, les gains sont davantage attribués à une diminution de la mortalité aux âges moyens et avancés. Par contre, ces années de vie supplémentaires ne sont pas forcément vécues en bonne santé. « Différentes études ont établi qu’une partie non négligeable de ces années ajoutées à la vie était caractérisée par l’incapacité et la perte d’autonomie fonctionnelle. » (Gouvernement du Québec, 1995, p. 25.) Le Canada (77,63 ans) fait partie du groupe des cinq pays ayant la plus forte espérance de vie, derrière le Japon (79,08), l’Islande (78,13), la Suède (77,85) et la Suisse (77,64). Les pays ayant l’espérance de vie la plus faible sont le Mexique
1. Toutes les figures sont en annexe.
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(71,11 ans), le Portugal (74,14), l’Irlande (74,78), le Danemark (74,94) et la Finlande (75,30). Certains pays ont des taux d’espérance de vie différents de ce que l’on pourrait prévoir au premier abord. Par exemple, la Grèce proche du Mexique par beaucoup de variables, a une espérance de vie assez élevée (76,70 ans) moins d’un an plus faible que celle du Canada. En revanche, le Luxembourg (75,38) et les États-Unis (75,39), pays riches, ont des taux d’espérance de vie relativement faibles. Mortalité infantile (taux pour 100 naissances)
Avant d’analyser cette variable, il est important de faire deux mises au point. Premièrement, cette variable est considérée comme étant un bon indicateur de la qualité des soins de santé, puisque des gains très importants dans les taux de mortalité infantile ont été réalisés grâce au perfectionnement des techniques médicales. Deuxièmement, il existe une possibilité de biais non négligeable dans les comparaisons internationales des taux de mortalité infantile. En effet, dans les pays développés, la mortalité infantile est surtout concentrée dans les premières heures ou journées après la naissance, et surtout chez les enfants prématurés et de petits poids. Or, les réglementations varient, d’un pays à l’autre, pour ce qui est de distinguer les cas de mortinaissances des cas limites de mortalité infantile2. De même, il existe des variations dans les efforts faits pour réanimer des enfants prématurés et de très petit poids. La tolérance officieuse, plus discrète mais fort variable d’un État à l’autre, s’ajoute à l’hétérogénéité des réglementations officielles. Dans certains pays, il est plus facile de ne pas rapporter comme naissances vivantes les bébés qui n’ont vécu que quelques heures. Il peut y avoir, en outre, des tendances systématiques dans la déclaration de certains cas « limites » : selon les pays, on peut les enregistrer soit comme naissances vivantes, soit comme morti naissances ou, encore, ne pas les déclarer du tout, compte tenu des us et coutumes et des valeurs des sociétés ou de lois et règlements particuliers quant aux avantages ou aux désavantages financiers liés à une naissance vivante (frais funéraires ou de disposition du corps, allocation spéciale au moment de la naissance, etc.). Le Japon est souvent cité à titre de pays où la sous-déclaration pourrait être importante. (Gouvernement du Québec, 1995, op. cit., p. 117.)
2. On appelle cas de « mortalité infantile » tous les décès qui surviennent chez les naissances vivantes entre le moment de la naissance et l’âge de 1 an. On appelle « mortinaissances », les décès qui se produisent entre la présomption de viabilité du fœtus et la naissance. Mais la distinction n’est pas toujours évidente, puisque dans plusieurs cas le décès survient très peu de temps avant ou après la naissance. De plus, suivant les pays, on ne considère pas les enfants de moins de 28 semaines de gestation ou encore de moins de 1 000 g à la naissance comme des cas de mortalité infantile, mais comme des cas de mortinaissance, quel que soit leur état (Chevalier, et al., 1995, p. 144).
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En analysant les données, on voit que la mortalité infantile (figure 2) diminue dans tout les pays à l’étude, passant, tous pays confondus, de 0,87 à 0,70 décès pour 100 naissances. Même s’il ne s’agit plus du facteur principal, cette diminution joue un rôle dans l’augmentation de l’espérance de vie. Dans ce cas-ci, le Canada ne fait pas partie des pays qui ont les taux les plus bas, se plaçant 9e sur 24 avec un taux de 0,67. Par contre, le Canada est réputé déclarer de manière à peu près systématique les cas de mortalité infantile, ce qui peut augmenter son taux de mortalité en comparaison de certains autres pays. Les taux les plus faibles sont obtenus par le Japon (0,45), l’Islande (0,53), la Finlande (0,54), la Suède (0,56) et la Norvège (0,64). Pour le Japon, il est souvent mentionné que le taux de non-déclaration pourrait être important et fausser la comparaison. Parmi les taux les plus élevés, il y a le Mexique, « dans une classe à part » avec un taux de 2,16, suivi du Portugal (1,04), des États-Unis (0,91), de la Grèce (0,91) et du Luxembourg (0,88). Ici aussi certains pays ne se placent pas là où on pourrait les imaginer. Par exemple, les États-Unis et le Luxembourg, pays les plus riches de notre étude, se placent parmi les pays les plus pauvres, avec le Mexique, la Grèce et le Portugal. Aux États-Unis, la très forte disparité dans la redistribution de la richesse – qui se manifeste par l’existence de groupes très défavorisés – peut expliquer la mortalité infantile anormalement forte.
Pourcentage de personnes de plus de 65 ans
Le nombre de personnes âgées est souvent décrit comme un des facteurs qui influence le niveau de dépenses de santé. Or, en utilisant les données que nous possédons, il est impossible d’établir un lien statistique entre les dépenses de santé d’un pays et le pourcentage de personnes de plus de 65 ans, et ce, bien que ce pourcentage varie considérablement selon les pays à l’étude. Cela signifie que le pourcentage de personnes de plus de 65 ans n’est pas véritablement, comme on le pense souvent, un facteur qui influence les coûts des soins de santé dans les pays de notre échantillon. Si l’on se fie à l’augmentation de la moyenne, entre 1989 et 1993, le taux de personnes de plus de 65 ans (figure 3) est globalement en augmentation dans les pays de l’OCDE (plus 1,05 % en cinq ans). Dans certains pays, comme au Canada, en Australie, en Finlande, en Grèce ou aux Pays-Bas, l’augmentation peut être visible. Toutefois, pour les pays où le taux est déjà très élevé, comme en Suède, en Norvège ou en Autriche, il n’y a pas d’augmentation. De plus, pour cette variable, de nombreuses données sont manquantes, et deux pays sont complètement absents de l’étude, soit l’Allemagne et le Mexique. Les pays où le pourcentage de personnes de plus de 65 ans est le plus élevé sont la Suède (17,72), la Norvège (16,26), le Royaume-Uni (15,65), le Danemark (15,56) et l’Autriche (15,08). En revanche, les pays où le pourcentage est le plus bas sont l’Islande (10,63), la Nouvelle-Zélande (10,91), le Canada (10,99), l’Australie (11,32) et l’Irlande (11,33). La position du Canada, en ce qui concerne le pourcentage de personnes de plus de 65 ans, montre qu’il a une population encore très jeune par rapport aux autres pays de l’OCDE.
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La capacité d’offre de services Nombre de lits pour 1000 habitants
Le nombre de lits pour 1 000 habitants (figure 4) est une variable dont l’écart type est très élevé (4,00), ce qui signifie que les écarts entre les pays sont forts. Par exemple, entre le nombre de lits le plus élevé (Suisse, avec 20,7 lits pour 1 000 habitants) et le plus faible (Mexique, avec 0,78 lits pour 1 000 habitants), il y a un écart de 19,92 lits. De manière globale, le nombre de lit est en diminution dans les 24 pays à l’étude, la moyenne de 1993 (6,68) étant inférieure de 2,27 lits à celle de 1989 (8,95). Pour certains pays, comme le Canada, cette diminution est faible, tandis que pour d’autres, en particulier la Suède, elle peut être considérable. En ce qui concerne cette variable, le Canada ne fait pas partie des pays placés aux extrêmes, étant 16e sur 24 dans la liste des pays ayant le plus de lits par habitant. Les pays ayant le plus de lits par habitant sont la Suisse (20,70 lits), l’Islande (16,57), le Japon (15,78), la Norvège (14,50) et la Finlande (11,95). Les pays qui, au contraire, ont le moins de lits sont le Mexique (« dans un classe à part » avec 0,78), l’Espagne (4,27), le Portugal (4,54), les États-Unis (4,63) et la Grèce (5,05). L’existence, dans plusieurs pays, d’un nombre de lits hospitaliers beaucoup plus faible qu’au Canada, ainsi que la rapide diminution du nombre de lits semblent indiquer qu’il peut exister pour le Canada un potentiel de rationalisation.
Nombre de médecins pour 1000 habitants
Contrairement au nombre de lits, le nombre de médecins pour 1 000 habitants (figure 5) est en augmentation dans les pays de l’OCDE. Tous pays confondus, la moyenne de 1993 (2,63) est de 0,20 médecins plus élevée que celle de 1989 (2,43). Ici encore, l’augmentation est plus ou moins rapide selon les pays. Alors qu’au Canada, par exemple, la situation est stable, le nombre de médecins est en augmentation rapide en Espagne ou en Grèce. On peut d’ailleurs noter que les pays où l’augmentation est la plus rapide sont souvent aussi ceux où le nombre de médecins est déjà le plus élevé. Pour cette variable, le Canada, une fois de plus, est entre les extrêmes, se plaçant 17e sur 24 parmi les pays ayant le plus de médecins pour 1 000 habitants. Les scores les plus élevés sont obtenus par l’Espagne (3,90), la Grèce (3,55), la Belgique (3,48), la Norvège (3,15) et l’Allemagne (3,13), tandis que les scores les plus faibles sont obtenus par le Mexique (0,96), le Royaume-Uni (1,45), l’Italie (1,55), le Japon (1,65) et l’Irlande (1,70). Dans le cas de l’Italie, plusieurs indices3 laissent croire
3. Les publications de l’OCDE (OCDE, 1994, Études de politiques de santé no 5. La réforme des systèmes de santé : Étude de dix-sept pays de l’OCD, Paris, Organisation de coopération et de développement économiques) se contredisent d’une page à l’autre à ce sujet. À la page 45, le nombre de médecins pour 1 000 habitants est estimé à 1,3, tandis qu’il est estimé à 4,6 à la page 196 du même rapport…
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qu’en raison de critères particuliers dans le recensement des médecins le taux pourrait être largement sous-estimé. Pour cette variable, des surprises sont aussi possibles, puisque ce ne sont pas les pays les plus riches qui ont le plus de médecins. La Grèce et l’Espagne obtiennent les scores les plus élevés, suivies de plusieurs pays considérablement plus riches. De même, le Japon, l’Italie et le Royaume-Uni se retrouvent plus près du Mexique parmi les pays qui ont le plus petit nombre de médecins pour 1 000 habitants.
Les dépenses de santé Dépenses de santé exprimées en pourcentage du PIB et en dollars PPA Analyse des différences entre les deux mesures de dépenses
Nous analysons ici deux mesures différentes des dépenses de santé. Les dépenses de santé exprimées en pourcentage du PIB national (figure 6) sont une mesure de la proportion de ses richesses qu’un pays consacre à la santé de sa population. Les dépenses de santé exprimées en dollars à parité de pouvoir d’achat par habitant (figure 7) sont une mesure du montant moyen, en dollars PPA4, dépensé pour la santé de chaque habitant d’un pays. Quand on observe les classements, selon les deux indicateurs, des dépenses des pays de l’OCDE, en moyenne au cours des cinq années à l’étude (1989 à 1993), on se rend compte qu’ils mesurent des variables liées, puisque l’ordre des deux classements est semblable (tableau 1). Par exemple, le Mexique et la Grèce sont les deux pays qui dépensent le moins, tant en proportion du PIB qu’en dollars PPA par habitant. De même, le Canada et les États-Unis font partie des trois pays qui dépensent le plus selon les deux indicateurs. En revanche, pour plusieurs pays, les deux indicateurs divergent, parfois considé rablement. Par exemple, le Luxembourg dépense peu en pourcentage de son PIB, mais beaucoup en dollars PPA. Ceci peut s’expliquer par le fait que le Luxembourg possède un PIB par habitant extrêmement élevé. Il peut donc dépenser beaucoup par habitant sans pour autant que cela représente un fort pourcentage de ses richesses. L’inverse est vrai pour le Portugal qui, malgré le fait qu’il se classe parmi les trois plus faibles pour ses dépenses par habitant, dépense une part assez élevée de son PIB pour la santé en raison de son PIB relativement faible. Pour mesurer la distance entre les deux indicateurs, nous avons fait la différence entre le score normalisé des dépenses par habitant et le score normalisé des dépenses en pourcentage du PIB. Plus le résultat de cette différence est élevé plus le pays dépense une somme par habitant inférieure à ce qu’annonce son PIB. Tandis que 4. Les dollars ajustés en fonction de la parité de pouvoir d’achat (PPA) permettent de comparer les prix de produits identiques dans différents pays. La PPA n’est donc pas seulement une conversion monétaire, mais une équivalence qui tient compte de la valeur réelle accordée à un panier de biens et de services.
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Tableau 1 Classement des pays (moyenne 1989-1993)
Pourcentage Montant en $PPA Différence entre les scores du PIB consacré dépensé par habitant normalisés des dépenses à la santé pour la santé et des dépenses ($PPA) en pourcentage du PIB Mexique
4,89
Mexique
340
Portugal
– 0,59
Grèce
5,39
Grèce
430
Finlande
– 0,41
Royaume-UnI
6,49
Portugal
720
Espagne
– 0,35
Danemark
6,58
Irlande
815
Nouvelle-Zélande – 0,31
Luxembourg
6,66
Espagne
Irlande
6,76
Royaume-Uni
Japon
6,91
Portugal
6,92
Espagne
7,02
873
Irlande
– 0,30
États-Unis
– 0,29
Nouvelle-Zélande 1 058
Canada
– 0,24
Danemark
1 149
Grèce
– 0,20
1 050
Japon
1 293
Pays-Bas
– 0,18
Nouvelle-Zélande 7,53
Finlande
1 325
Australie
– 0,18
Norvège
7,87
Norvège
1 359
France
– 0,18
Belgique
7,93
Pays-Bas
1 367
Autriche
– 0,16
Suède
8,15
Australie
1 369
Suède
– 0,09
Islande
8,19
Suède
1 370
Italie
– 0,08
Italie
8,22
Belgique
1 383
Mexique
– 0,07
Pays-Bas
8,28
Italie
1 401
Norvège
0,05
Australie
8,29
Islande
1 460
Islande
0,06
Allemagne
8,44
Autriche
1 530
Belgique
0,07
Finlande
8,52
Allemagne
1 646
Allemagne
0,26
Autriche
8,75
France
1 648
Royaume-Uni
0,31
Suisse
9,01
Luxembourg
1 680
Danemark
0,45
France
9,16
Canada
1 809
Japon
0,52
Canada
9,77
Suisse
1 965
Suisse
0,52
États-Unis
2 879
Luxembourg
1,41
États-Unis
13,20
plus cette différence est négative, plus le pays dépense une somme par habitant supérieure à ce que sa richesse laissait présager. L’intérêt de la comparaison entre les deux mesures des dépenses de santé réside principalement dans le fait que, selon ce que l’on veut étudier – et les résultats que l’on veut obtenir –, on peut utiliser l’une ou l’autre mesure. Dans la seconde partie de notre étude, nous utilisons un indice des coûts composé des deux mesures, pondérées différemment. Il faut donc se rappeler que plus le score d’un pays dans la différence entre les deux indices normalisés s’éloigne de zéro, plus la possibilité d’un biais imputable aux méthodes de mesure est grande.
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Analyse des coûts de la santé dans les différents pays
En ce qui concerne les coûts eux-mêmes, on constate que le Canada, quelle que soit la mesure employée, est un des pays qui dépensent le plus pour la santé. Il n’est dépassé que par les États-Unis et la Suisse (pour les dépenses par habitant uniquement dans le cas de la Suisse). Les États-Unis, en ce qui concerne les dépenses de santé, se retrouvent presque dans une classe à part puisqu’ils ont dépensé en moyenne (de 1989 à 1993) 13,2 % de leur PIB pour la santé, ce qui est 5,46 % de plus que la moyenne des autres pays pour la même période, et 3,43 % de plus que le Canada, deuxième de la liste. Dans le cas des dépenses par habitant, la situation est semblable. Les États-Unis dépensent presque 1 000 $ par habitant de plus que la Suisse (deuxième de la liste) et que le Canada (troisième de la liste), et leurs dépenses par habitant sont plus de deux fois supérieures à celles du Japon. Bien que les dépenses du Canada soient élevées, elles ne sont pas démesurées, comparativement à celles de plusieurs autres pays, et on peut considérer le Canada comme un des pays qui dépensent le plus avec la France, la Suisse, le Luxembourg, l’Autriche et l’Allemagne. À l’autre extrémité, parmi les pays qui ont les dépenses les plus faibles, on trouve deux groupes. D’abord, il y a le Mexique et la Grèce, qui ont des dépenses de santé très inférieures à celles des autres pays de l’OCDE. Par ailleurs, un autre groupe, constitué de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume-Uni, affiche des dépenses plus faibles que la majorité des pays, mais dont l’écart, par rapport à la moyenne, n’est pas énorme. En ce qui concerne l’évolution des dépenses de santé au cours des cinq années à l’étude, il est clair, selon les deux indicateurs, que les dépenses ont augmenté de manière absolue. Les deux graphiques sur les dépenses de santé révèlent que la moyenne de 1989 est sensiblement inférieure à celle de 1993. On constate aussi que pour la majorité des pays, dont le Canada, les dépenses de santé ont augmenté de manière absolue entre 1989 et 1993. En fait, les dépenses ont augmenté dans tous les pays à l’étude, à l’exception notable de la Suède, où les dépenses ont décru de manière significative et ininterrompue aux cours des cinq années, passant de 1 396 $ PPA à 1 213 $ PPA (moins 130 $ PPA) par habitant, ce qui se traduit par une baisse de 1,07 % de la part du PIB dépensée pour la santé.
Pourcentage de dépenses publiques et privées en santé
Bien que nous nous intéressions ici à la part des dépenses publiques et privées, nous nous contenterons, pour rendre plus intelligible la discussion, de parler du pourcentage de dépenses privées, les dépenses publiques étant dans ce cas égales à 100 moins les dépenses privées. Dans les pays de l’OCDE, de manière globale, on observe une très légère augmentation des dépenses de santé privées (figure 8), qui passent de 23,89 % à 24,58 %. Par contre, les évolutions sont très différentes d’un pays à l’autre. Par exemple, l’Irlande,
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le Japon, les Pays-Bas et les États-Unis diminuent le pourcentage de dépenses privées dans la santé. En revanche, l’Allemagne, la Grèce, l’Islande, l’Italie, la Nouvelle-Zélande et la Suède privatisent un peu plus leur système de santé. Le Canada se situe entre les extrêmes, se retrouvant 9e sur 24 parmi les pays ayant les systèmes les plus privés. Les systèmes de santé où le pourcentage de dépenses privées est le plus élevé se trouvent aux États-Unis (57,6 %), au Portugal (45,6 %), au Mexique (42,0 %), en Autriche (34,1 %) et en Australie (32,1 %). En revanche, les systèmes de santé où les dépenses sont le moins privées se trouvent en Norvège (5,5 %), au Luxembourg (9,1 %), en Belgique (11,3 %), en Suède (12,9 %) et en Islande (14,0 %) Avant de passer à la prochaine section, nous résumons brièvement la situation du Canada en ce qui concerne les variables brutes que nous venons d’évoquer. L’état de santé de la population canadienne est très bon – faible mortalité infantile et forte espérance de vie –, bien que certains pays, comme l’Islande ou le Japon, fassent un peu mieux. De plus, la population canadienne, bien que vieillissante, est encore très jeune. En ce qui concerne les ressources de santé, la place du Canada est aussi plutôt bonne. Tant le nombre de médecins que le nombre de lits sont maintenus sous contrôle, et le Canada est légèrement sous la moyenne de l’OCDE pour ces variables. Par contre, en ce qui a trait aux dépenses, la situation est beaucoup moins bonne. Le Canada fait partie des trois pays de l’OCDE qui dépensent le plus pour la santé en proportion de sa richesse, avec la Suisse et les États-Unis. En ce qui concerne les dépenses en dollars PPA, la position est plus proche de la moyenne, mais le Canada continue à faire partie du groupe des trois pays qui ont les dépenses les plus élevées. Enfin, en ce qui concerne le niveau de privatisation, le Canada a un système assez public, mais reste proche de la moyenne de l’OCDE.
Régressions sur les dépenses de santé expliquées par le PIB national
L’analyse des mesures de dépenses de santé, et particulièrement en ce qui a trait à l’écart entre les deux mesures (dépenses de santé exprimées en pourcentage du PIB national et dépenses de santé en $PPA par habitant), a clairement montré que les dépenses de santé d’un pays sont liées à sa richesse. Pour mesurer le rapport entre la richesse d’un pays (ici par le PIB par habitant en $PPA) et ses dépenses de santé (en $PPA par habitant), nous avons eu recours à un graphique où le PIB par habitant est en abscisse et les dépenses de santé par habitant sont en ordonnée. Pour chaque année, de 1989 à 1993, nous obtenons donc un graphique (figures 9 à 13) où la distribution se fait grosso modo, selon un axe qui place les pays les plus pauvres et dont les dépenses de santé sont les plus faibles en bas et à gauche, et les pays les plus riches, dont les dépenses de santé sont les plus fortes, en haut et à droite. Pour vérifier si cette disposition sur un axe riche-pauvre peut réellement expli quer, du moins en partie, les dépenses de santé, nous avons calculé une régression entre ces deux variables. Nous avons choisi une forme de régression logarithmique qui, d’une part, assure un très bon ajustement et, d’autre part, fournit directement
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une estimation de l’élasticité des dépenses de santé par rapport au PIB. Nos équations de régression sont de la forme : Ln(dépenses de santé per capita) = [a(Ln(PIB par habitant)) + b +ei], où « a » est l’estimation de l’élasticité des dépenses de santé par rapport au PIB, « b », une constante, et « ei » la différence entre les dépenses de santé d’un pays « i » et la moyenne des pays de l’OCDE. Cette différence ei sera utilisée par la suite comme indice du niveau de dépense d’un pays par rapport à la moyenne de l’OCDE en fonction de sa richesse nationale. Toutes les régressions sont hautement significatives (probabilité α < 0,0001) et le R2 varie, selon les années, de 0,82 à 0,89. Cela signifie que la richesse d’un pays peut permettre, jusqu’à un certain point, de prévoir ses dépenses de santé et que ces deux variables sont hautement liées. Dans les figures, plus un pays est proche de la courbe, plus il dépense, pour sa santé, un montant proportionnel à sa richesse nationale ; plus un pays est au-dessus de la courbe, plus ses dépenses de santé sont supérieures à ce que sa richesse laissait présager, et inversement. Le fait de regarder si un pays dépense beaucoup, non pas par rapport à la moyenne des autres pays mais par rapport aux autres pays, tout en tenant compte de la richesse de ce pays, permet un ajustement plus fin. Une analyse complète de ce type de régression et de la signification de l’erreur ei est proposée dans Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte (Brousselle, 1998).
État de santé, contrôle des coûts et performance du système
Dans la section précédente nous nous sommes intéressé à l’analyse de données brutes. Nous allons ici utiliser ces données brutes pour construire des indices composites. Chaque variable brute mesure un aspect bien précis de la santé de la population ou du système de soins. Ce que nous cherchons à faire ici, c’est réunir en un seul indice plusieurs variables brutes normalisées, pour pouvoir comparer certains facteurs complexes, comme la santé de la population, les coûts du système ou encore sa per formance. Les indices composites, construits à partir des scores normalisés des variables, fournissent directement la position de chaque pays par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. L’indice composite des coûts du système Présentation de l’indice
Pour étudier les coûts globaux des systèmes de santé nous utilisons deux mesures de coûts : a) les dépenses totales de santé exprimées en pourcentage du PIB ; b) les dépenses totales de santé par habitant, exprimées en dollars PPA.
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L’indice composite des coûts est construit en faisant la moyenne de ces deux mesures normalisées, en accordant une pondération de deux pour les dépenses par habitant et une pondération de un pour les dépenses en proportion du PIB, soit : [(1z(a)+2z(b))/3]. Dans le tableau 1 présenté plus haut, nous mesurons l’écart entre les deux me sures de dépenses de santé. Plus est grand l’écart entre ces deux mesures, pour un pays donné, plus est fort le risque théorique d’un biais pour ce pays, étant donné la pondération choisie ici. Par exemple, en raison de son PIB par habitant très élevé, la position du Luxembourg peut avoir été légèrement biaisée. Malgré tout, cette pondération, qui donne un poids plus grand aux dépenses de santé par habitant, permet de classer les pays en fonction de la valeur des services disponibles par habitant, c’est-à-dire en fonction d’une mesure de l’accès aux services de santé. En effet, la mesure des dépenses en dollars PPA est plus pertinente, puisqu’elle rend plus directement compte de la possibilité d’avoir accès aux services de santé et qu’elle est moins biaisée par la richesse relative du pays. De toute manière, quand on change la pondération pour tester la sensibilité de l’indice, on ne trouve pas de changements significatifs sur le plan des résultats.
Analyse des résultats
Comme on peut le constater dans la figure 14, le Canada est, de manière globale au cours des cinq dernières années, un des pays qui présentent l’indice de coûts le plus élevé. Il est, en moyenne au cours de cette période, avec un score de 0,97, troisième derrière la Suisse (1,12) et surtout les États-Unis (3,13). Ces trois pays ont eu des indices de coûts relativement stables au cours des cinq dernières années. Le Canada présente une légère baisse des dépenses globales à partir de 1993. Les autres pays dont l’indice de coût est supérieur à la moyenne de façon marquée durant cette période sont, en ordre décroissant, la France (0,63), l’Allemagne (0,48) et l’Autriche (0,38). Les pays qui ont le niveau de dépenses le plus bas sont le Mexique (–1,90), la Grèce (–1,80), le Portugal (–1,10), l’Irlande (–1,00), l’Espagne (– 0,87), le Royaume-Uni (– 0,75), le Danemark (– 0,58), la Nouvelle-Zélande (– 0,50) et le Japon (– 0,38). Les autres pays ont des indices de coûts proche de la moyenne (soit 0). À noter, enfin, que l’Islande (0,19) et la Suède (0,08) ont des niveaux de dépenses moyennes proches de zéro, mais ont diminué leurs coûts de façon constante par rapport à la moyenne de l’OCDE, au cours des cinq dernières années. Cette baisse est respec tivement de 0,52 et 1,09.
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L’indice composite de l’état de santé de la population Présentation de l’indice
Pour créer un indice composite de l’état de santé de la population, nous utilisons trois mesures brutes : a) l’espérance de vie des femmes à la naissance, b) l’espérance de vie des hommes à la naissance, c) le taux de mortalité infantile pour 100 naissances. L’indice composite de l’état de santé de la population est construit en faisant la moyenne de ces trois mesures normalisées, en accordant une pondération de un à chacun des taux d’espérance de vie et une pondération de moins trois au taux de mortalité infantile, soit : [(1z(a)+1z(b)-3z(c))/5] Le taux de mortalité infantile possède une pondération forte, car il est généralement admis que cet indice de l’état de santé de la population est le plus sensible à la performance du système de santé. De plus, la pondération est négative, car il est important qu’un indice de mortalité infantile fort diminue l’indice de l’état de santé de la population, et non pas l’inverse. Il faut toutefois se rappeler ici les mises en garde que nous avons faites au sujet des comparaisons internationales de taux de mortalité infantile et des biais potentiels qui y sont liés, et ce, d’autant plus que la pondération pour cette variable est forte. Il ne faut pas perdre de vue non plus, que si cet indice peut donner une idée générale de l’état de santé de la population, il ne constitue pas ici une véritable mesure de cet état de santé, qu’il serait très difficile de mesurer de manière exacte. Enfin, il faut aussi se rappeler que, dans le cas des pays développés, où les systèmes de santé ont atteint un certain niveau de performance, comme c’est le cas des pays de l’OCDE à l’étude ici (sauf peut-être pour le Mexique), le lien entre les soins fournis par le système et notre indice de l’état de santé de la population n’est pas direct.
Analyse des résultats
Ici aussi on peut tout d’abord noter (figure 15) que l’indice de l’état de santé de la population du Canada est élevé. Plus précisément, en moyenne sur les cinq années à l’étude, le Canada a un score de 0,57, ce qui le place derrière le Japon (1,29), l’Islande (0,88) et la Suède (0,76). Pour ce qui est de la santé, le Canada est presque à égalité avec la Suisse (0,56). Viennent ensuite la Norvège, les Pays-Bas, l’Australie, l’Espagne, la France, la Finlande, l’Allemagne et l’Italie, qui ont aussi des indices d’état de santé de la population au-dessus de la moyenne. Les pays qui obtiennent les plus bas indices sont le Mexique (–3,67), le Portugal (– 0,95), le Luxembourg (– 0,48) et les États-Unis – 0,37). Dans le cas du Mexique, on peut observer une amélioration de 0,37 au cours des cinq années à l’étude mais le retard demeure considérable. Il est étonnant de trouver deux pays aussi riches que les États-Unis et le Luxembourg parmi les pays ayant le plus mauvais indice de l’état
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
de santé de la population, en compagnie du Mexique et du Portugal. Dans le cas des États-Unis, la cause se trouve peut-être dans la très grande hétérogénéité sociale relativement, entre autres, à la distribution des richesses ou à l’éducation. L’indice composite de la performance du système Présentation de l’indice
L’indice composite de la performance du système est construit en utilisant les deux indices décrits précédemment. En fait, cet indice de performance met en relation l’état de santé de la population avec les sommes investies dans le système de santé. Ainsi, un pays qui investit peu dans son système de santé et dont l’état de santé de la population est mauvais, de même qu’un pays qui investit beaucoup et dont l’état de santé est bon auront un indice de performance proche de zéro. En revanche, un pays qui investit beaucoup dans son système de soins et qui a une population en mauvaise santé aura un indice de performance négatif. Enfin, un pays qui investit peu en soins mais dont la population est en bonne santé aura un indice de performance positif. Pour obtenir un indice de performance qui varie dans le sens mentionné il faut soustraire l’indice de coûts normalisés à l’indice de l’état de santé normalisé. Ici une mise en garde importante s’impose. Comme nous l’avons déjà dit, les soins fournis par le système de santé ne sont pas directement liés à l’indice de l’état de santé. Ce lien serait assez direct dans le cas de pays où le système de santé en est encore à ses débuts, comme dans les pays du tiers-monde. Par contre, une fois dépassé un certain niveau de soins, il se produit une sorte de plafonnement, et la mortalité infantile cesse de décroître, comme l’espérance de vie cesse de croître. Ce plafonnement n’est pas total, et des gains sont encore réalisés, mais à un rythme beaucoup moins rapide. De plus, certaines variables, comme l’espérance de vie, sont très liées à des facteurs externes au système de santé et qui ne sont pas totalement élucidés. Dans ces conditions, il faut se rappeler, au moment d’analyser cet indice de performance, que des biais importants peuvent exister. Analyse des résultats
Les pays qui obtiennent l’indice de performance le plus élevé (figure 16) sont dans l’ordre la Grèce (0,84), le Japon (0,84), l’Espagne (0,60), le Royaume-Uni (0,41), l’Irlande (0,38), l’Islande (0,35), la Suède (0,34), la Norvège (0,23) et le Danemark (0,23), tandis que les États-Unis (–1,77), le Mexique (– 0,94), le Luxembourg (– 0,29), la Suisse (– 0,24), le Canada (– 0,22), l’Autriche (– 0,21) et la France (– 0,17) obtiennent les scores les plus faibles. Une particularité de cet indice est que des pays qui investissent peu dans leur système de soins, comme la Grèce, l’Espagne ou le Royaume-Uni, mais dont la population, par ailleurs, affiche un état de santé proche de la moyenne, obtiennent un très bon indice de performance du système de santé. Dans ces cas, il ne faut
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 191
pas perdre de vue que l’état de santé de la population n’est pas le produit direct du système de santé, mais que plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte. L’inverse est aussi vrai. Des pays comme le Canada ou la France, qui ont un indice de l’état de santé de la population significativement plus élevé que la moyenne, mais qui, par ailleurs, dépensent aussi beaucoup plus que la moyenne, obtiennent un indice de performance négatif. Le record, dans ce domaine, est détenu par les États-Unis, qui affichent un état de santé faible et des coûts exorbitants, ce qui entraîne un indice de performance extrêmement bas. On peut aussi noter que l’Islande et la Suède ont un indice de performance qui augmente globalement. Cela s’explique par le fait que ces deux pays ont diminué les coûts du système de santé au cours des cinq dernières années. Cette évolution est particulièrement marquée dans le cas de la Suède. Si la valeur absolue de l’indice de performance est difficile à interpréter, son évolution dans le temps, pour un pays donné, fournit des renseignements intéressants sur la position de ce pays par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. On peut, admettre, en effet, que sur une période relativement courte, les facteurs déterminants de l’état de santé sont stables et que, par conséquent, les modifications de l’indice de performance sont attribuables aux modifications du système de santé. Dans cette optique, pour les trois années où les données sont accessibles, la position du Canada s’améliore. Conclusion
Nous avons comparé la situation du Canada avec celle de 24 autres pays de l’OCDE. En ce qui concerne les données brutes que nous avons analysées, nous avons pu tirer trois conclusions. Premièrement, l’état de santé de la population du Canada est parmi les meilleurs du monde. Deuxièmement, les ressources médicales – nombre de lits et de médecins – sont moins abondantes que dans la moyenne des pays de l’OCDE. Cela n’est pas le signe d’une pénurie mais, au contraire, d’une gestion efficace. Enfin, en ce qui concerne les dépenses de santé, la position du Canada est moins enviable, puisqu’il fait partie des trois pays de l’OCDE qui dépensent le plus pour la santé. Puisque, comme nous venons de le voir, la quantité de ressources médicales reste sous contrôle, on peut conclure que le prix de ces ressources est beaucoup plus élevé que dans les autres pays, à l’exception des États-Unis. Quand on observe les dépenses de santé en proportion de la richesse du pays, comme nous l’avons fait par régression, on peut faire une analyse plus fine des dépenses du Canada. Les figures 9 à 13 montrent que le Canada, tout en restant parmi les pays les plus riches de l’OCDE, a vu sa position relative se détériorer entre 1989 et 1990. En même temps, les dépenses de santé du Canada ont crû rapidement. Les conséquences de cette évolution apparaissent quand on observe les trois indices composites de l’état du système de santé. En effet, l’indice de l’état de santé, au Canada, reste parmi les plus élevés du monde. Mais, en raison de l’importance des dépenses de santé, l’indice de performance du système de santé du Canada reste très médiocre. Le Canada n’est
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
pas seul dans son cas, et sa situation se compare à celle de la France, de la Suisse ou de l’Allemagne. Certains pays, en particulier les États-Unis, sont dans une situation bien pire en ce qui concerne la performance du système de santé. Mais, il faut se rendre compte que, bien que l’on compare souvent le système canadien à celui des pays nordiques, tels la Suède, le Danemark ou la Norvège, en ce qui à trait à la performance de leur système, ces pays distancent le Canada. Il ressort de ces analyses qu’en ramenant les dépenses de santé du Canada vers la moyenne de l’OCDE on pourrait obtenir une amélioration importante de l’indice de performance. Or, une façon d’arriver à ce résultat serait de maintenir le niveau actuel de productivité des ressources mais d’en réduire le prix. En effet, seul le prix des ressources médicales peut expliquer le fait que l’indice de performance du Canada soit si bas par rapport aux autres pays de l’OCDE. Par contre, compte tenu de la proximité des États-Unis, cette politique risque d’être difficile à mettre en œuvre. Damien Contandriopoulos est étudiant au doctorat en santé publique de l’Université de Montréal. Il a obtenu dans cet établissement une maîtrise en anthropologie en 1997 et une majeure en biologie en 1994. Il travaille depuis 1993 au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) de l’Université de Montréal comme assistant de recherche.
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Bibliographie Brousselle, A., 1998, « Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Chevalier, S. et al., 1995, Indicateurs sociosanitaires : définitions et interprétations, groupe de travail pour les systèmes d’information sur la santé communautaire, Québec, Éditeur ICIS. Contandriopoulos, A.-P. et al., 1993, Regulatory Mechanisms in the Health Care Systems of Canada and Other Industrialized Countries : Description and Assessment, Université d’Ottawa, Administration, Médecine, Science de la santé. Evans, R.G., M.L. Barer et T.R. Marmor, 1994, Why Are Some People Healthy and Others Not ? The Determinants of Health of Populations, New York, Aldine de Gruyter. Gouvernement du Québec, Ministère de la Santé et des Services sociaux, Direction générale de la planification et de l’évaluation, 1995, Le Québec comparé : indicateurs sanitaires, démographiques et socioéconomiques. Évolution de la situation québécoise, canadienne et internationale, Québec. OCDE, 1994, Études de politiques de santé no 5. La réforme des systèmes de santé : étude de dix-sept pays de l’OCDE, Paris, Organisation de coopération et de développement économiques. ______, 1995, Logiciel Éco-Santé, Paris, Organisation de coopération et de développement Annexe économiques.
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annexe
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
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Tableau descriptif des différents systèmes de santé Pays
Pourcentage Système national Type de Description de couverture de santé financement publique
Allemagne
93
NON
Assurance sociale et assurances privées
Fonds d’assurance maladie ; adhésion obligatoire en dessous d’un seuil de revenu fixé par l’État ; adhésion libre par ailleurs (0,3 % de la population non couverte).
Australie
100
NON
Financement public (1984) ; assurance sociale (1974-1984)
Système Medicare ; couverture universelle ; financement par un système de taxation fédéral.
NON
Financement public, assurance sociale et assurances privées
Adhésion obligatoire à un fond d’assurance sociale ; 99 % de la population couverte, le reste regroupant des membres de professions libérales et des détenus ; 38 % de la population souscrit à une assurance privée complémentaire.
Autriche
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Belgique
100
NON
Assurance sociale
Système de sécurité sociale : adhésion obligatoire à une mutuelle ; choix non restreint à une mutuelle particulière ; couverture supplémentaire et hospitalisation privée possibles.
Canada
100
NON
Financement public
Couverture universelle ; financement fédéral et provincial par un système de taxe sur le revenu.
Danemark
100
OUI (1973)
Financement public
Les assurés choisissent entre deux groupes ; le premier (96,4 % de la population), soins gratuits (soins dentaires exceptés) ; le second (3,6 % de la population), contribution aux coûts (choix du médecin, accès libre aux spécialistes).
Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 197
Tableau 2
Pays
Pourcentage Système national Type de Description de couverture de santé financement publique OUI (1986)
Services financés par la sécurité sociale (INSALUD) ; Financement par l’État, les entreprises et les ménages ; objectif : parvenir à un financement par taxes seulement.
Financement public et assurances privées
Paiment à salaire et à l’acte ; assurances privées de moins en moins courantes.
Assurance sociale
Système de sécurité sociale : adhésion obligatoire ; fonds : CNAMTS, MSA, travailleurs indépendants.
OUI (1983)
Assurance sociale, financement public
Fonds d’assurance sociale IKA (39 %), OGA (35 %) et TEVE (9,5 %).
100
OUI (1970)
Assurance sociale, financement public
Plusieurs catégories de groupes assurés ; première catégorie : faible revenus (38 %) ; deuxième catégorie : revenus moyens (47 %) ; troisième catégorie : revenus élevés (15 %).
Islande
100
OUI
Financement public
Accès universel et ticket modérateur.
Italie
100
OUI (1978)
Assurance sociale
Couverture uniforme pour toute la population ; le service national de santé reçoit des contributions des employeurs, des employés et des travailleurs indépendants puis redistribue l’argent dans les régions.
Assurance sociale
Un système pour les salariés (assurance maladie pour le secteur privé, les marins et mutuelles [65 % de la pop.] ) ; un système national d’assurance-maladie pour les non-salariés ; système spécial de paiement pour les personnes âgées.
96,7
Finlande
100
France
99
NON
Grèce
100
Irlande
Japon
Organisme public
NON
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Assurance sociale
Espagne
198
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Tableau 2 (suite)
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Pays Luxembourg
Pourcentage Système national Type de Description de couverture de santé financement publique 99
NON
Assurance sociale
Plusieurs fonds d’assurance (selon la profession) ; adhésion à un fonds obligatoire.
100
NON
Assurance sociale
Système national d’assurance ; adhésion obligatoire.
Financement public
Couverture universelle pour les soins de base ; ticket modérateur.
Mexique Norvège NouvelleZélande
OUI (1938)
Pays-Bas
70
NON
Assurance sociale et assurances privées
ZFW couvre les personnes dont le revenu est inférieur à un certain seuil ; AWBZ couvre toute la population pour certains risques (séjours hospitaliers de longue durée, internement psychiatrique, etc.).
Portugal
100
OUI (1979)
Assurance sociale, financement public Couverture
universelle par le système national de santé mais il subsiste certains fonds (p. ex. pour les fonctionnaires), qui couvrent 24 % de la population.
Royaume-Uni
100
OUI (1948)
Financement public et contributions
Financement principalement par les taxes ; les employeurs et les ménages contribuent au National Solidarity Fund.
Suède
100
OUI
Assurance sociale, financement public
Le système national d’assurance-maladie couvre les paiements à l’acte ou au salaire.
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 199
Tableau 2 (suite)
Pays
Pourcentage Système national Type de Description de couverture de santé financement publique
Suisse 15
Assurance sociale, assurances privées
Assurance obligatoire ou facultative selon le lieu de résidence (99 % de la population assurée).
NON
Assurances privées et financement public
Medicare pour les personnes âgées (fédéral) et Medicaid pour les plus pauvres (États et fédéral) ; 14 % de la population ne possède aucune couverture.
Sources : L’information en italique provient de Contandriopoulos et al., 1993. Les autres renseignements viennent de l’OCDE, 1994.
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
États-Unis
NON
200
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Tableau 2 (suite)
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 201
Figure 1 Espérance de vie combinée (hommes et femmes) à la naissance Années 70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark 1989 1990 1991 1992 1993
Espagne Finlande France Grèce Irlande Islande Italie Japon Moyenne 1993
Mexique
Moyenne 1989
Luxembourg
Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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202
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 2 Mortalité infantile (taux pour 100 naissances) Taux pour 100 naissances 0
0,25
0,50
0,75
1,00
1,25
1,50
1,75
2,00
2,25
2,50
2,75
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark 1989 1990 1991 1992 1993
Espagne Finlande France Grèce
Moyenne 93
Islande
Moyenne 1989
Irlande
Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 203
Figure 3 Pourcentage de la population de plus de 65 ans Pourcentage 8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark 1989 1990 1991 1992 1993
Espagne Finlande France Grèce Moyenne 1993
Islande
Moyenne 1989
Irlande
Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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204
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 4 Nombre de lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants Nombre de lits pour 1 000 habitants 0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark 1989 1990 1991 1992 1993
Espagne Finlande France Moyenne 1989
Irlande
Moyenne 1993
Grèce
Islande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 205
Figure 5 Nombre de médecins pour 1 000 habitants Nombre de médecins pour 1 000 habitants 0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne Finlande France Grèce Irlande Islande
Moyenne 1993
Japon
Moyenne 1989
Italie
1989 1990 1991 1992 1993
Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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206
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 6 Dépenses de santé exprimées en pourcentage du PIB Pourcentage du PIB 3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne Finlande France Grèce Irlande Islande Italie Moyenne 1993
Luxembourg
Moyenne 1989
Japon
1989 1990 1991 1992 1993
Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 207
Figure 7 Dépenses de santé par habitant en dollars PPA $PPA 0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne Finlande France Moyenne 1993
Irlande
Moyenne 1989
Grèce
Islande Italie Japon
1989 1990 1991 1992 1993
Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 8 Pourcentage des dépenses de santé privées Pourcentage des dépenses totales 0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
55
60
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada
Moyenne 1993
Espagne
Moyenne 1989
Danemark
Finlande France Grèce Irlande Islande Italie
1989 1990 1991 1992 1993
Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 209
Figure 9 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1989
Dépenses de santé par habitant (en $PPA)
2 500
États-Unis
R2 = 0,89
2 000
Canada
1 500
Suisse
France Allemagne Suède Islande Italie Autriche Australie Pays-Bas Finlande Belgique Japon Norvège Danemark Nouvelle-Zélande Royaume-Uni
1 000
Portugal
500
Luxembourg
Espagne
Irlande
Grèce
0 5 000
7 500
10 000
12 500
15 000
17 500
20 000
22 500
25 000
PIB par habitant (en $PPA)
Figure 10 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1990
Dépenses de santé par habitant (en $PPA)
3 000 États-Unis
2 500
R2 = 0,87
2 000
1 500
1 000
Espagne Irlande
500
Canada Autriche Suède France Italie Allemagne Australie Islande Pays-Bas Finlande Belgique Japon Norvège Danemark Royaume-Uni NouvelleZélande
Suisse Luxembourg
Portugal Grèce
0 5 000
7 500
10 000
12 500
15 000
17 500
20 000
22 500
25 000
PIB par habitant (en $PPA)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 11 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1991
Dépenses de santé par habitant (en $PPA)
3 000
États-Unis
2 500
R2 = 0,84
2 000 Autriche Italie Suède
1 500
Nouvelle-Zélande
Portugal
0 5 000
Allemagne
Luxembourg
Royaume-Uni
Espagne
500
Suisse
Islande Belgique Japon Norvège Danemark
Finlande Australie Pays-Bas
1 000
Canada France
Irlande
Grèce
7 500
10 000
12 500
15 000
17 500
20 000
22 500
25 000
PIB par habitant (en $PPA)
Figure 12 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1992
Dépenses de santé par habitant (en $PPA)
3 500 États-Unis
3 000
R2 = 0,89
2 500 Suisse Canada France Allemagne Norvège Pays-Bas Autriche Italie Belgique Australie Finlande Islande Japon Suède Danemark Nouvelle-Zélande Royaume-Uni Espagne Irlande Portugal
2 000 1 500 1 000 500
Luxembourg
Grèce
0 5 000
7 500
10 000
12 500
15 000
17 500
20 000
22 500
25 000
27 500
PIB par habitant (en $PPA)
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 211
Figure 13 Dépenses de santé par habitant en fonction du PIB par habitant en 1993 3 500
Dépenses de santé par habitant (en $PPA)
États-Unis
3 000 R 2 = 0,82
2 500 Suisse
2 000
France Pays-Bas Italie Australie
1 500
Finlande Nouvelle-Zélande Espagne Irlande Portugal
1 000 500 0 5 000
Luxembourg
Canada
Suède
Autriche Allemagne Belgique Norvège Islande Japon
Royaume-Uni
Danemark
Grèce
7 500
10 000
12 500
15 000
17 500
20 000
22 500
25 000
27 500
30 000
PIB par habitant (en $PPA)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 14 Indice global des dépenses de santé, de 1989 à 1993 –2,0
–1,5
–1,0
– 0,5
0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne Finlande France
1989 1990 1991 1992 1993
Grèce Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il 213
Figure 15 Indice global de l’état de santé de la population, de 1989 à 1993 – 4,0
–3,5
–3,0
–2,5
–2,0
–1,5
–1,0
– 0,5
0
0,5
1,0
1,5
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne Finlande France
1989 1990 1991 1992 1993
Grèce Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 16 Indice global de la performance du système de santé, de 1989 à 1993 –2,00
–1,75
–1,50
–1,25
–1,00
– 0,75
– 0,50
– 0,25
0
0,25
0,50
0,75
1,00
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne Finlande France
1989 1990 1991 1992 1993
Grèce Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse États-Unis
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Comparaisons internationales des dépenses de santé Delphine Arweiler Candidate au doctorat en santé publique Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) Université de Montréal
Résumé Les comparaisons internationales constituent un bon moyen de connaître le régime de soins de son propre pays et d’étudier d’autres solutions de rechange sans passer par de coûteuses expériences sociales (Parkin et al., 1989). Dans les débats sur la taille optimale du secteur de la santé, les comparaisons internationales des dépenses de santé occupent une place de choix (McGuire et al., 1993) du point de vue tant de l’ampleur des dépenses que des facteurs qui contribuent à leur accroissement. Cependant, comme dans toute comparaison d’indicateurs, les agrégats choisis doivent être comparables et définis d’une manière précise. Dans la première partie, nous nous pencherons sur le problème de la comparaison des indicateurs monétaires. Après nous être assurés de la comparabilité des indicateurs de dépenses de santé, nous interpréterons plus précisément ce qui est mesuré par chacun de ces indicateurs. Dans la seconde partie, nous chercherons les causes éventuelles d’une augmentation des dépenses de santé en fonction de la richesse du pays, des prix et des niveaux de consommation de soins.
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Table des matières
Les différentes mesures des dépenses de santé ................................................ 219 La diversité des conversions monétaires...........................................................219 Taux de change et dépenses nominales de santé..........................................219 La parité de pouvoir d’achat (PIB) et les dépenses réelles de santé..............219 La parité de pouvoir d’achat (santé) et les niveaux de consommation . ......220 Dépenses de santé et PIB.................................................................................226 Le ratio des dépenses de santé au PIB.........................................................226 L’évolution des dépenses de santé et du PIB................................................227 Prix et niveaux de consommation ................................................................... 227 Les effets des prix et des niveaux de consommation.........................................227 Le PIB réel..................................................................................................227 Les dépenses...............................................................................................232 Les niveaux de consommation....................................................................232 Les prix.......................................................................................................232 Les résultats d’autres études.............................................................................232 Les méthodes...................................................................................................233 Les résultats......................................................................................................233 Critique de la méthode....................................................................................237 Conclusion ....................................................................................................... 238 Bibliographie........................................................................................................239 Annexes
Annexe 1 Les variables................................................................................ 243 Annexe 2 Les élasticités prix et revenu......................................................... 246 Annexe 3 Figures et histogrammes................................................................247
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Liste des figures
Figure 1 Évolution du PIB, 1979-1993............................................................247 Figure 2 Évolution des dépenses de santé, 1979-1993......................................247 Figure 3 Taux d’accroissement du PIB et des dépenses de santé au Canada, 1986-1993.......................................................................248 Figure 4 Prix et PIB par habitant, 1993............................................................248 Figure 5 Prix relatif des soins et PIB..................................................................249 Figure 6 Dépenses de santé et PIB par habitant, 1993......................................249 Figure 7 Quantités de soins et PIB par habitant, 1993......................................250 Liste des histogrammes
Histogramme 1 PIB par habitant, 1993 ($PPA)...........................................250 Histogramme 2 Niveau de prix (PIB), 1993.................................................251 Histogramme 3 Prix relatif des soins en 1993...............................................251 Histogramme 4 Dépenses de santé, 1993 ($US)...........................................252 Histogramme 5 Dépenses de santé, 1993 ($PPA).........................................252 Histogramme 6 Dépenses de santé, 1993 ($PPA santé)................................253 Histogramme 7 Dépenses de santé (PIB), 1993 (5%)...................................253 Liste des tableaux
Tableau 1 PIB et prix des soins de santé........................................................221 Tableau 2 Niveaux de consommation des soins de santé................................223 Tableau 3 Dépenses de santé.........................................................................224 Tableau 4 Ratio des dépenses de santé au PIB...............................................226 Tableau 5a Évolution du PIB (Val. prix courant, Mlo $PPA) . ......................228 Tableau 5b Taux d’accroissement du PIB (en pourcentage) ............................229 Tableau 6a Dépenses de santé (Val. prix courant, Mlo $PPA)........................230 Tableau 6b Taux d’accroissement des dépenses (en pourcentage).....................231 Tableau 7 Niveaux de consommation des soins de santé – prévisions............236
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Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé
Les différentes mesures des dépenses de santé
Les comparaisons internationales posent le problème du choix de l’unité dans laquelle les dépenses de soins de santé sont exprimées et, par conséquent, de l’indicateur qui sera retenu. Trois conversions monétaires sont utilisées : le taux de change, la parité de pouvoir d’achat, calculée pour l’ensemble des biens et des services produits ou seulement pour les soins de santé. Quatre indicateurs peuvent en être déduits : les dépenses nominales, les dépenses réelles, les niveaux de consommation et le ratio des dépenses au PIB.
La diversité des conversions monétaires Taux de change et dépenses nominales de santé
Le taux de change est le prix de l’unité monétaire nationale en monnaie étrangère. Ce prix est fixé sur le marché monétaire en fonction de l’offre et de la demande de monnaie et des interventions des autorités monétaires (OCDE-CREDES, 1995). C’est pourquoi, les niveaux des prix fixés sur les marchés de biens et de services sont différents des niveaux des taux de change (Gilbert et Kravis, 1954). Lorsqu’on convertit les dépenses de santé à l’aide du taux de change, on obtient leur valeur nominale (Ward, 1985), car la monnaie est ici un numéraire. Le dollar américain est le numéraire le plus souvent utilisé. En valeur nominale, ce sont les États-Unis (3 299 $), la Suisse (3 294 $), le Japon (2 463 $) et l’Allemagne (2 308 $) qui ont les dépenses par habitant les plus élevées. Le Canada (1 943 $) est seizième dans l’ordre croissant des dépenses converties à l’aide des taux de change (tableau 3). On ne peut ici tirer de conclusion sur le niveau de consommation de soins, car il est difficile de dire quel est l’effet des opérations monétaires sur les indicateurs. En effet, les pays ayant les dépenses les plus élevées sont aussi ceux dont la monnaie nationale est réputée « forte ». De plus, les dépenses nominales reflètent à la fois les différences au chapitre des quantités de biens et de services dans chacun des pays et les différences dans les niveaux de prix (Ward, 1985).
La parité de pouvoir d’achat (PIB) et les dépenses réelles de santé
La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un indice international de prix calculé en comparant les prix de produits identiques dans les différents pays (Ward, 1985). Elle indique le taux auquel une monnaie devrait être convertie en une autre monnaie pour permettre l’achat d’un ensemble équivalent de biens et de services dans les deux pays (Ward, 1985). La PPA élimine donc les écarts de prix entre les pays (annexe 1). Le dollar américain a été choisi comme numéraire par 1’OCDE et on notera l’utilisation du dollar PPA ($PPA) tout au long de la présente étude. Les dépenses faites à l’intérieur de chaque pays seront par conséquent exprimées dans une même unité, soit le $PPA. Par exemple, en 1993, on pouvait acheter la même quantité d’un bien avec 1 $ aux États-Unis, 1,27 $ CAN au Canada et 183,16 yens au Japon (tableau 1). La PPA constitue un bon point de départ pour comparer les niveaux de vie, estimer
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comment a été faite l’allocation des ressources entre différents secteurs de production et examiner les niveaux de productivité (Ward, 1985). Les dépenses en PPA (PIB), en étant exprimées par rapport à un panier de biens représentatif des PIB de l’ensemble des pays de l’OCDE, donnent une mesure du coût d’opportunité des soins (Saez et Murillo, 1994) par rapport à l’utilisation qui aurait pu être faite des ressources mobilisées dans d’autres secteurs de production. En valeur réelle par habitant, les États-Unis (3 299 $PPA), la Suisse (2 283 $PPA), le Luxembourg (1 993 $PPA) et le Canada (1 971 $PPA) ont les dépenses les plus élevées, le Japon se situant loin derrière (tableau 3). Les dépenses réelles sont, de par leur nature, comparables. Cependant, il est difficile de déterminer si les pays qui ont des dépenses élevées ont une maind’œuvre médicale dont la rémunération est élevée, si les prix relatifs globaux des soins de santé sont élevés, si les niveaux de consommation de ces soins sont élevés ou encore plusieurs de ces éléments à la fois.
La parité de pouvoir d’achat (santé) et les niveaux de consommation
La PPA (santé) indique le taux auquel une monnaie devrait être convertie en une autre monnaie pour permettre l’achat d’un ensemble équivalent de biens et de services de santé dans les deux pays. Par exemple, en 1993, on pouvait acheter la même quantité de soins avec 1 $ aux États-Unis, 0,83 $ CAN au Canada et 71 yens au Japon (tableau 1). En utilisant la PPA (santé), on mesure le volume de ressources allouées au secteur des soins, soit le niveau de consommation par habitant (Saez et Murillo, 1994) pour les besoins de la présente étude. Lorsqu’on compare les dépenses de santé nationales calculées à l’aide de différentes conversions monétaires, ce ne sont pas les mêmes pays qui ont les niveaux de dépenses par habitant les plus élevés (tableau 3). Sur le plan du niveau de consommation (tableau 2), ce sont la France (4 128 $), le Japon (3 858 $) et la Suisse (3 801 $) qui se situent au premier rang, le Canada (3 020 $) étant 15e dans l’ordre croissant des dépenses en dollars PPA (santé). La France n’ayant pas des dépenses réelles parmi les plus élevées mais des niveaux de consommation au titre des soins relativement élevés, on peut en conclure que les prix relatifs des soins y sont inférieurs à ceux des États-Unis ou de la Suisse. Le Canada ayant des dépenses réelles de santé élevées et des niveaux de consommation se rapprochant de la moyenne des pays de l’OCDE, on peut en conclure que les prix relatifs des soins, au Canada, semblent plus élevés par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. On peut alors se demander si les quantités consommées, les prix relatifs des soins, de même que le revenu national par habitant du pays ont un effet significatif sur le niveau des dépenses de santé. C’est la question abordée dans la section suivante.
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PIB et prix des soins de santé Pays
Références macroécon.
Conversion monétaire
Conversion monétaire
Conversion Niveau de Prix relatif monétaire prix (PIB) des soins
Produit Parité Taux de Parité intérieur brut de pouvoir change de pouvoir Valeur/personne d’achat (PIB) d’achat (santé) $PPA UMN/$PPA UMN/$ US UMN/$PPA 5 376 8 782 11 800 13 330 13 847 15 409 15 530 16 828 17 152 17 555 17 602 17 865 18 764 18 931 19 126 19 271
5 943,99 184,27 116,88 118,90 0,66 1,51 6,08 9,83 0,64 1,37 2,13 1 533,16 6,57 82,23 13,86 1,27
10 966 229,1 160,7 127,7 0,68 1,85 5,72 7,79 0,67 1,47 1,86 1 572 5,66 67,64 11,63 1,29
2 606 87 74 59 0,41 0,85 3,52 5,77 0,332 0,75 1,15 776 2,92 41,5 7,8 0,83
0,54 0,80 0,73 0,92 0,96 0,82 1,06 1,26 0,95 0,93 1,15 0,98 1,16 1,22 1,19 0,99
0,44 0,47 0,63 0,50 0,63 0,56 0,58 0,59 0,52 0,55 0,54 0,51 0,44 0,50 0,56 0,65
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Turquie Grèce Portugal Espagne Irlande Nouvelle-Zélande Finlande Suède Royaume-Uni Australie Pays-Bas Italie France Islande Autriche Canada
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Tableau 1
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Pays
Références macroécon.
Conversion monétaire
Conversion monétaire
222
Tableau 1 (suite) Conversion Niveau de Prix relatif monétaire prix (PIB) des soins
Danemark Belgique Norvège Japon Allemagne Suisse États-Unis Luxembourg
19 340 19 373 19 467 20 550 21 163 23 033 23 358 28 741
8,79 37,29 8,74 183,16 2,10 2,13 1,00 39,61
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
6,48 34,56 7,09 111,2 1,65 1,48 1 34,56
5,43 19,5 5,15 71 1,24 1,28 1 20,9
1,36 1,08 1,23 1,65 1,27 1,44 1,00 1,15
0,62 0,52 0,59 0,39 0,59 0,60 1,00 0,53
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Produit Parité Taux de Parité intérieur brut de pouvoir change de pouvoir Valeur/personne d’achat (PIB) d’achat (santé) $PPA UMN/$PPA UMN/$ US UMN/$PPA
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Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé
Tableau 2 Niveaux de consommation des soins de santé Pays
Conversion Dépenses totales Dépenses totales monétaire de santé de santé
Parité Dépenses totales de pouvoir de santé d’achat (santé) Valeur/personne Valeur/personne UMN/$PPA UMN PPA (santé) Turquie
2 606,00
868 563
333
Grèce
87,00
92 110
1 059
Portugal
74,00
101 221
1 368
Espagne
59,00
113 604
1 925
Irlande
0,41
604
1 473
Nouvelle-Zélande
0,85
1778
2 092
Finlande
3,52
8 291
2 355
Suède
5,77
12 444
2 157
Royaume-Uni
0,33
773
2 328
Australie
0,75
2 050
2 733
Pays-Bas
1,15
3 268
2 842
776,00
2 334 322
3 008
France
2,92
12 054
4 128
Islande
41,50
128 644
3 100
Autriche
7,80
24 621
3 157
Canada
0,83
2 507
3 020
Danemark
5,43
11 385
2 097
19,50
59 699
3 061
Italie
Belgique Norvège
5,15
13 915
2 702
71,00
273 896
3 858
Allemagne
1,24
3 814
3 076
Suisse
1,28
4 865
3 801
1,00
3 299
3 299
20,90
78 947
3 777
Japon
États-Unis Luxembourg
Source : Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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224
Tableau 3 Dépenses de santé Pays Références Dépenses totales Ordre Dépenses totales Ordre Dépenses totales Ordre macroécon. de santé de santé de santé
Turquie Grèce Portugal Espagne Irlande Nouvelle-Zélande Finlande Suède Royaume-Uni Australie Pays-Bas Italie France Islande Autriche Canada
5 376 8 782 11 800 13 330 13 847 15 409 15 530 16 828 17 152 17 555 17 602 17 865 18 764 18 931 19 126 19 271
79 402 630 890 884 961 1 449 1 598 1 161 1 392 1 760 1 485 2 129 1 902 2 117 1 943
1 2 3 5 4 6 9 11 7 8 14 10 19 15 18 16
146 500 866 972 922 1 179 1 363 1 266 1 213 1 493 1 531 1 523 1 835 1 564 1 777 1 971
1 2 3 5 4 6 10 8 7 11 14 13 20 15 18 21
Val./personne $PPA (santé) 333 1 059 1 368 1 925 1 473 2 092 2 355 2 157 2 328 2 733 2 842 3 008 4 128 3 100 3 157 3 020
1 2 3 5 4 6 10 8 9 12 13 14 24 18 19 15
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Produit Dépenses totales Dépenses totales intérieur brut de santé de santé Val./personne Val./personne Val./personne $PPA $ (change) $PPA
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Pays Références Dépenses totales Ordre Dépenses totales Ordre Dépenses totales Ordre macroécon. de santé de santé de santé Produit Dépenses totales Dépenses totales intérieur brut de santé de santé Val./personne Val./personne Val./personne $PPA $ (change) $PPA Danemark Belgique Norvège Japon Allemagne Suisse États-Unis Luxembourg
19 340 19 373 19 467 20 550 21 163 23 033 23 358 28 741
1 756 1 727 1 962 2 463 2 308 3 294 3 299 2 284
13 12 17 22 21 23 24 20
1 296 1 601 1 592 1 495 1 815 2 283 3 299 1 993
9 17 16 12 19 23 24 22
Val./personne $PPA (santé) 2 097 3 061 2 702 3 858 3 076 3 801 3 299 3 777
7 16 11 23 17 22 20 21
Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé
Tableau 3 (suite)
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226
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Dépenses de santé et PIB Le ratio des dépenses de santé au PIB (tableau 4)
En 1979, la Suède (9 %), les États-Unis (8,8 %) et l’Allemagne (8,1 %) avaient le ratio le plus élevé, le ratio des autres pays se situant entre 5 % et 8 %. Le ratio du Canada était de 7,1 %. De 1979 à 1993, alors que l’Allemagne et la Suède, ayant respectivement des ratios de 8,6 % et de 7,5 % en 1993, ont maintenu un ratio relativement constant, la Suède affichant même une baisse de 1,5 %, les États-Unis ont connu une forte augmentation. En 1993, la plupart des pays avaient un ratio se situant entre 6 % et 9 % mais trois pays se sont démarqués : les États-Unis (14,1 %), le Canada (10,1 %) et la Suisse (9,9 %). Cependant, un accroissement des dépenses de santé supérieur à celui du PIB peut être interprété soit comme une accélération de l’augmentation des dépenses, soit comme un ralentissement de l’augmentation du PIB.
Tableau 4 Ratio des dépenses de santé au PIB Pays Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 8,1 7,4 7,9 6,8 7,1 6,6 5,5 8,8 6,6 7,4 4,4 7,8 6,2 5,9 6,1 6,1 6,9 7,0 7,5 5,0 5,3 9,0 7,2 3,3
8,7 7,5 8,2 7,2 7,5 6,8 5,8 9,6 6,7 7,9 4,5 8,4 6,4 6,7 6,6 6,5 6,6 6,9 8,1 6,2 5,9 9,5 7,3 3,6
8,5 8,7 8,7 7,7 7,7 7,8 8,0 8,1 8,4 7,6 7,4 7,7 8,6 8,5 8,9 6,6 6,3 6,3 6,0 5,7 5,7 10,6 10,8 11,3 6,9 7,3 7,5 8,2 8,5 8,5 4,6 4,9 5,2 8,1 7,8 7,4 7,3 7,3 7,9 7,0 7,0 7,4 6,9 6,6 7,1 6,2 6,2 6,6 6,8 6,4 7,4 6,4 6,4 6,9 8,3 7,9 8,1 5,8 6,3 6,8 6 5,9 5,9 9,5 8,9 8,6 7,8 8,1 8,3 3,0 2,2 2,8
8,3 8,4 8,6 7,8 8,5 8,5 8,5 8,6 9,3 7,6 8,0 8,3 9,0 10,0 10,2 6,5 6,6 6,7 6,5 7,1 7,3 12,0 13,4 14,1 7,4 9,1 8,8 8,7 9,1 9,8 5,1 5,3 5,7 6,6 7,1 6,7 8,5 8,1 8,3 7,6 8,4 8,5 6,8 6,7 7,3 6,6 6,5 6,9 7,4 8,0 8,2 7,2 7,8 7,7 7,9 8,3 8,7 6,6 7,0 7,3 5,8 6,5 7,1 8,6 8,4 7,5 8,4 9,0 9,9 2,9 3,4 2,7
Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
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Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé
L’évolution des dépenses de santé et du PIB
De 1979 à 1993, la tendance des PIB, pour l’ensemble des pays, a été à la hausse, de nets ralentissements ayant toutefois été affichés pour certaines années, comme 1990-1991 ou 1992-1993 (tableau 5a). En 1993, certains pays ont même enregistré des taux d’accroissement négatifs de leur PIB : Suède (–1,23 %), Allemagne (–1,26 %), France (–2 %) et Italie (–2,26 %) (tableau 5b). La même tendance peut être observée pour les dépenses totales de santé (tableau 6a). Il faut par ailleurs souligner que les taux d’accroissement des dépenses de santé n’ont jamais été aussi bas qu’en 1992-1993, s’établissant à moins de 8 % pour l’ensemble des pays (tableau 6b). Pour le Canada, on constate depuis 1986-1987 une évolution asymétrique des taux d’accroissement des dépenses de santé et du PIB (figure 3), ce qui rend difficile l’interprétation et la comparaison du ratio des dépenses au PIB d’une année à l’autre. Depuis 1991, les dépenses de santé et le PIB croissent moins rapidement ; pour 1992-1993, le taux de croissance du PIB a été de 4,42 %, et celui des dépenses, de 4,19 %. On peut du moins en conclure que la hausse du ratio des dépenses au PIB, au Canada, n’est pas provoquée par une accélération de la croissance des dépenses de santé.
Prix et niveaux de consommation Les effets des prix et des niveaux de consommation
Nous reprenons ici la recherche de Gerdtham et Jönsson (1991) sur 1985 en l’actua lisant pour 1993. Dans la présente étude, nous cherchons à montrer les liens entre les dépenses de santé, les prix et les niveaux de consommation ainsi que le revenu national (PIB) pour les 24 pays de l’OCDE visés. Le PIB réel
Lorsqu’on convertit le PIB à l’aide de la PPA, on obtient sa valeur réelle (Ward, 1985), ce qui permet de faire des comparaisons internationales des niveaux de consommation (tableau 1). En 1993, le Canada, avec un PIB par habitant de 19 271 $PPA, occupait le 9e rang. Le Luxembourg avait le PIB par habitant le plus élevé (28 741 $PPA), et la Turquie, le PIB le plus bas (5 376 $PPA).
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Tableau 5a Évolution du PIB (Val. prix courant, Mlo $PPA) Pays
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
657 656,4 152 909,2 73 062,5 94 434,2 280 296,6 48 726,3 240 218,4 42 750,6 563 032,2 45 769,4 19 944,7 2 476,1 526 787,8 1 063 028,5 4 397,0 37 947,2 27 932,2 136 879,9 49 534,0 488 986,5 84 314,4 83 260,5 116 740,8 3 035 796,0
731 174,4 172 460,2 83 077,5 106 230,5 308 694,6 56 759,7 275 080,0 50 001,3 640 322,5 50 886,3 22 430,4 2 729,8 587 925,8 1 242 260,3 5 051,4 43 941,8 32 244,7 150 914,9 55 705,4 568 387,6 95 573,6 91 913,9 140 797,6 3 394 298,0
824 968,3 202 848,7 92 796,4 117 736,4 369 999,2 66 465,5 308 055,1 57 266,1 711 603,8 57 993,8 26 951,3 3 158,2 666 231,6 1 462 579,5 5 937,7 52 613,8 36 650,9 171 858,6 60 439,0 648 765,0 109 020,1 104 324,9 170 031,3 4 016 649,0
905 586,9 231 958,1 100 857,0 128 611,7 420 275,2 72 998,3 354 860,9 64 475,8 786 768,7 61 982,4 28 595,3 3 848,4 747 230,0 1 651 092,0 6 767,0 59 072,1 40 086,5 188 766,1 70 189,8 749 362,3 121 553,5 115 713,3 208 674,7 4 496 574,0
1 055 237,2 26 747,7 118 126,0 151 333,8 489 489,4 80 508,9 423 693,2 77 485,8 922 522,1 72 658,3 34 690,4 4 180,7 867 713,0 1 990 559,6 8 270,9 64 086,5 43 864,3 219 805,0 85 118,7 871 594,9 137 921,2 134 053,6 231 590,4 5 204 600,0
1 260 761,9 282 925,5 135 663,0 171 684,6 517 375,2 89 883,7 495 798,9 77 755,1 1 035 826,8 79 190,1 42 199,4 4 622,3 974 376,4 2 348 438,1 9 532,2 71 448,0 46 468,5 247 589,0 102 603,9 900 401,9 145 110,0 147 933,4 275 699,5 5 656 600,0
1 357 611,8 309 953,4 152 835,5 195 360,9 554 110,8 100 352,9 520 977,0 78 674,6 1 078 935,2 91 046,7 49 296,2 4 997,9 1 017 580,7 2 558 534,8 10 921,8 83 943,4 53 624,0 269 133,1 117 854,9 985 401,9 146 727,1 160 978,4 321 862,9 6 259 900,0
Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Allemagne 54 239,4 Australie 120 222,9 Autriche 59 348,5 Belgique 76 186,7 Canada 221 936,8 Danemark 41 164,5 Espagne 198 015,5 Finlande 33 209,6 France 457 429,4 Grèce 37 473,6 Irlande 15 593,1 Islande 1 873,4 Italie 418 955,0 Japon 825 499,9 Luxembourg 3 654,8 Norvège 30 089,4 Nouvelle-Zélande 22 066,9 Pays-Bas 113 923,1 Portugal 38 849,6 Royaume-Uni 421 803,8 Suède 69 133,5 Suisse 65 406,4 Turquie 93 971,5 États-Unis 2 465 969,0
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Taux d’accroissement du PIB (en pourcentage) Pays
1986-1987
1987-1988
1988-1989
1989-1990
1990-1991
1991-1992
1992-1993
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne Finlande France Grèce Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie États-Unis
4,66 8,30 4,81 5,16 7,37 3,40 8,92 7,32 5,35 2,63 7,98 11,97 6,33 7,33 6,13 5,16 4,47 4,29 8,81 8,02 6,35 5,23 11,52 6,28
7,70 8,92 8,07 8,94 9,05 5,06 9,22 8,95 8,26 8,47 8,24 3,80 8,08 10,30 9,79 3,33 3,14 5,61 9,87 9,02 6,18 6,85 6,06 7,95
8,19 5,90 8,38 8,01 6,80 4,97 9,32 10,3 8,30 8,07 12,08 4,66 7,44 9,30 11,32 4,99 6,09 9,23 10,38 6,69 6,86 8,43 4,64 7,22
10,11 2,20 8,61 7,57 3,92 5,67 8,08 4,20 6,69 3,09 13,19 5,32 6,41 9,20 7,50 5,92 3,61 8,49 8,64 4,70 5,61 6,56 13,83 5,47
8,51 3,47 5,74 5,46 1,71 5,65 8,27 –3,69 5,25 5,73 7,47 4,98 5,53 8,04 7,21 5,25 2,25 3,83 10,95 –1,34 – 0,38 3,56 4,58 3,04
12,44 4,87 6,85 6,57 10,66 11,31 7,19 7,53 10,48 8,37 9,05 2,84 8,94 10,51 2,56 4,97 4,68 –2,62 6,29 11,29 2,37 6,91 6,31 4,96
–1,26 6,53 3,42 2,96 4,42 6,36 0,38 3,91 –2,00 3,31 3,89 3,11 –2,26 2,23 3,53 5,55 7,66 1,09 3,96 0,99 –1,23 1,79 9,81 5,43
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Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé
Tableau 5b
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230
Tableau 6a Dépenses de santé (Val. prix courant, Mlo $PPA)
Pays
1981
Allemagne 44 168,0 Australie 8 873,9 Autriche 4 666,2 Belgique 5 213,0 Canada 15 714,2 Danemark 2 704,5 Espagne 10 921,7 Finlande 2 189,0 France 33 911,1 Grèce 1 632,5 Irlande 1 219,1 Islande 116,9 Italie 24 806,0 Japon 50 458,7 Luxembourg 221,9 Norvège 2 077,7 Nouvelle-Zélande 1 450,7 Pays-Bas 8 513,3 Portugal 1 941,1 Royaume-Uni 22 194,0 Suède 6 221,5 Suisse 4 706,3 Turquie 3 091,9 États-Unis 218 272,0
57 223,7 11 399,0 6 005,0 6 765,9 21 128,5 3 326,1 13 971,6 2 851,6 44 292,5 2 053,0 1 667,8 158,0 35 322,0 70 625,7 286,6 2 495,4 1 919,2 11 059,9 3 077,8 28 925,0 8 010,1 6 075,7 4 234,5 291 369,0
Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
1983 62 147,2 13 237,2 6 662,6 8 022,2 26 480,4 3 727,0 16 506,9 3 465,2 52 197,5 2 350,0 1 809,5 199,2 41 262,9 85 707,5 314,2 2 998,6 2 064,4 12 487,9 3 243,6 34 116,1 9 111,4 7 165,5 4 252,8 360 782,0
1985
1987
71 696,8 15 710,9 7 520,0 8 746,3 31 512,5 4 170,0 17 491,5 4 176,0 60 160,2 2 819,8 2 015,3 229,2 46 821,5 96 090,9 369,8 3 390,2 2 337,1 13 537,8 3 825,9 37 994,5 9 680,3 8 413,3 3 710,9 434 498,0
78 348,5 18 097,8 8 462,3 9 856,9 37 388,2 4 599,1 20 245,6 4 829,8 66 839,0 3 219,5 2 115,3 303,9 54 949,1 117 064,0 443,4 4 373,4 2 756,4 15 320,1 4 756,2 43 897,0 10 491,3 9 592,5 5 866,0 506 178,0
1989 87 704,0 20 819,4 10 078,0 11 532,1 43 839,9 5 232,5 27 660,5 5 715,4 80 275,6 3 719,6 2 291,0 354,8 66 286,4 135 224,1 543,7 4 769,3 3 161,5 17 403,2 5 606,9 50 769,5 11 852,7 11 286,7 6 667,7 623 914,0
1991
1993
105 714,3 23 928,4 11 642,2 13 776,2 51 913,2 5 932,6 35 310,5 7 102,0 94 053,0 4 221,0 2 982,0 374,2 81 731,7 157 754,9 623,8 5 707,9 3 607,4 20 464,4 7 191,5 58 549,5 12 259,0 13 268,1 9 390,9 755 551,0
116 412,9 26 365,6 14 198,4 16 143,3 56 660,4 6 723,5 37 979,9 6 903,4 105 492,8 5 182,7 3 282,4 413,0 86 724,8 186 180,1 757,4 6 865,0 4 103,4 23 414,7 8 649,8 69 714,3 11 038,8 15 954,0 8 748,3 884 205,0
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
1979
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Taux d’accroissement des dépenses (en pourcentage)
Pays
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne Finlande France Grèce Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède Suisse Turquie États-Unis
1986-1987
1987-1988
1988-1989
1989-1990
1990-1991
1991-1992
1992-1993
5,84 5,85 6,08 6,41 8,04 8,83 10,58 8,38 5,54 – 0,52 3,20 14,87 12,59 14,49 14,93 10,15 8,80 6,09 5,34 8,02 6,88 7,36 17,53
10,04 7,45 7,83 9,17 7,80 9,19 21,36 6,90 9,19 4,43 3,72 11,28 11,19 7,34 14,67 7,18 3,91 5,93 16,08 8,22 5,27 8,33 10,39
1,72 7,07 10,45 7,17 8,77 4,20 12,58 10,70 9,99 10,63 4,42 4,91 8,49 7,61 6,93 1,75 10,39 7,23 1,55 6,87 7,33 8,61 2,97
9,64 7,81 6,97 7,79 8,81 4,97 14,49 12,62 8,68 7,11 4,42 4,91 8,49 7,61 6,93 1,75 10,39 7,23 1,55 6,87 5,69 6,05 13,06
9,94 6,61 7,99 10,82 8,83 8,02 11,50 10,33 7,80 5,94 13,68 6,94 9,42 7,47 7,15 11,93 7,75 7,03 18,37 6,81 –2,14 10,85 24,57
12,35 3,39 13,68 11,69 4,76 5,55 6,37 – 0,19 9,66 14,61 7,71 5,52 7,84 11,08 13,63 14,96 5,80 10,84 11,75 16,96 – 8,09 11,61 –7,94
–1,98 6,57 7,28 4,92 4,19 7,37 1,12 –2,61 2,28 7,13 2,19 4,60 –1,61 6,25 6,86 4,62 7,51 3,22 7,63 1,80 –2,02 7,74 1,19
8,63
11,09
10,95
11,64
8,47
8,58
7,78
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Données de l’OCDE sur la santé, 1995 (CREDES).
Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé
Tableau 6b
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Les dépenses
Compte tenu du caractère hétérogène des unités de mesure des niveaux de consom mation au titre des soins (on ne peut additionner des actes médicaux et des boîtes de médicaments) et de la difficulté de les comparer entre pays (par exemple, pour les soins infirmiers), il faut utiliser une unité commune qui permet les comparaisons. Nous avons donc choisi la monnaie comme numéraire (le dollar américain pour l’OCDE) et les dépenses au titre des soins de santé comme indicateur, celles-ci étant le produit des niveaux de consommation et de leur prix. L’étude se situe à un niveau agrégé ; les données relatives aux dépenses sont fournies par l’OCDE en $US PPA (PIB) pour permettre des comparaisons internationales plus fiables (Gilbert et Kravis, 1954 ; Kravis et al., 1978).
Les niveaux de consommation
Les niveaux de consommation relatifs de biens et de services peuvent différer d’un pays à l’autre, en raison : 1) des différences dans les goûts et les désirs ; 2) des différences dans les niveaux de revenu ; 3) des différences dans les prix relatifs (Gilbert et Kravis, 1954). La présente étude se penche sur ces deux dernières dimensions. Les niveaux de consommation y sont exprimés en fonction des dépenses au titre des soins en PPA (santé) décrites plus haut (Kravis et al., 1978), et le revenu est exprimé en fonction du PIB par habitant (annexe 1).
Les prix
Les différences entre les prix relatifs de la santé peuvent être expliquées par les différences au chapitre de la disponibilité des ressources naturelles ou de la main-d’œuvre par rapport au capital, les différences au niveau de l’efficacité avec laquelle on produit différents types de biens et de services ou encore les différences dans les profils de demande qui pourraient influer sur l’efficacité de la production (Gilbert et Kravis, 1954). Dans notre étude, nous nous référons à deux prix relatifs, celui du PIB, calculé en fonction d’un ensemble de biens divers, et celui, plus spécifique, des soins (annexe 1). Le Canada, comme l’ensemble des pays de l’OCDE, a un prix relatif des soins (0,65) largement inférieur à celui des États-Unis (1,00), mais ce prix est, en importance, le deuxième après celui des États-Unis (tableau 1). Les résultats d’autres études
Dans une brève revue de la documentation sur le sujet, Murillo et ses collaborateurs (1993) soulignent les résultats contradictoires des études empiriques sur le lien entre les dépenses de santé et le PIB par habitant. Dans l’article dont nous reprenons la méthodologie (Gerdtham et Jönsson, 1991), les dépenses de santé augmentaient en fonction du PIB par habitant, mais elles n’étaient pas plus élevées dans les pays affichant des prix relatifs élevés. Le prix relatif des soins de santé avait un effet compensateur sur les niveaux de consommation.
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Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé
Les méthodes
Les estimations des effets des prix et des niveaux de consommation ont été effectuées à l’aide de régressions linéaires et d’une transformation logarithmique des variables, cette méthode s’étant avérée la plus adéquate dans les comparaisons internationales des dépenses de santé (Gerdtham et Jönsson, 1991). Les bêta ont été interprétés en fonction de la notion économique d’élasticité (annexe 2). L’intervalle de confiance de l’élasticité était de 95 %. • Toutes les variables ainsi que les principaux concepts sont définis en annexe. • Les données sont toutes issues de Éco-Santé (OCDE-CREDES, 1995), à l’exception de celles concernant les PPA (santé), qui ont été directement trans mises par l’OCDE et qui seront intégrées à Éco-Santé en 1996. • Tous les pays de l’OCDE ont été retenus, à l’exception du Mexique (24 pays). Pour ne pas surcharger les figures, 13 pays ont été identifiés : Allemagne, Aus tralie, Canada, Danemark, États-Unis, France, Italie, Japon, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse.
Les résultats
• Les prix relatifs des soins sont-ils plus élevés dans les pays riches ?
Le niveau de prix est-il fonction du PIB par habitant ?
ln (niveau de prix) = – 5,39 + 0,56 ln (PIB/hab.) + ei
t (– 6,20) (6,26) N = 24 R2 = 64 %. Le PIB par habitant explique de manière significative 64 % de la variance du niveau de prix, ce qui est 20 % plus faible qu’en 1985. Lorsque le PIB par habitant augmente de 1 %, le niveau de prix augmente de 0,56 %. Avec un intervalle de confiance de (–1,2 ; 2,32), l’élasticité ne s’écarte pas significativement de 0.
Le niveau du prix relatif des soins est-il fonction du PIB par habitant ?
ln (prix relatif des soins ) = – 2,24 + 0,17 ln (PIB/hab.) + ei
t (1,60) (– 2,17) N = 24 R2 = 10,4 %. La relation n’est pas significative. Conclusion – En règle générale, les pays riches ont un niveau de prix plus élevé, mais les prix relatifs des soins de santé ne sont pas plus élevés de façon significative dans ces pays. Comme pour Gerdtham et Jönsson (1991), les données de Éco-Santé sur la rémunération des médecins pour 1993 n’étant disponibles que pour un nombre insuffisant de pays, il n’est pas possible de déterminer si ce facteur contribue à faire augmenter le prix relatif des soins de santé pour l’ensemble des pays de l’OCDE.
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• Les pays riches ont-ils des dépenses de santé et des niveaux de consommation plus élevés ?
Les dépenses de santé par habitant sont-elles fonction du PIB par habitant ?
ln (dépenses de santé par hab.) = – 9,03 + 1,67 ln (PIB/hab.) + ei
t (– 8,30) (14,89) N = 24 R2 = 90 %. Le PIB par habitant explique de manière significative 90 % de la variance des dépenses de santé. Si l’intervalle de confiance est de (1,45 ; 1,89), l’élasticité-revenu est sensiblement supérieure à 0. Lorsque le revenu par habitant augmente de 1 %, les dépenses de santé augmentent de 1,67 %.
Les niveaux de consommation par habitant sont-ils fonction du PIB par habitant ?
ln (niveau de consommation par hab.) = – 6,81 + 1,50 ln (PIB/hab.) + ei
t (– 6,48) (13,88) N = 24 R2 = 90 %. Le PIB par habitant explique de manière significative 90 % de la variance des niveaux de consommation par habitant. Avec un intervalle de confiance de (1,28 ; 1,72) l’élasticité-revenu est supérieure à 0 de façon significative. Lorsque le revenu par habitant augmente de 1 %, les niveaux de consommation augmentent de 1,50 %. Conclusion – Les pays riches ont des dépenses de santé plus élevées, ainsi que des niveaux de consommation élevés. L’élasticité-revenu est plus faible pour les niveaux de consommation que pour les dépenses de santé, mais ces deux dimensions sont élastiques par rapport au revenu. Les soins de santé deviennent alors un bien de luxe, les pays les plus riches consommant le plus de soins. On conclut à un effet de rationnement des soins selon le niveau de revenu.
• Les dépenses sont-elles plus élevées dans les pays où les prix relatifs le sont ?
Les dépenses de santé par habitant sont-elles fonction du prix relatif des soins et du PIB par habitant ?
ln (dépenses de santé/hab.) = – 7,86 + 1,58 ln (PIB/hab.) + 0,52 ln (prix relatif des soins) + ei
t
(7,37) (15,02)
(2,62)
N = 24 R2 = 93,2 % Le PIB par habitant, combiné avec le prix relatif des soins de santé, explique de manière significative 93,2 % de la variance des dépenses de santé par habitant. Avec un intervalle de confiance de (1,36 ;1,8), l’élasticité-revenu est supérieure à 0 de
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façon significative. Quand le revenu par habitant augmente de 1 %, les niveaux de con sommation augmentent de 1,58 %. Avec un intervalle de confiance de (0,13 ; 0,91), 1’élasticité-prix est supérieure à – 1 de façon significative. Lorsque le prix relatif des soins augmente de 1 %, les dépenses de santé par habitant augmentent de 0,52 %.
Le niveau de consommation par habitant est-il fonction du prix relatif des soins et du PIB par habitant ?
ln (niveau de consommation/hab.) = –7,87 + 1,58 ln (PIB/hab.) – 0,47 ln (prix relatif des soins) + ei
t
(–7,50) (15,28)
(–2,40)
N = 24 R2 = 92 %. Le PIB par habitant, combiné avec le prix relatif des soins de santé, explique de manière significative 92 % de la variance des niveaux de consommation. Avec un intervalle de confiance de (1,38 ; 1,78), l’élasticité-revenu est supérieure à 0 de façon significative. Quand le revenu par habitant augmente de 1 %, le niveau de consom mation par habitant augmente de 1,58 %. L’élasticité-prix est différente de – 1 de façon significative avec un intervalle de confiance de (– 0,86 ; – 0,08). Lorsque le prix relatif des soins augmente de 1 %, le niveau de consommation par habitant diminue de 0,47 %. Conclusion – L’élasticité-revenu des soins de santé sur le plan des dépenses ou des niveaux de consommation est supérieure à l’élasticité-prix. Alors que Gerdtham et Jönsson (1991) ont trouvé une élasticité-prix des dépenses non significative par rapport à – 1 pour 1985, elle est ici significative pour 1993. Cela signifie qu’une augmentation de 1 % du prix relatif des soins de santé ne sera pas compensée par une baisse des niveaux de consommation de 1 %. Les écarts de dépenses entre les pays peuvent être expliqués à la fois en fonction des prix et des niveaux de consommation, alors qu’en 1985 ces écarts ne s’expliquaient que par rapport aux niveaux de consommation. On peut alors conclure que les pays ayant un prix relatif des soins de santé plus élevé ont des dépenses de santé plus élevées, toutes choses égales d’ailleurs. Le même raisonnement s’applique aux niveaux de consommation. Toutes chose égales d’ailleurs, les pays dont les niveaux de consommation sont plus élevés ont des dépenses de santé plus élevées.
• Quels pays consomment le plus de soins de santé après ajustement pour tenir compte des différences au chapitre du PIB par habitant et du prix relatif des soins ?
Après ajustement pour tenir compte des différences au chapitre du PIB par habitant et du prix relatif des soins, deux pays se démarquent par l’importance de l’écart entre les niveaux de consommation réels et les niveaux de consommation auxquels on pourrait s’attendre (tableau 7). Au Luxembourg, le niveau de consommation a été inférieur de 34 % aux prévisions. Cette différence est significative, puisque le niveau de consommation réel est à l’extérieur de l’intervalle de confiance établi à 95 %. À l’inverse,
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en France, le niveau de consommation est supérieur de 31 % aux prévisions, mais cette valeur reste à l’intérieur de l’intervalle de confiance. Dans l’étude de Gerdtham et Jönsson, pour les pays de l’OCDE en 1985, la France, l’Irlande, les Pays-Bas, le Portugal, l’Autriche et la Suède avaient des niveaux de consommation supérieurs aux prévisions de façon significative. Le Danemark, la Norvège et le Luxembourg avaient des niveaux de consommation sensiblement inférieurs aux prévisions. Quant au Canada, en 1993, les niveaux de consommation réels ont été supérieurs de 11 % aux niveaux prévus, mais sont demeurés à l’intérieur de l’intervalle de confiance.
Tableau 7 Niveaux de consommation des soins de santé – prévisions
Pays Intervalle de confiance 95 % Niveaux de Niveaux de Différence Intervalle de Intervalle de consom- consom- confiance: confiance: mation mation limite limite réels prévus inférieure supérieure
Turquie Grèce Portugal Espagne Irlande Nouvelle-Zélande Finlande Suède Royaume-Uni Australie Pays-Bas Italie France Islande Autriche Canada Danemark Belgique Norvège Japon Allemagne Suisse États-Unis
333 1 059 1 368 1 925 1 473 2 092 2 355 2 157 2 328 2 733 2 842 3 008 4 128 3 100 3 157 3 020 2 097 3 061 2 702 3 858 3 076 3 801 3 299
437 919 1 275 1 725 1 642 2 055 2 046 2 304 2 520 2 546 2 579 2 712 3 143 3 000 2 890 2 725 2 803 3 054 2 899 3 842 3 308 3 751 3 010
–104 140 93 200 –169 37 309 –147 –192 187 263 296 985 100 267 295 –706 7 –197 16 –232 50 289
290 638 894 1 223 1 159 1 463 1 456 1 639 1 793 1 813 1 836 1 928 2 204 2 128 2 056 1 930 1 990 2 169 2 062 2 637 2 348 2 655 1 999
659 1 323 1 819 2 431 2 324 2 886 2 876 3 237 3 542 3 574 3 622 3 817 4 482 4 231 4 061 3 848 3 947 4 301 4 077 5 596 4 659 5 298 4 533
Luxembourg
3 777
5 641
–1 864
3 934
8 090
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Critique de la méthode
Les comparaisons internationales des dépenses de santé posent des problèmes qui sont inhérents à toute comparaison internationale (Schieber et Poullier, 1990) : les données ne sont pas comparables, la performance des régimes de soins de santé est difficile à évaluer, notamment en ce qui concerne les produits de santé et l’accès aux soins. Il est également difficile de prendre en compte les différences socioculturelles, économiques ou encore médicales qui caractérisent chaque pays. Ces différences ne sont pas retenues, notamment, dans le calcul des indices de prix, qu’il faut alors utiliser avec précaution dans les analyses (Gerdtham et Jönsson, 1991). Pour toutes ces raisons, la transposition des politiques de santé d’un pays à un autre s’avère problématique. D’autres problèmes et limites apparaissent lorsqu’on procède à des analyses économétriques des dépenses de santé, notamment par rapport au PIB par habitant. Certains de ces problèmes sont énumérés ci-dessous. D’une part, le lien entre les dépenses de santé et le PIB par habitant ne tient pas compte des besoins en soins de santé. Les considérations d’efficacité et d’équité sont donc écartées de l’analyse (McGuire et al., 1993). Dans ces analyses, toutes les variables sont des agrégats économiques. Or, l’économie de la santé n’a pas encore développé de théories macroéconomiques qui pourraient être utilisées expressément pour l’analyse des dépenses de santé (McGuire et al., 1993). C’est pourquoi les conclusions de ces études sont conditionnelles à la validité d’hypothèses théoriques très restrictives, en ce sens que ces études empiriques expliquent des variables macroéconomiques par des comportements microéconomiques (Parkin et al., 1987 ; McGuire et al., 1993). Par exemple, on présente les dépenses de santé comme le reflet de la demande globale de soins expliquée par le revenu global (PIB). Or, au niveau macroéconomique, les dépenses de santé sont déterminées sur le marché par l’ajustement de l’offre et de la demande globales de soins, et non par la seule volonté de payer du consommateur. De plus, pour ce qui est de l’interprétation, ces études se concentrent sur les effets du revenu individuel (et non plus du revenu global) sur les dépenses globales (élasticité-revenu des dépenses) ou sur les niveaux de consommation (élasticité-revenu de la demande). Par conséquent, si l’on veut expliquer les dépenses globales par des comportements individuels, il se pose d’importants problèmes d’agrégation que l’on ne peut résoudre qu’en faisant des hypothèses au sujet des propriétés des structures des goûts de l’ensemble des consommateurs, comme l’« additivité ». De nombreuses études ont également montré que, dans une perspective microéconomique, le revenu individuel n’expliquait que de façon restreinte le niveau des dépenses de santé, en raison notamment de l’assurance-maladie. De plus, l’élasticité est calculée par rapport au PIB par habitant, un indicateur qui suppose une répartition égale des revenus entre les membres de la population du pays considéré, puisqu’il est calculé à partir d’une moyenne (Parkin et al., 1987). L’utilisation d’études transversales, et plus particulièrement de celles portant sur des ensembles de pays, pour évaluer l’élasticité-revenu des dépenses au titre des soins s’avère inappropriée si les régimes de soins de santé ne sont pas homogènes (Murillo
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et al., 1993). En effet, comme les définitions des dépenses de santé sont différentes d’un pays à l’autre, ce ne sont pas les mêmes relations qui sont mesurées dans tous les pays, puisque les variables diffèrent d’un pays à l’autre. Conclusion
Dans un premier temps, il apparaît difficile d’évaluer d’un point de vue comparatif l’importance de l’évolution des dépenses de santé. Au Canada, le ratio des dépenses de santé au PIB fluctue beaucoup d’une année à l’autre. En 1993, ce ratio était parmi les plus élevés (10,1 %). Cependant, les hausses observées ne semblent pas attribuables à une accélération de la croissance des dépenses de santé. On a montré que les pays les plus riches avaient des dépenses de santé plus élevées et consommaient davantage de soins. Pour le Canada, qui avait un PIB par habitant de 19 271 $PPA (9e rang) en 1993, les dépenses réelles de santé par habitant s’élevaient à 1 971 $PPA (4e rang), tandis que les niveaux de consommation s’établissaient à 3 020 $PPA (santé) (10e rang). Le prix relatif des soins (0,65) au Canada est le plus élevé après celui des ÉtatsUnis. Les études statistiques menées pour 1993 sur l’ensemble des pays de l’OCDE ont montré, d’une part, que les pays dont les niveaux de consommation sont élevés ont des dépenses de santé élevées et, d’autre part, que dans les pays où le prix relatif des soins est élevé, les dépenses de santé sont également élevées. L’effet compensateur des prix ne joue plus : une augmentation des prix ne sera pas entièrement compensée par une diminution des niveaux de consommation. Au Canada, le prix relatif élevé des soins de santé n’est donc pas entièrement compensé par une baisse des niveaux de consommation, ce qui explique le niveau relativement élevé des dépenses de santé réelles de ce pays. Après ajustement pour tenir compte des différences au chapitre du PIB par habitant et du prix relatif des soins de santé, le Canada ne se démarque pas des autres pays de l’OCDE par des niveaux de consommation plus élevés. Pour l’ensemble des pays, ce n’est qu’au Luxembourg que les niveaux de consommation sont, de façon significative, inférieurs aux prévisions. Il faut interpréter ces résultats avec circonspection. D’importants problèmes d’ordre méthodologique, comme le calcul des indices de prix, ou théorique, notam ment du point de vue du niveau d’agrégation de l’analyse, doivent être pris en compte dans l’utilisation des résultats.
Delphine Arweiler prépare un doctorat en santé publique de l’Université de Montréal. Sa thèse porte sur la conceptualisation de la santé en économie. Elle travaille également sur les dimensions éthiques des théories économiques, ainsi que sur le financement et l’organisation du système de soins de santé.
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Bibliographie Gerdtham, U.G. et B. Jönsson, 1991, « Price and quantity in international comparisons of health care expenditure », Applied Economics, 23, p. 1519-1528. Gilbert, M. et I.B. Kravis, 1954, An International Comparison of National Products and the Purchasing Power Parities of Currencies, Paris, OCDE. Henderson, J.M. et R.W. Quandt, 1972, Microéconomie. Formulation mathématique élémentaire, Paris, Dunod. Kravis, I.B., A.W. Heston et R. Summers, 1978, World Product and Income. International Comparisons of Real Gross Product, Baltimore, John Hopkins University Press, McGuire, A., D. Parkin, D. Hughes et K. Gerard, 1993, « Econometric analysis of national health expenditures : Can positive economics help to answer normative questions ? », Health Economics, 2, p. 113-126. Murillo, C., C. Piatecki et M. Saez, 1993, « Health care expenditure and income in Europe », Health Economics, 2, p. 127-138. OCDE-CREDES, 1995, Eco-Santé. Parkin, D., A. McGuire et B. Yule, 1987, « Aggregate health care expenditure and national income : Is health care a luxury good ? », Journal of Health Economics, 6, p. 109-127. Saez, M. et C. Murillo, 1994, « Shared features in prices : Income and price elasticities for health care expenditure », Health Economics, 3, p. 267-279. Schieber, G.J. et J.P. Poullier, 1990, « Comparaisons internationales des dépenses de santé : un survol », dans OCDE : Les systèmes de santé à la recherche d’efficacité, Paris, OCDE, p. 9-16. Ward, M., 1985, Parités de pouvoir d’achat et dépenses réelles dans les pays de l’OCDE, Paris, OCDE.
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Annexes
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Annexe 1
Les variables Le produit intérieur brut par habitant (PIB/hab.) en dollars PIB/hab. en monnaie nationale PIB/hab. $ = _______________________________ Taux de change (monnaie nat./1 $) Le produit intérieur brut se définit comme la somme de la consommation finale des ménages, des investissements (formation brute de capital fixe plus les variations de stocks) et des exportations, de laquelle on retranche les importations (OCDECREDES, 1995). Le PIB prend pour critère de base le territoire, à la différence du PNB dont le critère est l’appartenance nationale.
La parité de pouvoir d’achat (PPA) La parité de pouvoir d’achat est un indice de prix international, calculé en comparant les prix de produits identiques dans les différents pays (Ward, 1985). La PPA indique le taux auquel une monnaie devrait être convertie en une autre monnaie pour permettre l’achat d’un ensemble équivalent de biens et de services dans les deux pays (Ward, 1985). La PPA dans la devise j, dans le numéraire choisi, est égale à :
∑ Pij Qij PPAj = ______________ ∑ πi Qij où πi = moyenne internationale des prix du produit i dans le numéraire choisi ; Qij = quantité de marchandises vendues dans la devise du pays j ; Pij = prix du produit i vendu dans la devise du pays j (Ward, 1985).
Le produit intérieur brut par habitant (PIB/hab.) en valeur réelle (parité de pouvoir d’achat du PIB) PIB/hab. en monnaie nationale PIB/hab. = ________________________________ (valeur réelle) PPA en monnaie nat./1 $ Le PIB est ici exprimé en fonction du volume, estimé aux prix du marché, les effets de l’inflation et des fluctuations monétaires en général étant neutralisés en divisant le PIB par un indice international de prix.
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Le niveau de prix comparé du dollar pour les dépenses finales imputées au PIB PPA Niveau de prix = ________________ * 100 Taux de change
Le niveau de prix de chaque pays est un prix comparable d’un panier de biens et de services représentatif des PIB de l’ensemble des pays de l’OCDE. Le niveau de prix relatif des dépenses de santé imputées au PIB PPA (santé) Prix relatif des soins = ______________ PPA (PIB) Ce résultat reflète le prix des soins de santé par rapport au prix d’un panier de biens représentatif de la consommation nationale. Si le prix relatif est supérieur à 1, le prix des soins de santé est supérieur à celui d’un panier de biens représentatif. Les dépenses de santé Les dépenses de santé totales (HE) peuvent être définies de la manière suivante : HEik = Qik * Pik = Njk * Yik où Pik = prix moyen par unité de soins de santé de type i offerts ; Qik = niveaux des différents types de soins de santé i offerts ; Njk = nombre de personnes tirant des revenus de différents types j en offrant des soins de santé ; Yik = niveaux moyens de revenus gagnés en offrant des soins de santé (Evans, 1984). Dans Eco-Santé, les dépenses totales de santé sont composées (OCDE-CREDES, 1995) : – de la consommation finale des ménages en soins médicaux ; – des services de santé fournis par le secteur public, y compris les dépenses concernant les collectivités et les programmes spéciaux de santé publique ; – des investissements dans les hôpitaux, les cliniques et les centres de con sultation ; – des coûts administratifs ; – du financement des programmes de recherche et de développement ; – des médecins du travail ; – des dépenses des organismes bénévoles, des régimes d’assurance privés et des établissements de réadaptation.
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Les dépenses de santé en valeur réelle ou en PPA (PIB) de santé en monnaie nationale Dépenses de santé = Dépenses ________________________________ (valeur réelle du PIB) PPA en monnaie nat./1 $ Les dépenses de santé réelles ou les dépenses en fonction du volume, estimé aux prix du marché, mesurent le coût d’opportunité des soins, les effets de l’inflation et des fluctuations monétaires en général étant neutralisés en divisant les dépenses par un indice international de prix, en l’occurrence la PPA (PIB).
Les dépenses de santé en PPA (santé) ou niveau de consommation pondéré Dépenses de santé en monnaie nationale Niveau de consommation = ____________________________________ PPA (santé) En utilisant les dépenses de santé en PPA (santé), on mesure toujours le volume de ressources allouées au secteur des soins de santé, mais en fonction du niveau de consommation par habitant.
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Annexe 2
Les élasticités prix et revenu L’élasticité-revenu de la demande permet de mesurer la variation des quantités demandées d’un bien 1 lorsque le revenu d’un consommateur augmente d’une unité : ∂ log ql µl = _________________ (Pour un bien 1, où q = quantité et y = revenu). ∂ log y Si : µl > 0, la dépense pour q1 augmente en fonction de la hausse du revenu individuel ; µ1 = 0, la dépense pour q1 ne change pas en fonction du revenu individuel ; µ1 < 0, la dépense pour q1 diminue en fonction de l’augmentation du revenu individuel. L’élasticité-prix de la demande permet de mesurer la variation de la quantité d’un bien 1 demandé par un consommateur lorsque le prix augmente d’une unité. (log q1) p1 ∂ q1 e11 = _________ = _____ * _____ (Pour un bien 1, p = prix et q = quantité). ∂ (log p1 ) q1 ∂ p1 Si : e11 > – 1, la dépense du consommateur pour le bien q1 augmente en fonction du prix p1 ; e11 = – 1, la dépense est constante, quel que soit p1 ; e11 < – 1, la dépense du consommateur diminue en fonction de l’augmentation de p1 (Henderson et Quandt, 1972). Les élasticités par rapport à la dépense sont également utilisées. Les dépenses se substituent alors aux quantités dans les formules des élasticités.
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Annexe 3 Figures et histogrammes Figure 1 Évolution du PIB, 1979-1993 7
Pib $PPa (millions)
6 5
États-Unis Japon Allemagne Royaume-Uni Canada
4
Suède
3 2 1 0 1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1991
1993
Figure 2 Évolution des dépenses de santé, 1979-1993
dépenses de santé $PPa (millions)
9 8 7 6 5
États-Unis Japon Allemagne Royaume-Uni Canada Suède
4 3 2 1 0 1979
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Figure 3 Taux d’accroissement du PIB et des dépenses de santé au Canada, 1986-1993 12 PIB
Taux d’accroissement
10 Dépenses 8
6
4
2
0 1986-1987
1987-1988
1988-1989
1989-1990
1990-1991
1991-1992
1992-1993
Figure 4 Prix et PIB par habitant, 1993 0,6 Japon
0,4 Danemark Suède
in(prix)
0,2
Suisse Allemagne
Pays-Bas
France
Italie
0 Royaume-Uni
– 0,2
Canada
États-Unis
Australie
Nouvelle-Zélande
– 0,4 – 0,6 – 0,8 8,4
8,6
8,8
9,0
9,2
9,4
9,6
9,8
10,0
10,2
10,4
in(Pib/hab.)
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Figure 5 Prix relatif des soins et PIB 0
États-Unis
in(prix relatif des soins)
– 0,1 – 0,2 – 0,3 – 0,4 Portugal
– 0,5
Canada Danemark
Irlande
Suisse Allemagne
Suède
– 0,6
Nouvelle-Zélande
– 0,7
Espagne
Royaume-Uni Italie
Australie Luxembourg Belgique
Grèce
– 0,8
Turquie
France
– 0,9
Japon
–1,0 8,4
8,6
8,8
9,0
9,2
9,4
9,6
9,8
10,0
10,2
10,4
10,2
10,4
in(Pib/hab.)
Figure 6 Dépenses de santé et PIB par habitant, 1993 9 Suisse
8 Australie Nouvelle-Zélande
in(dépenses)
7
États-Unis
Canada France Suède
Allemagne Japon Danemark
6 5 4 3 2 1 0 8,4
8,6
8,8
9,0
9,2
9,4
9,6
9,8
10,0
in(Pib/hab.)
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Figure 7 Quantités de soins et PIB par habitant, 1993 9 Canada France Japon Suisse Italie États-Unis Allemagne Suède Danemark
8 7
in(quantités)
6
Turquie
5 4 3 2 1 0 8,4
8,6
8,8
9,0
9,2
9,4
9,6
9,8
10,0
10,2
10,4
in(Pib/hab.)
Histogramme 1 PIB par habitant, 1993 ($PPA) 1,0 0,9
Pib/hab. ($PPa)
0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Suède Royaume- Australie Uni
PaysBas
Italie
France
Canada Danemark Japon Allemagne Suisse
ÉtatsUnis
Pays
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Histogramme 2 Niveau de prix (PIB), 1993 1,8 1,6 1,4
Prix (Pib)
1,2 1,0 0,8 0,6 0,4 0,2 0 Nouvelle- Suède Royaume- Australie Zélande Uni
PaysBas
Italie
France
Canada Danemark Japon Allemagne Suisse
ÉtatsUnis
Pays
Histogramme 3 Prix relatif des soins en 1993 1,0 0,9
Prix des soins
0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Nouvelle- Suède Royaume- Australie Zélande Uni
PaysBas
Italie
France Canada Danemark Japon Allemagne Suisse
ÉtatsUnis
Pays
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Histogramme 4 Dépenses de santé, 1993 ($US) 3 500 3 000
dépenses (us$)
2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 Nouvelle- Suède Royaume- Australie Zélande Uni
PaysBas
Italie
France Canada Danemark Japon Allemagne Suisse
ÉtatsUnis
Pays
Histogramme 5 Dépenses de santé, 1993 ($PPA) 3 500
dépenses ($PPa)
3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 Nouvelle- Suède Royaume- Australie Zélande Uni
PaysBas
Italie
France Canada Danemark Japon Allemagne Suisse
ÉtatsUnis
Pays
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Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé
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Histogramme 6 Dépenses de santé, 1993 ($PPA santé) 4 500
dépenses ($PPa santé)
4 000 3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 Nouvelle- Suède Royaume- Australie Zélande Uni
PaysBas
Italie
France Canada Danemark Japon Allemagne Suisse
ÉtatsUnis
Pays
Histogramme 7 Dépenses de santé (PIB), 1993 (5%) 4 500
dépenses ($PPa santé)
4 000 3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 Nouvelle- Suède Royaume- Australie Zélande Uni
PaysBas
Italie
France Canada Danemark Japon Allemagne Suisse
ÉtatsUnis
Pays
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Incidence des infrastructures et des ressources humaines sur les dépenses de santé Marc-André Fournier Candidat au doctorat en santé publique Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) Faculté de médecine Université de Montréal
Enjeu no 1
Comparativement aux autres pays industrialisés, le Canada ne dispose pas d’un plus grand nombre de lits ni de médecins, mais ses dépenses de santé sont parmi les plus élevées. Il faudrait avoir une meilleure vue d’ensemble des caractéristiques relatives aux infrastructures et aux ressources humaines pour mieux comprendre la composition et l’intensité des ressources du système de santé. Il faudrait comparer les ratios de médecins généralistes et spécialisés, déterminer le nombre d’infirmières, comparer les soins de courte durée d’autres établissements, et déterminer ce qu’ils coûtent.
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Table des matières
Introduction .......................................................................................................259 Répartition des dépenses et caractéristiques des ressources ............................260 Répartition des dépenses entre les grands secteurs...........................................260 Les services hospitaliers....................................................................................265 Les ressources humaines...................................................................................270 Les effectifs.................................................................................................270 Le niveau de rémunération.........................................................................270 Caractéristiques des pays performants et non performants en matière de contrôle des dépenses ....................................................................................277 Comparaisons entre les deux groupes de pays..................................................277 Modalités organisationnelles touchant les médecins........................................280 Conclusion .........................................................................................................284 Bibliographie........................................................................................................286 Liste des tableaux
Tableau 1 Comparaison de la répartition des dépenses de santé (en % des dépenses totales), certains pays de l’OCDE, dernière année disponible (1988 à 1993) (% dans les dépenses de santé totales)...........................................261 Tableau 2 Dépenses de santé par habitant ($PPA), certains pays de l’OCDE, par catégorie de dépenses, 1988................................263 Tableau 3 Financement et propriété du secteur hospitalier (ensemble des hôpitaux) . .............................................................266 Tableau 4 Ressources et production des hôpitaux de courte durée (CD)..........267 Tableau 5 Médecins en services ambulatoires : coûts, niveau d’activité et utilisation..................................................................................269
Tableau 6 Comparaison des ressources humaines dans le domaine de la santé, certains pays de l’OCDE, dernière année disponible (1988 à 1993)...............................................................................271
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Tableau 7 Comparaison entre le niveau de revenu ($PPA) des médecins, des infirmières et des salariés de la santé et le revenu moyen de l’ensemble des salariés du pays, dernière année disponible, chiffres ajustés pour 1991..............................................................275 Tableau 8 Position relative (pays/moyenne) des pays retenus dont les dépenses de santé par rapport au PIB sont les plus élevées ou les plus faibles, certains indicateurs...........................................278 Tableau 9 Caractéristiques des pays les plus et les moins performants concernant le contrôle de l’entrée dans le système et le mode de rémunération des médecins (situation au début des années 1990)...........................................................................281 Tableau 10 Dépenses courantes de santé ($PPA) par habitant, certains pays de l’OCDE, par catégorie de dépenses, 1988............282
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Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
Introduction
Plusieurs études, dont certaines réalisées pour le Forum national, révèlent que le Canada se situe au deuxième rang des pays de l’OCDE en ce qui a trait à la part du PIB consacré aux dépenses de santé, mais que le nombre de lits et de médecins par 1 000 habitants se compare à la moyenne des autres pays (Arweiler, 1998 ; Brousselle, 1998 ). Les différences importantes entre les pays, sur les plans de la réglementation, de l’organisation et du financement du système de santé, ont également été mentionnées comme facteurs expliquant les écarts en ce qui concerne les coûts et le rendement. À cause de ces différences, il est également difficile de faire des comparaisons entre les pays pour comprendre les facteurs déterminant ces écarts. Malgré ces difficultés, on doit se demander si les caractéristiques de l’infra structure du système de santé (composition, intensité et coût des ressources humaines et matérielles) permettent d’expliquer les écarts dans les dépenses de santé entre les pays. On doit aussi chercher à reconnaître les mécanismes de réglementation qui per mettraient de mieux contrôler les coûts et le rendement du système. La présente étude aborde ces questions en comparant les ressources hospitalières et les ressources humaines de différents pays de l’OCDE. La première partie de l’étude est descriptive. On y présente les données sur : 1) la répartition des dépenses de santé entre les différents secteurs d’activité ; 2) les ressources et l’utilisation des services du secteur hospitalier ; 3) l’importance des ressources humaines (médecins, personnel infirmier, et ensemble des travailleurs de la santé) ; 4) le niveau de revenu de ces trois catégories de personnel. Cette partie vise surtout à comparer le Canada avec la moyenne de certains pays de l’OCDE. Dans la deuxième partie, ces données sont analysées en caractérisant, parmi les pays retenus dans l’étude, les quatre dont le niveau de dépenses par rapport au PIB est le plus élevé et les quatre dont le niveau de dépenses est le plus faible. Les résultats obtenus seront analysés dans une perspective où la dynamique du système de santé est déterminée en bonne partie par des mécanismes organisationnels et de réglementation portant sur la pratique médicale, particulièrement le mode d’entrée dans la pratique et les modalités de rémunération des médecins. Les données utilisées proviennent de la base de données Éco-Santé, version 3.6 (1995). Certaines autres sources ont été utilisées pour pallier les lacunes de Éco-Santé : Santé Canada (1995, 1996). Les données portent généralement sur l’année 1993. Lorsque les données n’étaient pas disponibles en 1993, pour un pays donné, nous avons pris celles de l’année précédente et les avons, au besoin, ajustées pour les rendre comparables avec celles des autres pays. Dix-sept pays ont été retenus. Nous avons exclu les pays où la part du PIB con sacrée aux dépenses de santé est faible ou pour lesquels on ne trouvait encore que peu de données dans Éco-Santé.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Répartition des dépenses et caractéristiques des ressources Répartition des dépenses entre les grands secteurs
Il est difficile d’établir des comparaisons internationales, à cause des différences dans l’organisation des systèmes de santé, dans les méthodes de comptabilisation des dépenses et dans la disponibilité des données. Comme de nombreux auteurs l’ont fait valoir, il faut utiliser ces données avec prudence. La base de données Éco-Santé présente d’importantes limites quant à la répartition des dépenses de santé (tableau 1). Ainsi, la catégorie « hôpitaux de soins aigus ou de courte durée » ne devrait comprendre que les coûts pour les patients hospitalisés dans ce type d’établissement. Or, pour plusieurs pays (Australie, Canada, Suède et Royaume-Uni), on y a inclus les dépenses pour les patients externes. En Autriche et en Belgique, une part importante du financement public n’est pas comprise. Pour le Canada, la catégorie des hôpitaux pour soins de courte durée (38 % des dépenses) correspond aux dépenses pour l’ensemble des hôpitaux (y compris les hôpitaux pour soins de longue durée, les hôpitaux psychiatriques, etc.) ; la catégorie « centre de soins infirmiers » (10,2 % des dépenses) correspond à ce type d’établissements et à d’autres (réadaptation, toxicomanie, etc.) ; la catégorie « ensemble des hôpitaux » (48,2 % des dépenses) correspond à la somme des deux catégories précédentes. La définition de la catégorie « centres de soins infirmiers » varie selon les pays. De plus, la catégorie « soins aigus » comprend, dans presque tous les pays, les dépenses pour les patients hospitalisés à long terme dans ces hôpitaux, et cette proportion peut varier considérablement d’un pays à l’autre. Enfin, la rémunération des médecins est souvent comprise dans les dépenses des hôpitaux lorsque les médecins qui y travaillent sont des salariés, mais non lorsqu’ils sont payés à l’acte (comme au Canada et aux États-Unis). Pour ces deux pays, les données nationales acceptées montreraient que les dépenses attribuées aux services médicaux pour soins ambulatoires correspondent en fait à la rémunération totale des médecins (Santé Canada, 1996 ; Rublee et Schneider, 1991). Devant ces problèmes, Rublee et Schneider (1991) ont fait un exercice de validation et d’harmonisation des différentes catégories de dépenses de plusieurs pays de l’OCDE pour 1988. Selon ces données, qui semblent plus cohérentes, on observe quand même une très grande diversité dans la répartition des dépenses de santé entre les différents secteurs d’activité (tableau 2). La répartition des dépenses, dans le système canadien, est sensiblement la même que la moyenne de l’ensemble des pays, sauf en ce qui concerne la part qu’occupent les dépenses pour les soins aigus donnés aux patients hospitalisés (tous les types d’hôpitaux, y compris la rémunération des médecins) et celle des services médicaux pour soins ambulatoires (patients externes des hôpitaux et visites en clinique privée). Les dépenses hospitalières sont plus importantes (48,5 % contre 43,8 %) et celles pour soins ambulatoires le sont moins (10,6 % contre 15,5 %).
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Tableau 1
% dép./ Hôpitaux Ambulatoire Médecins Centre d’héber- Domicile Médicaments PIB Total Courte durée en serv. ambul. gement
États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne Écart-type
14,10 10,20 9,90 9,80 9,30 8,80 8,70 8,60 8,50 8,50 8,30 8,20 7,70 7,50 7,30 7,10 6,70 7,95 0,99
44,80 48,20 51,40 44,40 29,90 43,60 54,40 37,60 45,80 49,00 35,20 69,90 55,90 – 29,20 43,00 58,70 43,51 10,61
32,50 38,00 33,10 43,40 – 17,20 32,40 – 34,60 – – 36,60 38,10 – – 29,80 40,90 31,28 6,91
31,70 19,40 7,9 21,10 14,20 10,2 38,10 16,80 – 27,50 11,90 1,1 21,30 16,20 – 34,90 25,90 9,70 10,2 26,10 16,90 8,7 28,20 19,20 7,7 30,60 20,30 – 37,00 – – 23,60 12,20 19,4 6,90 11,20 3,2 – 13,50 – 40,50 33,50 3,3 – – – 34,30 – – 26,40 15,05 7,72 8,44 6,05 5,37
2,40 1,00 13,4 1,30 – 0,70 – 1,20 0,50 1,20 – – – – 1,90 3,00 2,70 1,35 0,81
8,50 12,70 7,80 16,80 10,70 10,70 10,90 18,50 9,60 18,00 16,70 10,80 16,00 12,70 1,70 14,90 11,30 11,75 4,19
Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
Comparaison de la répartition des dépenses de santé (en % des dépenses totales), certains pays de l’OCDE, dernière année disponible (1988 à 1993) (% dans les dépenses de santé totales)
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% dép./ Hôpitaux PIB Total
Ambulatoire Médecins Centre d’héber- Domicile Médicaments Courte durée en serv. ambul. gement
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Tableau 1 (suite)
Indice relatif (pays/moyenne) 1,28 1,28 1,25 1,23 1,17 1,11 1,09 1,08 1,07 1,07 1,04 1,03 0,97 0,94 0,92 0,89 0,84 1,00 0,13
1,11 1,11 1,18 1,02 0,69 1,00 1,25 0,86 1,05 1,13 0,81 1,61 1,28 – 0,67 0,99 1,35 1,00 0,24
1,21 1,21 1,06 1,39 – 0,55 1,04 – 1,11 – – 1,17 1,22 – – 0,95 1,31 1,00 0,21
0,80 0,80 1,44 1,04 0,81 1,32 0,98 0,99 1,07 1,16 1,40 0,89 0,26 – 1,53 – 1,30 1,00 0,32
0,94 0,94 1,12 0,79 1,08 0,00 0,64 1,12 1,28 1,35 0,00 0,81 0,74 0,90 2,23 0,00 0,00 1,00 0,57
1,32 1,32 1,74 0,14 – – 1,32 1,13 1,00 – – 2,51 0,41 – 0,43 – – 1,00 0,66
0,74 0,74 – 0,96 – 0,52 – 0,89 0,37 0,89 – – – – 1,41 2,22 2,00 1,00 0,58
1,08 1,08 0,66 1,43 0,91 0,91 0,93 1,57 0,82 1,53 1,42 0,92 1,36 1,08 0,14 1,27 0,96 1,00 0,35
Note : On ne peut pas faire la somme des dépenses des différents secteurs car, dans certains cas, les dépenses d’un secteur peuvent être comprises dans un autre (p. ex. centre d’hébergement et hôpitaux).
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États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne Écart-type
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Dépenses de santé par habitant ($PPA)a, certains pays de l’OCDE, par catégorie de dépenses, 1988 % dép./ Total Hôpitauxb Médecins Médicaments c Soins à Soins Aides et appar. Autres PIB en serv. ambul. long terme dentaires médicaux services
États-Unis Canada Suisse France Autriche Pays-Bas Allemagne Italied Belgique Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne
14,1 10,2 9,9 9,8 9,3 8,7 8,6 8,5 8,3 7,5 7,3 7,1 6,7 8,92
2 007 1 495 1 385 1 158 999 1 062 1 201 997 918 1 330 989 856 1 091 1 191,38
868 725 679 531 460 461 408 425 324 623 326 406 552 522
419 159 232 186 175 108 194 242 194 137 156 117 80 185
170 183 145 201 93 98 198 180 148 90 173 116 83 144
193 184 117 57 125 197 93 73 78 213 108 111 212 135
119 86 121 75 93 54 156 – 32 77 55 36 51 73
82 59 49 48 29 52 87 45 47 52 46 19 36 50
156 99 42 60 24 92 65 32 95 138 125 51 77 81
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Tableau 2
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% dép./ Total Hôpitaux Médecins Médicaments c Soins à Soins Aides et appar. Autres PIB en serv. ambul. long terme dentaires médicaux services
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Tableau 2 (suite) b
Répartition des dépenses (en %) 99,95 100,01 99,97 99,95 99,95 99,99 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 0,02
43,20 48,50 49,00 45,80 46,00 43,40 33,97 42,63 35,29 46,84 32,96 47,43 50,60 43,83 5,64
20,88 10,64 16,75 16,06 17,52 10,17 16,15 24,27 21,13 10,30 15,77 13,67 7,33 15,49 4,75
8,47 12,24 10,47 17,36 9,31 9,23 16,49 18,05 16,12 6,77 17,49 13,55 7,61 12,13 4,00
9,62 12,31 8,45 4,92 12,51 18,55 7,74 7,32 8,50 16,02 10,92 12,97 19,43 11,37 4,24
5,93 5,75 8,74 6,48 9,31 5,08 12,99 – 3,49 5,79 5,56 4,21 4,67 6,17 2,53
4,09 3,95 3,54 4,15 2,90 4,90 7,24 4,51 5,12 3,91 4,65 2,22 3,30 4,20 1,17
7,77 6,62 3,03 5,18 2,40 8,66 5,41 3,21 10,35 10,38 12,64 5,96 7,06 6,82 2,98
Source : Beratungsgesellschaft für angewande Systemforschung (BASYS) Ltd. ; Rublee et Schneider, 1991. a La parité du pouvoir d’achat (PPA) est un indice international de prix qui reflète le taux selon lequel la monnaie de chaque pays devrait être convertie pour acheter le même panier de biens et de services. b Inclut les services que les médecins dispensent en milieu hospitalier. c Exclut les médicaments prescrits en milieu hospitalier. d Les services ambulatoires dispensés par les médecins incluent les soins dentaires.
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États-Unis Canada Suisse France Autriche Pays-Bas Allemagne Italied Belgique Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne Écart-type
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Les services hospitaliers1
Le Canada est (après le Royaume-Uni) le pays où il y a le moins d’hôpitaux privés : le pourcentage de lits privés est de 3,6 %, comparativement à 3,9 % en moyenne (tableau 3). Par contre, le financement privé est relativement important. Même si la part du financement privé des hôpitaux y est plus faible que dans la moyenne des pays (14,4 % contre 22,4 %), le Canada occupe la 8e place sur 16. Comme on peut le voir au tableau 4, par rapport à la moyenne des pays, la proportion de lits dans les hôpitaux de soins aigus au Canada est légèrement supérieure à la moyenne (63,1 % de l’ensemble des lits, contre 57,1 %), mais le nombre de lits pour 1 000 habitants, dans ces hôpitaux de courte durée, est inférieur à la moyenne (3,9 contre 4,7) ; par contre, la durée de séjour et le taux d’occupation des lits y sont supérieurs. Quant à l’utilisation des services hospitaliers, au Canada, le pourcentage de la population hospitalisée (y compris, en théorie, les courts séjours) est inférieur à la moyenne (13,8 % contre 16,9 %). Ce plus faible pourcentage d’utilisation des services hospitaliers ne semble pas pouvoir s’expliquer par le recours à des services ambulatoires puisque, comme on l’a vu aux tableaux 1 et 2, la part des dépenses ambulatoires est plus faible au Canada. De plus, le tableau 5 révèle que le nombre de contacts par personne avec un médecin se rapproche de la moyenne. Toutefois, ces résultats sont difficiles à interpréter en raison des différences dans les modalités de prise en charge, entre les pays, et des réserves qu’il faut avoir quant à la comparabilité des données. Le rendement par médecin est aussi difficile à interpréter, étant donné les grandes variations, d’un pays à l’autre, dans les méthodes de comptabilisation des actes. Ces données indiqueraient donc que, comparativement à la moyenne des autres pays développés, le Canada se caractérise par un système hospitalier relativement important, qui appartient presque exclusivement au secteur public, avec une part de financement privé non négligeable, un nombre de lits de courte durée relativement faible, mais des durées de séjour un peu élevées et un secteur ambulatoire pour les services médicaux peu développé. Une partie de ces écarts peut s’expliquer par les caractéristiques démographiques (le Canada ayant une population plus jeune que la plupart de ces pays)2.
1. Les données d’Éco-Santé sur les ressources hospitalières (nombre de lits et personnel) et certaines caractéristiques du rendement et de l’utilisation des services hospitaliers sont plus fiables que celles sur les coûts. Ces données factuelles sont en effet plus faciles à repérer et sont souvent requises à des fins administratives. Les données sur les hôpitaux de soins aigus (ou de courte durée) portent sur les hôpitaux qui se consacrent essentiellement aux soins aigus mais comprennent, pour la plupart des pays, les patients pour soins de longue durée qui y sont hospitalisés. Le pourcentage de ces patients varie considérablement d’un pays à l’autre. Dans certains cas, il a été exclu des statistiques. 2. Dans une étude sur les services médicaux, Contandriopoulos et ses collègues (1989) ont montré qu’en standardisant les coûts des services médicaux pour l’âge et le sexe et en employant le niveau d’utilisation par âge et sexe du Québec, en 1986, les besoins en médecins seraient de 7 % à 11 % supérieurs à ceux du Québec et du Canada dans la plupart des pays européens.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 3 Financement et propriété du secteur hospitalier (ensemble des hôpitaux) % dép./ % de lits PIB privés États-Unis 14,10 81,60 Canada 10,20 3,60 Suisse 9,90 – France 9,80 36,00 Autriche 9,30 30,00 Finlande 8,80 4,90 Pays-Bas 8,70 – Allemagne 8,60 47,80 Australie 8,50 39,10 Italie 8,50 20,50 Belgique 8,30 61,80 Norvège 8,20 – Nouvelle-Zélande 7,70 35,50 Suède 7,50 8,50 Japon 7,30 67,30 Royaume-Uni 7,10 3,50 Danemark 6,70 Moyenne 8,78 33,85 Écart type 1,64 24,68
% de financement Dép. hosp. : % privé courte durée/total 42,80 14,40 28,70 9,40 64,50 7,70 15,50 14,90 24,30 14,60 31,60 0,00 5,00 – 7,40 9,80 0,00 22,35 16,46
72,50 78,80 64,50 97,60 – 39,50 59,50 – 75,60 – 52,30 68,10 – 69,40 70,00 67,98 14,21
Indice relatif (pays/moyenne) États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne
1,61 1,16 1,13 1,12 1,06 1,00 0,99 0,98 0,97 0,97 0,95 0,93 0,88 0,85 0,83 0,81 0,76 1,00
2,41 0,11 – 1,06 0,89 0,14 – 1,41 1,16 0,61 1,83 – 1,05 0,25 1,99 0,10 – 1,00
1,91 0,64 1,28 0,42 2,89 0,34 0,69 0,67 1,09 0,65 1,41 0,00 0,22 – 0,33 0,44 0,00 1,00
1,07 1,16 0,95 1,44 – 0,58 0,88 0,00 – –
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0,73
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Ressources et production des hôpitaux de courte durée (CD) % dép./ % hosp. courte PIB durée/dép. tot.
14,10 10,20 9,90 9,80 9,30 8,80 8,70 8,60 8,50 8,50 8,30 8,20 7,70 7,50 7,30 7,10 6,70 8,78 1,64
32,50 38,00 33,10 43,40 – 17,20 32,40 – 34,60 – – 36,60 38,10 – – 29,80 40,90 34,24 6,61
78,40 63,10 30,80 52,70 57,00 42,20 36,00 70,70 48,00 80,20 62,10 26,90 94,00 48,50 – 40,60 82,20 57,09 19,27
3,50 3,90 6,20 5,00 5,40 4,60 4,10 7,20 4,40 5,50 4,80 3,50 7,10 3,40 – 2,10 4,10 4,68 1,33
7,10 66,20 8,60 78,60 12,10 78,70 6,50 76,50 9,20 78,50 5,70 70,10 10,40 72,00 12,40 85,90 5,00 75,40 – – 8,00 81,10 6,80 77,10 – – 5,50 76,20 – – 5,10 6,30 82,80 7,76 76,85 2,38 5,04
% de pop. hospital.
13,00 13,80 14,90 21,10 24,00 19,10 10,30 18,50 17,40 14,90 17,70 13,30 – 17,20 – 19,10 19,80 16,94 3,45
Jours d’hosp. /hab.
0,80 1,40 1,80 1,40 2,10 1,10 1,10 2,20 0,90 1,00 1,40 1,10 – 0,90 – 0,90 1,30 1,29 0,42
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États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne Écart-type
% lits/ Nombre lits/ Durée Taux total lits 1 000 hab. du séjour d’occupation
Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
Tableau 4
% dép./ % hosp. courte PIB durée/dép. tot.
% lits/ Nombre lits/ Durée Taux total lits 1 000 hab. du séjour d’occupation
% de pop. hospital.
Jours d’hosp. /hab.
0,77 0,81 0,88 1,25 1,42 1,13 0,61 1,09 1,03 0,88 1,04 0,79 – 1,02 – 0,70 1,17 1,00 0,20
0,62 1,08 1,39 1,08 1,62 0,85 0,85 1,70 0,70 0,77 1,08 0,85 0,00 0,70 0,00 – 1,01 1,00 0,44
268
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Tableau 4 (suite)
Indice relatif (pays/moyenne) 1,61 1,16 1,13 1,12 1,06 1,00 0,99 0,98 0,97 0,97 0,95 0,93 0,88 0,85 0,83 0,81 0,76 1,00 0,19
0,95 1,11 0,97 1,27 – 0,50 0,95 – 1,01 – – 1,07 1,11 – – 0,87 1,19 1,00 0,19
1,37 1,11 0,54 0,92 1,00 0,74 0,63 1,24 0,84 1,40 1,09 0,47 1,65 0,85 – 0,71 1,44 1,00 0,34
0,75 0,83 1,33 1,07 1,16 0,98 0,88 1,54 0,94 1,18 1,03 0,75 1,52 0,73 – 0,45 0,88 1,00 0,28
0,91 1,11 1,56 0,84 1,18 0,73 1,34 1,60 0,64 – 1,03 0,88 – 0,71 – 0,66 0,81 1,00 0,31
0,86 1,02 1,02 1,00 1,02 0,91 0,94 1,12 0,98 – 1,06 1,00 – 0,99 – 1,13 1,08 1,00 0,07
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne Écart-type
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Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
Tableau 5 Médecins en services ambulatoires : coûts, niveau d’activité et utilisation % dép./ Dép. M.D./ Nbre d’actes/ Nbre de PIB dép. totale MD contacts/personne 19,40 6 735 14,20 3 858 16,80 – 11,90 4 748 16,20 3 996 – 1 862 9,70 8 551 16,90 – 19,20 4 055 20,30 – – 3 210 12,20 – 11,20 – 13,50 33,50 9 100 – 7 089 – – 16,54 5 320
5,90 6,90 11,00 6,30 5,10 3,30 5,70 12,80 10,60 11,00 8,00 3,80 – 3,00 12,90 5,80 4,40 7,28
États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne
14,10 10,20 9,90 9,80 9,30 8,80 8,70 8,60 8,50 8,50 8,30 8,20 7,70 7,50 7,30 7,10 6,70 8,78
États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne
1,61 1,16 1,13 1,12 1,06 1,00 0,99 0,98 0,97 0,97 0,95 0,93 0,88 0,85 0,83 0,81 0,76 1,00
1,17 0,86 1,02 0,72 0,98 – 0,59 1,02 1,16 1,23 – 0,74 0,68 0,82 2,03 – – 1,00
1,27 0,73 – 0,89 0,75 0,35 1,61 – 0,76 – 0,60 0,52 – – 1,71 1,33 – 1,00
0,81 0,95 1,51 0,87 0,70 0,45 0,78 1,76 1,46 1,51 1,10 – – 0,41 1,77 0,80 0,60 1,00
Écart-type
0,19
0,35
0,43
0,45
Indice relatif (pays/moyenne)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Les ressources humaines Les effectifs
Les données sur le personnel de santé doivent aussi être interprétées avec prudence. Dans certains pays, elles correspondent au nombre de personnes, alors que dans d’autres il s’agit du nombre d’équivalents à plein temps. De plus, on a sous-estimé le personnel en dehors des médecins et des infirmières dans certains pays, particulièrement dans ceux où le pourcentage de cliniques privées est important. Par exemple, le Canada réévalue actuellement ces données pour tenir compte du personnel des cabinets de médecins privés (secrétaire, comptable, etc.). Précisons ici que nous avons corrigé les données portant sur les infirmières au Canada et supprimé les infirmières auxiliaires des données originales d’Éco-Santé. Le Canada se rapproche de la moyenne des pays en ce qui a trait au nombre de médecins, d’infirmières et autres catégories de travailleurs (tableau 6) pour 1 000 ha bitants. On y trouve cependant un plus fort pourcentage d’infirmières par rapport à l’ensemble du personnel (38,8 %, comparativement à 29,2 %) et un ratio d’infir mières par médecin également plus élevé (3,8 par rapport à 3,2). Par contre, dans les hôpitaux (pour soins de courte et de longue durée), le ratio d’infirmières par lit est légèrement inférieur à la moyenne (0,82 contre 0,9), alors que celui des autres catégories de travailleurs est supérieur. Quant à la répartition des médecins généralistes et médecins spécialistes, il est plus difficile d’établir des comparaisons avec certains pays, notamment les pays nordiques, étant donné les différences dans les modalités d’obtention du statut de spécialiste ou de « consultant » (Contandriopoulos, 1989). Cependant, selon ces données, le Canada aurait moins de généralistes que de spécialistes (1,14 contre 1,41). Si l’on exclut la Norvège et le Danemark, cet écart disparaît. À la lumière de ces résultats et compte tenu de la qualité des données, on ne peut dégager de caractéristiques importantes dans l’intensité et la composition de la main-d’œuvre qui distingueraient le Canada des autres pays.
Le niveau de rémunération
Dans le but de comparer le coût de la main-d’œuvre sanitaire et d’évaluer l’effet du niveau de revenu sur la part du PIB consacrée à la santé, nous comparons le revenu moyen (en $PPA) des médecins, des infirmières et de l’ensemble des salariés de la santé avec le revenu moyen des salariés dans l’ensemble du pays.
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Comparaison des ressources humaines dans le domaine de la santé, certains pays de l’OCDE, dernière année disponible (1988 à 1993) Nombre/1 000 habitants Ratio % personnel Nombre/lit de la santé % PIB Personnel Pers. Médecins Pers. sauf inf. Généralistes/ Infirm./ Pers. Médecins Total des Pers. de la santé infirm. et médecins spécialistes médecins infirm. effectifs infirm.
14,10 10,20 9,90 9,80 9,30 8,80 8,70 8,60 8,50 8,50 8,30 8,20 7,70 7,50 7,30 7,10 6,70 8,78 1,64
31,40 24,38 50,19 28,83 – 35,53 23,48 23,96 30,82 17,97 21,02 43,69 16,81 43,16 12,75 20,61 22,93 27,97 10,26
7,00 8,10 13,80 5,50 7,80 11,30 – 5,20 8,50 4,10 – 13,70 7,30 9,90 6,40 4,30 6,70 7,97 2,94
2,30 2,20 3,00 2,80 2,30 2,60 2,50 3,20 2,20 1,70 3,60 3,20 2,00 3,00 1,70 1,50 2,80 2,51 0,58
22,10 14,08 33,39 20,53 – 21,63 – 15,56 20,12 12,17 – 26,79 7,51 30,26 4,65 14,81 13,43 18,36 7,92
0,19 1,14 0,56 1,02 0,91 0,7 0,72 0,72 1,91 – 1,02 5,19 1,25 0,26 – 3,12 4,16 1,41 1,41
3,07 3,80 4,68 2,01 3,31 4,22 – 1,70 3,78 2,47 1,98 4,24 3,74 3,31 3,76 – 2,40 3,22 0,87
22,70 38,80 26,70 19,10 – 31,80 – 20,90 26,90 22,60 32,80 32,20 45,50 22,90 47,00 19,40 29,10 29,23 8,59
7,40 9,00 5,90 9,50 – 7,50 11,30 12,20 7,10 9,20 17,10 5,50 11,20 6,90 12,80 7,10 12,10 9,49 3,01
3,61 2,80 2,04 1,16 0,85 2,10 2,24 1,31 1,90 1,43 1,46 2,78 2,00 – 0,80 3,27 3,10 2,05 0,84
1,57 0,82 1,04 0,41 0,66 0,70 0,87 0,54 1,35 0,60 0,82 0,87 1,20 1,04 0,42 1,63 0,99 0,91 0,35
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États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne Écart-type
Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
Tableau 6
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272
Tableau 6 (suite) Nombre/1 000 habitants Ratio % personnel Nombre/lit de la santé % PIB Personnel Pers. Médecins Pers. sauf inf. Généralistes/ Infirm./ Pers. Médecins Total des Pers. de la santé infirm. et médecins spécialistes médecins infirm. effectifs infirm.
Indice relatif (pays/moyenne) 1,12 0,87 1,79 1,03 – 1,27 0,84 0,86 1,10 0,64 0,75 1,56 0,60 1,54 0,46 0,74 0,82 1,00 0,37
0,88 1,02 1,73 0,69 0,98 1,42 – 0,65 1,07 0,51 – 1,72 0,92 1,24 0,80 0,54 0,84 1,00 0,37
0,92 0,88 1,20 1,12 0,92 1,04 1,00 1,28 0,88 0,68 1,44 1,28 0,80 1,20 0,68 0,60 1,12 1,00 0,23
1,20 0,77 1,82 1,12 – 1,18 – 0,85 1,10 0,66 – 1,46 0,41 1,65 0,25 0,81 0,73 1,00 0,43
0,14 0,81 0,40 0,72 0,64 0,53 0,51 0,51 1,35 – 0,72 3,67 0,88 0,18 – – 2,94 1,00 0,99
0,95 1,18 1,45 0,62 1,03 1,31 – 0,53 1,17 0,77 0,61 1,31 1,16 1,03 1,17 0,97 0,75 1,00 0,27
0,78 1,33 0,91 0,65 – 1,09 – 0,72 0,92 0,77 1,12 1,10 1,56 0,78 1,61 0,66 1,00 1,00 0,29
0,78 1,76 0,95 1,36 0,62 0,99 1,00 0,57 – 0,41 0,79 1,02 1,19 1,09 1,29 0,64 0,75 0,93 0,97 0,70 1,80 0,71 0,58 1,35 1,18 0,97 0,73 1,35 0,39 1,59 0,75 1,28 1,51 1,00 1,00 0,32 0,41
1,72 0,90 1,14 0,45 0,72 0,77 0,95 0,59 1,48 0,66 0,90 0,95 1,31 –1,14 0,46 1,78 1,08 1,00 0,39
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
États-Unis 8,60 Canada 8,50 Suisse 9,30 France 8,30 Autriche 10,20 Finlande 6,70 Pays-Bas 8,80 Allemagne 9,80 Australie 8,50 Italie 7,30 Belgique 8,20 Norvège 7,70 Nouvelle-Zélande 8,70 Suède 7,10 Japon 7,50 Royaume-Uni 9,90 Danemark 14,10 Moyenne Écart-type
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Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
Le tableau 7 montre que le revenu brut des médecins, au Canada, est de 35 % plus élevé que celui de leurs confrères de l’ensemble des pays (96 513 $PPA contre 71 433 $)3. Même si le revenu des médecins canadiens est presque deux fois inférieur à celui de leurs confrères américains, il se situe quand même au quatrième rang. Il y a moins de variations entre les revenus des infirmières, mais le Canada se situe au deuxième rang, après les États-Unis, avec un revenu supérieur de 15 % à la moyenne (29 802 $ contre 25 856 $). Malheureusement, il n’existe pas de données sur le revenu de l’ensemble du personnel de la santé au Canada. On peut croire, cependant, que celui-ci serait également supérieur à la moyenne, mais probablement à un degré moindre. Le tableau 7 permet aussi d’évaluer le niveau relatif des revenus du secteur de la santé par rapport à celui de l’économie et des salariés de chaque pays. On observe d’abord que le PIB par habitant au Canada n’est que légèrement supérieur au PIB moyen des 15 pays retenus, et que le revenu moyen des salariés dans l’ensemble de l’économie canadienne est de 13 % supérieur à la moyenne. Le Canada se situe au sixième rang. Or, le niveau des salaires de l’ensemble des travailleurs est plus élevé au Canada, mais le ratio entre le revenu des médecins et des infirmières et le salaire moyen du pays est de beaucoup supérieur à celui de l’ensemble du pays : 3,6 fois plus élevé, comparativement à 2,8, pour les médecins et 1,11 fois plus élevé, comparativement à 0,95, pour les infirmières. Seulement quatre pays ont un ratio plus élevé que le Canada, pour les médecins, et un seul dont le ratio est plus élevé pour les infirmières. Un indice relatif de ces ratios permet de mesurer l’écart dans la variation entre les ratios de chaque pays par rapport à la moyenne. Ainsi, le ratio canadien entre médecins et salariés est de 28 % supérieur à la moyenne (3,6/2,8), et celui des infirmières, de 17 % (1,11/0,95). Autrement dit, si le Canada voulait que l’écart entre le revenu des médecins et celui des salariés soit au même niveau que celui de la moyenne des pays, il faudrait réduire le revenu des médecins canadiens de 28 %. Mais pour atteindre le niveau des États-Unis, il faudrait l’augmenter de 54 % (82-28). Le coût de la main-d’œuvre en général, et particulièrement dans le domaine de la santé, semble donc une des causes de la part élevée du PIB consacrée aux dépenses de santé. On peut sommairement estimer ce coût en considérant que les dépenses en médecins représentent 15 % des dépenses de santé et, par conséquent, 1,5 % du PIB (15 % × 10,2 %). En ramenant le ratio entre le revenu des médecins et celui des salariés à la moyenne des pays, le revenu des médecins canadiens serait réduit de 28 %, soit
3. Le fait qu’au Canada et aux États-Unis, entre autres, le paiement des médecins en cabinet privé comprend aussi les dépenses d’exploitation de leur cabinet n’a pas de grande incidence sur les résultats. En effet, au Québec, les revenus en cabinet représentent 39 % des revenus des médecins et, selon la Fédération des médecins omnipraticiens, les frais d’exploitation compteraient pour 30 % à 35 % des revenus, soit 13,7 % des revenus totaux. Soulignons que l’Association des médecins de l’Ontario estime les frais d’exploitation des cabinets à 38 %. Par ailleurs, en enlevant ce pourcentage, au Canada et aux États-Unis et dans quelques autres pays, on réduirait aussi la moyenne, ce qui aurait peu d’incidence sur l’écart entre le Canada et la moyenne de l’ensemble des pays.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
0,4 % du PIB (28 % × 1,5 %). Pour les infirmières et les autres catégories de travailleurs, on peut estimer leur importance en considérant le cas du Québec, où les dépenses publiques de santé représentent 7,2 % du PIB (6,9 % au Canada). Les dépenses pour le personnel représentent 78 % des dépenses publiques en santé, dont 28 % pour les infirmières4. Les dépenses en infirmières représentent donc 1,6 % du PIB (7,2 × 0,78 × 0,28), et les dépenses pour les autres catégories de travailleurs, 4,0 % (7,2 × 0,78 × 0,72). Ainsi, en réduisant de 17 % le revenu des infirmières, on diminuerait de moins de 0,3 % (1,6 × 0,17) la part du PIB consacrée aux dépenses de santé ; pour les autres catégories de travailleurs, la baisse serait de 0,7 % (4 × 0,17) si on leur appliquait le même taux que les infirmières. En résumé, ces estimations montrent que l’écart entre le niveau de revenu de la main-d’œuvre sanitaire au Canada et la moyenne des autres pays développés cor respondrait à moins de 10 % des dépenses de santé (ou 1 % du PIB), alors que le nombre de travailleurs et la composition des effectifs auraient peu de répercussions. Comme les dépenses de santé au Canada sont de 1,4 % supérieures à la moyenne des autres pays, pour ce qui est du pourcentage du PIB (10,2 % contre 8,8 %), une partie de cet écart aurait donc d’autres causes que le niveau de rémunération ou le nombre de travailleurs et la composition des effectifs, comme nous l’avons vu à la section précédente.
4. Communication personnelle, André Matte, Ministère de la Santé et des Services sociaux, Québec.
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Revenu moyen en $PPA Ratio sur salaire moyen % dép./ PIB/hab. Salariés Médecins Pers. Salariés de Pers. Médecins Salariés de PIB 1993 en (ensemble infirmier la santé infirmier la santé $PPA du pays)
États-Unis Canada Suisse France Autriche
23,358 19,271 23,033 18,764 –
33,019 26,849 32,500 27,576 –
168,539 96,513 128,224 56,351 –
33,349 29,802 – – –
31,038 – – – –
5,10 3,59 3,95 2,04 –
1,01 1,11 – – –
0,94 – – – –
8,80 8,70 8,60 8,50 8,50 8,30 8,20 7,70 7,50 7,30 7,10 6,70 8,78 1,64
15,530 17,602 21,163 17,555 17,865 – 19,467 15,409 16,828 20,550 17,152 19,340 18,859 2,322
23,600 27,816 26,060 22,155 27,340 – 20,325 16,301 21,541 24,171 22,964 21,890 24,940 4,314
40,096 – 101,661 59,244 – – 31,541 67,457 36,941 46,350 52,794 42,924 71,433 39,362
19,116 – – 25,035 – – 19,309 – 16,371 19,337 20,668 23,860 22,983 5,268
19,824 23,365 16,157 – 33,081 – 19,715 – 14,432 – 24,801 25,174 23,065 5,920
1,70 0,81 – – 3,90 2,67 1,13 – – – – 1,55 0,95 4,14 – 1,71 0,76 1,92 0,80 2,30 0,90 1,96 1,09 2,81 0,95 1,13 0,13
0,84 0,84 0,62 – 1,21 – 0,97 – 0,67 – 1,08 1,15 0,92 0,19
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Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne Écart-type
14,10 10,20 9,90 9,80 9,30
Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
Tableau 7 Comparaison entre le niveau de revenu ($PPA) des médecins, des infirmières et des salariés de la santé et le revenu moyen de l’ensemble des salariés du pays, dernière année disponible, chiffres ajustés pour 1991
Revenu moyen en $PPA Ratio sur salaire moyen % dép./ PIB/hab. Salariés Médecins Pers. Salariés de Pers. Médecins Salariés de PIB 1993 en (ensemble infirmier la santé infirmier la santé $PPA du pays)
1,61 1,16 1,13 1,12 1,06 1,00 0,99 0,98 0,97 0,97 0,95 0,93 0,88 0,85 0,83 0,81 0,76 1,00 0,19
1,24 1,02 1,22 1,00 – 0,82 0,93 1,12 0,93 0,95 – 1,03 0,82 0,89 1,09 0,91 1,03 1,00 0,12
Indice relatif (pays/moyenne) 1,32 2,36 1,45 1,08 1,35 1,30 1,30 1,80 – 1,11 0,79 – – – – 0,95 0,56 0,83 1,12 – – 1,04 1,42 – 0,89 0,83 1,09 1,10 – – – – – 0,81 0,44 0,84 0,65 0,94 – 0,86 0,52 0,71 0,97 0,65 0,84 0,92 0,74 0,90 0,88 0,60 1,04 1,00 1,00 1,00 0,17 0,55 0,23
1,35 – – – – 0,86 1,01 0,70 – 1,43 – 0,85 – 0,63 – 1,08 1,09 1,00 0,26
1,82 1,28 1,40 0,73 – 0,60 – 1,39 0,95 – – 0,55 1,47 0,61 0,68 0,82 0,70 1,00 0,40
1,06 1,17 – – – 0,85 – – 1,19 – – 1,00 – 0,80 0,84 0,95 1,15 1,00 0,14
1,02 – – – – 0,91 0,91 0,67 – 1,31 – 1,05 – 0,72 – 1,17 1,24 1,00 0,21
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
États-Unis Canada Suisse France Autriche Finlande Pays-Bas Allemagne Australie Italie Belgique Norvège Nouvelle-Zélande Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne Écart-type
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Tableau 7 (suite)
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277
Caractéristiques des pays performants et non performants en matière de contrôle des dépenses
Pour mieux comprendre l’incidence des ressources humaines sur les dépenses de santé, on peut se poser deux questions : 1) Le nombre de travailleurs et la composition des effectifs, de même que le niveau des revenus expliquent-ils les écarts entre les pays performants et les pays non performants ? 2) Comment les médecins et les mécanismes qui les régissent peuvent-ils contribuer à justifier l’écart des dépenses non expliqué par le niveau de revenu ? Dans la présente section, nous chercherons à déterminer ce qui distingue les pays les plus performants des pays les moins performants. Nous chercherons également à caractériser ces pays en fonction de certains mécanismes organisationnels touchant l’un des principaux intervenants dans tous les systèmes de santé : le médecin.
Comparaisons entre les deux groupes de pays
Le tableau 8 présente une synthèse des résultats que l’on trouve dans les tableaux 1 à 7 de la section précédente en ce qui concerne les quatre pays pour lesquels le niveau des dépenses de santé en pourcentage du PIB est le plus élevé et les quatre pays qui affichent le pourcentage le plus faible. On observe d’abord que, pour l’ensemble des indicateurs utilisés et malgré les réserves exprimées quant à la qualité des données, les deux blocs de pays présentent des résultats relativement homogènes : les pays performants ont généralement des scores supérieurs ou égaux à la moyenne, alors que les pays moins performants ont des scores inférieurs. Les écarts entre les deux groupes sont particulièrement marqués en ce qui concerne le nombre de travailleurs de la santé (sauf pour les médecins), le pourcentage de financement public, la durée de séjour, le pourcentage de la population hospitalisée et le nombre de contacts par patient dans les services ambulatoires. Le niveau de revenu des salariés dans l’ensemble de l’économie et le niveau de revenu de la main-d’œuvre en santé par rapport à l’ensemble, particulièrement le revenu des médecins, sont beaucoup moins élevés dans les pays où les dépenses de santé sont faibles, sauf au Danemark. Il existe cependant d’importantes différences entre les pays d’un même bloc. Ainsi, aux États-Unis, le nombre de lits est peu élevé et sous-utilisé (taux d’occupation faible) et est surtout financé et géré par le secteur privé ; le niveau de personnel est élevé, le secteur ambulatoire est important, et la profession médicale est très spécialisée et a un niveau de revenu élevé. Le Canada a un nombre de lits plus important, un taux d’utilisation et une durée de séjour plus élevés, un effectif par lit plus faible, mais surtout composé d’infirmières dont le niveau de revenu est relativement plus élevé. Par ailleurs, le secteur des services médicaux ambulatoires est moins développé au Canada qu’aux États-Unis. La Suède et le Danemark, deux pays dont les dépenses de santé sont faibles, ont des stratégies de main-d’œuvre très différentes. La Suède a un pourcentage de main-d’œuvre très élevé mais un niveau de rémunération très faible, alors que c’est l’inverse au Danemark.
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tableau 8 Position relative (pays/moyenne) des pays retenus dont les dépenses de santé par rapport au Pib sont les plus élevées ou les plus faibles, certains indicateurs % des dépenses de santé
nombre/1 000 habitants
hôpitaux
services ambulatoires
Long terme
personnel de la santé
infirmières
médecins
États-Unis
14,10
Canada
10,20
= + + =
++ –– = =
– = – ––
= = ++ =
= = ++ –
= – + –
+ –– + ++
= = ––
++ –– + ++
++ –– – –
+ –– – –
+ –– –– +
ratio
personnel sauf infirmières et médecins
% sur personnel santé
généralistes/ spécialistes
infirmières/ médecins
nombre nombre de d’infirmières médecins
+ – ++ =
– = – =
= + ++ ––
– ++ = ––
++ –– – –
–
= + = ––
– ++ –– =
rémunération ratio sur salariés du pays salariés du pays ($ ppA)
médecins/ ensemble des salariés
infirmières/ ensemble des salariés
salariés de la santé/ ensemble des salariés
– = –– =
++ + ++ +
++ + ++ –
= ++
=
– ++ – +
– = – –
–– – – –
–– –– – ++
––
dépenses élevées
Suisse
9,90
France
9,80
dépenses faibles Suède
7,50
Japon
7,30
Royaume-Uni
7,10
Danemark
6,70
–* ++
+ ++
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
% dép./ pib
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04FR05.indd 279 hôpitaux
services ambulatoires
% lits privés
% hôp. privés
nombre lits/ 1 000 hab.
durée de séjour
taux d’occupation et médecins
% de population hospitalisée
Jours d’hosp./ hab.
personnel/ lit
infirmières /lit
nombre d’actes/ médecin
nombre d’actes/ pers.
++ ––
++ – = –
–– – ++ =
= + ++ –
–– = = =
–– – – ++
–– = ++ =
++ + = ––
++ = = ––
+ – =
= = ++ =
–
=
=
–– –– ++ ++
= – ++ =
++ +
– –
–– – –– +
–– ++ – ––
dépenses élevées États–Unis Canada Suisse
=
France dépenses faibles Suède Japon Royaume-Uni Danemark
–– ++ ––
–– –
++
+ +
–– =
Source : Tableaux 1 à 7. * Selon Contandriopoulos et al., 1989. Note : « + » ou « – » signifie que le résultat du pays se situe entre un demi et un écart type de la moyenne de tous les pays. « ++ » ou « – – » signifie qu’il se situe à plus d’un écart type.
Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
tableau 8 (suite)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Modalités organisationnelles touchant les médecins
La dynamique semble donc différente dans ces deux groupes de pays. Ils se distinguent particulièrement par le type de contrôle exercé sur la profession médicale, par le statut des médecins dans le système (entrepreneurs ou employés) et par les incitations liées aux modalités de rémunération. Le tableau 9 montre qu’il y a une différence très nette entre les deux groupes, mais aussi une très grande homogénéité au sein de chaque groupe en ce qui concerne les modalités de contrôle et le mode de rémunération des médecins. Dans les pays où le niveau de dépenses est élevé, le nombre de médecins est peu contrôlé (du moins c’était le cas jusqu’au début des années 1990), si ce n’est par des incitatifs pour limiter le nombre d’admissions en formation dans les facultés de médecine ; les médecins peuvent s’installer là où ils le désirent ou là où le marché le permet, et ils sont payés à l’acte avec statut d’entrepreneur indépendant. Dans les pays où le niveau de dépenses est faible, le nombre de nouveaux médecins qui entrent dans le système dépend du nombre d’étudiants formés, mais surtout (comme pour les autres travailleurs) des postes vacants qu’il faut combler ; de plus, sauf au Japon, les médecins sont salariés ou payés sur une base de capitation (plus un supplément à l’acte) pour les services ambulatoires. Le niveau d’autonomie accordé aux médecins au sein du système de santé semble donc associé au niveau des dépenses totales dans le secteur de la santé, en ce qui concerne tant leur capacité de générer leur propre revenu que celle de prescrire des tests ou des traitements, sans compter le pouvoir que leur donne leur statut pour influer sur les poussées inflationnistes du système de soins. Comme on peut le voir au tableau 10, qui reprend les données du tableau 2, mais en calculant, pour chaque pays, un indice des dépenses de santé de chaque secteur par rapport à la moyenne des pays, les quatre pays les moins performants (c’est-à-dire ceux qui ont un niveau de dépenses élevé) se distinguent des quatre pays les plus performants non seulement par le fait que, dans l’ensemble, leur niveau de dépenses (en $PPA par habitant) est plus élevé dans les secteurs à forte concentration de main-d’œuvre (hôpitaux et services ambulatoires), mais aussi par le fait qu’il est également plus élevé dans les autres secteurs (médicaments, aides et appareils médicaux).
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Caractéristiques des pays les plus et les moins performants concernant le contrôle de l’entrée dans le système et le mode de rémunération des médecins (situation au début des années 1990) Modalités de contrôle Mode de rémunération % dép./PIB Nombre Lieu et type Généralistes Spécialistes de médecins de pratique Dépenses élevées États-Unis Canada Suisse France Dépenses faibles Suède Japon Royaume-Uni Danemark
14,10 Marché Marché 10,20 Formation Marché (limité) 9,90 Formation Marché 9,80 Formation Marché 7,50 7,30 7,10 6,70
Source : Contandriopoulos et al., 1989.
Nbre de postes Nbre de postes Nbre de postes Nbre de postes
Nbre de postes ? Nbre de postes Nbre de postes
Acte + capitation Acte Acte Acte
Acte Acte Acte Salaire + acte
Salaire Acte Capitation + acte Capitation + acte
Salaire Salaire Salaire Salaire + acte
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Tableau 9
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282
Tableau 10 Dépenses courantes de santé par habitant ($PPA), certains pays de l’OCDE, par catégorie de dépenses, 1988
% dép./ Total Hôpitauxa Médecins Médicamentsb Soins à Soins PIB en service long terme dentaires ambulatoire
2 007 1 495 1 385 1 158 999 1 062 1 201 997 918 1 330 989 856 1 091 1 191
868 725 679 531 460 461 408 425 324 623 326 406 552 522
419 159 232 186 175 108 194 242 194 137 156 117 80 185
170 183 145 201 93 98 198 180 148 90 173 116 83 144
193 184 117 57 125 197 93 73 78 213 108 111 212 135
119 86 121 75 93 54 156 – 32 77 55 36 51 73
Autres services
82 59 49 48 29 52 87 45 47 52 46 19 36 50
156 99 42 60 24 92 65 32 95 138 125 51 77 81
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
États-Unis 14,1 Canada 10,2 Suisse 9,9 France 9,8 Autriche 9,3 Pays-Bas 8,7 Allemagne 8,6 Italiec 8,5 Belgique 8,3 Suède 7,5 Japon 7,3 Royaume-Uni 7,1 Danemark 6,7 Moyenne 8,92
Aides et appareils médicaux
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% dép./ Total Hôpitauxa Médecins Médicamentsb Soins à Soins PIB en service long terme dentaires ambulatoire
États-Unis Canada Suisse France Autriche Pays-Bas Allemagne Italiec Belgique Suède Japon Royaume-Uni Danemark Moyenne
1,68 1,25 1,16 0,97 0,84 0,89 1,01 0,84 0,77 1,12 0,83 0,72 0,92 1,00
1,66 1,39 1,30 1,02 0,88 0,88 0,78 0,81 0,62 1,19 0,62 0,78 1,06 1,00
Indice relatif (pays/moyenne) 2,27 1,10 1,40 0,86 1,20 1,30 1,26 1,00 0,80 1,01 1,30 0,40 0,95 0,60 0,92 0,59 0,68 1,45 1,05 1,37 0,69 1,31 1,25 0,54 1,05 1,02 0,58 0,74 0,62 1,57 0,85 1,20 0,80 0,63 0,80 0,82 0,43 0,57 1,57 1,00 0,98 1,00
1,64 1,18 0,98 0,96 0,58 1,04 1,74 0,90 0,94 1,04 0,92 0,38 0,72 1,00
Autres services
1,92 1,22 0,52 0,74 0,30 1,13 0,80 0,39 1,17 1,70 1,54 0,63 0,95 1,00
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Source : Beratungsgesellschaft für angewandte Sytemforschung (BASYS) Ltd. ; Rublee et Schneider, 1991. a Inclut les services que les médecins dispensent en milieu hospitalier. b Exclut les médicaments prescrits en milieu hospitalier. c Les services ambulatoires dispensés par les médecins incluaient les soins dentaires.
