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Etre... ou ne pas naItre ~
Du même auteur: Les Tueurs de margouillats, théâtre 1988 inédit. Le Chantier, théâtre Editions Maria Graphique 1989. Sacré Kaba, nouvelle Editions Maria Graphique 1990. A vous la nuit, récit Graphique industrie 1995. Antigone d'après Sophocle, co-auteur, Editions La dispute 1999. 52, La bonne à tout faire, one man show Inédit 1998.
Habib Dembélé Guimba
" Etre... ou ne pas naître Préface d'Aboubacar Eros Sissoko
L'HARMATTAN
~ L'Harmattan, 2008
5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com harmattan
[email protected] [email protected] ISBN: 978-2-296-06658-8 EAN : 9782296066588
Dédicace À El Hadj Adama Dembélé de Koula et à ses nombreux descendants. À Modibo Kéita.
À Seydou Badian Traoré dit Kouyaté. À Pily Dabo Sissoko. À Kwamé Nkrumah. À Patrice Lumumba. À Thomas Sankara. À Nelson Mandela.
Remerciements Parmi mes nombreux défauts, l'ingratitude n'existe pas. Toute ma vie, je souhaite ne jamais oublier une personne qui m'a une fois rendu service, fut-il petit ou même paraissant insignifiant... Je pense, donc à vous tous... mais pour que la page de remerciements ne soit pas plus longue que le texte qui vous est proposé, j'ai dû écourter la liste. Massa Makan Diabaté, paix à son âme a dit: « On est seul à signer un livre, mais on est plusieurs à l'écrire ». Que soient remerciés mon grand frère Jean Marie Lehec et Florence Asteix, qui ont rendu ce texte lisible. Peter Brook a répondu à un journaliste à Milan, lorsqu'il lui a posé la question de savoir pourquoi il travaillait bien souvent avec les comédiens noirs: «Je travaille avec des comédiens ». Qu'il en soit remercié pour Sotigui Kouyaté, Bakary Sangaré, Rachid djéidani, Dorcy Rougamba, Bruce Mayers, Yoshi, Toshi... et tant d'autres personnes de couleurs différentes. Que soient remerciés Aguibou Dembélé, Ousmane Sow, Olivier Bouchaud, Philipe Dauchez, Bernard et Catherine Desjeux, Monique Blin, Anne Marie Le Botte, Françoise Ligier, Moussa Fabé, Eva et David Helft, Anoucia Blass, René Zann, Françoise Réveillon, Cheick Omar Sissoko, Michel Sangaré, Alseyni Bathily, Fodé Kaba Camara, Issa Ndiaye, Thiambel Guimbayara, Aboubacar Eros Sissoko, Sophie Planchot et tant d'autres pour l'amour de l'âme. Merci à Agnès Gravard, Sarah Gabillet, Emilie Hamon, pour leur immense contribution. . .
Sommaire Dédicace
9
Remerciements
Il
Préface d'Aboubacar Eros Sissoko
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L'immigration
19
Le Mandén.
37
L'Afrique est-elle intelligente?
59
L'Afrique et ses enfants traîtres
77
Le cas du Mali
81
Le cas du Burkina-faso
93
Le cas de la Côte d'Ivoire
97
Le cas du Congo Belge
101
Les fesses et les furoncles
103
- Comment
vas-tu Rachid mon frère?
- Très mal mon frère, Dieu merci... maintenant que nous avons fmi de manger les cafards, il ne nous reste plus qu'à bouffer les larves. Un jour Balla Moussa Kéita, paix à son âme, un de mes maîtres m'a dit, quand nous discutions de la dureté du temps: « il ne nous reste plus qu'à acheter à cent cinquante francs pour revendre à cent francs... comme ça, nous nous sentirons occupés. »
Le facteur frappe à la porte d'une maison. - Il y a quelqu'un ? - Non, il n'y a personne. - Et vous alors? - Je suis le gardien.
Les griots du Mandén disent qu'il vaut mieux ne pas du tout naître, que de naître et de n'être personne.
Préface
Lorsque Habib Dembélé, notre Guimba National m'a sollicité pour coucher les premiers mots de son livre, ce fut pour moi un grand honneur mais aussi un sentiment de crainte parce que trouver les mots justes pour introduire l'œuvre d'un ami et grand comédien de son envergure est toujours un exercice difficile. Un proverbe bamanan dit que: «Dire la vérité ne tue pas l'amitié pourtant elle l'entrave ». Alors faut-il mentir à son ami en le caressant en permanence dans le sens du poil ? Il me semble que non. L'amitié est sacrée ce n'est ni un jeu de charme encore moins de l'hypocrisie. Même s'il est de notre devoir d'assister, de soutenir, d'aider son ami, il ne faut en aucun cas perdre de vue la vérité, notre vérité. Qu'il le prenne en bien ou en mal est toute autre chose. On aura ainsi joué pleinement notre rôle sans aucune arrière pensée, la conscience pleinement tranquille. Alors si par malheur cette vérité venait à mettre vos relations en péril, c'est que ce n'était pas une véritable amitié. Cet ouvrage Etre ou ne pas ...naître d'Habib Dembélé va droit dans ce sens. Il n'hésite pas à montrer du doigt les travers de l'homme. C'est une belle œuvre, une libre expression d'un artiste engagé qui a longuement parcouru le monde à travers son métier de comédien, conteur, auteur, réalisateur et quoi d'autres... Dès les premières pages du livre le ton est donné dans la dédicace faite aux hommes intègres: Mandela, Sankara, Krumah, Seydou Badian Kouyaté, Modibo Keïta, Fily Dabo...On pourrait penser qu'il a puisé ses ressources dans
leur combat. Mais c'est au fond de lui même qu'il a trouvé l'énergie de son propre combat. Le voyage ne forme t-il pas l'homme tout simplement? À défaut de pouvoir voyager, se plonger dans le livre d'Habib va permettre aux lecteurs de se construire. Pour qui connaît Habib Dembélé, l'homme n'est pas à son premier coup d'essai. Même s'il possède la capacité de nous faire rire aux éclats, de nous faire pleurer, il a ce génie extraordinaire d'extraire de son carquois des flèches qui vont droit au but. Quel malien et quelle malienne ne se souvient pas de ses rôles sublimement interprétés au théâtre dans Wari et 52 la bonne à tout faire, dans le téléfilm les aventures de Seko Bouaré, au cinéma dans Guimba le Tyran, Bamako et autres?.. Décidément Habib ne finira pas de nous surprendre avec son talent sans pareil. Habib restera Habib, jamais Guimba ou Seko ne pourra l'enterrer de son vivant. L'auteur dans sa première phrase nous pose un problème majeur: «Est-il possible d'imaginer qu'ici bas, qu'un jour, toutes les personnes seront des citoyens du monde? ». Cette phrase unique sera le fil conducteur du livre qui nous fait voyager dans son univers où finalement rien ne sera épargné. Du Mandé de ses ancêtres, aux traumatismes de la colonisation, en passant par les actualités brûlantes du continent Africain et aux drames de l'immigration, il revisite tous les évènements importants à l'aide de ses mots incisifs. S'il dénonce l'Occident qui pille le continent depuis la nuit des temps, il n'épargne pas les Africains qui sans vergogne font de même. Ce qu'il écrit est beau et touchant: «On doit s'aimer sans penser à autre chose que le respect ». C'est également 16
l'amour entre les peuples blanc et noir et il a raison. « Les occidentaux préfèrent péter publiquement plutôt que de roter. Cela est tout à fait à leur honneur. Pourquoi le Mandeka devrait se mettre à péter devant sa belle mère quand il pense que péter publiquement est honteux et à s'abstenir de roter quand il est content d'avoir été rassasié ». Etre ...ou ne pas naître fera date dans la littérature. Nous attendons son second ouvrage avec une vive impatience. Qu'il soit sur scène qu'il s'exprime dans ses romans Habib Dembélé a le pouvoir de nous transporter, de nous émouvoir, de nous faire rire, de nous interroger... Bonne lecture à tous. Aboubacar Eros Sissoko
L'immigration Est-il possible dans ce monde ici-bas d'imaginer, qu'un jour, toutes les personnes de tous les pays seront des citoyens du monde? Pourtant il me semble que c' e'st cela la voix du salut pour l'humanité... Mais malheureusement, elle est une illusion et le restera, tant que le monde sera régi avec un raisonnement purement mathématique qui veut qu'un plus un soient deux, deux étant le chiffre du divorce.. . Il faudrait qu'un jour, les données changent et que deux amis cessent d'être deux pour ne devenir qu'un, deux parents cessent d'être deux pour ne devenir qu'un, que dans un couple l'on cesse d'être deux pour ne devenir qu'un. L'unification est le soubassement du bonheur permanent, et l'amour est le seul produit qui puisse I' entretenir, la cultiver, la soigner.. . Prenons amour et sexe... Dans la vie, tout est à l'image du sexe. La terre elle-même ressemble à une grosse couille. La pluie, c'est l'éjaculation du ciel qui fait l'amour à la terre.. . Notre tête a pris la forme d'une couille. Les yeux ont la forme d'un vagin. La tige du nez est un pénis. Les narines, la bouche, sont proches du vagin... Le cou, le tronc, les membres ont la forme du phallus et quand on regarde de près notre corps, on en trouve partout, parlant ainsi des pores qui mouillent quand on est en chaleur... Et la jouissance est le début du processus de liquéfaction de l'être... Si l'éjaculation devait durer longtemps, on se serait totalement liquéfié et déversé l'un
dans l'autre pour ne donner ensemble qu'une flaque de liquide tranquille et paisible, pour n'être qu'un... C'est cette unité que recherche la vie pour être sereine. Et qu'est-ce qui fait d'un mariage un divorce de façon générale? La femme veut que l'homme cesse d'être lui pour devenir elle, l'homme veut que la femme cesse d'être elle pour devenir lui... Les incompréhensions commencent dans le couple, suivies de discussions, puis des discussions tendues et énervantes qui conduisent aux rancœurs et aux rancunes, aboutissant sur la perte de confiance en l'autre... L'amour devient désamour, l'unité n'est plus possible car aucun des deux ne veut faire le maximum de conceSSIOn.
..
Il ne vous reste donc qu'à vous quitter car vous devenez en ce moment la chose et son contraire, complètement incompatibles comme le jour et la nuit.. . Il a donc besoin d'autre chose et elle a besoin d'autre
chose... J'ai eu la chance en tant qu'acteur et conseiller artistique de participer au tournage du film «Faro ou la Reine des Eaux» d'un de mes grands frères Salif Traoré à Ségou Koro où est enterré le fondateur du puissant royaume Bamanan de Ségou au Mali. Pendant les jours de relâche, dans un coin d'une grande cour où l'équipe de tournage était en résidence, nous nous retrouvions pour parler de tout et de rien, pour se raconter des anecdotes, des histoires... des causeries desquelles jaillissaient souvent des discussions plus ou moins chaudes... Je me suis lié d'amitié à une personne âgée, Tatou, quatre-vingts ans à peu près, qui suivait toujours toutes nos discussions avec les jeunes que nous sommes, avec beaucoup de gaieté, en rigolant, et surtout en s'étonnant. ..
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En approuvant souvent toutes les affirmations sur lesquelles les uns et les autres lui demandaient de donner un avis favorable sans jamais donner ni son avis, ni essayer de trancher un quelconque litige selon son propre aVIS... Malgré la différence d'âge, père pour certains et grandpère pour d'autres, il était respecté et aimé par tout le groupe... À tel point qu'on ne pouvait plus rester une seule seconde sans le voir parmi nous... Un jour, je lui demande: - Mais père Tatou, pourquoi te contentes-tu uniquement d'approuver tout ce qu'on te dit? - Mon fils, répond-il, les contradictions sans fin peuvent souvent faire que des amis se dégoûtent. .. Dans ce monde où chacun croit qu'il sait tout, qu'il détient le monopole de la vérité, de la raison, dans ce monde où la vanité est devenue une source de revenu potentiel, les malins se taisent pour éviter des problèmes. Il y a longtemps, très longtemps, dans le Mandé, on disait qu'il fallait seulement ouvrir la bouche pour deux raIsons: La première pour manger, la deuxième pour dire la vérité, mais exceptionnellement quand on avait le nez bouché. À l'époque dans le Mandé, la parole avait la valeur attribuée à la signature aujourd'hui... Pour revenir à l'unité, je ne crois pas que ce soit une bonne idée que quelqu'un nourrisse une de ses jambes et néglige l'autre, ou un de ses bras en négligeant l'autre, sinon, à défaut de te débarrasser du membre négligé, tu seras obligé de le traîner avec toi, où que tu ailles, quoi que tu fasses, advienne que pourra. .. C'est ce qui, pour moi, explique le mieux le problème du flux migratoire de l'Afrique vers l'Occident... Nous y 21
allons, par les airs, à pied, par les eaux, quoi qu'il arrive... Quoi qu'on dise, on y va quand même, advienne que pourra. Ainsi l'Afrique, un des membres du corps monde, a été négligée par Monsieur-Le-Puissant-Monde qui n'a pas du tout envie de la traîner et qui la traîne dans la boue puante... Il faut donc se débarbouiller à tout prix... Voilà, à mon avis, le départ de l'immigration, un départ que je vais m'efforcer d'expliquer avec mes maigres moyens dans une langue qui n'est pas mienne mais qui est devenue pour moi un passage obligé par souci d'être compris par plus de gens. Et si mes idées malgré tout resteront confuses après lecture, c'est qu'elles auront manqué simplement d'éclaircissements à bien des endroits et aussi de précisons... Mais pas de vérité... Je veux parler de ma vérité... D'une parole dite, on ne finit pas de découvrir des vérités.. . Et comme je ne peux écrire comme Victor Hugo, je pense donc en Dafin Malinké en écrivant comme je peux, et en vous demandant simplement de fournir des efforts pour me comprendre... Ceci étant, la moindre des merdes dans lesquelles ma petite sœur, mon petit frère africain, candidats à l'immigration pourraient se trouver, ressemble à quoi? Malgré tout ce que tu vois et entends à la télévision, dans les médias, à propos de l'immigration; malgré l'état dans lequel tu vois ton frère, ta sœur, ton oncle, ta tante, ton ami, ta copine expulsés de l'Occident, tu tiens encore, et malgré tout, à y aller, en te disant: « Oh ! Telle ou telle personne n'a simplement pas eu de chance». En te disant «Chacun a sa chance dans la vie». «Même si le monde en lui-même était réduit à un œuf, le petit bonhomme 22
chanceux y trouverait une place où suspendre moustiquaire». . . Eh bien voilà ce que j'en sais.
sa
Tu prépares ton voyage pendant des années, ça devient ton objectif, ton obsession. Tous tes proches t'aident comme ils peuvent. Celui d'entre eux qui n'est pas très motivé à tes yeux devient un jaloux, tu taxes le moins motivé, le traitant de jaloux, un ennemi juré, puis tu obtiens finalement un visa. Dans certains cas, cela est fêté plus que ton baptême à ta naissance. Dans d'autres, il ne faut surtout pas l'ébruiter, car si par malheur quelque chose fait que tu n'as pas réussi à entrer en France, en Belgique, en Angleterre ou ailleurs, ce sera la plus grande honte de ta vie, l'échec monumental... Bon, tu y arrives malgré tout, te voilà déjà en train de regretter avant même la fin du premier mois que tu y passes. Voilà ce que c'est que l'Occident pour toi, Sénégalais, Sénégalaise, Malien, Malienne, Guinéen, Guinéenne, Burkinabé, Ivoirien, Camerounais, etc. etc. Voilà ce qui t'y attend mon frère, voilà ce qui t'attend làbas ma sœur. Et pas question de retourner. Parce que c'est la dure réalité. À peine la nouvelle de ton entrée en Occident annoncée, tu crois que tu as une victoire sur tous les autres candidats malheureux à l'immigration, les jaloux n'ont qu'à mourir... Ton premier souci sera que tout le monde là-bas sache que tu es en France... Tes premiers coups de téléphone le confirment à tout le monde, ainsi que tes photos à côté de la Tour Eiffel. Tu es donc dans le monde rêvé, le paradis, le monde de la «civilisation », de la mode, le monde de la réussite, le monde qui fait de toi une personne affranchie et anoblie, le monde des femmes belles comme des fées, des hommes riches et intelligents, 23
le monde où tu ne mangeras plus avec tes doigts, où on se fait des bises pour se dire bonjour et au revoir, sans savoir que cette pratique a commencé en Afrique depuis l'aube des temps, un monde comme on le voit au cinéma, le monde des costume cravates, un monde où tout est propre... Non, le retour est honteux, mortellement honteux. Il n'est pas envisageable sans le prix d'une ou mieux de plusieurs villas en poche, le prix d'une ou mieux de plusieurs voitures de luxe, sans vêtements et chaussures stylés... Que vont penser ceux que tu as laissés derrière toi? «Si tu plonges un enfant maudit même dans une gourde de crème, il en sortira la peau sèche» ou «Donnez-vous la peine d'aider un margouillat à grimper sur un arbre, vous ne serez pas déçu car il y parviendra facilement, quant à un crapaud, vous perdez votre temps »... Tous ces proverbes résonnent dans ta tête... Que vont penser les filles du quartier, les copains dans la tête desquels tes coups de fil, tes photos, etc, ont créé des illusions depuis la première semaine de ta vie de Toubab? Que va penser ta mère fière de son garçon, de sa petite fille, auprès des autres mamans dont les enfants n'ont pas réussi à partir derrière l'océan?.. Bon, puisqu'il n'est pas du tout question de retourner, que faire? En attendant, il faut se débrouiller pour dormir dans un petit coin du salon de ton frère, de ta sœur, ton cousin, ta cousine, ton ami, ton oncle, ta tante, où bientôt tu vas devoir faire la vaisselle, le ménage et plus tard la cuisine, enfin toutes les choses que tes sœurs et la petite bonne à tout faire faisaient chez toi. Qui l'aurait cru? Bientôt, tu vas devoir faire attention à ta consommation d'eau, te laver le moins de fois possible, utiliser le moins possible 24
d'électricité pour que la facture soit la moins élevée possible... Bientôt tu n'auras plus le droit à la clé de secours. Et si tu n'as plus de clé de secours ni le code d'accès du bâtiment, et c'est n'est pas tout, car chaque appartement à un bouton nommé sur lequel tu appuies pour sonner à l'intérieur, et si on ne veut pas te recevoir, en ce moment ou pas du tout, tu ne peux même pas en vouloir à quelqu'un... Parce que tu n'auras aucune preuve qu'il y avait quelqu'un. Ils ont tout le temps des rendezvous importants, ils sont au travail, ils sont convoqués à l'école des enfants, etc. Tu ne pourras donc plus faire, sans clé, un tour quand tu voudras, parce que ton logeur ou ta logeuse va faire son boulot de ménage ou de baby-sitter ou je ne sais quoi d'autre encore. C'est ce qu'il y a de mieux à faire pour la plupart, quelque chose qu'ils n'ont jamais fait et qu'ils ne feront jamais même s'ils retournaient au pays, car ce n'est pas noble, ce serait bafouer leur dignité que de faire un tel boulot au pays. Alors, ou tu choisis de sortir et de rester toute la journée dehors en attendant leur retour, parce qu'il est hors de question qu'ils t'attendent pour t'ouvrir, et cela à raison, ou tu restes enfermé comme dans une prison magnifique toute lajournée. Si c'est des boulots de nuit, tu as intérêt à ce qu'ils ne sortent pas avant que tu ne sois rentré sinon tu risques de passer la nuit dehors« à la mauvaise étoile» et dehors il fait très froid. Ce n'est pas comme au pays où tu peux aller dormir «à la belle étoile »...dormir où tu veux. De toute façon tu ne connais pas la ville. Tu acceptes de sortir parce que la solitude commence à t'énerver, la télé commence à te fatiguer, tu ne peux pas téléphoner car le téléphone n'est là que pour recevoir les appels, tu n'as pas de carte téléphonique. Alors tu sors pour rencontrer quelqu'un, un camarade qui est là bien avant toi et qui connaît les tuyaux, qui a des 25
connexions, ou au hasard quelqu'un de ta communauté, pour savourer le plaisir de causer la langue du pays avec laquelle tu es à l'aise. Ou simplement parce que tu commences à sentir que dans ton lieu d'hébergement tu deviens de plus en plus une personne lourde, qui coûte, une personne indésirable pour des raisons diverses... Souvent même tu es obligé d'inventer une sortie pour fuir le retour des écoliers, les enfants de la famille, les petits Français noirs, qui sont sans vergogne, sans scrupule... Qui piaillent tout le temps, partout, qui te bousculent dans tous les sens et te piétinent au cours de leurs jeux brutaux sans retenue en lâchant un petit «oh pardon» de temps en temps de façon machinale. De toute façon, tu es obligé de répondre toujours par un petit sourire hypocrite. Tu n'as pas le choix, tu vois tout le temps comment les parents eux-mêmes sont traités par eux. .. Il paraît que souvent, ils les balancent aux profs, à la police, etc. ... Tu fuis donc le retour de ces enfants qui ont des chambres et des caves pleines de jouets mais qui pleurent tout le temps. D'ailleurs, tu ne peux ni regarder la télé tranquillement, ni te reposer tranquillement, ni faire une petite sieste tranquillement... Sans recevoir leurs petits poings fermes et violents sur la gueule de l'intrus que tu es à leurs yeux. Te voici donc dans un café, coincé devant ta petite tasse de café qui coûte deux euros l'équivalent de plus de mille francs CFA, le prix des condiments de la grande famille comme on le dit chez nous. Un seul expresso, presque l'équivalent de ce que peut contenir le trou de ton oreille, que tu te débrouilles pour ne pas fInir, tu as intérêt à le garder aussi longtemps que possible sinon si le serveur du 26
café trouve ta tasse vide, ilIa ramasse et te demande avec une voix pas amicale «Vous désirez autre chose? ». Évidemment ta réponse sera «Non» parce que tu n'as plus un sou et tu ne dois donc plus rester. Alors tu attends avec ton café, qui n'en finit pas. .. C'est la plus petite quantité de carburant qui dure dans le réservoir d'un véhicule en marche. Et pour ton bonheur s'il arrive que Mamadou qui est dans ce pays depuis plus longtemps que toi, mais sans être mieux que toi, enfin un peu mieux parce qu'il a squatté un appartement clos en attente de démolition parce qu'il est devenu expert du métro, s'il lui arrive de passer par le même café par hasard, tu es content, très content car tu vas avoir une petite compagnie pour quelque minutes le temps d'oublier ta galère, quelques minutes car il est très pressé, il a un rendez-vous très important même si en réalité il n'a rien, s'il veut simplement te fuir pour un autre café, pour que le nouveau venu que tu es ne se rende pas compte de son bluff, de tout ce qu'il vous faisait croire sur lui quand tu étais au pays. Il prend quand même le temps de t'offrir un autre café et même qu'il te paye celui que tu as déjà consommé comme cela se fait au pays naturellement. Et quand tu lui dis « merci », il te répond « oh ce n'est rien, ça ». Il passe donc son chemin en pressant le pas... Tu n'y verras que du feu. Tu penseras même qu'un jour ou l'autre tu pourras être comme lui. Evidemment, tu finiras comme lui au mieux...mais qu'est ce que c'est que« lui»? Personne ne dit rien à personne en Occident, chacun découvrira par lui-même. Tu auras donc économisé deux euros car tu n'as rien payé du tout... Enfin il est tard, il doit y avoir quelqu'un pour t'ouvrir, tu rentres à l'appartement en sonnant, puis tu marches sur la pointe des pieds pour ne pas faire de 27
bruit, tu ne claques pas fort la porte parce que les enfants dorment, tout le monde est fatigué... Contrairement au pays où c'est le propriétaire qui se débrouille pour que son hôte ne soit pas dérangé. Mais tu as de la chance parce que plus tard tu découvriras que dans certains appartements il y en a trois ou quatre comme toi qui se partagent le salon ou un studio et s'ils sont plus de deux, certains dorment les pieds dans la cuisine, d'autres le nez dans les toilettes comme c'est le cas souvent. Tu vas devoir un jour faire tes valises malgré le fait que tu te sois fait tout le temps tout petit, car on te le dira d'une façon ou d'une autre: « Ici, ce n'est pas comme làbas ». «Les mauvaises habitudes» ne fonctionnent pas ici. Ici tout le monde se débrouille. La police débarque à tout moment. Et si un jour elle découvre que tu héberges un sans-papier, même les résidents ont des problèmes. Or tu n'as plus de visa, tu es sans-papiers. Oui, ici c'est chacun pour soi et Dieu pour tous. Ici on ne peut vivre autrement qu'en étant individualiste. Qui n'est pas individualiste est pagailleur. L'Occident n'aime pas la pagaille. Là, le frère se déchire de son frère, la sœur se déchire de sa sœur, la femme se déchire de son mari. Ici, c'est la survie, le sauve qui peut. Ici, ce n'est pas comme chez nous où celui qui peut aujourd'hui paye l'addition pour tout le monde sans rien attendre en retour. Non... Un millionnaire et un éboueur se partagent équitablement l'addition... Oui c'est comme ça ici... Ici, on surprend toujours en disant bonjour à quelqu'un qu'on ne connaît pas, plutôt qu'en passant son chemin sans calculer les gens. Ici quand tu n'as pas de pièce de monnaie, tu fais pipi sur toi-même dans ton pantalon, dans ta culotte, dans ta jupe et si en de telles circonstances tu as de la chance de tomber sur un jour où il pleut, la pluie couvre ta honte...
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Et comment avoir des pièces, tu n'as pas de papier, tu n'as pas le droit de travailler, pas même le droit de traîner par ici, tu n'as aucun droit, tu n'existes pas. Tout cela étant, il ne te reste qu'à prêcher le faux pour le vrai que tu es, à prendre le lion par sa queue... Tu dois alors changer de domicile à plusieurs reprises, aller d'anciennes affinités vers de nouvelles affinités avec l'idée que tout hébergement est provisoire. ..éphémère et que ton adresse postale doit changer autant de fois. Tu as la trouille et tu attrapes pour la première fois de ta vie une maladie qui s'appelle le stress. Tu meurs d'envie de retourner chez toi, ce que tu as cru être l'enfer, ton enfer qui devient pour toi maintenant des foyers d'incendie dans une forêt où il reste encore des passages, des chemins verdoyants par rapport à là où tu te trouves maintenant, ce four crématoire où tout cuit au même degré partout où que tu te trouves. Tu te souviens de tout le bonheur qu'est ton Afrique... Mais le retour n'est pas envisageable car tu es venu presque en narguant les autres presque en les défiant, pour avoir à ton retour la fierté de pouvoir offrir un paquet de cigarettes à un petit frère, payer une paire de chaussures à un ami, dispenser tes parents des dépenses quotidiennes, être différent et envié par tous, parce que tous, y compris toi-même, tous, complexés jusqu'à la moelle des os, et portent les séquelles indélébiles de la maladie transmissible seulement entre africains, Made-InOccident. .. A défaut de pouvoir donner à tout le monde et s'en vanter, tu ne peux tout de même accepter que ce soit à toi qu'il faille que l'on donne. La honte... C'est la honte qui tue le noble. Et ici en Occident pour être sûr qu'on te donnera, il faut descendre dans le métro, t'asseoir à même le sol et tendre la main et attendre que des centimes retentissent de temps en temps dans ta paume. Oui les 29
seuls gains possibles que tu ne rembourseras pas... Non! Puisque chacun se débrouille, alors tu travailleras. Seulement au noir, tu travailleras, quoi qu'il advienne, tu travailleras. Dans le business? Tu travailleras. Avec une fausse identité? Tu travailleras... Et quand tu commenceras à te payer un paquet pour toi, un café pour toi, un pantalon pour toi, au marché de Saint-Ouen, au marché de Montreuil, à celui d'Aubervilliers etc...celui que tu es devenu sur le papier est jaloux, des histoires commencent, tu es traité d'ingrat, il te demande de lui payer plus, tu n'es pas content, le contrat est cassé. Il faut que tu en trouves un autre... Et ça recommence... On est loin des vertus, tout est permis car il ne s'agit plus de vie mais de survie. Des histoires et des histoires, encore des histoires et ça suffit maintenant. Trop c'est trop. Maintenant tu connais la ville tu sais des choses, plusieurs personnes t'ont raconté leurs expériences, il faut que tu aies tes propres papiers. . . Les hommes sans-papiers guettent les femmes qui ont la chance d'avoir leurs papiers et le malheur est de ne pas avoir de mari ou possibilité de remariage. Les femmes sans-papiers guettent les hommes qui ont le bonheur d'avoir leurs papiers en ayant le malheur de ne pas avoir d'épouse... C'est mieux si on tombe sur une blanche ou sur un blanc. Je ne dis pas que dans tous les cas il n'y a pas d'amours véritables... À défaut de mariage, il faut faire un enfant, n'importe comment, avec n'importe qui... « Ça le fait» un enfant. Pour les filles, les femmes, il faut finalement aller dormir paisiblement chez ce type qui te propose son appartement depuis un certain moment, par amour, ou par sentiment fraternel. Mais cela aussi finit mal très souvent car elle va devoir « coucher ». On est loin des vertus et tout est permis. 30
Si elle n'a pas d'autres choix, parce que sans amour, elle le fera en pleurant en douce, la rancœur dans le cœur. .. Ce sera le prix de la survie. Dans des circonstances pareilles, l'hiver est le moment idéal pour les profits, les vices, les abus... Il faut dormir quelque part en hiver sinon, tu mourras, ton cadavre sans papier sera expulsé. Tu seras « un-pauvre-cadavre-noirsans-papiers-expulsé ». Les filles et les garçons « civilisés» préfèrent traîner autour d'un verre dans le bar africain du coin où tu peux brancher un nouveau ou une nouvelle... Il y a toujours quelqu'un de passage qui peut t'offrir un verre de plus, on y revoit des connaissances, on a des nouvelles du Pays, des relations. Des fonctionnaires en mission ou des commerçants de passage te verront et diront à tes potes une fois au Pays qu'ils t'ont croisé dans le dix-huitième arrondissement de Paris, vers Stalingrad... Parce que tu vis aussi des fausses idées que les gens du Pays se font de toi. Ça fait que tu t'accroches davantage à n'importe quoi, quoi qu'il arrive. À partir du moment où tu es en Occident, tu es couvert... On y verra que du feu. Une chose importante, il ne faut surtout pas te laisser prendre dans le métro à cause d'un ticket et parce que pas de ticket? « Eh bien: vos papiers s'il vous plaît? » c'est indispensable pour te coller une contravention « Vous n'avez pas de papier? » Et bien le contrôleur a le devoir de te remettre entre les mains musclées de la Police, qui, si tu ne restes pas tranquille, te mettront les menottes... La suite est connue. Tu es dans l'avion de force, sans-papiers, sans sous, sans ressource, sans espoir, avec la honte dans la tête et dans ton cœur, la risée des frères ennemis qui vont te voir débarquer comme un tas d'ordures... Là commence ton surmenage qui aura plus tard raison de toi 31
dans ton Pays pour tout le restant de ta vie. C'est connu dans le milieu, débrouille-toi pour avoir un ticket de métro à chaque fois que tu te déplaces. L'Afrique est éloignée de l'Occident malgré tout d'une distance comme celle qui sépare la lèvre supérieure de la bouche et le bout du nez. C'est bien de prendre l'exemple sur le visage d'un vrai Français au nez droit et long... Pour les couples réguliers, plusieurs hypothèses sont possibles.. . L'homme après s'être fait une situation fait venir sa femme gentille, même docile, vertueuse... qui est régularisée grâce au regroupement familiaL.. Petit à petit au téléphone, ses copines, ses connaissances l'informent qu'ici la femme a tous les droits... Et au bout d'un moment elle les assimile tellement bien et vite qu'elle met son époux« à la porte». .. Généralement ces femmes deviennent la proie de beaux jeunes hommes, de play-boys sans-papiers qui ont et la bouffe, et le sexe, et de la monnaie en poche très souvent, et une bonne couchette, etc. Il y a aussi des cas où la femme fait venir son mari qui est régularisé par la même loi, qui est logé, nourri, entretenu, qui travaille souvent après ou pas du tout et qui va se saouler pour battre la femme, ou qui couche avec toutes les femmes qui rendent visite à sa femme... Ah les hommes et les femmes mariés en Occident... Que Dieu nous protège, qu'il nous protège de la honte. C'est la honte qui tue le noble. De toute façon, on est loin du «qu'en dira-t-on », tout est permis. Ce sont des pays de liberté qui permettent tout libertinage. «Il suffit d'avoir son numéro de portable », sa cousine, son cousin, on travaille ensemble... Cela peut cacher ce que tu n'as pas soupçonné. Ça peut partir dans tous les sens. On dirait qu'en Occident plus tu changes de partenaires plus tu 32
deviens sexuellement performant... Tant qu'un homme peut te lâcher un billet de banque ou te promettre un boulot, tu seras toujours le bienvenu. Tant qu'une femme peut se montrer généreuse intimement, tu auras un soutien. .. Dans ce monde de survie financière ou de survie tout court, pour des gens en situation précaire en tout, un petit plus a toujours une grande importance, fut-il petit, même très petit. L'homosexualité, m'a t'on-dit, serait un phénomène hormonal, mais puisque certains disent que c'est un créneau « juteux », certains immigrés le deviennent aussi, hommes, femmes, de jour en jour, de plus en plus. Je ne dis pas que naturellement nous ne connaissons pas ce phénomène. Il existe partout. Devient-on homosexuel ? Serait-ce par hasard génétique ?... mais fichons leur la paix enfin! Chacun sa sexualité. Ces immigrés qui se cachent pour le faire moyennant le prix de la survie et même un peu plus. On est très loin des vertus. Tout est permis. Ainsi on devient,par la force des choses ce qu'on n'est pas puisqu'on ne peut plus repartir. Il faut paraître bien, il faut envoyer de l'argent pour des raisons diverses, il faut tirer de soi-même tout ce qui est monnayable. Le plus important, c'est de pouvoir se faire de plus en plus discret vis-à-vis de la loi et le reste peut passer parce que la culture de la loi n'a pas laissé le choix à la culture de la vertu. Les immigrés dans les foyers en France, les plus grands maîtres du système vital de l'immigration, savent eux ce qu'ils sont, d'où ils viennent, pourquoi ils sont là et sans aucun complexe. « Un mourant ne sait pas ce qui l'attend dans l'au-delà, mais il doit pouvoir se souvenir de ce qui se passe derrière lui », se disent-ils. 33
Ils n'ont qu'un seul but: travailler, faire n'importe quel boulot digne de ce nom, faire le maximum d'économie en se faisant violence sur eux-mêmes avec le seul souci d'être serviable, d'être utile à la petite communauté du village. Pourtant, ils sont considérés comme des ploucs. De toute façon, ils s'en foutent complètement car la plupart d'entre eux ont des maisons, dans leur village, des immeubles dans les villes au Pays. Mais pour cela, il faut dormir à dix, quinze, ou plus dans la même piaule sur des lits superposés, parfois sur des matelas à même le sol, dans les couloires, manger la nourriture locale à un, deux ou cinq euros pas plus, le plat cuisiné par nos braves seeurs dans les cantines des foyers. C'est ça le prix de la dignité. Ce sont ceux-là qui s'en sortent le mieux. Ils s'en foutent des grandes marques, des chaussures stylées... En hiver, il faut se couvrir avec n'importe quoi, deux, trois pulls, une paire de chaussures et des chaussettes qui chauffent les pieds, une paire de gants, un manteau, une écharpe... qui leur reviennent à moins de cent euros et ça pendant des années et des années... Ils restent avec leur pipe à eaux et leurs boubous en été c'est tout. Parce que de toute façon avec ou sans papiers, tu te rends compte que ce n'est pas une vie faite pour toi. Chez nous, l'immigré est hôte, une personne tout court un d'entre nous, sans distinction de race, de couleur, de religion, etc.... Mais en Occident un immigré n'est autre et ne sera qu'un immigré ou «issu de l'immigration », un âne ne deviendra rien d'autre à l'avenir qu'un âne mort. Car il y a des gens ici, des occidentaux, des gens très importants qui disent très souvent à la télé, à la radio, dans les journaux et 34
en ce moment même: «C'est exagéré de dire que les blancs et les noirs sont égaux », «Les noirs, ils viennent salir la France avec leurs odeurs », «Les noirs avec leurs odeurs... Ajoutez à cela le bruit », «La colonisation n'a pas fait que du tort aux noirs ». Cette déclaration d'un homme politique américain: «On aime l'Amérique ou on la quitte» qu'on s'est appropriée en mettant «France» à la place d'« Amérique» nous dit tout simplement de manière arrogante «quittez notre territoire, rentrer chez vous ».
