QUE SAIS-JE?
Histoire de l'impôt ANDRÉ NEURRISSE
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QUE SAIS-JE?
Histoire de l'impôt ANDRÉ NEURRISSE
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INTRODUCTION De nos jours, la notion d'impôt se révèle dans le transfert sans contrepartie d'avoirs sous forme monétaire au bénéfice de la puissance publique. Dans le passé, la monnaie avait moins de place et la puissance publique était de tout autre nature : cependant, sans en revêtir les mêmes formes, l'impôt était de même essence, à savoir la traduction comptable de la mise en commun de richesses et de forces en vue d'une action collective dans le cadre d'une institution publique. Ainsi en est-il, par exemple, de la construction et de l'armement de bateaux par des peuplades iliennes, en vue de la conquête de territoires ou simplement de la protection de l'île. Dans une optique opposée on pourrait considérer que les exigences du vainqueur pouvaient entraîner pour le peuple vaincu une répartition des charges de telle sorte que le tribut est essentiellement lié à l'impôt - au point d'en être synonyme. On peut considérer aussi que la part des récoltes donnée par l'exploitant au propriétaire ou au protecteur, contrepartie du droit ou de la possibilité d'exploiter, est devenue impôt lorsque le propriétaire ou le protecteur a assumé une autorité publique ou religieuse. Une autre source pourrait résider dans l'institutionnalisation d'actes illégitimes en péages, tonlieux 3
DU M~ME AUTEUR Précis de droit budgétaire, Librairie générale de Droit et Jurisprudence, 1961.La comptabilité économique française (Comptabilité nationale). Librairiegénérale de Droit et Jurisprudence, 1963 (ouvrage couronné par l'Académie des Sciences Morales et Politiques). Les jeux de casino, Presses Universitaires de France, « Que sais-je? >, no 985, 3' édition, 1977 (traduction en langue espagnole, 1978). Histoire du franc, Presses Universitaires de France, «Que sais-je? _, no 1082, 3' édition, 1974 (traduction en langue japonaise, 1971), Les règlements internaUonaux, Presses Universitaires de France. , Que sais-je? " n° 1495, 1972.
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Wpôt légal. - 1,e édition : 3' trimestre 19,8 © 1978, Pre.lses Universitaires de France 'rous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservé, pour tous pays
atteint leur maturité avec une précocité déconcertante, se sont maintenues pratiquement inchangées. Certes on ne connaît plus l'impôt en nature, l'impôt de quotité élimine l'impôt de répartition, la fiscalité est devenue instrument de politique économique, mais depuis cinq mille ans la facilité et la productivité appartiennent aux taxes indirectes, la difficulté et l'équité (tout au moins sa recherche) à l'impôt direct; ainsi, les techniques fiscales, tout en se perfectionnant, n'ont-elles évolué que modérément. Sans doute l'impôt a-t-il varié dans son poids global, dans sa répartition, entraînant des conséquences économiques et provoquant des réactions sociales et politiques. Il fait partie intégrante de la vie publique, au niveau de l'individu, surtout en tant que phénomène de société. Mais, pour être appréciées à leur juste mesure, ces incidences doivent être rapportées à d'autres données essentielles, notamment la dépense publique, le revenu national et sa distribution, qui débordent du cadre de cette histoire, étroitement sectorielle, de l'impôt en tant que technique administrative et instrument de l'Etat.