1,62 1,17 1,65 1,02 1,27 0,74 2,12 – 0,44 1,05 0,75 0,49 0,69 1,00
Aides et appareils médicaux
Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines
Tableau 10 (suite)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Conclusion
Malgré les limites imposées par la comparabilité des données, certaines constatations ressortent de notre analyse. Comparativement à la moyenne des autres pays développés, le Canada se carac térise par un système hospitalier relativement important, qui appartient presque exclusivement au secteur public, avec une part de financement privé non négligeable, un nombre de lits pour soins de courte durée relativement faible, mais des durées de séjour un peu élevées, et un secteur ambulatoire pour les services médicaux qui est peu développé. Le Canada ne se distingue pas des autres pays en ce qui a trait au nombre de travailleurs et à la composition des effectifs, si ce n’est qu’on y trouverait proportion nellement un peu plus d’infirmières. Par contre, le niveau de revenus de cette maind’œuvre de la santé au Canada est plus élevé par rapport au salaire moyen dans les autres secteurs de l’économie. Cette caractéristique est d’autant plus importante que le salaire moyen, au Canada, est également de beaucoup supérieur à la moyenne des autres pays. Le niveau de revenus plus élevé du personnel de la santé au Canada, par rapport à la moyenne des autres pays développés, correspondrait à moins de 10 % des dépenses de santé totales (ou 1 % du PIB). Comme les dépenses de santé au Canada sont supérieures de 1,4 %, en ce qui concerne le pourcentage du PIB (10,2 % contre 8,8 %), une partie de cet écart aurait d’autres causes que le niveau de rémunération. Dans l’ensemble, on observe une grande différence, en ce qui concerne le contrôle des dépenses, entre les caractéristiques respectives des quatre pays les plus performants et des quatre pays les moins performants. Les premiers ont un meilleur score en ce qui concerne le nombre de travailleurs de la santé (sauf pour les médecins), le pourcentage de financement public, la durée de séjour, le pourcentage de la population hospitalisée et l’importance du secteur ambulatoire. Le niveau de revenu des salariés de l’ensemble de l’économie et le niveau relatif des revenus de la main-d’œuvre de la santé, et particulièrement des médecins, est beaucoup moins élevé dans les pays où les dépenses de santé sont faibles. On observe quand même une certaine diversité, à plusieurs égards, entre les pays d’un même groupe. Il n’existe donc pas de recette pour contrôler les coûts. Par exemple, la Suède et le Danemark, deux pays où les dépenses de santé sont faibles, ont adopté des stratégies de main-d’œuvre tout à fait différentes : la Suède a des effectifs nombreux et une rémunération faible, mais c’est l’inverse au Danemark. Dans l’ensemble, les deux groupes de pays semblent cependant avoir une dyna mique différente. Ils se distinguent particulièrement par le type de contrôle exercé sur la profession médicale, par le statut des médecins dans le système (entrepreneur ou employé) et par les incitatifs liés aux modalités de rémunération : dans les pays où le niveau de dépenses est élevé, le nombre de médecins est peu contrôlé ; ils peuvent choisir le lieu et le type de pratique, et ils sont payés à l’acte avec statut d’entrepreneur indépendant ; dans les pays où le niveau de dépenses est faible, la croissance et la répartition des médecins est surtout tributaire des postes vacants ; de plus, sauf au
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Japon, les médecins sont des salariés ou sont payés sur une base de capitation (plus un supplément à l’acte) pour les services ambulatoires. Il semble donc y avoir un lien entre le niveau d’autonomie accordée aux médecins au sein du système de santé et le niveau de dépenses totales dans le secteur de la santé. Marc-André Fournier est étudiant au doctorat en santé publique à l’Université de Montréal. Il a également une formation en économie et en démographie. Il travaille depuis de nombreuses années au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) de l’Université de Montréal comme assistant de recherche. Il s’intéresse principalement, dans ses recherches, à la planification de la main-d’œuvre médicale, à la régulation des systèmes de santé et à l’utilisation des services.
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Bibliographie Arweiler, D., 1998, « Comparaisons internationales des dépenses de santé », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Brousselle, A., 1998, « Contrôle des dépenses de santé : ce qui compte », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Contandriopoulos, D., 1998, « Comment le système de santé du Canada se compare-t-il avec celui d’autres pays – Un aperçu », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Contandriopoulos, A.-P., M.-A. Fournier, M. Castonguay et A.-S. Preker, 1989, Comparaisons des effectifs médicaux au Québec avec ceux de certains pays développés, rapport R89-05, GRIS, Université de Montréal. OCDE, 1995, Logiciel Éco-Santé, Paris, OCDE. Rublee, D.A. et M. Schneider, 1991, « International health spending : Comparisons with the OECD », Health Affairs, automne, p. 188-198. Santé Canada, 1995, Le personnel de la santé au Canada, Ottawa. ______, 1996, Dépenses nationales de santé au Canada, 1975-1994, Ottawa.
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Les dépenses de santé et le vieillissement de la population au Canada Ellen Leibovich, arch. M. Sc. Howard Bergman, M. D. François Béland, Ph. D. Groupe de recherche en services intégrés aux personnes âgées Division de gériatrie, Université McGill Département d’administration de la santé, Université de Montréal
ENJEU no 2
Les écarts dans l’âge moyen des populations des pays membres de l’OCDE ne permettent pas, à eux seuls, d’expliquer les écarts des dépenses de santé. Les pays dont la population est plus âgée que celle du Canada ne dépensent pas plus – certains dépensent même moins. Est-ce parce qu’ils répartissent leurs fonds affectés à la santé autrement ou que leur système de santé n’est pas soumis aux mêmes contraintes sociales ou économiques ? Quelles stratégies à long terme le Canada pourrait-il envisager afin de répondre aux besoins d’une population vieillissante ?
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Table des matières
Introduction ........................................................................................................290 Le vieillissement de la population et le coût des soins de santé au Canada ...........................................................................................................290 L’intensité du traitement..................................................................................293 La technologie.................................................................................................293 Les changements sociaux.................................................................................293 La chimiothérapie............................................................................................298 Les lacunes du système.....................................................................................298 Le système des soins de santé pour les personnes âgées en Suède et au Royaume-Uni .............................................................................................298 Les soins de santé aux personnes âgées au Canada .............................................301 Stratégie en vue de l’établissement, au Canada, d’un système de soins de santé pour les personnes âgées de santé fragile ..............................................302 Conclusion ..........................................................................................................305 Bibliographie........................................................................................................306 Figure
Figure 1 Indice de coûts expliqué par le pourcentage de la population de plus de 80 ans (1960-1993)............................................................291 Liste des tableaux
Tableau 1 Sources d’utilisation accrue par habitant, par groupe d’âge déterminé, 1969-1978..................................................................294 Tableau 2 Sources d’utilisation accrue par habitant, par groupe d’âge déterminé, 1979-1980 – 1985-1986.............................................296
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Introduction
Le Forum national sur la santé a cerné certains enjeux ou « questions troublantes » dans les six documents techniques (FNS-DT) préparés pour son Groupe de travail. Notre mandat consiste à répondre à l’une de ces questions. On associe souvent l’augmentation des coûts de santé au Canada au pourcentage croissant de personnes âgées. Or, certains pays de l’OCDE qui comptent un plus grand pourcentage de personnes âgées dépensent moins pour leurs soins de santé. Quelles méthodes ces pays utilisent-ils alors que leur population vieillit ? Pourrions-nous nous inspirer de leurs systèmes dans notre stratégie de soins à long terme au Canada ?
Le vieillissement de la population et le coût des soins de santé au Canada
Les documents techniques préparés pour le compte du Forum national sur la santé n’établissent pas de lien entre l’âge d’une population et les dépenses qu’elle consacre aux soins de santé. Le pourcentage de Canadiens de plus de 65 ans (11 %), est plus faible que celui de pays tels que la Suède (17,7 %), la Norvège (16,3 %) et le RoyaumeUni (15,1 %)1. L’état de santé de la population canadienne est considéré comme l’un des meilleurs au monde. L’espérance de vie y est de 77,6 ans, cinquième au monde derrière le Japon (79,1 ans), l’Islande (78,1 ans), la Suède (77,9 ans) et la Suisse (77,6 ans)1. Par contre, le Canada consacre l’équivalent de 9,8 % de son produit intérieur brut (PIB) aux services de soins de santé, soit le troisième pourcentage en importance au monde après les États-Unis et la Suisse. À titre de comparaison, la Suède consacre aux soins de santé 8,2 % de son PIB, et le Royaume-Uni, 6,5 %. Bien que la qualité des soins soit bonne, le système de contrôle des coûts adopté par le Canada est, à tout le moins, médiocre (FNS-DT1). Ces différences entre pays ne sont pas attribuables à celles du PIB par habitant. Comme le révèlent les documents techniques du FNS, le Canada affiche le troisième indice de coût en importance (0,97), ce qui signifie que ses dépenses sont parmi les plus élevées des 24 pays de l’OCDE (FNS-DT1). Les États-Unis se classent au premier rang, avec un indice de coût de 3,13, suivis de la Suisse (1,12). Par contre, lorsqu’on évalue la quantité de soins dispensés, le Canada se situe dans la moyenne. On pourrait en déduire que le coût des soins de santé au Canada est plus élevé que dans les autres pays de l’OCDE (FNS-DT2). Le Canada compte environ 2,3 médecins par 1 000 habitants et se situe au 17e rang des 24 pays de l’OCDE pour ce qui est du nombre de médecins pour 1 000 habitants. La Suède a environ 2,8 médecins pour 1 000 habitants, et le Royaume-Uni, environ 1,45. Les documents du FNS nous apprennent également que le Canada consacre 11,9 % de son PIB à la sécurité du revenu et se situe donc bien en deçà de la moyenne. C’est la Suède qui consacre le plus de dépenses à la sécurité du revenu, tandis que le Royaume-Uni se rapproche de la moyenne (FNS-DT6).
1. Il s’agit de la moyenne entre les années 1989 et 1993 (FNS-DT1).
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Ellen Leibovich et al. – Les dépenses de santé et le vieillissement de la population
291
Le graphique de la figure 1 (Brousselle, 1996) montre que les dépenses de santé du Canada sont deux fois plus élevées que prévu, compte tenu du pourcentage de la population de plus de 80 ans. (Remarquez à quel point la ligne horizontale située au sommet de la courbe du Canada rencontre la ligne de régression.) Ce graphique nous montre également que pour tous les pays, sauf deux (dont l’un est le Canada – voir les courbes comprises dans le rectangle du graphique de la figure 1), les coûts augmentent linéairement pour le pourcentage de personnes âgées de plus de 80 ans (voir la ligne de régression). Pourquoi y a-t-il une telle différence dans la relation entre les coûts et le pourcen tage de personnes de plus de 80 ans au Canada et dans l’autre pays qui fait exception ? On peut envisager diverses réponses à cette question : • Au Canada, la santé de la population est moins bonne que dans les autres pays. Cette hypothèse n’est pas confirmée par les données sur l’espérance de vie et la mortalité infantile. • C’est le système qui est à l’origine du problème, et il est influencé par le compor tement des fournisseurs ou des consommateurs. L’hypothèse du comportement des consommateurs n’est valable que si c’est la demande de soins de santé qui influence le système, ce qui n’est pas le cas. Dans notre étude, nous partons du principe que les problèmes émanent des fournisseurs.
Figure 1 Indice de coûts expliqué par le pourcentage de la population de plus de 80 ans (1960-1993) 5
indice normalisé de coûts
4
Canada Tous pays Droite de régression
3 2 1 0 –1 –2 0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
5,0
% de la population ayant plus de 80 ans Source : Brousselle, 1996. Note : Le rectangle et la ligne horizontale ont été ajoutés à la figure de Brousselle.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Comparativement à d’autres pays, le Canada consacre amplement de rressources aux soins de santé (figure 1). Le problème réel réside dans l’intensité croissante et dans la façon dont les services sont fournis aux personnes âgées, ainsi que dans les mesures incitatives incorporées au système de soins, qui font en sorte que les dépenses de santé du Canada sont si élevées. Au Canada, nombreux sont ceux qui attribuent l’augmentation des coûts de la santé à celle du nombre absolu de personnes de plus de 65 ans et, en particulier, de plus de 75 ans. Quel que soit le pays considéré, plus la population vieillit, plus sont grands les risques que les coûts de santé augmentent. Et plus la moyenne d’âge augmente, plus l’incidence est grande sur les dépenses de santé (Brousselle, 1996). Mais il n’y a pas que le nombre croissant de personnes âgées qui pose un problème ; il y a d’abord et avant tout l’intensité des traitements qui leur sont donnés dans le cadre du système. Il a été prouvé que le vieillissement de la population ne contribue guère à l’augmentation des coûts relatifs aux soins de santé (Barer et al., 1995). Selon Barer, cette tendance démographique se traduira par une augmentation annuelle de 1 % par habitant dans l’utilisation du système de la santé par toute la population (Barer et al., 1987). Cette tendance pourrait être appuyée par une croissance économique soutenue. Le nombre croissant de personnes âgées, ainsi que leur moyenne d’âge qui augmente, représente un tiers de leur recours aux services hospitaliers (Barer et al., 1995). Les changements dans les taux d’utilisation des services de santé par les aînés représentent les deux tiers restants de l’augmentation, mais ne tiennent pas compte des augmentations relatives à l’utilisation des installations pour les malades chroniques et les soins de longue durée (Barer et al., 1995). Une étude menée récemment au Québec a confirmé les constatations de Barer (Demers, 1996). Pour Hertzman et ses collaborateurs (1990), l’analyse des données sur la ColombieBritannique révèle que l’augmentation des taux d’utilisation par les personnes de 65 ans et plus est clairement attribuable au traitement d’un nombre relativement peu élevé (±10) d’états pathologiques (dans l’ensemble, les taux d’utilisation ont en fait diminué dans le cas de tous les autres patients ayant reçu leur congé . Pour tous les états pathologiques où l’on a constaté une utilisation croissante des soins de santé par les personnes âgées, on constate également une forte hausse correspondante de la durée moyenne de séjour à l’hôpital pour soins de longue durée et de réadaptation. D’importantes augmentations dans les taux d’utilisation ont été associées à la démence, à des troubles de la personnalité, de la pensée et de l’humeur, et ces augmentations sont sensiblement plus élevées que dans le cas des autres états pathologiques identifiés par Hertzman et ses collègues (c’est-à-dire arthrite, ostéomyélite, etc. ; tableaux 1 et 2). Les études ne révèlent pas que cette augmentation des taux d’utilisation soit attribuable à la prévalence accrue de ces états chez les personnes âgées (Hertzman et al., 1990). On pourrait en déduire que les personnes âgées reçoivent davantage de soins dans le cas d’états pathologiques pour lesquels elles n’étaient généralement pas hospitalisées, il y a 25 ans, et que d’importants changements sont intervenus au sein même du système de santé et dans l’échelle de valeurs de la population. Étant donné la nature interdépendante des taux d’utilisation, de la morbidité et des traitements, il est
)
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Ellen Leibovich et al. – Les dépenses de santé et le vieillissement de la population
difficile de tirer des conclusions de cause à effet en ce qui concerne ces changements. Cependant, les facteurs qui suivent ont une influence évidente sur la tendance qu’ont les personnes âgées à recourir davantage aux soins de santé. L’intensité du traitement
Cette tendance se traduit par des taux de départ2 des patients plus élevés par habitant et par une augmentation du nombre de journées-patients pour les personnes âgées, contrairement à ce que l’on constate chez les adultes plus jeunes (Barer et al., 1995). De la même façon, le taux d’augmentation par habitant de la moyenne des honoraires médicaux à l’acte est plus élevé pour les personnes âgées (Barer et al., 1987). La technologie
Les personnes âgées occupent un pourcentage croissant de lits pour soins de courte durée, principalement en raison d’un pourcentage d’opérations par habitant croissant rapidement. On constate également une augmentation, par habitant, des taux de départ pour les soins de courte durée. Ces deux statistiques contredisent la tendance constatée dans le reste de la population (Barer et al., 1995). Chez les personnes âgées, le taux d’utilisation quotidienne de lits pour soins de courte curée diminue, les séjours à l’hôpital ayant été écourtés ; par contre, cette réduction est plus faible que pour le reste de la population. Cette statistique est sans doute influencée par le pourcentage élevé de la durée moyenne prolongée (≥ 60 jours) de séjour pour les patients âgés de 80 ans ou plus (Evans et al., 1989).
Les changements sociaux
L’augmentation mentionnée ci-dessus, des cas de démence et de troubles du comportement chez les aînés, sans augmentation correspondante de la morbidité, laisse supposer que les priorités ont changé au sein du système de santé et de la population en général. Pour certaines personnes âgées, l’hôpital où elles séjournent pour des soins prolongés est devenu leur domicile (Barer et al., 1995). Les hôpitaux ont hérité de problèmes socioculturels qui relèvent davantage de la communauté tels que l’isolement social, le logement, les femmes au sein de la population active, l’aide sociale, etc. (Hertzman et al., 1990).
2. Par « taux de départ » il faut entendre « le nombre total de patients vivants ayant reçu leur congé et le nombre de décès de patients hospitalisés pendant une année donnée » (Evans et al., 1989).
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Tableau 1 Sources d’utilisation accrue par habitant, par groupe d’âge déterminé, 1969-1978
Âge 65 et plus % d’augmentation % d’augmentation par tranche par tranche de 100 personnes dans de 100 personnes la population 1969-1978 dans la population 65-74 ans 75-84 ans 85 ans et plus
Femmes Sénilité et maladies mal définies
1 019
31 155
2 048,68
923,87
4 547,56
1 415,18
Psychoses
7 213
76 276
643,17
205,39
990,75
915,56
Névroses ; troubles de la personnalité
7 077
55 406
450,21
67,62
527,40
1 413,30
11 362
79 986
394,74
12,24
514,38
1 280,81
8 873
55 999
343,54
595,47
215,81
408,20
Accidents vasculaires cérébraux
74 583
348 160
228,06
141,85
281,09
252,68
Arthrite et rhumatisme
27 055
100 435
160,89
103,56
170,03
222,21
Maladies d’autres glandes endocrines
19 030
38 914
43,71
1,42
34,23
445,43
Cardiopathie ischémique
82 355
162 735
38,87
– 37,27
34,03
139,69
Maladies des artères et capillaires
20 866
37 564
26,52
8,38
– 10,10
126,87
Nombre total de jours, certaines catégories
259 433
986 630
167,27
67,30
178,81
292,73
Nombre total de jours, autres catégories
322 017
439 211
– 4,15
– 19,82
3,08
21,90
Grand total
581 450 1 425 841
72,34
12,96
87,46
162,36
Ostéomyélite Autres maladies du système nerveux central
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Nombre de jours Titre de chapitre à 3 chiffres, CIM-8* 1969 1978
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Âge 65 et plus
Nombre de jours Titre de chapitre à 3 chiffres, CIM-8* 1969 1978
% d’augmentation % d’augmentation par tranche par tranche de 100 personnes dans de 100 personnes la population 1969-1978 dans la population 65-74 ans 75-84 ans 85 ans et plus
Hommes Sénilité et maladies mal définies
692
15 963
1 669,46
28,63
4 220,08
1 948,18
Psychoses
8 165
43 228
306,11
134,73
385,83
1 775,00
Ostéomyélite
8 404
22 247
103,06
2,72
133,81
384,56
Autres infections des voies respiratoires
5 386
13 382
90,58
32,38
163,28
348,34
Arthrite et rhumatisme
17 878
40 801
75,06
14,06
88,51
541,33
Accidents vasculaires cérébraux
96 603
205 638
63,28
35,84
73,28
174,99
Autres maladies du système nerveux central
27 216
53 670
51,27
15,88
131,79
77,84
Cardiopathie ischémique
101 184
112 991
–14,34
– 21,49
– 23,89
42,59
Nombre total de jours, certaines catégories
265 528
507 920
46,73
13,79
70,89
152,30
Nombre total de jours, autres catégories
498 158
508 928
–21,64
– 28,39
– 16,13
9,31
Grand total
763 886
1 016 848
2,11
– 14,51
11,87
61,70
Source : Hertzman et al., 1990. * Classification internationale des maladies (8e version). Les 3 chiffres font référence aux catégories de maladies.
Ellen Leibovich et al. – Les dépenses de santé et le vieillissement de la population
Tableau 1 (suite)
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Tableau 2 Sources d’utilisation accrue par habitant, par groupe d’âge déterminé, 1979-1980 – 1985-1986
Âge 65 et plus % d’augmentation % d’augmentation par tranche par tranche de 100 personnes dans de 100 personnes la population 1979-1980 – 1985-1986 dans la population 65-74 ans 75-84 ans 85 ans et plus
Femmes 2 069
106 176
3 910,02
1 601,52
3 416,98
7 729,45
Causes de morbidité mal définies et inconnues
Services de santé dans d’autres circonstances
13 813
67 406
281,32
2 373,35
408,32
240,13
Autres formes de cardiopathie
25 478
93 010
185,26
104,75
140,55
293,20
8 490
29 630
172,71
76,70
322,93
892,68
35 128
22 147
153,53
189,22
274,31
– 1,85
6 826
113 692
152,90
18,41
129,35
354,63
Pneumonie et grippe
15 905
46 853
130,19
23,97
127,16
252,28
Autres maladies du système nerveux central
16 547
47 664
125,09
15,96
153,35
6 310,01
9 406
26 158
117,31
67,77
151,66
182,35
65 538
142 932
70,42
– 10,27
96,52
193,64 130,96
Psychoses Néoplasme malin Névroses ; troubles de la personnalité
Symptômes Maladies héréditaires du système nerveux central Conséquences tardives de blessures
23 114
39 367
33,09
– 85,64
– 1,97
Conditions psychotiques organiques
153 652
247 469
25,85
– 37,79
– 1,13
72,65
Nombre total de jours, certaines catégories
375 966
982 504
104,20
25,56
89,27
186,16
Nombre total de jours, autres catégories
1 355 169
1 240 800
– 28,45
– 21,51
– 27,59
– 32,32
Grand total
1 731 135
2 223 304
– 11,45
– 1,93
15,08
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Nombre de jours Titre de chapitre à 3 chiffres, CIM-9* 1979-1980 1985-1986
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Âge 65 et plus
Nombre de jours Titre de chapitre à 3 chiffres, CIM-9* 1979-1980 1985-1986
% d’augmentation % d’augmentation par tranche par tranche de 100 personnes dans de 100 personnes la population 1979-1980 – 1985-1986 dans la population 65-74 ans 75-84 ans 85 ans et plus
Hommes Services de santé dans d’autres circonstances
1 119
55 478
3 959,13
1 971,94
4 145,80
11 118,59
Autres maladies du système nerveux central
9 374
62 361
444,67
213,25
3 786,81
135,53
Services de santé pour interventions particulières
1 864
9 707
326,36
219,45
231,83
2 576,76
Causes mal définies et inconnues de morbidité
6 448
26 422
235,49
482,44
572,06
218,65
Néoplasme malin
4 157
13 950
174,75
147,02
268,06
116,47
Symptômes
7 130
21 270
144,24
118,85
151,22
225,71 282,57
Autres formes de cardiopathie
20 200
58 109
135,52
117,22
95,83
Pneumonie et grippe
20 032
46 326
89,34
41,55
140,28
96,21
Maladies héréditaires du système nerveux central
35 359
79 769
84,70
13,63
84,54
279,96
Névroses et troubles de la personnalité
16 458
36 604
82,09
– 11,45
95,65
516,36
Nombre total de jours, certaines catégories
122 141
409 996
174,83
94,72
215,49
301,49
Nombre total de jours, autres catégories
994 915
856 250
– 29,82
– 31,17
– 20,36
– 35,99
1 117 056
1 266 246
– 7,52
– 16,23
5,11
– 3,59
Grand total
Source : Hertzman et al., 1990. * Classification internationale des maladies (9e version). Les 3 chiffres font référence aux catégories de maladies.
Ellen Leibovich et al. – Les dépenses de santé et le vieillissement de la population
Tableau 2 (suite)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
La chimiothérapie
Les personnes âgées utilisent environ 30 % des médicaments, même si elles ne constituent que 11 % à 12 % de la population. Cette situation peut être partiellement attribuable à leurs plus grands besoins. Cependant, certaines études révèlent une tendance importante à établir des prescriptions inappropriées pour les personnes âgées, ce qui entraîne des coûts en médicaments plus élevés, de même que le traitement de complications à la suite du mauvais usage des médicaments (Tamblyn et al., 1994).
Les lacunes du système
Le recours à des soins de courte et de longue durée est fréquent chez les personnes âgées qui attendent d’être transférées dans d’autres établissements (Hertzman et al., 1990). La mauvaise répartition des ressources entraîne une réaction en chaîne dans tout le système. En conclusion, il ne semble pas que le vieillissement de la population ou l’évolution des caractéristiques de ce vieillissement, telle l’augmentation de la morbidité, soient les principales causes de l’augmentation des dépenses dans le secteur de la santé au Canada. Cependant, il est évident que le vieillissement de la population exercera des pressions accrues sur le système de santé et sur les coûts qui y sont associés, à moins que l’on ne s’attaque aux facteurs qui influent sur la tendance des personnes âgées à recourir davantage au système de santé. Une question primordiale est celle des soins appropriés aux personnes âgées de santé délicate. Il serait bon de se pencher sur le système de soins de santé des autres pays de l’OCDE, tels la Suède et le RoyaumeUni, où le pourcentage de personnes âgées est plus élevé mais qui dépensent moins pour les soins de santé. Le système des soins de santé pour les personnes âgées en Suède et au Royaume-Uni
Nous nous penchons ici sur le système des soins de santé en Suède et au Royaume-Uni. Au sein de l’OCDE, ces deux pays affichent le pourcentage le plus élevé de personnes âgées, bien que le pourcentage du PIB qu’ils consacrent aux soins de santé soit plus faible qu’au Canada. La Suède et le Royaume-Uni élaborent depuis longtemps des politiques en matière de sécurité sociale et possèdent un système de santé bien structuré, qui met l’accent sur les soins primaires, les services communautaires pour les personnes âgées et l’intégration des soins.3
3. Comme il est difficile d’obtenir et de comparer des statistiques sur le niveau de dépenses consacrées aux soins de santé, sur les taux d’hospitalisation et de séjour en établissement, il est difficile d’expliquer les raisons pour lesquelles les dépenses sont moins élevées dans d’autres pays.
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En Suède, le gouvernement et la population sont fortement en faveur des dé penses consacrées aux programmes destinés aux personnes âgées (Thorslund et Parker, 1994). Le système de santé inclut les services sociaux et les soins médicaux. Les services sociaux comprennent les services à domicile, le transport, l’accès aux centres de jour et les soins en établissement. Les services médicaux comprennent, entre autres, les soins fournis par des médecins qui visitent leurs patients à domicile, les médicaments délivrés sur ordonnance et les soins médicaux fournis dans les hôpitaux (Thorslund et Parker, 1994). Le gouvernement a adopté des politiques dans le but de permettre aux personnes âgées de rester dans la collectivité en leur octroyant d’importantes pensions, des allocations de logement et des services d’aide à domicile fortement subventionnés. Le recours à ces services n’est nullement influencé par la situation socioéconomique des personnes âgées. Celles-ci peuvent également se trouver un logement dans des habitations collectives (Sundstrom et Thorslund, 1994). En Suède, le rythme croissant de placements en établissement a grandement contribué à la hausse des coûts. Les services de soins de longue durée ont été grande ment remaniés par suite de la réforme Adel. Entrée en vigueur en janvier 1992, cette réforme a transféré les responsabilités financières et cliniques relatives aux services de soins de longue durée des comtés aux municipalités, qui sont plus proches des patients et, donc, plus en mesure de déterminer leurs besoins. Ces services de soins de longue durée comprennent les soins destinés aux personnes âgées placées en établissement (à l’exclusion des soins prodigués par les médecins), ainsi que les services sociaux et les soins à domicile. Aujourd’hui, ce sont les municipalités qui sont responsables des centres de soins infirmiers, des placements en établissement et de tous les autres établissements de soins destinés aux personnes âgées. Les municipalités sont financièrement responsables de tous les patients qui reçoivent des soins de longue durée, y compris de ceux qui sont hospitalisés pour des soins de courte durée. Cette responsabilité financière, de même qu’une augmentation du nombre de logements pour personnes âgées, est la principale raison de la baisse du nombre de « lits réservés » dans les hôpitaux. Cette décentralisation des responsabilités vers les municipalités a favorisé une meilleure coordination et une plus grande intégration dans les services sociaux et de soins à domicile, qui ont toujours été subventionnés et fournis par les municipalités. La réforme Adel a également changé le mode de financement des municipalités, puisqu’un budget axé sur le nombre de personnes âgées desservies est venu remplacer le financement axé sur la quantité de services fournis. Ce changement de politique a incité les municipalités à trouver d’autres solutions aux méthodes traditionnelles de traitement des personnes âgées (Thorslund et Parker, 1994). Tout comme en Suède, les soins aux personnes âgées ont suscité des préoccupations au Royaume-Uni, où le système de santé a toujours mis l’accent sur les soins primaires, les soins communautaires et les services gériatriques complémentaires. On a assisté à la naissance d’une nouvelle politique relative aux soins de santé communautaires, en raison des demandes croissantes émanant des personnes âgées et du peu de fonds disponibles pour les soins à domicile. Un organisme de financement
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unique a été institué pour les services sociaux (au Royaume-Uni, les services sociaux et les services médicaux relèvent de deux instances locales distinctes). Depuis 1989, on s’efforce de mieux intégrer les services et les fournisseurs de soins en ayant recours à la gestion des cas. Certaines études révèlent que l’on peut réduire la fragmentation des services grâce à la gestion des cas et, ainsi, mieux les coordonner. Il y a une tendance en faveur de la « substitution vers le bas en délaissant les placements en établissement pour fournir de meilleurs soins à domicile et assurer une meilleure coordination avec les clients » (Challis, 1993). La politique de 1989 sur les soins communautaires a permis d’établir un organisme financièrement responsable des services sociaux aux personnes âgées. Cet organisme devrait contribuer à améliorer l’intégration et la coordination des services sociaux et des services de soins personnels aux personnes âgées, grâce à l’établissement de modèles de gestion de cas (Challis, 1993). Au Royaume-Uni, d’autres réformes ont entraîné la création de fiducies indépendantes pour le Service national de santé, autrement dit des organismes publics chargés de fournir des services de santé communautaires et en milieu hospitalier. Ces organismes sont indépendants mais relèvent financièrement du Comité directeur du Service national de santé. Auparavant, les services hospitaliers étaient directement assurés par l’administration de santé de district (DHA), qui relevait du ministère de la Santé (Smee, 1995). Depuis la création de ces fiducies autonomes, un élément concurrentiel est venu s’ajouter au système britannique. Cette réforme se caractérise essentiellement par la séparation des services fournisseurs (fiducies du Service national de santé) et des services acheteurs (DHA). Les fournisseurs sont chargés de fournir des services, et les administrations de santé de district, qui ont été désignées par le gouvernement pour diriger les services de soins de santé sur place, s’occupent main tenant des achats (Saltman, 1991, 1994, 1995). Les hôpitaux et les services de santé communautaires sont maintenant dirigés par des fiducies du Service national de santé. Plutôt que de se voir attribuer un budget fixe, les fiducies et les hôpitaux qui relèvent du Service national de santé peuvent maintenant solliciter des contrats et des ressour ces des administrations de santé de district et des détenteurs du GP Fund (Ham et Brommels, 1994). L’institution de ces fiducies a donc ajouté un élément concurrentiel au système de santé en séparant les acheteurs des fournisseurs de soins et en encoura geant l’innovation en matière de gestion, sans ingérence politique (Smee, 1995). Une autre importante réforme est celle qui touche le GP Fund. Des médecins privés pratiquant la médecine de groupe se sont regroupés pour servir 7 000 patients ou davantage et gérer un budget leur permettant d’acheter des services pour leurs patients (Ham et Brommels, 1994). Ces détenteurs du GP Fund achètent et fournissent des services. Sur le plan financier, ils sont chargés de fournir à leurs patients toute une gamme de services de soins primaires, de même que des services spéciaux aux malades externes et des services optionnels aux hospitalisés. Par ailleurs, ils négocient avec les fiducies du Service national de santé afin d’obtenir les meilleurs contrats possibles tenant compte du rapport qualité-prix. Par conséquent, contrairement aux fiducies du Service national de santé, ce deuxième mécanisme combine les rôles d’acheteur et de fournisseur en une seule entité (Saltman, 1995).
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Certains projets pilotes ont été entrepris, dans le cadre desquels des médecins appartenant au GP Fund se voient allouer des budgets pour tous les soins de santé primaires et secondaires, y compris les soins de courte durée à l’hôpital. Ces mesures incitatives ont encouragé l’ensemble des médecins appartenant au GP Fund à mettre sur pied des services de soins primaires et à mettre l’accent sur des solutions de rechange et de nouveaux programmes pour les personnes âgées (Bosanquet et Zajdler, 1993). Selon Ham (1996a), les réformes mentionnées ci-dessus visaient à créer un régime de concurrence au sein du système de santé. Dans la réalité, cependant, ces réformes ont engendré des mesures de compétitivité (Saltman et von Otter, 1995 ; Ham, 1996a), ce qui suffit à accroître le rendement et l’efficacité organisationnels. Selon Ham, c’est bien plus la possibilité de faire passer des patients et des ressources d’un établissement à l’autre que le déplacement réel des patients et des ressources qui permet d’améliorer le rendement et de réduire les inefficacités dans les systèmes de soins (Ham, 1996a).
Les soins de santé aux personnes âgées au Canada
Au Canada, le Régime d’assurance-soins médicaux est essentiellement axé sur le paiement des médecins et des services de courte durée dans les hôpitaux. Au départ, il était fondé sur une entente de partage des frais entre le gouvernement fédéral et les provinces qui ne couvrait pas des services tels que les soins de longue durée et les soins communautaires. Les gouvernements provinciaux étaient donc peu disposés à mettre sur pied des programmes et à trouver de nouvelles façons de traiter les personnes âgées. La tendance était à l’expansion des soins de courte durée, car il était facile d’obtenir des subventions du gouvernement fédéral. Cette situation explique, en partie, l’intensité accrue des soins de courte durée à l’hôpital pour les personnes âgées. En raison de cette situation, le Canada ne s’est pas doté de politiques ni d’objectifs à long terme pour la santé dans le secteur des soins de longue durée, et chaque province a été laissée à elle-même. Depuis l’adoption de la Loi de 1977 sur le financement des programmes établis, le gouvernement couvre désormais d’autres services, tels que les soins à domicile et les soins de longue durée (Shapiro, 1994). Cependant, le nombre croissant de services offerts aux personnes âgées a entraîné de sérieux problèmes. La fourniture de services multiples et complexes aux personnes âgées de santé délicate relève maintenant de plusieurs organismes et de plusieurs provinces. Ainsi, au Québec, les soins médicaux primaires relèvent généralement du médecin de famille, en pratique privée, mais peuvent également relever du médecin qui travaille dans un CLSC (Clarfield et Bergman, 1991). Les services de soins infirmiers et de soins à domicile relèvent des CLSC, bien que des organismes communautaires et privés y participent activement. Les centres et les hôpitaux de jour relèvent généralement des établissements de soins de longue durée, et rarement du même pour ces deux catégories de services. Le choix d’un autre logement relève du secteur privé. Les services gériatriques et les services médicaux spéciaux sont fournis dans les hôpitaux.
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Comme chaque établissement constitue une entité administrative distincte, ayant son propre budget, sa propre compétence et ses propres critères pour le choix des patients, la coordination des services ne se fait pas en fonction des besoins des patients. Les efforts visant à garder les personnes âgées au sein de la collectivité sont fragmentés, et la responsabilité n’incombe pas à un seul établissement ou à un seul organisme. Chacun des volets du système est parallèle aux autres et fonctionne dans le cadre de son propre budget. Ces volets ont des responsabilités distinctes, qui peuvent se chevaucher ou ne pas répondre à des besoins importants. Aucun établissement n’est cliniquement ou financièrement chargé de réduire les hospitalisations inutiles et de maintenir les personnes âgées à charge dans la collectivité (Rapport de la commission d’enquête sur les services de santé et les services sociaux, 1988 ; Trahan et Bélanger, 1993). La réduction du nombre d’admissions inappropriées pour les soins de courte et de longue durée est une question de conscience professionnelle, étant donné que des mesures incitatives négatives encouragent les établissements à envoyer les cas les plus graves à d’autres, même si cela peut entraîner des services inutiles, plus coûteux et parfois nuisibles (p. ex. placement dans des services de soins infirmiers ou hospitalisation). Ce qu’il y a de plus frappant dans cette situation, c’est le nombre de personnes âgées qui sont hospitalisées pour des soins de courte durée avant d’être placées dans des établissements pour soins de longue durée. Ce groupe de personnes âgées occupe 10 % à 25 % des lits pour soins de longue durée au Québec (Régie régionale de la santé et des services sociaux, 1995). À quelques variations près, cette fragmentation des soins est la même dans les autres provinces canadiennes.
Stratégie en vue de l’établissement, au Canada, d’un système de soins de santé pour les personnes âgées de santé fragile
La nécessité de réduire les coûts entraîne souvent des discussions sur des solutions évidentes, mais simplistes, telles que la réduction des services, les avantages et les inconvénients de la privatisation ou le contrôle budgétaire par le gel des salaires et le ticket modérateur. Nous n’avons pas l’intention de discuter de ces changements éventuels, vu leur incidence négative sur la qualité des services. Toute solution proposée doit réduire les coûts, sans pour autant réduire la qualité ou compromettre les principes fondamentaux sur lesquels repose le système canadien des soins de santé. Dans les années 1970, face au vieillissement de la population, le Canada a décidé d’augmenter le nombre de lits dans les établissements de soins de longue durée et d’instituer des services communautaires pour les personnes âgées. Dans les années 1980, un des grands objectifs a été de coordonner les services, en raison de leur multiplication et de l’augmentation des coûts pour les lits accueillant, dans les hôpitaux de soins de courte durée, les personnes âgées qui attendaient de recevoir leur congé ou de se faire placer en établissement. On a assisté à plusieurs développements importants au Canada. Dans plusieurs provinces canadiennes, il y a eu l’institution de systèmes à entrée simple, avec gestion de cas pour les services de soins prolongés dans la communauté et pour les admissions
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dans des établissement de soins de longue durée. Le système à entrée simple, qui a vu le jour dans les années 1980, constitue un développement important en ColombieBritannique, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick. L’Alberta et le Québec sont à la veille d’adopter ces réformes (Régie régionale de la santé et des services sociaux, 1995 ; Hollander et Pallan, 1995 ; Béland et Shapiro, 1993 ; Béland et Lemay, 1995). Ces systèmes portent sur l’évaluation et le choix des patients, la répartition et la coordination des services communautaires, de même que sur l’amélioration des services de communication et de coordination lorsque les patients sont admis dans des établissements pour soins de courte durée ou les quittent (Hollander, 1994 ; Hollander et Pallan, 1995). En Colombie-Britannique, les éléments essentiels du système à entrée simple, communément appelé le « système des meilleures pratiques », comprennent : le point d’entrée unique, la coordination des évaluations et des placements, la gestion coor donnée des cas, une seule administration et la classification systématique des soins de santé (Hollander et Pallan, 1995). Ce point d’entrée unique constitue un développement important qui a permis de réduire la fragmentation et d’améliorer l’utilisation des ressources. Cependant, le système canadien se caractérise encore par d’importantes restrictions. Les établissements demeurent autonomes, ayant leur propre sphère de compétence et leur propre budget. Les soins de courte durée dans les hôpitaux, les soins de longue durée, les services sociaux et les soins médicaux, de même que les soins communautaires et les soins de longue durée en établissement demeurent distincts et ne peuvent, par conséquent, répondre aux besoins complexes des personnes âgées sur le plan social et en matière de santé. Il est évident qu’il y a encore beaucoup à faire pour améliorer l’organisation et la coordination des services sociaux et des soins de santé. Pour les personnes âgées de santé délicate, il s’avère indispensable d’intégrer les services sociaux et les services médicaux, de même que les soins de courte et de longue durée, afin de réduire l’utilisation coûteuse et inappropriée des hôpitaux et des services de soins infirmiers et d’améliorer la qualité des soins (Kane et al., 1992 ; Kane, 1995). Il est aussi évident que ce système doit être combiné avec des mesures incitatives financières axées sur le rendement. Selon notre analyse, le système de santé canadien doit comprendre un système intégré de soins pour les personnes âgées de santé délicate. Depuis plusieurs années, on s’intéresse de plus en plus à l’intégration des systèmes de soins de santé, notamment pour les personnes âgées de santé délicate, la priorité étant donnée à la gestion des cas et à la responsabilité clinique dans l’ensemble des soins de santé. Cet intérêt s’est manifesté dans un certain nombre de projets plus ou moins intégrés, bien que la plupart d’entre eux en soient encore à l’état de la démonstration. Ce sont les programmes PACE/On Lok (Branch et al., 1995 ; Kane et al., 1992) et les Social/Health Maintenance Organizations (S/HMO) (Finch et al., 1992) aux États-Unis, les GP Fund Holders en Grande-Bretagne (Ham 1996a, 1996b ; Ham et Brommels, 1994), les programmes Darlington (Challis et al., 1991a, 1991b) et les programmes EPICS (Davies et al., 1994) en Grande-Bretagne, de même que la réforme Adel en Suède (Johannson, 1995).
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Les programmes On Lok/PACE se caractérisent par le système le plus complet de soins intégrés. En chinois, On Lok veut dire « demeure paisible, heureuse ». Ce programme a été mis sur pied dans la communauté chinoise de San Francisco. Il a été reproduit aux États-Unis grâce à l’aide financière de la Health Care Financing Administration en tant que programme de soins complets pour les personnes âgées. L’équipe multidisciplinaire, qui dispose d’un budget par habitant pour les patients admissibles aux services de soins infirmiers, s’occupe de l’évaluation des patients, de la répartition des ressources et de la prestation des soins aux patients dans tous les milieux, y compris les hôpitaux et les services de soins infirmiers. Bien qu’une étude préliminaire (Yordi et Waldman, 1985) ait proposé une réduction des coûts, du nombre d’hospitalisations, de la longueur du séjour et des placements en établissement, de même qu’une certaine augmentation de l’autonomie fonctionnelle, les programmes On Lok/PACE n’ont pas encore été rigoureusement et entièrement évalués (Branch et al., 1995 ; Kane et al., 1992). Cependant, l’étude de Yordi et Waldman a révélé une réduction dans le nombre d’hospitalisations et dans la durée de séjour. On a constaté une réduction dans la durée des hospitalisations, qui est passée de 10,5 jours en 1980 à 8,5 jours en 1982 et à 6,5 jours en 1988. En 1981, 9 % des patients d’On Lok résidaient dans des services de soins infirmiers, alors qu’en 1987 ce pourcentage a baissé à 5,4 % (Zawadski et Eng, 1988). Ce changement dans l’utilisation des services a révélé une réduction subséquente du coût des services (Zawadski et Eng, 1988). On est en train de planifier les projets S/HMO de la deuxième phase, en mettant l’accent sur une intégration plus complète des soins de courte et de longue durée (Finch et al., 1992). Par ailleurs, par le truchement de dérogations, plusieurs États instaurent des systèmes intégrés de soins pour les personnes âgées qui sont admissibles à Medicare et à Medicaid (Kane et Starr, 1996). En Grande-Bretagne, le programme Darlington (Challis, 1991a, 1991b) a fait appel à une équipe gériatrique et à la gestion des cas. Le budget a été confié à des travailleurs communautaires multidisciplinaires chargés de ramener dans la collectivité les patients qui faisaient des séjours de longue durée dans les hôpitaux. L’évaluation a révélé que, grâce à ce programme, il avait été possible de réduire la longueur du séjour, d’obtenir une plus grande satisfaction des patients et de leur famille, et d’atteindre une plus grande rentabilité. Au Canada, on a constaté plusieurs développements en ce qui concerne l’inté gration des soins de santé pour les personnes âgées de santé fragile. À Edmonton, le programme Choice, institué par la Capital Health Authority en janvier 1996, est une réplique du modèle On Lok/PACE. On le suit de près, mais il n’a encore fait l’objet d’aucune évaluation. L’évaluation a été partiellement incorporée au concept du programme pilote. Notre groupe de recherche a mis au point un modèle conceptuel de soins intégrés pour les personnes âgées de santé délicate en se fondant sur les principales caractéristiques suivantes (le manuscrit de Bergman, Béland, Lebel, Contandriopoulos et al., 1996 ; Bergman, Béland, Leibovich, Contandriopoulos et al., 1996) : – un système de soins de santé primaires et communautaires offrant toute une gamme de services sociaux et de services de santé primaires et secondaires, y
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compris des soins de courte durée dans les hôpitaux et des soins communautaires et en établissement pour soins de longue durée ; responsabilité des soins pour une certaine partie de la population ; gestion des cas et responsabilité clinique pour toute la gamme des services offerts ; paiement préalable sur une base de capitation, avec responsabilité financière pour toute la gamme des services fournis ; gestion publique fondée sur les principes fondamentaux du système canadien de santé.
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Conclusion
Les cinq principes mentionnés ci-dessus supposent d’importants changements en ce qui concerne l’organisation, la prestation et le financement du système actuel pour les services sociaux et de santé destinés aux personnes âgées. On s’attend à ce que ces changements améliorent la qualité de vie des personnes âgées de santé fragile. Ces changements devraient également se traduire par une plus grande satisfaction des patients, une meilleure utilisation des ressources, une plus grande responsabilité de la part des fournisseurs de soins et une rentabilité accrue. Le défi consiste à réaliser un modèle de soins intégrés pour les personnes âgées de santé fragile au Canada, et ce, dans le cadre du système de santé public axé sur des budgets globaux. Un tel système intégré de soins de santé pour les personnes âgées de santé fragile soulève plusieurs questions importantes : la qualité des soins, le choix des patients, la relation entre les fournisseurs de soins, la capitation et la population ciblée (Bergman et Béland, 1996). Il faut résoudre ces questions avant de proposer tout changement important au système actuel. Il serait dès lors utile de mettre sur pied des projets de démonstration à différents endroits, afin d’acquérir une certaine expérience des soins intégrés dans le contexte canadien et d’évaluer le modèle en vue d’établir s’il constitue un système de soins efficace et rentable.
Ellen Leibovich est architecte et titulaire d’une maîtrise en administration de la santé de l’Université de Montréal. Elle travaille pour le Groupe de recherche en services intégrés pour les personnes âgées de santé fragile. Il s’agit d’une initiative conjointe du Département d’administration de la santé de l’Université de Montréal et de la Division de gériatrie de l’Université McGill.
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Le financement des soins de santé : matière à réflexion
Raisa Deber, Ph. D. Professeur au Département d’administration de la santé Université de Toronto
Bill Swan Queens Health Policy Kingston
Enjeu no 3
1. Le Canada se classe troisième parmi les pays de l’OCDE qui consacrent le plus faible pourcentage de leur financement public aux dépenses de santé. Par ailleurs, le financement public du Canada est davantage orienté vers les hôpitaux et les médecins que dans la plupart des pays d’Europe. Une répartition plus équilibrée des fonds publics dans le continuum des services de santé (hôpitaux, médecins, médicaments, soins communautaires) contribuerait-elle à un meilleur contrôle des coûts, sans pour autant compromettre leur accessibilité ? 2. Question complémentaire – Pourquoi certains pays, dont le Royaume-Uni, sont-ils parvenus à préserver un secteur privé relativement constant, sans les « problèmes » d’un système à l’américaine ? »
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Table des matières
Première question : introduction et résumé ........................................................312
Un aperçu des données .......................................................................................312 Quelques hypothèses ...........................................................................................313 Le choix des éléments de comparaison.............................................................313 La quantification des dépenses de santé est loin d’être une science exacte............................................................................................320 Analyse ................................................................................................................331 Deuxième question (question supplémentaire) : le cas du Royaume-Uni ..........333
Conclusions .........................................................................................................337 Bibliographie........................................................................................................341 Annexe
De l’utilisation de données internationales.......................................................345 Liste des tableaux
Tableau 1 Dépenses de santé dans les pays de l’OCDE en pourcentage du PIB (1960-1995).....................................................................314 Tableau 2 Dépenses de santé internationales, pourcentage de financement public (1960-1995)..............................................316 Tableau 3 Le poids du paramètre : valeur et classement des dépenses de santé (1993) dans les pays de l’OCDE selon différentes méthodes de calcul........................................................................318
Tableau 4 La combinaison public-privé dans les dépenses de santé canadiennes, par sous-catégorie de dépenses, 1992........................322 Tableau 5 La combinaison public-privé dans les dépenses de santé canadiennes, par sous-catégorie de dépenses (1975-1994).............324 Tableau 6 Pourcentage des dépenses publiques des pays de l’OCDE, par catégorie, 1991-1995..............................................................329
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
première question : Introduction et résumé
Le Canada se classe troisième parmi les pays de l’OCDE qui consacrent le plus faible pourcentage de leur financement public aux dépenses de santé. Par ailleurs, le financement public du Canada est davantage orienté vers les hôpitaux et les médecins que dans la plupart des pays d’Europe. Une répartition plus équilibrée des fonds publics dans le continuum des services de santé (hôpitaux, médecins, médicaments, soins communautaires) contribuerait-elle à un meilleur contrôle des coûts, sans pour autant compromettre leur accessibilité ?
Plusieurs « questions troublantes » se posent à la lecture de six études commandées par le groupe de travail sur l’équilibre à atteindre du Forum national sur la santé. Comme cela deviendra évident, la réponse, en bref, à la première question est « non ». Ce qui laisse perplexe, ce sont, d’une part, les difficultés auxquelles on se heurte lorsqu’on cherche à définir les coûts de manière à pouvoir se livrer à des comparaisons utiles entre les systèmes de santé et, d’autre part, le manque de données clarifiant le financement par secteur. Plus particulièrement, il semble que ce soit dans les secteurs qui reçoivent la plus forte proportion de fonds publics que les coûts sont le mieux maîtrisés. En outre, si répartition « plus équitable » signifie retirer de l’argent au secteur hospitalier et aux médecins pour le distribuer à d’autres secteurs, l’accès aux soins et la maîtrise des coûts seront plus difficiles, si l’on en croit les faits. En revanche, si par « plus équitable » on entend maintenir le financement actuel pour les services hospitaliers et médicaux nécessaires, mais aussi élargir le champ des services admissibles, des améliorations seront sans doute possibles.
Un aperçu des données
L’inquiétude, en ce qui concerne la maîtrise des coûts (ou son absence) dans les soins de santé canadiens, tient en grande partie à l’examen des données de l’OCDE (OCDE, 1996). Le tableau 1 reprend la comparaison, souvent citée, qu’a fait l’OCDE des dépenses de santé des pays industrialisés, exprimées en pourcentage de leur produit intérieur brut (PIB). On s’aperçoit qu’en 1992 les dépenses du Canada étaient passées à 10,3 %, ce qui le classait deuxième, derrière les États-Unis. Bien que ce classement soit attribuable en partie à l’incidence de deux récessions, survenues coup sur coup dans les années 1980 (Evans, 1993), et bien qu’en 1995 ce ratio ait déjà été ramené à 9,5 %, résultat de mesures de réduction des coûts conjuguées à la reprise économique, le Canada semblait avoir encore un des systèmes de santé publique les plus chers du monde. Ce que l’on remarque moins, généralement, c’est que depuis 25 ans le Canada enregistre une baisse continue, quoique lente, du pourcentage du système bénéficiant d’un financement public et qu’il se classe régulièrement en dessous de la moyenne de l’OCDE pour ce qui est de cette mesure (tableau 2). En 1975, le système était à 75,9% financé par des fonds publics ; en 1994, ce pourcentage était tombé à 71,8 %.
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Cependant, lorsqu’on se livre à des comparaisons internationales de données relatives à la santé, il est important de savoir qu’il y a souvent d’importantes incompatibilités entre les données de différents pays. De fait, les auteurs des études commandées par le Forum, et qui ont été examinées sous forme d’ébauche (Contandriopoulos, 1998 ; Arweiler, 1998 ; Brousselle, 1998 ; CSI, 1998 ; Scott, 1998 ; Kennedy, 1998), et les personnes qui ont participé à un certain nombre de consultations menées pour les besoins de cet examen insistent sur le fait qu’il faut être prudent par rapport aux comparaisons internationales. De plus, bien qu’il ne nous incombe pas, dans la présente étude, d’examiner les données en détail, une consultation auprès des responsables de l’élaboration des données relatives aux dépenses de santé du Canada et leurs utilisateurs a permis d’éclaircir plusieurs questions sur la création de ces données et sur les inco hérences entre ces dernières et les données de l’OCDE. Il est donc prudent, dans l’étude de cette « question troublante », d’examiner un certain nombre d’hypothèses qui sous-tendent les données.
Quelques hypothèses Le choix des éléments de comparaison
Comme nous le faisions remarquer ci-dessus, les analystes des politiques ont pris l’habitude d’exprimer les dépenses de santé en pourcentage du PIB. Par conséquent, l’annonce de la place du Canada (2e en 1993, avec 10,2 %) au classement international – seuls les États-Unis dépensant plus (14,3 %), tandis que des pays comme le Japon (6,6 %) et le Royaume-Uni (6,9 %) s’en tiraient beaucoup mieux – a suscité à la fois pessimisme et inquiétude. L’étude d’Arweiler (1998) explique clairement d’autres méthodes, que l’on pourrait dire plus fiables, d’évaluation des dépenses de santé et, par conséquent, de classement international des pays, illustré de données comparatives de 24 pays de l’OCDE pour 1993. Nous nous sommes servis de ces observations et des données de l’OCDE pour montrer l’évolution du classement du Canada selon la méthode choisie pour calculer les dépenses de santé (tableau 3). D’après Arweiler, le plus simple est de comparer les dépenses de santé «nominales » par habitant dans les différents pays, toutes les séries étant converties en un paramètre commun (habituellement, le dollar américain) au moyen du taux de change courant (le prix de l’unité monétaire nationale en devise étrangère). Les dépenses nominales reflètent donc une combinaison de la fermeté de la monnaie, des différences dans les quantités de biens et de services fournis et des différences de prix – encore qu’il soit difficile de déterminer la part de chaque élément dans le tout. Avec cette méthode, le Canada se classe neuvième (1 943 $ par habitant), les États-Unis venant en tête de liste (3 299 $ par habitant), suivis de pays tels que la Suisse (3 294 $ par habitant), le Japon (2 463 $ par habitant) et l’Allemagne (2 308 $ par habitant). En l’espèce, les dépenses canadiennes ne sembleraient pas démesurées, et les résultats du Japon ne paraissent plus tout aussi remarquables.
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Tableau 1 Dépenses de santé dans les pays de l’OCDE en pourcentage du PIB (1960-1995)
4,8 4,9 4,4 3,4 5,5 3,6 1,5 5,2 3,9 4,2 2,4 – 3,8 3,3 3,6 – – –
1965
1970
1975
1980
5,1 5,1 4,7 3,9 6,0 4,8 2,6 5,8 4,9 5,2 2,6 – 4,2 3,9 4,3 – – –
5,9 5,7 5,4 4,1 7,1 6,1 3,7 7,2 5,7 5,8 3,4 – 5,3 5,0 5,1 4,4 3,7 –
8,1 7,5 7,3 5,9 7,3 6,5 4,9 8,2 6,4 7,0 3,4 – 7,6 5,8 6,2 5,5 5,1 –
8,4 7,3 7,9 6,6 7,3 6,8 5,7 9,1 6,5 7,6 3,6 – 8,7 6,2 6,9 6,4 6,2 –
1985 8,7 7,7 8,1 7,4 8,5 6,3 5,7 10,7 7,3 8,5 4,1 – 7,8 7,3 7,0 6,7 6,1 –
1990 8,3 8,3 8,4 7,6 9,2 6,5 6,9 12,7 8,0 8,9 4,3 6,6 6,7 7,9 8,1 6 6,2 –
1991 9,0 8,6 8,5 8,0 9,9 6,5 7,1 13,5 9,1 9,1 4,3 6,6 7,0 8,1 8,4 6,1 6,2 –
1992 9,3 8,7 8,9 8,1 10,3 6,7 7,2 14,0 9,3 9,4 4,5 6,8 7,3 8,2 8,5 6,4 6,3 4,9
1993 9,3 8,6 9,4 8,3 10,2 6,8 7,3 14,3 8,8 9,8 4,6 6,9 7,4 8,3 8,6 6,6 6,2 5,0
1994 9,5 8,5 9,7 8,2 9,8 6,6 7,3 14,3 8,3 9,7 5,2 7,0 7,9 8,1 8,3 6,9 5,8 5,3
1995 9,6 8,4 9,6 8,0 9,5 6,5 7,6 14,5 8,2 9,9 – – – 8,1 7,7 7,2 – –
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Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Hongrie Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Mexique
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1960
Norvège 3,0 Nouvelle-Zélande 4,3 Pays-Bas 3,8 Portugal – République tchèque – Royaume-Uni 3,9 Suède 4,7 Suisse 3,3 Turquie – Moyenne 3,9 Moyenne sans États-Unis 3,7
1965
1970
1975
1980
1985
3,6 – 4,3 – – 4,1 5,5 3,8 – 4,4 4,3
4,6 5,2 5,9 2,8 – 4,5 7,1 5,2 2,4 5,1 4,9
6,1 6,7 7,5 5,6 – 5,5 7,9 7,0 2,7 6,3 6,2
6,1 7,2 7,9 5,8 – 5,6 9,4 7,3 3,3 6,8 6,7
5,9 6,4 7,9 6,3 – 5,9 8,9 8,1 2,2 7,1 6,9
Source : Statistiques de la santé de l’OCDE, 1996.
1990 6,9 7,4 8,4 6,6 5,3 6,0 8,6 8,4 2,9 7,4 7,1
1991 7,2 7,8 8,6 7,1 5,4 6,5 8,4 9,0 3,4 7,7 7,4
1992 7,4 7,8 8,8 7,2 5,4 7,0 7,6 9,4 2,9 7,7 7,4
1993 7,3 7,3 9,0 7,4 7,7 6,9 7,6 9,5 2,6 7,8 7,6
1994 7,3 7,5 8,8 7,6 7,6 6,9 7,7 9,6 4,2 7,9 7,6
1995 – – 8,8 – – 6,9 7,7 – – 8,6 8,2
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Tableau 1 (suite)
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Tableau 2 Dépenses de santé internationales, pourcentage de financement public (1960-1995)
66,1 47,6 69,4 61,6 42,7 88,7 58,7 24,8 54,1 57,8 64,2 – 76,0 76,7 83,1 60,4 – – 77,8
1965 70,8 54,0 70,3 75,3 52,1 85,9 50,8 25,0 66,0 68,1 71,1 – 76,2 81,1 87,8 61,4 – – 80,9
1970 69,6 56,7 63,0 87,0 70,2 86,3 65,4 37,8 73,8 74,7 53,4 – 81,7 81,7 86,9 69,8 – – 91,6
1975 77,2 72,8 69,6 79,6 75,9 91,9 77,4 42,1 78,6 77,2 60,2 – 79,0 87,2 84,5 72 91,8 – 96,2
1980 75,0 62,9 68,8 83,4 75,1 85,2 79,9 42,4 79,0 78,8 82,2 – 82,2 88,2 80,4 71,3 92,8 – 98,4
1985 73,6 71,7 66,7 81,8 75,1 84,4 81,1 40,7 78,6 76,9 81,0 – 77,4 87,0 77,1 70,7 89,2 – 96,5
1990 71,8 68,1 66,1 88,9 74,6 82,3 78,7 40,8 80,9 74,5 84,2 – 74,7 86,8 78,1 77,1 98,5 – 94,5
1991 73,1 67,8 65,5 88,1 74,6 83,3 78,9 42,1 81,1 74,7 75,7 – 77,2 87,0 78,3 77,2 97,3 – 94,2
1992 74,2 67,8 65,8 88,9 74,1 83,0 78,8 42,8 79,6 74,6 76,1 – 77,8 85,1 76,3 76,9 98,8 58,0 94,8
1993 73,0 67,3 65,1 88,9 73,1 82,9 78,6 43,4 77,1 74,2 75,8 – 77,8 83,7 72,9 78,4 100,0 58,0 93,3
1994 73,5 68,5 63,4 87,9 71,8 83,0 78,6 44,3 75,2 78,4 – – 76,0 84,0 70,6 79,1 – 58,0 94,5
1995 73,5 – – 87,8 – – 78,2 48,4 – 78,4 – – – 84,1 70,0 – – – –
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Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Hongrie Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Mexique Norvège
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Nouvelle-Zélande 80,6 Pays-Bas 33,3 Portugal – République tchèque – Royaume-Uni 85,2 Suède 72,6 Suisse 61,3 Turquie – Moyenne 63,9 Moyenne sans États-Unis 66,9
1965 – 68,7 – – 85,8 79,5 60,8 – 68,6 71,8
1970 80,3 84,3 59,0 – 87,0 86,0 63,9 37,3 71,6 73,9
Source : Statistiques de la santé de l’OCDE, 1996.
1975 83,9 73,4 58,9 – 91,1 90,2 68,9 49,0 76,2 77,9
1980 83,6 74,7 64,3 – 89,4 92,5 67,5 27,3 76,1 78,2
1985 86,3 75,1 54,6 – 85,8 90,2 66,1 50,2 75,7 77,5
1990 82,2 72,4 54,6 – 84,1 89,7 68,4 35,6 75,3 77,2
1991 79,0 73,8 55,5 – 83,7 88,3 68,6 65,7 76,3 78,2
1992 76,6 77,4 56,0 – 84,5 85,2 70,1 46,1 74,8 76,5
1993 75,9 78,2 55,7 – 84,8 83,5 71,8 52,3 74,6 76,3
1994 76,9 77,6 55,8 – 84,1 83,4 71,8 58,1 73,7 75,3
1995 – 77,5 56,0 – – – – – 72,7 75,7
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Tableau 2 (suite)
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Tableau 3 Le poids du paramètre : valeur et classement des dépenses de santé (1993) dans les pays de l’OCDE selon différentes méthodes de calcul
% du PIB Nominal ($) PPA PPA (santé) par habitant par habitant par habitant
Valeur Rang Valeur Rang Valeur Rang Valeur Rang
États-Unis
14,3
1
3 299
1
3 299
1
3 299
5
Canada
10,2
2
1 943
9
1 971
4
3 020
10
France
9,8
3
2 129
6
1 835
5
4 128
1
Suisse
9,5
4
3 294
2
2 283
2
3 801
3
Autriche
9,4
5
2 117
7
1 777
7
3 157
6
Allemagne
9,3
6
2 308
4
1 815
6
3 076
8
Pays-Bas
9,0
7
1 760
11
1 631
8
2 842
12
Finlande
8,8
8
1 449
16
1 363
15
2 355
15
Italie
8,6
9
1 485
15
1 523
12
3 008
11
Australie
8,6
9
1 392
17
1 493
14
2 733
13 7
Islande
8,3
11
1 902
10
1 564
11
3 100
Belgique
8,3
11
1 727
13
1 601
9
3 061
9
Suède
7,6
13
1 598
14
1 266
17
2 157
17
Irlande
7,4
14
884
21
922
21
1 473
21
Portugal
7,4
14
630
22
866
22
1 368
22
Norvège
7,3
16
1 962
8
1 592
10
2 702
14
Nouvelle-Zélande 7,3
16
961
19
1 179
19
2 092
19
Espagne
7,3
16
890
20
972
20
1 925
20
Royaume-Uni
6,9
19
1 161
18
1 213
18
2 328
16
Danemark
6,8
20
1 756
12
1 296
16
2 097
18
Japon
6,6
21
2 463
3
1 495
13
3 858
2
Luxembourg
6,2
22
2 284
5
1 993
3
3 777
4
Grèce
4,6
23
402
23
500
23
1 059
23
Turquie
2,6
24
79
24
146
24
333
24
La parité des pouvoirs d’achat (PPA) par habitant, mesure plus subtile, se calcule en comparant les prix de produits identiques pratiqués dans différents pays et en les divisant par la population. Cela permet d’éliminer les disparités de prix entre pays. En comparant ainsi, les résultats canadiens sont moins impressionnants, puisque le pays se classe quatrième (1 971 $ par habitant), derrière les États-Unis (3 299 $ par habitant), la Suisse (2 283 $ par habitant), et le Luxembourg (1 993 $ par habitant). Là encore, on ne peut faire la part de facteurs tels que la quantité de soins consommés, les prix payés aux médecins et les coûts globaux des soins. Une variante de la mesure, la PPA
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(santé), porte sur le coût d’un panier équivalent de biens et de services de santé dans les différents pays. Dans ce cas, le Canada se classe dixième (3 020 $), la France venant en tête (4 128 $), suivie du Japon (3 858 $). Manifestement, le choix de l’élément de comparaison change sensiblement le classement international des dépenses de santé. En outre, souvent, les différences absolues ne sont pas importantes, ce qui signifie que des variations relativement minimes peuvent avoir une assez grande incidence sur le classement international. La persistance à utiliser le ratio entre les dépenses de santé et le PIB comme référence pour mesurer les coûts ne semble pas étrangère à l’impression qu’il y aurait eu une explosion des coûts dans le système de santé du Canada. Cependant, en tant que guide d’initiative, ce ratio est trompeur pour plusieurs raisons. Premièrement, comme le fait remarquer Evans (1993), un ratio du PIB a un numérateur et un dénominateur. Un des rapports les plus clairs est celui qui existe entre la richesse nationale et les dépenses de santé, conclusion réitérée par la plupart des six études examinées. Par exemple, dans ses régressions, Arweiler (1998) note que le PIB par habitant explique plus de 90 % de la variance des dépenses de santé entre les pays de l’OCDE et que la consommation canadienne (en quantité de soins) se situe dans l’intervalle de confiance (c.-à-d. correspond à ce qui était prévu par rapport à la richesse nationale). Les régressions de Contandriopoulos (1998) aboutissent à des conclusions similaires. Dans une économie performante, même des dépenses assez élevées peuvent représenter un petit pourcentage du PIB. Par exemple, les dépenses du Japon par habitant peuvent sembler énormes, bien que l’économie nippone, très saine, donne à penser que ce pays maîtrise les coûts. Les résultats étaient similaires en Alberta pendant le boom pétrolier. Inversement, dans une économie précaire, des coûts relativement stables peuvent représenter une proportion croissante de la richesse nationale. La performance apparemment médiocre du Canada tient en grande partie davantage à une récession, qui a entamé l’aptitude à maintenir des niveaux de dépenses hérités de résultats économiques antérieurs, qu’à des dépenses de santé « effrénées ». Arweiler fait remarquer que la combinaison d’améliorations économiques et de volonté accrue des provinces d’utiliser leur pouvoir réglementaire a pour résultat que, depuis 1991, les dépenses de santé du Canada augmentent à un rythme plus lent que le PIB (4,19 %, contre 4,42 % ; Arweiler, 1998). Deuxièmement, le ratio dépenses-PIB est un agrégat qui cache des variations importantes. On a souvent comparé les tentatives de maîtrise des coûts de santé à un ballon que l’on dégonfle d’un côté pour le regonfler de l’autre. Ainsi, restreindre un secteur (p. ex. les hôpitaux) peut tout simplement entraîner une hausse des coûts dans d’autres secteurs (p. ex. les soins ambulatoires), les schémas de soins évoluant pour tenir compte des ressources disponibles. Malheureusement, les données existantes ne suffisent pas pour faire ce genre de calculs (les auteurs des études examinées ne s’y aventurent même pas). Pour répondre entièrement à cette « question troublante », il faut des données sur la croissance des dépenses par secteur. Pour que de telles données soient utiles, le déplacement des coûts (p. ex. des hôpitaux aux soins à domicile, aux produits pharmaceutiques, etc.) doit être minime, et les définitions de ce qui revient à
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chaque secteur doivent être stables dans le temps. (Par exemple, la chirurgie d’un jour est-elle classée sous hôpital ou sous soins ambulatoires ? Et où range-t-on les services de santé mentale ?) Troisièmement, si l’on souhaite se concentrer sur la santé de la population, il faut savoir que le type de résultats employés pour l’analyse ne fera ressortir qu’une très petite proportion des dépenses de santé. Combien d’interventions influeront directement sur l’espérance de vie ou sur la mortalité infantile ? Les mesures existantes ne donnent qu’une idée imparfaite de la morbidité et risquent donc de minimiser considérablement le rôle des prestations de santé. Ainsi, dans son étude, le Centre de statistiques internationales du CCDS (1998) ne trouve aucun lien marqué entre les dépenses et l’état de santé (du moins en ce qui concerne l’espérance de vie et la mortalité infantile). Ce n’est pas surprenant, étant donné le peu d’interventions mé dicales destinées à influer directement sur ces résultats. Cependant, les mêmes auteurs ne trouvent aucune corrélation entre ces résultats et des facteurs comme la sécurité du revenu, l’éducation ou les programmes relatifs au marché du travail, malgré un lien manifeste entre ceux-ci et les déterminants de la santé. Cela tient peut-être au fait que les méthodes d’évaluation actuelles des résultats sur le plan de la santé sont très incomplètes, et les politiques élaborées sur cette base risquent tout autant de passer à côté d’améliorations (ou de dégradations) sensibles de la santé d’une population. Quatrièmement, bien des décisions concernant les dépenses sont prises en fonction d’objectifs stratégiques sans rapport aucun avec les résultats sur le plan de la santé, même si l’on pouvait mieux les évaluer. La décision d’augmenter le salaire des travailleurs de la santé, ou d’instaurer une parité salariale, ou encore de maintenir un service dans une collectivité rurale, n’est pas motivée par la santé même. À ce propos, Contandriopoulos (1998) fait remarquer qu’il soupçonne les prix d’être un facteur clé dans la performance canadienne. Enfin, les sciences politiques reconnaissent une série d’« instruments directeurs » dont se servent les gouvernements pour influer sur l’activité du secteur privé (Doern et Phidd, 1992). Il s’agit, entre autres, de l’« exhortation », des « dépenses », de la « régle mentation » et de l’« étatisation ». Les ouvrages de sciences politiques insisteront sur le fait qu’un gouvernement peut maîtriser les coûts de bien des façons et que le pouvoir de réglementer les secteurs peut se révéler plus efficace que des dépenses. (Les dépenses publiques ne permettent pas en elles-mêmes de maîtriser les coûts. Elles facilitent tout simplement l’application de la réglementation une fois que le gouvernement a choisi d’exercer son pouvoir d’achat monopsonique.)
La quantification des dépenses de santé est loin d’être une science exacte
Si le choix d’un bon élément de comparaison est certainement important, en revanche, les complexités de la production de données sur les dépenses de santé à une échelle nationale et les problèmes que pose leur transcription pour les besoins d’études internationales peuvent augmenter le risque d’interprétation erronée. Il est donc très
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difficile de se fier aux comparaisons internationales. Arweiler (1998) fait remarquer que les données ne sont pas nécessairement comparables, car il est difficile de tenir compte des caractéristiques socioculturelles, économiques et médicales de tous les pays, et parce que ces caractéristiques n’entrent pas dans le calcul des indices de prix. « En effet, comme les définitions des dépenses de santé sont différentes d’un pays à l’autre, ce ne sont pas les mêmes relations qui sont mesurées dans tous les pays, puisque les variables diffèrent d’un pays à l’autre. » Donc, des définitions des soins différentes peuvent entraîner des interprétations erronées dans un certain nombre de domaines. Par exemple, l’étude des données sur les dépenses de santé produites par Santé Canada (Santé Canada, 1996) semble indiquer que, dans l’interprétation distincte qu’elle en donne, l’OCDE sous-estime peut-être de 2 % la part du financement public retenue pour les comparaisons internationales. Lorsqu’on décompose les données relatives aux dépenses, d’autres problèmes deviennent manifestes. Dans le secteur des médicaments, par exemple, la base de données de l’OCDE estime que 25 % des produits pharmaceutiques sont financés par des fonds publics (Kennedy, 1998), alors que Santé Canada se rapproche davantage de 33 %. Fait sans doute encore plus intéressant, l’interprétation que l’OCDE propose des données risque d’amener à sous-estimer la part des fonds publics dans le secteur des médicaments. Dans les données sur les dépenses de santé canadiennes, les dépenses de médicaments des hôpitaux, les médicaments fournis directement par les médecins et les dépenses d’immunisation n’entrent pas dans les dépenses globales de médicaments. Cela ne change certes pas l’élément public dans le total des soins de santé, mais on peut arriver à une interprétation erronée des données aux niveaux sectoriel et sous-sectoriel. Ainsi, on estime à 5 % la part des médicaments dans les dépenses des hôpitaux. Si l’on parle de pourcentage de dépenses publiques allant aux médicaments (au lieu de pourcentage des dépenses hospitalières), on se rapproche davantage de 40 %, plutôt que des 33 %, qui ressortaient de l’examen initial des données de Santé Canada. Plusieurs problèmes potentiels risquent de mettre en jeu la stabilité des données sur les dépenses de santé canadiennes. La source des données devient un problème, notamment lorsqu’on décompose les données pour connaître les dépenses privées (Phillips, communication personnelle). Les données provenant des hôpitaux, des médecins et des commissions des accidents du travail sont généralement acceptées comme étant de bonne qualité, car leurs sources sont bien réglementées. De même, les données fournies par les sociétés d’assurance privées permettent d’en savoir plus sur leurs dépenses (encore que la qualité des données puisse varier d’une société et d’un régime d’assurance à l’autre). Malheureusement, les données ne sont pas aussi solides pour les dépenses privées variables. Ces données proviennent principalement d’enquêtes et autres tableaux effectués pour estimer le montant des frais et débours divers dans un certain nombre de domaines, tels ceux des fournisseurs de soins non conventionnels, des médicaments sur ordonnance, des soins à domicile et des ambulances. Comme nous le voyons au tableau 4, dans plusieurs catégories de dépenses entrant sous « autres », la part des dépenses privées n’est pas précisée, et l’on pense d’instinct que ces dernières sont sous-estimées.
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La combinaison public-privé dans les dépenses de santé canadiennes, par sous-catégorie de dépenses, 1992
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Tableau 4 Sous-catégorie Secteur public Secteur privé Public Privé Total (millions $) (millions $) % % (millions $) 24 369,1 4 944,2 10 368,7 965,7
2 408,9 1 889,9 95,2 4 947,2
91,0 72,3 99,1 16,3
9,0 27,7 0,9 83,7
26 778,0 6 834,1 10 463,9 5 912,9
326,8 638,9
4 269,8 677,4
7,1 48,5
92,9 51,5
4 596,6 1 316,3
198,2 2 05,6 18,7 2,4 4,5 209,4 2 862,6
– – – – – – 5 589,0
33,9
66,1
8 451,6
2 862,6 0 0
3 187,5 1 122,7 1 278,8
47,3 0 0
52,7 100,0 100,0
6 050,1 1 122,7 1 278,8
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Hôpitaux Autres établissements Médecins, psychologues Autres professionnels dont : Dentistes, denturologistes Autres professionnels dont : Chiropraticiens Optométristes, orthoptistes Podiatres Ostéopathes, naturopathes Infirmières particulières Physiothérapeutes Médicaments dont : Médicaments sur ordonnance Médicaments en vente libre Fournitures des personnels de santé
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Sous-catégorie Secteur public Secteur privé Public Privé Total (millions $) (millions $) % % (millions $) Capital Autres dépenses dont : Soins à domicile Ambulances Lunettes Prothèses auditives Appareils médicaux Services non précisés Gestion par paiements anticipés Santé publique Recherche en santé Soins de santé divers Autres soins de santé privés Toutes catégories
1 721,4 6 646,2
557,1 2 666,8
915,6 783,2 18,1 11,9 294,0 216,9 416,3 3 280,5 463,8 245,8 –
– – 1 295,3 – – – 808,2 – 264,2 – 299,2
51 877,9
18 154,1
75,5 71,4
24,5 28,6
2 278,5 9 313,0
1,4
98,6
1 313,4
34,0
66
1 224,5
63,7
36,3
728,0
74,1
25,9
70 032,0
Source : Santé Canada, 1996, Les dépenses nationales de santé au Canada, 1975-1994, tableau 13A.
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Tableau 4 (suite)
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Comme l’a demandé le groupe de travail, nous avons dressé des tableaux où ces dépenses sont décomposées par secteur pour le Canada (tableau 5) et pour les pays de l’OCDE (tableau 6). Ils sont cependant à interpréter avec prudence (voir l’annexe). Tableau 5 La combinaison public-privé dans les dépenses de santé canadiennes, par sous-catégorie de dépenses (1975-1994) Année Total Public Public Privé Privé (millions $) (millions $) (%) (millions $) (%) Hôpitaux 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
5 512 6 406 6 838,7 7 441,2 8 172,7 9 395,2 11 131 13 234,7 14 557,6 15 449,4 16 383,6 17 737,1 19 111,3 20 471,1 22 361 23 870,5 25 725,1 26 778 27 138,8 26 999,1
5 196,2 6 029 6 421,5 6 924,2 7 549,6 8 650 10 231,2 12 147,4 13 317,5 14 043,6 14 863,7 16 099,9 17 340,6 18 652,2 20 454 21 811,8 23 499 24 369,1 24 543,2 24 206
94,3 94,1 93,9 93,1 92,4 92,1 91,9 91,8 91,5 90,9 90,7 90,8 90,7 91,1 91,5 91,4 91,3 91 90,4 89,7
315,7 377 417,2 517 623 745,2 899,8 1 087,3 1 240,1 1 405,8 1 519,9 1 637,2 1 770,7 1 818,9 1 907 2 058,6 2 226,1 2 408,9 2 595,6 2 793,1
5,7 5,9 6,1 6,9 7,6 7,9 8,1 8,2 8,5 9,1 9,3 9,2 9,3 8,9 8,5 8,6 8,7 9 9,6 10,3
328,4 369,6 401,8 484,4 590,5 718,6 743,6 853,7 947,5
29,2 27 25,5 26,2 27,2 28,3 25,8 25,6 25,6
Autres établissements 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983
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1 124,3 1 367,8 1 575,9 1 850,4 2 169,7 2 536,6 2 882,4 3 336,2 3 694,9
795,9 998,2 1 174,1 1 366 1 579,2 1 818 2 138,9 2 482,5 2 747,5
70,8 73 74,5 73,8 72,8 71,7 74,2 74,4 74,4
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Tableau 5 (suite) Année Total Public Public Privé Privé (millions $) (millions $) (%) (millions $) (%) Autres établissements (suite) 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
3 886,2 4 076,9 4 066,6 4 308,1 4 715,5 5 117,5 5 720,3 6 315,9 6 834,1 7 007,9 7 090,3
2 893,5 3 037,1 2 961,1 3 110,2 3 445,5 3 805,2 4 139,1 4 547,7 4 944,3 4 991,7 4 952
74,5 74,5 72,8 72,2 73,1 74,4 72,4 72 72,3 71,2 69,8
992,6 1 039,8 1 105,5 1 197,9 1 270 1 312,3 1 581,2 1 768,2 1 889,9 2 016,2 2 138,3
25,5 25,5 27,2 27,8 26,9 25,6 27,6 28 27,7 28,8 30,2
26,7 29,5 32,3 38,3 52,5 51,5 49,7 67,6 79,3 81,2 83,5 76,8 76,5 79,9 84,4 88,6 91,9 95,2 98,6 100,4
1,5 1,4 1,4 1,5 1,8 1,6 1,3 1,5 1,6 1,5 1,4 1,2 1 1 1 1 0,9 0,9 1 1
Médecins, psychologues 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
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1 839,9 2 071 2 284,4 2 566,7 2 857 3 287,5 3 824,8 4 420,8 5 052,6 5 525,8 6 046,7 6 675,3 7 342,4 7 948 8 516,5 9 258,3 10 219,6 10 463,9 10 362,6 10 322,6
1 813,2 2 041,5 2 252,1 2 528,4 2 804,5 3 236 3 775,1 4 353,2 4 973,3 5 444,6 5 963,2 6 598,4 7 265,8 7 868,1 8 432,1 9 169,8 10 127,7 10 368,7 10 264 10 222,2
98,5 98,6 98,6 98,5 98,2 98,4 98,7 98,5 98,4 98,5 98,6 98,8 99 99 99 99 99,1 99,1 99 99
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Tableau 5 (suite) Année Total Public Public Privé Privé (millions $) (millions $) (%) (millions $) (%) Autres professionnels 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
901,7 1 052,7 1 240,2 1 426,9 1 649,1 1 906,6 2 183,3 2 514 2 737 2 959,3 3 312 3 631,2 3 956,4 4 310,2 4 752,9 5 179,5 5 636,8 5 912,9 6 056,1 6 192,9
135,2 160,4 184,8 226,4 284,3 360,7 475,5 494,4 519,9 554,4 594,9 657,9 684,7 712,4 792,6 865,5 960,6 965,7 901,8 846,9
15 15,2 14,9 15,9 17,2 18,9 21,8 19,7 19 18,7 18 18,1 17,3 16,5 16,7 16,7 17 16,3 14,9 13,7
766,5 892,3 1 055,4 1 200,5 1 364,8 1 545,9 1 707,7 2 019,5 2 217,1 2 404,8 2 717 2 973,3 3 271,7 3 597,8 3 960,3 4 314 4 676,2 4 947,2 5 154,2 5 346
85 84,8 85,1 84,1 82,8 81,1 78,2 80,3 81 81,3 82 81,9 82,7 83,5 83,3 83,3 83 83,7 85,1 86,3
916 980,6 1 042,1 1 114 1 268,2 1 415,6 1 761 1 951,2 2 131,6 2 366 2 678,9 3 093,3 3 418 3 813 4 262,5
85,3 82,1 79,8 77,4 76,8 75,4 75,8 74,1 72,4 71,6 70,7 70,3 69,8 69,3 68,6
Médicaments 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989
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1 073,5 1 194,8 1 305,8 1 438,4 1 651,5 1 877,5 2 324,7 2 631,6 2 945,6 3 305,6 3 788,7 4 401 4 896 5 502 6 213,9
157,5 214,3 263,6 324,5 383,3 461,9 563,7 680,4 814 939,5 1 109,8 1 307,8 1 477,9 1 689 1 951,5
14,7 17,9 20,2 22,6 23,2 24,6 24,2 25,9 27,6 28,4 29,3 29,7 30,2 30,7 31,4
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Tableau 5 (suite) Année Total Public Public Privé Privé (millions $) (millions $) (%) (millions $) (%) Médicaments (suite) 1990 1991 1992 1993 1994
6 903,1 7 670,6 8 451,6 8 841,7 9 179,3
2 255,7 2 578,6 2 862,6 2 908,5 2 929 Capital
32,7 33,6 33,9 32,9 31,9
4 647,4 5 092 5 589 5 933,2 6 250,3
67,3 66,4 66,1 67,1 68,1
1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
536,9 545,3 564,7 672,5 786,9 1 054,4 1 206,7 1 467,1 1 510 1 560,9 1 839 2 026,2 2 058,4 2 022,7 2 197,9 2 231,9 2 092 2 278,5 2 290,7 2 074,3
377,2 368,2 386,4 455,1 609,6 698,9 827,4 978 1 138,6 1 196,6 1 424,6 1 576,3 1 577,7 1 436,9 1 622 1 717,3 1 610,7 1 721,4 1 755,6 1 549,7
70,3 67,5 68,4 67,7 77,5 66,3 68,6 66,7 75,4 76,7 77,5 77,8 76,6 71 73,8 76,9 77 75,5 76,6 74,7
159,6 177,1 178,3 217,4 177,3 355,4 379,3 489,1 371,4 364,3 414,4 449,9 480,7 585,8 575,9 514,6 481,3 557,1 535,1 524,6
29,7 32,5 31,6 32,3 22,5 33,7 31,4 33,3 24,6 23,3 22,5 22,2 23,4 29 26,2 23,1 23 24,5 23,4 25,3
70 72,5 71,9 72,3 73,2 73,8 72,8 74,6
380,1 401,9 474,1 491,1 536,9 614,4 785,4 840,9
30 27,5 28,1 27,7 26,8 26,2 27,2 25,4
Autre 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982
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1 266,6 1 461,4 1 687,9 1 772,7 2 001,6 2 340,7 2 888,7 3 305,7
886,5 1 059,5 1 213,8 1 281,6 1 464,7 1 726,3 2 103,3 2 464,7
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Tableau 5 (suite) Année Total Public Public Privé Privé (millions $) (millions $) (%) (millions $) (%) Autre (suite) 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
3 667,3 4 123,4 4 591,3 5 017 5 351,2 6 081,5 7 074,9 7 878 8 630,3 9 312,9 10 077,7 10 604,2
2 698,7 2 961,3 3 304,8 3 610,4 3 865,9 4 311,7 4 899,2 5 558 6 117,5 6 646,1 7 087,2 7 355,6
73,6 71,8 72 72 72,2 70,9 69,2 70,6 70,9 71,4 70,3 69,4
968,6 1162,1 1286,6 1406,6 1485,2 1769,8 2175,7 2320 2512,8 2666,8 2990,5 3248,6
26,4 28,2 28 28 27,8 29,1 30,8 29,4 29,1 28,6 29,7 30,6
76,4 77,1 76,8 76,3 76,1 75,7 76,1 76,4 76,7 76,2 75,7 75,3 75,1 74,7 74,6 74,6 74,6 74,1 73,1 71,8
2 893,1 3 227,9 3 601,2 4 062,6 4 613,3 5 446,6 6 326,5 7 309,5 7 955,6 8 776,8 9 740,1 10 742,7 11 700,8 12 935,1 14 278,1 15 524,4 16 848,4 18 154,1 19 323,5 20 401,2
23,6 22,9 23,2 23,7 23,9 24,3 23,9 23,6 23,3 23,8 24,3 24,7 24,9 25,3 25,4 25,4 25,4 25,9 26,9 28,2
TOTAL 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
12 254,8 14 099 15 497,6 17 168,8 19 288,5 22 398,4 26 441,5 30 910,1 34 165,1 36 810,4 40 038,2 43 554,4 47 023,6 51 050,9 56 234,7 61 041,6 66 290,3 70 032,1 71 775,3 72 462,6
9 361,7 10 871,1 11 896,4 13 106,1 14 675,2 16 951,7 20 115 23 600,6 26 209,5 28 033,6 30 298,1 32 811,8 35 322,9 38 115,8 41 956,6 45 517,3 49 441,8 51 878 52 451,9 52 061,4
Source : Santé Canada, 1996, Les dépenses nationales de santé au Canada, 1975-1994, tableaux 10A, 11A et 2A.
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Pourcentage des dépenses publiques des pays de l’OCDE, par catégorie, 1991-1995 Ordonnances Hôpitaux de courte durée Médecins
1991 1992 1993 1994 1995 1991 1992 1993 1994 1995 1991 1992 1993 1994 1995
Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Danemark Espagne États-Unis Finlande France Grèce Hongrie Irlande Islande Italie Japon Luxembourg Mexique
69,7 42,5 60,7 48,9 33,6 48,7 73,3 11,6 47,8 61,6 24,9 – 58,2 68,5 63,1 – 84,6 –
70,0 46,6 62,6 48,3 33,9 52,8 76,1 11,5 45,4 61,9 24,1 – 61,1 67,5 56,9 – – –
66,1 46,7 63,1 43,7 32,9 50,4 – 12,2 44,3 61,6 – – 62,5 63,0 48,9 – – –
– – – – – – – 88,5 – – 76,3 75,7 75,7 – – 80,7 64,3 – – – – – – – 45,3 – – – – – – – 31,9 – 91,3 91,0 90,4 89,7 – 99,1 51,1 – 100,0 100,0 100,0 – – – – – 80,8 – – – – – 12,7 – – – – – – 31,0 45,6 – 93,9 92,7 97,7 89,8 – – 61,0 – 90,1 90,8 90,4 89,9 – 62,9 – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – 66,1 66,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 78,0 41,0 38,4 – – – – – 68,5 – – – – – – – 85,6 – – – – – – – – – – – – – – – –
88,3 81,6 – – 99,1 – – 30,2 – 61,8 – – 65,6 71,9 67,1 85,5 68,5 –
88,0 82,8 – – 99,0 – – 30,9 – 60,1 – – – 73,6 60,9 85,8 86,8 –
87,9 – – – – – – – 99 – – – – – 32,1 – – – 59,4 – – – – – – – 73,6 73,4 57,5 55,0 – – – – – –
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Tableau 6
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Tableau 6 (suite) Ordonnances Hôpitaux de courte durée Médecins 1991 1992 1993 1994 1995 1991 1992 1993 1994 1995 1991 1992 1993 1994 1995
Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Portugal République tchèque Royaume-Uni Suède Suisse Turquie
39,2 67,7 66,7 63,0 – 64,8 71,7 56,5 –
– 70,9 94,3 61,4 – 63,6 70,6 60,1 –
Source : OECD Health Data, 1996.
– 66,2 94,4 61,8 – 63,4 68,9 – –
– – 91,2 62,5 – 64,3 70,8 – –
– – – 98,0 – 69,3 – – – – – 85,7 – – – – – –
– – 98,0 87,6 72,4 74,1 – – – – 86,1 85,8 – – – – – –
– – 73,0 – – – – – –
– – – – – – – – –
– – 80,1 80,1 52,9 51,2 – – – – – – – – 79,5 79,0 – –
– – 51,4 – – – – – –
– – 53,1 – – – – – –
– – – – – – – – –
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Analyse
À l’heure actuelle, la tendance est au transfert d’activités des secteurs les plus lourdement réglementés aux secteurs où il semble moins possible d’exercer un contrôle sur les coûts. On ne saurait, sur la base de ces données, écarter l’hypothèse que le problème des prix est peut-être localisé dans ces secteurs moins réglementés. Cela étant, et sous réserve des limitations des données, les études examinées semblent indiquer que c’est précisément dans les secteurs bénéficiant d’un important financement public (p. ex. les hôpitaux) que l’on maîtrise le mieux les coûts, et que c’est là où le secteur privé joue le plus grand rôle que la maîtrise des coûts est le plus problématique (p. ex. les produits pharmaceutiques). Cependant, cette conclusion peut ne pas s’appliquer également à différents secteurs. Elle risque aussi de masquer l’incidence du prix des soins médicaux. Considérez, par exemple, les trois conclusions que Contandriopoulos tire de son examen de la performance relative du Canada et de 24 autres pays de l’OCDE : • L’état de santé de la population canadienne est l’un des meilleurs au monde. • Les ressources médicales – nombre de lits et de médecins – sont moins abondantes en moyenne que dans les autres pays de l’OCDE. D’après le rapport, le Canada se classe 16e sur 24 pour ce qui est du nombre de lits par habitant et 17e pour ce qui est du nombre de médecins par habitant, ce qui, toujours d’après le rapport, n’est pas le signe d’une pénurie, mais bien d’une gestion efficace. • Le Canada fait partie des trois pays de l’OCDE qui dépensent le plus pour la santé. (Adapté de Contandriopoulos, 1998.) Cette étude laisse entendre que le problème, c’est « le prix de ces ressources ». De même, Arweiler (1998) fait remarquer ceci : « Le Canada ayant des dépenses réelles de santé élevées et des niveaux de consommation se rapprochant de la moyenne des pays de l’OCDE, on peut conclure que les prix relatifs des soins de santé au Canada semblent élevés par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. » Cette conclusion pose cependant un problème, à savoir que l’auteur part du principe qu’il existe une homogénéité entre les secteurs. Or il se peut que les données globales cachent une variation considérable dans les coûts et les résultats. Par exemple, il est possible que l’on maîtrise le coût des ressources dans les secteurs réglementés et bénéficiant d’un financement public, mais que les prix soient élevés dans les volets « privés ». Bien qu’aucune donnée ne permette de vérifier cette hypothèse, il est possible de tirer certaines conclusions des études portant sur deux secteurs particuliers – les hôpitaux et les produits pharmaceutiques. L’étude de Scott (1998) se concentre sur une comparaison internationale du secteur hospitalier. Toutefois, la principale variable examinée est la part relative des dépenses de santé, et non les dépenses hospitalières en soi. D’où un problème de définition (p. ex. à quels secteurs sont allouées des activités particulières dans des pays donnés) qui pourrait compliquer grandement une telle analyse. Ainsi, l’utilisation des ratios de lits ne reflétera sans doute pas le recours aux soins ambulatoires ou à la chirurgie de jour en remplacement de soins avec hospitalisation. En outre, cette étude met l’accent sur les méthodes de paiement (remboursement) des hôpitaux.
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Or, la plupart des pays utilisant des budgets globaux, la variance est minime. Scott conclut que la part des dépenses de santé totales allant aux hôpitaux de courte durée diminue avec le temps, mais reste l’élément dominant de ces dépenses, et il souligne que le Canada compte moins de lits pour 1 000 habitants, mais plus de ressources en personnel par lit occupé (le Canada est passé de 2,56 travailleurs de la santé par lit en 1980 à 3,31 en 1990, tandis que la moyenne de l’OCDE est passée de 1,8 en 1980 à 2,4 en 1992). Plus particulièrement, le Canada a deux fois plus de personnel infirmier, ce qui reflète sans doute, en partie, la croissance des soins ambulatoires. Le Canada a réduit la part des dépenses totales allant à des hôpitaux (tous types d’établissements confondus) qui est passée de 54 % en 1975 à 48 % en 1991. Scott conclut son étude en disant que le Canada semble dépenser en moyenne 5 % de moins que les autres pays de l’OCDE (p. 12). Par contraste, Kennedy (1998) se penche sur le secteur pharmaceutique. Elle commence par préciser que l’on peut difficilement généraliser, car les programmes diffèrent d’une province à l’autre. De plus, « certaines parties du marché canadien font l’objet de pressions qui tendent à contrôler les prix ; celles-ci découlent, par exemple, de la négociation à l’échelle provinciale, du prix des médicaments selon un index comparatif, ainsi que des pratiques d’achat par soumissions que suivent nombre d’hôpitaux et de groupes hospitaliers ». Cependant, deux observations clés sont formulées. D’abord, « au cours de la période de dix ans étudiée, le Canada a manifestement affiché le plus mauvais rendement pour ce qui est de la maîtrise de ses coûts ». Si l’on utilise la PPA, le Canada se trouve à la médiane, sur le plan des dépenses, mais, affiche la plus forte augmentation générale des dépenses propor tionnelles pour des produits pharmaceutiques (en % des dépenses de santé totales, toutes sources confondues) pendant la période allant de 1980 à 1993. Ensuite, « à 25 %, le pourcentage de financement public du Canada est bien en deçà de celui de la plupart des pays de référence ». (Notez que ces chiffres sont en contradiction avec le tableau 5.) Kennedy laisse clairement entendre qu’il existe un lien entre des dépenses accrues et une part inférieure de financement public. Elle explique par ailleurs que l’on obtiendrait de meilleurs résultats en ce qui concerne la maîtrise des coûts pharmaceutiques en agissant sur les budgets globaux, ce qui suppose l’abandon de la formule de la rémunération à l’acte. Cependant, il est évident qu’il est difficile d’appliquer des budgets globaux avec divers payeurs. Si la proportion publique des dépenses n’augmente pas, des mécanismes de réglementation seront nécessaires pour limiter tant la quantité (utilisation) que les prix. Kennedy fait également remarquer, dans son étude, qu’il pourrait y avoir des incidences sur l’accès, l’équité et la santé dans le système actuel. Par exemple, la sous-utilisation de médicaments nécessaires aura-t-il des effets à long terme sur les personnes en cause ?
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Deuxième question (question supplémentaire) : le cas du Royaume-Uni
Comment se fait-il que des pays comme l’Angleterre puissent conserver un secteur privé assez constant sans que cela entraîne la « spirale descendante » à laquelle semble voué un système de type américain ?
Il importe, avant d’essayer de répondre à cette question, de préciser ce que l’on entend par « secteur privé » au Royaume-Uni. Il y a peu encore, le National Health Service (NHS) était financé par des fonds publics, et la prestation des services était, elle aussi, publique. Les consultants (spécialistes) qui travaillaient dans les hôpitaux avaient statut de fonctionnaire. Les médecins généralistes recevaient de l’État un paiement par capitation pour les soins dispensés à un certain nombre de patients. Ce que l’on qualifie de « privatisation » touche, pour l’essentiel, à la prestation – autrement dit, les prestataires de soins sont passés du statut de fonctionnaire à celui d’employé de « groupes » privés, qui n’en continuent pas moins de fonctionner avec des fonds publics. Comme le font remarquer Deber et ses collaborateurs (1998), rien ne porte à prédire une spirale descendante avec ce type d’activités. Deux types de pratiques peuvent poser des problèmes : – le financement privé. Il n’existera de marché pour des soins dont le financement est privé que si les soins financés par des fonds publics sont insuffisants. Il pourrait donc y avoir des incitations à laisser le secteur public se détériorer. Des problèmes d’accès et d’équité pourraient également se poser, et il est probable que les coûts augmenteraient. – les acheteurs multiples (même avec des fonds publics), si des mesures de protection ne sont pas prises pour empêcher un « écrémage » des populations à faible risque. Il est important de savoir que le secteur privé ne cherche pas à faire double-emploi avec le NHS. Il occupe un créneau de procédures assez simples, habituellement non urgentes, et laisse tout le reste au NHS. À ce jour, on ne souhaite guère modifier la base de financement du système (le système britannique était financé à 83,7 % par des fonds publics, comparativement à 74,6 % pour le Canada en 1991). Comme le rappelle Klein (1995, p. 141), le gouvernement Thatcher avait envoyé un fonctionnaire étudier sur place les différents systèmes européens de financement des soins de santé, et l’analyse qui en était résultée avait confirmé la conclusion selon laquelle « à bien des égards, notre système de financement centralisé permet une meilleure maîtrise des coûts ». En outre, le gouvernement a tenu compte du fait que le public était très favorable au NHS. Le principal élément de médecine privée est donc marginal, à l’origine, dans le NHS. Comme le fait remarquer Klein (1995), la « privatisation » récente au sein du NHS est « plus complexe que les stéréotypes ou la rhétorique politique le laisseraient supposer » (p. 155). Elle comporte, pour les services publics, le paiement d’un ticket modérateur qui ne représente pas une proportion importante des coûts (tableau 2 ; le Royaume-Uni a une plus forte proportion de financement public que la plupart des autres pays). Elle comprend également une part d’impartition et d’autres façons de
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permettre au secteur privé d’assurer des services payés sur des fonds publics (y compris les hôpitaux privés, s’ils sont autorisés à faire concurrence aux groupes hospitaliers). La principale question qui se pose est donc celle de l’existence de régimes d’assu rance privés couvrant des soins que le NHS aurait pu proposer autrement. Ce secteur connaît une croissance parallèle à celle de la classe moyenne britannique. Klein fait remarquer qu’en 1980, 6,4 % de la population seulement était couverte par des régimes d’assurance privés, mais qu’à la fin de la décennie on était passé à 11,5 % (27 % dans les professions libérales et 23 % dans le patronat et parmi les cadres ; p. 155-156). D’après les estimations actuelles, ils couvrent aujourd’hui environ 12 % de la population (Law, communication personnelle). Dans les études antérieures du NHS, la question du secteur privé était souvent traitée à la rubrique des « lits payants », souvent situés dans des hôpitaux du NHS et que les consultants (spécialistes) utilisaient pour l’hospitalisation payante de leur clientèle privée. Ces lits n’étaient pas nouveaux. En fait, ils existaient depuis la création du NHS et résultaient du compromis conclu en 1946 entre Bevan et la profession médicale (Klein, 1995, p. 106-107). En 1974, on dénombrait 4 500 lits payants, qui accueillaient quelque 120 000 patients par an. Ce nombre représentait à peine plus de 1 % des lits du NHS et 2 % des cas non psychiatriques traités par le NHS (p. 107). Pour l’essentiel, les spécialistes ne travaillaient pas à temps partiel, car ils passaient le reste de leur temps dans le NHS. Quant à l’exercice privé de la médecine générale, il était presque inexistant. Ce mini-volet privé était une concession à l’esprit de classe de la société britannique. Le NHS ne permettait pas de choisir un médecin et, en payant, ce n’est pas un choix de traitement que l’on achetait, mais « seulement le droit d’être traité par un consultant de son choix, en bénéficiant d’une chambre privée » (p. 107). Autrement dit, le système public semblait insuffisant pour la classe moyenne, quant aux possibilités de choix de procédures non urgentes, mais parfaitement satisfaisant pour la plupart des autres choses. Au milieu des années 1970, la question des lits payants s’est politisée. On craignait en effet l’apparition de passe-droits si les consultants admettaient leurs propres patients avant d’autres gens inscrits sur des listes d’attente. Dans ce cas encore, c’était reconnaître les insuffisances du système public, s’il n’était plus possible de gérer les listes d’attente. Cependant, même cette tolérance limitée d’un volet privé suscitait des problèmes. Par définition, les médecins ayant des contrats à plein temps n’étaient pas autorisés à avoir une clientèle privée. Il y avait aussi des problèmes de répartition. Klein souligne qu’au milieu des années 1970, moins de 50 % des spécialistes avaient des contrats à temps partiel, mais qu’ils avaient tendance à se concentrer dans certaines spécialisations (p. ex. moins de 15 % des chirurgiens généralistes avaient des contrats à plein temps, contre 94 % de leurs collègues de médecine gériatrique). Les médecins avaient également tendance à aller s’installer dans les régions du pays – comme Londres – où ils avaient le plus de chances de se constituer une clientèle privée, mais où il n’y avait pas pénurie de médecins. Pour un petit nombre de médecins, ce volet privé était source de revenus assez considérables. Klein présente le cas d’un consultant qui doublait son revenu du NHS en opérant 24 patients de sa clientèle privée par an (p. 110).
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Klein explique que, pour plusieurs raisons, la croissance des régimes d’assurance privés ne représentait pas une sortie du NHS. Premièrement, la demande de soins de santé privés concernait surtout le traitement de troubles requérant une chirurgie non urgente pour laquelle la liste d’attente était longue dans le NHS. En bref, le secteur privé continuait d’offrir le traitement pour améliorer la qualité de vie des gens en âge de travailler, plutôt que de traiter des troubles aigus dans l’ensemble de la population. Au milieu des années 1980, on estimait à 16,7 % la proportion de chirurgies non urgentes, excluant les avortements, qui étaient pratiqués dans le secteur privé, en Angleterre et au Pays de Galles, cette proportion dépassant les 28 % dans le cas de l’arthroplastie de la hanche. Deuxièmement, les faits semblent montrer que la croissance du secteur privé correspondait non seulement à une insatisfaction quant à l’accès, mais aussi à une demande des consommateurs, qui souhaitaient avoir voix au chapitre sur les aspects non médicaux du traitement – chambre privée, date de l’opération – et pouvoir insister pour être soignés par un consultant. Troisièmement, on croyait sans doute que l’évolution socioéconomique de la population serait suivie d’une augmentation de ces demandes (et des moyens financiers nécessaires pour y satisfaire), qui aurait peut-être aussi tout simplement reflété le fait qu’il devenait possible à de plus en plus de gens de faire ce que les plus riches avaient toujours fait depuis que le NHS existait, c’est-à-dire s’adresser au secteur privé quand bon leur semblait. Il y a toujours eu un système de santé à deux vitesses au Royaume-Uni. La différence, dans les années 1980, tient à ce que le volet privé, à l’instar des vacances à l’étranger, est devenu plus accessible. Quatrièmement, l’expérience des années 1980 a apaisé les craintes de voir un recours accru au volet privé se traduire par un soutien moindre au principe d’un système de santé universel et financé par les impôts. Même les personnes couvertes par une assurance privée ont continué d’utiliser le NHS la plupart du temps. Ainsi, plus de la moitié des hospitalisations et les quatre cinquièmes des soins ambulatoires correspondaient à des patients du NHS, et non à des clients privés. En bref, « les consommateurs n’étaient pas passés au secteur privé : ils allaient et venaient entre celui-ci et le NHS » (p. 156-157). Il n’y a de marché pour le secteur privé que si les services publics sont insuffisants, d’une manière ou d’une autre. Au Royaume-Uni, le volet privé ne joue encore qu’un rôle très limité, puisqu’il se concentre sur les services pour lesquels les listes d’attente sont longues et sur les personnes qui souhaitent avoir plus de latitude dans le choix du médecin (aspects que le système canadien actuel offre déjà). Les services de soins primaires sont solides – et publics –, et ils jouent sans doute un rôle dans le respect des idéaux du NHS. La séparation entre acheteur et prestataire a permis d’obtenir plus de précisions sur les processus et les résultats, et la mise en évidence d’insuffisances a entraîné des pressions en vue d’y remédier à l’intérieur du système public. La réponse des pouvoirs publics britanniques est instructive. Ils ont augmenté les moyens du NHS afin de pallier le pire, entre autres diminuer les délais d’attente, comme le souhaitait le public. Klein fait remarquer qu’au cours des trois années allant de 1985-1986 à 1988-1989, le budget du NHS a augmenté globalement de 1,8 %, tandis qu’au cours
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des trois années suivantes, de 1989-1990 à 1991-1992, l’augmentation a été de 10,4 % (p. 218). Les hôpitaux privés ne s’en sont pas très bien sortis, et certains ont connu des faillites retentissantes (tel l’hôpital privé dans le Nord). Cependant, le Royaume-Uni semble présenter certains des inconvénients prévi sibles dans un volet privé. Premièrement, il y a des problèmes d’accès, en particulier en ce qui concerne la qualité des soins. Klein conclut que « le NHS est resté un service à plusieurs paliers, reflet fidèle de la société dans laquelle il fonctionnait » (p. 225). Law fait observer que d’aucuns se demandent à quels services les bénéficiaires d’un régime de pension de l’État ont accès, comparativement aux autres personnes. « On craint, en général, qu’en cherchant à instituer des priorités et des contrats locaux, en ce qui concerne les services de santé, on ne fasse que creuser les inégalités » en l’absence de « tout plan national/central visant à préserver des services pour les plus vulnérables » (Law, communication personnelle). Elle fait remarquer qu’il y aura plusieurs conférences cet automne sur l’équité dans le NHS – ce qui montre bien que l’inquiétude croît. Deuxièmement, les coûts semblent avoir augmenté. Les dépenses du NHS sont passées de 6 % du revenu national en 1989 à 7,1 % en 1992 (Klein, 1995, p. 240). Klein souligne que les salaires des consultants du NHS accusent généralement un retard, par rapport à de nombreuses professions comparables, et que ce retard est compensé par les honoraires réglés par la clientèle privée. En 1980, les assureurs ont versé un peu plus de 57 millions de livres sterling en honoraires médicaux. En 1988, cette somme était passée à près de 245 millions (p. 157). Dans ce laps de temps, le plafonnement de l’impôt sur le revenu pour dégrèvement fiscal au titre de l’assurance-maladie de groupe a été abaissé, ce qui est important, étant donné que la moitié de l’assurance-maladie privée est fournie par les employeurs. Les régimes se sont donc élargis aux cols blancs et même à certains travailleurs manuels (souvent par des régimes proposés par les syndicats). Ces travailleurs ont davantage recouru à leur assurance. Les sociétés d’assurance ont enregistré des pertes et, en conséquence, se sont montrées plus prudentes en ce qui concerne l’élargissement de la couverture (Ranade, communication personnelle). Troisièmement, il se peut qu’il y ait une érosion des services au sein du NHS, mais les données ne sont pas bonnes. Par exemple, environ la moitié des avortements sont pratiqués dans le secteur privé, ce qui peut dissiper l’intérêt du public pour une amélioration de ce type de services dans le secteur public. Les soins de longue durée, qui ont pour ainsi dire disparu du NHS, sont un autre secteur problématique. Cependant, l’expansion des soins de longue durée dans le secteur privé tient à ce que Klein (communication personnelle) qualifie de « glissement politique accidentel qui a rendu le financement par la sécurité sociale possible sur demande. C’est cela qui a financé l’expansion du secteur privé. Et les prestations de ce dernier continuent d’être financées en bonne partie par les pouvoirs publics locaux (qui ont remplacé la sécurité sociale à cet égard ). » Pour l’instant, ces préoccupations sont à l’état embryonnaire. Law explique que « s’il n’y a pas d’effet de spirale au Royaume-Uni, c’est essentiellement à cause du formidable attachement public, politique et professionnel au concept de service de santé national », notion cependant mise à rude épreuve par des contraintes financières
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et des objectifs imposés en matière d’efficacité. Elle fait également remarquer qu’il est très difficile d’obtenir des prestataires du secteur privé des données sur l’activité ou sur les prix, et que la situation n’est pas bien suivie. Cependant, il existe des différences géographiques considérables pour ce qui est de l’ampleur du marché privé. Glouberman (communication personnelle) fait valoir que cela traduit une hypothèse de « revenu cible » importante, surtout quand les médecins ont besoin de gains supplémentaires pour entretenir un style de vie de classe moyenne. Glouberman a recueilli des données montrant que 53 % du revenu des spécialistes londoniens provient du secteur privé. Quatrièmement, loin d’améliorer l’accès, les soins financés par des fonds privés semblent se dégrader. Glouberman a découvert qu’il y a corrélation entre la longueur des listes d’attente et l’ampleur du secteur privé. Il qualifie la médecine privée de « furoncle » du système public, dont le personnel se compose de médecins du NHS travaillant à leur propre compte et attirant leur clientèle par le biais du système public. Ils pourraient dire à leurs patients, par exemple : « Je vous vois dans trois mois dans le système public ou demain rue Harley. » En résumé, les soins de santé financés par des fonds privés jouent encore un rôle limité au Royaume-Uni. Toutefois, ils semblent connaître des problèmes de spirale (frais administratifs très supérieurs, inquiétudes quant à l’accès, etc.). À cet égard, le Parti travailliste en campagne a déjà promis de donner plus de moyens au NHS et de mettre un frein au marché interne.
Conclusions
La réponse à la question : « une répartition plus équilibrée des fonds publics dans le continuum des services de santé contribuerait-elle à un meilleur contrôle des coûts, sans pour autant compromettre leur accessibilité ? » est fonction de plusieurs hypothèses. Les services financés par des fonds publics devraient être ceux qui sont le plus « nécessaires sur le plan médical » ; des services pour lesquels l’élasticité-prix est probablement le plus faible (puisque les gens sacrifieront beaucoup pour obtenir des services qu’ils estiment indispensables à leur santé et à leur survie, et à celles de leur famille). Un plus grand financement privé risque d’entraîner des problèmes d’accès pour ceux pour qui les coûts constituent un obstacle important. Les personnes dont les soins risquent fort d’être chers (p. ex. les personnes souffrant d’une affection préexistante) peuvent se trouver dans l’incapacité totale de souscrire une assurance. Si l’État continue de financer les soins afin de garantir que personne ne sera exclu de ces marchés, le prix ne peut plus servir à établir un équilibre entre l’offre et la demande, et il est probable que les coûts grimperont en flèche. Comme Deber et ses collègues le font remarquer dans l’étude qu’ils ont préparéee pour le Forum national de la santé (1998), un financement public de source unique pour les services jugés « nécessaires sur le plan médical » semblerait donc convenir pour des raisons d’équité, de sécurité et d’efficacité.
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Nous pensons que ce raisonnement est encore valide, mais nous avons constaté que la base de la répartition actuelle des fonds n’est plus entièrement satisfaisante. La Loi canadienne sur la santé, qui s’appuie sur des lois antérieures (la Loi sur l’assurancehospitalisation et les services diagnostiques de 1957 et la Loi sur les soins médicaux de 1966), privilégie les interventions faites par des médecins et dans des hôpitaux. À l’époque, on pensait que les maladies les plus graves seraient soignées de cette façon. Cependant, la technologie évoluant, de plus en plus de soins nécessaires peuvent être dispensés dans d’autres cadres, par d’autres prestataires, sans être nécessairement couverts par l’assurance. Une meilleure utilisation de la médecine fondée sur l’expérience clinique et une plus grande attention accordée aux souhaits du patient peuvent, de fait, se traduire par une économie dans les soins dispensés par les médecins et les hôpitaux, ce qui libérera des ressources – le cas échéant – pour intégrer des services nécessaires sur le plan médical, dispensés à l’échelon communautaire, qui ne sont pas couverts mais qui devraient probablement l’être. Une solution improbable consisterait à accroître le financement des services de santé en général ; or, nul ne conteste qu’il faille augmenter la proportion actuelle du PIB. On pourrait aussi, ce qui est plausible mais difficile politiquement, transférer certains coûts du secteur privé au secteur public – par exemple, en augmentant la couverture pharmaceutique pour les affections graves. Comme le laisse entendre la recherche internationale, la maîtrise des coûts en serait probablement améliorée dans les secteurs ajoutés, car ils dépendraient moins de multiples sources de financement, et l’accessibilité serait maintenue, la nécessité de partage des coûts étant minime. Toutefois, cela ne répond pas aux autres soucis d’efficacité qui fondent la réforme de la santé depuis dix ans. Une « répartition plus équilibrée » entraînerait-elle une diminution de la pro portion du financement public des services actuels ? Toutes les données dont on dispose semblent indiquer une seule réponse à la première question, et c’est « non ». De fait, une diminution du financement public de la part hôpitaux-médecins du continuum de services de santé risque d’engendrer le pire sur tous les plans, c’est-à-dire une détérioration et de l’accès et de la maîtrise des coûts. Une réduction du finan cement public dans ces secteurs créerait le besoin de payeurs multiples, et donc un environnement où il ne serait guère possible de maîtriser les coûts et où l’accessibilité serait moindre, en raison de l’imposition probable de tickets modérateurs et de dispositifs similaires. Nous pensons également que l’amélioration du financement public des autres portions du continuum ne devrait pas se faire aux dépens des soins nécessaires aux personnes souffrant de maladies aiguës. En revanche, comme nous le soulignions plus haut, les mêmes faits donnent à penser qu’un accroissement de la proportion de financement public dans les autres secteurs permettra sans doute une meilleure maîtrise des prix et de l’utilisation de ces secteurs (soit directement, soit indirectement par des budgets globaux) et sera sans doute essentiel pour maîtriser les coûts. Enfin, réussir à maîtriser les coûts de ces secteurs actuellement « incontrôlables » permettra peut-être de réduire les dépenses de santé globales du Canada. Par exemple, les médicaments délivrés sur ordonnance – dont les coûts semblent le plus difficiles à maîtriser – sont financés, en majeure partie, par
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Raisa Deber et Bill Swan – Le financement des soins de santé : matière à réflexion
des fonds privés. Il semblerait que les médicaments que l’on ne prescrit pas de façon arbitraire (autrement dit, nous ne voudrions pas que les bénéficiaires évitent de les prendre parce qu’ils n’ont pas les moyens de se les procurer) auraient avantage à être soumis au contrôle des coûts inhérent à un système d’administration publique (mais pas nécessairement financé par des fonds publics). On pourrait y parvenir de différentes façons, allant d’un contrôle monopsonique du financement à divers mécanismes de réglementation. La méthode la plus prometteuse consistait à « libérer » les fonds publics actuels en « démolissant les silos » – c’est-à-dire à élargir l’enveloppe de services normalement couverts par un budget global pour couvrir les services qui se trouvent actuellement en dehors de la sphère publique, mais qui sont jugés « nécessaires sur le plan médical », en ayant pleinement conscience de la difficulté qu’il y a à tracer de telles démarcations. En outre, certains de ces services peuvent permettre, à la longue, de réaliser des éco nomies générales. Si tel est le cas, on peut demander qu’ils bénéficient d’un financement public. Ainsi, est-il plus rentable de prescrire un traitement principalement privé à un asthmatique ou de s’en remettre au système hospitalier public ? En se concentrant sur le traitement plutôt que sur le secteur, il est peut-être possible de redéfinir la couverture publique de manière à y inclure ce qui est efficace et pertinent, c’est-àdire de couvrir les soins indépendamment du secteur. Plusieurs modèles et plusieurs mécanismes de protection sont envisageables (p. ex. inclure les principaux produits pharmaceutiques dans les budgets de soins primaires), mais il ne nous appartient pas de les examiner ici. Il faut aussi se demander que faire des interventions jugées inutiles ou dangereuses. On peut, au nom de la liberté, faire valoir qu’il doit être possible de les acheter sur le marché privé, à condition que la publicité ne soit pas mensongère. Nous admettons qu’à notre sens, si quelque chose n’est ni efficace, ni pertinent, ni souhaitable, ce n’est la peine pour personne de l’acheter. Cependant, il est évident qu’un certain nombre d’interventions marginales présentent des avantages mineurs que la société estime ne pas devoir rendre universels. Dans ces cas, nous ne voyons pas grand mal à ce qu’ils restent des articles de consommation distribués selon le même jeu des forces du marché que la plupart des autres articles de l’économie. Là encore se posent des questions de quantification – dans quelle mesure ces choses sont-elles comprises dans les dépenses de santé, et dans quelle mesure la politique de santé devrait-elle s’y intéresser ? Il existe bien des façons d’atteindre au bien-être, et toutes n’exigent pas de dépenses publiques. Par conséquent, le financement privé de ces activités – que l’on trouve probablement en proportion démesurée dans certaines parties du continuum de soins – convient sans doute parfaitement. À présent, donc, nous recommandons, pour des raisons d’accès et de maîtrise des coûts, de prêter une attention toute particulière à la combinaison public-privé, en maintenant et en renforçant le financement public actuel des soins jugés médica lement essentiels.
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Raisa Deber est titulaire d’un doctorat en science politique du Massachusetts Institute of Technology et enseigne en politique de la santé au Département d’administration de la santé de l’Université de Toronto. Elle a abordé, dans ses écrits, son enseignement et ses consultations, plusieurs aspects de la politique de santé du Canada. Ses recherches portent présentement sur le métissage secteur public-secteur privé, sur les implications des modèles d’achat pour les services spécialisés, sur le partage de la prise de décisions et sur la respon sabilisation des patients. Remerciements Nous remercions de leur concours les personnes suivantes, qui ont bien voulu nous fournir des renseignements en temps opportun, mais qui ne doivent pas être tenues pour responsables de notre interprétation (bonne ou mauvaise) de leurs connaissances. Le professeur Rudolf Klein (Bath), Susan Law (Oxford), le professeur Wendy Ranade (Newcastle), le professeur Sholom Glouberman (King’s Fund et University of Toronto), André Grenon (Santé Canada), Gary Holmes (Santé Canada) et Karen Phillips (Santé Canada).
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Bibliographie Arweiler, D., 1998, « Comparaisons internationales des dépenses de santé », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Brousselle, A., 1998, « Contrôle des dépenses de santé : ce qui compte », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Centre de statistiques internationales au Conseil canadien de développement social, 1998, « Comparaison internationale des dépenses de santé et de l’état de santé », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Contandriopoulos, D., 1998, « Comment le système de santé du Canada se compare-t-il avec celui d’autres pays – Un aperçu », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Deber, R.B., L. Narine, P. Baranek et al., 1998, « Le financement des soins de santé : le partage entre les secteurs public et privé », étude commandée par le Forum national de la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Doern, G.B. et R.W. Phidd, 1992, Canadian Public Policy : Ideas, Structure, Process, 2e éd., Toronto, Nelson Canada. Evans, R.G., 1993, « Health care reform : “The Issue from Hell” », Policy Options, 14(6), p. 35-41. Kennedy, W., 1998, « La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada : comparaisons internationales », documents sur les comparaisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage. Klein, R., 1995, The New Politics of the National Health Service, 3e éd., New York, Longman. OCDE, 1996, OECD Health Data 96 (sur CDRom), Paris, OECD Health Policy Unit. Santé Canada, janvier 1996, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, rapport intégral, Santé Canada, Direction générale de la politique et de la consultation. Scott, G., 1998, « Comparaisons internationales du secteur hospitalier », documents sur les compa raisons internationales, étude commandée par le Forum national sur la santé, Ottawa. Cette étude est publiée dans le présent ouvrage.
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Annexe
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De l’utilisation de données internationales Il est bien connu qu’il est délicat de travailler avec des données internationales, et il est bon de formuler quelques avertissements au sujet des études examinées, étant entendu que ledit examen a été très superficiel et que les auteurs étaient sans doute très conscients de ces problèmes. Il n’est pas toujours évident que des séries de données supposées similaires mesurent la même chose. Plus l’on décompose les données en question, plus cela devient problématique. Par exemple, un examen attentif des tableaux dérivés des données de l’OCDE et de Santé Canada (tableaux 1 à 6) révèle d’étranges anomalies, telles que le 100,2 % de part publique dans les dépenses du Luxembourg en 1993, au tableau 2 (chiffre que nous avons arbitrairement ramené à 100 %). Chaque fois qu’on examine des séries chronologiques, on doit aussi se demander si les choses changent avec le temps. Pour qu’une comparaison soit valide, il faut comprendre les subtilités et savoir si des éléments ont changé de catégorie. Là encore, ces séries de données tendent à réviser des séries rétrospectivement, ce qui signifie qu’il peut s’avérer périlleux de chercher à compiler des données de sources multiples. Effectivement, les données les plus récentes de l’OCDE (OCDE, 1996) diffèrent quelque peu des données rapportées par Arweiller (1998) et dont nous nous sommes servi dans cet article pour conserver la cohérence avec les recherches antérieures. La technique des régressions linéaires est communément employée pour essayer de prédire une variable (telles les dépenses totales pour les soins de santé) grâce à la connaissance d’autres variables. Cependant, elle se fonde sur un grand nombre d’hy pothèses, entre autres qu’il n’existe pas de corrélation entre les observations (p. ex. des renseignements sur Jean ne devraient pas nous en apprendre beaucoup sur Marie). Cette hypothèse est particulièrement problématique lorsque l’on se réfère à des séries chronologiques, puisque la connaissance du montant des dépenses pour l’année t nous met sur la voie en ce qui concerne les dépenses pour l’année t+1. Plusieurs corrections sont donc généralement nécessaires. Dans certaines études, les auteurs semblent avoir mélangé, dans leurs équations de régression, des séries chronologiques et des données transversales. Par exemple, dans la version du document de Brousselle (1996) que nous avons analysée, l’auteure a établi des régressions sur 13 pays entre 1960 et 1993, faisant état, dans ses résultats, de 434 degrés de liberté. L’utilisation de données transversales et de séries chronologiques peut être entachée d’erreurs. Seuls certains progiciels de statistiques (tels que SAS-PC) comportent une procédure particulière pour le traitement de ce type de données. Or, on ne sait pas vraiment si les ajustements nécessaires ont tous été intégrés à ce document ; le moins qu’on puisse dire, c’est que la méthode utilisée a gonflé les degrés de liberté. Si aucune correction n’a été apportée, la forte autocorrélation de la plupart des séries chronologiques (et certainement des séries chronologiques de données relatives aux dépenses) a faussé les résultats. La prudence s’impose donc lorsqu’on interprète ces conclusions. Cependant, les auteurs des autres études semblent utiliser correctement leurs données et montrent la prudence voulue dans leurs conclusions. Par exemple, dans son étude sur les hôpitaux, Scott utilise des régressions sur les dépenses totales et trouve un fort élément autorégressif selon lequel les changements de politique dans le secteur hospitalier étaient généralement
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noyés sous l’effet de la richesse nationale (Scott, 1998). D’un point de vue théorique, il aurait peut-être été intéressant d’avoir d’autres estimations (p. ex. aurait-on abouti à des conclusions importantes si l’on avait essayé des équations à différences finies ?) En raison d’un manque d’uniformité dans les données étudiées, les décom positions par secteur que nous présentons (sans grand enthousiasme) à la demande du groupe de travail sont, à notre sens, assez problématiques. Nous incitons donc à la prudence dans toute tentative de débat sur la combinaison public-privé mené sur la seule base d’une analyse secondaire de ces données.
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Commentaires sur les dépenses de santé, les dépenses sociales et l’état de santé Terrence Sullivan, Ph. D. Président Institute for Work & Health
Enjeu no 4
Les dépenses consacrées à la santé et aux programmes sociaux ne sont pas corrélées avec l’état de santé, et il n’existe pas de liens particulièrement forts entre les indicateurs sociaux, tels la répartition du revenu et l’éducation et l’état de santé. Des corrélations plus fortes peuvent être établies avec un petit échan tillon de pays (p. ex. le Canada, les États-Unis et le Japon), mais sans plus. Outre la complexité qui se dégage de ces phénomènes entre des pays de cultures, d’économies et de sociétés différentes, quelles leçons faut-il en tirer en ce qui concerne la répartition des dépenses publiques et les politiques budgétaires et sociales visant à obtenir de meilleurs résultats sur le plan de la santé ?
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Table des matières
Introduction ........................................................................................................350 Vue d’ensemble des données ...............................................................................350 Hypothèses ..........................................................................................................351 Conclusions .........................................................................................................356 Bibliographie........................................................................................................358 Annexes
Annexe 1 Modèle de l’incidence de l’État et des entreprises sur le marché du travail, politiques en matière de revenus et de santé..................363
Figure 1 Influence des entreprises et de l’État, relations entre la répartition des revenus et la santé, macrodynamique et microdynamique......................... 365
Annexe 2
Tableau 1 Niveaux et tendances de la pauvreté chez les enfants et taux d’inégalités de revenu : 1967-1992....................366
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Figure 2 Comparaisons entre les répartitions du revenu réel . ....368
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Introduction
Voici de quelle manière j’ai résumé les points clés des documents précédents de ce volume sur la position internationale du Canada dans le domaine de la santé : 1) bien que le Canada ne soit pas un chef de file parmi les pays de l’OCDE avec lesquels nous l’avons comparé en ce qui concerne les indicateurs habituels relatifs aux résultats en matière de santé, il se classe parmi les dix premiers, selon l’année et les mesures utilisées ; 2) notre pays se classe parmi les quatre premiers (selon l’année et les mesures utilisées) en ce qui a trait aux dépenses consacrées à son système de prestation des service ; 3) notre pays se situe dans la bonne moyenne par rapport à ses voisins de l’OCDE en ce qui concerne la proportion des dépenses publiques, par opposition aux dépenses privées, consacrées aux soins de santé ; 4) notre pays dépense davantage pour ses ressources en soins de santé en raison du prix plus élevé de ces soins, par rapport à ceux de son voisin du Sud, et du contrôle relativement faible du coût des médecins étant donné la pratique de la médecine à l’acte ; 5) notre pays a quand même exercé un degré raisonnable de contrôle sur ses dépenses hospitalières au cours de la dernière décennie, du fait qu’il a été soumis à de grandes pressions budgétaires ; 6) notre pays a connu une croissance significative dans les soins ambulatoires ; 7) notre pays a connu des pressions croissantes dans le secteur des produits pharmaceutiques et est rapidement devenu un des dix pays qui dépensent le plus par habitant, et enfin 8) les analyses relatives aux dépenses sociales (soins autres que ceux de la santé) révèlent des relations limitées et équivoques entre les dépenses sociales et les résultats obtenus sur le plan de la santé. C’est ce dernier point qui attirera le plus notre attention aux fins du présent document, mais nous nous devons d’abord de faire certains commentaires préliminaires.
Vue d’ensemble des données
Les documents précédents s’inspirent largement des données sur la santé de l’OCDE de 1995. Bien que ces données soient une excellente source de comparaisons interna tionales, la comparaison des données provenant des différents pays de l’OCDE pose de sérieux problèmes, comme l’ont précisé Jean Pierre Poullier et ses collègues de l’OCDE. Les données ne sont pas toujours comparables, et il importe de mieux comprendre les différents systèmes de prestation de soins pour pouvoir faire de bonnes comparaisons internationales. Dans plusieurs cas, les données de l’OCDE sont tronquées aux fins de présentation et l’on a parfois supprimé des cas aberrants pour illustrer certaines relations. Mais au moins la plupart des données proviennent de la même source : l’OCDE. Contandriopoulos (1998) s’est servi de façon intéressante et créative de mesures de rendement dérivées, notamment d’un indice composite des coûts relatifs au rendement du système, fondé sur les résultats et les coûts en matière de santé. Cet indicateur permet d’adopter une certaine approche d’efficacité administrative à l’égard de différents systèmes de prestation et donne à entendre que celui du Canada produit des résultats suffisamment bons en matière de santé, mais qu’il ne fonctionne pas aussi bien que celui d’autres pays, moins développés, au sein de l’OCDE, compte tenu des dépenses
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par rapport aux résultats. Certains pourraient, bien entendu, faire valoir l’incidence très limitée des systèmes de santé sur l’ensemble des résultats obtenus en matière de santé (McKeown, 1979), mais il existe bien une certaine incidence (Bunker et al., 1994). Dans son document, Brousselle (1998) s’est servie d’une autre méthode simple de pointage pour établir un classement de contrôle des coûts en ce qui concerne les modes de rémunération des médecins. Dans les deux cas, l’utilisation des indices est intéressante et imaginative, mais difficile à interpréter. Dans tous les cas, les indicateurs de santé ont été limités aux données de l’OCDE relatives à la mortalité et à la morbidité. Cette source de données ne contient pas encore de données comparables sur les indices de santé positifs, tels qu’on peut les trouver dans l’Enquête sur la santé en Ontario ou ailleurs. Dans le document du Centre de statistiques internationales (CSI) au Conseil canadien de développement social (1998), on trouve d’autres sources de données, dont le Rapport mondial sur le développement humain des Nations unies, les dossiers de dépenses de l’OCDE en matière d’éducation (1991-1992) et les Perspectives d’emploi de l’OCDE (1994) pour les dépenses consacrées au marché du travail, la base de données sur l’Étude des revenus au Luxembourg (aucune année n’est précisée) et une source non clairement nommée pour les données relatives à la sécurité du revenu. Le document du CCDS présente une grave lacune, alors qu’il ne fait guère état de l’importante documentation qui existe sur les liens entre les dépenses sociales, l’inégalité des revenus et la santé (Gough et Thomas, 1994 ; Vagero, 1995 ; Wennemo, 1993 ; Whitehead, 1995). Le tableau 2 du document du Centre de statistiques internationales donne une liste de corrélations par ordre de grandeur pour certains secteurs de dépenses choisis et précise quatre résultats en matière de santé contre 11 mesures connexes en matière de dépenses sociales. Comme il se peut fort bien que deux de ces 44 corrélations soient fallacieuses, il ne serait guère surprenant que l’on ne puisse pas directement interpréter toutes les corrélations. Quatre corrélations sont significatives au niveau 0,05. Les dépenses totales et les dépenses publiques consacrées aux soins de santé sont liées à l’espérance de vie des femmes. Fait intéressant, les dépenses totales relatives au marché du travail sont corrélées à la mortalité infantile (mais la rémunération sur le marché du travail n’a guère de signification à p < ,1). Il y a une corrélation significative entre les familles pauvres (aucun indicateur n’est spécifié) et la mortalité infantile, bien que neuf pays seulement disposent de données pour cette variable non précisée. Il existe une grande corrélation entre la sécurité du revenu et la mortalité infantile (r = –,73, p < ,001) si l’on supprime les trois exceptions (Japon, Luxembourg et Australie) de la corrélation. Il existe un faible lien entre l’espérance de vie à la naissance et la répartition des revenus dans le cas des derniers 40 %. Le dernier indicateur concerne l’étude des résultats en matière de santé et la répartition des revenus au sein de la population.
Hypothèses
La répartition du revenu pourrait, en fait, avoir un lien plus direct avec les résultats en matière de santé qu’avec les dépenses sociales, notamment dans le secteur de
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l’éducation, des dépenses relatives au marché du travail ou de la sécurité d’emploi, puisqu’elle regroupe l’effet distributif du revenu gagné avec différentes mesures de protection du revenu déterminées par l’État (différents transferts sociaux, revenus de placements et conséquences fiscales) et qu’elle constitue un indicateur raisonnable du genre de contexte social dans lequel les gens vivent et travaillent. En ce qui concerne l’absence de liens solides entre l’état de santé et les indicateurs de disparités entre les revenus , deux commentaires s’imposent. Les relations entre la santé et la répartition des revenus demeurent une question controversée, que j’estime néanmoins importante (Judge, 1995 ; Wilkinson, 1994, 1995, 1996). Par contre, la relation entre le niveau de vie absolu et la mortalité est maintenant quasi incontestable (Townsend et al., 1992 ; Wilkinson 1992 ; Eames et al., 1993 ; Evans et al., 1994). Il existe une certaine controverse au sujet de la relation entre la santé et la dispersion des revenus, pas simplement à cause des problèmes idéologiques actuels, mais également à cause de la méthodologie complexe. Les questions de mesure sont complexes à deux égards : 1) il y a de graves problèmes et des variations dans les rapports sur le revenu réel des catégories les mieux rémunérées et, parfois, des groupes de revenus les plus faibles ; 2) il est difficile de préciser la mesure appropriée de la dispersion des revenus (Kaplan et al., 1996 ; Smeeding et Gottschalk, 1996 ; Kawachi et Kennedy, 1997). Néanmoins, ces relations sont fort prometteuses pour qui veut comprendre les pistes qui n’ont pas trait aux soins de santé et qui déterminent la santé (à l’annexe 1, j’ai inclus un diagramme conceptuel abrégé, inspiré de Kaplan, qui permet de voir comment les politiques établies par les entreprises et par l’État peuvent entraîner des conséquences, pour la santé, par suite de la répartition et de la dispersion des revenus). Dans une étude britannique récente, Ben-Shlomo et ses collaborateurs (1996) ont commencé par examiner les relations existant entre la privation sociale, les revenus et les variations de revenus dans les quartiers 8464 d’Angleterre. Ils se sont penchés sur la mortalité et ont calculé l’indice de privation de Townsend à partir du recensement de 1981 (Eames et al., 1993). Ils ont regroupé les quartiers en entités plus grandes, soit 369 instances locales. Chaque instance a été subdivisée en quartiles de privation et de variation. La mortalité a été régressée à un quartile de variation au sein de chaque quartile de privation. La mortalité a été associée positivement à la privation moyenne et à la variation dans la privation : la moyenne de la tendance entièrement ajustée était de 7 pour 100 000 par quartile de variation (4 à 9, p < ,001). Dernièrement, Kaplan et ses collègues (1996) ont révélé un lien très fort entre la proportion du revenu gagné par la tranche inférieure de 50 % de la population dans tous les États américains, et ce, pour différents indicateurs sociaux et de santé, alors que la part du revenu total de la tranche de 10 % parmi les plus démunis révélait des chiffres de mortalité plus faibles pour la décennie allant de 1980 à 1990. Fait intéressant, une étude parallèle entreprise aux États-Unis à partir de deux autres indices de dispersion, à savoir l’indice Robin Hood et le coefficient Gini (Kennedy et al., 1996), a permis de constater une série semblable de corrélations entre la dispersion des revenus et la santé, la conclusion étant que le coefficient Gini est plus sensible à la privation extrême, selon la façon dont celle-ci est précisée. Kennedy et ses collaborateurs en sont également
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arrivés à la conclusion que les inégalités dans la répartition des revenus laissaient sousentendre une grande variation entre les États dans certains cas de mortalité, compte non tenu de la pauvreté et de l’usage du tabac, que l’ampleur de l’écart entre les tranches de revenus supérieures et inférieures était liée à la mortalité et que les politiques portant sur les inégalités croissantes dans la dispersion des revenus peuvent avoir une incidence considérable sur la santé de la population. Ce point de vue est partagé par d’autres en Europe (Wennemo, 1993 ; Whitehead, 1995). Dans La nouvelle Atlantide, Francis Bacon (1630) a évoqué la perspective d’un État au sein duquel toutes les recherches scientifiques seraient incluses dans les décisions concernant la santé et le bien-être de tous les citoyens. Malgré tout notre enthousiasme en faveur d’un processus décisionnel axé sur les faits dans le secteur de la santé, il serait naïf de croire que des processus rationnels, axés sur des données, constituent des facteurs importants dans les décisions prises par l’État en matière de santé. Nous avons récemment fait valoir qu’il fallait une meilleure compréhension des dispositions institutionnelles pour comprendre les façons dont la politique de santé a été influencée par des intervenants sociaux du système de santé et pour en arriver à ce que des processus volontaires influent sur les résultats en matière de santé grâce à des dépenses non liées à la santé (Lavis et Sullivan, à venir). Dans le nouveau contexte de la mondialisation des marchés, les pays de l’OCDE ont le choix entre des salaires élevés, une économie hautement productive – avec, pour conséquences, un taux de chômage élevé, la sécurité du revenu et les pressions fiscales – et une concurrence axée sur de faibles salaires et des taux de chômage encore plus élevés, avec pour conséquence, apparemment, un imposant groupe de travailleurs à faible revenu (Kapstein, 1996 ; Dahrendorf, 1995). Les Européens ont privilégié la solution axée sur les salaires élevés, alors que les Américains ont préféré adopter les faibles revenus, avec les conséquences attendues sur le niveau de chômage. Les trois objectifs, à savoir la discipline financière, la parité salariale et la croissance de l’emploi, constituent un « trilemme », dans lequel il semble que l’on ne puisse atteindre que deux objectifs en même temps (Iversen et Wren, 1996). Alors qu’il figure déjà parmi les pays de l’OCDE où il y a le plus d’inégalités sur le plan de la répartition de la richesse (voir les données de Smeeding, 1996, à l’annexe 2), le Canada connaît une dispersion croissante des revenus marchands individuels (Betcherman, 1996) en raison de la mondialisation et de la séparation des catégories d’emplois (Sullivan et al., 1998). L’on pourrait dire que nous sommes plus commu nautariens et plus statisticiens que nos voisins du Sud (Lipset, 1990), mais le Canada a toujours été un genre d’État-providence résiduel, s’efforçant de réduire davantage les disparités régionales que les disparités de revenus (Esping-Anderson, 1990). Le défi que pose la répartition afin de préserver notre état de santé et la cohésion sociale est énorme, alors même que s’érode la confiance à l’égard de nos gouvernements, pour diverses raisons. Qui plus est, le Canada connaît un problème d’endettement beaucoup plus grave que la plupart des autres pays de l’OCDE, bien que nous soyons en bonne voie d’assainir notre situation financière au niveau fédéral et dans la plupart des provinces. Cependant, lorsqu’on tient compte des effets additifs des revenus marchands, de l’équivalent en espèces des transferts sociaux et des revenus de
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placements, la répartition du revenu familial est demeurée très stable au cours de la décennie qui s’est terminée en 1993 (Wolfson, 1996). Cette situation est en grande partie attribuable à la nature généralement progressiste des transferts sociaux canadiens. Étant donné les réductions massives dans la sécurité du revenu et les transferts sociaux, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial, une plus grande dispersion du revenu familial semble inévitable. Aux États-Unis, le dixième inférieur des travailleurs touche 38 % du revenu moyen, contre 67 % pour leurs homologues européens (Hutton, 1995). Ces différences sont partiellement attribuables aux solutions institutionnelles différentes qui ont été apportées à des défis semblables. Aux États-Unis, le système financier est fortement axé sur le marché, et l’on accorde également une grande importance à la souplesse de la main-d’œuvre. Les syndicats sont faibles, et il en va de même des règlements sur l’emploi. Les dépenses sociales, de même que l’impôt sur le revenu des entreprises et des particuliers sont faibles. En Europe occidentale, les institutions politiques, économiques et sociales sont interdépendantes. Il existe une certaine collaboration entre le monde des affaires et les syndicats. Le système financier, qui est moins axé sur le marché, se révèle plus en faveur de ses entreprises, et la structure de l’aide sociale est plus inclusive, ce qui facilite un meilleur partage des pouvoirs pour ce qui est de la prise de décisions au sein des entreprises et de l’État. Au cœur même du modèle européen de l’État, on trouve la notion voulant que la capacité de générer de la richesse dépende essentiellement de la cohésion sociale. C’est ce que Hutton (1995) appelle l’« économie sociale de marché ». Dahrendorf (1995) a fait valoir que les soins de santé sont devenus un indicateur utile, permettant d’évaluer la capacité institutionnelle et le civisme de nos économies modernes. Fukuyama (1995) a fort bien décrit l’interaction entre la culture et la con fiance sociale pour générer la prospérité. Il fait valoir que les sociétés qui font l’objet d’une très grande confiance (notamment le Japon et l’Allemagne) parviennent à trouver la collaboration institutionnelle nécessaire pour multiplier l’appui des grandes multinationales, demeurer concurrentielles et lier le capital à l’adaptation industrielle. De même, l’analyse que fait Putnam de la tradition civique en Italie révèle que l’engagement civique, ainsi que la capacité d’établir des compromis et de collaborer semblent engendrer la prospérité et susciter la collaboration des gouvernements régionaux, qui travaillent dans un genre de cycle vertueux (Putnam, 1993 ; Putnam et al., 1993). Bien que la prospérité soit quelque chose que Fukuyama lie étroitement à la culture, au-delà des pays et du temps, les travaux de Putnam font ressortir la grande interdépendance entre l’engagement civique, l’efficacité du gouvernement et la prospérité. Le message de Putnam peut être important pour un pays qui s’enorgueillit de donner la priorité à la paix, à l’ordre et au bon gouvernement. L’ICRA fait ressortir clairement et efficacement que la prospérité est à la source des améliorations spectaculaires apportées à la santé humaine au Japon (Evans et al., 1994) et de quelques bonds historiques dans la santé des populations (Frank et Mustard, 1994). De la même façon, une certaine baisse de la prospérité et l’instabilité sociale semblent être à la source du déclin important de la santé des hommes d’âge mûr en Europe centrale et en Europe de l’Est (Hertzman, 1995).
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Cependant, la distribution relative de la prospérité, que ce soit par la dispersion des revenus marchands ou des gains accumulés au cours d’une vie (Wolfson et al., 1993), semble avoir une incidence importante sur l’état de santé de la population, même lorsque l’on contrôle la moyenne des revenus (Kaplan et al., 1996). Les changements apportés au marché du travail et aux transferts sociaux au Canada, qui influent sur la dispersion des revenus, devraient à leur tour avoir des conséquences sur la santé de nos populations. Dans la foulée des travaux sur la disparité des revenus, Kawachi et ses collaborateurs (1997) effectuaient récemment une analyse causale qui établissait un lien entre la confiance sociale, l’appartenance à un groupe et la disparité de revenu. La confiance sociale et l’appartenance à un groupe ont aussi été associés à la mortalité globale et par cause. Ils concluaient que la disparité de revenu contribue à accroître le taux de mortalité en raison du désinvestissement dans le capital social qu’elle entraîne. Bien qu’il n’existe que peu de données canadiennes, les récents travaux effectués au Royaume-Uni et aux États-Unis, dans ce domaine autrefois nébuleux, produisent des résultats intéressants et significatifs, qui illustrent les différences que l’on constate au sein des populations et qui sont associées à la répartition des revenus (Ben-Shlomo et al., 1996 ; Davey-Smith, 1996 ; Kaplan et al., 1996 ; Kennedy et al., 1996 ; Watt, 1996 ; Wilkinson, 1992, 1994, 1995). La constatation troublante du CSI – à savoir que les disparités entre les revenus et les dépenses sociales n’ont qu’une faible corrélation avec l’état de santé – ne peut être considérée comme valable si l’on va au-delà des données limitées du Canada et au-delà des économies avancées de l’OCDE. Il a été prouvé que les revenus et la santé ont été liés aux principaux progrès en matière de santé, tout au long du processus de développement, et que l’éducation dans les pays en développement a grandement contribué aux progrès en matière de santé (Banque mondiale, 1993). Comme le précise Contandriopoulos (1998), à partir du moment où les dépenses sociales et de santé se « stabilisent » à un seuil relativement élevé de dépenses, dans les économies avancées, il peut s’avérer plus difficile de réaliser des améliorations notoires dans l’état de santé. Cette situation est partiellement attribuable à la marge relativement faible de variations dans les dépenses publiques, de même qu’aux limites inhérentes aux efficacités médicales et technologiques et aux dispositions sociales relatives aux réalités biologiques, telles que le vieillissement. Des économies de marché prospères et des inégalités limitées pourraient être les deux clés d’une bonne santé, mais elles présentent un problème sur le plan des politiques (Stoddart, 1995), compte tenu des différences entre la culture politique et les dispositions institutionnelles prises par nos gouvernements nationaux et provinciaux. Dans un petit pays comme le Canada, le secteur des entreprises soumises à l’économie de marché ou les regroupements bénévoles d’entreprises qui ne sont pas soumises à l’économie du marché (société civile) ne peuvent trouver de solutions institutionnelles appropriées à leurs problèmes économiques et sociaux. Nous ne pouvons pas exporter le coût de la mondialisation des marchés en exerçant un protectionnisme sélectif (comme c’est le cas aux États-Unis) et nous ne pouvons pas, non plus, anticiper le coût des
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changements en procédant à une restructuration interne de notre économie (comme c’est le cas du Japon). Les petits pays comme le Canada doivent élaborer différentes politiques économiques et sociales pour minimiser les coûts politiques et sociaux des changements économiques (Katzenstein, 1985). Bref, nous devons apprendre à composer avec le changement en trouvant des compensations, ce qui sous-entend, encore une fois, un rôle important de la part du gouvernement. Quant à savoir quelles sont les politiques susceptibles de produire le plus grand nombre de retombées positives sur la santé par une meilleure répartition du revenu, c’est là une question qui relève de la conjecture. Presque toutes les mesures visant à déplacer la répartition des revenus à l’aide de transferts fiscaux et sociaux nécessitent des coûts sur le plan des ressources et des transactions, et différentes solutions à court et à long terme risquent d’être contestées. Il existe cependant certaines politiques qui méritent d’être considérées et qui devraient faire l’objet de plus amples recherches. Il semblerait que l’amélioration des revenus et de la condition sociale au début de la vie présente d’importants avantages sur le plan économique (Romer, 1994) et puisse avoir des conséquences à long terme sur la santé (Power et al., 1996) durant toute l’existence. Nous avons fait valoir ailleurs que les transferts sociaux qui protègent les plus démunis sont essentiels si l’on veut éviter la privation à une époque de grands bouleversements sur le marché, tout comme le sont les programmes proactifs du marché du travail en faveur d’une main-d’œuvre souple et adaptable (Sullivan et al., 1998). Conclusions
Loin de l’utopie moderniste de La nouvelle Atlantide de Francis Bacon, on peut améliorer la santé de la population canadienne pour autant que : – les différents paliers de gouvernement, les entreprises et la société civile établissent des conditions propices à la croissance économique et à la prospérité . Dans un pays aussi petit que le Canada, où l’on ne trouve que peu de multinationales et où les entreprises ne sont guère engagées à l’égard du marché national, le gouver nement continuera de jouer un grand rôle pour nous aider à nous adapter à la mondialisation des marchés ; – la prospérité nationale soit équitablement répartie, grâce à une combinaison de sécurité du revenu, de transferts sociaux, de politiques souples pour la maind’œuvre, de mesures fiscales progressistes et de perspectives d’investissements ; – les dépenses de santé ne dépassent pas un certain pourcentage des ressources nationales qui ne peuvent être justifiées par des indicateurs de rentabilité nationaux et internationaux. Les objectifs que prônent les documents techniques précédents, afin d’en arriver à un meilleur équilibre dans la politique de santé du Canada, pourraient se résumer comme suit :
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• Maintenir et gérer les dépenses de santé aux environs de la moyenne des pays de l’OCDE, étant donné qu’il n’y a pas d’avantage immédiat ou apparent à tirer du niveau de dépenses que les États-Unis consacrent aux soins de santé. Comme le préconisent les documents techniques précédents, il faudra, entre autres : – adopter une approche nationale concertée pour contrôler les coûts des produits pharmaceutiques, – ne plus se fonder outre mesure sur le paiement à l’acte pour les médecins (grâce à une réforme des soins de santé primaires ou à une intégration des systèmes de prestation), – résister à l’accroissement du financement privé du système de prestation de soins, tout en préservant un rôle pour l’innovation et la prestation de soins privés. • Préserver et améliorer la santé de la population canadienne en cherchant à pro mouvoir un ensemble de mesures sur le plan fiscal, pour la sécurité du revenu, la main-d’œuvre, les transferts sociaux et les investissements, afin de juguler ou de réduire la dispersion des revenus et de la richesse, de renforcer la cohésion sociale et de trouver des solutions sociales aux problèmes de santé.
Terrence Sullivan, Ph. D., est président de l’Institute for Work & Health, société à but non lucratif affiliée à l’Université de Toronto, à l’Université McMaster et à l’Université de Waterloo. Cet institut mène des études démographiques novatrices sur la santé, portant sur les déterminants de la santé sur le lieu de travail moderne, et sur le traitement efficace et la gestion des blessures musculo-squelettiques. Il conserve des engagements au Département de l’administration de la santé de l’Université de Toronto et au Département de sociologie de l’Université York.
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Annexe 1 Modèle de l’incidence de l’État et des entreprises sur le marché du travail, politiques en matière de revenus et de santé
Le modèle proposé constitue un diagramme conceptuel et fonctionnel simplifié, illustrant certaines des grandes forces interactives du marché du travail avec l’inégalité des revenus, ainsi que leur incidence sur la santé et la fonction humaine. Il s’agit essentiellement d’une explication de l’approche adoptée par le professeur George Kaplan de l’Université du Michigan. Dans ce modèle, les effets macroéconomiques de la mondialisation des marchés, du commerce et de la technologie se traduisent tant à l’échelon des entreprises que dans les initiatives gouvernementales en ce qui a trait aux politiques sociales, fiscales et relatives au marché du travail. Au Canada et dans d’autres pays, les entreprises préfèrent aujourd’hui recruter un petit noyau de travailleurs qualifiés et se fier davantage à une « main-d’œuvre » en cas de besoin. Par ailleurs, on a constaté une augmentation importante dans la soi-disant catégorie des emplois non traditionnels. Qui plus est, on constate une distinction entre les travailleurs plus instruits et ceux qui travaillent à l’échelon inférieur du secteur des services. Dans l’ensemble, le comportement adopté par ces entreprises a entraîné une ségrégation sur le marché du travail. Cette plus grande ségrégation se reflète par une certaine ségrégation sur le plan des revenus de même que par une plus grande insécurité de revenu pour plusieurs, un niveau plus élevé de chômage structurel et des inégalités croissantes. En ce qui concerne les gouvernements, il s’écartent de plus en plus de l’Étatprovidence. Presque tous les pays occidentaux limitent les transferts sociaux, et les forces de la concurrence attribuables à la mondialisation des marchés ont donné le jour à un « mur fiscal » et à des compressions fiscales, de façon à entraîner des décisions favorables pour les investissements étrangers directs sur les marchés locaux et nationaux. Il s’ensuit que la répartition des revenus est tributaire des fonctions redistributives du système fiscal, des fonctions redistributives et protectrices d’un filet de sécurité social et d’un système de sécurité du revenu, ainsi que de la portée et de l’envergure des programmes d’aide à l’adaptation de la main-d’œuvre. Par conséquent, les mesures adoptées par les gouvernements ont et continueront d’avoir de grandes répercussions sur la répartition des revenus et sur les personnes qui se trouvent aux confins du marché du travail. Ces grandes conséquences du comportement des entreprises et des politiques adoptées par le gouvernement sur le plan fiscal, en matière sociale et en ce qui con cerne le marché du travail, se traduisent au niveau microéconomique par l’expérience professionnelle et les décisions relatives aux endroits où vivre et travailler. La position dans la hiérarchie professionnelle semble étroitement tributaire de la résilience individuelle face à toute une gamme de maladies et de conditions. Celles-ci sont alors modulées par le système de santé, ce qui se traduit par une répartition subséquente des maladies au sein de la population.
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Ce bref modèle conceptuel et fonctionnel vise à illustrer la façon dont les facteurs attribuables au marché du travail influent sur les décisions prises par les entreprises et les gouvernements en ce qui concerne les revenus, la répartition des revenus et, par voie de conséquence, la santé et la fonction humaine. Bien que fortement empirique, ce modèle peut grandement contribuer à expliquer le lien entre les pressions concurrentielles de la mondialisation des marchés, les marchés du travail locaux et l’état de santé.
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Influence des entreprises et de l’État, relations entre la répartition des revenus et la santé, macrodynamique et microdynamique
Milieu professionnel
Mondialisation des marchés
Blocs commerciaux
Changements technologiques
Politique fiscale
Les choix de l’État
Politique sociale
Politique du marché du travail Les choix des entreprises
Politique de l’entreprise en ressources humaines
Source : Adaptation de l’auteur.
Inégalité de revenu
Revenu
Voisinage/ collectivité (capital social)
Conditions matérielles
Conditions d’épanouissement psychosociales
Processus neuro-endocrinien et biologique Recours aux services de santé Comportement
Santé de la population et maladies Manifestation et répartition
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Annexe 2 Tableau 1 Niveaux et tendances de la pauvreté chez les enfants1 et taux d’inégalités de revenu : 1967-1992 Pays
Année Période 1 Période 2 Période 3 Période 4 Période 5 Période 6 Changement2 Changement de avant 1971- 1976- 1982- 1986- 1989 dans la pauvreté dans l’inégalité l’enquête 1971 1975 1981 1985 1988 et après chez les enfants du revenu
États-Unis
69, 74, 79, 86, 91/94 13,1
Australie
82, 86, 90
14,0
Canada
71, 75, 81, 87, 91
13,9
15,2
17,3 14,6
18,5
22,9
21,5/22,7
++++
+++
13,1
14,0
0
++
13,6
13,5
– –
0 +
Europe occidentale Belgique
85, 88, 92
3,4
3,1
3,8
+
Finlande
87, 91
2,9
2,5
– –
0
Danemark
87, 92
5,3
3,3
– –
++
France
79, 84
6,3
Allemagne (de l’Ouest)
73, 78, 83/84, 893
3,2
Italie
86, 91
4,0
6,5
0
0
6,8
+
0
10,8
9,6
– –
––
4,8/6,4
Pays-Bas
83, 87/91
2,5
2,6
/6,2
+
+
Norvège
79, 86, 91
3,8
3,8
4,6
++
+
Espagne
80, 90
12,3
12,4
0
0
Suède
67, 75, 81, 87, 92
3,5
1,9
3,9
3,0
2,7
– –
+++
Royaume-Uni
69, 74, 79, 86
5,3
7,0
8,5
9,9
++++
++++
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États-Unis et pays anglophones
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Pays
Année Période 1 Période 2 Période 3 Période 4 Période 5 Période 6 Changement2 Changement de avant 1971- 1976- 1982- 1986- 1989 dans la pauvreté dans l’inégalité l’enquête 1971 1975 1981 1985 1988 et après chez les enfants du revenu
Autres Israël
79, 86
8,2
11,1
10,6
+
0
Taiwan
9,7
9,8
10,4
+
0
Sources : Étude du revenu au Luxembourg ; T. Smeeding, CIAR Presentation, Montréal, 26 avril 1996. 1. Par pauvreté, il faut entendre le pourcentage d’enfants vivant dans des foyers où le revenu disponible variable est inférieur à 50 % de la moyenne du revenu disponible de toutes les personnes. Le revenu comprend tous les transferts et avantages fiscaux. 2. Degré de changement dans la pauvreté chez les enfants et inégalité globale depuis la première jusqu’à la dernière année, codé de la manière suivante : Désignation Interprétation Pourcentage de changement dans les évaluations – – légère diminution – 5 % ou plus 0 aucun changement – 4 à + 4 % + légère augmentation 5 à 10 % ++ augmentation modérée 10 à 15 % +++ forte augmentation 16 à 29 % ++++ très forte augmentation 30 % ou plus Source des changements dans l’inégalité globale : Smeeding et Gottschalk, 1996, « The international evidence on income distribution in modern economics : Where do we stand ? », dans M. Kaser et Y. Mundlak (dir.), Contemporary Economic Development Reviewed, vol. 2, Labour, Food and Poverty, Oxford University Press, tableau 2. 3. Le trait oblique (/) pour Allemagne veut dire que les résultats de l’enquête de 1973-1983 sur l’Allemagne sont différents de ceux des enquêtes de 1984 et de 1989, si bien que l’on ne peut pas en déduire des évaluations globales de 1973 à 1989. 4. Le trait oblique (/) pour les Pays-Bas veut dire que les résultats de l’enquête de 1983 et de 1987 sont différents de ceux de l’enquête de 1991, si bien que l’on ne peut pas en déduire des tendances globales pour 1983-1991.
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Tableau 1 (suite)
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Comparaisons entre les répartitions du revenu réel (tous les chiffres donnés pour 1991 sont en dollars américains)
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Figure 2 A : Écart réel en dollars entre les personnes à revenu élevé et les personnes à faible revenu (moyenne des États-Unis = 100)
Finlande, 1991 Belgique, 1992 Suède, 1992 Norvège, 1991 Danemark, 1992 Pays-Bas, 1991 Italie, 1991 Canada, 1991 Australie, 1989 États-Unis, 1991 Moyenne5
45 49 49 46 48 45 42 45 38 37 45
0
50
100
150
200
250
122 135 136 128 136 134 132 174 161 207 146
2,74 2,76 2,77 2,79 2,84 2,94 3,14 3,86 4,26 5,67 3,12
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La longueur des barres illustre l’écart entre les personnes à Pays Revenu disponible Revenu disponible Ratio entre les revenus revenu faible et les personnes à revenu élevé faible1 élevé2 faibles et les revenus élevés
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B : Ratio entre le revenu réel, d’une part, et le revenu réel aux États-Unis, d’autre part = 100 à chaque point) Pays Revenu disponible Revenus proches Revenu disponible Revenu des riches de la moyenne3 (P50) élevé2 (P90) (P95) faible1 (P10) Finlande, 1991 Belgique, 1992 Suède, 1992 Norvège, 1991 Danemark, 1992 Pays-Bas, 1991 Italie, 1991 Canada, 1991 Australie, 1989 États-Unis, 1991 Moyenne
122 133 134 125 131 124 115 123 103 100 123
77 83 85 81 88 78 75 95 83 100 83
59 65 65 62 66 64 64 84 78 100 67
57 62 63 59 62 64 63 82 77 100 65
Source : Tabulation des données de l’Étude sur le revenu au Luxembourg. 1. Revenu relatif des personnes qui se situent en deçà de 90 % par rapport aux autres et qui sont plus riches que 10 % de personnes dans ce pays. Les chiffres donnent le revenu réel (en dollars américains de 1991) en tant que pourcentage de la moyenne aux États-Unis. 2. Revenu relatif des personnes qui sont plus riches que 90 % des citoyens du pays considéré et qui se situent en deçà de 10 % par rapport aux autres dans ce pays. Les chiffres donnent le revenu réel (en dollars américains de 1991) en tant que pourcentage de la moyenne aux États-Unis. 3. Les chiffres donnent le revenu réel (en dollars américains de 1991) de la moyenne des personnes dans chaque pays en tant que pourcentage de la moyenne aux États-Unis. 4. Les chiffres donnent le revenu réel (en dollars américains de 1991) au 95e percentile (personnes plus riches que 95 % de la population en tant que pourcentage du 95e percentile aux États-Unis. 5. Moyenne simple, à l’exclusion des États-Unis.
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Figure 2 (suite)
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Comparaisons internationales
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Les objectifs nationaux et le rôle du fédéral dans les soins de santé Allan M. Maslove, Ph. D. Professeur à l’École d’administration publique Faculté d’affaires publiques et d’administration Université Carleton, Ottawa
Résumé Les nombreuses restrictions imposées depuis dix ans aux provinces par le gouvernement fédéral, en ce qui concerne les transferts fiscaux, ont soulevé des questions quant à son rôle dans le domaine de la santé. Le présent document présente un contexte et un cadre d’analyse des leviers stratégiques dont dispose le gouvernement fédéral dans le domaine de la santé. Il décrit les rôles et limites de ces leviers fédéraux, à l’heure actuelle, et présente des solutions de rechange. Compte tenu de leur importance et de l’attention qu’ils attirent sur eux, les arrangements fiscaux – actuels et éventuels – sont d’un intérêt particulier. Selon l’avis exprimé ici, le gouvernement fédéral pourrait appuyer des normes nationales de santé et jouer un rôle stratégique de premier plan dans ce domaine. Il pourrait aussi remplacer de façon plus efficiente la coordination interprovinciale de certains éléments du système de santé. Le maintien des normes nationales passe par la participation financière fédérale. Mais la structure du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), dans sa forme actuelle, ne répond plus à la plupart des questions cruciales entourant cette participation. Après avoir élaboré un cadre conceptuel d’analyse des objectifs nationaux et du rôle fédéral dans le domaine de la santé, on a décrit les principaux moyens d’intervention et leviers stratégiques qui permettraient d’atteindre les objectifs. On a ensuite décrit la structure de leviers stratégiques dont dispose actuellement le gouvernement fédéral, avant d’analyser divers mécanismes non financiers, puis différents modèles de participation financière auxquels il pourrait avoir recours – autres que les arrangements fiscaux actuels et le TCSPS.