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Le Mandén
En fait, qui sommes-nous? Immigré qui es-tu? Tu es de l'Afrique, l'Afrique anciennement partagée entre des colons par des colons. Il est temps que tu sois décolonisée, Afrique, et c'est précisément là où je veux en venir. L'Afrique est-elle intelligente? Si oui quelle orientation faut-il donner à l'intelligence de l'Afrique? La toute première et la plus importante, celle qui est indispensable et urgente, même très urgente, est son orientation vers sa décolonisation totale et définitive, et à mon avis, tout le reste suivra sans entrave. La véritable première constitution du monde n'est elle pas du Mandén? Vous le savez peut être, mais je me permets juste de vous le rappeler... Quand le roi Soundiata Kéita, vainqueur du roi sorcier du Sosso, Sournaoro Kanté fut érigé empereur, en réunissant tout le Mandén, fondant ainsi l'empire du Mali, il constitua une assemblée (1235-1236) d'où sortira la charte du Mandén à laquelle des esprits saints attribuent sans doute une allure de constitution. .. Je me permets là aussi d'en transcrire ici deux versions, celle rapportée par des maîtres de la parole... étudiée et enseignée par un des mes papas les plus brillants Youssouf Tata Cissé, et celle rapportée par la conférence des historiens à Kankan, en Guinée en mars 1998. D'abord, la traduction de YoussoufTata Cissé: Le Mandén fut fondé sur l'entente et la concorde, l'amour la liberté et la fraternité. Cela signifie, qu'il ne saurait y avoir de discrimination ethnique, ni raciale au Mandén.
Tel fut l'un des buts de notre combat. Par conséquent, les enfants de «Kontoron et de Sanènè» font, à l'adresse des quatorze parties du monde, la proclamation suivante: Toute vie humaine est une vie. n est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre, Mais une vie n'est pas plus ancienne, plus respectable qu'une vie, De même qu'une vie ne vaut pas mieux qu'une autre VIe. Les enfants de «Kontoron et de Sanènè» déclarent: 1- Toute vie étant une vie, tout tort causé à une vie exige réparation. 2- Par conséquent, que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause de tort à son prochain, 3- Que nul ne martyrise son semblable. Les enfants de « Kontoron et de Sanènè » déclarent: 4- Que chacun veille sur son prochain, que chacun vénère ses géniteurs, 5- Que chacun éduque ses enfants, que chacun pourvoie aux besoins des membres de sa famille. 6- Les Nyamakalas se doivent de dire la vérité aux Chefs, d'être leurs conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l'ordre sur l'ensemble du royaume La résolution à l'issue de la rencontre des historiens en Guinée (1998) donne ceci: La Charte de Kouroukan Fouga Les représentants du mandé primitif et leurs alliés, réunis en 1236 à Kouroukan Fouga, actuel cercle de Kangaba en République du Mali après l'historique
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bataille de Kirina ont adopté la charte suivante pour régir la vie du grand ensemble mandingue.
I - De l'organisation sociale Article 1er : La société du grand Mandé est divisée en seize (16) porteurs de Carquois, cinq (5) classes de marabouts, quatre (4) classes de Nyamakalas. Chacun de ces groupes a une activité et un rôle spécifiques. Article 2 : Les Nyamakalas se doivent de dire la vérité aux chefs, d'être leurs conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l'ordre sur l'ensemble du royaume. Article 3 : Les Morikanda Lolu (les cinq classes de marabouts) sont nos maîtres et nos éducateurs en Islam. Tout le monde leur doit respect et considération. Article 4 : La société est divisée en classes d'âge. À la tête de chacune d'elles est élu un chef. Sont de la même classe d'âge les personnes hommes ou femmes nées au cours d'une période de trois années consécutives. Les Kangbès (classe intermédiaire entre les jeunes et les vieux) doivent être conviés pour participer à la prise des grandes décisions concernant la société. Article 5 : Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. En conséquence, toute tentation d'enlever la vie à son prochain est punie de la peine de mort. Article 6 : Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué le Kon"gbèn WoW (un mode de surveillance) pour lutter contre la paresse et l'oisiveté. Article 7: Il est institué entre les Mandenkas, le sanankunya (cousinage à plaisanterie) et le tanamanyoya (forme de totémisme). En conséquence, aucun différent né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l'autre étant la règle. Entre beaux-frères et 39
belles-sœurs, entre grands-parents et petits-enfants, la tolérance et le chahut doivent être le principe. Article 8 : La famille KEITA est désignée famille régnante sur l'empire. Article 9 : L'éducation des enfants incombe à l'ensemble de la société. La puissance paternelle appartient en conséquence à tous. Article 10 Adressons-nous mutuellement les condoléances. Article Il : Quand votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le voisin. Article 12 : La succession étant patrilinéaire, ne donnez jamais le pouvoir à un fils tant qu'un seul de ses pères vit. Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu'il possède des liens. Article 13 : N'offensez jamais les Nyaras. Article 14 : N'offensez jamais les femmes, nos mères. Article 15 : Ne portez jamais la main sur une femme mariée avant d'avoir fait intervenir sans succès son man. Article 16 : Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos Gouvernements. Article 17 : Les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme des vérités. Article 18 : Respectons le droit d'aînesse. Article 19 : Tout homme a deux beaux-parents: Les parents de la fille que l'on n'a pas eue et la parole qu'on a prononcé sans contrainte aucune. On leur doit respect et considération. Article 20 : Ne maltraitez pas les esclaves, accordez leur un jour de repos par semaine et faites en sorte qu'ils cessent le travail à des heures raisonnables. On est maître de l'esclave et non du sac qu'il porte. 40
Article 21 : Ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses: du Chef, du voisin, du marabout, du féticheur, de l'ami et de l'associé. Article 22 : La vanité est le signe de la faiblesse et I'humilité le signe de la grandeur. Article 23 : Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d'honneur. Article 24 : Ne faites jamais du tort aux étrangers. Article 25 : Le chargé de mission ne risque rien au Mandé. Article 26 : Le taureau confié ne doit pas diriger le parc. Article 27 : La jeune fille peut être donnée en mariage dès qu'elle est pubère sans détermination d'âge. Le choix de ses parents doit être suivi quelques soit le nombre des candidats. Article 28 : Le jeune homme peut se marier à partir de 20 ans. Article 29: La dote est fixée à trois bovins: un pour la fille, deux pour ses père et mère. Article 30 : Venons en aide à ceux qui en ont besoin.
II - Des biens Article 31 : Il y a cinq façons d'acquérir la propriété: l'achat, la donation, l'échange, le travail et la succession. Toute autre forme sans témoignage probant est équivoque. Article 32 : Tout objet trouvé sans propriétaire connu ne devient propriété commune qu'au bout de quatre ans. Article 33 : La quatrième mise-bas d'une génisse confiée est la propriété du gardien. Article 34 : Un bovin doit être échangé contre quatre moutons ou quatre chèvres. 41
Article 35 : Un œuf sur quatre est la propriété du gardien de la poule pondeuse. Article 36 : Assouvir sa faim n'est pas du vol si on n'emporte rien dans son sac ou sa poche. III - De la préservation de la nature Article 37 : Fakombè est désigné Chef des chasseurs. Il est chargé de préserver la brousse et ses habitants pour le bonheur de tous. Article 38 : Avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres. Article 39 : Les animaux domestiques doivent être attachés au moment des cultures et libérés après les récoltes. Le chien, le chat, le canard et la volaille ne sont pas soumis à cette mesure. IV - Dispositions finales Article 40 : Respectez la parenté, le mariage et le vOlsmage. Article 41 : Tuez votre ennemi, ne l'humiliez pas. Article 42 : Dans les grandes assemblées, contentez vous de vos légitimes représentants et tolérez-vous les uns les autres. Article 43 : Balla Fassèkè KOUYATE est désigné grand Chef des cérémonies et médiateur principal du Mandé. Il est autorisé à plaisanter avec toutes les tribus en priorité avec la famille royale. Article 44 : Tous ceux qui enfreindront ces règles seront punis. Chacun est chargé de veiller à leur application. À chacun d'apprécier. .. Pour ma part, dans les deux cas, vous convenez très certainement avec moi que cette charte, cette constitution 42
donc, est beaucoup plus inspirée de l'intelligence, et du bon sens que celle des Britanniques en 1222, dont le concept était «Habeas corpus», «aies ton propre corps », considéré par certains comme étant la première déclaration des droits de l'homme, et contesté par autant d'autres gens aussi intelligents pour des raisons, à mon sens, bien justifiées. La décolonisation de l' Afiique passe forcément par une réinsertion des cultures afiicaines par les Africains. Cela sous-entend la compréhension parfaite, par chaque Afiicaine et par chaque Afiicain, du sens réel de toutes les composantes de nos sociétés, le rejet du sens que l'Occident leur a donné en l'inculquant dans nos têtes et le rejet de l'interprétation que l'Occident en a fait, en ayant comme objectif notre déracinement, sachant qu'un arbre sans racine ne tient pas debout. En guise de rappel, un matin, nous recevions des étrangers.. .et que vaut un étranger au Mandé? Je dois dire d'abord que c'est pour moi une grande prétention de parler au nom de toute l'Afiique, n'étant ni historien, ni chercheur, ni archéologue... Seulement un afiicain tout court, un afiicain amoureux de l' Afiique... Mon amour pour l' Afiique est immense à côté de ma connaissance de l'Afrique tel un œuf de sardine à côté d'une baleine. Je me fixerai donc des bornes autour du Mandé dont je suis originaire et dont je suis également loin, très loin de maîtriser toutes les données devant servir de briques de construction aux idées que je prétends défendre.. . Le Mandé devenu par la balkanisation coloniale aujourd'hui le Mali, la Guinée, le Burkina Faso ex Haute-volta, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Ghana, la Gambie, etc. ... Dans le Mandé, l'étranger a tous les droits, tous les privilèges, il mérite l'attention, la protection de tous. 43
Quand un étranger entre dans le Mandé, la première porte à laquelle il frappe lui est automatiquement ouverte. Le premier élément de l'accueil doit être la bonne humeur chez celui qui a l'insigne honneur de le recevoir, même si ce dernier va mal. Ensuite il est tenu de servir à son hôte une bonne dose de sourire pour le tranquilliser, suivi d'une gourde d'eau pour étancher sa soif. L'étranger a ensuite droit à une douche pour se rafraîchir, les espaces de bain étant équipés de wc, il pourra se soulager s'il en a l'envie sans être obligé d'en exprimer le besoin... Car il y a des circonstances, où chier peut être honteux. Pendant ce temps, un repas servi l'attend. Dans le cas où la famille d'accueil serait démuni au point de ne pas avoir de repas en réserve, comme il se doit, elle demandera au voisin, qui pour la circonstance passera discrètement par-dessus le muret qui sépare les deux familles, un plat dont la qualité peut être égale à ce qui est habituel ou meilleure. . . L'étranger, après avoir fini de se laver, de manger, peut aller faire une sieste et se détendre dans un endroit aménagé pour lui... Tout cela avant même qu'il ne dise la raison de sa venue. Après ces différentes étapes viendront les salutations, les bénédictions, les présentations et tout le reste... Ainsi dans le Mandé, quand un étranger arrive chez toi, nous enseigne notre tradition, tu t'occupes de lui, au point de lui laisser ton lit s'il n'y a pas d'autres places. Quitte à toi de «monter dormir dans un arbre» et le lendemain matin très tôt avant son réveil tu descendras de l'arbre sur la pointe des pieds pour ne pas le déranger, le réveiller... Pour qu'il ne se rende pas compte que tu t'es donné de la peine pour lui, sans savoir sa religion ou son origine... C'est cela un étranger au Mandé. 44
Nous avons dû, et cela continue aujourd'hui encore dans le Mandé profond, abandonner par générosité nos couchettes pour nos étrangers, par admiration pour les êtres humains qu'ils sont, le Mandé profond que je regrette, que je réclame, que je ne cesse de pleurer dans nos grandes villes, car aujourd'hui, les grandes villes Mandéka, anciens sièges du colon ayant servi de terrain de semence des premières infrastructures de l'acculturation, évoluent sans le Mandé. Là commencent les pratiques de l'esclave qui veut ressembler à son maître et à partir de là pour nous, le monde évolue de la même manière mais pas à la même vitesse. Voyez-vous? La France n'est pas née avec l'électricité. Autrefois dans le Mandé, l'on construisait des cases sans clôture et n'importe qui pouvait venir de n'importe où pour y entrer. Ce temps est révolu. Puis l'on a mis des clôtures pour délimiter les familles, mais des clôtures dont la porte n'avait pas de battants dont toute porte était une porte d'entrée. Ce temps est révolu. On a commencé à mettre des sortes de paravents devant les portes pour que les animaux ne viennent pas salir la cour tard dans la nuit, et après ces moments, petit à petit, l'évolution du temps aidant, nous voyons des villas toutes faites dans ces grandes villes, avec des portes constamment fermées à clé avec à la devanture le portrait d'un grand «berger allemand », la gueule ouverte en position de dévorer la tête de n'importe quel passant, en dessous duquel portrait il est écrit «attention chien méchant» . L'esclave veut ressembler à son maître, ce grand maître futuriste éclairé par excellence, qui a savamment et minutieusement creusé le gouffre sans fin au bord duquel il a placé l'Afrique à laquelle il a fini par demander de 45
faire un pas en avant... «En avant» signifiait pour la pauvre Afrique aveuglée par le bandeau de la traîtrise, de la méchanceté pure, un pas vers un avenir radieux, en guise de récompense à son accueil, ô combien généreux. .. Sur ce coup-là l'Afrique a été généreuse comme un criquet... Et c'est même peut-être pour cette raison que les criquets se retrouvent en nous et ne nous quittent plus jamais... Ils sont devenus nos frères ennemis... Prenez un criquet par les pattes, il vous les abandonne en s'envolant. L'Afrique est donc tombée dans ce gouffre sans fin, dans lequel elle se trouve encore et se cherche sans aucun espoir de se retrouver. L'Afrique n'a pas cherché à partir en Occident, c'est bien d'abord l'Europe qui a cherché à découvrir le monde et nous n'avons été que victimes de notre humanité, car étranger le matin, le colon est devenu au soir le maître de nos lieux... C'est donc ainsi que le Mandé est devenu aujourd'hui un des endroits les plus pauvres du monde en étant un des rares endroits au monde où l'on ramassait l'or et diamant à même le sol. Le roi Kankou Moussa en allant à La Mecque vers le 13èmesiècle y est allé avec tellement d'or, que le cours mondial de l'or a chuté... L'empire du Mali au cœur du Mandé a fait partie de la première carte géographique confectionnée, à cause de sa richesse. Si l'Occident nous était venu en ami, il nous aurait proposé en plus de l'oralité de nous aider à écrire nos langues dès les premiers contacts. Aujourd'hui, presque tous les pays qui se sont développés l'ont été avec leurs langues. Le choix d'apprentissage de la langue de l'étranger ayant été le choix de l'étranger et étant donné que nos lois 46
nous interdisent de contrarier l'étranger par respect pour lui, nous ne pouvions faire autrement que d'obéir et de respecter ce choix. Mais au moment où certaines consciences s'éveillaient en soupçonnant le piège, la subtilité maléfique fit place à la barbarie des armes de destruction massive de l'époque, des canons et autres... De gré ou de foree, nous n'avions plus désormais que le choix de l'étranger, l'étranger devenu le maître. Nous voici de nouveau déroutés. Dans le Mandé, une simple rencontre cesse d'être une rencontre pour devenir une amitié, et une amitié se transforme de façon spontanée en une fraternité et cela avec la plus grande sincérité... Vous comprenez alors pourquoi un peuple comme celui-là peut facilement se faire avoir par la ruse des mal intentionnés? La légende dit que le premier homme qui a dompté le cheval, a d'abord commencé à lui tendre une poignée d'herbe, puis deux, puis trois... Jusqu'à ee que le cheval soit en confiance puis, à la place de la poignée d'herbe, qu'il ait pris le mors dans sa gueule... Allez croire qu'un jour il y aura un renversement de situation... Cela peut aider à la compréhension. .. Mais ce n'est pas tout à fait cela. Dans notre cas, il s'agit d'une affaire qui se passe d'homme à homme, d'être humain à être humain, avec de part et d'autre la même constitution physique, biologique, la même possibilité d'atteindre le même degré d'intelligence, les mêmes sensations... C'est cela qui fait que dans ce cas-là, le renversement de situation peut être envisagé. Mais notre génération doit commencer ce travail maintenant et tout de suite pour que dans quelques centaines d'années, nos 47
descendants puissent enfin commencer à voir la lumière du jour pendant que le maître a terminé de gravir tous les échelons possibles dans la vie et qu'à son tour, il commence la dégringolade car comme le dit Nietzsche: «Que peut une chèvre au sommet d'une montagne sinon descendre? ». Je ne fais pas là un vœu... Si je dois en faire, c'est bien celui d'une mondialisation à visage humain, un équilibre social généralisé où I'homme pourra sans aucune discrimination communiquer avec I'homme en frère et en ami, sans autre intérêt que la magnificence de la race humaine, car l'humanité ne sert à rien si ses valeurs ne servent pas l'homme. Il est donc souhaitable que I'homme comprenne pour la beauté de la vie que Dieu nous a servi avec amour, que toutes les âmes s'équivalent. En effet, quand vous mettez l'âme d'un éléphant dans un des deux côtés d'une balance et de l'autre côté l'âme d'une fourmi, il est certain que les deux âmes s'équilibreront. Toutes les âmes s'équivalent, de même toutes les cultures s'équivalent autant. Aurions-nous vraiment d'autres choix que de fonctionner dans le monde comme la vie dans la bouche? Quand le champ de ton voisin prend feu, si tu ne l'aides pas à éteindre l'incendie, le feu finira par brûler ton champ, quelles que soient les précautions que tu auras prises à ton seul niveau pour ta propre sécurité... Fonctionner comme dans la bouche... Dans la bouche, la langue et les dents cohabitent tout le temps et depuis toujours. Il leur arrive de se quereller souvent, d'avoir des embrouilles et même, quelquefois de verser du sang entre elles... Mais aussitôt la salive intervient avec ses qualités d'antibiotique... Tous les 48
éléments se retrouvent petit à petit avec la volonté de rester ensemble, travailler ensemble, communiquer ensemble, vivre ensemble pour que la tête puisse continuer à penser tranquillement, le ventre continue à faire tranquillement son travail de digestion, les pieds peuvent marcher convenablement, les bras peuvent travailler convenablement... Enfm, pour que l'homme vive convenablement. Je me trompe peut-être, je ne suis pas savant, mais je suis croyant, Dieu seul est savant... Et tant que la science, que le monde détient et cherche à maîtriser, ne vient pas à bout de la mort, je serai croyant, la science qui au fond est devenue le seul véritable espoir de I'homme mais vers quel but? Je ne sais pas... Albert Einstein ou qui d'autre? Je ne sais pas, aurait dû trouver la bombe atomique et maîtriser en même temps ce qu'elle pouvait provoquer comme dégâts. . . Nostradamus aurait pu éviter sa propre mort dont il avait prophétisé le moment, car un homme averti en vaut plusieurs. Et pourquoi le couteau avec lequel on découpe la viande pour la manger devient souvent l'arme qui a servi pour poignarder son propriétaire ?.. Le degré de ma compréhension n'est pas arrivé à expliquer des états de faits pareils. Et pourtant, ça al' air banal. Pour essayer de mettre un peu d'ordre dans mes idées, je disais que pour moi, la décolonisation de l'Afrique passe forcément par des étapes comme le fait de soigner les africains malades du complexe... Et du gommage de l'acculturation.. . Qu'est-ce qu'on nous a fait croire? On nous a fait croire, et nous y avons cru, et avons même transmis à nos enfants comme nos contes et nos proverbes, nos masques, 49
nos arts et nos valeurs, légués par nos parents, que pour nous, la femme a une place secondaire, qu'elle n'avait que des devoirs mais pas de droits: le devoir de faire la cuisine, de recevoir son époux dans le lit Ge demande pardon à nos mères), de faire des enfants, plusieurs enfants... Comment savoir ce que c'est que l'amour, si la femme est toujours en position de faiblesse et de dominée? Aujourd'hui encore, on peut entendre quand deux femmes Malinkées se disputent, l'une dire à l'autre: « Aussi puissante que tu soies, tu te coucheras toujours derrière un homme». En vérité, dans la tradition du Mandé, chacun de l'homme et de la femme connaît sa place dans le lit. La femme se couche derrière I'homme par rapport à la porte. Mais cela ne veut pas dire qu'elle a une place secondaire. Ça veut dire quoi alors? À l'époque où les portes n'étaient pas ou presque pas fermées et où les villages n'étaient pas si loin de la brousse, à l'époque où quelques serpents perdus ou quelques fauves égarés pouvaient surgir à tout moment, sur une place, dans une cour et même souvent dans les cases, l'époux en garde du corps se couchait vers la porte et se tenait prêt à braver n'importe quel danger pouvant éventuellement les surprendre. À défaut de pouvoir vaincre ce danger, il l'entraverait au moins au prix de sa vie, le temps que l'épouse sauve la sienne propre. Preuve de comportement phallocrate ou preuve d'amour ? Une interprétation erronée et déviante de cet enseignement de nos traditions, qui n'est autre qu'un esprit de sacrifice pour protéger l'aimée, nous a dégoûté de nous-mêmes en y croyant. À cette époque, l'on se nourrissait de petits gibiers et pour en avoir, on devait risquer de servir soi-même de 50
repas à un lion, une panthère, un cobra etc Et là aussi, l'époux s'est donné le rôle de celui qui est prêt à donner sa vie pour que vive son épouse aimée, qui devait attendre en toute sécurité la viande fraîche que lui apportera son chasseur forcené. C'est donc avec plaisir qu'elle se mettra à cuisiner pour la famille. Quelle preuve d'amour! Voilà les raisons qui faisaient que l'épouse restait à la maison pour faire la cuisine et que l'époux devait être très souvent dehors. Est-ce une raison noble, ou une raison de jalousie ou d'esprit de phallocrate que la femme devait rester à la maison? Aussi la jeune africaine doit comprendre, la jeune africaine hébétée par les interprétations malsaines de nos traditions, que chez elle au Mandé, la femme est un être sublime car c'est en elle que Dieu lui-même a placé son propre laboratoire, là où il transforme la simple goutte d'eau en être humain, comme le dit si bien Amadou Hampaté Ba. Toutes les injures peuvent être pardonnées au Mandé sauf celles qui s'adressent à la mère, qu'elle soit sienne propre ou celle d'autrui. Il a été dit que nous marginalisons la femme à tel point qu'elle n'avait pas le droit d'assister aux grandes discussions concernant la vie en communauté, y compris la sienne propre. Mais pourquoi n'ont-ils pas pris en compte le fait que quand les hommes sous l'arbre à palabres, dans le vestibule du chef de village ou autour des patriarches, n'arrivaient pas à trouver une solution à un problème donné, concernant la vie de la communauté, l'on mettait fin à la séance de ce jour, en se disant « Revenons demain, la nuit porte conseil» ? L'Occident n'a vraiment pas la clé de toutes les portes de chez nous. «La nuit porte conseil» signifie que la 51
solution qui sera certainement trouvée le lendemain aura été soufflée par une femme à l'oreille de son époux au cours de la nuit. Dans le Mandé donc, l'organisation de la société admet que la femme est aussi considérée comme plus intelligente que l'homme, plus éclairée que l'homme. Chaque peuple dispose d'un plan original pour l'organisation de sa société. C'est bien ce qui fait la richesse, la diversité du monde et aussi sa beauté. C'est encore quelque part, dans ce Mandén, et plus précisément dans les villages de Massala et de Bassakoungo, que des femmes de l'ethnie Bobo vont semer la première graine d'une révolte dite la révolte des populations du Haut Sénégal Niger, au temps colon, révolte qui gagnera petit à petit le reste des africains et qui aboutira sur la création du véritable grand parti panafricaniste, indépendantiste africain, le RDA (Rassemblement Démocratique Africain), dont les actions contribueront plus tard à l'accession à l'indépendance de nos états... Et nulle part naguère, en Afrique, il n'y a eu de révolte d'une telle ampleur, disent les connaisseurs. Pensez-vous vraiment que de façon délibérée, notre philosophie en matière d'organisation sociale pourrait donner une définition minable à la femme? Franchement, ce sont des mauvais africains, comme il en existe dans tout le monde, qui peuvent appliquer de telles idées... Mais je ne crois pas qu'il faut dire d'un peuple qu'il est de nature à voler quand on y décèle quelques voleurs. ... J'ai entendu dire que les premiers dictionnaires français définissaient la femme comme étant le féminin de l'homme. ..
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C'est peut-être vrai mais ça me parait un peu bizarre comme défInition de la femme. Revenons à cette révolte des bobos. La rencontre à Bamako pour la commémoration du 90èmeanniversaire de la« révolte des bobos », rapporte à
son issue, que c'est en 1915 - 1916, que commence véritablement ce mouvement révolutionnaire dans un village dafrn. Je suis moi-même dafrn, cette ethnie dérivée du malinké. En effet, en zone bobo, son déclanchement fait suite à l'envoi sur le chantier du travail forcé d'une femme à terme, Ténin Coulibaly, qui va accoucher et perdre son nouveau né... Merci à la France pour la Femme, pour l'enfant...pour l'humain. Les hommes qui traînaient jusqu'ici le pas seront motivés par leurs femmes qui les boudent au lit et fmiront par quitter leur pagne en guise de protestation. .. C'est alors, que les hommes ont proclamé la fIn de l'oppression. La révolte se généralise et embrase au-delà du village DafIn, le village bobo de Dédougou et ceux d'ailleurs, le pays dogon etc.. . . Le père du père de mon père, El Hadj Adama Dembélé dit Koula Ladji, fait parti des cinq grandes fIgures qui ont mené cette révolte. Il a provoqué la marche des rebelles bobos et marakas du nord de la route San-Dédougou sur la route de Koro à 16 km de l'est de San, le 19 avril 1916. Et 46ans après jour pour jour, je suis né 19 avril 1962. .. Chez les Wobes, on pense que le nez est placé là où il est simplement pour que les deux yeux ne se regardent pas. C'est rigolo pour le savant, mais c'est la vérité des Wobes.
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Que le goitreux ne se moque donc pas du bossu, car aucun des deux n'est bien portant. En Occident, c'est l'épouse qui prend le nom du mari, mais pas le contraire. Et l'Occident a bien ses raisons de penser comme cela et nous le respectons. Dans le Mandé, la femme mariée garde son nom de jeune fille pour qu'elle existe en tant qu'être indépendant.
Que le Mandéka en soit fier.
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Les occidentaux préfèrent péter publiquement plutôt que roter. Cela est tout à leur honneur. Pourquoi le Mandéka devrait se mettre à péter devant sa belle-mère quand il pense que péter publiquement est honteux et à s'abstenir de roter quand il est content d'avoir été rassasié? Un enfant occidental doit par respect regarder ses parents dans les yeux quand ils lui parlent, nous apprécions, mais qu'on ne désapprouve pas nos règles en la matière quand, au Mandé l'enfant ne doit pas croiser leur regard. La joliesse du monde réside dans sa diversité. Aucun pays africain n'a ouvert sa bouche pour dégrader le fait que les vieux parents occidentaux sont placés dans des poubelles... Des poubelles très propres... mais des poubelles quand même subtilement appelées des « maisons de retraite ». Nous ne sommes pas obligés de faire pareil, c'est tout. Notre philosophie en la matière est que nous sommes nés dans leurs mains, ils finiront dans les nôtres. De grâce, qu'on ne se moque pas de nous en parlant de la polygamie que nous admettons mais qui n'a jamais été une obligation. En Occident, qui n'a jamais péché n'a qu'à jeter la première pierre... L'Afrique n'a jamais créé d'ONG pour lutter contre les Français qui trompent leurs 54
épouses. L'Afrique n'a jamais créé d'ONG pour faire des sensibilisations contre le fait qu'en Occident des femmes et des hommes sont autorisés à changer de sexe... L'histoire ne peut jurer que Louis XIV n'a eu qu'une femme dans sa vie. L'Afrique a appris à aimer l'Occident en respectant ses choix dans sa manière de voir les choses sans lui porter de jugement. Voilà comment je pense qu'il faut que nos rapports soient. On m'a raconté qu'un jour en Occident un africain s'est retrouvé dans un restaurant au milieu de plusieurs autres clients blancs. Il choisit dans le menu un plat fait de viandes, d'os et de frites, qu'il mangeât avec beaucoup d'appétit. Des frites, il n'en restait plus rien, de la viande aussi. Et le voilà qui attaque les os avec ses dents pour aller chercher la moelle des os. Un client blanc qui occupe la table d'à côté lui demande: - «Excusez-moi Monsieur, mais qu'est-ce que vous laissez à vos chiens chez vous?
- Chez nous?
Répond
l'africain,
chez nous,
cher
Monsieur, les chiens mangent de la salade. » Le blanc qui mangeait de la salade ne dit plus rien et le noir continue à sucer son os. Les blancs n'aiment ou n'apprécient que des femmes maigres. Le Mandéka aime les femmes maigres et les femmes grosses avec des fesses bombées, où est le problème? Tout ce qui est petit est mignon, dit-on en Occident. Le Mandéka ne dit pas le contraire, mais seulement, il ajoute « tout ce qui est gros est gracieux », où est le problème? Ce qui est souhaitable c'est que l'africain ne soit pas obligé d'appeler sa case nuptiale, une lune de miel parce que pour lui au départ case et nuptiale vont ensemble
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mieux que lune et miel. L'abeille a beau allé loin, elle ne pourra atteindre la lune pour y faire du miel. Non? Il est plus facile pour une femme en Occident de montrer ses fesses plutôt que ses seins. Et bien dans le Mandé c'est exactement le contraire. Mais franchement dites-moi pourquoi les filles du Mandé doivent se mettre subitement à exhiber leurs fesses? J'assume que l'excision était une de nos pratiques sans en avoir honte. Je ne l'appelle pas une pratique barbare mais une réalité d'une époque que je condamne aujourd'hui avec la dernière rigueur. L'Occident ne croyait-il pas avoir raison de vouloir tuer Galilée quand ce dernier a affirmé que la terre tournait? Tous les peuples du monde ont dû faire des bêtises. Mais au fur et à mesure de l'évolution, on se rend compte qu'il y a des traditions à jeter et d'autres à conserver pour le bien-être. À mon avis, l'Occident peut donner des leçons de finance, de marketing à l'Afrique parce que la colonisation a tout fait pour que nous perdions le sens des affaires, que nous n'ayons pas d'esprit d'initiative en la matière, que nous prenions goût à la soumission et à l'acceptation... Nous n'avions pas le choix face aux armes de destructions massives de l'époque, mais l'Occident ne peut donner une leçon de vie sociale à l'Afrique. Au contraire, elle a tout à gagner en imitant le modèle africain. L'humanité ne sert à rien si ses valeurs ne servent pas l'homme. Tout ce que l'Homme crée, doit être fait avec l'esprit de servir l'Homme, pas seulement un groupe d'hommes mais l'Homme, c'est-à-dire l'espèce humaine. Je trouve qu'il y a des africains qui jouent aux types malins. Ils prennent de l'argent sous le couvert d'une ONG, d'une association, etc. ... Pour lutter contre ceci, 56
pour cela... Mais en réalité ceux-là sont plus préoccupés par leurs propres images, leurs propres poches que par les causes pour lesquelles ils sont sensés être engagés. Ils font quelques actions pour être médiatisés, pour avoir quelques preuves justificatives en cas de vérifications... En réalité ce n'est que du bluff... C'est en fait le groupe d'africains qui est aussi animé par le désir inconscient de vengeance. Ils se disent « ils nous ont assez eu, donc bouffons-les tant que nous en avons l'occasion ». C'est le geme d'africain qui profite de ces aubaines pour se démarquer de leurs frères et soeurs restés honnêtement et dignement modestes. Dans tous les cas, le côté fric de la chose intéresse beaucoup plus que l'objectif à atteindre. Mais ils sont, ou elles sont tellement bons comédiens ou bonnes comédiennes que l'on peut y croire facilement. En Afrique, des colons ont obligé, forcé je dirais, des époux à assister au viol de leurs épouses, des femmes et des hommes ont été cravachés, torturés longuement comme des ânes révoltés, sous le regard impuissant de leurs enfants, et celui ou celle qui résistait plus, était écrasé devant les siens comme un pou, sans aucune raison valable, je dirais même sans aucune raison que d'entretenir un sadisme. Qu'est-ce qui s'est passé à Thiaroye? Oui mais peut-être qu'un petit rappel est nécessaire. . . Après la deuxième guerre mondiale, donc la chute de l'Allemagne et la victoire des Alliés, les combattants africains, qu'on a globalement appelé «les tirailleurs sénégalais », ont été placés dans un camp à Thiaroye au Sénégal... N'ayant pas compris pourquoi les combattants blancs qui avec eux, au même titre, avaient gagné la guerre et libéré la France, étaient deux ou trois fois, je ne 57
me souviens plus exactement, mieux payés qu'eux, ils ont posé des questions et réclamé leurs droits. La réponse? Les canons, les armes de destructions massives ont craché sur eux leurs feux ardents et mortels. Affaire classée. Feu Sembène Ousmane en a fait un film absolument fidèle à la réalité historique, « Thiaroye », qui n'est jamais sorti en France à l'époque, pour des raisons de censure je présume.. Mais enfin, vous savez tout cela, des plumes plus savantes et plus éloquentes l'ont dit et redit à plusieurs reprises dans des formes absolument bouleversantes. À partir des centaines de milliers de faits aussi barbares, grotesques, humiliants... criminels, de façon consciente, parce que sa conscience a été volontairement matée jusqu'au dernier souffle, l'Afrique ne pouvait que mettre son destin entre les mains du colon et du hasard et le colon en a fait ce qu'il veut, c'est-à-dire ce qu'elle est aujourd'hui et pour longtemps, pour très longtemps, l'Afrique la grande abrutie.
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L'Afrique est-elle intelligente? Croyez-moi, si le colon n'était pas venu en Afrique, elle aurait trouvé toute seule le chemin de son développement parce qu'elle est intelligente et humaine... En son sein, un enfant a plusieurs pères et mères et ses pères et mères se sentent ses géniteurs propres. En son sein, nos grands-mères et nos mères sont allées au-delà de tout égoïsme en acceptant leur polygamie, en considérant plutôt ce qu'elle peut avoir comme impact positif sur la vie sociale. Il leur arrive même d'échanger volontairement leurs enfants pour éviter toute rivalité possible. Et pourtant dans aucune loi africaine, la polygamie n'apparaît comme une obligation. Au sein de l'Afrique, Ie respect des parents, l'âmé par l'enfant est naturellement obligatoire, en guise de reconnaissance à celle qui l'a porté des mois dans son ventre, à celui qui est son géniteur, à ceux qui l'ont vu naître, grandir et qui lui ont accordé à chaque instant de sa vie d'enfant la plus grande attention sans relâche, jusqu'à ce qu'il ait l'âge de se prendre en charge, pour que la douleur de l'enfantement soit compensée, pour leur donner la joie de savourer le fruit de plusieurs années de dépense d'énergie, d'attentions financières, physiques, spirituelles. Tout cela basé sur un amour pur, qui a été consacré à leur enfant pendant toute son enfance... Quand des enfants blancs s'amusent entre eux, on les entend dire très souvent: «T'as pas le droit... ». Mais quand des enfants africains de l'Afrique s'amusent, on les entend surtout dire: «Père ne nous a pas dit que... » ou
« Mère ne nous a pas dit que... ». Dans le premier cas, la loi a pris la place des parents, et dans le deuxième les parents sont toujours présents... Un ami, donc un frère Malinké m'a raconté un jour qu'il a eu la chance de faire quelques mois de stage avec une bourse à Paris et qu'à la fm de chaque mois, il disait à son voisin de table qui est français de pure souche: «Il faut que j'envoie de l'argent à mes parents ». Au bout de quelques mois, son voisin lui dit: - « Au fait, combien dois-tu en tout à tes parents?
- Combien
je leur dois? Répond-il...
Mais ce sont mes
parents! - Et alors? -Alors je leur dois ma vie... - Ils n'ont pas fait exprès, c'était pour se faire plaisir... - Qu'est-ce que tu dis là, mais enfin je leur dois la vie, mon éducation... - Ben! Ils n'avaientpas le choix à partir du moment que tu es né... ». Le jeune français disait tout cela très amusé en étant convaincu qu'il avait raison. Mon frère malinké a dû mettre fin à la discussion quand il a compris qu'il n'y avait rien à faire pour se faire comprendre par son interlocuteur. Il lui a simplement dit pour clore la discussion: «Chez nous, parmi nos nombreux défauts, l'ingratitude n'existe pas» . Enfm, il a fini par me dire: «Si je vois comment les enfants des Toubabs se comportent à leur endroit: Papa, t'es fou, Maman, t'es folle... Et qu'avec tout cela ils réussissent à se faire une bonne situation, j'en viens à me poser la question suivante: la malédiction des parents existe-t-elle vraiment? ».