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et droits de douane dont l'essence profonde tient peut-être plus du vol de grand chemin que de l'autorisation d'utiliser un ouvrage (pont, route) ou de l'assurance de bonne fin acquise par une fraction des marchandises transportées. L'impôt est un phénomène à multiples facettes dont il est impossible de saisir l'instant - et, partant, le lieu - de sa naissance. Même dans l'hypothèse où l'on ne considère l'impôt que sous sa forme monétaire, il est difficile de cerner l'instant où est apparue la monnaie - d'autant qu'il n'est pas impossible qu'en Egypte la monnaie scripturale ait précédé les espèces. Au reste l'impôt ne se manifeste pas que sous la forme monétaire. L'impôt peut être en nature, qu'il s'agisse soit d'une prestation ou d'une corvée, soit d'une fourniture de marchandises (blé à l'origine, cuivre en 1943). A la vérité il est d'évidence que l'impôt est né avec l'érection de la vie collective en formation étatique, avec, du reste, toute l'imprécision qu'une telle évolution peut comporter. Aussi bien convient-il de remonter très avant dans le cours de l'Histoire pour avoir une dimension perspective qui replace la fiscalité contemporaine dans l'évolution de la société. Cependant c'est l'administration romaine, laquelle a marqué d'une empreinte indélébile la vie publique en Occident, qui constitue le premier pôle de l'évolution de la fiscalité; le second pôle se situe à la période qui a suivi la Révolution de 1789, trouvant ses sources dans l'impôt monarchique et son épanouissement dans la fiscalité contemporaine. Entre les deux se situe la plage de la féodalité où l'éclatement de l'Etat s'est traduit par la provincialisation de la fiscalité. Au cours des siècles et des millénaires les lignes de force des institutions fiscales, lesquelles avaient 4
CHAPITRE PREMIER
LES PREMIERS SYSTÈMES FISCAUX Quelque perfectionnement qu'elles aient atteint, les institutions fiscales romaines n'étaient pas pour autant originales : elles avaient pris modèle dans celles, très évoluées, qu'avaient eues auparavant l'Egypte, puis la Grèce; elles n'ont pas pu ne pas tenir compte par ailleurs du système que les Lagides avaient perfectionné ni, pour ce qui est de l'application en Gaule, de ce qui existait avant l'invasion de César.
I. -
L'impôt de l'Ancien Empire d'Egypte
(3500-2200) Dès l'unification de l'Egypte par le roi Ménès, chef de la Ire dynastie (3300), l'administration ramifie l'autorité du roi jusqu'au sujet et recueille, en sens inverse, la contribution de chacun aux charges de l'Etat naissant. Il y avait à l'origine deux organismes spécialisés dans la fiscalité : la Maison Blanche dans le Sud et la Maison Rouge spécialisées d'abord géographiquement (Sud et Nord) puis très vite fonctionnellement, la Maison Rouge gérant les biens affectés au culte, la Maison Blanche 7
ayant à sa the le « DireclelU' des caravanes » était chargée d'enregistrer tout ce qui entrait ou sortait du royaume. Les sanctions étaient sévères, allant de la bastonnade ou la torsion des pieds et des mains jusqu'aux travaux forcés dans les régions frontières, à temps ou à perpétuité. Parallèlement existait un système d'offrandes, codifié, au bénéfice des temples. L'impôt était payable en métaux précieux ou toute autre denrée mais principalement en nature et il existait de vastes greniers publics, de grandes caves et de grandes resserres pour l'entrepôt du grain, du vin ou de l'huile - et peut-être existait-il aussi des étables publiques. Tel était dans l'Egypte du Ille millénaire le système fiscal simple dans ses principes, efficace dans son application qui permit à la civilisation nilote de prospérer pendant si longtemps. II. -
La fiscalité athénienne
du temps de Périclès Au début du v e siècle Sparte dominait la terre (Ligue du Péloponnèse), mais Athènes exerçait son hégémonie sur les 200 cités des îles et des côtes, alliées dans le cadre de la Ligue de Délos organisée en 478 av. J.-C. Cette hégémonie n'était pas gratuite car la ressource la plus importante de la Cité athénienne était la contribution des participants de la Ligue. A l'origine Aristide l'avait fixée modérément à 460 talents et l'&vait répartie entre les cités suivant les richesses foncières; cette contl"Ïbution, pharos, d'impôt de répartition devint en 413 av. J.-C. un impôt de quotité : elle fut en effet remplacée par une taxe de 5 % sur les transactions effectuées dans 9