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TABLE DES MATIÈRES
Introduction ........................................................................................................377 Les objectifs nationaux et provinciaux dans le domaine de la santé ...................378 L’efficience.......................................................................................................380 L’équité............................................................................................................383 Les contraintes.................................................................................................385 Les objectifs nationaux et la Loi canadienne sur la santé.................................386 Les leviers fédéraux dans le domaine de la santé ................................................387 Résumé............................................................................................................390 Objectifs nationaux et mécanismes fédéraux : comment maintenir les principes nationaux des soins de santé ..........................................................393
Le pouvoir légal du gouvernement fédéral.......................................................393 Les mécanismes d’intervention fédérale non financiers....................................394 Autres leviers....................................................................................................397 Des exemples de partenariats financiers .............................................................398 Option 1 – Maintien d’un transfert en espèces................................................400 Option 2 – Partage conditionnel des revenus..................................................402 Option 3 – Financement direct.......................................................................403 Option 4 – Arrangements de crédit/remboursement d’impôt.........................404 Conclusion ..........................................................................................................405 Bibliographie........................................................................................................407 Annexes
Annexe 1 Revue des arrangements financiers entre le fédéral et les provincesdans le domaine de la santé..........................................411 Annexe 2 Les expériences d’autres systèmes fédéraux..........................................423
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Liste des tableaux
Tableau 1 Principes de la Loi canadienne sur la santé et objectifs nationaux ...................................................................386 Tableau 2 Mécanismes stratégiques fédéraux dans le domaine de la santé, selon le « partenaire » et l’objet.......................................................391
Tableau 3 Chronologie des principales initiatives financières fédérales dans le domaine des soins de santé, 1948-1996.............................419 Tableau 4 Transferts en espèces du gouvernement fédéral aux provinces pour les soins de santé (en millions de dollars)..............................421
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INTRODUCTION
La série de restrictions que le gouvernement fédéral a imposées aux provinces sur les transferts fiscaux, au cours de la dernière décennie, et l’annonce récente du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ont soulevé des questions au sujet du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé. On s’interroge notamment sur le maintien de sa présence et sur les moyens d’intervention dont il dispose à cette fin. On s’est demandé plus particulièrement s’il y a un seuil minimal au-dessous duquel le gouvernement fédéral perd son influence et sur quels autres mécanismes ou arrangements il pourrait s’appuyer pour maintenir les principes nationaux des soins de santé à mesure que diminuent les contributions en espèces qu’il verse aux provinces. Pour répondre à ces questions et à d’autres, connexes, ce document présente un contexte et un cadre d’analyse des leviers stratégiques fédéraux dans le domaine de la santé, décrit les rôles et les limites des leviers fédéraux actuels en fonction de ce cadre et présente des solutions de rechange possibles. Compte tenu de leur importance et du fait qu’ils ont été scrutés à la loupe récemment, les arrangements fiscaux – existants, proposés et possibles – sont particulièrement intéressants. Nous soutenons dans ce document que le gouvernement fédéral pourrait appuyer des normes nationales quant aux soins de santé et jouer un rôle stratégique de premier plan dans ce domaine. Il peut aussi remplacer de façon plus efficiente la coordination interprovinciale de certains éléments du système de santé. Le levier stratégique clé du maintien des normes nationales, c’est la participation financière fédérale (sous une forme quelconque). En outre, la démonstration de l’engagement fédéral par des contributions pourrait très bien être une condition essentielle pour que le gouvernement joue un rôle efficace à l’égard des autres aspects de la santé. La structure du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), telle que nous la connaissons à l’heure actuelle, ne répond pas à la plupart des questions cruciales qui portent sur la participation financière fédérale dans le domaine de la santé. Quatre grandes sections suivent cette introduction. Dans la prochaine section, nous élaborons un cadre conceptuel d’analyse des objectifs nationaux et du rôle fédéral dans le domaine de la santé. Nous décrivons ensuite les principaux types de moyens d’intervention ou de leviers stratégiques qu’on pourrait utiliser pour atteindre ces objectifs. La section « Les leviers fédéraux dans le domaine de la santé » présente la structure des leviers stratégiques dont dispose actuellement le gouvernement fédéral dans le domaine de la santé en fonction de ce cadre. À la section « Objectifs nationaux et mécanismes fédéraux », nous décrivons et analysons un éventail de mécanismes non financiers (certains, génériques et d’autres, particuliers) auxquels pourrait peut-être avoir recours le gouvernement fédéral pour maintenir les objectifs nationaux. Comme on peut soutenir que les mécanismes financiers constituent l’élément clé de presque toute activité fédérale dans le domaine de la santé, la dernière section présente plusieurs modèles de participation financière fédérale. Cette section devrait inciter à l’analyse de solutions fiscales autres que les arrangements actuels et le TCSPS.
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Deux annexes contiennent des renseignements de base. La première présente un aperçu de la participation financière fédérale dans le domaine de la santé depuis 1948. La seconde donne une idée des moyens utilisés par les gouvernements centraux et régionaux (États) d’autres fédérations industrialisées, ainsi que des nouveaux arrangements qui prennent forme dans la Communauté européenne. Pour que ce document porte plus directement sur les enjeux qui sont au cœur de la question, on accepte dès le départ plusieurs hypothèses et limites. D’abord, on ne remet pas en question le maintien d’un système de santé financé par l’État, relevant d’abord de la compétence des provinces, ni sa structure fondamentale. Deuxièmement, ce document porte avant tout sur le système de santé même, plutôt que sur les programmes fédéraux, plus généraux, qui ont une incidence sur l’état de santé (p. ex. protection de l’environnement). Ces deux conditions permettent de faire porter le document directement sur les mécanismes d’intervention fédéraux pertinents au système de santé, au lieu d’aborder des questions connexes dont la pertinence est moins immédiate. Enfin, nous n’abordons pas le rôle fédéral dans la prestation directe de soins de santé à des groupes particuliers, comme les autochtones, les membres des forces armées et les détenus fédéraux. Nous concentrons notre attention sur le système de santé général, où l’enjeu porte sur le rôle des gouvernements fédéral et provinciaux et sur leur interaction. Nous reconnaissons toutefois que les activités de prestation directe de soins de santé du gouvernement fédéral peuvent fournir des occasions de démontrer les effets pertinents au système de santé global et que les activités fédérales dans des domaines autres que le système de santé en soi peuvent avoir une incidence importante sur l’état de santé de la population canadienne. Les objectifs nationaux et provinciaux dans le domaine de la santé
Si les soins de santé relèvent avant tout de la compétence des provinces, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’objectifs nationaux dans ce domaine ni que ceux-ci coïncident toujours entièrement avec ceux des provinces. L’existence de buts nationaux distincts n’oblige pas nécessairement le gouvernement fédéral à intervenir dans le domaine de la santé. Dans ce chapitre, nous établissons un cadre d’objectifs stratégiques, définissons les points de convergence et de divergence entre les objectifs nationaux et provinciaux, précisons le rôle du gouvernement fédéral et situons à l’intérieur de ce cadre les objectifs stratégiques énoncés officiellement par le gouvernement fédéral. Dans ce document, nous tenons pour acquise l’existence d’un système de santé financé par l’État. Les arguments en faveur des systèmes de santé publics sont bien établis et il n’est pas nécessaire de les développer ici1. Nous pouvons tirer de ces arguments deux points qui aident à lancer une discussion sur les rôles respectifs du
1. L’argument en faveur des systèmes de santé publics est abordé dans d’autres documents du Forum national sur la santé.
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gouvernement fédéral et des provinces dans le secteur de la santé. Ces points ont trait aux préoccupations bien connues que sont l’équité et l’efficience économique. Les moins nantis sont peut-être désavantagés sur d’autres marchés aussi, mais la société doit accorder à la santé une attention spéciale parce qu’elle constitue une forme fondamentale de sécurité sociale. La santé vient en tête de la (courte) liste des programmes (avec l’éducation de base et, peut-être, le logement) auxquels toutes les sociétés avancées estiment qu’il faut accorder une attention spéciale sur le plan de l’équité (équité spécifique)2. Le financement des soins de santé par l’État favorise l’efficience économique, surtout à cause d’inefficiences graves inhérentes aux marchés privés de l’assurance des services médicaux et à cause des liens entre la santé et d’autres marchés, plus particulièrement celui du travail. Compte tenu de ces motifs, à l’appui de la prestation de l’assurance-maladie par l’État, les objectifs d’efficience et d’équité sont-ils d’envergure nationale ou régionale (provinciale)3 ? Deux possibilités s’offrent à la discussion. Il y a d’abord, en ce qui a trait à l’intervention de l’État, une série d’objectifs ou de buts communs aux niveaux national et provincial. Il y a ensuite une série d’objectifs nationaux qui s’écartent de ceux des provinces. Comme on le verra, cette divergence découle plus souvent du fait que les objectifs nationaux sont plus généraux que ceux des provinces (particuliers) ou que les provinces, qui font face à des exigences et à des contraintes différentes, interprètent ou classent différemment les objectifs nationaux, dans le domaine de la santé, au lieu de s’y attaquer directement. Il est peu probable que les provinces s’opposent ouvertement aux objectifs nationaux, mais cette divergence sous-entend qu’un gouvernement provincial ne choisirait pas, de son propre chef, de consacrer des ressources à l’atteinte du but ou de l’objectif en cause4. On conteste peu (et l’on suppose déjà) qu’un gouvernement provincial puisse avoir la compétence première lorsqu’il s’agit de chercher à atteindre des objectifs provinciaux ou régionaux. Lorsque les objectifs provinciaux et nationaux divergent, le gouvernement fédéral est-il nécessairement l’autorité compétente pour assumer la responsabilité première, fixer les objectifs nationaux et chercher à les atteindre ? Les préoccupations nationales ne sont pas obligatoirement fédérales. Il se peut – du moins en théorie – que les provinces puissent, en se concertant, prendre en charge des questions nationales, même si ce n’est peut-être dans l’intérêt d’aucune province agissant seule. De même, il peut aussi être justifié pour le gouvernement fédéral d’intervenir dans des domaines
2. Même les États-Unis, qui n’ont pas de système de santé public universel, offrent des programmes publics spéciaux dans le domaine de la santé à l’intention des démunis, des personnes handicapées et des personnes âgées. 3. Dans la discussion conceptuelle présentée dans ce chapitre, on aborde la question sur le plan fonctionnel plutôt que sur celui de la répartition des pouvoirs selon la Constitution. 4. Cela est sans doute vrai même si l’on reconnaît que l’objectif peut être souhaitable pour les provinces dans l’ensemble. Il s’agit là du dilemme classique des externalités ou des débordements entre les niveaux de compétence (provinces).
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où les objectifs provinciaux et nationaux coïncident. Pour analyser chacune de ces possibilités, il faut définir plus précisément les objectifs relatifs à l’efficience et à l’efficacité, ainsi que leurs dimensions provinciales et nationales. L’efficience
Au fil des ans, l’efficience, dans le domaine de la santé. a pris de plus en plus d’importance et son orientation particulière s’est modifiée. Les enjeux habituels peuvent être répartis entre les préoccupations liées à la micro-efficience – répartir avec efficience les ressources à l’intérieur du système de santé – et celles qui ont trait à la macro-efficience– l’interaction du système de santé avec l’économie en général. On entend par micro-efficiencel’utilisation de la combinaison la moins coûteuse de ressources pour exécuter une activité donnée, le choix de l’activité la plus appropriée pour atteindre un résultat et l’amélioration de la qualité (p. ex. le progrès technologique) à un coût minimal. Les préoccupations liées à la micro-efficience comprennent non seulement la prestation directe de services médicaux (p. ex. les services de médecins, les soins hospitaliers), mais aussi des activités plus générales, comme la fourniture de renseignements manquants (p. ex. fournir des renseignements au sujet de la sûreté et de l’efficacité des produits pharmaceutiques, des effets du tabagisme sur la santé, de la surveillance des menaces de maladie) et les mesures d’hygiène publique (p. ex. les programmes d’immunisation). Si certains aspects de la micro-efficience n’étaient pas très prioritaires au début du régime d’assurance-maladie, ils préoccupent de plus en plus les gouvernements et les organismes responsables de la prestation de soins de santé depuis quelques années, à la suite de l’alourdissement graduel des contraintes budgétaires. La micro-efficience semble un objectif commun aux deux ordres de gouvernement. On suppose qu’un gouvernement provincial qui paierait le coût complet de ces services aurait vraiment intérêt à réaliser ces efficiences sans y être poussé ou incité par le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a-t-il alors un rôle à jouer dans l’atteinte de ces ob jectifs ? Pour répondre à cette question, imaginons d’abord ce qui pourrait se produire s’il n’y avait pas de gouvernement fédéral ou, du moins, si le gouvernement fédéral se retirait complètement du domaine de la santé. Dans certains domaines, comme l’organisation du système de prestation de soins, une province choisirait probablement d’agir seule pour atteindre l’efficience. Dans d’autres, il est probable que les provinces, dans leur recherche de micro-efficience, trouveraient un avantage mutuel à collaborer. Pensons, par exemple, à l’établissement d’un organisme interprovincial d’évaluation et de réglementation des produits pharmaceutiques, qui serait chargé d’informer les praticiens et les consommateurs sur la sécurité et l’efficacité des divers médicaments5 , à des ententes d’échanges de renseignements, par exemple, sur certaines maladies
5. En Suisse, par exemple, l’autorisation et la réglementation des produits pharmaceutiques incombent à un organisme intercantonal (inter-États). Voir l’annexe 2.
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transmissibles. Il est clair que les provinces réaliseraient, sur le plan des économies d’échelle, des gains dont elles pourraient toutes tirer profit si ces fonctions étaient exécutées une seule fois collectivement au lieu que chaque province fournisse ces services individuellement. De même, il y aurait des avantages mutuels à établir des institutions pour la mise en commun de l’information afin d’aider une province à tirer parti de l’expérience d’autres provinces. On peut considérer que la participation fédérale, dans ces domaines, remplace les ententes interprovinciales qui favoriseraient des efficiences supplémentaires (outre celles découlant de la collaboration interprovinciale) – même si les activités ellesmêmes étaient identiques. Les coûts que les provinces assumeraient autrement pour définir des problèmes ou des besoins, négocier des ententes avec d’autres provinces et les administrer constituent un aspect important de la contribution fédérale dans de telles situations. Ces coûts, qui s’ajoutent aux coûts directs de prestation des services mêmes, sont décrits collectivement comme des coûts d’opération. L’expérience des relations interprovinciales dans d’autres domaines stratégiques – comme la libéralisation du commerce interprovincial – démontre que ces coûts d’opération peuvent être très élevés6. La contribution du fédéral – qui agit directement comme catalyseur, courtier et organisme de réglementation, ou qui établit des entités « autonomes » à cette fin – élimine (ou réduit) ces coûts d’opération pour les provinces et les remplace par des coûts fédéraux moins élevés. Les coûts d’opération seraient moindres parce que le leadership fédéral remplacerait la coordination interprovinciale. Les provinces bénéficieraient de cette activité fédérale et, par conséquent, on s’attendrait à ce qu’elles appuient ces initiatives fédérales. L’autre aspect de l’efficience, soit la macro-efficience, a aussi attiré une attention croissante et mouvante. Auparavant, on s’intéressait avant tout aux enjeux du marché du travail. Si les systèmes de santé offraient des avantages très différents d’une province à l’autre, le marché économique du Canada pouvait en être affecté défavorablement. Des différences dans le système de santé peuvent inhiber la mobilité de la maind’œuvre en dissuadant les déménagements entre les provinces quand, pour des raisons liées au marché du travail, ces déménagements sont autrement souhaitables et efficaces. (De même, des différences dans le système de santé peuvent provoquer des mouvements interprovinciaux qui ne sont pas justifiés par le marché du travail.) Il est donc clairement avantageux, pour l’économie canadienne dans son ensemble, que les régimes provinciaux de santé offrent des services suffisamment semblables7 pour ne pas entraver la mobilité de la main-d’œuvre. Il est question (implicitement) de l’évitement de ces obstacles à la mobilité au paragraphe 36(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, qui souligne l’engagement des gouvernements à favoriser « le développement économique… ».
6. Trebilcock et Schwanen, 1995. 7. Ce qui ne veut pas dire des services identiques. Il pourrait quand même rester des écarts importants entre les provinces. Cette condition ressemblerait davantage à des normes relatives au service minimal.
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Malgré cet avantage national, il se peut qu’il ne soit pas dans l’intérêt d’une province en particulier d’assurer le maintien de la mobilité interprovinciale de la main-d’œuvre8. Par exemple, une province qui offre à ses habitants un système de santé « supérieur » peut agir de son propre chef pour « protéger » ce système en en excluant les migrants, ce qui limiterait la transférabilité. La transférabilité interprovinciale est souhaitable pour prévenir les obstacles artificiels à la mobilité. Elle n’est toutefois qu’un aspect de la mobilité. Il y a aussi l’établissement de niveaux minimaux de service (normes minimales et intégralité) afin de ne pas créer d’incitations ni d’obstacles artificiels à la mobilité. Sans intervention fédérale, il n’est pas impossible d’imaginer un scénario où toutes les provinces conviendraient de maintenir de telles conditions. Mais il est aussi vrai qu’il serait très difficile de conclure de telles ententes et de les maintenir. Contrairement aux perspectives de collaboration interprovinciale dans le cas de la micro-efficience, qui pourrait être avantageuse pour chaque province, il arriverait souvent, dans ce cas, qu’une province en particulier n’aurait pas intérêt à conclure d’entente et qu’elle pourrait même avoir intérêt à faire plutôt le contraire. C’est pourquoi le gouvernement fédéral devrait intervenir pour donner suite comme il se doit à cette préoccupation nationale. Depuis quelque temps, l’attention accordée à la macro-efficience porte plutôt sur la part de la production nationale (revenu) que représentent les services médicaux, ainsi que sur l’effet que les soins de santé et les dépenses qui y sont consacrées ont sur la compétitivité internationale des industries canadiennes. La discussion porte sur ce qui devrait être un niveau « acceptable » de dépenses consacrées aux soins de santé par rapport au PIB et sur l’impact du financement des soins de santé sur les coûts de production de l’industrie. Plusieurs considérations agissent les unes sur les autres en l’occurrence. D’abord, une population active en bonne santé est plus productive. Outre le système de soins médicaux, les activités du gouvernement dans des domaines comme la promotion de la santé et de modes de vie sains contribuent à la santé de la population. Deuxièmement, des niveaux « trop élevés » (en fonction d’une norme quelconque, habituellement non précisée) de dépenses consacrées aux soins de santé entraînent une hausse des niveaux d’imposition qui peut nuire à la productivité par l’effet de ralentissement que cette hausse risque d’avoir sur l’investissement et l’activité dans la population active. Il ne suffit toutefois pas de réduire les dépenses publiques consacrées à la santé, car cette décision peut en fait être contre-productive si elle entraîne une augmentation des dépenses du secteur privé dans ce domaine. C’est pourquoi, troisièmement, on cherche à restreindre les coûts médicaux en dehors du système financé par l’État, puisqu’ils ont tendance à faire augmenter les coûts de production à mesure qu’ils sont intégrés aux régimes d’assurance de l’employeur. Il importe de maintenir un régime à payeur unique si l’on veut atteindre ces objectifs d’efficience dans le domaine de l’assurance-maladie.
8. La mobilité peut être dans l’intérêt d’une province à un moment donné.
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Ces aspects de la macro-efficience, qui ont pris de l’importance récemment, commandent d’autres rôles que pourrait jouer le gouvernement fédéral. La prévention et les modes de vie, secteur d’activité où les gouvernements agissent surtout comme fournisseurs d’information, prennent une nouvelle importance ; le gouvernement fédéral pourrait y jouer un rôle, si l’on considère les économies d’échelle possibles et les coûts de coordination. Il y a plus encore : dans la Loi canadienne sur la santé, loi du Parlement du Canada, il est question du maintien de l’intégrité du régime public d’assurance-maladie comme facteur qui aide à restreindre les coûts d’assurance du secteur privé et à maintenir l’intégrité d’un régime à payeur unique.
L’équité
On peut soutenir que la recherche de l’équité, dans le domaine des soins de santé, a été la force motrice dominante à l’origine de l’apparition du système de santé public et qu’elle demeure, encore aujourd’hui, un objectif central. Comme dans le cas de l’efficience, toutefois, le point central de l’équité a changé avec le temps. Au début du régime d’assurance-maladie, l’équité d’accès constituait la principale préoccupation. Si celle-ci demeure un objectif central de l’assurance-maladie, il convient de noter qu’une répartition plus équitable de l’état de santé est devenue aussi un objectif de premier plan depuis quelque temps. Cette dernière préoccupation est liée à l’importance accrue accordée aux aspects du style de vie. Elle dénote aussi l’existence de liens avec des domaines stratégiques autres que la santé. L’équité a deux dimensions : horizontale et verticale. Dans le contexte actuel, on entend par équité horizontale un accès raisonnablement égal aux services médicaux pour tous les particuliers, sans tenir compte de facteurs comme le lieu de résidence et l’âge. L’équité verticale s’entend d’un accès raisonnablement égal, quels que soient le revenu ou la richesse9. Si l’équité horizontale et l’équité verticale sont des buts à la fois nationaux et provinciaux, elles peuvent néanmoins entraîner des choix stratégiques différents, car les décisions reflètent des priorités et des contraintes différentes. De plus, la redistribution (implicite) qu’entraînent les soins de santé financés par l’État peut être effectuée plus efficacement à l’échelon national qu’à l’échelon régional. Et l’intervention du gouvernement fédéral peut se justifier dans la mesure où elle traduit un engagement national envers l’équité dans les soins de santé comme expression de la communauté nationale. La recherche de l’équité nationale fondée sur ces justifications sous-entend l’existence de certaines normes nationales mais aussi la présence de ressources financières fédérales à l’appui du système de soins de santé.
9. L’interprétation générale de l’équité verticale est habituellement considérée comme une ordonnance de redistribution du revenu des particuliers et des familles à revenu élevé à des particuliers et des familles à faible revenu, par le régime de transferts fiscaux, par exemple. L’accès égal aux soins de santé pour les particuliers à revenu élevé et à faible revenu correspond à cette interprétation générale, en ce sens que le service présente un avantage relatif plus élevé pour les personnes à faible revenu que pour les personnes à revenu élevé, même si l’usage réel qu’ils font des services est le même.
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Même si elle n’est pas sans susciter la controverse, la redistribution nationale, qui entraîne une redistribution à la fois entre les personnes et entre les régions, est bien établie au Canada. Les programmes de redistribution directe du revenu, comme la sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti et l’assurance-chômage, redistribuent le revenu explicitement entre les personnes et implicitement entre les régions. Des programmes fédéraux, comme le Programme de péréquation, le Régime d’assistance publique du Canada et le financement des programmes établis (FPE), redistribuent le revenu explicitement entre les régions et implicitement entre les personnes10. Cet engagement envers la redistribution nationale a été réaffirmé à maintes reprises au fil des ans. On l’a dit récemment :
Comme Canadiens, les Canadiens ont, les uns envers les autres, des obligations qui vont plus loin que le blanchiment interrégional d’argent. Pour nous, la communauté canadienne veut vraiment dire quelque chose si elle aborde directement de grandes questions sociales importantes qui touchent profondément les Canadiens. Pour nous, le Canada est beaucoup plus réel s’il existe d’importantes sphères d’expérience partagée, des programmes critiques comme le programme de soins de santé et de services sociaux dont nous établissons ensemble les paramètres11.
La Loi constitutionnelle de 1982 (article 36) reconnaît de même les buts nationaux sur le plan de l’équité. Que l’on considère ces buts comme liés à l’accès ou aux résultats (état de santé), les conceptions nationale et provinciale de l’objectif peuvent diverger, et une redistribution régionale (du moins indirecte) apparaît possible. La question des frais d’utilisation dans le secteur de la santé (y compris la surfac turation par les médecins et les frais d’utilisation imposés par les hôpitaux) illustre une divergence possible entre les interprétations provinciale et nationale de l’équité. Si nous acceptons l’argument et les données probantes selon lesquels le fait de compter sur les frais d’utilisation ne réduit pas pour la peine le volume des ressources consacrées aux soins de santé, la décision de permettre ou d’encourager les frais en question, ou de 10. Les arrangements relatifs au FPE prévoient une redistribution entre les provinces en ce sens que chaque province reçoit du gouvernement fédéral une subvention égale par habitant, si l’on inclut le transfert de points d’impôt amorcé en 1977. Si l’on tient compte des transferts en espèces seulement, les provinces pauvres reçoivent un peu plus par habitant que les provinces riches. En 1995-1996, par exemple, les quatre provinces de l’Atlantique ont reçu environ 372 $ en espèces par habitant en vertu du FPE, l’Ontario a reçu 328 $, et l’Alberta, 345 $. (Le Québec a reçu moins d’argent par habitant que d’autres provinces parce qu’il avait reçu un transfert supplémentaire de points d’impôt comme abattement spécial.) L’annexe 1 présente un aperçu des arrangements financiers fédéraux-provinciaux dans le secteur de la santé depuis 50 ans. 11. Keith Banting et Robin Boadway, « Exposé présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes », 9 mai 1995.
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les interdire, s’appuie essentiellement sur des considérations liées à la distribution12. Réunir une partie des revenus nécessaires au financement des services médicaux par le recours aux frais d’utilisation déplace une partie des coûts des contribuables en général sur les utilisateurs directs du système. Compte tenu des différences sur le plan des populations, de la répartition du revenu, des compositions du revenu, et étant donné aussi les interprétations théoriques peut-être différentes de ce qui constitue l’équité verticale et l’équité horizontale, ainsi que l’importance qu’il faut accorder à ces buts, il n’est pas difficile de concevoir que le gouvernement fédéral puisse adopter une interprétation de l’équité nationale qui diffère de celle que les provinces ont de l’équité provinciale. Les contraintes
En général, la définition de buts nationaux distincts, dans le domaine de la santé, entraînera presque sûrement une certaine divergence de vues entre les (ou certains des) buts nationaux et les (ou certains des) buts provinciaux. Si le gouvernement fédéral doit se faire le défenseur des buts nationaux, il faut reconnaître la possibilité de tensions entre les gouvernements fédéral et provinciaux13, à cause des différences sur le plan des préférences (interprétation des buts), des clientèles ou des ressources (contraintes budgétaires différentes). Par ailleurs, le maintien de l’harmonie des relations fédérales-provinciales est une préoccupation qui peut limiter les inter ventions fédérales dans le domaine de la santé. La mesure dans laquelle il est possible d’atteindre des buts nationaux dans le domaine de la santé, tout en tenant compte de cette contrainte, dépendra en partie des méthodes ou des outils d’intervention utilisés par le gouvernement fédéral. D’autres contraintes façonnent aussi les méthodes d’intervention du gouver nement fédéral. On reconnaît, en général, qu’en vertu de la Constitution, l’orga nisation et la prestation des soins de santé constituent une question d’intérêt local, qui relève donc de la compétence des provinces (article 92). De plus, le gouvernement fédéral ne peut réglementer les provinces dans leurs domaines de compétence et doit donc compter sur des mécanismes d’intervention indirects (comme les incitations financières) pour modifier les politiques des provinces. Même si la Constitution donne des leviers financiers (le « pouvoir de dépenser » fédéral) au gouvernement fédéral, les préoccupations avec lesquelles il est aux prises sur le plan budgétaire limitent le recours à ces leviers. Le gouvernement fédéral doit en outre assumer des obligations qui découlent de ses engagements internationaux dans le domaine de la santé et de sa participation à des organisations internationales.
12. Voir, par exemple, la série de documents préparés par Evans et al. pour le Conseil du premier ministre sur la santé, le bien-être et la justice sociale (1994). 13. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a qu’une seule série de buts provinciaux. Il peut ainsi y avoir des frictions entre le gouvernement fédéral et certaines provinces et, par ailleurs, un consensus global sur la politique de santé entre le gouvernement fédéral et d’autres provinces.
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Les objectifs nationaux et la Loi canadienne sur la santé
En résumé, les intérêts fédéraux et provinciaux sont susceptibles de coïncider en ce qui concerne l’objectif de micro-efficience, mais de diverger à divers degrés en ce qui a trait aux autres buts publics, soit la macro-efficience, l’équité verticale et l’équité horizontale. Les différences entre les buts nationaux et provinciaux sont souvent imputables à des priorités et à des contraintes différentes plutôt qu’à des vues divergentes sur ce qui est souhaitable. Le gouvernement fédéral peut avoir raison d’intervenir lorsque des objectifs nationaux et régionaux coïncident ou divergent, mais les justifications diffèrent, tout comme le risque de tensions entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Le choix des mécanismes fédéraux peut très bien être fonction de ces différences et des contraintes auxquelles fait face le gouvernement fédéral. Ce chapitre se termine sur une brève note au sujet de la correspondance entre les objectifs généraux abordés ici et ceux de la politique fédérale énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Les cinq principes énoncés dans la loi sont en fait faciles à comprendre sur le plan de leurs caractéristiques relatives à l’efficience et à l’équité. Le tableau 1 illustre brièvement ces liens. Comme on le voit clairement, à l’exception partielle de la dernière condition, les objectifs nationaux énoncés dans la loi sont établis principalement dans les domaines où l’on a soutenu que les objectifs nationaux et provinciaux risquent fort de diverger. On pouvait s’y attendre, car c’est là où les buts divergent que s’imposent le plus les déclarations d’intention du gouvernement fédéral, lorsqu’il est question d’agir sur les mesures provinciales. Dans d’autres secteurs de la santé, où l’on peut considérer que l’intervention fédérale appuie ou remplace la coordination interprovinciale, de telles déclarations sont moins nécessaires. Tableau 1 Principes de la Loi canadienne sur la santé et objectifs nationaux Principes de la Loi canadienne sur la santé • Transférabilité • Accessibilité
• Intégralité • Universalité • Administration publique
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Objectifs nationaux conceptuels Équité horizontale ; macro-efficience Équité verticale ; équité horizontale (p. ex. aucune exclusion fondée sur des conditions existant au préalable) Macro-efficience, équité verticale ; équité horizontale Équité verticale ; équité horizontale Micro-efficience ; macro-efficience
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Les leviers fédéraux dans le domaine de la santé
Dans ce chapitre, nous classerons en fonction du cadre établi dans le chapitre précédent les mécanismes ou leviers stratégiques qu’utilise actuellement le gouvernement fédéral dans le domaine de la santé. Cette classification14 établira un lien entre les mécanismes fédéraux et les objectifs nationaux dans le domaine de la santé. Elle facilitera aussi l’analyse de ces mécanismes et d’autres moyens fédéraux possibles dans le chapitre suivant. Cette classification ne vise pas à présenter une énumération détaillée de tous les programmes fédéraux pertinents. L’exercice vise plutôt à relever les types de mécanismes (plusieurs programmes précis peuvent représenter des variations sur le même thème) et à établir un lien entre ceux-ci et les objectifs nationaux qu’ils visent. Le tableau 2 présente un sommaire de cette classification. Il est structuré de façon à établir un lien entre trois variables : le type de mécanisme fédéral, le ou les premiers « points d’impact » ou le « partenaire » fédéral touché par ce mécanisme, et les objectifs nationaux qu’il doit faire progresser15. Même si, comme on l’a dit ci-dessus, la discussion porte sur les types de mécanismes plutôt que sur des programmes fédéraux particuliers, nous indiquons aussi le ministère ou organisme fédéral responsable dans le cas de chaque type de mécanisme. Nous présentons quatre types de mécanismes. Les dépenses (subventions et contributions) comprennent les paiements en espèces versés directement à d’autres gouvernements ou à leurs organismes, à des organisations et à des particuliers. Les dépenses (directes) comprennent les programmes auxquels le gouvernement fédéral consacre des ressources pour fournir des services directement. Les mécanismes fiscaux sont ceux qui recourent aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu et à d’autres mesures fiscales pour fournir des avantages aux institutions, aux entreprises et aux particuliers. Les mécanismes réglementaires comprennent des moyens de contrôle sur le domaine des activités, des produits et des services permissibles. Ces leviers réglementaires peuvent varier, allant de l’obligation de fournir des renseignements sur les produits et la délivrance de permis jusqu’au recours aux sanctions prévues au Code criminel pour assurer la sécurité des produits. Enfin, les services d’information doivent porter sur toutes sortes d’activités fédérales visant à présenter des solutions de rechange, à fournir des lignes directrices, à promouvoir la discussion et à fournir des renseignements à d’autres intervenants du domaine de la santé. Ces services comprennent aussi le rôle de courtier pour la coordination des intervenants intéressés dans l’établissement de buts et d’ententes afin de guider des activités futures.
14. Elle est fondée sur une énumération détaillée, fournie dans un document de travail interne préparé par le Forum national sur la santé, juillet 1995. 15. Lorsqu’un objectif porte simplement sur l’efficience, il doit viser à la fois la micro-efficience et la macro-efficience. De même, lorsqu’il est question simplement d’équité, nous sousentendons l’équité horizontale et l’équité verticale.
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Dans certains cas, un programme (levier) particulier peut figurer dans plus d’une catégorie. Par exemple, une campagne d’information ou de publicité visant à promouvoir des modes de vie sains peut être incluse dans la catégorie des dépenses (directes) et dans celle des services d’information. De même, certains mécanismes peuvent se remplacer l’un l’autre. Ainsi, on peut promouvoir les activités de recherche et développement par un programme de subventions directes et par des mesures fiscales qui permettent d’accorder un traitement spécial aux dépenses de recherche. L’exercice en cours ne vise pas uniquement ces aspects ; son objectif principal est plutôt d’établir les liens entre les leviers fédéraux et les buts nationaux. Les subventions aux provinces (point 1) représentent de loin le plus important de tous les mécanismes de dépense. En 1995-1996, le total des paiements en espèces versés aux provinces, au titre du financement des programmes établis (FPE), franchira à peine la barre des neuf milliards de dollars16. Ces subventions contribuent à la réalisation des objectifs d’équité nationale et de macro-efficience, car elles permettent de redistribuer des ressources entre les provinces et donnent au gouvernement fédéral le moyen de faire respecter les principes de la Loi canadienne sur la santé. (L’annexe 1 contient des renseignements plus détaillés sur les subventions versées au titre du FPE.) Les activités de promotion de la santé (points 2, 7 et 19) comprennent des acti vités d’information, d’éducation et de relations publiques que le gouvernement fédéral entreprend directement ou qu’il aide à financer par des subventions aux provinces, aux fournisseurs de soins de santé, à d’autres organisations et à des particuliers. Ces activités font progresser les buts relatifs à la micro-efficience par la production et la diffusion de renseignements qui, autrement, pourraient être difficiles d’accès pour les professionnels de la santé et les consommateurs. Elles contribuent aussi à l’équité verticale et horizontale dans la mesure où elles visent des groupes précis qui, pour quelque raison que ce soit, sont relativement désavantagés lorsqu’il s’agit d’avoir accès à l’information nécessaire pour prendre des décisions éclairées sur leur santé et les soins de santé. Le mandat du nouvel Institut canadien d’information sur la santé s’inscrit en partie dans ces catégories. Des descriptions semblables s’appliquent, du moins en partie, aux programmes destinés aux enfants (point 3) et aux personnes âgées (point 4) lancés par Santé Canada. Dans la mesure où ils favorisent la diffusion de l’information sur les besoins spéciaux des membres de ces groupes, ces programmes contribuent à la micro-efficience et à l’équité. Dans la mesure où ils appuient la recherche sur des questions de santé connexes, ils contribuent à la micro-efficience. Les subventions de recherche accordées par Santé Canada (point 5) et par le Conseil de recherches médicales (point 6) ou les incitations fiscales aux activités de
16. De cette somme, environ sept milliards de dollars sont désignés dans le budget fédéral comme soutien aux systèmes provinciaux de soins de santé (tableau 4). Si l’on accepte la position fédérale selon laquelle le transfert de points d’impôt aux provinces effectué en 1977 fait partie du transfert FPE actuel, les revenus produits et le transfert fédéral réel en espèces totalisent 22 milliards de dollars.
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recherche et développement (point 14) contribuent à la micro-efficience. Compte tenu des avantages, sur le plan de l’externalité, qui sont souvent liés aux résultats de la recherche (c.-à-d. les avantages que ne peut saisir le particulier ou l’institution qui effectue la recherche), il faut des subventions publiques pour stimuler un niveau optimal d’activité de recherche. Comme les retombées ne sont pas limitées à une province en particulier, les subventions fédérales peuvent permettre des gains supplémentaires d’efficience, comparativement à toutes sortes d’incitations offertes individuellement par les provinces ou collectivement dans le cadre d’une coordination interprovinciale. Les activités de surveillance et de lutte contre la maladie (point 8) sont un excellent exemple des économies d’échelle que peuvent offrir certaines formes de participation fédérale. On suppose que, même sans l’intervention du gouvernement fédéral, les provinces trouveraient avantageux de collaborer et d’échanger de l’information sur l’évolution des tendances de la santé et de la maladie. Cette coordination serait clairement plus efficiente (donnant lieu à des économies d’échelle) que les activités que chaque province pourrait entreprendre individuellement. L’avantage supplé mentaire que présente la participation fédérale, c’est que les « frais généraux » (coûts d’opération) qu’entraînent la conclusion et l’administration d’ententes provinciales diminueraient. On peut avancer des arguments semblables en ce qui a trait aux programmes de recherche, de normes et d’inspection dans le domaine des aliments (points 9 et 17), de réglementation des produits pharmaceutiques (point 16) et d’évaluation des instruments médicaux (points 10 et 18). Le gouvernement fédéral utilise le régime d’impôt sur le revenu pour offrir toutes sortes de dispositions17 afin d’aider les particuliers qui ont des dépenses médicales importantes (point 11) ou des incapacités (point 12), surtout pour des raisons d’équité (principalement horizontale). Le crédit pour dons de charité représente, pour les particuliers (et les entreprises) une incitation fiscale à verser des contributions aux hôpitaux et aux organisations de services de santé (point 13). Cette incitation remplace le financement direct (accru) que le gouvernement devrait probablement accorder à ces institutions, et dans ce contexte, si l’incitation entraîne une affectation de fonds se rapprochant davantage des préférences des particuliers que la budgétisation par le gouvernement, l’efficience augmente. Enfin, dans la catégorie « fiscalité », la législation sur la TPS permet un remboursement de 83 % de la TPS payée par les hôpitaux, de 57,14 % de celle que paient les établissements municipaux de soins prolongés et de 50 % de celle que paient les établissements de soins prolongés sans but lucratif (point 15).
17. Comme on l’a déjà signalé, le gouvernement fédéral est d’avis que l’espace fiscal qu’il a cédé aux provinces en 1977, sur le plan de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés, fait partie de sa contribution aux soins de santé (et à l’enseignement postsecondaire). À peu près tous les observateurs indépendants des relations fédérales-provinciales sur le plan fiscal considèrent que cet espace fiscal est fermement du ressort des provinces et que le gouvernement fédéral n’y a pas accès à des fins stratégiques. C’est la position que nous adoptons aussi dans ce document.
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Enfin, comme exemple de leadership politique, le gouvernement fédéral favorise, conformément au mandat du Forum national sur la santé (point 21), les consultations et les discussions publiques sur des solutions de rechange dans le domaine de la santé, ainsi que sur des façons de promouvoir une efficience accrue. Résumé
Le tableau 2 indique un certain nombre de régularités qu’il convient de signaler dans l’utilisation des mécanismes fédéraux. La plupart des mécanismes ou des leviers ont pour but la micro-efficience et ont trait à des domaines précis où l’on peut supposer qu’il n’y a pas de divergence importante entre les perspectives provinciale et nationale. Un grand nombre de ces programmes fédéraux ont une orientation ou des objectifs relativement étroits. De plus, tous les leviers fédéraux non financiers (services de réglementation et d’information) portent sur ces préoccupations. En outre, de nombreux leviers financiers fédéraux (pouvoir de dépenser, surtout, et fiscalité, à un degré moindre) visent cet aspect, même si les sommes en cause sont relativement modestes. Lorsque les buts nationaux et provinciaux divergent – macro-efficience et équité (certains de ses aspects) –, le gouvernement fédéral s’en remet presque exclusivement aux subventions aux provinces pour faire progresser la perspective nationale. Il a été fait mention, plus haut, de contraintes entourant le recours aux leviers fédéraux. Il y a à cela des raisons tant politiques que constitutionnelles. Sur le plan politique, il est possible d’éviter ou de réduire au minimum les tensions que pourraient susciter des buts divergents, si le gouvernement fédéral modifie les politiques provinciales par des incitations favorables plutôt que par des moyens de contrôle négatifs, comme la réglementation. En langage de tous les jours, disons que « la carotte » donne de meilleurs résultats que « le bâton ». Sur le plan constitutionnel, le gouvernement fédéral ne possède pas l’autorité nécessaire pour réglementer le comportement des provinces dans des domaines qui relèvent de leur compétence. Il ne peut donc compter que sur des incitations non réglementaires pour atteindre des objectifs stratégiques nationaux. Cette contrainte est soulignée par l’absence de toute entrée dans le tableau 2, dans la colonne des provinces, au regard des mécanismes d’imposition et de réglementation.
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Mécanismes stratégiques fédéraux dans le domaine de la santé, selon le « partenaire » et l’objet Partenaire/ Provinces Professionnels/ Secteur privé/ type de mécanisme (et organismes) institutions consommateurs DÉPENSES (subventions et contributions) Santé Canada 1. Subventions (FPE)
Équité ; macro-efficience
2. Promotion de la santé
Micro-efficience
Micro-efficience
Micro-efficience ; équité
3. Initiatives pour les enfants
Micro-efficience
Micro-efficience ; équité
4. Initiatives pour les personnes âgées
Micro-efficience ; équité
Micro-efficience
5. PNRDS
Micro-efficience
Conseil de recherches médicales 6. Subventions de recherche
Micro-efficience
DÉPENSES (directes) Santé Canada 7. Promotion de la santé
Micro-efficience
Micro-efficience
8. Surveillance/lutte contre la maladie
Micro-efficience
Micro-efficience
Micro-efficience ; équité
9. Aliments
Micro-efficience ; équité
10. Instruments médicaux
Micro-efficience ; équité
Micro-efficience
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Tableau 2
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Partenaire/ Provinces Professionnels/ Secteur privé/ type de mécanisme (et organismes) institutions consommateurs
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Tableau 2 (suite)
DÉPENSES (subventions et contributions) Santé Canada 11. Crédit pour frais médicaux Équité
13. Crédit pour dons de charité
Équité ; micro-efficience
1 4. Incitations fiscales à la recherche
Micro-efficience
15. Remboursement de la TPS
Équité
Micro-efficience Équité
Réglementation Santé Canada 16. Médicaments
Micro-efficience
Micro-efficience
17. Aliments
Micro-efficience
Micro-efficience
18. Instruments médicaux
Micro-efficience
Micro-efficience
services d’information Santé Canada 19. Promotion de la santé
Micro-efficience
Micro-efficience
20. Services de santé
Micro-efficience
Micro-efficience
Efficience ; équité
Efficience ; équité
Forum national sur la santé 21. Secteurs d’intervention : santé
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12. Crédit d’impôt pour personnes handicapées
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Objectifs nationaux et mécanismes fédéraux : comment maintenir les principes nationaux des soins de santé
Deux observations générales sur le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé s’imposent. D’abord, il importe de signaler que la définition du rôle fédéral élaborée jusqu’ici laisse beaucoup de place à la variation entre les provinces sur le plan des politiques et des programmes de santé. On pourrait s’attendre à ce que de nombreuses interventions provinciales dans ces domaines, qui ne comportent généralement pas de liens interprovinciaux importants, varient considérablement, puisque chaque gouvernement prend des décisions en fonction des besoins et des préoccupations de sa propre population. Compte tenu de la variation importante entre les provinces, une intervention nationale coordonnée et le maintien de normes nationales sont donc des options tout à fait plausibles. Ensuite, plusieurs analystes ne trouvent pas tellement convaincant l’argument en faveur de l’intervention fédérale pour assurer le maintien des normes nationales. L’appui général que la population accorde aux principes établis de l’assurance-maladie et les intérêts que partagent les professionnels de la santé dans toutes les provinces feront obstacle aux gouvernements provinciaux qui voudront s’écarter de ces principes ou les diluer. Ainsi, l’existence d’objectifs nationaux ne justifie pas pour autant l’intervention fédérale18. Ce n’est peut-être pas la thèse que soutient ce document, mais il s’agit d’une position crédible, que nous adopterons dans la section qui suit sur les mécanismes d’intervention fédéraux possibles. La section réunit d’abord les sources du « pouvoir » fédéral dans le domaine de la santé et précise comment ce pouvoir est étroitement lié à la participation financière fédérale, sur laquelle pivote, à de nombreux égards, toute la présence fédérale dans le domaine de la santé. Nous tâchons ensuite de voir si le gouvernement fédéral peut continuer d’agir sur les objectifs nationaux dans le domaine de la santé autrement que par la participation financière et, le cas échéant, à quels autres mécanismes il peut avoir recours. Nous concluons que ces mécanismes non financiers ne sont pas viables et qu’il faut maintenir la participation financière. La dernière section présente ensuite des modèles possibles de participation financière.
Le pouvoir légal du gouvernement fédéral
Même si nous avons, à la section « Objectifs nationaux et provinciaux dans le domaine de la santé » de ce document, justifié sur le plan fonctionnel l’intervention du gouver nement fédéral dans le secteur de la santé, il reste encore à aborder la source du pouvoir légal, politique et moral qui permet au gouvernement fédéral d’agir ainsi. Sur le plan constitutionnel ou légal, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral et son pouvoir dans le domaine du droit criminel sont les deux principaux
18. C’est explicitement ou implicitement la position adoptée par Hobson et St. Hilaire, 1993, et par Norrie, 1994.
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piliers de son activité dans le domaine de la santé. Le pouvoir de dépenser lui permet d’intervenir dans des secteurs stratégiques où il ne peut réglementer directement. Ce pouvoir, bien établi, a été interprété librement au fil des ans, ce qui est à l’origine de la présence fédérale dans divers secteurs et des contributions fédérales aux provinces, à des institutions et à des particuliers. Le pouvoir fédéral consiste à assortir ses contributions financières de conditions d’admissibilité plutôt qu’à réglementer directement l’activité en cause. Jusqu’à maintenant, la capacité du gouvernement d’appuyer les principes de la Loi canadienne sur la santé a toujours reposé sur son pouvoir de dépenser et sur les conditions qu’il attache aux subventions en argent qu’il verse aux provinces. Pour maintenir la santé et la sécurité de la population, le gouvernement fédéral peut recourir à son pouvoir dans le domaine du droit criminel. C’est ainsi, par exemple, que le gouvernement fédéral intervient dans des domaines connexes à la santé en imposant des sanctions criminelles pour utilisation illégale de stupéfiants (Loi sur les stupéfiants), pour étiquetage trompeur et manipulation non sécuritaire (Loi sur les aliments et drogues) et pour contrôle de produits dangereux19. D’autres justifications légales de l’intervention du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé s’appuient sur la clause relative à la paix, à l’ordre et au bon gou vernement que contient la Constitution et sur les pouvoirs fédéraux de réglementation du commerce interprovincial. Le pouvoir fédéral s’étend à la conclusion d’ententes sur des questions internationales qui ont trait à la santé et aux préoccupations, dans le domaine de la santé, liées aux personnes qui entrent au Canada. Enfin, le gouvernement fédéral a des responsabilités bien définies à l’égard des soins de santé à fournir aux autochtones, aux membres des forces armées et aux anciens combattants, ainsi qu’aux fonctionnaires. Les mécanismes d’intervention fédérale non financiers
Nous évaluons trois voies ou catégories d’options non financières qui pourraient permettre au gouvernement fédéral de maintenir les objectifs nationaux dans le domaine de la santé. Il y a d’abord ce qu’on pourrait appeler la voie réglementaire, qui pourrait combiner plusieurs étapes. Il faudrait commencer par modifier la Loi canadienne sur la santé afin de définir avec plus de précision les objectifs nationaux. Par exemple, on exerce des pressions sur le gouvernement pour qu’il dresse une liste de services de santé « couverts » (« médicalement nécessaires ») qui définirait plus précisément le
19. La Cour suprême a soutenu récemment que le gouvernement fédéral peut, en vertu de son pouvoir dans le domaine du droit criminel, réglementer la vente de produits du tabac (RJR-MacDonald c. Canada, C.S.C., 21 septembre 1991). Peter Hogg a souligné cette affirmation du pouvoir fédéral dans des commentaires sur une version antérieure du présent document.
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principe de l’intégralité20. L’application se ferait en vertu du pouvoir du gouvernement fédéral dans le domaine du droit criminel ou par la « doctrine de l’intérêt national » défendue par la clause sur « la paix, l’ordre et le bon gouvernement ». Il y a peu de chances qu’on emprunte cette voie (ou une voie semblable), pour plusieurs raisons. Il semble bien établi, et ce, en droit, que le gouvernement fédéral ne peut réglementer directement des programmes provinciaux dans les domaines de compétence des provinces. Sur le plan politique, une intervention aussi agressive du gouvernement fédéral ne manquerait certainement pas de provoquer des réactions négatives parmi les provinces et de perturber gravement les relations fédérales-provinciales en général. En plus des obstacles légaux et politiques, des interventions fédérales de cette nature ne réussiraient pas, en soi, à faire progresser l’équité : la réalisation de cet objectif passe par la participation financière fédérale. La voie constitutionnelle ou légale est une deuxième option possible. On pourrait, par exemple, ajouter à la Charte des droits et libertés un droit aux soins de santé21. On pourrait ajouter à la Constitution un contrat social comme celui qui avait été proposé dans l’Accord de Charlottetown. Cette proposition comportait un certain nombre d’objectifs non justiciables liés à l’union économique et sociale canadienne, dont un reprenait les principes de la Loi canadienne sur la santé. On peut supposer que de telles dispositions constitutionnelles auraient probablement un effet sur les décisions des gouvernements provinciaux, mais il importe de signaler que ces dispositions ne donneraient pas au gouvernement fédéral un nouveau moyen d’agir sur les systèmes de santé des provinces. Ces dispositions seraient interprétées par les provinces (et peut-être par les tribunaux, dans le cas des modifications de la Charte) et seraient, de ce fait, soumises à une nouvelle contrainte importante. En dernière analyse, toutefois, de telles propositions reviennent à l’argument selon lequel l’intervention fédérale n’est pas nécessaire au maintien des objectifs nationaux dans le domaine des soins de santé. On peut certes supposer que le pouvoir discrétionnaire des provinces diminuerait (cette diminution dépendrait de la justiciabilité de la nouvelle disposition constitutionnelle), mais les interprétations que feraient les provinces des objectifs nationaux finiraient par prévaloir22.
20. La question abordée ici consiste à savoir si, conjugué à d’autres mesures non financières, ce mécanisme suffirait pour maintenir le levier fédéral dans le domaine de la santé. On peut défendre un argument distinct en préconisant de renforcer la loi dans le cadre d’une initiative visant à maintenir la présence financière du fédéral. Maslove, 1995. 21. Voir, par exemple, la discussion dans Association du Barreau canadien, 1994. 22. On pourrait s’attendre à un résultat semblable si chacune des provinces intégrait les principes de la Loi canadienne sur la santé dans sa propre législation sur la santé. Essentiellement, tous les arrangements de cette nature seraient plus ou moins importants : tout dépendrait de la mesure dans laquelle ils contraindraient ou limiteraient l’envergure du pouvoir discrétionnaire avec lequel les provinces interpréteraient les objectifs nationaux.
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La troisième voie non financière que le gouvernement fédéral pourrait emprunter pour appuyer les objectifs nationaux pourrait être qualifiée de politique de haut niveau ou de persuasion morale (avec un grand « M »). Outre son pouvoir légal, le gouvernement fédéral a un important pouvoir politique et moral, parce que la population appuie fermement le système national de soins de santé. Le régime d’assurance-maladie et, partant, la Loi canadienne sur la santé reçoivent constamment un appui écrasant dans les sondages23. De plus, le rôle historique que le gouvernement fédéral a joué dans l’avènement de l’assurance-maladie (annexe 1) et sa présence financière dans le domaine de la santé (même si elle est très souvent mal comprise) font croire que le fédéral joue un rôle important dans le maintien de l’assurance-maladie, ce qui lui donne un solide pouvoir moral d’intervention. Le gouvernement fédéral pourrait intervenir davantage lorsqu’il s’agit de fournir de l’information et peut-être même de mobiliser des pressions politiques pour essayer de veiller à ce que les provinces se conforment aux objectifs nationaux des soins de santé. L’efficacité de ces interventions, en soi, pourrait toutefois être limitée. Si la population des provinces appuie essentiellement la position fédérale, le facteur déterminant de la politique provinciale est peut-être bien cet appui plutôt que l’intervention fédérale. Autrement dit, il se peut que cette voie, encore plus que l’éventail des solutions constitutionnelles, soit réduite, en bout de ligne, à un argument selon lequel les provinces, face aux pressions politiques qui s’exercent sur elles, sont susceptibles de se conformer aux objectifs nationaux sans l’intervention du gouvernement fédéral. En tirant essentiellement la même conclusion d’un raisonnement un peu différent, on pourrait signaler que la persuasion morale en soi n’aura probablement qu’une incidence limitée. Son efficacité passe par la capacité ou le pouvoir du « persuadant » de recourir à des moyens plus directs (p. ex. réglementation, dépenses). Dans le cas du gouvernement fédéral, son pouvoir politique et moral sur la santé repose en grande partie sur sa participation financière. Les pouvoirs de réglementer et d’appliquer le droit criminel que le gouvernement fédéral peut exercer dans les domaines liés à la santé jouent certes un rôle important dans le maintien et la protection de l’état de santé de la population canadienne, mais l’assurance-maladie est le volet le plus visible du système de santé en général et, dans ce cas-là, l’argent fédéral est considéré comme le principal levier stratégique du gouvernement. Sans cette présence financière, on peut raisonnablement se demander si la persuasion morale donnerait des résultats. On pourrait être tenté de soutenir en outre que, sans compter qu’il est nécessaire pour faire avancer les objectifs nationaux liés à l’assurance-maladie en soi, le partenariat financier entre le fédéral et les provinces est indispensable pour que le gouvernement fédéral puisse jouer un rôle de chef de file ou exercer une persuasion morale dans d’autres domaines liés à la santé. Cet argument laisse entendre que, dans d’autres domaines où des objectifs fédéraux et provinciaux liés à la santé peuvent converger, le pouvoir politique et moral (mais non légal) qui sous-tend la participation fédérale est une solide présence financière du gouvernement fédéral.
23. Tuohy, 1994.
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De plus, si le lien entre les contributions financières du gouvernement fédéral et son pouvoir moral est direct, une augmentation des fonds pourrait permettre au gouvernement fédéral d’assortir ses contributions de conditions moins nombreuses et moins rigoureuses pour atteindre les objectifs nationaux parce que sa contribution financière renforcerait son pouvoir de persuasion morale. Il se peut donc que les deux grandes catégories d’objectifs et les mécanismes qui leur sont associés soient interreliées. Dans ce cas, les leviers financiers prennent encore plus d’importance que celle qu’on leur accorde souvent. La discussion qui précède nous ramène à la participation financière du gouver nement fédéral en tant que pilier de son intervention dans le domaine de la santé. Si l’on peut envisager des mécanismes non financiers, il semble toutefois que ceux-ci seraient peu pratiques (p. ex. réglementation directe de programmes provinciaux) ou qu’ils constituent des arguments tacites et indirects selon lesquels une intervention fédérale véritable n’est pas nécessaire au maintien des objectifs nationaux dans le domaine de la santé. Si l’on admet que le gouvernement fédéral doit intervenir, les mécanismes financiers doivent continuer d’exister. En fait, la plupart des analyses qui soutiennent que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer concluent aussi que l’argent est le seul levier efficace24. Il convient aussi de souligner que, même dans des fédérations où le gouvernement central a plus de pouvoirs de réglementation que le Canada dans le domaine de la santé, la participation financière est en général un des moyens d’intervention les plus importants, voire le plus important, du gouvernement national (annexe 2). Autres leviers
Dans le cas des buts communs avec les provinces, les leviers fédéraux remplacent à de nombreux égards ceux des provinces, et l’on pourrait s’attendre à ce qu’ils corres pondent plus ou moins aux mesures que les gouvernements provinciaux prendraient pour atteindre ces buts. On pourrait donc s’attendre, essentiellement, à ce que le gouvernement fédéral utilise l’éventail complet des moyens stratégiques à ces fins, puisqu’il agit de concert avec les provinces (explicitement ou implicitement) pour modifier le comportement d’autres intervenants. Ces moyens comprennent les leviers financiers (mesures de dépenses directes et d’imposition), la réglementation et l’éventail des activités qu’englobe l’expression « services d’information ». Le gouvernement fédéral pourrait devenir encore plus actif dans ces domaines. L’établissement, ces dernières années, de nouveaux organismes, comme l’Institut canadien de l’information sur la santé (ICIS)25, démontre qu’on reconnaît la nécessité
24. Voir, par exemple, Battle et Torjman,1995 ; Mendelson, 1995b ; Osberg, 1995 ; HEAL 1995 ; et autres mémoires présentés au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. 25. Même si l’ICIS a été établi à titre d’organisme indépendant sans but lucratif, le gouvernement fédéral a été le principal catalyseur de sa création.
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d’améliorer l’information, de resserrer la surveillance et de promouvoir plus énergi quement les méthodes de prévention des maladies. Si l’on va plus loin en ce sens, l’intervention fédérale pourrait appuyer les provinces dans des domaines comme l’éta blissement de buts relatifs à l’état de santé, la production de rapports comparatifs sur l’état de santé, l’exécution de recherches sur l’organisation de la pratique de la médecine (organisations de maintien de la santé, etc.), l’analyse économique (coûts-avantages) de solutions de rechange à l’intervention médicale, l’évaluation de technologies nouvelles, etc. L’ICIS pourrait se charger de ces activités si l’on interprétait son mandat de façon libérale. L’ICIS pourrait jouer, dans le domaine de la santé, un rôle comparable au rôle d’éducation de la population, de recherche et d’évaluation des politiques que jouait auparavant le Conseil économique du Canada dans le domaine de la politique économique26. des Exemples de partenariats financiers
Compte tenu du rôle central que jouent les leviers financiers fédéraux dans le domaine des soins de santé, nous analysons dans cette section d’autres modèles de participation financière fédérale, y compris le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux proposé par le gouvernement. Pour établir le contexte de cette analyse, l’annexe 1 présente un résumé de la participation financière fédérale dans le secteur de la santé depuis une cinquantaine d’années. Le transfert au titre du financement des programmes établis (FPE) est actuellement la principale contribution financière du gouvernement fédéral auprès des provinces dans le domaine des soins de santé. (L’annexe 1 contient des détails sur le FPE). Ce transfert sert trois fins : • Il contribue aux ressources financières totales dont disposent les provinces. Sans les contributions fédérales, on suppose que les provinces percevraient des impôts plus élevés (et que le gouvernement fédéral en percevrait des moins élevés ou aurait un déficit moins lourd) afin de financer le même niveau de services. Comme on l’a suggéré plus tôt, il pourrait être préférable que ce soit le gouvernement fédéral, plutôt que les provinces, qui réunisse ces revenus, pour des raisons à la fois d’efficience générale et d’équité27 ; • Il égalise (mais pas complètement) les capacités fiscales des provinces ; • Il donne au gouvernement fédéral un effet de levier sur le système de santé. Plus précisément, le transfert en espèces au titre du FPE constitue le moyen de veiller à l’application de la Loi canadienne sur la santé.
26. Le concept d’un conseil de la santé du Canada a été mis de l’avant en 1985 dans le «Rapport du Groupe d’étude chargé de l’examen des programmes sur la santé et le sport » du Groupe chargé de l’examen des programmes (Groupe de travail Nielson). L’ICIS pourrait en fait devenir une telle institution. 27. Des études sur l’incidence fiscale concluent en général que le régime fiscal fédéral est plus progressif que celui des provinces.
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Les deux premiers buts ne sont pas liés directement à la santé ni à aucun autre domaine de politique en particulier. L’amélioration des ressources financières des provinces permet aux gouvernements provinciaux de hausser leur niveau de dépenses ou de réduire leur taux d’imposition. Si l’on se fonde sur la composition globale des dépenses des provinces, on pourrait s’attendre à ce qu’un quart à un tiers de toute hausse de dépenses soit consacré aux soins de santé, mais il n’y a aucun lien direct avec les objectifs nationaux dans le domaine de la santé. Des commentaires semblables s’appliquent à l’aspect péréquation de la subvention FPE. Si l’on prend le « versement total » (transfert en espèces et revenu produit par le transfert de points d’impôt en 1977) comme critère de mesure, toutes les provinces reçoivent des montants égaux par habitant. Si l’on tient compte de l’argent seulement comme critère de mesure, les provinces à revenu plus faible touchent en réalité plus par habitant (comme on l’a signalé à la section « Les objectifs nationaux et provinciaux dans le domaine de la santé »). C’est le troisième élément du transfert en espèces au titre du FPE qui est lié directement à la prestation de soins de santé par les provinces. Il s’agit de l’aspect conditionnel du transfert FPE autorisé par la Loi canadienne sur la santé qui donne au gouvernement fédéral un levier limité sur ce domaine de politique. L’aspect conditionnel n’est pas lié à la forme du financement de contrepartie des dépenses provinciales admissibles, mais plutôt à la possibilité de sanctions financières discrétionnaires (réductions du transfert en espèces) pour inobservation des principes de la loi. C’est pourquoi, comme le démontre l’annexe 1, ces conditions représentent un minimum depuis que le gouvernement fédéral a commencé à participer financiè rement aux soins de santé, il y a un demi-siècle. Le manque de stabilité (baisse de la valeur réelle avec le temps) et le peu de prévisibilité (le gouvernement fédéral peut le modifier de façon imprévue et unilatérale) est le principal problème auquel fait face le transfert FPE28 sur le plan financier. À cause de ces facteurs, un jour (si l’on ne modifie pas la structure de la subvention) l’argent qui reste dans le transfert FPE ne sera plus suffisant pour maintenir les principes de la Loi canadienne sur la santé. Il est difficile de fixer, pour le transfert FPE, un seuil précis au-dessous duquel le gouvernement fédéral perd son pouvoir. Ce seuil variera d’une province à l’autre selon les programmes du gouvernement provincial (comme on l’a indiqué plus tôt, certaines provinces pourraient décider d’adhérer aux principes de la Loi canadienne sur la santé même sans être passibles de sanctions fédérales) et les contraintes auxquelles il fait face. Il est toutefois possible de signaler des jalons pertinents à la question. Le plus évident est le point où le transfert total en espèces tomberait à zéro. Un autre tournant possible est le cas où le transfert en espèces à une province en particulier tomberait à zéro. La plupart des estimations indiquent que cela commencera à se produire dans
28. Les ambiguïtés inhérentes du programme représentent un autre problème sérieux. Voir Maslove, 1995.
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une dizaine d’années environ29, selon la province en cause. Lorsque le gouvernement fédéral perdra son levier financier dans une province, il pourrait alors trouver impossible, sur le plan politique, d’exercer des pressions sur les autres provinces. Un troisième jalon serait le moment où la subvention à une province est comparable à ce que la province en cause pourrait faire si elle établissait des frais d’utilisation raisonnables (frais imposés aux patients hospitalisés et surfacturation de santé) pour des services de soins médicaux. (Les revenus produits par les frais d’utilisation seraient versés directement à la province ou aux médecins et aux hôpitaux, ce qui entraînerait une réduction correspondante des paiements directs effectués par le Trésor de la province.) Cette comparaison est pertinente, parce que la Loi canadienne sur la santé permet de réduire le transfert en espèces d’un montant égal aux revenus produits par les frais. Le point auquel ce montant commence à dépasser le transfert en espèces représente donc un seuil possible. Enfin, mais c’est encore moins précis, on pourrait parler d’un montant d’argent suffisant pour démontrer un engagement politique fédéral envers les soins de santé et inciter la population à continuer d’apprécier le maintien du rôle fédéral et de l’appuyer. Ce dernier seuil possible est lié à l’argument avancé plus tôt selon lequel, sans compter qu’elles constituent un moyen « d’exécution » de la Loi canadienne sur la santé, les contributions financières du gouvernement fédéral l’autorisent aussi à jouer un plus grand rôle dans le système de santé du Canada. Ce pouvoir moral, qui s’étend aux questions abordées dans la loi ainsi qu’à d’autres aspects de la santé, est tributaire de l’appui public à la participation fédérale qui, en retour, peut très bien être lié aux contributions financières fédérales30. Pour maintenir sa présence comme partenaire financier dans le domaine de la santé et l’effet de levier direct et indirect qui l’accompagne, le gouvernement fédéral a plusieurs options. Nous en analysons quatre afin de donner une idée de l’éventail des solutions financières disponibles. Il ne faudrait pas limiter artificiellement la discussion publique des solutions possibles à une comparaison du FPE et du TCSPS proposé.
Option 1 – Maintien d’un transfert en espèces
C’est la solution qui maintiendrait le mode traditionnel d’appui qui a cours depuis un demi-siècle et que représente le Transfert canadien en matière de santé et de programmes
29. Le Caledon Institute estime que si la formule FPE était appliquée au nouveau TCSPS, les transferts en espèces commenceraient à disparaître à compter de 2010. Le Québec serait le premier à ne plus recevoir d’argent parce qu’il a reçu un abattement fiscal spécial supplémentaire (et, par conséquent, moins d’argent) en vertu d’accords antérieurs. Voir l’annexe 1. 30. Même si les contextes institutionnels sont très différents, il est intéressant de constater (annexe 2) que dans les autres pays fédéraux, à l’exception de la Suisse, la part des coûts du régime public des soins de santé que le gouvernement fédéral assume dépasse 50 %.
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sociaux (TCSPS) proposé. Le gouvernement fédéral continuerait de verser des transferts en espèces aux provinces. Le TCSPS, ou un programme semblable, continuerait de servir les trois fins décrites ci-dessus : il contribuerait aux capacités financières des provinces collectivement ; il comporterait une mesure de péréquation en donnant davantage par habitant aux provinces les plus pauvres ; il donnerait au gouvernement fédéral un moyen d’exécution en liant le transfert à l’obligation, pour les provinces, de continuer d’observer les cinq conditions établies dans la Loi canadienne sur la santé. Comme on le sous-entend ci-dessus, les exigences clés qu’il faut intégrer au TCSPS doivent viser d’abord à stabiliser le montant d’argent contenu dans le transfert et, deuxièmement, à en maintenir la valeur au fil des ans. Les détails actuellement disponibles au sujet du TCSPS ne fournissent que de vagues indications sur la première exigence et rien sur la seconde. Si le budget de février même ne contient rien sur la question, de récentes déclarations de députés du gouvernement indiquent que le montant d’argent disponible pour le transfert sera stabilisé et ne pourra tomber à zéro. Il reste à déterminer si ce montant stabilisé suffira par rapport aux seuils possibles indiqués ci-dessus. La question du niveau « optimal » ou « correct » du transfert échappe à la portée de ce document (il se peut très bien, en fait, qu’il n’y ait aucune réponse définitive à cette question), mais il est clair que le maintien d’un partenariat avec le gouvernement fédéral dans le domaine de la santé oblige à trancher la question. De plus, rien jusqu’ici n’indique comment la valeur réelle du transfert sera maintenue avec le temps. Il s’agit essentiellement d’une question de formule de calcul des versements aux provinces et de sécurité de la formule. Il faut une formule garantie, qui comporte des dispositions de croissance suffisante pour faciliter la gestion et la planification budgétaires des gouvernements provinciaux. En réalité, le gouvernement n’a pas tenu compte de la formule de FPE qu’il a manipulée fréquemment pour atteindre ses objectifs budgétaires généraux. Il en a découlé, pour les provinces, des perturbations budgétaires qui se répercutent sur les soins de santé et remettent en question la présence fédérale dans ce domaine. Des commentaires récents sur le TCSPS ont porté sur l’enjeu de base que constituent la stabilisation et le maintien du transfert en espèces fédéral. Courchene a demandé, par exemple, qu’on stabilise ou « plafonne » le transfert en espèces du TCSPS à son niveau de 1997-1998 (environ 12,5 milliards de dollars) et qu’on s’engage à le maintenir. Il soutient que, si on laissait diminuer le paiement en espèces, cela équivaudrait à laisser Ottawa oublier ses engagements relatifs à la politique sociale et « risquerait de transformer le TCSPS en une catastrophe totale31 ». Mendelson préconise que le gouvernement fédéral injecte d’autres fonds dans le TCSPS après 1997-1998 pour porter graduellement, au cours des deux prochaines décennies, le versement accordé à toutes les provinces au niveau du versement le plus élevé par habitant (Québec)32. Dans des mémoires qu’il a présentés au Comité
31. Courchene, 1995a, p. 62. 32. Mendelson, 1995.
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permanent des finances de la Chambre des communes, le groupe d’intervention Action santé (HEAL) a soutenu qu’il faut fixer un seuil pour le transfert en espèces et prendre des engagements fermes de cinq ans envers les provinces. Le groupe HEAL préconise aussi de traiter la santé séparément des autres programmes inclus dans le TCSPS : un transfert distinct au titre de la santé améliorerait l’imputabilité parlementaire en ce qui concerne la façon de dépenser les fonds fédéraux (nous y revenons ci-dessous).
Option 2 – Partage conditionnel des revenus
Une solution de rechange à la rénovation du modèle actuel des transferts financiers pourrait consister à établir le transfert en espèces aux provinces en affectant le revenu produit par une série précise de points d’impôt au soutien des systèmes provinciaux de soins de santé33. Cela n’équivaut pas à céder davantage d’espace fiscal aux provinces. Le gouvernement fédéral continuerait de percevoir les impôts en question, mais il s’engagerait à en distribuer les revenus sous forme de transferts en espèces aux provinces, calculés également par habitant et sous réserve des conditions de la Loi canadienne sur la santé. Le « bassin de revenus » dont seraient tirés ces transferts en espèces pourrait provenir de l’impôt sur le revenu des particuliers, de la TPS ou d’une combinaison des deux34. Un tel arrangement continuerait de satisfaire aux trois fins auxquelles le FPE répondait au début. Les provinces continueraient de recevoir, du gouvernement fédéral, des fonds pour améliorer leurs capacités budgétaires. Le transfert aurait un effet de péréquation. Enfin, le gouvernement fédéral garderait son levier en ce qui a trait aux principes de la Loi canadienne sur la santé. De plus, les problèmes de stabilité et de prévisibilité seraient réglés. Le transfert serait stabilisé, car le montant en serait déterminé par le produit des impôts réservés à cette fin. Il serait prévisible au même degré que la croissance du bassin des revenus désignés. Par ailleurs, comme le transfert serait déterminé par le produit des impôts désignés, sa ponction relative sur le budget fédéral tendrait aussi à être stabilisée. Une entente sur le partage conditionnel du revenu différerait de façon subtile mais importante des programmes de subventions antérieurs. Comme le transfert aux provinces est déterminé par les recettes fiscales réservées à cette fin au lieu d’être un poste de dépenses ordinaire du budget de dépenses du gouvernement fédéral, il serait un peu plus à l’abri des pressions budgétaires normales. Les revenus que les provinces tireraient de l’entente de partage seraient donc plus stables que ceux qu’elles ont obtenus
33. Il convient de répéter que cela n’a rien à voir avec l’espace fiscal cédé aux provinces au début du FPE. 34. Paul A. Hobson et France St. Hilaire ont formulé une proposition semblable récemment (1993). Cependant, contrairement à ce qui est suggéré ici, « l’abattement d’impôt » sur le revenu proposé par Hobson et St. Hilaire n’était pas lié à l’observation des modalités de la Loi canadienne sur la santé.
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conformément au FPE, et la présence fédérale dans le domaine de la santé serait, elle aussi, plus assurée. Cette distinction entre le partage conditionnel des revenus et les programmes de subventions habituels (comme le FPE et le TCSPS) est toutefois une question de degré. Il ne faut pas exagérer à cet égard. Si le gouvernement fédéral voulait modifier les modalités ou la structure de l’entente de partage des revenus, il pourrait quand même le faire. On pourrait appeler ce plan de partage des revenus TCS ou TCSPS et définir au besoin de la même façon les impôts fédéraux qui serviraient à produire le bassin de revenus. Comme on l’a déjà signalé, le groupe HEAL a préconisé un transfert distinct au titre de la santé. Sur le plan du levier financier fédéral, il n’y a probablement pas grand-chose pour faire pencher la balance en faveur d’une solution plutôt que de l’autre. Tant que la sanction financière est suffisamment lourde, il ne semble pas très important d’ajouter aux cinq conditions de la Loi canadienne sur la santé une ou deux autres conditions liées à l’aide sociale. Sur le plan de l’imputabilité (proposition HEAL) et de la visibilité politique fédérale, il serait probablement avantageux de préciser clairement un transfert distinct au titre de la santé. L’ampleur de l’engagement fédéral envers les soins de santé serait certainement mieux définie. Il faut toutefois reconnaître que ces subventions fédérales ne seraient pas affectées directement à la santé. L’argent versé aux provinces le serait dans le Trésor provincial (comme c’est maintenant le cas du FPE), dont une partie est affectée à la santé au cours du processus budgétaire. Option 3 – Financement direct
Au lieu de fournir des revenus aux provinces, une autre solution consisterait à verser des fonds directement aux organismes de soins de santé qui satisfont aux critères établis par le gouvernement fédéral. Le gouvernement pourrait ainsi, par exemple, accorder des subventions à des administrations régionales de la santé qui fonctionnent conformément aux objectifs fédéraux. Les subventions pourraient même être versées encore plus directement, soit aux fournisseurs de service comme les organisations de maintien de la santé, soit des institutions semblables qui se conforment à un modèle de prestation que le gouvernement voudrait favoriser. Si l’argent fédéral était versé directement à ces institutions plutôt qu’aux gouvernements provinciaux, on pourrait évidemment s’attendre à ce que le financement accordé par la province aux organismes en cause diminue proportionnellement. Autrement dit, il n’y aurait pas d’augmentation nette des ressources disponibles, mais plutôt le remplacement partiel d’un gouvernement subventionnaire par un autre. On suppose que cette option intéresserait le gouvernement fédéral dans la mesure où elle lui permettrait de jouer un rôle plus direct dans le système de soins de santé et, par conséquent, d’en orienter davantage l’évolution. Légalement, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral lui permet de verser de tels fonds directement
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à des institutions établies et réglementées par les provinces35. Sur le plan politique, toutefois, il est clair que ces versements seraient très litigieux. On a dit, plus haut, que le maintien de relations fédérales-provinciales harmonieuses imposait des contraintes aux interventions fédérales dans le domaine de la santé. Il est clair qu’un mode de financement direct, semblable à celui qui est esquissé ici, heurterait de plein fouet cette préoccupation générale. Option 4 – Arrangements de crédit36/remboursement d’impôt
Une solution encore plus radicale consisterait, pour le gouvernement fédéral, à créer un lien direct ou un partenariat avec des particuliers du Canada plutôt qu’avec les gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral ne verserait plus de subventions en espèces (ou de revenus partagés) aux provinces. Il accorderait plutôt des crédits d’impôt remboursables ou des remboursements directs aux particuliers qui deman deraient le remboursement de frais médicaux. Comme on l’a signalé plus haut (section « Les leviers fédéraux dans le domaine de la santé »), le gouvernement offre déjà un crédit d’impôt pour des dépenses médicales relativement importantes mais non remboursées. Dans le cadre de cet arrangement, il faudrait rendre remboursable le crédit en question et commencer à le rembourser dès le premier dollar dépensé (ou, peut-être, après un seuil peu élevé). Par ailleurs, un régime de remboursement direct par le gouvernement fédéral fonctionnerait de la même façon que les remboursements versés par les assureurs privés37. L’aspect radical de cette solution de rechange est lié au système de financement des soins de santé qu’elle sous-entend. Au lieu de décourager les frais d’utilisation, un régime de crédits ou de remboursements d’impôt inviterait en fait les provinces à instaurer des frais d’utilisation dans le secteur de la santé, afin de réduire leurs dépenses et de récupérer les transferts fédéraux perdus. Les patients paieraient ainsi directement les services reçus, tout en sachant que le gouvernement fédéral rembourserait les coûts en cause. Cet arrangement a deux grands avantages. Premièrement, plus que la plupart des autres modèles imaginables, il sensibiliserait au maximum la population au rôle que joue le gouvernement dans les soins de santé et à sa contribution en la matière. Si
35. Jusqu’à 1958, le gouvernement fédéral versait des subventions de fonctionnement directement aux universités sans toutefois les assortir de conditions. 36. Les discussions sur les mécanismes fiscaux sont parfois liées à la contribution fédéraleprovinciale intégrée aux points d’impôt sur le revenu transférés aux provinces en 1977. Ce lien n’est pas utile pour des raisons déjà énoncées clairement. 37. Sur le plan opérationnel, un régime comme celui dont on vient de tracer les grandes lignes ressemblerait énormément aux systèmes de bons proposés parfois pour la santé et l’éducation.
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c’est vraiment cette perception qui est le gage de l’efficacité d’autres leviers fédéraux, la sensibilisation accrue de la population renforcerait la capacité d’exercer aussi ces autres pouvoirs. Le leadership du gouvernement fédéral, sa persuasion morale et son pouvoir dans le domaine de la santé, par exemple, seraient améliorés. Le second avantage est que la population serait davantage sensibilisée aux coûts des soins de santé. Par ailleurs, les difficultés administratives et autres inconvénients ne man queraient pas. Sur le plan administratif, il faudrait déterminer les fournisseurs de soins de santé qui seraient admissibles, établir une liste de services ou d’interventions pouvant faire l’objet d’un crédit ou d’un remboursement d’impôt38, et fixer des taux de remboursement. Il faudrait rembourser régulièrement les particuliers afin d’éviter des problèmes de trésorerie. Dans un régime de remboursements directs, on suppose que ce serait très simple. La situation se compliquerait toutefois dans le cas d’un régime de crédits d’impôt remboursables39. Dans les deux cas, des activités de surveil lance et de vérification s’imposeraient. En outre, les particuliers qui présenteraient des demandes de remboursement pourraient avoir à payer des coûts de conformité, ce qui provoquerait sans doute l’apparition de services commerciaux qui se chargeraient de cette activité. Enfin, dans ce modèle, les avantages liés à l’efficience du régime à payeur unique disparaîtraient. Conclusion
En général, dans le domaine de la santé, le gouvernement fédéral a accès à un large éventail de mécanismes d’intervention ou de leviers stratégiques. Cet éventail est nécessaire parce qu’il y a non seulement plusieurs buts ou objectifs stratégiques, mais aussi toutes sortes de contraintes constitutionnelles, politiques et financières. Dans certains cas, les objectifs nationaux et provinciaux coïncident, et le rôle du gou vernement fédéral consiste à faciliter ou à catalyser des mesures nationales, à diriger ou à susciter la collaboration des provinces, ou à coordonner de façon plus efficiente les efforts provinciaux. Dans d’autres, son rôle est de promouvoir des objectifs nationaux, prévus par la Loi canadienne sur la santé, que les provinces ne chercheraient pas toujours à atteindre de leur propre chef. Dans ce cas, les leviers financiers fédéraux – et surtout les subventions aux provinces – sont en réalité les seules options viables dont dispose le gouvernement fédéral. En outre, il se peut très bien que la capacité du gouvernement fédéral d’agir en chef de file ou catalyseur dans les autres domaines de la santé soit tributaire de sa participation financière. 38. Cette liste pourrait très bien être différente selon les groupes démographiques. Par exemple, les coûts des produits pharmaceutiques pourraient être couverts dans le cas des personnes âgées ou des personnes à faible revenu, mais pas dans celui d’autres groupes. 39. Comme l’a signalé Peter Hogg dans des commentaires sur une version antérieure du présent document, les crédits remboursables actuels sont fondés sur le revenu de l’année précédente du déclarant. Cet arrangement ne conviendrait probablement pas dans le cas des remboursements de frais médicaux.
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Compte tenu du rôle pivot de la participation fédérale, il est amplement justifié de se pencher sur la meilleure façon de jouer ce rôle. La discussion publique est trop souvent confinée à la comparaison des avantages respectifs du statu quo – FPE amélioré – et du TCSPS proposé récemment. Il existe toutefois d’autres possibilités. Plus particulièrement, l’idée du partage conditionnel des revenus mérite d’être étudiée. Un tel programme contribuerait aux capacités financières des provinces et les équilibrerait, les maintiendrait dans le temps et inciterait les provinces à respecter les principes de la Loi canadienne sur la santé. Ce programme répondrait donc aux besoins financiers des provinces tout en rehaussant et assurant la présence fédérale à l’appui des objectifs nationaux dans le domaine de la santé. Allan M. Maslove enseigne à l’École d’administration publique de l’Université Carleton d’Ottawa. Économiste spécialisé en finances publiques, le professeur Maslove a écrit et publié plus de quinze ouvrages et rédigé de nombreux articles dans les domaines de la politique et des finances publiques, et des relations fédérales-provinciales. Poursuivant ses travaux sur les dispositions fiscales entre les deux niveaux de gouvernement, le professeur Maslove s’intéresse particulièrement au financement du système de santé canadien. Il est actuellement le doyen de la Faculté d’affaires publiques et d’administration de l’Université Carleton. Remerciements Je remercie le Forum national sur la santé, et plus particulièrement les membres du Groupe de travail sur l’équilibre à atteindre, de leurs discussions et commentaires, qui m’ont guidé dans la rédaction des versions précédentes. Marie Fortier, John Marriott et Marcel Saulnier, du Secrétariat du Forum, n’ont pas ménagé leur aide, et leurs commentaires tout au long du projet ont été des plus appréciés. J’aimerais aussi souligner les discussions utiles que nous avons eues avec des représentants de Santé Canada, du ministère de la Santé de l’Ontario, Michael Decter et plusieurs collègues de la School of Public Administration de l’Université Carleton. Le professeur Peter Hogg a revu une version antérieure et fourni de précieux conseils, notamment sur des questions constitutionnelles et légales. Je remercie enfin Kevin Moore des excellents services de recherche qu’il a fournis pour appuyer la production de ce document.
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Annexes
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Annexe 1 Revue des arrangements financiers entre le fédéral et les provinces dans le domaine de la santé Au cours du demi-siècle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, la participation fédérale aux soins de santé a eu pour pivot les partenariats financiers. Pour reprendre les propos (qui sont loin d’être favorables) d’un analyste qui a participé à de nombreux arrangements fédéraux-provinciaux au cours de cette période : « C’est en utilisant le pouvoir financier plus puissant des niveaux supérieurs de gouvernement que les politiciens ont mis en œuvre leurs propres concepts de la société idéale et gravé dans l’esprit de la population les avantages indubitables d’un type de politique en particulier40. » C’est dans le domaine de la santé que l’apparition de l’État-providence d’après-guerre a été la plus marquée. Dans cette annexe, nous passons en revue et analysons les principales initiatives financières à cause de leur importance comme mécanismes fédéraux au cours de cette période. Elles tendent à se regrouper en trois phases distinctes, même s’il est manifestement impossible de tracer entre elles une ligne de démarcation précise. Le tableau 3 présente un résumé de ces initiatives.
La phase un Le premier recours important au pouvoir du Trésor fédéral, dans le domaine de la santé, a eu lieu en 1948 : le gouvernement fédéral a alors lancé un programme de subventions aux provinces pour la construction d’hôpitaux41 et le lancement de programmes de lutte contre le cancer, et pour toutes sortes d’autres activités précises, liées aux services de santé. D’autres activités, dont les soins à l’enfant et à la mère, se sont ajoutées en 1953. Le programme est devenu un volet d’une initiative de plus grande envergure qui visait à répondre à des besoins sociaux pressants qui avaient commencé à se faire sentir au cours des années 1930 et pendant la guerre. L’intervention fédérale avait de solides partisans en raison du nationalisme qui s’était manifesté au cours de la guerre, et ces sentiments ont coïncidé avec l’apparition du consensus keynésien sur la politique économique, qui sous-entendait généralement un rôle plus important pour le gouvernement fédéral. Si ces « exigences » ont appuyé les efforts fédéraux afin de garder le produit de l’impôt sur le revenu que le gouvernement fédéral avait acquis des provinces pour financer l’effort de guerre, c’était probablement plus qu’une coïncidence. Ce programme de subventions, dont la majeure partie a servi à appuyer la construction d’hôpitaux, est demeuré en vigueur jusqu’en 1972.
40. Perry, 1989. p. 441. 41. Au début, les subventions pour la construction d’hôpitaux avaient été fixées à 1 000 $ par lit de soins actifs et à 1 500 $ par lit de soins prolongés. Ces montants ont augmenté en 1958.
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Au cours de cette première phase, les subventions fédérales aux provinces étaient généralement destinées à des fins précises et étaient, dans certains cas, très détaillées (du moins par rapport aux conditions imposées par la suite). Les subventions étaient souvent fixes (p. ex. par unité d’activité), et pour les obtenir, les provinces devaient rendre des comptes au gouvernement fédéral. La phase deux La Loi sur l’assurance hospitalisation et les services diagnostiques de 1958 a constitué le premier pas important du gouvernement fédéral vers un régime public de soins de santé intégraux. Le gouvernement fédéral emboîtait le pas à quatre provinces qui avaient déjà mis sur pied un régime quelconque d’assurance hospitalisation public. Le programme fédéral offrait de rembourser aux provinces participantes environ la moitié des coûts de services hospitaliers définis, fournis en vertu des régimes qu’elles administraient. Plus précisément, le remboursement fédéral s’établissait à 25 % de la moyenne nationale des coûts par habitant plus 25 % des coûts par habitant, dans la province en cause, le tout multiplié par la population de la province. On n’avait pas plafonné le total de la subvention ni imposé de conditions quant à la façon dont la province pourrait financer sa part des coûts. En janvier 1961, le Québec est devenu la dernière province à adhérer au régime. Comme l’indique le tableau 4, les contributions fédérales par rapport aux dépenses totales des provinces ont grimpé rapidement après 1958. Selon la structure de la subvention fédérale, une province qui consacrait aux services assurés moins que la moyenne nationale par habitant toucherait plus (par rapport au total qu’elle consacrait au service) qu’une province qui aurait dépensé plus que la moyenne nationale. Ce régime apparaissait inéquitable pour les provinces qui faisaient face à une structure de coûts plus élevés et impossibles à éviter, mais il n’a pas semblé susciter de plaintes de la part des provinces. On croyait plutôt, en général, qu’en liant une partie de la subvention à la moyenne nationale des dépenses, cela inciterait davantage les provinces à contenir les dépenses et les coûts contrôlables. De toute façon, ce raisonnement a orienté encore plus fermement la grande innovation qui a suivi, l’assurance-maladie. Entrée en vigueur en 1968 (après avoir été adoptée par le Parlement à la fin de 1966), la Loi sur les soins médicaux visait à fournir à la population canadienne une assurance soins médicaux comparable à l’assurance hospitalisation déjà en vigueur. La contribution fédérale à chaque province s’établissait à 50 % de la moyenne nationale des coûts par habitant, multipliée par sa population. On n’a pas tenu compte directement des niveaux de dépenses des provinces, ni plafonné le montant de la subvention. Au début, les provinces devaient satisfaire à quatre conditions pour avoir droit au remboursement : les régimes provinciaux devaient fournir une couverture universelle et des services assurés intégraux, être administrés par la province ou un organisme provincial et être transférables dans toutes les provinces. Tout cela s’est fait en dépit de l’opposition de plusieurs provinces, et de l’Ontario en particulier. Le premier ministre Robarts répondait en disant que : « L’assurancemaladie est un brillant exemple d’un régime machiavélique qui constitue, à mon humble avis, une des plus grandes fraudes politiques jamais perpétrées contre la
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population du Canada42. » Les gouvernements provinciaux n’ont toutefois pas pu résister aux sommes importantes offertes par Ottawa et à la popularité évidente de l’assurance-maladie chez les électeurs. Si deux provinces seulement adhéraient à l’assurance-maladie au moment de son lancement le 1er juillet 1968, les dix l’avaient fait en janvier 1971. Les paiements fédéraux au titre de l’assurance-maladie repré sentaient environ la moitié des paiements versés par Ottawa dans le cadre du pro gramme d’assurance hospitalisation. Deux autres programmes fédéraux ont été lancés au début de l’assurance-maladie. Par la Caisse d’aide à la santé, le gouvernement fédéral fournissait 50 % des coûts de construction d’établissements de formation et de recherche en soins de santé. Lancé en 1977, le Programme des soins prolongés visait à fournir des subventions fédérales (de 20 $ par habitant au début) pour appuyer les services non couverts par l’assurancemaladie, comme certains types de soins fournis en foyers de soins. L’avènement de l’assurance-maladie a constitué l’apogée de la deuxième phase de la participation fédérale. Le modèle dominant qui a caractérisé cette phase a été celui des ententes de partage des coûts, en vertu desquelles le gouvernement fédéral utilisait son pouvoir de dépenser pour piloter l’établissement d’un système de soins de santé universels et intégraux et y participer à part entière, avec les provinces comme partenaires financiers. Les principaux intervenants, jusqu’alors, avaient été les dirigeants du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social et leurs homologues provinciaux. La création du régime de santé public a donc été, dans une large mesure, guidée par des hauts fonctionnaires qui avaient des antécédents professionnels et des intérêts communs dans le domaine. La première décennie de l’assurance-maladie a été caractérisée par la montée en flèche des coûts des services médicaux et hospitaliers. Comme les subventions aux services hospitaliers et médicaux n’étaient pas plafonnées, Ottawa a commencé rapidement à s’inquiéter des ponctions imposées au système fédéral de production de revenus. Comme on peut le voir au tableau 4, au cours de la décennie qui a suivi le lancement de l’assurance-maladie, les engagements financiers du gouvernement fédéral ont grimpé au tiers environ du total des dépenses consacrées à la santé par les provinces. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour qu’Ottawa commence à parler de plafonner les programmes de subventions afin de tenir compte d’une croissance « normale », tout en excluant les hausses sortant de l’ordinaire. Reflet de ces préoccupations croissantes, un glissement graduel du centre de l’activité fédérale, du ministère de la Santé vers celui des Finances, a aussi marqué cette période. Dans le budget de 1975, le ministre fédéral des Finances annonçait que la croissance de la contribution fédérale à l’assurance-maladie serait limitée à celle de la croissance de la population, majorée de 13 % et 10,5 % respectivement en 1976 et 1977 (ce qui représentait dans l’ensemble environ 14,5 % et 12 %). On annonçait un taux de 8,5 % pour les années subséquentes, mais cette dernière limite n’est jamais entrée en vigueur à cause de modifications ultérieures. Dans l’optique des années 1990, ces plafonds de croissance semblent dérisoires par leur générosité. Cette décision a toutefois été importante, parce que c’était la première fois que le gouvernement
42. Cité dans Perry, 1989, p. 645.
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fédéral limitait unilatéralement un accord de financement des soins de santé en vigueur avec les provinces. Ce fut le signe précurseur de restrictions beaucoup plus importantes à venir. La phase trois43 Même après avoir annoncé, en 1975, le plafonnement de l’augmentation du transfert, le gouvernement fédéral se préoccupait de plus en plus du fait qu’une partie croissante de ses dépenses annuelles était liée aux subventions à la santé sur lesquelles il n’avait aucun contrôle réel. Les taux d’inflation élevés ont contribué à cette pression à la hausse des dépenses. Par ailleurs, les revenus fédéraux ont commencé à diminuer, surtout au moment où l’incidence de l’indexation de l’impôt sur le revenu des particuliers en 1974 s’est fait sentir de façon plus marquée. D’autre part, l’insatisfaction des provinces à l’égard des arrangements en vigueur (et surtout de la Loi sur l’assurance hospitalisation et les services diagnostiques et de la Loi sur les services médicaux) portait principalement sur le degré d’ingérence fédérale dans leurs affaires. Cette insatisfaction s’inscrivait en partie dans le sillage de l’opposition initiale des provinces à l’assurance-maladie. Elle reflétait, en quelque sorte, le fait que les gouvernements provinciaux commençaient à affirmer davantage leurs pouvoirs constitutionnels. La divergence a été énoncée de façon plus explicite : les ententes de partage des coûts déformaient les priorités des provinces, à la fois entre le secteur de la santé en général et d’autres secteurs de responsabilité provinciaux et, à l’intérieur du domaine de la santé, entre les services subventionnés par le programme fédéral et ceux qui ne l’étaient pas. C’est donc l’insatisfaction mutuelle face au statu quo qui, bien qu’attribuable à des raisons très différentes, est à l’origine des négociations fédérales-provinciales qui ont débouché sur les arrangements de 197744 relatifs au financement des programmes établis (FPE). Les arrangements ont remplacé les programmes de subventions fédérales distinctes pour l’assurance hospitalisation, l’assurance-maladie et l’enseignement postsecondaire. Le transfert FPE versé par le gouvernement fédéral aux provinces comportait deux volets. D’abord, le gouvernement fédéral se retirait d’une partie de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés et cédait ainsi aux provinces de l’espace fiscal pour leur permettre de hausser leurs taux d’impôt sur le revenu. Le transfert représentait 13,5 points d’impôt sur le revenu des particuliers et un point d’impôt sur le revenu des sociétés45. Les points ont fait l’objet d’une péréquation suivant la formule générale de péréquation. La seconde partie, le transfert en espèces,
43. La discussion du FPE, dans cette annexe, s’inspire énormément de Maslove et Rubashewsky, 1986, et de Maslove, 1992. 44. Mesure adoptée officiellement par le Parlement sous le titre de Loi sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis. 45. Ce montant comprenait des points transférés auparavant aux provinces à l’égard de l’enseignement postsecondaire et une partie garantie de revenus pour protéger les revenus des gouvernements provinciaux à la suite de la réforme de l’impôt sur le revenu de 1971.
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représentait un paiement égal par habitant versé à chaque province et fixé, au début, à environ 50 % de la contribution fédérale aux trois programmes « établis » en 1975-1976. Le paiement fédéral en espèces, au titre des soins prolongés était ajouté au transfert en espèces FPE. La subvention en argent devait augmenter au cours des années subséquentes, en fonction de la population de la province et du PNB (moyenne mobile de trois ans). Au début, les parties impôt et argent du transfert représentaient des revenus à peu près égaux pour les provinces. Tout comme dans le cas de la divergence sur le plan de leur insatisfaction face aux arrangements antérieurs, les provinces et Ottawa n’ont pas vu du même œil les modifications importantes intégrées au FPE. Pour le gouvernement fédéral, la principale innovation tenait à ce que sa subvention en espèces ne serait plus calculée en fonction des dépenses consacrées par les provinces à la santé et à l’éducation. Les transferts fédéraux, qui étaient maintenant liés à la croissance du PNB, augmenteraient désormais à peu près parallèlement aux revenus fédéraux, eux aussi liés étroitement à la croissance économique. De plus, les provinces seraient désormais incitées davantage à contrôler les coûts de ces programmes parce qu’elles ne dépenseraient plus des « dollars de 50 cents46 ». Pour les provinces, l’ingérence d’Ottawa et ses conditions diminuaient consi dérablement. De plus, les provinces étaient libres d’utiliser les fonds FPE en fonction de leurs propres priorités. La répartition du transfert FPE entre la santé et l’éducation était purement un artefact de la comptabilité fédérale. Ainsi, le modèle de la phase trois est caractérisé par un financement global qui remplace les subventions de contrepartie par des conditions beaucoup moins nom breuses et rigoureuses, et par le fait que les provinces n’étaient tenues de produire à peu près aucun rapport. Comme on le verra ci-dessous, s’il y a eu d’importants changements structurels et si d’autres s’annoncent au moment d’aller sous presse, ces caractéristiques fondamentales demeurent. La satisfaction suscitée par le nouvel arrangement, du moins pour Ottawa, a été éphémère. L’espace fiscal cédé par Ottawa aux provinces n’a pas produit pour celles-ci un revenu aussi important qu’on l’avait prévu au début, et c’est pourquoi, en vertu des accords de transition, Ottawa s’est trouvé à verser des transferts en espèces plus importants que prévu (en pourcentage des dépenses de santé des provinces, l’argent fédéral a augmenté après 1977 ; voir le tableau 4). De plus, le gouvernement fédéral était mécontent du peu de visibilité47 et de crédit qu’il recevait en retour de son investissement relativement important dans le programme. Pour Ottawa, c’est l’aspect négatif de l’arrangement de financement global qui a rompu le lien entre les dépenses
46. Cette expression, qui revenait souvent, exagérait la situation réelle, car les subventions remplacées étaient liées plus étroitement aux dépenses nationales moyennes qu’à celles d’une province en particulier. Une grande province pouvait toutefois affecter sensiblement l’équivalent de la moyenne nationale par ses propres niveaux de dépenses. 47. Si la « visibilité » est difficile à mesurer, il est clair que les hauts fonctionnaires fédéraux pensaient que la présence perçue du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé avait souffert par suite de l’adoption du financement global.
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consacrées par les provinces aux soins de santé (et à l’enseignement postsecondaire) et l’importance de la subvention fédérale. Le principal argument que le gouvernement fédéral a fait valoir publiquement était toutefois un peu différent. Il affirmait que les provinces n’avaient pas respecté l’esprit de l’entente sur le FPE parce qu’elles n’avaient pas maintenu leur part des dépenses dans les programmes connexes sur le plan théorique, dans le domaine de l’enseignement postsecondaire en particulier. En fait, les provinces profitaient de la flexibilité accrue que leur offrait le FPE pour rajuster leurs priorités au chapitre des dépenses. En 1982, lorsque l’arrangement FPE a été renouvelé, le gouvernement fédéral a cherché à limiter davantage son risque financier en modifiant la formule. Ce chan gement, que beaucoup d’observateurs ont considéré d’abord comme un rajustement technique sans grande importance, jumelé à des événements qui sont survenus par la suite, a eu d’importantes répercussions. Au lieu de séparer le transfert de points d’impôt et le transfert en espèces (ce dernier présentant un montant par habitant égal pour toutes les provinces), la formule révisée de FPE était fondée sur un seul versement égal par habitant. On calculait le transfert en espèces comme un montant résiduel en soustrayant du paiement total le revenu produit par les points d’impôt désignés. Chaque province reçoit donc un montant différent (par habitant) en argent : tout dépend du revenu qu’elle tire des points d’impôt48. L’importance de ce changement est devenue rapidement évidente lorsque le gouvernement fédéral a amorcé une période de restrictions rigoureuses, auxquelles le transfert FPE n’a pas échappé. En 1983-1984 et 1984-1985, dans le cadre du programme anti-inflation « six et cinq », le facteur d’indexation de la partie du paiement total que le gouvernement affectait en théorie à l’enseignement postsecondaire a été limité à 6 % et 5 % respectivement. Le budget de mai 1985 a ramené le facteur d’indexation du paiement FPE complet du taux de croissance du PIB au taux de croissance du PIB moins deux points à compter de 1986-1987. Le budget d’avril 1989 a réduit le facteur d’indexation d’un autre point à compter de 1990-1991. Celui de février 1990 a bloqué le facteur d’indexation pendant deux ans (1990-1991 et 1992-1992) et l’a limité au PIB moins trois points par la suite. On a fini par étendre le gel jusqu’en 1995-199649. Ces compressions et gels successifs se sont appliqués au paiement total versé à chaque province. Par conséquent, lorsqu’on soustrayait les revenus tirés des points d’impôt désignés, qui étaient (généralement) à la hausse, le paiement résiduel en espèces versé aux provinces diminuait chaque année. Le tableau 4 illustre la chute plutôt spectaculaire de l’importance relative des transferts en espèces depuis le milieu
48. Comme on l’a signalé à la section « Objectifs nationaux et provinciaux dans le domaine de la santé », cela signifie en fait que les provinces plus pauvres, parce que les points d’impôt produisent moins de revenu par habitant, touchent en fait davantage en espèces par habitant. 49. Les compressions et les gels ont été appliqués aux paiements par habitant. Le paiement total a donc continué d’augmenter au même taux que la population, soit d’environ 1 % à 1,5 % par année en général.
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des années 1980, à la suite de mesures de compressions successives (et cumulatives). En 1995, la plupart des estimations indépendantes indiquaient que, peu après le changement de siècle, le transfert en espèces commencerait à disparaître complètement, l’année exacte de la disparition variant quelque peu selon la province. Au cours de la même période, en 1984, le Parlement adoptait la Loi canadienne sur la santé (pour remplacer la Loi sur l’assurance hospitalisation et les services diagnostiques et la Loi sur les soins médicaux), qui énonçait les cinq principes ou critères (maintenant) bien connus auxquels les régimes de santé des provinces doivent se conformer pour recevoir le transfert en espèces FPE au complet. Ces principes sont les suivants : – accessibilité – accès raisonnable aux soins de santé sans obstacles financiers ou autres ; – intégralité – tous les services médicaux et hospitaliers médicalement nécessaires sont assurés ; – universalité – tous les résidents légaux d’une province (après trois mois de résidence) doivent être assurés ; – transférabilité – les résidents ont droit d’être protégés lorsqu’ils s’absentent temporairement de leur province ou lorsqu’ils déménagent d’une province à une autre ; – administration publique – les régimes de santé doivent être administrés par un organisme sans but lucratif de la province. Afin de préserver l’accessibilité, la Loi canadienne sur la santé donne au gou vernement fédéral le pouvoir de réduire le transfert en espèces versé à une province d’un montant équivalant à tout montant que la province aura permis aux médecins de facturer à leurs patients ou que les hôpitaux auront facturé sous forme de frais d’utilisation des services médicaux. Le gouvernement fédéral a aussi un pouvoir non spécifié de retenir de l’argent en cas de violation des autres principes de la loi. Le manque de cohérence entre la loi et les paiements FPE en espèces, qui diminuent, est facile à percevoir et est maintenant bien connu. À mesure que le transfert en espèces diminue, le pouvoir qu’a Ottawa de faire respecter50 les modalités de la Loi canadienne sur la santé s’affaiblit lui aussi. À un moment donné, même avant que le transfert en espèces tombe à zéro, le montant en cause ne suffira pas pour dissuader une province qui veut instaurer des frais d’utilisation ou prendre d’autres mesures qui vont à l’encontre de la loi51.
50. Dans ce contexte, on entend par application de la loi l’influence qu’a Ottawa en vertu de son pouvoir de dépenser. Le gouvernement fédéral n’a aucun pouvoir constitutionnel direct de réglementer les systèmes de santé provinciaux. 51. Conscient de ce dilemme, le Parlement a adopté, en décembre 1991, une mesure législative pour autoriser le gouvernement fédéral à retenir d’autres sommes dues à une province lorsque ce qu’on a appelé le « volet santé du transfert FPE en espèces » est épuisé ou ne suffit plus. Cette mesure ne s’est pas encore révélée nécessaire, mais si Ottawa devait y recourir, il est à peu près certain que les provinces en contesteraient la légalité. Même si elle était maintenue par les tribunaux, elle pourrait se révéler tellement dommageable pour les relations fédérales-provinciales dans toutes sortes de domaines qu’il est difficile d’imaginer qu’elle pourrait être viable.
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Enfin, dans le budget de février 1995, le gouvernement a annoncé la fin du système FPE et la création du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), qui entrera en vigueur en 1996-199752. Le TCSPS combinera le transfert en espèces effectué dans le cadre du FPE et du Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) en un seul transfert en espèces global. Les montants totaux qui seront mis à la disposition des provinces au titre du TCSPS en 1996-1997 et 1997-1998 ont été annoncés dans le budget. Par la suite, des négociations avec les provinces devraient déboucher sur l’établissement d’une formule. Des déclarations faites dans le discours du budget et ailleurs indiquent peut-être que le gouvernement a l’intention de maintenir une formule de type FPE (c’est-à-dire que le transfert en espèces serait calculé de façon résiduelle et deviendrait la différence entre un paiement total et le montant des revenus produits – maintenant de façon totalement artificielle – par des points d’impôt désignés), mais d’autres déclarations récentes de la ministre de la Santé et du secrétaire parlementaire du ministre des Finances indiquent que le gouvernement a l’intention de maintenir le transfert en espèces. Le TCSPS a soulevé une vive hostilité et des critiques sévères de la part de groupes qui s’intéressent à la santé, à l’éducation et aux programmes sociaux. Beaucoup de ces groupes ont présenté des mémoires au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, au cours des audiences publiques sur le projet de loi visant à mettre en œuvre les mesures budgétaires53. Ils sont unanimes dans leur opposition, mais pour des raisons différentes. Ce qu’il faut se demander, dans le contexte actuel, c’est dans quelle mesure le TCSPS modifie la position fédérale face à la santé. Très peu, semble-t-il. Si l’on suppose le maintien d’une formule de type FPE, comme on l’a laissé entendre ci-dessus, conjuguée à un facteur d’indexation du paiement total qui augmente plus lentement que le PIB, le problème posé par l’amenuisement du transfert en espèces et par la perte de capacité d’application de la loi qui l’accompagne demeure. Tout au plus, le nouvel arrangement modifierait le montant d’argent contenu actuellement dans la « réserve » et pourrait repousser de quelques années le moment où le transfert tombera à zéro54. Par contre, si l’on doit maintenir un transfert en espèces minimal, les enjeux clés seront le niveau de ce seuil et la façon d’en maintenir la valeur au fil des ans. Tout ce que l’on peut affirmer, maintenant, c’est que le TCSPS est un signe précurseur, pour les provinces, de changements majeurs des arrangements financiers.
52. Dans le discours du budget, ce nouveau programme a été appelé le Transfert social canadien. Le mot « santé » a été ajouté aux documents du gouvernement qui ont paru plusieurs semaines plus tard. 53. Voir bibliographie. 54. Le Caledon Institute estime qu’une formule PIB-3 entraînerait la disparition du transfert en espèces d’ici à 2011-2012. Battle et Torjman, 1995a.
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Chronologie des principales initiatives financières fédérales dans le domaine des soins de santé, 1948-1996 Année* Initiative
Commentaire
1948
Subventions pour la construction d’hôpitaux • Premier programme important d’après-guerre à fournir aux provinces et certains services généraux du financement pour la santé
1958
Loi sur l’assurance hospitalisation • (25 % du coût national par habitant + 25 % des coûts et les services diagnostiques par habitant de la province en cause) x population de la province
• Dépenses précises
• Aucun plafond ni aucune condition liés aux arrangements de financement des provinces 1968
Loi sur les soins médicaux (assurance-maladie)
• 50 % du coût national par habitant x population de la province
• 4 conditions : universalité, intégralité, administration publique par la province, transférabilité
• Dernière province en janvier 1971
1976
Plafonnement de la croissance de la subvention • Plafond = croissance de la population + 13 % en 1976 et 10,5 % au titre de l’assurance-maladie (annoncé dans en 1977 (14,5 % et 12 % respectivement) le budget fédéral de 1975)
1977
Programme des soins prolongés
• Remplace plusieurs autres programmes
• Paiement en argent de 20 $ par habitant, indexé selon la croissance du PNB
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Tableau 3
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Année* Initiative
Commentaire
1982 Restructuration du FPE • Paiement total calculé pour chaque province ; subvention en espèces calculée comme paiement total, moins les revenus produits par des points d’impôt désignés 1984
Loi canadienne sur la santé
• Réception du transfert en espèces complet, assorti de conditions
1983- 1995
Série de restrictions imposées sur le paiement FPE total
• Réduction importante du transfert en espèces
1996
Transfert canadien en matière de santé et • Fusion du FPE et du Régime d’assistance publique du Canada de programmes sociaux (TCSPS) en un seul transfert en espèces
• Transfert en espèces fixe pour 1996-1997 et 1997-1998
• Formule des années subséquentes à déterminer
* Année de début.
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
1977 Financement des programmes établis (FPE) • Points d’impôt cédés aux provinces (soumis à la péréquation) + paiement en espèces = environ 50 % des dépenses de 1975-1976 par habitant consacrées aux hôpitaux, à l’assurance-maladie et à l’enseignement postsecondaire, indexé selon la croissance du PNB (moyenne mobile de trois ans)
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Tableau 3 (suite)
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Fin Transfert En % des En % des « Argent pour En % des En % des d’exer- en espèces dépenses dépenses la santé » dépenses dépenses cice général1 de santé de totales de (FPE + de santé de totales de la province la province SSLD)2 la province la province 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976
28 64 158 207 295 337 384 434 390 454 530 671 915 1 249 1 524 1 639 1 834 2 195 2 680
7,8 14,7 23,9 26,8 31,1 31,8 33,4 33,0 25,7 24,9 24,4 26,6 28,6 31,4 33,0 31,6 31,7 31,2 31,2
1,2 2,5 5,2 6,0 7,7 7,7 8,1 8,0 5,9 5,7 5,6 6,3 7,3 8,3 8,7 8,5 8,3 7,9 7,9
Coûts de En % des En % des la santé dépenses dépenses en vertu de santé de totales de du RAPC la province la province – – – – – – – – – – – – 62 85 103 110 129 166 264
1,9 2,1 2,2 2,1 2,2 2,4 3,1
0,5 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,8
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Tableau 4 Transferts en espèces du gouvernement fédéral aux provinces pour les soins de santé (en millions de dollars)
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3 083,0 3 570,6 4 124,8 4 695,8 5 123,6 5 725,5 6 448,8 7 489,6 7 941,8 8 433,7 8 722,4 8 698,4 8 879,6 9 119,9 9 075,4 9 530,9 9 919,5 9 831,5 9 637,5
1996
9 076,0
31,8 33,9 35,7 36,5 33,9 31,8 30,8 32,7 32,6 32,0 30,2 28,3 26,6 24,9 22,9 22,1 22,2 21,4 21,1
8,0 8,3 2 573 24,4 6,0 8,6 2 366,9 20,5 5,0 8,6 3 371 26,2 6,2 8,3 3 686,8 24,4 6,0 7,9 4 121,2 22,9 5,7 7,6 4 644 22,2 5,5 8,2 5 463,5 23,9 6,0 8,2 5 981,7 24,6 6,2 7,9 6 283 23,8 5,9 7,8 6 483,7 22,4 5,8 7,4 6 499,8 21,1 5,5 7,0 6 657 19,9 5,2 6,6 6 861 18,7 5,0 6,1 6 841,8 17,3 4,6 5,8 7 163,3 16,6 4,4 5,9 7 462,2 16,7 4,4 5,7 7 459,9 16,2 4,3 5,6 7 277,1 15,9 4,2 6 956,7
1. Après 1977, les transferts en espèces comprennent tout l’argent versé au titre du FPE. 2. Comprend seulement l’argent FPE réservé aux soins de santé.
329 139 146 182 159 140 183 207 229 265 266 299 354 395 398 477 582 552
3,4 1,3 1,3 1,4 1,1 0,8 0,9 0,9 0,9 1,0 0,9 1,0 1,1 1,1 1,0 1,1 1,3 1,2
0,9 0,3 0,3 0,3 0,3 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3
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1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995
Coûts de En % des En % des la santé dépenses dépenses en vertu de santé de totales de du RAPC la province la province
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Tableau 4 (suite) Fin Transfert En % des En % des « Argent pour En % des En % des d’exer- en espèces dépenses dépenses la santé » dépenses dépenses cice général1 de santé de totales de (FPE + de santé de totales de 2 la province la province SSLD) la province la province
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Annexe 2 Les expériences d’autres systèmes fédéraux Cette annexe présente un aperçu de la répartition des pouvoirs et des responsabilités relatifs à la santé dans plusieurs autres fédérations, ainsi que de la structure qui commence à prendre forme dans la Communauté européenne (CE). Il s’agit ici de donner une idée du degré relatif de (dé)centralisation du système de santé canadien. Cet aperçu porte sur quatre fédérations dont le niveau de développement écono mique est comparable – l’Australie, les États-Unis, l’Allemagne et la Suisse. En outre, parce que la Communauté européenne représente à certains égards une structure fédérale qui commence à prendre forme, nous passons aussi brièvement en revue le rôle de la CE dans le domaine des politiques sur la santé. Chacun des quatre pays cités a connu, au cours de la dernière décennie, une réforme importante qui visait en général à limiter les coûts de la santé ou, tout au moins, ceux qui incombaient au secteur public. Les réformes varient, allant de l’augmentation des frais d’utilisation à la modification des modes de financement des hôpitaux et de rémunération des médecins et d’autres fournisseurs de soins de santé, en passant par la réduction des services fournis par les régimes de santé publics et le contrôle des prix des produits pharmaceutiques. À une exception près, ces réformes ne semblent pas avoir modifié l’équilibre des responsabilités entre les gouvernements fédéraux et ceux des États fédérés, même si, dans certains cas, cet équilibre peut avoir été atteint indirectement. L’exception s’est produite en Allemagne où, en 1986, tous les investissements dans les hôpitaux ont été confiés à la responsabilité des gouvernements des Länder, obligation que les deux niveaux de gouvernement partageaient auparavant. En Suisse, le gouvernement fédéral a réduit ses engagements envers le financement des soins de santé, mais ces engagements ont été remplacés par une augmentation de l’assurance-maladie privée plutôt que par une augmentation de la participation des cantons. Australie Si le Canada et l’Australie se ressemblent à de nombreux égards – petites économies ouvertes, régimes fédéraux et traditions parlementaires britanniques –, la fédération australienne est beaucoup plus centralisée que celle du Canada. Un exemple de cette différence, pertinent au travail en cours, réside dans le fait que le gouvernement central australien (Commonwealth) perçoit une part beaucoup plus importante des recettes fiscales totales que le gouvernement fédéral du Canada et verse proportionnellement plus aux États par un système de subventions générales et spéciales. Certaines des subventions spéciales sont assorties de conditions qui imposent de fortes contraintes, comparativement aux subventions fédérales conditionnelles que le gouvernement du Canada verse aux provinces. Dans le domaine de la santé, le gouvernement du Commonwealth joue un rôle dominant dans le financement et s’est imposé comme chef de file aussi dans les domaines de la planification et des politiques. Le système d’assurance-maladie de
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l’Australie ressemble à celui du Canada dans la mesure où il compte sur l’assurance publique obligatoire pour couvrir le coût des services fournis par le secteur privé. L’assurance-maladie australienne (réglementée par le gouvernement fédéral) couvre tous les soins médicaux ambulatoires et les médicaments prescrits, ainsi que les coûts des soins dans les hôpitaux privés. Des établissements publics fournissent toutefois la plupart des traitements hospitaliers, sans frais pour les patients. La responsabilité des hôpitaux publics incombe aux gouvernements des États. Les soins médicaux ambulatoires sont fournis contre rémunération par des praticiens, qui peuvent porter la facture au compte du gouvernement central ou de leurs patients directement. Les paiements du gouvernement aux médecins ou les remboursements aux patients sont effectués conformément à une grille de frais réglementés. (Les médecins peuvent facturer en sus des montants prévus.) Le gouvernement du Commonwealth subventionne aussi les produits pharmaceutiques (à 100 % dans le cas des retraités et des prestataires de l’aide sociale) selon une grille qui réglemente les prix et les médicaments couverts. Le Commonwealth réglemente également les frais des hôpitaux privés, ainsi que les caisses d’assurance privées. Il accorde aux gouvernements des États des subventions conditionnelles pour appuyer les hôpitaux publics et autres services de santé des États. Les États sont les principaux responsables des services hospitaliers publics, des services de santé communautaire, des foyers de soins et des services d’aide à domicile aux personnes âgées. Ils accordent en outre des permis pour les lits d’hôpitaux privés et en contrôlent ainsi le nombre et l’emplacement. Par leur affiliation au Commonwealth, ils agissent sur les taux exigés. Les États reçoivent du Commonwealth des subventions spéciales dans le cadre d’un financement global à l’appui de leurs activités de soins de santé. Ils comptent aussi sur les transferts généraux du Commonwealth et sur leurs propres recettes fiscales.
États-Unis Aux États-Unis, si la majeure partie des soins de santé sont fournis dans le cadre d’arrangements conclus avec le secteur privé, le gouvernement intervient dans deux programmes importants. L’assurance-maladie est gérée et financée uniquement par le gouvernement fédéral, qui fournit ainsi de l’assurance-maladie aux personnes âgées et aux personnes handicapées (environ 13 % de la population). Il s’agit avant tout d’un programme qui vise à couvrir les coûts des soins actifs, dans le cadre duquel les patients paient une franchise et une partie des montants couverts (coassurance). Les impôts fédéraux sur la masse salariale, les recettes générales et les primes couvrent les coûts du secteur public. Les frais payés aux médecins et aux hôpitaux dans le cadre de l’assurance-maladie sont réglementés. Medicaid est un programme d’assurance santé destiné à certains groupes à faible revenu (environ 10 % de la population), administré par les gouvernements des États, mais financé et réglementé conjointement par les deux niveaux de gouvernement. Les parts fédérales des coûts totaux varient de 50 % à 80 % du total des dépenses : tout dépend du niveau moyen du revenu personnel des États. Le gouvernement fédéral réglemente le programme en établissant des lignes directrices qui couvrent l’envergure des services, les taux de paiement et les groupes démographiques qui y ont
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droit. Les États ont une certaine marge de manœuvre pour concevoir et administrer leurs propres programmes Medicaid dans le cadre des lignes directrices établies par le gouvernement fédéral. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral réglemente, par l’entremise de la Food and Drug Administration, les médicaments prescrits, y compris les médicaments qui peuvent être offerts en vente libre, les fins auxquelles ils peuvent servir et les renseignements qui doivent être joints à chaque emballage. L’Office of the Surgeon General joue le rôle de chef de file national sur les questions de santé, et le Centre for Disease Control fournit des services de laboratoires spécialisés. Les gouvernements des États réglementent certains aspects de l’assurance-maladie privée et accréditent les hôpitaux, les médecins et d’autres professionnels de la santé. Allemagne En Allemagne, l’assurance-maladie obligatoire est fournie par environ 1 100 « caisses de maladie », habituellement contrôlées par des représentants des employés et de l’employeur. Les caisses négocient à l’échelon régional avec des associations de mé decins et des hôpitaux individuels pour fournir des services à leurs membres, à des tarifs convenus. Ces négociations sont pilotées par un comité où sont représentés le gouvernement fédéral et celui du Land. Les primes obligatoires payées par les employés et les employeurs financent les caisses de maladie. Le gouvernement central est chargé de la réglementation générale des caisses de maladie, y compris de celle du panier minimal de services qu’elles doivent offrir à leurs membres. Le gouvernement fédéral réglemente aussi les primes et paie les contributions pour le compte des chômeurs, des retraités et des personnes handi capées. Étant donné ses pouvoirs réglementaires et financiers, le gouvernement fédéral peut compter énormément sur la persuasion morale pour diriger l’administration des caisses de maladie et les tarifs négociés entre elles et les fournisseurs de soins de santé. La réglementation des médicaments incombe aussi au gouvernement fédéral. Les gouvernements des Länder sont chargés de la réglementation locale des caisses de maladie et des associations régionales de médecins, de la gestion des hô pitaux d’État et de la réglementation des autres hôpitaux. Les immobilisations des hôpitaux sont financées presque exclusivement (depuis 1986) par des subventions des gouvernements des Länder. Les services de santé publics sont fournis surtout par les administrations locales, qui bénéficient de l’aide financière du gouvernement fédéral et de l’État.
Suisse La Suisse compte sur un régime d’assurance-maladie privé, réglementé par le gouvernement fédéral. Le gouvernement national supervise les régimes de santé et leur accorde des subventions en vertu de la réglementation (p. ex. l’acceptation de tous les requérants, la prestation de services minimaux définis). Les frais d’assurance sont réglementés par le gouvernement central, qui subventionne aussi les primes des personnes à faible revenu. Les patients doivent payer des frais d’utilisation confor mément à la réglementation fédérale.
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Chaque canton est responsable des mesures de santé publique et aussi de leur coordination avec les autres cantons. Certains cantons ont rendu l’assurance-maladie obligatoire. Les cantons sont responsables des subventions accordées aux hôpitaux et à d’autres établissements, qu’ils doivent aussi réglementer. Ils surveillent également les prix fixés entre les fournisseurs et les caisses d’assurance et réglementent les frais, du moins à l’intérieur de fourchettes (c.-à-d. frais minimaux et maximaux permis). Le système suisse a une caractéristique intéressante : la réglementation de la formation en médecine et des produits pharmaceutiques (autorisation et évaluation du risque) est déléguée à des entités intercantonales, qui se chargent de ces fonctions pour le compte de tous les cantons.
Communauté européenne Même si elle n’est pas une fédération, la Communauté européenne (CE) est intéressante à cause des pouvoirs et des responsabilités qu’elle commence à prendre par rapport à ses États membres. Il est clair que la responsabilité relative aux politiques sur la santé incombe d’abord aux pays membres. La Communauté intervient toutefois de plus en plus dans un certain nombre de programmes de santé. Le Traité sur l’Union européenne (traité de Maastricht), qui est entré en vigueur en 1993, établissait l’envergure de l’intervention de la CE dans les soins de santé et les types de moyens stratégiques sur lesquels elle pourrait compter (article 129). Plus particulièrement :
1. La Communauté contribue à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine en encourageant la coopération entre les États membres et, si nécessaire, en appuyant leur action. L’action de la Communauté porte sur la prévention des maladies, et notamment des grands fléaux, y compris la toxicomanie, en favorisant la recherche sur leurs causes et leur transmission, ainsi que l’information et l’éducation en matière de santé. Les exigences en matière de protection de la santé sont une composante des autres politiques de la Communauté. 2. Les États membres coordonnent entre eux, en liaison avec la Commission, leurs politiques et programmes dans les domaines visés au paragraphe 1. La Commission peut prendre, en contact étroit avec les États membres, toute initiative utile pour promouvoir cette coordination. 3. La Communauté et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière de santé publique. 4. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article, le Conseil adopte :
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– … des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ; – statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, des recommandations.
Ainsi, le rôle de la CE est en grande partie limité aux questions de santé publique et aux politiques de promotion de la santé et de prévention plutôt qu’au traitement de la maladie. Les moyens stratégiques dont elle dispose consistent en grande partie à promouvoir la coopération, à appuyer les interventions des États membres, à fournir des renseignements et des données et à jouer un rôle de premier plan. La Communauté peut aider les États à réaliser des synergies et des économies d’échelle lorsque c’est possible, surtout dans le domaine de la recherche. Les secteurs prioritaires d’intervention de la Communauté qui ont été définis jusqu’à maintenant comprennent le cancer, la toxicomanie, la promotion de la santé, l’éducation et la formation, les données et les indicateurs sur la santé et la surveillance des maladies, le SIDA et autres maladies transmissibles, les accidents et les blessures, ainsi que les maladies liées à la pollution. Conclusion Dans les quatre pays fédéraux examinés, les dépenses et la réglementation sont les principaux moyens stratégiques de la politique sur la santé, leviers que les gouver nements fédéraux et ceux des États fédérés utilisent à profusion. Les dépenses sont particulièrement importantes au niveau fédéral en Australie et aux États-Unis, où le gouvernement fédéral dépense au moins deux fois plus que les États fédérés. En Allemagne, il semble que le gouvernement fédéral dépense plus que les Länder (mais de peu), tandis qu’en Suisse les cantons semblent dépenser plus que le gouvernement fédéral. Dans tous les cas, le gouvernement fédéral joue un rôle financier important dans la promotion de l’équité dans les soins de santé (p. ex. en dépensant pour le compte des personnes à faible revenu, des sans-emploi et des personnes âgées). Si les deux ordres de gouvernement utilisent amplement les leviers réglemen taires dans le domaine de la santé, il est difficile de tirer des conclusions au sujet de l’utilisation relative de la réglementation. Il n’existe pas d’unité de mesure qui permette d’établir de telles comparaisons. La fiscalité semble constituer un moyen stratégique important aux États-Unis seulement, comme on pouvait s’y attendre, étant donné que l’on compte énormément sur les régimes de santé privés. Les dépenses fiscales aux fins des soins de santé sont surtout des initiatives fédérales. Il est difficile d’évaluer l’utilisation de la persuasion morale ou du leadership politique exercé par le gouvernement fédéral de ces pays, en partie parce que ces leviers sont souvent « moins officiels ». Il semble toutefois que le gouvernement fédéral de l’Allemagne se serve de la persuasion morale (appuyée par la volonté de réglementer) pour exercer son influence sur les caisses de maladie et les associations de fournisseurs de soins de santé.
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En général, l’Australie, l’Allemagne et les États-Unis (du moins en ce qui concerne les programmes publics) ont des systèmes de santé clairement plus centralisés que le Canada. Les gouvernements centraux jouent un rôle de premier plan, au niveau du financement et de la réglementation, et disposent de leviers à cet effet. Ils interviennent aussi dans la conception et la prestation de leurs programmes de santé. S’il est plus décentralisé, en Suisse, le gouvernement fédéral contrôle en fait le fonctionnement de l’assurance-maladie. Le Canada est le pays le plus décentralisé du groupe, pour ce qui est du pouvoir des provinces de déterminer l’organisation du système de santé et d’en réglementer le fonctionnement. Seule la Communauté européenne, qui demeure quand même une superstructure internationale plutôt qu’un État fédéral, a moins de contrôle central que le Canada sur les leviers de la santé.
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Le financement des soins de santé : le partage entre les secteurs public et privé Raisa Deber, Ph. D. Lutchmie Narine, Ph. D. Pat Baranek, M. Sc., candidate au doctorat Natasha Sharpe, Ph. D. Katya Masnyk Duvalko, M. Sc.
candidate au doctorat Randi Zlotnik-Shaul, L.L. B. candidat au doctorat Peter Coyte, Ph. D. George Pink, Ph. D. A. Paul Williams, Ph. D.
Département d’administration de la santé Université de Toronto
Résumé Quelle serait la juste répartition des rôles et des responsabilités dans le domaine de la santé entre le secteur public et le secteur privé ? Commençons par préciser le sens de ces expressions. Le secteur public comprend les administrations nationale (fédérale), provinciales (ou de l’État), régionales ou locales. Le secteur privé englobe les sociétés à but lucratif, les petites entreprises, les particuliers et leur famille ou les organismes de bienfaisance (à but non lucratif) qui, les uns comme les autres, peuvent faire appel tant à des bénévoles qu’à des salariés et participer, à titre d’intermédiaires, à l’atteinte d’objectifs publics. Ainsi, les initiatives stratégiques portent en grande partie sur la structuration interne des services de santé plutôt que sur une redistribution des responsabilités entre les secteurs public et privé.
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Il importe également de définir les dimensions des services de santé qui sont visées. Dans le présent document, nous concentrons notre attention sur trois dimensions : – le financement – de quelle manière les services sont-ils payés ? – la prestation – de quelle façon les services sont-ils fournis aux bénéficiaires des soins de santé ? – l’affectation – comment les ressources sont-elles attribuées par les parties qui financent les soins de santé à celles qui sont chargées de leur prestation ? Nous présentons une série de modèles possibles, tirés des écrits internationaux. Le système canadien actuel est avant tout fondé sur le financement public des soins médicalement nécessaires et sur une prestation privée (le plus souvent sans but lucratif). En évaluant ces modèles, on constate que les écrits internationaux préconisent une seule source de financement (public) pour les services nécessaires, soit les services que, pour des raisons d’ordre public, l’on ne devrait pas refuser aux personnes qui n’ont pas les moyens d’en assumer les coûts. Les arguments en faveur d’un financement public reposent non seulement sur des motifs d’équité, mais aussi sur des facteurs d’efficience économique. Si l’on détermine qu’il est impossible de fermer la porte aux bénéficiaires sans ressources, on ne peut plus alors compter sur les mécanismes du marché pour limiter les coûts. En multipliant les sources de financement, on risque d’amoindrir le pouvoir de négociation avec les fournisseurs et de rendre encore plus difficile la maîtrise des coûts (c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les fournisseurs préconisent en général des modalités de financement pluralistes). Lorsque les assurances privées sont autorisées, les coûts sont le plus souvent refilés aux employeurs, ce qui nuit à la compétitivité économique. Lorsque les sources de financement sont multiples, les bailleurs de fonds se trouvent encouragés à réduire leurs coûts en évitant les clients susceptibles d’avoir besoin de services, ce qui se traduit par une augmentation des coûts pour le secteur public (s’il est le bailleur de fonds de dernier recours) et soulève des problèmes d’équité. Pour toutes ces raisons, les modèles à source unique de financement (public) des soins médicalement nécessaires, principe à la base des services assurés en vertu de la Loi canadienne sur la santé, sont nettement préférés. En revanche, les écrits sur le sujet semblent indiquer que la prestation des soins de santé par le secteur public est en général moins adaptée aux besoins du client. La prestation des soins par des organisations à but lucratif semble toutefois acceptable uniquement lorsque les normes de service peuvent être clairement précisées et contrôlées, ce qui est souvent difficile dans le cas des services complexes. Quand les critères de mesure des résultats ne sont ni évidents ni contrôlables, la prestation de soins par des organismes sans but lucratif semble optimale. C’est là, encore une fois, la situation qui a généralement cours au Canada, sauf quelques exceptions pour des services particuliers dans certaines régions. Les écrits ne sont cependant pas aussi clairs pour ce qui est de l’affectation optimale des ressources de financement public des soins de santé. Les mécanismes d’affectation peuvent se définir sur un continuum allant des modèles d’affectation planifiée (où le patient suit l’argent, c’est-à-dire qu’il ne peut s’adresser qu’aux organismes qui ont reçu les fonds nécessaires pour offrir un service particulier) aux modèles d’affectation axée sur le marché (où l’argent suit le patient, c’est-à-dire que les fonds sont accordés aux organismes qui peuvent attirer des clients). Les modèles d’affectation planifiée ont l’avantage de faciliter la maîtrise des coûts (car on peut fixer d’avance le montant total à dépenser). Les modèles d’affectation
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axée sur le marché sont plus aptes à demeurer à l’écoute du client (car les organismes ne sont payés que s’ils sont en mesure d’attirer la clientèle). À l’échelle internationale, toutes sortes d’expériences fondées sur des modèles mixtes sont actuellement en cours (p. ex. concurrence dirigée, concurrence publique). Le but est de combiner les avantages des deux modèles, mais il reste encore à dresser le bilan de ces approches. Il conviendrait de procéder à de nouvelles expériences où l’affectation et le remboursement seraient fonction des résultats obtenus. On peut d’ailleurs s’attendre à une multiplication de ce genre d’expériences. Après une description du cadre législatif et réglementaire de l’assurance-hospitalisation et de l’assurance-maladie au Canada, suivie de la présentation de certaines données sur le degré de participation des secteurs public et privé dans le contexte canadien, nous exposons brièvement une série d’études de cas sur des expériences menées à l’aide de différents modèles. Ces cas portent notamment sur des hôpitaux, des cliniques privées, des services médicaux, la désassurance des actes médicaux, l’assurance-automobile et les services de réadaptation en Ontario, l’assurance-maladie pour voyageurs, les produits pharmaceutiques et l’assurance privée en Australie. L’hypothèse selon laquelle les coûts sont plus faciles à maîtriser lorsque les fonds proviennent du secteur public se trouve corroborée, tant par les statistiques générales sur les dépenses que par des cas particuliers. Les sources de financement multiples semblent effectivement favoriser les problèmes postulés de maîtrise des coûts, et présentent en plus des difficultés du point de vue de l’équité. Nous proposons ensuite des valeurs permettant d’évaluer les cadres stratégiques en général (c.-à-d. l’équité, l’efficience, la sécurité et la liberté). Nous passons enfin en revue un certain nombre de cadres possibles pour prendre des décisions sur les services qu’il convient d’assurer : le système actuel reposant sur la Loi canadienne sur la santé, le modèle de l’Oregon, le modèle néerlandais à quatre paramètres et deux approches proposées pour le Canada, soit le modèle à quatre critères de sélection et le projet des services de base complets de l’Association médicale canadienne. Une attention particulière est accordée au modèle à quatre critères de sélection. Ces quatre critères sont les suivants : 1. Efficacité – le système fonctionne-t-il ? 2. Pertinence – le service est-il nécessaire ? 3. Choix éclairé – le service est-il demandé ? 4. Prestation publique – les contribuables doivent-ils payer ? Le modèle à quatre critères de sélection a l’avantage d’encourager la souplesse et la pertinence, mais il a l’inconvénient de ne pas se prêter à la définition de règles concrètes et faciles à suivre pour déterminer l’assujettissement. C’est pourquoi nous proposons une version adaptée de ce modèle, appelée modèle global à quatre paramètres, plus compatible avec les dispositions de la Loi canadienne sur la santé et avec le financement global (régional). Le rapport se termine par quatre recommandations : 1. Le financement public des services médicalement nécessaires ; 2. L’affectation des ressources selon le principe de la concurrence publique ; 3. La prestation mixte (en grande partie par le secteur privé et sans but lucratif) ; 4. La détermination des services médicalement nécessaires en fonction des besoins des clients (pas de liste).
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Table des matières
Objectifs ..............................................................................................................437 Fondement de la répartition actuelle des services entre les secteurs public et privé ..........................................................................437 Rôle pertinent du secteur public par rapport au secteur privé..........................437 Public et privé.............................................................................................438 Ce qui distingue les soins de santé des autres marchés................................442 Financement...............................................................................................446 Prestation....................................................................................................456 Affectation..................................................................................................460 Relations entre le financement, la prestation et l’affectation.......................464 Le cadre législatif et réglementaire ......................................................................464 L’origine historique : la Constitution et le développement des programmes à frais partagés.......................................................................464
Le cadre législatif et réglementaire actuel.........................................................468 La Loi canadienne sur la santé .....................................................................468 La Charte canadienne des droits et libertés ....................................................471 Législation et réglementation provinciales et internationales.......................475 Le cas du Canada : certaines données sur le degré de partage entre les secteurs public et privé ..........................................................................476
Financement....................................................................................................477 Les dépenses de santé totales.......................................................................478 Les dépenses de santé publiques totales.......................................................480 Les dépenses de santé provinciales totales...................................................482 Les dépenses de santé totales du secteur privé.............................................486 Les dépenses de santé par secteur particulier...............................................488 Prestation.........................................................................................................490 Affectation.......................................................................................................490 Études de cas se rapportant à différents modèles ................................................493 Les hôpitaux....................................................................................................493
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Les cliniques privées.........................................................................................497 Les services médicaux.......................................................................................502 La désassurance des actes médicaux.................................................................503 L’assurance-automobile et les services de réadaptation en Ontario...................504 L’assurance-maladie pour voyageurs.................................................................506 Le paiement des médicaments.........................................................................509 L’assurance privée en Australie.........................................................................510 Évaluation des modèles : équité, efficience, sécurité et liberté ............................512
Questions d’ordre conceptuel et débat historique............................................513 Harmonisation des valeurs sociales et politiques avec les valeurs techniques et administratives......................................................................513 Les critères d’évaluation...................................................................................514 Le financement................................................................................................517 La prestation....................................................................................................520 L’affectation.....................................................................................................521 Les cadres de prise de décisions sur les services à assurer ou à exclure ................522 Le modèle de la Loi canadienne sur la santé......................................................523 Pertinence de la définition de la notion d’intégralité dans la Loi canadienne sur la santé...............................................................523 Points de vue sur le rôle du secteur privé....................................................525 Les services que les gouvernements ne devraient pas payer.........................526 Les services à assurer idéalement.................................................................527 Processus d’assurance et de désassurance.....................................................528 Examen du modèle de la Loi canadienne sur la santé ..................................529 Le modèle de l’Oregon....................................................................................530 Le modèle des Pays-Bas....................................................................................531 Le modèle à quatre critères de sélection (Deber-Ross).....................................532 Minimisation des coûts...............................................................................534 Les valeurs sociales......................................................................................535 L’avancement des connaissances..................................................................535 Le modèle dans la pratique.........................................................................535
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Projet de services de base et complets de l’AMC..............................................537 Examen du modèle à quatre critères et des méthodes de l’AMC.................538 Résumé des modèles........................................................................................540 Conclusions stratégiques et recommandations ...................................................542 Recommandations...........................................................................................542 Recommandation 1 – Financement public des services médicalement nécessaires...................................................................................................542 Recommandation 2 – Prestation mixte (à prédominance privée et sans but lucratif).....................................................................................544 Recommandation 3 – Affectation publique axée sur la concurrence...........545 Recommandation 4 – Détermination des soins médicalement nécessaires en fonction du client (aucune liste)...........................................545 Notes bibliographiques.........................................................................................548 Liste des figures
Figure 1 Modèles de relations entre le service et le paiement.............................443 Figure 2 Répartition (%) des dépenses de santé nationales selon le secteur de financement, Canada, 1984 et 1994..............................................478 Figure 3 Répartition (%) des dépenses nationales de santé par catégorie, Canada, 1984 et 1994.......................................................................................480 Figure 4 Dépenses de santé totales par habitant et par province, 1994..............486 Figure 5 Dépenses de santé en pourcentage du PIB des provinces, 1994..........487 Figure 6 Dépenses de santé en pourcentage du PIB et dépenses privées............488 Liste des tableaux
Tableau 1 Catégories de « public » et « privé »................................................ 439
Tableau 2 Classification des systèmes de santé...............................................446 Tableau 3 Modèles d’affectation des fonds à l’intérieur des systèmes financés par l’État.........................................................................460 Tableau 4 Dépenses de santé totales selon le secteur de financement, Canada, 1975-1994......................................................................479 Tableau 5 Dépenses de santé totales par catégorie de dépenses, Canada, 1975-1994....................................................................................481
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Tableau 6 Transferts fédéraux au titre de la santé, par catégorie de transfert, Canada, 1975-1994...................................................483 Tableau 7 Dépenses de santé provinciales par catégorie, Canada, 1975-1994.....................................................................484 Tableau 8 Dépenses de santé versées par les commissions des accidents du travail, par catégorie, Canada, 1975-1994................................489 Tableau 9 Dépenses de santé par sous-catégorie de dépenses, Canada, 1992...............................................................................491 Tableau 10 Comparaison interprovinciale du nombre de chirurgies de la cataracte, toutes spécialités confondues, pour 1 000 habitants admissibles, 1983-1991.................................................................501
Tableau 11 Estimations des montants versés par les assureurs automobiles à des fins de réadaptation, 1991-1994...........................................507 Tableau 12 Prestations d’assurance-maladie supplémentaires, par catégorie (en dollars), 1984-1993................................................................510 Tableau 13 Modèle à quatre critères de sélection.............................................533 Tableau 14 Résumé des caractéristiques des modèles.......................................541
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Objectifs
En septembre 1995, le Forum national sur la santé a publié un document de travail intitulé Le financement public et privé du système de santé du Canada1,*, qui s’attachait à définir le cadre du débat imminent portant sur la meilleure façon de financer les services de santé. Pour alimenter ce débat, le Groupe de travail sur l’atteinte de l’équi libre nous a demandé de rédiger un document d’information. Le principal objectif était d’« élaborer un cadre susceptible d’aider à déterminer dans quelle mesure les divers types de services devaient être financés par des sources publiques ou privées, pour ensuite présenter des options de mécanismes aptes à rendre plus cohérent et uniforme le financement des soins de santé dans le contexte canadien ». On nous a demandé d’examiner le fondement de la répartition actuelle des services entre les secteurs public et privé, en accordant une attention particulière aux origines historiques de la présente configuration des services, de même qu’au cadre législatif et réglementaire au sein duquel les décisions de financement public et privé sont prises actuellement, puis de dégager les avantages et les inconvénients du cadre actuel. Nous devions élaborer, à partir de nos conclusions, un modèle décisionnel tenant compte des critères de la nécessité des soins médicaux, de la pertinence des soins, de l’efficience et de l’accès aux services, de manière à déterminer quels services doivent être admissibles à un financement public intégral ou partiel et lesquels doivent être exclus. Enfin, il nous était demandé d’analyser les effets du cadre, du point de vue de la ligne de conduite à adopter, puis de présenter des recommandations. Notre étude commence donc par un cadre conceptuel, au sein duquel nous examinons les notions de « public » et de « privé ». Nous présentons ensuite la situation actuelle au Canada, notamment à l’aide de plusieurs études de cas, puis nous analysons plusieurs cadres de prise de décision. Enfin, après une analyse des critères d’évaluation, nous formulerons des recommandations. La question du rôle approprié des secteurs public et privé se révèle complexe et suscite d’ailleurs des débats considérables. Or, jusqu’à présent, ces débats se distinguent davantage par leur caractère passionné que par la clarté. Nous espérons que le présent document d’information éclairera le débat.
FONDEMENT DE LA RÉPARTITION ACTUELLE DES SERVICES ENTRE LES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ Rôle pertinent du secteur public par rapport au secteur privé
Quel rôle doit jouer le gouvernement dans les services de santé et la politique sociale ? Il n’est pas de notre ressort de répondre à cette question. Nous nous attachons plutôt à clarifier cette question, en mettant en évidence ses éléments factuels et idéologiques,
* Le lecteur voudra bien se reporter à la fin de cette étude pour les notes bibliographiques.
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en signalant des modèles possibles et leurs implications et en présentant quelques études de cas. La participation des secteurs public et privé est au cœur du débat idéologique actuel2. La droite prône une intervention minimale des gouvernements et un rôle maximal pour le marché. Les théoriciens de cette tendance privilégient la liberté et le choix individuels, présumant que l’intervention des gouvernements favorise l’inefficacité. La gauche, pour sa part, affirme que les valeurs collectives et l’intérêt public ne peuvent être livrés aux mécanismes du marché. Les tenants de cette thèse accordent une grande importance à l’équité sociale et à une redistribution en faveur des plus démunis. Il ne nous appartient pas de trancher entre ces idéologies contradictoires, mais nous dégageons leurs implications dans la section intitulée « Évaluation des modèles », qui présente des critères d’évaluation que l’on peut utiliser pour le choix des politiques. Une première étape essentielle consiste à préciser ce qu’il faut entendre par les termes « public » et « privé ». La distinction ne va pas de soi. Il existe de nombreux niveaux de secteurs public et privé, et des restructurations peuvent se faire à l’intérieur de chacun des deux secteurs, tout comme de l’un à l’autre. Le fait que la politique sur la santé est profondément différente, à bien des égards, des autres domaines d’action gouvernementale vient aussi compliquer la situation. Les soins de santé comportent plusieurs dimensions, et les facteurs qui entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit de déterminer qui doit payer la facture diffèrent de ceux qui président au choix des modes de prestation de soins. En outre, les systèmes de santé sont constitués de nombreux secteurs, et leur mode d’organisation peut varier considérablement. On ne peut parler du système de santé du Canada de façon cohérente sans préciser les aspects qui sont visés. C’est pourquoi nous commençons par élaborer un cadre conceptuel comprenant deux volets : la définition des notions de « public » et « privé » et les caractéristiques des systèmes de santé, dont les trois principales dimensions que sont le financement, la prestation des services et l’affectation des ressources.
Public et privé
Paul Starr, analyste américain bien connu des politiques sur la santé, s’est intéressé à la notion de privatisation en insistant sur le fait que les termes « public » et « privé » ont de nombreuses définitions. Il en a conclu qu’il serait dangereux de procéder à des généralisations sur les avantages de la privatisation comme politique gouvernementale en dehors d’un contexte institutionnel ou national particulier. Il fait observer que les termes « public » et « privé » sont d’ordinaire associés pour décrire un certain nombre d’oppositions connexes de la pensée, où « public » est à « privé » ce qu’« ouvert » est à « fermé », ce que « le tout » est à « la partie », ou ce que les activités gouvernementales ou officielles sont aux activités qui ne relèvent pas de l’État (soit celles du marché ou de la famille)3.
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Tout comme il existe de nombreux degrés d’ouverture et de fermeture, il semble y avoir un continuum entre les notions de public et de privé (tableau 1). Comme le signale Richard Saltman, le qualificatif « public » peut s’appliquer à une grande variété de structures (depuis les services gouvernementaux jusqu’aux organismes semiautonomes). Ces structures peuvent se trouver à l’échelon national, provincial, régional ou local, être gérées par des administrateurs élus ou nommés et devoir rendre compte de décisions courantes ou uniquement de résultats à long terme4. Le terme « privé » est encore moins précis, puisqu’il désigne non seulement des sociétés à but lucratif, mais aussi une grande variété d’organismes bénévoles à but non lucratif. Par conséquent, les classements sont quelque peu arbitraires. Par exemple, les cotisations versées aux commissions des accidents de travail ne font pas officiellement partie des fonds publics et ne sont pas normalement considérées comme des impôts, mais ces cotisations sont souvent obligatoires, notamment en vertu de la loi. Les hôpitaux canadiens peuvent être administrés par des conseils privés, mais soumis à une stricte réglementation et recevoir de sources publiques la plus grande partie de leurs fonds de fonctionnement. Même la distinction entre « à but lucratif » et « à but non lucratif » est souvent obscure, la ligne de démarcation ne tenant souvent qu’au classement du surplus logique des recettes, appelé tantôt « bénéfice » et tantôt « excédent ». Comme la pratique l’a montré aux États-Unis, les organismes à but non lucratif, tels que les hôpitaux, adoptent souvent des pratiques antisociales que l’on associe habituellement au secteur à but lucratif, comme l’écrémage ou, vu sous un autre angle, le « largage » de patients. Il convient d’examiner non seulement la structure de propriété, mais aussi le cadre général des stimulants qui déterminent le comportement de ces établissements.
Tableau 1 Catégories de « public » et « privé » Catégorie
Niveaux
Public
National Provincial ou d’État Régional Local
Privé
Corporations (but lucratif) Petite entreprise/entreprises Bienfaisance/non lucratif (employés rémunérés ou bénévoles) Familial ou individuel
Même si le secteur de bienfaisance, ou non lucratif, est en principe privé, il travaille souvent en étroite collaboration avec le gouvernement et peut même offrir ses services gratuitement. Dans la mesure où le gouvernement délègue des responsabilités à ce secteur, dont les activités sont souvent financées ou réglementées, les organismes peuvent être qualifiés d’intermédiaires. À titre d’exemple, on peut citer la caisse d’assurance-maladie d’Allemagne qui, quoique privée à strictement parler, constitue
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un mécanisme de financement quasi public, et les hôpitaux de l’Ontario, que l’on peut considérer comme des organes de prestation de soins quasi publics et quasi privés. On a assisté à un débat passionné, mais pas toujours très instructif, sur les avantages de l’intervention publique par rapport à la participation privée. Parmi les facteurs avancés pour justifier le rôle joué par les gouvernements dans la prestation de biens et de services, on peut citer l’intérêt public, les effets externes, l’échec du marché, l’ordre et la justice sociale. Biens d’intérêt public (collectif) – L’expression « biens d’intérêt public » désigne des éléments qui ne peuvent être gérés par les mécanismes du marché, du fait qu’il est impossible d’exclure de la jouissance de ces biens les personnes qui n’en assument pas le coût. Par exemple, une fois que des dispositifs antipollution sont en place, tout le monde peut respirer l’air pur qui en résulte. De même, tous les habitants d’un territoire, et non pas seulement ceux qui financent les coûts liés à la défense militaire, sont également protégés contre une invasion étrangère. Inévitablement, il y aura toujours des resquilleurs, comme les appellent les économistes, qui refuseront de payer mais à qui on ne pourra refuser les avantages d’une mesure5. Dans un monde de décideurs rationnels, la conséquence est que les biens d’intérêt public fournis sont trop peu nombreux (c.-à-d. que, de l’avis des décideurs rationnels, les biens sont trop peu nombreux par comparaison avec ce qu’ils seraient si l’on n’avait pas à tenir compte des resquilleurs). En conséquence, même les personnes qui s’opposent le plus, sur le plan idéologique, à l’intervention du gouvernement conviennent en général que l’État a un rôle économique légitime à jouer pour assurer, de façon optimale, la prestation et le financement de biens d’intérêt public. Même si les biens de pur intérêt public sont rares, un certain nombre d’activités de santé publique (p. ex. la prévention des épidémies) relèvent nettement de cette catégorie6. Effets externes – Une autre catégorie de biens peut entraîner des conséquences externes négatives ou positives (p. ex. la pollution d’une rivière a des conséquences pour ceux qui vivent en aval ; la formation d’un futur membre d’une profession libérale peut être source d’avantages et de coûts pour les autres membres de la société). La plupart des philosophies politiques reconnaissent un rôle à l’intervention gouvernementale (souvent pour assurer l’ordre ou pour réglementer), ne serait-ce que pour faire en sorte que les coûts et les avantages des effets externes soient répartis équitablement. Échec du marché – En économie, on reconnaît que tous les marchés nécessitent un gestionnaire pour en assurer l’équité7. Dans certains cas, les gouvernements peuvent aider les marchés en imposant des règles et des normes. Dans d’autres cas, ils peuvent être en mesure d’améliorer l’efficience en intervenant sur les marchés mis en échec (p. ex. en réglementant les monopoles privés ou en devenant eux-mêmes des fournisseurs). Même si l’on ne s’entend pas toujours sur l’ampleur et sur les causes de l’échec du marché, dans le domaine de la santé, ni sur l’opportunité d’une intervention gouvernementale en conséquence, on fait souvent valoir le phénomène de la sélection en fonction du risque (incitant les assureurs à éviter d’assurer les personnes les plus susceptibles d’avoir besoin de soins de santé) pour justifier l’intervention de l’État.
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Maintien de l’ordre – Le monopole de la force que détient l’État et son autorité suprême garantissent le maintien de l’ordre social et économique. C’est ainsi qu’on a pu justifier l’État-providence en avançant que le fait d’« acheter » les travailleurs en leur offrant des programmes sociaux permettait de prévenir les troubles sociaux. Justice sociale – Les libres forces du marché peuvent aboutir à des situations injustes ou inéquitables. La justice sociale est un principe invoqué principalement à des fins de redistribution. Par exemple, on peut soutenir que tous les citoyens d’un pays ont un droit fondamental à certains avantages et que l’État a pour mandat de veiller à ce qu’ils les obtiennent. De toute évidence, la mesure dans laquelle la justice sociale constitue une préoccupation légitime de l’État est une question éminemment idéologique. Les motifs que l’on invoque pour s’opposer à l’intervention de l’État sont l’inefficience, les abus et le manque d’innovation. Inefficience – Les économistes orthodoxes répètent souvent que la concurrence élimine l’inefficience, tandis que les marchés protégés ont en général l’effet contraire. Abus – Si le prix est l’indice qui sert de lien entre l’offre et la demande, on pourrait en déduire, dans une théorie économique classique, que la demande est infinie si les biens sont gratuits, ce qui entraîne forcément des abus et du gaspillage. Manque d’innovation – Les organismes qui ne sont pas soumis à la concurrence, que ce soit dans le secteur public ou privé, risquent de devenir complaisants et stagnants. Pour toutes ces raisons, on prône de plus en plus la privatisation pour faire contrepoids à la croissance gouvernementale. Starr distingue quatre types de privatisation8 : – suppression des programmes publics et désengagement de l’État à l’égard de certains types de responsabilités (privatisation implicite). Cette forme de privatisation peut se manifester de façon indirecte, par la diminution du volume, de l’accessibilité ou de la qualité des services publics, au point d’inciter les consommateurs à se tourner vers les services de substitution offerts par le secteur privé. Starr appelle ce processus « privatisation par attrition » ; – transfert de biens publics (p. ex. aéroports, hydroélectricité) à des intérêts privés ; – remplacement des services gouvernementaux directs par des services du secteur privé financés par l’État (par impartition ou au moyen de bons) ; – déréglementation de la participation d’entreprises privées à des activités jusque-là considérées comme un monopole public. Bendick apporte une distinction semblable entre la « déresponsabilisation de l’État » et la « responsabilisation des structures intermédiaires »9. Le terme « dérespon sabilisation » désigne des mécanismes par lesquels les moyens de financement et de prestation sont dissociés de l’État. Ces mécanismes peuvent être des compressions budgétaires, l’imposition de droits d’utilisation ou un recours accru à des bénévoles. Les analystes des politiques canadiennes en matière de santé ont observé une hausse de cette tendance, qu’ils appellent « privatisation passive ». Les politiques gouverne mentales de ces dernières années ont eu pour résultat de refiler une plus grande part de
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la facture de la santé au secteur privé (en particulier les employeurs) et de donner un nouvel essor aux assurances privées10. Par contraste, la responsabilisation des structures intermédiaires suppose des ententes en vertu desquelles les gouvernements délèguent la production et la prestation des services tout en conservant une partie, sinon la totalité, de la responsabilité du financement, par exemple, au moyen de bons, de l’impartition de services et de partenariats entre les secteurs public et privé. Osborne et Gaebler ont observé ce phénomène en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Grande-Bretagne et aux États-Unis11. Les justifications de la privatisation reflètent plusieurs points de vue différents sur la notion de « privé ». Par exemple, les arguments fondés sur le laisser-faire capitaliste partent du postulat que les libres forces du marché et la recherche du profit aboutissent à l’innovation, à l’efficience, à une meilleure gestion et à une plus grande sensibilité au choix individuel. Dans une autre vision des choses, on trouve un plaidoyer en faveur de la restitution du pouvoir aux personnes et aux collectivités par une responsabilisation accrue des familles, des Églises et des organismes sans but lucratif. D’autres encore englobent dans ce qui est privé tout ce qui « n’est pas public », et la privatisation devient une stratégie politique pour détourner la demande qui pèse sur l’État et réduire ainsi l’ampleur et la portée du gouvernement. De nombreux tenants de la privatisation font valoir l’accroissement de la concurrence, mais il faut reconnaître que ces termes ne sont pas synonymes12. Le recours à la concurrence est un moyen particulier d’affecter des ressources limitées, faisant appel à divers mécanismes opérationnels (dont le choix du consommateur, l’appel d’offres ouvert et les contrats négociés) où le rendement de divers intervenants est comparé, donnant lieu à un clivage gagnants-perdants. Évidemment, les monopoles peuvent exister dans un régime de propriété privée. Inversement, la concurrence peut se manifester dans un système de propriété et d’administration publiques. Du reste, le mouvement actuel de réforme des gouvernements ne rejette pas la dimension de l’intérêt public, mais il vise à tirer parti de la prétendue efficacité du secteur privé pour encourager la concurrence à l’égard de la prestation des services financés par l’État13.
Ce qui distingue la santé des autres marchés
Pour tous les marchés, on postule l’existence de l’offre, de la demande et d’un méca nisme quelconque pour rapprocher le vendeur et l’acheteur. Il y a donc trois parties qui peuvent intervenir dans le processus aboutissant à l’obtention d’un service par une personne : le fournisseur (qui vend les biens disponibles), le destinataire (qui demande le produit ou le service) et le payeur. En situation de marché pur, le prix est la variable qui harmonise l’offre et la demande : il augmente si la demande est trop forte et diminue en cas d’excédent de l’offre. La figure 1 illustre deux relations possibles entre la réception et le paiement des services. Le diagramme supérieur montre la transaction sur un marché simple, où le destinataire est également le payeur. Il en résulte une relation bilatérale, où le fournisseur assure la prestation du service en contrepartie d’un paiement.
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Figure 1 Modèles de relations entre le service et le paiement
Le diagramme inférieur de la figure 1 illustre une réaction possible à la fluctuation des coûts (p. ex. si les coûts élevés semblent peu probables). En pareil cas, il est logique de partager le risque, chaque membre d’un groupe, par exemple, consentant à verser une prime abordable pour se protéger en cas de malchance. C’est ainsi que les principes de l’assurance pourraient justifier l’intervention de tiers à titre de payeurs. Dans ce modèle, les bénéficiaires des soins éventuels versent une cotisation à un tiers qui, pour sa part, rembourse les fournisseurs. Le prix, dans cette hypothèse, cesse d’être un lien direct entre l’offre et la demande car le but de l’assurance est de mettre l’assuré à l’abri des coûts liés aux catastrophes. Les services de santé sont une épine au pied des défenseurs de la libre concurrence. Prenons la question de l’affectation des ressources dans le domaine de la santé. Dans le modèle de marché classique, les ressources reviennent aux personnes qui acceptent de payer le prix fort, selon le principe bien connu de l’offre et de la demande. Or, même si ce modèle peut sembler attrayant de prime abord, en raison de sa simplicité, les faits montrent que les soins de santé, dans une large mesure, y sont réfractaires. Les traits distinctifs de l’offre et de la demande dans le domaine de la santé, par rapport aux autres secteurs, sont bien documentés14. On pourrait en principe contrer une première série d’atteintes aux lois du marché pur en communiquant une meilleure information aux consommateurs. Mentionnons à cet égard l’incertitude du risque pour le consommateur et l’assureur, l’asymétrie sur le plan de l’information entre les consommateurs et les fournisseurs et entre les assureurs et les fournisseurs, ainsi que l’imperfection de l’information, la plupart des consommateurs de soins de santé n’ayant pas les ressources financières, le temps ni
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la motivation nécessaires pour décider rationnellement de leur intérêt personnel, en particulier lorsqu’ils ont besoin de services d’urgence. Par conséquent, ce sont les fournisseurs plutôt que les consommateurs qui, le plus souvent, déterminent quels sont les services à recommander. Dans certaines réformes, on s’attache donc à préserver l’intégrité des lois du marché en veillant à ce que les consommateurs soient parfaitement informés. Nos recherches sur la prise de décisions médicales donnent à penser que cette visée est utopique, dans la mesure où elle ne fait pas la part entre les deux éléments du choix, c’est-à-dire la résolution de problèmes et la prise de décisions. La résolution de problèmes, soit la recherche de la bonne réponse, suppose un haut degré de connaissances techniques. Les préférences n’entrent pas en ligne de compte. Il importe peu qu’une personne préfère avoir la jambe cassée, ou qu’elle veuille obtenir la garantie d’un parfait rétablissement après l’opération chirurgicale, car les résultats ne peuvent être changés. Les travaux de Deber et de ses collègues montrent que la plupart des gens souhaitent éviter de s’attaquer à la résolution de problèmes médicaux, surtout lorsque les conséquences d’une erreur peuvent être graves15. La prise de décisions, par contraste, repose sur l’examen comparatif des avantages et des inconvénients, puis sur le choix d’une ligne de conduite. Seule la personne qui souffre de douleurs thoraciques peut décider si ses symptômes sont tolérables ou s’il est préférable de courir le risque d’une opération à cœur ouvert. Lorsqu’ils sont bien informés, de nombreux patients souhaitent prendre part à la prise de décision, souvent en collaboration avec le médecin. Le partenariat médecin-patient, que nous croyons à la fois réalisable et grandement souhaitable, diffère donc fondamentalement de la relation acheteur-vendeur. En effet, il est fondé sur l’hypothèse que le spécialiste réglera le problème, puis aidera le patient et sa famille à prendre la décision. Par conséquent, le partenariat est fondé sur la confiance à l’égard de l’information, considérée comme exacte, et du fournisseur, censé agir dans le meilleur intérêt du patient16. Si importants que puissent être ces aspects d’ordre informationnel, la différence fondamentale entre le marché des services de santé et celui des autres produits a trait au rôle du besoin. Lorsqu’on affirme que les gens devraient recevoir les soins dont ils ont besoin, on sous-entend nécessairement deux choses : d’abord, que le paramètre du prix n’est pas pertinent, étant donné qu’on s’est entendu sur le fait qu’il est impossible de refuser les soins nécessaires aux personnes incapables d’en payer le prix ; ensuite, qu’il n’est pas moral de commercialiser des soins non nécessaires. Ce facteur distingue singulièrement la santé des autres marchés, où le client peut, par exemple, acheter une paire de chaussures dont il n’a nullement besoin. Comme les services médicaux peuvent causer des préjudices, la prestation de soins non nécessaires est considérée comme une violation de l’éthique professionnelle. Ce critère du besoin a pour effet de fausser les lois du marché, parce que de nombreux services ne sont pas « élastiques quant au prix » et que la sous-consommation de services élastiques quant au prix peut avoir des conséquences négatives. Par exemple, le prix n’entre généralement pas en ligne de compte lorsqu’une personne est frappée d’une embolie, de sorte que l’hospitalisation a plutôt tendance à être « non élastique quant au prix ». De la même manière, on ne risque guère de marchander les prix lorsqu’il s’agit de trouver un bon neurochirurgien.