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Je lui réponds que ce qui est censé attirer la malédiction parentale sur un enfant, c'est ce que l'enfant fait ou dit et qui fait mal aux parents.
Or chez les blancs, «maman t'es folle », «papa t'es fou» n'irrite pas généralement les parents Toubabs ; alors la malédiction n'a pas de faille par où entrer. Enfin, tout ça, vous me direz ce n'est ni l'ordinateur, ni la machine, ni l'avion, ni le nucléaire... Tous faits par l'homme pour le bien de l'espèce humaine, mais faut-il que l'on reconnaisse qu'une telle vision africaine d'une telle organisation sociale n'est pas tout à fait bête. Dans le Mandé et peut-être dans beaucoup d'endroits en Afrique, nous avons trouvé une manière fabuleuse pour le maintien intégral de nos personnes âgées... Les petits garçons sont les petits maris de leurs grandsmères, les petites filles les petites épouses de leurs grandspères. Une plaisanterie sans fin s'engage entre eux, du genre: «Si tes dents ne repoussent pas d'ici à une semaine, je te divorcerais... », (Le petit fils à sa grand-mère) ou « si tu ne laisses pas ma femme tranquille, (le petit fils à son grand-père parlant ainsi de sa grand-mère), je te confisquerais ta canne et on verra de toi à moi qui est le plus fort », ou encore «je préfère les plus jeunes car ils savent marcher en se tenant tout droit» (la petite-fille à son grand-père), etc. ... Les grands-parents retrouvent petit à petit goût à la vie. Ils sentent qu'ils servent encore à quelque chose dans la vie de la famille, dans la vie de la société. Ils s'improvisent alors en conteurs, animent des soirées, entourés de leurs nombreux petits-enfants attentionnés, émerveillés par les différents récits. . .Constamment,
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aujourd'hui s'inspire d'hier pour un futur meilleur, meilleur sur le plan humain. Voyez-vous au Mandé, le climat est caniculaire presque tout le temps, mais il n'a jamais fait 3000 morts en un temps aussi record que celui que l'Europe a connu en 2003. Au Mandé, l'unité des familles, l'unification de tous les Malinkés est sacrée: Adara et Madou sont des frères. Ils sont nés et ont grandi sous le même toit, celui de leur père. Ils ont tout partagé jusqu'à leur mariage. Mariés ils ont habité côte à côte avec un muret qui sépare leurs foyers respectifs. Ils ont élevé leurs enfants de la même manière qu'ils ont été élevés, avec le sens de la solidarité entre parents jusqu'à leur vieillissement. Un jour, Adara n'avait plus de céréales, il le dit à Madou qui, naturellement ordonne à ses enfants d'apporter la moitié de leurs provisions à leur petit père Adara. Les enfants ont pris une mauvaise mine en traînant le pas, ne pouvant pas refuser la volonté de leur père, ce qui pour Madou sous-entend «On ne peut pas travailler pour nous et pour les autres ». Puisque qu'Adara et sa famille ne sont que «les autres », Madou est alors entré dans une grève de la faim, même après que ses enfants ont fait ce qu'il leur a demandé. Son épouse, après avoir grondé les enfants, en leur rappelant le sens de la parenté, supplie son mari pour qu'il mette fin à sa grève. Il pardonne à sa femme et continue sa grève. Les enfants regrettent leur acte et viennent s'agenouiller devant lui pour lui demander pardon en insistant sur le fait qu'ils ont bien compris la leçon. Il pardonne à ses enfants et continue sa grève... Deux, trois jours... Il n'est plus tellement jeune. Déjà faible par l'âge, il s'affaiblit de jour en jour par la non alimentation. Le 62
chef de village informé est poliment accompagné chez lui, mais la grève a continué. Son frère Adara lui-même qui a le devoir avant toutes choses de venir dire chaque matin bonjour à son aîné a toujours reçu le même amour sans parvenir à lui faire avaler un grain. Les patriarches, tous les notables du village... Madou garde toujours le sourire et le bon accueil que l'on connaît de lui en supportant son supplice... Au bout du septième jour, dans la matinée, sa femme se réveille, mais lui est resté au lit. On appelle d'urgence le guérisseur qui n'a pu que constater sa mort. Paix à son âme. Au retour du cimetière, après l'enterrement, ses enfants et ceux de son frère Adara se mettent ensemble instinctivement pour casser le mur qui sépare les deux cours familiales pour n'en faire qu'une. Et depuis ils ont cessé de s'appeler entre eux « cousins» pour ne s'appeler que «frères », frères dans le bonheur et aussi frères dans le malheur. Ce n'est pas un conte mais un vécu. Voilà jusqu'où l'enseignement de la tradition peut nous amener. Encore une. Quand Yahé mourut, il ne laissa à ses enfants que du maïs en héritage, un grand tas de grains de maïs. Lors du partage de cet héritage entre ses enfants, tous présents, un coq est venu de par un côté du grenier et a becqueté un grain en s'en allant à toute allure avec. Le maître de cérémonie dit en riant: «Espèce de petit crapuleux... Prendre l'héritage d'autrui? J'espère que tu sais ce que tu fais? ». À ces mots, le coq freine, retourne sur ses pas en vitesse, s'arrête au niveau du tas de maïs et ouvre son bec pour laisser tomber le grain dans le tas et disparaît de l'autre côté du grenier sans faire cocorico. Les héritiers qui étaient tous venus avec dans la tête de chacun: «Je mérite plus que mon frère ou ma sœur », se calment et trouvent 63
sur le champ une solution, maintenant ainsi la stabilité fraternelle en faisant des concessions. Même nos animaux savent que nous ne faisons rien pour rien et que tout ce que nous disons a un sens philosophique convenable à notre société. Je ne sais pas si cela se fait en Occident mais au Mandé, les souris se tiennent la queue pour traverser la route. Dans le Mandé, nous nous méfions de « l'être imbu de lui-même» car nous disons que «tu as beau être malin, tu mettras un jour ta main dans ta merde ». Une femme vient en consultation chez un marabout et lui demande de faire en sorte que son mari retombe amoureux d'elle. Le marabout emegistre ses doléances, mais trouve la femme très belle. Le vice est la chose à laquelle on s'attache le plus rapidement et le plus longuement possible. Il commande à la femme de repasser bien souvent prendre des informations liées à ses travaux magiques sans pour autant lui dévoiler son intention intime. La femme, qui devient de plus en plus régulière et familière, vient un jour de fête comme cela se fait au Mandé entre amis, voisins et parents, offrir un plat délicieux et copieux à son marabout préféré, un plat qu'elle a elle-même cuisiné... Mais voilà que notre marabout, après avoir avalé quelques tartines commence à avoir des vertiges, qui deviennent de plus en plus sévères. Son œil droit commence à regarder son œil gauche. Des bourdonnements envahissent ses oreilles jusqu'à ce que mort s'en suive. En fait que s'est-il passé? Un jour, le marabout offre une poudre soi-disant magique à la femme lui conseillant d'en mettre dans le 64
repas de son mari. Cette poudre une fois arrivée dans le ventre de son mari, transformerait le dégoût de celui-ci envers son épouse en un amour qui se passerait de tout commentaire. Mais comme I'habitude de se fréquenter peut créer souvent des sentiments inattendus, la femme tombe amoureuse du marabout et utilise la poudre qu'il lui avait donnée pour reconquérir l'amour de son mari. Ce produit n'était autre que du poison destiné en réalité à donner la mort au mari de sa cliente préférée pour qu'après il puisse lui-même se l'approprier. Eh, oui! Tu as beau être malin, tu mettras un jour ta main dans ta merde. Dans le Mandé, il est recommandé d'avoir le bon sens en toute circonstance. Il m'a été raconté par Balla Moussa Keïta, paix à son âme, un homme remarquable que je considère en toute honnêteté comme un de mes maîtres spirituels, qu'un jour, à l'occasion de je ne me souviens pas quel événement, Amadou Hampaté Bâ a voulu prendre la parole pour intervenir à propos d'un sujet qui avait été mis sur la table comme matière à réflexion. Je ne me souviens pas non plus si c'était au siège de l'UNESCO à Paris... Aussitôt un type de race blanche l'a violemment rappelé à l'ordre en disant: «Monsieur Hampaté Bâ, voyons, vous n'avez pas de licence, vous ne pouvez pas prétendre défendre un tel sujet... ». Et Hampaté Bâ aurait répondu: «Cher Monsieur, nous n'avons pas de licence, mais nous avons le bon sens. Ce sont des gens de bon sens qui ont créé la licence et le premier homme qui a parlé de licence n'avait pas de licence ». Vous convenez avec moi que quelqu'un de ce gabarit ne peut être né d'un peuple bête, naïf ou inintelligent.
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C'est aussi lui qui est l'auteur de la meilleure traduction du « Sinankunya », le cousinage à plaisanterie, encore une invention africaine, une invention extraordinaire, véritable garant de la stabilité sociale au Mandé. Au Mandé, les Mandéka sont répartis entre des groupes différents, chaque groupe appartient à un nom de famille: Maïga, Ouologem, Keïta, Sangaré, Traoré, Diarra, etc... etc... Qui que tu sois au Mandé tu appartiens à un des groupes constitués, tu as donc un nom. Ce n'est pas tellement différent de ce qu'on trouve ailleurs. Mais sauf qu'au Mandé tous les noms sont connus de tout le monde. Et chaque nom de famille a une histoire le liant à un autre différent. Ces liens entre noms de famille sont comme des pactes dont chacun est tenu de respecter les clauses. Ce pacte s'appelle «le Sinankunya» c'est-à-dire le cousinage à plaisanterie. C'est difficile pour moi d'en dire davantage sans prendre des exemples. Monsieur Traoré et Monsieur Diarra se heurtent au passage dans une rue sans savoir qui est qui. Une bagarre s'en suit. La bagarre s'envenime à tel point qu'ils vont en venir aux mains. La foule accourt pour les séparer. Intéressant! De simples passants s'arrêtent pour intervenir entre deux bagarreurs qu'ils ne connaissent même pas. Cela est évidemment très malinké. Comparez cette situation à l'expérience qu'a tenté une haute personnalité de la culture en France, je ne me souviens plus si on m'avait dit que c'était Ariane Mnouchkine. Elle aurait fait une expérience fabuleuse, une mise en scène tard la nuit dans le métro à Paris où des comédiens devaient violer une comédienne, en observant la scène de loin, rien que pour voir la réaction des Français face à une telle situation. Tout le monde aurait dévié son chemin pour laisser le viol se dérouler tranquillement sauf que voilà un passant qui 66
s'arrête. Enfin un humain parmi les hommes! Mais non, détrompez-vous, c'était pour participer au viol. Retournons au Mandé pour y retrouver Monsieur Diarra et Monsieur Traoré. Ils sont donc séparés par des médiateurs bénévoles. Un des intervenants reconnaît Monsieur Diarra et prononce son nom. À l'instant même, Monsieur Traoré est désarmé. Sa grande colère et son envie de tuer Monsieur Diarra se transforment automatiquement en un regret, voire en honte. Il est donc obligé de se dévoiler tout de suite pris par le même sentiment, parce que chacun aura retrouvé en l'autre son «Sinankun» c'est-à-dire son cousin à plaisanterie. Alors on rigole, on se taquine, plus rien n'est pris au sérieux, tout le monde continue son chemin et la vie continue. Que l'on soit riche ou pauvre, noble ou de caste, cela marche à tous les coups. Quelle intelligence! Ça pour nous, c'est une société aboutie. Les Malinkés savaient que la terre était ronde bien avant Galilée, car dans la langue malinké la terre se dit « dukukolo ». En traduisant littéralement « dukukolo », on obtient «noyau de ville ». La plupart des noyaux ont une forme ronde. L'instrument avec lequel nos mères filent le coton pour en faire des ficelles en coton est composé d'une baguette et d'une boule en argile traversée par un trou que l'on sèche et brûle pour lui donner une résistance, l'endurcir. La baguette est taillée d'un bout enfoncé dans le trou de la boule, la quenouille, qui laisse échapper le petit bout pointu de la baguette. Un des bouts de la fibre de coton est saisi dans la main gauche par la fileuse et à l'aide de l'autre main, elle manie la baguette munie de la quenouille qui tourne en transformant la fibre en ficelle. Ce processus est le symbole de la terre qui tourne. 67
Les Dogons descendants des Malinkés, savaient l'existence de certaines étoiles telle que celle du « Sigui » bien avant la science moderne et cela sans avoir aucun matériel scientifique connu comme tel. Ils savaient aussi l'existence des sept grandes planètes bien avant la science moderne: Jupiter, Mars... Les Dogons ne savent pas ce que c'est que le prix Nobel. Leur but, c'est de servir la vie et de se taire. Chez les Dogons, l'appendicite s'opérait sans ouvrir le ventre, il y a longtemps, très longtemps. Un des vaillants rois de France aurait été opéré de la même maladie et toute la cour et les alentours auraient entendu le roi vociférer comme un espion sous la torture du camp adverse. À l'époque, la science moderne n'avait pas encore découvert l'anesthésie.. . Au Mandé, on est réputé pour la consolidation des fractures des membres en un temps record sans plâtre, ni clou et cela de nos jours encore. Oui en Afrique, nous avions une connaissance parfaite des plantes, des animaux, une connaissance parfaite de la nature. Nous avions nos missiles au Mandé. Le Malinké, pour éliminer son ennemi, capturait un serpent et pas n'importe lequel, sa connaissance de la nature lui permettait de savoir que ce serpent a un venin mortel, qu'il a l'odorat excessivement développé, une mémoire dense et même qu'il est rancunier, très rancumer.
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Il coupait alors une branche de bambou, à la taille du serpent, de façon à le contenir dans le tuyau de la branche. Un des bouts du tuyau est bouché avec une rondelle coupée dans une calebasse, et l'autre à l'aide d'un bout de tissu, pris sur l'habit que l'ennemi porte le plus souvent, censé avoir le parfum naturel du corps de celui-ci. Le 68
serpent emprisonné ainsi est ensuite torturé à l'aide d'une aiguille. Au bout de quelques jours, le serpent libéré cherchera celui dont le parfum l'embaumait dans la case de torture, le trouvera et le mordra fut-il parmi une foule, ça durera le temps que ça durera, mais il le fera quand même. C'est complètement scientifique, ce n'est pas sorcier. Un procédé similaire aurait été utilisé par les vietnamiens contre les américains mais avec des abeilles. Or, des asiatiques seraient venus vers le Ouagadou qui est devenu après le Mandé vers le cinquième siècle, cet endroit de l'Afrique de l'Ouest qu'ils auraient appelé dans leur langue « le Pays du savoir ». Ce n'est peut-être pas faux, parce qu'il semblerait que le premier manguier du Mali est originaire de la Chine et daterait des années 1800 et il aurait été planté à Kita. Allez savoir... Bon, revenons au Vietnam. Quand on veut intervenir sur un tel sujet on en profite pour parler du Vietnam. On n'a pas le droit de passer dessus sans se souvenir de Mohammed Ali qui avait dit à la loi américaine à l'époque de cette guerre stupide: «Je n'irai pas combattre les vietnamiens car aucun vietnamien n'a traité les noirs de sales nègres ». Merci le grand, tu fais partie des meilleurs d'entre nous. Ah! L'Amérique, Dieu sait, tout le monde sait, l'Amérique n'a pas été tendre avec nous. Cette Amérique découverte deux siècles avant Christophe Colomb par Aboubakary IT, prince du Mandé, descendant du demifrère de Soundiata Keita, le fondateur de l'empire du Mali, Empereur du Mandé, roi légendaire du Mandé, le Mandé berceau de la kora, du Ngoni (guitare traditionnelle inventée des années et des années avant la pénétration coloniale). Le Mandé a inventé le balafon...
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Toutes les maladies de l'époque étaient soignées, gratuitement soignées et bien soignées. . . En Afrique, à l'époque c'était banal de voir dans la même cour familiale un vieillard et ses arrières petits enfants s'amuser ensemble pour parler de l'espérance de VIe... Si l'Afrique n'avait pas été colonisée, elle aurait parcourue son chemin d'épanouissement toute seule, son chemin de développement et serait restée avec son pétrole, son gaz, son zinc, son manganèse, son or, son diamant, son cobalt, etc. etc. Et croyez-moi, ce ne serait pas elle, l'Afrique, qui aurait souffert d'avoir en sa possession ses propres richesses, elle aurait pu se débrouiller toute seule, en faire quelque chose avec. Non? Oh que si. n paraît que le pétrole français vient du Congo et pourtant le congolais est expulsé de la France. n paraît que le gaz de l'Algérie est exploité par la France et pourtant l'algérien est expulsé de la France. n parait que le café et le cacao consommés en France viennent de la Côte d'Ivoire et pourtant l'ivoirien est expulsé de la France. Serions-nous des détraqués de profession? De nature? n faut donc que nous ne considérions pas la langue du colon comme la langue du savoir, il faut que nous fassions une différence entre cette langue et le savoir. Un maçon chez nous peut faire une belle maison avec une belle architecture sans parler la langue du colon, un menuisier chez nous peut faire de beaux meubles sans savoir ni lire, ni écrire la langue du colon, nos arrière-grands-parents ont éduqué nos grands-parents sans parler la langue du colon. Que l'on soit ingénieur, professeur, ou savant noir, on est de toute façon issu des gens qui ne parlent pas la langue du colon. La langue et le savoir peuvent faire bon ménage, 70
mais ne dépendent pas l'un de l'autre. C'est ce qu'il faut que l'on sache. Tout en sachant qu'une langue de plus est une connaissance de plus. On se sert de la langue pour communiquer, le savoir n'a pas de langue spécifique. Il faut donc que nous nous mettions à danser de nouveau avec beaucoup plus d'emphase le rythme des vieilles chansons qui disent: «Je suis noir et je suis fier de l'être ». Ce sont des chansons vieilles, mais pas dépassées, elles sont comme la salsa qu'un centenaire aime aussi bien qu'un jeune de quinze ans. Tous en vibrent au même degré et un degré au bord de l'extase. Si l'Occident et l'Afrique sont proches comme le sexe et l'anus, le corps entier auquel ils appartiennent et dont ils font partie, ne doit pas se foutre de l'un ou de l'autre parce qu'il sent mauvais. Ce sont les lois qui sont de plus en plus bêtes mais heureusement pour l'humanité, les peuples sont de plus en plus amis. Voyez-vous? Dans ce monde ici-bas, chacun a un ami dont la race diffère de la sienne. Alors que l'on danse au rythme de cette chanson dite vieille, oui il faut repartir de là... Qu'aucun de nous ne reste sans danser, jeunes et vieux, femmes et hommes, riches et pauvres, handicapés et personnes valides, de l'intérieur et de l'extérieur, dansons pour que soit réorganisé notre «moi» en nous, pour retrouver la confiance perdue, le courage rompu, la vivacité d'esprit ramollie, pour démissionner d'avec la démission, sortir de la retraite anticipée, pour que nos sourires retrouvent l'éclat des dents de nos femmes aux gencives noircies, qui soulignent leur sourires comme le dit Senghor même si tout le monde n'est pas content de lui. Je pense sincèrement que c'est par là que passe la liberté de l'Afrique, c'est bien ce que signifiait le non de Samory Touré contre le colon, ce que signifiait le non 71
d'Alboury Ndiaye contre le colon, le non de Babemba Traoré contre le colon, le non des Touaregs du Mandé, le non d'Ahmed Sékou Touré contre De Gaulle, le non de Kwame Nkrumah contre l'impérialisme, le non de Lumumba contre le roi Baudouin de Belgique et toute autre forme de domination de l'homme par l'homme, le non de Mouammar Kadhafi à la domination de l'homme par I'homme, même si l'on dit des choses horribles de lui, le non de Moussa Traoré à François Mitterrand à La Baule, même s'il est contesté, le non d'Alpha Omar Konaré à Jacques Chirac à Dakar, même si l'opposition au Mali ne pense pas que du bien de lui, le non d'Abdoulaye Wade à Nicolas Sarkozy, émissaire du parlement français sans oublier entre autre le non de Malcolm X, celui de Martin Luther King, de William Dubois, de Mahatma Gandhi à l'Angleterre, du tragédien Christophe, le roi antillais, de Senghor même si on lui reproche sa non sincérité, d'Aimé Césaire à la domination de la race blanche sur la race noire et aussi son refus de recevoir Sarkozy, c'est bien ce qui donne un sens à tout le comportement de Thomas Sankara durant sa vie si courte, pour que chacun de nous renferme en lui un Nelson Mandela, c'est dire l'espoir. Salut, Cabral porteur d'une révolution porteuse. Salut, Guevara porteur d'une révolution porteuse. Oui pour que soit escomptée la liberté, il faut que nous soyons fiers de la noirceur de notre peau, de l'état crépu de nos cheveux, de l'état épaté de notre nez. C'est le chemin le plus long vers le salut et aussi le plus durable. Évidemment, il y a un raccourci qui est de faire un procès contre l'Europe colonisatrice, que cette Europe perde ce procès et qu'elle soit condamnée à payer des frais concrets et liquides à l'Afrique meurtrie, de quoi réparer tous les dommages, dommages moraux, dommages 72
physiques, de quoi redonner la vie à nos arrière-grandsparents assassinés, de quoi faire ressusciter en la génération actuelle l'espoir, le courage, le dynamisme, de quoi réparer les dommages intellectuels, matériels, sociaux... Etc. Etc. Un vrai écrivain aurait trouvé tous les dommages. .. Pour crime avec préméditation... La grande Christiane Taubira a fait ce qu'elle pouvait, c'est-à-dire pouvoir faire de l'esclavage un crime contre l'humanité auprès de l'Assemblée Nationale française. Mais cela ne suffit pas, même si c'est une étape importante vers une solution irrévocable. Mais bon, ne nous leurrons pas, les rares lecteurs de ce texte se foutront de ma gueule à juste titre car, bien évidemment un tel jugement peut-il être rendu? Mon état de croyant me permet de penser que seul Dieu peut le faire. Allez voir « Bamako» un film d'Abderrahmane Sissako, vous pourrez au moins avoir une idée de ce que peut être un procès de ce genre. Qu'on ne se moque donc pas de la chèvre parce qu'elle a son sexe derrière elle, c'est bien sa façon d'être. Elle ne peut se sentir bien autrement. Cet argent servirait à construire des usines partout en Afrique, à créer des grandes et moyennes entreprises partout en Afrique, à créer des laboratoires partout et de tous genres en Afrique, à créer toutes sortes d'infrastructures partout en Afrique, à rehausser le moral de chaque africain, à élever l'Afrique au même rang que l'oppresseur, pour que nous puissions tous discuter équitablement à la même table de négociation, pour que nos soi-disant « présidents de la République» soient enfin des vrais présidents et non de piètres gouverneurs au service des Bush, des Blair, des Chirac, etc., etc.
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Allez dire à George Bush qu'en Afrique nous n'avons pas de bouche pour injurier les femmes et les enfants irakiens, mais que nous avons un cœur pour pleurer les victimes du Il septembre. Il est tellement bête qu'il ira demander à sa négresse de maison ce que cela signifie. De toute façon ce n'est pas Bush mais plutôt la politique de l'Amérique. Parce que Bush tout seul, tout le monde peut lui casser les couilles. Ce qui fait que tout le monde craint l'Amérique à mon avis, c'est qu'elle a plus d'armes nucléaires, plus que tout le monde. C'est tout. Bon... Ce raccourci, je veux parler de ce procès, est bien visible, mais pas praticable. Il est quand même la solution concrète à une des préoccupations majeures de Nicolas Sarkozy qui ne cesse de dire aux vaillants Français, toujours sur un ton hautain, dans chacune de ses apparitions, dans chacun de ces discours: «Je suis le plus intelligent des français. Qui peut dire le contraire? ». Sarkozy, l'auteur de «La colonisation n'a pas fait que du tort ». Les excuses ne pourront jamais effacer cela. Car là, il a fait mieux que Chirac et mieux que Le Pen. Aucune précaution ne pourra mettre fin à l'immigration de l'Afrique vers l' Occident. Tant qu'il y aura des femmes occidentales qui trouveront en des hommes africains un amour et un amour sincèrement partagé; Tant qu'il y aura des hommes occidentaux qui trouveront en des femmes africaines un amour et un amour sincèrement partagé; Tant qu'il y aura des femmes africaines qui trouveront en des hommes occidentaux un amour et un amour sincèrement partagé; Tant qu'il y aura des hommes africains qui trouveront en des femmes occidentales un amour et un amour sincèrement partagé; 74
Tant que des enfants métisses naîtront de part et d'autre; Tant qu'il y aura des enfants occidentaux et des enfants africains qui naîtront ensemble, s'amuseront ensemble, grandiront ensemble en toute amitié; Tant que des occidentaux et des Africains entretiendront des rapports d'amitié et de fraternité; Tant que le son du Djembé plaira à des occidentaux et le son du piano à des africains; Tant que des films ou d'autres formes d'arts occidentaux pourront faire rire, émouvoir, pleurer ou choquer des cœurs africains; Tant que des films ou d'autres formes d'arts africains pourront faire rire, émouvoir, pleurer ou choquer des cœurs occidentaux ; Tant qu'il y aura en Occident des citoyens communistes, socialistes..., gauchistes honnêtes; Tant qu'il y aura en Occident des fondations au service de I'humanité tout court ; Tant qu'il y aura en Occident des gens qui ont le sens de l'humain et qui ont le droit de vote et Dieu sait qu'il y en a beaucoup, heureusement; Tant que les lois en Occident ne trouveront pas les moyens d'éviter que l'eau de la mer en Afrique ne se confonde avec l'eau de la mer de l'Occident; Tant que l'Occident ne trouvera pas les moyens de faire en sorte que l'air qui provient de l'Afrique tourne en rond en Afrique et seulement en Afrique... En considérant la vérité historique et sa répercussion sur la vie socio-économique actuelle des pays africains et le fait qu'il y aura toujours des gens à la mémoire non courte, avec une conscience développée et un profond sens de I'humain en Occident, qui participeront à l'élaboration 75
des lois occidentales, des hommes et des femmes qUI disent oui à une mondialisation à visage humain. . . Il y aura des immigrants africains en Occident qui y seront reçus, soutenus, soignés et défendus. Aucune précaution ne pourra mettre fin à l'immigration de l'Afrique vers l'Occident car le poseur de pièges est tombé dans son propre piège. Nous trouverons une solution même aux visas biométriques. Heureusement qu'il y a des traîtres dans tous les camps. Euh ! Oui. Le phénomène de la répercussion existe. J'y crois comme je crois en Dieu qui l'a créé. Dans la vie, tout ce que tu fais en bien ou en mal te reviendra en bien ou du mal. L'État français par ses consulats contribue maintenant au trafic de visas. Les hommes d'affaires et les piètres grands artistes maliens se sont vus privés de leur créneau favori. Quand mon fils a passé son bac, en raison du fait qu'au Mali si les élèves ne sont pas en grève, ce sont les profs qui le sont, je l'ai inscrit dans une école à Paris, l'UCOGES qui coûte plus de 3.000 euros par an. Après avoir payé la moitié de cette somme et fourni tous les papiers nécessaires à l'obtention d'un visa étudiant, mon fils a été surpris, pas moins que son père, de se le voir refuser. Mais quelques jours plus tard, j'ai eu la preuve que les fonctionnaires français du consulat de France au Mali voulaient que je leur paye « au noir» trois millions cinq cent mille CFA (plus de 4500 euros) pour obtenir le visa de mon fils. C'est-à-dire de l'argent qui ne sera pas déclaré aux impôts. Et ce «créneau» est proposé à des centaines de candidats à l'immigration... Bon, puisque le raccourci ne peut être emprunté, une autre solution serait d'appliquer la révolution Mau-Mau de Djomo Kenieta du Kenya...
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L'Afrique et ses enfants traîtres
...Jomo Kenyatta, le père de l'indépendance du Kenya, dit à son peuple réuni en assemblée: « Nous voulons lutter contre les colons, c'est bien pour cette raison que nous voici réunis. Que tous ceux qui parmi nous ne sont pas sûrs du résultat escompté sortent de cette assemblée. » L'assemblée se vide d'une de ses parties importantes. Puis, il suggère que ceux qui ne sont pas prêts à y laisser leur vie n'ont qu'à sortir. L'assemblée se dégonfle de nouveau d'une grande partie. Il dit alors à ceux qui sont restés: «Le premier combat que vous et moi devons mener, c'est bien contre nos frères qui sont sortis. » C'est cela la révolution Mau-Mau. J'ai été très heureux d'apprendre cela dans un texte de Malcolm X que mon petit frère Pitcho m'a prêté. Le chemin de la liberté passe par le désarmement des traîtres frères africains, ces africains qui protègent leurs biens, ces africains dont tout le monde connaît à peu près les maigres revenus officiels et qui se baladent dans les mêmes voitures que les princes saoudiens, en saupoudrant de poussière, porteuse de toutes sortes de maladies, les pauvres mais honnêtes gens dépourvus de tout au point de ne pas pouvoir s'acheter de la nivaquine contre leur paludisme et autres maladies. Ces grands experts de la surfacturation, ces dribleurs professionnels des impôts et des taxes, ces vagabonds propres, beaux et intelligents...Vous savez, celui qui n'est pas doué ou qui a peu de talent, prend toujours trop de précautions... Ah l'Afrique! Elle pisse, un caïman sort de son urine et lui arrache une partie de son corps.
Le temps du sens du patriotisme est révolu. Appliquez la révolution Mau-Mau aujourd'hui en Aftique, tout le monde dira: «Nous sommes prêts à mourir pour... ». Ce qui se passe après c'est des coups à la Mobutu, des bâtons dans les roues, c'est des couteaux dans le dos, la course à qui sera choisie comme espion par le puissant oppresseur, de nombreux candidats à la traîtrise, d'invisibles poseurs de pièges invisibles à la trahison.. . Des chiens mangeurs de lions, des chiens qui ne seront jamais des lions, des chiens qui seront des chiens qui ont des appétits de lions, des moins que chiens, parce que dépourvus de toutes marques de fidélité... Connaissez-vous un chien qui ne soit pas fidèle? Les chiens valent mieux qu'eux parce qu'ils ne disposent pas de brosse à dents, les dents du chien sont plus blanches que celles de son maître. Sans avoir de papier-cul, son derrière est plus propre que celui de son maître. Quel est ce griot, ce nouveau griot, cette nouvelle griotte qui louange les voleurs devant ceux qui ont été volés dans le Mandé? Qui chante des traîtres devant ceux qui ont été trahis dans le Mandé? Ce griot, cette griotte, qui se tient debout sur la tombe du martyr pour magnifier de sa langue hypocrite son assaSSIn. Ces griots qui osent mettre le doigt dans l'anus du diable pour y trouver de l'or rouge dans le Mandé. Ces marchands d'Arnque dont la tête marche à l'heure de l'Occident. ..Quelle honte...Oh quelle honte... La grande peur de ce que sera demain a tout gâché, la dureté du temps transforme une personne bien en une personne mauvaise. Quand l'âne aura goûté au miel, il ne voudra que du miel, quoi qu'il arrive par tous les moyens. 78
Tout cela a été savamment préparé par nos ancêtres les Gaulois.
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Le cas du Mali
Qu'est-ce qui s'est passé au Mali? D'après le Malien de la rue... Je ne rentrerai pas dans certains détails, c'est la ruse des mauvais écrivains... Tout devenait de plus en plus dur, cela de jour en jour et cela depuis longtemps. Nous travaillions trois mois sans salaire et certains fonctionnaires de l'état beaucoup plus. Le salaire était déjà petit. Un cadre moyen, comme moi de catégorie B, avait trente-deux mille cent soixante et onze CFA par mois. Nous étions dans les années 1987. Ne le convertissez pas en euros, le résultat vous donnerait envie de pleurer. De jour en jour, les prix augmentaient au marché. Les « intouchables» étaient là, à côté du président Moussa Traoré, le secrétaire général de l'unique parti politique du Mali. Ces à-côtés qui ne lui ont jamais dit la vérité, ces àcôtés qui se sont enrichis et ont donné l'occasion à leurs amis, leurs parents, leurs femmes, les copines d'adultère, etc., etc. Ces à-côtés donc ont compris qu'ils pouvaient tout se permettre dans le Pays: s'enrichir de façon abusive et illégale, faire libérer les grands et petits condamnés, les faire libérer sans condition, avec un coup de fil du ministre, du député, du fils ou de la femme d'un député, de leurs maîtresses.. . Avec un seul coup de fil, tout s'arrangeait sans amende, sans jugement, un seul coup de fil suffisait pour qu'un petit flic se la boucle, se fasse humilier, un petit fonctionnaire se la ferme... Ne sont grands que ceux qui font partis du cercle des fonctionnaires, commerçants ou hommes d'affaires, et le
cercle est petit, très petit, malgré l'admission en son sein des nouveaux bénéficiaires de marchés publics pipés, dits de gré à gré, un terrain riche avec comme gisement la surfacturation à outrance, des prix multipliés par cent... qui devaient sortir des entrailles du maigre Mali. Le cercle très petit vivait paisiblement au milieu du grand cercle naïf et docile. Celui qui n'était pas content même à juste titre se voyait écarté sans aucune voie de recours. Celui du grand cercle qui a une petite entrée dans une des familles princières est adulé et craint. Le simple fait d'être aperçu en public à côté de ces gens fait de toi quelqu'un de désormais différent, quelqu'un capable de sauver, de détruire et d'anéantir. Dans chaque bureau de l'administration, il y a un petit coin où faire du thé, le thé vert de Chine adopté par le Mali, thé vert autour duquel des petits groupes se forment par affillité qu'on appelle les « Grins », des petits groupes qui parlent de rien et de tout, où le dossier de la vie privée de ceux qui sont absents est à chaque fois ouvert. Celui qui apporte une mauvaise nouvelle concernant quelqu'un d'autre que l'on connaît devient la vedette du grill. On est pressé d'aller au bureau que pour faire du petit business aux petits niveaux et du grand business aux grands niveaux ; L'appareil étatique, venant en second plan, sauf dans les cas où un des coups de fil arrive au niveau d'un souschef, ou simplement quand on veut s'en servir pour soimême. Des bons de dix litres de carburant, légués aux différents administrateurs, pour les besoins du service public, sont distribués à tous les niveaux par dizaine à des putes de ville, des putes de luxe, à leurs sœurs, à leurs frères, leurs cousins, leurs petits tontons, leurs tantes, qui 82
n'ont d'autres occupations que de se lever chaque matin que Dieu créé, de se laver, de se faire beaux ou belles pour aller de bureau en bureau pour leurs quêtes quotidiennes... Les pétroliers font partis du petit cercle. Pour des besoins intimes, ces bons sont très souvent revendus aux pompistes des stations essence moins que leur valeur réelle, que l'état remboursera intégralement à la caisse. Les membres du petit cercle deviennent de plus en plus riches, le trésor public devient de plus en plus pauvre à tel point que l'état ne peut plus offrir d'emplois. Or, il n'y a plus d'argent. Ceux qui sont déjà employés, ont déjà appris à se «débrouiller» sans compter sur le salaire mensuel qui ne vient que par trimestre... Quelques jeunes nantis, fils de... ou frères de... filles de... laquais de... ou amis de... prennent en charge des dizaines de jeunes chômeurs et leurs cavalières dans des boîtes de nuit qui font de bonnes recettes. Le Mali est un pays incroyable, un pays à plus de 80% de musulmans où il y a pénurie d'alcool pendant les fêtes musulmanes. Mais c'est aussi un des rares pays au monde où tous les Chrétiens et tous les Musulmans fêtent ensemble toutes les fêtes chrétiennes et toutes les fêtes musulmanes. On a souvent dit aussi qu'au Mali il y a 80% de musulmans, 20% de chrétiens... et 100% d'animistes... Le Mali est pauvre, mais les maliens sont riches... Alors le marasme s'installe de plus en plus. Quelques « aigris» contaminent leurs alentours, ça grogne, ça se calme, ça grogne, ça se calme... Je passe les détails, vous connaissez ma technique..., jusqu'au jour où le groupe dramatique national du Mali, connu sous le nom de «Koteba National », avec à sa tête le dramaturge Ousmane Sow, un des plus grands de l'Afrique, avec des comédiens comme Michel Sangaré, Gabriel Konaté dit 83
Magma, Lanseny Coulibaly dit Fodé ou Zankè paix à son âme arrivent à échapper à la commission de censure lorsqu'il leur a été demandé de créer une pièce de théâtre pour «louanger» les dix ans de l'Union Démocratique du Peuple Malien (l'UDPM), le seul parti politique de l'époque avec comme secrétaire général le général Moussa Traoré. .