demeurant le département des Financcs. Ce dCll11Cr se scinde vers 2500 en l'administration des greniers (Shenout) et celle du Trésor (par Hedj) centralisant les métaux précieux et les denrées non périssables. Les charges publiques étaient principalement assurées par l'impôt direct, accessoirement par les droÎts d'enregistrement et de douane. L'impôt direct était calculé sur la base d'un cadastre établi par des géomètres (harpédonaptes) et des commissions d'arpentage. Ces commissions étaient dirigées par un scribe du cadastre et comprenaient deux scribes agricoles, un porteur de cordeau et un tendeur de cordeau. Les récoltes encore sur pied faisaient l'objet de mensuration, puis, une fois entassé, le grain était strictement décompté en boisseaux, le tout sous le contrôle de géomètres et de scribes. Le cadastre était fait tous les deux ans et chaque chef de famille devait déclarer les personnes, femmes et enfants, appartenant au groupe familial - et signaler les femmes enceintes. Vers l'an 3000 s'ajoute au cadastre un recensement (tenout) bientôt appelé « compte de l'or et des champs» car il inventoriait tous les biens meubles et les évaluait en or selon une monnaie de compte: le deben, subdivisé en 12 shats (le shat valait 7,5 grammes d'or sous l'Ancien Empire). L'impôt direct (oudjeb) portait aussi à la fois sur le revenu et sur le capital, l'évaluation de l'un contrôlant l'évolution de l'autre et réciproquement. Le recensement était contrôlé - et servait de moyen de contrôle - par l'enregistrement obligatoire de toute mutation, lequel donnait lieu à expédition authentique (a nisout). TI ne semble pas qu'il y ait eu de droits sur les ventes; par contre, il est très vraisemblable qu'il y ait eu non seulement taxe statistique mais droits de douane à l'importation comme à l'exportation car une administration
ment périodique et cette répartition imposait des obligations, non seulement militaires mais civiles, différentes selon les classes. Ce n'est qu'à la fin du v e siècle, à l'occasion notamment de la guerre du Péloponnèse, que la République athénienne bénéficia d'un impôt en argent. Au IVe siècle cet impôt direct, l'eisphora, devint systématique et était calculé sur la base de la fortune mobilière et immobilière, esclaves compris: en 378 av. J.-C. les citoyens furent divisés en vingt groupes appelés symmories, de nombres différents, mais de capital équivalent, qui servirent à répartir les liturgies et l'eisphora. Le taux de l'impôt était relativement élevé, de 1 % à 4 % du capital recensé (timema), avec, peut-être, progressivité. A cela s'ajoutaient des droits indirects: dans les ports les navires effectuant le transport des marchandises devaient obligatoirement accoster à l'emporion où les agents de l'adjudicataire de l'impôt recevaient la déclaration en même temps qu'ils percevaient un droit de douane du cinquantième à l'entrée. A l'intérieur, sur les marchés, sur l'agora, était perçue une taxe du centième, l'ekatostaï, ancêtre, au même taux, du centesima rerum venalium des Romains, et de la taxe sur le chiffre d'affaires de la première moitié du xx e siècle en France. On ne peut que constater le parallélisme entre la naissance et la fin de la splendeur athénienne et l'évolution des ressources fiscales : dès le début du v e siècle Athènes disposait de ressources abondantes qui ont favorisé l'éclosion de la démocratie, l'essor des lettres et des arts, et la prospérité économique. Mais l'accl'oissement constant des charges finit par trouver un butoir dans la difficulté de réunir les ressources suffisantes, l'importance du prélèvement provoqua des réactions à Athènes comme dans 11
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ports de la Ligue. En raison du développement du commerce égéen, cette taxe était d'un rapport important (1 500 à 2 000 talents) et son poids excessif provoqua la dissolution de la Ligue. Aussi bien lors de la reconstitution de la Ligue en 377, il fut décidé que la contribution serait déterminée par le Synédrion qui rassemblait en conseil les représentants des cités. Mais les Athéniens accrurent par la suite leurs exigences, envoyant des navires requérir le phOTOS, provoquant finalement la révolte de Rhodes, Chios, Cos et la fin de la Confédération (355) et du « siècle de Périclès ». La Cité d'Athènes disposait d'un éventail de ressources propres très complet. Il y avait tout d'abord les produits du domaine: les carrières (sauf pour la pierre tendre) et les mines appartenaient à l'Etat et faisaient l'objet de concessions consenties par adjudication pour une période de trois à dix ans (Thémistocle fit consacrer les nouvelles ressources provenant de la découverte des gisements d'argent dans le Laurion à la construction de la flotte qui permit aux Athéniens d'écraser les Perses à Salamine). Il existait aussi des droits de justice (amendes, frais et confiscations) mais qui servaient principalement à rémunérer, par affectation spéciale, les juges qui étaient fort nombreux, et des droits d'enregistrement; une taxe à tarif dégressif (l'éponia) qui frappait les adjudications publiques (d'immeubles, de ferme des impôts) et une taxe proportionnelle, de l'ordre du centième, exigée pour la publicité de la vente d'immeubles. L'impôt direct était bien connu à Athènes; à l'origine il ne s'agissait que de prestations en nature, qu'on appelait « liturgies ». Solon avait, dès le début du VIe siècle, réparti les citoyens en quatre classes suivant leurs revenus, déterminés par un recense10