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En revanche, certaines personnes pourraient hésiter à consulter leur médecin de famille si des frais modérateurs étaient imposés. À la longue, par conséquent, les frais modérateurs peuvent être contre-productifs : une personne pourrait négliger de se faire traiter pour haute tension artérielle et assumer par la suite les coûts beaucoup plus élevés d’un infarctus. Dans le même ordre d’idées, on ne peut complètement écarter la loi de l’offre et de la demande ; par exemple, on ne peut compenser une offre insuffisante de services d’arthroplastie de la hanche par un excédent de pédiatres. Pour toutes ces raisons, le recours aux prévisions économiques néoclassiques en apparence logiques, a tendance à mener à des prévisions faussées et erronées dans le domaine de la santé, surtout lorsque la vie et la mort sont en jeu17. Toutefois, ce ne sont pas tous les soins de santé qui ont pour enjeu la vie et la mort, de sorte que les modèles économiques classiques peuvent être plus pertinents dans certains domaines que dans d’autres. Comme le signalent Adams et ses collègues18, le système de santé du Canada peut être subdivisé en au moins 16 secteurs différents : soins hospitaliers actifs ; soins hospitaliers prolongés ; soins ambulatoires ou externes (incluant les services médicaux) ; laboratoires et radiologie ; immobilisations ; soins complémentaires (soins dentaires et ophtalmologiques, physiothérapie, chiropractie et podiatrie) ; ambulances et transport ; centres d’accueil ou foyers pour personnes âgées ; soins à domicile ; réadaptation ; médicaments ; appareils et accessoires fonctionnels ; santé mentale ; santé publique et promotion de la santé ; éducation et formation des professionnels de la santé ; planification, recherche et gestion. Ces secteurs varient considérablement du point de vue de leur traitement dans les régimes d’assurance provinciaux (nous signalons les contraintes légales qui pèsent sur le système de santé du Canada dans la section intitulée « Cadre législatif et réglementaire ») et selon leur objet, soit la survie ou l’amélioration de la santé19. Les politiques adoptées sont nécessairement fonction du type de soins de santé dont il est question. Dans une optique plus générale, les systèmes de santé peuvent être définis selon trois dimensions. Certes, il existe de nombreuses façons de caractériser les systèmes de santé20, mais nous avons trouvé utile de mettre l’accent sur le financement des systèmes, la prestation des services et l’affectation des ressources aux fournisseurs. Trois grandes catégories de systèmes de santé se dégagent d’un regroupement global des services publics et privés vus sous l’angle de la prestation et du financement (tableau 2) Les services de santé nationaux (tels que l’ancien National Health Service de Grande-Bretagne et ceux de la Scandinavie) sont des exemples de financement public et de prestation publique. Les régimes d’assurance privés, tels qu’ils existent dans la mentalité populaire des Américains, s’appuient sur un financement privé et une prestation privée (même si, en réalité, le financement des soins de santé aux ÉtatsUnis est lourdement subventionné par l’État, que ce soit au moyen des impôts ou de régimes financés directement par le gouvernement). Les régimes d’assurance publics, comme ceux du Canada et de la plupart des pays européens (p. ex. France, Allemagne, Pays-Bas), mettent en œuvre un financement public (ou quasi public) et une prestation privée. Nous ne connaissons aucun régime complet à base de financement privé et de prestation publique, même si de nombreux services de santé nationaux autorisent des achats privés limités de services fournis publiquement.
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Tableau 2 Classification des systèmes de santé Prestation Financement Public Privé
Public Services de santé nationaux Assurance publique
Privé – Assurance privée
On doit reconnaître qu’il serait simpliste d’accoler l’étiquette « public » ou « privé » à un système de santé national. Presque tous les pays ont recours à des modèles de financement et de prestation mixtes, misant sur diverses combinaisons quant à la participation des secteurs public et privé, selon les secteurs des soins et selon les groupes de population visés. Le déplacement des coûts varie aussi grandement selon le pays, le groupe et le service (p. ex. quotes-parts, franchises et assurances complé mentaires). De même, les secteurs public et privé interviennent à des degrés divers dans la prestation des services, en fonction du secteur de santé visé (p. ex. soins dentaires, soins ophtalmologiques, réadaptation, soins de longue durée), du groupe cible (p. ex. fonctionnaires, anciens combattants, personnes âgées) ou du degré d’urgence (soins de courte ou de longue durée, chirurgie facultative ou urgente). Même le régime de la Suède et celui de la Grande-Bretagne d’avant 1989, longtemps considérés comme des prototypes de régimes de prestation publique, comprenaient des éléments de participation du secteur privé à la prestation des services. Les descriptions qui suivent tracent donc des portraits généraux, inspirés de l’analyse effectuée dans une étude à l’intention du Groupe de travail sur le financement et la prestation des soins de santé en Ontario21.
Financement
La première dimension des systèmes de santé est celle du financement des services. Cette question fait l’objet d’une attention particulière à notre époque, où la faible croissance économique s’accompagne de fortes pressions sur les ressources. Un large éventail de participants peuvent intervenir dans le financement des services de santé, et les modèles mixtes abondent. Par exemple, les quotes-parts ou les franchises représentent un mode de partage des coûts entre les assurés et les assureurs. Le droit à une déduction fiscale est un partage des coûts avec tous les autres contribuables. En moyenne, 80 % des dépenses de santé dans les pays de l’OCDE (mais moins de 72 %, environ, au Canada) sont assumées par le secteur public. Comme le montrent les modèles décrits ci-dessous, la répartition entre le secteur public et le secteur privé est en général fondée sur un rapport quelconque entre le segment de population (la personne assurée) et les services particuliers qui sont fournis (le service assuré). Comme il est plus facile de déplacer les coûts que de les maîtriser, de nombreuses mesures visant apparemment à réaliser des économies ont surtout pour effet de déplacer les coûts,
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c’est-à-dire de transférer le fardeau financier du gouvernement au secteur privé ou à d’autres paliers de gouvernement, sans pour autant diminuer le montant total dépensé pour les services de santé (et même souvent en l’augmentant). Saltman présente plusieurs distinctions : entre les sources de financement public et privé ; entre les primes facultatives et les régimes d’assurance sociale et fiscaux obligatoires ; entre une source de financement unique et des bailleurs de fonds multiples (concurrents ou complémentaires) ; entre les polices qui offrent une protection de premier rang et les polices d’assurance complémentaires qui reprennent ou élargissent un ensemble de services de base22. Un classement analogue par dichotomies financières est présenté par Appleby23. L’Association médicale canadienne envisage les sources de financement possibles suivantes : les sources publiques, telles que le Trésor, les impôts affectés à une fin particulière, les transferts intergouvernementaux, les taxes imposées aux employeurs, les bons et les dépenses fédérales directes, de même que les sources privées, telles que l’assurance privée, les frais exigibles au point de service, les dons philanthropiques, les loteries et les primes24. L’Association propose deux conclusions fondées sur son examen des options de financement : que le mode de financement soit fonction du pouvoir de dépenser et que le bailleur de fonds soit habilité à lever des impôts. Elle fait valoir qu’à mesure que les programmes de santé seront décentralisés ou régionalisés il faudra s’attacher à bien définir les responsabilités, les pouvoirs et les obligations en matière de décisions fiscales et de dépenses. Même si la plupart des pays industrialisés financent leur programme de santé au moyen de plus d’un modèle, selon le secteur visé, la population cible et le type de soins, les quatre grandes dichotomies de Saltman en matière de financement (public-privé, facultatif-obligatoire, payeur unique-payeurs multiples et régime globalcomplémentaire) se traduisent par plusieurs types dominants de systèmes de santé25. Deux d’entre eux représentent le système de financement par l’État, soit le modèle de financement nettement public, à base d’impôts et de source unique, que l’on trouve en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Suède et au Royaume-Uni, ainsi que le système de financement quasi public, fortement réglementé, à base d’assurance sociale et de sources multiples, observé en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. Les autres catégories sont considérées comme étant de financement privé. Ce sont le modèle obligatoire, à payeurs multiples en concurrence entre eux, proposé dans la réforme Dekker, aux Pays-Bas, pour compléter le régime public de base (mais non mis en œuvre), ainsi que les régimes privés facultatifs et concurrentiels caractéristiques des États-Unis. On peut combiner les niveaux multiples des secteurs public et privé décrits au tableau 1 avec ces stratégies de financement pour créer une vaste gamme d’options de financement de la santé. Par exemple, le financement public obligatoire des services de santé par les impôts peut se faire à l’échelon du gouvernement national (p. ex. le NHS d’Angleterre), à l’échelon local (p. ex. les conseils de comté de la Suède) ou à des échelons multiples (p. ex. le partage des coûts entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ou d’État au Canada, en Australie et aux États-Unis pour le programme Medicaid).
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Le financement reposant sur les impôts est associé, en théorie, à la capacité de payer. Toutefois, dans de nombreux systèmes, on récupère au moins une partie des coûts au moyen de primes d’assurance. L’assurance est une solution logique dans les situations où le risque doit être étalé sur une période de temps et réparti entre un grand nombre de personnes par la mise en commun des ressources. En revanche, si la seule raison d’être de l’assurance-maladie est de protéger contre le risque, un régime complet ne semble alors guère justifié. Les assureurs, en effet, se contenteraient d’offrir une protection contre les catastrophes en invoquant l’inutilité de s’assurer contre les frais courants. Ainsi, il n’existe pas de marché pour « l’assurance-nourriture ». En outre, le gouvernement n’aurait d’autre rôle que d’assurer un revenu suffisant aux plus démunis pour leur permettre de souscrire à l’assurance. Un modèle fondé uniquement sur l’assurance doit aussi tenir compte des questions d’abus possible et de « risque moral », c’est-à-dire que les personnes qui s’attendent à avoir besoin des services seront plus enclines à s’assurer contre les coûts et à adopter des comportements à risque. Ainsi, l’existence d’une assurance contre l’inondation pourrait encourager les gens à se construire dans des plaines inondables, alors que les personnes vivant dans des régions peu exposées aux inondations ne souscriront pas à ce type d’assurance. L’applicabilité de ces concepts aux soins de santé est discutable. À notre avis, il est peu probable que les gens mettent en péril leur santé pour la simple raison qu’ils n’ont pas à payer les soins qui en résultent. Une mauvaise santé entraîne de nombreux autres inconvénients d’ordre non financier. En revanche, on peut fort bien envisager le cas d’une personne qui, confiante en sa bonne santé (p. ex. un jeune), décide de courir le risque de se passer d’assurance, encore que ce comportement se comprendrait surtout chez une personne à revenu extrêmement élevé ou extrêmement faible. Les assureurs, pour leur part, ont clairement intérêt à se montrer sélectifs dans les décisions qu’ils prennent au sujet des personnes à assurer. Comme les assureurs deviennent extrêmement habiles dans la gestion du risque, un problème (souvent qualifié par des métaphores alimentaires – « écrémage », « prendre la cerise sur le gâteau », etc.) se pose lorsqu’ils refusent d’assurer des personnes qui risquent d’avoir besoin de services coûteux. Comme on ne peut garantir, dans les régimes facultatifs, que chacun s’assurera ou sera en mesure de s’assurer, les gouvernements prennent souvent sur eux de veiller à ce que chaque citoyen soit en mesure de se protéger, parfois en jouant le rôle d’assureur de dernier recours. Une façon de procéder consiste à imposer la même prime à tout le monde, selon un processus appelé « tarification sans distinction ». La tarification sans distinction est une subvention versée aux personnes à risque par les personnes en bonne santé. Si l’on autorise un marché concurrentiel, les assureurs ont avantage à « écrémer » la clientèle en offrant des primes moins élevées aux personnes présentant un faible risque. Les régimes à tarification sans distinction se retrouvent donc auprès de la population à haut risque, ce qui fait augmenter le coût du régime et cause l’effet de spirale dit d’« antisélection » : à mesure que les coûts augmentent, les personnes à faible risque laissent le régime pour trouver une protection à meilleur marché, ce qui fait augmenter encore les primes de la clientèle restante. C’est pourquoi la stratégie de financement
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axée sur un marché concurrentiel ne sert pas les intérêts de ceux qui ont les plus grands besoins, les personnes en mauvaise santé risquant même de ne plus être assurables. La plupart des systèmes laissent donc au gouvernement un rôle à jouer, en réglementant les modes de tarification et la détermination de la clientèle à protéger. Par conséquent, comme nous l’avons vu, les organismes de bienfaisance et le secteur privé à but non lucratif finissent par travailler en si étroite collaboration avec le gouvernement qu’ils deviennent ce que les théoriciens appellent des « structures intermédiaires », s’occupant des fonctions que leur a déléguées et que finance souvent le secteur public, qui réglemente strictement ces activités26. En théorie, les compagnies d’assurance dans ces systèmes demeurent privées, mais la ligne de démarcation entre le secteur public et le secteur privé s’estompe, du fait que ces compagnies exercent une fonction publique et que la population n’a d’autre choix que de contribuer. Les écrits sur le sujet et l’expérience internationale incitent à conclure qu’une source unique de financement public ou quasi public des services de santé est optimale, pour des raisons non seulement d’équité mais aussi de limitation des coûts27. En premier lieu, les frais administratifs sont nettement moins élevés dans les systèmes à payeur unique que dans les systèmes à assureurs multiples et concurrentiels28. En deuxième lieu, la tentation de refiler à d’autres payeurs le coût des soins de santé destinés aux patients à risque élevé, aux patients âgés ou à d’autres patients donnant lieu à des coûts élevés s’en trouve diminuée. On évite ainsi les injustices fondamentales découlant des régimes de protection inégaux d’assureurs multiples29. En troisième lieu, lorsque le régime d’assurance public reposant sur les impôts est unique, les coûts du financement des soins de santé sont partagés plus également entre tous les secteurs de l’économie, aucun d’entre eux ne devant assumer la plus grande part du fardeau financier. Dans les pays qui comptent sur les employeurs pour payer les primes de leurs employés, les charges sociales additionnelles sont considérées comme un facteur d’augmentation du chômage, alors que les personnes qui jouissent d’une bonne assurance-maladie hésitent à changer d’emploi pour ne pas mettre en péril cette protection. En quatrième lieu, avec un seul régime d’assurance public, le payeur unique conserve le pouvoir de négociation d’un monopsone (acheteur unique) par rapport aux fournisseurs de services, qu’il peut mettre à profit (s’il en décide ainsi) pour mieux contrôler la facture globale des soins de santé30. De toute évidence, cette dernière caractéristique n’est pas avantageuse pour les fournisseurs, qui peuvent se retrouver contraints d’accepter les mesures de limitation des coûts. Pour éviter que des mesures trop strictes à cet égard n’aient pour effet de diminuer la qualité et l’accès, il importe de mettre en place des mécanismes de reddition des comptes et de contrôle. Les moyens à mettre en œuvre pour adopter ces mécanismes ne sont pas du ressort du présent document. À la lumière de tous les avantages qu’offre une source de financement unique, la plupart des motifs avancés en faveur de la concurrence des assureurs ou des bailleurs de fonds semblent fondés sur l’idéologie plutôt que sur des faits concrets. La principale justification repose le plus souvent sur l’hypothèse que les libres forces du marché favorisent l’efficience et que la concurrence est davantage propice à l’innovation et
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au libre choix du patient. Ces arguments sont défendables lorsqu’il est question de prestation, mais ils le sont beaucoup moins du point de vue du financement. Comme nous l’avons signalé, le financement à sources multiples entraîne des frais généraux considérables : les régimes doivent se concurrencer (et absorber tous les frais de publicité) ; les fournisseurs doivent assumer les coûts des négociations avec plusieurs payeurs ; les organismes de réglementation doivent engager des frais pour s’assurer que les régimes demeurent solvables et pour contrer l’antisélection ; les personnes ellesmêmes doivent investir pour examiner et choisir le régime approprié et pour présenter des demandes de remboursement, sans compter qu’elles peuvent être exposées à des risques financiers considérables. Les sources de financement mixtes font qu’il est plus difficile de lutter contre la sélection en fonction du risque et d’obtenir le pouvoir de négociation d’un monopsone par rapport aux fournisseurs. (C’est pourquoi les régimes mixtes sont plus intéressants pour les fournisseurs, qui sont alors plus à même d’éviter les mesures strictes de contrôle des coûts.) Pour toutes ces raisons, les gouvernements s’emploient en général à réglementer les multiples caisses d’assurance-maladie dans des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, où les régimes eux-mêmes ont été regroupés en consortiums pour négocier collectivement avec les fournisseurs. En outre, si les gens jugent important de pouvoir choisir leur propre fournisseur de soins de santé, ils n’accordent sans doute pas la même valeur au choix de leur propre assureur. Il existe diverses façons de financer les services de santé dans un pays donné. Même si presque tous les États d’Europe de l’Ouest assurent une protection universelle dans le domaine des soins de santé (d’ailleurs, les États-Unis sont le seul pays du monde industrialisé à ne pas offrir de programme universel de soins de santé), les méthodes de financement ne sont pas les mêmes pour tous les groupes de personnes. Certains pays, tel le Canada, abordent la protection selon des critères géogra phiques (soit par province). Dans d’autres pays, la méthode de financement des services de santé varie en fonction du revenu individuel, les services médicaux de base et les services hospitaliers à l’intention de la population en général étant financés par les impôts de nature générale ou par des primes d’assurance-maladie, alors que les particuliers jouissant d’un revenu élevé peuvent se soustraire au régime public, soit en partie (comme en Angleterre, pour éviter les longues attentes), soit en totalité (comme en Allemagne, où la plupart des bien-nantis choisissent de souscrire à une assurance privée). Les États-Unis, au contraire, misent sur le financement privé des services destinés à la majorité de la population (malgré un interfinancement considérable issu des exonérations d’impôt), puis assurent la protection du public au moyen d’un filet de sécurité dont bénéficient les personnes qui sont suffisamment démunies pour être admissibles à l’aide gouvernementale. Celles qui sont trop pauvres pour payer leur propre assurance mais pas assez démunies pour être admissibles au programme public se trouvent laissées pour compte. Une deuxième manière de distinguer les personnes assujetties aux divers régimes d’assurance est de s’appuyer sur la notion du droit à des prestations. Bien souvent, en effet, certains groupes de la société jouissent d’un droit particulier à des ressources
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gouvernementales. Les fonctionnaires, par exemple, bénéficient en général d’un régime d’assurance-maladie spécial, financé par leur employeur (l’État). Une assurance spéciale peut aussi s’appliquer à des personnes dont le métier est essentiel mais qui présentent des risques trop élevés pour être assurées, comme c’est le cas des sapeurs-pompiers ou des mineurs31. Parmi les autres groupes qui bénéficient de droits spéciaux à un financement public (ou du moins à des subventions publiques), on peut citer les anciens combattants, les personnes handicapées, les aveugles et les personnes âgées32. Une troisième façon de différencier le financement des services de santé est axée sur les catégories professionnelles. C’est dans les pays qui ont des caisses d’assurancemaladie (p. ex. France, Allemagne) qu’a le plus souvent cours cette méthode. Dans ces pays, le choix de la caisse d’assurance-maladie (de même que la détermination des taux de cotisation correspondants) dépend de la profession : les personnes qui travaillent dans des industries où la main-d’œuvre est en grande partie jeune et en bonne santé peuvent être assujetties à des cotisations bien inférieures par rapport aux personnes travaillant dans un secteur à main-d’œuvre vieillissante. Ces régimes fondés sur l’emploi peuvent présenter des difficultés pour des groupes comme les agriculteurs et autres travailleurs agricoles, les chômeurs et les travailleurs autonomes. Le gouvernement peut alors intervenir pour protéger ces groupes particuliers. Selon les principes actuariels, il faut un bassin d’assurés suffisant dans tout régime d’assurance pour aplanir les hauts et les bas inévitables. Le fait de « rester petit » peut contribuer à préserver la qualité de la prestation (du point de vue du rapprochement avec le client, mais non de celui de la masse critique de savoir-faire), mais le financement suppose des bassins plus importants. Les petits régimes d’assurance sont fondamentalement instables, comme en témoigne le marché américain, où se multiplient les fusions. La plupart des provinces canadiennes ont des régimes d’assurance relativement modestes, mais tant que la géographie demeurera le principal critère pour déterminer l’assujettissement (c.-à-d. tant que la santé demeurera une responsabilité provinciale), le morcellement du régime par l’intervention de payeurs multiples entraînera vraisemblablement des problèmes d’actuariat et d’efficience, en plus de problèmes d’équité. On apporte souvent une distinction entre les polices d’assurance offrant une garantie de premier rang et les polices d’assurance complémentaires qui reprennent ou élargissent un ensemble de services de base33. Le modèle dominant dans les pays industrialisés autres que les États-Unis assure une protection universelle pour les services de base médicalement nécessaires. Toutefois, la nature de ces services de base peut varier considérablement. Par exemple, l’ensemble canadien des services médicalement nécessaires a évolué de telle façon qu’il ne comprend plus désormais que des services hospitaliers ou médicaux34. D’autres pays, tels que la Suède, l’Allemagne et les PaysBas, assurent dans leurs programmes de base un ensemble beaucoup plus étendu de services, dont les produits pharmaceutiques35. (Nous analysons les méthodes utilisées pour déterminer ce qui devrait être assuré dans la section intitulée « Cadres de prise de décisions ».) Il ressort de cet aperçu que nous pouvons définir un certain nombre de modèles de financement possibles.
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I. Le secteur public comme bailleur de fonds unique de services complets ; le secteur privé non autorisé Le secteur public joue un rôle maximum dans le financement des services de santé lorsque la responsabilité lui incombe entièrement et que le secteur privé n’est pas autorisé à financer les mêmes services. On trouve un bon exemple de ce modèle au Canada en ce qui a trait aux services médicaux et hospitaliers assurés en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Une condition fondamentale du régime national est que les services de santé assurés ne doivent pas être facturés directement aux patients qui les reçoivent. C’est pourquoi les provinces interdisent en général au secteur privé d’assurer des services financés par les régimes provinciaux d’assurance-maladie. (La justification de ces dispositions est exposée dans la section intitulée « Évaluation des modèles ».) II. Le secteur public comme bailleur de fonds pour les services de base, complétés par des services additionnels obligatoires ou facultatifs offerts par le secteur privé A. Prestation obligatoire par le secteur privé des services non couverts dans le régime public Au Canada, certains services médicaux sont maintenant assurés en dehors des régimes provinciaux. En Ontario, par exemple, la plupart des soins de réadaptation des patients blessés dans un accident d’automobile ne sont plus financés par le régime d’assurance-maladie de l’Ontario, mais au moyen des primes d’assurance-automobile. Les personnes qui désirent conduire une automobile sont tenues de souscrire à une assurance-automobile auprès d’une compagnie privée, dont les primes sont fondées sur des données actuarielles. Des services différents sont donc offerts aux personnes blessées dans un accident de voiture et protégées par cette police d’assurance privée, par comparaison avec les personnes ayant subi des blessures similaires dans des circonstances différentes. De même, les régimes d’indemnisation des accidents de travail peuvent prévoir un niveau supplémentaire de services, obligatoires dans les lieux de travail assujettis. (Il est question de l’assurance-automobile dans la section intitulée « Études de cas ».) B. Assurance privée facultative portant sur des services non couverts par le régime public (garanties annexes et assurances complémentaires), avec ou sans déductions fiscales Dans ce modèle, le secteur public finance des services de base plus ou moins complets. Les personnes qui désirent s’assurer pour des services non couverts par le régime public souscrivent à une assurance-maladie privée facultative (d’ordinaire financée au moyen de primes). Ce modèle, communément utilisé pour des services comme les soins de longue durée, les produits pharmaceutiques et les services dentaires, est attrayant pour les personnes qui tiennent à la protection universelle, car tous les citoyens du pays ont droit à ce qui est considéré comme des soins médicalement nécessaires à prix abordable (les quotes-parts et le montant des franchises du régime de base varient d’un pays à l’autre). Le modèle permet en outre de limiter les coûts publics dans une certaine mesure, du fait que les services ne sont pas tous admissibles au financement. Au contraire, le fardeau financier lié aux services de luxe ou à des soins optionnels est transféré au consommateur.
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À ce propos, il convient de signaler deux complications. D’abord, la définition de « services de luxe » est variable. Par exemple, de nombreux pays s’interrogent publiquement sur le financement des soins de longue durée. Ensuite, dans bien des cas, les employeurs sont incités à offrir des garanties additionnelles dans le cadre de leur régime d’avantages sociaux. Les observateurs se demandent d’ailleurs si ces avantages sont vraiment payés par les employeurs ou si leur coût n’est pas plutôt refilé aux employés sous forme de salaires moins élevés. Quoi qu’il en soit, dans la mesure où ces avantages donnent droit à une déduction fiscale, une partie non négligeable du coût est aussi assumée par les contribuables, dont un grand nombre ne bénéficient jamais d’avantages comparables. Lorsque ces avantages ne donnent droit à aucune déduction d’impôt, les employeurs sont moins enclins à les offrir. L’expérience récente du Québec illustre l’importance des stimulants fiscaux pour encourager les employeurs à offrir de tels régimes. Dans son budget de 1993, la province a décidé d’imposer les employés sur la part des cotisations au régime d’assurance-maladie de l’employeur. Une mesure semblable a fait l’objet d’un vaste débat lors des consultations qui ont précédé le budget fédéral de 1994. Dans un article, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes soutient que ce type d’impôts menace l’existence même des assurances-maladie privées36. D’après William Troll (communication personnelle, 1995), le pourcentage d’employeurs offrant une assurance-maladie complémentaire a diminué considérablement, ce qui pourrait bien donner lieu à des problèmes d’équité pour l’accès à ce genre de services. Les exemples les plus éloquents de ces modèles de financement sont la Croix Bleue et d’autres régimes d’assurance complémentaire offerts dans la plupart des provinces canadiennes à l’intention des personnes qui préfèrent bénéficier d’une couverture additionnelle pour des services non assurés, tels qu’une chambre d’hôpital individuelle, des soins à domicile, des services d’ambulance, des soins dentaires ou des médicaments d’ordonnance. (La nature précise des régimes varie en fonction des services assurés par la province.) De la même manière, le Royaume-Uni permet à ses citoyens de souscrire à des assurances privées couvrant des médicaments d’ordonnance et des montures de lunettes plus sophistiqués que ceux qui sont remboursés par le NHS. (On trouvera des données sur l’assurance privée au Canada dans la section intitulée « Le cas du Canada ».) La réforme Dekker proposée aux Pays-Bas visait également à créer un régime d’assurance privé complémentaire. La majorité de la population devait être protégée par un régime d’assurance obligatoire portant sur les services de base, et les personnes qui le désiraient et qui en avaient les moyens devaient pouvoir souscrire à une assurance complémentaire. Il importe de signaler que l’existence d’un marché pour l’assurance privée, dans ce modèle, dépend des lacunes qui caractérisent le régime public, certains soins jugés souhaitables n’étant pas inclus dans les services de base. Ces marchés ne peuvent se limiter à des traitements purement facultatifs (comme la chirurgie esthétique), car le phénomène du risque moral surgirait forcément : seules les personnes prévoyant d’utiliser ces services souscriraient à une assurance, ce qui ne serait pas rentable pour les assureurs. Ce modèle favoriserait donc la radiation de certains avantages, à la fois
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parce que les régimes publics profiteraient de l’occasion pour se soustraire à des coûts et que les fournisseurs chercheraient à s’affranchir des limites de dépenses en offrant des services non assurés. Lorsque les primes d’assurance privée donnent par ailleurs droit à une déduction d’impôt, ces modèles soulèvent des problèmes d’équité (étant donné que les personnes n’ayant pas accès aux régimes d’assurance complémentaire sont contraintes de subventionner les bénéficiaires). Enfin, la généralisation de ces assurances complémentaires aboutirait aux inconvénients déjà signalés au sujet des sources de financement multiples : déplacement du risque, perte de la maîtrise des coûts et fardeau additionnel pour les employeurs. L’assurance-maladie pour voyageurs au Canada et l’assurance privée en Australie sont examinées dans la section intitulée « Études de cas ». III. Le secteur public parmi de nombreux bailleurs de fonds pour les services de base, en parallèle et en concurrence avec le secteur privé A. Assurance privée facultative portant sur des services couverts par le régime public, mais obligation de continuer à financer le régime public par des cotisations obligatoires ou par les impôts Dans ce modèle de financement des services de santé, il existe une solution de rechange au système du secteur public, mais elle ne couvre pas tous les soins médicaux. Les personnes qui ont les ressources nécessaires peuvent choisir des soins assurés par le secteur privé, mais doivent assumer elles-mêmes les frais correspondants. Toutefois, ces personnes ne sont pas autorisées à se soustraire au système public. Elles continuent de payer le système public destiné à l’ensemble de la population par leurs impôts ou par des cotisations obligatoires à des caisses d’assurance-maladie. Les déductions fiscales pour ce type de protection sont variables. Un exemple récent de ce modèle a été observé en Alberta, où des cliniques privées ont pu offrir des services aux personnes nanties qui ne voulaient pas faire la queue pour des services analogues fournis par le système public. Des services chirur gicaux facultatifs ont été offerts en Angleterre à des personnes qui ne voulaient plus se soumettre à de longs délais. Ces modèles présentent un dilemme intéressant. En théorie, le régime public devrait assurer la prestation de tous les soins médicalement nécessaires en temps opportun. Lorsque les problèmes de prestation sont le résultat d’une mauvaise organisation, des solutions sont possibles sans qu’il faille toucher au financement (ouverture de bureaux d’enregistrement, amélioration des pratiques de gestion, augmentation de l’efficience de la prestation des services ou réaffectation des fonds en fonction des priorités). Si le problème découle d’un financement insuf fisant du système, il serait alors plus efficace de fournir les ressources additionnelles au moyen d’un financement public. La vogue des cliniques privées comme solution de financement (plutôt que comme option de prestation) semble, à bien des égards, témoigner d’une confusion dans la définition des questions. Si les cliniques privées peuvent vraiment offrir des soins nécessaires de grande qualité de façon plus efficiente que les structures de prestation en place (qui sont aussi privées, en règle générale, dans le contexte canadien), il n’y a pas de raison qu’on ne puisse en faire autant dans le système public, soit en remplaçant des fournisseurs de valeur douteuse, soit, si les ressources sont insuffisantes pour ces services particuliers, en procédant à une
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réaffectation des fonds. (La question des cliniques privées est examinée dans la section intitulée « Études de cas ».) B. Assurance privée facultative portant sur des services déjà couverts par le régime public Selon ce modèle, les personnes peuvent choisir de se retirer entièrement du système public et de ne plus y cotiser. Dans l’hypothèse où la qualité est maintenue (c.-à-d. que le système public n’a pas procédé à la privatisation par attrition), la majorité de la population devrait rester fidèle au système financé par l’État. En Allemagne, la tranche d’environ 10 % de travailleurs jouissant d’un revenu supérieur est autorisée à se retirer du système de la caisse d’assurance-maladie pour souscrire à une assurance-maladie du secteur privé. Cette option n’est offerte qu’aux familles dont au moins un membre occupe un emploi stable et bien rémunéré. Si elle était déréglementée, cette option présenterait sans doute l’écueil de la sélection en fonction du risque (en particulier si la clientèle se retirant du régime public était formée de jeunes personnes en bonne santé) et pourrait, à la longue, réduire l’appui de la population à l’égard du système public. C. Assurance privée obligatoire ou facultative portant sur des services, le financement public étant réservé aux personnes satisfaisant à des conditions particulières 1. Fonctionnaires – Dans certains systèmes de santé, comme celui des Pays-Bas, le financement des services par des cotisations d’assurance obligatoires est la norme. Toutefois, les fonctionnaires de certaines tranches de revenu ne sont pas tenus de souscrire à une assurance-maladie privée ni de cotiser à une caisse d’assurancemaladie. Au contraire, comme ils travaillent pour l’État, ils sont protégés par un régime d’assurance-maladie financé par l’État dans le cadre de leur rémunération. Aux États-Unis, les pouvoirs publics fédéraux, d’État et locaux peuvent aussi contribuer au financement de l’assurance de leurs employés. 2. Conditions de revenu – Dans d’autres modèles, le financement public peut être accordé à certaines personnes en fonction de leur niveau de revenu. Aux Pays-Bas, les personnes dont le revenu dépasse un certain niveau n’ont pas droit aux services du système public. Elles doivent plutôt souscrire à une assurance spéciale auprès de compagnies d’assurance privées à but lucratif. Pour ce qui est du programme Medicaid des États-Unis, le financement public des services de santé est lié au revenu et ne protège que les plus démunis. Un régime analogue a été proposé il y a quelques années par l’Association médicale canadienne : la majorité de la population aurait été protégée par une police d’assurance-maladie privée, tandis que le secteur public se serait limité à un rôle de filet de sécurité en finançant les soins pour les plus démunis ou les handicapés. Voici un extrait d’un entretien entre M. John Tanti, de la compagnie d’assurance Mutual Benefit, et les membres d’un comité législatif de l’Ontario, qui a eu lieu en 1955 et qui s’est terminé par un commentaire du premier ministre de l’époque, Leslie Frost, qui se montre réticent37 :
M. Tanti :
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Un instant, monsieur MacDonald. Si le coût des services de santé doit être réparti également, laissons au gouver nement la responsabilité de prendre soin des personnes non assurables.
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M. Whicher : Vous conservez « la crème de la crème » ?
M. Tanti :
Exactement. Nous assurons la majorité et laissons le gouver nement s’occuper des personnes non assurables.
M. Frost :
Cela ne me semble pas une bonne affaire pour le gouver nement.
Le commentaire du premier ministre conservateur de l’Ontario de l’époque demeure vrai aujourd’hui. 3. Appartenance à un groupe – D’autres modèles de financement des services de santé par le secteur public prévoient des exemptions liées à l’appartenance à des groupes particuliers. Le financement public des services de santé pour ces groupes se présente sous forme de privilèges sociaux. Par exemple, aux États-Unis, le secteur public assume les frais de santé des anciens combattants par l’intermédiaire de la Veterans Administration, des personnes âgées ou handicapées par l’intermédiaire de Medicare et des fonctionnaires par l’intermédiaire de divers régimes publics. Les caisses d’assurance-maladie quasi privées des Pays-Bas et de l’Allemagne financent les services de santé de la plus grande partie de la population, l’État pourvoyant aux besoins des personnes qui n’appartiennent pas à la population active (p. ex. les chômeurs, les personnes handicapées, les retraités). IV. Le secteur public joue un rôle minimal Au minimum, le secteur public prend en charge les services de santé publique, tels que la protection de la santé environnementale (p. ex. eau potable, air pur, aliments sains), l’immunisation, les soins prénataux et périnataux, l’hygiène scolaire et la lutte contre les maladies infectieuses et les épidémies. Même si le secteur public ne joue un rôle aussi minimal dans aucun des pays de l’OCDE, certains États, comme Singapour, se sont engagés dans cette voie et ont créé des comptes spéciaux permettant à la majorité, du moins en théorie, d’épargner en prévision de besoins futurs. Ce modèle est préconisé par certains républicains des États-Unis. Il semble surtout attrayant pour les jeunes nantis en bonne santé. Il laisse de côté les principes de l’assurance en faveur d’un modèle de retraite, selon lequel les personnes font des économies suffisantes, d’après les données actuarielles, pour couvrir leurs besoins. Ces modèles sont en général assortis de dispositions spéciales à l’égard des dépenses liées à une catastrophe. Prestation
Bien souvent, dans les écrits sur le sujet, on trouve la notion de « propriétéadministration » des services de santé38 comme synonyme de prestation. La documentation internationale montre que les pays adoptent en général des modèles mixtes de prestation des services. La prestation publique est le plus souvent liée à des régimes de protection universelle, de services uniformes, de qualité uniforme et de prix uniformes. Les principaux avantages en sont une réduction des installations qui font double emploi, ainsi que des frais administratifs, et une amélioration de l’équité d’accès (notamment le maintien de services aux populations, par exemple dans les petites villes,
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même si ces services ne sont pas rentables sur le plan financier). Les inconvénients présumés sont la tendance à la bureaucratisation, au manque de sensibilité au choix individuel, à la lenteur d’adaptation au changement et au manque d’innovation. C’est ainsi que nous avons assisté, ces dernières années, à une intensification des débats portant sur la privatisation de la prestation publique des services de santé. La plupart des écrits sur le sujet soutiennent que le secteur privé est plus efficace que le secteur public, pour la prestation des services, expliquant la différence par la recherche du profit, la concurrence et la motivation. Toutefois, bon nombre de ces thèses sont critiquables dans la mesure où elles ne comparent pas des objectifs et des services du même ordre dans les deux secteurs. Judge (1986) a comparé les prestations privée et publique des soins à domicile à l’intention de personnes âgées fragiles de l’Angleterre et du pays de Galles. Il en arrive à la conclusion, du moins provisoire, que la prestation privée offre un bon rapport qualité-prix39. Knapp (1986) a comparé l’efficacité relative des prestations publique, bénévole et privée des soins à domicile aux enfants au Royaume-Uni40. En Grande-Bretagne, l’aide à l’enfance est financée par l’État, mais peut faire l’objet d’une prestation publique ou privée (en vertu d’une impartition). Après avoir tenu compte de l’effet des variables technologie des soins et des caractéristiques des clients, Knapp avance la conclusion que les secteurs privé et bénévole sont plus rentables que le secteur public. Toutefois, l’étude n’examine que les résultats à court terme et ne tient pas compte des effets à long terme des soins sur les enfants et sur leur famille. Les coûts moins élevés des secteurs privé et bénévole s’expliquent par plusieurs facteurs, dont les allégements fiscaux (c.-à-d. les coûts refilés au Trésor), des salaires moins élevés, de longues heures de travail et du bénévolat. Lorsque les échelles salariales témoignent de choix de politiques non liées à la prestation des services (p. ex. visant à encourager l’équité salariale ou à créer des emplois au sein de petites collectivités), les comparaisons de coûts avec les secteurs non liés par de telles considérations peuvent être trompeuses. Une importante mise en garde se dégage des travaux de Bendick, qui a examiné l’efficacité de la privatisation des services dispensés par le secteur public dans un cadre de financement public41. Bendick en arrive à la conclusion que la privatisation en faveur d’organismes à but lucratif était une option efficace lorsque les objectifs étaient mesurables, simples à contrôler et faciles à évaluer (p. ex. collecte des ordures). En revanche, les fournisseurs à but non lucratif offraient un meilleur rendement lorsque, dans l’intérêt des clients, les services devaient dépasser les strictes conditions du contrat. Par conséquent, lorsque les problèmes sont complexes, comme dans les programmes de santé et de bien-être social, et lorsque les processus à mettre en œuvre ne sont pas bien compris, il recommande que les programmes soient sous-traités au secteur à but non lucratif plutôt qu’au secteur à but lucratif, stratégie qu’il appelle « responsabilisation des structures intermédiaires ». Saltman avance que les avantages d’une prestation publique sont la garantie d’un accès égal pour tous les citoyens (sur le double plan géographique et financier), une plus grande reddition des comptes aux agents de l’État et la tendance à assurer de meilleurs soins préventifs, ainsi que la coordination des services entre les sous-secteurs42. Ces avantages sont en partie annulés par les inconvénients déjà mentionnés, à savoir la
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tendance à la bureaucratisation, le manque de souplesse, une utilisation inefficiente des ressources et du temps, l’absence d’innovation et une sensibilité limitée aux besoins individuels. Les fournisseurs privés, au contraire, sont jugés à la fois souples, innovants, efficients et sensibles aux besoins des clients, mais réticents à prendre en charge des patients difficiles ou indésirables, peu enclins à quitter les grands centres urbains, difficiles à contrôler sur le plan des coûts et inéquitables du fait que leurs services sont fondés sur la capacité de payer plutôt que sur le besoin. Voici donc les modèles de prestation que l’on peut envisager : I. Le secteur public comme seul responsable de la prestation d’un ensemble complet de services Ce modèle correspond au service de santé national bien connu, où l’État possède et administre la plupart des établissements de prestation de services et où les fournisseurs sont considérés comme des employés de l’État. Mentionnons, à titre d’exemples, le système de l’ancienne Union soviétique et le NHS d’avant la réforme de 1989 en Grande-Bretagne. Ce modèle de prestation de services de santé prédomine également dans les pays scandinaves, sauf que, en Suède et en Finlande, la propriété se situe à un échelon infranational. II. Le secteur public responsable de la prestation d’un éventail complet de services, des services spécialisés ou facultatifs étant fournis par le secteur privé bénévole Dans ce modèle, les secteurs public et privé ne se font pas concurrence ; ils sont complémentaires. En France, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, les hôpitaux privés coexistent avec les hôpitaux publics. Les deux secteurs, toutefois, ne se font pas concurrence. Les hôpitaux publics sont de gros établissements, bien équipés, qui offrent un éventail complet de services médicaux. Les hôpitaux privés sont de nombre limité, et leur champ d’activité est étroit. Ils peuvent même constituer un service particulier d’un hôpital public. Plutôt que d’offrir des soins complets, les hôpitaux privés assurent des services de chirurgie facultative ou des services spécialisés, tels que l’obstétrique ou les soins de longue durée. Les maladies graves demeurent du ressort du secteur public, qui conserve aussi la responsabilité de la formation des ressources humaines dans le domaine de la santé. III. Le secteur public parmi de nombreux fournisseurs de services de santé, en parallèle et en concurrence avec le secteur privé A. Prestation par le secteur public en fonction du revenu Aux États-Unis, la plupart des gens qui sont assurés ou qui ont suffisamment de ressources reçoivent des services du secteur privé ; le secteur public fournit des soins subventionnés aux plus démunis par l’intermédiaire de cliniques communautaires ou d’hôpitaux d’État dans le cadre d’une fonction du filet de sécurité sociale. B. Prestation du secteur public à l’intention de groupes spéciaux Dans certains modèles de prestation de services, l’intervention du secteur public dans les activités de prestation se limite à des groupes spéciaux. Mentionnons à titre d’exemple les hôpitaux psychiatriques provinciaux qui subsistent au Canada (dont les employés sont fonctionnaires) et les hôpitaux de la Veterans Administration aux États-Unis.
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C. Prestation concurrente par les secteurs public et privé Dans ce modèle de prestation des services, les hôpitaux publics et les hôpitaux privés coexistent et se font concurrence pour obtenir des contrats ou la clientèle de la population. À titre d’illustration, on peut mentionner la concurrence entre les foyers publics pour personnes âgées (appartenant aux municipalités) et les maisons de repos privées pour la prestation de soins de longue durée en Ontario. Le modèle concurrentiel est également typique de la grande majorité des services de santé offerts aux États-Unis. On le retrouve actuellement au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande (où a cours une réforme très semblable à celle du Royaume-Uni) et aux Pays-Bas. Selon ce modèle, les hôpitaux publics et privés se font concurrence pour obtenir des contrats auprès d’agents d’approvisionnement (p. ex. administrations régionales ou fiduciaires au Royaume-Uni, caisses d’assurance-maladie et compagnies d’assurance aux Pays-Bas et aux États-Unis). Les hôpitaux privés peuvent être à but lucratif (comme c’est souvent le cas aux États-Unis) ou non lucratif (comme en Angleterre et aux Pays-Bas) ; leur pourcentage par rapport aux hôpitaux publics est variable. Par exemple, aux États-Unis et aux Pays-Bas, la plupart des hôpitaux sont privés, tandis que c’est l’inverse au Royaume-Uni. IV. Prestation principalement privée, mais fortement réglementée par le secteur public Comme on l’a vu pour la dimension financière, il existe un modèle de prestation de services où les soins sont fournis par des établissements théoriquement privés dirigés par des conseils d’administration autonomes. Toutefois, le degré de réglementation et de contrôle de ces établissements par l’État est si élevé qu’ils deviennent, dans les faits, des structures intermédiaires quasi publiques. Ce modèle est caractéristique des hôpitaux canadiens. La réglementation publique est encore plus considérable en Europe de l’Ouest. Dans des pays comme les Pays-Bas, l’État intervient dans le fonctionnement des hôpitaux privés. La tendance en faveur des modèles régionaux, dans la plupart des provinces canadiennes, a pour effet de diminuer encore l’autonomie des fournisseurs, qui demeurent toutefois juridiquement indépendants (leurs employés, par exemple, ne sont pas fonctionnaires). V. Le secteur public ne jouant qu’un rôle minimal dans la prestation de services de santé Une intervention vraiment minimale suppose que l’on renonce à la réglemen tation. Les acheteurs de services devraient alors se conformer aux règles du caveat emptor, et les fournisseurs ne seraient limités que par les interdictions légales relatives à la publicité frauduleuse et au préjudice démontrable. En raison des préoccupations généralisées au sujet de la qualité des soins, on ne trouve aucun exemple de véritable laisser-faire dans les sociétés industrielles modernes pour les services médicaux. Ce modèle ne se trouve donc que dans des secteurs non traditionnels limités des systèmes de santé, tels que les médecines parallèles, englobant l’acupuncture, la podologie et la naturopathie, de même que les services d’orientation.
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Affectation
Une fois qu’on a pris une décision concernant le financement et la prestation des services de santé, il convient de se pencher sur le lien qui existe entre les deux. Ce lien, en l’occurrence l’affectation, est moins une question de partage entre les secteurs public et privé qu’une question de degré de contrôle par le gouvernement et de types de stimulants à intégrer aux politiques de remboursement. Saltman et von Otter décrivent les mécanismes d’affectation suivant un continuum qui va des systèmes entièrement planifiés aux systèmes de marché pur néoclassiques43. Nous avons adapté leurs modèles (tableau 3). Tableau 3 Modèles d’affectation des fonds à l’intérieur des systèmes financés par l’État Le client suit l’argent Affectation centrale planifiée
L’argent suit le client
Planifiée Concurrence Concurrence au niveau dirigée publique régional
Affectation en fonction du marché
Les deux méthodes traditionnelles d’affectation des fonds à l’intérieur des systèmes de santé se trouvent aux deux extrémités du continuum. L’affectation centrale planifiée relève d’un modèle de réglementation directe, où le patient suit l’argent : les planificateurs décident de l’endroit où les services particuliers seront fournis et accordent un budget global ; les patients doivent se rendre à l’endroit où le service est fourni. Mentionnons, à titre d’exemple, le système de santé de l’ancienne Union soviétique, le NHS d’avant la réforme de 1989 en Grande-Bretagne et les services hospitaliers spécialisés du Canada. L’affectation en fonction du marché, à ne pas confondre avec le financement axé sur le marché, est un mécanisme d’affectation des ressources disponibles (pouvant provenir de sources publiques) aux fournisseurs, d’après l’aptitude de ces derniers à attirer la clientèle (les patients) : ici, c’est l’argent qui suit le patient. Les services médicaux du Canada en sont un exemple, de même que les soins non réglementés du système américain, où le revenu du médecin dépend du nombre de patients qu’il traite. Le grand avantage des modèles d’affectation centrale planifiée est de faciliter la maîtrise des coûts. L’avantage le plus évident des mécanismes d’affectation en fonction du marché est d’accroître la sensibilité au choix du patient et, vraisemblablement aussi, aux besoins et aux vœux du client. Les modèles que l’on trouve au milieu du continuum représentent différents essais visant à trouver un compromis entre la planification et les lois du marché, de manière à tirer parti des avantages de chacun tout en évitant leurs défauts. La plupart de ces modèles sont relativement nouveaux et n’ont pas été mis à l’épreuve. Les réformes régionales en voie d’adoption dans de nombreuses provinces canadiennes sont des exemples de ce que Saltman appelle la « planification adaptative ». Elles représentent un déplacement vers l’extrémité planifiée du continuum d’affectation. Par contraste, les réformes mises en œuvre au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande
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et en Suède témoignent de l’intention de créer un nouveau marché visant à atteindre les objectifs politiques de l’État par l’utilisation limitée et sélective d’instruments du marché. Certains des débats les plus actifs concernant l’affectation, actuellement, portent justement sur ces modèles intermédiaires à l’intérieur des systèmes financés par l’État44. Il existe diverses façons de structurer un marché planifié pour les services de santé, mais la principale consiste à mettre les fournisseurs en concurrence quant au prix ou à la qualité. La concurrence par les prix a l’avantage de favoriser l’innovation et l’efficience, ce qui aurait pour effet de faire baisser les prix. Préconisée par les économistes, cette méthode est normalement fondée sur des contrats négociés entre les acheteurs et les fournisseurs. Ce type de marché, toutefois, peut mener à la sélection des patients en fonction du risque, entraîne des frais administratifs et unitaires plus importants et réduit la possibilité pour le patient de choisir le fournisseur, puisque l’affectation des fonds est préétablie. Dans les marchés planifiés fondés sur la qualité, les honoraires sont en général négociés et se rapprochent donc davantage des coûts réels. Certes, la volonté d’en arriver à l’efficience économique peut s’en trouver amoindrie, mais il est aussi plus facile d’assurer l’universalité de l’accès et de maintenir au plus bas les frais administratifs et unitaires. Du reste, la qualité est beaucoup plus difficile à mesurer que les coûts. Les deux types fondamentaux de marchés planifiés se situent de part et d’autre de la ligne de démarcation entre le secteur public et le secteur privé45. Dans les modèles de concurrence publique, tous les fournisseurs sont financés par l’État et ils doivent rendre des comptes du point de vue politique. Les fournisseurs sont motivés à attirer et à satisfaire les patients, car les budgets sont fonction du nombre de patients, et des primes sont accordées à la productivité et à l’efficience. Les principaux agents de changement dans ce modèle sont les patients, car le choix par eux du médecin et du lieu de traitement a des conséquences budgétaires pour les fournisseurs. Par la modi fication des stimulants, les dirigeants politiques peuvent, en théorie, configurer les détails de ce marché public de manière que l’affectation des ressources, en matière de santé, renforce les objectifs sociaux globaux au lieu de les affaiblir. Par contraste, les modèles de concurrence dirigée (que Saltman appelle aussi « modèles de marché mixte ») créent un marché mixte public-privé où les fournisseurs existants et les nouveaux fournisseurs, à financement privé, peuvent soumissionner des contrats accordés par des établissements financés par l’État. Le principal agent de changement, dans ce modèle, est l’administrateur qui dirige le régime de santé et qui est chargé de gérer les contrats de services conclus avec les fournisseurs. Les gestionnaires sont tenus de trouver un juste équilibre entre la qualité et le coût dans leur recherche des formules de soins les moins coûteuses. Le choix du patient se trouve limité à la sélection d’un administrateur, qui fait les choix subséquents au nom du patient. S’il n’est pas satisfait, le patient peut toujours se tourner vers un autre régime. Les réformes du NHS sont un exemple de concurrence dirigée. Les questions d’affectation sont au cœur du débat sur la séparation des fonctions d’achat et de prestation. Il importe de prendre conscience que la dichotomie acheteurfournisseur ne peut exister que dans deux situations :
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• Les tiers payeurs ont disparu, faisant du patient le seul acheteur de services. Cette condition implique l’abandon du modèle de l’assurance et de la protection contre les risques catastrophiques. À ce titre, cette solution semble à la fois indésirable et peu réaliste. • Le patient a renoncé à son pouvoir de décision quant au choix du lieu des services et a délégué ce pouvoir à un agent d’achat. Or, le choix a toujours été jugé important au Canada. Dans le même ordre d’idées, les Pays-Bas ont refusé de mettre en œuvre des réformes qui auraient privé le patient de son choix à l’égard du fournisseur. Les ré gimes d’assurance, dans ce pays, ont toujours traité avec tous les fournisseurs plutôt que de chercher à réaliser des économies à l’américaine en désignant des fournisseurs privilégiés. Il est à noter, également, qu’une fusion entre les volets financement et prestation, typique de nombreux modèles des soins dirigés, peut aboutir en théorie à une forme quelconque de sélection en fonction du risque, telle qu’elle se manifeste dans les modèles de financement pluraliste. Il importe donc, pour ce modèle, de déterminer exactement comment adapter la quote-part du client en fonction du risque, de façon que les patients à haut risque ne soient pas exclus. Même si ce genre de calcul est théoriquement possible, les techniques actuelles ne semblent pas à la hauteur, et l’on a recours, le plus souvent, à des rajustements a posteriori. Malgré l’importance accordée au choix, dans le système de santé canadien, on a assisté récemment à divers mouvements de restriction à cet égard. Par exemple, la Capital Health Authority d’Edmonton a réduit de 30 % le financement des services de physiothérapie et s’est tournée vers un réseau de fournisseurs privilégiés. Seulement 17 des 56 cliniques privées de la région obtiennent des contrats. En même temps, on a adopté un nouveau système d’évaluation des besoins, qui rendra inadmissibles au financement public les personnes dont les besoins de traitement sont jugés « peu élevés ». Vraisemblablement, ces clients et ces cliniques formeront un marché privé parallèle (S. Lowry, communication personnelle, 1995). Cette réorientation des traitements médicaux actuellement assurés aux termes de la Loi canadienne sur la santé représenterait toutefois un écart important (et fort impopulaire) par rapport au système canadien en place. I. Planification à réglementation directe (le patient suit l’argent) Dans ce modèle, le gouvernement central détermine le budget de la santé qui, en théorie, devrait être fondé sur les besoins de la population. C’était le type de système en place dans l’ancienne Union soviétique et en Grande-Bretagne, sous le régime du NHS, avant la réforme de 1989. Dans une certaine mesure, le système à réglementation directe existe toujours pour les hôpitaux français, dont la capacité est fondée, à l’échelle nationale, sur un barème des besoins. Le même principe peut s’appliquer à l’échelon régional ou local. Par exemple, en Suède, les affectations étaient déterminées par des conseils de comté. Le Canada a financé les services hospitaliers d’après ce modèle : on décidait d’abord du lieu où les services seraient offerts, puis les budgets étaient établis en conséquence. Les personnes ayant besoin de soins étaient obligées de suivre l’argent pour avoir accès aux services. Les stratégies régionales en voie d’implantation dans la
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plupart des provinces canadiennes ont élargi le modèle de planification, de manière à englober une plus grande variété de services s’ajoutant aux soins hospitaliers dans la même enveloppe budgétaire. II. Marchés internes, concurrence dirigée et concurrence publique La Suède expérimente actuellement les modèles de concurrence publique46, mais les exemples le plus souvent cités sont ceux issus de la réforme du NHS en GrandeBretagne et des mesures semblables en Nouvelle-Zélande. Les modalités précises font encore l’objet de redressements, mais l’acheteur de services (soit, en général, une administration de la santé de district ou une fiduciaire) conclut des marchés avec des fournisseurs (dont des groupes hospitaliers autodirigés). L’acheteur acquiert à contrat les services selon les types et les volumes nécessaires et les honoraires à verser. Les généralistes sont rémunérés à l’acte, ce qui les motive à attirer les patients mais les rend réticents à accepter les personnes dont les besoins sont complexes. Les acheteurs interviennent au nom des patients, mais la liberté d’action du patient se limite au choix du médecin ou au dépôt d’une plainte en cas d’insatisfaction. Ces réformes n’ont pas encore été évaluées en profondeur47. La concurrence dirigée était aussi à la base de la réforme Clinton, qui a avorté aux États-Unis. Ces modèles ont notamment pour objet de mettre en place des structures stimulantes pour la prestation de services aux collectivités locales, tout en augmentant l’efficience. On peut constater un des écueils de cette approche aux États-Unis, où les assureurs du secteur privé se font effectivement concurrence sur le marché, sans qu’on puisse déterminer s’ils ne s’attachent pas à réduire leurs coûts en limitant les services et en se défaisant des bénéficiaires à besoins complexes plutôt que d’essayer d’améliorer l’efficience et la pertinence des soins. Il est en outre difficile de savoir qui profitera des économies qui en résulteront. Comme le met en évidence le dialogue entre M. Frost et M. Tanti, ci-dessus, non seulement il est malaisé de contrôler les coûts, mais le gouvernement pourrait bien se retrouver avec la responsabilité de prendre en charge les laissés-pour-compte, tandis que les assureurs du secteur privé recueilleraient la manne. III. Répartition en fonction du marché (l’argent suit le patient) Dans une large mesure, l’affectation axée sur le marché est encore la formule d’affectation des ressources la plus courante dans les systèmes de santé du monde entier. La plupart des médecins sont toujours rémunérés à l’acte dans un système budgétaire ouvert (p. ex. Australie, Canada, France et soins non dirigés aux États-Unis). L’argent suit le patient de façon assez anarchique, mais il arrive que le budget global soit plafonné. Toutefois, la répartition entre les fournisseurs dépend toujours du pouvoir d’attraction relatif, et les modalités peuvent entraîner des conflits considérables, étant donné que les médecins dont le volume est plus élevé ont un avantage économique sur leurs collègues qui pratiquent un style différent. Comme on le verra dans la section intitulée « Études de cas », de nombreuses réformes au Canada visent à modifier cette structure d’affectation.
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Relations entre le financement, la prestation et l’affectation
Même si on ne dispose que de peu de données d’observation directe sur le sujet, il semble probable que les trois dimensions que représentent le financement, la prestation et l’affectation, de même que les distinctions entre le secteur public et le secteur privé, ne peuvent être combinées au hasard : certains modèles d’affectation s’harmonisent vraisemblablement mieux avec des modèles particuliers de financement et de prestation. Par exemple, les systèmes d’affectation à réglementation directe semblent convenir davantage aux systèmes de santé où l’intervention du secteur public est importante, tant pour le financement que pour la prestation. Cela s’explique par des considérations pratiques (intervenants moins nombreux à coordonner), par l’acceptation idéologique de l’intervention gouvernementale et par les solides avantages politiques de la reddition des comptes à l’égard de l’affectation des deniers publics. Inversement, les systèmes caractérisés par de nombreuses sources de financement peuvent être réfractaires à l’affectation à réglementation directe, non seulement parce que les contrôles peuvent être difficiles à appliquer, mais aussi parce que les valeurs sociales peuvent s’opposer à l’intervention de l’État dans l’entreprise privée. C’est la raison pour laquelle les systèmes de santé où la participation du secteur privé est la plus forte se retrouvent généralement du côté « marché » du continuum d’affectation, même si les régimes individuels de soins dirigés peuvent faire appel à des mécanismes planifiés pour leur propre affectation interne. La plupart des systèmes se retrouvent au milieu du continuum, acceptant à la fois une importante intervention du secteur privé dans les activités de prestation et un rôle actif du gouvernement au chapitre du financement et de la réglementation (p. ex. France, Allemagne, Pays-Bas et Canada).
Le CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE
L’assurance-maladie, qui est le terme utilisé couramment pour désigner l’assurancehospitalisation et l’assurance médicale universelles, compte au nombre des programmes les plus populaires du Canada. Elle est née d’un partenariat entre les gouvernements fédéral et provinciaux, partenariat fortement ébranlé, à l’heure actuelle, par des facteurs économiques et constitutionnels. Taylor48 fait un excellent compte rendu de l’évolution de l’assurance-maladie au Canada. L’origine historique : la Constitution et le développement des programmes à frais partagés
L’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue des pouvoirs exclusifs aux parlements provinciaux, dont ceux qui sont visés par le paragraphe 7 : « [l]’établissement, l’entretien et l’administration des hôpitaux, asiles, institutions et hospices de charité dans la province, autres que les hôpitaux de marine »49. Dans leurs décisions, les tribunaux ont interprété cette disposition comme un pouvoir accordé aux gouvernements provinciaux sur la quasi-totalité du système de santé. Le
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gouvernement fédéral a une compétence limitée sur les questions de santé qui ont une dimension nationale ou qui soulèvent des problèmes de moralité et de sécurité publique. L’origine de ce partage des pouvoirs tient sans doute au fait qu’à l’époque de la Confédération, la santé et les services de santé étaient généralement considérés comme des affaires privées, concernant les fournisseurs de soins ainsi que les personnes et leur famille. L’intervention publique était minime, souvent limitée à des actions de dernier recours, et gérée par des organismes religieux, municipaux et philanthropiques. Rien ne permettait de prévoir, à l’époque, que la santé deviendrait l’une des activités gouvernementales les plus coûteuses. Au début du xxe siècle, les services de santé étaient toujours considérés surtout comme une affaire privée, et les gens se faisaient soigner à leurs propres frais par des fournisseurs privés. Les gouvernements concentraient leur attention sur la santé publique, dont l’hygiène et la lutte contre la maladie, même si les gouvernements provinciaux intervenaient à l’occasion dans la prestation. La Saskatchewan a été la première province à autoriser les municipalités à lever des impôts pour payer les services médicaux et d’hôpitaux qu’elles fournissaient, et Terre-Neuve (qui ne faisait pas encore partie du Canada) a adopté le Cottage Hospital and Medical Care Plan en 1934 pour fournir des services aux personnes vivant dans les ports de pêche isolés. Quoi qu’il en soit, les premières initiatives gouvernementales, dans le domaine de la santé, visaient principalement à financer une prestation par le secteur privé. Ainsi, en 1915, le régime d’indemnisation des accidentés du travail de l’Ontario prévoyait une indemnité financière en cas de perte de salaire, ainsi que des services médicaux et des soins de réadaptation. En règle générale, le financement et la prestation des services de santé demeuraient en grande partie une responsabilité privée. Des événements historiques ont alors commencé à faire évoluer les mentalités au sujet des valeurs sociales en matière de santé. Les profondes perturbations sociales et économiques de la Grande Dépression ont montré que des événements échappant complètement à la volonté d’une personne pouvaient priver celle-ci de soins de santé nécessaires. L’expérience de la Deuxième Guerre mondiale, dont la révélation que de nombreux hommes étaient inaptes au service militaire en raison de leur mauvaise santé, a mis en évidence les coûts, pour les habitants et pour le pays, d’un accès inadéquat aux services de santé. Le rapport Marsh de 1942 défendait la thèse selon laquelle le gouvernement du Canada avait la responsabilité morale de fournir aux citoyens des services sociaux de base et un soutien du revenu. Ces idées, que renforçaient encore les thèmes centraux de l’économie keynésienne, donnaient à penser que les gouvernements pouvaient stabiliser les cycles économiques et stimuler la croissance en jouant un plus grand rôle social et économique. L’activité industrielle et économique du gouvernement, pendant la guerre, a également montré que le secteur public pouvait produire des biens et des services de façon plus efficace et efficiente que le secteur privé n’aurait pu le faire. On a donc commencé à penser que l’intervention du gouvernement pouvait faciliter l’accès du public aux services de santé nécessaires, pour le plus grand bien des personnes elles-mêmes (bénéficiaires des services), des fournisseurs (qui auraient la garantie d’une certaine rémunération) et de la société dans son ensemble (population
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en meilleure santé). On estimait que la facture totale de la santé finirait par se stabiliser parce que les Canadiens seraient en meilleure santé. Cette plus grande intervention de l’État dans le domaine de la santé, au Canada après la Deuxième Guerre mondiale, a modifié à tout jamais les valeurs sociales et politiques. C’est en référence à ce nouvel ordre de valeurs qu’il faut comprendre les débats actuels au sujet du partage du système de santé entre les secteurs public et privé. Après le rejet des propositions fédérales en faveur d’un système d’assurancemaladie national, faute d’une entente possible avec les provinces au sujet des accords de financement, un certain nombre de régimes privés, parrainés par des médecins, ont commencé à voir le jour. Toutefois, même à leur période de gloire, soit au milieu des années 1960 (10,6 millions de personnes assurées en 1965), ces régimes protégeaient moins de la moitié de la population canadienne. En 1947, la Saskatchewan est devenue la première province canadienne à adopter un régime d’assurance-hospitalisation universel. Des régimes moins complets ont été adoptés par la Colombie-Britannique en 1949 et l’Alberta en 1950. Ces mesures provinciales ont abouti à l’adoption de la Loi sur l’assurance-hospitalisation et les services diagnostiques50. Aux termes de cette loi, le gouvernement fédéral convenait de partager les frais des soins hospitaliers et des services diagnostiques avec toute province ayant implanté un programme d’assurance conforme aux exigences nationales. Toutes les provinces avaient mis en place de tels programmes au début de 1961. En 1962, la Saskatchewan a de nouveau mené le bal en implantant un régime d’assurance couvrant les honoraires de médecin à l’égard des services médicalement nécessaires. Les porte-parole du milieu médical se sont opposés au financement public, préférant que l’assurance-maladie soit offerte au moyen d’un ensemble de régimes privés et que le gouvernement se contente de subventionner (en tout ou en partie) les primes des personnes incapables d’en assumer le coût. L’affrontement a mené à une grève des médecins qui a duré un mois et qui a fini par aboutir à un compromis. Le gouvernement provincial a maintenu son autorité à titre d’assureur unique, mais les médecins ont conservé le droit de pratiquer en dehors du régime et d’avoir recours à la surfacturation pour les services assurés par le régime provincial. Toutefois, aucune assurance n’était permise à l’égard des frais ainsi surfacturés, de sorte que les médecins se sont trouvés limités dans leur exploitation de cette disposition. (Dans une situation où le nombre de médecins est suffisant et en l’absence de collusion, les patients ne sont guère encouragés à payer un supplément pour recevoir des services qu’ils peuvent obtenir « gratuitement » auprès des médecins participant au régime d’assurance public.) L’adoption de la Loi sur les soins médicaux51, en 1966, a été le coup d’envoi qui a incité chacune des provinces à instituer et à financer un régime d’assurance-maladie analogue. Comme cela avait été le cas pour l’assurance-hospitalisation, la Loi prévoyait un financement public, sans toutefois préciser les modalités d’affectation ou de prestation des ressources de la santé. L’assurance-maladie a donc institutionnalisé le système de rémunération à l’acte des médecins, l’établissement de barèmes d’honoraires négociés dans le cadre des régimes privés et le contrôle par les médecins du contenu
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et des conditions du travail médical, voire paramédical. En 1971, toutes les provinces étaient dotées de régimes conformes à la loi, et tous les Canadiens avaient ainsi accès à une assurance-hospitalisation et à une assurance-maladie universelles. Le modèle de financement mixte s’est révélé instable à deux égards : le partage des coûts avec le secteur public et la surfacturation au point de rencontre des secteurs public et privé. Les programmes à frais partagés n’ont pas tardé à apparaître trop ouverts et rigides ; ils ont été remplacés en 1977 par le Financement des programmes établis52. Ce mécanisme brisait le lien entre les contributions fédérales et les dépenses provinciales réelles, car il était fondé sur une subvention globale par habitant, constituée de points d’impôt majorés d’un transfert pécuniaire résiduel. Le transfert pécuniaire était fondé sur les dépenses de l’année de référence 1975-1976 et devait augmenter en fonction de la croissance du produit national brut (PNB), même si la formule a été modifiée dans les budgets fédéraux subséquents. La partie pécuniaire conférait au gouvernement fédéral le pouvoir d’appliquer les normes nationales en menaçant de retenir les fonds. Toutefois, la réduction des transferts pécuniaires par un gouvernement fédéral qui essayait d’améliorer sa propre situation financière a fini par nuire à l’aptitude d’Ottawa à appliquer les normes nationales53. En 1996, le Financement des programmes établis a été combiné à une autre source de financement, soit le Régime d’assistance publique du Canada, qui avait servi à financer non seulement le soutien du revenu (bien-être social), mais également de nombreux programmes sociaux comprenant un volet santé (p. ex. les soins à l’intention des personnes handicapées), pour former le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Même si on a réduit considérablement le total des transferts et assoupli les normes nationales applicables aux anciens programmes du Régime d’assistance publique du Canada, la version actuelle du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux garantit un montant minimal permettant d’appliquer des normes nationales en matière d’assurance-maladie. (Naturellement, on ne peut garantir que ces modalités de transfert seront maintenues par les gouvernements de l’avenir.) La deuxième source d’instabilité avait trait à la coexistence de la surfacturation et de l’assurance universelle, ce qui supposait un prix plancher et l’impossibilité de refuser un patient pour des raisons d’argent. Les économistes se sont rapidement rendu compte que ce système mixte ne disposait d’aucun moyen pour limiter les coûts. D’autres se demandaient si les frais additionnels imposés aux patients ne risquaient pas de compromettre la sécurité et l’équité à la base de l’assurance-maladie. Ces interrogations ont mené à l’établissement d’une deuxième commission royale, dirigée par le juge Emmet Hall. Son rapport réaffirmait les principes de l’assurance-maladie et critiquait les frais directs imposés aux patients pour des services assurés. Après de nouvelles querelles politiques, le gouvernement fédéral a fini par adopter la Loi canadienne sur la santé 54, prévoyant des sanctions financières contre les provinces autorisant de telles pratiques. Par conséquent, la surfacturation et les frais modérateurs, tels qu’ils sont définis dans la Loi, ont en grande partie disparu55. Les médecins de l’Ontario ont réagi en 1986 en faisant une grève de 25 jours, se plaignant d’avoir été forcés d’accepter un
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barème d’honoraires public pour le paiement intégral de leurs services, ce qui à leurs yeux les transformait en fonctionnaires et minait leur liberté financière et clinique56. Leur action est demeurée sans lendemain. Elle témoignait d’ailleurs d’un manque de compréhension de la distinction entre financement public des activités cliniques et prestation publique de services. Or, comme Tuohy (1988) l’a signalé, les médecins canadiens ont réussi à conserver une autonomie clinique beaucoup plus grande que les médecins américains, qui sont remboursés par des régimes d’assurance privés dans le cadre de structures de soins dirigées57. Le cadre législatif et réglementaire actuel
Le fondement légal actuel du système de santé national du Canada est donc issu principalement de deux instruments législatifs : le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et la Loi canadienne sur la santé . Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux est le mécanisme par lequel les fonds sont transférés du gouvernement fédéral aux provinces à l’appui des programmes d’assurance-hospitalisation et d’assurance-maladie définis dans la Loi canadienne sur la santé, de même que pour l’éducation postsecondaire et les programmes anciennement financés en vertu du Régime d’assistance publique du Canada.
La Loi canadienne sur la santé
La Loi canadienne sur la santé trace les grandes lignes de l’accord fédéral-provincial de partage des coûts de la santé. Aux termes de la Loi, les gouvernements provinciaux ne reçoivent la totalité des paiements fédéraux que s’ils se conforment aux exigences et critères établis par la Loi. Le gouvernement fédéral est ainsi à même d’exercer une influence dans un domaine qui est, pour l’essentiel, de compétence provinciale. Le processus utilisé pour atteindre les fins souhaitées suppose la collaboration entre les pouvoirs fédéraux et provinciaux, de sorte qu’on a pu le qualifier de « fédéralisme coopératif »58. La Loi canadienne sur la santé énonce cinq critères pour les programmes, inspirés des critères établis dans la Loi sur l’assurance-hospitalisation et les services diagnostiques et dans la Loi sur les services médicaux. Pour bénéficier d’un financement fédéral intégral, les régimes provinciaux doivent respecter les cinq conditions fédérales suivantes : – universalité, – accessibilité, – intégralité, – transférabilité, – gestion publique. La Loi canadienne sur la santé définit ainsi, à l’article 10, la notion d’universalité : « La condition d’universalité suppose qu’au titre du régime provincial d’assurancemaladie, cent pour cent des assurés de la province aient droit aux services de santé prévus par celui-ci, selon des modalités uniformes. » Dans sa définition du terme
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« accessibilité », la loi exige que le régime provincial d’assurance-maladie « offre les services de santé assurés selon des modalités uniformes et ne fasse pas obstacle, directement ou indirectement, et notamment par facturation aux assurés, à un accès satisfaisant par eux à ces services ». Ainsi, la loi ne prévoit pas l’égalité d’accès et ne définit pas la notion de « raisonnable ». À première vue, la Loi canadienne sur la santé semble adopter une définition très vaste de la notion de santé. À l’article 3, en effet, on peut lire que : « La politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre. » Toutefois, les définitions opérationnelles figurant dans la loi sont beaucoup plus étroites. L’article 9 de la Loi canadienne sur la santé se lit comme suit : « La condition d’intégralité suppose qu’au titre du régime provincial d’assurance-maladie, tous les services de santé assurés fournis par les hôpitaux, les médecins ou les dentistes soient assurés, et lorsque la loi de la province le permet, les services semblables ou additionnels fournis par les autres professionnels de la santé. » Cette restriction aux soins fournis par les hôpitaux et par les médecins est devenue de plus en plus désuète. La technologie permet aujourd’hui la prestation de nombreux soins, dans la communauté ou à domicile, par des intervenants autres que les médecins. Ces tendances ont d’ailleurs déclenché un phénomène de désassurance, ce que l’Association médicale canadienne a appelé « privatisation passive ». Parmi les définitions pertinentes de l’article 2 de la Loi canadienne sur la santé figurent les suivantes :
« Services de santé assurés » Services hospitaliers, médicaux ou de chirurgie dentaire fournis aux assurés, à l’exception des services de santé auxquels une personne a droit ou est admissible en vertu d’une autre loi fédérale ou d’une loi provinciale relative aux accidents du travail. « Hôpital » Sont compris parmi les hôpitaux tout ou partie des établisse ments où sont fournis des soins hospitaliers, notamment aux personnes souffrant de maladie aiguë ou chronique ainsi qu’en matière de réadaptation, à l’exception : a) des hôpitaux ou institutions destinés principalement aux personnes souffrant de troubles mentaux ; b) de tout ou partie des établissements où sont fournis des soins inter médiaires en maison de repos ou des soins en établissement pour adultes ou des soins comparables pour les enfants. « Services hospitaliers » Services fournis dans un hôpital aux malades hospitalisés ou externes, si ces services sont médicalement nécessaires pour le maintien de la santé, la prévention des maladies ou le diagnostic ou le traitement des blessures, maladies ou invalidités, à savoir : a) l’hébergement et la fourniture des repas en salle commune ou, si médicalement nécessaire, en chambre privée ou semi-privée ; b) les services infirmiers ;
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c) les actes de laboratoires, de radiologie ou autres actes de diagnostic, ainsi que les interprétations nécessaires ; d) les produits pharmaceutiques, substances biologiques et préparations connexes administrés à l’hôpital ; e) l’usage des salles d’opération, des salles d’accouchement et des installations d’anesthésie, ainsi que le matériel et les fournitures nécessaires ; f) le matériel et les fournitures médicaux et chirurgicaux ; g) l’usage des installations de radiothérapie ; h) l’usage des installations de physiothérapie ; i) les services fournis par les personnes rémunérées à cet effet par l’hôpital. Ne sont pas compris parmi les services hospitaliers les services exclus par les règlements. « Services de chirurgie dentaire » Actes de chirurgie dentaire nécessaires sur le plan médical ou dentaire, accomplis par un dentiste dans un hôpital, et qui ne peuvent être accomplis convenablement qu’en un tel établissement.
L’article 18 de la Loi définit les pratiques de surfacturation et d’imposition de frais modérateurs, qu’il interdit aux provinces. La province n’a droit à la pleine contribution pécuniaire, pour un exercice, que si « elle ne permet pas pour cet exercice le versement de montants à l’égard des services de santé assurés qui ont fait l’objet de surfacturation par les médecins ou les dentistes » et que si « elle ne permet pour cet exercice l’imposition d’aucuns frais modérateurs ». Comme les soins de santé sont de compétence provinciale, le gouvernement fédéral n’exerce aucun pouvoir direct sur la façon d’administrer les régimes d’assurance. Néanmoins, malgré toutes les ambiguïtés touchant le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, il semble qu’Ottawa puisse imposer des conditions à son aide financière. C’est ainsi que la Loi canadienne sur la santé prévoit que le gouvernement fédéral peut retenir ou déduire des montants sur les paiements de transfert lorsqu’une province ne se conforme pas aux cinq conditions qu’il a établies, après consultation de la province délinquante. Certes, la décision concernant le respect de certaines conditions demeure discrétionnaire, mais une réduction automatique des contributions fédérales est prévue à raison d’un dollar pour un dollar, en cas de surfacturation ou de frais modérateurs. Toutefois, les obligations prévues par la Loi sont uniquement celles des gouvernements entre eux. Aucune disposition ne prévoit de procédure de recours individuel. Implications du financement privé des services médicalement nécessaires – La Loi canadienne sur la santé vise à rembourser une partie des coûts engagés par les provinces pour offrir un système de santé géré par une autorité publique, complet, universel, transférable et accessible, sans surfacturation ni frais compensateurs. Elle énonce les conditions qui doivent être respectées pour que les provinces reçoivent les transferts de fonds fédéraux au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. La Loi ne réglemente pas directement les fournisseurs de soins de santé.
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Aucune de ses dispositions n’empêche les assureurs privés de compléter les régimes d’assurance provinciaux en assurant des services non couverts par ces régimes. La Loi canadienne sur la santé n’empêche ni n’interdit, par conséquent, la prestation de services de santé par le secteur privé au Canada, étant donné que cette question relève de la compétence provinciale. Le gouvernement fédéral pourrait toutefois utiliser son pouvoir discrétionnaire pour refuser de rembourser les provinces qui autorisent ces pratiques sur leur territoire. Dans une publication récente, l’Association du Barreau canadien expliquait par deux interprétations différentes de la Loi le débat actuel sur le rôle des services de santé privés au Canada59. Dans ce que l’Association appelle une interprétation à un niveau, la Loi instituerait un système national de services de santé assurés, composé d’un ensemble de systèmes de santé provinciaux et territoriaux, satisfaisant tous au principe de la Loi canadienne sur la santé. Ce système aurait été créé pour faire en sorte que tous les Canadiens, quels que soient leur revenu ou leur province de résidence, aient un accès raisonnable à un large éventail de services de santé de grande qualité, fondés sur le besoin médical plutôt que sur la capacité de payer. L’interprétation à deux niveaux, quant à elle, voudrait que le système de santé financé par l’État ne soit qu’un moyen d’assurer des services de santé de base. Selon cette interprétation, la loi n’empêcherait nullement la formation d’un système parallèle de financement privé des soins de santé, dans la mesure où ce dernier ne risque pas de compromettre la viabilité du système public. Les établissements privés offrant des soins de santé assurés seraient donc admissibles, pourvu que l’accès aux établissements publics demeure raisonnable. Le gouvernement fédéral a en fait adopté l’interprétation à un niveau, mais il perd son pouvoir d’application en faisant diminuer l’élément pécuniaire des transferts fédéraux. Comme on le verra dans la section intitulée « Cadres de prise de décisions », certaines provinces penchent vers une interprétation à deux niveaux. Le règlement de ce différend aura de toute évidence des effets profonds sur l’avenir de l’assurance-maladie.
La Charte canadienne des droits et libertés
Une deuxième série de contraintes légales possibles, pesant sur les politiques en matière de santé, découlent de la Charte canadienne des droits et libertés. Il convient d’examiner trois ensembles de questions. De façon générale, ces questions n’ont que peu subi l’épreuve des tribunaux, de sorte que l’analyse qui suit demeure en grande partie spéculative. En premier lieu, les fournisseurs ont-ils un droit acquis de vendre leurs services ? Dans une décision rendue en 1989, la Cour suprême du Canada a soutenu que l’article 7 de la charte, sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, protège uniquement les droits de la personne physique et non ceux des sociétés et autres personnes morales60. La cour a jugé également que les droits de propriété ou les droits économiques d’une société ou d’une entreprise commerciale n’étaient pas admissibles à la protection constitutionnelle. Les tribunaux ont régulièrement jugé que
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les droits économiques n’étaient pas visés par l’article 761. Après examen, ils ont décidé que cet article ne s’applique pas à des questions comme le droit de commercialiser des trousses de fabrication de vin dans les épiceries62, le droit de faire des affaires avec le gouvernement63, le droit de l’industrie de l’aluminium de fabriquer des canettes de boissons gazeuses64, le droit de détenir un permis de vente d’alcool65, le droit d’échapper aux ordonnances d’indemnisation des commissions des droits de la personne66 et le droit d’être exonéré des frais administratifs imposés par le gouvernement67. Par extension, il ne semble pas exister de protection constitutionnelle pour les organismes qui désirent offrir des services de santé privés. Récemment, la loi omnibus du gouvernement de l’Ontario a conféré à la province un pouvoir considérable en matière de détermination des services assurés, dont le pouvoir d’assujettir les anciennes cliniques privées à la Loi sur les établissements de santé autonomes (qui seraient régies du même coup par la réglementation gouvernementale)68. La réponse à la première question semble donc la suivante : « Non, les fournisseurs ne jouissent pas du droit acquis de vendre leurs services. » Même si les tribunaux se sont montrés plus conciliants avec les professionnels de la santé au sujet du droit « d’exercer une profession pour laquelle ils sont qualifiés et de jouir de toute liberté de mouvement à cette fin69 », ils sont demeurés divisés sur la question70. Les tribunaux semblent convenir que les aspects purement commerciaux de la profession ne sont pas visés. Par exemple, un médecin du Manitoba qui contestait les réductions dans les paiements d’assurance-hospitalisation reçus pour des « services supplémentaires » s’est heurté à une réponse négative des tribunaux du Manitoba, selon lesquels ces paiements n’étaient pas protégés par l’article 771. En deuxième lieu, la population jouit-elle du droit constitutionnel d’acheter des services de santé sur le marché privé, indépendamment des dispositions de la Loi canadienne sur la santé ? Dans l’affirmative, s’agit-il d’un droit général, ou le droit est-il limité aux cas pour lesquels le gouvernement ne peut assurer des soins adéquats en temps opportun ? Il est difficile d’imaginer comment les citoyens pourraient avoir gain de cause en faisant valoir que l’article 7 garantit le droit d’acheter des soins de santé privés, surtout si les services médicalement nécessaires offerts par le régime d’assurancemaladie provincial sont adéquats. L’article 1 de la charte précise que les droits et libertés « ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ». Pour justifier des restrictions possibles au droit du citoyen d’acheter, en vertu de l’article 7, des services de santé privés, le gouvernement fonderait sans doute son plaidoyer sur la nécessité d’administrer un système à payeur unique pour protéger l’intégrité du système de santé canadien. En troisième lieu, la population jouit-elle du droit constitutionnel de recevoir des traitements financés par l’État, ou, plus précisément, les dispositions interdisant la discrimination signifient-elles que ces services, s’ils sont fournis, doivent l’être selon des modes jugés satisfaisants par les tribunaux ? Il semble peu probable que des personnes puissent, par des recours judiciaires, obliger les gouvernements à fournir et à financer des services particuliers. Toutefois, certains mécanismes utilisés pour répartir les services financés par l’État pourraient être
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mal accueillis par les tribunaux s’ils sont jugés contraires aux dispositions d’interdiction de la discrimination. Par exemple, si les appareils ou accessoires fonctionnels sont fournis gratuitement à certains habitants de l’Ontario, mais non à d’autres, y a-t-il une violation du droit à l’égalité ? La Cour d’appel de l’Ontario a récemment déclaré non valide la fixation d’un âge maximum pour l’obtention d’appareils fonctionnels (il s’agissait, dans ce cas, d’aides visuelles subventionnées uniquement pour les personnes de 18 ans et moins) pour les motifs de discrimination en fonction de l’âge72. Si les tribunaux continuent d’accepter ce genre d’arguments, les gouvernements pourraient bien être contraints de décider en faveur du « tout ou rien », à moins d’adopter des critères bien nets et juridiquement défendables pour déterminer les bénéficiaires de tel ou tel programme particulier. Si les services de santé ne sont pas fournis de façon adéquate, il semble que les recours en justice soient alors possibles. Un particulier ou un groupe pourrait soutenir que l’article 7 garantit non seulement le droit aux services médicalement nécessaires, mais aussi celui de les obtenir auprès du secteur privé si le gouvernement n’est pas en mesure d’offrir des services acceptables. Dans ce cas, le tribunal conviendrait sans doute que les intéressés ne doivent pas se voir refuser l’accès à des services médicalement nécessaires. Il est peu probable que le gouvernement puisse justifier la violation de droits visés à l’article 1 de la charte. Le tribunal ne risque guère de donner raison à un gouvernement qui refuserait l’accès d’une personne à des services médicalement nécessaires en raison d’un budget insuffisant, d’un manque de collaboration entre les gouvernements fédéral et provincial ou de toute autre intention délibérée73. Dans l’affaire R. c. Oakes, la Cour suprême du Canada a soutenu que, en vertu de l’article 1, le gouvernement devait démontrer que ses objectifs étaient suffisamment importants pour justifier le non-respect d’un droit protégé par la Constitution et que les moyens choisis étaient raisonnables et vraiment justifiés74. Les mesures gouvernementales doivent être motivées rationnellement par leur objet, limiter le moins possible les droits et les libertés et être proportionnelles, du point de vue des effets sur le droit protégé, aux objectifs gouvernementaux poursuivis. Pour en arriver à justifier une limitation d’accès aux soins de santé, le gouvernement devrait faire la preuve non seulement de son incapacité financière mais aussi, dans l’affectation de ses ressources réduites, d’une redistribution équitable à des secteurs plus importants que les soins de santé75. Comme les services médicalement nécessaires ne sont pas définis dans la Loi canadienne sur la santé, il est difficile d’empêcher des écarts considérables, dans le financement des services, d’une province à l’autre (et, par extension, dans la nature des services fournis, d’une région à l’autre, en cas de délégation). Même s’il existe des normes nationales dans la Loi et dans la charte, les termes pertinents susceptibles d’assurer l’homogénéité et de déterminer la norme minimale inhérente à la notion d’« accès raisonnable » n’ont pas été définis. En pratique, on constate cependant une certaine uniformité entre les provinces sur le plan de la gamme des services assurés par les régimes d’assurance-maladie et d’assurance-hospitalisation. Du point de vue légal, tout gouvernement provincial peut décider d’autoriser les soins de santé privés. La Loi canadienne sur la santé ne réglemente pas directement les fournisseurs de soins, se limitant à imposer les conditions préalables aux transferts aux
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provinces. Sur le plan pratique, les transferts fédéraux ont été un moyen efficace pour empêcher la prestation de soins de santé par le secteur privé, dans le cas des services assurés par l’État. Non seulement les provinces dont le système de santé violerait les principes de la Loi canadienne sur la santé encourraient les sanctions financières du gouvernement fédéral prévues par la Loi, mais elles pourraient aussi être contestées au titre de la charte par les intéressés. Comme la charte l’emporte sur la Loi canadienne sur la santé, il est possible qu’un tribunal décide d’annuler la condition de « gestion publique », s’il juge non raisonnable de limiter l’intervention du secteur privé lorsque le gouvernement n’est pas en mesure de fournir des soins adéquats. Certes, cet argument peut apparaître spéculatif, d’autant plus qu’aucune cause du genre ne semble imminente, mais il peut être utile de classer de la façon suivante les situations hypothétiques où le système financé par l’État refuse de fournir des soins à une personne. Les recours en justice semblent peu probables dans les cas suivants : • Le gouvernement finance globalement un organisme (p. ex. un hôpital), qui pour sa part limite la gamme des soins offerts. (Il n’y a sans doute pas de recours judiciaire possible contre cet hôpital, si c’est en toute bonne foi qu’il décide de limiter la gamme de soins.) • Le gouvernement précise les services assurés (notamment, dans un barème d’honoraires), mais personne ne reçoit un service particulier d’un établissement financé par l’État. (Le service n’est pas assuré et échappe à la portée de la Loi canadienne sur la santé.) • Bien que certaines personnes obtiennent le service (p. ex. d’après le critère de la « pertinence »), les soins en question ne conviennent manifestement pas à la personne à qui on les a refusés. Les recours en justice ne semblent donc possibles que lorsque la personne est jugée moins admissible que d’autres à un service donné, mais quand même susceptible d’en tirer profit. On peut alors se demander si cette personne pourrait acheter les soins dont elle a besoin en dehors du système de santé public. Naturellement, il est toujours possible d’obtenir ces soins à l’étranger, mais il reste l’obstacle financier. Toutefois, la condition de gestion publique et la législation provinciale pourraient effectivement empêcher l’achat de ces services au Canada. On peut émettre l’hypothèse que les tribunaux pourraient alors décider d’établir des distinctions pour les motifs expliquant pourquoi une personne s’est vu attribuer une faible cote de priorité à l’égard des soins. Si le motif est celui du risque élevé, il n’est pas impossible que les tribunaux considèrent que les dispositions de la charte à l’égard de la protection de la vie et de la sécurité l’emportent sur toute autre considération. Au contraire, dans le cas des personnes à faible risque, la rapidité d’un traitement ne serait sans doute pas un motif suffisant. Quoi qu’il en soit, comme nous l’avons vu, la poursuite ne pourrait être intentée que par un bénéficiaire éventuel à qui des soins auraient été refusés, car il ne semble pas que les fournisseurs puissent fonder sur la charte le droit de vendre ces services. En tout cas, la loi omnibus du gouvernement de l’Ontario semble s’appuyer sur le postulat que le gouvernement est habilité à contrôler la disponibilité, le lieu et le prix des services assurés offerts dans la province76.
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Législation et réglementation provinciales et internationales
Les provinces sont également liées par leur propre législation ou réglementation. Ainsi, toutes les provinces canadiennes, sauf quatre, interdisent expressément l’assurance privée à l’égard des services déjà assurés par les régimes d’assurance-maladie provinciaux. Il faudrait modifier cette disposition avant de pouvoir adopter d’autres mécanismes de financement. La plupart des provinces ont des lois et des règlements qui précisent quels sont les services financés, de même que les quotes-parts et les franchises autorisées pour les soins à domicile, les soins de longue durée, les médicaments, les appareils fonctionnels, les services d’ambulance, la physiothérapie, etc. Certains de ces services (p. ex. physiothérapie et chiropractie) peuvent être des « services partiellement assurés », ce qui soulève des questions quant au degré de participation possible de l’assurance privée. Le projet de loi 26 de l’Ontario a modifié la Loi sur l’assurance-maladie de la province dans le but d’autoriser les paiements « nuls »77. Il est ainsi possible de classer un service dans la catégorie des services assurés (pour empêcher qu’il soit assuré par le secteur privé), tout en interdisant aux médecins d’en facturer la prestation aux patients assurés. Les exemples présentés par le gouvernement pour justifier une telle disposition semblent un peu tirés par les cheveux (p. ex. « lorsqu’un règlement établit à X $ le prix d’une excision chirurgicale “jusqu’à concurrence de cinq lésions”, et à un prix nul par la suite, la sixième excision demeure assurée, mais ce service ne peut être facturé au patient »78. Néanmoins, cette disposition pourrait éventuellement rendre inaccessibles certains services (avortement ?) et on peut se demander si un tribunal jugerait cette mesure justifiable. Les programmes provinciaux établis en application de la législation de la province peuvent par la suite être modifiés par tout gouvernement de la province qui en accepte les conséquences politiques. D’autres dilemmes intéressants pourraient bien se présenter à mesure que les réformes régionales progresseront. Par exemple, la notion de transférabilité sera-t-elle jugée applicable d’une région à l’autre d’une province ? En l’absence de conditions fédérales précises, les provinces auront les mains libres pour déterminer la meilleure façon de fournir les services de santé à leur population. (Il est à noter que la Colombie-Britannique a décidé d’adopter les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé dans sa propre législation.) Même si la question échappe à la portée du présent document, on peut aussi s’interroger au sujet de l’incidence éventuelle de l’Accord de libre-échange nordaméricain (ALENA) sur le financement des services de santé. Les ententes interna tionales telles que l’ALENA et l’Accord général sur le commerce des services ont pour objectif d’empêcher la discrimination exercée contre les signataires « étrangers » du traité. Les fournisseurs américains et mexicains devraient donc avoir le droit « de pénétrer sur un marché et de s’y livrer à la concurrence, sans discrimination » avec les fournisseurs canadiens79. L’annexe II de l’ALENA stipule que « le Canada se réserve le droit d’adopter ou de maintenir toute mesure concernant les services d’application du droit public et des services correctionnels, ainsi que les services suivants dans la
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mesure où ils constituent des services sociaux établis ou maintenus à des fins d’intérêt public : sécurité ou garantie de revenu, sécurité ou assurance sociale, bien-être social, éducation publique, formation publique, santé et garde d’enfants ». On a assisté à une certaine controverse sur la portée de l’annexe II, interprétée dans son sens large ou restreint. En particulier, on a pu se demander quel devait être le degré d’intervention du gouvernement, sur le plan du financement ou de la réglementation, pour que le service soit considéré comme d’intérêt public plutôt que commercial. C’est pourquoi certains ont pu se demander s’il ne convenait pas de préciser les services particuliers visés par cette disposition. Dans certaines interprétations des règles antimonopolistiques de l’ALENA, une fois qu’un service est offert à la fois par les secteurs public et privé, il ne peut plus être récupéré exclusivement par le secteur public. Toutefois, un accord conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique en mars 1996 précise que les parties ne sont pas tenues de répertorier leurs mesures particulières à l’annexe II et peuvent adopter de nouvelles mesures contraires aux principes généraux de l’ALENA dans le domaine de la santé. Même si l’ALENA restreignait la limitation des sources de prestation des soins de santé, cette mesure n’aurait pas d’incidence sur le financement ni sur l’affectation. Comme nous l’avons signalé, les données internationales montrent qu’une prestation privée convenablement réglementée peut effectivement être compatible avec un système financé par l’État qui serait de grande qualité. S’il existe des mécanismes de réglementation et de contrôle pour garantir que les services offerts sont de qualité, de prix abordable et non superflus, la source de la prestation, qu’elle soit à but lucratif ou non, canadienne ou étrangère, semble alors relever davantage de la politique économique que de la politique sur la santé. Les préoccupations relatives à l’ALENA constituent donc, pour les gouver nements, une raison de plus d’intervenir rapidement afin de fermer la porte à un afflux de cliniques privées exerçant leurs activités en dehors du cadre du régime public. Un tel afflux risquerait en effet de nuire au contrôle des coûts et à la qualité, ce qui justifie en soi des mesures gouvernementales, que les compagnies soient américaines ou canadiennes.
LE CAS DU CANADA : CERTAINES DONNÉES SUR LE DEGRÉ DE PARTAGE ENTRE LES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ
L’assurance-maladie est devenue l’une des caractéristiques distinctives du Canada. Pour plusieurs, c’est elle qui nous distingue de nos voisins du Sud. Rachlis et Kushner citent des chiffres de sondages Gallup selon lesquels 96 % des Canadiens préfèrent notre système à celui des États-Unis, et la confiance du public à l’égard de la qualité des soins offerts dans le cadre de notre système de santé est passée de 71 % en 1991 à 89 % en 199380. Le Sondage Santé Canada de mars-juin 1995 montre que l’appui aux cinq principes de la Loi canadienne sur la santé a de nouveau augmenté, après une baisse de
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8 % à 15 % entre 1992 et 1994. À l’heure actuelle, le soutien aux cinq principes se chiffre respectivement à 89 % pour l’universalité, à 82 % pour l’accessibilité, à 81 % pour la transférabilité, à 80 % pour l’intégralité et à 64 % pour la gestion publique. La majorité des Canadiens (71 %) sont en faveur d’une intervention fédérale pour sauvegarder les principes nationaux, et une faible majorité (56 %) est en faveur de la retenue des fonds si les provinces refusent de collaborer. Même si la plupart des Canadiens sont contre les frais modérateurs, et plus encore contre la surfacturation, on observe chez les plus fortunés et les jeunes un certain appui aux frais modérateurs81.
Financement
Le système de santé du Canada comprend un volet public et un volet privé. Comme le signale Evans, le Canada n’est pas doté d’une médecine sociale, mais a effectivement une « assurance sociale »82. Comme nous l’avons vu, la Loi canadienne sur la santé exige que les provinces assument les coûts de tous les soins hospitaliers aigus, des soins de longue durée en établissement (mais non les frais d’hébergement correspondants) et des services médicaux dans les soins ambulatoires et externes83. Même si les provinces ne sont pas tenues d’assurer les autres soins, elles peuvent offrir un certain nombre de services dans d’autres secteurs, et elles le font effectivement (p. ex. services d’ambulance, soins à domicile), mais les écarts à ce chapitre sont considérables d’une province à l’autre, notamment du point de vue de l’existence et de l’importance des frais modé rateurs. Le financement privé se limite surtout aux secteurs non assurés (p. ex. soins dentaires, médicaments d’ordonnance en dehors des hôpitaux, soins de longue durée et hébergement) et aux frais additionnels engagés si le traitement se fait en dehors de la province (ces coûts peuvent être particulièrement onéreux pour les personnes qui se font traiter au sud de la frontière). Certaines provinces financent une partie de ces services supplémentaires (médicaments, p. ex.) à l’intention de groupes particuliers (p. ex. assistés sociaux et personnes âgées). Ainsi, la Saskatchewan finance 75 % des services spéciaux à domicile et a établi un filet de sécurité pour les médicaments d’ordonnance, prévoyant le financement public intégral des médicaments de soins palliatifs et des échelles mobiles pour les quotes-parts applicables à d’autres produits et à d’autres catégories de personnes. L’obtention et l’interprétation des données sur le financement de la santé au Canada peuvent être complexes. On peut en effet examiner plusieurs séries de données : les dépenses totales de la santé, les dépenses publiques totales dans le domaine de la santé, les dépenses provinciales totales pour la santé, les dépenses de santé totales du secteur privé et les dépenses de santé par secteur particulier (p. ex. indemnisation des accidentés du travail, assurance-maladie privée).
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Les dépenses de santé totales
Les données qui suivent, sur la facture globale de la santé, proviennent de diverses sources gouvernementales et ont été regroupées par Santé Canada84. L’Association médicale canadienne a pu établir des sommaires utiles à l’aide de ces données, entre autres85. Les diagrammes de la figure 2 illustrent la provenance des fonds, c’est-à-dire la répartition en pourcentage des dépenses de santé nationales, selon la source. À noter que la proportion provenant de sources privées est passée de 23,8 % en 1984 à 28,2 % en 1994. On trouvera au tableau 4 des détails à l’appui des pourcentages et des montants par secteur entre 1975 et 1994.
Figure 2 Répartition (%) des dépenses de santé nationales selon le secteur de financement, Canada, 1984 et 1994 1984
Provincial 42,8 %
1994
fédéral 28,3 %
fédéral 21,9 % Provincial 44,4 % Privé 28,2 %
Privé 23,8 %
Public – autres sources 3,1 %
Public – autres sources 5,5 %
Les diagrammes de la figure 3 illustrent la destination des fonds, c’est-à-dire leur répartition entre les principales catégories. Les hôpitaux demeurent le poste budgétaire le plus important mais accaparent une part moindre d’un plus gros secteur, leur pourcentage des dépenses de santé totales ayant chuté de 42 % en 1984 à 37,3 % dix ans plus tard. On trouvera des détails explicatifs au tableau 5.
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Tableau 4 Année Fédéral, Dépenses Dépenses Dépenses Indemnisation Dépenses Total direct (%) provinciales, provinciales, municipales des accidentés privées (%) (en millions transferts fonds (%) du travail (%) de dollars) du fédéral (%) provinciaux (%)
1975
3,2
27,7
43,4
1,1
1,0
23,6
1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
3,1 3,1 2,8 2,7 2,6 2,6 2,8 2,9 3,0 2,9 2,9 2,9 3,0 3,1 3,3 3,4 3,4 3,5
28,3 30,1 31,2 31,6 30,7 29,0 27,9 28,0 28,3 28,1 27,6 27,1 26,4 25,6 24,2 22,8 22,1 21,9
43,6 41,6 40,2 39,4 39,9 41,5 43,2 43,6 42,8 42,2 42,4 42,7 43,0 43,7 44,8 46,3 46,5 45,7
1,1 1,1 1,0 1,5 1,6 1,8 1,5 1,3 1,1 1,5 1,6 1,6 1,4 1,4 1,4 1,3 1,3 1,2
1,0 1,0 1,0 1,0 0,9 1,1 1,0 0,9 0,9 1,0 0,8 0,8 0,8 0,8 0,8 0,9 0,8 0,8
22,9 23,2 23,7 23,9 24,3 23,9 23,6 23,3 23,8 24,3 24,7 24,9 25,3 25,4 25,4 25,4 25,9 26,9
12 254,8 14 099,0 15 497,6 17 168,8 19 288,5 22 398,4 26 441,5 30 910,1 34 165,1 36 810,4 40 038,2 43 554,4 47 023,6 51 050,9 56 234,7 61 041,6 66 290,3 70 032,1 71 775,3
1994
3,6
21,9
44,4
1,2
0,8
28,2
72 462,6
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Source : Santé Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, Rapport intégral (Ottawa, Santé Canada, Direction générale des politiques et de la consultation, janvier 1996), tableaux 2A et 2C.
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Dépenses de santé totales selon le secteur de financement, Canada, 1975-1994
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Figure 3 Répartition (%) des dépenses nationales de santé par catégorie, Canada, 1984 et 1994
1984
1994 autres établissements 9,8 %
Hôpitaux 42 % autres établissements 10,8 % Médecins 15 %
autres professionnels 8 %
autres dépenses 11,2 %
capitaux 4,2 %
Médicaments 9 %
Hôpitaux 37,3 %
Médecins 14,2 %
autres professionnels 8,5 %
capitaux 2,9 %
autres dépenses 11,8 %
Médicaments 12,7 %
Les dépenses de santé publiques totales
Depuis 1972, les dépenses publiques en matière de santé représentent en moyenne 75 % de l’ensemble des dépenses, ce qui est légèrement inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE. On constate toutefois une tendance vers un financement plus important par le secteur privé. En 1975, les dépenses publiques correspondaient à 76,4 % du total. En 1994, elles n’en formaient plus que 71,8 %. Les dépenses de santé provinciales, en 1994, ont décliné de 1,98 % par rapport à l’année précédente, tandis que les dépenses privées ont augmenté de 5,8 %86, ce qui semble indiquer un déplacement des coûts. Les dépenses publiques sont financées en grande partie par les recettes générales. Même si les provinces et les territoires ont à l’occasion financé une partie de leurs dépenses au moyen de cotisations au régime de santé, ces prétendues cotisations n’étaient en réalité que des impôts déguisés et politiquement acceptables, dont le produit était tout simplement versé aux recettes générales. L’assujettissement n’était pas conditionnel au paiement des cotisations, celles-ci n’ont jamais été fixées en fonction du risque, et le montant dépensé par les provinces n’était pas lié au montant des recettes provenant de ces cotisations. L’impôt-santé des employeurs de l’Ontario, que l’actuel gouvernement conservateur a abrogé, en est un exemple. Même dans les provinces qui y ont recours, les cotisations n’ont jamais représenté plus du tiers des dépenses de santé de la province87. Parmi les autres sources de recettes utilisées pour financer les soins de santé, on peut citer l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le bénéfice des sociétés, les charges sociales, les impôts fonciers, la taxe de vente, les taxes d’accises spéciales, les loteries, les licences, les permis, les droits et les certificats. Une minorité de ces sources visent directement les dépenses de santé88.
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Dépenses de santé totales par catégorie de dépenses, Canada, 1975-1994 Année Hôpitaux Autres Médecins Autres Médicaments Capitaux Autres Total (%) établissements (%) professionnels (%) (%) dépenses (en millions (%) (%) (%) de dollars)
1975
45,0
9,2
15,0
7,4
8,8
4,4
10,3
1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
45,4 44,1 43,3 42,4 41,9 42,1 42,8 42,6 42,0 40,9 40,7 40,6 40,1 39,8 39,1 38,8 38,2 37,8
9,7 10,2 10,8 11,2 11,3 10,9 10,8 10,8 10,6 10,2 9,3 9,2 9,2 9,1 9,4 9,5 9,8 9,8
14,7 14,7 14,9 14,8 14,7 14,5 14,3 14,8 15,0 15,1 15,3 15,6 15,6 15,1 15,2 15,4 14,9 14,4
7,5 8,0 8,3 8,5 8,5 8,3 8,1 8,0 8,0 8,3 8,3 8,4 8,4 8,5 8,5 8,5 8,4 8,4
8,5 8,4 8,4 8,6 8,4 8,8 8,5 8,6 9,0 9,5 10,1 10,4 10,8 11,1 11,3 11,6 12,1 12,3
3,9 3,6 3,9 4,1 4,7 4,6 4,7 4,4 4,2 4,6 4,7 4,4 4,0 3,9 3,7 3,2 3,3 3,2
10,4 10,9 10,3 10,4 10,5 10,9 10,7 10,7 11,2 11,5 11,5 11,4 11,9 12,6 12,9 13,0 13,3 14,0
12 254,8 14 099,0 15 497,6 17 168,8 19 288,5 22 398,4 26 441,5 30 910,1 34 165,1 36 810,4 40 038,2 43 554,4 47 023,6 51 050,9 56 234,7 61 041,6 66 290,3 70 032,1 71 775,3
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1994 37,3 9,8 14,2 8,5 12,7 2,9 14,6 72 462,6 Source : Santé Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, Rapport intégral (Ottawa, Santé Canada, Direction générale des politiques et de la consultation, janvier 1996), tableaux 4A et 4C.
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Tableau 5
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Des détails sur les transferts fédéraux sont présentés au tableau 6. En 1993, le Financement des programmes établis et le Régime d’assistance publique du Canada représentaient respectivement 96,2 % et 3,6 % des fonds fédéraux versés pour la santé (les 0,2 % restants étaient constitués de versements pour soins de santé aux territoires par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien). Pendant les années 1980, le gouvernement fédéral a modifié unilatéralement à plusieurs reprises les modalités du Financement des programmes établis afin de limiter les fonds versés aux provinces. Cette mesure a eu pour effet d’augmenter la proportion du total des dépenses publiques de santé assumée par les provinces au moyen de leurs propres sources de revenus. En outre, les paiements au titre du Régime d’assistance publique du Canada versés aux provinces non assujetties à la péréquation (Alberta, ColombieBritannique et Ontario) ont été limités à une augmentation annuelle maximum de 5 %. Entre 1979 et 1994, les transferts fédéraux comme pourcentage des dépenses de santé totales ont chuté de 31,6 % à 21,9 %. L’écart a été comblé en grande partie par un financement provincial et un financement privé89. Selon la Loi canadienne sur la santé, les régimes provinciaux ne sont tenus d’assurer que les services médicalement nécessaires, mais cette notion n’est pas définie. Chaque gouvernement provincial ou territorial décide des services qui seront considérés comme médicalement nécessaires en les incluant ou en les excluant de sa liste des services de santé assurés. Historiquement, l’expression a désigné les services offerts dans les hôpitaux ou par les médecins. Par conséquent, les régimes provinciaux ne sont nullement tenus d’assurer les services des autres fournisseurs de soins de santé en dehors des hôpitaux, et les contributions du gouvernement fédéral n’en tiennent d’ailleurs pas compte. Étant donné qu’il est possible aujourd’hui, en raison de l’évolution de la technologie et des médicaments, d’offrir certains traitements en dehors des hôpitaux, un nombre grandissant de services ne sont plus couverts par les régimes publics.
Les dépenses de santé provinciales totales
Les dépenses de santé provinciales sont financées au moyen des recettes générales. Il devient donc arbitraire de ventiler les sources de financement (on trouvera au tableau 7 des détails à ce sujet). Ici encore, bien que les hôpitaux représentent nettement le poste budgétaire le plus important, leur part du total des dépenses de santé provinciales a chuté de 56,3 % en 1975 à 48,4 % en 1994. Cette réduction s’explique, pour l’essentiel, par des mesures de limitation des coûts et des mesures de transfert à la collectivité (p. ex. chirurgie d’un jour, réduction de la durée des hospitalisations). Les dépenses pour les médecins sont demeurées sensiblement les mêmes, passant de 20,4 % en 1975 à 20,9 % en 1994, atteignant un sommet en 1987 et en 1988 et un autre en 1991, à 21,8 %. Le secteur où les dépenses provinciales ont affiché la plus forte croissance est celui des médicaments, qui est l’un des plus axés sur le marché90. Les hôpitaux reçoivent des gouvernements provinciaux la plus grande partie de leurs fonds de fonctionnement, en général sous la forme d’un budget global éventuel (certaines provinces expérimentent actuellement un financement fondé sur le volume et la composition des services). Toutefois, à une époque où la capacité budgétaire
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Tableau 6 Transferts fédéraux au titre de la santé, par catégorie de transfert, Canada, 1975-1994
Année Taxe sur Services de Services Services Autres Caisse les services santé assurés- complémen- complémen- soins de d’aide de santé paiement en taires taires santé (%) à la santé assurés (%) espèces (%) (%) (%) (%)
Paiements Total aux territoires (en millions (%) de dollars)
1975
0,0
92,4
0,0
5,7
1,1
0,7
0,1
1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
0,0 33,8 43,0 43,2 44,6 45,6 45,5 42,9 42,2 42,8 44,1 46,5 48,3 49,8 50,8 49,9 48,4 48,6
91,5 54,1 44,0 44,3 43,3 43,0 43,0 45,6 46,1 45,4 44,2 41,7 39,7 38,1 37,0 37,5 38,4 38,2
0,0 7,5 9,4 9,3 9,2 9,3 9,3 9,4 9,3 9,3 9,3 9,3 9,3 9,3 9,3 9,4 9,4 9,4
6,6 2,9 1,7 1,8 1,5 1,0 1,0 1,0 1,0 0,9 0,9 0,8 0,9 1,0 0,7 0,6 0,8 0,9
1,2 1,1 1,0 1,0 1,0 0,9 0,9 1,1 1,1 1,4 1,3 1,4 1,6 1,7 2,0 2,4 2,7 2,8
0,6 0,5 0,7 0,3 0,2 0,1 0,0 – – – – – – – – – – –
0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,3 0,3
3 389,6 3 983,8 4 660,4 5 364,0 6 102,5 6 865,8 7 674,8 8 627,7 9 575,3 10 429,0 11 249,9 12 004,6 12 729,4 13 495,9 14 370,4 14 774,4 15 116,1 15 450,9 15 684,4
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1994 50,0 36,8 9,4 0,9 2,7 – 0,2 15 862,4 Source : Santé Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, Rapport intégral (Ottawa, Santé Canada, Direction générale des politiques et de la consultation, janvier 1996), tableaux 12A et 12C.
Raisa Deber et al. – Le financement des soins de santé : le partage
Financement des programmes établis Régime d’assistance publique au Canada
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Tableau 7 Année Hôpitaux Autres Médecins Autres Médicaments Capitaux Autres Total (%) établissements (%) professionnels (%) (%) dépenses (en millions (%) (%) (%) de dollars) 56,3
9,1
20,4
1,4
1,6
3,8
7,4
56,6 55,1 53,7 52,7 52,4 52,3 52,7 52,1 51,4 50,6 50,7 50,7 50,6 50,4 49,8 49,3 48,8 48,6
9,8 10,6 11,1 11,5 11,5 11,5 11,3 11,2 11,0 10,7 9,6 9,4 9,6 9,6 9,6 9,7 10,1 10,1
19,7 19,9 20,2 20,1 20,1 19,8 19,5 20,0 20,5 20,8 21,3 21,8 21,8 21,3 21,4 21,8 21,2 20,8
1,4 1,5 1,6 1,9 2,0 2,3 2,0 1,9 1,9 1,9 1,9 1,8 1,8 1,8 1,8 1,8 1,7 1,5
1,9 2,2 2,5 2,6 2,7 2,8 2,9 3,1 3,4 3,7 4,0 4,2 4,5 4,7 5,0 5,3 5,6 5,6
3,0 2,8 3,1 3,3 3,2 3,1 3,7 3,9 3,8 3,8 3,8 3,4 2,9 3,0 2,8 2,6 2,6 2,7
7,6 8,1 7,7 7,9 8,1 8,3 8,0 7,8 8,0 8,5 8,6 8,6 8,8 9,2 9,5 9,6 10,1 10,7
8 710,4 10 131,2 11 103,3 12 271,1 13 697,0 15 795,6 18 657,7 21 968,0 24 456,4 26 182,9 28 146,9 30 488,4 32 823,7 35 455,0 38 955,0 42 097,1 45 819,6 48 008,4 48 511,8
1994 48,4 10,1 20,9 1,4 5,7 2,3 11,3 48 039,2 Source : Santé Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, Rapport intégral (Ottawa, Santé Canada, Direction générale des politiques et de la consultation, janvier 1996), tableaux 7A et 7C.
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
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Dépenses de santé provinciales par catégorie, Canada, 1975-1994
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Raisa Deber et al. – Le financement des soins de santé : le partage
des gouvernements provinciaux est à la baisse, les hôpitaux recherchent de nouvelles méthodes pour financer leurs programmes. En s’inspirant de Pink et Hudson91, Adams et ses collègues92 classent ainsi les activités parallèles de production de recettes : services cliniques et diagnostiques assurés, vendus à des non-assurés ; services cliniques et diagnostiques non assurés ; services de type hôtelier (télévision, téléphone) ; vente au détail (boutiques de cadeaux, cafétérias) ; administration (gestion de contrats ; finances (vente et cession-bail). Les recettes perçues au moyen de ces activités demeurent modestes. Les coûts en capital ne sont pas des coûts partagés aux termes de la Loi canadienne sur la santé, et les provinces recourent à diverses modalités pour financer leurs dépenses d’investissement. Le pourcentage de ces dépenses, par rapport à l’ensemble des dépenses, a diminué. La plupart des provinces essaient de limiter les dépenses d’inves tissement, notamment parce que celles-ci ont des effets à long terme sur les budgets de fonctionnement. Les coûts sont souvent partagés avec les pouvoirs publics municipaux, des fondations privées ou les deux93. La plupart des médecins sont des praticiens indépendants, rémunérés à l’acte, qui possèdent un degré élevé d’autonomie. Les patients sont libres de choisir euxmêmes leur médecin, mais les barèmes d’honoraires de certaines provinces ont souvent défavorisé la consultation directe des spécialistes sans que l’on passe d’abord par un généraliste qui sert de « filtre ». Les barèmes d’honoraires des médecins rémunérés à l’acte sont négociés entre les gouvernements provinciaux et les associations médicales. Ces négociations portent sur le pourcentage d’augmentation globale par rapport au barème existant. Le barème des honoraires de chaque province lie obligatoirement tous les médecins et, tech niquement, ceux-ci ne sont pas autorisés à facturer leurs services à des taux supérieurs. Depuis l’adoption de la Loi canadienne sur la santé, en 1984, le gouvernement fédéral retranche de la partie pécuniaire du transfert fédéral aux provinces, à titre de pénalité, un montant équivalant aux frais facturés directement aux clients pour des services assurés par le régime public. Les médecins sont libres de faire payer à leurs patients des services non assurés. La figure 4 illustre les dépenses de santé par habitant et par province en 1994. Les écarts entre les provinces commencent à devenir considérables : alors que la moyenne canadienne se situe à 2 478 $, les dépenses de la Nouvelle-Écosse s’élèvent à 2 231 $, et celles de la Colombie-Britannique, à 2 631 $. (Nous avons omis les dépenses des territoires, dont la situation n’est pas vraiment comparable.) Les données de la figure 5 montrent que les dépenses de santé, comme pourcentage du produit intérieur brut (PIB) des provinces et territoires, représentent un fardeau plus lourd pour les provinces les plus pauvres. La moyenne canadienne se situe à 9,7 %, mais la province dont les dépenses sont le moins élevées (Nouvelle-Écosse) y consacre 11,3 % de son PIB, et la province dont les dépenses sont le plus élevées (Colombie-Britannique), 9,7 %. Au demeurant, le fardeau le moins lourd pour l’économie provinciale (7,9 %) est celui de l’Alberta, et le fardeau le plus lourd (13,5 %) est celui de Terre-Neuve. Ces chiffres montrent que la politique actuelle du gouvernement fédéral visant à limiter les transferts fédéraux et à accroître le pouvoir des provinces aura
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
vraisemblablement une incidence considérable à long terme. Le désengagement du gouvernement fédéral creusera sans doute l’écart entre les provinces et pourrait même remettre en cause l’aptitude des provinces les plus pauvres à maintenir leurs programmes existants. Figure 4 Dépenses de santé totales par habitant et par province, 1994 2 478
Canada Terre-Neuve
2 260 2 299
Île-du-Prince-édouard Nouvelle-écosse
2 231
Nouveau-brunswick
2 389
Québec
2 253
Ontario
2 614
manitoba
2 547
saskatchewan
2 352
alberta
2 400
Colombie-britannique 0
500
2 631 1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
/habitant (en dollars) Source : Santé Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, Rapport intégral (Ottawa, Santé Canada, Direction générale des politiques et de la consultation, janvier 1996), tableau 15B.
Les dépenses de santé totales du secteur privé
Les statistiques de Santé Canada sur les dépenses de santé du secteur privé englobent divers services non assurés ou assurés par des compagnies privées. L’estimation des dépenses du secteur privé est en fait fondée sur le calcul de la différence entre le total estimatif des dépenses de santé et la somme des dépenses des provinces et des autres composantes du secteur public. Même si l’on s’attache actuellement à recueillir des chiffres plus complets, la plupart des provinces ne possèdent pas encore de données de qualité sur les dépenses du secteur privé (montant et affectation des fonds). En ce qui a trait aux dépenses de santé du secteur privé, celles-ci ont diminué, entre 1975 et 1994, dans presque toutes les catégories, y compris celle des médecins. Les seules exceptions sont les hôpitaux, dont les dépenses ont grimpé de 10,9 % à 13,7 %, et la catégorie des « autres dépenses », incluant les primes payées à l’étranger, qui est passée de 13,1 % à 15,9 %94.
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Raisa Deber et al. – Le financement des soins de santé : le partage
Figure 5 Dépenses de santé en pourcentage du PIB des provinces, 1994 9,7
Canada Terre-Neuve
13,5 12,7
Île-du-Prince-édouard Nouvelle-écosse
11,3
Nouveau-brunswick
12,1
Québec
10,0
Ontario
9,5
manitoba
11,5
saskatchewan
10,3
alberta
7,9
Colombie-britannique 0
2
4
9,7 6
8
10
12
14
16
(%) Source : Santé Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, Rapport intégral (Ottawa, Santé Canada, Direction générale des politiques et de la consultation, janvier 1996), tableau 27.
Nous avons communiqué avec chaque province et territoire pour obtenir des données sur le financement privé, mais ces données étaient inexistantes. Comme on pouvait s’y attendre, les petites provinces avaient une meilleure idée de l’ampleur de ces dépenses (plutôt modestes). Aucune des provinces ne semblait accorder une priorité élevée à l’étude du rôle du secteur privé. Elles ne semblaient pas non plus prendre un grand intérêt à suivre l’évolution de la situation après la désassurance de certains services. (Comment, par exemple, ont évolué les tarifs et les coûts de l’examen de la vue dans les provinces où ces services ont été désassurés ?) Si l’on convient que les dépenses du secteur privé ont été une façon d’atténuer la pression sur les finances publiques, il n’est pas sans intérêt d’examiner les données. Nous avons utilisé les chiffres de l’OCDE pour le Canada, de 1971 à 1993, afin d’établir la corrélation entre le pourcentage du PIB consacré aux dépenses de santé et le pourcentage des dépenses de santé provenant de sources publiques. La corrélation était de – 0,664, la pente vers la ligne de régression se fixant à – 0,49, ce qui montre qu’un pourcentage moins élevé des dépenses de santé publiques correspond à un pourcentage plus élevé du PIB consacré au secteur de la santé (figure 6). Si la corrélation n’est pas un lien de causalité, les faits montrent, encore une fois, que le financement privé n’est pas aussi efficace sur le plan économique. À tout le moins, on peut en déduire que l’accroissement des dépenses privées n’aura vraisemblablement pas pour effet de limiter les coûts globaux.
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Figure 6 Dépenses de santé en pourcentage du PIB et dépenses privées 11
% du Pib
10
9
8
7
6 20
22
24
26
28
30
dépenses privées (en %)
Les dépenses de santé par secteur particulier
Indemnisation des accidentés du travail – L’évolution des dépenses de santé versées par les commissions des accidents du travail, par catégorie, de 1975 à 1994, montre que si les dépenses d’hospitalisation ont grimpé de 74,9 millions à 206,9 millions de dollars, la proportion des dépenses totales imputables aux hôpitaux a chuté de 61,9 % à 35,8 % (tableau 8). Les services médicaux ont régressé quelque peu pour se situer à 21,0 % des dépenses, par rapport à 23,8 %. Les plus grandes augmentations se rapportent aux autres professionnels de la santé (de 7,2 % à 17,7 %), aux médicaments (de 1,6 % à 6,9 %) et aux autres dépenses (de 5,4 % à 18,5 %)95. Assurance-maladie privée – À titre indicatif de la croissance de l’industrie de l’assurance privée, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (qui représente les compagnies d’assurance à but lucratif) soutient que le total des primes d’assurance-maladie au Canada, pour toutes les compagnies d’assurances, s’élevait en 1993 à six milliards de dollars, dont 86 % provenaient de contrats d’assurance collective auxquels avaient souscrit des employeurs, des syndicats et autres organismes de parrainage. Les primes de groupe ont grimpé de 1,6 milliard de dollars en 1980 à 5,1 milliards en 1993, et les primes payées par des particuliers sont passées de 221 millions de dollars à 876 millions. D’après l’Association, l’actif total, à la fin de 1993, était au moins quatre fois plus élevé qu’à la fin de 1980, témoignant de la rapide expansion de l’industrie de l’assurance privée96.
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Tableau 8 Année Hôpitaux Autres Médecins Autres Médicaments Capitaux Autres Total (%) établissements (%) professionnels (%) (%) dépenses (en millions (%) (%) (%) de dollars) 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
61,9 61,1 60,6 61,6 58,8 53,5 52,8 54,6 53,5 56,3 53,9 53,9 52,0 49,8 49,3 44,0 40,7 37,6 36,0
0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,0 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1
23,8 23,4 23,2 22,1 23,7 24,2 23,2 18,4 18,4 18,9 23,4 21,2 20,6 21,2 20,3 21,1 18,6 19,8 20,9
7,2 7,4 8,1 8,1 8,7 9,2 8,6 7,4 7,3 6,9 6,9 8,6 9,8 10,6 11,5 13,7 17,7 18,5 17,6
1,6 1,6 1,6 1,6 1,7 2,0 2,1 2,5 2,9 3,2 3,2 4,1 4,6 4,9 5,0 5,4 5,8 6,4 7,0
– – – – – – – – – – – – – – – – – – –
5,4 6,4 6,4 6,6 7,1 11,1 13,2 17,1 17,9 14,7 12,5 12,1 13,0 13,5 13,8 15,7 17,0 17,6 18,4
121,1 141,9 153,1 173,8 184,9 211,0 289,0 300,2 310,5 339,3 388,8 369,0 385,5 427,7 453,3 510,8 569,8 592,6 578,4
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1994 35,8 0,1 21,0 17,7 6,9 – 18,5 578,1 Source : Santé Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, Rapport intégral (Ottawa, Santé Canada, Direction générale des politiques et de la consultation, janvier 1996), tableaux 9A et 9C.
Raisa Deber et al. – Le financement des soins de santé : le partage
Dépenses de santé versées par les commissions des accidents du travail, par catégorie, Canada, 1975-1994
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Le coût des prestations supplémentaires pour les employeurs de la seule province de l’Ontario est considérable : 30 gros employeurs (regroupant 350 000 employés) prévoyaient de payer environ un milliard de dollars en 1995 pour les avantages sociaux des employés et l’impôt-santé de l’employeur, signalant une augmentation de 100 millions de dollars à ce titre depuis 1994. Comme on l’a déjà vu, l’impôt-santé des employeurs est censé représenter une autre source de recettes générales, plutôt qu’une forme de déplacement des coûts. Toutefois, ce groupe d’employeurs a déclaré que, de 1990 à 1994, les coûts des prestations d’assurance-maladie et des soins dentaires avaient augmenté de 74 % (sur une période où le taux d’inflation général s’élevait à 9 %). Ainsi, l’aptitude de ce modèle de financement à contrôler (plutôt qu’à déplacer) les coûts est pour le moins douteuse. Les grands employeurs ont d’ailleurs demandé au gouvernement de l’Ontario de consulter l’industrie afin de réaliser des économies au moyen d’une plus grande efficacité plutôt que par des pratiques de déplacement des coûts97. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes estime que plus de 20 millions de Canadiens étaient protégés, en 1994, par des régimes complé mentaires d’assurance-maladie et d’assurance dentaire de groupe98. Le partage entre les secteurs public et privé pour 1992 est résumé par souscatégories au tableau 9.
Prestation
La prestation, au Canada, est dominée par le secteur privé, constitué en grande partie de médecins indépendants, d’organismes à but non lucratif et d’hôpitaux univer sitaires, ainsi que d’un ensemble de cliniques et autres fournisseurs, à but lucratif ou non. Jusqu’aux récentes réformes régionales dans de nombreuses provinces, la plupart des hôpitaux canadiens appartenaient à des organisations bénévoles, à des pouvoirs municipaux et provinciaux ou à des ordres religieux. Ils étaient en général gouvernés par des conseils d’administration formés de bénévoles volontaires. Dans bien des provinces, ces conseils ont été regroupés en conseils régionaux dont les membres étaient nommés par les gouvernements provinciaux ou élus par la population locale. Moins de 5 % des hôpitaux appartiennent à des intérêts privés. Ces derniers offrent des soins de longue durée ou des traitements facultatifs et bénéficient souvent d’un financement public.
Affectation
Le système de santé du Canada est administré par les gouvernements provinciaux et territoriaux. L’affectation des fonds aux hôpitaux a été structurée d’après des modèles planifiés, à réglementation directe, c’est-à-dire des budgets globaux prévoyant une gamme de services particuliers. L’affectation aux médecins et aux autres fournisseurs rémunérés à l’acte (p. ex. cliniques de consultation sans rendez-vous, physiothé rapeutes, etc.) est fondée sur le modèle de l’affectation en fonction du marché, selon lequel les fournisseurs sont remboursés en fonction du volume et de la gamme de
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Dépenses de santé par sous-catégorie de dépenses, Canada, 1992 Sous-catégorie Secteur public Secteur privé % public % privé Total (en millions (en millions (en millions de dollars) de dollars) de dollars) Hôpitaux
24 369,1
Autres établissements Médecins/psychologues Autres professionnels : – dentistes/denturologistes Autres : – chiropraticiens – optométristes/orthoptistes – podiatres – ostéopraticiens/naturopathes – infirmières en service privé – physiothérapeutes Médicaments : – prescrits – en vente libre – fournitures personnelles
4 944,2 10 368,7 965,7 326,8 638,9 198,2 205,6 18,7 2,4 4,5 209,4 2 862,6 2 862,6 0,0 0,0
2 408,9 1 889,9 95,2 4,947,2 4 269,8 677,4 – – – – – – 5 589,0 3 187,5 1 122,7 1 278,8
91,0 72,3 99,1 16,3 7,1 48,5
9,0 27,7 0,9 83,7 92,9 51,5
26 778,0 6 834,1 10 464,0 5 912,9 4 596,6 1 316,3
33,9 47,3 0,0 0,0
66,1 52,7 100,0 100,0
8 451,6 6 050,1 1 122,7 1 278,8
Raisa Deber et al. – Le financement des soins de santé : le partage
Tableau 9
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Sous-catégorie Secteur public Secteur privé % public % privé Total (en millions (en millions (en millions de dollars) de dollars) de dollars)
Note : Les lignes en caractères gras donnent les totaux ; les autres lignes subdivisent les catégories, en donnant davantage de détails.
LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
Capitaux 1 721,4 557,1 75,5 24,5 2 278,5 Autres dépenses : 6 646,2 2 666,8 71,4 28,6 9 313,0 – soins à domicile 915,6 – – ambulance 783,2 – – lunettes 18,1 1 295,3 1,4 98,6 1 313,4 – appareils auditifs 11,9 – – appareils sanitaires 294,0 – – services, non précisés 216,9 – – gestions des paiements anticipés 416,3 808,2 34,0 66,0 1 224,5 – santé publique 3 280,5 – – recherche 463,8 264,2 63,7 36,3 728,0 – soins de santé, divers 245,8 – – soins privés, autres – 299,2 Toutes catégories 51 877,9 18 154,1 74,1 25,9 70 032,0 Source : Santé Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada 1975-1994, Rapport intégral (Ottawa, Santé Canada, Direction générale des politiques et de la consultation, janvier 1996), tableau 13A.
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Tableau 9 (suite)
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Raisa Deber et al. – Le financement des soins de santé : le partage
493
services offerts. Bien que la plupart des provinces imposent désormais des plafonds, la répartition des fonds entre les médecins continue d’obéir à certaines forces du marché, car les modèles de capitation sont aussi axés sur le marché (ce qui présente l’avantage de limiter le montant total à répartir). À l’heure actuelle, les honoraires des médecins, dans la plupart des provinces, sont négociés entre les associations médicales et les gouvernements provinciaux. Les modèles de soins dirigés instituent un barrage institutionnel entre le patient et le fournisseur. Tous ces régimes pourraient donner lieu à une sélection en fonction du risque. ÉTUDES DE CAS SE RAPPORTANT À DIFFÉRENTS MODÈLES
Dans la présente section, nous décrivons quelques exemples de partage entre les secteurs public et privé qui illustrent le fonctionnement de modèles particuliers. Les hôpitaux
Les hôpitaux du Canada ont adopté le modèle de prestation IV (prestation prin cipalement privée, mais fortement réglementée par le secteur public) et reçu leurs budgets dans le cadre d’une affectation planifiée, à réglementation directe, même si les exigences de rendement ont été relativement peu nombreuses. Comme nous l’avons indiqué dans la section « Le cas du Canada », les hôpitaux sont de loin le poste budgétaire le plus important du système de santé du Canada, accaparant 37 % des dépenses totales de santé en 1994. Les décideurs conviennent que le Canada a accordé une trop grande place aux soins hospitaliers de courte durée, dans une large mesure en raison du champ d’application de l’assurance-maladie99. Par comparaison avec les autres pays, par exemple, le Canada a fait un usage relativement intensif des lits d’hôpitaux. En 1989, on comptait au Canada 6,7 lits de malades hospitalisés par tranche de 1 000 habitants, par comparaison avec 6,4 aux États-Unis et 4,8 au Royaume-Uni. Pour les lits de soins de courte durée, les ratios étaient de 4,3 pour 1 000 habitants au Canada, contre 3,6 aux États-Unis et 2,8 au Royaume-Uni100. Plus récemment, ce ratio a décliné rapidement. Il existe un certain nombre de problèmes systémiques dans le secteur hospitalier au Canada. Bon nombre d’entre eux sont issus d’innovations technologiques, qui ont entraîné des changements considérables dans le mode de fonctionnement des hôpitaux. Les nouvelles technologies ont transformé les modes de prestation de soins. Certaines pathologies peuvent être traitées par des médicaments, plutôt que par des opérations chirurgicales, et des technologies peu envahissantes permettent désormais de traiter des patients à l’externe. Par conséquent, la durée des séjours à l’hôpital a diminué considérablement, et bon nombre d’interventions peuvent se faire dans le cadre de services de chirurgie d’un jour (de 70 % à 80 % dans certains hôpitaux). Il convient de prendre conscience que ces solutions de remplacement (p. ex. médicaments, soins à domicile) ne sont pas nécessairement définies comme des services assurés aux termes de la Loi canadienne sur la santé, ce qui signifie que les gouvernements provinciaux sont de plus en plus en mesure de soustraire leur régime public au coût de certains
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soins. Par exemple, la chirurgie dentaire a presque disparu des hôpitaux, ce qui rend désuètes les dispositions de la Loi exigeant que ces services soient assurés lorsqu’ils sont dispensés à l’hôpital. Ces changements technologiques expliquent aussi pourquoi les patients admis à l’hôpital sont en général plus malades, et il en coûte plus cher pour les traiter. Certaines provinces ont tenté d’encourager le remplacement des services insti tutionnels par des services communautaires, en créant des services de soins à domicile financés par l’État. Même si on considère en général que le déplacement des soins vers la collectivité permet de réaliser des économies nettes, les faits ne sont pas si clairs. Certains facteurs, comme la nécessité de prévoir du temps de déplacement pour les fournisseurs, tendent à réduire la productivité et, partant, à accroître les coûts. De nombreuses personnes sont maintenant traitées à domicile, alors qu’elles n’auraient jamais été admises en établissement101. Quoi qu’il en soit, ces modèles pourraient effectivement donner lieu à des économies à long terme s’ils permettaient d’éviter aux provinces de construire de nouveaux établissements et d’en payer l’entretien. D’autres types d’économies peuvent être illusoires, comme celles qui découlent de salaires moins élevés payés par les organismes communautaires, en particulier si une nouvelle affectation oblige ensuite à redresser les taux salariaux. Si le déplacement des soins vers la collectivité correspond à une privatisation par attrition ou à l’abandon de groupes nécessiteux, on peut alors parler de déplacement plutôt que de contrôle des coûts. Un bon exemple de déplacement des coûts est le recours à l’assurance privée et au paiement direct pour les services communautaires non couverts par le régime public (comme l’illustre l’hôpital extra-muros ou « l’hôpital à domicile » au NouveauBrunswick). Un autre exemple, plus contestable, est le remplacement des travailleurs rémunérés (p. ex. infirmières) par des personnes non rémunérées (souvent des membres de la famille). Un exemple classique du processus, à ne pas imiter, est la désinstitutionnalisation des soins de santé mentale sans que l’on ait créé au préalable des services communautaires adéquats. Dans ce cas, des préjudices considérables ont été causés, et certains coûts de santé mentale ont fini par être déplacés vers les services correctionnels. Signalons une autre réforme qui s’est attachée à optimiser l’utilisation des services communautaires, soit l’établissement de guichets uniques pour l’accès aux soins de longue durée. Le modèle des organismes polyvalents proposé en Ontario, pour la réforme des soins de longue durée (désignant surtout les soins à domicile et les services de soutien), faisait figure d’exception dans le climat actuel, du fait qu’il visait à remplacer la prestation privée par une prestation quasi publique, tout en permettant la désassurance de ces services en les mettant hors de la portée de la Loi canadienne sur la santé102. La mise en place des organismes polyvalents a été stoppée par le gou vernement conservateur actuel de l’Ontario, et c’est peut-être une bonne chose, étant donné que les modèles examinés dans notre document montrent que ces réformes ont le plus souvent pour effet d’accroître les coûts, de réduire l’accès aux services nécessaires, ou les deux à la fois.
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Les personnes qui s’intéressent à la santé de la population et aux déterminants de la santé soulignent que les soins médicaux ne sont pas le facteur le plus important de l’état de santé des populations et qu’il peut être plus rentable de concentrer les ressources marginales sur des programmes extérieurs au système de santé traditionnel (p. ex. nutrition, sécurité routière, mesures antitabac, etc.)103. Même dans le domaine des soins médicaux, toutefois, alors que les soins ont été déplacés vers la collectivité, les ressources n’ont pas toujours suivi. La plupart des provinces signalent le problème des « chasses gardées » pour dénoncer les mécanismes de financement qui rendent difficile le transfert de fonds d’un organisme (ou d’un ensemble d’activités) à un autre. Les réformes régionales sont souvent un moyen de contrer ce problème : en effet, un budget global pour les hôpitaux et pour les services communautaires permet aux conseils régionaux de réaffecter les ressources de manière à obtenir un maximum d’avantages pour la santé. Ces réformes ne sont pas toujours populaires, car une bonne partie de la population locale souhaite conserver une solide infrastructure hospitalière, mais elles ont été fortement encouragées par les gouvernements provinciaux et par les réformateurs de la santé. Comme on l’a vu dans la section intitulée « Cadres de prise de décisions », ces budgets globaux peuvent faciliter l’adoption de nouvelles méthodes de détermination des soins médicalement nécessaires. Pour la même période, d’autres facteurs ont pesé lourd sur les budgets des hôpitaux. Par exemple, de nombreuses provinces ont voulu augmenter les salaires des travailleurs hospitaliers, en majorité des femmes, en raison du fait que leur rémunération était demeurée relativement peu élevée dans les années ayant précédé l’instauration de l’assurance-maladie. Il fallait aussi acquérir des nouvelles technologies coûteuses en respectant des budgets assez limités. En outre, les hôpitaux construits durant les années d’abondance qui ont suivi l’adoption de l’assurance-hospitalisation se trouvent aujourd’hui dans un état qui exigerait d’importantes sommes d’argent pour assurer leur maintenance. En répondant à ces besoins tout en essayant de limiter les ressources accordées au secteur hospitalier, on a pu constater que « le train-train habituel » entraîne la médiocrité. De nombreux administrateurs hospitaliers ont l’impression de « mourir à petit feu » et craignent que la qualité des soins et l’accès en temps raisonnable soient compromis. Il est bien connu que des tendances analogues, sur les plans technologiques et financiers, ont obligé la plupart des pays industrialisés à envisager de réduire ce que l’on considère comme une surcapacité d’hôpitaux et de lits d’hôpitaux. Néanmoins, on assiste partout à une forte résistance à la perspective d’une réduction de l’échelle de ce secteur. Les gens sont fiers des installations qu’ils ont construites, et les travailleurs hospitaliers – on les comprend – souhaitent conserver leur emploi. On a eu recours à plusieurs mécanismes pour essayer de réduire la capacité excédentaire, que ce soit en laissant libre cours aux forces du marché (p. ex. clivage acheteur-fournisseur) ou, à l’opposé, aux directives de planification. Ces mesures n’ont pas toujours été efficaces. L’Ontario nous offre un exemple extrême. Au cours des dernières décennies, la réduction d’échelle a entraîné la fermeture de milliers de lits d’hôpitaux dans la province, sans presque aucun changement dans le nombre d’hôpitaux. Les dirigeants
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politiques ont reculé devant les vives réactions qu’a suscitées la tentative de Frank Miller, alors ministre de la Santé au sein du gouvernement conservateur, de réduire le nombre d’hôpitaux dans les années 1970. On connaît la suite : le ministre a subi des attaques de toutes parts, le gouvernement minoritaire a failli se faire renverser, et les tribunaux ont statué que le gouvernement n’avait pas le pouvoir, sous le régime de la loi en vigueur, de fermer des hôpitaux104. Depuis cette époque, dans de nombreuses municipalités qui n’ont en réalité besoin que d’un seul hôpital, l’établissement catholique et l’établissement public, coexistant dans la même rue, se livrent bataille pour obtenir des programmes. L’essai de fusion volontaire entre le Women’s College Hospital et le Toronto Hospital a mené à la révolte du personnel médical et d’une partie du conseil d’administration du premier hôpital, aboutissant à la démission du PDG de l’hôpital et au remplacement de la faction du conseil qui était en faveur de la fusion105. Les hôpitaux potentiellement excédentaires, aux installations dégradées, ont malgré tout réussi à exercer suffisamment de pressions politiques pour obtenir du gouvernement des fonds de reconstruction. D’autres hôpitaux ont accumulé des déficits et ont été renfloués par le gouvernement de l’Ontario. Plus récemment, le gouvernement a davantage respecté ses objectifs budgétaires, mais le plus souvent par des mécanismes de réduction des services (en obligeant les travailleurs à prendre des congés non rémunérés), sans régler les problèmes structurels et sans trop s’interroger sur la façon d’absorber « les économies » une fois que le prétendu contrat social arriverait à échéance. Déjà, on s’inquiète du déclin de la qualité des services, et certains soutiennent même que les listes d’attente pour des interventions à coûts marginaux élevés (p. ex. arthroplastie de la hanche) ont pris des proportions inacceptables dans certaines provinces. De nombreux administrateurs ne savent plus à quel saint se vouer pour maintenir la qualité, alors que la province continue de réduire les budgets pour atteindre ses objectifs financiers. En 1996, le gouvernement de l’Ontario, dans sa loi omnibus, a donné au ministre le pouvoir de fermer des hôpitaux lorsque cette mesure était jugée d’intérêt public par le cabinet106 et a délégué ce pouvoir au nouveau Comité de restructuration des services de santé. Le degré d’application de cette mesure, toutefois, demeure incertain. Par contraste, le Québec et l’Alberta ont mis en branle une vaste restructuration des soins hospitaliers, dont les effets ultimes n’ont pas encore été évalués. Les pressions financières que subissent les gouvernements provinciaux, la part disproportionnée qu’accaparent les hôpitaux dans les budgets de la santé, et la recon naissance des déséquilibres dans le continuum des soins ont été les principaux facteurs de changement dans le secteur hospitalier. Comme les gouvernements cherchent à encourager une administration plus efficace des hôpitaux et qu’ils font porter les efforts sur des soins moins coûteux que les soins de courte durée en milieu hospitalier, ils se sont mis à intervenir davantage dans la gestion et la planification du système hospitalier. À une époque où les ressources étaient réparties en fonction d’un modèle de réglementation directe, le degré d’intervention de l’État se limitait surtout aux décisions concernant le montant global à dépenser chaque année pour les soins hospitaliers. À vrai dire, au milieu des années 1980, la plupart des provinces avaient remplacé les budgets détaillés par des budgets globaux en vue d’accroître la souplesse des hôpitaux et la capacité de planification, pour ainsi en arriver à un meilleur contrôle
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des coûts. Avec le temps, le modèle de réglementation directe, mais peu structuré, a commencé à perdre du terrain, et de nombreux gouvernements provinciaux sont intervenus davantage, ayant recours à des mesures pour modifier les systèmes de remboursement des hôpitaux, provoquer des fermetures et des fusions d’hôpitaux et réaffecter les ressources en privilégiant les soins communautaires au détriment des soins offerts en établissement. Deber et ses collègues en arrivent à la conclusion que, même si toutes ces réformes n’ont pas fait l’objet d’une évaluation en profondeur, l’abandon progressif des soins hospitaliers au profit des soins communautaires n’en soulève pas moins des inquiétudes : • L’évolution équivaut souvent à une transition du modèle d’affectation, passant de budgets globaux limités et bien contrôlés (comme ceux des services hospitaliers) à des dépenses axées sur les volumes. • Le déplacement des coûts vers des payeurs multiples pourrait nuire encore davantage à la maîtrise des coûts107. Un des grands avantages des modèles à enveloppe régionale, c’est qu’ils peuvent appliquer à une vaste gamme de services les contrôles globaux auxquels on avait recours dans le secteur hospitalier.
Les cliniques privées
Par le passé, les cliniques privées étaient un exemple de financement de services spécialisés et facultatifs par le secteur privé, alors que le secteur public était le seul responsable du financement d’une gamme complète de services. On peut interpréter la multiplication des cliniques privées comme une transition vers un modèle où le secteur privé pourrait en arriver à concurrencer le secteur public sur un marché de plusieurs fournisseurs de services de santé. Comme nous l’avons vu dans la section intitulée « Le cas du Canada », plus de 28 % des dépenses de santé totales sont maintenant financées au moyen de sources privées. Ces dépenses s’appliquent surtout à des médicaments, à des services paramédicaux, à la chirurgie esthétique, à certains types de chirurgie des yeux, à des soins de longue durée et à des soins dentaires. Bien sûr, historiquement, les personnes qui pouvaient se le permettre avaient toujours la possibilité d’obtenir les services assurés dans d’autres pays ou même dans des cliniques privées du Canada, mais l’existence de services «gratuits » de qualité et l’obligation pour le patient de payer lui-même les frais additionnels limitaient considérablement ce marché. On assiste toutefois actuellement à une tendance selon laquelle les patients se tournent de plus en plus vers le secteur privé pour obtenir des services traditionnellement couverts par l’assurance-maladie, soit parce que les listes d’attente sont trop longues, soit parce que les gouvernements refusent d’acquérir les technologies souhaitées par les médecins et par les patients. Il est donc plus fréquent que des patients s’adressent à une clinique privée pour faire soigner des muscles déchirés à l’épaule ou pour passer un examen d’imagerie par résonance magnétique, même si ces traitements sont assurés et offerts dans les hôpitaux publics.
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On ne s’entend pas sur ce qui constitue une clinique privée ni sur le nombre de ces cliniques au Canada. Selon une estimation, il pourrait y en avoir 300. Jusqu’à récemment, ces cliniques pratiquaient surtout des interventions simples et des traitements tels que des avortements, des fécondations in vitro et des opérations des yeux au laser. On se propose actuellement de construire des petits hôpitaux privés ou des centres chirurgicaux autonomes offrant des traitements plus complexes, comme des opérations de la vésicule biliaire, des arthroplasties de la hanche et du genou et même des services d’urgence. Pour les traitements non couverts par les programmes d’assurance provinciaux, les patients doivent assumer eux-mêmes la totalité des coûts. Dans le cas des services assurés, les médecins présentent leurs factures à la province, et les patients sont tenus de payer les frais d’équipement supplémentaires, pouvant aller de 200 $ à 1 300 $108. Cette pratique de surfacturation est jugée contraire à la Loi canadienne sur la santé, et le gouvernement fédéral a réduit le montant des transferts aux provinces qui l’autorisent. Selon une tendance quelque peu inquiétante, des hôpitaux n’ayant pas les fonds nécessaires pour utiliser pleinement leur coûteux équipements vendent une capacité « excédentaire », en dépit des listes d’attente pour les soins visés. À Toronto, l’hôpital St. Michael a permis à des personnes de court-circuiter la liste d’attente en passant par une compagnie d’assurance privée. L’hôpital Mineral Springs de Banff négocie actuellement avec un organisme américain de prestation de soins une entente portant sur des services chirurgicaux ambulatoires, en vertu de laquelle les patients américains peuvent jumeler un séjour dans un hôtel de Banff avec une chirurgie orthopédique mineure. L’hôpital justifie cette pratique en soutenant que c’est le seul moyen dont il dispose pour conserver sur place un chirurgien-orthopédiste dans une région où les budgets répartis par l’administration régionale de la santé ne lui permettraient pas d’offrir ce service. L’hôpital Cardston, en Alberta, fait la publicité de ses services de gastroplastie aux États-Unis. Les deux centres d’imagerie par résonance magnétique de Colombie-Britannique sont des exemples typiques de la nouvelle génération de cliniques privées109. L’ouverture de ces cliniques a été provoquée par la décision du gouvernement provincial de réduire les budgets d’acquisition d’appareils chez les fournisseurs du secteur public. Même si l’on prévoit actuellement d’acquérir d’autres appareils d’imagerie par résonance magnétique, on ne compte actuellement au Canada qu’un seul appareil pour 700 000 ou 800 000 personnes, comparativement à un appareil pour 90 000 personnes aux ÉtatsUnis. Certes, le nombre d’appareils est moins important que le nombre d’examens, mais certains patients de la Colombie-Britannique n’hésitent pas à traverser la frontière pour se rendre dans l’État de Washington afin d’y subir des examens. Les cliniques d’imagerie par résonance magnétique coûtent entre un et trois millions de dollars, mais leur rendement peut atteindre 60 % de l’investissement. En 1995, les cliniques privées de la Colombie-Britannique demandaient 750 $ pour une image produite par résonance magnétique, accompagnée de l’interprétation d’un radiologiste. Ce prix était nettement inférieur à celui des cliniques américaines avoisinantes, qui demandaient
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1 600 $ CAN pour un service semblable, sans compter les coûts de déplacement et d’hébergement, pour les patients canadiens, ni les fluctuations des taux de change. Du point de vue du consommateur canadien, les services de santé privés ont l’avantage d’éviter aux patients une attente de plusieurs mois pour un service offert dans des hôpitaux publics déjà surchargés. Les cliniques privées sont souvent dotées d’un équipement ultramoderne et accordent une plus grande importance au confort du client et à la commodité. Ce qui incite les entrepreneurs à investir dans des cliniques privées, c’est la possibilité de pénétrer sur un marché de 72 milliards de dollars et d’y trouver des rendements intéressants sur leur investissement. D’ailleurs, un certain nombre de cliniques ont été ouvertes par des médecins insatisfaits du manque de privilèges et d’installations dans les établissements publics. Ainsi, la création de centres chirurgicaux a été occasionnée par une baisse importante des privilèges des chirurgiens à l’égard des salles d’opération pour les interventions non urgentes ou facultatives, à un moment où les hôpitaux s’emploient à rationaliser leurs activités. La concurrence entre les services à financement privé et public soulève des interrogations sur la viabilité à long terme du système public, la qualité des soins offerts par le secteur privé et la limitation globale des coûts des soins de santé. Trois grandes questions peuvent se poser lorsqu’un accès préférentiel est accordé aux « clients qui paient ». Premièrement, ces clients sont en général fortement subventionnés par le système public. La facture porte rarement sur les coûts complets (incluant la formation) et est fondée le plus souvent sur les coûts différentiels de l’ajout d’un autre patient. En outre, les clients privés entraînent souvent des coûts pour le système public (laboratoires, visites de suivi, etc.), dont les frais médicaux liés aux complications éventuelles. Les coûts possibles pour le secteur public peuvent être particulièrement élevés dans le cas des interventions à risque ou expérimentales (p. ex. gastroplastie). L’Association des consommateurs du Canada (Alberta) a déterminé que les coûts cachés de ces services incluent les primes d’assurance contre la faute professionnelle que doivent payer tous les médecins110. Deuxièmement, toutes les provinces ne sont pas nécessairement dotées des mécanismes voulus pour assurer la qualité des soins dans les cliniques privées. (La Loi sur les établissements de santé autonomes de l’Ontario est un exemple de mécanisme législatif.) Le problème est certes provisoire, car rien n’empêche de créer un processus d’accréditation comme celui qui est utilisé pour les hôpitaux, mais il obligera sans doute les provinces à intervenir. Troisièmement, et plus fondamentalement peut-être, le recours au secteur privé s’accompagne d’un risque non négligeable, celui de détourner des ressources des services publics assurés et, par conséquent, de les appauvrir. Par exemple, les médecins pourraient décider de consacrer plus de temps aux patients du secteur privé, favorisant ainsi l’allongement des listes d’attente pour les soins « gratuits ». Les quelques données que nous possédons à ce sujet portent à croire que ces craintes pourraient bien être fondées. Une étude sur la chirurgie de la cataracte, menée par l’Association des consommateurs du Canada (Alberta), a montré que l’attente, pour les patients dont l’ophtalmologiste ne pratiquait que dans un cadre public, était en moyenne de deux à six semaines111. Seuls les patients dont l’ophtalmologiste avait une double pratique
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pouvaient attendre jusqu’à 18 mois pour une opération « gratuite ». Le paiement de frais d’équipement pouvait réduire l’attente de deux à quatre semaines. Dans une clinique, cependant, si le médecin traitant avait effectué les tests nécessaires, l’opération pouvait être pratiquée le jour même de l’évaluation clinique initiale. Ces résultats montrent que le problème des listes d’attente signalé par les tenants des cliniques privées peut être en partie artificiel, car les listes ne semblent apparaître que si un deuxième niveau est autorisé. Toutefois, les résultats soulèvent aussi un certain nombre de questions. Quel mécanisme existe-t-il pour atténuer les conflits d’intérêts inhérents aux cliniques qui affirment que ces pratiques sont « nécessaires » pour accroître les recettes ? Le Centre d’élaboration et d’évaluation de la politique de la santé du Manitoba a examiné la situation relative à la chirurgie de la cataracte au Manitoba, où l’on trouve trois cliniques privées. Entre 1990-1991 et 1994-1995, on a assisté à une augmentation rapide du nombre de ces opérations, tant dans le secteur public (de 3 556 à 5 222) que dans le secteur privé (de 284 à 692), ce qui montre que la croissance du secteur privé ne peut s’expliquer par des réductions ou des limitations à l’intérieur du secteur public. Le Centre signale également que les patients des cliniques privées ont dû payer jusqu’à 1 270 $ pour cette opération, soit environ le double du coût estimatif de l’opération dans un hôpital public, et qu’au moins le tiers des Manitobains ayant payé leur chirurgie de la cataracte en 1993-1994 venaient des quartiers à faible revenu de Winnipeg. Des questions d’équité s’ajoutent donc aux préoccupations concernant la hausse des coûts112. La variation bien connue des tarifs chirurgicaux d’une province à l’autre soulève aussi des préoccupations, en particulier lorsqu’on a tendance à offrir des services non essentiels. Bien qu’il soit difficile de déterminer un tarif « juste », les chiffres du tableau 10 montrent que le prix d’une chirurgie de la cataracte en Alberta, où se trouve la célèbre clinique ophtalmologiste privée Gimbel, est considérablement plus élevé que dans les autres provinces. On peut donc se demander si les cliniques privées répondent à des besoins qui ne seraient pas comblés autrement ou si elles ne contribuent pas tout simplement à accroître la demande. On peut par ailleurs se demander si l’existence de services financés par des sources privées permettra au secteur public de se « décharger » d’une partie de son fardeau, en accordant moins de ressources à ces soins et en créant ainsi, par un effet de Pygmalion, des pénuries. Encore une fois, les États-Unis nous donnent un exemple qui devrait inciter à la prudence : 25 % des médecins refusent tout simplement de traiter les patients du programme Medicaid, tandis que les deux tiers des autres en limitent le nombre. Par conséquent, les patients assujettis peuvent à l’occasion être privés des soins113. On a souvent justifié le recours aux cliniques à financement privé en invoquant des arguments qui ne s’appliquent qu’à la prestation privée (p. ex. ces cliniques sont plus innovantes). Ce genre d’arguments mène à la confusion. En effet, rien ne s’oppose à ce que ces cliniques existent dans le système financé par l’État, si le gouvernement décide d’en faire une priorité. S’il existe effectivement une pénurie de services médicalement nécessaires, la solution logique serait de réaffecter les ressources, de manière à offrir des soins de qualité, selon les besoins, sans longue période d’attente. Comme nous le montrons dans notre rapport, les faits indiquent que l’adoption sporadique d’options
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Tableau 10
Province 1982-1983 1983-1984 1984-1985 1985-1986 1986-1987b 1987-1988b 1988-1989 1989-1990 1990-1991b Changement annuel moyen (en %),
1982-1983 à 1990-1991
Terre-Neuve
1,88
2,53
2,57
3,85
6,05
7,97
9,17
10,20
9,57
Î.-P.-É.
4,04
4,40
6,31
8,18
n.d.
n.d.
6,86
5,42
n.d.
22,72 n.p.
N.-É.
6,00
5,79
6,63
7,98
9,18
9,42
11,05
12,05
12,69
10,03
N.-Brunswick 6,19
5,58
6,74
6,21
7,26
7,97
10,00
11,05
11,60
8,17
Québec
4,95
6,12
6,50
6,72
7,55
6,12
7,27
6,36
10,55
9,92
Ontario
6,07
6,85
7,80
6,76
9,71
10,65
11,62
12,51
13,16
10,13
Manitoba
8,38
7,17
7,81
6,19
10,12
10,69
10,72
11,74
11,34
7,50
Saskatchewan 5,21
5,79
6,62
6,99
7,20
7,38
9,97
14,05
15,64
14,91
Alberta
7,10
6,54
9,05
11,10
12,41
13,99
14,64
16,31
21,00
14,36
C.-B.
5,87
6,17
9,60
10,37
11,49
11,95
12,62
14,16
16,34
13,65
Total
5,71
6,76
7,54
8,39
9,35
9,67
10,64
11,84
13,43
11,28
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Source : W. Armstrong, 1996, communication personnelle. n.d. = non disponible ; n.p. = non pertinent. a Habitants admissibles = hommes et femmes de 45 ans et plus. Les taux pour 1 000 personnes de plus de 45 ans ont été révisés en fonction des nouvelles estimations de Statistique Canada. b Les données de 1986-1987, 1987-1988 et 1990-1991 n’incluent pas l’Île-du-Prince-Édouard. Remarques : 1. Ces données font état des services payés à l’acte, remboursés aux médecins par le régime de leur province, pour les chirurgies de la cataracte faites aux résidents de la province. Les données sont compilées suivant la date de paiement. 2. Ces données comprennent les chirurgies de la cataracte faites pas des ophtalmologistes et les services fournis par d’autres spécialistes. 3. Ces données n’incluent pas les services fournis à l’extérieur de la province de résidence. 4. La définition de chirurgie de la cataracte utilisée aux fins de la compilation des données de chaque province est tirée du document Provincial Cataract Surgery Fee Codes (Codes provinciaux de frais de chirurgie de la cataracte), 25 octobre 1993, services professionnels, Alberta Health.
Raisa Deber et al. – Le financement des soins de santé : le partage
Comparaison interprovinciale du nombre de chirurgies de la cataracte, toutes spécialités confondues, pour 1 000 habitants admissiblesa, 1983-1991
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LA SANTÉ AU CANADA – Le secteur de la santé au Canada et ailleurs
de financement multiples finit par coûter cher, augmentant les dépenses de santé, nuisant à l’équité et alourdissant le fardeau des employeurs. Les services médicaux
Les soins médicaux représentent surtout la prestation privée de services financés et strictement réglementés par l’État. Jusqu’à récemment, les ressources pour la plupart des services médicaux au Canada étaient réparties selon un modèle de marché pur, le revenu des médecins étant fonction du volume de patients traités ainsi que de la composition de cette clientèle, et le paiement était fondé sur un barème d’honoraires négocié. Comme nous l’avons vu, les modèles d’affectation en fonction du marché sont relativement peu efficaces pour limiter les coûts. Pour un certain nombre de raisons, dont le déplacement des soins vers la collectivité, l’augmentation de l’offre de médecins et un contrôle minimal des usages abusifs, la consommation des services médicaux au cours des 20 dernières années a augmenté plus rapidement que la population ou que le produit intérieur brut. De 1980 à 1991, le revenu net des médecins a augmenté de 95 %114. Bien qu’on ne connaisse pas le nombre « exact » de médecins au Canada, le ratio de 1,9 médecin pour 1 000 habitants est supérieur à celui du Japon (1,57) ou du Royaume-Uni (1,37). C’est ce qui explique les efforts déployés pour modifier la formation de médecins et les structures régissant l’exercice de cette profession, notamment dans des efforts pour réduire l’offre de médecins115. Dans certains cas, on a en fait modifié la façon d’utiliser le modèle d’affectation, délaissant le côté marché du continuum pour se tourner davantage vers la planification à réglementation directe. Ces mesures ont notamment consisté à fixer un plafond, au titre des ressources globales attribuées aux services médicaux, et à modifier les mécanismes de remboursement. Durant la plus grande partie des années 1980, toutes les provinces, sauf le Québec, ont financé les soins médicaux selon une formule ouverte. Depuis, certaines provinces ont négocié des plafonds pour les revenus des médecins eux-mêmes, pour l’ensemble des factures de médecin, ou les deux116. Par exemple, l’Ontario et la Colombie-Britannique ont imposé des limites et des réductions aux gains des médecins au-dessus d’un certain revenu annuel. D’autres provinces ont fixé un plafond au titre du budget global des services médicaux. Lorsque la facturation globale est supérieure à ce montant, tous les médecins contribuent au remboursement du montant qui dépasse le plafond. Ce modèle présente un certain nombre d’inconvénients, dont la possibilité qu’éclate une « tragédie des ressources d’usage commun »117, c’est-à-dire que les médecins qui se plient volontairement aux exigences peuvent être pénalisés si les autres n’en font pas autant. En l’absence de mécanismes propres à discipliner tous les participants, ce genre de formule encourage plutôt chacun à essayer d’accroître sa propre part d’un petit gâteau, au détriment du bien collectif. (Une situation semblable a mené à la véritable destruction des pêcheries de l’Atlantique.) Ces formules peuvent aussi accentuer la sous-utilisation des ressources, comme on l’a vu dans le cas des cliniques
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privées (p. ex. listes d’attente qui s’allongent pour une chirurgie des yeux ou une arthroplastie de la hanche dans le système public lorsque le chirurgien a atteint son plafond). Contrairement aux stratégies qui consistent à remplacer la rémunération à l’acte par d’autres méthodes de remboursement, ces plafonds sont des instruments rudimentaires peu adaptés aux besoins cliniques. Dans des politiques récentes, on a essayé de limiter le nombre de médecins et leur distribution par des mécanismes tels une entente nationale de réduction de 10 % des inscriptions aux écoles de médecine, des réductions semblables dans la formation postdoctorale, des restrictions plus sévères pour permettre à des médecins formés à l’étranger (ou même dans d’autres provinces) de pratiquer ou d’être rémunérés à l’acte, des honoraires différentiels pour encourager les médecins à exercer leur profession dans des régions mal servies et la planification des ressources en médecins. On explore également divers mécanismes de remboursement des médecins. Contrairement à de nombreux autres pays, le Canada s’est surtout caractérisé par une médecine rémunérée à l’acte (67,7 % des médecins facturaient leurs services à l’acte pour plus de 90 % de leurs activités)118. Dans la plupart des provinces, on examine actuellement la possibilité de recourir davantage à la capitation et aux salaires. Dans la mesure où ces mécanismes de contrôle visent à déplacer la prestation d’un modèle privé à un modèle public, les effets indésirables (moins grande sensibilité au client) devraient, selon les écrits sur le sujet, l’emporter sur les effets souhaitables. Pour leur part, les expériences auxquelles se livrent les provinces en retouchant les modèles d’affectation se défendent davantage : elles représentent en effet des compromis plus explicites entre le contrôle des coûts et la sensibilité au client, dans un domaine où la définition du juste équilibre ne risque guère d’être simple.