L'événement politique se prépare avec le plus grand
sérieux. Un événement politique sans précédent qui devait regrouper tous les députés maliens à Bamako, tous les grands hommes politico administratifs du Mali. Évidemment un grand fond se débloque pour la circonstance, un grand fond gravement grignoté par-ci parlà par ceux qui ont «la chance» de s'occuper de l'organisation, à tous les niveaux, à des proportions plus ou moins élevées selon que l'on soit «grand» ou «petit». Tout événement est source d'enrichissement supplémentaire et illicite. C'était en réalité, je pense, pour faire le bilan des dix ans d'existence du parti. La presse nationale et internationale est conviée ainsi que les ambassadeurs accrédités au Mali, des représentants d'institutions divers et d'autres personnalités d'ailleurs...Bien sûr que le petit cercle est là... Pour clore les quelques jours de travail, au cours desquels les délégués « élus du peuple» ont dû dire ce qui plait à l'oreille du Président, comme d'habitude, une grande soirée artistique est organisée dans le jardin paradisiaque de I'Hôtel de l'Amitié, un espace splendide, magnifiquement bien décoré... Je ne me souviens plus de tous les artistes invités à se produire pour l'occasion, mais je sais qu'il y avait l'Ensemble Instrumental National du Mali, composé des grands griots instrumentalistes du Pays, tous grands 84
maîtres de leurs instruments et des grandes chanteuses aux voix authentiques et envoûtantes... Pendant que le Président fait une entrée magistrale, tout le monde se lève, l'Ensemble Instrumental ouvre la soirée avec le «Fasa de Tiramakan », louanges de Tiramakan, chanson dédiée à ce dernier, un ami personnel et compagnon inseparable de Soundiata Keïta, fondateur du Mandé, Tiramakan, une personne de confiance absolue et un guerrier émérite. Massa Makan Diabaté paix à son âme écrit on ne peut pas mieux dire: «Jolofin Mansa, le roi au bonnet orné de plumes noires, avait drainé une émigration du Mandé en Pays Sérère » (Sénégal). Là, il s'était taillé un royaume. Et pour éprouver sa propre force, il avait défié Soundiata qui dit un jour: «Je me rendrai moi-même au Pays Sérère ». Et tandis que tous les chefs de guerre tentaient en vain d'infléchir sa décision, Tiramakan se creusa une tombe et s'y coucha, refusant d'en sortir tant que le commandant d'une expédition contre Jolofin Mansa ne lui serait pas attribué. Devant cette détermination, Soundiata, ému jusqu'aux larmes, improvisa lui-même une chanson qui devint la «Fasa de Tiramakan », qui sont les louanges chantées de Tiramakan, ancêtre des Traoré; la traduction du chant donnait ceci: « Le sable refusait de partir, Que Tiramankan s'est déjà creusé une tombe. La lance trahirait ma vengeance, Que Tiramakan la prendrait pour lui. Tiramakan s'est déjà creusé une tombe. » «Le Tiramakan Fasa» importantes du répertoire douzième siècle car c'est composé et chanté pour la
est une des chansons les plus musical du Mandé depuis le l'empereur lui-même qui l'a première fois pour louanger la 85
bravoure d'un de ses compagnons de lutte, contrairement à toutes les autres, composées, arrangées, et chantées par les griots, qui seuls en ont le droit. La fin de la chanson coïncide avec l'arrivée du Président à la place qui lui est réservée avec son épouse. Le couple Traoré s'assoit. Tout le monde se rassoit. Que c'est beau! Oh, que c'est beau! Comme au temps des rois d'antan. En réalité, tous les présidents du Mali méritent cela, je souhaite que cette façon de recevoir le Président continue, même si nous obtenons les réformes souhaitées pour notre développement. C'est une pratique qui fait partie de nous, et je crois que toutes les pratiques ancestrales ne sont pas à bannir. Oui je préfère cela aux fanfares fanfaronnes. Après l'Ensemble Instrumental, je ne me souviens pas de ce qui a directement suivi, mais à un moment donné le groupe dramatique national, le «Koteba National» est annoncé. La retransmission est en direct à la télévision et à la radio nationale. Les « aigris », les chômeurs, les démunis, les laissés pour compte... Les victimes du système, etc. etc. sont accrochées comme par hasard à leur télé, les familles hyper pauvres, n'ayant pas de télé se répartissent chez les familles voisines, comme par hasard, et dans toutes les villes où l'on peut capter la jeune télévision malienne née en 1983 avec la bénédiction de Kadhafi. Les villages ou les villes non électrifiés ont pris le soin de mettre leurs batteries pour alimenter leurs petites télévisions en noir et blanc. Ceux qui s'en foutaient des affaires du Pays, parce qu'ils ne se sentaient pas concernés et qui s'étaient trouvés d'autres occupations en se disant « On ne veut pas entendre les mêmes choses, les mêmes promesses intenables », « Ce sera toujours pareil » ou ceux qui ne savaient même pas que quelque chose se 86
passait dans le Pays, tant ils s'étaient exclus des affaires du Pays, les victimes de la fameuse retraite par anticipation, ceux-là sont retrouvés très vite par des amis, les informant que quelque chose d'extraordinaire se passait à la télé. La pièce de théâtre en langue Bamanan, une des langues les plus populaires du Pays est engagée, même très engagée. Jamais la situation politico sociale du Mali n'a été aussi fidèlement et aussi sincèrement reflétée et diffusée à une telle échelle, en direct devant le Président entouré du petit cercle ébahi. Tout le monde a froid dans le dos. Personne ne pouvait plus arrêter la pièce. La retransmission était en direct, la presse internationale est là. Silence total dans le paradis de l'Hôtel de l'Amitié. De l'autre côté, des éclats de rires, des ovations, des cris de joie, des youyous et parfois des larmes devant les postes de télévision à travers tout le Pays. Après la cérémonie, dans les rues, les commentaires vont bon train, on repasse le film chez ceux qui ont pu l'enregistrer, on craint aussi et surtout pour les comédiens. On pense qu'ils vont être arrêtés, torturés... Comme Abdoul Karim Camara etc. Mais sauf que tout le monde a tout vu, et tout entendu et que très vite chaque famille malienne à l'intérieur comme à l'extérieur a pu se procurer une copie du film, ou pour les parties rigolotes, humoristiques, très drôles ou pour la vérité ou l'importance du propos tenu. Ousmane Sow et ses comédiens deviennent donc des héros et toute agression à leur égard ferait d'eux des martyrs «ces piètres artistes, ces petits rigolos en valaient-ils la peine ?». Voilà le véritable facteur du déclenchement de la révolution au Mali. Mais hélas une révolution qui jusquelà n'apportera rien au pauvre Mali parce qu'il va être trahi 87
par certains maliens, un autre langage, d'autres visages déguisés, avec les mêmes intentions de piller le Pays, peut-être beaucoup plus dépourvus du sens du patriotisme. Sans compter que de grands artistes se sont mis au trafic de visas... Un peu plus tard, les (Echos) furent leur apparition suivis d'autres journaux libres, puis il y a eu les premiers marcheurs contestataires, (les je m'en fou de mon âme) un petit groupe de jeunes, dirigé par Moussa Keïta, réprimé violemment par les forces de l'ordre, le pouvoir étatique est de moins en moins craint. Des radios et des journaux privés s'imposent. Pour le Président, tout va bien. On continue à lui cacher la vérité. «Tout va bien Monsieur le Président, ce sont seulement quelques fous, quelques saoulards qui divaguent». Des mouvements sont créés ça et là, par des étudiants, par le groupe dirigé par le jeune avocat Mountaga Tall, le C.N.I.D. (Comité National d'Initiative Démocratique) celui dirigé par l'enseignant Alpha Omar Konaré l'ADEMA (Alliance pour Démocratie au Mali), celui des étudiants dirigé par Omar Mariko l'AEEM (l'Association des Elèves et Etudiants du Mali), étudiant en médecine à l'époque... Certains seraient dans la clandestinité depuis longtemps. Les marches passives se succèdent, les syndicats prennent le train en marche, avec à leur tête Karambé, paix à son âme, des grèves sont ordonnées et réprimées, les marches se font de moins en moins passives et de plus en plus régulières. Un comité de crise est créé avec en son sein l'un des plus grands avocats de l'Afrique: Maître Demba Diallo, paix à son âme. Des revendications se font. Le Président conscient du vent qui souffle reçoit les doléances, les accepte toutes sauf l'implantation du multipartisme maintenant et tout de suite sans attendre le prochain congrès du parti qui, à son avis, devrait prendre cette décision. D'un côté on dit qu'il s'accroche au pouvoir, c'est un dictateur, un criminel etc. 88
De l'autre côté, la France, à laquelle nous avons refusé d'obéir, veut renverser notre pouvoir... En vérité qui est patriote et qui ne l'est pas? Quelles sont les vraies motivations, des uns et des autres? Allez SaV01f...
Cela nous conduit aux casses, des badauds et des voleurs se mêlent au show. C'est la débandade totale. L'armée ouvre le feu. Des centaines de corps gisent au sol. On continue à foncer les mains nues contre les chars. Les femmes du Mali se révoltent face aux cadavres de leurs enfants. Certaines se seraient mises nues au cimetière de Niaréla, un des premiers quartiers de Bamako, pour demander au bon Dieu et aux ancêtres que leurs cris soient entendus si en vérité elles sont restées toute leur vie des femmes pures et vertueuses. Leurs vœux sont exaucés, la révolution se généralise. Des civils sont à deux doigts de faire tomber le pouvoir, ils rêvent de profiter plus tard du même système, quel que soit le Président... les militaires exploiteront ce soulèvement populaire pour faire leur coup d'état. Le C.T.S.P. (Comité de Transition pour le Salut du Peuple) est créé avec les responsables de tous les mouvements de la révolution, tous sauf Ousmane Sow. Ne parlons pas de ses comédiens. Le Kotéba National est tombé dans les oubliettes. Le Général Amadou Toumani Touré est président transitoire. Qui a tiré? Qui a donné l'ordre de tirer? Allez savoir... Pour crime de sang Moussa Traoré est condamné à mort, mais gracié plus tard par le premier Président démocratique du Mali, Alpha Omar Konaré, une grâce que Moussa n'aurait pas demandé. Pour son jugement, crime économique, il y aura un non-lieu et on lui restituera ses droits. Qu'est-ce qui s'est passé? On a pu constater que le Général Président Traoré 89
n'avait pas au Mali d'aussi nombreuses villas, d'aussi grandes et belles voitures que les autres membres du petit cercle vicieux. Même sa maison de naissance, sa maison paternelle à Sébétou près de la ville de Kayes était restée modeste. Il aurait un château en Algérie... Le seul bien finalement qu'on sait de lui, c'est son champ de Baguinéda à une trentaine de kilomètres de Bamako, qui a dû lui être restitué dans un état délabré à cause des casses qui l'ont conduit à sa perte. Aujourd'hui, il mène une vie paisible avec son épouse dans le quartier Djikoroni, une résidence qui lui aurait été attribuée par l'Etat. Cet homme, qui au fond a été tout son règne trompé par les personnes auxquelles il a fait confiance, a malgré tout fait appel à un moment donné à Zoumana Sacko, le Sankara malien, qui à peine nommé ministre des finances, a payé en un mois trois mois d'arriérés de salaire aux fonctionnaires, celui qui avait le plus la volonté de régler le problème de corruption, même si, un jour de discorde, il fut confronté à des « trucs» qui étaient contraires à ses principes, contraires à la loi tout simplement, qui l'ont contraint à la démission. Il est à mon avis l'un des hommes les plus extraordinaires que le Mali n'ait jamais eu. La révolution du Mali aurait dû commencer le jour de sa démission... Les maliens sont parfois incroyables. Quand le bras a failli, on en punit la tête. Zoumana Sacko a été Premier Ministre pendant la transition d'Amadou Toumani Touré, et est parti avec la fin de la transition. Il reviendra plus tard avec un parti politique qui n'eut pas de succès car les acheteurs de voix, les truqueurs d'élections, les puissants implantés dans ce milieu, n'avaient pas intérêt à ce qu'il soit là... Ils savaient tous ce qu'ils allaient devenir.
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Je me réserve de parler de ce qui s'est passé après jusqu'à nos jours. Nous sommes une jeune démocratie donc une démocratie fragile et je ne voudrais pas heurter certaines susceptibilités.
Amadou Toumani Touré sera certainement réélu en 2007 à sa propre succession car comme le dit Omar Bongo, « un président en exercice de ses fonctions ne peut échouer aux élections que s 'i/le veut ». Prions Dieu, pour qu'il ne fasse pas changer la constitution qui limite un candidat à deux mandats de cinq ans successifs. Je souhaite que Dieu me prête une longue vie et la capacité d'écrire un autre livre que je promets mieux élaboré. Pour l'instant, le Mali aujourd'hui, comme hier, reste un pays détraqué, le peuple est de plus en plus pauvre, mais dès qu'une nouvelle voiture est construite, on voit des audacieux, sans doute sans scrupule se pavaner avec dans les rues, comme pour se moquer davantage des citoyens honnêtes.. . Le pauvre mais brave peuple malien qui sait rire avec la faim dans le ventre, la peur dans la tête et la douleur dans son cœur, le peuple du Mali se dit en toute circonstance: «Aussi laid qu'on peut être, on aime regarder son propre visage plus que celui des autres. Un aveugle ne refuse pas de laver son visage parce qu'il est non-voyant ». L'Afrique est sage. Un sage n'est autre qu'un savant spirituel.
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Le cas du Burkina-faso L'homme de la rue pense que, du côté Burkinabé de l'Afrique, anciennement Haute-Volta, Thomas Sankara et Blaise Conipaoré sont des frères, des plus que frères. Ils vont à l'école ensemble. Pour les Parents de Sankara, Blaise et Sankara sont deux frères, deux de leurs enfants. Ils deviennent militaires, ils sont jeunes, beaux, élégants, éloquents, intelligents, engagés, avec un sentiment du patriotisme élevé, Sankara effervescent et Blaise timide mais tous les deux très efficaces. Ils nourrissent tous deux des idées révolutionnaires sans précédent. . . Sankara est arrêté. . . Blaise, très timide mais très craint, très pris au sérieux dans le camp militaire de Peau, fait pression sur l'état pour qu'il soit libéré. Il est soutenu par les militaires. Ça craint car la Haute-Volta, première appellation du Pays a un record de coups d'état. Sankara est libéré... Je passe les détails. Avec son frère Blaise, ils fomentent un coup d'état qui marche. Sankara est Président de la République Révolutionnaire de la Haute Volta qui change de nom et devient le Burkina Faso, pays des hommes intègres. Le drapeau change de couleur. Blaise est l'homme fort de l'Etat. Pour la reconquête de la dignité et du «moi» de l'homme burkinabé, et à cause des moyens presque inexistants du Pays, au Burkina, désormais, l'on devait vivre modestement, de façon originale et originelle, consommer burkinabé. Le signe le plus frappant était les tissus burkinabés, faits au Burkina, avec des coutures burkinabées; les voitures officielles des dirigeants eux-
mêmes, sont des petites voitures du genre «Renault 5 » qui peuvent faire plusieurs kilomètres avec très peu de carburant. .. Le pays devenait de plus en plus entreprenant en se reconstruisant à une vitesse surprenante... On commence à y croire. Les mentalités commencent à changer en faveur d'un pays dit sous-développé sur la voie du développement. . . Sankara démystifie le pouvoir. On peut le rencontrer sans garde du corps au marché de Ouagadougou, la capitale, à vélo, en pyjama en train de faire des courses comme n'importe quel citoyen ordinaire, ou dans un petit maquis au coin d'une rue populaire. Ses discours sont musclés lors des grandes rencontres internationales. Il aurait renvoyé des français du Burkina par le même avion qui aurait conduit les Burkinabés expulsés de France. Lors d'une de ses visites officielles en France, il serait immédiatement reparti, de l'aéroport Charles De Gaulle, au Burkina, quand il se serait rendu compte que Mitterrand en personne n'était pas venu l'accueillir comme il l'a fait quand ce dernier s'est rendu chez lui en Afrique. Il aurait donné son pistolet comme contribution quand lors d'une rencontre des chefs d'états africains, il a été question de« Commentfaut-it aider l'Afrique? ». Toute la jeunesse africaine commence à s'identifier à Sankara. Il n'est plus Sankara du Burkina, mais Sankara des africains, le chef d'état africain le plus populaire, le plus adulé de son temps, qui incarne l'espoir et la dignité pour toute la jeunesse africaine. Il a pris la vedette à tous les gros lards... Dans la plupart des pays africains, les masses populaires disaient« it nous faut un Sankara ». Aux yeux de la plupart des gens injustement victimes dans leur pays, de patriotes i]1tègres injustement écartés de toutes les affaires de leur Pays, jetés dans des garages pour 94
cela, Sankara est l'incarnation de Kwame Nkrumah, de Patrice Lumumba, etc. ... Mais seulement il paraît que Mitterrand ne l'aime plus, qu' Houphouët-Boigny de la Côte d'Ivoire ne l'aime plus, le doyen des présidents africains de l'époque, paix à son âme. Or il se trouve que Mitterrand et Houphouët-Boigny, le richissime président ivoirien, sont amis de longue date. Il se trouve aussi que l'épouse de Blaise aurait des liens de famille avec ce riche président, l'un des plus riches de tous les présidents du monde. Subitement, la garde-robe de Blaise aurait changé, il aurait une grosse voiture... Blaise devient le «beau Blaise ». Sankara serait jaloux... Je passe les détails... Puis un jour, coup d'état militaire au Burkina. Sankara a été tué... On entend la voix de Blaise sur les antennes de radio: «Je dormais au moment des faits ». L'épouse de Sankara aurait souri en apprenant la nouvelle en se disant « Si cela était vrai, mon second mari Blaise Compaoré serait venu me le dire ». Peu après, quand elle sut et crut à ce qui s'était passé après un moment de choc indescriptible, elle dut affronter ses enfants et leur apprendre la mort de leur père. Après qu'ils aient eux aussi à leur tour passé le stade du choc indescriptible et des pleurs et tout et tout, ils auraient demandé à leur mère: «Maman, et tonton Blaise? Au moins lui il vit? ». Blaise est depuis, le président du Burkina Faso, il y a apporté la démocratie et en est à plus de deux mandats successifs. Sankara est mort. Sa mort a été le déversoir de toutes les larmes. Norbert Zongo est mort au Burkina, allez savoir pourquoi. Vive le Burkina Faso, le Pays des hommes intègres. 95
Le cas de la Côte d'Ivoire
En Côte d'Ivoire, on raconte ce qui suit: Alassane Ouattara mon frère aîné, parce que Ouattara, Traoré, Dembélé, etc. etc. sont tous des descendants de Tiramakan, lui-même descendant de Damassa Woulandi et de Damassa Woulamba, Alassane Ouattara nommé Premier Ministre par le Président Félix HouphouëtBoigny, a instauré la carte de séjour en Côte d'Ivoire. Le président charismatique, un des pères de l'indépendance en Afrique qu'Ahmed Sékou Touré n'aimait pas, grand ami de la France, sentant venir sa mort, fait voter une loi en Côte d'Ivoire, pays dont il est resté le président jusqu'à sa mort, une loi qui voulait qu'en cas de décès du Président, le Président de l'Assemblée Nationale assurerait ses fonctions... Il avait entre temps, à ce poste, placé Henry Konan Bédié avec lequel il aurait des liens particuliers... Allez saVOIT... Alassane Ouattara est donc le premier ministre, il est un des grands experts des finances, un des plus grands de l'Afrique en la matière. Sa tâche est de redresser l'économie du pays. Il y est parvenu en instaurant la carte de séjour, vu le nombre d'étrangers vivant en Côte d'Ivoire et vu le prix fixé pour chaque carte de séjour délivrée. Il devient alors un des hommes d'état les plus influents du pays. Mais à la mort du Président HouphouëtBoigny, Henry Konan Bédié se proclame président parce que la loi avait été modifiée en sa faveur. Mais puisqu'il devait tôt ou tard passer par les voix des urnes, le Pays étant officiellement démocratique, il fit à
son tour modifier la loi pour que ne soient présidentiables que les ivoiriens qui sont nés de père et de mère ivoiriens, eux-mêmes nés de parents ivoiriens, et cela uniquement pour barrer la route à Alassane Ouattara qui aurait une origine douteuse en étant persuadé que les Coulibaly, les Ouattara, les Dembélé, les Koné, Sissoko, Timité, Sylla, Diawarra. .. ne peuvent être des ivoiriens d'origine à cause de la consonance mandingue de leur nom de famille. En effet, le seul danger que sa candidature pourrait rencontrer sur la voie des urnes ne peut être que celui que peut constituer Alassane Ouattara, plus instruit, plus expérimenté, côté sur le plan international, devenu un des dirigeants ivoiriens les plus populaires à cause de ses exploits.. . Malgré le fait qu'Alassane ait fourni les preuves de sa naissance en Côte d'Ivoire et celle de ses parents, il sera quand même bloqué. Ses partisans ne sont pas contents et crient à l'injustice. Bédié fait comprendre aux ivoiriens que les étrangers veulent usurper leur pays et là commence la guerre de l'/voirité qui finira par déchirer le pays, à l'ensanglanter, voire à le paralyser. Ce pays si grand, si beau et si prospère. Le pays tombe donc dans un chaos. Le Général Gueï profite de l'occasion et fait un coup d'état avec ses hommes. Bédié réussit à s'enfuir vers la France, en lâchant prise. Le Général Gueï devient président transitoire et promet de faire rétablir l'ordre et la réorganisation des élections libres. Tu parles! Il est lui-même candidat à sa propre succeSSIOn. Laurent Gbagbo, très audacieux parce qu'ayant été un des tous premiers opposants au richissime HouphouëtBoigny, il fallait le faire, s'est vu en bonne position, après la mise à l'écart de Bédié, Alassane n'etant toujours pas établi dans ses droits. Le Général Gueï, n'ayant aucune 98
expérience politique n'a pas pu attirer les masses. Omar Bongo, du Gabon, aurait dit: « Un Président en exerciCe de ses fonctions ne peut échouer aux élections en Afrique que s 'il le veut ». Le Général Gueï se proclame Président de nouveau, cette fois par un vote truqué en sa faveur, malgré les sondages qui sautaient à l' œil, malgré les rumeurs visiblement fondées qui donnaient Gbagbo favori. Gbagbo ne voulait donc pas rater cette seule chance pour lui de réaliser son rêve, il demande aux ivoiriens de descendre dans les rues. Illes a poussé à la violence... Il s'en foutait de ce qui devait s'en suivre pourvu qu'il soit président. Pour son plus grand bonheur, les badauds et les voleurs, comme ailleurs, se sont ajoutés aux politiques pour profiter des casses des biens publics et privés de toutes sortes. C'est le chaos. Gueï déstabilisé cède le pouvoir à Gbagbo. Les partisans d'Alassane demandent l'annulation du scrutin et la réélection du président. Le chaos reprend de plus belle car le mur de sa non-ivoirité n'est pas tombé. Il profite à Gbagbo aussi. Mais Gueï ne veut pas non plus tout perdre. Il veut négocier. Une rébellion née un peu avant, se réorganise autour de Guillaume Soro. Des assassinats politiques sont organisés. Gueï est assassiné. Qui l'a tué? Allez savoir... De nombreux Djoulas, originaires du Mandé, venus dans le Pays par le commerce, d'où leur appellation «djoula» qui signifie littéralement: « commerçant », sont tués et privés de leurs biens. La rébellion divise le pays en deux... Évidemment, chaque protagoniste a sa version des faits. Les accords de Markoussi n'ont fait qu'aggraver la situation. Quelle horreur ! 99
Le cas du Congo Belge Au Congo belge, ou Congo Kinsacha, ou quoi d'autre, je ne sais plus, qui a tué Kabila père? Moi, je ne sais pas, je sais que ce n'est pas moi. Mais Kabila fils, lui, il le sait. Ses «amis» aussi le savent. . . Et un jour viendra ou tout le monde le saura.
Les fesses et les furoncles
Oh ! Mon Dieu, serions-nous éternellement immatures? J'ai peur que oui. Tant que nous nous considérerons comme des anciens esclaves.
..
Tant que notre but est de ressembler à nos anciens maîtres pour être au fond de nous-même et aux yeux du monde totalement anoblis, leur ressembler comme deux gouttes d'eau. Tant que la culture de l'ancien maître continue à faire l'amour inlassablement à notre culture et à ses jours de fécondité et cela sans préservatif. Tant que nous déploierons des tapis rouges pour des présidents occidentaux qui viennent berner nos gouvernants pour bien nous berner, nous serons toujours des fruits pourris avant même de mûrir. Nos illustres hôtes se foutent complètement de notre accueil chaleureux. Ce qui les intéresse, c'est ce qui doit nous être imposé, c'est le prix du coton, le pourcentage sur l'or, le diamant, le pétrole. C'est la dette avec laquelle nous serons de plus en plus accablés. Cette corde que nous passons nousmêmes au cou de nos enfants qui eux-mêmes à leur tour finiront par la mettre au cou de leurs enfants. C'est bien la dévaluation de nos francs. Ce qui les intéresse, c'est de nous distribuer des pilules pour que nous limitions nos naissances. Voyez-vous au Mali, il n'y a que douze millions d'habitants et rien qu'à Paris, il y en a plus de dix millions. Or la superficie du
Mali vaut deux fois et demie celle de la France. Pour le naïf que je suis, où est la logique? Savez-vous, mes frères et soeurs comment vos chefs d'état sont reçus aux aéroports, s'ils sont invités par leurs soi-disant homologues? Eh bien, très souvent par de petits conseillers. Où est la parité? Nos responsables en Occident sont traités comme de piètres personnes. Les différents reportages que nous voyons de leurs voyages en Occident sont faits par nos équipes de télévision qui doivent toute affaires cessantes les y accompagner. .. Pour les télévisions en Occident, à propos de ces visites, elles diffusent moins d'une minute d'images accompagnées d'une ou deux phrases disant que tel ou tel président africain est passé... Et une fois de retour au pays, souvent les programmes officiels de nos télévisions nationales sont changés pour pouvoir faire une large diffusion du reportage accompagné de commentaires encensés mais aussi insensés, pour soigner l'image du président, pour dire aux opposants « Vous voyez où je suis ». Pour dire au peuple «Je fais partie des grands de ce monde », pour être continuellement craint par le grand peuple naïf, pour que ce peuple se dise «il est né pour le pouvoir ». Voilà ce qu'on veut nous faire comprendre. Le sens du patriotisme est mort en chacun de nous, tout est parti de la colonisation mais disons-nous la vérité une fois encore car chier une fois de plus ne peut abîmer pas l'anus. J'ai honte de nos grosses Mercedes, de nos 4X4, de nos multiples villas ou châteaux privés. Ah! Si on pouvait amener largement tous les maliens par la télévision et la radio à comparer le coût du train de vie luxueux de ces dignitaires privilégiés à leurs salaires officiels, le pauvre 104
type
rendu misérable par les différents systèmes ne
baisserait plus jamais la tête face à ces pourris dont il garde la maison, celui qui au passage l'éclabousse sans aucun remord. Entre le douanier, l'homme d'affaires et le commerçant qui se nourrit de la corruption? Entre le douanier, l'homme d'affaires ou le commerçant qui subit la corruption? Aucun. C'est bien le peuple. Ce sont ceux qui vont attendre des heures et des heures dans les salles d'attente, espérant obtenir du ministre, du conseiller, du directeur, du chef de je ne sais quoi, de quoi régler en urgence le paiement d'une ordonnance médicale, le paiement du repas de demain. C'est le pauvre paysan couché dans son champ attendant d'y être chassé par quelques gouttes de pluie, le pauvre malade sur son lit de mort entouré des siens sans espoir... Le pauvre chef de famille qui ne sait pas de quoi demain sera fait, celui dont l'enfant ne peut plus aller à l'école, cette femme de bonne famille et de bonne volonté pleine d'intelligence contrainte de se prostituer, cette petite bonne à tout faire venue de son village pour constituer dignement son trousseau qui se trouve être le déversoir de toutes les injures, de toutes les humiliations sous les griffes des épouses sans vergogne des grands voleurs libres et nantis. Ce sont ceux qui sous un soleil de plomb, à longueur de journée traversent la ville en transportant dans des brouettes les sacs de riz de ceux qui se sont enrichis malhonnêtement, cette femme en état d'espérance qui meurt et perd son enfant venant au monde faute de soins. Cet accidenté grave qui crève dans le taxi attendant que le cortège présidentiel passe, ces victimes des moustiques et des mouches, ceux qui sont à la fin de chaque mois injuriés comme du poisson pourri par les «pachas» dont ils louent les maisons pourries. Ceux qui n'espèrent jamais 105
avoir une maison à leur propre nom, ceux qui couvrent leurs plaies de poussière parce qu'ils ne peuvent pas s'offrir un pansement. .. Puisque tout a été orchestré pour que nous n'ayons plus de provisions, la peur de n'avoir plus de provisions a créé l'urgence de prendre des précautions par tous les moyens dont la corruption, l'escroquerie, le vol, le mensonge... Et on se contamine de jour en jour. Dans la vie, tout est contagieux autant le bien que le mal. Cela a donc créé des jaloux. Pourquoi lui et non moi? La voie est ouverte à tous les vices. Le vice est la chose à laquelle on s'attache le plus vite et le plus longtemps possible. La dignité nous quitte. Nos mères se prostituent, nos épouses se prostituent, nos sœurs se prostituent, nos filles se prostituent, comme l'a dit Drissa Keïta, ce brillant homme éliminé de la course au Mali, un homme d'une personnalité remarquable. Ibn Battûta a dit: «Dans le Mandé, des objets égarés par des gens étrangers ou pas, pouvaient êtres retrouvés chez le roi des années et des années après». Ce temps est révolu. Il est devenu légendaire. La fierté nous a quitté. La grande déclaration d'Ahmed Sékou Touré est tombée dans l'oubli: «Le peuple Guinéen préfère la liberté dans la pauvreté à l'esclavage dans l'opulence ». C'était quand le Général De Gaulle a donné le choix aux dirigeants africains de prendre ou non leur indépendance. Nous devons cela à Sékou Touré même s'il a lui aussi des assassinats sur la conscience, paix à son âme. Le sens du patriotisme est donc parti et pour longtemps, pour très longtemps il me semble. Quand on n'est pas patriote, on est égocentrique et il n'y a dans l'égocentrisme de place pour aucune vertu. 106
Tout cela est dit non pas pour que l'Occident change, mais pour que l'Afrique change.
Le jour où le peuple africain comprendra réellement le sens du vote, où tous ceux qui sont en âge de voter s'inscriront sur les listes électorales avec l'intention de voter; Le jour où nous comprendrons le comment et le pourquoi de la chute de Le Pen face à Chirac par le vaillant et solidaire peuple français qui nous aime ; Le jour où nous serons tous conscients de la force que nous sommes; Le jour où nous comprendrons qu'il n'y a pas de diplôme de président, qu'un président est ce qu'il est aujourd'hui parce qu'hier le vote du peuple en a voulu amSI ; Le jour où le pauvre type démuni comprendra que son vote a la même valeur que le vote du président pour sa propre succeSSIOn; Le jour où nous comprendrons qu'on doit voter pour un candidat à la députation, pour qu'il parle en notre nom à l'Assemblée Nationale au lieu d'attendre un petit bakchich pour nous dépanner d'un jour plus difficile que les autres JOurs; Le jour où nous comprendrons que voter pour un maire, c'est attendre de lui que notre commune soit assainie, débarrassée des moustiques qui tuent nos femmes et nos enfants, au lieu d'attendre de lui les miettes retombées de ses business de terrains; Le jour où nos griots retrouveront la dignité au point de ne plus chanter des gens dont la source de la fortune est douteuse, ceux-là qui remplissent leurs propres poches en prenant dans le grenier collectif; 107
Le jour où nous comprendrons tous que si Dieu a dit qu'il faut respecter la loi, il n'a pas dit qu'il faut confondre la loi avec celui qui est chargé de l'appliquer car même celui qui applique la loi n'est pas au-dessus de la loi; Le jour où des artistes piratés au vu et au su de tout le monde cessera de créer des berceuses pour des dirigeants qui ne peuvent être que malhonnêtes, de les caresser dans le sens du poil; Le jour où nos médias d'état cesseront d'être des business center. Le jour où nous démasquerons avec la volonté populaire ceux qui vendent ou achètent les épreuves d'examens pour ceux qui n'ont pas le niveau et la capacité demandés. Le jour où les juges seront de corps et d'âme en parfaite harmonie avec les serments qu'ils prêtent devant Dieu et les hommes. Le jour où l'on mettra fm à l'amitié par intérêt entre le douanier et le commerçant, aux négociations à huis clos entre les impôts et les structures lucratives, les poignées de mains masquées entre policiers et transporteurs. Le jour où nous arriverons à criminaliser la corruption sous toutes ses formes... Ce jour-là commencera la victoire, car ce jour-là personne ne sera une petite personne aux yeux de personne, le ministre pourra dire sa vérité au président en étant sûr qu'il ne sera pas éjecté pour cela au risque pour le président d'être confronté à plus fort que lui, c'est-àdire le peuple, l'insurrection populaire, les membres du cabinet du ministre et ses conseillers ne seront plus constamment perturbés par la peur de perdre leurs places car un député sincère et honnête sera là pour en demander le pourquoi. Un directeur travaillera avec ses subalternes 108
en toute égalité et en toute légalité sans qu'ils aient la moindre crainte de se faire virer arbitrairement. Rien de ce genre ne sera plus jamais fait arbitrairement. Les petits fonctionnaires, les plantons, les chauffeurs de service retrouveront leur pleine citoyenneté, le respect des boys et des bonnes sera instauré et leur statut restauré comme personnes à considérer au même titre que tout le monde, car chacun représentera une. voix de plus ou une voix de moins pour les élections futures. Les peuples retrouveront leur souveraineté réelle car chacun sera contrôleur de chacun au nom de la patrie dont chacun sera capable de se réclamer, la tête haute. L'autorité de l'état sera effective car il sera un état propre, sans hypocrisie, honnête et conscient, travailleur, attentionné, dépourvu de tout mépris à l'égard du citoyen, quelle que soit la classe sociale à laquelle il appartient. Voilà ce dont on a besoin, une fois débarrassé de l'acculturation du complexe d'infériorité par rapport à l' Occident. Nous n'avons pas à mon sens d'autre choix que de mener ce combat mal expliqué peut-être, mais à mon avis nous avons matière à travailler et il nous faut peut-être trouver quelques «savants» de bonne volonté qui pourront nous aider à ordonner tout ça. Les rébellions, souvent justifiées, le tribalisme, les différentes divisions intestines ne feront que nous affaiblir, nous lier toujours mains et pieds pour que finalement en étant sûrs qu'il n'y aura plus d'issues possibles, nous rappelions l'Occident pour qu'il nous colonise de nouveau. Or, on ne connaît l'utilité des fesses que lorsqu'elles portent des furoncles. Zagreb le 14 Septembre 2006 à 23h50. 109
Points de vue Collection dirigée par Denis Pryen
Déjà parus
Edgard M'FOUMOU-NE, La reconstruction du CongoBrazzaville: la synthèse, 2008. Adjo SAABIE, Epouses et concubines de chefs d'Etat africains. Quand Cendrillon épouse Barbe-Bleue, 2008. Francine BITEE, La transition démocratique au Cameroun, 2008. Gérard Bossolasco, L 'Ethiopie des voyageurs, 2008. Roland Ahouelete Yaovi HOLOU, La Faillite des cadres et intellectuels africains, 2008. Pierre Mithra TANG LIKUND, Cameroun: vingt-cinq ans d'échec; les promesses manquées, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Avancez, ne nous attendez pas !, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Droits de l 'homme et droits des peuples dans les relations internationales, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Réflexions sur l'universalisme. 2005, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Repenser la diplomatie. 2004, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Ces dinosaures politiques bouchent l 'horizon de l'Afrique. 2003, 2008.
qui
Jean-Claude SHANDA TONME, Pensée unique et diplomatie de guerre. 2002, 2008. Jean-Claude 2001,2008.
SHANDA TONME, L'Orée d'un nouveau siècle.