hautes eaux plus propice au contrôle, sur la base des déclarations des propriétaires ou exploitants vérifiés par le délégué du fermier de l'impôt, l'emomion, impôt spécifique par tête de bétail; était également dû le phylakitikon, sorte de contrepartie de la surveillance par les gendarmes des troupeaux (1). L'on trouve également un impôt foncier bâti au taux de 5 %, assis sur la valeur locative de la maison évaluée par le propriétaire. Au roi, les vignerons payaient une autre taxe l'eparourion, taxe foncière proportionnelle à la valeur et à l'étendue du sol, plus une tritée, taxe du tiers, représentative du loyer lorsqu'il s'agit de vignobles royaux. Les Egyptiens subissaient les prestations en nature. Ils étaient tenus au logement de la troupe lors des déplacements (et en certaines régions des vétérans s'installant en clérouques), à l'hospitalité du roi ou de ses agents en mission, aux « cadeaux » à l'occasion des fêtes et anniversaires - lesquels cadeaux deviennent, pour les clérouques notamment, une véritable taxe foncière annuelle. La corvée existait aussi mais relativement courte et pour des objets précis : moissons, entretien des digues. L'enregistrement semble n'être que facultatif. Les droits de mutation des terres ou des immeubles étaient de 5 % (puis de 8 1/4 %), perçus à Alexandrie en offrande au fondateur de la Cité (et à son culte), dans le reste de l'Egypte au profit du roi avec un supplément en offrande au dieu. Des taxes accessoires s'y ajoutent comme le droit de criée (1 %), (1) Il Y avait aussi une taxe sur les fmes dont le produit était constitué en dôréa, c'est·à-dire concédé.
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les cités alliées et le crépuscule de la civilisation hellénique est intervenu avec la décadence des impositions. III. -
Les impôts de l'Egypte ptolémaique (Ille_1er siècle av. J.-C.)
Pendant près de trois cents ans Alexandrie fut avec quelques alternances le phare de l'Orient hellénistique que la richesse des descendants de Lagos, général d'Alexandre, éblouissait de ses splendeurs. Cette puissance était fondée sur une économie prospère et assurée par un système financier particulièrement développé. A l'inverse du système de l'Ancien Empire, la fiscalité des Lagides frappait peu les personnes : il n'y avait pas à proprement parler d'impôts sur les revenus, mais des taxes professionnelles. Bien que les recensements des individus et le cadastre des biens aient été réalisés avec régularité et méticulosité, avec ce sens statistique tenant à une hérédité millénaire, il ne semble pas qu'il y ait eu une taxe de capitation sous les Lagides, encore que vers l'an 220 Ptolémée Philopator ait pu instituer une syntaxis de ce genre. Les commerçants, charcutiers, épiciers, établissements de bains ... cordonniers, étaient tenus à une redevance, le phoros, sorte de droit de licence ou de patente. Les agriculteurs et les possesseurs de pigeonniers étaient redevables d'une taxe foncière, au titre non de la propriété mais de l'usage du fonds, cette taxe portait des noms variés et ses taux étaient différents selon les cultures. De plus il y avait des taxes sur les instruments de travail (bêches notamment et, pour les pêcheurs, sur les barques). Tout le bétail d'Egypte était dénombré, dans la période des
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mais contrôlées par l'administration royale et l'approvisionnement en matières premières fait l'objet d'une stricte régulation entre les ateliers. Les huileries clandestines sont sanctionnées d'amendes et de confiscation. Une fois fabriquée, l'huile était vendue au prix fixé par le roi à des détaillants suivant des quantités programmées à l'avance et déterminées par adjudication de quantité: le détaillant était tenu d'acheter la quantité d'huile adjugée, mais il pouvait la vendre au prix de son choix - encore qu'il y ait eu prix maximal par décision royale. C'était un système ingénieux qui garantissait au roi la vente de l'huile à un prix rémunérateur. Mais l'huile était plus chère qu'à