La désassurance des actes médicaux
Comme nous le verrons dans la section intitulée « Cadres de prise de décisions », une solution possible, à une époque difficile sur le plan économique, consiste à désassurer les services non visés par les dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Ainsi, un certain nombre de provinces ont désassuré les examens de la vue courants. Dans notre enquête, nous avons appris que ces provinces n’avaient guère cherché à étudier les conséquences de cette décision à l’échelle provinciale. Toutefois, la section de l’Alberta de l’Association des consommateurs du Canada a effectué un sondage auprès d’un échantillon choisi constitué de 71 cliniques d’optométrie (soit 75 optométristes) et de 22 cliniques d’ophtalmologie entre le 8 et le 12 mai 1995 afin d’évaluer ces conséquences119. Avant décembre 1994, les optométristes et les ophtalmologistes recevaient un remboursement de 35,94 $ du ministère de la Santé de l’Alberta pour un examen de la vue de base. Les services sont ensuite passés au marché privé, et les prix ont augmenté en moyenne de 10,76 $ (29,94 %) chez 74 des 75 optométristes et de 11,20 $ (31,16 %) chez les 22 ophtalmologistes. Les délais d’attente étaient très courts : l’examen avait souvent lieu le jour même ou le jour suivant et rarement après
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plus d’une semaine (Wendy Armstrong, communication personnelle, 1995). Il semble aussi que les prix aient augmenté en Saskatchewan après la désassurance des examens de la vue (S. Lewis, communication personnelle), même si nous n’avons pas encore réussi à obtenir des données précises à ce sujet (on nous a dit que le ministère de la Santé de la Saskatchewan n’avait pas assuré le suivi). Ces conclusions confirment celles qui ressortent de l’examen de la littérature, à savoir que la concurrence et les marchés pour les services perçus comme nécessaires ont pour effet d’accroître les coûts plutôt que de les limiter. L’assurance-automobile et les services de réadaptation en Ontario
L’assurance-automobile sans égard à la responsabilité est un exemple du modèle de financement II.A : assurance privée obligatoire portant sur des services non visés par les régimes publics provinciaux. Les définitions de la Loi canadienne sur la santé concernant la notion d’intégralité ne donnent pas d’idée précise sur la façon de considérer la réadaptation, de sorte que l’Ontario a choisi de transférer de la Protection-santé de l’Ontario aux compagnies d’assurances privées la responsabilité d’une bonne partie des soins de réadaptation offerts aux victimes d’accidents de la route. Toute personne qui désire conduire un véhicule routier est tenue de s’assurer auprès d’une compagnie d’assurances privée. Les primes sont fondées sur des données actuarielles et varient considérablement en fonction de l’âge, du lieu de résidence et des antécédents de conduite. L’assurance-automobile est aux mains de compagnies privées concurrentes. Notre examen des données internationales a montré que le mode de financement de l’Ontario pouvait présenter le problème de la sélection en fonction du risque (aucun assureur ne désire assurer les personnes à risque élevé) et nuire à l’aptitude des assureurs à utiliser leur pouvoir de monopsone pour contrôler les coûts. En conséquence, on pourrait prédire que la hausse des coûts serait dans ce cas supérieure par rapport aux services financés par l’État. Il semble donc intéressant de vérifier si ces problèmes théoriques se sont effectivement manifestés. Nous avons obtenu de l’information auprès de Jim Daw, qui a publié une série d’articles primés120, et auprès de l’Institute of Work and Health, qui a étudié les soins de réadaptation en Ontario121 (Terry Sullivan, communication personnelle). Dans l’ancien système, la plupart des frais médicaux étaient pris en charge selon le modèle de financement I (le secteur public comme payeur unique de services complets). Les demandes d’indemnité d’assurance-automobile étaient censées couvrir l’invalidité (incluant les pertes de revenus) et les dommages à la propriété. Des indemnités peu élevées étaient payées par l’assureur après les formalités d’usage. Le recouvrement des dommages-intérêts par suite de blessures graves dépendait des résultats des poursuites judiciaires. Les assureurs réglaient en général les poursuites en négociant des paiements forfaitaires, et l’assuré avait alors la responsabilité d’obtenir les services dont il avait besoin. Seulement quelques services étaient achetés auprès de sources privées.
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Vers le milieu des années 1980, on a pu craindre une situation de crise en raison de l’augmentation régulière des primes d’assurance-automobile ainsi que des coûts élevés et de l’incertitude des recours judiciaires. Les tribunaux avaient commencé à accorder des dommages-intérêts plus importants pour les pertes économiques (fondés sur l’inflation prévue, la hausse des frais médicaux et les indemnités visant à tenir compte des douleurs et de la souffrance), mais bon nombre d’accidentés ne touchaient que des indemnités ridicules ou rien du tout122. En 1987, le gouvernement libéral de la province a proposé une assurance sans égard à la responsabilité, a immédiatement fixé une limite à l’augmentation des primes et a nommé le juge Coulter Osborne pour faire rapport sur la question. Le juge Osborne a conclu que l’incitation à intenter des poursuites pourrait être atténuée si tous les accidentés avaient droit à des indemnités plus élevées sans avoir à prouver qu’une partie ou l’autre était responsable de l’accident. En 1990, les recommandations du juge sont entrées en vigueur lorsque les modifications apportées à la Loi sur les assurances ont créé le Régime de protection des automobilistes de l’Ontario. Le Régime ne faisait pas entièrement abstraction de la responsabilité, dans la mesure où le droit de poursuite n’était que partiellement limité, les blessures graves ou les décès accidentels pouvant toujours être portés devant les tribunaux. Une autre disposition du système d’assurance sans égard à la responsabilité semble issue, du moins en partie, de l’impératif de déplacement des coûts : les assureurs encouraient de sévères pénalités pour les paiements en retard et devaient assumer les frais du règlement des différends par la Commission des assurances de l’Ontario. L’assureur devait payer 2 000 $ chaque fois qu’une personne demandait un arbitrage et il était passible d’une amende de 100 000 $ en cas de retenue des indemnités de l’assuré, puis de 200 000 $ pour chaque contravention subséquente. Les compagnies n’étaient donc pas très incitées à contester les demandes d’indemnité, ce qui à la fois était avantageux pour les assurés et augmentait les risques de fraude. Comme les assureurs devaient parfois dépenser jusqu’à 50 000 $ pour contester une demande d’indemnité, il était souvent plus économique de régler une demande douteuse plutôt que de la contester. Le nouveau régime a considérablement augmenté le montant des indemnités par rapport à ce qu’il était avant 1990. Ainsi, les indemnités pour la réadaptation médicale et les soins, un fauteuil roulant et les autres frais médicaux pouvaient désormais atteindre 500 000 $. Les avocats, déçus de ne pouvoir intenter des poursuites dans 90 % des cas, ont commencé à mettre à l’épreuve la définition de ce qui pourrait être considéré comme un accident grave aux fins de la justice, et les victimes ont entrepris de sonder les tribunaux pour voir ce qu’elles pouvaient obtenir. La disposition de non-responsabilité a provoqué un déluge de revendications pour blessures, et des dizaines de nouvelles cliniques privées de réadaptation ont commencé à traiter les victimes d’accidents de la route. Le Nouveau Parti démocratique, arrivé au pouvoir quelques semaines après l’entrée en vigueur du nouveau système d’assurance, a encore amélioré les indemnités, tant du point de vue des montants versés que de celui de la diversité des indemnités de non-responsabilité offertes. Les fonds disponibles pour les frais médicaux et la réadaptation ont grimpé de 25 000 $ à 500 000 $ en 1990, puis à un million de dollars en 1994. Jusqu’à 10 000 $ par mois (sans limite de temps) pouvaient être accordés
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pour les services d’un préposé aux soins d’un invalide chronique. Naturellement, ces mesures étaient propres à atténuer les pressions sur les régimes financés par l’État (p. ex. soins prolongés, bien-être social). En vertu de l’annexe de l’Assurance individuelle gouvernementale obligatoire, les assureurs sont tenus d’offrir des indemnités supplémentaires pour la réadaptation, les soins médicaux et les soins d’un préposé aux accidentés de la route de bonne foi. Les indemnités relatives à la réadaptation touchent surtout les frais de formation professionnelle, mais peuvent comprendre des paiements pour des services d’orientation, de prise en charge et de modification du logement et du véhicule d’une victime en fonction de son incapacité. Les assureurs automobiles ne sont tenus de payer ces indemnités que si les régimes provinciaux ne répondent pas entièrement aux besoins en soins de santé des demandeurs. Par conséquent, les assureurs automobiles ne sont que des deuxièmes payeurs, après le ministère de la Santé. Ici encore, ces dispositions pourraient inciter les gouvernements provinciaux à désassurer les soins pour refiler des coûts au secteur privé. L’existence de ces indemnités supplémentaires a fait naître un nouveau secteur privé, désireux de répondre aux besoins des demandeurs éventuels. Les cliniques privées de réadaptation sont devenues une industrie d’avenir. La publicité de cette industrie remplissait 10 pages du Répertoire des assurances de l’Ontario en 1993 et 34 pages en 1994. En 1994, les demandes d’indemnité pour les accidents ont augmenté de 62 % (dans une large mesure en raison des dépenses accrues au titre des services médicaux dans des domaines tels que la physiothérapie et l’acupuncture. Toujours en 1994, les compagnies d’assurances ont haussé leurs tarifs de 11,5 % en moyenne. L’industrie a déclaré des pertes de 44 millions de dollars dans cette seule année. Les assureurs estiment que leurs décaissements globaux pour les victimes d’accidents, que ce soit au poste des médecins, à celui des thérapeutes ou à celui des médicaments, ont augmenté de 88 % en 1994 par rapport à 1993. Les frais médicaux représentent maintenant plus de 50 % des 2,6 milliards de dollars que les assureurs automobiles auraient payés en 1994 selon les estimations. Les montants que les assureurs automobiles auraient versés à des fins de réadaptation entre 1991 et le milieu de 1994 sont indiqués au tableau 11.
L’assurance-maladie pour voyageurs
L’assurance-maladie pour voyageurs est un exemple du modèle de financement II.B (assurance privée facultative portant sur des services non couverts par le régime public). Notre examen des écrits sur le sujet montre que ce modèle pourrait bien entraîner des problèmes de sélection en fonction du risque. Jim Daw du Toronto Star a rédigé une excellente étude sur l’assurance-maladie pour voyageurs123. Le nouveau gouvernement de l’Ontario a annoncé son intention de réviser la politique en matière d’assurance-automobile. L’assurance-maladie pour voyageurs soulève des préoccupations, parce que certaines provinces ont décidé de réduire les services couverts par leur régime à ce chapitre. La condition de transférabilité de la Loi canadienne sur la santé oblige les provinces à
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Tableau 11 Estimations des montants versés par les assureurs automobiles à des fins de réadaptation, 1991-1994 Type de demande Demandes par années de remboursement (en dollars) 1991 1992 1993 Véhicule privé
1994 (premier semestre)
161 597 523
244 870 324
288 815 597
178 918 020
Véhicule commercial
5 210 038
6 006 688
6 418 054
4 045 578
Motocyclette
5 843 444
6 921 588
5 254 458
3 781 046
172 651 005
257 798 600
300 488 109
186 744 644
Total
Source : Institute for Work and Health, Rehabilitation Services Inventory and Quality Project : Phase One Report, Toronto, IWH, 1995.
payer les taux provinciaux pour les soins assurés nécessaires à l’étranger (les services facultatifs sont exclus). Cette condition est nettement inadéquate à certains endroits (notamment aux États-Unis) et oblige les Canadiens assurés qui tombent malades aux États-Unis à assumer des factures additionnelles considérables (bien souvent, plus de 2 000 $ par jour). Alors que l’Ontario avait, de son propre chef, dépassé les exigences légales en assurant tous les frais hospitaliers à l’étranger pour les personnes admissibles, la province a décidé, en 1991, de limiter les paiements à un maximum de 100 $ par jour pour ces frais. En 1995, le gouvernement conservateur a décidé de se conformer aux exigences de transférabilité de la loi en portant ce maximum à 400 $ par jour. Toutefois, la souscription à une assurance-maladie complémentaire à l’occasion d’un voyage est devenue pour ainsi dire une nécessité. Autrement, un accident à l’extérieur de la province de résidence pourrait bien se transformer en catastrophe financière. En 1994, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes a reçu 6 700 appels de membres du public sur des questions concernant la santé et les voyageurs. Le marché des assurances-maladie pour les voyages de plus de 30 jours génère actuellement des primes de 100 à 125 millions de dollars pour les assureurs. Le Sun Times of Canada, journal à l’intention des Canadiens qui se rendent en Floride, établit maintenant un rapport comparatif des régimes d’assurance-maladie pour voyageurs qui remplit près de dix pages de tabloïd. La sélection en fonction du risque est de pratique courante dans le domaine. Les primes à payer pour une protection de six mois peuvent varier de 503 $ pour les voyageurs en santé (privilégiés) à 2 520 $ pour les personnes en moins bonne santé. L’évolution de la situation dans ce créneau est semblable à celle qui a été signalée pour l’assurance-maladie aux États-Unis. Les régimes varient considérablement quant à l’intégralité (c.-à-d. les services couverts). De nombreuses polices excluent les risques liés à des maladies préexistantes ou, du moins, limitent la protection à cet égard. Les personnes âgées jugées en moins bonne
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santé parce qu’elles prennent des médicaments, ont été hospitalisées ou ont souffert de troubles cardiaques, pulmonaires ou autres doivent payer des primes beaucoup plus élevées, lorsqu’on accepte de les assurer. Au fur et à mesure que la demande d’assurance-maladie pour voyageurs a augmenté, les assureurs sont devenus plus sélectifs quant aux personnes et aux risques à assurer. La plupart des assureurs exigent maintenant que les clients potentiels remplissent un questionnaire sur leur état de santé, comprenant jusqu’à 21 questions, aux fins d’un tri préliminaire. En 1992, le délai maximum d’assurabilité habituel pour une maladie préexistante était de trois mois, c’est-à-dire qu’une personne était admissible si cette maladie n’avait pas exigé de traitements ou un changement de médicaments au cours des trois mois précédents. Les délais atteignent maintenant de six mois à un an. Par conséquent, certaines personnes dissimulent de l’information sur leur état de santé, et les assureurs ont commencé à mettre beaucoup d’énergie dans la vérification des dossiers médicaux avant d’approuver une demande d’assurance ou le règlement d’une demande d’indemnité. Le journal Canada News, qui s’adresse aux retraités séjournant dans le Sud durant l’hiver, a rapporté que 75 % des différends que ses lecteurs ont pu avoir avec des assureurs portaient sur les clauses de maladie préexistante. Un autre moyen utilisé par les assureurs pour limiter les risques inhérents aux assurances-maladie pour voyageurs consiste à limiter l’intégralité de la protection au moyen d’exemptions et d’oppositions. Une exemption pourrait consister à refuser d’assurer une rechute chez un malade en voyage, à obliger le client à assumer la totalité des frais liés aux soins d’urgence, si importants soient-ils, pour être remboursé plus tard, ou à imposer une franchise sur chaque demande plutôt que sur la totalité de la période visée par l’assurance. Elle peut aussi prendre la forme de dispositions prévoyant le partage des coûts relatifs aux indemnités avec d’autres assureurs, obligeant le client à téléphoner à l’assureur dans des délais prescrits ou même avant de recevoir les soins médicaux, refusant de renouveler ou de prolonger une police si le voyage est plus long que prévu ou refusant de payer les services médicaux qui, selon l’assureur, ne sont pas le résultat d’une véritable urgence (ou encore contestant des frais considérés comme inhabituels ou extraordinaires). Des entreprises ont été créées pour rapatrier les patients visés (notamment par ambulance aérienne) pour que les coûts des soins ultérieurs puissent être assumés par la province de résidence. Les coûts, de même que les écarts considérables dans la façon dont les maladies préexistantes sont considérées en vertu des différentes polices, et les clauses d’exemption ont obligé les retraités qui séjournent dans le Sud durant l’hiver à faire preuve de prudence et de patience pour trouver une assurance adaptée à leurs besoins et à leur budget. D’ailleurs, l’investissement en temps et en ressources pour trouver une assurance adéquate a été décrit comme un « emploi à temps partiel éprouvant pour des milliers d’aînés du Canada »124. Certains finissent par apprendre qu’ils ne sont plus assurables. Les inconvénients que représente l’impossibilité de voyager à l’étranger faute de pouvoir se procurer une assurance-maladie à prix abordable, ou même à prix fort, pourraient être relativement mineurs, même si les personnes âgées incapables pour cette raison d’assister à une réunion de famille ou obligées de subir des hivers rigoureux risquent
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de ne pas être d’accord. Toutefois, si ce modèle devait se généraliser, englobant même les soins nécessaires à l’intérieur de la province, il semble probable que d’importants segments de la population, dont les personnes qui ont le plus besoin de soins, se trouveraient exclus du marché de l’assurance en place. Le paiement des médicaments
Le paiement des médicaments, au Canada, se fait avant tout dans le cadre d’assurances privées facultatives pour les services non couverts par le régime public (régimes complémentaires ou supplémentaires). Tandis que les régimes provinciaux rem boursent les médicaments des personnes âgées et des assistés sociaux, la très grande majorité des dépenses relatives aux médicaments sont assumées par des régimes privés. Le Canada figure parmi les rares pays de l’OCDE qui rejettent la plus grande partie du fardeau des médicaments sur le secteur privé. Bien souvent, les employeurs sont incités à prendre en charge les médicaments dans le cadre de leur régime d’avantages sociaux des employés. Quoi qu’il en soit, même si les régimes du secteur privé ont connu une croissance formidable au fil des ans, ceux du secteur public ont fait de même125. En effet, l’aug mentation des dépenses relatives aux médicaments, tant sur le marché public que sur le marché privé, l’a emporté largement sur celle des autres dépenses de santé en général. Les médicaments d’ordonnance ont à eux seuls augmenté de 63 % la part du total des dépenses de santé qu’ils représentent, passant de 4,6 % des dépenses totales en 1980 à 8 % en 1993. Les coûts à ce chapitre ont augmenté en raison du virage ambulatoire, de la hausse du nombre de bénéficiaires, du nombre d’ordonnances par bénéficiaire et du coût par ordonnance. Dans le cas des régimes publics d’assurance-médicaments, qui ont exclu des bénéficiaires et augmenté les quotes-parts, les augmentations de coûts les plus importantes s’expliquent par la hausse des prix des médicaments assurés. Lorsque l’imposition des frais modérateurs pour les médicaments projetée par le gouvernement ontarien entrera en vigueur, toutes les provinces auront institué une forme quelconque de partage des coûts pour les groupes assujettis à leur régime d’assurance-médicaments. Les gouvernements justifient le partage des coûts par deux motifs : augmentation des recettes et limitation de la surconsommation de médi caments. Toutefois, ces régimes ne font pas la distinction entre l’utilisation nécessaire et l’utilisation non nécessaire. Les provinces ont également essayé de contrôler les médicaments à inclure dans leurs formulaires. Les efforts de limitation des coûts des régimes d’assurance-médicaments privés visaient en même temps à limiter la consommation de médicaments et leur champ d’application par des stratégies, comme la réduction des listes d’assujettissement, la promotion de régimes flexibles, la liberté pour les employés de ne pas souscrire au régime et la communication d’information aux employés sur les médicaments. Toutefois, l’attention porte de plus en plus sur les programmes d’achat en nombre et de gestion des maladies, de manière à aborder les coûts des médicaments dans le cadre d’un régime de soins équilibré.
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Étant donné que l’accès aux médicaments, au Canada, est fondé principalement sur les assurances privées facultatives (assurance complémentaire ou supplémentaire), les possibilités d’accès inégal sont bien réelles. L’assurance-médicaments (de même que les quotes-parts et les franchises) est souvent liée à la situation géographique et professionnelle de la personne. Les chômeurs (non assistés sociaux), les travailleurs autonomes, les employés des petites entreprises et les travailleurs à temps partiel ne sont pas assurés en règle générale. Les régimes provinciaux s’appliquent normalement aux personnes âgées et aux assistés sociaux. Les chiffres du tableau 12 illustrent l’augmentation assez rapide du montant des prestations d’assurance-maladie déclaré par les membres de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. Tableau 12 Prestations d’assurance-maladie supplémentaires, par catégorie (en dollars), 1984-1993 Année Soins Hôpitaux, soins Médicaments Soins complémentaires supplémentaires dentaires 1984
442 246 919
24 802 198
12 156 185
529 018 377
1985
503 751 280
33 341 132
14 526 589
565 220 092
1986
565 946 725
42 393 889
15 133 324
616 635 467
1987
651 353 296
45 092 304
15 539 215
648 954 656
1988
805 064 992
36 500 827
20 897 190
690 351 591
1989
834 053 485
37 523 040
23 047 350
748 064 151
1990
958 409 062
37 505 191
18 190 665
820 959 109
1991
982 862 334
40 574 166
17 215 251
856 156 477
1992
1 010 698 001
45 562 488
21 042 539
890 865 955
1993
1 135 615 438
49 325 729
25 511 565
914 926 555
156,78 %
98,88 %
109,86 %
72,95 %
Changement (en %)
Sources : D.E. Angus, L. Auer, J.E. Cloutier, T. Albert, Sustainable Health Care for Canada : Synthesis Report (Ottawa, Queen’s University-University of Ottawa Economic Projects, 1995) ; Société canadienne d’indemnisation pour les assurances de personnes, Survey of Health Insurance Benefits in Canada, sondages annuels, 1975, 1980, 1984-1993.
L’assurance privée en Australie
Ces dernières années, les Australiens se sont penchés collectivement sur l’avenir de leur système de santé. Le débat a porté sur des questions semblables à celles qui inté ressent le Canada, mais l’Australie a accordé un plus grand rôle à l’assurance privée. Un document de travail rédigé en juillet 1993 par J. Richardson, codirecteur du Centre national pour l’évaluation des programmes de santé, signale une idée répandue, non fondée sur des faits, selon laquelle la privatisation de l’assurance publique améliorerait
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l’efficience, alors que les systèmes de quotes-parts favoriseraient le contrôle des coûts126. L’assurance privée était également justifiée comme moyen de financer des dépenses que les gouvernements « ne peuvent se permettre » et « d’obliger les riches à assumer une part équitable ». Les débats ont abouti à un système dans lequel le régime national de base assure tous les services d’intérêt public, tandis qu’un deuxième niveau de services privés est offert aux personnes qui sont prêtes à payer. Toutefois, les entreprises n’offrent pas traditionnellement l’assurance-maladie dans leur régime d’avantages sociaux (en partie parce que ces coûts ne donnent droit à aucune déduction d’impôt ; Carol Kushner, communication personnelle, décembre 1995). Cette politique a entraîné des effets intéressants, à savoir des difficultés financières pour les compagnies d’assurances privées. Comme l’écrit Richardson :
L’augmentation des primes d’assurance et la récession économique ont donné lieu à une diminution de l’assurance privée. Cependant, comme ce sont les personnes en meilleure santé qui sont les premières à renoncer à s’assurer, la population qui demeure assurée est celle qui présente les risques les plus élevés, ce qui, par contrecoup, fait encore augmenter les primes et baisser le nombre de personnes protégées par une assurance privée. Le processus a abouti à un déclin rapide des assurances, en particulier à Victoria.
L’assurance privée représente une possibilité de soulager les budgets publics d’une partie des coûts. Par conséquent, les difficultés financières soulignées par Richardson n’ont pas manqué de poser un problème pour le gouvernement de l’Australie, qui a adopté un projet de loi de réforme de l’assurance-maladie privée afin de venir en aide à l’industrie de l’assurance127. Pour compliquer les choses, l’Australie est dotée d’un système de prestation mixte. Sans une vigoureuse industrie de l’assurance, la survie des hôpitaux privés serait également menacée. Dans un discours prononcé en mai 1995, le secrétaire du Département des services sociaux et de la santé du Commonwealth de l’époque affirmait que le projet de réforme visait à « abolir des règlements qui avaient limité la compétitivité et l’innovation au sein de l’industrie » et, il ne s’en cachait pas, à venir en aide aux cotisants d’assurances privées. L’ancien système, en effet, ne permettait pas aux assureurs de se montrer sélectifs. La réforme visait à renforcer l’aptitude des assureurs privés à passer des contrats avec les hôpitaux et les médecins, sans toutefois autoriser une sélectivité totale, dans l’espoir, naturellement, qu’une partie des économies en découlant seraient transférées aux consommateurs et « leur permettraient de souscrire à une assurance à moindre coût ». La procédure d’information des consommateurs et de dépôt de plaintes a aussi pour objet d’aider les consommateurs éclairés à s’assurer sur un marché libre. En revanche, d’autres aspects de la réforme sont plutôt limitatifs, puisqu’ils empêchent les assureurs de pratiquer la « discrimination » contre les hôpitaux et qu’ils comportent des exigences d’assujettissement : « Afin que les patients soient protégés contre les effets d’une sous-estimation du risque de contracter certains types de maladies, tous les produits d’assurance-maladie doivent inclure les soins
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psychiatriques, palliatifs et de réadaptation. Cette disposition garantira une certaine protection aux hôpitaux privés qui se spécialisent dans le traitement de ces types de maladies. » Les médecins se trouveraient en mesure de passer avec les assureurs privés des contrats prévoyant des niveaux d’honoraires supérieurs à ceux que paie le régime public. Le secrétaire terminait son discours en signalant que le taux de participation aux assurances-maladie privées était en baisse et que seul « un changement de culture […] essentiel pour garantir aux Australiens un bon rapport qualité-prix permettrait de contrer cette baisse »128. Il est manifestement trop tôt pour savoir si ces réformes permettront de régler les problèmes. Il demeure intéressant d’observer que, lorsque l’intervention de l’État se limite à financer des services de base adéquats, la sélection en fonction du risque peut prendre une telle ampleur que la viabilité financière des assureurs du secteur privé s’en trouve menacée.
ÉVALUATION DES MODÈLES : ÉQUITÉ, EFFICIENCE, SÉCURITÉ ET LIBERTÉ
Il existe diverses options pour équilibrer le partage entre les secteurs public et privé dans le système de santé canadien. La question n’est pas de savoir si le système sera public ou privé dans l’avenir, étant donné que rares sont les systèmes qui se situent à l’un ou l’autre des deux extrêmes. C’est donc plutôt le dosage des participations qu’il convient d’examiner et de préciser, afin de bien comprendre le mouvement en faveur de certaines options et la résistance face à d’autres. Dans tout débat stratégique, les objectifs et les valeurs qui les sous-tendent représentent un enjeu. Toutes les politiques supposent des valeurs, qu’elles soient énoncées explicitement ou qu’elles demeurent implicites. Les objectifs régulièrement invoqués que sont l’équité, l’efficience, la liberté, le choix, la qualité, l’obligation de rendre des comptes et la liberté d’action prennent tous racine dans des valeurs. Or, l’imprécision de ces termes dissimule souvent des interprétations opposées mais parfois également plausibles de ces valeurs qui, au bout du compte, déterminent qui est assujetti à une politique et qui ne l’est pas, quels services seront offerts et quelles modalités de prestation seront retenues. Dans la présente section, nous exposons les critères permettant d’évaluer les résultats des diverses options quant à la participation des secteurs public et privé dans le système de santé du Canada. Même s’il est possible de classer et de hiérarchiser ces critères de diverses façons (voir, par exemple, l’évaluation des éléments financiers incitatifs et dissuasifs effectuée par le Groupe Secor129), nous avons choisi de signaler, dans un premier temps, deux grandes catégories dérivées du domaine de l’adminis tration publique et de montrer comment l’équilibre entre les deux a évolué, avec le temps, en réaction aux changements d’ordre politique et économique. Puis nous adaptons la description que donne Stone des quatre visées ou valeurs stratégiques générales qui sous-tendent la plupart des politiques gouvernementales, soit l’équité, l’efficience, la sécurité et la liberté, pour ensuite examiner les principaux critères sous ces rubriques130. (Les objectifs stratégiques plus précis, tels que la satisfaction du
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client, la liberté d’action du consommateur, l’accessibilité, la coordination nationale et la souplesse provinciale, peuvent normalement se regrouper sous ces quatre grandes rubriques.) Enfin, nous examinons chacun des modèles décrits sous l’angle de l’importance accordée à certaines valeurs par rapport à d’autres et dans l’optique des divers compromis établis. Questions d’ordre conceptuel et débat historique
Le domaine de l’administration publique établit une distinction entre deux grandes catégories que l’on peut utiliser pour évaluer les politiques gouvernementales : ques tions de valeur (en général, d’ordre subjectif ou qualitatif, et donc rarement mesurables directement, comme l’équité et la liberté) et questions d’ordre technico-administratif (souvent liées aux coûts, à l’efficience et à l’efficacité des diverses options). Les questions de valeur se rapportent à ce que les décideurs classent subjectivement dans la catégorie des responsabilités avant tout individuelles (privées), par opposition à collectives (publiques), c’est-à-dire ce qu’on estime que l’individu devrait faire pour lui-même et ce que la société devrait faire pour lui. La définition et l’application de ces valeurs font souvent l’objet de débats politiques intenses et de longue haleine. Aucune réponse n’est définitive, mais une société particulière, à un moment donné, peut en arriver à un certain consensus. Une fois qu’on a déterminé les objectifs sociaux, il est possible d’analyser et même de mesurer à quel point tel ou tel instrument de politique devrait permettre de les atteindre. Les options sont-elles réalistes compte tenu des budgets, du savoir-faire, des ressources humaines et de la technologie disponibles ? Des options différentes permettraient-elles d’atteindre une plus grande partie des résultats souhaités au moyen des mêmes ressources ? La pratique médicale fondée sur les faits et les codes de pratique vise à maximiser l’efficience et la rentabilité des prises de décisions cliniques, mais elle suppose que les objectifs de la médecine ont déjà été déterminés. Sur le plan macro stratégique, on peut, de la même manière, s’interroger sur les aptitudes relatives des secteurs public et privé à optimaliser l’efficience et la rentabilité. La question fondamentale de l’administration publique, qui se trouve au cœur du débat public actuel sur l’avenir de l’assurance-maladie, consiste à déterminer comment évaluer et équilibrer les valeurs de ces deux catégories, et les catégories elles-mêmes, pour orienter les décisions stratégiques. Idéalement, ces décisions devraient viser des objectifs sociaux et politiques (en reconnaissant que l’appui à l’égard d’objectifs particuliers peut varier selon les intervenants et dans le temps) et représenter la meilleure façon, sur le plan technique et administratif, d’atteindre ces objectifs.
Harmonisation des valeurs sociales et politiques avec les valeurs techniques et administratives
En règle générale, tous les pays industrialisés, sauf les États-Unis, adhèrent au principe d’une assurance-maladie universelle pour leurs citoyens à titre de droit fondamental, par opposition à un produit qui serait acheté et vendu sur le marché libre. Historiquement,
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les principes de l’universalité et de l’équité d’accès ont motivé les décisions au sujet du financement de la santé. Ces principes ont été récemment contestés lorsque le climat social et économique général a commencé à mettre l’accent sur l’efficience et la rentabilité. Cette évolution des valeurs dominantes explique bon nombre des efforts récents, en Europe et en Amérique du Nord, visant à réformer les systèmes de santé, et elle a transformé la façon dont les gouvernements financent les systèmes de santé. Le Canada est l’un des rares pays du monde qui exposent explicitement les objectifs de leur système de santé. Comme nous l’avons vu dans la section intitulée « Cadre législatif et réglementaire », les cinq normes nationales de la Loi canadienne sur la santé exigent que tous les Canadiens aient un accès raisonnable aux services assurés, que cet accès soit transférable d’une province à l’autre et que les régimes provinciaux d’assurance-maladie soient gérés sans but lucratif par des organismes publics. Dans une perspective d’évaluation, il est notable que quatre des cinq objectifs traduisent principalement des valeurs sociales et politiques concernant le droit collectif des Canadiens à l’obtention de soins nécessaires. Seul le principe de la gestion publique se rapporte principalement à des aspects techniques et administratifs.
Les critères d’évaluation
Stone examine les quatre valeurs, soit l’équité, l’efficience, la liberté et la sécurité, qui interviennent le plus souvent, selon lui, dans l’évaluation des politiques et des programmes publics131. La définition de ces valeurs n’est pas simple. Par exemple, le conservatisme social tend à définir l’équité comme le résultat d’un processus d’acquisition juste, la liberté comme la possibilité de prendre librement ses propres décisions et de disposer de ses propres biens, la propriété comme la création individuelle de ses propres actions, et le travail ou la productivité comme un produit du besoin financier. Le libéralisme social, au contraire, définit l’équité comme une juste part des ressources de base, la liberté comme l’affranchissement des besoins les plus criants, la propriété comme une création sociale, et le travail ou la productivité comme le résultat de la sécurité. Comme le signale Stone, l’équité et l’égalité sont des notions différentes. « L’égalité signifie habituellement la similarité et l’uniformité, tandis que l’équité implique une répartition considérée comme juste, même si elle peut comporter à la fois des égalités et des inégalités. » Le Programme de péréquation du gouvernement fédéral canadien est un bon exemple d’utilisation de l’inégalité pour réaliser l’équité. Les provinces « nanties » versent une part disproportionnée au programme pour que les provinces « démunies » puissent offrir à leur population des services publics de niveau égal. Pour comprendre la source des interprétations différentes de l’équité, Stone estime qu’il faut examiner trois aspects de tout modèle de répartition des ressources limitées : les bénéficiaires (soit les personnes qui profitent d’un programme stratégique et les définitions qui s’y rapportent), le produit (soit l’avantage conféré par le programme et sa définition), le processus (soit les mécanismes sociaux au moyen desquels est déterminée la répartition des avantages).
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Stone définit l’efficience comme : « la comparaison des intrants et des extrants, des dépenses et des revenus, des coûts et des avantages. Quelle que soit la comparaison utilisée, nous devons savoir quels sont les éléments à mesurer, les méthodes à utiliser, de même que les bénéficiaires du programme et les payeurs. » Même si l’efficience est normalement considérée comme un critère objectif, son évaluation est en grande partie subjective. Par exemple, les salaires versés aux fournisseurs sont-ils un intrant (dépense, coût) ou un extrant (revenu, avantage) ? (Autrement dit, doit-on les considérer comme créateurs d’emplois ?) Les avantages attribués à un programme peuvent aller de l’ordre objectif et physique à l’ordre subjectif et psychosocial. La détermination des ratios coûts-avantages dépend souvent des coûts et des avantages qui sont inclus, eux-mêmes liés aux objectifs poursuivis. Divers analystes peuvent en arriver à des conclusions très différentes, et ce qui semble de l’efficience à l’un peut être considérée par l’autre comme du gaspillage. Stone définit la liberté comme « la capacité de faire ce que l’on veut, pourvu qu’on ne cause pas de préjudices aux autres. Cette valeur est celle qui crée la plus grande tension entre la volonté individuelle et le résultat collectif. » Exprimée autre ment, la problématique est la suivante : quand la société peut-elle contraindre les gens à assumer des coûts individuels afin d’obtenir des avantages d’ordre social ? On considère habituellement la réglementation environnementale comme une restriction légitime de la liberté individuelle au nom d’un intérêt supérieur. Ainsi, les règlements sur la pêche visent à protéger les populations de poisson de demain. Dans la tradition libérale classique, on estime que le gouvernement doit entraver le moins possible le choix individuel et qu’il ne peut justifier une restriction portant sur le comportement de l’individu que si ce comportement est nuisible aux autres. Cette définition relève d’un « concept négatif de la liberté », car elle met l’accent sur l’absence de restrictions. C’est celle que nous retenons ici. De ce point de vue, les questions de politique sont d’ordinaire liées à un choix entre la protection de la liberté individuelle et la prévention d’un préjudice aux autres. Toutefois, les règles imposées à l’égard du comportement pour empêcher certains préjudices aboutissent souvent à d’autres préjudices. C’est pourquoi les questions de liberté soulèvent souvent des questions d’équité, car elles supposent des décisions quant à savoir qui subira le préjudice et quelles activités sont à restreindre. Une autre conception, appelée « vision positive de la liberté », a tendance à accentuer la confusion entre les notions de liberté et d’équité. Selon cette vision, la liberté est assimilée aux choix et à la capacité de les exercer. Cette définition mène, pour sa part, à différentes questions : Quelles ressources (droits politiques, richesse, connaissances, santé) sont nécessaires pour permettre à la personne d’exercer un choix réel ? Quel rôle doit jouer la société pour assurer le partage de ces ressources ? Le concept de liberté positive est au cœur du compromis liberté-égalité. Les gens ont des habiletés, des aptitudes et des talents différents leur permettant de tirer parti des ressources et des possibilités auxquelles ils tiennent. Pour maintenir l’égalité, le gouvernement doit répartir ces ressources et ces possibilités entre les nantis et les démunis. Cette redistribution à des fins d’égalité peut être considérée comme une atteinte à la liberté des privilégiés.
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Stone définit la sécurité comme « la satisfaction des besoins humains fonda mentaux ». Le conflit touchant la sécurité porte généralement sur les types et les niveaux de besoins que les gouvernements doivent chercher à combler et sur la manière de répartir le fardeau lorsqu’il s’agit de faire de la sécurité une responsabilité collective. Le débat, par conséquent, porte ici sur ce qui est nécessaire et pour qui. Les politiques diffèrent selon que la pauvreté est considérée comme absolue (p. ex. se situant en deçà d’un seuil de pauvreté prédéfini) ou relative (p. ex. se situant au-dessous d’un centile prédéfini de la distribution du revenu) car, par définition, la pauvreté relative ne peut jamais être enrayée. Le financement des soins par l’État peut se justifier du fait que la santé est souhaitable en soi ou qu’elle favorise le maintien d’une population active plus productrice, renforçant ainsi la compétitivité économique du pays. Les bienfaits qu’on en retire peuvent aussi se justifier d’après les besoins communautaires (p. ex. dignité, estime de soi), ce qui mène à l’opinion, souvent exprimée, selon laquelle l’assurance-maladie est précieuse pour les Canadiens non seulement parce qu’elle répond à des besoins physiques mais aussi parce qu’elle nous définit comme un peuple plus tolérant et généreux. Ce que l’on considère comme les besoins fondamentaux de la population devient alors un trait caractéristique de la société. La définition de la notion de soins médica lement nécessaires diffère d’un pays à l’autre et, dans une certaine mesure, d’une province canadienne à l’autre. Les écarts témoignent de compromis différents entre la sécurité, l’efficience et la liberté. Ici encore, l’idéologie entre souvent en ligne de compte. Par exemple, certains considèrent que la sécurité et l’efficience sont incompatibles car, pour eux, la sécurité sape la motivation au travail et la productivité et entrave le progrès et l’innovation. D’autres soutiennent que la sécurité mine également la liberté, puisqu’elle est source de dépendance. Inversement, d’autres encore affirment que la sécurité est essentielle à la liberté, car on ne peut exercer de choix véritable que si l’on a d’abord satisfait ses besoins fondamentaux. Les débats sur les limites à ne pas dépasser pour restreindre la liberté individuelle au nom de la sécurité et de l’efficience économique (p. ex. lois sur le port obligatoire de la ceinture de sécurité ou contre l’usage du tabac) sont aussi des discussions portant sur le degré de paternalisme que l’on peut admettre dans une société libre. Comment ces valeurs sont-elles liées aux divers modèles de financement, de prestation et d’affectation examinés dans la section intitulée « Fondement de la répartition actuelle des services entre les secteurs privé et public » ? La complexité des débats portant sur la réforme est souvent attribuable à l’emploi d’un même mot dans des sens différents et à des préférences différentes à l’égard de l’équilibre à atteindre entre ces valeurs. Pour clarifier les choses, il serait peut-être utile d’examiner les extrêmes de ces modèles pour les trois dimensions et de montrer la transformation des valeurs à mesure que l’on passe du pôle public au pôle privé du continuum du financement, de la prestation et de l’affectation.
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Le financement
Les modèles de financement que nous avons décrits s’échelonnent entre, d’un côté, le secteur public à titre de bailleur de fonds exclusif pour un ensemble complet de services et, à l’opposé, un secteur public intervenant de façon minimale sur un marché de soins de santé en grande partie financé par le secteur privé. Entre ces deux extrémités, il existe un certain nombre de modèles donnant lieu à des régimes publics et privés complémentaires ou parallèles. Lorsque l’État est le payeur unique d’un ensemble complet de services de santé, l’équité est une valeur dominante dans la mesure où le régime s’applique à tous les habitants, sauf peut-être aux personnes qui vivent au pays de façon temporaire ou sur une base marginale. Si le régime public est financé au moyen d’impôts progressifs et que le risque est mis en commun, le fardeau est réparti sur l’ensemble de la population. À mesure qu’on se déplace sur le continuum public-privé pour admettre une plus grande intervention du secteur privé, l’équité diminue. Des segments de la population (soit les chômeurs, les employés à temps partiel, les agriculteurs, etc.) peuvent être exclus du régime d’assurance. La sélection en fonction du risque peut signifier des primes plus élevées, voire l’exclusion, pour les personnes appartenant à une catégorie vulnérable. À l’extrême, on trouve le système de santé américain, où plus de 40 millions de personnes sont non assurées et davantage encore sous-assurées. Les options qui recourent au secteur privé pour financer les soins de santé nécessaires obtiennent une cote bien peu élevée au chapitre de l’équité. L’évaluation des modèles de financement selon le critère de la sécurité est moins évidente. La satisfaction des besoins fondamentaux en matière de services médicaux est en effet surtout fonction de paramètres comme l’intégralité de la protection, la facilité d’accès et la transférabilité des avantages. Du point de vue des fournisseurs, la sécurité est liée aux mécanismes d’affectation (existence de dispositions garantissant un remboursement équitable). Même si les obstacles économiques à l’accès aux soins assurés se trouvent abolis dans les régimes publics, toutes sortes de raisons poussent les gens à se prévaloir ou à ne pas se prévaloir des soins, de sorte qu’il reste presque toujours des inégalités dans l’état de santé. À la lumière des principaux déterminants de la santé, on doit s’interroger sur la gamme de services sociaux et les stratégies à implanter pour réduire les disparités de revenu. En théorie, les régimes à financement public ou privé sont tous aptes à répondre aux besoins de sécurité. En pratique, le facteur de l’équité peut entraîner des différences sur le plan de la sécurité, selon le degré d’intégralité des services que l’on peut se permettre. D’un point de vue technique, l’appui que le public accorde à un régime, quel qu’il soit, dépend de sa qualité, évaluée du double point de vue de la pertinence des soins et de la rapidité d’accès. L’existence même d’un système privé parallèle pourrait faciliter le retrait de fonds du système public par les gouvernements. Par la suite, ce scénario pourrait mener à la privatisation par attrition, c’est-à-dire à une détérioration progressive des services publics qui inciterait les personnes pouvant se le permettre à fuir le système public. Ainsi, l’érosion des régimes publics réduit la sécurité des personnes
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qui ne sont pas en mesure de souscrire à une assurance privée et nuit également à l’équité dans la qualité des soins fournis. On peut avoir recours à un certain nombre d’indicateurs pour évaluer dans quelle mesure les patients et les fournisseurs cherchent à se soustraire au régime financé par l’État (recours à des services à financement privé, difficulté de recrutement dans le système public, listes d’attente, émigration) et pour déterminer les améliorations à apporter au système afin d’en maintenir la qualité. Comme nous l’avons vu, les données internationales et canadiennes semblent indiquer que le financement public exclusif des soins médicalement nécessaires est la méthode la plus efficiente. L’efficience est renforcée par le pouvoir de monopsone que détient l’État sur les budgets globaux et sur la négociation des honoraires et des salaires avec les fournisseurs. En outre, les frais administratifs s’en trouvent réduits et les risques sont assumés collectivement. Les défenseurs du financement privé font valoir que l’injection de capital privé additionnel dans le système de santé permet d’accroître les niveaux de financement, réduit la demande à l’égard d’un système public déjà poussé à la limite et offre tant aux consommateurs qu’aux fournisseurs une plus large gamme de possibilités. En réalité, ces arguments ne contestent pas l’efficience du financement public, mais témoignent plutôt d’un accroissement des dépenses (passant sous silence la question de savoir si les dépenses additionnelles donneraient accès à des services de santé additionnels). Dans l’évaluation de l’efficience, il faut aussi tenir compte du fait que les régimes privés protègent rarement les groupes à risque élevé, à moins d’y être contraints par règlement. Les données internationales et canadiennes indiquent une corrélation positive entre les dépenses nationales en matière de santé, en tant que pourcentage du produit intérieur brut, et le pourcentage de dépenses privées : la part de la richesse nationale consacrée à la santé augmente en proportion de la part du secteur privé. Les études de cas ont révélé que la hausse des coûts semble plus forte dans les domaines de soins de santé où intervient davantage le financement privé (p. ex. médicaments, assurance-automobile, assurance-maladie pour voyageurs) que dans ceux de financement public et de monopsone (p. ex. hôpitaux). Dans une perspective macroéconomique, il importe d’examiner l’incidence que peut avoir le financement du système de santé sur la productivité et la compétitivité économiques du pays devant les marchés mondiaux. Par exemple, on doit se demander dans quelle mesure le financement des systèmes de santé réduit les fonds disponibles pour d’autres services et programmes (p. ex. éducation) qui sont déterminants pour la prospérité nationale. Par ailleurs, même si les dépenses publiques prélèvent sur l’économie privée des fonds qui pourraient autrement être disponibles à d’autres fins d’investissement ou de consommation, l’assurance-maladie financée par l’État permet aux employeurs de ne pas avoir à assumer le prix élevé des primes d’assurance privée pour leurs employés, ce qui leur donne un avantage concurrentiel par rapport aux producteurs qui doivent assumer ces frais dans leur pays (p. ex. États-Unis, Allemagne et Pays-Bas). Même si ces coûts sont finalement refilés aux travailleurs au moyen de salaires moins élevés, la facture globale demeure supérieure et constitue un désavantage concurrentiel. En outre, l’assujettissement lié au travail peut accroître le « raccrochement
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à un emploi », nuisant ainsi à la mobilité de la main-d’œuvre. Au demeurant, lors des négociations portant sur l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis, les Américains ont soutenu que l’assurance-maladie canadienne représentait une subvention déloyale à l’industrie canadienne. L’Allemagne et les Pays-Bas cherchent actuellement le moyen de supprimer les frais de santé dans les régimes de rémunération par crainte de « perdre des emplois ». Au dire de leurs défenseurs, les modèles qui autorisent le financement par le secteur privé de services spécialisés ou facultatifs en parallèle avec le financement public d’une vaste gamme de services de base permettent aux consommateurs et aux fournisseurs de jouir d’un meilleur choix. Les systèmes à deux niveaux, où les nantis peuvent acheter leur retrait du système public, nuisent incontestablement à l’équité, en particulier si la place qu’on occupe dans la liste d’attente est liée non pas au besoin mais à la capacité de payer. La sécurité des patients n’est pas nécessairement sacrifiée si les services du secteur public demeurent adéquats et de bonne qualité. La fuite des fournisseurs ou des patients vers le secteur privé pourrait menacer la viabilité du système public si celui-ci doit alors prendre en charge uniquement les personnes à haut risque. Toutefois, la plus grande faiblesse de ces modèles semble liée à l’efficacité. Les données de l’Alberta ont montré que les fournisseurs privés demandent un prix plus élevé pour des services semblables. En outre, les cliniques privées reçoivent du secteur public des subventions dissimulées, notamment du fait qu’elles font appel à des fournisseurs formés aux frais de la population et qu’elles peuvent renvoyer les patients au système public en cas de complications. Le droit à une déduction fiscale pour les paiements d’assurance privée représente aussi une subvention payée par les autres contribuables, dont les groupes qui ne bénéficient pas de ces avantages. Contrairement à une réflexion économique naïve, notre examen a montré que le financement public des services médicalement nécessaires accroît à la fois l’équité et l’efficience. La principale justification des régimes de financement mixtes se résume donc au critère de la liberté. Un financement de source unique (public) limite l’aptitude de la personne à dépenser son revenu comme il l’entend. C’est pourquoi les apôtres du libre choix préconisent l’assurance privée pour que les gens puissent choisir non seulement le type de protection qu’ils souhaitent mais aussi décider de se passer d’assurance si tel est leur vœu. L’assurance privée accroît la liberté individuelle en supprimant, pour les personnes en bonne santé, l’obligation de subventionner celles qui sont malades (qui équivaut souvent d’ailleurs à l’octroi de subventions versées aux pauvres par les riches ou aux personnes âgées par les jeunes)132. La liberté, si on la définit comme le choix du fournisseur et des options de soins qui s’offre au consommateur et comme le choix du cadre professionnel, de la situation d’emploi et de la méthode ou du niveau de rémunération que peut avoir le fournisseur, est davantage fonction du modèle de prestation et d’affectation choisi que du modèle de financement. Or, jusqu’à récemment, les régimes du secteur public sont beaucoup moins intervenus dans la prise de décisions médicales par les fournisseurs que les régimes du secteur privé, dans une large mesure en raison des méthodes d’affectation utilisées.
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Si les objectifs de liberté sont primordiaux, on peut choisir des options de financement moins intéressantes sur les autres plans. Par exemple, même si les faits montrent que le financement public est supérieur du point de vue de l’équité et de l’efficience, les gens qui, par idéologie, ont une confiance aveugle dans les marchés pourraient bien trouver ces faits non pertinents. La prestation
Le caractère public ou privé de la prestation ne devrait pas avoir en soi d’incidence sur les valeurs, sauf peut-être de façon marginale. Les fournisseurs qui jouissent d’un monopole sont jugés moins efficaces et innovants. Dans le même ordre d’idées, on peut compter davantage sur le secteur public pour fournir des services dans les régions où ces services ne sont pas économiquement rentables (p. ex. régions rurales et éloignées). La principale faiblesse de la prestation publique a trait à la liberté individuelle : les fournisseurs ne sont pas libres de choisir le mode d’exercice de leur profession, la méthode de paiement ni le montant de leur revenu. Dans la mesure où les modèles de prestation obligent les clients à s’inscrire sur des listes, le consommateur peut y perdre en diversité de choix. Il reste, toutefois, que l’efficience économique peut se réaliser dans l’un ou l’autre des deux secteurs. À l’autre extrémité, les modèles où le secteur public ne joue qu’un rôle minimal et où les services sont pour la plupart fournis par le secteur privé privilégient au maximum la liberté définie comme le choix offert aux fournisseurs et aux patients. En revanche, l’équité dans la prestation des services et la sécurité peuvent en souffrir, selon le degré de réglementation gouvernementale régissant l’industrie, les professions de la santé et la qualité des services. L’efficience de la prestation par des entités à but lucratif du secteur privé dépend de la nature des services offerts. Les écrits sur le sujet montrent que ces entités peuvent offrir un bon rapport qualité-prix lorsque les programmes ont des objectifs facilement mesurables et qui sont contrôlés et évalués régulièrement. Par conséquent, dans certains secteurs du système de santé, tel l’entretien des établissements, les entités à but lucratif du secteur privé ont tout à fait leur place. Toutefois, elles réussissent moins bien dans les programmes dont les objectifs sont complexes, tels que la plupart des services de santé et sociaux. Ici, en effet, les résultats nets peuvent détourner l’attention d’autres objectifs sociaux complexes. Il ne suffit pas d’assurer les services à bon marché sans atteindre les objectifs visés, car on ne ferait que gaspiller son argent. La solution consiste alors à imposer des normes de rendement pour s’assurer que les fournisseurs rendent des comptes et que les objectifs soient atteints. Si les modèles de prestation privée peuvent accroître l’efficience, c’est peut-être parce que les travailleurs du secteur privé sont moins souvent syndiqués, par rapport aux fonctionnaires, et que par conséquent leurs salaires sont d’ordinaire moindres. Dans cette analyse portant sur les intrants et les extrants, la main-d’œuvre devient un intrant du système de santé. Toutefois, les syndicats pourraient aussi soutenir que l’emploi de leurs membres représente un extrant et faire valoir que l’efficience découlant du recours au secteur privé est obtenue au détriment de l’équité et de la sécurité des travailleurs.
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Comme on l’a signalé plus haut, il n’y a pas de bonne réponse à cette question, qui met cependant en relief l’importance de définir clairement les termes. Les gains d’efficience que l’on pourrait obtenir grâce à la concurrence entre les deux secteurs se trouvent nécessairement amoindris si le secteur privé peut choisir « la crème de la crème », c’est-à-dire les groupes à risque moins élevé, laissant à son concurrent les groupes les plus vulnérables (qui coûtent le plus cher). Encore une fois, la subvention aux services du secteur privé que représente la formation des fournisseurs aux frais de l’État doit entrer en ligne de compte dans toute analyse de l’efficience. Il importe de comprendre que la concurrence entre les fournisseurs des secteurs privé et public n’a pas nécessairement pour effet de dégrader l’équité et la sécurité. Les soins qu’offrent les fournisseurs des deux secteurs peuvent être financés par l’État. Toutefois, si le financement public est lié à une prestation publique, et le financement privé, à une prestation privée, comme aux États-Unis, l’équité, l’efficience et la sécurité s’en trouvent diminuées, tandis que la liberté, du moins pour les personnes capables de payer, est améliorée. Les modèles de prestation dominés par le secteur privé (fournisseurs institutionnels et individuels), mais fortement réglementés par l’État, peuvent maintenir le choix pour les patients et les fournisseurs, tout en protégeant les objectifs d’équité et de sécurité. Dans les situations où la réglementation publique est stricte, les institutions visées deviennent des structures intermédiaires quasi publiques. L’efficience, dans ces modèles, peut être préservée par un financement public à payeur unique et des mécanismes d’affectation appropriés.
L’affectation
La dichotomie public-privé intervient dans les modèles d’affectation dans la mesure où des formes particulières de financement et de prestation sont plus compatibles avec certains mécanismes d’affectation. Les modèles d’affectation varient surtout sur le plan du compromis entre liberté et efficience. Le degré d’équité et de sécurité dépend davantage de la pertinence et de la qualité du régime que du mécanisme particulier d’affectation choisi. Les modèles à réglementation directe se prêtent à l’efficience sur le plan global, car il permet de mieux contrôler les coûts, dans une situation de monopsone, du point de vue des budgets et des honoraires, et même d’imposer la fermeture d’établissements. En revanche, ce contrôle est souvent exercé au détriment du choix du patient, à l’égard non seulement des services offerts mais aussi du lieu et du fournisseur de soins. En outre, la sécurité et la liberté des fournisseurs peuvent être menacées si le gouvernement use de son pouvoir de monopsone pour plafonner les budgets et les honoraires, limiter les privilèges de facturation et les privilèges hospitaliers ou intervenir ponctuellement dans les décisions médicales. Les mécanismes d’affectation obéissant uniquement aux lois du marché peuvent favoriser la liberté, mais au préjudice de la limitation des coûts. À l’échelon intermédiaire ou individuel, on peut favoriser l’efficience par la concurrence entre les fournisseurs et par un plus haut degré d’innovation institutionnelle. Toutefois, à l’échelle globale, on sacrifie habituellement l’efficience que des efforts de contrôle des coûts dans l’ensemble du système permettraient d’atteindre.
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Les mécanismes d’affectation mixtes varient également quant à l’incidence qu’ils peuvent avoir. Ainsi, les fournisseurs sont-ils en concurrence pour obtenir des contrats auprès d’agents d’achat ou pour attirer des patients ? Si les patients ne peuvent plus choisir directement leur fournisseur, quels sont les mécanismes qui obligent les agents d’achat à rendre compte de leurs décisions ? (À une extrémité, les conseils régionaux élus doivent, en principe, rendre des comptes à leur collectivité ; à l’autre extrémité, les compagnies d’assurances à but lucratif doivent rendre des comptes à leurs actionnaires.) Les gains d’efficience découlant de la concurrence à l’égard des contrats ou des patients sur les marchés dirigés peuvent aussi être réalisés au détriment de l’autonomie des fournisseurs, comme en témoignent de nombreux organismes de préservation de la santé aux États-Unis, où les décisions en matière de soins peuvent être fondées sur la volonté d’accroître l’efficience à l’échelle individuelle ou sur des motifs médicaux.
LES CADRES DE PRISE DE DÉCISIONS SUR LES SERVICES À ASSURER OU À EXCLURE
Dans tout système qui repose sur un financement par des tiers, quelqu’un doit décider des éléments à inclure et à exclure. Dans la présente section, nous examinons un certain nombre de stratégies qui ont été utilisées et nous formulons des commentaires sur leur pertinence du point de vue des divers intéressés. Nous commençons par les résultats d’entrevues téléphoniques que nous avons menées auprès de porte-parole des gouvernements provinciaux et territoriaux afin d’évaluer leur vision de la démarche actuellement utilisée dans la Loi canadienne sur la santé. Nous exposons ensuite brièvement quatre options : 1) l’expérience bien connue de l’Oregon, visant à limiter les soins à offrir à la population assujettie à Medicaid ; 2) le modèle proposé aux Pays-Bas, mais non encore mis en œuvre ; 3) le modèle à quatre critères de sélection proposé par Deber et Ross pour le Groupe d’intervention action santé ; 4) la version du modèle à quatre critères de sélection actuellement utilisée par l’Association médicale canadienne (AMC) pour définir les services de base et complets. Chacun des modèles de soins de santé examinés vise à fournir un ensemble de services de base assurant la protection complète d’une population particulière. Nous avons jugé utile d’appliquer les huit critères suivants : • Qui est inclus dans le modèle (universalité ) ? • Quels services sont assujettis (intégralité ) ? • Le modèle a-t-il la souplesse nécessaire pour permettre l’innovation et l’évolution des modes de traitement ? • Le modèle tient-il compte de la diversité des avantages cliniques (attendus) et des valeurs du patient ? • Le modèle permet-il de se tenir au courant des coûts et des résultats ? Établit-il des normes de rendement ?
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• Quels sont les besoins d’information sur les actes médicaux assurés par le modèle ? • Dans quelle mesure le modèle est-il facile à mettre en œuvre ? • Dans quelle mesure est-il facile de contrôler le volume et le coût des services de base à assurer ?
Le modèle de la Loi canadienne sur la santé
Comme nous l’avons vu dans les sections précédentes, la Loi canadienne sur la santé exige un assujettissement universel aux services assurés. Le gouvernement fédéral détermine les montants à déduire ou à retenir en application de la loi, notamment au chapitre de la surfacturation et des frais modérateurs. Dans le cadre de notre étude, nous avons mené une série d’entrevues téléphoniques auprès de hauts fonctionnaires de toutes les provinces et des territoires du Canada. Nous apprécions grandement leur coopération. Le calendrier des entrevues sera fourni sur demande. Nous nous contentons ici de résumer les principales idées exprimées par nos répondants. Pertinence de la définition de la notion d’intégralité dans la Loi canadienne sur la santé
La principale faiblesse observée dans la Loi a trait à la définition de la notion d’inté gralité. Comme nous l’avons signalé, certains services peuvent aujourd’hui, grâce aux progrès de la technologie, être fournis à l’extérieur des hôpitaux et par des intervenants autres que des médecins. Cette situation a amené les provinces à conclure que la définition de la notion d’intégralité n’était plus valable dans la loi. Dans un effort pour réduire les coûts, les provinces et les territoires cherchent à désassurer certains services, souvent après avoir consulté l’association médicale visée. Une province, en collaboration avec son association médicale, a passé en revue les barèmes d’honoraires des médecins et regroupé les services assurés en trois catégories, se distinguant par leur degré de sensibilité politique. (L’avortement est un exemple de services appartenant à la catégorie la plus sensible.) Elle a ensuite formé une commission d’examen, constituée de représentants du gouvernement et de médecins, chargée d’examiner les services susceptibles d’être retranchés dans chacune des catégories. Les résultats doivent être présentés au gouvernement et à l’association médicale, sans faire l’objet de consultations publiques. Certaines provinces se fixent des objectifs financiers pour les économies découlant de la désassurance des services (p. ex. Ontario et Colombie-Britannique). Il convient de signaler que rares sont les postes du barème des honoraires dont la suppression pourrait donner lieu à d’importantes économies sans graves conséquences sur la santé et que les services médicaux désassurés sont, jusqu’à présent, considérés comme marginaux (p. ex. épilation du visage et circoncision ordinaire en Ontario) ; un marché privé subsistera vraisemblablement pour ces services. Par ailleurs, les provinces réduisent ou suppriment aussi le financement de services non obligatoires aux termes de la Loi canadienne sur la santé. Ces services relèvent,
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bien souvent, d’une définition plus générale de la notion de santé (p. ex. dispositifs fonctionnels, soins ophtalmologiques, soins dentaires, aide à domicile, médicaments) et leur abolition peut être incompatible avec le rôle des déterminants de la santé, que la plupart de nos répondants déclarent important. Les commentaires de nos répondants montrent clairement que les temps diffi ciles sur le plan économique expliquent pourquoi les critères de la loi, autrefois considérés comme un minimum, sont devenus un maximum. La loi exige que les services médicalement nécessaires soient assurés, mais elle n’empêche pas l’inclusion de services additionnels. Néanmoins, les répondants des provinces estiment que les définitions de la loi réduisent l’aptitude à inclure des services auxiliaires, ajoutant que la Loi manque de souplesse. Nos répondants signalent également que le concept de services médicalement nécessaires est trop vague. Voici quelques commentaires reproduits à titre indicatif :
Les services de base devraient répondre à l’objectif d’intégralité, mais nous n’avons pas beaucoup réfléchi sur la question. C’est d’ailleurs une cible mobile. Je ne sais pas qui devrait être habilité à décider de ce qui est médicalement nécessaire. Les médecins seraient selon moi les plus aptes à le faire, mais ils sont en situation de conflit d’intérêts. La société devrait décider de ce qui est médicalement nécessaire par la voix de ses représentants élus. C’est une question difficile. Je ne sais vraiment pas. Nous devrions peut-être restreindre la définition. Peut-être que la définition est trop rigide en ce moment.
Tous les répondants des provinces estiment que le gouvernement, en collaboration avec les fournisseurs et les consommateurs, devrait définir le critère d’« intégralité » et les « services médicalement nécessaires ». D’après eux, ces décisions devraient reposer sur des analyses de l’efficacité et des résultats en matière de santé fondées sur des faits, mais aucune des provinces n’a encore pris de mesures en ce sens. On constate énormément d’insatisfaction au sujet des définitions actuelles, jugées indûment rigides, vagues et inadaptées aux besoins changeants des consommateurs. Bien que presque tous les répondants soient d’avis que le concept de services médicalement nécessaires perpétue un modèle médical axé sur la maladie au lieu de préconiser une définition plus générale de la notion de santé, aucun n’a pu proposer une solution de rechange utilisable. Dans la conjoncture économique actuelle, les gouvernements provinciaux semblent peu enclins à prendre en charge des services, à moins d’y être obligés. Paradoxalement, même si la plupart des répondants affirment que leur province s’inspire d’une définition de la notion de santé plus globale que celle qui ressort de la loi, les liens demeurent ténus entre cette rhétorique et les structures de financement en place.
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En réaction aux réductions pratiquées par le gouvernement fédéral dans les paiements de transfert, la plupart des provinces estiment que cette diminution du rôle financier devrait s’accompagner d’un désengagement correspondant par rapport à la détermination des priorités quant aux dépenses de santé. Cet argument est souvent associé à une réorientation des services de santé, en vertu de laquelle on passe de services médicaux et hospitaliers à des méthodes apparemment plus rentables (dont la prévention). Le processus de désassurance s’est réalisé jusqu’à présent de façon ponctuelle et opportuniste. On a rarement pris des décisions, à cet égard, en s’appuyant sur des faits probants ou en tenant compte de l’incidence possible sur la santé de la population. La pratique qui consiste, pour une province, à imiter sa voisine qui a désassuré certains services est très courante. La participation du public au processus est demeurée minime, la plupart des provinces ayant négligé de consulter la population. Le gouvernement fédéral continue d’intervenir, dans une certaine mesure. Le ministère des Finances administre les paiements de transfert aux provinces. La Direction de l’assurance-santé est chargée de contrôler systématiquement les conditions et les critères établis dans la Loi canadienne sur la santé. Au moment où nous écrivons ces lignes, les sous-ministres provinciaux de la Santé étudient la notion d’intégralité et s’attachent à définir ce qu’elle devrait englober. À l’heure actuelle, les provinces dont la situation financière est le moins enviable n’assurent en général que les services obligatoires aux termes de la loi. Selon de nombreux répondants de l’Atlantique, le problème réside dans la difficulté de retrancher quoi que ce soit sans encourir la désapprobation généralisée de la population. Points de vue sur le rôle du secteur privé
L’assurance privée, selon nos répondants, a sa place lorsqu’il s’agit d’extras, comme la protection à l’étranger, mais non dans les services de base assurés par le secteur public. On pense généralement que les frais modérateurs pour les services assurés sont inutiles et inefficaces, mais que les quotes-parts pour les médicaments ou les frais modérateurs pour les services à domicile et autres services non assurés sont plus acceptables. La plupart des répondants affirment qu’ils ne sont pas en faveur d’un système de santé à plusieurs niveaux, mais qu’un tel système existe sans doute déjà. Les provinces désireuses d’accroître le rôle du secteur privé sont aussi en général les mieux nanties. Les provinces atlantiques et les territoires du Nord ne sont nullement intéressés à réduire le rôle du secteur public, leur préoccupation étant plutôt de trouver le moyen de financer les services actuels au moyen d’un budget moindre. Ces réactions semblent corroborer l’hypothèse selon laquelle les modèles de financement mixtes ont pour effet de déplacer plutôt que de réduire les coûts et existeront uniquement si l’on peut compter sur une clientèle assez riche pour permettre l’essor d’un marché parallèle. Les répondants des provinces les plus opulentes estiment que les efforts du gouvernement fédéral visant à limiter l’intervention du secteur privé représentent une atteinte directe à leur droit de gérer leur propre système.
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Les coûts sont la principale préoccupation de tous nos répondants. Tous s’en tendent pour dire qu’il est nécessaire de réduire les services aujourd’hui, afin de permettre demain au système de faire face à l’augmentation de la demande. La nécessité de contrôler les coûts porte à croire que seuls les services « réellement nécessaires » devraient être offerts par les gouvernements provinciaux. La privatisation est ainsi considérée comme un moyen d’alléger le fardeau financier des gouvernements et, partant, comme une option qui mérite d’être examinée. Au total, donc, une nouvelle interprétation, plus restrictive, de la Loi canadienne sur la santé semble se dégager : personne ne doit se voir refuser l’accès aux soins de santé, mais l’imposition de frais au point de service dans le cas de certains soins ne doit pas être exclue.
Les services que les gouvernements ne devraient pas payer
Nous avons demandé à nos répondants quels services, à leur avis, les gouvernements provinciaux ne devraient pas payer. De façon générale, les répondants ne sont pas à l’aise avec les méthodes fondées sur des listes, parce que les services ont une valeur variable et qu’il est trop facile de « jouer » avec les listes. Certains de nos répondants espèrent que des changements dans la procédure d’affectation conféreront aux gouvernements provinciaux une plus grande souplesse. Ils pensent, par exemple, que le médecin de premier recours devrait « prodiguer les soins nécessaires sans s’en tenir servilement à une liste ». Certains répondants rejettent explicitement le modèle de l’Oregon, qui « n’a pas donné de résultats particulièrement heureux, tout le système finissant par se résumer à des cotes de priorité ». Selon l’un des répondants, « la plupart des gens sont indifférents aux statistiques fondées sur les taux de morbidité ou de mortalité. Ce qui leur importe vraiment, c’est d’être rassurés ou réconfortés par leur médecin, et cela n’est pas mesurable. » Naturellement, il est plus facile de déléguer aux fournisseurs et aux patients la responsabilité de décider de ce qui est nécessaire quand on a mis en place un système d’affectation qui prévoit un plafond et ne comporte aucune incitation financière favorisant la prestation de services superflus. Un des répondants souligne les difficultés inhérentes à une désassurance service par service en donnant l’exemple des opérations à la vésicule biliaire qui, à son avis, sont abusives dans 30 % des cas. Pour lui, il serait politiquement impossible et généralement peu approprié de désassurer globalement ce type de chirurgie parce que, si 30 % des cas sont abusifs, il reste 70 % de cas pertinents. En outre, comme le barème des honoraires comporte un très grand nombre d’actes médicaux, la suppression d’un service particulier ne peut guère donner lieu à des économies importantes. C’est pourquoi la désassurance s’est surtout réalisée à la périphérie des services assurés, avec la coopération des médecins. En utilisant une métaphore, un des représentants a déclaré qu’il nous faudrait « un gradateur plutôt qu’un interrupteur ». Par exemple, les examens médicaux annuels ont été désassurés dans plusieurs provinces et territoires pour certains segments de la population, avec l’assentiment des médecins. Il importe, toutefois, de ne pas renoncer aux avantages de l’éducation sanitaire, de la promotion de la santé et de la détection précoce que favorisent ces examens (voir les recommandations du Groupe
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de travail canadien sur l’examen médical périodique). En outre, il est important de ne pas procéder à la désassurance uniquement pour créer un marché privé additionnel exerçant ses activités en dehors des contraintes budgétaires. Nos répondants ont signalé que la désassurance de services est un processus à la fois long, lent et fastidieux, d’autant plus que les services assurés sont prodigués par des médecins dont il faut recueillir l’opinion avant de prendre des mesures. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la méthode la plus courante est celle qui consiste à se maintenir au niveau de son voisin. La rapide succession des décisions ayant pour effet de désassurer les examens médicaux annuels et les soins ophtalmologiques en est un double exemple. Même si nos répondants ne les ont pas abordés, il se présente d’autres dilemmes intéressants. L’un d’entre eux porte sur le moyen de concilier le rôle du médecin de premier recours avec celui de « filtre », dans l’espoir d’axer l’action sur les principaux déterminants de la santé plutôt que sur les services médicaux. Pour y arriver, il faudra d’abord modifier en profondeur la prestation des services de santé. On peut aussi se demander si les essais d’affectation des ressources en fonction des avantages perçus ou réels n’iront pas à l’encontre des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés relatives à l’égalité, surtout si la réaffectation est jugée discriminatoire en fonction de l’âge ou de l’incapacité. Dans certaines provinces, les décisions ont été confiées aux autorités régionales de la santé.
Le services à assurer idéalement
Toutes les personnes que nous avons interviewées ont formulé des commentaires sur la question des services qu’il conviendrait idéalement d’assurer, en insistant sur la gamme étroite des services actuellement assurés et en signalant le besoin de se défaire de la mentalité des « filières » et des « chasses gardées ». Comme l’un des répondants l’a signalé, « un traitement à l’insuline peut être plus médicalement nécessaire qu’un simple examen médical. La médecine axée sur les soins aigus de base donne lieu à toutes sortes d’anomalies. » Lorsque les patients sont renvoyés chez eux plus rapidement et plus malades qu’autrefois, mais qu’ils arrivent ensuite à se rétablir au sein de la communauté grâce à des médicaments ou aux progrès technologiques, la désassurance de la partie communautaire du traitement inquiète la plupart des provinces et territoires. Les efforts déployés pour réduire les coûts mènent à des désassurances ponctuelles, mais ils incitent aussi les représentants à se demander pourquoi certains services sont assurés plutôt que d’autres, tout aussi importants pour la santé. Toutefois, les répondants conviennent qu’il est presque impossible d’assurer de nouveaux services dans la conjoncture économique actuelle, alors qu’on en supprime d’autres. Les répondants de la plupart des provinces et territoires signalent que leur population a des besoins spéciaux en matière d’assurance-maladie intégrale et que les normes nationales ne sont donc pas entièrement adaptées. Nous devons avouer que l’argument ne nous a pas convaincus. À notre avis, les services médicalement
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nécessaires s’appliquent à la personne. Les provinces diffèrent peut-être quant au pour centage de personnes ayant besoin de services particuliers, mais les services nécessaires au Manitoba, par exemple, le sont aussi à l’Île-du-Prince-Édouard. Les paiements de péréquation visent justement à permettre à tous les Canadiens d’avoir accès aux mêmes niveaux de services essentiels, quelle que soit leur province de résidence, et les Canadiens sont profondément convaincus que les soins de santé figurent parmi ces services essentiels. Cette question a fait ressortir l’insatisfaction au sujet des services visés par la Loi canadienne sur la santé. Bon nombre de nos répondants ont avancé que si les provinces étaient libres de choisir leurs propres mécanismes sans être soumises aux conditions et exigences du gouvernement fédéral, elles seraient mieux à même de décider des services à offrir à leurs habitants. La fragmentation du système de santé et les écarts qui ne manqueraient pas de se creuser, par suite d’une telle orientation, n’ont pas semblé un sujet de préoccupation. Processus d’assurance et de désassurance
Parmi les répondants interviewés, seuls ceux des territoires ont mentionné que le public avait un rôle réel à jouer dans le processus d’assurance ou de désassurance des services. Bon nombre des services assurés dans les provinces ne le sont pas dans les territoires et, bien souvent, les services actuellement offerts et assurés, dans le Nord, le sont à la suite d’une demande de la population. Par exemple, un reportage de l’émission de télévision W5 consacré à certaines techniques laparoscopiques a incité de nombreux habitants des Territoires du Nord-Ouest à exercer des pressions pour que le gouvernement assure ce service, ce qu’il fait maintenant. Le gouvernement du Yukon a été pressé par ses médecins de désassurer une intervention chirurgicale contre l’obésité au cours de laquelle on prélève des tissus cutanés, parce que cette opération est inefficace et qu’elle n’est pas appuyée par des preuves médicales. Les répondants des deux territoires estiment que la participation du public peut toutefois mettre un accent indu sur les demandes de certains groupes d’intérêts particuliers. Par extrapolation, l’hypothèse qui sous-tend les réformes provinciales actuelles, à savoir que la planification en fonction de régions plus petites favoriserait des décisions plus rationnelles concernant les besoins de la population en matière de santé, pourrait bien être infirmée dans la pratique. La plupart des décisions concernant l’assurance ou la désassurance des services se prennent à partir des propositions émanant d’un nombre limité d’intéressés, principalement des membres du gouvernement et les associations médicales provinciales. La participation des autres groupes, dont les publics touchés, est rarement vraiment sollicitée, si ce n’est pour la forme. Bien que les provinces soient persuadées que leur processus est efficace, l’absence de données est saisissante. En général, ni les décisions d’assurance ni les décisions de désassurance ne sont fondées sur des faits probants, surtout qu’elles sont souvent prises trop rapidement pour permettre de recueillir des données. D’ailleurs, l’incidence de ces décisions n’est pas systématiquement contrôlée (on ne sait pas, par exemple, dans quelle mesure la désassurance des soins
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ophtalmologiques courants, en Saskatchewan et en Alberta, a eu des effets sur le public et sur le système de santé). Selon un leitmotiv observé dans presque toutes les discussions, seuls les services qui ont sur la santé une incidence positive avérée devraient être remboursés par le gouvernement. La question du fardeau de la preuve, dans ce cas, vient naturellement à l’esprit : les interventions sont-elles réputées efficaces jusqu’à preuve du contraire, ou vice versa ? Pour leur part, les patients ne peuvent se permettre d’attendre que la question soit tranchée, et bon nombre d’interventions se prêtent mal à une évaluation rigoureuse. Comme les services sont rarement inefficaces à cent pour cent, la désassurance globale ne saurait être la solution. C’est pourquoi la plupart des provinces et territoires recherchent un fondement scientifique pour l’évaluation de l’efficacité.
Examen du modèle de la Loi canadienne sur la santé
La Loi canadienne sur la santé laisse à l’intervenant (en général le médecin) le soin de déterminer quels services médicaux ou hospitaliers sont nécessaires, sous réserve du jugement professionnel et des limites financières imposées par la présence d’un numéro de facturation approprié dans le barème des honoraires. Les provinces sont encouragées à adopter l’approche du tout ou rien, c’est-à-dire qu’un service est assuré pour tout le monde ou ne l’est pas du tout. Or, cette méthode nuit à la capacité de cibler des groupes ayant des besoins spéciaux dans la population en général. L’un des points forts du modèle de la Loi, estime-t-on, est son aptitude à s’adapter à l’évolution des méthodes cliniques dans le contexte des soins de courte durée, c’est-àdire que les nouvelles techniques ou technologies hospitalières sont facilement absorbées par le modèle. En revanche, les technologies et les médicaments qui permettent la prise en charge des patients en dehors du secteur médical et hospitalier peuvent provoquer la désassurance de services jusque-là couverts. La Loi ne régit pas la répartition géographique, sauf du point de vue de l’accessibilité, et n’impose aucune exigence à l’égard des services offerts en dehors des hôpitaux, même s’ils sont identiques à ceux que reçoivent les patients hospitalisés. C’est pourquoi les services externes sont particulièrement exposés à la désassurance, surtout s’ils ne sont pas fournis par des médecins. Les services de santé publique et de santé mentale ne font pas officiellement partie de l’assurance-maladie, ce qui rend précaire la prestation de services préventifs tels que les cliniques s’adressant aux enfants en santé, les centres de planification familiale et les programmes communautaires de santé mentale. Le modèle canadien actuel ne constitue, pour les provinces, qu’un cadre légal ambigu lorsqu’il s’agit de déterminer quels actes médicaux sont nécessaires ou non, à moins que la législation provinciale ne vienne à leur secours. L’utilisation explicite de l’hôpital comme lieu des services de santé assurés et du médecin qui fait office de filtre n’est plus entièrement adaptée aux besoins actuels en matière de soins de santé ni aux pressions financières qui s’exercent sur le système public. Il n’existe actuellement aucune limitation fondée sur l’efficacité ou la capacité financière. C’est ce qui explique la désassurance opportuniste de services marginaux (même si bon nombre d’entre eux peuvent être très efficaces).
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Le modèle de la Loi canadienne sur la santé présente en outre l’avantage de préciser sans ambiguïté ce qui doit être assuré. Malheureusement, les règles peuvent inclure des actes médicaux dont l’efficacité est douteuse et passer à côté de soins nécessaires offerts en dehors du secteur médical ou hospitalier. Le modèle de l’Oregon
L’expérience de l’Oregon a commencé par un essai de classement de toutes les interventions possibles, dans le but de déterminer explicitement quels services publics devaient être offerts aux pauvres133. On n’a pas reculé devant la tâche monumentale qui consistait à calculer les ratios coût-efficacité de tous les actes médicaux, en invitant les citoyens, les communautés et les groupes d’intérêt à participer à un débat sur l’établissement d’une liste de services de santé prioritaires d’après leur valeur pour la société. Il a fallu réunir des quantités phénoménales d’information, dont des analyses des coûts marginaux et moyens, ainsi qu’une évaluation éthique de la liste résultante et de ses exclusions. La prise de décisions fondées sur le modèle de l’Oregon consiste à juger des avantages nets d’un service de santé du point de vue de la sauvegarde de la vie humaine, du rapport qualité-prix, du rétablissement de la personne et de la compatibilité avec les valeurs collectives. Le modèle de l’Oregon a été qualifié d’exemplaire en raison de son caractère explicite, de l’adoption de critères d’efficience et de la participation systématique du public, qui ont favorisé « l’articulation des valeurs sociales et la reddition des comptes »134. Toutefois, ce modèle présente des faiblesses évidentes. D’abord, les jugements s’appliquent uniquement au segment de la population à faible revenu admissible au programme Medicaid, alors que les membres de la communauté qui ont participé au classement des services appartiennent à la classe moyenne (il s’agit, bien souvent, de professionnels de la santé) et sont donc peu susceptibles d’être touchés par les décisions prises. La complexité technique de l’opération, qui a entraîné de nombreuses erreurs dans les calculs et dont les résultats ne sont ni fiables ni valides, pose aussi un problème135. Enfin, plusieurs traitements potentiellement bénéfiques ont été omis. L’Association médicale canadienne cite, à titre d’exemple, le traitement médical ou chirurgical du cancer métastasique dans le cas où le résultat ne serait pas supérieur à 5 % de survie après cinq ans. Les débats portant sur les problèmes éthiques que pose le modèle n’ont débouché sur aucune conclusion, car les besoins en information étaient énormes. En outre, comme le modèle est le résultat d’une opération ponctuelle ayant donné lieu à une liste statique de services assurés, on aura de la difficulté à intégrer les innovations et les changements dans les pratiques cliniques ou les structures de traitement. L’ajout ou le retrait d’actes médicaux sera une opération longue et complexe. À vrai dire, le manque de souplesse du modèle de l’Oregon a été signalé par bon nombre des porteparole du gouvernement canadien interviewés pour notre étude, et c’est la principale raison pour laquelle le modèle n’est pas jugé approprié comme solution de rechange au modèle de la Loi canadienne sur la santé.
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Le processus de l’Oregon fait éclater au grand jour le manque de consensus qu’il peut y avoir au sujet des soins médicaux appropriés ou nécessaires : il a fallu revenir plusieurs fois à la charge pour en arriver à dresser une liste, dont certains éléments, d’ailleurs, sont loin de faire l’unanimité. Pour qu’un service soit désigné comme nécessaire et figure sur la liste de l’Oregon, on doit d’abord en prouver l’efficacité. Cette méthode n’est pas adaptée aux besoins ni aux désirs des patients individuels, de sorte qu’on se retrouve avec une liste de services statiques ne laissant guère de liberté d’action au patient. Aucun mécanisme ne permet d’intégrer facilement les nouvelles technologies ou de réagir rapidement aux changements dans les pratiques cliniques. Enfin, le modèle ne tient pas compte du fait que les patients ne réagissent pas tous de la même façon à un traitement, si efficace soit-il.
Le modèle des Pays-Bas
Le modèle des Pays-Bas définit la santé comme l’aptitude à fonctionner normalement. Cette définition se divise par la suite en trois volets : pour l’individu, l’aptitude est assimilable à l’autodétermination et à l’autonomie ; les médecins et les professionnels de la santé définissent la normalité comme l’absence de maladie ; la communauté dans son ensemble considère la santé comme la possibilité de chacun des membres de la société de fonctionner normalement. Le niveau de la définition à appliquer est fonction du niveau de prise de déci sions : au niveau national (échelon global), c’est la perspective communautaire qui doit l’emporter ; au niveau institutionnel (échelon intermédiaire), les critères professionnels prédominent ; au niveau des dispensateurs de soins eux-mêmes (échelon individuel), enfin, c’est l’approche personnelle qui est privilégiée. Le modèle des Pays-Bas s’appuie sur une stratégie descendante, où les limites sont imposées par l’échelon national, qui définit les paramètres de l’échelon intermédiaire, et où les limites définies par les échelons national et intermédiaire réduisent la portée de l’action individuelle. Il s’ensuit que les soins nécessaires sont définis différemment pour chaque groupe, ce qui permet de répondre à des besoins particuliers, même si les chevauchements sont autorisés. Le processus de définition des soins nécessaires, aux Pays-Bas, comprend quatre niveaux de sélection. Au premier niveau, on rejette les soins non nécessaires d’après les critères communautaires ; le deuxième niveau n’autorise que les soins dont l’efficacité a été étudiée ; au troisième niveau, la sélection se fait d’après des critères d’efficience (rapport qualité-prix ou méthodes comparables) ; le quatrième niveau, enfin, écarte les soins qui pourraient être laissés à la responsabilité individuelle. Seuls les soins qui résistent à l’épreuve des quatre niveaux de sélection sont inclus dans le régime d’assurance de base. Fondé sur le postulat que les services de santé ne peuvent ni ne doivent tous être financés par l’État, le modèle néerlandais suppose que les droits individuels et l’autonomie professionnelle sont limités dans l’intérêt de l’équité et de la solidarité devant les soins de santé. Il justifie l’utilisation pertinente des listes d’attente. Il recommande que les professionnels de la santé soient responsables de la continuité
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des soins prodigués aux patients en faisant un usage approprié de nombreux services que le Canada n’inclut pas dans ses services assurés, tels que la psychothérapie offerte dans la communauté, les médicaments et la physiothérapie. Le modèle des Pays-Bas recommande une description légale des droits dans le régime de base, des dispositions législatives sur la qualité des soins à l’intention des patients ayant une déficience mentale et physique et des malades psychiatriques, ainsi que la promotion de la recherche sur les coûts et avantages des soins de santé offerts. Différentes autres mesures sont aussi recommandées : examen critique des listes d’attente ; établissement des priorités ; création d’un organisme indépendant, en liaison avec la Communauté européenne, chargé d’évaluer les nouvelles technologies sur le plan de la sécurité et de l’efficacité ; reddition des comptes par les professionnels, leurs associations et les autres fournisseurs, dans le cadre d’un travail en collaboration avec les assureurs et les organisations de patients ; établissement de protocoles, de lignes directrices et de répertoires essentiels pour la prestation de soins appropriés ; mise en place d’un processus destiné à encourager les débats publics en vue d’en arriver à un consensus social souhaitable pour la prise de décisions politiques. Le modèle néerlandais est très restrictif, car il exclut de nombreux soins qui pourraient être bénéfiques mais dont les avantages n’ont pas encore été prouvés, ainsi que les soins coûteux, indépendamment des avantages. Selon le modèle, ces services doivent être offerts ailleurs (donc aux seules personnes capables d’assumer les frais d’assurance complémentaires), de sorte qu’il ne s’agit pas d’un système véritablement universel à payeur unique. Certaines décisions sont par ailleurs quelque peu arbitraires (p. ex. le traitement des blessures liées à la pratique d’un sport et l’admission dans un foyer pour personnes âgées seraient inclus dans les services de base).
Le modèle à quatre critères de sélection (Deber-Ross)
Le modèle à quatre critères de sélection a été élaboré par Deber et Ross pour le Groupe d’intervention action santé dans le but d’aplanir les difficultés que soulève la définition de la notion d’intégralité dans la Loi canadienne sur la santé. Le modèle part du microniveau (individuel), où l’on se demande s’il convient de payer une intervention particulière pour une personne particulière. Sa mise en œuvre est grandement simplifiée lorsque les décisions d’affectation individuelles peuvent concourir à l’élaboration d’orientations globales (sociétales), dont la détermination du budget total. (Il s’agit là d’une variante que nous appelons « modèle global à quatre critères de sélection ».) Comme le modèle néerlandais, le modèle à quatre critères de sélection suppose que les décisions d’assujettissement sont prises en fonction de quatre paramètres hiérarchisés, de sorte que seules les interventions répondant à un critère antérieur sont examinées à l’étape suivante (tableau 13). Les deux premiers critères sont fondés sur des faits probants. Au moyen du premier critère (efficacité), on détermine si l’intervention donne de bons résultats. Le deuxième critère (pertinence) tient compte de l’information sur les risques et les avantages du service pour des personnes particulières et permet donc un examen individualisé dans un contexte particulier. Un des problèmes qui se posent ici a trait à
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Modèle à quatre critères de sélection Critères
Paramètres Décision : par qui ? Autres points à considérer
1. Efficacité Clinique : Donne-t-elle de bons résultats ? Sécuritaire, efficace, etc.
Faits probants : Chercheurs internationaux Associations professionnelles Fournisseurs/établissements
Fardeau de la preuve ? Qualité des données ?
2. Pertinence Est-elle nécessaire ? Clinique : Bienfait prévu, situation clinique donnée
Faits probants : Fournisseurs/établissements Associations professionnelles (p. ex., lignes directrices) Chercheurs internationaux
Fardeau de la preuve ? Portée du bienfait ?
3. Choix éclairé Personnel : Est-elle voulue ? Concordance entre les résultats prévus et les désirs du patient
Valeurs : Patients Fournisseurs
Patient informé ?
4. Prestation publique Le public devrait-il payer ?
Valeurs : Citoyens Gouvernements
Processus axé sur la participation ? Ressources disponibles ?
Économique/politique : 1. Minimisation des coûts ? 2. La société peut-elle tolérer le rejet ? 3. Avancement des connaissances/ évaluation des pratiques ?
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Tableau 13
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la façon de traiter l’incertitude des faits probants. Bien souvent, en effet, les approches axées sur les faits probants (dont le modèle des Pays-Bas décrit ci-dessus) présument à tort que « preuve d’inefficacité » et « absence de preuve d’efficacité » sont synonymes. « Comme une grande partie des pratiques médicales n’ont pas été évaluées, ce critère aurait pour effet de faire rejeter la plupart des interventions, y compris un grand nombre qui sont susceptibles de se révéler salutaires136. » Ce genre de politique serait contraire à l’intuition et donc inacceptable du point de vue du fournisseur et du public. D’ailleurs, rares sont les essais d’application de lignes directrices aussi rigides qui ont réussi. Le modèle à quatre critères de sélection accorderait plutôt le bénéfice du doute à ces interventions, en proposant de procéder à des évaluations pour que les décisions futures s’appuient sur de meilleures preuves et en informant les décideurs de l’étendue des faits à l’appui de l’intervention. Les troisième et quatrième critères sont fondées sur des valeurs. La critère 3 (choix éclairé) intègre le point de vue des bénéficiaires de soins (patients, clients ou consommateurs). Le modèle ne laisse pas le consommateur décider de tout, car les choix offerts sont ceux qui ont déjà résisté à l’épreuve des deux premiers critères. Toutefois, de nombreuses décisions cliniques sont comme un coup de dé, où les probabilités de réussite ou d’échec sont presque égales, de sorte que les valeurs et les préférences du patient déterminent souvent le choix optimal. Dans la logique du modèle à quatre critères de sélection, les traitements qui ne satisfont pas aux trois premiers critères ne devraient pas être financés par quiconque. S’ils sont inefficaces, non pertinents ou non désirés, pourquoi alors les offrir ? Idéalement, les grandes questions devraient se poser au niveau du critère 4 (prestation publique). Si le traitement peut être bénéfique pour une personne, doitil être payé par un tiers ? Deber et Ross proposent que cette décision tienne compte d’au moins trois facteurs : minimisation des coûts, valeurs sociales et avancement des connaissances.
Minimisation des coûts
Le service proposé représente-t-il le moyen le moins coûteux d’atteindre l’objectif souhaité ? Par exemple, l’exercice peut être bon pour la santé, mais il existe de nombreux moyens peu coûteux de faire de l’exercice, de sorte qu’il ne convient peut-être pas de financer à même les deniers publics les frais d’inscription à un centre de conditionnement physique. De la même manière, les fournisseurs doivent être encouragés à fournir les soins de la façon la plus efficace possible (ce qui pourrait supposer une restructuration en profondeur du système de soins). Ce critère n’équivaut pas à la détermination de la rentabilité, car il ne vise nullement à évaluer le rapport qualité-prix. Il consiste tout simplement à rechercher le moindre coût pour un service donné (compte tenu d’un certain niveau de qualité, des délais, etc.).
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Les valeurs sociales
Le modèle à quatre critères de sélection propose de répondre à la question suivante : « Si une personne veut recevoir un traitement susceptible de lui être salutaire, mais qu’elle ne peut se le permettre financièrement, la société dans son ensemble juget-elle acceptable de lui refuser ce traitement ? » Une réponse négative suppose que le traitement est jugé médicalement nécessaire pour cette personne. Comme le montrent les écrits sur le sujet, un financement de source unique est préférable, en pareil cas, de sorte qu’un financement public se justifie pour des raisons de contrôle des coûts et d’évitement de la sélection en fonction du risque. Toutefois, si nous jugeons effectivement acceptable de refuser les soins, le modèle n’exigerait alors pas qu’ils soient inclus dans le régime public.
L’avancement des connaissances
Pour trancher, à l’avenir, les cas auxquels on a accordé le bénéfice du doute et pour garantir les progrès dans les méthodes d’amélioration de la santé, il pourrait aussi être souhaitable de financer publiquement l’introduction et l’évaluation de certaines interventions (dans un contexte de recherche), afin de faciliter la prise de décisions futures. Le modèle dans la pratique
Comment le modèle à quatre critères de sélection fonctionnerait-il dans la pratique ? Examinons plusieurs exemples. Bon nombre des traitements actuellement financés répondraient très bien aux quatre critères. Un pontage coronarien résisterait à l’épreuve du premier critère, car il peut être efficace. Au moyen du deuxième critère, on préciserait les catégories de patients pour qui les avantages l’emporteraient vraisemblablement sur le risque. À la troisième étape, les patients potentiels seraient informés des choix qui s’offrent à eux, et certains choisiraient un traitement moins violent. À l’aide du quatrième critère, on pourrait déterminer que d’autres méthodes (p. ex. un régime) seraient plus avantageuses pour certaines catégories de patients, mais on recommanderait la prise en charge des frais par l’État pour les patients à qui la société ne refuse pas le traitement. D’autres interventions actuellement financées (p. ex. radiographies courantes) pourraient ne pas résister à l’épreuve, faute d’un ciblage suffisamment précis selon les critères 2 et 4. Certaines interventions non financées actuellement, telles que les injections d’insuline aux diabétiques gravement atteints, résisteraient probablement à l’épreuve des quatre critères. Les décisions relatives à la promotion de la santé et à la prévention des maladies seraient de la même manière partagées : les cours de conditionnement physique et les thérapies parallèles dont l’efficacité n’est pas avérée pourraient être rejetés, tandis que les cours prénataux et l’aide psychologique aux patients cancéreux pourraient satisfaire à tous les critères. Dans la logique du modèle à quatre critères, le financement par le secteur privé d’un sous-ensemble de services limité pourrait donc avoir sa place.
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La même logique, toutefois, présente des difficultés pour les assurances privées. À première vue, on pourrait se demander qui accepterait de payer des interventions inefficaces, inappropriées ou non désirées. Naturellement, il pourrait y avoir un créneau pour les services de luxe non sélectionnés pour des raisons de coût ou de valeurs sociales. Toutefois, ces interventions soulèveraient vraisemblablement des questions de risque moral chez les clients potentiels. Ainsi, les compagnies d’assurances ne veulent pas assurer la chirurgie esthétique, sachant que leur plus grand marché serait sans doute constitué des personnes les plus susceptibles d’y avoir recours. Dans la pratique, les difficultés pourraient plutôt se présenter au deuxième niveau, soit au chapitre de la pertinence. Le modèle à quatre critères de sélection part de l’hypothèse que le financement public assure la prestation de tous les soins nécessaires et que ces soins sont accessibles, prodigués en temps opportun et de grande qualité. Si cette hypothèse ne tient pas, des pressions seront exercées pour permettre aux patients de court-circuiter la liste d’attente en payant de leur poche. La possibilité de recourir à un système privé parallèle provoquerait, par ricochet, des problèmes d’éthique pour les fournisseurs. Certes, ce critère reposerait sur le jugement d’experts, mais les résultats seraient rarement tranchés. Par conséquent, on pourrait être tenté, pour des motifs économiques, d’accorder une cote de priorité plus faible, pour des soins financés par l’État, aux personnes disposées à payer un traitement privé ou capables de le faire. À cet égard, le secteur hospitalier serait moins touché : même si les budgets globaux nécessitent l’établissement de priorités, on n’a pas à s’inquiéter qu’un patient dont l’admission aurait été refusée dans une unité de soins intensifs décide de se faire soigner par une organisation privée. Dans les soins communautaires, toutefois, les obstacles à la participation du secteur privé sont moins difficiles à surmonter, de sorte qu’il faudrait prévoir des mécanismes pour réduire les possibilités d’intervention intempestive. Fort heureusement, de tels contrôles existent. Le premier, et le plus important, est constitué par le professionnalisme des fournisseurs, qui tiennent à prodiguer des soins de qualité à leurs patients. Dans ce modèle, il serait important de renforcer les normes d’éthique au moyen de mécanismes de remboursement qui n’ont pas d’effets pernicieux. Il faudrait, par exemple, que les modalités de rémunération des médecins ne soient pas soumises à des jugements cliniques et n’encouragent pas à traiter un grand nombre de patients sans égard à la pertinence clinique. Les dispositions actuelles, qui interdisent aux cliniciens d’exercer leur profession à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du système financé par l’État pour les soins nécessaires, pourraient requérir quelques modifications, mais doivent pour l’essentiel demeurer intactes. Enfin, il faudrait mettre en place des mécanismes afin que les organismes de financement disposent des fonds adéquats pour offrir les services jugés nécessaires, tant sur le plan du volume que sur celui de la gamme de services. Ce modèle part de l’hypothèse que le système public est d’assez bonne qualité pour se passer de l’assurance privée. Si un pays est trop pauvre pour soigner sa population par le truchement d’un système financé par l’État, il est difficile d’imaginer comment il pourrait assumer la facture plus élevée que représente une prestation par le secteur privé, à moins qu’il ne consente à ce que seule une minorité de personnes ait accès à des services de santé.
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Le modèle global à quatre critères de sélection pourrait être mis en œuvre assez simplement. Tout d’abord, on calculerait, au moyen des meilleures données épidémiologiques disponibles (p. ex. incidence et prévalence des affections pour lesquelles telle intervention particulière serait efficace et appropriée et estimation du pourcentage des personnes atteintes qui souhaiteraient bénéficier de l’intervention), les types et les volumes d’interventions susceptibles de satisfaire aux quatre critères pour une population donnée. Ensuite, il faudrait établir un budget global suffisant pour la prestation de ces services. Si le total dépasse les ressources disponibles et qu’il n’est pas possible de réaliser des économies suffisantes en modifiant le modèle de prestation, il faudrait (en particulier, au moyen du critère 4) réexaminer les attentes. Une fois le budget déterminé, les fournisseurs et les patients prendraient, en collaboration, les décisions d’affectation individuelles. On créerait des mécanismes de rétroaction, de manière à mieux cerner les besoins en données aux fins des budgets futurs, à choisir les meilleurs moyens d’obtenir ces données et à décider comment intégrer les résultats à la prise de décisions futures. Le processus serait permanent, mais l’on n’aurait pas à recueillir des données sur tous les actes médicaux. On pourrait commencer par les actes médicaux qui ont les plus grandes répercussions, puis continuer graduellement avec les autres, en recueillant les données qui semblent les meilleures. En définitive, le modèle à quatre critères de sélection élargit le concept du budget hospitalier global en incluant la plus vaste gamme d’interventions dans le domaine de la santé à financer au moyen des deniers publics. La méthode permettrait aux fournisseurs de procéder à des réaffectations internes pour dispenser les soins nécessaires de la façon la plus efficiente possible. Les budgets régionaux, dont on fait l’expérience d’un bout à l’autre du Canada, sont une façon, mais non la seule, d’atteindre cet objectif. Il n’est pas nécessaire de définir les populations selon des critères géographiques, et la masse critique peut varier en fonction des diverses interventions. La méthode des quatre critères préconise simplement l’établissement de budgets en vertu desquels les fournisseurs seraient tenus d’offrir une gamme et un volume particuliers de services à une population donnée. Des mécanismes de reddition des comptes feraient en sorte que les soins nécessaires soient effectivement prodigués selon des critères de qualité et dans un délai raisonnable. De cette façon, il ne serait sans doute pas nécessaire de modifier la Loi canadienne sur la santé, pourvu que les pouvoirs publics provinciaux et régionaux acceptent de respecter l’esprit de la loi pour la gamme plus étendue de services offerts (notamment en tirant parti de la définition du terme « médecin » que donne la loi et en considérant les cliniques comme l’équivalent des hôpitaux).
Projet de services de base et complets de l’AMC
Le modèle à quatre critères figure parmi ceux qu’a examinés l’Association médicale canadienne (AMC) dans son projet de services de base et complets. Les travaux à la fois louables et ambitieux entrepris par l’AMC visaient à déterminer s’il est possible d’avoir recours à un processus structuré pour prendre les décisions d’assujettissement. Ils proposent des éléments d’orientation susceptibles d’atténuer les problèmes inhérents à l’utilisation d’un tel modèle.
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Les concepteurs du processus de l’AMC sont d’avis que le modèle à quatre critères de sélection accorde trop d’importance au niveau individuel et, faute de précisions sur la façon de faire la synthèse de ces décisions à un niveau supérieur, se trouve trop tributaire de la planification descendante. Le modèle modifié de l’AMC comprend donc également des paramètres d’examen explicite des niveaux global et intermédiaire. Pour les concepteurs du modèle, la prise de décisions est exercée à tous les niveaux du système : ce qui semble une décision acceptable au niveau global peut n’être pas pratique au niveau intermédiaire et ne pas convenir du tout aux patients ou aux praticiens au niveau individuel. C’est pourquoi le modèle est reformulé selon trois niveaux de prise de décisions. Les critères de sélection englobent ici trois dimensions du contenu : qualité des soins, éthique et économie. Le modèle tient aussi compte du point de vue des trois groupes intéressés : les patients, les fournisseurs et les payeurs. Dans un effort d’intégralité, le guide d’utilisation du modèle de l’AMC comprend 11 questions sur la qualité (5 au niveau global ou macro, 3 au niveau intermédiaire ou meso et 3 au niveau individuel ou micro), 19 sur l’éthique et 18 sur l’économie. Le modèle a d’abord servi à présenter des recommandations sur trois questions cliniques : sélection de l’antigène prostatique spécifique, gastroplastie et examens médicaux annuels. Un examen complet de la littérature sur le sujet a été commandé137 et un comité a été constitué pour appliquer le modèle de l’AMC. Même si, de façon générale, le processus semble avoir bien fonctionné, un certain nombre de problèmes pratiques se sont posés. Par exemple, les cliniciens au niveau individuel auraient trouvé le modèle « compliqué, peu utile et peu applicable à leur processus décisionnel », parce qu’il ne semblait pas suffisamment tenir compte des réalités actuelles de la « médecine défensive », selon laquelle les services de santé assurés demandés par les patients peuvent être accordés, indépendamment des avantages escomptés. (En attendant qu’un processus plus rationnel vienne supplanter la médecine défensive, naturellement, cet aspect pourrait bien représenter un avantage plutôt qu’un inconvénient du modèle.)
Examen du modèle à quatre critères et des méthodes de l’AMC
Des exemples concrets mettent en évidence les différences fondamentales qui existent entre les services visés par la Loi canadienne sur la santé et les services aptes à subir l’épreuve du modèle à quatre critères. Ainsi, de nombreux médicaments (p. ex. insuline pour les diabétiques) seraient sans doute inclus en vertu du modèle à quatre critères, tandis que de nombreux services médicaux marginaux ne le seraient pas. Nous ne prétendons pas que les décisions soient simples pour autant ; par exemple, les nouvelles technologies de reproduction ne résisteraient vraisemblablement pas à l’épreuve du critère 4 (ne serait-ce que parce que de nombreux contribuables estiment que les personnes ne pouvant se payer le traitement ne peuvent sans doute pas, non plus, se permettre d’avoir un enfant), même s’il existe d’ardents défenseurs de cette cause.
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La principale différence entre le modèle à quatre critères de sélection et le cadre de la loi a trait à la capacité d’adapter l’assujettissement (au moyen des critères 2 et 3), par opposition à l’obligation de prendre des décisions selon la formule du tout ou rien. Cette capacité, en revanche, suppose que d’importants changements soient apportés aux autres composantes du système de santé. Par exemple, les systèmes de rémunération à l’acte nécessitent un barème d’honoraires. Il n’est pas évident que les tribunaux permettront les honoraires adaptés aux besoins car, pour eux, les services sont d’ordinaire soit assurés soit non assurés. Par contraste, le modèle global à quatre critères de sélection pourrait aider les planificateurs à estimer, pour chaque acte médical, le nombre qui sera vraisemblablement nécessaire dans une population donnée, de manière à fixer le budget global en conséquence. Les fournisseurs et les patients pourraient ensuite déterminer les affectations précises au sein de l’organisation. Le payeur pourrait, pour sa part, imposer des normes de rendement (appliquées au moyen de mécanismes de reddition des comptes et contrôlées par les recours des patients insatisfaits des décisions d’affectation), mais l’organisation jouirait de la marge de manœuvre voulue pour affecter les ressources à son gré, pourvu que les normes soient respectées. Le fardeau de la preuve est ici moins lourd que dans le modèle de l’Oregon, étant donné que l’évaluation pourrait être structurée de manière à mettre d’abord l’accent sur les domaines où les preuves sont le plus nécessaires. Le modèle global à quatre critères de sélection a été conçu de manière à se déployer au microniveau, tout en permettant la prise de décisions au niveau supérieur. Autrement dit, il n’y aurait pas de liste d’actes médicaux assujettis. Le budget global serait plutôt fixé d’après les prévisions épidémiologiques, selon lesquelles, par exemple, on doit s’attendre, dans une population donnée, à environ X arthroplasties de la hanche, Y cas de diabète et Z patients souffrant d’hypertension. Les décisions cliniques individuelles seraient donc prises à l’intérieur de l’organisation du fournisseur, par ce dernier et par le patient. De nouvelles thérapies pourraient s’ajouter, pourvu que le budget global soit respecté. Au besoin, on pourrait pratiquer une arthroplastie supplémentaire en réaffectant des ressources d’autres services. Les normes de rendement seraient fixées et contrôlées par l’organisme payeur, sans que soit autorisée la microgestion. Le modèle de l’AMC ressemble au modèle à quatre critères de sélection par sa souplesse. Les valeurs des patients et les avantages cliniques sont évalués aux trois niveaux du modèle de la même manière qu’au niveau global dans le modèle à quatre critères de sélection. D’après les données d’évaluation du modèle de l’AMC dont nous disposons, qui sont limitées, le modèle présente le plus de problèmes au niveau individuel, où les médecins se sentent évidemment mal placés pour refuser aux patients l’accès aux services de santé assurés, indépendamment des avantages anticipés. Le modèle de l’AMC ressemble aussi au modèle à quatre critères de sélection dans la mesure où il fonde avant tout les décisions sur des faits probants, mais sans évaluer l’efficacité avec autant de rigueur que le modèle des Pays-Bas, faute, dans bien des cas, de disposer de l’information nécessaire à l’évaluation d’un service de santé potentiellement utile. À chaque niveau du modèle de l’AMC, on évalue l’efficacité et la pertinence du service de santé en tenant compte de la qualité des faits probants disponibles et de leur valeur de généralisation possible.
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L’incidence du modèle de l’AMC sur la condition d’intégralité est difficile à analyser en raison des questions non résolues concernant l’assurance privée et du peu d’attention accordée jusqu’à présent à la continuité des soins en dehors des modèles où le médecin est le fournisseur. Alors que les médecins sont explicitement tenus, dans le modèle néerlandais d’assurer la continuité efficace des soins au moyen de services de santé pertinents, tels que la physiothérapie ou la santé mentale communautaire, on ne trouve aucune exigence explicite analogue dans le modèle de l’AMC. Résumé des modèles
Les caractéristiques des méthodes examinées sont résumées au tableau 14. Bien que le modèle global à quatre critères de sélection n’ait pas encore été mis à l’épreuve, nous pensons que, tel quel ou adapté, c’est celui qui offre les meilleures possibilités d’amélioration de l’affectation des ressources au microniveau. Il nécessite cependant des réformes dans les structures d’affectation, de remboursement et d’orga nisation de la prestation des soins de santé. Par contraste, les autres modèles semblent perpétuer les formes actuelles de remboursement des médecins et accorder une place plus importante au paiement privé des services. Par exemple, dans le modèle de l’AMC, on demande explicitement aux assureurs privés s’ils sont intéressés à assurer des services de santé de base, sans avoir déterminé au préalable les conditions dans lesquelles l’assurance serait justifiable. Or, notre analyse a justement montré que le concept de service nécessaire assuré par le secteur privé pose des difficultés sur les plans financier et éthique.
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Résumé des caractéristiques des modèles
Critère
Modèle
LCS Oregon Pays-Bas Global à AMC quatre critères Qui est inclus (universalité) ? Tous Les démunis Tous Qui est couvert (intégralité) ? M, h Liste Liste Est-il assez flexible pour permettre l’innovation et le changement dans les tendances relatives aux traitements ? Non Non Peut-être Tient-il compte des écarts dans les bienfaits cliniques (prévus) et les valeurs des patients ? Peut-être Non Non Peut-il surveiller les coûts et les résultats ? Oui Oui Oui Établit-il des attentes au niveau du rendement ? Non Non Non Rejette-t-il des soins qui pourraient être bénéfiques ? Non Oui Oui Quels sont ses besoins en matière d’information sur les méthodes couvertes ? Faibles Élevés Élevés Est-il facile à mettre en application ? Oui Moy. Moy. Est-il facile de contrôler le volume et le coût des services Facile (m) Facile Moy. « de base » qui doivent être fournis ? Difficile (h)
Tous Ceux qui ont besoin de soins
Tous Services de base
Oui
Oui
Oui Oui Peut-être Peut-être
Oui Oui Peut-être Peut-être
Élevés Moy. Difficile
Élevés Moy. Moy.
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Tableau 14
M = médecins. H = hôpitaux. Moy. = moyennement.
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CONCLUSIONS STRATÉGIQUES ET RECOMMANDATIONS
Un certain nombre de solutions de financement mixte par les secteurs public et privé peuvent être envisagées dans les pays industrialisés modernes. Dans le présent document, nous avons exposé un cadre conceptuel et examiné certaines activités. Nous prenons le risque, en conclusion, de signaler le modèle que nous préférons, tout en sachant pertinemment qu’il reflète nos propres valeurs et parti pris. Recommandations Recommandation 1 – Financement public des services médicalement nécessaires
Adams et ses collègues138 analysent les divers mécanismes de financement en usage au Canada et résument leurs effets sur la politique sanitaire, en particulier du point de vue des objectifs d’équité, d’utilisation et de limitation des coûts, de compétitivité économique, d’acceptabilité publique et d’efficience économique. Ils concluent que les mécanismes pluralistes (qui s’éloignent le plus des modèles à source de financement unique) ont le plus souvent des effets négatifs sur les objectifs stratégiques d’équité et d’efficience. Les systèmes de la France et des États-Unis sont des exemples très éloquents de systèmes de santé fortement axés sur le partage des coûts. Or, les deux pays font face actuellement à des augmentations de volume dans les services médicaux et à une escalade des dépenses de santé. Dans le monde, les États-Unis sont le pays dont les dépenses de santé sont les plus élevées ; en Europe, c’est la France qui semble enregistrer les plus fortes dépenses à ce titre. Ces deux pays ont surtout axé leur action sur le déplacement plutôt que sur la limitation des coûts. Comme nous l’avons vu, la multiplication des sources de financement débouche sur deux grands problèmes stratégiques. Premièrement, il est plus facile de déplacer les coûts que de les réduire. Chaque payeur s’emploie alors à éviter les clients susceptibles d’augmenter ses coûts. Comme le signale Evans, « l’assurance privée pour tous est impossible dans un marché concurrentiel, parce que les assureurs ne peuvent assurer les pauvres et les malades tout en demeurant concurrentiels »139. Les systèmes à assureurs multiples concurrentiels ne tardent pas à se heurter au problème éthique de la sélection en fonction du risque ou de l’écrémage. Les compagnies d’assurances essaient de se débarrasser des patients qui entraînent des coûts élevés en les renvoyant à d’autres assureurs (souvent publics), pour conserver uniquement les patients qui sont plus jeunes et qui occasionnent le moins de coûts. Deuxièmement, il est plus difficile de conserver un pouvoir de monopsone (ou d’acheteur unique) dans les négociations avec les fournisseurs lorsque le système comprend plus d’un payeur. Si l’on convient, sur le plan des principes, que les habitants ne doivent pas se voir refuser les services dont ils ont besoin parce qu’ils ne peuvent en assumer le coût, personne ne peut être écarté du marché pour des raisons de prix. Dans ces conditions, un marché pur ne peut exister et il faut avoir recours à d’autres mesures pour contrôler les coûts, ce qui est plus facile à réaliser dans les systèmes à payeur unique, comme les faits l’ont montré.
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Nous en concluons que le financement public (ou privé mais fortement réglementé), à payeur unique, des services médicalement nécessaires, jumelé à une prestation privée de ces services semble le modèle optimal dans le domaine de la santé, du point de vue du maintien de l’équité et de l’amélioration de l’efficience économique. Il serait donc à déconseiller de procéder à une réforme du système de santé en privatisant le financement des services médicalement nécessaires. Notre interprétation des faits, à l’échelle internationale, montre que ces orientations présentent peut-être des avantages politiques à court terme, mais qu’ils s’avèrent néfastes à long terme. Notre examen montre également qu’il convient d’accorder une plus grande attention aux mécanismes d’affectation ainsi qu’aux structures propres à motiver les payeurs, les fournisseurs et les patients. Cette première recommandation est peut-être la moins sujette à controverse, dans la mesure où les faits démontrent clairement les avantages du maintien d’un financement public. D’ailleurs, les réformes européennes ne mettent pas en doute ce principe. Nous proposons donc de rejeter tout modèle qui encourage les mieux nantis à se retirer du système public pour souscrire à une assurance privée, à l’égard des services assurés, en particulier si cette mesure est jugée nécessaire parce que le système public n’offre pas de soins appropriés en temps opportuns. L’acceptation du principe d’un financement public des services médicalement nécessaires suppose une réorientation du système canadien actuel sur deux plans. Premièrement, bon nombre des services offerts actuellement ont une valeur douteuse aux yeux des bénéficiaires. Une plus grande attention à la pertinence des soins pourrait aider à élaguer les activités marginales. L’éducation des patients pourrait aussi jouer ici un rôle important car, comme l’ont montré les expériences de prise de décisions en commun, rares sont les patients qui insistent pour obtenir des soins non nécessaires. Nous hésiterions même à confier ces services superflus à un régime complémentaire financé par le secteur privé : les soins superflus sont un gaspillage en toutes circonstances. Les soins nécessaires seront presque toujours achetés par les personnes qui peuvent se les permettre mais, comme l’a signalé Evans, les lois du marché ne s’appliquent pas parfaitement à ces questions. La désassurance de services de valeur soulève donc des problèmes d’équité, puisqu’elle laisse pour compte les personnes incapables de payer, et pose en plus des problèmes d’efficience inhérents à tout système à payeurs multiples. Nous proposons plutôt de réexaminer les méthodes de rémunération des fournisseurs afin de mettre au point des modalités de remboursement indépendantes de tout jugement clinique et de faire en sorte que les cliniciens ne soient pas pénalisés financièrement s’ils refusent de prodiguer des soins marginaux. La désassurance des services non jugés potentiellement bénéfiques pose moins de problèmes, à condition que des dispositions soient prises pour informer les patients. Les modèles où les patients se font dire par leur fournisseur qu’il existe des services non assurés qui pourraient leur être bénéfiques, à condition qu’ils acceptent d’en payer le prix, sont à notre avis de valeur généralement douteuse. Deuxièmement, certains services médicalement nécessaires échappent aux exigences de la Loi canadienne sur la santé. Certains gouvernements provinciaux ont
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pris des mesures pour assurer ces soins (p. ex. régimes d’assurance-médicaments en cas de catastrophe). Ces mesures doivent être encouragées. Recommandation 2 – Prestation mixte (à prédominance privée et sans but lucratif)
Notre recommandation en faveur d’une prestation mixte, mais à prédominance privée, prête également peu à la controverse, d’autant plus que les pays qui ont eu recours à une prestation publique se tournent maintenant vers la privatisation. Naturellement, le secteur public doit intervenir pour réglementer afin de garantir la qualité des services. Ces activités peuvent être déléguées à des structures intermédiaires (p. ex. associations professionnelles), mais elles doivent être dans l’intérêt public. Nous rejetons donc les modèles de prestation « sans intervention publique » pour les services susceptibles de causer des préjudices à la population s’ils ne sont pas fournis de façon adéquate. Nous rejetons également, de façon générale, les modèles de prestation publique, pour le motif qu’ils sont en général moins sensibles aux besoins des clients. Pour des raisons d’équité, il faudrait sans doute aussi rejeter les modèles de prestation stigmatisants (p. ex. filet de sécurité sociale). Dans l’hypothèse où il est possible d’offrir des services de qualité aux personnes qui en ont besoin et d’en assurer la prestation de façon efficiente, une large gamme de modèles semble alors appropriée. De façon générale, toutefois, nous pensons que la meilleure combinaison est sans doute celle de fournisseurs concurrentiels du secteur privé (essentiellement sans but lucratif, si les objectifs sont complexes ou difficiles à définir). Quoi qu’il en soit, il apparaît important de définir des normes de rendement rigoureuses. Au minimum, il est raisonnable de s’attendre à ce que les fournisseurs offrent, à prix abordable et en temps opportun, des soins de qualité aux personnes qui en ont besoin. Même s’il s’agit peut-être de cas isolés, il existe actuellement, dans certaines sphères, des listes d’attente inacceptables. Si ces problèmes découlent d’un financement insuffisant, les payeurs doivent alors réexaminer l’utilisation de leurs ressources afin de les réaffecter selon les besoins. Si les problèmes proviennent d’une mauvaise gestion ou de motivations injustifiables (p. ex. sous-utilisation de ressources coûteuses), les mécanismes d’affectation devraient faire en sorte que les fournisseurs soient sensibilisés et rendent des comptes. Cette deuxième recommandation implique, toutefois, que les ressources soient suffisantes pour permettre la prestation des services médicalement nécessaires dans un délai raisonnable, pour garantir la qualité des soins et rémunérer à un taux raisonnable le travail des fournisseurs. Nous partageons l’idée généralement admise que le Canada, moyennant une restructuration pertinente du système de prestation (ce qui peut supposer un moins grand nombre de fournisseurs payés par le système de santé) et un examen attentif des mécanismes d’affectation, jouit de ressources suffisantes pour atteindre ces objectifs.
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Recommandation 3 – Affectation publique axée sur la concurrence
Bien qu’un certain nombre de modèles soient possibles, la combinaison exacte nécessaire pour atteindre les objectifs de contrôle des coûts et de protection suffisante de la liberté des patients et des fournisseurs n’a pas encore été arrêtée. Nous nous méfions toutefois des deux extrémités du continuum de l’affectation. Les modèles dirigés à l’excès garantissent peut-être l’équité, mais ils empiètent sur la liberté du public au point de perdre son appui. Les modèles à concurrence dirigée recherchent l’efficience, mais peuvent menacer l’équité, la sécurité (par la sélection en fonction du risque) et la liberté. Les modèles d’affectation axés sur le marché, sans plafond budgétaire, compromettent l’efficience. Nous sommes portés à croire que l’examen des meilleurs modèles accaparera l’attention des planificateurs du domaine de la santé au cours de la prochaine décennie. La valeur la plus sûre pouvant guider la réflexion est sans doute la souplesse, de manière que l’on puisse rectifier le tir au moment où des problèmes inévitables se présenteront. Au moins deux observations s’imposent ici. D’abord, il importe que les modèles d’affectation évitent de favoriser la sélection en fonction du risque. Les modèles qui encouragent la concurrence entre des système de prestation intégrés en payant à chacun un montant par personne, rajusté en fonction de l’âge et du sexe, peuvent poser ce genre de problèmes, compte tenu en particulier de l’inaptitude actuelle à redresser ces paiements de façon complète et exacte pour tenir compte du risque. Ensuite, la visibilité croissante des options de financement privé des services médica lement nécessaires, malgré toutes les preuves de leur caractère non désirable, suscite trois mises en garde : • Le système d’affectation actuel n’est peut-être pas assorti de normes de rendement suffisantes pour garantir la prestation en temps opportun de soins de qualité, selon les besoins, par les fournisseurs actuels. Des motifs pernicieux peuvent entraîner la sous-utilisation des ressources existantes (p. ex. appareils, salles d’opération, médecins) et rallonger indûment les listes d’attente. • Le système d’affectation actuel n’accorde pas une attention suffisante au suivi des résultats. • Le gouvernement est incité à se décharger de certains coûts, même si cette pratique menace le système. Nous ne pensons pas que les Canadiens seraient nombreux à vouloir se procurer des soins du secteur privé si le secteur public leur offrait en temps opportun des services de qualité accessibles. Les faits semblent montrer, pensons-nous, que les gens tiennent surtout à avoir le choix quand il s’agit de la prestation.
Recommandation 4 – Détermination des soins médicalement nécessaires en fonction du client (aucune liste)
D’après notre examen de la Loi canadienne sur la santé, les définitions actuelles de la notion de soins médicalement nécessaires ne sont plus pertinentes, car elles sont dépassées par la technologie. En outre, les méthodes reposant sur une liste sont trop
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rigides et impossibles à adapter. C’est pourquoi notre dernière recommandation fait valoir la nécessité de reconnaître que les gens diffèrent énormément quant aux soins qui leur conviennent et à ceux qu’ils désirent recevoir. À notre avis, une approche semblable à celle du modèle global à quatre critères de sélection, qui tient compte des faits probants sur l’efficacité et la pertinence ainsi que des valeurs chères aux patients et au public, au sujet des traitements qui les concernent et de l’utilisation des ressources, offre de bonnes possibilités de déboucher sur une meilleure utilisation des fonds publics consacrés à l’assurance-maladie. Cette recommandation présente toutefois un inconvénient : il est beaucoup plus facile de se conformer à une liste qui précise les services qui sont assurés et ceux qui ne le sont pas, même si cette liste donne lieu à des décisions parfois irrationnelles et sous-optimales (en assurant des soins non nécessaires et non pertinents et en omettant des services indispensables). Nous pensons qu’il est possible de concevoir des systèmes réduisant au minimum la possibilité de « jouer sur les mots », même si aucun système n’est à l’abri des problèmes. Le modèle global à quatre critères de sélection est tributaire, peut-être à l’excès, du professionnalisme et de la bonne volonté des fournisseurs, des patients et des payeurs. Il semble indiquer que la population devrait renoncer à rechercher des soins à l’extérieur du système financé par l’État, mais il suppose également qu’elle peut trouver ce dont elle a besoin à l’intérieur du système. Ce modèle suppose en outre que les fournisseurs renonceront à gagner un revenu supplémentaire, qui s’ajouterait à ce que le système public est disposé à leur offrir. Naturellement, cette supposition implique non seulement un traitement équitable des fournisseurs, mais aussi des systèmes de remboursement rationnels dépourvus de stimulants pernicieux. Le modèle préconise enfin que le gouvernement investisse les ressources nécessaires pour assurer des soins de qualité et en temps opportun, en résistant à la tentation politique de déplacer les coûts. On dit souvent que le système de santé des Canadiens leur tient à cœur. Le maintien d’un modèle adapté nous donnera l’occasion de le prouver.
Raisa Deber est titulaire d’un doctorat en science politique du Massachusetts Institute of Technology et enseigne en politique de la santé au Département d’administration de la santé de l’Université de Toronto. Elle a abordé, dans ses écrits, son enseignement et ses consultations, plusieurs aspects de la politique de santé du Canada. Ses recherches portent présentement sur le métissage secteur public-secteur privé, sur les implications des modèles d’achat pour les services spécialisés, sur le partage de la prise de décisions et sur la respon sabilisation des patients.
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Remerciements Le présent rapport n’aurait jamais pu être mené à terme sans l’aide de nombreuses personnes qui proviennent d’horizons très variés. Nous tenons à les remercier sincèrement : – le Forum national sur la santé, en particulier Marcel Saulnier et les membres du Groupe de travail sur l’équilibre à atteindre – Steven Lewis, Bob Evans, Bill Blundell, Richard Cashin, André-Pierre Contandriopoulos et Tom Noseworthy ; – le Groupe de travail sur le financement et la prestation des soins de santé, en particulier George Connell et Vicky Wooten (une version antérieure des sections intitulées « Fondement de la répartition actuelle des services entre les secteurs public et privé » et « Cadre législatif et réglementaire » a été rédigée pour le rapport du Groupe de travail ; nous l’apprécions grandement) ; – Jim Daw, du Toronto Star, qui nous a donné accès à son excellent rapport sur l’assuranceautomobile et l’assurance-maladie pour voyageurs ; – Wendy Armstrong, de la section de l’Alberta de l’Association des consommateurs du Canada, qui nous a donné accès à ses travaux de recherche et à ses vastes connaissances ; – Carol Kushner, de Toronto, et S. Duckett, pour l’information sur l’Australie et leurs propos utiles ; – William Tholl, Mary Colbran-Smith, Owen Adams, David Walters, Margo Rowan et autres employés de l’Association médicale canadienne, pour avoir partagé leurs travaux sur le projet de services de base et complets ; – Eleanor Ross, Tina Smith et Gilbert Sharpe, pour leurs précieuses suggestions ; – toutes les personnes que nous avons interviewées et les porte-parole des gouvernements provinciaux (qui nous ont souvent demandé de préserver leur anonymat), pour leur patience et les données qu’ils nous ont fournies ; – Ann Pendleton, pour son apport exemplaire à titre d’assistante de recherche, ainsi que Christina Lopez et Florinda Cesario, pour leurs talents de secrétaires et de graphistes.
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Cost-effectiveness meets the rule of rescue », JAMA, 265(17), 1991, p. 2218-2225 ; J.A. Kitzhaber and M. Gibson, « The crisis in health care : The Oregon plan as a strategy for change », Stanford Law and Policy Review, 1991, p. 64-72 ; R. Klein, « Warning signals from Oregon », BMJ, 304(6840) (1992), p. 1457 et 1458 ; H.D. Klevit, A.C. Bates, T. Castanares, P. Kirk, P.R. Sipes-Metzler et R. Wopat, « Prioritization of health care services : A progress report by the Oregon Health Services Commission », Archives of Internal Medicine, 151 (1991), p. 912-916 ; R. Steinbrook et B. Lo, « The Oregon Medicaid Demonstration Project : Will it provide adequate medical care ? », New England Journal of Medicine, 326(5) (1992), p. 340-344 ; J.E. Wennberg, « Outcomes research, cost containment, and fear of health care rationing », New England Journal of Medicine, 323(17) (1990), p. 1202-1204. 134. Dougherty, 1990. 135. T.O. Tengs, G. Meyer, J.E. Siegel, J.S. Pliskin, J.D. Graham et M.C. Weinstein, « Oregon’s Medicaid ranking and cost-effectiveness », Medical Decision Making, 16(2) (1996), p. 99-107. 136. R.B. Deber, « Translating technology assessment into policy : Conceptual issues and tough choices », Int J Technol Assess Health Care, 8(1) (1992), p. 131-137. 137. R.B. Deber, M.M. Cohen et S. Mercer, Literature Review and Report on Three Medical Services (Ottawa, Association médicale canadienne, avril 1995). 138. Adams, Curry et Deber, 1992. 139. R.G. Evans, « “We’ll take care of it for you” : Health care in the Canadian Community, Daedelus, 117(4) (1989), p. 155-189.
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Modèles intégrés Tendances internationales et conséquences pour le Canada John Marriott, M. A. P. et Ann L. Mable, B. A. Associés, Bureau de consultation Marriott Mable
Résumé Ce document a pour but de jeter les bases d’un débat sur l’évolution future des modèles intégrés au sein du système de soins de santé canadien. Jusqu’à présent, la discussion a porté principalement sur l’ensemble du système proprement dit ou sur l’évolution d’un secteur en particulier, sans égard aux répercussions sur les autres secteurs du système. Afin d’analyser les principes et les caractéristiques organisationnels vers lesquels le système canadien devrait tendre et d’alimenter le débat au moyen d’observations découlant de l’expérience des autres pays, il est absolument essentiel de bien saisir les facteurs multidimensionnels qui entrent en jeu. Le lecteur sera ainsi mieux en mesure de comprendre le présent document et d’apprécier son utilité. Ces facteurs englobent diverses notions, théories et pratiques, qui se chevauchent et sont interdépendantes dans tout un éventail de domaines, dont les soins de santé, les services sociaux, le comportement organisationnel, la notion commerciale de « marché », les responsabilités de fiduciaire et la gestion financière. Ces domaines sont éprouvés et analysés selon la perspective des divers intervenants – patients, pouvoirs publics, prestataires de soins – qui constituent, à eux tous, le « secteur » de la santé. Explorer ce terrain adéquatement, en respectant les paramètres de l’exercice, constitue la tâche à laquelle nous nous sommes attelés dans le présent document. Notre vœu est de fournir au moins un dossier prima facie pour la réforme des institutions canadiennes, à la lumière des tendances récentes. Comme nous supposons que notre lecteur a une certaine connaissance du milieu de la santé au Canada et dans d’autres pays, nous abordons quantité de sujets sans en préciser le contexte ou en fournir une analyse détaillée.
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La mise en synergie des éléments interdépendants de ce dossier, tout comme celle des organismes intégrés pour l’atteinte des objectifs de la santé, exige une profonde réflexion et suffisamment de temps pour en arriver à une évaluation optimale. Comme on l’a constaté ailleurs, les résultats en valent la peine.
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TABLE DES MATIÈRES
Introduction ........................................................................................................561 Aperçu des systèmes de certains pays ..................................................................568 Aperçu du système de santé du Royaume-Uni.................................................569 Aperçu du système de santé des Pays-Bas.........................................................585 Aperçu du système de santé de la Nouvelle-Zélande........................................596 Aperçu du système de santé des États-Unis......................................................609 Aperçu du système de santé canadien et modèles ...............................................626 Historique........................................................................................................626 Le contexte global............................................................................................627 Aperçu provincial.............................................................................................628 Sommaire des caractéristiques des nouveaux modèles – Canada......................642 Principales caractéristiques des modèles intégrés ...............................................644 Physionomie des changements.........................................................................644 Les étapes du modelage organisationnel...........................................................646 Conséquences de l’adaptation des modèles intégrés.........................................649 Observations concernant la mise en œuvre......................................................656 Protection contre l’autoenrichissement et le parti pris sectoriel........................656 La « primauté » des soins primaires...................................................................658
Principales caractéristiques des modèles intégrés dans le contexte canadien ....................................................................................659 Certains objectifs du système...........................................................................660 Caractéristiques originales................................................................................662 Appui supplémentaire du gouvernement ........................................................673 Analyse............................................................................................................673 Sommaire des caractéristiques des modèles intégrés – Canada.........................680 Évaluation des modèles intégrés .........................................................................683 Atteinte des objectifs........................................................................................684
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Point de vue du Canada et des autres pays sur l’évaluation..............................685 Certaines fonctions à surveiller et à évaluer......................................................689 L’évaluation – une excuse.................................................................................690 Conclusions et observations ................................................................................690 Bibliographie........................................................................................................694 Liste des figures
Figure 1 Le contexte du système de prestation..................................................564 Figure 2 Intégration horizontale et intégration verticale............................566, 632 Figure 3 Regroupement des administrations sanitaires du Royaume-Uni.........575 Figure 4 Transformation au Royaume-Uni : fusion des administrations sanitaires de district et des administrations de santé familiale. Administrations sanitaires de district acheteuses pour leur région. Prestataires devenus des contractants indépendants...................................................................576
Figure 5 Transformation des caisses d’assurance-maladie, qui cessent d’être des monopsones géographiques, pour devenir des acheteurs nationaux, procédant par listes et se faisant concurrence.....................586 Figure 6 Transformations en Nouvelle-Zélande................................................599 Figure 7 Exemple de modèle de HMO acheteur-prestataire dans le cadre d’un financement privé-public de sources diverses aux États-Unis.....................................................................................618 Figure 8 Autorité locale à laquelle les pouvoirs sont délégués............................634 Figure 9 Régie locale de santé............................................................................636 Figure 10 Organisation de médecine globale (OMG).........................................638 Figure 11 Système de santé reposant sur une OMG...........................................639 Figure 12 Détenteur de budget vs modèle acheteur-prestataire...........................676 Liste des tableaux
Tableau 1 Population servie par type de couverture.......................................614 Tableau 2 Modèles provinciaux d’intégration................................................630
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INTRODUCTION Quand nous avons commencé à planifier le régime d’assurancemaladie, nous avons mentionné que le projet serait réalisé en deux étapes. La première étape consistait à lever les obstacles financiers entre ceux qui donnent le service et ceux qui le reçoivent. La seconde consistait à réorganiser et à remanier tout le système de prestation – et, naturellement, c’est le gros morceau, ce qui reste à faire. Tommy Douglas, ancien premier ministre de la Saskatchewan, 1982.
À mesure que les gouvernements s’efforcent d’améliorer l’efficience et l’efficacité de leurs systèmes de santé, la planification, le financement et la prestation des services de santé, ainsi que la répartition des ressources subissent de profonds changements partout dans le monde, et le Canada n’échappe pas à la règle. Malgré des différences évidentes d’ordre culturel, géographique et autres, les pays sont généralement aux prises avec une série de problèmes similaires : escalade des coûts, morcellement et manque de coordination, baisse d’efficience et d’efficacité. D’innombrables réformes sont menées actuellement dans le monde, apportant des changements spectaculaires ou subtils, dont on pourra tirer des leçons utiles pour le Canada – ou, selon le cas, où l’on retrouvera les caractéristiques qui font du système canadien un modèle idéal. De grandes tendances et caractéristiques se dégagent en effet de l’actuelle vague de réformes, notamment l’importance de l’intégration des ressources. La plupart des systèmes, qu’ils soient financés par des fonds publics ou privés, produisent des modèles d’intégration – dès leur conception ou par suite de pressions diverses –, mais on observe que les modèles de planification, d’acquisition et de prestation de services à intégration verticale, dotés de mécanismes internes d’autocontrôle, gagnent progressivement du terrain. On assiste à une réaffirmation de l’importance des soins primaires et du rôle du médecin en tant que filtre pour l’ensemble du système. Ce constat facilite la tâche des Canadiens dans leur effort pour amener le système vers son idéal – les niveaux de performance les plus élevés. La principale réforme du système de santé canadien a eu lieu dans les années 1960, avec l’introduction de l’assurance de soins médicaux universelle à payeur unique (qu’on appelle couramment le régime d’assurance-maladie), mais cette réforme n’a guère modifié le type d’organisme régissant les prestataires, qui est resté à peu près identique à ce qu’il était avant l’instauration du régime. Et, alors que beaucoup de changements récents ont mis l’accent sur les contrôles financiers, la prise de conscience de l’incidence de la structure organisationnelle du système sur son efficacité a tardé, comme le fait remarquer Tommy Douglas dans la citation qui ouvre le présent chapitre. Cette tâche finale – réévaluer et réformer les éléments
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organisationnels du système et leur interdépendance – est maintenant en cours à des rythmes différents partout au Canada. Adoptées principalement dans les années 1990, les réformes organisationnelles des pays que nous passons en revue dans le présent document sont des initiatives récentes qui doivent être considérées comme des chantiers. Aussi l’absence apparente d’information dans des domaines stratégiques s’explique-t-elle en partie par le peu de temps que l’on a eu pour raffiner les méthodes, les évaluer ou les décrire. Par ailleurs, comme les systèmes font souvent l’objet de petites « mises au point » immédiatement après leur implantation, dès que des problèmes surgissent, il est encore plus difficile d’évaluer les résultats, dans la mesure où la période de stabilisation n’a pas été suffisamment longue pour permettre un examen approfondi des implications. Il est possible qu’on laisse de côté d’importants attributs en mettant trop de hâte à examiner des caractéristiques particulières. Jusqu’à maintenant, la plupart des écrits sur les réformes ont porté soit sur des politiques générales ou sur l’ensemble du système proprement dit dans les pays étudiés. La plus grande partie de l’analyse se rattache à l’un, au moins, des quatre courants d’idées prédominants : – essais en vue de saisir les tendances générales liées à la catégorie des ajustements systémiques à grande échelle, comme la décentralisation, la déconcentration, la délégation de pouvoirs et la régionalisation ; – essais en vue de comprendre la performance, à ce jour, sur le plan de l’efficience économique, de l’efficacité et des résultats, et d’évaluer l’incidence des changements sur la performance, principalement en fonction d’objectifs particuliers, comme la réduction des listes d’attente ; – réflexion préliminaire sur les ajustements à apporter à la politique de réforme actuelle ou à ses éléments, afin que la réforme ait plus de chances d’atteindre les buts et les objectifs énoncés ; – analyse et discussion des échanges entre les patients, les prestataires (médecins, autres pourvoyeurs de soins, hôpitaux et autres établissements publics et programmes) et le gouvernement. En outre, et de manière répétée, on a mis l’accent sur les mêmes éléments, notam ment les hôpitaux et les médecins, sans toujours accorder suffisamment d’importance aux nombreux autres facteurs, intervenants ou méthodes dont il faut tenir compte dans la prise en charge de la santé. Ce qui semble faire défaut, en général, c’est une démarche permettant de comprendre les modèles intégrés déjà en place ou à l’état d’ébauche dans le système de prestation, du point de vue de la conception organisationnelle ou structurelle. Aux fins de la présente étude, nous appelons « modèle » une série d’éléments – fonctions ou organismes – interdépendants qui, une fois regroupés, établissent un paradigme pour la prestation d’une série de services donnée. La façon dont ces éléments sont organisés – leur mode d’interaction, le pouvoir ou l’autonomie dont ils jouissent ou qui leur fait défaut – a des conséquences sur la pertinence, le coût, la qualité et autres aspects du produit final qu’est le service. Dans le présent document, nous nous efforcerons, avant tout, de mettre en évidence et de décrire les attributs déterminants de modèles organisationnels déjà en
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place ou à l’état d’ébauche, au Canada ou à l’étranger, pour la planification, l’acqui sition et la prestation de services de santé s’adressant à des populations circonscrites en fonction de critères géographiques ou d’une liste. Pour tous les modèles mis en évidence, notre analyse tiendra compte du contexte général dans lequel ils fonc tionnent et des éléments du système plus vaste qui sont nécessaires pour définir les modèles particuliers, en vue de dresser l’inventaire des liens d’interdépendance critiques concernant la structure et les systèmes. Ces attributs d’importance primordiale seront considérés en fonction de leur position et de leur appui au modèle dans sa planification, l’attribution des ressources et la prestation de services, et serviront d’indicateurs pour l’évaluation. L’objet de la présente étude est de jeter plus de lumière sur les éléments qui entrent dans la composition des modèles intégrés, qu’il s’agisse de nouveaux modèles ou de ceux qui sont en cours d’élaboration et, à partir de là, de définir les principales caractéristiques et les grands principes organisationnels qui devraient guider le système de soins de santé canadien dans son évolution future. La mise en œuvre partielle de ces principes et caractéristiques serait à l’origine d’une gamme de modèles théoriques partiellement intégrés. Si cette mise en œuvre est achevée, elle conduira à un modèle organisationnel à intégration verticale complète. Nous essaierons de montrer comment l’on peut ajouter des « modules » de services à une « base » de soins primaires pour en arriver graduellement à un modèle à intégration verticale complète. Bien que la portée et les délais qui nous sont impartis ne nous permettent qu’un examen prima facie, nous avons essayé d’esquisser les structures sous-jacentes importantes, les processus et les leçons qui en découlent au profit de l’efficience et de l’efficacité du contexte canadien. Nous amorcerons notre analyse par l’examen des trois grandes sources de pressions exogènes qui, une fois regroupées, constituent le contexte dans lequel les modèles fonctionnent, et exercent des influences opposées et contradictoires sur la conception organisationnelle et les opérations (figure 1). Le contexte microéconomique – Les rapports entre les personnes, ou les populations, et les prestataires sont discontinus. Cette réalité renvoie au contexte où les besoins et les demandes des patients (consommateurs-clients) et de la population (effectif et caractéristiques démographiques) font face à la capacité d’interaction du système (rapidité, quantité et pertinence) et à la qualité des services (ou à l’absence de ceux-ci), le tout conduisant à la satisfaction (ou à l’insatisfaction) des patients ou de la population. Viennent se greffer à cela des évaluations qui déterminent si le régime répond de manière satisfaisante aux besoins des particuliers et de la population. C’est la définition des besoins de la population et son adéquation à la demande qui déterminent le profil des ressources médicales et paramédicales nécessaires pour y répondre. Regroupés, ces facteurs en viennent à définir les paramètres du contexte « commercial » des modèles intégrés au sein du système de prestation. Le contexte macroéconomique – Le cadre juridique et social des services de santé établi par les acheteurs de services (pouvoirs publics et (ou) employeurs, selon le pays) embrasse les lois, les services assurés négociés, les sources de fonds et les objectifs du système. Regroupés, ces éléments fixent les « règles » du système de santé – la politique
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Figure 1 Le contexte du système de prestation
Contexte macroéconomique Principale source de fonds : – fonds publics (impôts ou assurance sociale) – fonds privés (principalement les employeurs) Services ou prestations de base : – système financé par les fonds publics – définis par le gouvernement – système financé par des fonds privés – définis par le marché Règles et dispositions concernant le fonctionnement du système Contexte du système de prestation Organisme d’affectation intermédiaire
Acheteur
ou
AcheteurPrestataire
et (ou)
Prestataire
Contexte microéconomique
Personnes (patients)
+
Population
de la santé au plus haut niveau et les paramètres organisationnels du système de santé dans son ensemble –, de façon à : – établir les principes et les normes de base du système ; – fixer les services de base financés par le régime de soins médicaux, le montant et la répartition des fonds ; – réglementer les prestataires ainsi que les relations entre prestataires et acheteurs ; – énoncer les droits des citoyens concernant l’accès aux services, aux prestataires et au financement. Le contexte du système de prestation – C’est la « zone » qui a fait l’objet de la plupart des réformes. Au sein du système de prestation, des organismes différents reçoivent un financement public ou privé pour la planification, l’affectation des budgets et l’acquisition des services de santé ou la prestation de ces services à la population. Dans certains systèmes, par le passé, les prestataires recevaient leur financement du
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gouvernement directement ou par le truchement d’un organisme intermédiaire. La réforme a modifié l’affectation directe des budgets aux prestataires et a instauré un système où l’on « acquiert » les services par contrat ou convention passés avec les prestataires. Quelle que soit l’étendue de la réglementation ou, le cas échéant, l’absence de réglementation, l’introduction de l’achat dans le système a mis en branle une certaine dynamique interne, qui semble motiver ou propulser « naturellement » les organismes dans la voie de la survie, de l’efficience et de l’efficacité ou vers d’autres finalités plus hasardeuses. Les relations et les interactions critiques, à ce niveau, sont influencées à la fois par la concurrence et par la collaboration. Ces caractéristiques impriment ensuite un mouvement vers différents niveaux d’intégration – le regroupement ou la fusion des ressources. Cette situation est illustrée par des exemples d’intégration horizontale – regroupement ou fusion, au sein d’un même organisme, d’un éventail d’entités similaires à l’intérieur d’un secteur, comme le regroupement de plusieurs hôpitaux sous l’égide d’un seul conseil d’administration – ou d’intégration verticale – regroupement ou fusion de différents secteurs interdépendants en un seul organisme, composé, par exemple, d’hôpitaux, de services de soins primaires, de médecins, de services de soins à domicile et de services de soins de longue durée (figure 2). On a une vision quelque peu rigide de l’organisme de santé à intégration verticale en tant qu’entité unique qui « possède » et gère les divers éléments du secteur de la santé et qui administre une version « unifiée » de leur financement passé. Il existe aussi une version moins restrictive et plus souple. Par exemple, une société ou tout autre organisme peut être exclusivement responsable de la plupart ou de tous les services de santé s’adressant à une population donnée et recevoir tous les fonds nécessaires. Cet organisme a alors toute latitude pour déterminer s’il veut « posséder » directement un élément donné des services de santé ou s’il préfère acheter ces services à un prestataire de l’extérieur. Cette autonomie est un ingrédient essentiel des exemples prédominants d’intégration verticale qui font actuellement leur apparition. Ce sont des modèles « acheteur-prestataire » qui remettent en question l’efficacité des modèles distincts où acheteurs et prestataires sont cantonnés dans leur rôle d’achat ou de prestation. Ce modèle « acheteur-prestataire » autonome, à intégration verticale, évolue actuellement dans de nombreux pays et exerce une puissante pression sur les structures passées, où le « gouvernement est le seul acheteur » ou le « prestataire exclusif ». Dans des pays extrêmement réglementés, comme le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande, le modèle prestataires-acheteur qui donne satisfaction bénéficie de l’appui et de l’encouragement du gouvernement. Même dans le système extrêmement ouvert des États-Unis, les régimes de remboursement partiel sont maintenant remis en cause par les « HMO », organismes de soins de santé intégrés. En plus de l’autonomie, l’établissement de listes (obligation pour les patients ou les clients de s’inscrire auprès du cabinet de leur médecin préféré) et le paiement par capitation sont des dimensions critiques qui appuient et renforcent le potentiel d’efficacité et d’efficience de l’organisme.
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Figure 2 Intégration horizontale et intégration verticale Foyer de soins Foyer de soins infirmiers infirmiers
Foyer de soins infirmiers
Foyer de soins infirmiers
Foyer de soins infirmiers
Foyer de soins infirmiers
Foyer de soins infirmiers
Soins à domicile
Soins à domicile
Soins à domicile
Soins à domicile
Soins à domicile
Soins à domicile
Soins à domicile
1.
Hôpital
Hôpital
Hôpital
Hôpital
Hôpital
Hôpital
Hôpital
Spécialistes
Spécialistes
Spécialistes
Spécialistes
Spécialistes
Spécialistes
Spécialistes
Généralistes
Généralistes
Généralistes
Généralistes
Généralistes
Généralistes
Généralistes
Professionnels de la santé
Professionnels de la santé
Professionnels de la santé
Professionnels de la santé
Professionnels de la santé
Professionnels de la santé
Professionnels de la santé
2. 1. Intégration horizontale – exemple d’organisme possédant plusieurs hôpitaux. 2. Intégration verticale – exemple d’organisme possédant tous les éléments du système de prestation. Remarque : 2. Illustre également un organisme unique exerçant une responsabilité intégrée et administrant le financement de « tous » les secteurs de service du système de santé, lorsque cet organisme peut choisir de posséder des éléments du système de prestation ou de les obtenir par contrat.
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Pour dégager les caractéristiques importantes, nous ferons porter notre examen des modèles, au niveau du système de prestation, sur les éléments suivants : – structure organisationnelle ; – responsabilité et obligation de rendre des comptes au gouvernement, à la société, à la population et aux personnes servies ; – régie, gestion et administration ; – financement et gestion financière ; – relations organisationnelles et financières avec les prestataires et avec les citoyens (en tant que patients, clients et adhérents) ; – profil des services ou des programmes (généralistes, médecins spécialistes, autres prestataires, soins à domicile, médicaments, services de diagnostic et services hospitaliers, établissements de soins de longue durée et autres programmes). La dynamique de marché, qui caractérise le contexte du système de prestation, complète la série de pressions et d’influences qui définissent les modèles organi sationnels, leur interdépendance et leur viabilité ultime. Dans l’examen des systèmes des autres pays, nous explorerons la dynamique et les caractéristiques cruciales des modèles à acheteur exclusif, à acheteur-prestataire et à prestataire exclusif et examinerons leur évolution vers l’intégration. Dans un premier temps, nous mettrons l’accent sur les organismes qui disposent d’une autorisation d’achat, étant donné que cette caractéristique semble aller de pair avec une intégration accrue de la responsabilité de l’ensemble des prestations, du financement et des services. Pour résumer, disons qu’un des principaux objectifs de notre étude est de favoriser une meilleure compréhension des modèles de planification, d’acquisition et de prestation de services, des éléments contextuels qui orientent, situent et appuient les modèles et de la relation avec les gouvernements, les autres secteurs, les individus et le public qu’ils servent. Les pays que nous avons choisis d’explorer sont le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis – c’est-à-dire un groupe de pays où l’on retrouve divers systèmes financés par des fonds publics, analogues à celui du Canada (avec des différences notables entre eux) et un système de marché ouvert dont le financement provient principalement de fonds privés. Bien que les systèmes du Royaume-Uni et des Pays-Bas aient une histoire assez différente, dans une certaine mesure, ils ont servi de référence pour des réformes similaires dans d’autres pays d’Europe. Le système de la Nouvelle-Zélande n’est pas différent, mais il est remarquable en raison de sa plus grande tolérance au pluralisme. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande sont dirigés par des gouvernements centraux forts, alors que les États-Unis et le Canada ont à leur tête un gouvernement fédéral et des États ou des provinces dotés d’une grande autonomie. Les gouvernements centraux forts ont entrepris des réformes nationales plutôt radicales, par comparaison avec les systèmes plus décentralisés. Nous avons choisi les États-Unis parce qu’ils sont confrontés aux mêmes problèmes que les autres pays, qu’ils ont un secteur financé par les fonds publics (contrairement à ce que l’on croit généralement) et qu’en raison de la nature du système de marché financé par des fonds privés ils constituent un laboratoire pour le développement indépendant et
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le raffinement de modèles organisationnels. Nous examinerons l’importance relative et le rôle des soins primaires et des généralistes dans chaque contexte. Au fil du raisonnement, nous essaierons de déterminer si, en dépit d’écarts nationaux importants, des tendances organisationnelles similaires et des éléments critiques pourraient produire des paramètres susceptibles d’être applicables au Canada. En nous penchant sur le contexte canadien, nous n’avons pas l’intention de faire un examen minutieux des réformes province par province. Nous nous bornerons plutôt à dégager les caractéristiques générales à des fins de comparaison. Étant donné que les caractéristiques des réformes provinciales sont quelque peu similaires, un aperçu synthétique sera présenté ainsi que plusieurs modèles généraux, représentant les principales caractéristiques de la réforme canadienne actuelle. On y trouvera également un examen des idées actuelles au Canada, concernant les soins primaires. L’objectif ultime de cette étude est de dégager les grands principes organisationnels et les principales caractéristiques que présentent les modèles appliqués dans d’autres pays, de même que les modèles canadiens et les idées qui se font jour. Notre analyse mettra également en évidence des éléments d’appui importants, nécessaires dans le contexte général pour motiver et soutenir l’interdépendance cruciale des structures et des systèmes. Les principaux attributs seront envisagés en fonction de la façon dont ils situent et appuient les modèles organisationnels de planification, d’acquisition ou de prestation de services. En outre, notre exposé s’efforcera de déterminer comment les éléments du secteur de la santé pourraient être ajoutés aux soins primaires de base actuellement en place, afin de faciliter une évolution graduelle vers un modèle à intégration verticale complexe. Nous explorerons les étapes de la mise en œuvre de ces modèles dans le système. La première section présente un aperçu des pays choisis, suivi d’un exposé de la situation canadienne et de l’évolution des modèles généraux. Nous dégageons ensuite les principales caractéristiques des modèles intégrés puis nous analysons la façon dont ces caractéristiques pourraient prendre forme dans le contexte canadien. Un résumé des directives applicables à l’évaluation interne et externe des organismes intégrés suit. Enfin, nous présentons un résumé des conclusions et des observations. aperçu des systèmes de certains pays
La présente section commence par la mise en évidence et la description des principaux attributs de plusieurs modèles de planification, d’acquisition et de fourniture des services médicaux et paramédicaux de plusieurs pays. Ces attributs seront envisagés en fonction de la façon dont ils situent et appuient le modèle dans le système de prestation et serviront d’indicateurs pour l’évaluation. Un bref historique des systèmes de santé des pays, avant la réforme, et un résumé des systèmes actuels serviront de fil conducteur au début de chaque section. Puis nous présenterons une analyse des principaux modèles d’acheteur, d’acheteur-prestataire et de prestation. Plusieurs des pays choisis ont connu durant de nombreuses années des systèmes extrêmement réglementés et assez rigides, caractérisés le plus souvent par une gestion publique directe des hôpitaux et des services communautaires. Dans de nombreux cas,
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une hiérarchie régionale à plusieurs niveaux constituait une structure intermédiaire entre le gouvernement central et les prestataires et les patients. Ces organes exerçaient leur pouvoir délégué d’affectation de budgets aux hôpitaux, aux services de soins communautaires et autres, en assuraient parfois la gestion directe et se chargeaient également de la rémunération des généralistes et des autres médecins. L’organisation des systèmes de santé du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Nouvelle-Zélande correspondait à ce profil, avant la réforme. Depuis la réforme, la plupart demeurent des systèmes financés par les fonds publics (par l’intermédiaire des recettes fiscales ou d’une assurance sociale obligatoire), mais tous présentent des variantes en ce qui concerne le financement privé. Le système des États-Unis offre un contexte extrêmement pluraliste, avec des variantes dans les modèles de soins, que le financement soit de source privée ou publique. Dans tous ces pays, la réforme organisationnelle a été une réaction à des pressions endogènes et exogènes. Les pays que nous examinons sont le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la NouvelleZélande et les États-Unis. L’analyse du contexte canadien et des modèles généraux, à des fins de comparaison, est présentée dans la section « Aperçu du système de santé canadien et modèles ».
Aperçu du système de santé du Royaume-Uni Historique
Avant la plus récente réforme, en 1990-1991, le Service national de santé (National Health Service) était un système de santé publique à intégration verticale (les services hospitaliers, par exemple, étaient assurés directement par l’administration sanitaire locale), financé par l’impôt et par des cotisations versées au titre de l’assurance nationale par les employeurs et les employés. Sur le plan structurel, il y avait deux paliers d’administration : l’Administration régionale de la santé (Regional Health Authority – RHA) et l’Administration sanitaire de district (District Health Authority – DHA). Les RHA étaient chargées de la prestation de certains services régionaux, du recrutement de médecins hospitaliers d’expérience et du financement des DHA, qui assuraient des services de santé et administraient les hôpitaux et les programmes de soins communautaires (Organisation de coopération et de développement écono miques, 1992 ; Klein, 1995). Les généralistes, d’autre part, étaient des « contractants » du Service national de santé. Leur nombre et leur répartition étaient contrôlés par les Autorités de santé familiale (Family Health Service Authorities – FHSA), qui ont maintenant été fusionnées avec les DHA (Hatcher, 1996). Plusieurs problèmes sont à l’origine de la réforme. Premièrement, on était de plus en plus conscient que l’établissement d’un système de santé publique intégré sous l’égide d’une seule administration n’entraîne pas nécessairement, automatiquement, l’égalité de traitement et l’égalité d’accès. En outre, on reprochait au système des rigidités, dont l’absence de libre choix pour le consommateur, de même qu’une certaine « suffisance » et une attitude d’irresponsabilité (Glennerster et al., 1994). Le financement était lié aux établissements et aux prestataires plutôt qu’à la population et à ses besoins. Des
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spécialistes (« consultants » dans la terminologie britannique) définissaient les « besoins » à l’intérieur de leurs établissements, et la reconnaissance des pairs, plutôt que l’utilisation judicieuse des ressources, tenait lieu d’évaluation. Avant la fin des années 1980, il n’y avait guère de motivation poussant à améliorer l’efficience ou à corriger les lacunes du système en matière d’information financière et de gestion, qui rendaient aléatoire tout examen de la performance (Bradshaw et Bradshaw, 1994). Comme on peut le lire dans l’étude de l’OCDE, À la recherche de mécanismes de marché :
Les réformes reposaient sur l’idée qu’il était possible de construire un nouveau système qui conserve les avantages du SNS – couverture universelle et contrôle efficace des coûts. Avec les réformes, le gouvernement cherchait à maintenir l’accès gratuit aux soins médicaux et le financement par l’impôt, mais aussi à faire jouer la concurrence entre les prestataires de services hospitaliers ou cliniques pour améliorer la santé et accroître le niveau de satisfaction des consommateurs, dans les limites d’un budget rigoureux. En bref, les autorités voulaient obtenir davantage du système. [OCDE, 1995]
Après 1991, la réforme a transformé les administrations sanitaires de district en acheteurs. Pour leur part, les généralistes purent choisir d’administrer des fonds publics afin de faire l’acquisition d’un éventail restreint de services médicaux pour leurs patients auprès des autres prestataires. Les généralistes qui choisirent cette solution allaient devenir des généralistes détenteurs de budget. Les hôpitaux et les services communautaires se virent accorder leur autonomie pour administrer leurs propres services et pour se livrer concurrence, afin de remporter les marchés des administrations sanitaires de district et des généralistes détenteurs de budget. Dans ce système, les fonds sont rattachés au patient ou consommateur, plutôt qu’au prestataire. L’ancien système, fondé sur une administration hiérarchique assurant le contrôle, se trouve remplacé par un nouveau système, qui introduit le principe de concurrence entre les prestataires (Klein, 1995). Les caractéristiques organisationnelles qui ont été préservées sont décrites ci-dessous. Le contexte macroéconomique : le Service national de santé
Prestations
S’il n’existe aucune nomenclature générale des services qui doivent être financés par le Service national de santé, l’organisme est guidé par les principes qui furent d’abord posés par le rapport Beveridge, en 1942, et qui ont été raffinés dans la loi qui s’ensuivit. Le rapport Beveridge préconisait l’instauration d’un système intégral financé par les fonds publics, d’accès universel. Si l’on en croit Hatcher, le terme « intégral » signifie que les traitements médicaux jugés nécessaires, quelle que soit la capacité de payer du patient, devaient être fournis tant à domicile que dans les hôpitaux par des généralistes, des spécialistes, des dentistes, des ophtalmologistes, des infirmières et des sages-femmes, et
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incluaient la fourniture d’appareils médicaux et de services de réadaptation (Hatcher, 1996). La loi qui lui fit suite mettait en place un service de santé voué à la prévention, au diagnostic et au traitement de la maladie. Au sein de ce système, le consommateur avait de droit accès aux services – mais c’était le prestataire qui déterminait quel était le traitement approprié (Klein, 1995). Financement
Les fonds du système proviennent principalement des recettes fiscales de l’État et des cotisations versées par les employeurs et les employés au titre de l’assurance nationale. En 1993, 84,2 % des fonds provenaient des recettes fiscales de l’État, et 12,2 %, des cotisations obligatoires versées par les employés et les employeurs au programme national d’assurance. Les 3,6 % restants provenaient de la poche des patients, tenus d’acquitter des frais, prévus par la loi, pour des articles comme les ordonnances et les traitements dentaires, ainsi que des frais d’hôpitaux pour des services facultatifs en chambre privée (Hatcher, 1996). Les fonds étaient attribués aux administrations régionales de santé selon le principe du paiement par capitation pondérée et servaient ensuite à financer les administrations de district selon une formule de capitation modifiée (Bundred, 1996). Avant l’adoption du système d’achat, les DHA étaient responsables de l’administration et du financement des services de santé, mais uniquement à l’intérieur de leur district. Le fait que certains clients pénétraient dans leur territoire pour avoir accès aux services médicaux et que d’autres en partaient pour avoir accès à des services dans un district voisin les obligeait constamment à ajuster le financement par capitation. Cette situation les contraignait à des opérations de soustraction ou d’addition en fonction des allées et venues des patients entre les différents districts. Le passage des DHA d’administrateurs des équipements et des programmes sanitaires à acheteurs de services, habilités par surcroît à acheter des services à tout prestataire situé à l’intérieur ou à l’extérieur du district, a supprimé la nécessité d’ajouter ou de soustraire des fonds en fonction des déplacements d’un district à l’autre. La population qui sera servie par les administrations d’un district donné est circonscrite au moyen des données d’un recensement et les fonds sont désormais attribués en fonction du principe de la capitation pondérée selon l’âge, le sexe, les facteurs de risque sanitaire de la population et les différences de coûts géographiques. Les différences de coûts tiennent compte des tendances passées de financement. L’engagement à long terme consiste à réduire l’ajustement selon les courbes de dépenses historiques pour passer à un mode de paiement par capitation plus justement pondérée, qui tienne compte de facteurs autres que le sexe et l’âge pour inclure des indicateurs de besoins (p. ex. les ratios standardisés de mortalité et des facteurs de désavantage relatif, comme le nombre de mères célibataires, etc.). Ce rythme progressif d’ajustement tient compte du fait qu’un temps de stabilisation est nécessaire pour modifier graduellement les structures d’orientation et d’utilisation.
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Protection-droits des citoyens
L’universalité est accordée à tous les résidents du Royaume-Uni, de même que le droit de souscrire une assurance privée et de payer directement des services à un système financé par le secteur privé. On estime les fonds destinés à des hôpitaux privés et à des spécialistes du secteur privé à 8 % des dépenses totales de santé en 1992-1993 (Hatcher, 1996). Bien que les résidents ne puissent être inscrits qu’auprès d’un seul généraliste à la fois, ils sont libres de changer de généraliste lorsqu’ils le désirent. Ce « droit de sortie » existait avant la réforme, mais il n’est plus nécessaire, désormais, que les personnes préviennent leur généraliste de leur décision de ne plus faire partie de sa clientèle.