Jean-Claude SHANDA TONME, Le Crépuscule fin d'un siècle tourmenté. 1999-2000,2008. Jean-Pierre MARA, Oser les changements Centrafrique, 2008.
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Habib Dembélé Guimba. Un artiste dans la cité
Du même auteur: Les Tueurs de margouillats, théâtre 1988 inédit. Le Chantier, théâtre Editions Maria Graphique 1989. Sacré Kaba, nouvelle Editions Maria Graphique 1990. A vous la nuit, récit Graphique industrie 1995. Antigone d'après Sophocle, co-auteur, Editions La dispute 1999. 52, La bonne à tout faire, one man show Inédit 1998.
Habib Dembélé Guimba
Habib Dembélé
Guimba.
Un artiste dans la cité
Préface d'Aboubacar
L'Harmattan
Eros Sissoko
Dédicace À El Hadj Adama Dembélé de Koula et à ses nombreux descendants. À Modibo Kéita. À Seydou Badian Traoré dit Kouyaté. À Fily Dabo Sissoko. À Kwamé Nkrumah. À Patrice Lumumba. À Thomas Sankara. À Nelson Mandela.
Remerciements Panni mes nombreux défauts, l'ingratitude n'existe pas. Toute ma vie, je souhaite ne jamais oublier une personne qui m'a une fois rendu service, fut-il petit ou même paraissant insignifiant... Je pense, donc à vous tous... mais pour que la page de remerciements ne soit pas plus longue que le texte qui vous est proposé, j'ai dû écourter la liste. Massa Makan Diabaté, paix à son âme a dit: « On est seul à signer un livre, mais on est plusieurs à l'écrire ». Que soient remerciés mon grand frère Jean Marie Lehec et Florence Asteix, qui ont rendu ce texte lisible. Peter Brook a répondu à un journaliste à Milan, lorsqu'il lui a posé la question de savoir pourquoi il travaillait bien souvent avec les comédiens noirs: «Je travaille avec des comédiens ». Qu'il en soit remercié pour Sotigui Kouyaté, Bakary Sangaré, Rachid djéidani, Dorey Rougamba, Bruce Mayers, Yoshi, Toshi. .. et tant d'autres personnes de couleurs différentes. Que soient remerciés Aguibou Dembélé, Ousmane Sow, Olivier Bouchaud, Philipe Dauchez, Bernard et Catherine Desjeux, Monique Blin, Anne Marie Le Botte, Françoise Ligier, Moussa Fabé, Eva et David Helft, Anoucia Blass, René Zann, Françoise Réveillon, Cheick Omar Sissoko, Michel Sangaré, Alseyni Bathily, Fodé Kaba Camara, Issa Ndiaye, Thiambel Guimbayara, Aboubacar Eros Sissoko, Sophie Planchot et tant d'autres pour l'amour de l'âme. Merci à Agnès Gravard, Sarah Gabillet, Emilie Hamon, pour leur immense contribution. ..
Sommaire
Dédicace
9
Remerciements
Il
Préface d'Aboubacar Eros Sissoko
15
L'immigration
19
Le Mandén
37
L'Afrique est-elle intelligente?
59
L'Afrique et ses enfants traîtres
77
Le cas du Mali
81
Le cas du Burkina-faso
93
Le cas de la Côte d'Ivoire
97
Le cas du Congo Belge
101
Les fesses et les furoncles
103
- Comment
vas-tu Rachid mon frère?
- Très mal mon frère, Dieu merci... maintenant que nous avons fini de manger les cafards, il ne nous reste plus qu'à bouffer les larves. Un jour Balla Moussa Kéita, paix à son âme, un de mes maîtres m'a dit, quand nous discutions de la dureté du temps: «il ne nous reste plus qu'à acheter à cent cinquante francs pour revendre à cent francs... comme ça, nous nous sentirons occupés. »
Le facteur frappe à la porte d'une maison.
- Il y a quelqu'un ? - Non, il n'y a personne. - Et vous alors? - Je suis le gardien.
Les griots du Mandén disent qu'il vaut mieux ne pas du tout naître, que de naître et de n'être personne.
Préface
Lorsque Habib Dembélé, notre Guimba National m'a sollicité pour coucher les premiers mots de son livre, ce fut pour moi un grand honneur mais aussi un sentiment de crainte parce que trouver les mots justes pour introduire l'œuvre d'un ami et grand comédien de son envergure est toujours un exercice difficile. Un proverbe bamanan dit que: « Dire la vérité ne tue pas l'amitié pourtant elle l'entrave ». Alors faut-il mentir à son ami en le caressant en permanence dans le sens du poil ? Il me semble que non. L'amitié est sacrée ce n'est ni un jeu de charme encore moins de l'hypocrisie. Même s'il est de notre devoir d'assister, de soutenir, d'aider son ami, il ne faut en aucun cas perdre de vue la vérité, notre vérité. Qu'il le prenne en bien ou en mal est toute autre chose. On aura ainsi joué pleinement notre rôle sans aucune arrière pensée, la conscience pleinement tranquille. Alors si par malheur cette vérité venait à mettre vos relations en péril, c'est que ce n'était pas une véritable amitié. Cet ouvrage Etre ou ne pas ...naître d'Habib Dembélé va droit dans ce sens. Il n'hésite pas à montrer du doigt les travers de l'homme. C'est une belle œuvre, une libre expression d'un artiste engagé qui a longuement parcouru le monde à travers son métier de comédien, conteur, auteur, réalisateur et quoi d'autres... Dès les premières pages du livre le ton est donné dans la dédicace faite aux hommes intègres: Mandela, Sankara, Krumah, Seydou Badian Kouyaté, Modibo Keita, Fily Dabo...On pourrait penser qu'il a puisé ses ressources dans
leur combat. Mais c'est au fond de lui même qu'il a trouvé l'énergie de son propre combat. Le voyage ne forme t-il pas l'homme tout simplement? À défaut de pouvoir voyager, se plonger dans le livre d'Habib va permettre aux lecteurs de se construire. Pour qui connaît Habib Dembélé, l'homme n'est pas à son premier coup d'essai. Même s'il possède la capacité de nous faire rire aux éclats, de nous faire pleurer, il a ce génie extraordinaire d'extraire de son carquois des flèches qui vont droit au but. Quel malien et quelle malienne ne se souvient pas de ses rôles sublimement interprétés au théâtre dans Wari et 52 la bonne à tout faire, dans le téléfilm les aventures de Seko Bouaré, au cinéma dans Guimba le Tyran, Bamako et autres ?... Décidément Habib ne finira pas de nous surprendre avec son talent sans pareil. Habib restera Habib, jamais Guimba ou Seko ne pourra l'enterrer de son vivant. L'auteur dans sa première phrase nous pose un problème majeur: «Est-il possible d'imaginer qu'ici bas, qu'un jour, toutes les personnes seront des citoyens du monde? ». Cette phrase unique sera le fil conducteur du livre qui nous fait voyager dans son univers où finalement rien ne sera épargné. Du Mandé de ses ancêtres, aux traumatismes de la colonisation, en passant par les actualités brûlantes du continent Africain et aux drames de l'immigration, il revisite tous les évènements importants à l'aide de ses mots incisifs. S'il dénonce l'Occident qui pille le continent depuis la nuit des temps, il n'épargne pas les Africains qui sans vergogne font de même. Ce qu'il écrit est beau et touchant: «On doit s'aimer sans penser à autre chose que le respect ». C'est également 16
l'amour entre les peuples blanc et noir et il a raison. « Les occidentaux préfèrent péter publiquement plutôt que de roter. Cela est tout à fait à leur honneur. Pourquoi le Mandeka devrait se mettre à péter devant sa belle mère quand il pense que péter publiquement est honteux et à s'abstenir de roter quand il est content d'avoir été rassasié ». Etre ...ou ne pas naître fera date dans la littérature. Nous attendons son second ouvrage avec une vive impatience. Qu'il soit sur scène qu'il s'exprime dans ses romans Habib Dembélé a le pouvoir de nous transporter, de nous émouvoir, de nous faire rire, de nous interroger... Bonne lecture à tous. Aboubacar Eros Sissoko
L'immigration Est-il possible dans ce monde ici-bas d'imaginer, qu'un jour, toutes les personnes de tous les pays seront des citoyens du monde? Pourtant il me semble que c'est cela la voix du salut pour l'humanité... Mais malheureusement, elle est une illusion et le restera, tant que le monde sera régi avec un raisonnement purement mathématique qui veut qu'un plus un soient deux, deux étant le chiffre du divorce.. . Il faudrait qu'un jour, les données changent et que deux amis cessent d'être deux pour ne devenir qu'un, deux parents cessent d'être deux pour ne devenir qu'un, que dans un couple l'on cesse d'être deux pour ne devenir qu'un. L'unification est le soubassement du bonheur permanent, et l'amour est le seul produit qui puisse l'entretenir, la cultiver, la soigner... Prenons amour et sexe... Dans la vie, tout est à l'image du sexe. La terre elle-même ressemble à une grosse couille. La pluie, c'est l'éjaculation du ciel qui fait l'amour à la terre.. . Notre tête a pris la forme d'une couille. Les yeux ont la forme d'un vagin. La tige du nez est un pénis. Les narines, la bouche, sont proches du vagin... Le cou, le tronc, les membres ont la forme du phallus et quand on regarde de près notre corps, on en trouve partout, parlant ainsi des pores qui mouillent quand on est en chaleur... Et la jouissance est le début du processus de liquéfaction de l'être.. . Si l'éj aculation devait durer longtemps, on se serait totalement liquéfié et déversé l'un
dans l'autre pour ne donner ensemble qu'une flaque de liquide tranquille et paisible, pour n'être qu'un... C'est cette unité que recherche la vie pour être sereine. Et qu'est-ce qui fait d'un mariage un divorce de façon générale? La femme veut que l'homme cesse d'être lui pour devenir elle, l'homme veut que la femme cesse d'être elle pour devenir lui... Les incompréhensions commencent dans le couple, suivies de discussions, puis des discussions tendues et énervantes qui conduisent aux rancœurs et aux rancunes, aboutissant sur la perte de confiance en l'autre... L'amour devient désamour, l'unité n'est plus possible car aucun des deux ne veut faire le maximum de conceSSIOn.
..
Il ne vous reste donc qu'à vous quitter car vous devenez en ce moment la chose et son contraire, complètement incompatibles comme le jour et la nuit. . . Il a donc besoin d'autre chose et elle a besoin d'autre
chose... J'ai eu la chance en tant qu'acteur et conseiller artistique de participer au tournage du film «Faro ou la Reine des Eaux» d'un de mes grands frères Salif Traoré à Ségou Koro où est enterré le fondateur du puissant royaume Bamanan de Ségou au Mali. Pendant les jours de relâche, dans un coin d'une grande cour où l'équipe de tournage était en résidence, nous nous retrouvions pour parler de tout et de rien, pour se raconter des anecdotes, des histoires... des causeries desquelles jaillissaient souvent des discussions plus ou moins chaudes... Je me suis lié d'amitié à une personne âgée, Tatou, quatre-vingts ans à peu près, qui suivait toujours toutes nos discussions avec les jeunes que nous sommes, avec beaucoup de gaieté, en rigolant, et surtout en s'étonnant.. .
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En approuvant souvent toutes les affirmations sur lesquelles les uns et les autres lui demandaient de donner un avis favorable sans jamais donner ni son avis, ni essayer de trancher un quelconque litige selon son propre aVIS... Malgré la différence d'âge, père pour certains et grandpère pour d'autres, il était respecté et aimé par tout le groupe... À tel point qu'on ne pouvait plus rester une seule seconde sans le voir parmi nous... Un jour, je lui demande: - Mais père Tatou, pourquoi te contentes-tu uniquement d'approuver tout ce qu'on te dit? - Mon fils, répond-il, les contradictions sans fin peuvent souvent faire que des amis se dégoûtent. . . Dans ce monde où chacun croit qu'il sait tout, qu'il détient le monopole de la vérité, de la raison, dans ce monde où la vanité est devenue une source de revenu potentiel, les malins se taisent pour éviter des problèmes. Il y a longtemps, très longtemps, dans le Mandé, on disait qu'il fallait seulement ouvrir la bouche pour deux raIsons: La première pour manger, la deuxième pour dire la vérité, mais exceptionnellement quand on avait le nez bouché. À l'époque dans le Mandé, la parole avait la valeur attribuée à la signature aujourd'hui... Pour revenir à l'unité, je ne crois pas que ce soit une bonne idée que quelqu'un nourrisse une de ses jambes et néglige l'autre, ou un de ses bras en négligeant l'autre, sinon, à défaut de te débarrasser du membre négligé, tu seras obligé de le traîner avec toi, où que tu ailles, quoi que tu fasses, advienne que pourra. .. C'est ce qui, pour moi, explique le mieux le problème du flux migratoire de l'Afrique vers l'Occident... Nous y 21
allons, par les airs, à pied, par les eaux, quoi qu'il arrive... Quoi qu'on dise, on y va quand même, advienne que pourra. Ainsi l'Afrique, un des membres du corps monde, a été négligée par Monsieur-Le-Puissant-Monde qui n'a pas du tout envie de la traîner et qui la traîne dans la boue puante... Il faut donc se débarbouiller à tout prix... Voilà, à mon avis, le départ de l'immigration, un départ que je vais m'efforcer d'expliquer avec mes maigres moyens dans une langue qui n'est pas mienne mais qui est devenue pour moi un passage obligé par souci d'être compris par plus de gens. Et si mes idées malgré tout resteront confuses après lecture, c'est qu'elles auront manqué simplement d'éclaircissements à bien des endroits et aussi de précisons... Mais pas de vérité... Je veux parler de ma vérité... D'une parole dite, on ne finit pas de découvrir des vérités.. . Et comme je ne peux écrire comme Victor Hugo, je pense donc en Dafin Malinké en écrivant comme je peux, et en vous demandant simplement de fournir des efforts pour me comprendre... Ceci étant, la moindre des merdes dans lesquelles ma petite sœur, mon petit frère africain, candidats à l'immigration pourraient se trouver, ressemble à quoi? Malgré tout ce que tu vois et entends à la télévision, dans les médias, à propos de l'immigration; malgré l'état dans lequel tu vois ton frère, ta sœur, ton oncle, ta tante, ton ami, ta copine expulsés de l'Occident, tu tiens encore, et malgré tout, à y aller, en te disant: « Oh ! Telle ou telle personne n'a simplement pas eu de chance ». En te disant «Chacun a sa chance dans la vie ». «Même si le monde en lui-même était réduit à un œuf, le petit bonhomme 22
chanceux y trouverait une place moustiquaire». . . Eh bien voilà ce que j'en sais.
où suspendre
sa
Tu prépares ton voyage pendant des années, ça devient ton objectif, ton obsession. Tous tes proches t'aident comme ils peuvent. Celui d'entre eux qui n'est pas très motivé à tes yeux devient un jaloux, tu taxes le moins motivé, le traitant de jaloux, un ennemi juré, puis tu obtiens finalement un visa. Dans certains cas, cela est fêté plus que ton baptême à ta naissance. Dans d'autres, il ne faut surtout pas l'ébruiter, car si par malheur quelque chose fait que tu n'as pas réussi à entrer en France, en Belgique, en Angleterre ou ailleurs, ce sera la plus grande honte de ta vie, l'échec monumental... Bon, tu y arrives malgré tout, te voilà déjà en train de regretter avant même la fin du premier mois que tu y passes. Voilà ce que c'est que l'Occident pour toi, Sénégalais, Sénégalaise, Malien, Malienne, Guinéen, Guinéenne, Burkinabé, Ivoirien, Camerounais, etc. etc. Voilà ce qui t'y attend mon frère, voilà ce qui t'attend làbas ma sœur. Et pas question de retourner. Parce que c'est la dure réalité. À peine la nouvelle de ton entrée en Occident annoncée, tu crois que tu as une victoire sur tous les autres candidats malheureux à l'immigration, les jaloux n'ont qu'à mourir... Ton premier souci sera que tout le monde là-bas sache que tu es en France... Tes premiers coups de téléphone le confirment à tout le monde, ainsi que tes photos à côté de la Tour Eiffel. Tu es donc dans le monde rêvé, le paradis, le monde de la «civilisation », de la mode, le monde de la réussite, le monde qui fait de toi une personne affranchie et anoblie, le monde des femmes belles comme des fées, des hommes riches et intelligents, 23
le monde où tu ne mangeras plus avec tes doigts, où on se fait des bises pour se dire bonjour et au revoir, sans savoir que cette pratique a commencé en Afrique depuis l'aube des temps, un monde comme on le voit au cinéma, le monde des costume cravates, un monde où tout est
propre... Non, le retour est honteux, mortellement honteux. Il n'est pas envisageable sans le prix d'une ou mieux de plusieurs villas en poche, le prix d'une ou mieux de plusieurs voitures de luxe, sans vêtements et chaussures stylés... Que vont penser ceux que tu as laissés derrière toi? «Si tu plonges un enfant maudit même dans une gourde de crème, il en sortira la peau sèche» ou «Donnez-vous la peine d'aider un margouillat à grimper sur un arbre, vous ne serez pas déçu car il y parviendra facilement, quant à un crapaud, vous perdez votre temps »... Tous ces proverbes résonnent dans ta tête... Que vont penser les filles du quartier, les copains dans la tête desquels tes coups de fil, tes photos, etc, ont créé des illusions depuis la première semaine de ta vie de Toubab ? Que va penser ta mère fière de son garçon, de sa petite fille, auprès des autres mamans dont les enfants n'ont pas réussi à partir derrière l'océan? .. Bon, puisqu'il n'est pas du tout question de retourner, que faire ? En attendant, il faut se débrouiller pour dormir dans un petit coin du salon de ton frère, de ta sœur, ton cousin, ta cousine, ton ami, ton oncle, ta tante, où bientôt tu vas devoir faire la vaisselle, le ménage et plus tard la cuisine, enfin toutes les choses que tes sœurs et la petite bonne à tout faire faisaient chez toi. Qui l'aurait cru ? Bientôt, tu vas devoir faire attention à ta consommation d'eau, te laver le moins de fois possible, utiliser le moins possible 24
d'électricité pour que la facture soit la moins élevée possible... Bientôt tu n'auras plus le droit à la clé de secours. Et si tu n'as plus de clé de secours ni le code d'accès du bâtiment, et c'est n'est pas tout, car chaque appartement à un bouton nommé sur lequel tu appuies pour sonner à l'intérieur, et si on ne veut pas te recevoir, en ce moment ou pas du tout, tu ne peux même pas en vouloir à quelqu'un... Parce que tu n'auras aucune preuve qu'il y avait quelqu'un. Ils ont tout le temps des rendezvous importants, ils sont au travail, ils sont convoqués à l'école des enfants, etc. Tu ne pourras donc plus faire, sans clé, un tour quand tu voudras, parce que ton logeur ou ta logeuse va faire son boulot de ménage ou de baby-sitter ou je ne sais quoi d'autre encore. C'est ce qu'il y a de mieux à faire pour la plupart, quelque chose qu'ils n'ont jamais fait et qu'ils ne feront jamais même s'ils retournaient au pays, car ce n'est pas noble, ce serait bafouer leur dignité que de faire un tel boulot au pays. Alors, ou tu choisis de sortir et de rester toute la journée dehors en attendant leur retour, parce qu'il est hors de question qu'ils t'attendent pour t'ouvrir, et cela à raison, ou tu restes enfermé comme dans une prison magnifique toute la journée. Si c'est des boulots de nuit, tu as intérêt à ce qu'ils ne sortent pas avant que tu ne sois rentré sinon tu risques de passer la nuit dehors« à la mauvaise étoile» et dehors il fait très froid. Ce n'est pas comme au pays où tu peux aller dormir «à la belle étoile ».. .dormir où tu veux. De toute façon tu ne connais pas la ville. Tu acceptes de sortir parce que la solitude commence à t'énerver, la télé commence à te fatiguer, tu ne peux pas téléphoner car le téléphone n'est là que pour recevoir les appels, tu n'as pas de carte téléphonique. Alors tu sors pour rencontrer quelqu'un, un camarade qui est là bien avant toi et qui connaît les tuyaux, qui a des 25
connexions, ou au hasard quelqu'un de ta communauté, pour savourer le plaisir de causer la langue du pays avec laquelle tu es à l'aise. Ou simplement parce que tu commences à sentir que dans ton lieu d'hébergement tu deviens de plus en plus une personne lourde, qui coûte, une personne indésirable pour des raisons diverses... Souvent même tu es obligé d'inventer une sortie pour fuir le retour des écoliers, les enfants de la famille, les petits Français noirs, qui sont sans vergogne, sans scrupule. . . Qui piaillent tout le temps, partout, qui te bousculent dans tous les sens et te piétinent au cours de leurs jeux brutaux sans retenue en lâchant un petit «oh pardon» de temps en temps de façon machinale. De toute façon, tu es obligé de répondre toujours par un petit sourire hypocrite. Tu n'as pas le choix, tu vois tout le temps comment les parents eux-mêmes sont traités par eux. .. Il paraît que souvent, ils les balancent aux profs, à la police, etc. ... Tu fuis donc le retour de ces enfants qui ont des chambres et des caves pleines de jouets mais qui pleurent tout le temps. D'ailleurs, tu ne peux ni regarder la télé tranquillement, ni te reposer tranquillement, ni faire une petite sieste tranquillement... Sans recevoir leurs petits poings fermes et violents sur la gueule de l'intrus que tu es à leurs yeux. Te voici donc dans un café, coincé devant ta petite tasse de café qui coûte deux euros l'équivalent de plus de mille francs CFA, le prix des condiments de la grande famille comme on le dit chez nous. Un seul expresso, presque l'équivalent de ce que peut contenir le trou de ton oreille, que tu te débrouilles pour ne pas finir, tu as intérêt à le garder aussi longtemps que possible sinon si le serveur du 26
café trouve ta tasse vide, ilIa ramasse et te demande avec une voix pas amicale «Vous désirez autre chose? ». Évidemment ta réponse sera «Non» parce que tu n'as plus un sou et tu ne dois donc plus rester. Alors tu attends avec ton café, qui n'en finit pas. . . C'est la plus petite quantité de carburant qui dure dans le réservoir d'un véhicule en marche. Et pour ton bonheur s'il arrive que Mamadou qui est dans ce pays depuis plus longtemps que toi, mais sans être mieux que toi, enfin un peu mieux parce qu'il a squatté un appartement clos en attente de démolition parce qu'il est devenu expert du métro, s'il lui arrive de passer par le même café par hasard, tu es content, très content car tu vas avoir une petite compagnie pour quelque minutes le temps d'oublier ta galère, quelques minutes car il est très pressé, il a un rendez-vous très important même si en réalité il n'a rien, s'il veut simplement te fuir pour un autre café, pour que le nouveau venu que tu es ne se rende pas compte de son bluff, de tout ce qu'il vous faisait croire sur lui quand tu étais au pays. Il prend quand même le temps de t'offrir un autre café et même qu'il te paye celui que tu as déjà consommé comme cela se fait au pays naturellement. Et quand tu lui dis «merci », il te répond «oh ce n'est rien, ça ». Il passe donc son chemin en pressant le pas... Tu n'y verras que du feu. Tu penseras même qu'un jour ou l'autre tu pourras être comme lui. Evidemment, tu finiras comme lui au mieux.. .mais qu'est ce que c'est que « lui» ? Personne ne dit rien à personne en Occident, chacun découvrira par lui-même. Tu auras donc économisé deux euros car tu n'as rien payé du tout... Enfin il est tard, il doit y avoir quelqu'un pour t'ouvrir, tu rentres à l'appartement en sonnant, puis tu marches sur la pointe des pieds pour ne pas faire de 27
bruit, tu ne claques pas fort la porte parce que les enfants dorment, tout le monde est fatigué... Contrairement au pays où c'est le propriétaire qui se débrouille pour que son hôte ne soit pas dérangé. Mais tu as de la chance parce que plus tard tu découvriras que dans certains appartements il y en a trois ou quatre comme toi qui se partagent le salon ou un studio et s'ils sont plus de deux, certains dorment les pieds dans la cuisine, d'autres le nez dans les toilettes comme c'est le cas souvent. Tu vas devoir un jour faire tes valises malgré le fait que tu te sois fait tout le temps tout petit, car on te le dira d'une façon ou d'une autre: « Ici, ce n'est pas comme làbas ». «Les mauvaises habitudes» ne fonctionnent pas ici. Ici tout le monde se débrouille. La police débarque à tout moment. Et si un jour elle découvre que tu héberges un sans-papier, même les résidents ont des problèmes. Or tu n'as plus de visa, tu es sans-papiers. Oui, ici c'est chacun pour soi et Dieu pour tous. Ici on ne peut vivre autrement qu'en étant individualiste. Qui n'est pas individualiste est pagailleur. L'Occident n'aime pas la pagaille. Là, le frère se déchire de son frère, la sœur se déchire de sa sœur, la femme se déchire de son mari. Ici, c'est la survie, le sauve qui peut. Ici, ce n'est pas comme chez nous où celui qui peut aujourd'hui paye l'addition pour tout le monde sans rien attendre en retour. Non... Un millionnaire et un éboueur se partagent équitablement l'addition... Oui c'est comme ça ici... Ici, on surprend toujours en disant bonjour à quelqu'un qu'on ne connaît pas, plutôt qu'en passant son chemin sans calculer les gens. Ici quand tu n'as pas de pièce de monnaie, tu fais pipi sur toi-même dans ton pantalon, dans ta culotte, dans ta jupe et si en de telles circonstances tu as de la chance de tomber sur un jour où il pleut, la pluie couvre ta honte. ..
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Et comment avoir des pièces, tu n'as pas de papier, tu n'as pas le droit de travailler, pas même le droit de traîner par ici, tu n'as aucun droit, tu n'existes pas. Tout cela étant, il ne te reste qu'à prêcher le faux pour le vrai que tu es, à prendre le lion par sa queue... Tu dois alors changer de domicile à plusieurs reprises, aller d'anciennes affinités vers de nouvelles affinités avec l'idée que tout hébergement est provisoire.. .éphémère et que ton adresse postale doit changer autant de fois. Tu as la trouille et tu attrapes pour la première fois de ta vie une maladie qui s'appelle le stress. Tu meurs d'envie de retourner chez toi, ce que tu as cru être l'enfer, ton enfer qui devient pour toi maintenant des foyers d'incendie dans une forêt où il reste encore des passages, des chemins verdoyants par rapport à là où tu te trouves maintenant, ce four crématoire où tout cuit au même degré partout où que tu te trouves. Tu te souviens de tout le bonheur qu'est ton Afrique. .. Mais le retour n'est pas envisageable car tu es venu presque en narguant les autres presque en les défiant, pour avoir à ton retour la fierté de pouvoir offrir un paquet de cigarettes à un petit frère, payer une paire de chaussures à un ami, dispenser tes parents des dépenses quotidiennes, être différent et envié par tous, parce que tous, y compris toi-même, tous, complexés jusqu'à la moelle des os, et portent les séquelles indélébiles de la maladie transmissible seulement entre africains, Made- InOccident. .. A défaut de pouvoir donner à tout le monde et s'en vanter, tu ne peux tout de même accepter que ce soit à toi qu'il faille que l'on donne. La honte... C'est la honte qui tue le noble. Et ici en Occident pour être sûr qu'on te donnera, il faut descendre dans le métro, t'asseoir à même le sol et tendre la main et attendre que des centimes retentissent de temps en temps dans ta paume. Oui les 29
seuls gains possibles que tu ne rembourseras pas... Non! Puisque chacun se débrouille, alors tu travailleras. Seulement au noir, tu travailleras, quoi qu'il advienne, tu travailleras. Dans le business? Tu travailleras. Avec une fausse identité? Tu travailleras... Et quand tu commenceras à te payer un paquet pour toi, un café pour toi, un pantalon pour toi, au marché de Saint-Ouen, au marché de Montreuil, à celui d'Aubervilliers etc. ..celui que tu es devenu sur le papier est jaloux, des histoires commencent, tu es traité d'ingrat, il te demande de lui payer plus, tu n'es pas content, le contrat est cassé. Il faut que tu en trouves un autre... Et ça recommence... On est loin des vertus, tout est permis car il ne s'agit plus de vie mais de survie. Des histoires et des histoires, encore des histoires et ça suffit maintenant. Trop c'est trop. Maintenant tu connais la ville tu sais des choses, plusieurs personnes t'ont raconté leurs expériences, il faut que tu aies tes propres papiers... Les hommes sans-papiers guettent les femmes qui ont la chance d'avoir leurs papiers et le malheur est de ne pas avoir de mari ou possibilité de remariage. Les femmes sans-papiers guettent les hommes qui ont le bonheur d'avoir leurs papiers en ayant le malheur de ne pas avoir d'épouse... C'est mieux si on tombe sur une blanche ou sur un blanc. Je ne dis pas que dans tous les cas il n'y a pas d'amours véritables... À défaut de mariage, il faut faire un enfant, n'importe comment, avec n'importe qui... « Ça le fait» un enfant. Pour les filles, les femmes, il faut finalement aller dormir paisiblement chez ce type qui te propose son appartement depuis un certain moment, par amour, ou par sentiment fraternel. Mais cela aussi finit mal très souvent car elle va devoir «coucher ». On est loin des vertus et tout est permis. 30
Si elle n'a pas d'autres choix, parce que sans amour, elle le fera en pleurant en douce, la rancœur dans le cœur. .. Ce sera le prix de la survie. Dans des circonstances pareilles, I'hiver est le moment idéal pour les profits, les vices, les abus... Il faut dormir quelque part en hiver sinon, tu mourras, ton cadavre sans papier sera expulsé. Tu seras «un-pauvre-cadavre-noirsans-papiers-expulsé ». Les filles et les garçons «civilisés» préfèrent traîner autour d'un verre dans le bar africain du coin où tu peux brancher un nouveau ou une nouvelle... Il y a toujours quelqu'un de passage qui peut t'offrir un verre de plus, on y revoit des connaissances, on a des nouvelles du Pays, des relations. Des fonctionnaires en mission ou des commerçants de passage te verront et diront à tes potes une fois au Pays qu'ils t'ont croisé dans le dix-huitième arrondissement de Paris, vers Stalingrad... Parce que tu vis aussi des fausses idées que les gens du Pays se font de toi. Ça fait que tu t'accroches davantage à n'importe quoi, quoi qu'il arrive. À partir du moment où tu es en Occident, tu es couvert. .. On y verra que du feu. Une chose importante, il ne faut surtout pas te laisser prendre dans le métro à cause d'un ticket et parce que pas de ticket? « Eh bien: vos papiers s'il vous plaît? » c'est indispensable pour te coller une contravention «Vous n'avez pas de papier? » Et bien le contrôleur a le devoir de te remettre entre les mains musclées de la Police, qui, si tu ne restes pas tranquille, te mettront les menottes... La suite est connue. Tu es dans l'avion de force, sans-papiers, sans sous, sans ressource, sans espoir, avec la honte dans la tête et dans ton cœur, la risée des frères ennemis qui vont te voir débarquer comme un tas d'ordures... Là commence ton surmenage qui aura plus tard raison de toi 31
dans ton Pays pour tout le restant de ta vie. C'est connu dans le milieu, débrouille-toi pour avoir un ticket de métro à chaque fois que tu te déplaces. L'Afrique est éloignée de l'Occident malgré tout d'une distance comme celle qui sépare la lèvre supérieure de la bouche et le bout du nez. C'est bien de prendre l'exemple sur le visage d'un vrai Français au nez droit et long... Pour les couples réguliers, plusieurs hypothèses sont possibles.. . L'homme après s'être fait une situation fait venir sa femme gentille, même docile, vertueuse... qui est régularisée grâce au regroupement familiaL.. Petit à petit au téléphone, ses copines, ses connaissances l'informent qu'ici la femme a tous les droits... Et au bout d'un moment elle les assimile tellement bien et vite qu'elle met son époux« à la porte». . . Généralement ces femmes deviennent la proie de beaux jeunes hommes, de play-boys sans-papiers qui ont et la bouffe, et le sexe, et de la monnaie en poche très souvent, et une bonne couchette, etc. Il y a aussi des cas où la femme fait venir son mari qui est régularisé par la même loi, qui est logé, nourri, entretenu, qui travaille souvent après ou pas du tout et qui va se saouler pour battre la femme, ou qui couche avec toutes les femmes qui rendent visite à sa femme... Ah les hommes et les femmes mariés en Occident... Que Dieu nous protège, qu'il nous protège de la honte. C'est la honte qui tue le noble. De toute façon, on est loin du «qu'en dira-t-on », tout est permis. Ce sont des pays de liberté qui permettent tout libertinage. «Il suffit d'avoir son numéro de portable », sa cousine, son cousin, on travaille ensemble... Cela peut cacher ce que tu n'as pas soupçonné. Ça peut partir dans tous les sens. On dirait qu'en Occident plus tu changes de partenaires plus tu 32
deviens sexuellement performant... Tant qu'un homme peut te lâcher un billet de banque ou te promettre un boulot, tu seras toujours le bienvenu. Tant qu'une femme peut se montrer généreuse intimement, tu auras un soutien. .. Dans ce monde de survie financière ou de survie tout court, pour des gens en situation précaire en tout, un petit plus a toujours une grande importance, fut-il petit, même très petit. L'homosexualité, m'a t'on-dit, serait un phénomène hormonal, mais puisque certains disent que c'est un créneau «juteux », certains immigrés le deviennent aussi, hommes, femmes, de jour en jour, de plus en plus. Je ne dis pas que naturellement nous ne connaissons pas ce phénomène. Il existe partout. Devient-on homosexuel? Serait-ce par hasard génétique ?... mais fichons leur la paix enfin! Chacun sa sexualité. Ces immigrés qui se cachent pour le faire moyennant le prix de la survie et même un peu plus. On est très loin des vertus. Tout est permis. Ainsi on devient,par la force des choses ce qu'on n'est pas puisqu'on ne peut plus repartir. Il faut paraître bien, il faut envoyer de l'argent pour des raisons diverses, il faut tirer de soi-même tout ce qui est monnayable. Le plus important, c'est de pouvoir se faire de plus en plus discret vis-à-vis de la loi et le reste peut passer parce que la culture de la loi n'a pas laissé le choix à la culture de la vertu. Les immigrés dans les foyers en France, les plus grands maîtres du système vital de l'immigration, savent eux ce qu'ils sont, d'où ils viennent, pourquoi ils sont là et sans aucun complexe. «Un mourant ne sait pas ce qui l'attend dans l'au-delà, mais il doit pouvoir se souvenir de ce qui se passe derrière lui », se disent-ils. 33
Ils n'ont qu'un seul but: travailler, faire n'importe quel boulot digne de ce nom, faire le maximum d'économie en se faisant violence sur eux-mêmes avec le seul souci d'être serviable, d'être utile à la petite communauté du village. Pourtant, ils sont considérés comme des ploucs. De toute façon, ils s'en foutent complètement car la plupart d'entre eux ont des maisons, dans leur village, des immeubles dans les villes au Pays. Mais pour cela, il faut dormir à dix, quinze, ou plus dans la même piaule sur des lits superposés, parfois sur des matelas à même le sol, dans les couloires, manger la nourriture locale à un, deux ou cinq euros pas plus, le plat cuisiné par nos braves sœurs dans les cantines des foyers. C'est ça le prix de la dignité. Ce sont ceux-là qui s'en sortent le mieux. Ils s'en foutent des grandes marques, des chaussures stylées... En hiver, il faut se couvrir avec n'importe quoi, deux, trois pulls, une paire de chaussures et des chaussettes qui chauffent les pieds, une paire de gants, un manteau, une écharpe... qui leur reviennent à moins de cent euros et ça pendant des années et des années... Ils restent avec leur pipe à eaux et leurs boubous en été c'est tout. Parce que de toute façon avec ou sans papiers, tu te rends compte que ce n'est pas une vie faite pour toi. Chez nous, l'immigré est hôte, une personne tout court un d'entre nous, sans distinction de race, de couleur, de religion, etc.... Mais en Occident un immigré n'est autre et ne sera qu'un immigré ou «issu de l'immigration », un âne ne deviendra rien d'autre à l'avenir qu'un âne mort. Car il y a des gens ici, des occidentaux, des gens très importants qui disent très souvent à la télé, à la radio, dans les journaux et 34
en ce moment même: «C'est exagéré de dire que les blancs et les noirs sont égaux », «Les noirs, ils viennent
salir la France avec leurs odeurs », «Les noirs avec leurs odeurs... Ajoutez à cela le bruit », «La colonisation n'a pas fait que du tort aux noirs ». Cette déclaration d'un homme politique américain: «On aime l'Amérique ou on la quitte» qu'on s'est appropriée en mettant «France» à la place d'« Amérique» nous dit tout simplement de manière arrogante «quittez notre territoire, rentrer chez vous ».