l'étranger, en Grèce notamment, et c'est ainsi que le monopole a été étendu à l'importation sauf pour la consommation personnelle, auquel cas il y a lieu de payer un impôt spécial. Par aillems, le monopole de l'huile a conduit à une surveillance étroite des charcutiers et de l'utilisation de la graisse animale. Il semble aussi que l'on soit allé jusqu'à imposer par une sorte de capitation un minimum d'achat. La question se pose de savoir s'il y a eu une taxe généralisée sur les ventes, comme il en existait en Grèce. Il ne le semble pas, d'autant que les denrées essentielles étaient monopolisées et que les taxes sur les ventes atteignaient à des taux élevés les activités et non les Pl·oduits. Ainsi au taux de 33 1/3 (tritée) étaient frappés les chiffres d'affaires des bains, au taux de 25 % la vente des épiciers (kapelikon), des pêcheurs et des agriculteurs. L'impôt sur le vin, l'apomoira, était du sixième de la valeur de la récolte, laquelle était évaluée par des recensements annuels et les vendanges étaient l'objet d'une surveillance très étroite (par exemple le vigneron ne pouvait faire son vin qu'en présence d'un délégué du fermier 15
la taxe pour écritures publiques, la taxe du soixantième. Les dévolutions à cause de mort étaient aussi frappées d'un droit de succession : l'aparké, dû même en ligne directe. L'essentiel du revenu du roi provenait des taxes indirectes à trois titres : monopoles, droits sur les ventes, droits de douane et péages. Le roi est maître des richesses minérales, carrières de pierre (peu utilisée pour les constructions privées) pour l'exploitation desquelles il semble qu'il y ait eu le système des corvées, salines des marais ou du sol (le sel était monopolisé et donnait lieu en sus à un impôt local de consommation par personne, l'aliké, au profit du nome), et mines d'alun, de métaux, précieux ou non, et de pierres précieuses. Les monopoles fiscaux étaient affermés et portaient, non sur le superflu, mais sur l'essentiel : l'huile, le sel, les textiles, le nitre (produit minéral extrait des salines et servant notamment de blanchiment des tissus), le blé, la bière, le meilleur papier dit « papier royal ». Par ailleurs, le plus typique des monopoles est celui de la culture des oléagineux (sauf olivier) : sésame, croton, ricin, coloquinte, lin. Dans chaque nome des étendues de terre étaient déterminées à l'avance pour la culture et les cultivateurs devaient apporter la récolte aux magasins généraux de chacun des nomes (le monopole était affermé à des capitalistes). Il semble que les graines étaient prêtées par l'administration royale dont les fonctionnaires étaient responsables de la culture, et les fraÏs de culture avancés par le fermier du monopole qui était garant de la rentrée de l'impôt. Il y avait procès-verbal contradictoire d'estimation des récoltes, puis la récolte était vendue exclusivement à la Ferme. Sur le prix, le cultivateur paie une taxe de 25 %. Les huileries sont privées, IL
notamment de la taxe d'assistance judiciaire et la dîme additionnelle (le dixième des sommes en litige déposé en caution avant le procès et laissé par le perdant). De temps à autre, bien que les temples aient été exonérés de toute fiscalité, le roi a effectué des « reprises » sur les revenus des charges sacerdotales et les fondations pieuses, des levées (eisphora et epigraphon) sur les clérouques et les fermiers du domaine sacré. Ainsi les Lagides ont-ils pu adapter dans le cadre de traditions locales, la fiscalité grecque d'autant plus aisément que cette dernière se trouvait dans la filiation égyptienne. IV. - La fiscalité en Gaule avant l'invasion romaine Avant la conquête romaine, la Gaule avait subi l'influence grecque non seulement du fait que le. premier langage écrit y ait été le grec, mais aussi politiquement et administrativement; la population était divisée en tribus de 4 000 personnes environ, avec une hiérarchie à la tête de laquelle se trouvait un roi ou vergobret, élu. Il est logique d'avancer qu'il y avait un système fiscal suffisamment structuré pour faire face aux dépenses militaires (l'armée de Bituit qui en 125 av. J.-C. faillit mettre en échec l'Empire romain au faîte de sa puissance, était forte de 180000 hommes) et civiles (Luerus, père de Bituit, ne voyageait qU'~ll chariot d'argent (1), entouré de sa cour). Ce système fiscal était apparenté (1) L'argent et l'or abondaient, s'amoncelant dans les temples, fleurissant aussi sou. forme de bijoux que portaient habituellement les hommes, même en annes, et il est bien certain que, déployant leurs fastes, Luerus et Bituit ont excité la convoitise romaine et provoqué, à terme, l'invasion de la Gaule.