Principes et réglementation
Avec la réforme, le Service national de santé est passé du statut d’organisme public à intégration verticale (une administration qui obtenait des fonds et qui dirigeait les programmes de service) à celui de « service public contractant » ou d’acheteur. Il a cessé d’assurer des services et d’affecter des budgets, afin de se consacrer à une seule mission, la négociation de contrats. Le système à payeur unique a été préservé ainsi que l’accès universel des clients. La réforme comporte également l’engagement à l’endroit des principes de liberté et de choix, tant pour les médecins que pour les patients. Les médecins sont autorisés à exercer dans le secteur privé, de même qu’au sein du Service national de santé, et les patients sont libres de choisir leur médecin et de recevoir et de payer des services médicaux à l’extérieur du Service national de santé. On pourrait, pour l’essentiel, résumer les objectifs de la réforme en disant qu’ils visaient une efficience accrue dans l’utilisation des ressources, l’équilibre entre les soins primaires, secondaires et tertiaires, et un choix élargi pour les patients et une meilleure écoute des clients (Ham et Brommels, 1994). En Angleterre, le Service national de santé est chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique sanitaire. Des directives nationales ont été élaborées dans un certain nombre de domaines. Par exemple, on a établi un objectif national pour la période d’attente, qui est de 26 semaines; 90 % des patients ne doivent pas attendre plus de 26 semaines pour un premier rendez-vous clinique avec un spécialiste de l’hôpital après avoir été orientés par un généraliste. Après le rendez-vous avec le spécialiste, la période d’attente maximum visée, pour l’admission à des soins non indispensables à l’hôpital, est de 12 mois (Hatcher, 1996). L’objectif stratégique actuel du Service national de santé est de devenir la direction des soins primaires. Cela signifie que le lieu de la prise de décisions serait aussi près que possible des patients et que le généraliste deviendrait un coordonnateur des soins (Ham, 1995). Pour atteindre cet objectif, le Service national de santé encourage la mise en place de généralistes détenteurs de budget et, au-delà, la fourniture d’une gamme étendue de services dans un cadre de soins primaires qui inclurait le diagnostic, les cliniques de spécialistes et l’emploi de personnel, comme des diététiciens, des physiothérapeutes et des conseillers sociaux. Le rôle de filtre du généraliste, dans le cadre de l’équipe de soins primaires, complète l’assise des services de la direction des soins primaires.
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Quatre éléments structurels propres aux « soins intégrés » font partie du Service national de santé. Ce sont : – le choix restreint des consommateurs par rapport au généraliste, – le contrôle de l’accès aux soins secondaires par les généralistes jouant le rôle de filtre, – l’établissement de contrats sélectifs par les acheteurs (p. ex. négociation de contrats avec certains prestataires, en fonction du coût, de la qualité, de la disponibilité et de l’accessibilité), – le recours aux incitations financières pour les cabinets de généralistes. Deux éléments fonctionnels complémentaires propres aux soins intégrés – gestion de la qualité et de l’utilisation – sont relativement peu développés (Hatcher, 1995).
Systèmes d’information et évaluation
Le Service national de santé souligne l’importance de systèmes d’information, qui sont constitués sur un certain nombre de fronts. À l’échelon national, une base de données centrale pour les prescriptions de médicaments indique les noms des médecins et des pharmaciens et inclut des renseignements sur les contacts hôpital-spécialiste. Ces renseignements sont réunis, analysés et distribués aux administrations sanitaires de district, aux fondations hospitalières (Hospital Trusts1) et aux autres prestataires. À l’échelon de l’administration de district, l’information sur l’activité des cabinets de généralistes est réunie à partir des profils des renseignements figurant sur la liste de clients (p. ex. âge, sexe et adresse de tous les membres inscrits). À l’échelon de l’acheteur ou du prestataire, l’activité de passation de marchés des administrations de district et des généralistes détenteurs de budget fournit des informations qui s’améliorent en réponse à la demande de meilleures données à des fins de planification, de contrôle et de formation. Cette information constitue la base de l’évaluation du système par le Service national de santé, les acheteurs (les DHA et les généralistes détenteurs de budget) et les prestataires. L’évaluation porte également sur la façon dont le système global (ou la région de l’administration de district) a atteint les objectifs sanitaires et systémiques ou a respecté des priorités établies par le Service national de santé et l’Administration sanitaire de district, comme la réduction de l’incidence d’une maladie ou l’établissement de services nécessaires dans un secteur donné. De même, les contrats précisent de plus en plus les attentes concernant les résultats et la qualité et exigent la fourniture de services justifiés par des éléments concrets. On considère que cette exigence contribue de manière positive à l’amélioration continue du système, au chapitre de la gestion, de la qualité et de l’évaluation.
1. Dans le cadre du système réformé, les hôpitaux sont structurés en fondations. Cette formule est expliquée avec plus de détails ci-dessous dans la présente section.
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Le système de prestation Structure organisationnelle
La réforme organisationnelle évolue à mesure que sont mises en œuvre des initiatives pour raffiner le système. Les administrations sanitaires régionales ont à toutes fins utiles été abolies et remplacées par huit bureaux régionaux du Service national de santé. Le nouveau mandat de ces bureaux est de contrôler et de réglementer. Ils relèvent directement de la direction du Service national de santé pour la mise en œuvre de la politique sanitaire nationale et pour le développement de la formation, de la recherche et de la santé publique (Hatcher, 1996). Un certain nombre de facteurs ont conduit à l’abolition des administrations sanitaires régionales. Aux stades préliminaires de la réforme, ces administrations avaient pour mission de réglementer le nouveau marché acheteur-prestataire et étaient responsables de la stratégie régionale des soins tertiaires. Mais des conflits ont surgi dans les deux secteurs. L’un était provoqué par le désir du Service national de santé d’étendre son contrôle et de réduire la taille et la complexité de l’administration. D’autre part, le nouveau rôle d’acheteur des administrations de district a commencé à avoir une incidence sur la viabilité des hôpitaux. Certaines administrations sanitaires régionales utilisaient des fonds de la tranche supérieure (qui avaient été conservés des transferts aux administrations de district pour financer d’autres parties du système) pour renflouer les hôpitaux tertiaires qui éprouvaient des difficultés dans leur adap tation au nouveau contexte. D’après une source confidentielle, « nombre de ces hôpi taux tertiaires fonctionnaient en fait comme de coûteux hôpitaux secondaires, car ils étaient incapables d’établir une distinction entre les soins tertiaires et secondaires et n’arrivaient pas à faire face aux changements croissants dans l’équilibre des soins, en raison du virage caractérisé par le recul de la médecine hospitalière au profit des soins primaires ». Quoi qu’il en soit, cette activité des administrations régionales était perçue comme entrant en contradiction avec les forces du marché. Par ailleurs, à mesure que les généralistes détenteurs de budget assumaient de plus en plus leur fonction d’acheteurs, les administrations de district élargissaient leur rôle dans le domaine de l’évaluation des besoins, de l’établissement des priorités et du contrôle. Il s’ensuit que les fonctions de contrôle, de réglementation et d’établissement des priorités étaient exercées de plus en plus par le Service national de santé central et les administrations de district. Les administrations sanitaires régionales ont été progressivement démantelées, et le nombre d’administrations de district a été réduit de plus de la moitié (de 225 à 100), ce qui accroît en conséquence leur clientèle théorique (Hatcher, 1996). Les administrations de santé familiale ont été également démantelées. Ces administrations étaient chargées, entre autres, d’approuver la création de cabinets de généralistes, de pharmacies et de cabinets dentaires. Le plan a imposé la fusion des autorités de santé familiale avec les administrations de district correspondantes. Ce changement national, qui avait commencé par des fusions volontaires, devait être mené à bien pour le 1er avril 1996, en vertu des dispositions législatives (Bundred, 1996).
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La politique de changement « volontaire » fut également appliquée aux hôpitaux et aux organismes communautaires dans leur transformation en hôpitaux autogérés à autonomie interne et en fondations communautaires (figures 3 et 4).
Figure 3 Regroupement des administrations sanitaires du Royaume-Uni le système du Royaume-uni avant la réforme Service national de santé
Administration sanitaire régionale
Administration sanitaire régionale
Administration sanitaire de district
Administration de santé familiale
Administration sanitaire régionale
Administration sanitaire de district
Administration de santé familiale
Administration sanitaire de district
Administration de santé familiale
Généraliste
le système du Royaume-uni après la réforme Service national de santé
Administration sanitaire de district
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Administration sanitaire de district
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Figure 4 Transformation au Royaume-Uni : fusion des administrations sanitaires de district et des administrations de santé familiale Administrations sanitaires de district acheteuses pour leur région Prestataires devenus des contractants indépendants avant 1996
après 1996 Administration sanitaire de district acheteuse
Administration de santé familiale
Généraliste non détenteur de budget Généraliste détenteur de budget
Administration sanitaire de district Organisme d’affectation Généraliste
Prestataire
Prestataire contractant indépendant
Remarque : Au nombre des prestataires contractants indépendants figurent les organismes établissant des diagnostics, les spécialistes, les hôpitaux et les organismes de soins communautaires.
Acheteurs
Il existe actuellement deux modèles d’acheteur au Royaume-Uni, les administrations sanitaires de district (DHA) et les généralistes détenteurs de budget. Les DHA sont à l’heure actuelle les principaux détenteurs de budget et de fonds publics du système. Elles reçoivent leur financement du Service national de santé selon une formule de capitation pondérée en fonction de facteurs démographiques, dont l’âge et le sexe, et de facteurs de dépenses régionales. Le facteur population qui sert de base au calcul du nombre de personnes relevant des administrations sanitaires de district repose sur les données d’un recensement. Les administrations de district sont chargées de l’achat de services pour toute la population de leur territoire. À cette étape de leur évolution, les administrations de district sont monopsones, c’est-à-dire les seuls acheteurs de nombreux services hospitaliers, bien que cet état de choses ait déjà été contesté par les généralistes détenteurs de budget (OCDE, 1995). Les administrations de district ne sont pas tenues de conclure des marchés avec les prestataires de leur territoire, ce qui signifie qu’elles sont libres d’établir des contrats pour des services hospitaliers à l’intérieur ou à l’extérieur de leur district. Cette ré forme simplifie leur financement par capitation, étant donné qu’elles n’ont plus à faire d’ajustement en fonction du déplacement des clients d’un district à l’autre pour avoir accès aux services. Par ailleurs, comme nous l’avons mentionné, les administrations
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de district ont été regroupées et leur nombre a été ramené de 250 à une centaine. Désormais, la population habituellement servie par une administration sanitaire de district varie de 500 000 habitants à un million. Les administrations de district sont chargées de l’évaluation des besoins de la population et, à partir de là, de l’achat des services appropriés. Bien que la plus grande partie de la population soit inscrite auprès d’un généraliste, ce n’est pas le cas de tout le monde, et le Service national de santé, de même que l’administration sanitaire de district, est responsable de « toute la population, inscrite ou non » (Hatcher, 1996). Chaque administration sanitaire de district a à sa tête un directeur de la santé publique, qui détermine les besoins en matière de santé ainsi que l’efficience des divers services. Cette relation étroitement intégrée explique que l’on mette davantage l’accent sur l’achat, tant pour l’obtention de services médicaux et paramédicaux que pour l’amélioration de la santé (Ham et Brommels, 1994). Ces administrations sanitaires de district sont dirigées par un conseil de 11 membres. Le président et cinq de ces membres sont nommés par le Service national de santé, mais recrutés en dehors du personnel administratif de la DHA, duquel viennent les cinq autres membres. Les conseils de santé communautaire (Community Health Councils) font le lien entre la DHA et la collectivité. Ils ont pour mission de faire valoir le point de vue de la collectivité auprès de la DHA et de faciliter la communication entre cette dernière et la collectivité. Ils aident également à acheminer les plaintes à la DHA. Les généralistes détenteurs de budget achètent aussi des services, ou prestations, pour le compte du Service national de santé. À l’heure actuelle, en conformité avec leur mandat, ils font l’acquisition de médicaments, de services de spécialiste, de services hospitaliers et de services communautaires. Tous les généralistes, qu’ils soient détenteurs de budget ou non, fonctionnent en tant que contractants indépendants et sont payés selon une formule mixte reposant sur la capitation et prévoyant diverses indemnités. Les généralistes détenteurs de budget ont également accès à un financement de la tranche supérieure (indépendant de l’affectation par capitation versée aux administrations sanitaires de district), aux fins de la passation de contrats pour l’obtention de services de spécialistes, de services hospitaliers et de services de fondations communautaires. Ce financement, dont le montant est calculé d’après les données d’utilisation passée, n’est pas encore calculé en fonction du nombre de personnes. Nous en parlerons de façon plus détaillée dans la section relative aux prestataires, où nous présenterons des renseignements complémentaires et d’autres facteurs se rapportant au statut des généralistes détenteurs de budget. Les généralistes détenteurs de budget peuvent négocier un paiement unique pour l’achat d’ordinateurs et un « paiement forfaitaire » pour la rémunération du personnel administratif et autres employés recrutés en dehors de la profession médicale, en raison de la complexité croissante des contrats pour les services hospitaliers et autres (Hatcher, 1996). Ils négocient également un budget pour payer les autres membres du personnel professionnel, comme le personnel infirmier et les physiothérapeutes, de même qu’un budget pour les médicaments. Les généralistes détenteurs de budget et les administrations sanitaires de district assument conjointement le coût de ce
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personnel (à raison de 30 % pour les généralistes détenteurs de budget et de 70 % pour les administrations sanitaires de district) et négocient également un budget pour les spécialistes. Nombre de généralistes détenteurs de budget créent des cliniques de spécialistes dans les locaux où ils ont leur cabinet. Selon la catégorie à laquelle ils appartiennent, les généralistes détenteurs de budget peuvent également assumer la responsabilité de la négociation de contrats avec les fondations hospitalières et communautaires, qui doivent inclure des soins infirmiers communautaires et des soins à domicile (autres que la garde). Ni ces fonds, ni les excédents qui en découlent ne peuvent être utilisés pour payer les généralistes pour l’administration des budgets. Toutefois, des économies dans un secteur peuvent être utilisées pour un autre secteur – par exemple, des fonds prévus à l’origine pour des médicaments peuvent être consacrés à des services hospitaliers. Les économies peuvent également servir pour l’achat de fournitures, comme de l’équipement, du matériel ou de l’ameublement, si celles-ci servent à améliorer les soins donnés aux patients ou permettent aux généralistes d’être à l’écoute des patients inscrits sur leur liste. Parmi les améliorations attribuables à l’introduction de cabinets de généralistes détenteurs de budget, mentionnons des lettres d’autorisation de sortie plus rapides et donnant davantage d’information, une réponse plus rapide aux demandes de renseignements des généralistes, un accès plus facile à la physiothérapie, aux soins à l’hôpital et aux cliniques de spécialistes (Dixon et Glennerster, 1995). S’ils réussissent à améliorer la qualité et la gamme de services offerts (sans pour autant modifier les prix), les généralistes détenteurs de budget peuvent attirer davantage de patients sur leur liste et, par conséquent, augmenter le revenu découlant du nombre d’inscrits (Maynard, 1994 ; OCDE, 1995). En revanche, lorsque le cabinet est géré de façon médiocre, le patient-client peut exercer son droit de sortie et s’adresser à un autre cabinet. Les généralistes détenteurs de budget ont également été en mesure de faire la preuve que leurs patients avaient plus facilement accès aux services hospitaliers, pour diverses raisons, dont la passation de contrats plus efficaces et un accroissement de la souplesse des hôpitaux pour obtenir des contrats des généralistes détenteurs de budget. Étant donné que les patients des généralistes détenteurs de budget ont désormais plus facilement accès à l’hôpital que les patients qui sont rattachés à d’autres cabinets, certains observateurs ont commencé à parler d’un système de santé à deux vitesses (Dixon et Glennerster, 1995). Comme le système en est encore au début de sa transition, il est possible que des incohérences de ce genre disparaissent par la suite, lorsqu’il se stabilisera (les hôpitaux éprouveront probablement le besoin de corriger le manque d’uniformité dans l’accès). Le système aura peut-être une autre transition à faire avec le temps (si les cabinets des généralistes détenteurs de budget présentent assez d’avantages pour devenir la formule prédominante). En dépit de ce contexte en évolution, le système de santé financé par les fonds publics offre tous les services. Tous les clients, à l’exception des enfants, des femmes enceintes, des personnes âgées et des personnes bénéficiant de l’assistance sociale, paient un taux fixe pour les médicaments prescrits sur ordonnance, et le Service national de santé acquitte le
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reste de la facture au pharmacien. Le Service national de santé garde un dossier de toutes les ordonnances et des frais, et fournit l’information pertinente aux généralistes détenteurs de budget avec lesquels il a négocié un budget pour les dépenses de médicaments. Si les dépenses sont inférieures au montant prévu au budget, le cabinet du généraliste détenteur de budget – comme les autres acheteurs potentiels – peut transférer l’« excédent » à d’autres services. Des données probantes nous indiquent que les cabinets de généralistes détenteurs de budget ont freiné l’augmentation du coût des médicaments, à la différence des cabinets de généralistes non détenteurs de budget. Par exemple, en 1992-1993, le coût des médicaments prescrits par les généralistes détenteurs de budget a progressé de 8 %, alors que l’augmentation nationale était de 12 % (OCDE, 1992). On constate de plus en plus que les généralistes détenteurs de budget sont plus sélectifs que leurs collègues non détenteurs de budget, dans leur orientation des patients vers les spécialistes et les hôpitaux. Ainsi, dans le district Wirral, un examen récent a montré un ratio d’admission standardisé nettement plus bas pour les hystérectomies chez les patientes des généralistes détenteurs de budget (ratio d’admission standardisé 93,75) que chez les patientes des généralistes non détenteurs de budget (101,94 ; Bundred, 1996). Il existe trois types de généralistes détenteurs de budget. Les détenteurs de budget global, qui achètent tous les services de santé commu nautaire, y compris les services de personnel, de tests de diagnostic et de fondations communautaires, ainsi que les médicaments et tous les services hospitaliers pour leur population inscrite. L’administration de district n’est pas responsable de l’achat de services médicaux et paramédicaux pour ces personnes (Ministère de la Santé, 1994). À l’origine, 50 cabinets avaient opté pour cette solution à l’étape de la mise à l’essai ; une centaine de cabinets gérant des clientèles importantes l’ont maintenant adoptée. Les détenteurs de budget standard, qui peuvent acheter la plupart des services. Seuls les services hospitaliers sont restreints, puisque les détenteurs de budget standard ne peuvent acheter que des services facultatifs et des thérapeutiques pour patients externes et quelques interventions à coût très élevé, comme la transplantation cardiaque et la dialyse rénale, d’un prix inférieur à l’équivalent de 12 000 $. Tous les autres services hospitaliers sont achetés par l’administration de district. Pour faire partie de cette catégorie, les généralistes détenteurs de budget doivent avoir une liste d’au moins 5 000 patients (nombre qui a été réduit par rapport au nombre d’inscrip0tions exigé à l’origine, qui était de 11 000). Les détenteurs de budget communautaire, qui peuvent tout acheter, à l’exception des services hospitaliers, lesquels sont achetés par l’administration de district. Les détenteurs de budget communautaire doivent avoir une liste d’au moins 3 000 patients. En avril 1995, environ 40 % de la population de l’Angleterre faisait partie de la clientèle de généralistes détenteurs de budget. Dans un effort intéressant d’intégration horizontale, nombre de ces généralistes ont créé des « budgets communs » pour relier leurs organismes entre eux et mettre en commun leurs ressources administratives. Plusieurs de ces groupes de budgets communs ont une clientèle totale d’environ 200 000
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personnes inscrites (Maynard, 1994). Dans certains cas, cette situation entraîne la formation de groupes qui ressemblent à des « mini-administrations » au sein des soins primaires (Ham et Shapiro, 1996). Dans l’un des districts, tous les généralistes sont des détenteurs de budget. La situation laisse peut-être présager une tendance future et la nécessité de redéfinir le rôle des administrations sanitaires de district, dans un monde où elles ne peuvent plus participer à la passation de contrats. Pour les administrations de district, la solution sera peut-être de jouer un rôle dans la santé publique et l’évaluation des besoins, notamment au chapitre de l’établissement d’objectifs spéciaux pour la santé. Il pourrait en découler également une pression accrue en vue d’instaurer le paiement intégral par capitation pour les généralistes détenteurs de budget. Parmi les autres tendances contemporaines, mentionnons la popularité croissante du cabinet comprenant à la fois des généralistes et des spécialistes, et l’émergence concurrente de « voies de soins intégrés » (Bundred, 1996).
Les achats des administrations sanitaires de district et des généralistes détenteurs de budget
À l’origine, les contrats entre acheteurs (administrations de district et généralistes détenteurs de budget) et les prestataires (p. ex. hôpitaux) avaient tendance à être des contrats globaux. Avec le temps, les contrats ont commencé à préciser le coût et le volume et à ajouter des critères de « qualité » à respecter, comme des protocoles cliniques, des périodes d’attente maximum, et des délais maximum pour la délivrance des avis de congé. La tendance la plus récente consiste à trouver des façons d’assurer, dans les ententes contractuelles, la prise en compte d’un processus décisionnel dûment motivé. Par ailleurs, les administrations de district et les généralistes détenteurs de budget peuvent menacer d’exercer leur « droit de sortie » au nom de leurs clients et faire passer un contrat d’un prestataire à un autre (OCDE, 1995). Ces mesures ont incité les hôpitaux à mettre en œuvre des améliorations de la qualité, des examens de l’utilisation des ressources et d’autres mesures pour rendre leurs services plus efficients et plus efficaces. Le « prix » qu’un hôpital mentionne pour un service, dans le cadre de négociations, est censé représenter le coût réel. En outre, les hôpitaux sont censés réaliser un rendement de 6 % sur les immobilisations, dans le cadre de leurs contrats. Bien que les contrats soient souvent établis pour des services particuliers, ils peuvent aussi porter sur un programme de soins intégrés correspondant à une phase de maladie. Cette façon de procéder offre plus de possibilités de produire, en ce qui a trait à l’emplacement du traitement, un éventail efficient de compétences et des options élargies, propres à inciter les prestataires à analyser les coûts et les avantages de l’intégration verticale (Maynard, 1994). Le passage à des relations contractuelles a également incité à mettre en place de meilleurs systèmes de données, ce qui accroît la transparence du système et la visibilité publique de l’information relative à la qualité de la performance. Malgré une augmentation du nombre de personnes figurant sur des listes d’attente après 1991, le temps d’attente pour une admission a chuté abruptement, passant d’une moyenne de
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7,6 mois en avril 1991 à 4,8 mois en décembre 1993 (Klein, 1995 ; OCDE, 1995). On observe également une plus grande écoute à l’égard des besoins de la clientèle, avec l’introduction de bonnes pratiques commerciales et d’incitations. Par exemple, le calendrier de rendez-vous est devenu plus sophistiqué et l’on vérifie la satisfaction de la clientèle.
Le système de prestataires
Les généralistes sont, dans l’ensemble, des contractants indépendants qui exercent au sein de cabinets où ils sont seuls ou en groupe. Ils sont rémunérés selon une formule mixte comprenant à la fois un paiement par capitation, un paiement à l’acte et un budget pour les frais d’administration. Ils sont de plus en plus encouragés à former des cabinets de groupe : seulement 10 % d’entre eux exercent seuls. Tous les généralistes ont des contrats avec les administrations de district ou les administrations de santé familiale. Les sources de paiement sont diverses, mais les généralistes tirent 60 % de leur revenu du paiement par capitation, pour les patients de leur liste, et d’indemnités (p. ex. ancienneté, exercice en région rurale, emploi d’assistants, etc.). Ils reçoivent également des honoraires à l’acte pour les visites de nuit, les services de contraception et les cliniques de promotion de la santé (environ 100 $ par séance à la clinique), entre autres services (Kristiansen et Mooney, 1993). Globalement, ces revenus sont censés couvrir les services médicaux généraux, mais les généralistes ont l’obligation d’assurer un service 24 heures sur 24 et de faire des visites à domicile s’il y a lieu. Par ailleurs, les généralistes sont rémunérés s’ils atteignent des objectifs précis dans certains domaines, comme l’immunisation (environ 1 200 $ par an si 70 % des enfants de la population ciblée sont immunisés et 3 600 $ si 90 % sont immunisés). De même, des primes leur sont versées pour les soins à certaines populations cibles. Par exemple, les généralistes qui pratiquent le test PAP sur 50 % des femmes admissibles de leur liste reçoivent 1 000 $ par an ; cette somme grimpe à 4 500 $ si le pourcentage de femmes est de 80 % (Kristiansen et Mooney, 1993). D’autres paiements sont faits pour la promotion de la santé, le développement des enfants, la gestion de patients atteints de maladies cardiovasculaires, d’asthme ou de diabète, ainsi que pour la prestation de services à des populations d’un niveau socioéconomique peu élevé. Les généralistes sont les filtres du système : tout accès à un spécialiste, ainsi qu’aux services hospitaliers et communautaires, se fait sur leur recommandation – bien qu’ils ne jouissent pas pour l’instant de privilèges quant à l’admission. En outre, tous les généralistes doivent fournir des informations sur leur population inscrite, dont l’âge, le sexe, le nombre de visites des patients, et des informations de « facturation » sur des services tels les immunisations et les tests PAP. Les spécialistes (ou consultants) étaient autrefois payés directement par le Service national de santé, conformément à un programme normalisé de rémunération et d’augmentation. Avec la réforme, ils ont maintenant des contrats avec les fondations hospitalières et communautaires, de même qu’avec les généralistes détenteurs de budget. La rémunération normalisée est encore en vigueur, mais cette donnée pourrait
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changer, puisque les fondations se voient accorder la liberté de négocier cet aspect de leurs ententes contractuelles. Les hôpitaux ont été transformés en fondations semi-autonomes. Ils jouissent de l’autonomie interne et entrent maintenant en concurrence avec les autres hôpitaux et des entités et organismes nouvellement intégrés pour les contrats avec les administrations de district et les généralistes détenteurs de budget. Comme les administrations de district, les nouvelles fondations ont à leur tête un conseil d’administration de 11 membres. Le directeur général, le directeur médical et les directeurs des finances et des soins infirmiers ainsi qu’un autre cadre supérieur sont automatiquement membres du conseil. Le président et les cinq autres membres (qui ne sont pas des employés) sont nommés par le gouvernement et sont habituellement choisis parmi des gens de l’extérieur pour leur compétence en affaires ou dans le milieu communautaire. Techniquement, les fondations hospitalières ont la liberté d’innover ; toutefois, elles sont aux prises avec un certain nombre de contraintes pesant sur leur activité, en raison de l’imposition d’objectifs de rendement et de règles concernant l’approbation préalable des emprunts de capitaux et de l’aliénation d’actifs. Les fondations hospitalières nomment leur propre directeur général, engagent leur personnel et leurs médecins et possèdent et vendent des biens-fonds. Dotées d’une toute nouvelle autonomie et confrontées à la nécessité d’être concurrentielles pour obtenir des contrats, elles sont passées d’une position de dépendance budgétaire à une position de dépendance à l’égard des revenus. Dans ce nouveau contexte, les fondations ont le droit de conserver les excédents, mais elles sont tenues de présenter des informations sur les constats (p. ex. nombre d’admissions, nombre de congés, diagnostic, traitement effectué, etc.). Les services communautaires administrent maintenant leurs programmes sous la forme de fondations communautaires. Comme les fondations hospitalières, ce sont des organismes semi-autonomes dirigés par un conseil d’administration. Ces fondations sont chargées de différents services, y compris les soins infirmiers commu nautaires, assurés par des infirmières spécialistes qui portent le nom de « visiteuses sanitaires », d’autres infirmières, des podiatres, des dentistes, des psychiatres et des physiothérapeutes ; elles ne sont pas responsables du volet services ménagers des soins à domicile. Le financement des soins de longue durée a en grande partie été transféré aux services sociaux des pouvoirs publics locaux. Dans ce contexte, la responsabilité des soins de longue durée inclut les foyers de soins infirmiers et les établissements de soins pour bénéficiaires internes (appartenant principalement au secteur privé), de même que la prestation des soins infirmiers non cliniques à domicile. Les services de santé requis par les résidents de ces établissements sont assurés par l’administration de district ou le généraliste détenteur de budget.
Tendance vers l’intégration des prestataires
Au Royaume-Uni, on observe une tendance évidente à l’intégration, à un degré quelconque, des entités. Il s’agit à la fois d’une intégration horizontale, sous la forme
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de regroupements de médecins entre eux ou de fondations hospitalières entre elles, et d’une intégration verticale selon laquelle différents secteurs du système de santé, tels les hôpitaux, les établissements de soins communautaires et les spécialistes, se regroupent au sein d’un même organisme. L’une des principales raisons de cette évolution a trait aux décisions stratégiques des entités de former des organismes intégrés, de façon à s’assurer des contrats avec les administrations de district et les généralistes détenteurs de budget. C’est aussi pour elles le moyen d’échapper à la fermeture, dans la foulée de la rationalisation, ou à la fusion avec les fondations et les services de médecins. Sommaire des caractéristiques des nouveaux modèles – Royaume-Uni Modèles d’achat
Il existe deux modèles pour l’achat de services : – les administrations sanitaires de district, – les généralistes détenteurs de budget.
Principales caractéristiques
Les administrations sanitaires de district : • Sont dotées d’un conseil d’administration nommé ; • Sont responsables de tous les services et prestations de base ; • Sont responsables des activités de planification et de contrôle, comme l’éva luation des besoins, l’établissement des priorités, la détermination des ressources nécessaires ; • Servent une population de clients dont le nombre est déterminé à partir d’un recensement. Elles ne choisissent pas leurs clients. Les administrations de dis trict sont responsables de la santé d’une population dont le nombre varie de 500 000 personnes à un million ; • Sont financées selon une formule de capitation pondérée ; • Ne fournissent pas directement des services. ; • Achètent des services pour la population qui relève de leur compétence, sauf ceux qui sont achetés par les généralistes détenteurs de budget ; • Administrent une collectivité territoriale qui est définie géographiquement, mais peuvent acheter des services à des prestataires situés à l’extérieur de leur territoire. Les généralistes détenteurs de budget : • Ont le statut de contractants indépendants et sont pour la plupart organisés en cabinets de groupe ; • Sont responsables de la prestation de services de médecine générale et de soins primaires, et assurent notamment l’accès à une équipe pluridisciplinaire. Ils sont responsables de la négociation des contrats pour l’achat de médicaments, de services communautaires et de services de spécialistes. Selon le type de modalités
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applicables à leur budget, ils peuvent être chargés de l’achat, en tout ou en partie, des services hospitaliers ; Voient leurs patients répertoriés par l’établissement de listes ; ces derniers sont libres de se rattacher au cabinet de leur choix ou de partir s’ils le désirent ; Entrent en concurrence avec les autres généralistes détenteurs de budget ainsi qu’avec les praticiens non détenteurs de budget pour attirer et conserver la population inscrite ; Sont financés pour la prestation de services de médecine générale ou de soins primaires selon une formule mixte de paiement par capitation, d’autres incitations et un financement déterminé ; Reçoivent des fonds par l’intermédiaire des administrations de district pour l’achat de médicaments et de services communautaires, de services de spécialistes et de services hospitaliers. Ces fonds ne font pas partie de la rémunération des généralistes. Actuellement, ils sont calculés d’après les dépenses passées, mais on envisage à l’avenir d’adopter une rémunération en fonction du nombre de personnes ; Le financement par capitation suit l’individu inscrit et non pas le cabinet des généralistes.
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Réglementation et orientation publiques
Le système met en place : – un contexte de marché réglementé ; – un financement par capitation qui suit le patient ; – un recensement particulier de la population ; – un système à payeur unique caractérisé par une caisse centrale alimentée par l’impôt pour des services de santé complets ; – un système mettant l’accent sur les soins primaires, comme l’illustre le volume croissant de services relevant de ce secteur et sous son contrôle, de même que la présence croissante des généralistes détenteurs de budget comme principaux acheteurs du système ; – des évaluations de besoins et une planification fondée sur les besoins pour l’établissement de priorités nationales et régionales et d’objectifs en matière de santé ; – un contexte de services contractuels mettant l’accent sur la qualité, les faits et les résultats.
Autre intégration
On observe à la fois une intégration horizontale et une intégration verticale ; on veut ainsi favoriser l’efficience, attirer les contrats et les conserver.
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Rôle des soins primaires et du généraliste
• On met l’accent sur le développement des soins primaires et sur la coordination du système. • Les soins primaires sont assurés par des équipes pluridisciplinaires. • Le généraliste joue un rôle de filtre par rapport aux soins secondaires et actifs. Autres tendances
Certains indices montrent que le rôle d’acheteur des administrations sanitaires de district va en s’amenuisant par rapport à celui des généralistes détenteurs de budget (qui font des achats pour environ 50 % de la population). Cette tendance pourrait en fin de compte, avec le temps, aboutir à un retrait des administrations de district de la fonction achat. Elles se consacreraient à l’évaluation des besoins, à l’établissement des priorités, à l’évaluation et au contrôle, et raffineraient la formule de financement par capitation.
Aperçu du système de santé des Pays-Bas Historique
Diverses réformes organisationnelles ont été apportées au système de santé des PaysBas au cours de la Seconde Guerre mondiale. L’une des premières réformes a consisté à transformer les monopoles du régime d’assurance-maladie – organismes d’assurance publique à but non lucratif, non gouvernementaux, nommés caisses d’assurancemaladie. Créés à l’origine en fonction des différentes confessions et des différents partis politiques, ils furent transformés en monopoles ayant une assise géographique. Les efforts pour maîtriser les coûts, dans les années 1970 et 1980, conduisirent à un certain nombre d’interventions législatives et réglementaires, dont l’imposition d’un plafond aux budgets globaux des hôpitaux, entré en vigueur en 1983. On a parlé, à l’époque, d’une réglementation centrale stricte et détaillée des prix, du volume et de la capacité, se superposant à un système de prestations principalement privées et à un système mixte de financement (OCDE, 1992). Les pressions en faveur d’autres réformes se sont poursuivies, car on reprochait au système son manque de coordination dans le financement des soins de santé, l’absence de libre choix entre les différentes caisses d’assurance-maladie, et le manque de motivation pour que les clients, les assureurs ou les prestataires se comportent d’une manière efficiente. Par exemple, rien n’incitait les clients à freiner la demande, ni les caisses d’assurance-maladie à choisir des prestataires efficients. Cette situation était causée en partie par le fait que les caisses d’assurance-maladie étaient obligées de conclure des contrats avec tout prestataire local désireux de fournir des services à leurs membres. Cette disposition les contraignait à un rôle de « bailleurs de fonds passifs, en matière de soins, et non pas d’acquéreurs de services actifs, soucieux de rentabilité » (OCDE, 1992). Par ailleurs, la réglementation publique, extrêmement centralisée,
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était considérée comme une réglementation complexe, coûteuse et rigide, propre à entraver le progrès. Une nouvelle vague de réformes supprima le monopole géographique des caisses d’assurance-maladie et les transforma en organismes susceptibles de se faire concurrence dans tout le pays pour attirer sur leur liste (registre) les consommateurs admissibles (figure 5). On a alors parlé du passage de cartels réglementés par le gouvernement à une concurrence réglementée par le gouvernement entre assureurs et prestataires. Les notions de « marchés » et d’« incitations » faisaient et continuent de faire partie intégrante de la réforme, en dépit du coup de barre politique à gauche qui s’ensuivit, aux Pays-Bas, et se qui traduisit par une terminologie « allégée », introduisant des notions comme la « responsabilité partagée entre les parties, le choix pour les consommateurs et la décentralisation » (van de Ven et Schut, 1994). Les concepts faisant appel aux mécanismes du marché ont façonné ce que Bultman appelle un « système de soins de santé introduisant des incitations de marché » et sont encore en place, faisant partie intégrante de la réforme (Bultman, 1996). Bien que d’autres programmes de réforme aient été envisagés, comme la fusion, proposée auparavant, des divers programmes d’assurance privés et du programme d’assurance publique pour constituer un régime unifié d’assurance-maladie de base (ce qu’on a appelé les « réformes Dekker »), ces réformes n’ont pas été adoptées. Néan moins, on observe une certaine vigilance à l’égard des assureurs du secteur privé, dans le but de s’assurer qu’ils offrent un programme standard présentant les mêmes services
Figure 5 Transformation des caisses d’assurance-maladie, qui cessent d’être des monopsones géographiques, pour devenir des acheteurs nationaux, procédant par listes et se faisant concurrence
monopsones géographiques (acheteurs)
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acheteurs nationaux procédant par listes et se faisant concurrence (possibilités de prestations)
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que les assurances du secteur public. C’est ce que nous analyserons plus loin dans la présentation du système dans son ensemble. La majorité de la population néerlandaise bénéficie d’un financement public des services de santé, venant principalement de l’assurance sociale plutôt que de l’impôt. Si l’on en croit Maarse, « les principales caractéristiques de l’assurance-maladie de caractère social sont : la solidarité sociale, l’accès universel, l’adhésion obligatoire, le paiement de cotisations prélevées sur la rémunération par l’assureur et l’employé, et l’instauration de caisses d’assurance-maladie » (Maarse, 1994). L’assurance-maladie privée assure une couverture à l’essentiel de la population restante. Le profil du financement de base est demeuré essentiellement le même.
Le contexte macroéconomique Prestations et financement
Au niveau macroéconomique, les Pays-Bas ont mis en place leur propre version d’un système d’assurance-maladie universel, fondé sur un mélange d’assurance-maladie publique et privée, de façon à protéger tout le monde. Les services dont le coût est très élevé sont couverts pour tous par un seul régime public, alors que les autres services font partie d’une série de prestations de base prévues dans la couverture « ordinaire » des régimes d’assurance-maladie publique et privée. La plus grande partie de la population est protégée par un régime d’assurance-maladie publique. Axé principalement sur le secteur public, l’ensemble des deux régimes d’assurance publique offre une gamme complète de services qui, à la différence de ce qui se passe dans de nombreux autres pays, englobent également les maladies ou les accidents qui surviennent en milieu de travail. Il existe quatre régimes d’assurance principaux aux Pays-Bas : – un régime de dépenses médicales exceptionnelles, qui s’applique à toute la population et qui a été instauré par la Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles (connu sous l’acronyme AWBZ) ; – un régime d’assurance-maladie destiné aux employés des administrations provinciales et municipales ; – un régime d’assurance privée ; – un régime d’assurance-maladie standard, en vertu de la Loi sur l’assurance-maladie (connu sous l’acronyme ZFW). La Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles protège toute la population contre les risques graves pour la santé. À l’origine, cette assurance était censée couvrir les coûts exceptionnels associés aux soins de longue durée ou à des traitements extrêmement coûteux, dont le coût ne peut être assumé par les particuliers ni couvert adéquatement par une assurance privée. Au fil des années, toutefois, la portée de la Loi a été élargie, et l’assurance couvre un certain nombre d’articles qui ne sont ni coûteux ni rattachés aux soins de longue durée. À l’origine, le législateur avait la ferme intention de regrouper les prestations de tous les programmes d’assurance dans le cadre d’un seul régime pour tous, mais cet objectif ne s’est pas réalisé (Ministère de la Santé, du Bien-être et du
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Sport, 1995). Les prestations, ou services assurés, incluent la couverture du séjour à l’hôpital après le 325e jour d’hospitalisation, les soins de longue durée dans des foyers de soins infirmiers et des foyers et hôtels pour les personnes physiquement handicapées, les soins psychiatriques à l’hôpital et dans d’autres cadres, les soins pour les personnes handicapées mentales et les soins à domicile. Jusqu’à récemment, le financement du régime de dépenses médicales excep tionnelles provenait d’un mélange de fonds publics et de cotisations fixées selon un pourcentage et à un taux uniforme. Les personnes assurées sont tenues de payer les cotisations. Les gens qui ne reçoivent pas de rémunération ou de salaire, mais qui sont tenus de payer les cotisations de la sécurité sociale et des impôts, reçoivent une évaluation fixant le pourcentage de leurs cotisations, et les employés voient les coti sations prélevées de leurs gains et payées à l’administration fiscale par l’employeur. À partir du 1er juin 1992, une cotisation à taux uniforme, d’un montant déterminé par les assureurs eux-mêmes, a également été prélevée, mais elle a été supprimée par la suite, à compter du 1er janvier 1995 pour les enfants de moins de 18 ans et à compter du 1er janvier 1996 pour le reste de la population (Ministère de la Santé, du Bien-être et des Sports, 1995 ; Bultman, 1996). Jusqu’à récemment, les régimes d’assurance publique, les régimes d’assurance privée ou les caisses d’assurance-maladie auprès desquelles les personnes étaient inscrites se chargeaient de l’administration du régime de dépenses médicales exceptionnelles. Le 1er janvier 1996, la budgétisation des assureurs privés pour le régime de dépenses médicales exceptionnelles a pris fin (Bultman, 1996). Les autres frais médicaux « courants » ou standard sont couverts par l’un des trois types de régime : régimes d’assurance publique, régimes d’assurance privée et régime d’assurance-maladie standard instaurée en vertu de la Loi sur l’assurance-maladie. Comme nous le décrivons ci-dessous, c’est le revenu et le statut d’employé de la fonction publique qui déterminent si la personne sera couverte par une assurance publique ou privée. Le régime des fonctionnaires d’une administration provinciale et municipale couvre 5 % de la population et offre une indemnisation pour les coûts des soins de santé, remboursée par les employeurs dans le cadre du « contrat de travail » général. Les employés ne paient pas de cotisations. Les particuliers dont les gains dépassent le seuil de revenu maximal leur permettant de bénéficier de l’assurance-maladie standard adhèrent à un régime d’assurance privée. L’assurance privée couvre environ 40 % de la population. À longue échéance, on prévoit l’harmonisation progressive des régimes d’assurance privée et standard. On choisira vraisemblablement d’harmoniser le programme standard de prestations pour en faire le seuil de protection. Il convient également de signaler que toutes les personnes peuvent prendre une assurance complémentaire pour l’obtention de services au-delà de la protection de base. Les compagnies d’assurance privée sont contraintes d’accepter quiconque n’est plus pris en charge par le programme public (Groenewegen, 1994). L’assurance-maladie standard, en vertu de la Loi sur l’assurance-maladie, est obligatoire pour tous ceux qui reçoivent des prestations de sécurité sociale ou dont
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le revenu est inférieur au montant défini par la loi (actuellement 57 700 florins). Toute personne dont le revenu est supérieur doit se retirer du régime et souscrire une assurance-maladie privée. Le droit à la protection découle principalement de la résidence et non de la nationalité, mais des dispositions sont prévues pour les citoyens des Pays-Bas travaillant à l’extérieur du pays. De façon à obtenir la couverture, les intéressés doivent s’inscrire auprès de l’une des caisses d’assurance-maladie se faisant concurrence. Le financement de l’assurance-maladie standard dépend des cotisations versées par les assurés. L’un des paiements est calculé d’après le pourcentage du revenu qui est versé à la caisse centrale. Le taux actuel de ce paiement est fixé à 7 % du revenu, dont 1,65 % est à la charge de l’employeur, et 5,35 %, à la charge de l’employé (Bultman, 1996). L’autre paiement est calculé d’après un taux uniforme déterminé par la caisse d’assurance-maladie et est versé directement à celle-ci. Les caisses d’assurance-maladie peuvent imposer un taux uniforme inférieur au maximum prévu par la loi. Une fois le taux uniforme déterminé, les caisses d’assurance-maladie sont tenues d’imposer le même taux à tous les cotisants choisissant le même programme d’assurance (van de Ven et Schut, 1994). Les fonds des caisses centrales sont transférés aux caisses d’assurance-maladie selon une formule par capitation pondérée, en fonction de l’âge, du sexe, d’un indice d’invalidité (p. ex. le nombre de personnes qui reçoivent des allocations en vertu de la loi sur l’invalidité) et de la région (p. ex. grandes villes ou région rurale). Depuis le 1er janvier 1996, les caisses d’assurance-maladie ne prévoient au budget que les coûts variables des hôpitaux. Les coûts fixes sont remboursés à même la caisse centrale (Bultman, 1996). Ce programme d’assurance couvre tous les traitements médicaux et chirurgicaux, les soins d’obstétrique, les soins dentaires pour les enfants et les soins préventifs pour les adultes, les soins pour les patients hospitalisés et pour les patients externes (séjour à l’hôpital jusqu’à concurrence de 365 jours, et les soins psychiatriques non couverts par le régime de dépenses médicales exceptionnelles), l’ambulance, les soins de maternité, l’hémodialyse et autres programmes spéciaux. Aucune participation aux dépenses n’est exigée pour les services des généralistes et aucun ticket modérateur n’est imposé aux patients des services hospitaliers. Certains frais supplémentaires demeurent toutefois à la charge des patients, notamment en ce qui a trait aux médicaments, aux appareils et accessoires fonctionnels (p. ex. chaussures orthopédiques, prothèses auditives) et aux soins en maison de repos. L’une des caractéristiques de tous les programmes d’assurance-maladie des Pays-Bas est qu’ils assurent tous « une couverture, non seulement pour la maladie et la maternité, mais également pour les frais de soins médicaux et paramédicaux découlant d’accidents en milieu de travail et de maladies professionnelles » (Brasker et van Uchelen, 1995).
Principes et réglementation
Le Conseil de l’assurance-maladie, organisme administratif indépendant, a pour mission de surveiller les éléments du système d’assurance. Il surveille la mise en œuvre
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de la Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles et de la Loi sur l’assurance-maladie. Il conseille également le ministre de la Santé sur l’approbation de nouvelles caisses d’assurance-maladie, selon les statuts de l’organisme, le degré d’indépendance des membres inscrits par rapport au conseil d’administration et la capacité de l’organisme à s’acquitter de son mandat conformément aux attentes. Le Conseil de l’assurancemaladie administre les caisses centrales, dont il répartit les fonds entre les diverses caisses d’assurance-maladie à partir d’une formule de capitation, et il contrôle les dépenses. Enfin, en réponse à des demandes ou de sa propre initiative, le Conseil d’assurancemaladie conseille le gouvernement sur des questions d’assurance sociale et de soins de santé qui se présentent dans ce contexte. À l’appui de sa mission de contrôle et de planification, le Conseil de l’assurancemaladie reçoit des données cumulatives des caisses d’assurance-maladie sur la « production » des prestataires : activité des généralistes, orientation vers des spécialistes et des soins hospitaliers et prescription de médicaments. Il utilise cette information dans son évaluation annuelle de la performance des caisses d’assurance-maladie, gardant trace des courbes de dépenses par rapport aux services aux adhérents, vérifiant les dépenses par rapport aux prestations ou aux services de base définis et vérifiant la liste sur laquelle repose le calcul de la « capitation ». Le Conseil est également habilité à examiner le rendement d’une caisse d’assurance-maladie à tout moment, en cas d’indice de « mauvais rendement », et, si nécessaire, de nommer un directeur temporaire (Bultman, 1996). L’Office central des tarifs applicables aux soins médicaux (ci-dessous le COTG) est un organisme pratiquement indépendant du gouvernement, qui est chargé d’élaborer les directives sur les tarifs (p. ex. pour les spécialistes et les hôpitaux), d’examiner et d’approuver les propositions de tarifs, de fournir des avis au ministre de la Santé sur la politique liée à l’établissement des tarifs et de faire office d’arbitre en cas de conflit au cours des négociations sur les tarifs. Un récent essai pour maîtriser de manière centralisée l’escalade des coûts, tout en encourageant la concurrence, s’est traduit par l’introduction de plafonds tarifaires qui « autorisent » le prestataire à facturer moins que le maximum. Le gouvernement octroie également des permis aux hôpitaux pour des services spéciaux. Grâce à ce mécanisme, il exerce un contrôle central sur le nombre d’hôpitaux offrant des services extrêmement spécialisés, de même que sur les tarifs pour le financement. Il est particulièrement important d’avoir la haute main sur le nombre d’hôpitaux assurant certains services, si l’on veut qu’il y ait un volume de travail suffisant dans chaque hôpital pour maintenir la qualité et un nombre d’hôpitaux suffisant pour que les gens puissent avoir accès aux services de manière adéquate. Les coûts sont contrôlés par l’imposition de plafonds tarifaires ou par la fixation des tarifs. Le gouvernement a l’intention de regrouper le régime instauré par la Loi sur l’assurance-maladie, le régime d’assurance des fonctionnaires et les régimes d’assurance privée. À terme, il espère mettre en place un régime d’assurance-maladie plus intégré, défini au niveau le plus élevé, afin de « garantir un haut niveau d’assurance, accessible et abordable pour tous » (Ministère de la Santé, du Bien-être et des Sports, 1995). Pour
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atteindre cet objectif, il envisage des programmes d’assurance complémentaire dans trois secteurs distincts (Ministère de la Santé, du Bien-être et des Sports, 1995) : – les « risques non assurables » – c’est-à-dire les soins de longue durée ou coûteux, couverts par le régime de dépenses médicales exceptionnelles ; – les soins « courants » qui seront couverts en fin de compte par un programme de prestations définies par la loi. Ces prestations seront les mêmes dans les trois secteurs – régime des fonctionnaires, régime régi par la Loi sur l’assurance-maladie et programmes d’assurance privée ; – une assurance « complémentaire » indépendante du contrôle établi par la loi, que les gens peuvent acheter s’ils le désirent. Les critères retenus pour déterminer quels services devraient être inclus dans l’assurance standard ou de base sont que les soins fournis doivent être nécessaires, efficaces et efficients et qu’il doit être impossible de les laisser à la responsabilité de chacun (Holland, 1992). En plus de l’accent mis sur les régimes d’assurance, le gou vernement explore des façons de créer plus de stimulants, afin d’inciter les généralistes et les prestataires de soins primaires, en général, à assumer un rôle plus important dans la prestation et la coordination des services.
Le système de prestation
L’organisme de base du système financé par les fonds publics est la caisse d’assurancemaladie. Les caisses, qui étaient autrefois des monopoles géographiques, se livrent maintenant concurrence pour attirer les populations des différentes régions du pays. Les personnes s’inscrivent auprès de la caisse d’assurance-maladie de leur choix, habituellement pour une période de deux ans. Théoriquement, il serait possible de changer de caisse tous les deux ans. Les adhérents reçoivent un certificat, qui constitue la pièce indiquant qu’ils ont droit au service (Ministère de la Santé, du Bien-être et des Sports, 1995). L’inscription auprès d’une caisse d’assurance-maladie donnée confère automatiquement à cet organisme la responsabilité d’administrer les prestations prévues à la fois par la Loi sur l’assurance-maladie et par la Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles. L’inscription prend effet immédiatement. Les caisses d’assurance-maladie ne sont pas autorisées à choisir leurs adhérents en fonction du risque (Groenewegen, 1994). On retrouve dans tout le système néerlandais les caractéristiques des « outils » de soins intégrés qu’on observe dans les organismes de soins intégrés des États-Unis (American Health Maintenance Organizations). Par exemple, tous les adhérents d’une caisse d’assurance-maladie donnée sont également tenus de s’inscrire auprès d’un généraliste choisi parmi ceux qui ont passé une convention avec la caisse en question. La situation est la même pour le choix d’un pharmacien et l’inscription auprès de ce dernier. Les recettes des caisses d’assurance-maladie provenant de la caisse centrale sont calculées selon une formule de capitation pondérée en fonction du risque et s’ajoutent aux cotisations à taux uniforme versées mensuellement par les adhérents. Les caisses d’assurance-maladie sont des organismes à but non lucratif, qui étaient à l’origine
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soit des « fondations », soit des « mutuelles » (organismes ou sociétés de mutualité). La structure du conseil d’administration varie. La caisse n’offre à l’assuré aucune garantie de participation au conseil d’administration, mais elle est tenue de veiller à ce que l’assuré exerce une influence raisonnable sur l’organisme – généralement par le truchement de comités consultatifs ou de mécanismes semblables (Bultman, 1996). De nombreuses caisses d’assurance-maladie et compagnies d’assurance privée ont fusionné, dans le but notamment de vendre des assurances complémentaires. (Elles offrent non seulement des programmes d’assurance-maladie, mais également tous les autres types d’assurances, comme l’assurance contre les dommages, l’assurance-vie, etc. Certaines proposent également des programmes du même type que ceux des banques – all finance concept.) Mais la raison la plus importante est l’introduction de compétences en affaires, en vue de favoriser une meilleure performance dans le nouveau contexte de concurrence pour l’obtention des clientèles et de contrats avec les prestataires. Compte tenu de ces nouvelles exigences, « les directeurs généraux ayant une formation en administration qui prennent une retraite [anticipée] sont remplacés par des gestionnaires à l’esprit d’entreprise, tournés vers le marché. Le service aux adhérents est amélioré, notamment par des heures d’ouverture plus commodes et par des bureaux mobiles » (van de Ven et Schut, 1994). Le nombre de caisses d’assurance-maladie a été réduit de manière spectaculaire au cours des dernières années, à mesure que les organismes ont fusionné pour se donner de meilleures chances de succès dans le nouveau contexte en évolution. La taille des caisses d’assurance-maladie, en fonction du nombre de clients inscrits, varie de 30 000 adhérents à 1,2 million (Bultman, 1996). Les caisses d’assurance-maladie évaluent les besoins de leurs adhérents et, en fonction d’une évaluation correspondante des ressources médicales et paramédicales nécessaires pour répondre à ces besoins, négocient des conventions avec les prestataires. En ce sens, le système néerlandais sépare les acheteurs des prestataires. Toutefois, même en vertu de l’actuel système, les caisses d’assurance-maladie sont autorisées à être propriétaires d’un cabinet ou d’un établissement qui assure des soins, pourvu qu’elles obtiennent une dérogation et une autorisation du Conseil de l’assurance-maladie (Bultman, 1996). Tout prestataire satisfaisant aux normes de qualité peut offrir des services. Les conventions varient selon les caisses, les prestataires, les catégories de soins requis et les conditions ou le cahier des charges qui doivent être respectés. Par exemple, pour obtenir le remboursement d’un spécialiste auprès de la caisse, les patients doivent faire valoir qu’ils ont été orientés par un généraliste. De façon générale, les généralistes sont rémunérés par capitation, et les pharmaciens, de même que les spécialistes, sont payés à l’acte, tandis que les hôpitaux négocient un budget global auprès des caisses d’assurance-maladie et des autres assureurs (Sonneveldt, 1994 ; Bultman, 1996). Les caisses d’assurance-maladie ne peuvent pas innover autant que les organismes à intégration verticale complète d’autres collectivités territoriales nationales, relativement à la planification et à la négociation de l’achat de tous les services de santé pour leur population. La réglementation de l’État joue encore un rôle majeur par l’imposition des tarifs, la communication de directives et, en cas de litige, l’arbitrage dans la négociation
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des ententes. Par exemple, le COTG peut imposer des taux ou fixer les honoraires, à l’issue de négociations entre l’Association nationale des médecins spécialistes et les associations nationales des caisses d’assurance-maladie et d’assureurs privés, si ces dernières ne sont pas parvenues à s’entendre. L’effort fait pour renforcer le rôle des soins primaires inclut l’introduction d’incitations financières pour encourager les médecins à traiter des populations cibles – p. ex., les diabétiques – dans leur cabinet. Les généralistes jouent déjà le rôle de filtre dans le système. Les patients doivent être en possession d’une demande de consultation émanant d’un généraliste pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste et avoir accès aux services hospitaliers. Il leur faut par ailleurs obtenir l’approbation écrite de la caisse d’assurance-maladie pour être admis à l’hôpital. Le généraliste reçoit également un financement pour participer, avec les pharmaciens, à des réunions pharmaco-thérapeutiques, pour mettre à jour ses connaissances en matière de médi caments et de prescriptions et pour assurer sa formation continue en général. Les contrats avec les hôpitaux sont établis sur la base de la négociation collective avec toutes les caisses d’assurance-maladie et avec les autres assureurs qui font appel ou envisagent de faire appel aux services des hôpitaux (ce n’est pas à l’hôpital de conclure des contrats individuels avec chacune des caisses d’assurance-maladie). L’assureur qui dispose du plus important volume de travail requis prend l’initiative au nom des assureurs. Dans l’ensemble, les contrats sont négociés en fonction des volumes attendus des différents services requis pendant l’année à venir, à partir d’un tarif établi pour chaque service, et constituent la base de l’établissement du budget global. Des plafonds tarifaires sont établis par le COTG à titre de directive. Cela permet à un hôpital d’entrer en concurrence avec les autres hôpitaux en appliquant un tarif inférieur afin de négocier son budget global. Une fois son budget global établi, l’hôpital n’est pas astreint à fournir exactement le type et le volume de services précis qui ont été négociés. En raison de l’évolution réelle de la demande des caisses d’assurancemaladie et des assureurs privés, il lui incombe d’adapter ses services et d’atteindre un équilibre. L’encaisse des hôpitaux repose sur la facturation d’un taux à la journée pour chaque service, majoré de frais pour des services particuliers qui ne sont pas couverts autrement, comme l’utilisation de chambres en chirurgie. L’hôpital est libre de déterminer la stratégie qu’il adoptera pour les différents services. En fin de compte, il est censé respecter un budget total prédéterminé, absorbant le coût des services lorsque le volume de travail ou la demande sont supérieurs à ce qui était prévu. En cas d’imprévus, il est stipulé que l’hôpital pourra être autorisé à rouvrir les négociations si des circonstances particulières le justifient (Bultman, 1996). Des préoccupations ont été exprimées concernant un éventuel conflit d’intérêts entre la rémunération à l’acte des spécialistes et la négociation d’un budget global pour l’hôpital. Il a donc été recommandé, entre autres, d’inclure le financement des spécialistes dans le contrat de l’hôpital. Treize formules environ sont actuellement mises à l’essai pour inclure le financement des spécialistes dans le contrat de l’hôpital, ce qui touche environ 1 600 médecins spécialistes. À l’heure actuelle, on envisage d’introduire une nouvelle loi en 1997-1998 exigeant cette intégration. On considère
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que l’intégration du financement des hôpitaux et de celui des spécialistes pourrait permettre d’innover encore davantage dans la portée des contrats (Bultman, 1996). Les caisses d’assurance-maladie font également preuve d’innovation dans leurs activités commerciales. Comme l’expliquent van de Ven et Schut (1994), par exemple, les caisses d’assurance-maladie ont brisé le cartel de prix des fournisseurs de certains instruments médicaux. Par la suite, les prix ont chuté d’un quart à un tiers. Les assureurs mettent sur pied des firmes de commande par correspondance, qui constituent une nouvelle méthode de distribution des produits pharmaceutiques. Toutes sortes de projets de transfert électronique de données sont mis en œuvre, en vue d’en arriver à une meilleure collaboration entre les prestataires et à une coopération plus efficace entre prestataires et assureurs. Les caisses d’assurance-maladie demandent de l’information à leurs prestataires. Les généralistes fournissent des données cumulatives sur toutes les ordonnances prescrivant des médicaments ou la consultation d’un spécialiste, de même que des données sur les rencontres chez les spécialistes et dans les hôpitaux. Munie de cette information, la caisse d’assurance-maladie est en mesure de contrôler et de gérer les soins de ses adhérents et d’élaborer les profils d’activité des médecins. Des renseignements cumulatifs sont présentés au Conseil de l’assurance-maladie. Prestataires
Les généralistes sont des médecins indépendants qui sont libres d’ouvrir un cabinet là où ils le désirent. En 1992, la moitié des généralistes travaillaient dans des cabinets de groupe ou dans des centres de santé communautaire (OCDE, 1992). Les patients doivent choisir un médecin parmi ceux qui sont conventionnés par leur caisse d’assurance-maladie et s’inscrire auprès de ce médecin. À cet égard, les patients qui adhèrent à une assurance privée peuvent s’inscrire auprès du généraliste de leur choix. Les généralistes des Pays-Bas ont en moyenne une liste de patients plus importante – 2 300 habitants par généraliste – que leurs homologues du Danemark, de la Belgique, de l’Italie ou de la France (van der Zee et Hutten, 1995). En tant que filtres, ils contrôlent l’accès aux spécialistes et aux services paramédicaux et hospitaliers. Ils reçoivent un paiement par capitation des caisses d’assurance-maladie et sont rémunérés à l’acte pour leurs patients qui ont souscrit une assurance privée et pour les services financés. Ils reçoivent également des fonds pour parfaire leurs connaissances, comme nous l’avons mentionné ci-dessus. Bien qu’en principe il soit possible aux généralistes d’engager d’autres prestataires de soins de santé, ils consacrent généralement leur financement par capitation à l’emploi d’un adjoint administratif, qui prend les rendez-vous, se charge des analyses de laboratoire simples, etc. En revanche, certains généralistes travaillent dans le voisinage de centres de santé où des infirmières, des travailleurs sociaux, des sages-femmes, des physiothérapeutes et autres professionnels de la santé travaillent en tant que prestataires indépendants ou employés d’un centre de santé. De façon générale, les spécialistes sont attachés aux hôpitaux et sont rémunérés principalement à l’acte. Leurs honoraires sont négociés de manière centralisée avec
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l’Association nationale de l’assurance-maladie et l’Association nationale des médecins spécialistes. Comme nous l’avons mentionné, on observe une tendance à l’intégration de la rémunération des spécialistes et du financement global des hôpitaux. Les hôpitaux sont avant tout des établissements privés, à but non lucratif et bénévoles. « La plupart des anciens hôpitaux publics (qui appartenaient aux pouvoirs publics locaux) ont été transformés en établissements privés » (Maarse, 1995). Les hôpitaux à but lucratif sont interdits aux Pays-Bas, mais il n’est pas interdit aux éta blissements à but non lucratif d’enregistrer des excédents de recettes. L’association des généralistes a mis au point une cinquantaine de protocoles visant les plaintes les plus fréquemment déposées contre les médecins. Les spécialistes organisent des visites d’assurance de la qualité dans les hôpitaux. Les dentistes élaborent des protocoles. Toutes les associations de professionnels de la médecine envisagent d’élaborer ou élaborent un système de réagrément (p. ex. tous les cinq ans) ou de certification (van de Ven et Schut, 1994). Ce genre de système est déjà en place pour les généralistes.
Sommaire des caractéristiques des nouveaux modèles – Pays-Bas Modèle d’achat
Les caisses d’assurance-maladie sont le seul modèle d’achat du système de santé financé par les fonds publics aux Pays-Bas. Principales caractéristiques
Les caisses d’assurance-maladie : – sont des sociétés à but non lucratif ; – sont dotées d’un conseil d’administration ; – assument la responsabilité de tous les services et prestations de base ; – assurent une population inscrite, qui est libre de s’inscrire auprès de la caisse d’assurance-maladie de son choix et de la quitter ; – sont financées selon une formule de capitation pondérée ; – évaluent les besoins de la population et dressent leurs plans en conséquence. Elles déterminent les ressources nécessaires ; – achètent une gamme appropriée de services de santé à des prestataires ; (Il s’agit, à cette étape, d’un « modèle où tout est acheté » ; il n’y a aucun obstacle à ce qu’une caisse d’assurance-maladie soit propriétaire d’un cabinet ou d’un établissement regroupant des prestataires pour assurer certains services, si elle peut en faire valoir le bien-fondé auprès des autorités.) – se livrent concurrence entre elles pour attirer et conserver leur population inscrite dans tout le pays (aucune contrainte géographique ne leur est imposée).
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Réglementation et orientation du gouvernement
Le système : – est un système de santé réglementé, où interviennent certains mécanismes de marché ; – fonctionne avec un certain degré de contraintes réglementaires s’exerçant sur les mécanismes de marché, et qui sont encore prépondérantes. Par exemple, des contraintes pèsent sur l’innovation dans le développement commercial et dans les relations organisationnelles et contractuelles. On a pu observer une évolution vers la sophistication à l’appui de certaines solutions libérales, comme l’autorisation de contrats intégrant les hôpitaux et les spécialistes ; – est financé selon une formule de capitation pondérée ; – requiert l’inscription de la population ; – offre des prestations et des services de base définis par le gouvernement.
Autre intégration
On observe un certain effort vers une intégration horizontale et verticale entre les hôpitaux et les autres prestataires qui veulent être en meilleure position pour obtenir et conserver des contrats. Rôle des soins primaires et des généralistes
• Le généraliste joue le rôle de filtre par rapport aux soins secondaires et actifs. • Le gouvernement explore des mécanismes pour encourager les cabinets des généralistes à prendre en charge plus de services et à assumer un plus grand rôle dans la coordination. Aperçu du système de santé de la Nouvelle-Zélande Historique
La Nouvelle-Zélande a entrepris une vague de réformes de son système de santé dans les années 1980. Quatorze commissions sanitaires de circonscription, définies en fonction de limites géographiques, ont été créées, en partie par la fusion des commissions administratives des hôpitaux et des unités sanitaires publiques de district. Chaque commission était chargée de l’achat et de la prestation de soins secondaires à une population dont le nombre variait entre 35 000 et 900 000 habitants. Pour l’essentiel, les soins primaires étaient séparés et financés, en partie, par un financement public selon le principe du paiement à l’acte. Un ticket modérateur était également payé directement au généraliste par le patient. Globalement, le système était un mélange de financement et de prestation de services par les secteurs privé et public. Environ 80 % des dépenses provenaient des fonds publics découlant des recettes fiscales générales. Les commissions sanitaires de circonscription étaient financées selon une formule reposant sur l’effectif de la population, pondérée par des indices d’âge, de sexe, de mortalité et de fécondité.
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En dépit des efforts de réforme, un certain nombre de problèmes étaient résumés dans le livre vert et blanc de 1991 du ministre de la Santé : • Périodes d’attente trop longues pour les soins hospitaliers. Certains patients attendaient parfois plus d’un an une intervention chirurgicale destinée à soulager la douleur. • Possibilité de conflits d’intérêts concernant les achats effectués par les commissions sanitaires de circonscription. Par exemple, les commissions avaient un certain intérêt à acheter leurs propres services plutôt qu’à passer des contrats avec le prestataire le plus économique ou le plus approprié. • Financement fragmentaire du système. Les soins secondaires étaient financés sur une base démographique ajustée, alors que les soins primaires dépendaient d’un bizarre mélange de subventions. • Problèmes d’accès. Certains faits indiquaient que les plus démunis ne consultaient pas les médecins en raison du ticket modérateur. • Absence d’aide pour les médecins dans la prise de décisions. Par exemple, les prestations médicales primaires étaient fixées à divers niveaux et les différences entre les niveaux étaient illogiques. • Manque de contrôle du consommateur (p. ex. les gens voulaient avoir davantage leur mot à dire sur la façon dont les soins de santé étaient assurés). On considérait qu’il y avait trop peu de consultation de la base et trop peu de possibilités de participation locale à la prestation des services de santé. En outre, les services de santé semblaient mal adaptés aux besoins en évolution de la clientèle. • Système jugé inéquitable. On voulait que le système traite les gens de manière équitable, garantissant l’accès de tous les Néo-Zélandais à une gamme, un niveau et une qualité de services adéquats, à un coût abordable (Upton, 1991). Parmi les autres problèmes mis en évidence, mentionnons la perte de vitesse de l’administration sur le front de l’innovation, un manque de motivation des hôpitaux pour traiter les patients, de crainte de dépasser leur budget, le ticket modérateur exigé par les généralistes, qui pouvait inciter les patients à avoir plutôt recours aux services hospitaliers, et les pressions politiques locales exercées sur les commissions sanitaires de circonscription, qui pouvaient indûment influencer les décisions (Borren et Maynard, 1994). Par ailleurs, certains groupes – en particulier, les Maoris – voulaient avoir la haute main sur leur propre système et mettre en place des modèles analogues aux organismes de santé intégrés (HMO), de manière à fournir ou à acheter leurs propres prestations et à innover conformément à leur propre ordre de priorité. Globalement, le gouvernement jugeait que le système était trop centralisé, rigide et mal adapté au changement. En juillet 1993, des éléments de concurrence et de choix furent introduits avec la création de quatre autorités sanitaires régionales (Regional Health Authorities – RHA). L’objectif du gouvernement était de séparer les fonctions d’acheteur et de prestataire et d’intégrer la responsabilité de l’achat des soins primaires et secondaires. Avant cela, les soins primaires et les soins secondaires et actifs avaient été traités séparément, puisque les soins secondaires et les soins actifs relevaient des commissions sanitaires de circonscription (Scott, 1994). Les autorités sanitaires régionales sont financées selon une formule de capitation pondérée.
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Les 14 commissions sanitaires de circonscription ont été transformées en 23 entre prises sanitaires de la Couronne (Crown Health Enterprises – CHE), qui devaient se faire concurrence entre elles pour obtenir des contrats avec les autorités sanitaires régionales. Un programme standard de prestations de base devait être introduit, dans le cadre duquel les acheteurs se livrant concurrence offriraient un programme complet comparable et ne pourraient pas définir le programme de telle manière que seules les personnes en bonne santé puissent s’inscrire. Le gouvernement prévoyait également que d’autres « acheteurs » ou détenteurs de budget ou de fonds en viendraient à faire concurrence aux autorités sanitaires régionales, pour ce qui est des achats, dans le but d’offrir des possibilités plus étendues aux consommateurs, dans le choix de leurs organismes d’achat ou détenteurs de budget. En dépit de ce qui était envisagé, on considérait au départ que le modèle de détenteur de fonds ou de budget prendrait de l’ampleur et que ces organismes assumeraient en partie ou intégralement le rôle d’acheteur pour les populations inscrites.
Le contexte macroéconomique Prestations
Tous les Néo-Zélandais ont droit aux prestations sanitaires; toutefois, deux importantes caractéristiques du système méritent d’être signalées. Disons d’emblée que les prestations payées pour les consultations de généralistes et les médicaments prescrits sont une subvention accordée aux prestataires en tant que paiement partiel du service, plutôt qu’un paiement complet. Les personnes à faible revenu se voient remettre des « cartes de services communautaires » qui leur donnent droit à une « subvention » plus élevée pour les services de santé. En outre, une carte spéciale pour utilisation intensive est accordée aux personnes atteintes d’une maladie chronique qui ont besoin de services fréquents. Cette carte leur garantit des subventions plus élevées pour les consultations médicales, des services hospitaliers gratuits et des frais réduits pour les médicaments prescrits (Scott, 1994 ; Shipley, 1996). Les 23 entreprises sanitaires de la Couronne nouvellement créées sont essen tiellement des établissements hospitaliers qui négocient des contrats avec des acheteurs, dans un nouveau système reposant sur le principe de la séparation des achats et de la prestation de services. Les quatre autorités sanitaires régionales ont été créées pour acheter des services médicaux définis par le gouvernement. Les plans originaux étaient de permettre à d’autres « assureurs » ou « organismes d’achat » d’entrer sur le marché et de faire concurrence aux autorités sanitaires régionales, afin d’offrir un plus grand choix aux consommateurs et d’introduire davantage de concurrence dans le système. Cet aspect de la réforme initiale n’a pas, pour l’instant, été mis en œuvre, bien que, comme nous le signalerons plus tard, un certain nombre de mesures tendent à élargir l’autorisation d’acheter à de nouveaux organismes de prestataires intégrés et favorisent la mise en place d’organismes de « soins intégrés » (figure 6).
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Figure 6 Transformations en Nouvelle-Zélande avant la réforme
après la réforme
Ministère de la Santé
Commission sanitaire de circonscription acheteuse2 Commission sanitaire de circonscription1 affecte des fonds ou fournit
Acheteur/ fournisseur3
Prestataires contractants indépendants
Généraliste
1. Commissions sanitaires de circonscription devenues, à partir de petits organismes publics intégrés à assise géographique, des entreprises sanitaires de la Couronne, qui sont des prestataires indépendants, recrutés par contrat (principalement des hôpitaux), ainsi que des généralistes et autres prestataires. 2. Création d’un grand acheteur à large assise régionale – autorité sanitaire régionale. 3. Mise en place de prestataires-acheteurs (p. ex. généralistes détenteurs de budget et organismes de type HMO).
Le ministre de la Santé contrôle les achats des autorités sanitaires régionales, leur fournit des avis sur les services qu’elles doivent acheter et établit les principes à observer dans la prise de décisions d’achat. Les principes sont les suivants (Shipley, 1996) : – équité (accès équitable aux services), – efficacité (services qui améliorent la santé), – efficience (le meilleur rapport qualité-prix), – sécurité (protection des patients contre les préjudices évitables), – acceptabilité (que les gens soient informés, aient le choix et que le traitement soit culturellement adapté), – gestion du risque (réduction au maximum des risques financiers et des risques rattachés au service pour les acheteurs). Le gouvernement détermine quels services de base il financera, d’après les avis du « Comité des services de base ». Le gouvernement publie, à l’intention des autorités sanitaires régionales, des directives régissant les achats, visant chacun des secteurs de prestation, y compris les services dentaires et de diagnostic, de même que les services primaires, secondaires et tertiaires. La Nouvelle-Zélande a élaboré des
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critères géographiques pour respecter les principes et les objectifs de l’égalité d’accès aux services, par opposition à des résultats égaux (Scott, 1994). Les services de santé, tels qu’ils ont été définis en 1996 dans les exigences d’achats des autorités sanitaires régionales, sont les suivants : • Services de santé publique – Tous les services traditionnels assurant la sécurité des aliments, de l’eau, etc., de même que des programmes de prévention, comme l’immunisation et la promotion de la santé afin d’encourager les individus et les groupes à faire des choix sains en matière de nutrition et de consommation de tabac, d’alcool et de médicaments. • Services de soins primaires – Les services des généralistes, le traitement des accidents et des urgences, le bien-être des enfants et les soins aux adolescents, ainsi que des services de planification familiale. En vertu des critères d’accès géographiques et financiers établis par le gouvernement, les autorités sanitaires régionales sont tenues de s’assurer que des services de soins primaires sont accessibles, à une distance pouvant être parcourue en 30 minutes pour 90 % de la population de leur région, et en trois heures pour 99 %. Les clients obtiennent gratuitement certains services, dont le test PAP, et les services pour l’enfance normale, la vaccination dans le cadre du programme national d’immunisation et les soins primaires pour les maladies transmises sexuellement. Le paiement des services de généraliste est une subvention ; les médecins peuvent pratiquer la surfacturation. Cette subvention est versée aux généralistes par les autorités sanitaires régionales, pour tous les enfants et pour toutes les personnes titulaires d’une carte de services communautaires ou d’une carte pour utilisation intensive. • Services de diagnostic primaire, services thérapeutiques et services d’aide – Services de diagnostic de laboratoire, comme les analyses de sang, services de visualisation diagnostique, comme les ultrasons, médicaments prescrits et autres services pharmaceutiques et d’aide. Tous ces services sont généralement disponibles sur ordonnance d’un généraliste ; le patient paie un ticket modérateur. • Services aux futures mamans et services d’accouchement – Les services de sage-femme, de généraliste et de spécialiste, ainsi que les installations nécessaires pour la prestation de ces services. Les femmes ont accès à au moins un de ces prestataires gratuitement. Des installations appropriées pour les naissances normales sont accessibles à au moins 90 % des femmes en âge de procréer, à moins de 90 minutes de voyage. • Services dentaires – Les services dentaires à des fins de prévention et d’éducation et des services de dentisterie restauratrice sont assurés gratuitement dans tout le pays pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire et les adolescents. Les services dentaires d’urgence sont subventionnés pour les adultes à faible revenu. • Services médicaux et chirurgicaux secondaires et tertiaires – Ces services sont assurés aux patients externes, aux patients en traitement de jour ou aux patients hospitalisés, généralement sur ordonnance d’un prestataire de services primaires. Les services aux patients hospitalisés sont fournis gratuitement ; les services aux patients externes et aux patients en traitement de jour sont également accessibles gratuitement, après les cinq premières consultations par famille, par an. Les
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titulaires de carte de services communautaires et les titulaires de carte d’utilisation intensive ont accès gratuitement aux services de patients externes ou de patients en traitement de jour. Les consultations des patients externes et des patients en traitement de jour peuvent être facturées jusqu’à un maximum de 31 $ par consultation pour les adultes (16 $ pour les enfants) qui ne sont pas titulaires d’une carte de services communautaires ou d’utilisation intensive. • Services de santé mentale – Ce sont les services de traitement des maladies mentales ou propres à favoriser la santé mentale ou à aider des patients qui ont des troubles de toxicomanie. Les entreprises sanitaires de la Couronne assurent gratuitement des services de santé mentale aux patients hospitalisés, aux patients en traitement de jour ou aux patients externes. • Services d’aide à l’invalidité – Ces services comprennent une évaluation des besoins, la coordination des services, les soins personnels, l’entretien ménager, l’appui aux soignants, la réadaptation et l’adaptation, la prestation d’information, un appui social, et des services résidentiels et de soins continus. Ces services sont achetés et coordonnés par les autorités sanitaires régionales pour les gens ayant des incapacités intellectuelles, physiques, sensorielles, psychiatriques ou liées à l’âge. • Services de dépistage du cancer du col de l’utérus – Achat de services de tests PAP administrés à l’échelle locale, dans les différentes régions géographiques, pour les femmes.
Financement
Les fonds du système de santé sont tirés des recettes fiscales. L’une des caractéristiques de la réforme de la santé, en 1991, a été le regroupement du financement des soins primaires et secondaires dans les mains d’un même groupe d’acheteurs – les autorités sanitaires régionales (Scott, 1994). Les autorités sanitaires régionales reçoivent un financement par capitation pour acheter les services de santé nécessaires à leur population. La formule de capitation est ajustée en raison de l’effectif de la population et d’indices comme le sexe, l’origine ethnique (p. ex. les Maoris), le mélange de popu lation urbaine et rurale et autres facteurs socioéconomiques. Le financement est ajusté à la hausse, d’une année à l’autre, pour tenir compte de la croissance démographique. Il n’y a pas de redressement automatique du financement de la santé en fonction de l’inflation, des pressions en raison de la technologie ou de la demande ; toutefois, le gouvernement a pris diverses décisions pour accroître le financement de la santé, ces dernières années, en raison des pressions au niveau de la demande technologique. Le comité des services de base fournit des avis indépendants au gouvernement « sur les types de priorité et sur les priorités relatives des services de santé personnels et des services d’aide à l’invalidité financés par les fonds publics » (Edgar, 1995). Le comité applique quatre critères pour déterminer quels services devraient avoir la priorité pour le financement public (Edgar, 1995) : • Avantages ou efficacité du service (fait-il plus de bien que de mal ?) ;
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• Rapport qualité-prix ou efficience (le service est-il suffisamment efficace pour justifier son coût – en particulier s’il existe une autre solution aussi efficace, mais moins coûteuse). • Équité en matière d’accès et d’utilisation de la ressource (est-ce la meilleure façon d’utiliser la ressource ou devrait-elle être utilisée pour quelqu’un d’autre ou à un autre moment ?) ; • Conformité aux valeurs collectives (les services sont-ils ceux qui sont plus appréciés par la collectivité ?). Fait intéressant, par ailleurs, l’obligation de prestation de services de base définis a été considérée comme une sauvegarde, advenant l’entrée d’acheteurs concurrents sur le marché en Nouvelle-Zélande. « L’établissement d’une base garantit que les acheteurs qui se font concurrence ne peuvent définir les programmes de services de telle manière que seules les personnes en bonne santé puissent être assurées (sélection du risque ou écrémage) ou d’une façon qui rende difficile pour les adhérents la com paraison éclairée des différents régimes de soins de santé » (Cummings, 1994). Le programme a été défini en termes généraux dans les obligations de service à l’égard des autorités sanitaires régionales. Le comité des services de base s’efforce de définir des critères cliniques explicites et les priorités relativement à l’accès des patients à ces services (Edgar, 1996).
Information et évaluation
Par suite des travaux dirigés par le comité des services de base, le gouvernement appuie l’élaboration de directives dûment fondées et d’une procédure d’évaluation des besoins, de façon à contrôler équitablement l’accès et à en améliorer la qualité. Il appuie également l’élaboration et la mise en œuvre de la technologie de l’information. Le ministère de la Santé a accès à une base de données en pleine expansion, ce qui lui permet de suivre de près, selon des critères précis, le rendement des autorités sanitaires régionales et d’autres éléments du système de santé. Les autorités sanitaires régionales ont toutes conclu des contrats de bonne exécution avec le ministre. Le ministère établit annuellement les exigences pour les autorités sanitaires régionales. À partir de cela, chaque autorité sanitaire régionale planifie ses acquisitions de services et négocie une entente avec le ministre pour déterminer les services à acheter et pour le financement qui lui sera alloué. Le ministère établit alors des rapports trimestriels et annuels sur la performance de chaque autorité sanitaire régionale, à partir de l’état détaillé des activités et des dépenses qui lui est présenté par ces dernières. À l’échelon des prestataires, les généralistes présentent les données sur les demandes de remboursement pour les subventions des honoraires à l’acte auxquels ils ont droit (pour plus de 50 % de la population). De nombreux médecins forment des associations de praticiens indépendants et ont recours à des cabinets administrant un budget ou des fonds publics qui adoptent le financement par capitation. Ils présentent les données sur les patients inscrits, de même que l’information pertinente sur la performance et la qualité du service, comme l’exige leur contrat. Les données sur les demandes de
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remboursement sont également présentées pour les médicaments prescrits délivrés par les pharmaciens et les services de laboratoire. Les contrats avec les entreprises sanitaires de la Couronne sont contrôlés par les autorités sanitaires régionales et évalués en ce qui a trait au cahier des charges. Toutes les données des entreprises sanitaires de la Couronne sur les congés d’hôpitaux sont fournies à la section des services nationaux d’information du ministère. La participation de l’État aux entreprises sanitaires de la Couronne est sous la surveillance d’un organisme distinct : la Crown Company Monitoring and Advisory Unit.
Le contexte de prestation Acheteurs
Les quatre autorités sanitaires régionales sont au service de populations dont l’effectif variait de quelque 680 000 personnes à un peu plus d’un million en 1991 (Upton, 1991). Ce sont des organismes constitués en personnes morales ; leurs conseils d’administration sont tenus par la loi de prendre toutes les décisions de fonctionnement. Le conseil d’administration est constitué de sept membres, nommés pour une période de trois ans par le ministre, qui peut les reconduire pour un second mandat. Les membres du conseil sont choisis en fonction de leur aptitude à déterminer, parmi les obligations générales de service, le meilleur éventail de services capable de répondre aux besoins sanitaires des gens de leur région et à établir des contrats d’achat pour la prestation de services efficaces, de qualité et au meilleur prix. Ils consultent leurs collectivités dans l’accomplissement de leurs fonctions (Edgard, 1996). À l’intérieur de ce cadre, les autorités sanitaires régionales sont responsables devant le ministre de la Santé et reçoivent un financement intégré par capitation. Elles sont chargées de l’achat de services sanitaires, de services de santé publique et de services d’aide à l’invalidité destinés à leurs populations. Les services de santé personnels mettent l’accent sur la prestation de soins de santé aux personnes. Les services d’aide à l’invalidité incluent les services propres à améliorer ou à maintenir l’indépendance des personnes handicapées. Les services de santé publique comprennent les services de prévention, de promotion et de protection de la santé. Les achats des autorités sanitaires régionales sont influencés par les directives du gouvernement, notamment les principes régissant les décisions d’achat présentés ci-dessus. Ils sont également guidés par les priorités établies par le gouvernement concernant les gains au chapitre de la santé ou par les objectifs à atteindre. Actuellement, les priorités se situent dans le domaine de la santé des enfants, de la santé des Maoris, de la santé mentale et de l’amélioration de l’environnement physique. Le ministère de la Santé de la Nouvelle-Zélande (1995) a résumé les différentes voies par lesquelles les autorités sanitaires régionales cherchent à améliorer le processus de passation de contrats : – en ayant recours à des contrats de plus longue durée ; – en prenant des dispositions pour l’établissement de contrats visant des services particuliers à négocier à différentes époques de l’année, de façon à alléger la pression
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que fait peser la passation des contrats sur les autorités sanitaires régionales et les prestataires ; – en ayant plus largement recours à des contrats simples ou à des protocoles d’entente pour des contrats à faible coût, visant de petits niveaux de services ; – en regroupant certains services connexes dans un même contrat au lieu de les acheter séparément – ce qui se fait déjà dans certains secteurs de l’aide à l’inva lidité et est actuellement envisagé pour les soins liés à la maternité ; – en séparant en éléments distincts des contrats à fort volume – par exemple, un contrat de longue durée avec un prestataire pour l’accès à un établissement hospitalier pourrait être allié à des contrats distincts et flexibles avec diverses équipes professionnelles pour assurer la prestation de services à partir de l’éta blissement (cela élargirait le choix pour les consommateurs, même s’il n’y a place que pour un seul hôpital dans un secteur).
Détenteurs de budget ou de fonds publics (associations acheteur-prestataire)
D’autres « acheteurs » font leur apparition dans le système de santé de la NouvelleZélande. Les cabinets de généralistes et autres organismes de soins intégrés reçoivent un financement supplémentaire pour l’achat de services autres que ceux qu’ils fournissent eux-mêmes. Dans le lexique courant du ministère de la Santé de la Nouvelle-Zélande, ils sont qualifiés de sub-purchasers ou sous-acheteurs, étant donné que les autorités sanitaires régionales sont les instruments de la politique gouvernementale et qu’elles conservent la responsabilité juridique des services qu’elles achètent à des acheteurs qui les fournissent par l’intermédiaire de sous-traitants. Cette évolution est le fruit de la politique gouvernementale, qui stipule que :
Pour que les achats soient mieux adaptés aux besoins et aux préférences des gens, un plus grand nombre d’organismes joueront à l’avenir un rôle sur le plan des achats. Les acheteurs auront également activement recours à la passation de contrats pour rendre les services plus équitables et efficaces et recourront aux mécanismes des appels d’offres. Parallèlement, ils seront sensibles au besoin des prestataires de partager l’information et de travailler ensemble de manière plus concertée [Ministère de la Santé de la NouvelleZélande, 1995].
Cette évolution représente un mouvement graduel vers l’intégration verticale de la responsabilité des organismes de généralistes et autres structures organisationnelles connaissant une évolution analogue aux organismes de soins intégrés. Par exemple, en même temps qu’elles ont confié l’administration de budget à titre expérimental à un certain nombre de cabinets de généralistes, les autorités sanitaires régionales ont introduit l’administration de budget pour les laboratoires pharmaceutiques et de diagnostic. Dans le cadre de cet arrangement, un cabinet de généralistes reçoit un budget pour subventionner ces services au profit de ses patients. Toutes les économies réalisées de cette façon peuvent alors être investies
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dans la prestation d’autres soins de santé (Shipley, 1996). Les organismes détenteurs de budget peuvent également recevoir du financement pour des services secondaires ou des services de santé mentale. La plupart des budgets sont fondés sur les dépenses passées, mais les autorités sanitaires régionales explorent des approches en vue d’introduire le financement par capitation. Tous les accords visant les détenteurs de budget concernent un éventail défini de services destinés à une population donnée. Les autorités sanitaires régionales surveillent les opérations pour s’assurer qu’il n’y a pas de déplacement de coûts et que les besoins de la population cible sont comblés. Elles peuvent également conclure des ententes de coentreprise avec des prestataires pour collaborer à la planification et au contrôle de services particuliers, destinés à une population donnée. Cette orientation illustre le désir d’en arriver à une intégration et à une coordination accrues des services, pour inclure, en fin de compte, tous les aspects du système de santé sous l’égide d’organismes uniques à intégration verticale, responsables d’une population donnée et capables de fournir des soins intégrés. Le gouvernement appuie la mise en place de soins intégrés et d’organismes pour en assurer la prestation, pour un certain nombre de raisons, exprimées de manière succincte par le ministère de la Santé :
Dans la mesure où ils sont associés à une définition claire de la population et des services dont l’organisme assume la responsabilité, les soins intégrés encouragent les prestataires à être à l’écoute des besoins et des préférences de la clientèle. Ces modalités rendent plus facile pour les prestataires la coordination des services et le contrôle des résultats pour leur clientèle. Elles donnent également aux prestataires une motivation pour avoir recours à la promotion de la santé, à la prévention de la maladie et à l’intervention précoce, afin de maintenir les gens en bonne santé et autonomes [Ministère de la Santé de la Nouvelle-Zélande, 1995].
Divers modèles intégrés sont en cours d’évaluation dans le cadre de programmes pilotes, la plupart mettant l’accent sur les services de santé primaires et sur ceux qui en découlent. Près de 40 % des généralistes appartiennent déjà à des associations de praticiens indépendants ou à d’autres groupes ou réseaux qui ont assumé certaines responsabilités quant à la gestion de budgets prévus pour le paiement d’analyses de laboratoire et de prescriptions destinées à leur clientèle. Les économies réalisées peuvent servir à améliorer et accroître d’autres services, ou à réduire ou supprimer les tickets modérateurs. D’autres organismes intégrés, plus spécialisés, se développent, y compris des organismes de santé dirigés par des Maoris. En plus des soins primaires, on prévoit qu’à l’avenir ces organismes intégrés prendront en charge les soins secondaires (Ministère de la Santé et la Nouvelle-Zélande, 1995). Quoi qu’il en soit, le gouvernement va dans le sens de la coordination des soins pour ce qui est des services de soins primaires et communautaires. À partir de là, on prévoit que des liens fonctionnels et organisationnels seront établis avec les entreprises sanitaires de la Couronne et d’autres prestataires de soins secondaires.
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Le gouvernement a reconnu l’importance de l’inscription des clients (établissement d’une liste) et il favorise activement les progrès dans cette voie. Les organismes doivent mettre à jour leurs registres tous les trois mois pour les paiements par capitation ou l’administration des budgets. Ils ont déjà élaboré un certain nombre de clauses de protection, notamment : • Les personnes doivent pouvoir déterminer elles-mêmes auprès de quel prestataire elles s’inscriront ; • Les personnes doivent pouvoir changer de prestataire de soins au moment qui leur convient ; • Les prestataires doivent accepter toute personne qui demande à s’inscrire auprès d’eux (dans les limites de leur capacité à prendre des clients supplémentaires) ; en particulier, ils ne doivent pas faire de discrimination à l’égard des personnes susceptibles d’avoir besoin d’un haut niveau de service (Ministère de la Santé, de la Nouvelle-Zélande, 1995).
Prestataires
La catégorie des prestataires de services de santé comprend les généralistes, les dentistes, le personnel infirmier de district et communautaire, les pharmaciens et les sages-femmes. Les généralistes représentent un poste de dépenses important des soins primaires (les médicaments prescrits par les généralistes constituent la plus importante catégorie de dépenses). Les généralistes sont des travailleurs autonomes rémunérés à l’acte. Les subventions du gouvernement sont versées aux généralistes au titre de différents programmes – subventions pour les services médicaux, barème de prestations de maternité, subventions pour les produits pharmaceutiques et paiements de services de diagnostic de laboratoire. « La subvention pour les services médicaux est versée aux généralistes pour toutes les consultations d’enfants et de titulaires de cartes de services communautaires » (Shipley, 1996). Le niveau de la subvention varie de 15 $, pour les enfants qui n’ont pas la carte de services communautaires, à 25 $ pour les enfants de moins de 5 ans munis de la carte. Les autorités sanitaires régionales envisagent également d’instaurer le paiement par capitation pour les généralistes. En vertu des contrats prévoyant le paiement par capitation, un cabinet de généralistes reçoit un paiement annuel unique (au lieu de différents paiements au titre de la subvention pour les services médicaux), calculé d’après le nombre de personnes inscrites auprès de son cabinet et leur profil démographique. Les prestations de maternité constituent un poste important de dépenses de soins primaires. Les augmentations observées dans les années 1990 peuvent être en grande partie attribuées au Nurses Amendment Act de 1990, qui a permis aux sages-femmes d’être rémunérées selon le barème des prestations de maternité. Le nouveau barème des paiements au titre de la maternité introduit un certain nombre de modules de soins pour le second trimestre, le troisième trimestre, l’accouchement et la naissance, et pour les services qui suivent la naissance. Le barème introduit un mode de rému nération uniforme, à l’échelle nationale, pour les praticiens indépendants, les entreprises sanitaires de la Couronne et autres prestataires. Le barème est conçu pour clarifier les
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rôles et les habiletés requises et pour réduire les doubles emplois dans la prestation de services par les généralistes et les sages-femmes. Les groupes professionnels assumant des services d’appui, qui reçoivent un financement public direct important par l’intermédiaire des autorités sanitaires régionales, sont les dentistes, les pharmaciens, les sages-femmes, les radiologues et les physiothérapeutes. La majorité des spécialistes travaillent pour les entreprises sanitaires de la Couronne et sont salariés. Nombre d’entre eux travaillent à temps partiel auprès d’une société d’État de la santé et à temps partiel dans un cabinet privé (secteur des rémunérations privées). Les spécialistes sont très peu nombreux à exercer exclusivement la médecine libérale. Les entreprises sanitaires de la Couronne ont été créées à l’abolition des commissions de santé de circonscription. Le pays compte au total 23 entreprises sanitaires de la Couronne, qui administrent 44 hôpitaux. « Les entreprises sanitaires de la Couronne sont des entreprises du secteur public qui sont censées entrer en concurrence avec d’autres prestataires et remporter des contrats auprès des autorités sanitaires régionales en travaillant de manière efficace et efficiente » (Shipley, 1996). Les entreprises sanitaires de la Couronne peuvent accumuler et conserver des excédents de fonds pour remplacer les bâtiments ou le matériel ou pour mettre en place de nouvelles installations, mais tout excédent en sus de l’argent nécessaire pour entretenir ou améliorer les installations et services doit être remis au gouvernement. Le gouvernement réinjecte ces fonds dans le système de santé, pour l’achat d’un certain nombre de services (Ministère de la Santé de la Nouvelle-Zélande, 1995). Pour résumer, disons qu’on observe en Nouvelle-Zélande un mouvement d’une ampleur raisonnable dans la voie de l’innovation organisationnelle et de l’intégration à la fois horizontale et verticale. Comme dans d’autres pays, ce mouvement s’explique en grande partie par la nécessité ou le désir de placer les prestataires en meilleure position pour s’assurer des contrats. De même, une grande partie de l’intégration s’est faite aux fins de structurer les organismes d’acheteurs.
Sommaire des caractéristiques des nouveaux modèles – Nouvelle-Zélande Modèles d’achat
Plusieurs acheteurs évoluent dans le système de santé néo-zélandais. Si les acheteurs dominants sont les quatre autorités sanitaires régionales, les généralistes détenteurs de budget et autres organismes intégrés de type HMO font leur apparition dans le système. Principales caractéristiques
Les autorités sanitaires régionales : – sont des organismes d’État dirigés par des conseils d’administration nommés ; – sont responsables de tous les services et prestations de base ;
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– effectuent la planification et le contrôle, notamment l’évaluation des besoins et la détermination des ressources nécessaires ; – desservent une population répertoriée par recensement ; aucun choix n’est offert au client. La population relevant d’une autorité sanitaire régionale varie de 600 000 personnes à un peu plus d’un million ; – sont financées selon une formule de capitation pondérée ; – achètent des services pour leur population, mais n’en assurent pas la prestation. Elles signent maintenant des contrats pour transférer les achats, concluent des ententes d’achat conjointes avec des cabinets de généralistes intégrés et autres organismes intégrés prestataire-acheteur ; – exercent leur compétence sur un territoire ayant une assise géographique ; Les généralistes détenteurs de budget et autres modèles de soins intégrés : – planifient et fournissent les services au sein de leur organisme et achètent les services pour lesquels ils ont conclu un contrat avec l’autorité sanitaire régionale. Des acheteurs totaux pourraient faire leur apparition ; – ont une clientèle inscrite sur une liste. Les patients ont le droit de se rattacher à un cabinet et de le quitter ; – évoluent vers le financement par capitation pour leurs organismes ; – livrent concurrence aux autres généralistes et aux organismes à intégration verticale pour attirer et conserver la population inscrite.
Réglementation et orientation du gouvernement
Le gouvernement met en place : – un environnement du marché réglementé ; – un financement par capitation ; – un recensement particulier de la population ; tendance à l’inscription pour les nouveaux modèles acheteur-prestataire ; – le contrôle et l’évaluation de la performance ; – l’établissement de services et de prestations de base.
Autre intégration
Tant l’intégration horizontale que l’intégration verticale se sont produites dans le but d’obtenir et de conserver des contrats. Le rôle des soins primaires et du généraliste
• Le généraliste joue le rôle de filtre par rapport aux soins secondaires et actifs. • Des réseaux de généralistes et autres organismes se mettent en place pour participer à l’achat de soins secondaires et actifs.
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Aperçu du système de santé des États-Unis Historique
L’assurance-maladie financée par des fonds privés a été et demeure prépondérante dans le système de santé américain. L’idée généralement répandue selon laquelle le secteur privé assume la plupart des dépenses de santé est erronée. Les soins de santé financés par des fonds publics par l’intermédiaire de Medicare et de Medicaid constituent maintenant environ 44 % des dépenses totales. Les racines historiques des régimes américains traditionnels d’assurance-maladie, avec remboursement partiel, remontent aux compagnies d’assurance-vie et d’assuranceaccident qui vendaient des polices d’assurance-maladie au tournant du siècle. C’était à l’origine des polices prévoyant des prestations en cas de perte de revenu pour un nombre limité de maladies. Dans les années 1930, le pays prit conscience de la nécessité d’une forme quelconque d’assurance-maladie pour atténuer les répercussions imprévisibles et inégales des coûts de la santé. La grande question qui se posa à l’époque fut de savoir si le financement de l’assurance-maladie serait de source privée ou publique, mais la balance penchait déjà en faveur d’un financement de source privée. Les années 1930 et les années 1940 furent témoins d’une rapide expansion de l’assurance-maladie privée. Une part importante de cette croissance s’explique par les restrictions imposées sur les augmentations de salaire directes, au cours de la Seconde Guerre mondiale, qui conduisirent à l’établissement de l’assurance-maladie – au départ comme assurance de groupe – au titre des avantages sociaux offerts par de nombreuses entreprises. La croissance continue de l’assurance-maladie fut soutenue par un certain nombre de facteurs après la guerre. Comme les avantages sociaux des employés, qui avaient évolué (avec l’aide de décisions des tribunaux) au fil des négociations syndicalespatronales, étaient exonérés d’impôt, une prestation en nature au titre de l’assurancemaladie d’une valeur d’un dollar valait plus qu’un dollar après impôt dépensé en services de santé. De manière générale, la croissance démographique et la prospérité qui caractérisèrent les années 1950 favorisèrent encore l’essor des assurances. Au milieu des années 1960, il était évident qu’il y avait encore des populations vulnérables non protégées par l’assurance-maladie, principalement des personnes âgées ou démunies qui étaient exclues, de façon générale, du système d’assurance fondé sur l’emploi. C’est cette préoccupation qui conduisit le Congrès à prendre la remarquable initiative d’établir un financement public pour l’assurance-maladie. En 1965, le président Lyndon Johnson inaugura donc Medicare, le programme d’assurance qui s’adresse aux personnes de plus de 65 ans, et Medicaid, programme d’assistance médicale destiné aux personnes à faible revenu. Par coïncidence, le Canada mettait à cette époque la dernière main à son programme d’assurance-maladie universel, qui offrait principalement des services hospitaliers et médicaux à tous les Canadiens. La croissance démographique, alliée à l’introduction de l’assurance-maladie et à d’autres initiatives de l’après-guerre, amena un certain nombre de changements dans le système de santé américain. Pour faire face à la pénurie de médecins prévue,
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le Congrès alloua des fonds fédéraux afin d’en former un plus grand nombre. La loi Hill-Burton stimula la construction de nouveaux hôpitaux. Ces hôpitaux et installations de formation médicale, de plus en plus nombreux, commencèrent à former plus de spécialistes, attirés en partie par le prestige de la profession et par la perspective de meilleurs revenus offerte par la spécialisation. Les médecins de famille commencèrent à perdre sur deux fronts : celui du nombre et celui du statut. À la fin des années 1960, le nombre de spécialistes dépassait pour la première fois le nombre de généralistes. Dans les années 1970, l’inflation, les progrès tech nologiques, Medicare et Medicaid, tous ces éléments contribuèrent à une hausse considérable des soins de santé, si bien que, dans les années 1980, le petit nombre de médecins et le déséquilibre croissant entre généralistes et spécialistes commencèrent à devenir extrêmement préoccupants. En une trentaine d’années, le pays avait connu des changements spectaculaires dans les types et les méthodes de prestation de services, les catégories de troubles traitables et les niveaux de revenus qu’il était possible d’atteindre. Ces changements s’accompagnaient d’une escalade à la fois des coûts et de l’utilisation des soins, si bien qu’en 1995 « les dépenses de santé nationales étaient plus de 25 fois au-delà élevées que celles de 1960 » (Prospective Payment Assessment Commission, 1995, cité dans Marriott, 1996). Les États-Unis représentent probablement le milieu organisationnel le plus complexe de tous les pays examinés dans le présent document. Le financement est encore avant tout privé (les fonds privés représentent environ 56 % des dépenses en 1993), même si la part du financement public par l’intermédiaire de Medicare et de Medicaid a augmenté. La proportion des dépenses de santé publique consacrées à la santé est passée de 42 % en 1980 à 44 % en 1993 (Prospective Payment Assessment Commission, 1995). L’escalade des coûts est considérée comme l’une des pressions les plus critiques pesant sur le système de santé américain d’aujourd’hui, de même que l’écart extrêmement important au sein de la population dans l’accès au système de santé, qui s’explique principalement par les modes de paiement des services. Pour régler ce problème, les États-Unis ont apporté d’importants changements structurels dans le financement et la prestation de soins, et poursuivent actuellement leur réévaluation du système. À l’heure actuelle, ces réformes ont entraîné un recul de la part du marché de l’assurance-maladie occupée par les régimes traditionnels de remboursement partiel (régimes qui paient les prestataires à l’acte) et un accroissement de la part occupée par les organismes de soins de santé intégrés (HMO) et autres organismes capables de gérer toute la gamme de services et de coûts par la coordination des soins ou l’emploi de techniques de soins intégrés.
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Le contexte macroéconomique Prestations
Assurance privée
Si la plupart des régimes offrent une couverture pour les services médicaux et hospitaliers, ainsi que pour les soins à domicile faisant suite à l’hospitalisation afin de permettre la convalescence dans un environnement moins coûteux, beaucoup ne couvrent pas les soins à domicile ou les soins de longue durée pour les maladies chroniques ou les personnes âgés (OCDE, 1994). Le profil des prestations des différents régimes d’assurance varie en fonction des services couverts et de la participation (ou de la non-participation) des patients au paiement des services qui sont couverts. On estime que 55 millions d’Américains ayant souscrit une assurance privée sont sousassurés – c’est-à-dire qu’il n’y a pas de limite aux dépenses personnelles et au risque d’appauvrissement de ces personnes si elles sont atteintes d’une maladie coûteuse (OCDE, 1994). Programmes publics – Medicare et Medicaid
Le programme Medicare offre deux niveaux de couverture, la couverture de type A, ou plan A, et la couverture de type B, ou plan B. Le régime d’assurance-hospitalisation constitue le « plan A » et couvre les services aux malades hospitalisés et l’accès aux installations de soins infirmiers spécialisés liés à un séjour à l’hôpital, de même que la prestation de soins infirmiers et de réadaptation et les soins à domicile, y compris des soins infirmiers spécialisés à temps partiel, la physiothérapie ou la réadaptation, si nécessaire. Le plan A permet aux assurés d’être admis automatiquement à l’hôpital et ne requiert le paiement d’aucune prime de la part des personnes admissibles. Le « plan B » est une assurance médicale complémentaire. Elle est facultative pour ceux qui adhèrent au plan A, mais presque tous ceux qui sont admissibles au plan A choisissent d’adhérer au plan B et paient les primes mensuelles exigées. Le plan B assure une prise en charge des frais de médecin, des analyses en laboratoire clinique, du matériel médical durable, de la vaccination contre la grippe, des médicaments que l’on ne peut s’auto-administrer (à l’exception de certains médicaments de lutte contre le cancer), de la plupart des fournitures, des tests de diagnostic, de certains autres services de thérapie, des services d’ambulance, de certains autres soins de santé et de la transfusion sanguine, qui ne sont pas fournis en vertu du régime de base. Medicare ne couvre habituellement pas les coûts associés aux soins de longue durée, les soins dentaires ou les dentiers, les médicaments prescrits, les prothèses auditives ou les lunettes, à moins que ces prestations ne soient incluses dans un régime de soins intégrés. Les bénéficiaires de Medicare peuvent s’inscrire à un régime de soins intégrés, prépayés – s’ils adhèrent à la fois au plan A et au plan B et s’ils continuent à payer les primes de leur plan B (États-Unis : Health Care Financing Administration, 1994).
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Medicaid couvre à la fois les services de soins actifs et de longue durée. Même si les programmes varient d’un État à l’autre, tous les États sont obligés de fournir un certain nombre de services de base, notamment les services aux patients hospitalisés et aux patients externes, les services de médecin, les services d’installations de soins infirmiers, les services de laboratoire et de radiographie, de même qu’un certain nombre d’autres programmes. Le financement fédéral est également fourni si les États choisissent d’offrir d’autres services approuvés, notamment les services d’optométriste et les lunettes. Financement
Le financement provient d’une combinaison de sources privées et publiques. Le financement privé représente la plus grande partie des fonds et la seule option pour la plupart des gens faisant partie de la population active et pour leurs familles. Il provient surtout des polices souscrites par les particuliers ou leurs employeurs. Les employeurs constituent la source la plus importante de financement de l’assurance privée, suivis par les syndicats et les particuliers. Ceux qui ne peuvent se permettre de souscrire une assurance, mais disposent d’un revenu plus élevé que le seuil de financement public ou n’ont pas droit à une aide spéciale, doivent s’autofinancer – c’est-à-dire payer selon leurs moyens ou se passer d’assurance. Nombreux sont ceux qui se passent d’assurance ; ceux qui ont un niveau d’assurance minimal n’en sont pas moins considérés, eux aussi, comme sous-assurés. Le financement public passe par les programmes Medicare et Medicaid de la façon suivante : • Le financement de Medicare pour le plan A (assurance-hospitalisation) vient d’un impôt sur les revenus d’emploi des particuliers. Les personnes qui adhèrent au plan B (assurance médicale complémentaire) acquittent une prime mensuelle, qui est actuellement fixée par le gouvernement et s’établissait à 46,10 $ en 1995. Le financement complémentaire provient des recettes générales du gouvernement fédéral (États-Unis : Health Care Financing and Administration, 1994). • Le programme Medicaid est financé conjointement par le gouvernement fédéral et le gouvernement des États, par l’intermédiaire de fonds de contrepartie. Le partage des coûts par le gouvernement fédéral varie d’un État à l’autre, la part du gouvernement fédéral ne devant jamais être inférieure à 50 % ni supérieure à 83 %. Le paiement est fondé sur une formule fédérale qui établit une comparaison entre la moyenne de revenu par habitant de l’État et la moyenne de revenu national. La part moyenne du gouvernement fédéral pour tous les États était, en 1993, de 57,5 %, parmi lesquels 11 des États les plus prospères recevaient 50 %, et le Mississippi, 79 % (États-Unis : Health Care Financing and Administration, 1994).
Méthode de transfert
Il y a deux formes de transfert pour Medicare : le paiement à l’acte et le paiement par capitation. Les demandes de remboursement de paiements à l’acte, pour les couvertures
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de type A et B, sont traitées par des organismes ou agences (appelés intermediaries ou carriers), qui établissent des contrats et jouent, à l’échelle locale, le rôle d’agent financier entre les prestataires et le gouvernement fédéral. Les HMO en vertu de Medicare reçoivent un montant par capitation pour chaque bénéficiaire, ajusté en fonction de l’âge, du sexe, du statut par rapport à Medicaid, du placement en établissement et de la couverture coordonnée par l’employeur. Le taux de base pour ces programmes est de 95 % des paiements au titre de programmes moyens de paiement à l’acte de Medicare. Les régimes de soins intégrés prennent en charge le risque financier pour tous les services couverts utilisés par le bénéficiaire de Medicare. Diverses modalités de paiements sont utilisés pour Medicaid. La plupart des États essaient de maîtriser le coût par la mise en œuvre de systèmes de paiements prospectifs, comme le remboursement de services d’hospitalisation basé sur les cas et des barèmes d’honoraires pour les médecins. Le paiement par capitation des HMO et autres modèles de soins intégrés est en progression.
Couverture-droit des citoyens
Il n’existe pas de droit à l’assurance médicale privée au sens propre du terme, sinon le droit d’en souscrire une si l’on peut se le permettre. La plupart des titulaires de police obtiennent leur assurance-maladie dans le cadre d’un régime d’avantages sociaux liés à l’emploi – bien que cela varie en fonction des employeurs. De nombreux petits employeurs, cependant, n’offrent pas d’assurance-maladie à leurs employés. Une récente étude estimait que 50 millions de personnes étaient sans assurance-maladie (États-Unis : HCFA Office of the Actuary 1995-1996). Ce groupe inclut ceux qui s’« auto-assurent » (paient selon leurs moyens) ou se passent de couverture. Prévu à l’origine pour les personnes de 65 ans et plus, Medicare assure maintenant des personnes qui touchent des prestations d’invalidité durant 24 mois ou plus, les personnes atteintes d’une maladie rénale en phase terminale, qui ont besoin de dialyse ou d’une greffe du rein, et certaines personnes qui autrement n’auraient pas de protection et choisissent d’adhérer au programme. C’est ainsi que Medicare couvre 95 % de la population âgée, en plus de nombreuses personnes handicapées qui bénéficient de l’assistance sociale. Medicaid, qui est le programme d’assurance-maladie le plus important, fournit des services médicaux et autres services de santé annexes aux 36 millions d’Américains les plus démunis. Tous les démunis ne sont pas admissibles, toutefois, en raison des différentes normes applicables au revenu et à l’admissibilité. Selon les études les plus récentes du Health Care Financing Administration Office of the Actuary, la population servie, par type de couverture, se répartit de la façon suivante (tableau 1).
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Tableau 1 Population servie par type de couverture Type
Nombre de personnes
Assurance-maladie privée (obtenue en milieu de travail ou à l’extérieur) Medicare – régime d’assurance-maladie national pour les personnes âgées Medicaid – régime d’assurance-maladie fédéral-États pour les personnes à faible revenu Population non assurée
155 millions
37 millions 36 millions 50 millions
Source : États-Unis : HCFA Office of the Actuary, 1995-1996.
Principes et réglementation
Bien que les programmes publics Medicare et Medicaid soient définis et réglementés par le gouvernement central, l’approche des États-Unis, par rapport à l’assurance privée, repose beaucoup moins sur la réglementation que sur la concurrence entre les bailleurs de fonds privés, les organismes détenteurs de budget ou administrant des fonds publics (HMO et autres régimes d’assurance ou de prestation) et les organismes de prestation (prestataires individuels, réseaux et organismes intégrés). Alors que le marché demeure relativement non réglementé, dans ce modèle où règne la concurrence, c’est la puissante motivation à adopter des stratégies de « soins intégrés » pour maîtriser les coûts et pour assurer la qualité des services qui tient lieu de règle de conduite.
Système d’information et évaluation
En règle générale, le système d’assurance-maladie privé fonctionne dans un contexte extrêmement décentralisé, voire morcelé. Néanmoins, d’excellents systèmes d’infor mation intégrée s’articulent à l’intérieur de certains organismes de soins intégrés, comme les HMO. Des bases de données sont tenues à jour sur les patients (âge, sexe, adresse, etc.), les prestataires participants, les dépenses par contact et phase de soins, ainsi que sur les enquêtes mesurant la satisfaction des membres inscrits et des prestataires avec lesquels l’organisme a des liens de travail ou contractuels. Cette information est également intégrée aux dossiers électroniques sur la santé. De nombreux organismes élaborent et introduisent dans leur système des profils de la qualité et des objectifs, de même que des renseignements sur la santé, dans le but d’aider les prestataires dans leur prise de décisions et d’appuyer une planification fondée sur la population, la mesure des résultats et l’établissement de programmes de prévention de la maladie et de promotion de la santé. Un processus d’agrément pour le secteur de la santé est en cours d’élaboration par le Comité national d’assurance de la qualité (National Committee for Quality Assurance
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– NCQA). Le NCQA évalue les organismes de soins intégrés sur le plan de la qualité, des dossiers médicaux, de la gestion de l’utilisation des services, de la compétence des prestataires et de l’engagement relativement au respect des droits des membres inscrits. Il participe également au développement continu de « fiches de déclaration » concernant la qualité et la performance, afin de fournir des données comparables sur divers aspects de l’accessibilité et de la qualité des soins. À titre d’exemples de mesures du rendement, mentionnons les : – mesures du degré d’efficacité avec lequel les régimes d’assurance-maladie assurent des services de prévention aux populations d’adhérents (p. ex. taux de mammo graphie et d’immunisation des enfants) ; – mesures de l’efficacité du régime d’assurance-maladie dans la prestation de soins prénataux (p. ex. poids des nourrissons à la naissance, nombre de consultations des femmes enceintes au premier trimestre) ; – mesures de la façon dont le régime d’assurance-maladie gère les maladies chro niques (p. ex. taux d’admission à l’hôpital pour les patients asthmatiques, pro portion de diabétiques auxquels on prescrit une consultation annuelle pour un examen de routine de la vue) ; – mesures de l’état de santé des patients et des résultats à la suite d’une intervention chirurgicale (répercussions de l’arthroplastie de la hanche sur l’autonomie du patient) ; – mesures de la satisfaction du patient (p. ex. satisfaction de l’adhérent par rapport aux soins) (États-Unis : NCQA, 1993). L’Administration du financement des soins de santé, qui fait partie du Dépar tement de la santé et des affaires sociales, surveille les HMO du système. Ce service a accès à la plupart des données mentionnées ci-dessus et aux données requises dans les relations contractuelles. Les HMO qui participent au marché de Medicare participent également au marché privé et au processus d’agrément mentionné ci-dessus. La loi qui régit les HMO exige de ces derniers qu’ils respectent les normes dans les domaines suivants : – fourniture de services de santé de base et complémentaires, – fonctionnement financièrement sain, – modalités administratives et de gestion satisfaisantes, – procédure de recrutement des adhérents, – représentation des clients au sein du conseil d’administration, – procédure de dépôt de griefs par les membres, – programme permanent d’assurance de la qualité, – services d’éducation en hygiène, – formation continue des professionnels de la santé, – méthodes prescrites pour l’établissement de statistiques et autres données (ÉtatsUnis : Health Care Financing Administration, Operations and Oversight Team, 1995). En plus de l’activité qu’il exerce dans le contrôle et l’évaluation des HMO et des prestataires, le gouvernement fédéral fournit des fonds pour les organismes d’évaluation collégiale de chaque État, constitués de médecins en exercice et autres professionnels de
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la santé. Les organismes d’évaluation collégiale assument la responsabilité du contrôle des soins donnés aux patients de Medicare. Ils ont le pouvoir de déterminer si ces soins sont raisonnables, nécessaires, fournis dans le cadre le plus approprié et s’ils satisfont aux normes de qualité généralement reconnues par la profession médicale. En outre, ils examinent les plaintes des adhérents et travaillent avec les hôpitaux et les médecins à promouvoir les soins les plus efficaces pour le traitement de maladies et de blessures (États-Unis : Health Care Financing Administration, 1995).
Le système de prestation Régimes acheteur-assurance
L’environnement organisationnel mixte, extrêmement complexe des États-Unis évolue quotidiennement. Même à l’intérieur des catégories et des sous-catégories des régimes d’assurance, on observe des écarts dans la participation, la régie interne, l’administration et la conception organisationnelle. Les compagnies d’assurance de remboursement partiel et les HMO ou autres compagnies d’assurance de fourniture de soins intégrés sont des acheteurs de services. Dans cette fonction, ils font pendant aux caisses d’assurance-maladie ou aux détenteurs de budget d’autres pays. Les régimes d’assurance-maladie à remboursement partiel ont tendance à être des modèles toutacheteur et à rémunérer les prestataires à l’acte pour les services rendus aux détenteurs de police. Les régimes traditionnels d’assurance de remboursement partiel, où l’acheteur et le prestataire sont complètement séparés, ont dominé le marché jusque tard dans les années 1980. L’escalade des coûts, en suscitant des préoccupations croissantes, a incité un plus grand nombre d’acheteurs primaires (ceux qui paient les primes, c.-à-d. les particuliers, les employeurs et Medicare ou Medicaid) à faire appel à des régimes de soins de haute qualité à un coût moindre, comme ceux fournis par les HMO et autres régimes de « soins intégrés », qui allient financement et prestation de services. Devant les changements qui en découlent, les compagnies qui offrent des régimes d’assurance de remboursement partiel sont maintenant convaincues du bien-fondé du recours à certaines techniques de soins intégrés, telles la conception des prestations et la gestion de l’utilisation des services, pour maîtriser les coûts, même si le paiement à l’acte demeure prépondérant.
Soins intégrés
Iglehart (1992) définit les soins intégrés comme un système qui comprend le financement et la prestation de soins médicaux pertinents et présente les caractéristiques suivantes : – conventions passées avec certains médecins et hôpitaux qui fournissent un ensemble complet de soins de santé ; – services aux adhérents, généralement en contrepartie d’une cotisation mensuelle prédéterminée ;
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– contrôle de l’utilisation des services et de la qualité auquel les prestataires conventionnés acceptent de se soumettre ; – stimulants financiers pour inciter les patients à avoir recours aux prestataires et aux établissements rattachés au régime ; – prise en charge du risque financier par les médecins. Seuls les HMO, y compris les HMO non limitatifs (réseaux de points de service, voir ci-dessous), intègrent tous ces éléments dans leur modèle. Ce que ne précise pas la définition ci-dessus, c’est le fait que le réseau de HMO va au-delà des hôpitaux. En fait, ces organismes sont propriétaires d’établissements et employeurs et ils passent des conventions non seulement avec des médecins et des hôpitaux mais aussi avec d’autres. Leur réseau s’étend à tous les praticiens, à d’autres établissements, comme les foyers de soins infirmiers (essentiellement pour les séjours de courte durée), les soins à domicile et les produits pharmaceutiques. On trouve différentes formes de régimes d’assurance-maladie sous la rubrique des « soins intégrés », dont les organismes intégrés (HMO), les réseaux de points de service (POS) et les organismes de services à tarifs préférentiels (PPO). Et ce ne sont là que les régimes de base. Il y a à l’intérieur de ces catégories de nombreuses variantes et quantité d’acronymes. À divers degrés, ces modèles sont des systèmes mixtes acheteurprestataire, dans la mesure où ils fournissent certains services directement et achètent d’autres services à des prestataires ou à des organismes de prestataires, en imposant leurs normes de soins et de coûts, qu’ils arrêtent eux-mêmes. Les HMO sont des régimes de soins intégrés qui incluent le financement (assurance-maladie) et la prestation d’un ensemble complet de services de santé à une population d’adhérents. Ces organismes de soins intégrés peuvent passer une convention avec leurs propres prestataires de soins de santé, être des employeurs directs des prestataires ou, dans le cas des cliniques ou des hôpitaux, être propriétaires des prestataires de soins de santé participants (figure 7). Généralement, les adhérents effectuent un choix parmi ces prestataires et bénéficient d’une réduction du ticket modérateur. Les prestataires peuvent être rémunérés par le HMO par capitation, être salariés, recevoir des honoraires à la journée ou être payés à l’acte, selon le mode de paiement déterminé par négociation. Il existe quatre principaux types de HMO : le staff model, le group model, le network model et l’independent practice model, que nous expliquons ci-dessous. Cette typologie illustre principalement le rapport entre les HMO et les médecins : • Dans le staff model, les services sont fournis à un ou plusieurs endroits, par des médecins qui sont des employés salariés de l’organisme de soins intégrés. Selon ce modèle, les médecins exercent exclusivement au sein de l’organisme. • Dans le group model, l’organisme de soins intégrés passe une convention avec un groupe de médecins pour qu’ils assurent des services de santé à un ou plusieurs endroits. Le mode de rémunération habituel, dans ce système, est le paiement par capitation. Le groupe prend la responsabilité de répartir les fonds entre les différents médecins, selon diverses modalités (p. ex. salaire majoré d’honoraires au prorata des services et autres stimulants financiers). Selon ce modèle, les médecins ne soignent que les adhérents de l’organisme de soins intégrés.
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Figure 7 Exemple de modèle de HMO acheteur-prestataire dans le cadre d’un financement privé-public de sources diverses aux États-Unis
Contexte macroéconomique
Financement public Medicare/Medicaid
Financement privé employeurs/particuliers
Contexte de prestation
Organisme de soins intégrés (HMO) Acheteur
Prestataires indépendants conventionnés
Prestataire
• Dans le network model, l’organisme de soins intégrés passe une convention de services avec au moins deux groupes de médecins indépendants (équipe de la même spécialité ou pluridisciplinaire). La forme habituelle de remboursement des groupes est un taux d’honoraires mensuel, fixé par adhérent – une forme de paiement par capitation –, et chacun des groupes détermine comment ces fonds seront répartis entre les différents médecins du groupe. Par ailleurs, les médecins ont parfois la liberté de fournir des services assurés à des patients qui ne sont pas adhérents. • Dans l’independent practice model, le HMO passe une convention directement avec des médecins d’un cabinet indépendant ou avec des associations de médecins indépendants – par exemple les cabinets de groupe de spécialistes de plusieurs disciplines. Les cabinets regroupant des spécialistes d’une même discipline ont tendance à être prédominants. Les médecins exercent dans leur propre cabinet, et les HMO négocient un taux par personne, un montant fixe d’honoraires prépayés ou un tarif à l’acte. En vertu de leur statut d’indépendants, ces médecins peuvent également avoir leur propre clientèle à l’extérieur de l’organisme de soins intégrés.
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Mais cette typologie est de moins en moins valable, étant donné que de plus en plus de HMO évoluent vers des « modèles mixtes », regroupant tout ou partie des modalités mentionnées ci-dessus. Des facteurs tels que des populations données, des marchés géographiques et le mode d’organisation en divisions et filiales introduisent d’autres variantes. Les HMO spécialisés, comme les Social Health Maintenance Organizations, évoluent également, mettant en commun les revenus par capitation et autres sources de fonds pour assurer des services de soins actifs et certains des services de soins de longue durée aux adhérents de Medicare qui font partie de leur clientèle. Le régime de points de service peut être défini comme un régime d’assurancemaladie dans le cadre duquel les adhérents ont accès à un réseau ou à un groupe de médecins, à un tarif préférentiel. Les patients doivent être orientés par un généraliste vers un des médecins, un hôpital ou un service du réseau. Ils peuvent également consulter des médecins à l’extérieur du réseau, mais ils auront alors à débourser des frais supplémentaires. Ce type de régime porte souvent le nom d’open-ended HMO, bien que tous les points de service ne fassent pas partie d’un organisme de soins intégrés. Le modèle de gestion des cas de soins primaires adopté par Medicaid n’est pas sans analogie avec cette structure, puisque Medicaid passe une convention avec un médecin chargé de gérer et de coordonner les soins des bénéficiaires inscrits. Selon ce modèle, tous les services doivent être autorisés par le médecin qui joue le rôle de filtre. Les services sont alors payés à l’acte par Medicaid. D’autres praticiens travaillent en tant qu’employés de HMO ou d’organismes de prestataires (habituellement des médecins ou des hôpitaux) ayant passé une convention de services avec des HMO. De même, les HMO passent des conventions avec des hôpitaux et des services de diagnostic, de laboratoire et de soins à domicile ou sont propriétaires de ces services, de façon à offrir une gamme complète de services à leurs adhérents. L’accès à ces services se fait par l’intermédiaire d’un généraliste qui joue le rôle de filtre, étant le point d’accès aux services de l’organisme de soins intégrés. La Preferred Provider Organization, ou organisme de services à tarifs préférentiels, est un régime d’assurance-maladie doté d’un réseau ou d’un groupe de prestataires dont les services sont accessibles aux patients à un coût plus modique que les services de prestataires de l’extérieur du réseau. Les patients peuvent s’adresser quand ils le désirent à tout réseau ou groupe de prestataires. Mais ce modèle comporte lui aussi des variantes. Ainsi, l’Exclusive Provider Organization (EPO) est tout simplement un organisme de services à tarifs préférentiels dont les adhérents doivent assumer le coût intégral des consultations lorsqu’ils s’adressent à un prestataire non agréé. À la différence des HMO et des points de service, le généraliste ne fait pas ici office de filtre. Le principe fondamental du HMO est l’intégration du financement et de la fourniture de services au profit des adhérents (figurant sur la liste). Cette intégration est la pierre angulaire des outils et techniques utilisés à divers degrés par toutes les formes de régimes de soins intégrés pour améliorer la qualité du service et la justification de l’emploi des fonds, tout en maîtrisant les coûts. L’intégration a une incidence sur la
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conception des prestations, le choix et la rémunération des prestataires, ainsi que sur la gestion de l’utilisation des services. Le système repose sur l’introduction de stimulants et de mesures de dissuasion pour influencer le comportement des prestataires, inciter les adhérents à avoir recours aux prestataires agréés et favoriser la conformité aux procédures du régime. Concernant la conception des prestations, les régimes s’efforcent d’influer sur les coûts de la fourniture de services, de même que sur les caractéristiques des adhérents éventuels. Tous les HMO, par exemple, assurent la couverture des consultations de soins primaires et des services de prévention, telle l’immunisation des enfants. En revanche, la couverture des soins de santé mentale est souvent limitée, d’une façon ou d’une autre, par tous les régimes de soins de santé, à un nombre maximum de consultations par an (Prospective Payment Assessment Commission, 1995). Les régimes cherchent également à influencer l’utilisation des services couverts en ayant recours au partage des coûts. Les médecins sont choisis en fonction de leurs titres, des caractéristiques de leur pratique et de leur profil, qui doit correspondre à la mission, à la philosophie et à la structure organisationnelle du HMO. On recherche un équilibre entre le prix du prestataire et son caractère acceptable pour les acheteurs, les adhérents et, dans une certaine mesure, les autres prestataires déjà rattachés à l’organisme. En outre, les organismes de soins intégrés doivent prendre en compte le coût du prestataire (c.-à-d. le montant qu’il facturera) et le niveau ainsi que le caractère approprié des services fournis. Il leur faut trouver un équilibre entre le coût et l’accessibilité des services. Dans ce cadre, le HMO s’efforce de maîtriser les coûts en limitant le nombre de prestataires, tout en tenant compte des préférences des membres adhérents pour certains prestataires. Le HMO examine avec soin les références, l’habilitation et la réputation des prestataires, leur agrément et leur réputation, et le choix des hôpitaux est influencé par leur réputation, dans le milieu en général et auprès des médecins du régime, ainsi que par la capacité du régime à négocier des taux acceptables pour les malades hospitalisés afin de gérer l’utilisation de l’hôpital. Le paiement des prestataires par les HMO varie avec le type d’assurance, le type de prestataire, la région et l’origine du financement (employeur ou financement public). Quoi qu’il en soit, le HMO assume un risque financier (c.-à-d. la possibilité de gagner ou de perdre de l’argent). Les médecins travaillant pour un HMO peuvent être remboursés en fonction de modalités diverses, prévoyant un salaire, une rémunération à l’acte ou un paiement par capitation. Ce cadre offre la possibilité de négocier et de mettre en œuvre un certain nombre d’autres approches, comme les stimulants liés à la performance, une rémunération associant un salaire et des honoraires proportionnels au nombre d’actes, des primes pour le respect des objectifs d’utilisation des ressources ou la retenue d’une partie des paiements jusqu’à ce que les objectifs soient atteints. Dans le recrutement de leur personnel conventionné, les organismes de soins intégrés s’écartent du modèle qui a cours actuellement dans la population en général et font davantage appel aux généralistes et moins aux spécialistes, dans le but d’épar gner les coûts superflus associés à des services spécialisés qui peuvent être assurés par
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les généralistes. Actuellement, de nombreux régimes de soins intégrés offrent aux généralistes une rémunération de départ nettement plus élevée qu’il y a quelques années, à la seule fin d’encourager la pratique à ce niveau (Iglehart, 1994). Le paiement à la journée demeure la méthode la plus courante de paiement des hôpitaux. Les autres formules sont le paiement d’honoraires, l’application de taux actualisés, la capitation et le paiement en fonction de différents diagnostics (à partir des groupes de diagnostics homogènes expliqués ci-dessous). Selon le tarif journalier, l’hôpital accepte un taux quotidien fixe du HMO, d’après une utilisation moyenne cumulative de ressources. Dans ce système, l’hôpital est extrêmement motivé à maîtriser ses coûts. Il peut perdre de l’argent dans au moins deux cas : lorsque la moyenne des coûts à la journée, pour un patient donné, est plus élevée que le taux convenu ou lorsque la durée moyenne du séjour est plus courte que celle qui sert au calcul du tarif journalier (cela s’explique par le fait que les coûts hospitaliers ont tendance à diminuer pour chaque jour supplémentaire qu’un patient passe à l’hôpital). Les régimes de soins intégrés et les hôpitaux peuvent également explorer d’autres options pour modifier le risque pour les deux parties, dont la négociation de tarifs distincts pour différents types de services hospitaliers, par exemple les soins chirurgicaux ou intensifs. Ils peuvent également négocier un tarif à la journée plus élevé pour la première journée d’hospitalisation. Les modes de paiement à l’acte viennent au deuxième rang des modes de paiement des services hospitaliers les plus courants. Dans ce cas, l’hôpital cherche à pratiquer des tarifs suffisamment élevés pour réduire le plus possible ses risques, tandis que le HMO cherche à épargner de l’argent en passant des conventions avec des hôpitaux moins coûteux. Le type le plus courant de remboursement des frais d’hospitalisation est ensuite le paiement en fonction du traitement lié à un diagnostic précis. Le HMO passe une convention en vertu de laquelle il s’engage à rembourser l’hôpital selon le système de paiements prospectifs de Medicare, par l’application de groupes de diagnostic homogènes. Les HMO assument le risque que les patients aient besoin de services, alors que l’hôpital assume le risque associé au coût de l’ensemble du séjour à l’hôpital. Un mode de paiement par capitation peut également être adopté. Selon cette formule, l’hôpital reçoit un montant mensuel fixe par adhérent pour les soins aux personnes hospitalisées. Le montant par adhérent peut être ajusté, compte tenu des caractéristiques de la population d’adhérents. Toutes les formules mentionnées ci-dessus correspondent aux modalités de paiement prévues dans les conventions passées par les HMO. Lorsqu’un HMO est propriétaire d’un hôpital, il établit simplement un budget pour les soins des patients hospitalisés (Prospective Payment Assessment Commission, 1995). Les services aux patients externes se répartissent dans l’ensemble en deux catégories : la catégorie des taux actualisés et la catégorie des frais globaux lorsqu’un taux unique est établi pour un groupe de thérapeutiques (Prospective Payment Assessment Commission, 1995). La gestion de l’utilisation des ressources est une notion qui renvoie au suivi du coût et de la qualité du service, du début à la fin des phases de maladie et des contacts connexes avec le système de santé. Tous les HMO ont mis en place une politique afin
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d’influer sur l’accès aux services et leur utilisation par les adhérents. Les HMO de structure traditionnelle limitent l’accès à leur groupe de généralistes, qui orientent à leur tour les patients vers un spécialiste ou des services spécialisés. Les modes d’exercice des médecins au sein de régimes de soins intégrés sont influencés par diverses règles cliniques, dont des procédures d’assurance de la qualité, des protocoles de traitement ou des algorithmes, des règlements, des contraintes administratives, des directives de pratique et un examen de l’utilisation des services (Iglehart, 1994). Les HMO contrôlent également l’utilisation par le recours à la gestion des cas et à l’autorisation de services (et de couverture). La fonction de gestion des cas, pour les cas à coûts élevés, consiste à gérer l’utilisation des services à travers tous les cadres de soins médicaux et paramédicaux. Dans ce contexte, les gestionnaires de cas consacrent une quantité de temps appréciable aux patients. On a recours à l’autorisation de services (et de couverture) pour réglementer l’accès aux services et leur utilisation. L’organisme peut avoir recours à l’attestation préalable et à l’examen concomitant ou rétrospectif. En vertu de l’examen d’attestation préalable, le régime d’assurance-maladie exige d’être prévenu d’avance des prestations requises. En adoptant cette méthode, le régime peut prévenir son personnel pour mettre en place la gestion du cas, afin de prendre toute disposition en vue d’obtenir des diagnostics à un coût économique avant l’admission et de se préparer pour le remboursement. Dans le cadre de l’examen concomitant, le régime surveille et limite la durée du séjour, et participe à la planification du congé du patient. L’examen rétrospectif aide à déterminer l’exactitude et réunit des données sur les profils de soins de prestataires particuliers (Prospective Payment Assessment Commission, 1995). Les prestataires
Les HMO et autres régimes de soins intégrés sont des prestataires de services de santé, et jouent en plus un rôle en ce qui a trait à l’assurance et à l’administration de budget. À l’exception des régimes d’assurance de remboursement partiel, les régimes de soins intégrés sont des mélanges acheteur-prestataire dans la mesure où ils achètent et assurent la prestation de services. En ce qui a trait à la participation directe à la prestation, les HMO représentent le degré supérieur d’intégration, pour ce qui est de l’étendue de la gamme des formules utilisées, dont l’emploi ou la propriété, de même que pour la diversité des conventions avec les prestataires. Ce sont des organismes à intégration verticale : ils assument la responsabilité des prestations en nature, définissent les produits ou services qu’ils offriront à leurs adhérents et gèrent le financement connexe. Leur gamme de services assurés va en s’élargissant avec l’introduction des produits pharmaceutiques dans le contexte des soins intégrés.
Autre réorganisation visant les prestataires
Parallèlement à la tendance établie par les HMO et leurs sources de financement, les médecins, les hôpitaux et autres prestataires progressent dans la voie de la restructuration et de l’intégration à un rythme sans précédent. Certains en arrivent à une intégration
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fonctionnelle par l’intermédiaire de réseaux de médecins ; d’autres, à une intégration organisationnelle par la voie de fusions ou de rachat d’hôpitaux par des médecins ou, inversement, de cabinets de médecins par les hôpitaux. Les autres HMO à intégration horizontale embrassent les soins primaires ou des réseaux de médecins plus complets. Les hôpitaux fusionnent avec d’autres hôpitaux ou s’efforcent de créer des coentreprises avec eux, tandis que médecins et hôpitaux se regroupent en organismes médecinshôpitaux. Nombre de ces changements sont apportés dans un effort pour cibler des marchés locaux particuliers et s’assurer des contrats avec les HMO et autres assureurs. Dans ce contexte, l’intégration verticale est considérée comme le meilleur moyen de fournir une gamme complète de soins, dont les soins primaires, les soins actifs, les soins intensifs et les soins postintensifs. Certains organismes de prestation étendent leur intégration jusqu’à englober les fonctions d’administration de budget ou d’assurance, entrant ainsi directement en concurrence avec les HMO établis et d’autres régimes de soins intégrés pour l’obtention de contrats avec des employeurs et le gouvernement (Medicare et Medicaid). Dans un exemple de ce genre, des cabinets de groupe à vocation pluridisciplinaire gèrent leur propre régime de soins intégrés et tirent plus de la moitié de leurs revenus de ces sources (Iglehart, 1994). Le Henry Ford Health System (HFHS) est un exemple de système de prestation à intégration verticale complète allié à un régime d’assurance. Comme l’explique la Prospective Payment Assessment Commission (1995) :
Le HFHS regroupe un hôpital de soins tertiaires, deux hôpitaux commu nautaires, 37 établissements de soins ambulatoires, deux centres médicaux employant près de 1 000 médecins au total, un établissement psychiatrique, un centre de désintoxication pour personnes ayant une chimiodépendance et deux foyers de soins infirmiers. Il compte également divers services de soins à domicile, des pharmacies et des services de dialyse. Le système a son propre HMO (le Health Alliance Plan) et participe à de nombreuses initiatives d’amélioration communautaire.
Disons, en conclusion, qu’il n’y a pas de modèle unique pour la structure et la régie des organismes de prestation de services, puisque ces organismes peuvent être des entreprises individuelles, des partenariats et des sociétés privées à but lucratif ou non lucratif. Sommaire des principales caractéristiques des nouveaux modèles – États-Unis
Modèles d’achat
Il existe une grande diversité de modèles d’achat aux États-Unis, et les nouvelles formes de construction organisationnelle sont en constante évolution. Le modèle tout-achat – l’assurance de remboursement partiel – perd du terrain en faveur de modèles de soins
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intégrés, qui associent la fourniture de soins à l’achat de services à des prestataires par l’intermédiaire de conventions. Bien qu’on observe des écarts considérables dans leur définition des services médicaux, des prestations et de l’accès, tous font concurrence à d’autres prestataires, comme les hôpitaux, pour l’obtention de contrats. Les exemples de modèles de soins intégrés primaires sont les suivants : • Les organismes de services à tarifs préférentiels (PPO), qui offrent l’accès à un réseau ou à un groupe de médecins dont les services sont assurés aux adhérents à un coût plus modique. • Les organismes de soins de santé intégrés (HMO), qui ont créé la formule et qui offrent l’approche de soins intégrés la plus évoluée. Les variantes organisationnelles sont les suivantes : – le staff model, où les médecins sont des employés salariés ; – le group model, où le HMO passe une convention avec un groupe exclusif de médecins ; – le network model, où le HMO passe des conventions avec de multiples groupes de médecins ; – l’independent practice model, où le HMO passe une convention avec des associations de médecins indépendants ; – le modèle mixte, qui est un mélange des quatre modèles de base.
Principales caractéristiques
Les HMO : – adoptent diverses formes de propriété et de gestion, depuis celles des organismes privés à vocation commerciale jusqu’à celles des organismes à but non lucratif, y compris les coopératives d’adhérents ; – sont responsables de tous les services assurés, ou prestations, définis dans les conventions avec les employeurs (c.-à-d. qu’il n’y a pas de groupe de services de base standard) ou se conforment aux services de base définis par les assurances Medicare et Medicaid pour leurs membres inscrits ; – assurent la planification des besoins, des ressources nécessaires et de la sur veillance ; – servent une population inscrite. Les droits conférés aux patients et leurs choix diffèrent du contexte privé au contexte public. Dans la sphère privée, le patient est généralement « captif » durant une année. Le HMO représente parfois le seul « régime d’assurance-maladie » offert par un employeur ou une source de fonds primaire. Dans la sphère publique de Medicare, les adhérents ne sont pas captifs et peuvent changer de HMO quand ils le désirent ; – sont financés pour une population d’adhérents. Dans le contexte de financement par des fonds publics, on observe très explicitement l’adoption d’un mode de paiement par capitation ; – achètent les services nécessaires à des prestataires ou les fournissent eux-mêmes. Cette souplesse confère à l’organisme la liberté de déterminer la relation organi sationnelle et financière la plus appropriée avec les prestataires ;
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– donnent accès aux soins secondaires et coordonnent d’autres services par l’intermédiaire d’un généraliste qui fait office de filtre ; – livrent concurrence à d’autres organismes de soins intégrés pour attirer les groupes d’employeurs ou pour retenir directement la clientèle et conserver les bénéficiaires de Medicare ou de Medicaid.
Réglementation et orientation du gouvernement
• Le système de soins de santé est essentiellement un système privé, complété par les programmes Medicare et Medicaid pour les personnes âgées et les démunis. La législation et la réglementation publique définissent des normes à l’intention des organismes de soins intégrés, qui se font concurrence pour fournir des services financés par les fonds publics. • Le gouvernement est déterminé à maintenir la concurrence sur un marché libre. • Le gouvernement adhère au principe des soins intégrés. • Le gouvernement n’a pas défini de prestations en nature ou de services de base nationaux pour l’ensemble de la population, mais uniquement pour ceux qui sont admissibles à Medicare ou à Medicaid. • La Loi sur les HMO définit les normes de base pour l’agrément du gouvernement fédéral. • Le gouvernement fournit un financement par capitation pour Medicare. • Le gouvernement n’a pas défini de principes d’« universalité » ou d’« accès équitable » aux services, de sorte que l’accès est rattaché avant tout à l’emploi ou à la capacité de payer.
Autre intégration
On observe une évolution extrêmement dynamique des organismes de santé à intégration horizontale et verticale aux États-Unis. La principale motivation de ces organismes a été d’obtenir des marchés locaux ou spéciaux et d’attirer et conserver des contrats. L’intégration apparaît comme une façon d’améliorer l’efficience, la coordination et la qualité, et d’offrir des services complets aux HMO acheteurs, qui subissent les pressions exercées par les pouvoirs publics et les employeurs en vue de la maîtrise des coûts et du maintien de la qualité. Rôle des soins primaires et du généraliste
Les HMO mettent l’accent sur les soins primaires et sur le généraliste, qui fait office de filtre pour l’accès aux soins secondaires et actifs. Ce principe est la pierre angulaire de la stratégie des soins intégrés. Autrement, les consommateurs américains sont plus susceptibles que leurs homologues d’autres pays de s’adresser directement à un spécialiste.
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APERÇU DU SYSTÈME DE SANTÉ CANADIEN ET MODÈLES Historique
L’une des principales originalités du système de santé du Canada, par rapport à celui d’autres pays, est que la responsabilité de l’organisation et de la prestation des soins de santé est confiée aux provinces par la Constitution, alors que les autres systèmes financés principalement par des fonds publics relèvent d’un gouvernement fédéral ou national. Au Canada, le gouvernement fédéral contribue au financement des régimes d’assurancemaladie provinciaux à partir des recettes fiscales et se réserve le droit d’associer des conditions au transfert de ces fonds aux provinces. Les principaux instruments de transfert sont le Transfert social canadien (TSC) et la Loi canadienne sur la santé. La Loi canadienne sur la santé définit les services minimaux (services médicaux et hospitaliers) que doivent couvrir les régimes provinciaux d’assurance-maladie, exige l’engagement à l’égard de cinq principes (universalité, accessibilité, intégralité, transférabilité et gestion publique) et arrête les conditions à remplir, soit l’interdiction de la surfacturation et des frais modérateurs, pour qu’une province reçoive le plein montant du TSC. Ce qu’il ne faut pas oublier, dans le contexte canadien, c’est que ces conditions ne s’appliquent qu’aux services médicaux et hospitaliers – et à certaines interventions de chirurgie dentaire pratiquées dans un hôpital. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, les « services de santé assurés » sont les services hospitaliers, les services médicaux et les services de chirurgie dentaire fournis à une personne assurée, mais n’incluent aucun autre service de santé auquel une personne a droit ou est admissible en vertu d’une autre loi du Parlement ou d’une loi provinciale se rapportant à l’indemnisation des accidentés du travail. Toutefois, chaque province peut définir les autres secteurs qui seront « assurés ». Dans ce contexte, c’est le système de santé provincial qui fait pendant aux systèmes de santé nationaux des autres pays. Cela signifie que, quel que soit le rôle du gouvernement fédéral dans le financement et l’établissement de conditions, toute modification fondamentale aux systèmes de prestation des soins de santé doit être apportée par le gouvernement provincial. C’est pourquoi la plus grande partie de notre analyse porte principalement sur ce qui se passe à l’échelon provincial. Un aperçu général des systèmes provinciaux sera suivi d’un résumé des réformes organisationnelles. Compte tenu des différences subtiles qui apparaissent dans les réformes structurelles, notre examen portera sur quatre structures organisationnelles générales différentes, représentatives des modèles d’intégration en évolution : intégration horizontale et intégration verticale, partielle ou complète : 1. Intégration horizontale des organismes de prestation (hôpitaux) ; 2. Structures au sein desquelles le pouvoir est délégué à l’échelon local ; 3. Régies locales de prestataires de soins de santé ; 4. Organismes de soins de santé indépendants, à intégration verticale complète, procédant par listes.
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Un sommaire des modèles de soins primaires qui font actuellement l’objet d’un débat dans le contexte canadien complète le chapitre. Le contexte global
À l’échelon provincial, les lois sur l’assurance-maladie et autres définissent ce que chaque régime d’assurance-maladie paiera, et dans quelles conditions. En plus des médecins et des hôpitaux, les assurances couvrent les services autres professionnels de la santé, les soins à domicile, les séjours en établissement de soins de longue durée, les médicaments et d’autres programmes. De nombreuses provinces ont étendu leur filet de protection pour offrir un système de santé assez global et complet, « de la naissance à la mort », ou « du bien-être à la maladie ». Toutefois, cette couverture varie légèrement d’une province à l’autre. Les fonds viennent de transferts fédéraux et des impôts provinciaux. Certaines provinces ont eu recours à la perception de cotisations pour compléter les recettes fiscales, afin de se constituer une caisse centrale d’assurance-maladie ou un budget de la santé. Les provinces ont tendance à allouer les fonds à divers secteurs en fonction d’une série de règles particulières. Alors que les médecins sont payés à l’acte, les services hospitaliers disposent de budgets globaux, et les appareils et accessoires fonctionnels sont subventionnés selon un pourcentage donné. Historiquement, le financement a été réparti directement entre les prestataires individuels et les établissements à partir du budget de la santé du gouvernement provincial. Ce monopsone, ou financement par un seul payeur, a favorisé le développement de lourdes bureaucraties centrales pour administrer et gérer chaque système distinct (organisation en tuyau de poêle). Il n’y avait pas d’acheteurs intermédiaires, de détenteurs de budget ni d’organisme de planification et de prestation des services de santé à intégration verticale. Au niveau provincial, la mise en place graduelle des programmes d’assurancemaladie universels, dans les années 1960, s’est faite dans le respect des structures existantes, comme les corporations de médecins propriétaires rémunérés à l’acte ou les hôpitaux à but non lucratif constitués en personnes morales, et il a fallu élaborer des règles de financement pour ces entités en fonction des particularités de chacune d’entre elles. Le même principe a été observé pour l’introduction graduelle d’autres secteurs, comme les programmes de médicaments et de soins à domicile. Chaque secteur a été abordé de manière isolée, et des règles particulières de financement et des règlements ont été conçus pour chacun. Le système de données sur la santé était constitué d’informations reçues par le ministère provincial de la santé et était essentiellement lié aux déclarations exigées de chacun des secteurs ou programmes, dont les demandes de remboursement d’actes médicaux, les contacts dans le cas des cabinets fonctionnant par capitation et, pour les hôpitaux, les rapports d’activité et les budgets. Un certain nombre de problèmes persistants ont été mis en évidence par les provinces, dont l’absence de coordination, le morcellement, la trop grande impor tance accordée au secteur hospitalier, au détriment de la médecine communautaire,
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et la nécessité d’une plus grande maîtrise des coûts ainsi que de la participation et de la planification à l’échelon local2. Un certain nombre d’ajustements organisationnels ont donc été apportés, que la plupart des provinces et les observateurs du système ont classé sous la rubrique fonctionnelle de « régionalisation ». Si on les examine de près, les modèles mis en place présentent en réalité une variété de formes structurelles et organisationnelles différentes dans chaque province. De façon générale, toutefois, les modèles correspondent à une aire géographique. Les organismes récents affectent les budgets aux prestataires ou cumulent les fonctions d’établissement de budget et de prestation de services. Comme nous l’avons dit d’entrée de jeu, le présent document n’inclut pas une analyse approfondie de la décentralisation, de la délégation de pouvoirs, de la déconcentration ou autres aspects de la régionalisation. Toutefois, nous nous repor terons à cette perspective dans la mesure où elle éclaire la conception organisationnelle. Si l’expérience de nombreux autres pays se reproduit au Canada, plusieurs des modèles introduits aujourd’hui seront en fin de compte remis en question et pourraient bien évoluer, passant de modèles à assise géographique à des modèles plus flexibles procédant par liste.
Aperçu provincial
Dans la présente section, nous présentons un résumé des réformes organisationnelles provinciales à partir desquelles les modèles généraux seront dégagés. Toutes les pro vinces, à divers degrés, explorent des stratégies d’intégration de services. La plupart poursuivent cet objectif par la mise en place de types de changements similaires, s’appuyant sur la région géographique, qui constituent en gros des variantes des régions et des conseils régionaux. On observe sommairement trois schémas : – division d’une province en régions ; – subdivision des régions en sous-régions, dotées de conseils de district ; – organisation des régions en deux grands sous-secteurs – le secteur des éta blissements (hôpitaux) et le secteur des services communautaires –, qui peuvent se chevaucher géographiquement. Par ailleurs, plusieurs provinces ont examiné – et au moins une envisage sérieu sement de mettre en place – un modèle organisationnel non géographique, procédant par listes, qui n’est pas sans analogie avec les tendances observées dans d’autres pays. Les caractéristiques organisationnelles retenues pour chaque province sont présentées ci-dessous (Réforme provinciale du système de santé au Canada, 1996). • Alberta – Dix-sept autorités sanitaires régionales, responsables de la planification, de la répartition des ressources et de la gestion des services de santé dans le cadre de budgets plafonnés.
2. Un sommaire plus détaillé des objectifs adoptés par le système pour corriger ces problèmes est présenté à la section « Principales caractéristiques des modèles intégrés dans le contexte canadien ».
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• Colombie-Britannique – Deux niveaux de régions. Une vingtaine de régies régionales de la santé planifient et coordonnent les services de santé à l’échelon régional, ont la haute main sur la planification des projets d’immobilisation, administrent un budget régional de la santé, répartissent les fonds entre les conseils de santé communautaire et facilitent la collaboration entre les ministères provinciaux lorsqu’il s’agit de problèmes de santé régionaux. Quatre-vingts conseils de santé communautaire définissent les priorités locales en matière de santé, planifient, coordonnent et gèrent les services sanitaires locaux (y compris les hôpitaux), assurent l’accès aux services de base et veillent à ce que ces services soient conformes aux normes provinciales. • Manitoba – Dix secteurs géographiques approuvés pour la planification et la prestation de services communautaires. • Nouveau-Brunswick – Huit sociétés hospitalières régionales, chargées de la planification et de la répartition des ressources pour les services hospitaliers et les services médicaux à l’échelon régional. Une neuvième société a été créée pour l’hôpital extra-muros, qui offre des services à domicile. • Terre-Neuve – Deux structures régionales parallèles distinctes. Quatre régies régionales de la santé communautaire coordonnent, gèrent et assurent la prestation de services communautaires pour ce qui est de la promotion et de la protection de la santé, des soins prolongés, de la santé mentale, de l’alcoolisme et de la toxicomanie. Huit régies régionales des établissements de santé ont la haute main sur les soins dans les hôpitaux et dans les foyers de soins infirmiers. • Nouvelle-Écosse – Deux niveaux de régions. Quatre régies régionales de la santé coordonnent et répartissent les ressources sanitaires régionales, évaluent les programmes, administrent et gèrent les hôpitaux, élaborent les plans régionaux de ressources humaines pour le secteur de la santé et établissent des régies de la santé communautaire. Les régies de la santé communautaire planifient et allouent les ressources, et coordonnent en plus tous les services de soins primaires dans leur région, c’est-à-dire les services de santé mentale, les soins à domicile, les soins de longue durée, les services de santé publique et les services de toxicomanie. • Ontario – Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de structures de régie régionale. Les conseils de santé régionaux jouent encore le rôle d’organismes consultatifs de planification. L’accent a été mis sur la prestation de services communautaires et sur la réforme sectorielle, qui touche la restructuration et la rationalisation des hôpitaux, ainsi que la planification opérationnelle pour le traitement du cancer par l’intermédiaire de six réseaux régionaux de soins aux personnes atteintes du cancer. L’intégration verticale est l’objectif visé par la mise en place d’organisations de médecine globale – organismes procédant par listes et financés par capitation, qui intègrent le financement et la responsabilité de tous les services communautaires et en établissement. • Île-du-Prince-Édouard – Cinq régies régionales de la santé et des services sociaux et communautaires, qui planifient et répartissent les ressources et assurent la prestation de services dans les domaines suivants : santé mentale communautaire, hôpitaux, soins de longue durée, services médicaux, foyers de personnes âgées,
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soins à domicile, services de toxicomanie, services infirmiers d’hygiène publique, soins dentaires, logement, services à l’enfance et aux familles, aide sociale, services correctionnels et de probation, centres pour les jeunes. • Québec – Dix-sept régies régionales de la santé planifient et allouent des ressources pour les services sanitaires et sociaux, ainsi que pour les organismes de santé communautaire. • Saskatchewan – Trente régies régionales de la santé dans le sud de la Saskatchewan, ainsi que des régies locales de la santé dans le nord de la province évaluent les besoins, élaborent des plans de santé pour les districts, mettent en place des centres de santé communautaire, intègrent, coordonnent et gèrent les services de santé à l’échelon du district, en s’assurant que ces services respectent les lignes directrices et les normes provinciales. Nouveaux modèles généraux d’intégration à l’échelon de la province
Bien que variées, les réformes qui prennent place dans toutes les provinces peuvent être ramenées à une série de quatre modèles généraux d’intégration horizontale ou d’intégration verticale partielle ou complète (tableau 2). Tableau 2 Modèles provinciaux d’intégration Intégration horizontale Intégration verticale partielle Intégration verticale complète
1. Organismes intégrés de prestataires (hôpitaux) 2. Structures au sein desquelles le pouvoir est délégué à l’échelon local 3. Régies locales des prestataires de services de santé 4. Organismes indépendants de soins de santé à intégration verticale complète procédant par listes
Ces modèles offrent un cadre de référence pour la comparaison avec les modèles des autres pays examinés et illustrent dans quelle mesure les principaux éléments des modèles de soins primaires à intégration verticale existent déjà à l’intérieur de notre système de santé. Intégration horizontale Modèle 1 – Intégration horizontale d’organismes de prestataires (hôpitaux)
L’intégration horizontale (figure 2) s’est faite essentiellement dans le secteur hospitalier, et à deux niveaux. Le premier type d’intégration a été le fruit de la rationalisation régionale et des fusions d’hôpitaux de région, qui ont touché à la fois les grandes régions
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métropolitaines et les plus petites collectivités. L’autre niveau a trait à la «régionalisation » à l’échelle de la province, qui s’est accompagnée d’une intégration horizontale (ou regroupement) de tous les hôpitaux d’une région en une société unique, dotée de plusieurs divisions hospitalières ou satellites. Les principales caractéristiques sont les suivantes : • Un conseil d’administration unique remplace les conseils antérieurs, qui ont fusionné pour constituer une nouvelle personne morale ; • Les budgets, auparavant distincts, ont été regroupés en un budget central pour l’ensemble de l’organisme ; • Le nouvel organisme dirige tous les hôpitaux de la région ; • L’organisme désigne le personnel médical régional, surveille la titularisation des médecins et approuve leurs privilèges ; • L’organisme coordonne les ressources dans toute la région et assure leur utilisation efficace et efficiente. Ce type de regroupement se fait pour diverses raisons. Il permet d’améliorer l’efficience, de réduire les doubles emplois, d’obtenir plus d’uniformité dans les pratiques à l’intérieur des régions ou des provinces, de mettre davantage l’accent sur la planification et les procédures de prestation de services et, en fin de compte, de rationaliser et de simplifier l’ensemble de l’organisme – au bénéfice des patients, des prestataires et des contribuables – pour mieux répondre aux besoins de la collectivité en matière de soins de santé. Les organismes hospitaliers régionaux du NouveauBrunswick offrent un exemple d’intégration horizontale (sectorielle).
Intégration verticale
L’intégration verticale partielle apparaît dans l’effort systématique qui est fait à l’échelle de la province pour regrouper divers programmes sous l’égide d’une seule régie de la santé, mais on la retrouve également à plus petite échelle au niveau local. Ces modèles à intégration verticale sont dits partiels étant donné qu’aucun n’inclut la gamme complète de services de santé et le financement, et que la plupart, sinon tous, excluent les médecins qui ont tendance à conclure des conventions de groupe ou à titre individuel avec le gouvernement. Un organisme à intégration verticale complète inclurait la responsabilité de tous les services, de même que le financement pour en assurer la prestation. Le gouvernement transfère des fonds aux nouveaux organismes par l’intermédiaire d’un budget global ou d’une « enveloppe », qui regroupe les budgets préexistants qui allaient de pair avec les prestataires et les programmes dont l’organisme assume la responsabilité. La plupart des organismes en place explorent ou mettent en œuvre le financement par capitation pour assurer une plus grande équité de répartition, en adoptant la pondération en fonction de l’âge et du sexe. Tous envisagent un ajustement en fonction des besoins ; toutefois, il n’y a pas eu de consensus sur la stratégie à adopter. Nombre d’entre eux s’intéressent aux indicateurs axés sur la mortalité, comme les ratios standardisés de mortalité. D’autres explorent des indices de désavantage relatif, comme les niveaux de revenu, ou des facteurs socioéconomiques, comme le nombre de mères
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Spécialistes
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Professionnels de la santé
Spécialistes
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Professionnels de la santé
Professionnels de la santé
Généralistes
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Professionnels de la santé
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Spécialistes
Hôpital
Soins à domicile
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Professionnels de la santé
Généralistes
Spécialistes
Hôpital
Soins à domicile
Foyer de soins infirmiers
Professionnels de la santé
Généralistes
Spécialistes
Hôpital
Soins à domicile
Foyer de soins infirmiers
Professionnels de la santé
Généralistes
Spécialistes
Hôpital
Soins à domicile
Foyer de soins infirmiers
1. Intégration horizontale – exemple d’organisme possédant plusieurs hôpitaux. 2. Intégration verticale – exemple d’organisme possédant tous les éléments du système de prestation. Remarque : 2. Illustre également un organisme unique exerçant une responsabilité intégrée et administrant le financement de « tous » les secteurs de service du système de santé, lorsque cet organisme peut choisir de posséder des éléments du système de prestation ou de les obtenir par contrat.
Hôpital
Hôpital
1.
Soins à domicile
Soins à domicile
Foyer de soins Foyer de soins infirmiers infirmiers
Intégration horizontale et intégration verticale
Figure 2
2.
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célibataires. Les écarts régionaux sont également envisagés dans la pondération des formules de calcul de la capitation. Un autre type de facteurs entrant en ligne de compte a trait à la façon dont la capitation s’applique à une situation donnée. La question de savoir si ce système est utilisé pour le financement d’un organisme qui finance ensuite les prestataires s’acquittant de leurs responsabilités à l’intérieur d’un territoire géographique particulier, ou pour le financement d’un organisme qui assumera tous les coûts de la santé à l’échelle provinciale ou à une plus grande échelle pour la population au service de laquelle il est affecté joue un rôle déterminant dans les différents paramètres, valeurs et risques associés à la formule de calcul de la capitation. Tous les modèles à intégration verticale en cours ou envisagés, au Canada, ont une assise géographique, à l’exception d’un seul – c’est-à-dire que les organismes assument la responsabilité de la santé d’une population dans une région donnée et le financement de prestataires de services de santé spécialement désignés qui se trouvent à l’intérieur du territoire en question. L’analyse qui suit présente deux exemples de ce genre. Modèle 2 – La structure au sein de laquelle le pouvoir est délégué à l’échelon local
Selon ce modèle, certains pouvoirs du ministère de la Santé sont délégués à une autorité publique locale, ayant une assise géographique (figure 8). Elle constitue une entité quasi gouvernementale régionale, à intégration verticale partielle, analogue à une commission scolaire. Ses principales caractéristiques sont les suivantes : • L’autorité remplace le gouvernement central en tant que source de financement des prestataires de santé locaux à l’intérieur de son territoire. Toutefois, dans la plupart des cas, la responsabilité tend à exclure les services de médecin, de même que les programmes et les établissements spécialisés. • L’autorité est une entité distincte des prestataires de sa région. Les hôpitaux et les autres prestataires sont intacts et conservent leur propre conseil d’administration et leur structure administrative, ou sont situés dans une sous-région. • L’autorité évalue les besoins sanitaires de la population de sa région, dans le cadre de son processus de planification et, d’après ce plan, affecte les budgets à des sous-régions ou à des prestataires. • Dans l’attribution des budgets aux prestataires, l’autorité ne négocie pas de services particuliers ni de contrats avec les établissements. Elle n’est pas un organisme de passation de marchés. • Le financement repose à l’origine sur des budgets locaux regroupés, ou enve loppes budgétaires. L’objectif final est d’en arriver à un financement par capitation reposant sur la population et lié au coût des services à l’intérieur de la région. • Il n’y a pas d’inscription ni d’établissement de listes de la population à l’intérieur des frontières géographiques de l’organisme régional. • L’autorité peut activement encourager la mise en place de centres de soins primaires.
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Figure 8 Autorité locale à laquelle les pouvoirs sont délégués
Ministère de la Santé Hôpitaux
Médecins
Soins à domicile
Autres
1 Hôpitaux
Médecins
Soins à domicile
Ministère de la Santé
Autres
Médecins
Autorité locale
Autorité locale
Autorité locale Hôpital
Soins à domicile
Autres
2 Hôpital
Soins à domicile
Autres
1. Ancien système. 2. Transfert de la responsabilité à des autorités locales ayant une assise géographique, ainsi que de fonds aux prestataires (sans compter les médecins à cette étape de la mise en place).