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Le Mandén
En fait, qui sommes-nous? Immigré qui es-tu? Tu es de l'Afrique, l'Afrique anciennement partagée entre des colons par des colons. Il est temps que tu sois décolonisée, Afrique, et c'est précisément là où je veux en venir. L'Afrique est-elle intelligente? Si oui quelle orientation faut-il donner à l'intelligence de l'Afrique? La toute première et la plus importante, celle qui est indispensable et urgente, même très urgente, est son orientation vers sa décolonisation totale et définitive, et à mon avis, tout le reste suivra sans entrave. La véritable première constitution du monde n'est elle pas du Mandén ? Vous le savez peut être, mais je me permets juste de vous le rappeler... Quand le roi Soundiata Kéita, vainqueur du roi sorcier du Sosso, Soumaoro Kanté fut érigé empereur, en réunissant tout le Mandén, fondant ainsi l'empire du Mali, il constitua une assemblée (1235-1236) d'où sortira la charte du Mandén à laquelle des esprits saints attribuent sans doute une allure de constitution. . . Je me permets là aussi d'en transcrire ici deux versions, celle rapportée par des maîtres de la parole... étudiée et enseignée par un des mes papas les plus brillants Youssouf Tata Cissé, et celle rapportée par la conférence des historiens à Kankan, en Guinée en mars 1998. D'abord, la traduction de YoussoufTata Cissé : Le Mandén fut fondé sur l'entente et la concorde, l'amour la liberté et la fraternité. Cela signifie, qu'il ne saurait y avoir de discrimination ethnique, ni raciale au Mandén.
Tel fut l'un des buts de notre combat. Par conséquent, les enfants de «Kontoron et de Sanènè» font, à l'adresse des quatorze parties du monde, la proclamation suivante: Toute vie humaine est une vie. n est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre, Mais une vie n'est pas plus ancienne, plus respectable qu'une vie, De même qu'une vie ne vaut pas mieux qu'une autre VIe. Les enfants de «Kontoron et de Sanènè» déclarent: 1- Toute vie étant une vie, tout tort causé à une vie exige réparation. 2- Par conséquent, que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause de tort à son prochain, 3- Que nul ne martyrise son semblable. Les enfants de « Kontoron et de Sanènè » déclarent: 4- Que chacun veille sur son prochain, que chacun vénère ses géniteurs, 5- Que chacun éduque ses enfants, que chacun pourvoie aux besoins des membres de sa famille. 6- Les Nyamakalas se doivent de dire la vérité aux Chefs, d'être leurs conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l'ordre sur l'ensemble du royaume La résolution à l'issue de la rencontre des historiens en Guinée (1998) donne ceci: La Charte de Kouroukan Fouga Les représentants du mandé primitif et leurs alliés, réunis en 1236 à Kouroukan Fouga, actuel cercle de Kangaba en République du Mali après l'historique
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bataille de Kirina ont adopté la charte suivante pour régir la vie du grand ensemble mandingue. I - De l'organisation sociale
Article 1er : La société du grand Mandé est divisée en seize (16) porteurs de Carquois, cinq (5) classes de marabouts, quatre (4) classes de Nyamakalas. Chacun de ces groupes a une activité et un rôle spécifiques. Article 2 : Les Nyamakalas se doivent de dire la vérité aux chefs, d'être leurs conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l'ordre sur l'ensemble du royaume. Article 3 : Les Morikanda Lolu (les cinq classes de marabouts) sont nos maîtres et nos éducateurs en Islam. Tout le monde leur doit respect et considération. Article 4 : La société est divisée en classes d'âge. À la tête de chacune d'elles est élu un chef. Sont de la même classe d'âge les personnes hommes ou femmes nées au cours d'une période de trois années consécutives. Les Kangbès (classe intermédiaire entre les jeunes et les vieux) doivent être conviés pour participer à la prise des grandes décisions concernant la société. Article 5 : Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. En conséquence, toute tentation d'enlever la vie à son prochain est punie de la peine de mort. Article 6 : Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué le Kon"gbèn WoW (un mode de surveillance) pour lutter contre la paresse et l'oisiveté. Article 7: Il est institué entre les Mandenkas, le sanankunya (cousinage à plaisanterie) et le tanamanyoya (forme de totémisme). En conséquence, aucun différent né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l'autre étant la règle. Entre beaux-frères et 39
belles-sœurs, entre grands-parents et petits-enfants, la tolérance et le chahut doivent être le principe. Article 8 : La famille KEITA est désignée famille régnante sur l'empire. Article 9 : L'éducation des enfants incombe à l'ensemble de la société. La puissance paternelle appartient en conséquence à tous. Article 10 Adressons-nous mutuellement les condoléances. Article Il : Quand votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le voisin. Article 12 : La succession étant patrilinéaire, ne donnez jamais le pouvoir à un fils tant qu'un seul de ses pères vit. Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu'il possède des liens. Article 13 : N'offensez jamais les Nyaras. Article 14 : N'offensez jamais les femmes, nos mères. Article 15 : Ne portez jamais la main sur une femme mariée avant d'avoir fait intervenir sans succès son man. Article 16 : Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos Gouvernements. Article 17 : Les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme des vérités. Article 18 : Respectons le droit d'aînesse. Article 19 : Tout homme a deux beaux-parents: Les parents de la fille que l'on n'a pas eue et la parole qu'on a prononcé sans contrainte aucune. On leur doit respect et considération. Article 20 : Ne maltraitez pas les esclaves, accordez leur un jour de repos par semaine et faites en sorte qu'ils cessent le travail à des heures raisonnables. On est maître de l'esclave et non du sac qu'il porte. 40
Article 21 : Ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses: du Chef, du voisin, du marabout, du féticheur, de l'ami et de l'associé. Article 22 : La vanité est le signe de la faiblesse et I'humilité le signe de la grandeur. Article 23 : Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d'honneur. Article 24 : Ne faites jamais du tort aux étrangers. Article 25 : Le chargé de mission ne risque rien au Mandé. Article 26 : Le taureau confié ne doit pas diriger le parc. Article 27 : La jeune fille peut être donnée en mariage dès qu'elle est pubère sans détermination d'âge. Le choix de ses parents doit être suivi quelques soit le nombre des candidats. Article 28 : Le jeune homme peut se marier à partir de 20 ans. Article 29: La dote est fixée à trois bovins: un pour la fille, deux pour ses père et mère. Article 30 : Venons en aide à ceux qui en ont besoin. II - Des biens Article 31 : Il y a cinq façons d'acquérir la propriété: l'achat, la donation, l'échange, le travail et la succession. Toute autre forme sans témoignage probant est équivoque. Article 32 : Tout objet trouvé sans propriétaire connu ne devient propriété commune qu'au bout de quatre ans. Article 33 : La quatrième mise-bas d'une génisse confiée est la propriété du gardien. Article 34 : Un bovin doit être échangé contre quatre moutons ou quatre chèvres. 41
Article 35 : Un œuf sur quatre est la propriété du gardien de la poule pondeuse. Article 36 : Assouvir sa faim n'est pas du vol si on n'emporte rien dans son sac ou sa poche. III - De la préservation de la nature Article 37 : Fakombè est désigné Chef des chasseurs. Il est chargé de préserver la brousse et ses habitants pour le bonheur de tous. Article 38 : Avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres. Article 39 : Les animaux domestiques doivent être attachés au moment des cultures et libérés après les récoltes. Le chien, le chat, le canard et la volaille ne sont pas soumis à cette mesure. IV - Dispositions finales Article 40 : Respectez la parenté, le mariage et le vOIsmage. Article 41 : Tuez votre ennemi, ne I'humiliez pas. Article 42 : Dans les grandes assemblées, contentez vous de vos légitimes représentants et tolérez-vous les uns les autres. Article 43 : Balla Fassèkè KOUYATE est désigné grand Chef des cérémonies et médiateur principal du Mandé. Il est autorisé à plaisanter avec toutes les tribus en priorité avec la famille royale. Article 44 : Tous ceux qui enfreindront ces règles seront punis. Chacun est chargé de veiller à leur application. À chacun d'apprécier... Pour ma part, dans les deux cas, vous convenez très certainement avec moi que cette charte, cette constitution 42
donc, est beaucoup plus inspirée de l'intelligence, et du bon sens que celle des Britanniques en 1222, dont le concept était «Habeas corpus», «aies ton propre corps », considéré par certains comme étant la première déclaration des droits de l'homme, et contesté par autant d'autres gens aussi intelligents pour des raisons, à mon sens, bien justifiées. La décolonisation de l'Afrique passe forcément par une réinsertion des cultures africaines par les Africains. Cela sous-entend la compréhension parfaite, par chaque Africaine et par chaque Africain, du sens réel de toutes les composantes de nos sociétés, le rejet du sens que l'Occident leur a donné en l'inculquant dans nos têtes et le rejet de l'interprétation que l'Occident en a fait, en ayant comme objectif notre déracinement, sachant qu'un arbre sans racine ne tient pas debout. En guise de rappel, un matin, nous recevions des étrangers.. .et que vaut un étranger au Mandé? Je dois dire d'abord que c'est pour moi une grande prétention de parler au nom de toute l'Afrique, n'étant ni historien, ni chercheur, ni archéologue... Seulement un africain tout court, un africain amoureux de l'Afrique... Mon amour pour l'Afrique est immense à côté de ma connaissance de l'Afrique tel un œuf de sardine à côté d'une baleine. Je me fixerai donc des bornes autour du Mandé dont je suis originaire et dont je suis également loin, très loin de maîtriser toutes les données devant servir de briques de construction aux idées que je prétends défendre... Le Mandé devenu par la balkanisation coloniale aujourd'hui le Mali, la Guinée, le Burkina Faso ex Haute-volta, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Ghana, la Gambie, etc. ... Dans le Mandé, l'étranger a tous les droits, tous les privilèges, il mérite l'attention, la protection de tous. 43
Quand un étranger entre dans le Mandé, la première porte à laquelle il frappe lui est automatiquement ouverte. Le premier élément de l'accueil doit être la bonne humeur chez celui qui a l'insigne honneur de le recevoir, même si ce dernier va mal. Ensuite il est tenu de servir à son hôte une bonne dose de sourire pour le tranquilliser, suivi d'une gourde d'eau pour étancher sa soif. L'étranger a ensuite droit à une douche pour se rafraîchir, les espaces de bain étant équipés de wc, il pourra se soulager s'il en a l'envie sans être obligé d'en exprimer le besoin... Car il y a des circonstances, où chier peut être honteux. Pendant ce temps, un repas servi l'attend. Dans le cas où la famille d'accueil serait démuni au point de ne pas avoir de repas en réserve, comme il se doit, elle demandera au voisin, qui pour la circonstance passera discrètement par-dessus le muret qui sépare les deux familles, un plat dont la qualité peut être égale à ce qui est habituel ou meilleure... L'étranger, après avoir fmi de se laver, de manger, peut aller faire une sieste et se détendre dans un endroit aménagé pour lui... Tout cela avant même qu'il ne dise la raison de sa venue. Après ces différentes étapes viendront les salutations, les bénédictions, les présentations et tout le reste... Ainsi dans le Mandé, quand un étranger arrive chez toi, nous enseigne notre tradition, tu t'occupes de lui, au point de lui laisser ton lit s'il n'y a pas d'autres places. Quitte à toi de «monter dormir dans un arbre» et le lendemain matin très tôt avant son réveil tu descendras de l'arbre sur la pointe des pieds pour ne pas le déranger, le réveiller... Pour qu'il ne se rende pas compte que tu t'es donné de la peine pour lui, sans savoir sa religion ou son origine... C'est cela un étranger au Mandé. 44
Nous avons dû, et cela continue aujourd'hui encore dans le Mandé profond, abandonner par générosité nos couchettes pour nos étrangers, par admiration pour les êtres humains qu'ils sont, le Mandé profond que je regrette, que je réclame, que je ne cesse de pleurer dans nos grandes villes, car aujourd'hui, les grandes villes Mandéka, anciens sièges du colon ayant servi de terrain de semence des premières infrastructures de l'acculturation, évoluent sans le Mandé. Là commencent les pratiques de l'esclave qui veut ressembler à son maître et à partir de là pour nous, le monde évolue de la même manière mais pas à la même vitesse. Voyez-vous? La France n'est pas née avec l'électricité. Autrefois dans le Mandé, l'on construisait des cases sans clôture et n'importe qui pouvait venir de n'importe où pour y entrer. Ce temps est révolu. Puis l'on a mis des clôtures pour délimiter les familles, mais des clôtures dont la porte n'avait pas de battants dont toute porte était une porte d'entrée. Ce temps est révolu. On a commencé à mettre des sortes de paravents devant les portes pour que les animaux ne viennent pas salir la cour tard dans la nuit, et après ces moments, petit à petit, l'évolution du temps aidant, nous voyons des villas toutes faites dans ces grandes villes, avec des portes constamment fermées à clé avec à la devanture le portrait d'un grand « berger allemand», la gueule ouverte en position de dévorer la tête de n'importe quel passant, en dessous duquel portrait il est écrit « attention chien méchant ». L'esclave veut ressembler à son maître, ce grand maître futuriste éclairé par excellence, qui a savamment et minutieusement creusé le gouffre sans fin au bord duquel il a placé l'Afrique à laquelle il a fini par demander de 45
faire un pas en avant... «En avant» signifiait pour la pauvre Afrique aveuglée par le bandeau de la traîtrise, de la méchanceté pure, un pas vers un avenir radieux, en guise de récompense à son accueil, ô combien généreux... Sur ce coup-là l'Afrique a été généreuse comme un criquet... Et c'est même peut-être pour cette raison que les criquets se retrouvent en nous et ne nous quittent plus jamais... Ils sont devenus nos frères ennemis... Prenez un criquet par les pattes, il vous les abandonne en s'envolant. L'Afrique est donc tombée dans ce gouffre sans fin, dans lequel elle se trouve encore et se cherche sans aucun espoir de se retrouver. L'Afrique n'a pas cherché à partir en Occident, c'est bien d'abord l'Europe qui a cherché à découvrir le monde et nous n'avons été que victimes de notre humanité, car étranger le matin, le colon est devenu au soir le maître de nos lieux... C'est donc ainsi que le Mandé est devenu aujourd'hui un des endroits les plus pauvres du monde en étant un des rares endroits au monde où l'on ramassait l'or et diamant à même le sol. Le roi Kankou Moussa en allant à La Mecque vers le 13èmesiècle y est allé avec tellement d'or, que le cours mondial de l'or a chuté... L'empire du Mali au cœur du Mandé a fait partie de la première carte géographique confectionnée, à cause de sa richesse. Si l'Occident nous était venu en ami, il nous aurait proposé en plus de l'oralité de nous aider à écrire nos langues dès les premiers contacts. Aujourd'hui, presque tous les pays qui se sont développés l'ont été avec leurs langues. Le choix d'apprentissage de la langue de l'étranger ayant été le choix de l'étranger et étant donné que nos lois 46
nous interdisent de contrarier l'étranger par respect pour lui, nous ne pouvions faire autrement que d'obéir et de respecter ce choix. Mais au moment où certaines consciences s'éveillaient en soupçonnant le piège, la subtilité maléfique fit place à la barbarie des armes de destruction massive de l'époque, des canons et autres... De gré ou de force, nous n'avions plus désormais que le choix de l'étranger, l'étranger devenu le maître. Nous voici de nouveau déroutés. Dans le Mandé, une simple rencontre cesse d'être une rencontre pour devenir une amitié, et une amitié se transforme de façon spontanée en une fraternité et cela avec la plus grande sincérité... .
Vous comprenez alors pourquoi un peuple comme
celui-là peut facilement se faire avoir par la ruse des mal intentionnés? La légende dit que le premier homme qui a dompté le cheval, a d'abord commencé à lui tendre une poignée d'herbe, puis deux, puis trois... Jusqu'à ce que le cheval soit en confiance puis, à la place de la poignée d'herbe, qu'il ait pris le mors dans sa gueule... Allez croire qu'un jour il y aura un renversement de situation... Cela peut aider à la compréhension. .. Mais ce n'est pas tout à fait cela. Dans notre cas, il s'agit d'une affaire qui se passe d'homme à homme, d'être humain à être humain, avec de part et d'autre la même constitution physique, biologique, la même possibilité d'atteindre le même degré d'intelligence, les mêmes sensations... C'est cela qui fait que dans ce cas-là, le renversement de situation peut être envisagé. Mais notre génération doit commencer ce travail maintenant et tout de suite pour que dans quelques centaines d'années, nos 47
descendants puissent enfin commencer à voir la lumière du jour pendant que le maître a terminé de gravir tous les échelons possibles dans la vie et qu'à son tour, il commence la dégringolade car comme le dit Nietzsche: «Que peut une chèvre au sommet d'une montagne sinon descendre? ». Je ne fais pas là un vœu... Si je dois en faire, c'est bien celui d'une mondialisation à visage humain, un équilibre social généralisé où l'homme pourra sans aucune discrimination communiquer avec l'homme en frère et en ami, sans autre intérêt que la magnificence de la race humaine, car l'humanité ne sert à rien si ses valeurs ne servent pas l'homme. Il est donc souhaitable que l'homme comprenne pour la beauté de la vie que Dieu nous a servi avec amour, que toutes les âmes s'équivalent. En effet, quand vous mettez l'âme d'un éléphant dans un des deux côtés d'une balance et de l'autre côté l'âme d'une fourmi, il est certain que les deux âmes s'équilibreront. Toutes les âmes s'équivalent, de même toutes les cultures s'équivalent autant. Aurions-nous vraiment d'autres choix que de fonctionner dans le monde comme la vie dans la bouche? Quand le champ de ton voisin prend feu, si tu ne l'aides pas à éteindre l'incendie, le feu finira par brûler ton champ, quelles que soient les précautions que tu auras prises à ton seul niveau pour ta propre sécurité... Fonctionner comme dans la bouche... Dans la bouche, la langue et les dents cohabitent tout le temps et depuis toujours. Il leur arrive de se quereller souvent, d'avoir des embrouilles et même, quelquefois de verser du sang entre elles... Mais aussitôt la salive intervient avec ses qualités d'antibiotique... Tous les 48
éléments se retrouvent petit à petit avec la volonté de rester ensemble, travailler ensemble, communiquer ensemble, vivre ensemble pour que la tête puisse continuer à penser tranquillement, le ventre continue à faire tranquillement son travail de digestion, les pieds peuvent marcher convenablement, les bras peuvent travailler convenablement.. . Enfin, pour que l'homme vive convenablement. Je me trompe peut-être, je ne suis pas savant, mais je suis croyant, Dieu seul est savant... Et tant que la science, que le monde détient et cherche à maîtriser, ne vient pas à bout de la mort, je serai croyant, la science qui au fond est devenue le seul véritable espoir de l'homme mais vers quel but? Je ne sais pas... Albert Einstein ou qui d'autre ? Je ne sais pas, aurait dû trouver la bombe atomique et maîtriser en même temps ce qu'elle pouvait provoquer comme dégâts... Nostradamus aurait pu éviter sa propre mort dont il avait prophétisé le moment, car un homme averti en vaut plusieurs. Et pourquoi le couteau avec lequel on découpe la viande pour la manger devient souvent l'arme qui a servi pour poignarder son propriétaire ?.. Le degré de ma compréhension n'est pas arrivé à expliquer des états de faits pareils. Et pourtant, ça al' air banal. Pour essayer de mettre un peu d'ordre dans mes idées, je disais que pour moi, la décolonisation de l'Afrique passe forcément par des étapes comme le fait de soigner les africains malades du complexe... Et du gommage de l'acculturation. . . Qu'est-ce qu'on nous a fait croire? On nous a fait croire, et nous y avons cru, et avons même transmis à nos enfants comme nos contes et nos proverbes, nos masques, 49
nos arts et nos valeurs, légués par nos parents, que pour nous, la femme a une place secondaire, qu'elle n'avait que des devoirs mais pas de droits: le devoir de faire la cuisine, de recevoir son époux dans le lit Ge demande pardon à nos mères), de faire des enfants, plusieurs enfants... Comment savoir ce que c'est que l'amour, si la femme est toujours en position de faiblesse et de dominée? Aujourd'hui encore, on peut entendre quand deux femmes Malinkées se disputent, l'une dire à l'autre: «Aussi puissante que tu soies, tu te coucheras toujours derrière un homme». En vérité, dans la tradition du Mandé, chacun de I'homme et de la femme connaît sa place dans le lit. La femme se couche derrière l'homme par rapport à la porte. Mais cela ne veut pas dire qu'elle a une place secondaire. Ça veut dire quoi alors? À l'époque où les portes n'étaient pas ou presque pas fermées et où les villages n'étaient pas si loin de la brousse, à l'époque où quelques serpents perdus ou quelques fauves égarés pouvaient surgir à tout moment, sur une place, dans une cour et même souvent dans les cases, l'époux en garde du corps se couchait vers la porte et se tenait prêt à braver n'importe quel danger pouvant éventuellement les surprendre. À défaut de pouvoir vaincre ce danger, il l'entraverait au moins au prix de sa vie, le temps que l'épouse sauve la sienne propre. Preuve de comportement phallocrate ou preuve d'amour? Une interprétation erronée et déviante de cet enseignement de nos traditions, qui n'est autre qu'un esprit de sacrifice pour protéger l'aimée, nous a dégoûté de nous-mêmes en y croyant. À cette époque, l'on se nourrissait de petits gibiers et pour en avoir, on devait risquer de servir soi-même de 50
repas à un lion, une panthère, un cobra etc Et là aussi, l'époux s'est donné le rôle de celui qui est prêt à donner sa vie pour que vive son épouse aimée, qui devait attendre en toute sécurité la viande fraîche que lui apportera son chasseur forcené. C'est donc avec plaisir qu'elle se mettra à cuisiner pour la famille. Quelle preuve d'amour! Voilà les raisons qui faisaient que l'épouse restait à la maison pour faire la cuisine et que l'époux devait être très souvent dehors. Est-ce une raison noble, ou une raison de jalousie ou d'esprit de phallocrate que la femme devait rester à la maison? Aussi la jeune africaine doit comprendre, la jeune africaine hébétée par les interprétations malsaines de nos traditions, que chez elle au Mandé, la femme est un être sublime car c'est en elle que Dieu lui-même a placé son propre laboratoire, là où il transforme la simple goutte d'eau en être humain, comme le dit si bien Amadou Hampaté Ba. Toutes les injures peuvent être pardonnées au Mandé sauf celles qui s'adressent à la mère, qu'elle soit sienne propre ou celle d'autrui. Il a été dit que nous marginalisons la femme à tel point qu'elle n'avait pas le droit d'assister aux grandes discussions concernant la vie en communauté, y compris la sienne propre. Mais pourquoi n'ont-ils pas pris en compte le fait que quand les hommes sous l'arbre à palabres, dans le vestibule du chef de village ou autour des patriarches, n'arrivaient pas à trouver une solution à un problème donné, concernant la vie de la communauté, l'on mettait fin à la séance de ce jour, en se disant «Revenons demain, la nuit porte conseil» ? L'Occident n'a vraiment pas la clé de toutes les portes de chez nous. «La nuit porte conseil» signifie que la 51
solution qui sera certainement trouvée le lendemain aura été soufflée par une femme à l'oreille de son époux au cours de la nuit. Dans le Mandé donc, l'organisation de la société admet que la femme est aussi considérée comme plus intelligente que l'homme, plus éclairée que l'homme. Chaque peuple dispose d'un plan original pour l'organisation de sa société. C'est bien ce qui fait la richesse, la diversité du monde et aussi sa beauté. C'est encore quelque part, dans ce Mandén, et plus précisément dans les villages de Massala et de Bassakoungo, que des femmes de l'ethnie Bobo vont semer la première graine d'une révolte dite la révolte des populations du Haut Sénégal Niger, au temps colon, révolte qui gagnera petit à petit le reste des africains et qui aboutira sur la création du véritable grand parti panafricaniste, indépendantiste africain, le RDA (Rassemblement Démocratique Africain), dont les actions contribueront plus tard à l'accession à l'indépendance de nos états.. . Et nulle part naguère, en Afrique, il n'y a eu de révolte d'une telle ampleur, disent les connaisseurs. Pensez-vous vraiment que de façon délibérée, notre philosophie en matière d'organisation sociale pourrait donner une définition minable à la femme? Franchement, ce sont des mauvais africains, comme il en existe dans tout le monde, qui peuvent appliquer de telles idées... Mais je ne crois pas qu'il faut dire d'un peuple qu'il est de nature à voler quand on y décèle quelques voleurs. ... J'ai entendu dire que les premiers dictionnaires français définissaient la femme comme étant le féminin de l'homme.. .
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C'est peut-être vrai mais ça me parait un peu bizarre comme définition de la femme. Revenons à cette révolte des bobos. La rencontre à Bamako pour la commémoration du 90èmeanniversaire de la« révolte des bobos », rapporte à
son issue, que c'est en 1915 - 1916, que commence véritablement ce mouvement révolutionnaire dans un village dafin. Je suis moi-même dafin, cette ethnie dérivée du malinké. En effet, en zone bobo, son déclanchement fait suite à l'envoi sur le chantier du travail forcé d'une femme à terme, Ténin Coulibaly, qui va accoucher et perdre son nouveau né... Merci à la France pour la Femme, pour l'enfant. . .pour l'humain. Les hommes qui traînaient jusqu'ici le pas seront motivés par leurs femmes qui les boudent au lit et finiront par quitter leur pagne en guise de protestation.. . C'est alors, que les hommes ont proclamé la fin de l' oppression. La révolte se généralise et embrase au-delà du village Dafin, le village bobo de Dédougou et ceux d'ailleurs, le pays dogon etc.. .. Le père du père de mon père, El Hadj Adama Dembélé dit Koula Ladji, fait parti des cinq grandes figures qui ont mené cette révolte. Il a provoqué la marche des rebelles bobos et marakas du nord de la route San-Dédougou sur la route de Koro à 16 km de l'est de San, le 19 avril 1916. Et 46ans après jour pour jour, je suis né 19 avril 1962. .. Chez les Wobes, on pense que le nez est placé là où il est simplement pour que les deux yeux ne se regardent pas. C'est rigolo pour le savant, mais c'est la vérité des Wobes.
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Que le goitreux ne se moque donc pas du bossu, car aucun des deux n'est bien portant. En Occident, c'est l'épouse qui prend le nom du mari, mais pas le contraire. Et l'Occident a bien ses raisons de penser comme cela et nous le respectons. Dans le Mandé, la femme mariée garde son nom de jeune fille pour qu'elle existe en tant qu'être indépendant. Que le Mandéka en soit fier. Les occidentaux préfèrent péter publiquement plutôt que roter. Cela est tout à leur honneur. Pourquoi le Mandéka devrait se mettre à péter devant sa belle-mère quand il pense que péter publiquement est honteux et à s'abstenir de roter quand il est content d'avoir été rassasié? Un enfant occidental doit par respect regarder ses parents dans les yeux quand ils lui parlent, nous apprécions, mais qu'on ne désapprouve pas nos règles en la matière quand, au Mandé l'enfant ne doit pas croiser leur regard. La joliesse du monde réside dans sa diversité. Aucun pays africain n'a ouvert sa bouche pour dégrader le fait que les vieux parents occidentaux sont placés dans des poubelles... Des poubelles très propres... mais des poubelles quand même subtilement appelées des «maisons de retraite ». Nous ne sommes pas obligés de faire pareil, c'est tout. Notre philosophie en la matière est que nous sommes nés dans leurs mains, ils finiront dans les nôtres. De grâce, qu'on ne se moque pas de nous en parlant de la polygamie que nous admettons mais qui n'a jamais été une obligation. En Occident, qui n'a jamais péché n'a qu'à jeter la première pierre... L'Afrique n'a jamais créé d'ONG pour lutter contre les Français qui trompent leurs 54
épouses. L'Afrique n'a jamais créé d'ONG pour faire des sensibilisations contre le fait qu'en Occident des femmes et des hommes sont autorisés à changer de sexe. . . L'histoire ne peut jurer que Louis XIV n'a eu qu'une femme dans sa vie. L'Afrique a appris à aimer l'Occident en respectant ses choix dans sa manière de voir les choses sans lui porter de jugement. Voilà comment je pense qu'il faut que nos rapports soient. On m'a raconté qu'un jour en Occident un africain s'est retrouvé dans un restaurant au milieu de plusieurs autres clients blancs. Il choisit dans le menu un plat fait de viandes, d'os et de frites, qu'il mangeât avec beaucoup d'appétit. Des frites, il n'en restait plus rien, de la viande aussi. Et le voilà qui attaque les os avec ses dents pour aller chercher la moelle des os. Un client blanc qui occupe la table d'à côté lui demande:
- «Excusez-moi Monsieur, mais qu'est-ce que vous laissez à vos chiens chez vous?
- Chez nous? Répond l'africain, chez nous, cher Monsieur, les chiens mangent de la salade. » Le blanc qui mangeait de la salade ne dit plus rien et le noir continue à sucer son os. Les blancs n'aiment ou n'apprécient que des femmes maigres. Le Mandéka aime les femmes maigres et les femmes grosses avec des fesses bombées, où est le problème? Tout ce qui est petit est mignon, dit-on en Occident. Le Mandéka ne dit pas le contraire, mais seulement, il ajoute « tout ce qui est gros est gracieux », où est le problème? Ce qui est souhaitable c'est que l'africain ne soit pas obligé d'appeler sa case nuptiale, une lune de miel parce que pour lui au départ case et nuptiale vont ensemble 55
mieux que lune et miel. L'abeille a beau allé loin, elle ne pourra atteindre la lune pour y faire du miel. Non? Il est plus facile pour une femme en Occident de montrer ses fesses plutôt que ses seins. Et bien dans le Mandé c'est exactement le contraire. Mais franchement dites-moi pourquoi les filles du Mandé doivent se mettre subitement à exhiber leurs fesses? l'assume que l'excision était une de nos pratiques sans en avoir honte. Je ne l'appelle pas une pratique barbare mais une réalité d'une époque que je condamne aujourd'hui avec la dernière rigueur. L'Occident ne croyait-il pas avoir raison de vouloir tuer Galilée quand ce dernier a affirmé que la terre tournait? Tous les peuples du monde ont dû faire des bêtises. Mais au fur et à mesure de l'évolution, on se rend compte qu'il y a des traditions à jeter et d'autres à conserver pour le bien-être. À mon avis, l'Occident peut donner des leçons de finance, de marketing à l'Afrique parce que la colonisation a tout fait pour que nous perdions le sens des affaires, que nous n'ayons pas d'esprit d'initiative en la matière, que nous prenions goût à la soumission et à l'acceptation... Nous n'avions pas le choix face aux armes de destructions massives de l'époque, mais l'Occident ne peut donner une leçon de vie sociale à l'Afrique. Au contraire, elle a tout à gagner en imitant le modèle africain. L'humanité ne sert à rien si ses valeurs ne servent pas l'homme. Tout ce que l'Homme crée, doit être fait avec l'esprit de servir l'Homme, pas seulement un groupe d'hommes mais l'Homme, c'est-à-dire l'espèce humaine. Je trouve qu'il y a des africains qui jouent aux types malins. Ils prennent de l'argent sous le couvert d'une ONG, d'une association, etc. ... Pour lutter contre ceci, 56
pour cela... Mais en réalité ceux-là sont plus préoccupés par leurs propres images, leurs propres poches que par les causes pour lesquelles ils sont sensés être engagés. Ils font quelques actions pour être médiatisés, pour avoir quelques preuves justificatives en cas de vérifications... En réalité ce n'est que du bluff... C'est en fait le groupe d'africains qui est aussi animé par le désir inconscient de vengeance. Ils se disent «Ils nous ont assez eu, donc bouffons-les tant que nous en avons l'occasion ». C'est le genre d'africain qui profite de ces aubaines pour se démarquer de leurs frères et soeurs restés honnêtement et dignement modestes. Dans tous les cas, le côté fric de la chose intéresse beaucoup plus que l'objectif à atteindre. Mais ils sont, ou elles sont tellement bons comédiens ou bonnes comédiennes que l'on peut y croire facilement. En Afrique, des colons ont obligé, forcé je dirais, des époux à assister au viol de leurs épouses, des femmes et des hommes ont été cravachés, torturés longuement comme des ânes révoltés, sous le regard impuissant de leurs enfants, et celui ou celle qui résistait plus, était écrasé devant les siens comme un pou, sans aucune raison valable, je dirais même sans aucune raison que d'entretenir un sadisme. Qu'est-ce qui s'est passé à Thiaroye? Oui mais peut-être qu'un petit rappel est nécessaire.
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Après la deuxième guerre mondiale, donc la chute de l'Allemagne et la victoire des Alliés, les combattants africains, qu'on a globalement appelé «les tirailleurs sénégalais », ont été placés dans un camp à Thiaroye au Sénégal... N'ayant pas compris pourquoi les combattants blancs qui avec eux, au même titre, avaient gagné la guerre et libéré la France, étaient deux ou trois fois, je ne 57
me souviens plus exactement, mieux payés qu'eux, ils ont posé des questions et réclamé leurs droits. La réponse? Les canons, les armes de destructions massives ont craché sur eux leurs feux ardents et mortels. Affaire classée. Feu Sembène Ousmane en a fait un film absolument fidèle à la réalité historique, « Thiaroye », qui n'est jamais sorti en France à l'époque, pour des raisons de censure je présume. Mais enfin, vous savez tout cela, des plumes plus savantes et plus éloquentes l'ont dit et redit à plusieurs reprises dans des formes absolument bouleversantes. À partir des centaines de milliers de faits aussi barbares, grotesques, humiliants... criminels, de façon consciente, parce que sa conscience a été volontairement matée jusqu'au dernier souille, l'Afrique ne pouvait que mettre son destin entre les mains du colon et du hasard et le colon en a fait ce qu'il veut, c'est-à-dire ce qu'elle est aujourd'hui et pour longtemps, pour très longtemps, l'Afrique la grande abrutie.
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L'Afrique est-elle intelligente? Croyez-moi, si le colon n'était pas venu en Afrique, elle aurait trouvé toute seule le chemin de son développement parce qu'elle est intelligente et humaine... En son sein, un enfant a plusieurs pères et mères et ses pères et mères se sentent ses géniteurs propres. En son sein, nos grands-mères et nos mères sont allées au-delà de tout égoïsme en acceptant leur polygamie, en considérant plutôt ce qu'elle peut avoir comme impact positif sur la vie sociale. Il leur arrive même d'échanger volontairement leurs enfants pour éviter toute rivalité possible. Et pourtant dans aucune loi africaine, la polygamie n'apparaît comme une obligation. Au sein de l'Afrique, le respect des parents, l'aîné par l'enfant est naturellement obligatoire, en guise de reconnaissance à celle qui l'a porté des mois dans son ventre, à celui qui est son géniteur, à ceux qui l'ont vu naître, grandir et qui lui ont accordé à chaque instant de sa vie d'enfant la plus grande attention sans relâche, jusqu'à ce qu'il ait l'âge de se prendre en charge, pour que la douleur de l'enfantement soit compensée, pour leur donner la joie de savourer le fruit de plusieurs années de dépense d'énergie, d'attentions financières, physiques, spirituelles. Tout cela basé sur un amour pur, qui a été consacré à leur enfant pendant toute son enfance. . . Quand des enfants blancs s'amusent entre eux, on les entend dire très souvent: «T'as pas le droit... ». Mais quand des enfants africains de l'Afrique s'amusent, on les entend surtout dire: «Père ne nous a pas dit que... » ou
« Mère ne nous a pas dit que... ». Dans le premier cas, la loi a pris la place des parents, et dans le deuxième les parents sont toujours présents... Un ami, donc un frère Malinké m'a raconté un jour qu'il a eu la chance de faire quelques mois de stage avec une bourse à Paris et qu'à la fin de chaque mois, il disait à son voisin de table qui est français de pure souche: «Il faut que j'envoie de l'argent à mes parents ». Au bout de quelques mois, son voisin lui dit: - « Au fait, combien dois-tu en tout à tes parents?
- Combien
je leur dois? Répond-il...
Mais ce sont mes
parents! - Et alors? -Alors je leur dois ma vie... - Ils n'ont pas fait exprès, c'était pour se faire plaisir... - Qu'est-ce que tu dis là, mais enfin je leur dois la vie, mon éducation... - Ben! Ils n'avaient pas le choix à partir du moment que tu es né... ». Le jeune français disait tout cela très amusé en étant convaincu qu'il avait raison. Mon frère malinké a dû mettre fin à la discussion quand il a compris qu'il n'y avait rien à faire pour se faire comprendre par son interlocuteur. Il lui a simplement dit pour clore la discussion: «Chez nous, parmi nos nombreux défauts, l'ingratitude n'existe pas» . Enfin, il a fini par me dire: «Si je vois comment les enfants des Toubabs se comportent à leur endroit: Papa, t'es fou, Maman, t'es folle... Et qu'avec tout cela ils réussissent à se faire une bonne situation, j'en viens à me poser la question suivante: la malédiction des parents existe-t-elle vraiment? ».