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de l'impôt) ; l'impôt pouvait être livré en nature ou payé en argent ou en cuivre. Il était en principe affecté au culte de Philadelphe. Les ventes d'esclaves, qui doivent toutes être déclarées à l'avance, donnent lieu à perception de deux taxes, l'une proportionnelle 17,5 % au profit du roi, l'autre par tête d'esclave au profit de la ville (l'importation d'esclaves est soumise à des droits de douane). L'organisation de la douane était aisée en raison du nombre restreint des points de passage; les droits à l'importation étaient fort élevés, à la mesure des prélèvements faits au profit du Trésor royal sur les produits du pays : 50 % pour l'huile, 33 1/3 % pour les vins, 25 % pour le miel et les salaisons; par contre le bois, le fer, les chevaux qui manquaient en Egypte ne payaient que des droits très légers. A l'exportation existaient aussi des droits qui furent très productifs sous les Lagides. AlL" droits de douane s'ajoutaient diverses taxes portuaires, droits de quai ou offrandes. Des péages ou des droits d'octroi (telos) sont prélevés un peu partout aux frontières, aux séparations des nomes, dans les ports fluviaux, aux termes des pistes du désert; ces droits pouvaient atteindre 40, même 50 %, mais étaient généralement du vingt-quatrième (vins, laines). Parmi les ressources du roi on trouve encore les amendes fiscales ou pénales - et les confiscations, parfois prononcées à la suite de rébellions; il y avait aussi des amendes en quelque sorte conventionnelles, sanctionnant au profit du roi le manquement à des obligations de droit privé définies par contrat. A partir de 179 av. J.-C.les amendes et confiscations alimentaient pour la plupart le domaine privé du roi. Par ailleurs, le roi bénéficiait de frais de justice, 16
Saône, ce n'était sûrement pas pour interdire tout commerce mais plutôt pour s'assurer la maîtrise d'une source de revenus. Il est vraisemblable qu'existait déjà une taxe sur les ventes des marchandises sur les marchés; et le centesima rerum venalium n'est que la romanisation d'une taxe déjà existante. César en effet ne modifia pas immédiatement les institutÎons ; il sc borna à établir un portorium sur les frontières - le quadragesima galliacum - et ce n'est qu'après la reddition de Vercingétorix qu'il institua le tribut et romanisa la fiscalité.