Les régies régionales de la santé de la Colombie-Britannique offrent un exemple de ce modèle. Modèle 3 – La régie locale de prestataires de soins de santé
Cette structure est généralement le résultat de regroupements d’hôpitaux locaux et de programmes parrainés par le gouvernement intégrant, à un degré moindre, des ententes
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subséquentes avec des prestataires locaux qui n’étaient pas regroupés dans la région, au départ (figure 9). Les principales caractéristiques sont les suivantes : • Un seul conseil d’administration remplace les conseils d’administration anté rieurs des hôpitaux, des autres établissements et des organismes de gestion de programmes regroupés pour former un nouvel organisme unique, qui administre plusieurs divisions ou satellites (établissements ou entités chargées de la gestion de programme) ; • Les budgets, auparavant distincts, sont regroupés sous la direction du nouveau conseil central ; • Le financement est fondé à l’origine sur les budgets locaux regroupés, ou enveloppes budgétaires. L’objectif ultime est d’en arriver à un financement par capitation, fondé sur la population et rattaché au coût des services dans la région ; • L’affectation du budget est un exercice « interne ». Les budgets sont établis par l’administration ou le conseil central et affectés aux hôpitaux satellites, ainsi qu’aux divisions de soins de longue durée et autres. Les personnes qui dirigent les divers établissements et programmes regroupés sont des employés de l’organisme intégré ; • La responsabilité des services de santé est limitée aux services qui existaient aupa ravant, qui ont été regroupés ou rattachés, sur le plan organisationnel et financier, à la régie de la santé ; • On évalue les besoins en services de santé de la population de la région pour déterminer la répartition pertinente des ressources et la coordination avec d’autres prestataires ne relevant pas de la compétence de la régie régionale (p. ex. médecins) ; • De façon générale, les secteurs géographiques sont définis par la province ou par la population et les prestataires locaux. Cette approche tend à être appliquée à l’échelle provinciale, mais, dans au moins une région, les collectivités explorent elles-mêmes ce type de regroupement. Elles fonctionnent à l’intérieur d’un contexte pluraliste, sans aucune garantie que la formule sera adoptée à l’échelle provinciale. Certaines envisagent à la fois des regroupements et des liaisons fonctionnelles pour atteindre leurs objectifs ; • Il n’y a pas d’inscription ni d’établissement de listes de la population à l’intérieur des limites géographiques du territoire relevant de l’organisme régional ; • La régie locale des prestataires de services de santé peut activement encourager la création de centres de soins primaires. Les régies régionales de la santé de la Saskatchewan sont un exemple de ce modèle. Les modèles 2 et 3 représentent une intégration partielle, dans la mesure où tous les secteurs du système de santé n’ont pas été regroupés. Bien que les autorités prennent généralement en charge la définition des besoins de la population en matière de santé, elles ne sont pas responsables, sur le plan organisationnel ou financier, des services de médecin ou de diagnostic, non plus que des établissements spécialisés auxquels la population a accès à l’extérieur de leur secteur géographique. Ces autorités doivent
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Figure 9 Régie locale de santé
Ministère de la Santé Hôpitaux
Soins à domicile
Médecins
Autres
1 Hôpitaux
Soins à domicile
Médecins
Autres
Ministère de la Santé
Médecins
Régie locale de la santé
Régie locale de la santé
Alloue
Alloue
Fournit
Fournit
Régie locale de la santé Alloue
2
Fournit des services
(p. ex. hôpitaux, soins à domicile, soins de longue durée)
1. Ancien système. 2. Transfert d’un budget intégré à des organismes à intégration verticale partielle ayant une assise géographique, chargés de la prestation directe de certains services (généralement à l’exclusion des médecins).
également régler les problèmes liés aux conflits potentiels inhérents à la définition des besoins sanitaires de la population, au financement des prestataires qui répondent à ces besoins dans leur région et aux mouvements de patients interterritoriaux.
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Modèle 4 – Organisme indépendant à intégration verticale complète, procédant par listes
Ce modèle intègre des caractéristiques fondamentales du système de santé, qu’il regroupe et élargit pour couvrir la gamme complète de responsabilités, de services et de financement en vue de la fourniture de tous les services requis par sa population (figures 10 et 11). Ce qui le distingue, c’est qu’il est un organisme indépendant, non gouvernemental, constitué en personne morale et qui sert une population inscrite (liste) plutôt qu’une région géographique définie. Cet organisme possède une intégration verticale complète, dans la mesure où il a la responsabilité d’assurer le financement et la prestation de tous les services assurés ou financés à l’échelle provinciale (en les fournissant directement ou en les achetant). Les autres caractéristiques importantes de ce modèle sont les suivantes : • L’organisme est une société à but non lucratif analogue à la plupart des hôpitaux. Il possède un conseil d’administration, une structure administrative et des statuts qui définissent le cadre de ses obligations à l’égard des principes et des normes régissant les soins de santé. • Il n’existe pas de frontières géographiques imposées à l’intérieur d’une province. • Les personnes sont inscrites auprès de l’organisme de leur choix. La population inscrite pourrait être une partie quelconque de la population globale, de même que des groupes particulièrement définis qui choisissent de se rassembler sur une liste, comme une nation autochtone, une minorité ethnique ou une population ayant des besoins sanitaires spéciaux, telles les personnes séropositives ou atteintes du sida. • L’organisme est responsable de tous les services de base – c’est-à-dire les prestations et services définis, habituellement financés par le gouvernement central. • L’accent est mis sur les soins primaires afin de favoriser une démarche par équipe relativement à la fourniture des services, et pour faire le meilleur usage possible du prestataire le mieux à même de répondre à un besoin donné d’un membre inscrit. • L’organisme a l’autonomie voulue pour assurer sa responsabilité de fourniture directe ou d’achat des services afin de satisfaire les besoins prévus de sa population inscrite. Cela signifie qu’aucune norme ne lui est imposée en ce qui a trait aux relations organisationnelles ou financières avec les prestataires. L’organisme peut choisir d’acheter tous les services, en se contentant de négocier simplement les contrats avec les prestataires. Rien ne l’empêche, par ailleurs, d’explorer la possibilité d’engager des prestataires ou de se regrouper avec des prestataires à l’échelon local, de façon à fournir directement des services à ses membres inscrits. • Le financement par capitation est assuré à l’échelle provinciale pour tous les services, de façon à ce que l’organisme puisse assumer la responsabilité financière de ses membres inscrits, quel que soit l’endroit où ils ont accès aux services sur le territoire provincial et même, éventuellement, à l’extérieur. • L’organisme doit tenir à jour un système d’information complet, où seront consignés tous les contacts – phases de soins ou de service.
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Figure 10 Organisation de médecine globale (OMG)
Ministère de la Santé
Organisation de médecine globale
Organisation de médecine globale
2 1 Organisation de médecine globale Acheteur
Prestataires indépendants conventionnés
3 Prestataire
1. et 2. Transfert d’un financement par capitation pondérée pour « tous » les services d’une organisation de médecine globale procédant par listes. 2. Illustre le fait qu’une population rurale, une Première Nation autochtone ou un groupe donné choisissant de dresser des listes et de mettre en place son propre organisme pourrait aboutir à un monopole géographique naturel. 3. L’OMG achète ou fournit les services nécessaires en s’appuyant sur la relation organisationnelle la plus appropriée avec les prestataires.
• La conception organisationnelle est souple. Grâce à son autonomie, l’organisme dispose de la souplesse nécessaire pour déterminer les relations organisationnelles et financières les plus appropriées avec les prestataires et pour s’adapter aux besoins de sa population définie (p. ex. pour tenir compte de besoins ruraux ou urbains particuliers). Le système à intégration verticale complète des organisations de médecine globale (OMG) est actuellement en cours d’implantation en Ontario, et des modèles se développent ou sont lancés, à l’heure actuelle, dans plusieurs collectivités. La Saskatchewan a déjà envisagé un modèle analogue, et ce modèle est à l’étude en Colombie-Britannique et au Québec (où une variante de l’OMG porte le nom d’OSIS).
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Figure 11 Système de santé reposant sur une OMG
Gouvernement
Prestations
Budget de la santé
Capitation
OMG Justification de l’emploi des fonds/responsabilité relativement à l’évaluation des besoins et à la fourniture ou à l’achat de services appropriés
Population inscrite Membres/patients Participation au conseil d’administration et aux comités Liberté de choix/sortie
Soins primaires
Récemment, le débat sur la réforme organisationnelle s’est polarisé sur la priorité accordée dernièrement aux organismes de soins primaires, en raison notamment d’une prise de conscience de leur potentiel en tant que module essentiel dans le développement d’organismes de santé à intégration verticale complète. Les soins primaires ont été définis de diverses façons :
Il s’agit du niveau de soins par lequel on pénètre dans le système de santé pour y recevoir des services de base. Tous les services de santé sont mobilisés et coordonnés à ce niveau [Andreopoulos, 1974]. Les soins de santé primaires sont des soins essentiels rendus universellement accessibles aux personnes et aux familles de la collectivité par des mécanismes
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acceptables, avec leur entière participation et à un coût que la collectivité et le pays peuvent se permettre d’assumer […] Ces soins font partie intégrante du système de santé d’un pays : ils en constituent le noyau […] C’est le premier niveau de contact des personnes, des familles et de la collectivité avec le système national de santé qui se situe aussi près que possible de l’endroit où les gens vivent et travaillent et qui constitue le premier élément d’un processus de soins continu […] Les soins de santé primaires s’attaquent aux principaux problèmes sanitaires de la collectivité et, à ce titre, assurent des services de promotion de la santé ainsi que des services préventifs, curatifs, d’appui et de réadaptation [Organisation mondiale de la santé, 1978].
Les soins médicaux primaires sont ce qui permet d’évaluer un patient au premier contact. Ils incluent la prestation de soins prolongés pour une gamme étendue de problèmes de santé. Les soins médicaux primaires comprennent le diagnostic, le traitement et la gestion des problèmes de santé, la prévention et la promotion de la santé, et un appui permanent, n’excluant pas des interventions familiales et communautaires, au besoin [Association médicale canadienne, 1994]. Modèles de soins primaires
Un certain nombre d’organismes proposent pour le Canada des modèles de soins primaires, qui regroupent généralement les services de généraliste, en plus de ceux d’autres professionnels de la santé travaillant dans les soins primaires. Entre autres propositions intéressantes faisant actuellement l’objet d’une étude attentive dans différentes régions, mentionnons des rapports émanant du Comité consultatif fédéralprovincial-territorial sur les services de santé (p. ex. le rapport Kilshaw ou Victoria), du Collège des médecins de famille du Canada, de l’Ontario Medical Association, de l’Association des centres de santé de l’Ontario et de l’Ontario College of Family Physicians. Bien que la notion de soins primaires occupe depuis longtemps une place importante dans le système, le mouvement actuel en vue de créer de nouveaux modèles a jeté une lumière nouvelle sur les organismes de soins primaires qui constituent le point d’entrée du système de santé. Ces organismes améliorent l’accessibilité, la qualité et la coordination des services et renforcent le dynamisme et l’intégration globale du système de santé. Les principaux éléments des modèles de soins primaires sont les suivants : • Organismes de généralistes – Explicitement ou implicitement, tous les modèles proposés encouragent fortement la présence de généralistes travaillant dans un contexte de groupe, soit en tant que group model, soit à l’intérieur d’un organisme de soins primaires, soit encore dans le cadre d’un réseau de médecins ayant leur propre cabinet. Bien que cela ne soit pas toujours présent ou évident dans certaines des propositions, dans la plupart des modèles, on retrouve posé en principe, à un degré quelconque, que le modèle de soins primaires peut être intégré à un autre organisme ou se constituer en organisme à intégration complète, responsable de l’achat ou de la prestation de soins communautaires, secondaires et actifs à sa population.
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• Équipe pluridisciplinaire – Tous les modèles privilégient ou acceptent le principe d’une équipe pluridisciplinaire de personnel soignant, comprenant des généralistes et autres professionnels de la santé, comme les infirmières de première ligne, les conseillers et les nutritionnistes. Dans ce contexte, la plupart sont en faveur du généraliste jouant le rôle de filtre afin de coordonner l’accès aux soins secondaires et actifs. Parallèlement, certaines des propositions prévoient un accès plus direct aux autres professionnels de l’équipe. • Inscription des patients ou établissement de listes – On constate de plus en plus les avantages de l’inscription des patients ou de l’établissement de listes dans un organisme de soins primaires ou dans un organisme renfermant le modèle de soins primaires. • Financement – La plupart des modèles appuient, sous une forme ou sous une autre, le financement fondé sur la population ou par capitation, pour les cabinets ou organismes de soins primaires. On est de plus en plus conscient que la capitation correspond tout simplement à des rentrées de fonds destinées spécialement à une population inscrite et n’a aucun rapport avec le mode de rémunération des praticiens, sur le plan individuel. La plupart comprennent que ce mode de financement offre la latitude voulue pour explorer un certain nombre de méthodes pour le paiement des prestataires. Les modalités peuvent comprendre des méthodes hybrides, où l’on retrouve le salaire de base, mais aussi la rémunération à l’acte, qu’il est possible de préserver en totalité ou sur une base proportionnelle, le tout modulé avec un financement reposant sur le rendement ou d’autres incitations. Le simple fait de reconnaître qu’il est possible de mettre en place diverses modalités financières, d’une manière novatrice, pourrait éventuellement conduire à une meilleure compréhension des possibilités inhérentes à un financement par capitation, à intégration verticale complète, pour tous les services de santé destinés à une population inscrite. • Services de base, y compris la prévention et la promotion de la santé – Les services de base, dans un contexte de soins primaires, comprennent la prévention et la promotion de la santé, le diagnostic et le traitement de la maladie, les soins d’urgence, l’accessibilité 24 heures sur 24 et la gestion des maladies chroniques. L’existence d’une série de services de base favorise l’uniformité des normes à l’intérieur du système, ce qui n’est pas sans inciter les prestataires à l’uniformité et améliore la fiabilité pour les consommateurs. • Dossiers et données – On constate de plus en plus que l’utilisation d’un système d’établissement de listes permet d’obtenir des données précises d’excellente qualité qui, pour peu qu’elles soient bien tenues à jour, pourraient produire une information plus exacte pour l’établissement des coûts. En outre, un dossier sanitaire électronique centralisé pourrait fournir des données regroupées, non personnalisées, au système régional, provincial ou national, qui en retour communiquerait des informations pratiques et utiles à tous les organismes de soins primaires du système.
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• Administration de budget et potentiel du financement par capitation – Un certain nombre de modèles proposés reposent sur l’idée que les organismes de soins primaires pourraient prendre en charge des services de base supplémentaires et des prestations, comme les médicaments, les services de spécialistes, les hôpitaux et les soins à domicile, et que le financement par capitation pourrait leur permettre de négocier les contrats de ces services. Cette décision ferait progresser ces organismes dans la voie de l’intégration verticale3. Les provinces et les territoires participent tous à l’examen et au développement de modèles de soins primaires appropriés pour le Canada. Sommaire des caractéristiques des nouveaux modèles – Canada Modèles d’achat
À cette étape du développement, deux modèles d’achat sont envisagés : – le modèle des organisations de médecine globale (OMG) à intégration verticale complète ; – les organismes de généralistes ou de soins primaires, si on leur accordait des fonds supplémentaires par capitation pour l’achat.
Principales caractéristiques Organisme indépendant à intégration verticale complète (OMG) procédant par liste
• C’est un organisme à but non lucratif. • Il est financé selon une formule de capitation pondérée. • Il sert une population de personnes inscrites qui sont libres d’adhérer à l’orga nisme et d’en sortir. Si une personne choisit un autre organisme, le financement correspondant la suit. • Il compte 50 % de représentants des inscrits au nombre des membres de son conseil d’administration, élu ou nommé, et de ses principaux comités. • Il est responsable de toutes les prestations et de tous les services de base définis par le régime de santé provincial.
3. Les sources de la section de soins primaires sont les suivantes : Association des centres de santé de l’Ontario, 1995 ; Birch et al., 1994 ; Association médicale canadienne, février 1994 ; le Collège des médecins de famille du Canada, mars, mai et septembre 1995 ; Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur les services de santé, juillet 1995 ; Forster et al., septembre 1994 ; Ontario College of Family Physicians, mars 1995 ; Ontario Medical Association, février 1996.
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• Il planifie les besoins de la population et les besoins en matière de ressources, et surveille et évalue le rendement. • Il fournit ou achète les services nécessaires et dispose de la souplesse voulue pour rechercher les relations organisationnelles et financières les plus appropriées avec les prestataires et peaufiner la formule retenue. Il peut être propriétaire d’une certaine capacité de prestation de soins à l’intérieur de l’organisme ou négocier divers contrats avec des prestataires de l’extérieur. Organisme de généralistes ou de soins primaires doté du pouvoir d’achat
• C’est un cabinet privé ou un organisme constitué en personne morale (p. ex. centres de soins communautaires CSC). • S’il est constitué en personne morale, il est doté d’un conseil d’administration (centres de soins communautaires ou organismes de services de santé de l’Ontario). • Il est responsable des généralistes et des soins primaires, ainsi que de tout service de base supplémentaire approuvé (p. ex. médicaments, hôpital, spécialistes). Réglementation et orientation des pouvoirs publics
Les gouvernements : – sont les seuls organismes payeurs financés par des fonds publics ; – explorent le financement par capitation de l’ensemble ou d’une partie du système de santé ; – explorent l’intégration verticale par les initiatives de régionalisation et les OMG (débat en cours et mise en œuvre). – mettent actuellement l’accent sur les soins primaires.
Autre intégration
Les autres formes d’intégration en cours sont les suivantes : – divers types de modèles à intégration horizontale et verticale ayant une assise géographique, analogues aux modèles publics intégrés, dans la mesure où ils fournissent des services (sauf la plupart des services de « médecin ») mais ne les achètent pas ; – intégration horizontale et verticale qui se fait jour, à la fois par les modalités fonctionnelles et les regroupements d’organismes, touchant essentiellement les hôpitaux, seuls ou avec d’autres. Ces structures organisationnelles sont à l’étude ou en cours d’expérimentation, de façon restreinte dans certaines régions.
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Rôle des soins primaires et du généraliste
On observe un puissant mouvement en faveur de la mise en place de modèles de soins primaires. PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES MODÈLES INTÉGRÉS
L’objet de la présente section est de mettre en lumière les principales caractéristiques et de résumer les grandes tendances du remodelage du système de santé dans les pays examinés, en particulier ceux qui comprenaient des variantes de modèles intégrés. Dans les lignes qui suivent, nous analysons et interprétons un certain nombre de conséquences de ces caractéristiques, compte tenu de l’avenir que l’on entrevoit pour le système de santé du Canada. D’autres questions sur la primauté des soins primaires sont mentionnées pour étude. Physionomie des changements
À l’heure actuelle, les réformes ont débouché sur des tendances et des schémas de remodelage qui ont fondamentalement modifié les pratiques et les structures passées, introduisant une nouvelle dynamique dans le système. De cette première vague de changements émergent de nouveaux rôles et de nouvelles responsabilités et perspec tives pour les systèmes de santé. Qui plus est, ces nouveaux schémas ont impulsé des mécanismes qui semblent plus appropriés pour le fonctionnement des systèmes de santé et produisent de meilleurs résultats, tout en protégeant leur intégrité sociale. Des caractéristiques comme l’intégration, l’achat, le financement par capitation, l’établissement de listes de population et l’adoption d’un comportement introduisant la concurrence et la collaboration contribuent toutes à une évolution caractérisée par la prise en charge d’un ensemble de responsabilités plus complet et l’apparition d’un nouvel équilibre entre le secteur public et le secteur privé. Ces caractéristiques se combinent et sont interdépendantes, pour constituer une assise sur laquelle s’édifient les nouveaux organismes. En ce qui a trait aux structures organisationnelles, disons, pour résumer, que les modèles à assise géographique sont en transition et que tous les pays ont mis en place une certaine forme de modèle organisationnel à intégration verticale, procédant par listes. L’intégration semble l’une des caractéristiques et des tendances les plus importantes de la réforme récente. Le Nouveau petit Robert définit l’intégration comme « la coor dination des activités de plusieurs organes, nécessaire à un fonctionnement harmo nieux ». L’intégration est à la fois un moyen et une fin dans la réforme, qui se produit par dessein et de manière naturelle sous l’impulsion d’autres facteurs. L’intégration des ressources de soins de santé exerce une influence non négligeable, qui va croissant dans tous les pays que nous avons examinés ; cette influence touche plusieurs aspects, dans la mesure où elle implique une convergence des soins de santé, de la politique, de la conception organisationnelle, de l’exercice de la profession médicale et paramédicale, de l’éthique et de la réflexion systémique qui semble redonner de la vitalité aux parti
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cipants, à tous les niveaux. En tant que stratégie, l’intégration verticale a été empruntée à l’industrie et aux pratiques de gestion et adaptée comme instrument de gestion pour améliorer la productivité, la justification de l’emploi des fonds et le contrôle de la qualité. Elle se produit souvent à la suite de pressions réglementaires, économiques et de marché, comme on peut en observer au Canada et dans tous les autres systèmes à l’étude. En fin de compte, une plus grande intégration du service, du financement et de la responsabilité devrait se révéler avantageuse pour le patient-consommateur, en améliorant la qualité globale et la continuité des services fournis par le système de santé, et devrait être à l’avantage du contribuable en raison de l’efficience et du meilleur rapport qualité-prix qu’elle introduit. L’achat est apparu comme une fonction importante, qui introduit une nouvelle dynamique dans les systèmes de santé. Cette activité implique la négociation de contrats particuliers avec les prestataires, la définition des responsabilités et le paiement, ce qui est très différent d’un système où l’on se contente de répartir les fonds en conformité avec des règles prescrites. Bien que cette activité ait toujours fait partie du système américain, elle vient de faire son apparition dans les autres pays et représente une nouvelle orientation stratégique en soi, introduisant une plus grande autonomie, qui va de pair avec un comportement d’entreprise au niveau microéconomique du système, et remettant en question les méthodes antérieures. Dans le contrat d’achat, on convient d’un prix ou d’une valeur des services, ainsi que de la nécessité d’agir avec efficacité pour atteindre les objectifs fixés. La dynamique en sous-œuvre dans l’exécution d’un contrat motive et rend obligatoire la réalisation des objectifs jugés souhaitables, comme une attention accrue aux patients, aux prix et aux coûts, l’autonomie associée à la responsabilité et à la justification de l’emploi des fonds, une réceptivité accrue dans toutes les relations et l’importance accordée au service. Toutes ces caractéristiques, convenablement équilibrées, créent les conditions d’un système plus dynamique et modulable. L’introduction d’une plus grande liberté favorise une ouverture au changement et à l’innovation au service des membres et dans le développement de nouvelles relations organisationnelles et financières parmi les acheteurs et les prestataires et entre eux (Marriott, 1993-1994). Concurremment, les exigences d’achat servent de catalyseur pour une plus grande intégration, comme l’illustre l’évolution des stratégies des prestataires face au contexte des acheteurs. Les prestataires, en tant que contractants indépendants, intègrent leurs services de manière stratégique pour attirer et conserver des contrats avec les acheteurs. Cette intégration a pris diverses formes. Certains ont fusionné avec leurs concurrents directs (p. ex. hôpitaux avec hôpitaux) pour former des organismes à intégration horizontale. Certains organismes à intégration horizontale se cantonnent dans un secteur géographique, alors que d’autres constituent des réseaux dans toute une région, une province ou un pays pour obtenir une part de leur marché spécialisé. D’autres s’efforcent de parvenir à une intégration verticale pour étendre leurs services. Certains organismes ne regroupent que des médecins et des hôpitaux (p. ex. les organismes médecins-hôpitaux des États-Unis), alors que d’autres s’efforcent de construire des organismes de prestataires offrant tous les services. En plus des volets médecins et hôpitaux, ces organismes intègrent des soins communautaires, des services
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de diagnostic et autres sous leur égide. La stratégie consiste à attirer et à servir une part plus importante de la clientèle et à offrir un « guichet unique » aux acheteurs et aux patients. Et cela ne représente qu’un domaine de l’activité des prestataires stimulée par l’évolution vers un contexte d’achat. Parmi ces réformes, le virage systémique le plus stimulant est l’évolution vers des organismes regroupant acheteurs et prestataires, laquelle est analysée ci-dessous.
Les étapes du remodelage organisationnel
Les paragraphes qui suivent résument trois étapes notables de l’évolution du remodelage organisationnel dans les pays examinés, étapes qui sont toutes à l’origine de la création de modèles ayant évolué vers un plus haut degré d’intégration des fonctions et du financement, pour aboutir à des organismes à intégration verticale, dotés de financement et responsables des populations inscrites. Étape 1 Passage d’une autorité géographique de premier plan, qui contrôle le financement, la répartition des fonds et la prestation de services, à une formule où acheteur et prestataire sont séparés – Les autorités géographiques perdent la prestation de services au profit de prestataires indépendants ; la responsabilité de financement, qui était autrefois une activité d’affectation de fonds, devient une fonction d’achat. Conséquences – Les fonds suivent les patients ; le financement par capitation s’appuie sur les données du recensement démographique.
Au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, le gouvernement a démantelé les entités publiques à assise géographique qui avaient la haute main sur le financement, la répar tition des fonds et la prestation de services. Elles étaient des autorités ou des com missions régionales ou municipales (ou un gouvernement supérieur), responsables de l’affectation des fonds au sein de leurs organismes, pour la prestation directe de services, laquelle relevait également de leur compétence. Ces organismes ont été remplacés ou ont vu leur rôle évoluer, de sorte qu’ils constituent maintenant des acheteurs ayant une assise géographique bien définie, qui négocient des contrats avec des prestataires indépendants (DHA en Angleterre et RHA en Nouvelle-Zélande). Les autorités n’ont désormais plus de rôle à jouer dans la prestation de services. Le concept a gagné quelque peu le Royaume-Uni, dans la mesure où les autorités acheteuses (DHA) ne sont plus obligées d’acheter les soins exclusivement de prestataires situés dans leur région, mais peuvent les acheter de tout autre prestataire du pays. Les DHA et les RHA reçoivent leur financement selon une forme de capitation établie d’après les données du recensement démographique (et non d’après une popu lation inscrite particulière). Elles négocient à leur tour des contrats avec des prestataires indépendants, qui assurent la prestation de services. C’est ce que nous avons défini comme un système où prestataire et acheteur sont séparés. De nombreuses raisons
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ont motivé un changement dans cette direction, dont la nécessité de lutter contre l’inertie, l’allongement des listes d’attente, un choix restreint et la tendance des systèmes administratifs « à devenir paperassiers et insensibles au public », ce qui débouche sur l’insatisfaction des consommateurs (Chernichovsky, 1995).
Étape 2 Passage d’une structure où les acheteurs ont une assise géographique à une structure où les acheteurs procèdent par liste Conséquences – Les fonds suivent les patients ; la capitation est fondée sur des populations particulières, inscrites auprès des prestataires (notion de liste).
La notion de liste ou d’inscription des patients auprès d’un prestataire particulier et (ou) d’organismes acheteurs apparaît comme une deuxième étape à souligner. La séparation acheteur-prestataire existait déjà aux Pays-Bas, sous la forme de caisses d’assurance-maladie ayant une assise géographique. Les Pays-Bas ont connu des problèmes qui n’étaient pas très différents de ceux soulevés par les autorités publiques ou les commissions ayant une assise géographique au Royaume-Uni et en NouvelleZélande. Pour y remédier, ils ont transformé la fonction de leurs caisses d’assurancemaladie, qui sont passées de monopsones géographiques (un seul payeur à l’intérieur d’un secteur géographique défini) à des organismes procédant par liste et entrant en concurrence avec d’autres caisses d’assurance-maladie du pays pour inscrire des patients sur leurs listes et les servir. Étape 3 Passage à des formules mixtes acheteur-prestataire procédant par liste Conséquences – Le principe de la responsabilité d’achat déléguée à des prestataires indépendants favorise l’abandon de structures géographiques au profit de structures de service à une population inscrite ou rattachée à une liste.
Au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, les organismes de prestataires procédant par liste assument une responsabilité d’achat, comme l’illustrent les géné ralistes détenteurs de budget au Royaume-Uni, et les généralistes et les modèles de type HMO en Nouvelle-Zélande. Les généralistes détenteurs de budget ont tendance à se regrouper en cabinets d’administration de budget au Royaume-Uni, alors qu’en Nouvelle-Zélande divers organismes dirigés par des généralistes et autres organismes de soins intégrés élaborent des listes de population, au fil de leur évolution vers un financement par capitation et de la prise en charge de l’achat des soins, de même que de la prestation. Ce qui caractérise cette étape de changement, c’est l’émergence d’un comportement concurrentiel légitime au sein des organismes du modèle acheteur-prestataire procédant par listes (généralistes détenteurs de budget et organismes de type HMO), appelés à faire concurrence aux autorités sanitaires de district et aux autorités sanitaires régionales.
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Ce comportement se trouve renforcé par le passage de la dépendance à l’égard d’un budget, qui caractérisait l’ancien régime, à la dépendance par rapport aux recettes, qui caractérise les nouvelles entités et crée un nouveau contexte et une nouvelle culture, de même que des motivations et stimulants nouveaux. Cette évolution de la situation est à l’origine de questions intéressantes sur la responsabilité continue de l’achat par de puissantes autorités sanitaires régionales. Ce qui reste évident, c’est l’importance du rôle joué par ces autorités dans la prestation d’une évaluation régionale indépendante des besoins sanitaires de la population et dans l’établissement des priorités et des objectifs de santé liés à ces besoins. Dans certains pays, des organismes privés à but lucratif sont autorisés à présenter des soumissions dans des contextes où la santé est financée par les fonds publics. À cet égard, la Suède, bien que ne faisant pas partie du groupe de pays analysés dans la présente étude, constitue un exemple intéressant, du fait qu’elle attribue désormais des marchés suivant le principe de concurrence et fait jouer cette concurrence entre les organismes publics et privés dans un contexte où les fonds publics jouent un rôle prédominant. Une étude comparant la qualité des services d’un centre de soins de santé géré par un groupe privé avec trois centres gérés par une administration publique et servant des populations similaires a montré que les services du centre privé respectaient le cahier des charges du gouvernement et assuraient une qualité de soins semblable à celle des centres gérés par une administration publique. Or, le centre privé parvenait à ce résultat en adoptant des pratiques de gestion plus souples, en confiant des charges de travail plus lourdes à des personnes dont la rémunération était plus élevée, mais en maintenant les coûts à un niveau inférieur de 10 % à 48 % à ceux des centres gérés par une administration publique (Hansagi et al., 1993 ; Marriott et Mable, 1994). Ce bilan montre qu’il est possible d’ouvrir la prestation de services à une gamme plus étendue de participants, pourvu que les conditions s’y prêtent. Il ressort de l’examen des autres pays que l’évolution des organismes de soins de santé, qui sont passés de modèles d’autorité à assise géographique, à vocation administrative, à des modèles d’organisme à intégration verticale indépendante, à vocation de service, produit des résultats avantageux sur le plan de la prestation de services de santé, pour diverses raisons. Les caractéristiques regroupées d’un organisme acheteur-prestataire à intégration verticale, procédant par listes et assumant la responsabilité et le financement des services dont il assure la prestation, donnent naissance à une construction organisationnelle plus dynamique, ayant de meilleures capacités d’adaptation continue dans sa mission de prestation de services de santé. La clé est la responsabilité intégrée, qui n’est pas nécessairement une indication de la façon dont une entité doit s’organiser pour acheter ou fournir des services. Ces types de caractéristiques ont fait uniformément leur apparition dans différents contextes nationaux. Les exemples existants et en évolution, comme les HMO aux États-Unis, les généralistes détenteurs de budget offrant tous les services au Royaume-Uni, les organismes de généralistes et autres organismes de soins intégrés en Nouvelle-Zélande, les caisses d’assurance-maladie des Pays-Bas et les OMG au
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Canada, indiquent tous qu’il est possible de fonctionner à un niveau plus global et plus efficace (en bénéficiant des économies d’échelle) et de s’adapter plus facilement aux changements relatifs aux besoins de la population ou à d’autres facteurs systémiques. Cette observation ne vaut pas seulement pour les pays que nous analysons dans le présent document : de nombreux autres pays sont sur la même voie (p. ex. Israël avec ses caisses d’assurance-maladie).
Conséquences de l’adoption de modèles intégrés
Nombre de conséquences et d’avantages potentiels découlent de la dynamique implicite des changements organisationnels qui font évoluer les organismes vers des modèles organisationnels à intégration verticale complète, procédant par listes et fournissant ou achetant des services de santé. Le gain de contrôle n’est pas la moindre de ces conséquences car, comme l’indique Bundred au sujet du Royaume-Uni, « avec l’intégration de la responsabilité et des ressources financières de tous les secteurs de soins de santé dans un seul système, on obtient le contrôle, encore le contrôle et toujours plus de contrôle » (Bundred, 1996). Dans cette remarque, le contrôle est compris à la fois dans le sens de faire le suivi dans une optique comptable, de même que dans son sens plus courant d’exercer une influence. La responsabilité des services donnés et du financement qui s’y rattache, associée à la relation directe et étroite avec une population inscrite, exige une organisation pour équilibrer les besoins et faire des compromis à l’intérieur du continuum de services de santé d’un organisme intégré. Les stimulants financiers et autres influencent ces choix. Par exemple, la réticence à engager des dépenses pour le bien-être et le secteur des soins primaires peut entraîner des dépenses plus élevées en soins secondaires et actifs. Inversement, l’engagement de dépenses inappropriées en soins secondaires et actifs peut empêcher d’injecter les fonds ou de consacrer les ressources appropriées au bien-être et aux soins primaires. En plus des conséquences économiques qu’il subit d’un mauvais choix, l’organisme peut donner l’impression d’une performance médiocre à ses membres inscrits et, par conséquent, risquer de les perdre (Marriott, 1994) et de perdre ensuite son prestige dans la collectivité. Chernichovsky (1995) note que la prépondérance récente des modèles de soins intégrés et des réformes fait la promotion
de l’efficience du système et de la satisfaction de la clientèle plutôt que d’une doctrine particulière. Par conséquent, elle témoigne des efforts qui ont été faits pour regrouper les avantages comparatifs des systèmes publics (équité et efficience sociale de façon générale) et les avantages comparatifs de systèmes concurrentiels, généralement privés (satisfaction de la clientèle et efficience interne [au niveau microéconomique] dans la prestation de soins.
D’aucuns ont observé qu’on retrouve dans les modèles intégrés un « mélange créatif ou une hybridation » du contexte financé par les fonds publics, d’une part, et
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des éléments de la sphère de l’entreprise privée, d’autre part. Le financement public et la définition de services ou de prestations de base pour tous protègent les principes d’universalité (ou de solidarité) et d’accessibilité. Parallèlement, l’introduction d’un comportement de style « secteur privé » et de la liberté au niveau microéconomique favorise l’émergence d’un contexte dynamique, à l’intérieur duquel les organismes peuvent en arriver à une plus grande réceptivité et à une meilleure qualité de service à leurs membres, de même que de nouvelles relations organisationnelles et financières parmi les acheteurs et les prestataires et entre eux (Marriott, 1994). Ces « forces du marché » (comme le comportement concurrentiel pour attirer et conserver les membres inscrits, grâce à des stimulants financiers et administratifs) jouent un rôle déterminant dans le comportement de modèles acheteur-prestataire procédant par listes, quelle que soit l’ampleur de la réglementation du système. À l’exception des États-Unis, la plupart des pays examinés sont représentatifs d’un contexte réglementé où s’exercent les forces du marché, plutôt que de marchés dont les fonds proviendraient du secteur privé et où s’exercerait la concurrence (Evans et Winter, 1995). Dans les contextes où la santé dépend d’un financement public, les prix et les prestations sont fixés (par les pouvoirs publics). Par conséquent, un comportement concurrentiel ne peut jouer presque exclusivement que sur le service et la qualité assurés aux membres inscrits. Ce n’est qu’à l’intérieur de systèmes financés avant tout par des fonds privés, comme aux États-Unis, que la concurrence est également fondée sur le prix et sur la définition des programmes de prestations, éléments qui peuvent tous deux varier et qui sont négociables (p. ex. entre les HMO et les employeurs ; Marriott, 1993-1994 et 1996). En vertu de leurs responsabilités de service et de financement, les organismes à intégration verticale sont incités à améliorer la coordination des services qu’ils assurent à leurs membres dans tout le système de santé et éprouvent une puissante motivation à voir apparaître « l’ensemble du tableau », ce qui n’est pas le cas des autres prestataires, qui mettent essentiellement l’accent sur leur propre contexte ou secteur (p. ex. soins infirmiers, hôpitaux ou laboratoires). Afin d’établir les objectifs prioritaires et mettre en place la gamme de ressources la plus appropriée pour les atteindre, il leur faut avoir une vision globale de tous les secteurs de soins et déterminer les profils de besoins actuels et projetés de leur population inscrite. Ce n’est qu’une fois en possession de cette information qu’ils disposeront des éléments voulus pour prendre des décisions les amenant à assurer la prestation directe des services de santé ou à négocier des contrats pour l’achat des ressources propres à répondre aux besoins. La responsabilité du financement des services, alliée à l’autonomie et à la flexibilité nécessaires pour moduler les ententes organisationnelles et financières avec les prestataires, offre la possibilité d’innover et donne la capacité de le faire. Dans tous les pays examinés, il est évident que l’on s’efforce d’améliorer les contrats et les conventions. Les acheteurs explorent des façons de formuler les normes de qualité, les résultats concrets et les services attendus dans le cahier des charges des ententes contractuelles avec les prestataires. En Nouvelle-Zélande, par exemple, on envisage la passation de contrats pluriannuels avec des prestataires, pour des raisons de synchronisation avec les horizons de planification pluriannuelle. Aux États-Unis, on ne compte plus
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les exemples d’intégration horizontale et verticale de prestataires qui veulent être en meilleure position pour attirer et conserver des marchés. Sous l’angle de la politique publique, on observe une tension entre la motivation à améliorer la qualité et la réceptivité, d’une part, et le désir d’assurer un accès équitable à des services « standardisés », d’autre part. Les organismes à intégration verticale peuvent exploiter cette tension de façon constructive, afin de créer des normes plus avantageuses et un contexte propre à favoriser l’amélioration continue. Dans le passé, les systèmes financés par les fonds publics ont eu tendance à adhérer au principe de l’accès équitable et universel à une norme minimale ou à la « même » norme de services. Dans l’ancien régime, ce principe a souvent conduit à une politique mettant l’accent sur des approches privilégiant l’uniformité, de façon à s’assurer que, du moins en théorie, nul ne recevrait plus que les autres, relativement aux mêmes besoins. L’équité signifie qu’on attribuera la même chose à tous, ce qui a conduit, dans le secteur de la santé, à une stratégie du « plus faible dénominateur commun » et au maintien d’une norme « minimale » de soins. L’esprit d’initiative qui se fait jour dans le modèle intégré procédant par listes stimule la mise en place de nouvelles stratégies et, avec le temps, pourra produire une plus grande diversité de modes de prestation de services. La garantie publique de normes minimales, alliée à la recherche de façons nouvelles et différentes de faire les choses, a été décrite, au Canada, comme porteuse d’une « inégalité positive ou progressiste ». Cela signifie que les normes minimales sont protégées et articulées par l’autorité centrale et que les organismes créatifs, bien qu’engagés à ne jamais produire moins que la norme minimale, ont la possibilité de rechercher des méthodes de remplacement qui pourraient en fin de compte relever ces normes. Bien que ce processus puisse déboucher sur des normes variables à mesure que différents organismes développeront des domaines de compétence particuliers (p. ex. plus grande réceptivité ou techniques et efficiences nouvelles dans les traitements cliniques), avec le temps, et grâce à l’évaluation des autorités ainsi qu’à l’établissement de repères associés à des adaptations par d’autres organismes du système, ces initiatives serviront à hausser les normes minimales à un plus haut niveau pour toute la société (Marriott, 1993-1994). Si le but ultime est d’élever le seuil des normes minimales des services de base, il n’y a aucun risque pour les pouvoirs publics à encourager la concurrence entre les organismes. Barr (1990) abonde dans le même sens, en men tionnant le « besoin de favoriser les progrès technologiques et organisationnels ». Il ajoute que l’on devrait rechercher une efficience dynamique et « qu’il devrait y avoir une quête de progrès technologiques et organisationnels propres à hausser la productivité de ressources données ». En un mot, les normes communes, ainsi que les comportements d’entreprise, comme l’établissement de normes de référence et l’élaboration de systèmes d’information et de communication mieux conçus, pourraient déboucher sur des améliorations, qui auraient ensuite des retombées pour le système de santé. Certains secteurs du système exigent des précisions en ce qui a trait à l’analyse présentée ci-dessus. En ce qui concerne certains sous-secteurs d’activité, comme les services hautement spécialisés à fort coefficient de main-d’œuvre et extrêmement
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onéreux, qui nécessitent un volume suffisant d’activité de la part de spécialistes pour assurer le maintien et l’amélioration de la qualité, il est possible d’obtenir de meilleurs résultats si l’on adopte une stratégie plus réglementée pour l’amélioration des services standardisés. Dans de tels domaines, l’intervention à bon escient du gouvernement peut être nécessaire – comme ce fut le cas aux Pays-Bas – pour donner le « feu vert » ou déterminer par règlement le nombre de ces établissements spécialisés, afin d’assurer un équilibre entre le volume de travail requis par établissement et la prestation d’un accès adéquat. Comme dans le modèle néerlandais, l’organe de réglementation pourrait également fixer le coût des services, pour tenir compte des charges financières du prestataire et, de cette façon, maintenir l’équité sans introduire de facteur de dissuasion pour l’acheteur. Les caractéristiques propres à l’établissement de listes et à la capitation permettent d’aborder et de protéger d’autres aspects de la question de l’équité. Le financement par capitation pondérée, ajustée en fonction de l’âge et du sexe des membres inscrits et en fonction d’autres facteurs, comme les variations régionales ou les indicateurs de besoin, procure des rentrées de fonds équitables pour tous les organismes intégrés qui sont au service de populations ayant des caractéristiques similaires. Cela signifie que, en principe, lorsqu’on compare les organismes entre eux en fonction de ces critères, aucun organisme ne reçoit plus ou moins de fonds qu’un autre. Compte tenu de la responsabilité que représente la prestation de services de base et des risques financiers que comporte toute prestation de soins, on observe une forte motivation à fournir ou à acheter les soins de la manière la plus efficiente possible. Avec l’introduction de la capitation, lorsque deux organismes responsables de la santé de populations présentant des caractéristiques relativement homogènes n’obtiennent pas des résultats comparables, l’un affichant une meilleure performance que l’autre, l’inégalité du financement risque beaucoup moins d’être en cause que d’autres facteurs (p. ex. opérations moins efficientes, qui sont fort probablement imputables à une gestion médiocre, à la procédure interne ou à d’autres éléments propres à l’organisme ou à son environnement). Il est alors plus facile de mettre en évidence les secteurs qui sont à l’origine d’un problème, qu’on aurait autrefois imputé à l’« inégalité » de financement (la réponse n’est pas forcément de gaspiller plus d’argent pour régler le problème). La capitation crée une plus grande transparence dans tout le système, du fait que les règles s’appliquent à tous de manière plus équitable et qu’il devient ainsi plus facile de repérer les incohérences et de distinguer ceux qui réussissent le mieux. L’accès universel et le financement complet par capitation garantissent que les personnes ne peuvent se voir refuser l’inscription (sur la liste) auprès d’un organisme de leur choix. De même, la liberté de choix signifie que les adhérents sont libres de quitter l’organisme (exercice du droit de sortie) pour se rattacher à un organisme qui répond mieux à leurs besoins. Associé à la liberté de choix et à la capitation, le financement est à toutes fins utiles réorienté. Il n’est plus destiné aux prestataires, mais « attaché » aux consommateurs et à leurs besoins, comme l’illustre la formule de pondération. Cela signifie que le financement « suit le patient » plutôt que l’organisme, de sorte que le financement des adhérents sortants se trouve transféré avec eux de l’ancien organisme
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au nouvel organisme. Les priorités et stimulants qui en découlent pour les organismes, les personnes et les gouvernements sont nombreux. Pour résumer, disons que la capitation pondérée représente un élément important du système, puisque c’est la façon la plus juste de répartir les fonds d’un organisme central entre divers organismes intégrés et de réorienter le financement vers les besoins des patients. L’organisme à intégration verticale complète pourrait bien être l’organisme de bénéficiaires le plus efficace, étant donné qu’il assume la responsabilité de tous les services, au moyen d’un financement unique par capitation pour tous les services. Du point de vue du gouvernement, cette formule représente un mode de financement plus simple et cohérent, sur le plan administratif, que la structure morcelée de financement des soins de santé qui caractérise le contexte canadien, laquelle favorise le manque d’uniformité et rend difficiles le suivi et l’évaluation d’un bout à l’autre. À la lumière de la dynamique de l’exemple précédent, il est utile de mentionner les avantages que l’on peut tirer d’un équilibre « judicieux » entre la réglementation et l’autonomie nécessaire aux organismes pour qu’ils fonctionnement librement, aux fins d’encourager un comportement approprié. Dans certains systèmes, il existe des possibilités d’inégalité lorsque les organismes sont en mesure d’inscrire de préférence les gens qui sont en bonne santé et d’exercer une discrimination contre ceux qui se portent moins bien ou appartiennent à une population où les risques de maladie sont plus importants. Cet « écrémage » se retrouve surtout dans le système des HMO des États-Unis, où les programmes de prestations ne sont pas arrêtés par un organe central, mais négociés avec chacun des divers acheteurs avec lesquels un HMO peut traiter. Les HMO sont par conséquent incités à « choisir » leurs membres en fonction des programmes de prestations négociés, afin d’éviter les coûts élevés associés à un trop grand nombre de maladies. Lorsque les prestations sont définies par une autorité centrale et que la formule de paiement est la capitation, il y a moins de risques que cette situation se produise, étant donné que les organismes n’ont plus à adopter un comportement « concurrentiel » dans la négociation des programmes de prestation ou dans le choix des adhérents et qu’ils bénéficient d’un financement adéquat (fondé sur le système dans sa totalité) pour faire face aux coûts des maladies graves. Bien que l’universalité, associée à la capitation pondérée, ne soit peut-être pas la solution idéale, elle a l’avantage de faire mieux correspondre le financement et les besoins de la population, tout en protégeant l’accès pour tous. Un règlement public interdisant explicitement l’écrémage serait également utile. L’établissement de listes va également de pair avec la spécificité dans la description de caractéristiques importantes des personnes, ce qui permet d’établir des données de qualité supérieure sur la population. Une base de données peut être compilée à partir des données regroupées des listes de membres et autres informations, comme les listes de prestataires, le suivi des contacts, les phases de soins (que ce soit par prestation ou par achat), les enquêtes sur la satisfaction de la clientèle, l’évaluation des résultats et la gestion du cahier des charges des contrats. Toute cette information émane naturellement des activités regroupées des organismes intégrés. Dans tous les pays à l’étude, les
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pressions en faveur de l’amélioration ont conduit à une sophistication croissante des systèmes de données intégrés. Les États-Unis sont particulièrement dignes de mention pour la qualité des systèmes mis en place dans certains HMO, de même que pour l’engagement croissant à l’égard de l’élaboration et de l’évaluation des données et des pratiques. Les organismes à intégration verticale peuvent à la fois produire cette information et bénéficier considérablement de l’accès à des données regroupées, qui les aideront à favoriser un meilleur exercice de la médecine et à planifier la prestation ou l’achat de services de santé. Les autorités centrales ou les organismes de contrôle utilisent déjà cette information pour s’acquitter de leur responsabilité de surveillance, tandis que les chercheurs, la presse et le grand public en tirent également parti. Bref, la spécificité qui découle de l’établissement des listes de population, des contacts, des programmes et des prestataires contribue à renforcer la précision et l’utilité de l’information. À cette fin, l’établissement de rapports par toutes les entités fonctionnant dans un système de santé revêt une importance essentielle pour l’ensemble du système. Ce pourrait être un autre domaine où l’influence du gouvernement joue en faveur du maintien et du développement d’une ressource vitale. Par exemple, en plus du type de données indiqué ci-dessus, les paramètres régissant la cohérence et les délais de présentation des rapports protégeraient l’intégrité des bases de données provinciales ou nationales. Les critères à remplir, comme la présentation de plans annuels par les organismes, aideraient à s’assurer que les procédures de fonctionnement sont appropriées, de même que les innovations du système. Le concept d’établissement de listes suppose qu’on précise davantage la réflexion et la terminologie. Pensons, par exemple, au terme « communauté » utilisé au Canada : ce terme, pourtant si répandu, n’est pas clair et risque de porter à confusion – s’agit-il d’une ville, d’un comté ou autre territoire géographique sur lequel vit une population donnée ? Le terme « communauté » ne correspond pas à un concept bien arrêté et, de ce fait, ne peut servir de facteur pour l’établissement des coûts ni pour la définition ou le réaménagement des responsabilités des organisations. Si l’on procède par listes, c’est la « personne » qui devient l’identificateur principal le plus approprié, et le regroupement de personnes – la liste – représente la « population » ou la « communauté » que sert l’organisme. Les personnes inscrites, ou souscripteurs, peuvent habiter dans une même ville, dans différentes villes avoisinantes ou même être éparpillées aux quatre coins du pays. Dans ce contexte, le terme « communauté » prend tout son sens et s’avère plus utile et quantifiable pour les besoins du système. Un autre avantage de l’établissement de listes, par rapport à des entités définies sur le plan géographique, a trait au fait que cette méthode laisse du jeu pour des modalités facultatives de prestation de services, de meilleure qualité, à l’intérieur d’un secteur géographique. Plus précisément, si la taille de la population le permet, plusieurs organismes intégrés procédant par listes pourraient fonctionner à l’intérieur du même secteur géographique, évoluant « naturellement » en fonction des besoins de la popu lation ou des préférences de la collectivité et optimisant les retombées des avantages potentiels d’un comportement dynamique dans la région. En outre, les membres inscrits de collectivités rurales ou du Nord pourraient organiser leurs populations de
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façon à former de préférence leurs propres organismes spécialisés. Si l’on ne peut nier le risque que ce genre d’organisme aboutisse à une structure qui pourrait être considérée comme un monopole géographique dans une collectivité donnée, ce risque serait compensé par la présence, dans le milieu, d’organismes intégrés, fournissant tous des informations de référence qui auraient pour effet de maintenir le respect des coûts par toutes les entités en cause et d’appuyer leurs efforts en vue de l’amélioration. Cela a d’importantes implications au Canada, où la densité de la population varie considé rablement entre les régions rurales et les régions urbaines. En outre, l’établissement de listes ouvre à des groupes particulièrement définis la possibilité de mettre en place leurs propres organismes (p. ex. minorités ethniques, personnes séropositives ou atteintes du sida). Ainsi, les groupes des nations autoch tones pourraient créer et diriger leurs propres organismes de santé à intégration verticale en procédant par listes. Dans ce contexte, les médecines douces et les rituels de guérison pourraient être intégrés aux soins de santé et à la médecine occidentale traditionnelle, et les fonds, utilisés pour fournir ou acheter des services médicaux et hospitaliers spécialisés secondaires. Les organismes de soins de santé des Maoris, en Nouvelle-Zélande, fournissent des exemples de cette façon de procéder. Un tel monopole peut même être acceptable lorsqu’il est assorti des protections systémiques assurées par l’établissement de listes fournissant des données exactes et pertinentes, un financement par capitation et des pratiques comme l’analyse comparative pour maintenir le respect de paramètres typiques. Là encore, une bonne information et l’établissement de rapports seraient obligatoires. Un système d’organismes intégrés va également de pair avec la possibilité de participer à des services de santé et de conclure des alliances en dehors du courant général du système de santé financé par les fonds publics. Par exemple, les organismes intégrés pourraient offrir des services financés par l’intermédiaire d’une assurance privée complémentaire, à laquelle les employeurs cotiseraient pour leurs employés et qui couvrirait des prestations comme les lunettes, les médicaments et le logement à l’hôpital en chambre semi-privée. Compte tenu des récents rapports sur le succès obtenu dans la réduction et l’amélioration des prescriptions de médicaments, il pourrait être opportun que ces organismes intégrés assument la responsabilité d’assurances privées de médicaments, en plus des prestations financées par les fonds publics, pour favoriser la réduction des coûts et l’amélioration de la qualité de tous les médicaments ; ou même qu’ils offrent eux-mêmes une assurance complémentaire privée et les services qui en découlent. Ces mesures pourraient se traduire par une diminution des coûts, une amélioration de la qualité et une réduction des dépenses consacrées aux médicaments, comme cela s’est produit aux Pays-Bas. En outre, à l’exemple des pouvoirs publics néerlandais, les ministères de la Santé du Canada pourraient envisager de prendre en charge les maladies industrielles, les accidents du travail et les prestations qui s’y rapportent (p. ex. indemnisation des accidentés du travail). De telles possibilités ne sont qu’une illustration de la gamme de possibilités à explorer.
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Observations concernant la mise en œuvre
La mise en place d’un tel système pourrait se faire d’un seul coup ou par étapes. Il ressort de notre étude que la plupart des pays examinés, à l’exception des États-Unis, ont redéfini leurs objectifs et orientations et mis en place de nouveaux modèles à l’échelle nationale. Ce constat porte à croire que les pays dirigés par des gouvernements centraux forts sont peut-être mieux en mesure d’accomplir une réforme (dont bénéficie de manière uniforme toute la population) et disposent d’une plus grande facilité, pour ce faire, que leurs homologues décentralisés. Ces gouvernements semblent avoir évalué leurs options organisationnelles, déterminé s’il y avait une logique cohérente dans la conception organisationnelle et les objectifs stratégiques et, du moins pour les principaux volets de la réforme, avoir simplement pris la décision d’aller de l’avant. Nul n’a adopté une attitude « attentiste pour voir si la formule avait d’abord été mise à l’essai et évaluée ailleurs ». Les grandes réformes ont été introduites à l’échelle du système et globalement, plutôt que dans le cadre de programmes pilotes isolés de l’ensemble. Cela ne veut pas dire que les programmes pilotes et les essais n’ont pas eu leur place dans la réforme de ces pays, mais tout simplement qu’il est difficile, voire impossible, de créer des microcosmes du système de santé dans son intégrité, ou d’en faire un champ d’expérimentation. Les grandes réformes systémiques ont donc plutôt été faites d’un seul coup, les essais pilotes intervenant à différentes étapes progressives de l’évolution et du parachèvement des sous-secteurs. Par exemple, les Pays-Bas ont intégré à titre expérimental les spécialistes dans les contrats conclus avec les hôpitaux, alors qu’au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, l’administration de fonds publics et les modèles acheteur-prestataire à intégration verticale sont graduellement en cours d’élaboration. En ce qui a trait aux systèmes en transition, il semble y avoir un degré de tolérance analogue des organismes pluralistes. C’est assez évident dans tout le système américain et on le constate également en Nouvelle-Zélande, où les généralistes, prestataires ou acheteurs, et les entreprises de soins intégrées à intégration verticale font leur apparition en même temps. On trouve un autre exemple au Royaume-Uni, où la mise en place d’organismes de généralistes détenteurs de budgets globaux, assumant la responsabilité de contrats pour tous les services de santé, prouve la coexistence d’organismes spécialisés à intégration verticale complète et de cabinets de généralistes non détenteurs de budget.
Protection contre l’autoenrichissement et le parti pris sectoriel
Lorsque, comme c’est le cas au Royaume-Uni, un prestataire est également un détenteur de budget, on s’inquiète de la possibilité d’autoenrichissement des prestataires ou du risque de polarisation ou de contrôle d’un organisme par un seul secteur. Il est manifestement nécessaire de trouver des méthodes pour contrer le détournement indu des ressources destinées au système de santé ou aux patients. Pour faire en sorte, par exemple, que les fonds destinés aux spécialistes ou aux hôpitaux n’aboutissent pas
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directement dans la poche des généralistes qui concluent les contrats en contrepartie de ces services, le système a mis en place des mesures de protection en ayant recours à un arrangement de financement par un tiers, que l’on pourrait décrire comme une marge de crédit. Les autorités sanitaires de district constituent un tiers-payant, qui transfère le financement aux autres prestataires une fois que les services ont été fournis aux patients des généralistes. Cette étape administrative supplémentaire, indépendante de l’organisme de généralistes détenteurs de budget (c.-à-d. le transfert de fonds par la DHA), peut également servir l’intérêt des autorités sanitaires en préservant un certain degré de pouvoir et des emplois. Elle peut également freiner l’intégration d’autres parties, en tant que prestataires, aux organismes de généralistes détenteurs de budget, du moins à cette étape de la mise en œuvre. Cet exemple porte à croire que si les cabinets de généralistes, ou tout autre prestataire indépendant, en viennent à administrer des fonds publics, il conviendrait d’arrêter des règles pour s’assurer que les prestataires ne s’enrichissent pas indûment aux frais du gouvernement ou au détriment du reste du système, et que le système ne s’enrichisse pas indûment au détriment du patient. Cela ne semble pas entrer en ligne de compte lorsque l’organisme intégré possède son propre conseil représentatif responsable et sa propre administration et « n’appartient pas » à un autre secteur ou prestataire du système de santé. Même si l’organisme finit en soi par « posséder » ou employer diverses personnes ou organismes afin d’accroître sa capacité interne de prestation directe de services, il est géré par une structure adoptant une perspective d’ensemble en raison de ses obligations. La responsabilité et les obligations partagées incitent, dans ces conditions, à envisager avec plus d’empressement le transfert du financement complet par capitation à l’organisme et à lui laisser le soin de parachever ses options de prestation ou d’achat pour mieux servir sa population inscrite. Cette façon de faire rend le procédé plus « net » et élimine la nécessité d’une administration faisant office de garde-fou (comme c’est le cas de l’autorité sanitaire de district au Royaume-Uni) entre l’organisme intégré détenteur de budget et les prestataires avec lesquels il passe des contrats. Cela signifie également que l’organisme intégré peut envisager une fusion avec d’autres organismes ou le développement indépendant de toute partie du système de santé de l’intérieur de l’organisme, lorsque c’est utile. La solution de la « marge de crédit » retenue par le Royaume-Uni pourrait être adoptée pour les organismes de prestataires qui se constituent en organismes à intégration verticale complète, comme mode de financement à titre expérimental des services qui se situent en dehors du champ habituel des services médicaux. Cette formule pourrait dominer pendant la période au cours de laquelle les organismes auraient à faire la preuve de leur compétence dans l’obtention de services supplémentaires par l’intermédiaire de contrats. Après quoi ces services seraient ajoutés aux prestations prévues dans le cadre de la capitation directe. Une autre sauvegarde, qui sera analysée plus complètement à la section suivante, concerne l’établissement d’une structure organisationnelle ou d’un conseil constitués de représentants de divers secteurs pour la réception du financement ; les services assurés par cette structure et les membres qui bénéficieraient de ces services seraient également élargis. Par exemple, pour fournir des soins de longue durée, un
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organisme prestataire élargirait la représentation de son conseil et sa compétence en gestion, et acquerrait le droit de fournir les nouveaux services en faisant la preuve de sa compétence pendant une période d’essai. Entre-temps, il obtiendrait son financement selon une marge de crédit ; par la suite, l’organisme pourrait recevoir les fonds prévus selon la formule par capitation pour tous les services qu’il fournit.
La « primauté » des soins primaires
Dans tous les cas examinés, on a insisté sur l’importance des soins primaires et sur la place du généraliste en tant que filtre pour l’accès au reste du système. Le généraliste contrôle l’accès dans la mesure où il constitue la première étape, à partir de laquelle les patients seront dirigés vers des services secondaires (diagnostics, spécialistes, hôpital, etc.), et joue un rôle privilégié dans la coordination des soins. Comme les généralistes exercent de plus en plus souvent au sein d’équipes pluridisciplinaires de soins primaires, la coordination des soins peut également mettre à contribution d’autres professionnels de la santé. Dans ce contexte, bien que le généraliste puisse être le filtre exclusif par rapport aux soins secondaires, il n’est pas nécessairement le premier point d’entrée ou le point d’entrée exclusif du système pour le patient. Dans certains cas, le patient peut avoir directement accès aux soins primaires par l’intermédiaire d’une infirmière de première ligne ou d’un conseiller, et peut consulter d’autres professionnels de la santé (comme des nutritionnistes, des travailleurs sociaux, des psychologues ou des thérapeutes), qui travaillent en collaboration avec le généraliste. Dans de nombreux pays, dont le Canada, les soins primaires constituent l’assise des centres de santé communautaires, où l’on adhère fortement aux principes de l’approche pluridisciplinaire. Les tendances actuelles, en matière de soins primaires, ont été prévues par Siegel, en 1986 :
Les généralistes pourraient se voir confier de nouvelles responsabilités relativement à l’ensemble des soins de santé des patients, en ce qui a trait à la répartition appropriée des ressources, pour répondre aux attentes de plus en plus élevées des patients et s’assurer qu’ils reçoivent des soins de qualité. Certains spécialistes verront leur rôle évoluer et devront, en particulier, mieux répondre aux attentes des généralistes. Il est probable que le travail par équipe, entre les généralistes et les spécialistes consultés, sera favorisé par les systèmes de prestation qui verront le jour, au sein desquels les généralistes assumeront davantage la responsabilité du succès de leur intervention, en assurant une gestion des soins de santé de manière à satisfaire les besoins des patients. Les médecins spécialistes seront en mesure de se concentrer davantage sur leur spécialité, plutôt que de mélanger spécialité et soins primaires.
D’après l’expérience d’autres pays, nous savons qu’en mettant davantage l’accent sur les soins primaires, on obtient des résultats positifs par rapport à la morbidité et à la mortalité. En faisant en sorte que les organismes de soins primaires soient plus
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à l’écoute des patients, notamment en formant les praticiens de façon à ce qu’ils adoptent une vision globale de leurs patients et fournissent toute la gamme de soins, de la naissance à la mort, on exerce une influence positive. Il s’agit d’implanter un système qui privilégie le bien-être, ce qui comprend la promotion de la santé et la prévention de la maladie, et l’adoption de pratiques comme l’intervention précoce pour le diagnostic et le traitement. Dans un tel système, les patients qui consulteront seront plus susceptibles d’être en bonne santé qu’auparavant et les prestataires joueront mieux leur rôle de filtre, économisant de l’argent et protégeant le reste du système contre un usage immodéré. Dotés de tels attributs, les organismes de soins primaires s’adapteront parfaitement au système et constitueront la pierre angulaire sur laquelle les modèles intégrés s’édifieront, aboutissant à un modèle entièrement intégré dans le système de santé canadien. Dans la section qui suit, nous analysons les principales caractéristiques de modèles d’organismes intégrés dans le contexte canadien, en étudiant les principes et caractéristiques importants par rapport à notre système de santé actuel et futur. PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES MODÈLES INTÉGRÉS DANS LE CONTEXTE CANADIEN
Le but ultime du présent rapport est de dégager les grands principes et les principales caractéristiques qui devraient guider l’évolution future du système de santé canadien, à partir de l’examen critique de certains développements observés dans les pays à l’étude et au Canada. Dans la présente section, nous avons l’intention de revoir brièvement les objectifs du système canadien, de dégager une série de principes et de caractéristiques prédominants, à partir de la sélection de l’ensemble des caractéristiques des modèles intégrés, et d’examiner cette série de principes et de caractéristiques à la lumière du contexte et des objectifs du Canada. Nous ferons un sommaire de ces grands principes et caractéristiques, que nous examinerons ensuite par rapport aux chaînons et aux attributs importants du système canadien, lorsqu’il peut y avoir corrélation entre les modèles d’organismes intégrés et de meilleurs résultats. Après avoir passé en revue les objectifs et principes importants du contexte canadien, et dégagé les principales caractéristiques, nous les analyserons en nous intéressant aux caractéristiques originales, interdépendantes, qui sont les piliers des organismes intégrés édifiés au Canada et nous les présenterons avec les caractéristiques connexes qui font partie intégrante d’une mise en œuvre satisfaisante. Nous livrerons ensuite nos observations sur les conséquences et les avantages éventuels, en mettant en évidence les fondements – réglementation du gouvernement ou règles opérationnelles – propres à favoriser l’évolution de l’ensemble ou d’une partie de ces caractéristiques vers un plus haut degré d’intégration. Les possibilités et les contraintes liées à des solutions données sont signalées lorsqu’elles sont utiles à l’analyse. Notre objet n’est pas ici de présenter un examen exhaustif, mais de mettre en lumière les caractéristiques qui pourraient être utilisées de manière constructive dans le système canadien.
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Nous poursuivrons notre analyse par un examen du système canadien actuel, en soulignant ses acquis et ses tendances prometteuses, et présenterons les voies que pourraient emprunter éventuellement certains pouvoirs publics canadiens et qui pourraient convenir à certains modèles organisationnels, compte tenu des principes et caractéristiques dégagés. Il semble, en particulier, qu’il y ait possibilité d’édifier des modèles à intégration verticale complète sur l’assise actuelle de soins primaires et que cela constituerait une étape dans la transition vers des modèles à intégration complète. Par ailleurs, les entités à assise régionale ou géographique actuellement présentes dans tout le Canada possèdent déjà plusieurs des caractéristiques mentionnées. Enfin, un modèle d’organisme de soins de santé indépendant, à intégration verticale complète, a été élaboré et entre actuellement en service. La section est suivie d’une brève analyse des directives et des critères d’évaluation adaptés aux modèles intégrés. Certains objectifs du système
L’aperçu que nous donnons ci-dessous est un sommaire de diverses observations, études et rapports destinés à la fois à régler des problèmes du système et à satisfaire à la vision collective des principes exprimés par la société et les pouvoirs publics canadiens (accès, intégralité, transférabilité, gestion publique et universalité). Nous nous sommes placés du point de vue des particuliers, des prestataires et des pouvoirs publics. Les besoins du patient ou de la population en général
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Importance accrue accordée au bien-être et à la prévention de la maladie ; Délégation de pouvoirs par une participation accrue au système ; Protection de l’accès adéquat aux services nécessaires ; Meilleure réceptivité des prestataires ; Importance accrue accordée à la prestation de services dans la collectivité et recul des services en milieu hospitalier et en établissement ; • Ressources modulées en fonction des besoins sanitaires de la population, plutôt qu’en fonction des demandes individuelles de soins de santé ; • Niveau de choix pertinent.
Acheteur-prestataire
• Préservation ou amélioration de la santé publique ; • Autonomie appropriée ; • Souplesse, latitude et choix dans une diversité de cadres, y compris en milieux urbain et rural ; • Stimulation de l’innovation pour favoriser et récompenser le progrès et l’ex cellence ;
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• Réceptivité accrue aux besoins des patients ou des consommateurs ; • Efficacité accrue du système de santé ; • Meilleures intégration et coordination à l’intérieur et au-delà du système de santé (un environnement « sans coutures ») ; • Efficience et efficacité accrues dans la prestation de services ; • Possibilité ou capacité d’offrir des services à des acheteurs du secteur privé à l’intérieur du système (p. ex. optométrie, indemnisation des accidentés du travail, assurance pour une chambre privée à l’hôpital, prestations d’assurance privée et prestations des entreprises pour les employés, etc.).
Pouvoirs publics
• Répartition juste et équitable des fonds en fonction des besoins sanitaires ; • Système de santé fondé sur l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité pour tous les Canadiens ; • Meilleure continuité des soins ; • Meilleure justification de l’emploi des fonds (par rapport à la dilution de la responsabilité) ; • Amélioration de la qualité, de la mesure des programmes et de l’évaluation des résultats ; • Amélioration de l’efficience et de la prévisibilité des coûts ; • Efficience au niveau macroéconomique (pourcentage adéquat du PIB), structure favorisant la maîtrise des coûts (freinant les augmentations), amélioration de la compétitivité internationale du Canada ; • Cohérence (simplification du système, de façon à ce qu’il soit facile à com prendre) ; • Intégralité (intégration de toutes les prestations dans un système unique) ; • Stimulation du moral des patients et des prestataires ; • Préservation d’une relation entre les consommateurs, ou patients, et leur système local de prestation de soins de santé, caractérisée par un sentiment de « propriété » et de loyauté de la part du consommateur (faisant échec au sentiment d’alié nation). L’examen des modèles des autres pays et du modèle canadien de prestation de services de santé révèle l’existence d’un certain nombre de caractéristiques qui, regroupées de différentes façons, semblent présenter un excellent potentiel actuel et futur, de même qu’une certaine conformité aux tendances internationales. Ce groupe de caractéristiques cadre bien avec le contexte et les principes canadiens et pourrait favoriser et guider l’évolution du système de santé canadien. Ces caractéristiques sont particulièrement utiles, dans la mesure où elles rendent le système de santé plus apte à s’attaquer avec efficacité aux problèmes antérieurs et à atteindre les objectifs définis par les patients ou les contribuables, les prestataires et les pouvoirs publics.
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Caractéristiques originales
La mesure dans laquelle les pouvoirs publics canadiens auront la capacité d’optimiser le potentiel d’intégration verticale semble reposer sur une série de caractéristiques connexes prédominantes, à savoir l’intégration des services, du financement et de la responsabilité. Les quatre caractéristiques prédominantes sont les piliers de la cons truction organisationnelle et établissent les paramètres fondamentaux de la conception et des opérations. Les caractéristiques connexes précisent les attributs et les priorités, également essentiels pour l’accomplissement de la mission et la réalisation des objectifs des organismes et du système. Aux fins de notre analyse, nous supposons que ces caractéristiques sont mises en œuvre intégralement, créant un organisme à intégration verticale complète, et que le système est financé par les fonds publics et par un seul payeur. Les données et l’analyse sont présentées ci-dessous. Caractéristiques prédominantes – les piliers du système
• Prestations ou services de base – Responsabilité de l’ensemble des prestations ou des services de base, définis par un organe central, pour la population servie. • Liste – Responsabilité et justification de l’emploi des fonds relativement à une population inscrite ayant des caractéristiques et des besoins particuliers en matière de soins de santé. • Capitation – L’organisme est financé selon une formule de capitation pondérée, en fonction de la population inscrite, pour l’ensemble du service de santé, quel que soit l’endroit où ce service est fourni à l’intérieur d’une province ou du pays. • Autonomie pour définir les modalités organisationnelles et financières avec les prestataires – Liberté de prendre des décisions concernant les questions critiques (internes) pour le fonctionnement de l’organisme, dans le but de mieux servir sa population, notamment en ce qui a trait à la répartition du financement des soins, aux décisions de fournir les services directement ou après acquisition, de même qu’à la mise en place de relations organisationnelles et financières appropriées avec les prestataires et dans tout le système, pour créer un contexte optimal au bénéfice de tous les participants. Caractéristiques connexes importantes
• Organisme indépendant et à but non lucratif constitué en personne morale ; • Conseil d’administration permettant la participation et la représentation adéquates des membres inscrits ; • Obligation d’évaluer et de satisfaire les besoins de chacun de ses membres et de la population inscrite dans son ensemble ; • Nécessité de planifier en vue de mettre en place les ressources les plus appropriées pour répondre aux besoins définis ;
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• Prestation des services appropriés, soit directement soit par l’acquisition de services ; • Relevé de tous les contacts et tenue à jour d’autres données et dossiers de santé pertinents (information figurant sur les listes, profils des prestataires, enquêtes sur la satisfaction de la clientèle) ; • Importance accordée au bien-être et aux soins primaires, le généraliste jouant le rôle de filtre par rapport aux services secondaires et faisant partie d’une équipe pluridisciplinaire accessible aux membres inscrits ; • Engagement officiel à l’égard de la qualité et de l’évaluation en tant que mécanisme de renforcement des principales caractéristiques et obligations de l’organisme. Examinons maintenant les caractéristiques propres aux organismes à intégration verticale. Nous nous attardons davantage sur les quatre caractéristiques prédominantes, de façon à leur donner tout leur sens et à faire comprendre les règles minimales et la raison de leur importance. Ces règles sont arrêtées en fonction des règlements et des règles de fonctionnement édictés par le gouvernement. Nous approfondissons moins les éléments connexes.
Caractéristiques prédominantes des organismes à intégration verticale
• Prestations ou services de base – Responsabilité de l’ensemble des prestations ou des services de base, définis par un organe central, pour la population servie L’ensemble des prestations ou services de base comprend la gamme complète de programmes et de services de santé, depuis les soins primaires jusqu’aux soins secondaires, tertiaires et actifs, et depuis la promotion de la santé et la prévention de la maladie jusqu’aux services de diagnostic et au traitement des maladies. Les règles minimales (politique gouvernementale) sont les suivantes : • Définition par un organe central des prestations à l’échelle nationale, pour des raisons d’uniformité dans tout le système et de fiabilité pour les personnes. C’est ainsi que le gouvernement conserve son mot à dire à l’intérieur du système et protège également l’intégrité de grands principes comme l’intégralité et la transférabilité. Les prestataires pourraient ajouter aux services assurés par le gouvernement la responsabilité de l’acquisition ou de la fourniture de prestations supplémentaires et de programmes sanitaires en milieu de travail ; • Application des prestations à toute la population de manière uniforme ; • Importance accordée au bien-être et aux soins primaires, mais responsabilité de tous les programmes et services définis comme étant des prestations ou services de base, ce qui signifie qu’un secteur de soins ne peut être négligé en faveur d’un autre (ce qui n’exclut pas l’adoption de solutions de rechange lorsqu’elles sont pertinentes) ; • Prestation obligatoire de tous les services nécessaires aux patients et nécessité d’en faire la preuve pour l’évaluation.
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De tels paramètres minimaux établissent un seuil au-dessous duquel un organisme ne doit pas tomber et des responsabilités distinctes visant à assurer une surveillance plus vigilante et une meilleure évaluation. On vise ainsi à : – faire en sorte que tous les patients aient accès aux services et que le prestataire s’engage à fournir « tous » les services nécessaires (assurés ou financés par le gou vernement) ; – maintenir ces services à l’écart de l’aspect de l’organisme axé sur l’esprit d’entreprise et les protéger contre une réduction imputable à la concurrence que se livrent les organismes entre eux. La définition des prestations de base par un organe central assure le respect des normes de service et leur intégrité ; – empêcher les organismes de se soustraire à leur responsabilité en refusant de fournir des services ou en fournissant moins de services ou de prestations de base, ou en « refilant » les coûts à d’autres au sein du système, une fois qu’il a été déterminé qu’ils sont associés aux services ou aux prestations de base ; – veiller à ce que les organismes prennent la responsabilité de toutes les prestations et, par conséquent, de tous les programmes et services du système de santé (intégration verticale de la responsabilité). Cette intégralité leur donnera une meilleure idée de l’ensemble du système, les contraindra à faire des compromis judicieux ou à équilibrer les services selon le continuum de soins et favorisera la coordination entre les prestataires. La vision globale qu’ils acquerront de tous les secteurs et services (aucun secteur ne domine) les incitera à être à l’écoute des besoins de la population. – simplifier la tâche du gouvernement dans l’exercice de sa responsabilité de soutien, de surveillance et d’évaluation de la performance grâce à une répartition des prestations de base à l’intérieur d’un système de soins moins morcelé, mettant à contribution des types d’organismes plus cohérents. Dans un tel contexte, le gouvernement pourrait élargir son rôle afin d’explorer de meilleures façons d’appuyer et de renforcer les améliorations apportées au système. • Liste – Responsabilité et obligation de rendre des comptes relativement à une population inscrite ayant des caractéristiques et des besoins particuliers en matière de soins de santé Les citoyens s’inscrivent (sur une liste) auprès de l’organisme de soins de santé de leur choix, faisant ainsi partie de sa population inscrite. Les caractéristiques socio démographiques, de même que les besoins sanitaires de cette population sont notés et décrits dans le système de données de l’organisme. Grâce à la plus grande spécificité de l’information, l’organisme connaît beaucoup mieux sa population et peut utiliser l’information pour mieux adapter les programmes à ses besoins. Les règles minimales (politique gouvernementale) sont les suivantes : • Tous les citoyens doivent être inscrits auprès d’un organisme de leur choix. • Tous les citoyens qui choisissent de s’inscrire auprès d’un organisme doivent être acceptés, quel que soit leur état de santé. Nul ne doit se voir refuser le droit de se rattacher à un organisme pour des raisons de santé. On vise ainsi à assurer l’universalité, de même que l’accès individuel aux soins.
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• Tous les citoyens doivent être inscrits auprès de l’organisme de leur choix et sont libres de le quitter (droit de sortie) pour s’inscrire auprès d’un autre organisme, qui leur semble mieux répondre à leurs besoins. Par ailleurs, le financement par capitation attribué à l’organisme pour les patients doit également être « transféré » à la nouvelle entité. L’inscription de populations auprès d’organismes présente toute une gamme d’avantages, dont la précision accrue des données. L’identification précise et les dossiers d’information sur les personnes et les groupes relevant de ces organismes sont beaucoup plus utiles que les données du recensement global de la population actuellement en usage. Les dossiers de santé sur les patients facilitent l’établissement de meilleurs systèmes de données, dont on peut extraire des données globales sur les facteurs sanitaires ou les populations, afin d’améliorer la planification et l’évaluation et de mieux harmoniser les services en fonction des patients. Une bonne information permet aux prestataires de mieux comprendre leur clientèle, tant sur le plan individuel qu’en tant que groupe démographique ayant des besoins spéciaux. Grâce à la précision des données sur la population, on en arrive à un calcul plus exact et approprié de la formule de capitation utilisée pour le financement des orga nismes de santé. Tant l’organisme que les pouvoirs publics sont ainsi plus en mesure de planifier et de favoriser une meilleure répartition des ressources dans tout le système. Cette formule donne la possibilité d’améliorer la planification des ressources humaines par l’élaboration de ratios plus précis entre les besoins des patients et les praticiens, de façon à faciliter le déploiement des praticiens au sein des organismes et du système global. Les différents organismes utiliseraient les dossiers médicaux individuels des patients et les données globales, les données sur les contacts, les données financières et autres pour améliorer la planification et répondre aux besoins, tant des individus que des populations qu’ils servent. Toutes précautions étant prises pour assurer le respect du caractère confidentiel de l’information, des données provenant de tous les organismes et regroupées de façon adéquate pourraient être rassemblées par un organisme central pour constituer une référence permanente et permettre l’évaluation du comportement des organismes et les répercussions dans tout le système de santé. • Capitation – L’organisme est financé selon une formule de capitation pondérée, en fonction de la population inscrite, pour l’ensemble du service de santé, quel que soit l’endroit où ce service est fourni à l’intérieur d’une province ou du pays Le financement par capitation est essentiellement un système d’affectation de fonds à partir d’un budget central de la santé, fondé sur l’effectif de la population. La répartition des fonds est directement proportionnelle à la population (nombre d’inscrits de l’organisme financé). En un mot, un organisme qui possède une liste de patients inscrits dix fois plus importante qu’un autre recevra dix fois plus d’argent. Toutefois, il est généralement admis que le besoin de ressources financières est influencé par un plus grand nombre de facteurs que le nombre de personnes figurant sur une liste. Des caractéristiques démographiques telles que l’âge et le sexe sont reconnues par la
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majorité comme ayant une incidence sur les ressources de santé requises (p. ex. plus grand nombre de services en gériatrie et de soutien pour une population relativement âgée, ou plus de prévention pour une population jeune). D’autres facteurs sont reconnus comme importants dans le paiement par capitation pour définir avec précision les « besoins », dont les variations régionales dans les besoins en matière de santé et les coûts, l’utilisation de taux de mortalité (p. ex. ratios standardisés de mortalité) et d’indicateurs de maladies aiguës – une mesure relative des décès prématurés fondée sur l’espérance de vie des hommes et des femmes, etc.) – ainsi que les facteurs de désavantage relatif ou de besoins sanitaires – niveaux de scolarité, possession d’une automobile, nombre de mères célibataires et composition ethnique. La plupart des pays emploient un ou plusieurs de ces facteurs dans leurs méthodes de calcul du paiement par capitation, et tous retiennent la pondération en fonction de l’âge et du sexe, mais on ne s’entend pas de façon définitive, à cette étape du développement, quant aux facteurs d’ajustement supplémentaires les plus appropriés, soit individuellement, soit regroupés. Il n’en demeure pas moins que cette méthode est la méthode la plus équitable ou juste de répartition du budget de la santé entre les organismes ou les modèles pour garantir à la fois une part « équitable » et une certaine spécificité au rapport entre le financement pour les ressources médicales et paramédicales et les besoins de la population inscrite de l’organisme. Les règles minimales (politique gouvernementale) sont les suivantes : • Le gouvernement ou le système doit disposer d’un fonds ou d’un budget central consacré à la santé qui soit suffisant pour financer toutes les prestations ou tous les services de base requis pour la population. • Les pouvoirs publics (provinciaux et territoriaux) doivent s’engager à adopter le financement par capitation pour les nouveaux organismes. • Le paiement par capitation doit être pondéré au minimum en fonction de l’âge et du sexe, et l’on doit prendre en compte les besoins ainsi que les facteurs régionaux ou autres du système, de façon à préserver la spécificité du rapport entre les rentrées de fonds et les coûts prévus pour répondre aux besoins de la population. • Dans le contexte de ce modèle, la capitation doit être appliquée à tous les services de santé qui pourraient être offerts et fournis aux membres de la liste, partout dans la province ou le pays. Le paiement par capitation est synonyme d’uniformité, d’équité et de justice dans la répartition du financement. La même formule est appliquée à toutes les listes. Lorsqu’on considère les modèles à intégration verticale complète et procédant par listes et que l’on compare les facteurs sociodémographiques de leur population inscrite, on constate qu’aucun organisme ne reçoit plus ou moins de fonds qu’un autre. Toute différence dans les rentrées de fonds est attribuable à des variations dans le nombre, la répartition selon l’âge et le sexe, l’emplacement régional et géographique des membres et les indicateurs de besoin appliqués sur une base régionale. Les conséquences de la capitation sont résumées ci-dessous : • La capitation fournit un financement « raisonnable » en raison du rapport entre le coût prévu des soins et le profil des besoins de la population inscrite. • Chaque organisme reçoit une part « plus équitable » des ressources financières
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qu’il n’en recevrait en vertu de la méthode fondée sur l’utilisation passée, qui a tendance à favoriser une répartition inéquitable. Le paiement par capitation est fondé sur les besoins de la population en matière de santé (ajustements en fonction de l’âge et du sexe ; ajustements en fonction des facteurs de désavantage relatif ou de besoins et en fonction des coûts). Les approches fondées sur l’utilisation passée et le budget global renferment certains éléments relatifs aux besoins, mais sont aussi influencées par d’autres facteurs. En vertu de ces autres systèmes, on ne prend guère en compte les demandes con currentielles de ressources dans le rapport aux besoins relatifs de la population servie. Le paiement par capitation tient compte des changements qui se produisent, avec le temps, dans l’effectif et la composition démographique de la liste de l’organisme. À mesure qu’un organisme recrute des membres de la population relativement plus âgés par rapport à ceux d’un autre organisme, il reçoit davantage de ressources. Dans les approches fondées sur l’utilisation passée, on observe une certaine réticence et une lenteur à tenir compte des changements, si bien que ces approches ont tendance à perpétuer les inégalités entre les organismes de santé. Le paiement par capitation est une méthode systématique qui attribue les ressources en fonction de caractéristiques observables de la population et qui n’est pas vraiment sensible à la manipulation ou aux « jeux » politiques. À part les débats occasionnels pour raffiner la formule, il n’y a guère de possibilités que les parties intéressées puissent manipuler le système de financement. Le paiement par capitation fournit des rentrées de fonds variables – et non un budget global ou une enveloppe. Bien que cette formule n’offre pas de garantie, relativement aux arrangements financiers passés (la somme des budgets pré existants pour les prestataires), elle permet d’affecter facilement des fonds aux secteurs ciblés en conformité avec le plan des besoins, le profil de la demande et l’évolution de ce profil avec le temps, ainsi qu’au prestataire le plus approprié, qui fournit le bon service, au bon endroit, au moment voulu, pour répondre aux besoins particuliers de chacun des membres inscrits. Dans le paiement par capitation, les fonds « suivent le patient », ce qui incite à porter attention aux besoins de ce dernier. À cela s’ajoute la motivation d’attirer de nouveaux membres et de conserver les membres inscrits. En un mot, les nouveaux membres accroissent les rentrées de fonds de l’organisme, alors que les membres « sortants » les réduisent. Étant donné qu’il peut y avoir plus d’un organisme assurant le service dans une région donnée, la capitation incite à être plus sensible et réceptif aux autres entités du système, de même qu’aux besoins des membres de la population, qui jouissent de la liberté de choix et de sortie. Si un patient adhérent choisit de quitter un organisme, le financement par capitation le suit dans le nouvel organisme. Les conséquences de cette façon de procéder, sur le plan de l’amélioration de la qualité et du service, sont nombreuses : cette formule incite les prestataires et les organismes à accorder une importance accrue au service et au choix des méthodes les plus appropriées. En outre, on met l’accent sur les soins aux patients plutôt que sur la construction d’une infrastructure.
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• Le paiement intégral par capitation (à l’échelle nationale ou provinciale), pour les personnes de la liste, permet une justification complète de l’emploi des fonds. Cela n’entraîne aucun « coût supplémentaire » pour le système, puisqu’il est possible de connaître tous les services externes et de les facturer à l’organisme responsable des personnes inscrites, ou de procéder à des redressements de la somme prévue pour la capitation. La formule assure une protection contre le manque de solidarité, puisque les organismes ne peuvent se dégager de leur responsabilité et transmettre les coûts à d’autres. • Le paiement par capitation est une garantie de prévisibilité et de simplicité pour les organismes et les pouvoirs publics : – organismes – financement prévisible, facilite la planification, offre davantage de possibilités d’effectuer une planification pluriannuelle ; – pouvoirs publics – prévisions solides, facilité de gestion, rend inutiles les négociations secteur par secteur et les affrontements avec les ministres ou les ministères. • Autonomie pour définir les modalités organisationnelles et financières avec les prestataires – Liberté de prendre des décisions concernant les questions critiques (internes) pour le fonctionnement de l’organisme afin de mieux servir sa population, notamment en ce qui a trait à la répartition du financement, des soins, aux décisions de fournir les services directement ou après acquisition, de même qu’à la mise en place de relations organisationnelles et financières appropriées avec les prestataires et dans tout le système, pour créer un contexte optimal au bénéfice de tous les participants Comme tout organisme indépendant du gouvernement, les organismes de la santé disposent de l’autonomie et de la liberté nécessaires pour élaborer les procédures de fonctionnement et les rapports organisationnels et financiers les plus appropriés avec les prestataires, dans le but ultime d’assurer les services qui correspondent le mieux aux besoins de la population inscrite. Cette autonomie, alliée à la capacité financière de donner suite aux décisions, a de puissantes implications pour la réforme de tout le système. La responsabilité de la gamme complète de soins couvre l’ensemble des services, qui doivent être harmonisés en fonction des besoins de la population pour que des décisions de soins pertinentes soient prises. Le déplacement du poids de la responsabilité de fiduciaire du gouvernement aux accords de négociation avec les prestataires a pour effet d’égaliser le terrain sur lequel se déroule la négociation des services et des responsabilités. Avec un financement équitable par capitation et une population inscrite, nul doute que l’autonomie face à la prise de décisions et aux changements à apporter favorisera une répartition plus précise des fonds en fonction des besoins, ainsi qu’un contexte de service plus dynamique. Les règles minimales (politique gouvernementale) sont les suivantes : • L’organisme intégré doit avoir le droit et la possibilité de négocier avec les pres tataires, y compris le droit de rechercher le regroupement de prestataires et d’organismes de prestataires en son sein.
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• L’organisme intégré est officiellement tenu de conclure des contrats appropriés avec des prestataires, lorsqu’il n’a pas – ou préfère ne pas avoir – la capacité d’assurer le service par lui-même. • L’organisme intégré doit avoir la liberté financière et juridique de négocier des contrats. Pour faciliter le processus, le gouvernement pourrait établir les paramètres minimaux servant de principes directeurs et (ou) des règles applicables aux cas où les deux parties n’en arrivent pas à un accord (p. ex. taux de financement au lieu d’une approche convenue par les parties). • L’organisme doit avoir la liberté de se structurer à l’intérieur des paramètres de protection de l’intégrité de sa mission et de ses objectifs de service, de santé, de même que relativement à son statut d’organisme à but non lucratif (p. ex. des règlements intérieurs pourraient être adoptés à cette fin) et de concevoir son cadre organisationnel (procédures relatives à la gestion, à l’administration, aux finances et aux ressources humaines) pour mieux répondre aux besoins de la population qu’il sert. Cela lui permettra de s’adapter en fonction de cadres différents. • Le gouvernement peut choisir de réglementer des services spécialisés ou des programmes donnés pour limiter leur nombre et leur emplacement suivant les exigences provinciales ou nationales appropriées. Le gouvernement pourrait également choisir de stipuler par règlement que certains établissements et services spécialisés demeureront autonomes, de façon à disposer d’un nombre approprié de ces établissements ou services au sein de la province, dans le but ultime de trouver un juste équilibre entre l’accès et le maintien d’un volume suffisant de travail pour garantir le savoir-faire et la qualité. Dans ce cas, le gouvernement pourrait énoncer des directives dans le cadre des arrangements financiers conclus entre l’organisme de santé et de telles entités (déterminer le tarif ou le coût à payer), en vue de maintenir des volumes adéquats d’utilisation, de compétence et de savoir-faire dans les spécialités, ou d’éviter tout effet dissuasif par rapport à l’utilisation de ces services. Ces paramètres ne diminuent en aucune façon le rapport direct entre les organismes et les prestataires, qui n’en devront pas moins négocier des ententes d’échange de fonds pour la prestation de services, et ne changent en rien l’obligation pour le prestataire de faire parvenir les données sur les contacts à l’organisme, dans un but de performance. L’autonomie des organismes de santé préserve leur liberté, qui va de pair avec la capacité financière, de diriger leurs activités de manière à améliorer la fourniture de services adaptés aux conditions locales. Cette liberté donne à la direction le pouvoir de prendre des décisions qui créeront un meilleur contexte, tant pour les prestataires que pour les patients, et conduiront à une plus grande satisfaction de tous les intéressés, sans compter l’efficacité et la viabilité économiques. Un organisme intégré ne peut, par nature, travailler isolément ou accomplir sa tâche sans les caractéristiques essentielles mentionnées ci-dessus. Il y a d’autres facteurs importants qui entrent en ligne de compte dans la promotion de la performance supérieure des modèles intégrés.
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Caractéristiques connexes importantes
En plus des quatre caractéristiques analysées ci-dessus, qui constituent les piliers du système, il y a un certain nombre d’autres caractéristiques importantes qu’on retrouve à la base des organismes à intégration verticale complète. Si elles représentent le résultat probable des stimulants naturels du système réformé, elles devraient néanmoins être exigées par le gouvernement en tant qu’éléments minimums et caractéristiques de fonctionnement standard. Elles renforcent les paramètres de fonctionnement adéquats et satisfont aux principes et aux objectifs stratégiques de la réforme de la santé. • Organismes indépendants à but non lucratif, constitués en personne morale Le cadre organisationnel des organismes indépendants à but non lucratif constitués en personne morale favorise une orientation plus responsable et plus facile à surveiller, dans la mesure où la conception de la structure est spécialement axée sur la mission d’en arriver à la répartition la plus appropriée des ressources destinées aux soins de santé. La mission pourrait être énoncée dans les règlements internes, dans un autre document officiel de la société et dans la procédure d’exploitation. Le financement par capitation sert cette mission globale en mettant à la disposition de l’organisme des rentrées de fonds plus équitables et en apportant un plus grand appui aux prestataires qui sont au service de populations ayant des besoins plus critiques. Le plus grand degré d’autonomie que confère la responsabilité des services et de tout le financement connexe permet d’expérimenter des modes optionnels de fourniture de services et donne à l’administration la latitude voulue pour construire de nouvelles relations et s’adapter à l’évolution de la situation. Un organisme intégré à but non lucratif serait peut-être plus conforme aux principes et objectifs canadiens qu’un organisme à but lucratif, du moins dans les premières étapes de la réforme. Dans ce contexte, les fonds excédentaires résultant d’une organisation plus efficiente pourraient être réaffectés à l’amélioration des services, de la qualité ou de la réceptivité, d’un autre secteur de l’organisme. En revanche, dans un organisme à but lucratif, la recherche de profit des propriétaires (un rendement pour les investisseurs) peut entraîner une réduction des ressources financières affectées à l’appui de la fourniture ou de la qualité des services, de façon à produire un bénéfice pour les propriétaires. Le statut d’organisme à but non lucratif de l’organisme de soins de santé intégrés équilibre les stimulants pour créer des excédents, dans le but de les réaffecter à l’amélioration des soins de santé. • Conseil d’administration dont les membres et la participation sont représentatifs des membres inscrits Comme toute autre société plus complexe, l’organisme intégré aura la respon sabilité implicite, ainsi que de puissantes motivations, de choisir un conseil d’admi nistration et une administration correspondant aux services qu’il fournit et à la population qu’il sert, pour rester à l’affût des besoins, des tendances et des coûts actuels.
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En recrutant des membres parmi sa clientèle, l’organisme s’assure que les patients ou consommateurs auront leur mot à dire et exerceront une influence. La possibilité de permettre la participation de prestataires au conseil d’administration équivaut à une reconnaissance de la possibilité de décider, à l’échelon local, d’inclure des prestataires en tant que partenaires de la régie interne de l’organisme. • Obligation d’évaluer et de satisfaire les besoins de chacun de ses membres et de la population inscrite dans son ensemble • Nécessité de planifier en vue de mettre en place les ressources les plus appropriées pour répondre aux besoins définis • Fourniture de services appropriés, soit directement, soit par l’acquisition de services • Relevé de tous les contacts et tenue à jour d’autres données et dossiers de santé pertinents (information des listes, profil des prestataires, enquêtes sur la satisfaction de la clientèle) Une évaluation en bonne et due forme des besoins de la population favorise la mise en œuvre et le peaufinage de méthodes systématiques et scientifiques d’évaluation du profil des besoins, ainsi que l’élaboration d’un plan optimal pour mettre en place l’éventail le plus approprié de prestataires et de services pour répondre à ces besoins. Par ailleurs, l’engagement à satisfaire les besoins des personnes, dans le cadre des services qui devraient être habituellement financés par le système, signifie qu’aucun patient ne pourra se voir refuser les services nécessaires, sous prétexte que ses besoins sont inhabituels ou que les services ne sont pas facilement accessibles. La flexibilité de la conception organisationnelle ouvre la voie à une adaptation de l’organisme, afin que celui-ci soit en mesure de satisfaire les besoins particuliers d’une population donnée – comme les besoins des membres des collectivités rurales, dont l’économie est tout à fait différente et engendre des besoins différents de ceux des régions métropolitaines, densément peuplées, en particulier si d’autres organismes sont présents ou font concurrence à l’organisme en question pour attirer et retenir les membres inscrits. Les critères de financement pourraient obliger les organismes à évaluer les besoins de manière responsable et à planifier et structurer la fourniture des services nécessaires. La mise en place de rapports caractérisés par un intérêt mutuel plus direct entre organismes, prestataires et populations inscrites agissant à la fois en tant que patients et partenaires dans les soins de santé ouvre la possibilité et confère la responsabilité d’améliorer la prise de décisions concernant la fourniture directe ou par voie de contrats des services répondant le mieux à la situation. En s’acquittant de ces responsabilités, le système recueillera le nombre de contacts et d’autres données pour étoffer les dossiers médicaux, contrôler et évaluer l’activité et appliquer les mesures de qualité. Grâce à l’association entre les membres inscrits et la carte d’assurance-maladie, il est facile de savoir qu’un membre inscrit a eu recours à des prestataires extérieurs et de déduire le
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coût de ces services du financement par capitation. Cela signifie également que le rôle de coordination de la défense des droits et des soins se trouve privilégié, quelle que soit l’entité avec laquelle l’organisme a conclu une entente ou à laquelle il paie les services. Grâce à l’amélioration de la communication et des rapports sur les données critiques, il sera aisé d’élaborer des systèmes de données plus utiles, dont tous les participants tireront parti. Une fois les organismes de soins de santé intégrés et mis en place, leurs activités et leur administration quotidienne incluront des fonctions propres à d’autres secteurs, ce qui élargira la possibilité de trouver des points de référence pour les nouvelles idées à l’extérieur de ces organismes. • Importance accordée au bien-être et aux soins primaires, le généraliste jouant le rôle de filtre par rapport aux services secondaires et faisant partie d’une équipe pluridisciplinaire accessible aux patients inscrits L’engagement à l’égard du bien-être (promotion de la santé et prévention de la maladie), qui se traduit par une importance accrue accordée aux soins primaires et aux soins communautaires (recul des soins en milieu hospitalier), donnera aux pa tients un accès plus direct aux membres de l’équipe de soins primaires, représentée au minimum par un généraliste et éventuellement par des infirmières de première ligne, des nutritionnistes, des conseillers et des physiothérapeutes, entre autres professionnels de la santé. Le généraliste sert de filtre relativement à l’accès aux spécialistes, aux hôpitaux et aux autres éléments des soins secondaires et actifs. Ces caractéristiques sont conformes aux objectifs et principes actuellement mis en œuvre dans le système canadien. • Engagement officiel à l’égard de la qualité et de l’évaluation et, par le fait même, renforcement des principales caractéristiques et obligations de l’organisme Un tel mandat pourrait inclure des procédures qui intègrent des mécanismes pour assurer la disponibilité, l’accessibilité, l’efficacité et la continuité des soins, de même que l’amélioration continue de la qualité. L’évaluation de la qualité devrait se dérouler dans un cadre qui comprend : l’évaluation précise des besoins, un environ nement axé sur la qualité, des indicateurs des initiatives d’amélioration de la qualité, une évaluation économique, une mesure de l’état de santé effectuée par l’intéressé et une mesure de la satisfaction des membres et des prestataires. La communication obligatoire de renseignements sur les contacts et d’information connexe visant à assurer le respect des normes de qualité devrait figurer au cahier des charges de tous les contrats d’acquisition de services. Une telle mesure jettera les bases de la construction d’un dossier électronique sanitaire, qui servira ensuite à la planification et fournira aux médecins et aux autres prestataires de soins autorisés de l’organisme des données globales intégrées. Comme tout autre organisme de santé faisant déjà partie du système, l’organisme serait tenu de respecter le secret professionnel. De manière générale, en raison des incitations inhérentes à des responsabilités, des activités et un financement plus complets, du fait de son intégration verticale, un organisme plus parfaitement intégré devrait être motivé à atteindre, dès maintenant, de meilleurs résultats et à s’adapter de manière continue dans l’avenir.
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Appui supplémentaire du gouvernement
En plus des règles minimales (ou de la politique gouvernementale) définies en vertu des quatre principales caractéristiques, le gouvernement a un rôle important à jouer dans la mise en place de l’infrastructure du système et des modalités propres à favoriser son intégrité, à savoir : – établir les objectifs et les priorités sanitaires à l’échelle nationale, provinciale et régionale ; – s’assurer qu’il existe une caisse centrale et élaborer et continuer à peaufiner une formule de paiement par capitation, de même qu’une caisse de secours particulière pour répondre aux besoins de populations en crise, en cas de catastrophe ; – administrer une petite caisse centrale pour favoriser l’atteinte d’objectifs de santé et répondre aux besoins des populations « difficiles à rejoindre » (comme les per sonnes sans domicile fixe) ; – définir et appuyer la mise en place d’un système d’information sanitaire intégré et participer à la définition des normes ; – prendre des mesures sur le plan normatif et pratique pour une surveillance et une évaluation officielle appropriées, y compris l’évaluation des besoins et de la performance de modèles donnés et du système dans son ensemble. Ces activités pourraient par ailleurs être renforcées par une évaluation locale et régionale indépendante et par des projections de besoins, de même que par des vérifications publiques des résultats ; Et si le gouvernement appuie la délégation graduelle aux organismes de soins primaires et aux généralistes de la responsabilité d’administrer un budget et d’acheter des services : – exiger que les organismes se dotent d’un conseil d’administration et d’autres attri buts organisationnels propres aux organismes complètement intégrés, à des fins d’uniformité des opérations, du coût et de la responsabilité au sein du système (voir « Mise en œuvre du modèle à intégration verticale complète » plus loin).
Analyse
La section ci-dessus a été élaborée d’après les principales caractéristiques des orga nismes à intégration verticale dont devrait s’inspirer le système de santé du Canada dans son évolution future. Bien qu’il soit difficile, dans le meilleur des cas, d’apporter des changements structurels au secteur de la santé et que les valeurs, la culture et le parti politique au pouvoir jouent à cet égard un rôle extrêmement important, on a pu observer un certain nombre de faits positifs, à l’échelle provinciale et nationale, qui donnent à penser qu’il pourrait y avoir une évolution allant, ou susceptible d’aller, dans le même sens que ces grandes caractéristiques. Il existe au moins trois axes de possibilités prometteuses pour la mise en place d’organismes à intégration verticale, à savoir : • Le développement à partir d’une base de soins primaires ;
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• Le fait que des organismes à assise régionale et géographique intègrent dans leur structure un certain nombre de ces caractéristiques importantes ; • L’élaboration d’organismes de soins de santé indépendants, à intégration verticale complète, a déjà largement dépassé l’étape du concept : on étudie présentement la possibilité d’implanter de tels organismes au sein de plusieurs collectivités – on est même parfois à pied d’œuvre. Ces axes de développement sont résumés ci-dessous.
Développement à partir d’une base de soins primaires
Le récent intérêt pour la réforme des soins primaires pourrait fort bien aboutir à l’introduction d’organismes indépendants de soins primaires recevant un paiement par capitation pour leur population inscrite. Une fois ces organismes créés, on pourrait parvenir, avec le temps, à une plus grande intégration à partir de l’infrastructure des organismes de soins primaires déjà en place. Au moins une des propositions pour les modèles de soins primaires porte à croire que cette réforme pourrait être réalisée par l’ajout de la responsabilité des spécialistes, des hôpitaux et autres services au moyen d’un financement par capitation supplémentaire. Ces ajouts ouvriraient également la voie à l’introduction de la notion d’acquisition de services. Il y a probablement deux voies ou orientations qui pourraient être envisagées dans l’« étoffement » des organismes de soins primaires, par étapes graduelles, en vue d’une intégration verticale complète de la responsabilité des services de santé. Chaque organisme ferait fond sur l’assise organisationnelle édifiée par l’établissement de listes et la capitation. Ces voies sont résumées ci-dessous.
Voie 1 – Généraliste ou organisme de soins primaires débouchant sur un modèle acheteur-prestataire financé par capitation
Le principal fondement de ce modèle a trait au fait qu’il opère par capitation pour des services allant au-delà des soins primaires, de manière progressive. La capitation serait ajoutée pour différents modules ou secteurs de soins (p. ex. médicaments, spécialistes, diagnostics, soins à domicile). Pour devenir un modèle doté de tous les attributs souhaitables, l’organisme devrait développer la capacité d’achat ou fournir des services supplémentaires (p. ex. en employant d’autres prestataires ou en fusion nant avec ces derniers). Pour passer à la fourniture ou à l’achat d’une gamme complète de services à l’extérieur de son aire d’exercice passée, un organisme doit élargir sa structure de régie interne et de gestion. S’il ne fonctionne pas déjà dans le cadre d’une structure organisationnelle à but non lucratif, dotée d’un conseil d’administration, il doit en créer une. La régie (le conseil d’administration) et la direction doivent réunir des représentants des secteurs de services que l’organisme a l’intention de fournir, de même que des représentants de sa clientèle (population inscrite). Ces attributs élargissent en outre la réceptivité de la direction et des opérations à l’égard d’autres domaines de pratique, les préparant à gérer de façon plus appropriée le financement en équilibre avec tous les
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autres services fournis, en particulier afin d’éviter tout problème lié au développement d’un secteur au détriment des autres. De même, la présentation de données globales à un système centralisé, le respect des normes d’uniformité des données dans la province ou dans tout le pays deviennent un impératif. Si l’organisme évolue pour inclure tous les services sanitaires de base, il devient un modèle entièrement intégré. Voie 2 – Généraliste ou organisme de soins primaires devenant un détenteur de budget – acheteur passant d’une intégration partielle à une intégration verticale complète, avec possibilité de devenir acheteur-prestataire
Un généraliste ou un organisme de soins primaires peuvent évoluer pour devenir un détenteur de budget partiel ou total. La principale différence est qu’un détenteur de budget, dans ce contexte, demeure toujours et uniquement un acheteur. En tant que détenteur de budget, un organisme n’a pas besoin d’un conseil d’administration. Les détenteurs de budget négocient des contrats avec les prestataires pour l’obtention de services. Pour financer la fourniture de nouveaux services, le gouvernement a recours à une marge de crédit, qui constitue une forme de paiement direct aux prestataires (comme c’est le cas pour les généralistes détenteurs de budget, payés par les administrations sanitaires de district au Royaume-Uni). Le principal objet de cette méthode de paiement est de s’assurer qu’il n’y a pas de biais sectoriel et que ces fonds ne font pas partie de la rémunération des généralistes. La capacité d’administrer un budget peut être développée par étapes, par l’ajout de différents modules de financement par capitation du programme (comme les services de diagnostic et de spécialiste) et le financement connexe sous forme de marge de crédit à l’organisme. L’organisme doit avoir les qualités requises pour « acheter » – c’est-à-dire qu’il doit maîtriser les compétences et les exigences en matière de données prévues dans le contrat de services, notamment être capable de définir le cahier des charges et les spécifications (définition des programmes et des services particuliers, résultats attendus, normes applicables au domaine médical et à la qualité, déontologie, critères de communication à l’organisme des contacts par les prestataires, contrôle des droits de l’organisme) et disposer de l’infrastructure financière et administrative voulue pour la gestion de contrats. Les détenteurs de budget peuvent élargir, grâce à la marge de crédit, leur capacité d’achat de tous les services de base, afin de devenir des administrateurs de budget total. Ils peuvent choisir de demeurer un organisme d’administration de budget partiel ou un conseil d’administration de budget global à son maximum d’expansion, mais ils peuvent aussi demeurer exclusivement des acheteurs. À tout moment de leur développement, les détenteurs de budget peuvent choisir de devenir des organismes acheteur-prestataire financés par capitation, en remplissant les critères minimaux de la structure organisationnelle ou de la commission et en développant une capacité de prestataire, tel qu’analysé ci-dessus. Si un détenteur de budget total choisit cette voie, l’organisme devient un modèle à intégration verticale complète (figure 12).
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Figure 12 Détenteur de budget vs modèle acheteur-prestataire
Gouvernement central ou régional
Capitation
Régie et administration Marge de crédit
Soins à domicile Médicaments Diagnostics Hôpital Spécialistes
Prestation ou achat
Capitation
Généralistes/ soins primaires
Financement direct
1
Soins à domicile Médicaments Diagnostics Hôpital Spécialistes Généralistes/ soins primaires 2
1. Modèle de généraliste détenteur de budget procédant par liste – n’a pas accès, ou n’a qu’un accès limité, à des fonds pour des services secondaires. 2. Modèle à intégration verticale procédant par listes – capitation intégrale pour tous les services.
Organismes ayant une assise régionale ou géographique Modélisation provinciale intégrant certaines des grandes caractéristiques
Les provinces ou territoires canadiens dotés d’organismes ayant une assise régionale ou géographique ont intégré plusieurs des caractéristiques présentées ci-dessus dans leur modélisation actuelle et en évolution. Le mouvement vers l’intégration est une constante de toutes les initiatives de réforme organisationnelle. Dans les provinces ou territoires dotés de régies régionales pour les établissements, on observe une évolution vers des formes d’intégration verticale. Par exemple, le Nouveau-Brunswick met en place des centres de soins primaires ou de santé communautaire ; Terre-Neuve a déjà regroupé ses foyers de soins infirmiers et ses hôpitaux au sein de ses régies régionales responsables des établissements, et d’autres provinces, comme la Saskatchewan, avec ses régies régionales de la santé, qui sont des sociétés à but non lucratif, ont déjà adopté soit le financement ou la « propriété » directs et, par conséquent, la responsabilité de gestion de plusieurs secteurs du système de santé.
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Les centres de soins primaires ou communautaires, les soins à domicile, les établissements de soins de longue durée, les hôpitaux et autres programmes font maintenant partie d’une régie régionale de la santé et relèvent de sa responsabilité administrative. Cette structure élargit le point de vue sur la santé et encourage, voire impose, une vision de la santé au sein de laquelle la structure de ressources régionales la plus appropriée pour répondre aux besoins des populations s’inscrit dans un continuum. Ce qui manque, dans tous les cas, à cette étape de l’évolution, ce sont les services de médecin (à l’exception de ceux qui donnent des consultations dans les centres de santé communautaires) et, dans certains cas, les services d’un hôpital de soins tertiaires et autres services spécialisés. En plus du fait de passer du morcellement organisationnel à l’intégration, les structures régionales s’engagent dans la voie de la planification de la santé publique. L’articulation et le développement du savoir-faire dans le cadre d’une planification globale concertée, grâce à l’évaluation des besoins, et la détermination de l’ensemble de ressources de la santé le plus approprié pour répondre à ces besoins, témoignent d’un progrès très net de la réforme canadienne de la santé. Tous les modèles à intégration verticale partielle ont le potentiel de devenir des modèles d’achat. Les autorités régionales, comme les régies régionales de la santé de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse, sont mieux placées pour évoluer dans cette voie, du fait que, dans l’ensemble, elles ne jouent aucun rôle sur le plan de la propriété et de la gestion directes des prestataires de soins de leur collectivité territoriale. Toutefois, les leçons qui se dégagent de l’évolution historique des systèmes de santé des pays à l’étude portent à croire que les modèles d’intégration publique de la Saskatchewan et de l’Alberta pourraient être transformés par une séparation des rôles d’acheteur et de prestataire, si ces provinces choisissaient d’évoluer dans cette direction. La plupart des provinces ou territoires disposant d’organismes régionaux à intégration verticale partielle envisagent d’introduire une forme plus équitable de financement par capitation. La Saskatchewan est déjà passée à l’action, tandis que l’Alberta et la Colombie-Britannique travaillent actuellement à mettre au point leur propre méthode. À cette étape du développement, la capitation est conçue princi palement pour donner une idée des coûts des services financés par les autorités régionales sur leur territoire. Le problème de la circulation interterritoriale
Le financement par capitation va de pair avec la mise en évidence du besoin d’un classement plus précis des personnes et, par conséquent, de la population. L’actuel niveau de développement organisationnel des modèles régionaux (p. ex. autorités locales et régies de la santé) ne facilite pas l’introduction du financement par capitation et il en va de même de la responsabilité et de la souplesse opérationnelles. Ces difficultés résultent des principes classiques qui sous-tendent, la plupart du temps, les organismes à assise géographique, à savoir :
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• L’organisme est responsable de la santé de la population qui vit dans la région relevant de sa compétence ; • L’organisme assumera la responsabilité du financement des prestataires précisément répertoriés qui exercent à l’intérieur de ses frontières géographiques. L’expression « à l’intérieur de ses frontières géographiques » constitue le nœud du problème. Bien que le terme « frontières » semble impliquer la notion de contrôle, en réalité, ces termes établissent les paramètres d’un système « ouvert » renfermant des éléments qui sont difficiles à prévoir ou à maîtriser. Théoriquement, l’organisme est généralement capable d’établir un profil des besoins de la population qu’il sert. Toutefois, étant donné que la population n’est pas inscrite et qu’aucune liste n’est établie aux fins du système, on n’a d’autre choix que d’utiliser les données générales du recensement pour « définir » la population et pour évaluer les coûts, alors que les personnes jouissent de la liberté d’aller à l’extérieur chercher les services. Par conséquent, la « population » n’est pas un élément fixe de l’équation, et les estimations relatives à ses caractéristiques et aux coûts associés sont au mieux imprécises. Dans un tel système ouvert, l’organisme ne peut pas exercer une influence véritable sur les prestataires (ou sur d’autres éléments du secteur de la santé) à l’intérieur de ses frontières et il n’a manifestement pas la haute main sur les prestataires à l’extérieur de son territoire. Cette situation entraîne deux conséquences. En ce qui a trait à l’accès aux services, une certaine partie de la population de l’organisme traversera la frontière pour obtenir des services dans les régions voisines, et la population des régions voisines se retrouvera sur le territoire de l’organisme pour obtenir des services de prestataires financés par l’organisme. Par conséquent, certains des besoins, en matière de services prévus par l’organisme pour sa population, seront comblés ailleurs, sans qu’il lui en coûte un sou. En revanche, l’organisme engage des coûts pour assurer des prestations à des populations de régions voisines. Bref, dans de telles conditions, les coûts sont difficiles à prévoir et plus variables. Le calcul du financement par capitation destiné à l’organisme doit alors être continuellement redressé, par des soustractions, pour le départ de la population en quête de services dans une autre région, et par des additions, pour l’afflux de personnes ayant accès aux services sur son territoire. Il est difficile de prévoir ou de maîtriser l’incidence de telles allées et venues sur les budgets ou de contrôler efficacement les services. L’établissement de listes et un financement intégral par capitation à l’échelle de la province amélioreraient la situation, en simplifiant le système, et apporteraient des précisions dans le calcul et la gestion de la capitation, en plus de la possibilité d’une meilleure comptabilisation des fonds et d’un échange plus grand d’information entre les organismes régionaux qu’ils offriraient. L’absence des médecins (et du financement correspondant) – en particulier, les généralistes – qui ne sont pas intégrés à ces modèles organisationnels pose une autre difficulté pour les entités régionales s’efforçant d’améliorer l’état de santé de la population de leur territoire. Toutefois, en raison des efforts qui ont été faits pour les peaufiner et pour introduire et intégrer plusieurs des grands principes et caractéristiques, ces modèles possèdent les qualités nécessaires pour se développer et former des systèmes de soins de santé intégrés et efficients.
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Il est également possible d’avoir d’autres formes de modèles à intégration verticale, procédant par listes et n’intégrant la responsabilité que de certains secteurs de soins, notamment les services hospitaliers, les soins à domicile et les soins de longue durée en établissement, qu’on pourrait peut-être définir de façon plus pertinente comme des modèles de soins primaires intégrés, comprenant les services communautaires et, éventuellement, les services hospitaliers. Bien que cela ne soit pas la formule idéale pour plusieurs raisons (p. ex. l’incidence sur la formule par capitation, le risque de déchargement de la responsabilité sur d’autres secteurs ou services du système de santé, ou l’orientation vers d’autres services en l’absence de toute responsabilité – ou préoccupation de coûts), ce type de modèle pourrait ouvrir la voie à la création de bases qui serviront à édifier, avec le temps, un modèle à intégration verticale complète. Mise en œuvre du modèle à intégration verticale complète
Un modèle à intégration verticale complète, intégrant tous les principes et caracté ristiques analysés, a été conçu pour le contexte canadien. Le concept d’organisation de médecine globale a été créé en Ontario, et des modèles sont en cours d’élaboration ou ont été adoptés dans plusieurs collectivités au moment de la rédaction de la présente étude. Le modèle a également été examiné par d’autres provinces, notamment la Saskatchewan, et continue d’être à l’étude dans d’autres régions, dont la ColombieBritannique et le Québec (où une variante de l’OMG est appelée OSIS). La mise en œuvre implique un processus d’autorisation, par le gouvernement, de tout regroupement d’initiateurs crédibles, qui pourrait inclure des médecins (y compris les généralistes et les organismes de soins primaires), des administrateurs d’hôpitaux, d’autres professionnels de la santé, des syndicats, des promoteurs communautaires de sociétés ou de simples profanes. Tout regroupement de tels initiateurs pourrait concevoir un plan d’élaboration et de mise en place d’un modèle. L’approbation publique de la demande dépendrait de la capacité à prouver que les critères qui suivent sont remplis : d’abord et avant tout, les initiateurs ont une compréhension de base du modèle et de ses critères connexes ; ils peuvent faire la preuve de leur savoir-faire dans la régie interne, la direction, l’administration et les finances ; ils disposent d’un plan pour réunir les prestataires appropriés ou obtenir leurs services par contrat ; plus important encore, ils sont en mesure de prouver l’existence et l’intérêt d’une masse critique de membres inscrits potentiels. Toutes les caractéristiques principales et les exigences minimales analysées dans le chapitre précédent sont valables pour tout groupe qui se proposerait de former un organisme. Le modèle peut être mis en place par étapes, comme c’est le cas actuellement, ou d’un seul coup, « une fois pour toutes », avec l’aide appropriée du gouvernement. L’un des éléments critiques de sa mise en œuvre est le besoin d’engagement permanent, de la part du gouvernement, pour établir et appuyer les règles, comme nous l’avons fait valoir, de façon à fournir la base sur laquelle le corps de l’ouvrage élaboré jusqu’à ce jour pourra être complètement construit. L’effort de développement a été continuellement soutenu, jusqu’à l’heure actuelle, par trois administrations provinciales ; il ne reste plus qu’à faire la preuve d’un appui public sans réserve à l’endroit du modèle.
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Observations finales
En ce qui concerne le transfert d’un financement par capitation à un organisme quelconque, la transaction apparaît plus nette, du point de vue du gouvernement, si les services et le financement correspondant s’ajoutent systématiquement à des organismes en expansion par groupes logiques ou modules d’activités déjà constitués, à savoir les généralistes, les spécialistes, les services hospitaliers, les médicaments, les soins de longue durée et les soins à domicile. De cette manière, la formule par capitation demeurera plus uniforme dans tout le système. Selon certains réformateurs aigris, l’intégration horizontale ne va pas assez loin et les soins primaires ne sont pas suffisamment vastes. Cette observation s’explique plus aisément si on la replace dans le contexte de ce qui précède. En fait, l’intégration horizontale ne va pas assez loin, compte tenu de la fonction de regroupement qu’on aimerait lui voir remplir. Elle ne renferme pas la gamme complète des responsabilités (réglementées de manière appropriée) que comporte une forme d’intégration verticale plus puissante, associée à une autonomie de services et de financement, regroupant programmes et fonctions afin de donner une impulsion à la dynamique et aux inci tations inhérentes à la prise de décisions équilibrées, ainsi qu’à l’achat et à la prestation de services de santé dans tout le système. Les soins primaires ne pourront jamais, non plus, être suffisamment vastes pour introduire cette synergie isolément. Sans la perspective plus vaste de la responsabilité de satisfaire tous les besoins d’une population donnée, l’effet d’équilibre de la prise de décisions plus appropriées, concernant la répartition des fonds aux patients, ne se produira pas à l’échelle requise, et le manque d’uniformité dans les coûts et les procédures persistera dans tout le système. Il est clair que le Canada envisage une réforme organisationnelle dont l’esprit est conforme aux intentions énoncées, au début de la présente section par des personnes, tel Tommy Douglas, qui voyaient dans cette étape la dernière étape du développement du système de santé canadien. Dans la section qui suit, nous donnons un aperçu des directives d’évaluation interne et externe des organismes intégrés présentés dans notre étude. Sommaire des caractéristiques des modèles intégrés – Canada Principales caractéristiques (en commençant par les quatre caractéristiques prédominantes qui différencient les modèles)
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Responsabilité de toutes les prestations ou services de base. Population inscrite. Financement par capitation pondérée. Autonomie permettant de définir les relations organisationnelles et financières avec les prestataires.
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• Organisme indépendant à but non lucratif, constitué en personne morale. • Conseil d’administration qui se fait le porte-parole et le représentant des membres inscrits, et clause en vue de la participation des prestataires, selon les besoins. • Obligation d’évaluer et de satisfaire les besoins de chacun des adhérents et de la population inscrite dans son ensemble. • Obligation de planifier les ressources les plus appropriées pour répondre aux besoins définis. • Prestation de services appropriés, directement ou par l’achat de services. • Relevé et communication de tous les contacts et tenue à jour des autres dossiers et données sur la santé (informations figurant sur la liste, profil des prestataires, enquêtes sur la satisfaction de la clientèle). • Importance accordée au bien-être et aux soins primaires, le généraliste jouant le rôle de filtre par rapport aux services secondaires et aux soins fournis par une équipe pluridisciplinaire accessible aux membres inscrits. • Engagement officiel à l’égard de la qualité et de l’évaluation et, de ce fait, renforcement des principales caractéristiques et obligations de l’organisme, leur mandat incluant : – l’établissement de procédures, dont les mécanismes nécessaires pour assurer la disponibilité, l’accessibilité, l’efficacité et la continuité des soins, ainsi que l’amélioration continue de la qualité ; – la conduite d’une évaluation de la qualité dans un cadre incluant l’évaluation exacte des besoins, un contexte axé sur la qualité, des indicateurs des initiatives d’amélioration de la qualité, une évaluation économique, une mesure de l’état de santé par les intéressés et une mesure de la satisfaction des adhérents et des prestataires.
Principaux éléments de la politique et de l’appui gouvernementaux
• Définition à l’échelle nationale des prestations ou services de base s’inscrivant dans une vision moderne de la santé et du système de soins (sans pour autant être excessivement normatif). Les éléments des services de base définis com prendraient : promotion de la santé, prévention de la maladie, soins primaires, secondaires et tertiaires (y compris les services de praticiens, de médecins, de diagnostic et d’hôpital), soins à domicile, services de soins chroniques et de longue durée, et médicaments. Un élément discrétionnaire pourrait être ajouté, exprimant l’appui à des formules de rechange qui favorisent la santé, y compris la santé « culturelle », et dont la prestation est assurée dans un contexte concerté, comme le prévoit le modèle. Les éléments normatifs pourraient être axés sur l’amélioration de nouvelles technologies et thérapeutiques et articulés en fonction d’une stratégie prudente fondée sur les faits, en vue de l’énoncé explicite des traitements et des technologies qui ne sont pas couverts par le système financé par les fonds publics ou qui sont absolument interdits lorsqu’ils présentent un danger avéré pour la santé et la vie.
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• Directives du gouvernement mettant l’accent sur le bien-être et les soins pri maires sans réduire l’accès approprié, au besoin, à des soins secondaires de haute qualité. • Inscription obligatoire de tous les citoyens auprès de l’organisme de soins primaires de leur choix, qui inclut le modèle à intégration complète. De façon à faciliter cette étape : – des règles doivent être énoncées pour garantir l’acceptation de tous les citoyens qui choisissent de s’inscrire auprès d’un organisme, quel que soit leur état de santé. Nul ne doit se voir refuser le droit d’adhérer en raison de son état de santé. Ce principe protège l’universalité, de même que l’accessibilité des personnes ; – tous les citoyens doivent être libres de choisir l’organisme qui leur convient et de quitter cet organisme pour adhérer à un autre qui leur semble mieux répondre à leurs besoins. Par ailleurs, le financement par capitation les con cernant doit également être transféré auprès de la nouvelle entité. • Le gouvernement ou le système doivent disposer d’une caisse centralisée ou d’un budget adéquat pour la santé, afin de financer tous les services ou prestations de base requis pour la population. Par ailleurs, le gouvernement devrait disposer d’un budget pour faire face à des situations catastrophiques, ainsi que pour renforcer les activités propres à favoriser l’atteinte des objectifs sanitaires et pour adopter des stratégies permettant de répondre aux besoins des populations difficiles à atteindre, comme les personnes sans domicile fixe. • Le gouvernement doit s’engager à adopter le financement par capitation pour les nouveaux organismes. – La formule de capitation doit être pondérée en fonction d’indices d’âge et de sexe, au minimum, et l’on devrait envisager de tenir compte d’autres besoins et facteurs régionaux, de façon à préserver la spécificité du rapport entre les rentrées de fonds et le coût prévu de la satisfaction des besoins de la population. – Dans le contexte de ce modèle, la capitation doit être appliquée pour tous les services de santé auxquels les membres inscrits pourraient avoir accès et qui pourraient leur être fournis, quel que soit leur lieu de résidence dans la province (ou le pays). • Il y a lieu de privilégier sans réserve l’autonomie du modèle pour que l’organisme en arrive à des relations organisationnelles et financières adéquates avec les pres tataires, y compris en ayant recours à des contrats ou à la fourniture directe de services par suite de l’intégration ou de la fusion des prestataires avec la structure organisationnelle. • Il y a lieu d’imposer à l’organisme l’obligation de chercher à conclure des contrats adéquats avec les prestataires lorsqu’il n’a pas – ou préfère ne pas avoir – la capacité d’assurer les services lui-même.
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• Pour faciliter le processus, le gouvernement pourrait établir les paramètres minimaux servant de principes directeurs et (ou) des règles applicables aux cas où les deux parties n’en arrivent pas à un accord. • Le gouvernement peut choisir de réglementer des services ou des programmes spécialisés donnés, pour limiter leur nombre et leur emplacement suivant les exigences provinciales ou nationales appropriées. Dans ce cas, le gouvernement pourrait énoncer des directives dans le cadre des arrangements financiers conclus entre l’organisme de santé et de telles entités (déterminer le tarif ou le coût à payer), en vue de maintenir des volumes adéquats d’utilisation et de compétence. Ces paramètres ne diminuent en aucune façon le rapport direct entre les orga nismes et les prestataires. Les organismes n’en devront pas moins conclure des contrats avec les prestataires pour la prestation de services et le renvoi de données à l’organisme, et les incitations à donner satisfaction doivent être implicites dans les contrats. • Des objectifs et des priorités en matière de santé doivent être établis à l’échelle nationale, provinciale et régionale. • Le gouvernement doit stipuler l’obligation et appuyer l’élaboration d’un système d’information intégré sur la santé et participer à la définition des normes, en donnant pour mission aux responsables des organismes de communiquer les plans annuels, les données sur les contacts et toute autre donnée pertinente. • Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que des contrôles et une évaluation en bonne et due forme soient en place, dont l’évaluation des besoins et de la perfor mance du système dans son ensemble, de même que des modèles donnés. Ils doivent participer à toutes ces étapes. • Si les pouvoirs publics appuient la mise en place graduelle des fonctions d’administration de budget et d’achat au sein des organismes de généralistes ou de soins primaires, en plus du modèle à intégration complète, il y a lieu d’établir des conseils d’administration, des sociétés à but non lucratif et d’autres caractéristiques organisationnelles aux étapes critiques du développement. ÉVALUATION DES MODÈLES INTÉGRÉS
L’évaluation des modèles à intégration verticale qui font leur apparition doit être conforme à certaines procédures normalisées, convenant à tous les organismes, et doit s’appuyer également sur une série de critères plus spécialisés, spécialement adaptés à leurs idiosyncrasies. L’objet de la présente section est de résumer les directives qu’il y a lieu de formuler pour l’examen interne et externe de ces modèles. De façon générale, il est évident qu’il faut aborder l’évaluation selon la perspective différente des principales parties prenantes que sont les prestataires et les patients ou les autres participants institutionnels de poids (comme les organismes de la santé et les pouvoirs publics), afin d’assurer un examen approfondi de la façon dont l’organisme règle les problèmes et atteint les objectifs des soins de santé analysés ci-dessus. Étant donné que l’organisme intégré prestataire-acheteur aura nécessairement une vision globale de la gamme totale de services qu’il fournit, son point de vue d’ensemble
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sur l’évaluation ne sera guère différent de celui du gouvernement ; il sera tout autant préoccupé d’efficacité et d’efficience dans la prestation de services, mais à un moindre degré. L’organisme a besoin de comprendre quel est son rendement par rapport au reste du système de santé et aux modèles organisationnels similaires. En plus d’une vue d’ensemble qu’il a des points de référence que constituent les divers organismes de soins de santé ou d’autres secteurs (pour rester dans la course), l’organisme doit continuellement adapter cette information pour peaufiner ses opérations internes ; ensuite, ses paramètres d’évaluation incluront des mesures plus sophistiquées. Pour sa part, le gouvernement doit être en mesure de se faire une idée juste de la performance du nouveau modèle à l’échelle locale, régionale ou provinciale et (ou) nationale, en comparaison d’autres types d’organismes du système, similaires ou différents, de façon à faire connaître les succès et les échecs et à peaufiner les règlements et autres règles au fil du temps. Comme le rôle du gouvernement est de guider, d’appuyer et de contrôler les cycles permanents et annuels d’évaluation des besoins, il lui faut établir des priorités et des objectifs de santé. En raison des pressions qui s’exercent dans la conjoncture actuelle, les évaluations se font de plus en plus rigoureuses et vont de pair avec une transparence accrue du système par rapport aux observations du public et des médias. Compte tenu, particulièrement, de l’intérêt accru du public pour le système de santé et des répercussions possibles de la couverture de presse, la capacité d’évaluer avec efficacité le système en place et les nouveaux systèmes revêt plus d’importance.
Atteinte des objectifs
Dans le contexte macroéconomique, les pouvoirs publics et les organismes peuvent utiliser une liste des objectifs des systèmes de santé pour définir les questions sur lesquelles doit porter l’évaluation des organismes intégrés acheteur-prestataire et du système dans son ensemble. Il est important d’effectuer l’évaluation par rapport aux objectifs, du fait que les objectifs ont tendance à découler des questions, des observations ou des problèmes préexistants à l’intérieur du système. Cette étape constitue un excellent point de départ, puisque les objectifs ne sont pas seulement valables pour comparer le rendement du nouveau système par rapport à l’ancien, mais peuvent également être utilisés comme cadre d’orientation pour suivre de près les systèmes nouveaux et en évolution, afin de les empêcher de tomber dans les mêmes erreurs que les systèmes qui les ont précédés. Par exemple, on pourrait élaborer des systèmes de données et des questions précises pour vérifier l’accessibilité des services nécessaires à des personnes ou à des groupes de population que l’on pourrait définir en catégories, d’après le type de maladie, l’origine ethnique, la région ou l’organisme auquel ils se rattachent. On pourrait également vérifier si l’on met l’accent sur les services communautaires ou sur les soins en établissement. Pour ce qui est des organismes, on pourrait élaborer des questions pour vérifier l’influence qu’ils ont exercée sur l’état de santé de leur population inscrite en s’appuyant sur les données passées et, dans le cas de contextes pluralistes, comparer leur succès par rapport au reste du système de santé. On pourrait examiner si l’organisme est à l’écoute
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des besoins des adhérents en adoptant des mesures comme les enquêtes obligatoires sur la satisfaction des clients. Quant aux procédures de gestion financière et de comptabilité, elles pourraient être soumises à une vérification rigoureuse. Du point de vue des pouvoirs publics, des méthodes d’évaluation pourraient être élaborées, leur permettant d’examiner l’« équité » de la répartition des fonds et de comparer les plans financiers et le rendement de différents organismes, de même que leurs résultats sur le plan de la santé en regard de populations différentes. L’efficience macroéconomique pourrait être évaluée relativement à des critères comme le maintien et l’amélioration de la santé, associés à la maîtrise de l’escalade des coûts. On pourrait inclure une mesure simple, mais cruciale, pour s’assurer que l’évaluation se déroule avec le maximum d’efficacité et que l’engagement à l’égard de l’efficacité est bien ancré « au niveau de la base », en introduisant cette obligation sous la forme de règlements internes, d’une mission ou de procédures d’exploitation, ou de mandats pour les organismes prestataire-acheteur, dont la formulation pourrait être la suivante : • Les procédures d’évaluation doivent inclure des mécanismes pour assurer la disponibilité, l’accessibilité, l’efficacité et la continuité des soins, ainsi que l’amélioration continue de la qualité. • L’évaluation de la qualité doit se dérouler dans un cadre qui inclut une évaluation précise des besoins, un environnement axé sur la qualité, des indicateurs des initiatives d’amélioration de la qualité, une évaluation économique, une mesure de l’état de santé effectuée par l’intéressé, ainsi qu’une mesure de la satisfaction des membres et des prestataires. Ces mandats protégeraient les grands principes canadiens, de même que les fonctions et les responsabilités dont doivent s’acquitter les organismes et qu’ils doivent analyser afin de les utiliser comme paramètres de l’évaluation avec le temps. En fin de compte, le message à retenir est qu’il y a lieu de s’engager dès le départ à effectuer une évaluation. Cet engagement revêt deux aspects : il faut veiller à ce que le gouver nement ou un organisme désigné soit prêt à effectuer une évaluation systémique de manière permanente et exiger de tous les organismes prestataire-acheteur qu’ils élaborent et mettent en place des programmes officiels de qualité et d’évaluation au niveau opérationnel.
Point de vue du Canada et des autres pays sur l’évaluation
Les méthodes d’évaluation et les éléments qu’elles comportent évoluent de différentes façons et à des rythmes différents dans les pays à l’étude, et tous disposent d’une structure minimale, à commencer par la collecte et la responsabilité de la production de données. Au Royaume-Uni, le système de santé national assume la responsabilité générale d’établir les objectifs nationaux en matière de santé et d’évaluer la performance globale de son système. Les données sur la prescription de médicaments ainsi que celles sur les contacts des fondations hospitalières sont également incluses dans cette évaluation. Les DHA contrôlent l’activité des prestataires et des généralistes détenteurs de budget,
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ainsi que la conformité des conventions passées avec les prestataires. Les généralistes détenteurs de budget contrôlent également leurs conventions avec d’autres prestataires et la performance globale de leur cabinet. Tant aux Pays-Bas qu’en Nouvelle-Zélande, des organismes nationaux s’acquittent de la plus grande partie du contrôle et de l’évaluation, et communiquent au ministre de la Santé la performance des organismes, en plus des conseils qu’ils formulent sur les actions correctives qui s’imposent. Des organismes publics nationaux et régionaux, ou des organismes de compen sation, ont été créés dans le but d’effectuer des évaluations et un contrôle des systèmes et des opérations des modèles qui en font partie. On a recours à des objectifs nationaux et régionaux en matière de santé et à des critères de performance pour évaluer les nouveaux systèmes, en vue de s’assurer qu’ils respectent les plans annuels, s’acquittent du cahier des charges établi, respectent les règles internes et se conforment aux contrats ou conventions et aux conditions légales, par rapport à des points de référence. En outre, la plupart de toutes ces activités se retrouvent à l’intérieur de chaque organisme acheteur-prestataire. L’évaluation, au Canada, a été abordée de différentes façons, et il y a eu également des examens des méthodes adoptées. Le mandat de notre étude ne nous permet pas de faire un exposé détaillé, ainsi nous bornerons-nous à un résumé des principaux points soulevés dans ces examens, de façon à stimuler la réflexion et à souligner l’importance du volet évaluation. En plus du besoin évident de données et de suivi, deux grandes fonctions sont associées à l’évaluation : « l’observation et la mesure, étayées par des comparaisons en fonction de critères, de normes et d’attentes précisant quels sont les indicateurs d’un bon rendement » (Anderson et al., 1994). La plupart des processus soulignent l’importance d’établir à l’avance les fondements de la mesure, de façon à ce qu’il soit possible d’évaluer à quel point les buts et objectifs définis ont été atteints. Pour chacun des objectifs, il est possible d’établir une série de questions, de les peaufiner avec le temps et d’élaborer des sources d’information à l’appui de l’évaluation. Un certain nombre de méthodes appliquées au Canada mettaient l’accent sur les critères d’évaluation se rattachant à une analyse de la mise en œuvre d’un nouveau modèle dans le système. Plusieurs aspects sous-jacents ont été relevés en raison de leur intérêt, dont le niveau de préparation au changement des groupes et des prestataires, leur degré de satisfaction et de participation au processus lui-même, la mesure dans laquelle les objectifs de mise en œuvre ont été atteints et l’acceptation du transfert de nouveaux domaines de responsabilité aux nouvelles structures (Conseil du premier ministre sur la santé, le bien-être et la justice sociale, 1994). Dans un groupe de discussion parrainé par Santé Canada, un certain nombre de buts ont été définis, que l’on pourrait appliquer à la fois à la mise en œuvre de nouveaux modèles et à l’évaluation permanente de leur performance. Dans ce cas, il est clair que l’évaluation de plusieurs de ces buts, particulièrement aux étapes préliminaires, dépend d’une bonne série de données « précédant la mise en œuvre » – ce dont on ne dispose pas toujours. On peut constater l’importance de ces données préalables à la lecture des questions types de l’étude.
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But no 1 : Améliorer ou préserver la santé des Canadiens. Questions types : Observet-on un changement dans la prévalence des affections chroniques ou guérissables dans la population ? Observe-t-on un changement dans le taux d’absentéisme au travail ? L’utilisation des services de soins actifs a-t-elle changé (p. ex. nombre de consultations, nombre de lits par millier de personnes) ? But no 2 : Assurer l’efficacité maximale du système de santé. Questions types : La nouvelle façon de procéder permet-elle de s’attaquer aux problèmes de qualité et aux lacunes ? Le nouvel organisme veille-t-il à déployer les ressources les plus appropriées et les services de la manière la plus efficace possible (données à l’appui) ? But no 3 : Parvenir à l’intégration et à la coordination au sein du système de santé et audelà. Questions types : Observe-t-on un changement dans le nombre de services faisant double emploi ? Les mécanismes de coordination sont-ils en place et visibles ? Du point de vue des membres inscrits, parvient-on plus facilement à obtenir des services du système ? But no 4 : Habiliter les Canadiens en les faisant participer à la gestion du système de santé. Questions types : Le nouvel organisme encourage-t-il les usagers à prendre en charge les facteurs qui affectent leur santé ? Quels sont les mécanismes en place pour que les citoyens participent à la planification de politiques sanitaires et fassent des choix judicieux pour eux-mêmes (p. ex. participation aux conseils de gestion, aux comités consultatifs, etc.) ? Les membres inscrits ont-ils l’impression d’avoir suffisamment d’information pour prendre des décisions éclairées ? But no 5 : Assurer la réceptivité. Questions types : Existe-t-il des mécanismes qui permettent aux membres inscrits d’exprimer leurs besoins (p. ex. questionnaires d’autoévaluation) ? Existe-t-il des mécanismes pour que les membres inscrits expriment leur satisfaction ou leur insatisfaction relativement au rendement de l’organisme (enquêtes sur la satisfaction des membres) ? But no 6 : Assurer l’équité. Questions types : Existe-t-il des mécanismes pour assurer la répartition des services et des ressources de la santé. Les groupes défavorisés ont-ils accès aux services en fonction des besoins ? But no 7 : Améliorer l’efficience. Questions types : Dans quelle mesure l’organisme dispose-t-il de mécanismes pour prévenir l’utilisation indue des solutions les plus coûteuses actuellement disponibles ? Dans quelle mesure rend-il accessible des méthodes moins coûteuses et de valeur égale ou supérieure (Santé et Bien-être social Canada, 1993). Il y a de nombreuses dimensions et méthodes pour évaluer les organismes euxmêmes. En premier lieu, les organismes sont tenus de respecter les critères de base et les spécifications minimales. Au nombre de ces critères, mentionnons un énoncé de mission et la définition d’exigences minimales qui peuvent servir à établir une série de buts et d’objectifs précis, ainsi que les questions sur lesquelles l’évaluation doit porter en permanence. Certaines de ces questions ou certains de ces buts et objectifs
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peuvent être définis par l’autorité centrale ou par le secteur de la santé; d’autres peuvent être élaborés par une entreprise donnée et servir à son usage interne. Un des moyens d’établissement des buts et objectifs et de détermination des critères d’évaluation par une série de questions nous est fourni par l’exercice qui suit, du ministère de la Santé de l’Ontario : • Énoncé de mission type – Fournir et gérer des soins de santé intégrés et favoriser dans la population inscrite la meilleure santé et le plus haut degré d’indépendance possible. • But no 1 – Favoriser un comportement sain, une autonomie et un mode de vie indépendant pour les membres. • Objectifs pour le but no 1 – Former et inciter les prestataires à employer le niveau de soins approprié le moins invasif à l’appui de la santé du patient, en mettant le moins possible l’accent sur les soins en établissement et en privilégiant les soins communautaires. • Question type pour évaluer les objectifs – Existe-t-il des protocoles qui favorisent l’indépendance ? (Information requise : protocoles, organigrammes de soins, listes de tâches par profession, information sur les normes professionnelles établies dans ce domaine). Par ailleurs, l’évaluation fait partie intégrante du cycle de planification annuel et de la gestion courante de l’organisme. Certains éléments de ce processus pourraient inclure une évaluation des besoins de la population, d’après le profil des besoins, en vue d’établir un plan comprenant la sélection de la gamme la plus appropriée de ressources, de programmes et de services de santé, de façon à satisfaire les besoins définis ; la mise en œuvre du plan, puis l’évaluation des résultats (p. ex. rapport entre le profil d’utilisation et les profils prévus, incidence sur l’état de santé général et sur l’état de santé de groupes choisis, rendement financier ou économique, etc. ; Ministère de la Santé de l’Ontario, 1994). Une autre approche pourrait être d’élaborer un cadre d’évaluation qui intègre l’ensemble ou un grand nombre des éléments analysés ci-dessus, structurés selon les activités fonctionnelles ou opérationnelles, afin de construire les questions à partir de chacune de ces perspectives. Parmi les exemples d’activités fonctionnelles ou opérationnelles clés à évaluer, mentionnons : la régie interne, l’administration et la coordination, la gestion des ressources humaines, les services aux membres, les relations avec les prestataires, la prestation et l’efficacité des services, la gestion des cas, la gestion financière ou l’efficience du système, les systèmes d’information, la planification et l’évaluation des programmes et le bien-être de la collectivité (Ministère de la Santé de l’Ontario, 1994 ; Wanke et al., 1995). Enfin, l’évaluation de modèles à intégration verticale, procédant par listes, assurerait nécessairement que les carac téristiques importantes propres à l’organisme, et résumés ci-dessous, font l’objet d’une observation rigoureuse.
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Certaines fonctions à surveiller et à évaluer
• Intégration – Déterminer l’importance de la collaboration, observer le regroupement, le suivi et la communication des changements satisfaisants (améliorations dans la procédure, les résultats, les coûts). • Organisme – Déterminer si le conseil d’administration est conçu et fonctionne de façon adéquate, s’il est représentatif des prestataires, des services et des populations servies ; si d’importantes procédures de gestion et d’exploitation indiquent qu’il est tenu compte de l’avis des patients et des prestataires ; analyser les rapports avec les prestataires, le personnel et les autres organismes. • Services de base – Déterminer si l’organisme a adopté une approche de service équilibrée et dans quelle mesure on a recours au remplacement des praticiens ou au changement de procédures. • Capitation – Déterminer si les facteurs d’ajustement de la pondération sont définis convenablement à partir de la liste ; la base doit avoir été établie en bonne et due forme par le gouvernement (d’après les coûts réels du système) ; déterminer si le financement est suffisant pour prendre en charge les coûts des soins; si la capitation est juste pour tous. • Établissement de la liste des personnes inscrites – Déterminer si l’information recueillie est exacte, si les données sociodémographiques sont définies de façon adéquate, si les priorités le sont, si l’on respecte le secret professionnel et si les besoins spéciaux sont définis et quantifiés. • Achat – Déterminer si les procédures de passation de contrats sont uniformes et efficaces ; si les procédures de négociation sont adéquates, efficaces et conformes aux paramètres du gouvernement ; vérifier les critères de décisions concernant les achats ou la passation de contrats pour l’obtention de services (examen des économies de coûts, amélioration) ; s’assurer que l’on a recours à des points de comparaison appropriés. • Données – Déterminer si les données sont recueillies avec exactitude et si des mesures de sécurité pertinentes sont prises pour protéger les données person nalisées ; déterminer si les données cumulatives sont fournies avec exactitude et en temps opportun. • Finances – Déterminer si des procédures de gestion sont à l’œuvre pour le suivi ; si l’on dispose de la souplesse nécessaire pour réorienter le financement par l’intermédiaire d’un processus décisionnel pertinent et si l’on observe des procédures adéquates en matière de comptabilité et d’établissement de rapports. On pourrait ajouter à cette liste des procédures convenant aux fonctions et aux besoins organisationnels spécialisés ou particuliers. Dans la section qui suit, nous complétons l’exercice en mettant en évidence d’autres facteurs importants pour la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de nouveaux modèles.
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L’évaluation – une excuse
Par le passé, « l’absence d’évaluation » a été utilisé comme excuse par des groupes établis du système pour faire obstacle à l’introduction de nouvelles initiatives. De même, lorsqu’on prenait des décisions pour changer les choses, on ne prévoyait pas de programme d’évaluation, si bien que cette lacune sapait la crédibilité de l’entreprise et éventuellement la possibilité d’évaluer son succès. L’objet de cette partie de notre rapport est de passer en revue brièvement les paramètres pertinents pour évaluer les modèles à intégration verticale. Bien qu’il ne soit pas possible de prévoir toutes les conséquences éventuelles des mesures de chan gement, la présentation d’un cadre d’évaluation dès le départ, non seulement impose une direction au développement de l’organisme, mais facilite également l’évaluation ultérieure de ces résultats. Comme nous l’avons vu dans la mise en œuvre de la réforme organisationnelle d’autres pays, de même qu’au Canada, c’est la solidité de la conception de l’organisme et de sa politique qui facilite sa mise en œuvre au départ. Il n’est pas toujours nécessaire de mettre en place des programmes pilotes pour expérimenter une méthode. En fait, dans l’implantation de certaines catégories de réformes systémiques, il n’est pas toujours possible que les « programmes pilotes » donnent une idée de l’ensem ble. Par exemple, il serait difficile d’évaluer à l’échelon local l’incidence du passage des hôpitaux d’une dépendance budgétaire à une dépendance à l’égard de recettes, comme nous l’avons décrit ci-dessus, en l’absence d’un remodelage important du système. Par conséquent, l’absence de données précises sur les résultats avant l’introduction des réformes ne devrait pas, dans ce cas, justifier l’inertie. Ce serait utiliser à mauvais escient un processus légitime, qui doit être planifié pour un volet important de la mise en œuvre d’une nouvelle initiative et peaufiné avec le temps.
CONCLUSIONS ET OBSERVATIONS
Suivant les tendances internationales et les objectifs canadiens, l’évolution du système de santé du Canada devrait être guidée par les grands principes et les principales caractéristiques des modèles organisationnels intégrés, à savoir : – responsabilité de tous les services de base définis par un organe central ; – responsabilité d’une population particulièrement définie par l’établissement de listes ; – part équitable du budget provincial de la santé découlant d’un financement par capitation pondérée ; – autonomie dans la mise en place et le peaufinement des relations organisationnelles et financières avec les fournisseurs. Le contexte canadien semble être en possession des éléments et du potentiel adéquats pour que la santé subisse une restructuration qui bénéficiera d’un soutien approprié dans son évolution vers ces caractéristiques. Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons nos observations à l’intention des pouvoirs publics, concer nant certains domaines où leur appui est important, de même que les facteurs dont il faut tenir compte dans la mise en œuvre du modèle.
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En premier lieu, il faut prendre des mesures pour favoriser une meilleure compréhension de la nouvelle terminologie des organismes de services de santé parmi les responsables gouvernementaux, les prestataires et les citoyens. Il est essentiel de surmonter les connotations indûment négatives, le manque de compréhension et les préjugés qui entachent la signification et l’utilisation de termes tels que « marché », « concurrence » et « capitation », et de comprendre leur application pertinente dans le domaine de la santé. Avec le vocabulaire actuel de la santé, on obtient des réactions prévisibles à l’emploi de certains termes lorsqu’on analyse la réforme organisationnelle. C’est ainsi que beaucoup de gens confondent la prestation de services par le secteur privé avec le financement par ce même secteur – alors même que le secteur privé a été et continue d’être le principal élément de notre système de santé à payeur unique, financé par les fonds publics. Parfois, les notions de concurrence et de marché sont accueillies comme si elles s’inscrivaient dans une conspiration visant à introduire un marché de l’assurance-maladie privée – alors que ces éléments peuvent représenter une dynamique extrêmement utile pour le peaufinement de notre système financé par les fonds publics, au chapitre de l’amélioration des services. Ce qu’implique le financement par capitation est souvent mal compris, car on présume souvent que la capitation n’est pertinente que lorsqu’il y a un seul prestataire. Or, cette méthode est déjà employée pour financer d’autres parties de notre système de santé et, dans d’autres contextes où la santé est financée par les fonds publics, elle est considérée comme un mode de répartition juste et équitable des fonds publics. Le message à retenir est qu’il nous faut nous efforcer d’améliorer la compréhension de la terminologie dans son application particulière à la réforme des organismes et des systèmes de santé, de façon à ce que l’ignorance ne fasse pas entrave au progrès. Nous observons qu’il est également nécessaire de renforcer la réglementation qui sous-tend le système, de façon à ce que les éléments importants, comme l’établis sement de listes et la mise en place de systèmes d’information intégrés, deviennent une « procédure automatique ». Pour faciliter l’introduction de normes communes cohérentes, il faut disposer d’une définition nationale de ce qu’on entend par des prestations de santé complètes ou des « services de base », afin de préserver et de main tenir la confiance des citoyens et des prestataires. Les pouvoirs publics devraient mettre au point une langue appropriée, indispensable dans une vision moderne des systèmes de santé et de soins, en s’efforçant de ne pas être trop normatifs. Parmi les services de base, on pourrait envisager la promotion de la santé, la prévention de la maladie, les soins primaires, secondaires et tertiaires (dont les services des médecins et des autres professionnels de la santé, les services de diagnostic et les services hospitaliers) et les soins à domicile, de même que le traitement des maladies chroniques, les soins de longue durée et les médicaments. En outre, on pourrait introduire un élément discrétionnaire permettant d’appuyer les médecines douces et les rituels de guérison culturels qui sont bénéfiques pour la santé dans un environnement concerté, comme celui que proposent les organismes à intégration verticale. L’approbation de nouvelles thérapeutiques et technologies médicales et autres est un autre domaine où l’on pourrait exercer une influence constructive. En outre,
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il serait d’intérêt public de dresser une liste des traitements et des paramètres relatifs aux applications de la technologie qui ne seraient pas pris en charge par le système financé par les fonds publics ou qui devraient être interdits en raison des dangers qu’ils représentent pour la santé. Il est impératif que le gouvernement appuie l’établissement de listes de personnes s’inscrivant auprès d’un organisme de prestataires de leur choix. Il est tout aussi important de mettre en œuvre et de peaufiner une capitation pondérée intégrale, à l’échelle provinciale, à l’appui d’une répartition équitable du financement entre les organismes. La formule de capitation pondérée appliquée aux organismes de soins primaires favorise leur croissance progressive vers l’intégration verticale complète et crée un environnement plus dynamique. À cette fin, le ministère de la Santé des provinces doit s’engager à restructurer les systèmes de financement morcelés actuels en un système plus souple et plus modulable. Parallèlement, la mise en œuvre d’un système d’information intégré complet, normalisé, appuiera la planification nationale, provinciale, régionale et locale, de même que la recherche et l’évaluation, tout en constituant un instrument de gestion et un outil opérationnel précieux pour les organismes de soins de santé de tout le système de prestation. Le cadre réglementaire global devrait être un cadre propre à sauvegarder et à protéger le libre choix par le public de l’organisme auquel il se rattachera, ainsi que l’autonomie nécessaire à ces organismes pour établir leur propre procédure et mettre en place leurs relations financières et structurelles. L’autonomie irait de pair avec la responsabilité, imposée aux organismes, de communiquer des informations aux bases de données des gouvernements provinciaux ou du gouvernement national et de rendre publiques des informations comme les plans annuels, les données cumulatives sur les contacts, et les résultats des études d’évaluation et des enquêtes sur la satisfaction de la clientèle et sur l’autoévaluation des intéressés. Qui plus est, la réforme du système de santé nécessite une réévaluation des ministères de la santé et une réforme de ces institutions pour créer des administrations plus saines et mieux adaptées aux modèles progressifs qui se font jour, de façon à les appuyer. Ainsi, l’introduction du modèle à intégration verticale est une promesse d’innovation dans les établissements provinciaux (p. ex. le regroupement des fonctions d’indemnisation des accidentés du travail au sein des ministères de la santé), qui laisse entendre que les systèmes de santé peuvent prendre en charge tous les problèmes de santé, depuis la prévention jusqu’au traitement, quel que soit le lieu. Si la réforme jouit d’un appui sans réserve, constructif et enthousiaste, elle sera introduite avec succès. Il y a de nombreux médecins, professionnels de la santé et dirigeants d’établissement qui sont disposés à appuyer un changement progressif. Ces personnes devraient être soutenues et encouragées. L’appui constructif et uniforme du public est crucial pour surmonter les obstacles inhérents à toute forme de modèle intégré. Nous reprendrons à ce propos, en l’adaptant, une observation de Claudia Scott (1994) à titre de rappel de la mission globale du système : « Ce sont les citoyens plutôt que les gouvernements qui paient les soins de santé. Les gouvernements ne sont rien d’autre que les mandataires de la population. » L’introduction et le soutien de modèles plus axés sur le service et d’organismes entretenant une relation plus étroite avec la
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population qu’ils servent, dotés de puissants stimulants pour être à l’écoute des besoins de leur clientèle, et pour se porter à sa défense, témoigneront de manière éloquente de l’engagement du gouvernement à l’égard de la population. John Marriott et Ann L. Mable sont associés dans le Bureau de consultation Marriott Mable, qui donne des conseils sur la réforme de la santé et les modèles d’intégration. Ensemble, ils ont beaucoup écrit sur la réforme du système de santé et sur les organismes de santé intégrés. John Marriott a dirigé le groupe de travail Politique et analyse du Forum national sur la santé, a fondé et dirigé la Health Policy Unit à l’Université Queen’s, où il a aussi enseigné, et il a été le principal architecte du programme de CHO de l’Ontario, programme dont il a été le premier administrateur. Il a également occupé des postes au gouvernement, en administration de centre hospitalier et dans des services de laboratoire. Ann L. Mable jouit d’une expérience de 20 ans dans le démarrage et le développement de divers organismes publics et privés, davantage tournés, depuis quelque temps, vers le système de santé. Elle a occupé plusieurs postes de cadre supérieur dans des organismes du secteur privé liés à la finance, au développement et à la consultation, et a aussi travaillé dans le milieu universitaire. Associée à la Health Policy Unit de l’Université Queen’s, elle a rédigé en collaboration des articles sur les CHO et la réforme des centres hospitaliers. Elle agit également à titre de coordonnatrice du Centre for Canada-Asia Business Relations de la School of Business. Elle avait auparavant travaillé comme consultante en administration et développement, et occupé le poste de vice-présidente de firmes financières dont le siège social se trouve à Washington. Remerciements Le présent document n’aurait jamais vu le jour sans le concours des nombreuses personnes qui nous ont fourni des informations, des avis et, souvent, des observations sur les versions préliminaires. Nous tenons particulièrement à exprimer notre reconnaissance et nos remerciements les plus sincères aux personnes qui suivent : Au Canada : David Brindle, Tom Cossen, Michael Decter, Marie Fortier, Vytas Mickevicius, Marcel Saulnier, Hanita Tiefenbach, Eric Vandewall, Eugene Vayda et le Groupe de travail sur l’atteinte d’un équilibre du Forum national sur la santé Au Royaume-Uni : D r Peter Bundred et Peter Hatcher ; Aux Pays-Bas : D r Yan Bultman ; En Nouvelle-Zélande : Wendy Edgar et Lorraine Hawkins ; Aux États-Unis : Jon Gabel, Jamie Hadley, Jerry Hicks, Jay Merchant et James Owen.
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Steven G. Morgan, M. A. Candidat au doctorat en économie de la santé Université de la Colombie-Britannique
Résumé Le présent document a pour but de cerner les grandes orientations à donner à la politique pharmaceutique au Canada, d’après la structure et la dynamique de l’industrie phar maceutique. L’analyse qui suit met en lumière quelques-unes des incitations et des con traintes économiques et politiques qui se présentent aux principaux intéressés. Le rôle des principaux acteurs et les incidences des initiatives stratégiques sont étudiés à la lumière de ces paramètres. Le présent document ne vise à résoudre aucune question politique particulière. Étant donné l’ampleur des sujets traités, et les contraintes de temps et d’espace, chaque sujet est étudié brièvement. Certaines des conclusions présentées au long du texte reposent sur notre évaluation des faits avancés. Le document se termine par des recommandations sur de futures études de la politique pharmaceutique. Notre analyse repose principalement sur une recherche documentaire. Pour trouver des études modernes consacrées au secteur pharmaceutique, nous avons consulté diverses bases de données, dont OVID Health, EconLit et CBC, ainsi que des catalogues à l’Université de la Colombie-Britannique. Nous avons aussi puisé dans notre bibliothèque personnelle. Les données utilisées dans le présent document viennent de l’Institut canadien de l’information sur la santé, de l’OCDE, du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, de Statistique Canada et de diverses autres études citées. Le présent document a été rédigé sous la direction du professeur Robert Evans. Nous lui sommes très reconnaissant de ses conseils et de ses observations. Par ailleurs, des membres des Groupes de travail sur l’équilibre à atteindre et sur la prise de décisions fondées sur des données probantes du Forum national sur la santé nous ont communiqué leurs observations et critiques
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sur une première version du document. Nous les en remercions également. Les opinions exprimées dans le présent document n’appartiennent qu’à l’auteur, qui est seul responsable également de toute erreur ou omission qui s’y serait glissée.
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Table des matières
Introduction ........................................................................................................701 La révolution thérapeutique.............................................................................701 Préoccupations publiques................................................................................702 La hausse constante des dépenses pharmaceutiques ...........................................703 Analyses précédentes de l’industrie..................................................................705 Facteurs contribuant à la croissance des dépenses.............................................706 Les aspects économiques et politiques de l’industrie pharmaceutique ...............709 Les consommateurs..........................................................................................709 Les fabricants...................................................................................................710 L’industrie canadienne................................................................................711 Recouvrement des investissements..............................................................712 Rentabilité..................................................................................................713 Les médecins....................................................................................................715 Les pharmaciens...............................................................................................716 Les gouvernements..........................................................................................717 La maîtrise des coûts........................................................................................719 Tendances de l’industrie et stratégies des entreprises .........................................720 Lobbying en faveur de la protection de la propriété intellectuelle....................720 Le lieu de la recherche-développement............................................................721 Le programme de recherche-développement...................................................722 La concurrence................................................................................................725 Les médicaments génériques . .........................................................................726 Une nouvelle concurrence................................................................................727 Le déclassement de médicaments de prescription en médicaments en vente libre...................................................................................................727 Stratégies de gestion des prestations ...................................................................729 Stratégies visant les consommateurs.................................................................729
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La participation aux frais............................................................................729 Le plafonnement du nombre d’ordonnances remboursées..........................730 Améliorer l’observance................................................................................731 Stratégies visant les pharmaciens......................................................................732 Les incitations à l’organisation efficiente de la vente au détail des médicaments.........................................................................................732 Le remboursement des médicaments..........................................................733 Stratégies visant les médecins...........................................................................734 L’information et la formation......................................................................734 Stratégies visant les fabricants ..........................................................................735 La politique des brevets...............................................................................735 La réglementation des prix..........................................................................740 Restriction de la publicité...........................................................................744 Stratégies systémiques......................................................................................747 Assurance-médicaments universelle............................................................747 Budgets globaux...............................................................................................752 Systèmes d’information pharmaceutique en ligne.......................................753 Conclusion ..........................................................................................................753 Bibliographie........................................................................................................756 Liste des figures
Figure 1 Dépenses pharmaceutiques canadiennes réelles...................................704 Figure 2 Dépenses pharmaceutiques réelles par habitant de certains pays membres de l’OCDE..........................................................................705 Figure 3 Indice des prix pharmaceutiques et indice général des prix au Canada...........................................................................................743 Liste des tableaux
Tableau 1 Classification des nouveaux médicaments au Canada....................724 Tableau 2 Les régimes publics d’assurance-médicaments dans les pays de l’OCDE...................................................................................748
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Introduction
Au cours des cinquante dernières années, l’industrie pharmaceutique internationale a enregistré une croissance spectaculaire et effectué de grandes percées scientifiques. Les progrès technologiques, la structure changeante de la morbidité et l’évolution des systèmes de santé aidant, les produits pharmaceutiques ont pris de plus en plus d’importance dans la prestation des soins de santé dans les pays industriels comme dans les pays en développement. Les produits pharmaceutiques sont utilisés pour enrayer l’apparition et l’évolution de la maladie, pour apaiser la douleur et soulager les symptômes, pour faciliter les interventions chirurgicales et le rétablissement des opérés, et pour éradiquer la maladie. Aujourd’hui, des médicaments sont utilisés pour traiter nombre d’affections pour lesquelles il n’y avait autrefois aucun traitement ou pour lesquelles le seul recours était une intervention médicale plus coûteuse, telle la chirurgie. La révolution thérapeutique
Bien que la pratique de la pharmacologie et de la thérapeutique remonte aux enseignements du physicien grec Galien, qui a donné son nom à l’un des prix les plus prestigieux de la pharmacie, l’industrie pharmaceutique moderne est relativement jeune. Sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, axée sur la recherche, l’industrie date de la « révolution thérapeutique » des années 1930 à 1950 (Reekie et Weber, 1979). Au début du xxe siècle, les scientifiques ont commencé à comprendre les mécanismes de base de la maladie et de la pharmacologie. Ils cherchaient alors ce qu’ils appelaient le « projectile magique » – un médicament qui dépisterait et attaquerait les cellules malades sans endommager les tissus sains de l’organisme. Les travaux de ces scientifiques ont abouti à la découverte de plusieurs médicaments importants, dont la pénicilline (1928), les sulfamides (1935) et la streptomycine (1943) (Reekie et Weber, 1979). Ensuite, les découvertes pharmaceutiques se sont succédées à un rythme exponentiel. Il est presque impossible de quantifier les effets de ces premières découvertes sur la santé et sur l’économie. Il serait impossible, par exemple, de mettre un prix sur la forte baisse, grâce aux antibiotiques, du taux de mortalité attribuable à la pneumonie, à la tuberculose, à la diphtérie et à la rougeole dans les années 1940 et les années 1950. Les découvertes pharmaceutiques faites au cours de ces décennies ont révolutionné la médecine moderne, tout en jetant des bases économiques solides sur lesquelles repose l’industrie pharmaceutique multinationale axée sur la recherche. Si le rythme des découvertes s’est quelque peu ralenti, dans les années 1960 et les années 1970, le rôle des produits pharmaceutiques dans les soins de santé n’a, en revanche, cessé de croître. Il est devenu plus facile de se procurer des médicaments, car les fabricants, forts des succès cliniques et financiers des premières découvertes, ont accentué leurs efforts de distribution et de marketing. Parallèlement, les sociétés et les gouvernements ont intensifié leurs recherches, dans l’espoir de découvrir le nouveau médicament révolutionnaire. Enfin, à mesure que les connaissances scientifiques
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fondamentales se sont étoffées, les chercheurs ont fait de nouvelles découvertes. Beaucoup de « médicaments vedettes » ont été découverts et lancés sur le marché mondial dans les années 1980 (Redwood, 1993). Citons, entre autres, de nouveaux traitements pour des troubles cardiovasculaires et gastro-intestinaux qui permettent d’éviter des interventions chirurgicales coûteuses. Certains de ces produits figurent encore parmi les médicaments les plus vendus dans le monde.