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Je lui réponds que ce qui est censé attirer la malédiction parentale sur un enfant, c'est ce que l'enfant fait ou dit et qui fait mal aux parents.
Or chez les blancs, «maman t'es folle », «papa t'es fou» n'irrite pas généralement les parents Toubabs ; alors la malédiction n'a pas de faille par où entrer. Enfin, tout ça, vous me direz ce n'est ni l'ordinateur, ni la machine, ni l'avion, ni le nucléaire... Tous faits par l'homme pour le bien de l'espèce humaine, mais faut-il que l'on reconnaisse qu'une telle vision africaine d'une telle organisation sociale n'est pas tout à fait bête. Dans le Mandé et peut-être dans beaucoup d'endroits en Afrique, nous avons trouvé une manière fabuleuse pour le maintien intégral de nos personnes âgées... Les petits garçons sont les petits maris de leurs grandsmères, les petites filles les petites épouses de leurs grandspères. Une plaisanterie sans fin s'engage entre eux, du genre: «Si tes dents ne repoussent pas d'ici à une semaine, je te divorcerais... », (Le petit fils à sa grand-mère) ou «si tu ne laisses pas ma femme tranquille, (le petit fils à son grand-père parlant ainsi de sa grand-mère), je te confisquerais ta canne et on verra de toi à moi qui est le plus fort », ou encore «je préfère les plus jeunes car ils savent marcher en se tenant tout droit» (la petite-fille à son grand-père), etc. ... Les grands-parents retrouvent petit à petit goût à la vie. Ils sentent qu'ils servent encore à quelque chose dans la vie de la famille, dans la vie de la société. Ils s'improvisent alors en conteurs, animent des soirées, entourés de leurs nombreux petits-enfants attentionnés, émerveillés par les différents récits. . .Constamment, 61
aujourd'hui s'inspire d'hier pour un futur meilleur, meilleur sur le plan humain. Voyez-vous au Mandé, le climat est caniculaire presque tout le temps, mais il n'a jamais fait 3000 morts en un temps aussi record que celui que l'Europe a connu en 2003. Au Mandé, l'unité des familles, l'unification de tous les Malinkés est sacrée: Adara et Madou sont des frères. Ils sont nés et ont grandi sous le même toit, celui de leur père. Ils ont tout partagé jusqu'à leur mariage. Mariés ils ont habité côte à côte avec un muret qui sépare leurs foyers respectifs. Ils ont élevé leurs enfants de la même manière qu'ils ont été élevés, avec le sens de la solidarité entre parents jusqu'à leur vieillissement. Un jour, Adara n'avait plus de céréales, il le dit à Madou qui, naturellement ordonne à ses enfants d'apporter la moitié de leurs provisions à leur petit père Adara. Les enfants ont pris une mauvaise mine en traînant le pas, ne pouvant pas refuser la volonté de leur père, ce qui pour Madou sous-entend «On ne peut pas travailler pour nous et pour les autres ». Puisque qu'Adara et sa famille ne sont que «les autres », Madou est alors entré dans une grève de la faim, même après que ses enfants ont fait ce qu'il leur a demandé. Son épouse, après avoir grondé les enfants, en leur rappelant le sens de la parenté, supplie son mari pour qu'il mette fin à sa grève. Il pardonne à sa femme et continue sa grève. Les enfants regrettent leur acte et viennent s'agenouiller devant lui pour lui demander pardon en insistant sur le fait qu'ils ont bien compris la leçon. Il pardonne à ses enfants et continue sa grève... Deux, trois jours... Il n'est plus tellement jeune. Déjà faible par l'âge, il s'affaiblit de jour en jour par la non alimentation. Le 62
chef de village informé est poliment accompagné chez lui, mais la grève a continué. Son frère Adara lui-même qui a le devoir avant toutes choses de venir dire chaque matin bonjour à son aîné a toujours reçu le même amour sans parvenir à lui faire avaler un grain. Les patriarches, tous les notables du village... Madou garde toujours le sourire et le bon accueil que l'on connaît de lui en supportant son supplice... Au bout du septième jour, dans la matinée, sa femme se réveille, mais lui est resté au lit. On appelle d'urgence le guérisseur qui n'a pu que constater sa mort. Paix à son âme. Au retour du cimetière, après l'enterrement, ses enfants et ceux de son frère Adara se mettent ensemble instinctivement pour casser le mur qui sépare les deux cours familiales pour n'en faire qu'une. Et depuis ils ont cessé de s'appeler entre eux « cousins» pour ne s'appeler que « frères », frères dans le bonheur et aussi frères dans le malheur. Ce n'est pas un conte mais un vécu. Voilà jusqu'où l'enseignement de la tradition peut nous amener. Encore une. Quand Yahé mourut, il ne laissa à ses enfants que du maïs en héritage, un grand tas de grains de maïs. Lors du partage de cet héritage entre ses enfants, tous présents, un coq est venu de par un côté du grenier et a becqueté un grain en s'en allant à toute allure avec. Le maître de cérémonie dit en riant: «Espèce de petit crapuleux... Prendre l'héritage d'autrui? J'espère que tu sais ce que tu fais? ». À ces mots, le coq freine, retourne sur ses pas en vitesse, s'arrête au niveau du tas de maïs et ouvre son bec pour laisser tomber le grain dans le tas et disparaît de l'autre côté du grenier sans faire cocorico. Les héritiers qui étaient tous venus avec dans la tête de chacun: « Je mérite plus que mon frère ou ma sœur », se calment et trouvent 63
sur le champ une solution, maintenant ainsi la stabilité fraternelle en faisant des concessions. Même nos animaux savent que nous ne faisons rien pour rien et que tout ce que nous disons a un sens philosophique convenable à notre société. Je ne sais pas si cela se fait en Occident mais au Mandé, les souris se tiennent la queue pour traverser la route. Dans le Mandé, nous nous méfions de « l'être imbu de lui-même» car nous disons que «tu as beau être malin, tu mettras un j our ta main dans ta merde». Une femme vient en consultation chez un marabout et lui demande de faire en sorte que son mari retombe amoureux d'elle. Le marabout enregistre ses doléances, mais trouve la femme très belle. Le vice est la chose à laquelle on s'attache le plus rapidement et le plus longuement possible. Il commande à la femme de repasser bien souvent prendre des informations liées à ses travaux magiques sans pour autant lui dévoiler son intention intime. La femme, qui devient de plus en plus régulière et familière, vient un jour de fête comme cela se fait au Mandé entre amis, voisins et parents, offrir un plat délicieux et copieux à son marabout préféré, un plat qu'elle a elle-même cuisiné... Mais voilà que notre marabout, après avoir avalé quelques tartines commence à avoir des vertiges, qui deviennent de plus en plus sévères. Son œil droit commence à regarder son œil gauche. Des bourdonnements envahissent ses oreilles jusqu'à ce que mort s'en suive. En fait que s'est-il passé? Un jour, le marabout offre une poudre soi-disant magique à la femme lui conseillant d'en mettre dans le 64
repas de son mari. Cette poudre une fois arrivée dans le ventre de son mari, transformerait le dégoût de celui-ci envers son épouse en un amour qui se passerait de tout commentaire. Mais comme l'habitude de se fréquenter peut créer souvent des sentiments inattendus, la femme tombe amoureuse du marabout et utilise la poudre qu'il lui avait donnée pour reconquérir l'amour de son mari. Ce produit n'était autre que du poison destiné en réalité à donner la mort au mari de sa cliente préférée pour qu'après il puisse lui-même se l'approprier. Eh, oui! Tu as beau être malin, tu mettras un jour ta main dans ta merde. Dans le Mandé, il est recommandé d'avoir le bon sens en toute circonstance. Il m'a été raconté par Balla Moussa Keïta, paix à son âme, un homme remarquable que je considère en toute honnêteté comme un de mes maîtres spirituels, qu'un jour, à l'occasion de je ne me souviens pas quel événement, Amadou Hampaté Bâ a voulu prendre la parole pour intervenir à propos d'un sujet qui avait été mis sur la table comme matière à réflexion. Je ne me souviens pas non plus si c'était au siège de l'UNESCO à Paris... Aussitôt un type de race blanche l'a violemment rappelé à l'ordre en disant: « Monsieur Hampaté Râ, voyons, vous n'avez pas de licence, vous ne pouvez pas prétendre défèndre un tel sujet... ». Et Hampaté Bâ aurait répondu: « Cher Monsieur, nous n'avons pas de licence, mais nous avons le bon sens. Ce sont des gens de bon sens qui ont créé la licence et le premier homme qui a parlé de licence n'avait pas de licence ». Vous convenez avec moi que quelqu'un de ce gabarit ne peut être né d'un peuple bête, naïf ou inintelligent.
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C'est aussi lui qui est l'auteur de la meilleure traduction du « Sinankunya », le cousinage à plaisanterie, encore une invention africaine, une invention extraordinaire, véritable garant de la stabilité sociale au Mandé. Au Mandé, les Mandéka sont répartis entre des groupes différents, chaque groupe appartient à un nom de famille: Maïga, Ouologem, Keïta, Sangaré, Traoré, Diarra, etc... etc... Qui que tu sois au Mandé tu appartiens à un des groupes constitués, tu as donc un nom. Ce n'est pas tellement différent de ce qu'on trouve ailleurs. Mais sauf qu'au Mandé tous les noms sont connus de tout le monde. Et chaque nom de famille a une histoire le liant à un autre différent. Ces liens entre noms de famille sont comme des pactes dont chacun est tenu de respecter les clauses. Ce pacte s'appelle « le Sinankunya» c'est-à-dire le cousinage à plaisanterie. C'est difficile pour moi d'en dire davantage sans prendre des exemples. Monsieur Traoré et Monsieur Diarra se heurtent au passage dans une rue sans savoir qui est qui. Une bagarre s'en suit. La bagarre s'envenime à tel point qu'ils vont en venir aux mains. La foule accourt pour les séparer. Intéressant! De simples passants s'arrêtent pour intervenir entre deux bagarreurs qu'ils ne connaissent même pas. Cela est évidemment très malinké. Comparez cette situation à l'expérience qu'a tenté une haute personnalité de la culture en France, je ne me souviens plus si on m'avait dit que c'était Ariane Mnouchkine. Elle aurait fait une expérience fabuleuse, une mise en scène tard la nuit dans le métro à Paris où des comédiens devaient violer une comédienne, en observant la scène de loin, rien que pour voir la réaction des Français face à une telle situation. Tout le monde aurait dévié son chemin pour laisser le viol se dérouler tranquillement sauf que voilà un passant qui 66
s'arrête. Enfin un humain parmi les hommes! Mais non, détrompez-vous, c'était pour participer au viol. Retournons au Mandé pour y retrouver Monsieur Diarra et Monsieur Traoré. Ils sont donc séparés par des médiateurs bénévoles. Un des intervenants reconnaît Monsieur Diarra et prononce son nom. À l'instant même, Monsieur Traoré est désarmé. Sa grande colère et son envie de tuer Monsieur Diarra se transforment automatiquement en un regret, voire en honte. Il est donc obligé de se dévoiler tout de suite pris par le même sentiment, parce que chacun aura retrouvé en l'autre son «Sinankun» c'est-à-dire son cousin à plaisanterie. Alors on rigole, on se taquine, plus rien n'est pris au sérieux, tout le monde continue son chemin et la vie continue. Que l'on soit riche ou pauvre, noble ou de caste, cela marche à tous les coups. Quelle intelligence! Ça pour nous, c'est une société aboutie. Les Malinkés savaient que la terre était ronde bien avant Galilée, car dans la langue malinké la terre se dit « dukukolo ». En traduisant littéralement « dukukolo », on obtient «noyau de ville ». La plupart des noyaux ont une forme ronde. L'instrument avec lequel nos mères filent le coton pour en faire des ficelles en coton est composé d'une baguette et d'une boule en argile traversée par un trou que l'on sèche et brûle pour lui donner une résistance, l'endurcir. La baguette est taillée d'un bout enfoncé dans le trou de la boule, la quenouille, qui laisse échapper le petit bout pointu de la baguette. Un des bouts de la fibre de coton est saisi dans la main gauche par la fileuse et à l'aide de l'autre main, elle manie la baguette munie de la quenouille qui tourne en transformant la fibre en ficelle. Ce processus est le symbole de la terre qui tourne. 67
Les Dogons descendants des Malinkés, savaient l'existence de certaines étoiles telle que celle du « Sigui » bien avant la science moderne et cela sans avoir aucun matériel scientifique connu comme tel. Ils savaient aussi l'existence des sept grandes planètes bien avant la science moderne: Jupiter, Mars... Les Dogons ne savent pas ce que c'est que le prix Nobel. Leur but, c'est de servir la vie et de se taire. Chez les Dogons, l'appendicite s'opérait sans ouvrir le ventre, il y a longtemps, très longtemps. Un des vaillants rois de France aurait été opéré de la même maladie et toute la cour et les alentours auraient entendu le roi vociférer comme un espion sous la torture du camp adverse. À l'époque, la science moderne n'avait pas encore découvert l'anesthésie.. . Au Mandé, on est réputé pour la consolidation des fractures des membres en un temps record sans plâtre, ni clou et cela de nos jours encore. Oui en Afrique, nous avions une connaissance parfaite des plantes, des animaux, une connaissance parfaite de la nature. Nous avions nos missiles au Mandé. Le Malinké, pour éliminer son ennemi, capturait un serpent et pas n'importe lequel, sa connaissance de la nature lui permettait de savoir que ce serpent a un venin mortel, qu'il a l'odorat excessivement développé, une mémoire dense et même qu'il est rancunier, très rancumer.
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Il coupait alors une branche de bambou, à la taille du serpent, de façon à le contenir dans le tuyau de la branche. Un des bouts du tuyau est bouché avec une rondelle coupée dans une calebasse, et l'autre à l'aide d'un bout de tissu, pris sur I'habit que l'ennemi porte le plus souvent, censé avoir le parfum naturel du corps de celui-ci. Le 68
serpent emprisonné ainsi est ensuite torturé à l'aide d'une aiguille. Au bout de quelques jours, le serpent libéré cherchera celui dont le parfum l'embaumait dans la case de torture, le trouvera et le mordra fut-il parmi une foule, ça durera le temps que ça durera, mais il le fera quand même. C'est complètement scientifique, ce n'est pas sorcier. Un procédé similaire aurait été utilisé par les vietnamiens contre les américains mais avec des abeilles. Or, des asiatiques seraient venus vers le Ouagadou qui est devenu après le Mandé vers le cinquième siècle, cet endroit de l'Afrique de l'Ouest qu'ils auraient appelé dans leur langue « le Pays du savoir ». Ce n'est peut-être pas faux, parce qu'il semblerait que le premier manguier du Mali est originaire de la Chine et daterait des années 1800 et il aurait été planté à Kita. Allez savoir... Bon, revenons au Vietnam. Quand on veut intervenir sur un tel sujet on en profite pour parler du Vietnam. On n'a pas le droit de passer dessus sans se souvenir de Mohammed Ali qui avait dit à la loi américaine à l'époque de cette guerre stupide: «Je n'irai pas combattre les vietnamiens car aucun vietnamien n'a traité les noirs de sales nègres ». Merci le grand, tu fais partie des meilleurs d'entre nous. Ah! L'Amérique, Dieu sait, tout le monde sait, l'Amérique n'a pas été tendre avec nous. Cette Amérique découverte deux siècles avant Christophe Colomb par Aboubakary II, prince du Mandé, descendant du demifrère de Soundiata Keita, le fondateur de l'empire du Mali, Empereur du Mandé, roi légendaire du Mandé, le Mandé berceau de la kora, du Ngoni (guitare traditionnelle inventée des années et des années avant la pénétration coloniale). Le Mandé a inventé le balafon...
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Toutes les maladies de l'époque étaient soignées, gratuitement soignées et bien soignées... En Afrique, à l'époque c'était banal de voir dans la même cour familiale un vieillard et ses arrières petits enfants s'amuser ensemble pour parler de l'espérance de VIe... Si l'Afrique n'avait pas été colonisée, elle aurait parcourue son chemin d'épanouissement toute seule, son chemin de développement et serait restée avec son pétrole, son gaz, son zinc, son manganèse, son or, son diamant, son cobalt, etc. etc. Et croyez-moi, ce ne serait pas elle, l'Afrique, qui aurait souffert d'avoir en sa possession ses propres richesses, elle aurait pu se débrouiller toute seule, en faire quelque chose avec. Non? Oh que si. Il paraît que le pétrole français vient du Congo et pourtant le congolais est expulsé de la France. Il paraît que le gaz de l'Algérie est exploité par la France et pourtant l'algérien est expulsé de la France. Il parait que le café et le cacao consommés en France viennent de la Côte d'Ivoire et pourtant l'ivoirien est expulsé de la France. Serions-nous des détraqués de profession? De nature? Il faut donc que nous ne considérions pas la langue du colon comme la langue du savoir, il faut que nous fassions une différence entre cette langue et le savoir. Un maçon chez nous peut faire une belle maison avec une belle architecture sans parler la langue du colon, un menuisier chez nous peut faire de beaux meubles sans savoir ni lire, ni écrire la langue du colon, nos arrière-grands-parents ont éduqué nos grands-parents sans parler la langue du colon. Que l'on soit ingénieur, professeur, ou savant noir, on est de toute façon issu des gens qui ne parlent pas la langue du colon. La langue et le savoir peuvent faire bon ménage, 70
mais ne dépendent pas l'un de l'autre. C'est ce qu'il faut que l'on sache. Tout en sachant qu'une langue de plus est une connaissance de plus. On se sert de la langue pour communiquer, le savoir n'a pas de langue spécifique. Il faut donc que nous nous mettions à danser de nouveau avec beaucoup plus d'emphase le rythme des vieilles chansons qui disent: « Je suis noir et je suis fier de l'être ». Ce sont des chansons vieilles, mais pas dépassées, elles sont comme la salsa qu'un centenaire aime aussi bien qu'un jeune de quinze ans. Tous en vibrent au même degré et un degré au bord de l'extase. Si l'Occident et l'Afrique sont proches comme le sexe et l'anus, le corps entier auquel ils appartiennent et dont ils font partie, ne doit pas se foutre de l'un ou de l'autre parce qu'il sent mauvais. Ce sont les lois qui sont de plus en plus bêtes mais heureusement pour l'humanité, les peuples sont de plus en plus amis. Voyez-vous? Dans ce monde ici-bas, chacun a un ami dont la race diffère de la sienne. Alors que l'on danse au rythme de cette chanson dite vieille, oui il faut repartir de là... Qu'aucun de nous ne reste sans danser, jeunes et vieux, femmes et hommes, riches et pauvres, handicapés et personnes valides, de l'intérieur et de l'extérieur, dansons pour que soit réorganisé notre «moi» en nous, pour retrouver la confiance perdue, le courage rompu, la vivacité d'esprit ramollie, pour démissionner d'avec la démission, sortir de la retraite anticipée, pour que nos sourires retrouvent l'éclat des dents de nos femmes aux gencives noircies, qui soulignent leur sourires comme le dit Senghor même si tout le monde n'est pas content de lui. Je pense sincèrement que c'est par là que passe la liberté de l'Afrique, c'est bien ce que signifiait le non de Samory Touré contre le colon, ce que signifiait le non 71
d'Alboury Ndiaye contre le colon, le non de Babemba Traoré contre le colon, le non des Touaregs du Mandé, le non d'Ahmed Sékou Touré contre De Gaulle, le non de Kwame Nkrumah contre l'impérialisme, le non de Lumumba contre le roi Baudouin de Belgique et toute autre forme de domination de l'homme par l'homme, le non de Mouammar Kadhafi à la domination de I'homme par l'homme, même si l'on dit des choses horribles de lui, le non de Moussa Traoré à François Mitterrand à La Baule, même s'il est contesté, le non d'Alpha Omar Konaré à Jacques Chirac à Dakar, même si l'opposition au Mali ne pense pas que du bien de lui, le non d'Abdoulaye Wade à Nicolas Sarkozy, émissaire du parlement français sans oublier entre autre le non de Malcolm X, celui de Martin Luther King, de William Dubois, de Mahatma Gandhi à l'Angleterre, du tragédien Christophe, le roi antillais, de Senghor même si on lui reproche sa non sincérité, d'Aimé Césaire à la domination de la race blanche sur la race noire et aussi son refus de recevoir Sarkozy, c'est bien ce qui donne un sens à tout le comportement de Thomas Sankara durant sa vie si courte, pour que chacun de nous renferme en lui un Nelson Mandela, c'est dire l'espoir. Salut, Cabral porteur d'une révolution porteuse. Salut, Guevara porteur d'une révolution porteuse. Oui pour que soit escomptée la liberté, il faut que nous soyons fiers de la noirceur de notre peau, de l'état crépu de nos cheveux, de l'état épaté de notre nez. C'est le chemin le plus long vers le salut et aussi le plus durable. Évidemment, il y a un raccourci qui est de faire un procès contre l'Europe colonisatrice, que cette Europe perde ce procès et qu'elle soit condamnée à payer des frais concrets et liquides à l'Afrique meurtrie, de quoi réparer tous les dommages, dommages moraux, dommages 72
physiques, de quoi redonner la vie à nos arrière-grandsparents assassinés, de quoi faire ressusciter en la génération actuelle l'espoir, le courage, le dynamisme, de quoi réparer les dommages intellectuels, matériels, sociaux... Etc. Etc. Un vrai écrivain aurait trouvé tous les dommages... Pour crime avec préméditation... La grande Christiane Taubira a fait ce qu'elle pouvait, c'est-à-dire pouvoir faire de l'esclavage un crime contre l'humanité auprès de l'Assemblée Nationale française. Mais cela ne suffit pas, même si c'est une étape importante vers une solution irrévocable. Mais bon, ne nous leurrons pas, les rares lecteurs de ce texte se foutront de ma gueule à juste titre car, bien évidemment un tel jugement peut-il être rendu? Mon état de croyant me permet de penser que seul Dieu peut le faire. Allez voir « Bamako» un film d'Abderrahmane Sissako, vous pourrez au moins avoir une idée de ce que peut être un procès de ce genre. Qu'on ne se moque donc pas de la chèvre parce qu'elle a son sexe derrière elle, c'est bien sa façon d'être. Elle ne peut se sentir bien autrement. Cet argent servirait à construire des usines partout en Afrique, à créer des grandes et moyennes entreprises partout en Afrique, à créer des laboratoires partout et de tous genres en Afrique, à créer toutes sortes d'infrastructures partout en Afrique, à rehausser le moral de chaque africain, à élever l'Afrique au même rang que l'oppresseur, pour que nous puissions tous discuter équitablement à la même table de négociation, pour que nos soi-disant «présidents de la République» soient enfin des vrais présidents et non de piètres gouverneurs au service des Bush, des Blair, des Chirac, etc., etc.
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Allez dire à George Bush qu'en Afrique nous n'avons pas de bouche pour injurier les femmes et les enfants irakiens, mais que nous avons un cœur pour pleurer les victimes du Il septembre. Il est tellement bête qu'il ira demander à sa négresse de maison ce que cela signifie. De toute façon ce n'est pas Bush mais plutôt la politique de l'Amérique. Parce que Bush tout seul, tout le monde peut lui casser les couilles. Ce qui fait que tout le monde craint l'Amérique à mon avis, c'est qu'elle a plus d'armes nucléaires, plus que tout le monde. C'est tout. Bon... Ce raccourci, je veux parler de ce procès, est bien visible, mais pas praticable. Il est quand même la solution concrète à une des préoccupations majeures de Nicolas Sarkozy qui ne cesse de dire aux vaillants Français, toujours sur un ton hautain, dans chacune de ses apparitions, dans chacun de ces discours: « Je suis le plus intelligent des français. Qui peut dire le contraire? ». Sarkozy, l'auteur de «La colonisation n'a pas fait que du tort ». Les excuses ne pourront jamais effacer cela. Car là, il a fait mieux que Chirac et mieux que Le Pen. Aucune précaution ne pourra mettre fin à l'immigration de l'Afrique vers l'Occident. Tant qu'il y aura des femmes occidentales qui trouveront en des hommes africains un amour et un amour sincèrement partagé; Tant qu'il y aura des hommes occidentaux qui trouveront en des femmes africaines un amour et un amour sincèrement partagé; Tant qu'il y aura des femmes africaines qui trouveront en des hommes occidentaux un amour et un amour sincèrement partagé; Tant qu'il y aura des hommes africains qui trouveront en des femmes occidentales un amour et un amour sincèrement partagé; 74
Tant que des enfants métisses naîtront de part et d'autre; Tant qu'il y aura des enfants occidentaux et des enfants africains qui naîtront ensemble, s'amuseront ensemble, grandiront ensemble en toute amitié; Tant que des occidentaux et des Africains entretiendront des rapports d'amitié et de fraternité; Tant que le son du Djembé plaira à des occidentaux et le son du piano à des africains; Tant que des films ou d'autres formes d'arts occidentaux pourront faire rire, émouvoir, pleurer ou choquer des cœurs africains; Tant que des films ou d'autres formes d'arts africains pourront faire rire, émouvoir, pleurer ou choquer des cœurs occidentaux ; Tant qu'il y aura en Occident des citoyens communistes, socialistes., gauchistes honnêtes; " Tant qu'il y aura en Occident des fondations au service de l'humanité tout court ; Tant qu'il y aura en Occident des gens qui ont le sens de l'humain et qui ont le droit de vote et Dieu sait qu'il y en a beaucoup, heureusement; Tant que les lois en Occident ne trouveront pas les moyens d'éviter que l'eau de la mer en Afrique ne se confonde avec l'eau de la mer de l'Occident; Tant que l'Occident ne trouvera pas les moyens de faire en sorte que l'air qui provient de l'Afrique tourne en rond en Afrique et seulement en Afrique. , . En considérant la vérité historique et sa répercussion sur la vie socio-économique actuelle des pays africains et le fait qu'il y aura toujours des gens à la mémoire non courte, avec une conscience développée et un profond sens de l'humain en Occident, qui participeront à l'élaboration 75
des lois occidentales, des hommes et des femmes qUI disent oui à une mondialisation à visage humain. . . Il y aura des immigrants africains en Occident qui y seront reçus, soutenus, soignés et défendus. Aucune précaution ne pourra mettre fin à l'immigration de l'Afrique vers l'Occident car le poseur de pièges est tombé dans son propre piège. Nous trouverons une solution même aux visas biométriques. Heureusement qu'il y a des traîtres dans tous les camps. Euh! Oui. Le phénomène de la répercussion existe. J'y crois comme je crois en Dieu qui l'a créé. Dans la vie, tout ce que tu fais en bien ou en mal te reviendra en bien ou du mal. L'État français par ses consulats contribue maintenant au trafic de visas. Les hommes d'affaires et les piètres grands artistes maliens se sont vus privés de leur créneau favori. Quand mon fils a passé son bac, en raison du fait qu'au Mali si les élèves ne sont pas en grève, ce sont les profs qui le sont, je l'ai inscrit dans une école à Paris, l'UCOGES qui coûte plus de 3.000 euros par an. Après avoir payé la moitié de cette somme et fourni tous les papiers nécessaires à l'obtention d'un visa étudiant, mon fils a été surpris, pas moins que son père, de se le voir refuser. Mais quelques jours plus tard, j'ai eu la preuve que les fonctionnaires français du consulat de France au Mali voulaient que je leur paye « au noir» trois millions cinq cent mille CFA (plus de 4500 euros) pour obtenir le visa de mon fils. C'est-à-dire de l'argent qui ne sera pas déclaré aux impôts. Et ce «créneau» est proposé à des centaines de candidats à l'immigration... Bon, puisque le raccourci ne peut être emprunté, une autre solution serait d'appliquer la révolution Mau-Mau de Djomo Kenieta du Kenya...
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L'Afrique et ses enfants traîtres
...Jomo Kenyatta, le père de l'indépendance du Kenya, dit à son peuple réuni en assemblée: « Nous voulons lutter contre les colons, c'est bien pour cette raison que nous voici réunis. Que tous ceux qui parmi nous ne sont pas sûrs du résultat escompté sortent de cette assemblée. » L'assemblée se vide d'une de ses parties importantes. Puis, il suggère que ceux qui ne sont pas prêts à y laisser leur vie n'ont qu'à sortir. L'assemblée se dégonfle de nouveau d'une grande partie. Il dit alors à ceux qui sont restés: «Le premier combat que vous et moi devons mener, c'est bien contre nos frères qui sont sortis. » C'est cela la révolution Mau-Mau. J'ai été très heureux d'apprendre cela dans un texte de Malcolm X que mon petit frère Pitcho m'a prêté. Le chemin de la liberté passe par le désarmement des traîtres frères africains, ces africains qui protègent leurs biens, ces africains dont tout le monde connaît à peu près les maigres revenus officiels et qui se baladent dans les mêmes voitures que les princes saoudiens, en saupoudrant de poussière, porteuse de toutes sortes de maladies, les pauvres mais honnêtes gens dépourvus de tout au point de ne pas pouvoir s'acheter de la nivaquine contre leur paludisme et autres maladies. Ces grands experts de la surfacturation, ces dribleurs professionnels des impôts et des taxes, ces vagabonds propres, beaux et intelligents...Vous savez, celui qui n'est pas doué ou qui a peu de talent, prend toujours trop de précautions... Ah l'Afrique! Elle pisse, un caïman sort de son urine et lui arrache une partie de son corps.
Le temps du sens du patriotisme est révolu. Appliquez la révolution Mau-Mau aujourd'hui en Afrique, tout le monde dira: «Nous sommes prêts à mourir pour... ». Ce qui se passe après c'est des coups à la Mobutu, des bâtons dans les roues, c'est des couteaux dans le dos, la course à qui sera choisie comme espion par le puissant oppresseur, de nombreux candidats à la traîtrise, d'invisibles poseurs de pièges invisibles à la trahison.
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Des chiens mangeurs de lions, des chiens qui ne seront jamais des lions, des chiens qui seront des chiens qui ont des appétits de lions, des moins que chiens, parce que dépourvus de toutes marques de fidélité... Connaissez-vous un chien qui ne soit pas fidèle? Les chiens valent mieux qu'eux parce qu'ils ne disposent pas de brosse à dents, les dents du chien sont plus blanches que celles de son maître. Sans avoir de papier-cul, son derrière est plus propre que celui de son maître. Quel est ce griot, ce nouveau griot, cette nouvelle griotte qui louange les voleurs devant ceux qui ont été volés dans le Mandé? Qui chante des traîtres devant ceux qui ont été trahis dans le Mandé? Ce griot, cette griotte, qui se tient debout sur la tombe du martyr pour magnifier de sa langue hypocrite son assaSSIn. Ces griots qui osent mettre le doigt dans l'anus du diable pour y trouver de l'or rouge dans le Mandé. Ces marchands d'Afrique dont la tête marche à l'heure de l'Occident.. .Quelle honte...Oh quelle honte... La grande peur de ce que sera demain a tout gâché, la dureté du temps transforme une personne bien en une personne mauvaise. Quand l'âne aura goûté au miel, il ne voudra que du miel, quoi qu'il arrive par tous les moyens. 78
Tout cela a été savamment préparé par nos ancêtres les Gaulois.
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Le cas du Mali
Qu'est-ce qui s'est passé au Mali? D'après le Malien de la rue... Je ne rentrerai pas dans certains détails, c'est la ruse des mauvais écrivains... Tout devenait de plus en plus dur, cela de jour en jour et cela depuis longtemps. Nous travaillions trois mois sans salaire et certains fonctionnaires de l'état beaucoup plus. Le salaire était déjà petit. Un cadre moyen, comme moi de catégorie B, avait trente-deux mille cent soixante et onze CFA par mois. Nous étions dans les années 1987. Ne le convertissez pas en euros, le résultat vous donnerait envie de pleurer. De jour en jour, les prix augmentaient au marché. Les « intouchables» étaient là, à côté du président Moussa Traoré, le secrétaire général de l'unique parti politique du Mali. Ces à-côtés qui ne lui ont jamais dit la vérité, ces àcôtés qui se sont enrichis et ont donné l'occasion à leurs amis, leurs parents, leurs femmes, les copines d'adultère, etc., etc. Ces à-côtés donc ont compris qu'ils pouvaient tout se permettre dans le Pays: s'enrichir de façon abusive et illégale, faire libérer les grands et petits condamnés, les faire libérer sans condition, avec un coup de fil du ministre, du député, du fils ou de la femme d'un député, de leurs maîtresses.. . Avec un seul coup de fil, tout s'arrangeait sans amende, sans jugement, un seul coup de fil suffisait pour qu'un petit flic se la boucle, se fasse humilier, un petit fonctionnaire se la ferme... Ne sont grands que ceux qui font partis du cercle des fonctionnaires, commerçants ou hommes d'affaires, et le
cercle est petit, très petit, malgré l'admission en son sein des nouveaux bénéficiaires de marchés publics pipés, dits de gré à gré, un terrain riche avec comme gisement la surfacturation à outrance, des prix multipliés par cent... qui devaient sortir des entrailles du maigre Mali. Le cercle très petit vivait paisiblement au milieu du grand cercle naïf et docile. Celui qui n'était pas content même à juste titre se voyait écarté sans aucune voie de recours. Celui du grand cercle qui a une petite entrée dans une des familles princières est adulé et craint. Le simple fait d'être aperçu en public à côté de ces gens fait de toi quelqu'un de désormais différent, quelqu'un capable de sauver, de détruire et d'anéantir. Dans chaque bureau de l'administration, il y a un petit coin où faire du thé, le thé vert de Chine adopté par le Mali, thé vert autour duquel des petits groupes se forment par affinité qu'on appelle les « Grins », des petits groupes qui parlent de rien et de tout, où le dossier de la vie privée de ceux qui sont absents est à chaque fois ouvert. Celui qui apporte une mauvaise nouvelle concernant quelqu'un d'autre que l'on connaît devient la vedette du grm. On est pressé d'aller au bureau que pour faire du petit business aux petits niveaux et du grand business aux grands niveaux ; L'appareil étatique, venant en second plan, sauf dans les cas où un des coups de fil arrive au niveau d'un souschef, ou simplement quand on veut s'en servir pour soimême. Des bons de dix litres de carburant, légués aux différents administrateurs, pour les besoins du service public, sont distribués à tous les niveaux par dizaine à des putes de ville, des putes de luxe, à leurs sœurs, à leurs frères, leurs cousins, leurs petits tontons, leurs tantes, qui 82
n'ont d'autres occupations que de se lever chaque matin que Dieu créé, de se laver, de se faire beaux ou belles pour aller de bureau en bureau pour leurs quêtes quotidiennes... Les pétroliers font partis du petit cercle. Pour des besoins intimes, ces bons sont très souvent revendus aux pompistes des stations essence moins que leur valeur réelle, que l'état remboursera intégralement à la caisse. Les membres du petit cercle deviennent de plus en plus riches, le trésor public devient de plus en plus pauvre à tel point que l'état ne peut plus offrir d'emplois. Or, il n'y a plus d'argent. Ceux qui sont déjà employés, ont déjà appris à se «débrouiller» sans compter sur le salaire mensuel qui ne vient que par trimestre... Quelques jeunes nantis, fils de... ou frères de... filles de... laquais de... ou amis de... prennent en charge des dizaines de jeunes chômeurs et leurs cavalières dans des boîtes de nuit qui font de bonnes recettes. Le Mali est un pays incroyable, un pays à plus de 80% de musulmans où il y a pénurie d'alcool pendant les tètes musulmanes. Mais c'est aussi un des rares pays au monde où tous les Chrétiens et tous les Musulmans tètent ensemble toutes les tètes chrétiennes et toutes les tètes musulmanes. On a souvent dit aussi qu'au Mali il y a 80% de musulmans, 20% de chrétiens... et 100% d'animistes... Le Mali est pauvre, mais les maliens sont riches... Alors le marasme s'installe de plus en plus. Quelques « aigris» contaminent leurs alentours, ça grogne, ça se calme, ça grogne, ça se calme... Je passe les détails, vous connaissez ma technique..., jusqu'au jour où le groupe dramatique national du Mali, connu sous le nom de «Koteba National », avec à sa tête le dramaturge Ousmane Sow, un des plus grands de l'Afrique, avec des comédiens comme Michel Sangaré, Gabriel Konaté dit 83
Magma, Lanseny Coulibaly dit Podé ou Zankè paix à son âme arrivent à échapper à la commission de censure lorsqu'il leur a été demandé de créer une pièce de théâtre pour «louanger» les dix ans de l'Union Démocratique du Peuple Malien (l'UDPM), le seul parti politique de l'époque avec comme secrétaire général le général Moussa Traoré. .