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à celui d'Athènes, c'est-à-dire fondé sur l'impôt indirect. A Marseille, cité grecque, n'existaient que des droits sur les marchandises, à l'entrée, à la sortie, et sur les marchés; l'impôt direct y était inconnu (confirmation peut-être trouvée dans la résistance et l'incompréhension opposées à l'établissement du cens par Auguste dans la Narbonnaise). Pour le reste du territoire, les peuplades gauloises ne connaissaient en matière d'impôt direct que le don volontaire, le herriban des Germains dans le cadre des prestations fournies en nature : corvées, fournitures, notamment épuration. En revanche, les taxes indirectes, qui étaient avec les droits de justice l'essentiel des revenus publics, étaient nombreuses et variées. Il existait quantité de droits de passage et de douanes le long des fleuves et sur les routes; en particulier, des taxes d'entrée et de sortie étaient établies dans les ports de la Manche sur les objets échangés avec l'île de Bretagne. Il est vraisemblable que les taxes étaient ad valorem et de manière uniforme sur toutes les marchandises. Leur perception était assurée par les magistrats (qui portaient des costumes distinctifs brodés d'or) et les adjudicataires étaient riches et généralement nobles. Aucune indication ne nous est parvenue sur leurs taux, mais l'on peut penser qu'ils n'étaient pas prohibitifs car ils ne décourageaient pas le commerce, source essentielle de la vie économique du pays. La Gaule, par ses richesses, constituait en effet une active plate-forme d'échanges commerciaux (le terme gaulois magus est venu jusqu'à nous sous le nom de « marché» alors que concurremment le forum latin a donné « foire »). Ces droits et péages étaient néanmoins suffisamment rentables pour provoquer des rivalités entre tribus : lorsque les Eduens ont tenté d'occuper les deux rives de la 18
Dans cette évolution on retiendra comme exemplaires trois périodes : celle du 1er siècle avant PEre chrétienne (correspondant à la romanisation de la fiscalité gauloise), celle du Bas-Empire au moment où les Mérovingiens accueillent l'héritage romain, puis celle de la mutation en Gaule de l'impôt romain avant sa féodalisation. 1. -
L'impôt romain au 1er siècle
A l'époque d'Auguste l'impôt direct, qu'il s'agisse de prestations en nature ou de versements en numéraire, frappait peu le citoyen romain, et la principale ressource de l'aerarium romain était l'impôt indirect.
1. L'impôt direct. - L'impôt direct avait trois formes essentielles : les prestations en nature, le trihut, l'impôt sur les successions. A) Les prestations en nature. - Lorsque l'armée romaine prenait pied sur un nouveau territoire, c'est à un gouverneur (nommé par le consul, l'empereur ou le Sénat), qu'incomhait la charge d'administrer et de mettre en valeur la nouvelle province. Pour ce faire les gouverneurs avaient recours aux prestations en nature: l'annone, qui consistait en apport de hlé, vin et peaux de mouton, chevaux, dans les magasins généraux de l'armée; les corvées pour la construction de routes, mais aussi d'édifices puhlics ou religieux (temples, autels et statues); le logement militaire, c'est-à-dire l'ohligation pour l'hahitant de donner aussi hien pour le soldat que pour sa monture, s'il s'agissait d'un cavalier, le couvert c'est-à-dire le toit, mais sans doute aussi le vivre. S'y ajoutait éventuellement la fourniture de hêtes féroces (en Gaule sans doute des loups et des
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CHAPITRE
II
L'IMPOT ROMAIN De la création de Rome (750 av. J.-C.) à la fin de l'empire d'Orient (1453 apr. J.-C.) vingt-trois siècles se sont écoulés pendant lesquels les institutions se sont formées mais auesi transformées, s'adaptant à l'évolution qui a conduit la ville aux sept collines à l'Empire romain. S'il est vrai que Rome dut son ascension aux exploits de ses légions, il.~'en est pas moins certain qu'elle n'a pu maintenir son hégémonie que par la qualité de 80n administration, et, plus singulièrement, de son système fiscal, lequel assurait à J'Etat romain le renouvellement des sources de richesses. C'est dans cette optique qu'il faut entendre l'impôt romain dont les mécanismes devaient avoir pour effet d'apporter à la ville de Rome les moyens de sa prospérité, aux citoyens romains l'élévation constante de leur niveau de vie; c'est en quelque sorte l'organisation scientifique des pillages (des biens privés et des temples) auxquels se livraient habituellement les cohortes romaines envahissant un territoire. Aussi bien les perfectionnements qui ont été apportés tant à la technique qu'à l'administration fiscale avaient-ils pour but de permaniser cette situation et d'assurer une productivité croissante, :.!u
devra-t-on, dès le départ, distinguer l'impôt purement foncier (proportionnel à la valeur des terres - c'était déjà l'impôt sur le capital) de celui qui frappait les esclaves (capitatio). Le cens fut institué en Gaule, en remplacement du stipendium (1) qui avait été imposé à la Gaule par César, en l'an 27 (vingt-quatre ans après la reddition de Vercingétorix, dix-sept ans après la mort de César) par Auguste qui s'installa d'ailleurs à Narhonne pour mieux présider aux opérations (c'est à ce moment-là qu'il divisa la Gaule qui, depuis César, ne formait qu"une province de la Méditerranée au Rhin, en N arhonnaise, Aquitaine et Lyonnaise). Le recensement fut renouvelé quinze ans plus tard par Drusus, beau-fils d'Auguste, puis en 14 apr. J.-C. par Germanicus. Il n'y a pas de traces de recensements postérieurs, du moins propres à la Gaule, ce qui ne veut point dire qu'il n'yen ait pas eu, mais ce qui tendrait à prouver que la population gano-romaine s'était accoutumée à cette imposition, laquelle, dans l'esprit et le langage des l'edevables, prit peu à peu le nom de l'opération cadastrale: c'est ainsi que le tributum devint, en Gaule tout au moins, le cens.