Préoccupations publiques
L’industrie pharmaceutique a cependant payé le prix de son succès. Parallèlement aux découvertes scientifiques toujours plus nombreuses et à l’usage croissant de nouveaux médicaments est apparue une certaine inquiétude quant au prix, à l’innocuité et à l’efficacité des médicaments (CRESS, 1964 ; Cooper, 1966 ; Comanor, 1986). L’analyse rigoureuse des prix, des bénéfices et des pratiques des fabricants de médicaments a commencé dans les années 1950, aux États-Unis, avec les audiences d’un comité du Sénat, et elle se poursuit aujourd’hui encore dans le monde entier. La question se pose donc : pourquoi l’industrie pharmaceutique fait-elle l’objet d’un examen aussi critique ? Pour mieux comprendre pourquoi les fabricants de mé dicaments sont observés à la loupe, il faut examiner le rendement de l’industrie phar maceutique dans son contexte général. Bien que les fabricants de médicaments – et les politiques qui les visent – jouent un rôle de premier plan, ils ne sont pas seuls en lice. L’industrie pharmaceutique se compose de plusieurs acteurs clés, nommément les fabricants, les médecins, les pharmaciens, les fournisseurs de prestations (publics et privés), les organismes publics de réglementation et, bien entendu, les consom mateurs. Il y a interaction de tous ces acteurs dans le processus qui donne naissance à un nouveau médicament, de sa conception à sa consommation par des malades désireux d’améliorer leur état de santé. Voici quelques-unes des « imperfections du marché » qui font de l’industrie phar maceutique une branche d’activité économique unique : • Les médicaments sont des « intrants » des soins de santé, pas des « biens de con sommation ». • La fabrication de médicaments est une industrie à très fort coefficient de recherche. • La découverte et la production de médicaments comportent d’importantes économies d’échelle. • Les fabricants bénéficient d’un monopole légal protégé par rapport à leurs découvertes. • Il faut souvent des connaissances médicales et pharmacologiques considérables pour déterminer les indications thérapeutiques d’un médicament et comprendre ses effets. • C’est souvent un professionnel de la santé, non le consommateur, qui choisit la pharmacothérapie employée. • Lorsqu’un malade a besoin d’un médicament, il peut rarement en différer l’achat.
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• Bon nombre de Canadiens ne font pas attention au prix des médicaments qu’ils achètent parce qu’ils sont couverts par un régime d’assurance-médicaments public ou privé. La présente analyse de l’industrie pharmaceutique s’efforce de tenir compte de ce caractère unique. Plus particulièrement, elle fait ressortir les incitations écono miques, les comportements et les interactions des principaux intervenants, dont les consommateurs, les fabricants, les médecins, les pharmaciens et l’État. Dans ce contexte, certaines politiques pharmaceutiques visant divers acteurs de l’industrie sont examinées. Le présent document porte principalement sur le marché des médicaments de prescription et sur leur consommation. Les médicaments en vente libre sont inclus dans l’analyse, dans la mesure où ils s’insèrent dans la tendance récente à « déclasser » des médicaments délivrés uniquement sur ordonnance pour en faire des médicaments en vente libre.
La hausse constante des dépenses pharmaceutiques
Les médicaments constituent l’un des postes les plus importants des dépenses de santé du Canada. Les Canadiens consacrent presque autant d’argent aux médicaments qu’aux services de médecins. En 1994, les dépenses pharmaceutiques du Canada, à l’exclusion des hôpitaux, se chiffraient, au total, à quelque 9,17 milliards de dollars, soit 12 % de ses dépenses de santé (ICIS, 1996 ; figure 1). Les sommes consacrées aux services des médecins atteignaient, quant à elles, 10,32 milliards de dollars. Au Canada, cela fait longtemps que les dépenses pharmaceutiques augmentent plus vite que toute autre composante des dépenses de santé. Entre 1975 et 1994, le taux de croissance annuel moyen des dépenses pharmaceutiques canadiennes avoisinait 12 %. Ces dernières années, cependant, ce taux est passé à environ 4 %, grâce en grande partie à une nette décélération des dépenses publiques. L’analyse des dépenses pharmaceutiques totales peut se faire selon deux grands axes. La première ventilation, axée sur le produit, segmente le marché en médicaments prescrits et médicaments en vente libre. Depuis 20 ans, les premiers représentent 70 % des dépenses de médicaments des Canadiens, et cette proportion demeure remarquablement stable. La deuxième ventilation décompose les dépenses pharma ceutiques en dépenses publiques et en dépenses privées. Au Canada, les régimes d’assurance-médicaments – qui couvrent surtout les personnes âgées et les assistés sociaux – ont évolué entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1980. Dans ce laps de temps, les dépenses publiques ont considérablement augmenté, dépassant les dépenses privées, comme le montre la figure 1. Par conséquent, leur part dans les dépenses pharmaceutiques totales a augmenté entre 1975 et 1985. Depuis 1985, les dépenses publiques représentent environ 30 % des dépenses pharmaceutiques, l’immense majorité de ces dépenses allant à des médicaments de prescription (ICIS, 1996, ne fait état d’aucunes dépenses publiques en médicaments non prescrits). La croissance constante des dépenses pharmaceutiques n’est pas un phénomène propre au Canada. Nombre de pays développés enregistrent des augmentations de
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Figure 1 Dépenses pharmaceutiques canadiennes réelles 10 000 9 179 $
millions de dollars canadiens 1994
9 000 8 000 Total
7 000
6 250 $
6 000
Privées
5 000 4 000 Publiques
3 000
2 929 $
2 000 1 000 0 1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
Source : ICIS 1996, exprimées en prix constants en utilisant l’indice des prix à la consommation (Étiquette Statistique Canada : P490000).
leurs dépenses pharmaceutiques réelles par habitant. La figure 2 montre cette tendance au Canada, en Allemagne, en France, aux États-Unis, en Italie, au Royaume-Uni, en Australie et en Suède. Dans la plupart de ces pays, la tendance à la hausse des dépenses pharmaceutiques réelles se poursuit inexorablement. Il y a cependant quelques exceptions : en Allemagne, par exemple, les dépenses ont diminué depuis 19931, et il en va de même en Italie2. Mais ces pays sont en minorité. La plupart des pays développés n’ont pas réussi à maîtriser leurs dépenses pharmaceutiques, à cause de la hausse des prix des médicaments, de l’accroissement de la consommation, ou des deux à la fois.
1. La baisse phénoménale des dépenses pharmaceutiques de l’Allemagne est attribuable en partie à la modification des habitudes de prescription des médecins depuis l’adoption d’un budget pharmaceutique annuel global, réforme qui date de 1993 (Munnich et Sullivan, 1994). 2. Les dépenses pharmaceutiques italiennes diminuent depuis quelque temps, en fait, depuis que les patients doivent payer une part beaucoup plus importante des médicaments de prescription (Mapelli, 1995).
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Figure 2 Dépenses pharmaceutiques réelles par habitant de certains pays membres de l’OCDE 450 400 350
Allemagne France États-Unis Italie
$us (1994)
300 250 200
Canada Royaume-Uni Australie Suède
150 100 50 0 1960
1964
1968
1972
1976
1980
1984
1988
1992
Source : Données sur la santé de l’OCDE, conversions monétaires avec PPA exprimée en valeur constante par rapport au PIB des États-Unis.
Analyses précédentes de l’industrie
Cela fait plusieurs décennies que le coût des médicaments est un sujet de préoc cupation. L’analyse moderne de l’industrie pharmaceutique a commencé en 1959, avec les travaux du comité Kefauver. Dans son rapport, ce comité (sous-comité du Sénat américain) imputait le coût énorme des médicaments et les bénéfices importants que dégageait l’industrie au pouvoir monopolistique démesuré consenti aux fabricants. Les constatations du comité Kefauver concernaient le Canada, car bon nombre des multinationales pharmaceutiques qui dominaient le marché canadien avaient leur siège aux États-Unis. Les sociétés américaines devaient en partie leur rentabilité à leurs opérations sur des marchés étrangers tels que le Canada. À peu près au moment où le comité Kefauver terminait ses audiences, les décideurs canadiens enquêtaient eux aussi sur les prix des médicaments, que certains jugeaient excessifs (CRESS, 1964). À l’issue de ses travaux, qui ont abouti au Rapport Harley de 1967, la Commission royale d’enquête concluait que la protection conférée par les brevets donnait aux entreprises pharmaceutiques étrangères trop de pouvoir sur le marché canadien (CRESS, 1964 ; Gorecki et Henderson, 1981). Les premières critiques ne portaient pas seulement sur les prix et les bénéfices jugés trop élevés. Le comité Kefauver et d’autres estimaient que bien des travaux de
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recherche-développement pharmaceutiques se résumaient à des « manipulations » de molécules destinées à « innover » à partir des découvertes brevetées des firmes pionnières, en créant de nouveaux produits à effets thérapeutiques semblables à ceux de produits existants, ce qui ne présentait guère d’avantages pour la société (Cooper, 1966 ; Walker, 1971 ; Reekie et Weber, 1979 ; Comanor, 1986). De plus, dans les années 1960, les analystes au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni redoutaient que le marketing, pas la science, ne commence à inciter à consommer de nouveaux médicaments. Au Canada, la Commission royale d’enquête sur les services de santé (1964) rapportait que les fabricants de médicaments avaient consacré en moyenne 29 % de leur chiffre d’affaires aux promotions médicales, au travail des visiteurs médicaux et à la vente directe de leurs produits, mais 3,9 % à la recherche-développement canadienne. En 1962, au Royaume-Uni, où beaucoup de multinationales pharmaceutiques ont leur siège, les fabricants ont pour la première fois consacré plus d’argent à la promotion de leurs produits qu’à la recherche-développement (Cooper, 1966). Même aujourd’hui, à l’échelle mondiale, les budgets de marketing l’emportent sur ceux de recherchedéveloppement (Ballance, 1996 ; Drake et Uhlman, 1993). Au cours des quatre décennies qui suivirent ces premières critiques, l’industrie pharmaceutique est sortie à peu près indemne de nombreuses analyses théoriques et enquêtes publiques. L’industrie a subi des restructurations et des changements tech nologiques importants, mais les enjeux fondamentaux demeurent inchangés pour ce qui est de la formulation de la politique : les dépenses pharmaceutiques réelles ne cessent d’augmenter d’année en année, le marketing joue un rôle capital dans la consommation de médicaments, encourageant peut-être l’utilisation impropre ou la surconsommation de nombreux médicaments, et les entreprises pharmaceutiques dégagent toujours des bénéfices énormes.
Facteurs contribuant à la croissance des dépenses
La persistance de ces problèmes est liée en grande partie aux réalités économiques et politiques de l’industrie pharmaceutique. Chaque dollar dépensé en médicaments est un dollar de revenu pour les intervenants de l’industrie. Il y a donc neuf milliards de dollars en jeu pour l’industrie pharmaceutique canadienne, qui comprend le secteur des médicaments de prescription et celui des médicaments en vente libre. Toute politique visant à réduire les dépenses se répercutera directement sur ces revenus3.
3. La forte réglementation de l’industrie pharmaceutique – où la concurrence est entravée par les brevets, le marketing, les associations professionnelles et l’octroi de licences – rend ce rapport « dépenses = recettes » encore plus intéressant. Dans un environnement parfaitement concurrentiel, les « forces du marché » répartissent les ressources, de sorte que la valeur marginale des dépenses (le prix que les consommateurs sont disposés à payer pour un bien) soit égale à la valeur marginale des recettes (le coût de production du bien). Dans les industries où il y a des obstacles à l’accès, les marchés n’assurent plus cette égalité.
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Côté demande, la hausse constante des dépenses nous amène à nous interroger sur la cause. On attribue souvent l’augmentation des dépenses de médicaments et autres services de santé au vieillissement de la population. Cependant, cette thèse ne résiste pas à l’examen des faits. La croissance rapide des dépenses de médicaments pour les personnes âgées tient davantage à des « facteurs modifiables », tel le nombre toujours plus grand de médicaments prescrits par les médecins par personne âgée, qu’au vieillissement inévitable de la population (Anderson et Lavis, 1994). Cette conclusion corrobore d’autres études consacrées à la « crise » perçue dans la prestation et le financement des soins de santé et attribuée au vieillissement de la population. L’évolution démographique ne contribue que légèrement à l’augmentation des coûts des soins aux personnes âgées. L’inflation des coûts est presque entièrement attribuable à une utilisation accrue des services par habitant particulière à des tranches d’âge (Barer et al., 1995). Des études menées dans le domaine pharmaceutique montrent que l’inflation globale des dépenses pharmaceutiques tient principalement à trois facteurs : l’augmentation de la consommation de médicaments par habitant, l’utilisation de nouveaux médicaments plus coûteux à la place de médicaments plus anciens et l’escalade des prix des médicaments existants. Les données canadiennes amènent à penser que le facteur le plus déterminant de l’augmentation des dépenses est le remplacement d’anciens médicaments par de nouveaux pour traiter la même maladie (Castonguay et al., CEPMB, 1996b ; Crop Conseil, 1995 ; Chiles, 1995). Il est déconcertant de voir que, même si les études récentes mettent en garde contre la forte dépendance à l’égard des nouvelles technologies coûteuses, cette situation perdure depuis des dizaines d’années. L’analyse du coût des médicaments au Canada montre qu’en moyenne 75 des 200 médicaments les plus vendus dans le pays, entre 1991 et 1994, étaient des produits commercialisés depuis quatre ans ou moins (CEPMB, 1996b), et que la valeur unitaire des demandes de remboursement adressées aux assureurs est beaucoup plus élevée pour les nouveaux médicaments que pour les anciens, soit plus du double (Chiles, 1995). Les conclusions de l’analyse des dépenses pharmaceutiques américaines en 1960 sont similaires : 44 % des ventes correspondaient à des médicaments mis sur le marché au cours des cinq années précédentes (Comanor, 1986). Les données internationales laissent également supposer que, dans tous les pays, les augmentations de dépenses pharmaceutiques sont imputables en majeure partie aux nouveaux médicaments (Denig et Haajiter-Ruskamp, 1995).
La répartition des ressources sur des marchés où la concurrence est imparfaite dépendra, en partie, de la puissance commerciale des entreprises en présence et de l’élasticité de la demande (l’évolution de la demande par rapport aux changements de prix). Il est probable que la réglementation gouvernementale influera tout autant sur la répartition des dépenses et des recettes de l’industrie pharmaceutique que sur les forces anonymes de la concurrence économique.
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L’évolution de la technologie ne suffit pas à expliquer, à elle seule, l’augmentation des dépenses de médicaments. Il n’est pas forcément mauvais, non plus, que de nouveaux produits représentent la majeure partie des ventes dans un secteur d’activité. Dans l’automobile, par exemple, une forte proportion des ventes sont celles de modèles mis assez récemment sur le marché. Cependant, la nouvelle technologie, et tout particulièrement les améliorations thérapeutiques de médicaments existants, ne devrait pas être utilisée automatiquement. Les améliorations thérapeutiques sont souvent commercialisées à grand frais. Les coûts et les avantages des nouvelles technologies doivent être comparés à ceux des technologies en place ou d’autres technologies nouvelles. La consommation accrue de nouveaux médicaments résulte de jugements portés principalement par des médecins qui (dans l’idéal) agissent pour le bien de leurs patients et, peut-être, de la société4. La participation des consommateurs à ce processus décisionnel se résume à payer les médicaments et, dans bien des cas, c’est une tierce partie qui paie. Les médecins jugent de la situation au nom des patients, en se fondant sur leurs connaissances médicales et sur des renseignements dont ils disposent. Dans le cas de la pharmacothérapie, ce sont les sociétés pharmaceutiques qui leur fournissent une bonne partie des renseignements (Anderson et Lexchin, 1996). La qualité en est contestée, parce qu’ils sont fournis à la fois dans le but d’informer les médecins sur de nouveaux médicaments et de vendre les produits des sociétés pharmaceutiques. Parce que les médecins décident non seulement s’ils doivent prescrire, mais aussi quoi prescrire, en quelle quantité et suivant quelle fréquence, les indications qu’ils reçoivent (et utilisent) sont essentielles. Si les médecins portent des jugements sans disposer de renseignements complets sur l’innocuité, l’efficacité, les effets secondaires et le coût des médicaments (ou s’ils ignorent une partie de ces renseignements), les conséquences peuvent être énormes en ce qui concerne la consommation des médicaments, les résultats sur le plan de la santé et les coûts totaux. C’est peut-être pourquoi les politiques pharmaceutiques passées, qui visaient généralement les patients et les pharmaciens, n’ont réussi ni à promouvoir une consommation rationnelle des médicaments ni à maîtriser les coûts. Si l’on ne modifie pas les habitudes de prescription des médecins, en les informant mieux et en les incitant à changer, les dépenses pharmaceutiques continueront d’augmenter et l’on continuera à faire un mauvais usage des médicaments.
4. Les médecins devraient peut-être tenir compte des intérêts de la société aussi bien que de ceux du malade. Par exemple, les efforts consentis pour réduire la prise d’antibiotiques à large spectre sont motivés par les effets nocifs de leur consommation excessive dans des populations nombreuses, plutôt que chez une personne. De même, promouvoir des pratiques de prescription rationnelles, en incitant les médecins à tenir compte du prix des médicaments, est dans l’intérêt de ceux qui pourraient bénéficier de traitements rendus abordables grâce à l’argent économisé et de ceux qui paient les médicaments, c’est-à-dire très souvent les contribuables.
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Les aspects économiques et politiques de l’industrie pharmaceutique
L’industrie pharmaceutique se compose de nombreux agents : les patients, les médecins, les pharmaciens, les gouvernements, les fournisseurs de prestations et les fabricants. Chacun a ses propres objectifs et contraintes, sur les plans financier, professionnel et juridique. Chaque groupe poursuit ses propres objectifs, en interaction avec les autres intervenants, dans un processus qui commence par le jaillissement d’une idée et se termine par la consommation d’un produit par le malade. Du point de vue sociétal, ce processus vise avant tout à donner aux malades, le cas échéant, une composante des soins de santé. Les agents donnent de ce but primordial des interprétations diverses, selon le rôle qu’ils jouent dans le processus. Le médecin qui recherche le meilleur traitement pour son patient ne tient peut-être pas compte du prix dans son analyse de l’adéquation thérapeutique, alors que le fournisseur de prestations pharmaceutiques ou le fonctionnaire qui attribue des ressources limitées en tiendra bon compte. Voici une liste des principaux acteurs de l’industrie : les consommateurs, les fabricants, les médecins, les pharmaciens et les gouvernements.
Les consommateurs
Les rapports entre les consommateurs de produits pharmaceutiques et les fabricants et les détaillants sont uniques. Le rôle des médicaments dans la prestation des soins de santé, la réglementation de la distribution et de la consommation des médicaments, et les différentes formes d’assurance-médicaments imposent des contraintes aux consommateurs ou influent sur leurs incitations à consommer. Les consommateurs de médicaments sont, à bien des égards, très différents des consommateurs que l’on trouve sur tout autre marché. La première dissimilitude frappante, entre les consommateurs de médicaments et les consommateurs de produits courants, réside dans la nature de ce qui est demandé en définitive. Car, dans ce secteur, les consommateurs ne demandent pas le produit en lui-même, mais recherchent les effets positifs sur la santé que l’on pense associés aux soins de santé. Or, la consommation de médicaments est un élément des soins de santé, étroitement lié à plusieurs autres éléments (les services de médecins et de pharmaciens, notamment). Parce que les médicaments entrent dans les soins de santé, qu’ils font intervenir des processus chimiques et physiologiques compliqués, leur consommation comporte un certain degré d’incertitude. C’est en partie à cause de l’incertitude qui accompagne la pharmacothérapie que la production, la distribution et la consommation des médicaments sont strictement réglementées. Pour connaître le bon usage des médicaments et savoir lesquels acheter, le consommateur doit souvent consulter des professionnels de la santé. La réglementation de la vente des médicaments – qui exige une ordonnance médicale pour la délivrance de nombreux médicaments et limite la vente des médicaments de prescription et des médicaments en vente libre aux points de vente au détail que sont les pharmacies – vise à garantir que les consommateurs sont bien renseignés sur les pharmacothérapies.
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Ce faisant, les consommateurs renoncent en partie à leur souveraineté en faveur de professionnels, qui prennent des décisions importantes quant aux médicaments qu’ils consommeront. Enfin, en raison de la place qu’ils occupent dans les soins de santé, les médicaments se situent très haut dans ce que l’on pourrait appeler la « hiérarchie » des besoins des consommateurs. Si un médicament est jugé médicalement nécessaire au traitement d’une maladie grave, le consommateur peut rarement en différer l’achat. Il se peut donc que la demande de produits pharmaceutiques soit très inélastique (insensible aux fluctuations des prix), ce qui expose les consommateurs à des factures énormes si les prix et les habitudes de prescription ne sont pas maîtrisés. Lorsque les contraintes financières sont assez sévères pour empêcher le consommateur d’acheter un médicament, il risque de ne pas recevoir les soins médicaux indiqués pour son état. Comme, au Canada, beaucoup de nouveaux médicaments remplacent des services médicaux couverts par l’assurance-maladie, les traitements à base de pharmacothérapie risquent de coûter cher aux consommateurs. Étant donné les difficultés financières auxquelles sont confrontés certains segments de la population, ce fardeau risque de créer des inégalités d’accès aux soins de santé. Pour atténuer ces pressions financières, tous les gouvernements provinciaux assurent les personnes les plus exposées à des factures de pharmacie élevées (p. ex. les personnes âgées) et celles qui ont le moins les moyens d’acheter des médicaments (p. ex. les assistés sociaux). De plus, une bonne partie de la population bénéficie de régimes d’assurance-maladie complémentaire, subventionnés et offerts par les employeurs ou les syndicats. Certains pensent que l’assurance-médicaments accentue l’inélasticité de la demande de produits pharmaceutiques parce que nombre de consommateurs ne paient pas les médicaments qu’ils consomment (Egan et al., 1982 ; Caves et al., 1991 ; Grabowski et Vernon, 1992 ; Scherer, 1993 ; Coulson et Stuart, 1995). Cette situation, conjuguée au transfert du pouvoir décisionnel aux professionnels, tient les consommateurs à l’écart des décisions les plus importantes en ce qui concerne le choix d’autres traitements possibles – et il leur reste à se conformer aux régimes prescrits (question analysée ci-dessous).
Les fabricants
L’industrie de la fabrication des médicaments est véritablement mondiale. Avec d’énormes frais de recherche à recouvrer, les fabricants cherchent à augmenter leurs volumes de ventes en commercialisant leurs produits dans le monde entier. Les multinationales américaines, britanniques, allemandes, françaises, suisses et japonaises dominent les marchés pharmaceutiques internationaux (Ballance, 1996 ; Redwood, 1993 ; Eden, 1989). Des économies d’échelle dans les deux phases de production les plus coûteuses, soit la recherche-développement et la fabrication de produits chimiques fins, confèrent des avantages importants aux grandes firmes. À cause de ces économies d’échelle, il est plus efficient pour les fabricants de concentrer la recherche-développement et la fabrication de produits chimiques fins au siège de l’entreprise (Taggart, 1991 ; Eden, 1989). Par conséquent, hormis les essais cliniques, il se fait peu de recherche en dehors du pays
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d’origine de la multinationale, ou au plus sur un ou deux de ses principaux marchés (p. ex. les États-Unis ; Ballance, 1996). Les travaux de recherche effectués dans les « pays d’accueil » se limitent essentiellement aux essais réglementaires obligatoire pour obtenir l’autorisation de commercialisation. Les principales activités organisationnelles qui ont lieu sur le marché d’accueil sont la production finale (c.-à-d. l’assemblage des ingrédients et le conditionnement des produits), ainsi que le marketing et la vente (Ballance, 1996 ; Eden, 1989). En 1995, on estimait les ventes mondiales de médicaments, au prix au départ de l’usine, à 340 milliards de dollars (CEPMB, 1996a). Aucune firme ne détient plus de 8 % du marché mondial, mais l’industrie est fortement concentrée par classe théra peutique (Moore, 1996 ; Ballance, 1996). Dans toute catégorie de médicaments, il se peut qu’il n’y ait que quelques concurrents et que la principale entreprise contrôle plus de 50 % du marché (Drake et Uhlman, 1993). Dernièrement, de grands laboratoires ont fusionné ou se sont associés, afin de réaliser des synergies, des économies d’échelle et des économies de diversification dans les activités de recherche et de marketing (Moore, 1996 ; Anderson et al., 1995). Ensemble, les dix plus grosses sociétés pharmaceutiques s’adjugent près de 40 % du marché mondial (CEPMB, 1996a) et il faut s’attendre, selon certains analystes, à de nouvelles fusions entre ces entreprises5.
L’industrie canadienne
Le Canada ne représente que 2 % environ du marché mondial de médicaments et il n’est le siège d’aucune grande multinationale pharmaceutique (CEPMB, 1996a ; Eden, 1989). L’industrie canadienne de la fabrication de médicaments se compose des éléments suivants : de grandes entreprises axées sur la recherche, à production diversifiée et appartenant presque toutes à des intérêts étrangers ; des fabricants de médicaments génériques, dont les deux plus importants sont les firmes canadiennes Apotex et Novopharm ; des entreprises de taille plus modeste, en concurrence dans certains créneaux du marché, comme celui des médicaments en vente libre. Le Canada compte aussi plusieurs « boutiques de biotechnologie » (Crop Conseil, 1995). D’après les données de Statistique Canada, les ventes au prix départ de l’usine se sont chiffrées à six milliards de dollars en 1995. Cette même année, les dix premières entreprises du Canada – dont deux sont des fabricants canadiens de médicaments génériques – représentaient environ 46 % des ventes canadiennes (CEPMB, 1996a).
5. Les dirigeants de Glaxo Wellcome PLC et Pfizer Inc. ont démenti la rumeur d’une éventuelle fusion (Financial Post Daily, 27 mars 1996, p. 9). Cependant, les grandes multinationales Sandoz AG et Ciba-Geigy ont fusionné dernièrement, dans le cadre d’une transaction de 62 milliards de dollars (US) qui en fait le deuxième groupe pharmaceutique mondial. Le numéro un de l’industrie est la multinationale Glaxo Wellcome PLC, constituée l’an dernier à la suite d’une prise de contrôle de 41 milliards de dollars (US) (Financial Post Daily, 8 mars 1996, p. 5).
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Recouvrement des investissements
La création d’un nouveau médicament commence habituellement par une découverte prometteuse sur le terrain ou dans un laboratoire et marque donc l’aboutissement d’une démarche intentionnelle ou le produit d’un heureux hasard. (Mais la Fortune sourit aux audacieux.) Un très grand nombre de ces découvertes prometteuses sont contrôlées au cours de travaux de recherche et d’essais, et la plupart sont abandonnées. Quand un médicament est lancé sur le marché, il représente déjà de lourds investissements, non seulement en ce qui concerne sa propre mise au point, mais aussi les échecs et les années d’essais cliniques et de recherche qu’il faut pour obtenir l’autorisation réglementaire nécessaire à la mise en vente. Selon les estimations, une multinationale américaine doit consacrer en moyenne 200 millions de dollars (US) à la recherche pour réussir à commercialiser un produit (Moore, 1996). Deux choses doivent se produire pour que le fabricant récupère son énorme investissement : premièrement, le prix du produit doit être supérieur à son coût de production et, deuxièmement, le médicament doit se vendre en quantités suffisantes pour amortir l’investissement. La deuxième condition ne sera jamais satisfaite si la première ne l’est pas. Si le prix de vente du produit n’est pas supérieur à son coût de production, le fabricant ne peut pas recouvrer ses coûts fixes. Et même si le produit se vend plus cher que son prix de revient, la rentabilité dépend du volume de ventes. Les fabricants de médicaments ne sont pas des œuvres de bienfaisance, ni des services publics. Ce sont des sociétés privées, à but lucratif, qui évoluent dans un milieu concurrentiel et à qui leurs actionnaires demandent de maximiser le rendement des capitaux propres, c’est-à-dire les bénéfices dégagés. Quand le prix d’un médicament est supérieur à son coût de production, plus le fabricant vend, plus ses bénéfices sont élevés. Donc, la survie commerciale de l’entreprise et la responsabilité à l’égard des actionnaires obligent à commercialiser le produit à tout prix. Cet impératif est manifeste depuis des décennies et il perdure aujourd’hui6. Pour permettre aux innovateurs de recouvrer leurs investissements, les pays leur accordent des monopoles temporaires par des brevets. De l’autorisation de vente d’un produit jusqu’à l’expiration du brevet, la firme titulaire n’a pas de concurrence directe.
6. Des raisons financières peuvent inciter des entreprises à cacher des essais cliniques défavorables, à continuer de commercialiser des médicaments inefficaces et à corrompre des fonctionnaires (Bero et Rennie, 1996 ; Rosenberg, 1996; Drake et Uhlman, 1993). Une accumulation de faits récents amène à douter de l’innocuité des inhibiteurs calciques, qui sont utilisés très couramment dans le traitement de l’hypertension (The Vancouver Sun, mardi 28 mai 1996, B1). Devant l’accumulation de preuves cliniques indiquant que le taux d’infarctus est plus élevé parmi les patients traités avec ce médicament que parmi les patients recevant les traitements traditionnels contre l’hypertension, les dirigeants de Bayer Inc., le fabricant de l’inhibiteur calcique le plus vendu au Canada, ont minimisé le risque. Bayer fait toujours la promotion de son produit, en expliquant que les craintes concernant la formulation à action brève ne valent pas pour la formulation à prise quotidienne.
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Elle bénéficie donc de 10 à 15 ans de monopole avant que des concurrents puissent faire baisser le prix. Pendant ce laps de temps, elle vend son produit au prix le plus élevé que puisse supporter le marché au niveau de ventes ciblé. Elle applique cette stratégie non seulement dans le pays où le médicament a été découvert, mais aussi dans tous les pays où elle peut le faire breveter et le commercialiser. Il n’y a aucune raison justifiant un lien entre la marge bénéficiaire et les coûts de mise au point du produit, et la situation de monopole peut se traduire par des bénéfices importants dans tous les pays où le produit est vendu. Pour justifier ces marges de profit, les fabricants font remarquer que beaucoup de médicaments mis sur le marché ne se vendent pas assez pour leur permettre d’amortir leur investissement. Cependant, les recettes tirées des produits qui se vendent bien compensent les pertes occasionnées par ceux qui se vendent moins bien (Grabowski et Vernon, 1992). Cela explique en partie la prédominance des grandes multinationales dans l’industrie. En effet, les grandes firmes bénéficient d’un avantage stratégique dans le financement et l’exécution de nombreux travaux de recherche simultanés. Selon des données récentes sur les économies d’échelle et de diversification réalisées dans le secteur de la recherche-développement, l’exécution simultanée de plusieurs travaux augmente les chances de succès et atténue le risque d’échec (Henderson et Cockburn, 1996). De même, grâce à leurs armées de représentants commerciaux et à leurs circuits de distribution bien établis, les grandes sociétés réalisent des économies d’échelle dans la commercialisation et la distribution. L’industrie pharmaceutique réussit, depuis des dizaines d’années, à dégager des bénéfices moyens étonnamment élevés, en menant de front de nombreux travaux de recherche et en compensant ses pertes par les gains tirés de ses médicaments vedettes, moyennant un marketing « agressif » dans le monde entier.
Rentabilité
Durant 24 des 32 années qui se sont écoulées entre 1960 et 1991, l’industrie pharma ceutique s’est classée première ou deuxième au palmarès annuel des entreprises, établi par le magazine Fortune, en fonction du rendement moyen des capitaux propres. Au cours de cette période, ce taux s’élevait à 18,4 %, comparativement à un taux moyen de 11,9 % pour les 500 premières entreprises industrielles (Scherer, 1993). Dans l’édition de 1995 du magazine Fortune 500, les fabricants de médicaments remportaient le « triplé » : ils se classaient premiers pour ce qui est des bénéfices dégagés (16,4 %), du rendement de l’actif (12,7 %) et du rendement des capitaux propres (31,2 %), leur rendement étant plus de trois fois supérieur au taux médian des 500 entreprises classées dans chacune des catégories (Fortune, 15 mai 1995).
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On fait parfois valoir que des profits extraordinaires sont nécessaires pour compenser les risques inhérents à tout investissement dans une industrie tributaire de la recherche. Or, même en tenant compte du risque de l’investissement7, les entreprises pharmaceutiques demeurent en moyenne très rentables8. La puissance commerciale semble constituer une caractéristique fondamentale de l’industrie pharmaceutique (Comanor, 1986, p. 1182-1186). D’aucuns se demandent si cette rentabilité est justifiée. De gros bénéfices ne sont pas, en eux-mêmes, synonymes d’une puissance commerciale injustifiée. Par exemple, peu de gens mettent en doute la nature de la concurrence dans l’industrie des cosmétiques, dont les bénéfices sont également très élevés. Toute entreprise a certes le droit de dégager des bénéfices raisonnables pour récompenser ses investisseurs et pour assurer sa stabilité à long terme. Mais la difficulté réside dans la définition du terme raisonnable. Quand des bénéfices deviennent-ils « déraisonnables » ? [Spinello, 1992, p. 618.]
Il est difficile de répondre à ces questions quand l’industrie en question produit des biens qui influent considérablement sur le bien-être fondamental (p. ex. l’alimentation, le logement et les soins de santé). Si l’on examine de près la rentabilité des entreprises pharmaceutiques, c’est parce que les médicaments entrent dans les soins de santé, ce qui rend la demande inélastique et entraîne l’apparition d’obstacles financiers à l’accès dont les coûts sociaux sont élevés et parce que les gouvernements leur accordent un grand pouvoir commercial par la protection de la propriété intellectuelle. Les faits semblent montrer que, s’il est une industrie à qui on pourrait reprocher d’être excessivement rentable, c’est bien l’industrie pharmaceutique. Aucune autre industrie ne connaît de rentabilité constante comparable, et peu bénéficient d’une aussi grande puissance commerciale protégée par la loi. 7. Justifier des bénéfices élevés en parlant de « prime de risque » est inadéquat. Premièrement, la rentabilité constante de l’industrie pharmaceutique ne dénote pas des risques importants. Deuxièmement, étant donné leur grande taille, les fabricants peuvent étaler le risque lié à des travaux de recherche distincts en exécutant plusieurs travaux simultanément. Enfin, les francs-tireurs de l’industrie ont des taux de rendement exceptionnellement élevés, et pas le contraire (Scherer, 1993). 8. Depuis près de 30 ans, les études consacrées aux aspects économiques portent essentiel lement sur le juste calcul des bénéfices de l’industrie pharmaceutique (Comanor, 1986), et les économistes ont découvert peu de faits nouveaux en la matière. Dans le calcul du taux de rente (c.-à-d. du profit) des entreprises pharmaceutiques, les dépenses de recherche-développement et de marketing devraient être capitalisées et amorties à titre de dépenses d’investissement, au lieu d’être passées immédiatement en décaissements courants. Dans cette formule, la fraction non amortie des immobilisations correspondant aux décaissements antérieurs et courants est incluse dans le dénominateur, alors que seul l’amortissement de l’exercice en cours est soustrait du numérateur. Comme le numérateur et le dénominateur sont tous deux plus élevés, les taux de rentabilité économique des firmes pharmaceutiques (par opposition aux taux comptables) demeurent supérieurs de deux écarts types aux taux de rendement moyens (Comanor, 1986).
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Les médecins
Les médecins figurent parmi les personnages les plus importants de l’industrie pharmaceutique. Le rôle de prescripteurs leur est échu en raison des connaissances supérieures du diagnostic et des soins médicaux qu’ils sont supposés posséder. En sa qualité de prescripteur, le médecin détermine, au nom du consommateur, la théra peutique qui corresponde le mieux à son cas. Peu de gens considèrent les médecins comme des entrepreneurs, mais chaque médecin qui a un cabinet privé exploite une petite entreprise. Comme tous les entrepreneurs, les médecins gagnent de l’argent en vendant quelque chose, un service, en l’occurrence. Les médecins rémunérés à l’acte ont avantage, financièrement, à traiter le plus grand nombre possible de patients par jour ouvrable, leur seule contrainte étant de s’assurer – et d’assurer à leurs clients – qu’une norme de soins professionnels est respectée. La politique régissant le remboursement des honoraires des médecins a une grande portée sur les habitudes de prescription. Le mode de rémunération (salariat par opposition au paiement à l’acte) et le tarif des honoraires influent sur le temps que le médecin consacre au patient et sur la nature des services qu’il dispense. Les services peu rentables sont dispensés moins souvent que prévu, alors que l’inverse est constaté dans le cas des services plus rentables. Comme le laissent supposer ces observations générales, la durée de la consultation est plus courte chez les médecins rémunérés à l’acte que chez les médecins salariés. Deux études ont relevé la présence d’une forte corrélation inverse entre la durée de la consultation et la délivrance d’ordonnances de médicaments [Tamblyn et Perreault, 1995, p. 17].
Donc, dans le cas de la rémunération à l’acte, l’établissement d’une ordonnance est un moyen pratique de mettre fin à la consultation (Soumerai et al., 1989). Malheureusement, les médecins n’ont pas le temps de lire toute la docu mentation clinique sur l’innocuité et l’efficacité des médicaments, et leur formation en pharmacologie est insuffisante (Anderson et al., 1996). Les fabricants de médica ments essaient de combler ces lacunes, encore que ce soit à leur avantage. Comme les médecins veulent fournir à leurs patients les meilleurs soins possibles, les fabricants font valoir les avantages de leurs médicaments et en minimisent les risques. Des mé thodes de marketing aujourd’hui acceptées au Canada (analysées ci-dessous) semblent gommer la distinction entre information et persuasion (Lexchin, 1989, 1993b, 1994). Le prix est rarement indiqué dans la publicité adressée aux médecins, parce que les médecins ne paient pas les médicaments qu’ils prescrivent et que beaucoup de patients sont couverts par une assurance-médicaments. Donc, pour se maintenir à la pointe de la technologie, les médecins prescrivent souvent les tout nouveaux médicaments, qui sont plus chers, sans avoir de preuve clinique de leur supériorité sur des traitements existants ou différents (Castonguay et al., 1996).
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Les pharmaciens
Au Canada, seuls les pharmaciens autorisés peuvent vendre des médicaments de prescription. La loi qui leur accorde ce monopole date de l’époque où le pharmacien préparait dans son officine le médicament prescrit par le médecin. Aujourd’hui, les médicaments de prescription sont fabriqués à l’usine dans leur forme posologique, et le pharmacien n’a que rarement l’occasion d’en préparer lui-même. Cependant, chaque fois qu’il délivre un médicament, le pharmacien perçoit des frais d’ordonnance (ou honoraires), en plus de la majoration du détaillant sur le coût des ingrédients du médicament même. De plus, les pharmaciens exercent des pressions en faveur de l’adoption du règlement imposant que la plupart des médicaments en vente libre se vendent dans les pharmacies ou soient disponibles dans les dispensaires de pharmacie. Le monopole de la vente au détail des médicaments de prescription et de beau coup de médicaments en vente libre a été accordé aux pharmaciens parce qu’on estime que ces produits ne peuvent être vendus sans risque sans les conseils professionnels du pharmacien. Ce monopole de la vente au détail des médicaments est très lucratif. Selon les indicateurs de rendement financier les plus récents de Statistique Canada, la vente au détail des produits pharmaceutiques, des médicaments brevetés et des articles de toilette est une des branches d’activité économique les plus rentables au Canada depuis le début des années 1990 : le taux de rendement médian du capital y est plus que deux fois supérieur à la moyenne nationale9 (Statistique Canada, 1996). Des problèmes se posent lorsqu’il y a conflit entre les incitations financières du pharmacien en tant que détaillant et son devoir professionnel. À voir les données qui révèlent une surconsommation de médicaments au Canada (Tamblyn et Perreault, 1995), il semble que les pharmaciens devraient refuser des ventes potentielles de médicaments de prescription et de médicaments en vente libre ; mais en sacrifiant des ventes, ils réduiraient aussi leurs bénéfices. La forte résistance à l’élimination des produits du tabac dans les pharmacies canadiennes montre que les intérêts commerciaux l’emportent parfois sur les obligations professionnelles. On sait depuis longtemps que le pharmacien est le spécialiste le plus qualifié en pharmacologie et que sa compétence en la matière est loin d’être pleinement utilisée (Evans et Williamson, 1978 ; Salmon, 1996). L’expérience des pharmaciens hospi taliers montre qu’en utilisant mieux la compétence de ces professionnels on aiderait les médecins à mieux ajuster leurs prescriptions, ce qui se traduirait, finalement, par une amélioration des soins et une réduction des coûts. D’aucuns préconisent donc de payer les pharmaciens pour des « services cognitifs », y compris les conseils aux patients
9. En 1994, les détaillants de médicaments dont le chiffre d’affaires annuel était supérieur à cinq millions de dollars avaient un taux de rendement médian du capital utilisé de 16,8 %, comparativement à 7,7 % pour toutes les entreprises canadiennes non financières de taille comparable. D’après ces données, de 1988 à 1994, les grands détaillants de médicaments se classaient deuxièmes pour ce qui est de la rentabilité. Pour les détaillants dont le chiffre d’affaires annuel était inférieur à cinq millions de dollars, le taux de rendement était de 11,5 %, comparativement à 5 % pour toutes les autres entreprises non financières de taille comparable.
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et le suivi, afin de promouvoir une pharmacothérapie plus rationnelle. (Payer davantage les préparateurs afin de moins payer le fabricant de médicaments.) Mais, bien que ce projet soit plausible en théorie, on en parle depuis 25 ans au moins, et rien n’indique vraiment qu’il se concrétisera, à cause de la structure de l’industrie. Les pharmacies communautaires ne possèdent pas la structure nécessaire pour faire des pharmaciens des « membres d’une équipe » dans la prestation des soins de santé. Le pharmacien communautaire n’ayant pas accès aux diagnostics ni aux dossiers médicaux, il ne peut guère dispenser de conseils thérapeutiques. Il ressort de l’étude récente sur les interventions des pharmaciens communautaires que les pharmaciens détaillants font environ 1,2 intervention pour 100 ordonnances délivrées (Poston et al., 1995). L’obtention de données manquantes, telles que la posologie ou la quantité, constituait une intervention aux fins de cette étude. Les problèmes thérapeutiques, tels que les erreurs de posologie, le double emploi de médicaments et les contre-indications, représentaient seulement 36,9 % des interventions signalées. D’après ces données, les interventions thérapeutiques, qui justifient le monopole des pharmaciens sur la vente des médicaments au détail et les frais d’ordonnance, visent moins de 5 ordonnances délivrées pour 1 000. Un taux d’intervention thérapeutique aussi faible indique soit que le rôle de vérification des prescriptions des pharmaciens est minime (en raison du fort pourcentage de prescriptions pertinentes, par exemple), soit que les pharmaciens détaillants ne remplissent pas ce rôle au Canada (pour quelque raison que ce soit). Les perfectionnements de la technologie de l’information, notamment la con sultation en ligne des dossiers pharmaceutiques et des ordonnances, réduiront encore davantage le rôle du pharmacien détaillant. Néanmoins, même avec les informations voulues, les pharmaciens ne sont guère incités à remettre en question les choix de prescription des médecins. En outre, des médecins qui se sentiraient menacés pourraient faire perdre beaucoup de patients au pharmacien qui contesterait leurs ordonnances. Encore une fois, il pourrait y avoir conflit entre les obligations professionnelles du pharmacien et ses intérêts commerciaux.
Les gouvernements
Les gouvernements jouent, eux aussi, un grand rôle dans l’industrie pharmaceutique, en tant qu’organismes de réglementation et fournisseurs de prestations pharmaceutiques. La réglementation de l’industrie est probablement la tâche la plus importante de l’État par rapport à cette branche d’activité. Les organismes gouvernementaux établissent les règles de conduite de bien des façons, influant ainsi sur le rendement global de l’industrie, tant sur le plan de la santé et de la sécurité que sur le plan financier. La réglementation relative à l’innocuité des médicaments est d’importance critique pour l’industrie pharmaceutique. Étant donné leur puissance manifeste et l’incertitude quant à leurs effets sur la santé, l’innocuité et l’efficacité des médicaments doivent être scientifiquement prouvées lorsqu’ils sont consommés conformément à la posologie indiquée. La Direction des médicaments de Santé Canada est chargée d’étudier les données sur les essais cliniques que doivent lui soumettre les fabricants avant de pouvoir
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commercialiser leurs médicaments au Canada. Le conditionnement des produits, leur inscription au tableau des médicaments10 et la publicité pharmaceutique relèvent également de la Direction des médicaments. De plus, le gouvernement régit la protection de la propriété intellectuelle au Canada. Aux termes de la Loi sur les brevets, l’application de la loi et des règlements incombe au Commissaire aux brevets d’Industrie Canada. En établissant la durée des brevets canadiens, la nature des brevets accordés (portant sur le produit, le procédé ou l’utilisation), les modalités de l’octroi de licences (dont les licences obligatoires) et en réglementant d’autres aspects de l’industrie, le gouvernement fédéral définit, en fait, l’environnement concurrentiel. La puissance commerciale conférée par les brevets devrait être surveillée de près, afin de déterminer si le système des brevets donne les résultats recherchés à un coût acceptable. Le gouvernement fédéral contrôle partiellement les répercussions des brevets pharmaceutiques par l’intermédiaire du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB), qui réglemente le prix (de lancement) des médicaments brevetés et qui surveille les activités de recherche-développement des fabricants titulaires de brevets. Par leurs achats, les gouvernements provinciaux sont aussi partie prenante dans la surveillance et la compression des coûts des médicaments brevetés (et non brevetés). Les gouvernements fédéral et provinciaux jouent un rôle important en tant que fournisseurs de prestations pharmaceutiques. En offrant ce type de prestations, ils réduisent le fardeau financier que représentent les médicaments dans la prestation des soins de santé et améliorent, par là-même, l’accès aux soins. De plus, en leur qualité de grands payeurs de médicaments, ils peuvent appliquer des stratégies de compression des coûts, ce qui n’est pas le cas des consommateurs. Ils peuvent suivre l’évolution de la consommation de médicaments, négocier les prix des médicaments et des ristournes et évaluer d’autres thérapeutiques, afin de conseiller les professionnels de la santé au sujet de traitements optimaux. Alors même que la gestion des prestations pharmaceutiques devient de plus en plus importante, les données canadiennes relatives aux dépenses de médicaments montrent que les gestionnaires des régimes publics d’assurancemédicaments maîtrisent les coûts mieux que les gestionnaires des régimes privés (figure 1). Malheureusement, les gestionnaires des régimes publics doivent s’efforcer, dans leur recherche de maîtrise des coûts, de ménager l’industrie pharmaceutique, dont le poids politique est important. Enfin, le gouvernement exerce également une grande influence sur l’industrie pharmaceutique par la réglementation et l’organisation du système de soins de santé. Par l’établissement des budgets et des mécanismes de rémunération, il influe sur les incitations financières des principaux acteurs de l’industrie, y compris les hôpitaux et 10. Les provinces s’occupent elles aussi de l’inscription des produits pharmaceutiques au tableau des médicaments. Même si Santé Canada autorise la vente libre d’un médi cament, les autorités provinciales peuvent en réglementer la vente plus étroitement ; elles peuvent, par exemple, en limiter la vente depuis l’officine du pharmacien ou en assujettir la délivrance à la présentation d’une ordonnance dans leur province.
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les médecins. Les ministères de la santé provinciaux peuvent, par exemple, favoriser une utilisation accrue de médicaments dans la prestation des soins ambulatoires, en augmentant les incitations financières des hôpitaux à planifier des chirurgies d’un jour. De plus, les mécanismes de rémunération des médecins peuvent inciter ces derniers à prescrire des médicaments (Tamblyn et Perreault, 1995). La maîtrise des coûts
Les principaux intervenants sur le marché des médicaments ont tous intérêt à contrôler l’évolution de toute stratégie visant à maîtriser les coûts. Dans ce secteur, toute réduction des dépenses entraîne nécessairement une diminution des revenus de l’un des intervenants. Des solutions efficaces ne seront pas adoptées volontairement. Le statu quo qui persiste depuis des décennies, malgré de nombreux appels à la réforme du système, montre à quel point il est difficile d’apporter des changements. La situation internationale est très semblable. Aucun pays n’a réussi à réduire sensiblement ses dépenses pharmaceutiques par la coopération, il ne faut pas espérer y parvenir de cette façon. Les Pays-Bas en donnent une illustration. En 1988, le gouvernement néerlandais a proposé un système d’établissement des prix axé sur des prix de référence, afin de maîtriser le coût élevé des médicaments (Rigter, 1994). En réponse, dix associations professionnelles, représentant les assureurs, les grossistes, les pharmaciens, les méde cins et les fabricants, ont promis de s’autoréglementer en concluant un « traité » auquel toutes les parties adhéreraient. En 1991, il était évident que rien n’avait été fait – les prix continuaient d’augmenter. Le gouvernement est alors intervenu, avec l’adoption d’un régime de remboursement des médicaments, suivi d’autres mesures, en 1993, qui témoignaient d’un virage par rapport à l’attitude de coopération traditionnelle du gouvernement néerlandais. L’Allemagne a connu une situation similaire à l’adoption de la loi de 1977 sur la maîtrise des coûts de l’assurance-maladie – qui introduisait dans le régime d’assurance-maladie obligatoire des budgets globaux liés aux recettes –, en vertu de laquelle les organes « autonomes » devaient prendre des mesures pour mettre en place un processus d’examen des prescriptions, assorti de sanctions financières pour décou rager les prescriptions excessives. « Le système d’auto-administration décentralisée, qui fonctionne bien tant qu’aucune des parties intéressées n’est lésée, n’a jamais réussi à mettre en œuvre ces mesures. » (Munnich et Sullivan, 1994, p. 24.) En 1993, après 15 ans d’attente d’autonomie, le gouvernement a fait adopter une loi qui passait outre le processus volontaire inefficace, en imposant des restrictions budgétaires fédérales quant aux dépenses de médicaments. Bien que violemment critiquée (Schoffski, 1996), cette loi a eu une incidence sensible immédiate sur les schémas de prescription. En fait, la virulence de la réaction de l’industrie face à cette loi (efficace) témoigne de ce qu’elle a provoqué un réel changement, parce qu’en modifiant les schémas de prescription, elle a aussi modifié la répartition des revenus.
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D’aucuns soutiennent que s’il est difficile de maîtriser les coûts, c’est que l’objectif n’est pas légitime. D’après ce raisonnement, l’escalade des dépenses pharmaceutiques est le résultat d’une demande croissante de soins de santé de grande qualité. Toujours selon cette thèse, les dépenses de médicaments sont donc normales, car elles permettent de réaliser des économies dans d’autres composantes de la santé où des besoins non satisfaits auraient des répercussions extérieures, autrement. L’appel à une plus grande efficience, mais non à la réduction du financement, dans le secteur pharmaceutique, corrobore cette thèse. La restructuration des intrants, destinée à améliorer la qualité des soins et à maintenir (ou accroître) le niveau des dépenses, ne suscite pas autant d’opposition qu’une limitation réelle des dépenses, parce que les revenus des intervenants ne baissent pas, sauf, bien sûr, ceux des consommateurs et des contribuables. Une autre réforme que préconisent plusieurs intervenants consiste tout sim plement à augmenter l’apport de fonds venant d’autres sources, habituellement des patients. Cette solution transfère les coûts afin d’éviter de réduire les dépenses. (Il n’est guère surprenant que de telles politiques soient préconisées par ceux dont les revenus diminuent du fait de la maîtrise des dépenses.) Selon cette logique, plus d’argent est synonyme de meilleurs soins. Cependant, s’il y a surconsommation ou usage impropre de médicaments coûteux dans le système actuel, l’augmentation des fonds provenant des consommateurs et des contribuables n’améliorera en rien les résultats de cette composante des soins de santé. Pour que la politique pharmaceutique soit vraiment efficace en ce qui a trait à la maîtrise des coûts, le revenu de certains intervenants doit baisser. Des compromis sont inévitables, et les solutions dites coopératives n’amélioreront guère la situation. Tendances de l’industrie et stratégies des entreprises
Plusieurs tendances et stratégies d’entreprise de l’industrie pharmaceutique façonnent l’environnement politique. Comme l’industrie pharmaceutique est mondiale et que les multinationales dominent largement le secteur de la fabrication et de la recherche, les décisions que prennent ces entreprises ont des retentissements dans le monde entier. Certaines tendances et stratégies de cette industrie multinationale sont analysées dans cette section. Lobbying en faveur de la protection de la propriété intellectuelle
Une des questions les plus vieilles traitées dans les études consacrées à l’industrie pharmaceutique porte sur le juste milieu à établir entre l’encouragement de la recherchedéveloppement et la disponibilité de médicaments à bas prix. La solution adoptée dans les pays développés est d’accorder aux entreprises novatrices des droits de propriété intellectuelle, habituellement par des brevets. En conférant un monopole temporaire
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sur un nouveau produit, le brevet permet au fabricant de demander des prix plus élevés, car aucun autre fabricant ne peut lui faire concurrence sur le marché. La protection par brevet peut aussi permettre aux fabricants de médicaments de dégager des bénéfices plus importants que ceux réalisés dans d’autres secteurs d’activité. Étant donné les bénéfices importants engrangés par l’industrie pharmaceutique, on ne peut guère contester que la protection de la propriété intellectuelle permet aux fabricants de médicaments de récupérer leurs investissements, et plus. Et pourtant, les multinationales pharmaceutiques ne sont pas satisfaites. Elles affirment que les droits des entreprises novatrices ne sont pas assez bien protégés à l’échelle mondiale. Depuis 1985, elles préviennent les gouvernements des pays développés et des pays en développement qu’elles innoveront moins si la protection de la propriété intellectuelle n’est pas renforcée. Pour étendre leur influence, elles font du lobbying dans les négociations com merciales qui se déroulent partout dans le monde. Au milieu des années 1980, par exemple, le président Reagan a nommé Ed Pratt à la présidence de la U.S. Business Roundtable, un groupe consultatif de haut niveau du secteur privé, chargé de conseiller le gouvernement américain sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Président de la multinationale pharmaceutique américaine Pfizer Inc., Ed Pratt n’a pas tardé à mettre la question des brevets pharmaceutiques au premier plan des négociations sur le libre-échange entre les deux pays. Les multinationales américaines qu’Ed Pratt représentait s’opposaient tout particulièrement aux dispositions de la Loi sur les brevets du Canada prévoyant l’octroi de licences obligatoires11. Succombant aux pressions intenses exercées par le gouvernement américain, sur lequel les fabricants américains faisaient pression, le gouvernement canadien a adopté en 1987 une loi supprimant pratiquement les licences obligatoires (Lexchin, 1993a ; Gherson, 1991 ; Eden, 1989). L’industrie pharmaceutique a exercé des pressions similaires lors des négociations de l’ALENA et des négociations du GATT, notamment de celles de l’Uruguay Round. Avec des centaines de milliards de dollars en jeu, les multinationales ont remué ciel et terre pour que les parties aux négociations commerciales s’entendent sur l’octroi de brevets plus avantageux.
Le lieu de la recherche-développement
Pour des pays comme le Canada, où le marché pharmaceutique est limité, il n’est pas évident que l’accroissement de la protection par brevet soit, tout compte fait, avantageuse. L’un de ses avantages tant vantés, à savoir l’amélioration de la santé par l’innovation, se fait peu sentir sur un petit marché. Les décisions concernant l’ampleur,
11. Les licences obligatoires autorisaient tout fabricant à vendre un médicament breveté avant l’expiration du brevet, sous réserve du versement d’une redevance de 4 % au titulaire du brevet.
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le champ et le lieu des travaux de recherche-développement (R-D) sont prises par des multinationales étrangères en fonction d’un programme de recherche mondial. L’augmentation de la rentabilité dans un petit pays n’influe pas beaucoup sur l’ampleur de la recherche ni, par conséquent, sur les découvertes. La rentabilité peut cependant influer sur le choix du lieu de la recherche. L’un des principaux déterminants du lieu de la R-D est l’« importance stratégique » des opérations d’une entreprise dans le pays cible (Taggart, 1991). Les négociations avec le gouvernement du pays cible constituent une considération stratégique. Les sociétés pharmaceutiques utilisent ainsi leurs dépenses de R-D comme monnaie d’échange internationale. Par exemple, pour remercier le Canada d’avoir renforcé la protection conférée par les brevets, en 1987, les multinationales ont promis de faire plus de R-D au Canada. Même le choix du lieu de la R-D et des activités de production à l’intérieur d’un pays est stratégique. Comme l’industrie pharmaceutique est très réglementée et que sa rentabilité est liée à la politique gouvernementale, les entreprises ont intérêt à s’implanter là où elles exercent le plus d’influence politique, pratique rendue possible par le fait que la fabrication du produit final, la recherche clinique et le marketing peuvent se faire n’importe où. Le gouvernement fédéral conservateur n’ignorait pas que les multinationales pharmaceutiques étaient concentrées dans des circonscriptions clés du Québec et de l’Ontario, quand il a décidé d’adopter les projets de lois C-22 et C-1912 (Lexchin, 1993a).
Le programme de recherche-développement
Étant donné les incitations à la R-D, on a intérêt à savoir quelles incitations com portent les diverses politiques. Les entreprises du secteur privé font de la recherche pour exploiter des marchés rentables. Le programme de recherche de toute entreprise privée reflète sa vocation commerciale. L’acquisition de connaissances en soi présente peu d’intérêt pour une entreprise commerciale. Une firme n’entreprendra des travaux de recherche que si, par un moyen quelconque, les connaissances à acquérir peuvent être liées à un produit ou à un procédé et lui permettre d’augmenter son chiffre d’affaires ou de réduire ses coûts. Par conséquent, la plupart des travaux de recherche industrielle (dans toute branche d’activité) sont des travaux de recherche appliquée, et non de recherche fondamentale, ou de développement. La recherche-développement industrielle s’appuie généralement sur des percées ou des découvertes faites ailleurs [Reekie et Weber, 1979, p. 11].
12. Au Canada, l’Ontario et le Québec se sont partagé également environ 90 % des dépenses de R-D annuelles des firmes titulaires de brevets, entre 1987 et 1994 (CEPMB, 1989-1996).
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Face aux énormes investissements initiaux nécessaires et à l’incertitude des marchés, l’industrie pharmaceutique dispose de plusieurs stratégies pour réduire les risques. Les entreprises peuvent notamment axer leurs recherches sur des marchés connus, c’est-à-dire sur des créneaux que leurs concurrents ont déjà créés. En suivant les découvertes d’un concurrent et s’« en inspirant de ses brevets » (c.-à-d. en décou vrant des molécules quasi identiques ayant des effets thérapeutiques semblables), une entreprise peut se tailler une part du marché. Cette forme de recherche imitative a été sévèrement critiquée par les analystes, ces dernières années, comme elle l’a été dans les années 1950 et les années 1960, quand on la qualifiait de « manipulation de molécules » (CRESS, 1964 ; Cooper, 1966 ; Slatter, 1977 ; Eastman, 1985 ; Drake et Uhlman, 1993). D’aucuns soutiennent que la mise au point de médicaments imitatifs est « néces saire pour permettre aux entreprises de survivre durant les longs intervalles entre de grandes découvertes » (Redwood, 1993, p. 75). Du point de vue sociétal, la question se pose alors de savoir si les précieuses ressources humaines affectées à cette forme d’innovation ne devraient pas être utilisées à d’autres fins. Faire directement concurrence au produit d’une société novatrice en fabriquant des médicaments génériques – par exemple, sous un régime de licence obligatoire prévoyant le versement de redevances adéquates – permettrait également aux entreprises de dégager des recettes pendant les périodes creuses entre leurs grandes découvertes et réduirait les travaux de recherche en double. Cela éliminerait les dépenses de manipulation de molécules et les essais cliniques nécessaires pour contourner le brevet de l’entreprise novatrice (Eastman, 1985). Il se peut, cependant, que certaines entreprises préfèrent mettre au point et commercialiser des produits imitatifs parce que la marge bénéficiaire est beaucoup plus élevée sur ces produits que sur les médicaments génériques. Comme il a été précisé précédemment, les produits imitatifs ressemblent au produit original, mais présentent certaines différences ; de ce fait, ils permettent aux fabricants du produit d’origine d’en vendre les avantages et d’en justifier le prix. Le seul avantage que présente un produit générique est son bas prix. La possibilité de mettre au point des médicaments pour lesquels il y aura des marchés stables et prévisibles constitue une autre incitation à la recherche pharma ceutique. On ne fait pas d’investissements stratégiques en R-D sans avoir cerné un besoin thérapeutique qui créera une demande quasi inépuisable. L’innovation vise donc généralement les thérapies de « second degré », particulièrement les médicaments d’entretien et les médicaments qui soulagent les symptômes. Les médicaments purement curatifs, comme l’antibiotique qui élimine la bactérie Helicobacter, cause des ulcères récidivants, peuvent offrir au fabricant une marge bénéficiaire consi dérable, mais le volume des ventes risque d’être limité. Par contre, les thérapeutiques d’entretien peuvent produire, sur une longue période de temps, des ventes répétées qui sont essentielles au succès commercial. Ces conditions entraînent à la fois un surinvestissement et un sous-investissement dans la R-D. En général, la recherche comporte à la fois des coûts et des avantages, comme tout autre investissement. Il faut un équilibre entre les deux, non seulement du point de
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vue de l’entreprise privée qui dirige la recherche, mais aussi du point de vue de la société. La thèse voulant qu’il n’y ait jamais trop de recherche repose sur des intérêts restreints. Les politiques visant à maîtriser le coût des médicaments et à limiter les bénéfices des entreprises pharmaceutiques réduisent généralement l’incitation à créer de nouveaux médicaments, mais la société ne s’en portera pas nécessairement plus mal. Si certains nouveaux produits (« révolutionnaires ») améliorent sensiblement les traitements, ce n’est pas le cas de la plupart des nouveaux médicaments que les recherches des entreprises pharmaceutiques permettent de commercialiser. Les nouveaux médicaments, pour usage humain, lancés sur le marché canadien entre 1988 et 1995 sont présentés au tableau 1, par classes. Sur ces 581 nouveaux produits, seuls 41 (7 %) étaient des découvertes, c’est-à-dire représentaient « le premier produit médicamenteux traitant avec efficacité une maladie ou constituant une amélioration importante par rapport aux produits existants » (CEPMB, 1996a, p. 19). Par ailleurs, 277 (47 %) procuraient tout au plus des avantages thérapeutiques modestes par rapport à des médicaments existants. Les 248 nouveaux médicaments13 étaient des élargissements de gammes de produits existants, principalement de nouvelles concen trations de médicaments connus (CEPMB, 1996a).
Tableau 1 Classification des nouveaux médicaments au Canada Catégorie Élargissement d’une gamme de produits Découverte Amélioration modeste ou nulle Non classé Total
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995
15 1
35 4
26 3
51 5
23 15
35 8
29 3
34 2
19 – 35
29 – 68
30 15 74
38 – 94
50 – 88
34 – 77
32 – 64
45 – 81
Source : CEPMB, Rapport annuel, 1991-1996.
Si les tendances actuelles des efforts d’innovation et de marketing produisent une surconsommation et un mauvais usage des médicaments existants, et que l’immense majorité des nouveaux médicaments mis sur le marché n’offrent ni grand avantage thérapeutique ni économies sensibles, il est peut-être temps de les réorienter. Il semble illogique de continuer à surconsommer des médicaments de plus en plus chers, dans le seul but de fournir à l’industrie les encouragements et les moyens nécessaires pour mettre au point des médicaments encore plus chers, dont nous ferons ensuite une
13. Quinze produits n’étaient pas classifiés.
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surconsommation. La consommation et le prix de nouveaux médicaments devraient fournir aux fabricants des incitations suffisantes pour créer des produits novateurs offrant des avantages par rapport aux thérapeutiques existantes. La concurrence
Lorsqu’une entreprise pharmaceutique est prête à lancer un nouveau produit, elle consacre d’énormes efforts à sa commercialisation. Des millions de dollars sont dépensés pour faire connaître la marque auprès des médecins et, dans certains cas, pour faire valoir les avantages d’une nouvelle classe thérapeutique. Le prix est très important : il est fixé en fonction du marché, et non par la méthode du prix de revient majoré, ce qui signifie que les prix des médicaments varient d’une région à l’autre et d’un pays à l’autre, ainsi que dans le temps (Drake et Uhlman, 1993 ; USGAO, 1992 ; Caves et al., 1991 ; Comanor, 1986 ; Egan et al., 1982 ; Slatter, 1977 ; CRESS, 1964). La stratégie de prix, parfois appelée « écrémage », comporte le lancement du produit à un prix élevé, afin d’en souligner la qualité et les avantages comparatifs auprès de prescripteurs extrêmement fidèles à la marque (Drake et Uhlman, 1993 ; Caves et al., 1991 ; Egan et al. 1982, chap. 4 ; Slatter, 1977). À la fin de la période de lancement, le prix est baissé, afin de pénétrer davantage le marché. Enfin, lorsque le produit est établi, le prix peut augmenter progressivement, le produit perdant finalement une part du marché à de nouveaux produits. Bon nombre de nouveaux médicaments lancés sur le marché sont des produits concurrents imitatifs, c’est-à-dire des composés chimiques semblables, ayant des profils thérapeutiques semblables. Il y avait autrefois étonnamment peu de concurrence de la part des marques ayant des effets thérapeutiques semblables. Les fabricants se livraient plutôt à une concurrence acharnée axée sur la différenciation des produits, et ce, au moyen de campagnes de marketing et d’information médicale (Comanor, 1986 ; Egan et al., 1982 ; Slatter, 1977). La stratégie adoptée pour le lancement de nouveaux produits consistait souvent à en exagérer les différences thérapeutiques, à en minimiser les inconvénients potentiels et à demander un prix élevé signifiant que la promesse de supériorité du produit devait être prise au sérieux. Cette stratégie a fonctionné jusqu’à tout dernièrement. La ranitidine, l’antagoniste récepteur H2 développé par Glaxo pour rivaliser avec la cimétidine de SmithKline, est un exemple spectaculaire du succès de cette stratégie. Sous la marque Tagamet, la cimétidine fut durant un temps le médicament qui rapportait le plus en ventes dans le monde entier. Glaxo a créé la ranitidine comme produit de substitution ; la ranitidine produisait moins d’effets secondaires chez une minorité de patients. Faisant valoir cet avantage, Glaxo a réussi à vendre la ranitidine, sous la marque Zantac, comme le meilleur des deux produits. Comme il fallait s’y attendre, le Zantac a remplacé le Tagamet en tête des ventes mondiales, rapportant 3,6 milliards de dollars (US) dans la seule année 1994 (Moore, 1996). Face au danger de perte de parts de marché au profit d’éventuels concurrents, le fabricant tentera peut-être de se protéger en demandant l’autorisation de mettre son
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produit en marché dans des formes posologiques modifiées. Cette stratégie suppose habituellement la création de « nouvelles » versions du produit original à action prolongée ou à libération prolongée. Ces produits améliorés peuvent se vendre très bien, avec des marges bénéficiaires intéressantes. Comme le montre le tableau 1, les extensions de gammes de produits représentent près de 50 % des nouveaux médi caments lancés sur le marché canadien depuis 1988. Les analystes signalent la présence de ces deux formes de concurrence dans les produits depuis les années 1960 (CRESS, 1964 ; Comanor 1986). En rivalisant par la différenciation de leurs produits, les entreprises pharmaceutiques évitent de coûteuses guerres de prix. La concurrence livrée sur le plan des produits sous la forme d’un cycle de lancement et d’obsolescence des produits a entravé leur standardisation des produits, laquelle favorise la concurrence par les prix.
Les médicaments génériques
La standardisation finit par pénétrer le marché avec le lancement de médicaments génériques. Soit par l’obtention d’une licence soit à l’expiration du brevet, les équi valents génériques des médicaments d’origine arrivent sur le marché et soumettent le fabricant du médicament d’origine à la forme de concurrence la plus féroce, celle des prix. La concurrence des médicaments génériques présentait, au début, un certain paradoxe : à l’arrivée sur le marché d’un médicament générique rival, les fabricants des médicaments d’origine ne réduisait pas leurs prix – au contraire, ceux-ci aug mentaient dans certains cas (Comanor, 1986 ; Grabowski et Vernon, 1992 ; Scherer, 1993). Certains auteurs ont utilisé un modèle de « marché segmenté » pour décrire ce phénomène. Dans ce modèle, le marché se compose de consommateurs payants, qui tiennent compte du prix, et de consommateurs assurés, qui ne tiennent pas compte du prix. On croit que, dans les années 1980, une proportion considérable de la demande n’était pas sensible aux prix, de sorte que les fabricants de médicaments d’origine réussirent à maintenir leur niveau de ventes malgré leurs prix élevés (Caves et al., 1991 ; Grabowski et Vernon, 1992 ; Scherer, 1993). Cependant, les fournisseurs de prestations pharmaceutiques des secteurs public et privé sont maintenant plus attentifs aux coûts et disposent de nombreuses tactiques pour favoriser l’utilisation de médicaments plus économiques, souvent génériques. En réaction, les fabricants de médicaments de marque ont adopté pour stratégie la maxime : « Si vous ne pouvez les vaincre, ralliez-vous à eux. » Plutôt que de réduire le prix de leurs médicaments, ils en ont lancé des copies pseudo-génériques. Pour le fabricant de médicaments d’origine, cette stratégie présente deux avantages (Anderson et al., 1995). Premièrement, en vendant sa propre version générique de son produit, le fabricant s’adjuge une part du segment générique de son propre marché, tout en maintenant le prix élevé de la version originale du médicament. Deuxièmement, le fabricant qui lance une copie générique de son produit d’origine avant l’expiration du brevet comble ce segment de la demande avant même que la concurrence n’y
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ait accès. L’inconvénient de cette stratégie est le suivant : la présence du fabricant de médicaments d’origine sur le marché des produits génériques ajoute foi aux déclarations d’équivalence des fabricants de produits génériques. Avec la fusion récente de petits fabricants de produits pseudo-génériques en la société AltiMed, géant de la fabrication de médicaments génériques appartenant aux trois multinationales pharmaceutiques Pharmacia & Upjohn Inc., Hoffman-La Roche et Glaxo Wellcome Inc., les pseudo-génériques ont établi une forte présence au Canada. Les fabricants de médicaments génériques Apotex et Novopharm ont demandé au Bureau de la concurrence fédéral de s’opposer à la création d’AltiMed qui, soutiennent-ils, bénéficiera d’un avantage concurrentiel indu dans l’industrie canadienne des médicaments génériques (Financial Post, 16-18 mars 1996, p. 1-2).
Une nouvelle concurrence
Comme les fournisseurs de prestations pharmaceutiques gèrent le processus de délivrance des médicaments de prescription, les fabricants ont moins de chances de demander un prix supérieur pour des produits imitatifs qui procurent peu d’avantages thérapeutiques supplémentaires. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, de nouveaux produits ont été lancés dernièrement dans des classes thérapeutiques à des prix très réduits, ce qui montre que les fabricants en sont venus à la conclusion que la concur rence par les prix leur assurera une part du marché parce que certains payeurs ne sont plus disposés à payer un supplément pour des médicaments qui n’offrent aucun avantage réel (Bosanquet et Zammit-Lucia, 1995). Le déclassement de médicaments de prescription en médicaments en vente libre
Dans la commercialisation d’un nombre croissant de médicaments de marque délivrés sur ordonnance, les fabricants disposent maintenant d’une nouvelle tactique pour parer à la perte de leurs profits par suite de la concurrence des génériques : transformer le médicament de prescription en médicament en vente libre. Les médicaments de marque délivrés sur ordonnance perdent une part considérable du marché lorsque des copies génériques sont lancées. Pour allonger la carrière rentable d’un médicament de prescription, le fabricant peut demander à pouvoir l’offrir en vente libre. Si la mise en vente libre d’un produit est autorisée, le fabricant peut effectivement faire obstacle à la concurrence des médicaments génériques en consacrant d’énormes sommes au marketing (Anderson et al., 1995). Les médicaments génériques, que les fabricants peuvent vendre à bas prix pour la raison principale qu’ils consacrent peu d’argent à leur commercialisation, ne sont pas aussi bien implantés sur le marché des médicaments en vente libre. Comme beaucoup de consommateurs ignorent que les produits de marque et les produits génériques contenant les mêmes ingrédients procurent les mêmes effets thérapeutiques, les acheteurs de médicaments offerts en vente libre sont attentifs à la marque. En s’assurant la fidélité de clients qui ne semblent
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pas tenir compte du prix, les fabricants de produits de marque peuvent continuer à demander le prix fort longtemps après l’expiration du brevet14. Si le fabricant offre en vente libre un médicament qui était autrefois délivré exclusivement sur ordonnance, c’est presque uniquement pour éviter la concurrence des médicaments génériques et ainsi maintenir le volume de ses ventes à un prix supérieur au coût de production (Scrip Magazine, décembre 1993). La concurrence sur ce segment du marché peut cependant venir d’autres fabricants de produits de marque, qui proposent des copies du médicament en question sous des marques différentes, après expiration du brevet. L’entreprise titulaire du brevet jouit d’un avantage considérable dans cette situation : si elle est autorisée à offrir son produit en vente libre avant l’expiration du brevet, elle peut devancer ses concurrents sur le marché. Cette tactique est essentielle pour s’assurer et conserver une part du marché dans beaucoup de catégories de médicaments en vente libre (Anderson et al., 1995). Le déclassement de médicaments de prescription pour en faire des médicaments en vente libre profite aussi aux pharmaciens, grâce notamment à l’accroissement de leurs ventes. Non seulement vendent-ils plus de produits, mais leur marge bénéficiaire est plus élevée sur les médicaments en vente libre que sur les médicaments délivrés sur ordonnance. C’est un argument de vente que les fabricants font valoir pour inciter les pharmaciens à collaborer avec eux (Harrison, 1994). Bien que cette tactique ait d’énormes répercussions sur certains produits, son ampleur est restreinte par le nombre de médicaments admissibles. À Santé Canada, la Direction des médicaments exige que toute demande d’autorisation de mise en vente libre d’un médicament de prescription soit accompagnée d’une analyse risquesavantages détaillée. Avant qu’un médicament de prescription soit offert en vente libre, il doit être démontré qu’il est peu toxique et destiné au traitement d’affections bénignes que le consommateur peut facilement diagnostiquer lui-même15. Beaucoup craignent cependant que le fabricant n’offre en vente libre qu’une version diluée du puissant médicament de prescription, afin de conserver sa part du marché à un prix élevé, sans que le consommateur en tire de grands avantages. La Direction des médicaments sera chargée d’évaluer soigneusement l’incidence globale de l’autorisation à la vente libre, au Canada, d’autres médicaments et, le cas échéant, de résister aux pressions intenses des fabricants qui ont tout à gagner à vendre directement aux consommateurs.
14. En fidélisant la clientèle à la marque, la protection de la marque de commerce par droit d’auteur empêche toute imitation directe – il ne faut pas oublier que le consommateur examine rarement la liste des ingrédients lorsqu’il achète un médicament. Pour protéger la part de marché des médicaments en vente libre, les marques de commerce et les droits d’auteur supplantent les brevets à leur expiration. 15. L’exigence que les médicaments en vente libre soient sûrs et efficaces pour le traitement d’affections bénignes que le consommateur peut lui-même diagnostiquer contredit les déclarations des pharmaciens, qui soutiennent que ces produits sont dangereux s’ils sont vendus en dehors d’une pharmacie.
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Stratégies de gestion des prestations
Le reste du présent document est une évaluation de diverses stratégies adoptées par les fournisseurs de prestations pharmaceutiques pour maîtriser les coûts et arriver à une meilleure utilisation des médicaments. Cette section s’intitule « Stratégies de gestion des prestations », parce que la seule maîtrise des coûts semble constituer une définition trop restreinte pour une politique pharmaceutique optimale. La politique pharmaceutique peut améliorer l’efficience de la consommation de médicaments au Canada et, par voie de conséquence, réduire les coûts.
Stratégies visant les consommateurs La participation aux frais
Face à la hausse implacable du coût des médicaments, les gouvernements provinciaux et autres fournisseurs de prestations pharmaceutiques cherchent à maîtriser leurs dépenses à ce chapitre. La solution la plus simple est de faire participer le patient aux frais, ce que tous les régimes provinciaux d’assurance-médicaments prévoient maintenant sous une forme ou une autre (Crop Conseil, 1995). La participation aux frais est la solution de choix de ceux qui croient que cette méthode réduira la consommation de médicaments peu efficaces, car si le patient paie directement une partie du prix du médicament, il réfléchira à la nécessité de l’acheter. Cette thèse suppose que le consommateur soit assez averti pour peser le pour et le contre des pharmacothérapies, ce qui est peu probable. Le rôle de prescripteur a été conféré au médecin pour la seule raison que la société a jugé le consommateur-patient insuffisamment informé pour décider lui-même de sa consommation de médicaments. Il semble illogique, pour ne pas dire plus, de tenter de modifier les décisions de cette nature au moyen d’incitations adressées au consommateur [Evans et Williamson, 1978, p. 53].
De plus, même si le consommateur possédait les connaissances médicales nécessaires pour choisir des médicaments rentables, peu de régimes de participation aux frais sont conçus pour accroître l’efficience. Un copaiement fixe, par exemple, n’offre qu’un choix au consommateur : consommer ou s’abstenir. Les consommateurs dont le régime d’assurance prévoit un copaiement fixe ne sont pas incités à demander le médicament le plus rentable, car leur copaiement n’est pas lié au choix du médicament. Ils ne sont pas incités non plus à faire leurs achats auprès de détaillants concurrentiels, car leur copaiement n’est pas lié à l’endroit où le médicament est acheté. Ainsi, le copaiement fixe est simplement un outil qui freine la consommation globale ; ce n’est pas une incitation à l’efficience sur le plan de la prescription des médicaments, ni sur celui de leur vente au détail (Evans et Williamson, 1978 ; Morgan, 1994).
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Cependant, les copaiements sont très utilisés. Les provinces qui prévoient un copaiement fixe sont plus nombreuses que celles qui ont recours à la coassurance (Crop Conseil, 1995). Fait étonnant, peu d’études mesurent l’effet des copaiements sur les dépenses de santé et sur les résultats sanitaires. D’après les études menées – et qui portent sur les régimes Medicaid des États-Unis (Soumerai et al., 1993) –, les consommateurs réagissent aux copaiements, même s’ils se montent à 50 ¢ par ordonnance. De plus, c’est la consommation de médicaments d’entretien utilisés dans le traitement d’affections chroniques (p. ex. les diurétiques) qui baisse le plus, alors que les copaiements ont peu d’effet sur la consommation d’analgésiques et de sédatifs. Les changements de comportement signalés dans les études sur les copaiements montrent que les réactions des consommateurs à cette forme de participation aux frais ne sont pas toujours celles que recherchent les décideurs. Les gens sont plus disposés à abandonner des médicaments qui ne leur procurent pas un effet bénéfique immédiat prévisible. Les patients et les prescripteurs fondent donc leurs décisions sur différents critères. Si le comportement du consommateur est révélateur d’un type de choix prévisible, l’effet des copaiements sur la consommation de divers médicaments peut être mesuré, et les régimes d’assurance-médicaments peuvent être gérés en conséquence. Cette notion donne naissance à une philosophie de coassurance comme celle que la France a adoptée. Dans ce type de régime, le remboursement des médicaments repose sur deux critères : la nature du produit et la nature de la maladie (Huttin et Avorn, 1996). Ces deux facteurs influent sur le taux de remboursement attribué à chaque médicament. Par exemple, le traitement prophylactique d’une maladie qui risque d’être mortelle sera peut-être remboursé intégralement, si le consommateur risque de l’abandonner plutôt que de payer de sa poche. Le modèle peut être élargi de manière à établir les niveaux de coassurance à appliquer à certaines populations, compte tenu du revenu, de l’âge et de l’état de santé. Bien qu’un tel régime de coassurance présente un certain intérêt en théorie, il peut être lourd à administrer16.
Le plafonnement du nombre d’ordonnances remboursées
Une autre façon de maîtriser le coût des prestations pharmaceutiques consiste à limiter le nombre d’ordonnances remboursées par mois par bénéficiaire. Les quelques données qui existent sur le plafonnement du nombre d’ordonnances remboursées portent sur le régime Medicaid du New Hampshire, dans le cadre duquel les bénéficiaires étaient limités à trois ordonnances par mois. Cette limite a été remplacée au bout d’un an par un copaiement de 1 $ par ordonnance (Soumerai et al., 1993). D’après l’étude, le nombre
16. Un tel régime de coassurance ressemble à une version modifiée de la formule Ramsey d’établissement des prix. Les produits dont la demande est la plus élastique y sont le plus lourdement taxés, de légères modifications étant apportées pour tenir compte de la « nécessité médicale ». Le choix des médicaments devant être assurés serait difficile sur le plan administratif.
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d’ordonnances par bénéficiaire a diminué sensiblement. C’est la consommation des médicaments jugés inefficaces qui a le plus baissé, proportionnellement. Cependant, la consommation de médicaments jugés essentiels (p. ex. l’insuline) a elle aussi sensiblement diminué ; en fait, la consommation de médicaments essentiels était si forte que, pour l’essentiel, les 400 000 $ économisés grâce au plafonnement du nombre d’ordonnances remboursées provenaient de la réduction de ce segment de la demande. Une étude de suivi a lié la baisse de la consommation de médicaments à l’accroissement considérable du nombre de personnes admises dans des centres de soins par rapport au groupe témoin du New Jersey (Soumerai et al., 1993). Les économies nettes étaient inexistantes et des gens ont fini prématurément dans des centres de soins. De toute évidence, ce sont les personnes que le régime Medicaid devait protéger qui ont vraiment financé le coût du programme de plafonnement. Cette forme de maîtrise des coûts est peut-être la moins souhaitable en raison de ses effets nocifs sur la santé des populations vulnérables.
Améliorer l’observance
Une fois que le médecin a délivré une ordonnance, le comportement du patient est déterminant pour que le médicament produise tout son effet. S’il se conforme aux prescriptions du médecin non seulement le patient achète le médicament jugé nécessaire – ce à quoi le copaiement n’encourage pas –, mais aussi le prend comme il faut. Dans une analyse récente des études sur la mauvaise observance au Canada, Coambs et ses collaborateurs (1995) ont signalé qu’environ 50 % des patients ne prenaient pas leurs médicaments convenablement ou ne les prenaient pas du tout. Cette attitude fait sensiblement augmenter les coûts et risque d’entraîner une détérioration de la qualité des soins de santé. Le défaut d’observance le plus courant est de ne prendre aucun des médicaments prescrits : le patient ne se fait pas délivrer les médicaments prescrits ou il ne les prend pas. C’est le fait d’environ 33 % des consommateurs (Coambs et al., 1995). Les autres patients qui ne suivent pas les prescriptions du médecin prennent « mal » leurs médicaments, en modifient le dosage ou l’heure de prise, interrompent la thérapie prématurément ou prennent parallèlement des médicaments en vente libre ou de l’alcool, malgré les contre-indications. Il serait bon de ne pas blâmer le patient lorsqu’on évalue l’observance théra peutique. Le rendre seul responsable de la non-observance des prescriptions prêterait à confusion. Les patients prennent des décisions d’après ce qu’ils comprennent des informations dont ils disposent, ce qui dépend de leurs rapports avec les professionnels de la santé, c’est-à-dire, le plus souvent, les médecins. La couverture intégrale des médicaments de prescription dans le cadre du régime d’assurance réduirait peutêtre le taux de non-exécution des ordonnances. Il faut aussi lutter contre les autres comportements de non-observance thérapeutiques en employant d’autres moyens.
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D’après Coambs et ses collaborateurs (1995), la sensibilisation sanitaire donnerait peut-être des résultats. On a constaté, par exemple, que le patient comprend mieux sa maladie et son traitement médicamenteux si une fiche écrite vient renforcer les instructions verbales (Coambs et al., 1995). L’amélioration de la relation médecinpatient conduirait peut-être à l’établissement de meilleures prescriptions et à une meilleure observance thérapeutique ; le médecin et le patient ne partagent pas toujours la même opinion sur la nature des maladies et sur les médicaments utilisés pour les traiter (Coambs et al., 1995 ; Tamblyn et Perreault, 1995). On a aussi constaté que des posologies et des modes d’administration pratiques peuvent améliorer l’observance thérapeutique. La réduction de la fréquence des prises, les emballages conviviaux, les nouvelles formulations, comme les dispositifs transdermiques, sont autant de moyens qui ont permis d’améliorer le respect de certains traitements (Coambs et al., 1995). Il y a cependant des compromis à faire, lorsque de nouvelles posologies sont préconisées, car elles coûtent plus cher. Le con sommateur risque de ne pas se conformer aux prescriptions du médecin s’il n’a pas les moyens de se payer la nouvelle forme « améliorée » d’un médicament. De plus, selon certaines données, les patients sont moins persuadés que les médecins de la valeur des médicaments à libération prolongée (Denig et Haaijer-Ruskamp, 1995).
Stratégies visant les pharmaciens Les incitations à l’organisation efficiente de la vente au détail des médicaments
Contrairement aux médicaments, dont le patient ignore peut-être le but, les caracté ristiques et même le nom, les services des pharmaciens sont standardisés. Les consom mateurs qui se fournissent chez des détaillants rivaux peuvent donc comparer la qualité des services de leurs pharmaciens. Lorsque les honoraires des pharmaciens sont établis dans des conditions de concurrence et que la coassurance (et non le copaiement) ne s’applique qu’à cet élément du coût du médicament, les pharmaciens sont incités à rivaliser sur le service et sur les prix (Evans et Williamson, 1978 ; Morgan, 1994). Les consommateurs qui sont disposés à payer au pharmacien des honoraires plus élevés contre un complément de services professionnels peuvent s’adresser à une pharmacie qui offre de tels services. Pour réaliser un bénéfice sur la vente au détail du médicament même17, les pharmacies
17. La marge bénéficiaire de la pharmacie sur la vente des ingrédients détermine, dans une large mesure, le nombre de pharmaciens qui exercent leur profession. La concurrence dans les services et les honoraires poussera les pharmaciens à occuper leur temps de manière à ce que le coût marginal de l’accroissement des services soit égal aux avantages marginaux de leur prestation. Comme le paiement total versé au pharmacien correspond à la somme de ses honoraires et du prix du médicament même, une marge bénéficiaire élevée sur le médicament même a pour corollaires des honoraires moins élevés, un meilleur service et l’augmentation du nombre de détaillants, toutes choses égales par ailleurs. Une faible marge sur le produit incite le pharmacien à réduire le niveau de service, à augmenter ses honoraires ou à abandonner le marché (Morgan, 1994).
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seront encouragées à optimiser la prestation de leurs services, les pharmaciens conseillant les clients et les techniciens étiquetant les emballages. La Colombie-Britannique et le Manitoba sont actuellement les seules provinces où les honoraires des pharmaciens sont établis dans des conditions de concurrence dans le cadre du régime provincial d’assurance-médicaments. Dans les deux provinces, le consommateur assume une partie des honoraires du pharmacien par la coassurance, sa participation financière étant soumise à un plafonnement annuel18. Dans ces deux provinces, les honoraires des pharmaciens varient énormément, ce qui cadre avec la thèse de la variabilité des honoraires selon le niveau de service offert. De plus, les honoraires moyens des pharmaciens sont moins élevés en Colombie-Britannique et au Manitoba que dans la plupart des autres provinces canadiennes (Crop Conseil, 1995). Le remboursement des médicaments
Les pharmaciens tirent leur revenu non seulement de leurs honoraires, mais aussi de leur marge bénéficiaire sur la vente au détail des médicaments. Le système de remboursement des médicaments varie d’une province à l’autre, allant de contrats adjugés au titre d’offres à commandes à des ententes fondées sur le coût réel d’acqui sition et conçues en fonction de la vérification de leur application fidèle. Les systèmes de remboursement ont deux objectifs. Premièrement, lorsqu’il existe une gamme de produits interchangeables concurrents, le mode de remboursement du médicament devrait récompenser le pharmacien s’il choisit le produit le moins cher. Il s’agit, en règle générale, d’un médicament générique, identique par sa composition chimique au médicament de marque. Cependant, la Colombie-Britannique a élargi récemment la définition de l’interchangeabilité, en groupant certains produits qui procurent des effets thérapeutiques semblables, mais dont la composition chimique n’est pas nécessairement équivalente. Le régime de remboursement des médicaments vise, deuxièmement, à garantir que l’on paie le prix le plus bas possible pour tout produit, indépendamment de l’interchangeabilité. Cet objectif doit, bien sûr, tenir compte de la récompense du pharmacien – une marge bénéficiaire convenable.
18. Ce plafond varie légèrement d’une province à l’autre. En Colombie-Britannique, les bénéficiaires du régime Pharmacare paient la totalité des honoraires du pharmacien, jusqu’à concurrence de 200 $ par an. Au Manitoba, les bénéficiaires paient le prix intégral de leurs médicaments, jusqu’à concurrence de 129 $ par an, puis 30 % du prix. On pourrait s’attendre à une concurrence plus vive, côté honoraires, en Colombie-Britannique, où cet élément du prix des ordonnances constitue une part considérable de la participation financière annuelle du consommateur au coût des médicaments. Les données montrent que les honoraires des pharmaciens sont moins élevés en Colombie-Britannique qu’au Manitoba (Crop Conseil, 1995).
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Le mode de remboursement des médicaments le plus courant au Canada est celui du « meilleur prix disponible » (MPD) ; des variantes de ce système sont utilisées dans toutes les provinces, sauf en Saskatchewan (Grootendorst et al., 1996 ; Crop Conseil, 1995). Le gouvernement publie un répertoire, ou formulaire, contenant le MPD unitaire de chaque médicament. Ce prix doit correspondre au prix le plus bas du médicament, compte tenu des remises quantitatives et de la marge bénéficiaire du détaillant. Pour tout médicament d’un groupe de produits interchangeables selon son formulaire, la province paie le MPD le plus bas du groupe. Cela incite le phar macien à choisir le médicament le moins cher, tout en gagnant la différence entre le MPD remboursé par l’État et le prix de gros du médicament vendu. Ce mode de remboursement semble maîtriser les coûts mieux que les systèmes axés sur le coût réel d’acquisition (Grootendorst et al., 1996 ; Gorecki, 1992).
Stratégies visant les médecins L’information et la formation
Les habitudes de prescription actuelles des médecins créeraient des inefficiences même si les systèmes de vente au détail et d’établissement des prix étaient parfaitement efficients. Selon certaines données probantes, toutes les formes de « dérapage » de la prescription existent au Canada : la surprescription, la sous-prescription, les pres criptions inadaptées et les prescriptions inefficaces (Anderson et Lexchin, 1996 ; Tamblyn et Perreault, 1995). Si les médecins établissent trop d’ordonnances et des ordonnances inadaptées, c’est notamment parce que leurs renseignements sur les coûts et les avantages des médicaments proviennent en grande partie de sources commerciales. Selon les données, les médecins qui prescrivent beaucoup de médicaments sont ceux qui comptent le plus sur des sources d’information commerciales (Denig et Haaijier-Ruskamp, 1995). De plus, peu de médecins praticiens ont le temps de se tenir au courant des perfectionnements des pharmacothérapies (Anderson et Lexchin, 1996). Plusieurs stratégies ont été adoptées pour remédier à cette situation. Des programmes ont été mis en œuvre pour renseigner les médecins sur le bon usage de certains médicaments et sur le coût de diverses thérapeutiques. Ils font appel à différentes méthodes, y compris des bulletins d’information, les conférences éducatives, les fiches de rendement individuelles, les téléconférences, les colloques et les visites de sensibilisation individuelles (Anderson et Lexchin, 1996 ; Denig et Haaijer-Ruskamp, 1995). Le bilan de tous ses efforts est contrasté. Il semble cependant que les meilleurs programmes de sensibilisation soient multidimensionnels et comportent des visites individuelles par des médecins ou des pharmaciens ayant reçu une formation spéciale. Ces visites médicales individuelles sont l’outil de sensibilisation qui présente le meilleur rapport rendement-prix (Anderson et Lexchin, 1996). Non seulement ces programmes économisent-ils de l’argent, mais ils améliorent aussi la qualité des soins.
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Certains chercheurs mettent en doute l’efficacité des programmes d’information de grande envergure qui s’adressent aux médecins (Tamblyn et Perreault, 1995). Les programmes d’information médicale adoptés jusqu’ici ont une portée très restreinte. La plupart d’entre eux portent sur les autres thérapeutiques disponibles pour le traitement d’une affection particulière (p. ex. l’hypertension) ou sur le bon usage d’une classe particulière de médicaments (p. ex. les anti-inflammatoires non stéroïdiens). Bien que, pris isolément, ces programmes soient des réussites, les médecins risquent d’être submergés lorsque les mesures de sensibilisation prises à leur intention par d’autres intervenants que l’industrie prendront plus d’ampleur. Au bout du compte, l’amélioration des habitudes de prescription des médecins entraînera probablement le renforcement de la réglementation des pratiques commerciales des firmes pharmaceutiques, l’accroissement du soutien documentaire et décisionnel professionnel offert aux médecins et de nouvelles incitations à l’éta blissement d’ordonnances adaptées, présentant un bon rapport rendement-prix. Stratégies visant les fabricants La politique des brevets
Le Canada se distingue des autres pays développés par la forme de son intervention sur les prix des médicaments. Contrairement aux autres pays développés, qui réglementent les prix ou les profits, ou les deux à la fois, le Canada a stimulé la concurrence des médicaments génériques19 par l’octroi obligatoire de licences d’importation, de fabrication, d’utilisation et de vente de médicaments brevetés. Cette mesure alimente le débat sur la politique pharmaceutique canadienne depuis des décennies. Elle demeure controversée, car les modifications apportées à la Loi sur les brevets en 1993 (projet de loi C-91) et supprimant les licences obligatoires doivent être réexaminées en 1997. La Loi sur les brevets prévoit l’attribution obligatoire de licences depuis 1923. Dans sa forme originale, cette disposition de la Loi sur les brevets, soit le paragraphe 41(3), autorisait les firmes à demander une licence de fabrication et de vente d’un médicament breveté avant l’expiration de la durée du brevet, fixée alors à 17 ans. Les firmes novatrices ne pouvaient pas s’opposer légalement à l’octroi de ces licences (d’où leur qualificatif d’« obligatoires »). Comme une licence obligatoire diminuait la valeur du brevet, le commissaire des brevets était chargé d’établir les modalités de l’octroi de
19. Le processus réglementaire canadien d’autorisation des médicaments génériques a, lui aussi, été conçu de manière à favoriser la concurrence. Il suffit aux fabricants de médicaments génériques de prouver l’équivalence biochimique de leur produit avec le produit original. Le processus réglementaire d’autorisation est donc plus court pour le fabricant du médicament générique que pour le fabricant du produit d’origine, car le premier n’a pas à refaire les essais cliniques, qui prennent beaucoup de temps et sont coûteux. Sur réception de l’autorisation réglementaire confirmant l’équivalence, le fabricant peut lancer le médicament générique sur le marché comme produit de substitution à prix modique.
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la licence obligatoire, par exemple les redevances à verser par le détenteur de la licence, de sorte que la firme novatrice soit récompensée convenablement. Au départ, cette disposition de la Loi sur les brevets autorisait la vente de médicaments brevetés sous licence obligatoire, à la condition que la fabrication se fasse entièrement au Canada. Le commissaire des brevets espérait que beaucoup de firmes rivaliseraient pour s’assurer une part du marché du même médicament, ce qui ferait baisser les prix. Cependant, la fabrication des principes actifs était (et demeure) une activité à très fort coefficient de capital. Étant donné les rendements d’échelle, la fabrication de produits chimiques fins n’était pas rentable, dans un petit marché comme le Canada. Par conséquent, peu de principes actifs furent fabriqués au Canada, et les premiers programmes de licences obligatoires n’ont pas donné les résultats escomptés : seules 22 licences obligatoires furent accordées entre 1923 et 1969 (Lexchin 1993a, p. 148). Au début des années 1960, le prix élevé des médicaments brevetés préoccupait beaucoup de Canadiens. En 1969, le gouvernement a donc modifié les dispositions de la loi régissant les licences obligatoires (Gorecki et Henderson, 1981). Le nouveau paragraphe 41(4) de la Loi sur les brevets autorisait toute firme à importer des médi caments brevetés, y compris les principes actifs, en vue de les vendre sous licence obligatoire, sous réserve du versement d’une redevance de 4 %. Avec l’autorisation d’importer des principes actifs pour la revente avant l’expi ration du brevet, la commercialisation de copies génériques de médicaments de marque devenait une activité commerciale viable. Beaucoup de firmes canadiennes se sont mises à vendre des médicaments génériques sous licence obligatoire, peu après l’adoption des modifications de 1969 à la Loi sur les brevets. Entre 1969 et 1982, plus de 290 licences obligatoires furent accordées au Canada ; bon nombre d’entre elles visaient des médicaments qui avaient un grand succès commercial. En janvier 1983, 21 des 50 médicaments les plus vendus étaient visés par une licence obligatoire (Gorecki, 1987, p. 60). Au cours des années qui suivirent les modifications de 1969 à la Loi sur les brevets, parallèlement à l’expansion de leurs régimes d’assurance-médicaments, les gouvernements provinciaux ont adopté des mesures pour inciter les pharmaciens à utiliser le médicament le moins cher, lorsque le médicament prescrit faisait partie d’une classe de produits interchangeables. Les programmes provinciaux de substi tution entraînaient habituellement l’utilisation d’un médicament générique, lorsqu’il en existait un. Grâce à ces mesures et à l’adoption du paragraphe 41(4) de la Loi sur les brevets, l’octroi de licences obligatoires a réussi, sans conteste, à réduire le prix des produits pharmaceutiques au Canada (Eastman, 1985). Au début des années 1980, le gouvernement fédéral a créé la Commission d’enquête sur l’industrie pharmaceutique et l’a chargée d’examiner le rendement de l’industrie. La commission a constaté que les licences obligatoires avaient permis de réduire plus ou moins le prix des produits pharmaceutiques, selon la province et la classe de produits, sans nuire gravement à la rentabilité des firmes pharmaceutiques (Eastman, 1985). Eastman a établi qu’au cours des cinq années précédant son enquête,
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les moyennes pondérées des dépenses de recherche, des dépenses de promotion et des bénéfices de 55 firmes canadiennes de premier plan étaient à peu près les suivantes : 4,5 % du chiffre d’affaires, R-D : Bénéfices : 15 % du chiffre d’affaires, Promotion : 21 % du chiffre d’affaires.
Selon des données plus récentes, l’industrie pharmaceutique s’est classée parmi les 20 premières industries du Canada, entre 1972 et 1987, quant au rendement des capitaux propres, occupant la première, deuxième ou troisième place entre 1983 et 1987 (Lexchin, 1993a). Dans son rapport, Eastman a souligné que le Canada était un petit marché pour l’industrie pharmaceutique et qu’aucune des grandes multinationales n’y avait son siège. Il estimait que la protection par brevet au Canada aurait peu ou pas d’effet sur l’ampleur et le champ de la recherche-développement à l’échelle mondiale. L’attribution obligatoire de licences ne nuirait donc pas à la création de nouveaux produits. C’était, d’une certaine manière, regrettable. Eastman croyait que réduire l’incitation à la recherche redondante était l’un des grands avantages des licences obligatoires, outre la baisse des prix. La concurrence créée par l’octroi obligatoire de licences, assorti, de redevances adéquates, remplacerait la concurrence axée sur la recherche imitative. Au lieu d’essayer de créer un produit semblable au médicament breveté d’un concurrent sans tomber dans la contrefaçon, d’autres firmes pourraient s’infiltrer directement dans le marché des firmes pionnières. Il faudrait malheureusement que l’attribution obligatoire de licences soit répandue partout dans le monde pour influer sur les incitations à la recherche. En conclusion, Eastman recommandait le maintien du régime des licences obli gatoires, sous réserve de quelques petites modifications. Il recommandait notamment d’accorder aux nouveaux produits une période d’exclusivité de quatre ans au maximum, avant d’accorder des licences obligatoires, et de porter le taux des redevances de 4 % à 14 %. En 1987, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-22, dont les dispositions s’inspiraient des recommandations de la commission. Les modifications apportées à la Loi sur les brevets par le projet de loi C-22 donnaient au titulaire du brevet une période d’exclusivité de sept ans à partir de la réception de l’avis de conformité (AC)20. La période d’exclusivité pouvait être portée à dix ans, si le principe actif utilisé dans la fabrication du médicament générique n’était pas fabriqué au Canada. En 1987, la durée des brevets canadiens a été portée de 17 à 20 ans. Comme il faut compter environ sept à dix ans après l’autorisation du brevet pour obtenir l’AC, les brevets pharmaceutiques délivrés après 1987 ne permettaient l’attribution obligatoire de licences que pendant les dernières années de leur période de validité.
20. L’avis de conformité est l’autorisation réglementaire finale de la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada. L’obtention de l’AC est un très long processus, comportant plusieurs années d’essais cliniques, la présentation de grandes quantités de données et le long examen du dossier par la Direction des médicaments.
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En 1992, le gouvernement a rendu l’accès au marché encore plus difficile, avec la présentation du projet de loi C-91, qui modifiait encore une fois la structure des brevets des produits pharmaceutiques. Au lieu d’accorder aux nouveaux produits une période d’exclusivité suivie d’une période de concurrence par les produits génériques fabriqués sous licence obligatoire, comme le prévoyait le projet de loi C-22, le projet de loi C-91 supprimait complètement les licences obligatoires. Au moment de son entrée en vigueur, en 1993, il a éliminé rétroactivement les licences obligatoires attribuées après le 20 décembre 1991. Depuis l’adoption du projet de loi C-91, les titulaires de brevets jouissent effectivement de l’exclusivité du marché durant 10 à 13 ans avec un seul brevet, selon le délai d’obtention de l’AC21. De plus, le projet de loi C-91 lie la Loi sur les brevets à la Loi sur les aliments et drogues. Elle autorise le titulaire d’un brevet à faire opposition à la délivrance d’un AC à l’égard de médicaments qu’il considère comme des contrefaçons. Il se peut encore qu’un concurrent produise un médicament breveté en vue de le soumettre aux essais cliniques requis et d’en organiser la fabrication, mais il n’est pas pratique d’en constituer des stocks – essentiels au lancement du produit sur le marché – avant que l’AC ne soit délivré. Ces manœuvres retardent la concurrence des produits génériques d’un maximum de trente mois et elles ont entraîné plus de 90 contestations judiciaires depuis 1993 (Anderson et al., 1995 ; Report on Business, 20 mai, 1996, B1). Les nouvelles dispositions législatives interdisent également l’exportation de médicaments qui sont encore protégés par brevet au Canada. Comme les brevets canadiens expirent souvent après les brevets délivrés dans d’autres pays à l’égard du même produit, cette interdiction peut nuire considérablement à la compétitivité mondiale des fabricants canadiens de médicaments génériques. D’aucuns soutiennent que ces dispositions de la Loi sur les brevets ont poussé de grands fabricants de médicaments génériques à investir à l’étranger, y compris aux États-Unis et au Mexique, plutôt qu’au Canada (Anderson et al., 1995). Pour justifier l’allongement de la période de protection par brevet au Canada, ses partisans affirment qu’il stimulera la recherche pharmaceutique et, par conséquent, la création de nouveaux médicaments. Ainsi, les Canadiens jouiront de meilleures thérapeutiques et, donc, d’une meilleure santé. Cependant, comme le soulignait Eastman dans son rapport (1985), l’industrie pharmaceutique est une industrie mondiale ; le Canada n’y joue pas un grand rôle, et les fabricants y font relativement
21. La durée de la protection des médicaments par brevet au Canada peut être allongée encore davantage grâce aux dispositions de la loi autorisant toute entreprise à déposer plusieurs demandes de brevet pour un produit. Un même produit peut faire l’objet de brevets protégeant sa composition chimique, son procédé de fabrication et ses utilisations thérapeutiques. Aucun produit générique ne peut lui faire concurrence avant l’expiration du dernier brevet applicable. Par conséquent, si le fabricant du nouveau produit dépose une demande de brevet visant ses utilisations thérapeutiques après avoir pris un brevet de composition chimique, le produit peut bénéficier de plus de 20 ans de protection, c’est-à-dire d’une période d’exclusivité sur le marché de plus de 10 à 13 ans.
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peu de recherche-développement22. Les décisions concernant l’ampleur, le champ et le lieu de la recherche-développement sont prises aux sièges des multinationales, en fonction de programmes de recherche mondiaux (Taggart, 1991 ; Eden, 1989). Les découvertes potentiellement rentables de ces firmes sont brevetées et commercialisées partout dans le monde, quel qu’en soit le pays d’origine. De plus, il est peu probable que les multinationales évitent de lancer leurs nouveaux produits sur le marché canadien parce que l’innovation s’est faite ailleurs. La mise en marché de nouveaux médicaments au Canada n’est donc pas liée au niveau de recherche qui s’y fait. Par conséquent, l’abolition des licences obligatoires n’offre pas l’avantage d’améliorer la santé de la population grâce à l’innovation pharmaceutique. Le gouvernement soutenait que l’abrogation des dispositions de la Loi sur les brevets autorisant les licences obligatoires augmenterait la compétitivité mondiale de l’industrie pharmaceutique canadienne (Communiqué du gouvernement fédéral, NR-10770/92-21). D’après les fonctionnaires, les firmes investiraient davantage au Canada, créant ainsi des emplois dans l’industrie qui est implantée principalement en Ontario et au Québec. Le bilan montre qu’en 1991 les fabricants de produits pharmaceutiques avaient respecté leur engagement d’affecter 10 % de leur chiffre d’affaires à la R-D (Lexchin, 1993a), mais ils n’avaient pas créé autant d’emplois qu’ils en avaient promis. Les multinationales devaient au départ créer 3 000 emplois dans le secteur des sciences et de la recherche en échange de l’adoption du projet de loi C-22 (Lexchin, 1993a). Lexchin (1993a) montre que jusqu’en 1990 elles n’ont créé qu’environ 150 emplois par an, soit beaucoup moins que les quelque 300 emplois par an requis pour respecter leurs promesses initiales. Selon des données plus récentes de Statistique Canada, le nombre total de personnes travaillant dans le secteur de la R-D pharmaceutique a augmenté d’environ 1 300 années-personnes (passant de 900 à 2 231) entre 1987 et 1993 (Statistique Canada, 1987-1995). Non seulement l’industrie semble loin d’avoir atteint ses objectifs de création d’emplois, mais les emplois effectivement créés coûtent cher. La prolongation de la protection conférée par les brevets est une décision prise par le gouvernement fédéral qui, en fait, incite les multinationales à réaliser plus de R-D au Canada. Ce sont les gouvernements provinciaux et les consommateurs qui supportent le coût de la « création »
22. Pendant des décennies avant l’adoption des projets de loi C-22 et C-91, les dépenses de R-D des multinationales, exprimées en pourcentage de leur chiffre d’affaires, étaient moins élevées au Canada que dans leurs pays d’accueil (CRESS, 1964 ; Eastman, 1985). De plus, une infime partie des travaux de recherche effectués au Canada était de la R-D fondamentale et novatrice. Les chiffres de 1994 révèlent que les firmes titulaires de brevets au Canada y consacrent encore seulement 11 % de leur chiffre d’affaires à la R-D (CEPMB, 1995), soit beaucoup moins que la moyenne estimée à 18 % aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Suède, en Suisse, en France, en Allemagne ou en Italie (Potashnik, 1995). En outre, les dépenses de recherche fondamentale correspondent à seulement 2,3 % du chiffre d’affaires au Canada, le reste des dépenses de R-D engagées au Canada étant destiné principalement aux essais cliniques réglementaires.
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d’emplois connexes. (Bien que le gouvernement fédéral ait minimisé ces « coûts », le projet de loi C-22 accordait aux provinces un dédommagement en argent de 100 millions de dollars. Le gouvernement fédéral s’attendait donc à une nette augmentation des prestations pharmaceutiques versées dans le cadre des régimes publics. Par contre, il n’a offert aucun dédommagement aux consommateurs qui paient eux-mêmes leurs médicaments ou qui bénéficient d’une assurance privée.) L’examen du projet de loi C-91, prévu pour 1997, devra donc aborder les questions suivantes : Combien cette modification de la Loi sur les brevets a-t-elle vraiment coûté à la population canadienne ? Ce prix est-il justifié ? Qui paie la note ? Et qui en profite ?
La réglementation des prix
Beaucoup estiment que l’on peut freiner les dépenses pharmaceutiques par la régle mentation du prix des médicaments. Bien que cette thèse ne tienne aucun compte de la consommation de médicaments, beaucoup de pays ont recours à la réglemen tation des prix par leur gouvernement national. Entre autres, l’Australie, la Belgique, le Luxembourg, la France, la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne réglementent le prix des médicaments, produit par produit (Gross et al., 1996 ; Groupe d’étude fédéral-provincial, 1992). Les gouvernements ont recours à la réglementation des prix des médicaments pour compenser en partie la puissance commerciale des fabricants. On peut se demander, cependant, si la réglementation des prix porte fruit dans beaucoup de pays. Des difficultés surviennent quand les organismes de réglementation sont soumis à des pressions contradictoires de la part des fabricants pharmaceutiques et des consommateurs qui paient eux-mêmes leurs médicaments. Les fabricants exercent de très fortes pressions sur les gouvernements qui réglementent les prix, pour qu’ils leur accordent une marge bénéficiaire « adéquate » en récompense de la R-D qu’ils effectuent. Comme les négociations avec les multinationales mettent en jeu les intérêts économiques de l’industrie pharmaceutique intérieure, peu de gouvernements sont disposés à soumettre en contrepartie ces firmes à de fortes pressions. Dans la plupart des cas (mais à l’exception de l’Australie, notamment), l’organisme chargé de la réglementation des prix pharmaceutiques n’est pas directement responsable du coût des médicaments achetés. Même lorsque les gouvernements paient une part substantielle du prix des médicaments, la réglementation des prix est généralement indépendante de l’organisme public qui assure les médicaments (comme c’est le cas au Canada). Ainsi, le coût des augmentations de prix autorisées est transféré en totalité ou en partie sur d’autres. Cela vaut pour la plupart des types de réglementation : les négociateurs extérieurs à la transaction commerciale négocient, en fait, avec l’argent d’autres personnes. Pour justifier le prix des nouveaux médicaments, nombre de pays utilisent des comparaisons de prix internationales pour fixer un prix « raisonnable ». Au Canada, les règlements du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (Conseil d’examen) stipulent que le prix de lancement (ou prix à la sortie de l’usine) des médicaments « révolutionnaires » ne peut excéder le prix médian du médicament sur sept marchés
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étrangers, soit : la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis. Comme les multinationales pharmaceutiques dominent le marché mondial, respecter les normes des prix de marchés étrangers donne l’illusion de maîtriser les prix. En raison du poids politique de l’industrie, peu d’organismes de réglementation exigent que les prix intérieurs soient inférieurs à ceux pratiqués à l’étranger. Ainsi, les fournisseurs publics et privés de prestations pharmaceutiques doivent donc négocier eux-mêmes leurs ristournes. Le Canada en est un bon exemple. Il réglemente les prix de lancement des médicaments par l’intermédiaire du Conseil d’examen. Cependant, le pouvoir quasi judiciaire du Conseil d’examen ne s’étend qu’aux médicaments brevetés ; sont exclus de son champ de compétence tous les médicaments non brevetés, les médicaments génériques vendus sous licence obligatoire et (jusqu’à récemment) les médicaments dont le brevet a été cédé23. Au total, le Conseil d’examen réglemente environ 3 % des produits pharmaceutiques, ce qui représente quelque 40 % des ventes en dollars (ce qui montre la prédominance des nouveaux médicaments brevetés ; CEPMB, 1995, 1996a). Le Conseil d’examen a pour mandat principal de s’assurer, suivant certaines normes, que le prix de lancement des médicaments brevetés au Canada n’est pas « excessif », en fonction de leur classification (tableau 1)24. Le Conseil d’examen limite les hausses de prix des médicaments existants à l’évolution de l’Indice des prix à la consommation pour le Canada25. Ses récentes estimations laissaient entrevoir des réductions marquées dans le taux de croissance des prix de lancement des médica ments brevetés, comparativement à ce qui aurait pu se produire si les projets de loi C-22 et C-91 avaient éliminé la licence obligatoire sans introduire de mécanismes de réglementation des prix. Avant la création du Conseil d’examen, le Canada avait recours à la concurrence – par l’attribution obligatoire de licences – pour freiner les prix (voir Lexchin, 1993a). Comme la libre concurrence du secteur privé n’est pas soumise à l’influence politique des multinationales, cette politique a fait baisser les prix moyens, en permettant la mise en marché de produits de substitution à prix modique. Le Conseil d’examen,
23. Céder un brevet, c’est renoncer à ses droits de propriété à l’égard du brevet en cause avant qu’il n’expire. Comme, jusqu’à récemment, le Conseil d’examen ne contrôlait pas le prix des médicaments visés par un brevet cédé, ni les travaux de recherche de la firme titulaire du brevet cédé, certaines firmes cèdent leurs brevets afin d’échapper à la réglementation. 24. La règle géométrique prix-quantité que le Conseil d’examen applique à la fixation du prix de lancement des nouveaux produits est unique au Canada. Bien qu’elle n’ait aucune raison d’être sur le plan pharmacoéconomique et qu’elle prête à « paris », elle limite sans doute le prix de lancement des nouveaux médicaments (Anis et Wen, 1996). 25. Il est étonnant qu’en vertu de la Loi sur les brevets, le Conseil d’examen soit tenu d’utiliser l’IPC pour limiter le prix des médicaments à leur sortie de l’usine. D’autres indices des prix de lancement, comme les Indices des prix des produits industriels, sont demeurés inférieurs à l’IPC presque chaque année depuis 1987.
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par contre, a été créé en tant que compromis politique à l’élimination des licences obligatoires. La loi qui a supprimé la disposition relative aux licences obligatoires visait à faire augmenter le prix des médicaments au Canada et, donc, à augmenter les bénéfices des entreprises titulaires des brevets, ce qui était supposé les inciter à innover. Par conséquent, des conflits d’intérêts étaient manifestes dès la constitution du Conseil d’examen des prix des médicaments brevetés. À l’origine, le Conseil d’examen du prix de médicaments brevetés relevait du ministre de la Consommation et des Affaires commerciales, Industrie Canada, ce qui l’exposait tout particulièrement à l’influence politique des décisions des multinationales – par exemple, lors de l’élaboration des lignes directrices et des normes en collaboration avec les parties prenantes de l’industrie. Il n’a jamais semblé qu’un organisme de réglementation des prix relevant d’Industrie Canada soit le meilleur défenseur des intérêts des consommateurs (et des payeurs) de soins de santé. Plus tard, avec l’adoption du projet de loi C-91, le Conseil d’examen est passé sous la tutelle du ministre de la Santé, plus proche des payeurs de médicaments, même si ce rapport n’est pas parfait. Ce changement reflète la priorité qu’accorde aujourd’hui le gouvernement fédéral à la réglementation des prix des médicaments. L’efficacité possible du Conseil d’examen est plus restreinte qu’elle aurait pu l’être, du fait que son mandat se limite au prix des médicaments brevetés départ de l’usine. Les prix au détail, qui incluent les majorations du détaillant et du grossiste, et le prix des médicaments non brevetés ne sont pas réglementés par le Conseil d’examen. Comme le montre la figure 3, l’indice des prix à la consommation pour tous les médicaments brevetés augmente plus vite que l’indice des prix réglementés départ de l’usine du Conseil d’examen26. Les faits donnent à penser que, même si le Conseil d’examen limite la croissance des prix départ de l’usine des médicaments brevetés, cela a peu d’incidence sur le prix global des médicaments au Canada. La cession des brevets a aussi diminué le contrôle exercé par le Conseil d’examen. Beaucoup d’entreprises ont choisi de céder leurs brevets pour échapper au Conseil d’examen. Entre 1969 et 1987, seuls deux brevets pharmaceutiques ont été cédés au Canada, alors que plus de 400 l’ont été entre 1987 et 1994 (Elgie, 1995). Ces chiffres indiquent que le Conseil d’examen constitue un obstacle crédible à l’établissement de prix excessifs pour certains produits. Cependant, avant 1995, une fois le brevet cédé, le Conseil d’examen n’avait aucun droit de regard sur le prix du produit en question, et
26. La controverse sur les biais inhérents aux indices de prix des médicaments est reconnue. Pour une analyse de la difficulté qu’il y a à dresser un indice des prix des médicaments précis, voir Bernt, Griliches et Rosett (1993) et Griliches et Cockburn (1994). Aux fins du présent document, les indices des prix à la consommation et des prix du Conseil d’examen sont utilisés pour montrer les différences entre les prix à la consommation et les prix à la sortie de l’usine.
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Figure 3 Indice des prix pharmaceutiques et indice général des prix au Canada 150 IPC des produits médicinaux et pharmaceutiques
140
138,01 130
IPC tous produits 127,87
120
113,67
110 Indice des prix des médicaments brevetés (prix sortie d’usine) 100
90 1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
Source : Statistique Canada (Étiquettes : P490000, P800202), CEPMB (1996).
c’est aux payeurs qu’il revenait de contrôler le prix de ces produits27. Selon les calculs du Conseil d’examen, la cession de brevets coûte à la société plus de 11 millions de dollars par an (Elgie, 1995). Pour contrer cette tendance, le champ de compétence du Conseil d’examen a été élargi aux brevets cédés (Elgie, 1995, CEPMB, 1996a) – ce qui dénote l’approche plus vigoureuse adoptée par le gouvernement fédéral à l’égard de la réglementation des prix. On peut faire valoir que, pour l’essentiel, la maîtrise des prix des médicaments vendus au détail est le fruit des efforts des fournisseurs de prestations pharmaceutiques provinciaux. Les ministères de la santé de toutes les provinces assurent depuis longtemps des segments de la population pour les médicaments de prescription (et certains médicaments en vente libre) dans le cadre ambulatoire. Les gestionnaires des prestations de ces programmes ont élaboré diverses lois visant à substituer aux médicaments d’origine des médicaments génériques, des tableaux de remboursement 27. Cette tactique pourrait être très rentable dans le cas de produits qui ont peu de concurrents dans leur classe thérapeutique. Si l’entreprise juge que les fabricants de médicaments génériques ne sont pas prêts à mettre un produit de substitution en marché rapidement, la cession de son brevet semble constituer pour elle un moyen de vendre son produit au prix fort.
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du prix des médicaments (analysé ci-dessus), des formulaires et autres mécanismes destinés à maîtriser le coût des médicaments fournis dans le cadre de certains régimes. En effet, ces organismes publics utilisent leur pouvoir d’achat concentré (pouvoir monopsonique) pour contrer en partie le monopole des fabricants de médicaments titulaires de brevets. En fait, les fournisseurs de prestations pharmaceutiques provinciaux sont souvent plus stricts que le Conseil d’examen, en ce qui concerne la réglementation des prix. En effet, ce n’est pas parce que ce dernier ne juge pas un prix excessif que les provinces accepteront le médicament visé dans leurs formulaires sans obtenir d’autres concessions sur le prix. L’effet du formulaire des prestations pharmaceutiques de l’Ontario, par exemple, est reconnu par les chercheurs canadiens et étrangers. Gross et ses collaborateurs (1996) et le US GAO (1992) ont constaté que ce formulaire complétait les règlements du Conseil d’examen en contribuant à juguler la hausse des prix des médicaments vendus au détail. Pour que la réglementation des prix constitue un élément plus efficace de la politique pharmaceutique, elle doit être intégrée et complète. Un organisme de réglementation des prix intégrés reconnaît que le prix des médicaments n’est qu’une composante des dépenses, l’autre étant la consommation, et que les médicaments ne sont qu’un élément des soins de santé. Un organisme intégré ne doit pas être extérieur à la transaction commerciale. Dans l’idéal, il négocie en tant qu’acheteur de médicaments, afin d’acheter les produits les plus rentables en fonction des contraintes financières réelles du système. La réglementation des prix doit elle aussi être complète et couvrir tous les produits et tous les consommateurs. Les failles dans le champ de compétence d’un organisme de réglementation créeront une incitation financière à commercialiser les produits les moins réglementés, pas les plus efficaces. Enfin, étant donné la nature de l’industrie, l’expérience générale d’escalade des dépenses, les organismes de réglementation nationaux doivent être disposés à faire des évaluations honnêtes de l’échange entre des coûts des médicaments plus bas et la réalisation d’activités de R-D par les multinationales au Canada. Les modifications qui viennent d’être apportées à la compétence et aux pouvoirs du Conseil d’examen indiquent que le Canada se dirige vers un plus grand contrôle des prix. Pour être plus efficace, cependant, l’organisme canadien doit réglementer le prix de détail moyen de tous les médicaments ; il doit appliquer des normes plus strictes en ce qui concerne les prix de lancement et les augmentations de prix annuelles ; et il doit être plus proche des payeurs de médicaments que sont, par exemple, les ministères de la santé des provinces.
Restriction de la publicité
Les firmes pharmaceutiques consacrent entre 15 % et 20 % de leur chiffre d’affaires au marketing et à la promotion, au Canada, aux États-Unis et dans d’autres pays (Lexchin, 1994 ; Drake et Uhlman, 1993 ; Eastman, 1985). Par conséquent, si la valeur totale de leurs ventes canadiennes au prix départ de l’usine a atteint six milliards de dollars en 1995, elles ont affecté environ 900 millions de dollars au marketing pharmaceutique au cours de cette même année.
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Les fabricants de produits pharmaceutiques sont bien connus pour leurs tactiques de marketing uniques et parfois controversées (Bleidt, 1992a). Les efforts de marketing des fabricants de médicaments de prescription visent rarement le consommateur. Leur cible est plutôt les médecins, les seuls prescripteurs autorisés, qui forment une cible beaucoup plus petite et plus facile à cerner. Le gros du budget de marketing est affecté aux représentants de commerce ou visiteurs médicaux (Lexchin, 1989). Les fonds consacrés au marketing ne sont pas gaspillés. Les multinationales pharmaceutiques, qui dépensent chaque année des milliards de dollars en marketing, n’ignorent certainement pas que leurs efforts, à ce chapitre, augmentent le nombre d’ordonnances que les médecins établissent et, donc, les ventes (Lexchin, 1989, 1994 ; Bleidt, 1992b). Sur le plan commercial, la publicité et la promotion sont essentielles à la rentabilité et à la survie de l’entreprise. Certains soutiennent que le marketing est la pierre angulaire de l’entreprise privée, y compris l’industrie pharmaceutique. Le marketing augmenterait le bien-être collectif, en réunissant des particuliers et des groupes en vue de transactions volontaires, qui n’auraient pas lieu autrement (Bleidt, 1992b). Il y a cependant des raisons pour lesquelles il n’est pas évident que certaines formes de publicité de l’industrie pharmaceutique contribuent au bien-être collectif.
Les principales hypothèses sur lesquelles repose la théorie de la valeur sociale de la publicité ne sont peut-être pas valables dans le vrai monde de la promotion pharmaceutique et de la consommation de médicaments. Très souvent, les décisions des patients concernant la consommation de médicaments ne sont pas rationnelles. Les consommateurs qui se livrent à l’automédication ignorent généralement les diverses thérapeutiques disponibles pour le traitement de leur mal. Parmi les prescripteurs de pharmacothérapies, qui souscrivent principalement à l’approche biomédicale occidentale, peu connaissent les thérapeutiques parallèles et en discutent avec leurs patients. Les fabricants de médicaments restreignent ou contrôlent l’accès à des quantités suffisantes de renseignements objectifs et valables sur les médicaments [Montagne, 1992, p. 197].
La promotion pharmaceutique est régie par deux codes de déontologie au Canada : le code librement consenti de l’Association canadienne de l’industrie du médicament (ACIM) et le code du Conseil consultatif de publicité pharmaceutique (CCPP). En vigueur depuis 1966, les lignes directrices de l’ACIM ont peu d’effet, car elles sont facultatives et vagues (Lexchin, 1994). Le CCPP fut créé en 1975, notamment en réaction à la condamnation de pratiques de marketing visées par le Code de pratiques de commercialisation de l’ACIM. Le CCPP n’est pas un organisme gouvernemental ; il se compose de représentants de l’ACIM, de l’Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques (les fabricants de médicaments génériques), des associations professionnelles des médecins et des pharmaciens, d’associations de protection des consommateurs et de Santé Canada. Le code de déontologie du CCPP régit la publicitépresse et, depuis 1993, la publicité électronique.
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La publicité pharmaceutique et la promotion des médicaments suscitent encore des inquiétudes, au Canada, malgré ces codes de déontologie. L’idéal serait que les actions promotionnelles des firmes pharmaceutiques améliorent les habitudes de prescription et l’automédication, en renseignant les médecins et les consommateurs sur les médicaments et en leur communiquant des informations complètes et objectives sur tous les avantages et les risques de ces traitements par rapport à d’autres thérapeutiques. On arrive rarement à ce résultat par les pratiques actuelles de marketing au Canada ou ailleurs. Prenons, par exemple, la publicité-presse adressée aux médecins prescripteurs. Les firmes pharmaceutiques consacrent chaque année des millions de dollars à la publication d’annonces dans les revues médicales et pharmaceutiques canadiennes (Lexchin, 1994). Les images et le texte de ces annonces pleine page sur papier glacé lient la marque de commerce à des bienfaits thérapeutiques qui dépassent parfois les avantages cliniques des médicaments annoncés (Lexchin, 1994 ; Wivell et O’Fallon, 1992).
Les renseignements d’ordonnance accompagnent rarement l’annonce publicitaire ; ils figurent généralement à la fin de la revue, une pratique qu’autorise le code du CCPP. Une analyse faite en 1991 de la publicité pharmaceutique dans les revues professionnelles a révélé que, sur les 111 annonces examinées, seulement 18 % étaient accompagnées de renseignements d’ordonnance. Dans le Journal de l’Association médicale canadienne, les pages rédactionnelles sont invariablement suivies d’une trentaine de pages de renseignements d’ordonnance, imprimés en petits caractères, concernant divers médicaments annoncés ailleurs dans la revue. En groupant les renseignements d’ordonnance de cette façon et en les imprimant en petits caractères de six ou sept points, les fabricants incitent les médecins à sauter ces pages [Lexchin, 1994, p. 94].
Cette pratique a-t-elle pour effet d’améliorer les habitudes de prescription des médecins ou d’augmenter le nombre d’ordonnances établies ? De plus, même si les firmes pharmaceutiques soutiennent que les visiteurs médicaux sont des agents de sensibilisation des médecins, à qui ils transmettent d’importants renseignements, la fonction principale des visiteurs médicaux est d’amener les médecins à prescrire les produits de leur firme. Joel Lexchin (1993b et 1989) a montré qu’au Canada et ailleurs, le souci de la rentabilité des fabricants l’emporte sur leur vocation de sensibilisation, lorsque les médecins communiquent avec eux par l’entremise de leurs visiteurs médicaux et au cours des séminaires qu’ils parrainent. Les pratiques de marketing douteuses des fabricants sont peut-être onéreuses pour l’ensemble de la société, puisqu’en embrouillant les médecins ou en les informant mal ou insuffisamment elles risquent de mener à la surprescription. D’aucuns soutiendront que l’on peut résoudre ce problème en limitant les dépenses de marketing des fabricants de médicaments. Certaines techniques promotionnelles devraient en effet être restreintes ou interdites. Mais il s’agit de tactiques particulières,
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qui ne font que fidéliser la clientèle et n’ajoutent pas à la connaissance scientifique que les médecins possèdent des autres thérapeutiques possibles. Limiter les dépenses de publicité atténuera peut-être certains problèmes, mais ne les éliminera pas. Il sera encore dans l’intérêt financier des fabricants de consacrer de gros efforts aux actions qui maximisent leur chiffre d’affaires, et pas nécessairement aux actions qui améliorent les habitudes de prescription des médecins. Les visiteurs médicaux concentrent leurs activités sur le groupe des médecins qui sont de gros prescripteurs, ce qui en dit long sur le but de cette forme de marketing (Comanor, 1986 ; Lexchin, 1989 ). Pour s’assurer que le marketing améliore les habitudes de prescription des méde cins et l’automédication, au Canada, le gouvernement devrait renforcer les codes de déontologie et assujettir toute infraction à de lourdes sanctions. Lexchin (1994) affirme qu’un organisme indépendant puissant pourrait exercer un plus grand contrôle sur les pratiques de marketing des firmes pharmaceutiques. Il soutient que les organismes de réglementation gouvernementaux sont trop facilement influencés par les principaux intéressés et par les administrateurs de programmes. Il en vient à la conclusion qu’il est impossible de réglementer adéquatement la promotion des produits pharmaceutiques par l’autoréglementation, que celle-ci soit exercée par l’industrie même ou par un organisme extérieur (p. 100). La création d’un organisme indépendant, habilité par la loi à contrôler la publicité et la promotion, permettrait peut-être d’améliorer les habitudes de prescription des médecins canadiens. Pour que les médecins soient bien renseignés sur toutes les thérapeutiques médicamenteuses possibles, on pourrait s’inspirer de la ColombieBritannique et lancer des initiatives qui fournissent aux médecins praticiens des renseignements scientifiques, réunis et évalués par des médecins et des pharmaciens. Cela pourrait se faire au moyen de bulletins d’information et de visites médicales par des professionnels de la santé. Le but est de faire reposer les pratiques de prescription des médecins canadiens sur la médecine et la pharmacologie, plutôt que sur le marketing.
Stratégies systémiques Assurance-médicaments universelle
Au Canada, les médicaments ont toujours été exclus de la couverture des régimes publics d’assurance-maladie. Or, ils constituent une composante importante du système de santé, composante dont le coût a augmenté plus rapidement que celui des composantes visées par les régimes universels d’assurance-maladie. Beaucoup de pays développés possèdent un régime public universel, ou quasi universel, d’assurance-médicaments, assorti cependant, dans bien des cas, de copaiements importants. Le tableau 2 montre le pourcentage de la population couvert par un régime public d’assurance-médicaments dans 22 pays membres de l’OCDE, ainsi que le pourcentage des frais remboursés.
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Tableau 2 Les régimes publics d’assurance-médicaments dans les pays de l’OCDE Pays
% de la population % de coûts des Part publique couverte par assurés couverts des dépenses des régimes par des régimes pharmaceutiques publics publics nationales
Pays-Bas
100
91,2
91,2
Royaume-Uni
100
90
64,3
Luxembourg
100
84
–
Grèce
100
74
–
Suède
100
70,8
70,8
Islande
100
68
66,1
Italie
100
65
41
Portugal
100
65
62,5
Nouvelle-Zélande
100
64
–
Norvège
100
58
–
Australie
100
47
–
Finlande
100
45
45,6 51,1
Danemark
100
45
Suisse
99,5
48
–
Espagne
99,3
75
–
Autriche
99
49
64,3
France
98
54
61
Belgique
94
50
45,3
Allemagne Irlande Canada États-Unis
92,2
48
–
40
61
–
21 (44*) 12
33
31,9
25
12,7
Source : Les données sur la santé de l’OCDE, 1996. * Chiffre révisé en utilisant d’autres sources (Crop Conseil, 1995). (Les chiffres de l’OCDE pour les conditions du régime public d’assurance-médicaments canadien sont jugés faibles en raison des déductions, des copaiements et de l’inclusion des produits en vente libre. Les conditions des régimes couvrant les personnes âgées et les assistés sociaux sont nettement supérieures.)
Comme on peut le voir, le Canada, qui offre une assurance-maladie universelle, couvre moins les médicaments que la plupart des autres pays de l’OCDE. Moins de Canadiens sont couverts par des régimes publics d’assurance-médicaments, et ceux qui le sont paient davantage de leur poche. Par conséquent, la part publique dans les dépenses pharmaceutiques totales est plus faible au Canada que dans la plupart des autres pays de l’OCDE.
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L’assurance-médicaments universelle a été proposée pour la première fois en 1964, par la commission Hall, mais elle n’a pas été intégrée dans la Loi sur les soins médicaux adoptée en 1968. Evans et Williamson (1978) ont étudié, il y a 20 ans, le pour et le contre de l’adoption au Canada d’un régime universel d’assurance-médicaments, mais l’idée a suscité peu d’attention jusqu’à tout récemment. Le prix élevé des médicaments incite aujourd’hui certaines provinces à envisager l’adoption d’un régime universel d’assurance-médicaments pour garantir l’accès de l’ensemble de la population aux médicaments, tout en renforçant leurs mesures de compression des coûts. Comme la composante pharmaceutique du système de santé a pris de plus en plus d’importance depuis que le Canada a adopté son régime universel d’assurance-maladie, d’aucuns mettent en doute la distinction établie entre l’accès à une pharmacothérapie « nécessaire » et l’accès à une thérapeutique non médicamenteuse. En l’absence d’interfinancement par un régime public d’assurance-médicaments, les personnes les plus susceptibles d’avoir besoin de médicaments (p. ex. les personnes âgées) n’auront peut-être pas les moyens de payer ces médicaments ou de prendre une assurance privée. À preuve, tous les gouvernements provinciaux ont des régimes d’assurance qui visent les personnes les plus vulnérables et les plus démunies. Le système sélectif actuel semble peut-être réduire le besoin d’un régime public d’assurance-médicaments. Or, avec la hausse constante du prix des médicaments, près de 50 % des Canadiens ont une assurance-médicaments privée (Crop Conseil, 1995) ; les consommateurs pensent donc que cette protection vaut les frais administratifs. La répartition de la population en fonction de la couverture des assurances-médicaments présente cependant de grandes inégalités sociales. Une enquête menée en 1995 a révélé que près de 75 % des Canadiens dont le revenu annuel dépassait 60 000 $ bénéficiaient d’une assurance-médicaments privée. La couverture privée diminuait proportionnellement au revenu. Ainsi, 68 % des familles ayant un revenu situé entre 40 000 $ et 59 000 $ bénéficiaient d’une assurance-médicaments privée, contre 35 % de celles dont le revenu se situait entre 20 000 $ et 39 999 $ et 7 % seulement de celles dont le revenu annuel était inférieur à 20 000 $ (résultats d’une enquête CROP cités dans Crop Conseil, 1995). Bien que certains chiffres montrent que la couverture publique augmente rapidement au Canada, une bonne partie de cette croissance est attribuable à la mise en œuvre de régimes provinciaux d’assurance-médicaments dans lesquels les franchises sont très élevées. Ces programmes, qui couvrent « les coûts catastrophiques des médicaments », sont sans aucun doute avantageux pour les Canadiens dont les dépenses pharmaceutiques sont importantes. Néanmoins, dire que tous les résidents des provinces dotées de ces régimes sont couverts par une assurance publique, c’est exagérer l’incidence de ces programmes. Lexchin (1996) conclut que, même si la mise en œuvre de régimes publics d’assurance-médicaments, depuis les années 1960, a réduit les coûts que les Canadiens à faible revenu doivent couvrir eux-mêmes, les groupes à revenu plus important font encore face à des dépenses personnelles moindres par habitant, en grande partie parce qu’ils ont moins de besoins et parce qu’ils sont couverts par une assurance privée. Les coûts personnels par habitant, en pourcentage
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des dépenses totales du ménage, pour les groupes à faible revenu, sont sept fois plus élevés que ceux des familles à revenu important (Lexchin, 1996). Ces conclusions montrent que l’assurance-médicaments, au Canada, ressemble de plus en plus à l’assurance-maladie des États-Unis, où les gens à faible revenu et à revenu moyen sont exclus des régimes d’assurance, aussi bien privés que publics. Un régime universel d’assurance-médicaments supprimerait ces injustices. De plus, un régime public universel d’assurance-médicaments permettrait d’accroître l’efficience de la composante pharmaceutique du système de santé. Cela constituait un objectif essentiel du régime universel d’assurance-médicaments envisagé récemment au Québec (Castonguay et al., 1996). L’un des avantages d’un régime d’assurance public universel est manifestement la réduction des frais administratifs. Beaucoup d’entreprises offrent à leurs employés une assurance-médicaments collective ou individuelle ; les frais administratifs de ce système pourraient être réduits énormément, si les petits régimes administrés par de petites entreprises étaient remplacés par un régime global administré par la province. Dans son rapport sur les divers modèles d’assurance-médicaments dont le Québec pourrait se doter, Castonguay a recommandé l’adoption d’un régime mixte, dans le but de conserver les emplois du secteur privé (Castonguay et al., 1996), mais cette formule s’est révélée trop coûteuse. Le gouvernement estime que, dans un régime public, les frais administratifs correspondraient à 3,7 % des dépenses de programme, soit près de la moitié des frais administratifs estimés des assureurs privés (Globe and Mail, 11 juin 1996, B6). De plus, le coût des régimes privés actuels d’assurance-médicaments constitue déjà un fardeau public, parce que les employeurs peuvent amortir les dépenses de prestations de santé faites pour leurs employés (manque à gagner fiscal). Le coût réel du système actuel est donc souvent sous-estimé. Un régime public universel d’assurance-médicaments serait sans doute financé partiellement par les recettes fiscales générales. Un mécanisme de financement progressif pourrait donc être adopté, ce qui serait peut-être souhaitable. Certains préconiseront peut-être l’établissement d’un impôt particulier ou de primes d’assurance. Bien que séduisants en théorie, ces mécanismes augmenteraient inutilement les frais de perception par rapport au financement à partir des recettes fiscales générales. D’aucuns affirment que la participation des bénéficiaires aux frais et l’établis sement de franchises permettraient de réduire le fardeau public d’un régime universel. Castonguay et ses collaborateurs (1996) favorisent un système de coassurance comportant des franchises et le plafonnement des coûts cumulatifs annuels à la charge de l’assuré, tout comme le régime manitobain (Crop Conseil, 1995). Toutes les personnes dont les prestations dépassent la franchise, laquelle pourrait varier selon l’âge ou le revenu, auraient droit au remboursement d’une partie de leurs dépenses pharmaceutiques. Elles devraient payer 25 % de leurs frais pharmaceutiques, jusqu’à concurrence de leur plafond annuel. La couverture serait totale par la suite. Castonguay et ses collaborateurs signalent que non seulement la coassurance réduit le coût du système pour l’État, mais elle encourage les consommateurs à rechercher des produits génériques de substitution et à s’interroger davantage sur le pour et le
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contre de la consommation simultanée de plusieurs médicaments. Comme il a été précisé précédemment, les hypothèses sur lesquelles repose la théorie de l’incitation à l’efficience par la participation de l’assuré aux frais pharmaceutiques ne sont pas nécessairement valables. Le plus souvent – et pour une bonne raison –, le décideur est le professionnel de la santé, pas le consommateur. En outre, un système avec des franchises trop élevées risque de ne pas empêcher les consommateurs d’adhérer à une assurance complémentaire privée, ce qui irait à l’encontre de l’objectif fondamental de l’efficience administrative. Les hypothèses nécessaires pour étayer l’argument de l’efficience préconisant le partage des coûts tiennent peut-être, cependant, pour le choix du point de vente au détail. Les consommateurs peuvent faire des choix éclairés quant à l’endroit où ils achèteront leurs médicaments, en comparant le montant des honoraires au niveau de service et de commodité souhaité. En outre, étant donné qu’en 1994, au Canada, les honoraires représentaient quelque 25 % des coûts des médicaments couverts par un financement privé (GHM, 1995), 100 % de coassurance sur cette portion des coûts totaux auraient l’effet désiré sur les dépenses de programme et amélioreraient probablement l’efficience dans le secteur de la vente au détail (Evans et Williamson, 1978 ; Morgan, 1994). Autrement dit, les consommateurs prendraient à leur charge 25 % des dépenses de programme existantes et, résultat du jeu des forces du marché, le coût pourrait baisser à la longue, pour les consommateurs, par rapport à ce qui est payé aujourd’hui en honoraires. Il resterait au gouvernement à accroître l’efficience – baisser les prix et améliorer les prescriptions – de la partie ingrédients des coûts pharmaceutiques au détail. La part des coûts à la charge de l’État augmentera sans doute avec l’adoption d’un régime universel d’assurance-médicaments, mais le coût total du système devrait baisser considérablement avec le temps. Un payeur unique du coût des ingrédients jouira d’un pouvoir d’achat énorme, sera en mesure de suivre la consommation pharmaceutique de près et pourra coordonner les mesures de compression des coûts. L’expérience récente montre que les gros acheteurs gèrent mieux les prestations pharmaceutiques. L’accroissement du pouvoir d’achat, la réduction des frais admi nistratifs et l’amélioration de l’efficience de la prestation des services (p. ex. la vente de médicaments par correspondance) créent des économies d’échelle. Les grands gestionnaires de prestations des États-Unis – Medco, Diversified Pharmaceutical et PCS – avaient en 1994 une clientèle de plus de 30 millions, 13 millions et 50 millions de consommateurs respectivement (Wall Street Journal, 12 juillet 1995, A3). C’est aux grands gestionnaires de prestations pharmaceutiques comme eux que l’on attribue le ralentissement de la croissance des dépenses pharmaceutiques aux États-Unis (Levit et al., 1994). Au Canada, les provinces ont mieux réussi récemment que le secteur privé à ralentir la croissance des dépenses pharmaceutiques (figure 1). En étendant la couverture des régimes publics d’assurance-médicaments pour l’ensemble de la population, l’État pourrait augmenter encore davantage l’efficience de la gestion publique des prestations pharmaceutiques. Pour réaliser des économies
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considérables, les administrateurs des régimes doivent adopter une approche proactive. L’efficacité de l’administration publique d’un régime universel d’assurance-médicaments soulève les mêmes inquiétudes que celles qu’a signalées Lexchin (1994) à l’égard de la réglementation de la publicité : elle pourrait être soumise aux pressions exercées par les intéressés, aux pressions politiques partisanes et à l’déologie des administrateurs des programmes28. Si un organisme indépendant ne peut être constitué pour diriger le régime public sans lien de dépendance avec le ministère provincial de la Santé, les administrateurs actuels devront être incités à continuer de défendre énergiquement les intérêts des patients et des payeurs.
Budgets globaux
L’adoption d’un budget global est une technique de gestion des prestations qu’un payeur unique de médicaments pourrait utiliser. Tout comme le budget global actuel des dépenses médicales, le budget pharmaceutique global fixerait le montant maximum des dépenses pharmaceutiques de chaque province. Il incomberait aux médecins prescripteurs de veiller à ce que ce budget ne soit pas dépassé. Lier le budget pharmaceutique de chaque province aux budgets des médecins encouragerait ces derniers à répartir les crédits disponibles pour les médicaments et les autres composantes de la santé aussi efficacement que possible. L’Allemagne utilise ce système depuis 1993. Dans le cadre du régime allemand, le revenu des médecins peut être amputé d’un maximum de 2 % si les dépenses pharmaceutiques dépassent le plafond établi. Au cours du mois de janvier 1993, soit le premier mois du régime, les ordonnances ont diminué de 26,5 % par rapport au mois de janvier de l’année précédente. Quand Munnich et Sullivan (1994) ont étudié le régime allemand, ils ont constaté qu’entre janvier 1993 et avril 1994 les dépenses pharmaceutiques avaient été inférieures aux plafonds établis chaque mois. Certains ont critiqué ce programme, en disant que les patients qui ont de lourdes dépenses de médicaments sont envoyés aux hôpitaux, où les médicaments sont payés à même d’autres budgets (Schoffski, 1996). S’il était mis en œuvre au Canada, un système mixte de budgétisation globale devra comporter des mécanismes pour éviter que les médecins ne refilent la charge des pharmacothérapies coûteuses aux hôpitaux.
28. Prenons, par exemple, le régime Pharmacare de la Colombie-Britannique. À la suite de la nomination de Michael Corbeil au poste de directeur général, des mesures proactives visant le remboursement du coût des médicaments et l’établissement de prix de référence ont été rapidement adoptées (Grootendorst et al., 1996), ce qui témoigne de la volonté de faire face aux représailles juridiques et politiques de l’industrie. La direction du régime a eu gain de cause récemment, devant les tribunaux, dans une affaire de prix de référence qui fait jurisprudence et qui ouvre la voie à d’autres provinces (Globe and Mail, 4 juin 1996, A6).
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Systèmes d’information pharmaceutique en ligne
Pour pouvoir choisir les thérapeutiques les plus efficaces et les plus économiques disponibles, les médecins doivent disposer de nouvelles sources d’information. Par exemple, le Royaume-Uni a fait récemment l’essai du système Prodigy, système automatisé d’information pour médecins (Lancet Editorial, 27 avril 1996). Prodigy contient des renseignements recueillis par un groupe de médecins et de pharmaciens, à partir de données sur les essais cliniques venant de sources telles que Cochrane Collaboration. Il indique au médecin diverses thérapeutiques possibles, selon le diagnostic et les antécédents du patient, et lui présente un choix de médicaments par noms génériques, accompagnés des meilleurs prix disponibles. Au Canada, un régime universel d’assurance-maladie et d’assurance-médicaments fournirait des bases de données parfaites pour un tel système d’information. Certaines provinces sont déjà équipées des technologies de gestion de bases de données et de maillage de réseau requises pour créer un tel système d’information. Toutes les provinces possèdent déjà des bases de données médicales et pharmaceutiques interconnectées, ou interconnectables, utilisées à des fins administratives ou de recherche (Anis et al., 1996). L’aménagement d’un système informatique de bureau est l’étape la plus coûteuse qui resterait à franchir pour mettre en œuvre le programme. Pour être un succès au Canada, un tel système d’information doit être conçu en collaboration avec les médecins. Les médecins devraient être consultés tout au long de la conception et de la mise en œuvre du système, afin que celui-ci réponde à leurs besoins et soit convivial. Le système sera un échec si les médecins praticiens ne l’aiment pas. La plus grande circonspection est cependant conseillée dans la consultation de l’industrie pharmaceutique ; les fabricants américains utilisent déjà des réseaux informatiques pour suivre les habitudes de prescription des médecins et pour promouvoir leurs produits (Wivell et O’Fallon, 1992). Tout comme la réglementation des pratiques de marketing de l’industrie, les systèmes d’information en ligne devraient avoir pour objet de faciliter l’établissement d’ordonnances, en améliorant les connaissances médicales et pharmacologiques des prescripteurs, et non de servir les intérêts commerciaux des fabricants de médicaments.
Conclusion
Un document comme celui-ci ne se prête pas d’emblée à des conclusions. La présente synthèse avait pour objet d’exposer plusieurs questions qui se posent aux artisans de la politique pharmaceutique canadienne, et non de résoudre des problèmes particuliers. Les conclusions y prennent donc la forme de recommandations concernant les travaux de recherche et d’évaluation à entreprendre dans l’avenir. Il serait facile de conseiller aux gouvernements d’étudier plus à fond chacun des sujets abordés dans le présent document ; ils sont tous fascinants sur les plans économique, social et politique. Les recommandations suivantes visent les domaines d’activité où le gouvernement peut exercer le plus d’influence sur la structure et la conduite de la composante pharmaceutique du système de santé canadien.
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• D’après les données probantes analysées précédemment, l’établissement d’ordon nances au Canada repose en grande partie sur des informations commerciales. Les habitudes de prescription des médecins et les pratiques de marketing des fabricants suscitent des inquiétudes concernant la qualité de l’information que reçoivent les médecins. Le gouvernement devrait étudier des moyens de réformer la réglementation des pratiques de marketing de l’industrie pharmaceutique. Alliée à l’accroissement du soutien documentaire professionnel des médecins praticiens, cette mesure permettrait d’améliorer sensiblement les soins de santé et de réduire considérablement les coûts. • Le gouvernement canadien sera probablement incapable de rétablir le régime de licences obligatoires. La logique de la politique internationale exclut la pos sibilité de restaurer cette caractéristique particulière de la politique pharma ceutique canadienne. Les décideurs devraient donc étudier des moyens d’accroître l’utilisation de médicaments génériques à l’expiration des brevets des produits originaux et de prévenir la mise au point de produits imitatifs coûteux, en créant des incitations au remboursement des pharmaciens et en adoptant des systèmes d’établissement de prix axés sur des prix de référence. • Étant donné l’examen prochain du projet de loi C-91, les ministères fédéral et provinciaux de la Santé, les associations de protection des consommateurs et les fournisseurs privés de prestations pharmaceutiques devraient demander que les dispositions réglementaires de la loi soient revues à fond. Le régime de licences obligatoires ne sera malheureusement pas rétabli, mais d’autres dispositions ayant pour effet d’interdire l’accès aux médicaments génériques dès l’expiration d’un seul brevet pourraient être abrogées. • Enfin, le Canada devrait se diriger vers l’assurance-médicaments universelle. Cela augmenterait peut-être l’accès aux soins de santé, tout en réduisant le coût total de la composante pharmaceutique du système de santé. Il est recommandé d’étudier les moyens à prendre pour mettre en œuvre de telles politiques. On devrait songer notamment à réduire les entraves aux soins nécessaires, réfléchir à la gestion des prestations pharmaceutiques et intégrer la composante pharmaceutique et les autres composantes du système de santé. Il est recommandé aux gouvernements d’agir avec beaucoup de circonspection lorsqu’ils font payer aux consommateurs une partie du prix des médicaments mêmes (par opposition aux honoraires des pharmaciens), croyant que cette forme de participation aux frais conduit à la sélection efficiente des produits. Il est conseillé d’étudier, à cet égard, l’effet de nouvelles incitations financières (p. ex. l’établissement d’un budget global) et de nouveaux mécanismes de rémunération des médecins (p. ex. la capitation). Nous espérons que le présent document aura mis en lumière quelques-unes des incitations et des contraintes économiques qui ont modelé l’industrie pharmaceutique et qui, dans certains cas, font entrave à la réforme de la politique pharmaceutique.
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Steven G. Morgan est étudiant au doctorat à l’Université de la Colombie-Britannique, où il se spécialise en économie de la santé et en organisation industrielle. Il est diplômé des universités Western Ontario et Queen’s. Ses recherches portent principalement sur la politique pharmaceutique ; en effet, il a mené des études pour des organismes privés et publics, tels la Health Policy Unit de l’Université Queen’s et le Centre for Health Services and Policy Research UBC.
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Série La santé au Canada : un héritage à faire fructifier Études commandées par le Forum national sur la santé
Volume 1
Les déterminants de la santé
Les enfants et les adolescents Jane Bertrand Enrichir l’expérience des enfants d’âge préscolaire Paul D. Steinhauer Développer la résilience chez les enfants des milieux défavorisés David A. Wolfe Prévenir la violence et la négligence à l’endroit des enfants Christopher Bagley et Wilfreda E. Thurston Lutter contre l’abus sexuel à l’endroit des enfants Barbara A. Morrongiello Prévenir les blessures accidentelles chez les enfants Benjamin H. Gottlieb Promouvoir le développement optimal des jeunes au Canada Paul Anisef Transition entre l’école et le travail Pamela C. Fralick et Brian Hyndman Les jeunes, la toxicomanie et les déterminants de la santé Gaston Godin et Francine Michaud La prévention des MTS et du sida chez les jeunes Tullio Caputo et Katharine Kelly Améliorer la santé des jeunes de la rue
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Série La santé au Canada : un héritage à faire fructifier Études commandées par le Forum national sur la santé
Volume 2
Les déterminants de la santé
Les adultes et les personnes âgées William R. Avison Les effets du chômage sur la santé Mary J. Breen Promouvoir l’alphabétisation, c’est améliorer la santé Neena L. Chappell Maintenir et renforcer l’autonomie et le bien-être des personnes âgées Sandra O’Brien Cousins Encourager une vie active et une saine alimentation chez les personnes âgées Victor W. Marshall et Philippa J. Clarke Faciliter la transition entre l’emploi et la retraite re D Robyn Tamblyn et Dr Robert Perreault Encourager l’utilisation rationnelle des médicaments d’ordonnance chez les personnes âgées Daphne Nahmiash Prévenir et combattre la violence et la négligence à l’endroit des personnes âgées au Canada
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Série La santé au Canada : un héritage à faire fructifier Études commandées par le Forum national sur la santé
Volume 3
Les déterminants de la santé
Le cadre et les enjeux Susan A. McDaniel Pour la santé des familles Kathryn J. Bennett et David R. Offord Les écoles, la santé mentale et la qualité de vie Michael F.D. Polanyi, John Eakin, John W. Frank, Harry S. Shannon et Terrence Sullivan Créer un milieu de travail favorable à la santé : examen critique de l’incidence sur la santé des changements apportés au milieu de travail Kimberly A. Scott L’équilibre comme méthode de promotion de la santé dans les collectivités autochtones Pierre Hamel Solidarité communautaire et développement local : une nouvelle perspective pour construire des compromis sociopolitiques Joseph Zayed et Luc Lefebvre La santé environnementale : du concept à la réalité Marlies Sudermann et Peter G. Jaffe Prévenir la violence : stratégies en milieux scolaire et communautaire Ronald J. Dyck, Brian L. Mishara et Jennifer White Le suicide chez les enfants, les adolescents et les personnes âgées : constatations clés et mesures préconisées John Lord et Peggy Hutchison Vivre avec une incapacité au Canada : vers l’autonomie et l’intégration Benjamin H. Gottlieb Promouvoir et protéger le bien-être des aidants naturels Peter A. Singer et Douglas K. Martin Améliorer les interventions face à la mort au Canada Terrence Sullivan, Okuri Uneke, John Lavis, Doug Hyatt et John O’Grady Politiques d’adaptation de la main-d’œuvre et santé : réflexions sur un monde en mutation Lars Osberg Les variables de la politique économique et la santé de la population
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Série La santé au Canada : un héritage à faire fructifier Études commandées par le Forum national sur la santé
Volume 4
À la recherche d’un équilibre
Le secteur de la santé au Canada et ailleurs Geoffroy Scott Comparaisons internationales du secteur hospitalier Astrid Brousselle Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte Wendy Kennedy La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada : comparaisons internationales Centre de statistiques internationales Comparaison internationale des dépenses de santé et de l’état de santé Damien Contandriopoulos Comment le système de santé du Canada se compare-t-il avec celui d’autres pays ? Un aperçu Delphine Arweiler Comparaisons internationales des dépenses de santé Marc-André Fournier Incidence des infrastructures et des ressources humaines sur les dépenses de santé Ellen Leibovich, Howard Bergman et François Béland Les dépenses de santé et le vieillissement de la population au Canada Raisa Deber et Bill Swan Le financement des soins de santé : matière à réflexion Terrence Sullivan Commentaires sur les dépenses de santé, les dépenses sociales et l’état de santé Allan M. Maslove Les objectifs nationaux et le rôle du fédéral dans les soins de santé Raiser Deber, Lutchmie Narine, Pat Baranek, et al. Le financement des soins de santé : le partage entre les secteurs public et privé John Marriott et Ann L. Mable Modèles intégrés. Tendances internationales et conséquences pour le Canada Steven G. Morgan La politique pharmaceutique canadienne : les enjeux
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Série La santé au Canada : un héritage à faire fructifier Études commandées par le Forum national sur la santé
Volume 5
La prise de décisions
Données probantes et information Joan E. Tranmer, Susan Squires, Kevin Brazil, Jacquelyn Gerlach, John Johnson, Dianne Muisiner, Bill Swan et Ruth Wilson Les facteurs qui influent sur la prise de décisions fondées sur des données probantes Paul Fisher, Marcus J. Hollander, Thomas MacKenzie, Peter Kleinstiver, Irina Sladecek et Gail Peterson Les soins de santé : les outils d’aide à la décision Charlyn Black Bâtir un réseau national d’information en matière de santé Robert Butcher Fondements de la prise de décisions basées sur des données probantes Carol Kushner et Dr Michael Rachlis La participation des consommateurs à l’élaboration de la politique de la santé Frank L. Graves et Patrick Beauchamp (Les Associés de recherche Ekos Inc.) ; David Herle (Earnscliffe Research and Communications) Recherche sur les valeurs de la population relativement à la santé et au système de santé Thérèse Leroux, Sonia Le Bris, Bartha Maria Knoppers, avec la collaboration de Louis-Nicolas Fortin et Julie Montreuil Éléments de réflexion sur l’opportunité d’un comité consultatif national d’éthique canadien
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eut-on favoriser la santé des Canadiens de tous âges ? Notre système de santé est-il de bonne qualité ? Quels en sont les coûts, comparativement à ceux des autres pays ? En février 1997, le Forum national sur la santé présentait au gouvernement fédéral ses recommandations quant aux moyens d’améliorer le système de santé du Canada et la santé des Canadiens. Le Forum appuie ses recommandations sur plus d’une quarantaine d’études réalisées par les plus éminents spécialistes du domaine. Ces études sont regroupées dans la série « La santé au Canada : un héritage à faire fructifier », qui comprend cinq volumes :
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La santé au Canada : un héritage à faire fructifier
Études commandées par le Forum national sur la santé
Volume 1 – Les enfants et les adolescents Volume 2 – Les adultes et les personnes âgées Volume 3 – Le cadre et les enjeux Volume 4 – le secteur de la santé au Canada et ailleurs Volume 5 – Données probantes et Information Le volume 4 présente les études suivantes : Geoffroy Scott – Comparaisons internationales du secteur hospitalier Astrid Brousselle – Le contrôle des dépenses de santé : ce qui compte Wendy Kennedy – La gestion des dépenses pharmaceutiques au Canada : comparaisons internationales Centre de statistiques internationales – Comparaison internationale des dépenses de santé et de l’état de santé Damien Contandriopoulos – Comment le système de santé du Canada se compare-t-il avec celui d’autres pays ? Un aperçu Delphine Arweiler – Comparaisons internationales des dépenses de santé Marc-André Fournier – Incidence des infrastructures et des ressources humaines sur les dépenses de santé Ellen Leibovich, Howard Bergman et François Béland – Les dépenses de santé et le vieillissement de la population au Canada Raisa Deber et Bill Swan – Le financement des soins de santé : matière à réflexion Terrence Sullivan – Commentaires sur les dépenses de santé, les dépenses sociales et l’état de santé Allan M. Maslove – Les objectifs nationaux et le rôle du fédéral dans les soins de santé Raiser Deber, Lutchmie Narine, Pat Baranek et Natasha Sharpe – Le financement des soins de santé : le partage entre les secteurs public et privé John Marriott et Ann L. Mable – Modèles intégrés. Tendances internationales et conséquences pour le Canada Steven G. Morgan – La politique pharmaceutique canadienne : les enjeux isbn 2-921146-50-9
À la recherche d’un équilibre
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LE SECTEUR DE LA SANTÉ AU CANADA ET AILLEURS
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NATIONAL FORUM ON HEALTH
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