L'événement politique se prépare avec le plus grand
sérieux. Un événement politique sans précédent qui devait regrouper tous les députés maliens à Bamako, tous les grands hommes politico administratifs du Mali. Évidemment un grand fond se débloque pour la circonstance, un grand fond gravement grignoté par-ci parlà par ceux qui ont «la chance» de s'occuper de l'organisation, à tous les niveaux, à des proportions plus ou moins élevées selon que l'on soit «grand» ou «petit». Tout événement est source d'enrichissement supplémentaire et illicite. C'était en réalité, je pense, pour faire le bilan des dix ans d'existence du parti. La presse nationale et internationale est conviée ainsi que les ambassadeurs accrédités au Mali, des représentants d'institutions divers et d'autres personnalités d'ailleurs...Bien sûr que le petit cercle est là... Pour clore les quelques jours de travail, au cours desquels les délégués « élus du peuple» ont dû dire ce qui plait à l'oreille du Président, comme d'habitude, une grande soirée artistique est organisée dans le jardin paradisiaque de l' Hôtel de l'Amitié, un espace splendide, magnifiquement bien décoré... Je ne me souviens plus de tous les artistes invités à se produire pour l'occasion, mais je sais qu'il y avait l'Ensemble Instrumental National du Mali, composé des grands griots instrumentalistes du Pays, tous grands 84
maîtres de leurs instruments et des grandes chanteuses aux voix authentiques et envoûtantes... Pendant que le Président fait une entrée magistrale, tout le monde se lève, l'Ensemble Instrumental ouvre la soirée avec le «Fasa de Tiramakan », louanges de Tiramakan, chanson dédiée à ce dernier, un ami personnel et compagnon inseparable de Soundiata Keïta, fondateur du Mandé, Tiramakan, une personne de confiance absolue et un guerrier émérite. Massa Makan Diabaté paix à son âme écrit on ne peut pas mieux dire: «Jolofin Mansa, le roi au bonnet orné de plumes noires, avait drainé une émigration du Mandé en Pays Sérère » (Sénégal). Là, il s'était taillé un royaume. Et pour éprouver sa propre force, il avait défié Soundiata qui dit un jour: «Je me rendrai moi-même au Pays Sérère ». Et tandis que tous les chefs de guerre tentaient en vain d'infléchir sa décision, Tiramakan se creusa une tombe et s'y coucha, refusant d'en sortir tant que le commandant d'une expédition contre Jolofin Mansa ne lui serait pas attribué. Devant cette détermination, Soundiata, ému jusqu'aux larmes, improvisa lui-même une chanson qui devint la «Fasa de Tiramakan », qui sont les louanges chantées de Tiramakan, ancêtre des Traoré; la traduction du chant donnait ceci : « Le sable refusait de partir, Que Tiramankan s'est déjà creusé une tombe. La lance trahirait ma vengeance, Que Tiramakan la prendrait pour lui. Tiramakan s'est déjà creusé une tombe. » «Le Tiramakan Fasa» importantes du répertoire douzième siècle car c'est composé et chanté pour la
est une des chansons les plus musical du Mandé depuis le l'empereur lui-même qui l'a première fois pour louanger la 85
bravoure d'un de ses compagnons de lutte, contrairement à toutes les autres, composées, arrangées, et chantées par les griots, qui seuls en ont le droit. La fm de la chanson coïncide avec l'arrivée du Président à la place qui lui est réservée avec son épouse. Le couple Traoré s'assoit. Tout le monde se rassoit. Que c'est beau! Oh, que c'est beau! Comme au temps des rois d'antan. En réalité, tous les présidents du Mali méritent cela, je souhaite que cette façon de recevoir le Président continue, même si nous obtenons les réformes souhaitées pour notre développement. C'est une pratique qui fait partie de nous, et je crois que toutes les pratiques ancestrales ne sont pas à bannir. Oui je préfère cela aux fanfares fanfaronnes. Après l'Ensemble Instrumental, je ne me souviens pas de ce qui a directement suivi, mais à un moment donné le groupe dramatique national, le «Koteba National» est annoncé. La retransmission est en direct à la télévision et à la radio nationale. Les «aigris », les chômeurs, les démunis, les laissés pour compte... Les victimes du système, etc. etc. sont accrochées comme par hasard à leur télé, les familles hyper pauvres, n'ayant pas de télé se répartissent chez les familles voisines, comme par hasard, et dans toutes les villes où l'on peut capter la jeune télévision malienne née en 1983 avec la bénédiction de Kadhafi. Les villages ou les villes non électrifiés ont pris le soin de mettre leurs batteries pour alimenter leurs petites télévisions en noir et blanc. Ceux qui s'en foutaient des affaires du Pays, parce qu'ils ne se sentaient pas concernés et qui s'étaient trouvés d'autres occupations en se disant « On ne veut pas entendre les mêmes choses, les mêmes promesses intenables », « Ce sera toujours pareil» ou ceux qui ne savaient même pas que quelque chose se 86
passait dans le Pays, tant ils s'étaient exclus des affaires du Pays, les victimes de la fameuse retraite par anticipation, ceux-là sont retrouvés très vite par des amis, les informant que quelque chose d'extraordinaire se passait à la télé. La pièce de théâtre en langue Bamanan, une des langues les plus populaires du Pays est engagée, même très engagée. Jamais la situation politico sociale du Mali n'a été aussi fidèlement et aussi sincèrement reflétée et diffusée à une telle échelle, en direct devant le Président entouré du petit cercle ébahi. Tout le monde a froid dans le dos. Personne ne pouvait plus arrêter la pièce. La retransmission était en direct, la presse internationale est là. Silence total dans le paradis de l'Hôtel de l'Amitié. De l'autre côté, des éclats de rires, des ovations, des cris de joie, des youyous et parfois des larmes devant les postes de télévision à travers tout le Pays. Après la cérémonie, dans les rues, les commentaires vont bon train, on repasse le film chez ceux qui ont pu l'enregistrer, on craint aussi et surtout pour les comédiens. On pense qu'ils vont être arrêtés, torturés... Comme Abdoul Karim Camara etc. Mais sauf que tout le monde a tout vu, et tout entendu et que très vite chaque famille malienne à l'intérieur comme à l'extérieur a pu se procurer une copie du film, ou pour les parties rigolotes, humoristiques, très drôles ou pour la vérité ou l'importance du propos tenu. Ousmane Sow et ses comédiens deviennent donc des héros et toute agression à leur égard ferait d'eux des martyrs «ces piètres artistes, ces petits rigolos en valaient-ils la peine ?». Voilà le véritable facteur du déclenchement de la révolution au Mali. Mais hélas une révolution qui jusquelà n'apportera rien au pauvre Mali parce qu'il va être trahi 87
par certains maliens, un autre langage, d'autres visages déguisés, avec les mêmes intentions de piller le Pays, peut-être beaucoup plus dépourvus du sens du patriotisme. Sans compter que de grands artistes se sont mis au trafic de visas... Un peu plus tard, les (Echos) furent leur apparition suivis d'autres journaux libres, puis il y a eu les premiers marcheurs contestataires, (les je m'en fou de mon âme) un petit groupe de jeunes, dirigé par Moussa Keïta, réprimé violemment par les forces de l'ordre, le pouvoir étatique est de moins en moins craint. Des radios et des journaux privés s'imposent. Pour le Président, tout va bien. On continue à lui cacher la vérité. «Tout va bien Monsieur le Président, ce sont seulement quelques fous, quelques saoulards qui divaguent ». Des mouvements sont créés ça et là, par des étudiants, par le groupe dirigé par le jeune avocat Mountaga Tall, le C.N.J.D. (Comité National d'Initiative Démocratique) celui dirigé par l'enseignant Alpha Omar Konaré l'ADEMA (Alliance pour Démocratie au Mali), celui des étudiants dirigé par Omar Mariko l'AEEM (1'Association des Elèves et Etudiants du Mali), étudiant en médecine à l'époque... Certains seraient dans la clandestinité depuis longtemps. Les marches passives se succèdent, les syndicats prennent le train en marche, avec à leur tête Karambé, paix à son âme, des grèves sont ordonnées et réprimées, les marches se font de moins en moins passives et de plus en plus régulières. Un comité de crise est créé avec en son sein l'un des plus grands avocats de l' Aftique : Maître Demba Diallo, paix à son âme. Des revendications se font. Le Président conscient du vent qui souffle reçoit les doléances, les accepte toutes sauf l'implantation du multipartisme maintenant et tout de suite sans attendre le prochain congrès du parti qui, à son avis, devrait prendre cette décision. D'un côté on dit qu'il s'accroche au pouvoir, c'est un dictateur, un criminel etc. 88
De l'autre côté, la France, à laquelle nous avons refusé d'obéir, veut renverser notre pouvoir... En vérité qui est patriote et qui ne l'est pas? Quelles sont les vraies motivations, des uns et des autres? Allez savOIr... Cela nous conduit aux casses, des badauds et des voleurs se mêlent au show. C'est la débandade totale. L'armée ouvre le feu. Des centaines de corps gisent au sol. On continue à foncer les mains nues contre les chars. Les femmes du Mali se révoltent face aux cadavres de leurs enfants. Certaines se seraient mises nues au cimetière de Niaréla, un des premiers quartiers de Bamako, pour demander au bon Dieu et aux ancêtres que leurs cris soient entendus si en vérité elles sont restées toute leur vie des femmes pures et vertueuses. Leurs vœux sont exaucés, la révolution se généralise. Des civils sont à deux doigts de faire tomber le pouvoir, ils rêvent de profiter plus tard du même système, quel que soit le Président... les militaires exploiteront ce soulèvement populaire pour faire leur coup d'état. Le C.T.S.P. (Comité de Transition pour le Salut du Peuple) est créé avec les responsables de tous les mouvements de la révolution, tous sauf Ousmane Sow. Ne parlons pas de ses comédiens. Le Kotéba National est tombé dans les oubliettes. Le Général Amadou Toumani Touré est président transitoire. Qui a tiré? Qui a donné l'ordre de tirer? Allez savoir... Pour crime de sang Moussa Traoré est condamné à mort, mais gracié plus tard par le premier Président démocratique du Mali, Alpha Omar Konaré, une grâce que Moussa n'aurait pas demandé. Pour son jugement, crime économique, il y aura un non-lieu et on lui restituera ses droits. Qu'est-ce qui s'est passé? On a pu constater que le Général Président Traoré 89
n'avait pas au Mali d'aussi nombreuses villas, d'aussi grandes et belles voitures que les autres membres du petit cercle vicieux. Même sa maison de naissance, sa maison paternelle à Sébétou près de la ville de Kayes était restée modeste. Il aurait un château en Algérie... Le seul bien finalement qu'on sait de lui, c'est son champ de Baguinéda à une trentaine de kilomètres de Bamako, qui a dû lui être restitué dans un état délabré à cause des casses qui l'ont conduit à sa perte. Aujourd'hui, il mène une vie paisible avec son épouse dans le quartier Djikoroni, une résidence qui lui aurait été attribuée par l'Etat. Cet homme, qui au fond a été tout son règne trompé par les personnes auxquelles il a fait confiance, a malgré tout fait appel à un moment donné à Zoumana Sacko, le Sankara malien, qui à peine nommé ministre des finances, a payé en un mois trois mois d'arriérés de salaire aux fonctionnaires, celui qui avait le plus la volonté de régler le problème de corruption, même si, un jour de discorde, il fut confronté à des « trucs» qui étaient contraires à ses principes, contraires à la loi tout simplement, qui l'ont contraint à la démission. Il est à mon avis l'un des hommes les plus extraordinaires que le Mali n'ait jamais eu. La révolution du Mali aurait dû commencer le jour de sa démission.. . Les maliens sont parfois incroyables. Quand le bras a failli, on en punit la tête. Zoumana Sacko a été Premier Ministre pendant la transition d'Amadou Toumani Touré, et est parti avec la fin de la transition. Il reviendra plus tard avec un parti politique qui n'eut pas de succès car les acheteurs de voix, les truqueurs d'élections, les puissants implantés dans ce milieu, n'avaient pas intérêt à ce qu'il soit là... Ils savaient tous ce qu'ils allaient devenir.
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Je me réserve de parler de ce qui s'est passé après jusqu'à nos jours. Nous sommes une jeune démocratie donc une démocratie fragile et je ne voudrais pas heurter certaines susceptibilités.
Amadou Toumani Touré sera certainement réélu en 2007 à sa propre succession car comme le dit Omar Bongo, « un président en exercice de ses fonctions ne peut échouer aux élections que s 'il le veut ». Prions Dieu, pour qu'il ne fasse pas changer la constitution qui limite un candidat à deux mandats de cinq ans successifs. Je souhaite que Dieu me prête une longue vie et la capacité d'écrire un autre livre que je promets mieux élaboré. Pour l'instant, le Mali aujourd'hui, comme hier, reste un pays détraqué, le peuple est de plus en plus pauvre, mais dès qu'une nouvelle voiture est construite, on voit des audacieux, sans doute sans scrupule se pavaner avec dans les rues, comme pour se moquer davantage des citoyens honnêtes... Le pauvre mais brave peuple malien qui sait rire avec la faim dans le ventre, la peur dans la tête et la douleur dans son cœur, le peuple du Mali se dit en toute circonstance: «Aussi laid qu'on peut être, on aime regarder son propre visage plus que celui des autres. Un aveugle ne refuse pas de laver son visage parce qu'il est non-voyant ». L'Afrique est sage. Un sage n'est autre qu'un savant spirituel.
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Le cas du Burkina-Casa
L'homme de la rue pense que, du côté Burkinabé de l'Afrique, anciennement Haute-Volta, Thomas Sankara et Blaise Conipaoré sont des frères, des plus que frères. oIls vont à l'école ensemble. Pour les Parents de Sankara, Blaise et Sankara sont deux frères, deux de leurs enfants. Ils deviennent militaires, ils sont jeunes, beaux, élégants, éloquents, intelligents, engagés, avec un sentiment du patriotisme élevé, Sankara effervescent et Blaise timide mais tous les deux très efficaces. Ils nourrissent tous deux des idées révolutionnaires sans précédent. . . Sankara est arrêté... Blaise, très timide mais très craint, très pris au sérieux dans le camp militaire de Peau, fait pression sur l'état pour qu'il soit libéré. Il est soutenu par les militaires. Ça craint car la Haute- Volta, première appellation du Pays a un record de coups d'état. Sankara est libéré... Je passe les détails. Avec son frère Blaise, ils fomentent un coup d'état qui marche. Sankara est Président de la République Révolutionnaire de la Haute Volta qui change de nom et devient le Burkina Faso, pays des hommes intègres. Le drapeau change de couleur. Blaise est l'homme fort de l'Etat. Pour la reconquête de la dignité et du «moi» de I'homme burkinabé, et à cause des moyens presque inexistants du Pays, au Burkina, désormais, l'on devait vivre modestement, de façon originale et originelle, consommer burkinabé. Le signe le plus frappant était les tissus burkinabés, faits au Burkina, avec des coutures burkinabées; les voitures officielles des dirigeants eux-
mêmes, sont des petites voitures du genre «Renault 5 » qui peuvent faire plusieurs kilomètres avec très peu de carburant... Le pays devenait de plus en plus entreprenant en se reconstruisant à une vitesse surprenante... On commence à y croire. Les mentalités commencent à changer en faveur d'un pays dit sous-développé sur la voie du développement. . . Sankara démystifie le pouvoir. On peut le rencontrer sans garde du corps au marché de Ouagadougou, la capitale, à vélo, en pyjama en train de faire des courses comme n'importe quel citoyen ordinaire, ou dans un petit maquis au coin d'une rue populaire. Ses discours sont musclés lors des grandes rencontres internationales. Il aurait renvoyé des français du Burkina par le même avion qui aurait conduit les Burkinabés expulsés de France. Lors d'une de ses visites officielles en France, il serait immédiatement reparti, de l'aéroport Charles De Gaulle, au Burkina, quand il se serait rendu compte que Mitterrand en personne n'était pas venu l'accueillir comme il l'a fait quand ce dernier s'est rendu chez lui en Afrique. Il aurait donné son pistolet comme contribution quand lors d'une rencontre des chefs d'états africains, il a été question de« Comment faut-il aider l'Afrique? ». Toute la jeunesse africaine commence à s'identifier à Sankara. Il n'est plus Sankara du Burkina, mais Sankara des africains, le chef d'état africain le plus populaire, le plus adulé de son temps, qui incarne l'espoir et la dignité pour toute la jeunesse africaine. Il a pris la vedette à tous les gros lards... Dans la plupart des pays africains, les masses populaires disaient« il nous faut un Sankara ». Aux yeux de la plupart des gens injustement victimes dans leur pays, de patriotes intègres injustement écartés de toutes les affaires de leur Pays, jetés dans des garages pour 94
cela, Sankara est l'incarnation de Kwame Nkrumah, de Patrice Lumumba, etc. ... Mais seulement il paraît que Mitterrand ne l'aime plus, qu' Houphouët-Boigny de la Côte d'Ivoire ne l'aime plus, le doyen des présidents africains de l'époque, paix à son âme. Or il se trouve que Mitterrand et Houphouët-Boigny, le richissime président ivoirien, sont amis de longue date. Il se trouve aussi que l'épouse de Blaise aurait des liens de famille avec ce riche président, l'un des plus riches de tous les présidents du monde. Subitement, la garde-robe de Blaise aurait changé, il aurait une grosse voiture... Blaise devient le «beau Blaise ». Sankara serait jaloux... Je passe les détails... Puis un jour, coup d'état militaire au Burkina. Sankara a été tué... On entend la voix de Blaise sur les antennes de radio: «Je dormais au moment des faits ». L'épouse de Sankara aurait souri en apprenant la nouvelle en se disant « Si cela était vrai, mon second mari Blaise Compaoré serait venu me le dire ». Peu après, quand elle sut et crut à ce qui s'était passé après un moment de choc indescriptible, elle dut affronter ses enfants et leur apprendre la mort de leur père. Après qu'ils aient eux aussi à leur tour passé le stade du choc indescriptible et des pleurs et tout et tout, ils auraient demandé à leur mère: «Maman, et tonton Blaise? Au moins lui il vit? ». Blaise est depuis, le président du Burkina Faso, il y a apporté la démocratie et en est à plus de deux mandats successifs. Sankara est mort. Sa mort a été le déversoir de toutes les larmes. Norbert Zongo est mort au Burkina, allez savoir pourquoi. Vive le Burkina Faso, le Pays des hommes intègres. 95
Le cas de la Côte d'Ivoire
En Côte d'Ivoire, on raconte ce qui suit: Alassane Ouattara mon frère aîné, parce que Ouattara, Traoré, Dembélé, etc. etc. sont tous des descendants de Tiramakan, lui-même descendant de Damassa Woulandi et de Damassa Woulamba, Alassane Ouattara nommé Premier Ministre par le Président Félix HouphouëtBoigny, a instauré la carte de séjour en Côte d'Ivoire. Le président charismatique, un des pères de l'indépendance en Afrique qu'Ahmed Sékou Touré n'aimait pas, grand ami de la France, sentant venir sa mort, fait voter une loi en Côte d'Ivoire, pays dont il est resté le président jusqu'à sa mort, une loi qui voulait qu'en cas de décès du Président, le Président de l'Assemblée Nationale assurerait ses fonctions... Il avait entre temps, à ce poste, placé Henry Konan Bédié avec lequel il aurait des liens particuliers... Allez saVOIr... Alassane Ouattara est donc le premier ministre, il est un des grands experts des finances, un des plus grands de l'Afrique en la matière. Sa tâche est de redresser l'économie du pays. Il y est parvenu en instaurant la carte de séjour, vu le nombre d'étrangers vivant en Côte d'Ivoire et vu le prix fixé pour chaque carte de séjour délivrée. Il devient alors un des hommes d'état les plus influents du pays. Mais à la mort du Président HouphouëtBoigny, Henry Konan Bédié se proclame président parce que la loi avait été modifiée en sa faveur. Mais puisqu'il devait tôt ou tard passer par les voix des urnes, le Pays étant officiellement démocratique, il fit à
son tour modifier la loi pour que ne soient présidentiables que les ivoiriens qui sont nés de père et de mère ivoiriens, eux-mêmes nés de parents ivoiriens, et cela uniquement pour barrer la route à Alassane Ouattara qui aurait une origine douteuse en étant persuadé que les Coulibaly, les Ouattara, les Dembélé, les Koné, Sissoko, Timité, Sylla, Diawarra... ne peuvent être des ivoiriens d'origine à cause de la consonance mandingue de leur nom de famille. En effet, le seul danger que sa candidature pourrait rencontrer sur la voie des urnes ne peut être que celui que peut constituer Alassane Ouattara, plus instruit, plus expérimenté, côté sur le plan international, devenu un des dirigeants ivoiriens les plus populaires à cause de ses exploits. . . Malgré le fait qu'Alassane ait fourni les preuves de sa naissance en Côte d'Ivoire et celle de ses parents, il sera quand même bloqué. Ses partisans ne sont pas contents et crient à l'injustice. Bédié fait comprendre aux ivoiriens que les étrangers veulent usurper leur pays et là commence la guerre de 1'lvoirité qui finira par déchirer le pays, à l'ensanglanter, voire à le paralyser. Ce pays si grand, si beau et si prospère. Le pays tombe donc dans un chaos. Le Général Gueï profite de l'occasion et fait un coup d'état avec ses hommes. Bédié réussit à s'enfuir vers la France, en lâchant prise. Le Général Gueï devient président transitoire et promet de faire rétablir l'ordre et la réorganisation des élections libres. Tu parles! Il est lui-même candidat à sa propre succeSSIOn. Laurent Gbagbo, très audacieux parce qu'ayant été un des tous premiers opposants au richissime HouphouëtBoigny, il fallait le faire, s'est vu en bonne position, après la mise à l'écart de Bédié, Alassane n'etant toujours pas établi dans ses droits. Le Général Gueï, n'ayant aucune 98
expérience politique n'a pas pu attirer les masses. Omar Bongo, du Gabon, aurait dit: « Un Président en exercice de ses fonctions ne peut échouer aux élections en Afrique que s 'Ule veut ». Le Général Gueï se proclame Président de nouveau, cette fois par un vote truqué en sa faveur, malgré les sondages qui sautaient à l' œil, malgré les rumeurs visiblement fondées qui donnaient Gbagbo favori. Gbagbo ne voulait donc pas rater cette seule chance pour lui de réaliser son rêve, il demande aux ivoiriens de descendre dans les rues. Illes a poussé à la violence... Il s'en foutait de ce qui devait s'en suivre pourvu qu'il soit président. Pour son plus grand bonheur, les badauds et les voleurs, comme ailleurs, se sont ajoutés aux politiques pour profiter des casses des biens publics et privés de toutes sortes. C'est le chaos. Gueï déstabilisé cède le pouvoir à Gbagbo. Les partisans d'Alassane demandent l'annulation du scrutin et la réélection du président. Le chaos reprend de plus belle car le mur de sa non-ivoirité n'est pas tombé. Il profite à Gbagbo aussi. Mais Gueï ne veut pas non plus tout perdre. Il veut négocier. Une rébellion née un peu avant, se réorganise autour de Guillaume Soro. Des assassinats politiques sont organisés. Gueï est assassiné. Qui l'a tué? Allez savoir... De nombreux Djoulas, originaires du Mandé, venus dans le Pays par le commerce, d'où leur appellation « djoula » qui signifie littéralement: « commerçant », sont tués et privés de leurs biens. La rébellion divise le pays en deux... Évidemment, chaque protagoniste a sa version des faits. Les accords de Markoussi n'ont fait qu'aggraver la situation. Quelle horreur ! 99
Le cas du Congo Belge
Au Congo belge, ou Congo Kinsacha, ou quoi d'autre, je ne sais plus, qui a tué Kabila père? Moi,je ne sais pas, je sais que ce n'est pas moi. Mais Kabila fils, lui, il le sait. Ses «amis» aussi le savent.. . Et un jour viendra ou tout le monde le saura.
Les fesses et les furoncles
Oh ! Mon Dieu, serions-nous éternellement immatures? J'ai peur que oui. Tant que nous nous considérerons comme des anciens esclaves.. . Tant que notre but est de ressembler à nos anciens maîtres pour être au fond de nous-même et aux yeux du monde totalement anoblis, leur ressembler comme deux gouttes d'eau. Tant que la culture de l'ancien maître continue à faire l'amour inlassablement à notre culture et à ses jours de fécondité et cela sans préservatif. Tant que nous déploierons des tapis rouges pour des présidents occidentaux qui viennent berner nos gouvernants pour bien nous berner, nous serons toujours des fruits pourris avant même de mûrir. Nos illustres hôtes se foutent complètement de notre accueil chaleureux. Ce qui les intéresse, c'est ce qui doit nous être imposé, c'est le prix du coton, le pourcentage sur l'or, le diamant, le pétrole. C'est la dette avec laquelle nous serons de plus en plus accablés. Cette corde que nous passons nousmêmes au cou de nos enfants qui eux -mêmes à leur tour finiront par la mettre au cou de leurs enfants. C'est bien la dévaluation de nos francs. Ce qui les intéresse, c'est de nous distribuer des pilules pour que nous limitions nos naissances. Voyez-vous au Mali, il n'y a que douze millions d'habitants et rien qu'à Paris, il y en a plus de dix millions. Or la superficie du
Mali vaut deux fois et demie celle de la France. Pour le naïf que je suis, où est la logique? Savez-vous, mes frères et soeurs comment vos chefs d'état sont reçus aux aéroports, s'ils sont invités par leurs soi-disant homologues? Eh bien, très souvent par de petits conseillers. Où est la parité? Nos responsables en Occident sont traités comme de piètres personnes. Les différents reportages que nous voyons de leurs voyages en Occident sont faits par nos équipes de télévision qui doivent toute affaires cessantes les y accompagner. . . Pour les télévisions en Occident, à propos de ces visites, elles diffusent moins d'une minute d'images accompagnées d'une ou deux phrases disant que tel ou tel président africain est passé... Et une fois de retour au pays, souvent les programmes officiels de nos télévisions nationales sont changés pour pouvoir faire une large diffusion du reportage accompagné de commentaires encensés mais aussi insensés, pour soigner l'image du président, pour dire aux opposants « Vous voyez où je suis ». Pour dire au peuple «Je fais partie des grands de ce monde », pour être continuellement craint par le grand peuple naïf, pour que ce peuple se dise «Il est né pour le pouvoir ». Voilà ce qu'on veut nous faire comprendre. Le sens du patriotisme est mort en chacun de nous, tout est parti de la colonisation mais disons-nous la vérité une fois encore car chier une fois de plus ne peut abîmer pas l'anus. J'ai honte de nos grosses Mercedes, de nos 4X4, de nos multiples villas ou châteaux privés. Ah! Si on pouvait amener largement tous les maliens par la télévision et la radio à comparer le coût du train de vie luxueux de ces dignitaires privilégiés à leurs salaires officiels, le pauvre 104
type rendu misérable par les différents systèmes ne baisserait plus jamais la tête face à ces pourris dont il garde la maison, celui qui au passage l'éclabousse sans aucun remord. Entre le douanier, l'homme d'affaires et le commerçant qui se nourrit de la corruption? Entre le douanier, l'homme d'affaires ou le commerçant qui subit la corruption? Aucun. C'est bien le peuple. Ce sont ceux qui vont attendre des heures et des heures dans les salles d'attente, espérant obtenir du ministre, du conseiller, du directeur, du chef de je ne sais quoi, de quoi régler en urgence le paiement d'une ordonnance médicale, le paiement du repas de demain. C'est le pauvre paysan couché dans son champ attendant d'y être chassé par quelques gouttes de pluie, le pauvre malade sur son lit de mort entouré des siens sans espoir... Le pauvre chef de famille qui ne sait pas de quoi demain sera fait, celui dont l'enfant ne peut plus aller à l'école, cette femme de bonne famille et de bonne volonté pleine d'intelligence contrainte de se prostituer, cette petite bonne à tout faire venue de son village pour constituer dignement son trousseau qui se trouve être le déversoir de toutes les injures, de toutes les humiliations sous les griffes des épouses sans vergogne des grands voleurs libres et nantis. Ce sont ceux qui sous un soleil de plomb, à longueur de journée traversent la ville en transportant dans des brouettes les sacs de riz de ceux qui se sont enrichis malhonnêtement, cette femme en état d'espérance qui meurt et perd son enfant venant au monde faute de soins. Cet accidenté grave qui crève dans le taxi attendant que le cortège présidentiel passe, ces victimes des moustiques et des mouches, ceux qui sont à la fin de chaque mois injuriés comme du poisson pourri par les «pachas» dont ils louent les maisons pourries. Ceux qui n'espèrent jamais 105
avoir une maison à leur propre nom, ceux qui couvrent leurs plaies de poussière parce qu'ils ne peuvent pas s'offrir un pansement. . . Puisque tout a été orchestré pour que nous n'ayons plus de provisions, la peur de n'avoir plus de provisions a créé l'urgence de prendre des précautions par tous les moyens dont la corruption, l'escroquerie, le vol, le mensonge... Et on se contamine de jour en jour. Dans la vie, tout est contagieux autant le bien que le mal. Cela a donc créé des jaloux. Pourquoi lui et non moi? La voie est ouverte à tous les vices. Le vice est la chose à laquelle on s'attache le plus vite et le plus longtemps possible. La dignité nous quitte. Nos mères se prostituent, nos épouses se prostituent, nos sœurs se prostituent, nos filles se prostituent, comme l'a dit Drissa Keïta, ce brillant homme éliminé de la course au Mali, un homme d'une personnalité remarquable. Ibn Battûta a dit: «Dans le Mandé, des objets égarés par des gens étrangers ou pas, pouvaient êtres retrouvés chez le roi des années et des années après». Ce temps est révolu. Il est devenu légendaire. La fierté nous a quitté. La grande déclaration d'Ahmed Sékou Touré est tombée dans l'oubli: «Le peuple Guinéen préfère la liberté dans la pauvreté à l'esclavage dans l'opulence ». C'était quand le Général De Gaulle a donné le choix aux dirigeants africains de prendre ou non leur indépendance. Nous devons cela à Sékou Touré même s'il a lui aussi des assassinats sur la conscience, paix à son âme. Le sens du patriotisme est donc parti et pour longtemps, pour très longtemps il me semble. Quand on n'est pas patriote, on est égocentrique et il n'y a dans l'égocentrisme de place pour aucune vertu. 106
Tout cela est dit non pas pour que l'Occident change, mais pour que l'Afrique change.
Le jour où le peuple africain comprendra réellement le sens du vote, où tous ceux qui sont en âge de voter s'inscriront sur les listes électorales avec l'intention de voter; Le jour où nous comprendrons le comment et le pourquoi de la chute de Le Pen face à Chirac par le vaillant et solidaire peuple français qui nous aime; Le jour où nous serons tous conscients de la force que nous sommes; Le jour où nous comprendrons qu'il n'y a pas de diplôme de président, qu'un président est ce qu'il est aujourd'hui parce qu'hier le vote du peuple en a voulu amSI ; Le jour où le pauvre type démuni comprendra que son vote a la même valeur que le vote du président pour sa propre succeSSIOn; Le jour où nous comprendrons qu'on doit voter pour un candidat à la députation, pour qu'il parle en notre nom à l'Assemblée Nationale au lieu d'attendre un petit bakchich pour nous dépanner d'un jour plus difficile que les autres JOurs; Le jour où nous comprendrons que voter pour un maire, c'est attendre de lui que notre commune soit assainie, débarrassée des moustiques qui tuent nos femmes et nos enfants, au lieu d'attendre de lui les miettes retombées de ses business de terrains; Le jour où nos griots retrouveront la dignité au point de ne plus chanter des gens dont la source de la fortune est douteuse, ceux-là qui remplissent leurs propres poches en prenant dans le grenier collectif; 107
Le jour où nous comprendrons tous que si Dieu a dit qu'il faut respecter la loi, il n'a pas dit qu'il faut confondre la loi avec celui qui est chargé de l'appliquer car même celui qui applique la loi n'est pas au-dessus de la loi; Le jour où des artistes piratés au vu et au su de tout le monde cessera de créer des berceuses pour des dirigeants qui ne peuvent être que malhonnêtes, de les caresser dans le sens du poil; Le jour où nos médias d'état cesseront d'être des business center. Le jour où nous démasquerons avec la volonté populaire ceux qui vendent ou achètent les épreuves d'examens pour ceux qui n'ont pas le niveau et la capacité demandés. Le jour où les juges seront de corps et d'âme en parfaite harmonie avec les serments qu'ils prêtent devant Dieu et les hommes. Le jour où l'on mettra fin à l'amitié par intérêt entre le douanier et le commerçant, aux négociations à huis clos entre les impôts et les structures lucratives, les poignées de mains masquées entre policiers et transporteurs. Le jour où nous arriverons à criminaliser la corruption sous toutes ses formes. . . Ce jour-là commencera la victoire, car ce jour-là personne ne sera une petite personne aux yeux de personne, le ministre pourra dire sa vérité au président en étant sûr qu'il ne sera pas éjecté pour cela au risque pour le président d'être confronté à plus fort que lui, c'est-àdire le peuple, l'insurrection populaire, les membres du cabinet du ministre et ses conseillers ne seront plus constamment perturbés par la peur de perdre leurs places car un député sincère et honnête sera là pour en demander le pourquoi. Un directeur travaillera avec ses subalternes 108
en toute égalité et en toute légalité sans qu'ils aient la moindre crainte de se faire virer arbitrairement. Rien de ce genre ne sera plus jamais fait arbitrairement. Les petits fonctionnaires, les plantons, les chauffeurs de service retrouveront leur pleine citoyenneté, le respect des boys et des bonnes sera instauré et leur statut restauré comme personnes à considérer au même titre que tout le monde, car chacun représentera une. voix de plus ou une voix de moins pour les élections futures. Les peuples retrouveront leur souveraineté réelle car chacun sera contrôleur de chacun au nom de la patrie dont chacun sera capable de se réclamer, la tête haute. L'autorité de l'état sera effective car il sera un état propre, sans hypocrisie, honnête et conscient, travailleur, attentionné, dépourvu de tout mépris à l'égard du citoyen, quelle que soit la classe sociale à laquelle il appartient. Voilà ce dont on a besoin, une fois débarrassé de l'acculturation du complexe d'infériorité par rapport à l'Occident. Nous n'avons pas à mon sens d'autre choix que de mener ce combat mal expliqué peut-être, mais à mon avis nous avons matière à travailler et il nous faut peut-être trouver quelques «savants» de bonne volonté qui pourront nous aider à ordonner tout ça. Les rébellions, souvent justifiées, le tribalisme, les différentes divisions intestines ne feront que nous affaiblir, nous lier toujours mains et pieds pour que finalement en étant sûrs qu'il n'y aura plus d'issues possibles, nous rappelions l'Occident pour qu'il nous colonise de nouveau. Or, on ne connaît l'utilité des fesses que lorsqu'elles portent des furoncles. Zagreb le 14 Septembre 2006 à 23h50. 109
Points de vue Collection dirigée par Denis Pryen Déjà parus
Edgard M'FOUMOU-NE, La reconstruction du CongoBrazzaville: la synthèse, 2008. Adjo SAABIE, Epouses et concubines de chefs d'Etat africains. Quand Cendrillon épouse Barbe-Bleue, 2008. Francine BITEE, La transition démocratique au Cameroun, 2008. Gérard Bossolasco, L 'Ethiopie des voyageurs, 2008. Roland Ahouelete Yaovi HOLOU, La Faillite des cadres et intellectuels africains, 2008. Pierre Mithra TANG LIKUND, Cameroun: vingt-cinq ans d'échec; les promesses manquées, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Avancez, ne nous attendez pas I, 2008. Jean-Claude SHANDA TON ME, Droits de l 'homme et droits des peuples dans les relations internationales, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Réflexions sur l'universalisme. 2005, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Repenser la diplomatie. 2004, 2008. Jean-Claude SHANDA TONME, Ces dinosaures politiques bouchent l 'horizon de l'Afrique. 2003, 2008.
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TON ME, L'Orée d'un nouveau siècle.
SHANDA
Jean-Claude SHANDA TONME, Le Crépuscule fin d'un siècle tourmenté. 1999-2000,2008. Jean-Pierre MARA, Oser les changements Centrafrique, 2008.
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