C) L'impôt du vingtième sur les successions. C'est par la loi Julia et Papia Poppœa qu'Auguste (1) Le slipendium peut passer pour un impôt direct encore qu'il soit fondamentalement une indemnité de guerre. il s'agissait essentiellement d'un impôt de répartition que les peuples vaincus devaient eux-mêmes répartir suivant leur mode d'imposition existant et le montant en était fixé par le Sénat ou par le général vainqueur pour un certain nombre d'années. C'est ainsi que Philippe de Macédoine eut à payer 1 000 talents en termes annuels; c'est ainsi que Carthage dut payer, après la première guerre punique 2200 talent. en 20 termes annuels, après la deuxième guerre punique 10000 talents en 50 termes annuels - soit 200 talents par an. Pour la Gaule l'on manque de précision sur le stipendium que César déclare avoir fixé lui-même au chiITrc de 40 millions de sesterces (30 miIlions de francs 1978).
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ours) pour les jeux du cjrque à Home ou à Nîmes. Ces prestations en nature étaient temporaires, en ce sens que l'armée, sauf aux frontières, n'était pas en permanence sur le territoire; chaussées, temples, forums une fois construits, ne demeurait plus que l'entretien. En sus de ces prestations destinées à l'administration, le gouverneur levait pour son profit personnel des « cadeaux », par exemple l'aurum coronarium, l'or coronaire, don d'or au général vainqueur. B) Le tributum. - A l'origine la capitation, impôt élémentaire, permit à Home de faire face aux premières charges. D'exceptionnel sous le roi Servius Tullius cet impôt, le tributum civium romanum, devint annuel en 406 av. J.-C. lorsque fut créée la solde militaire. Mais, du fait de conquêtes successives, il ne fut plus exigé à Home à partir de 167 av. J.-C. puis, à partir de 89 av. J.-C., des Italiens devenus citoyens romains. Au 1 er siècle av. J.-C. Rome, l'Italie et les cités dotées du jus italicum étaient exemptes du tribut. Le tributum était un impôt de quotité qui avait pour hase la situation de fortune telle qu'elle était déterminée par le cens, lequel constituait un véritahle cadastre des situations individuelles. A l'origine, le cens était d'essence purement militaire puisqu'il avait pour ohjet de dénomhrer la population apte à porter les armes et à fournir la cavalerie; il avait lieu tous les cinq ans et devait constater l'âge des citoyens et le nomhre de leurs enfants, ainsi que leur richesse = nomhre des esclaves, des têtes de hétail, des arpents (jugum) avec la précision des cultures. Le premier cens aurait été effectué en 555 av. J.-C. Tout naturellement ce recensement devient la hase de l'impôt direct et sans doute
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auxquels celte dernière disposition avait conduit. Antonin Caracalla doubla l'impôt qui devint le dixième (mais Macrin, son successeur, rétablit le vingtième) et n'admit plus en exemption que les héritiers directs à l'exclusion des agnats; en accordant systématiquement le droit de bourgeoisie à tous les sujets de l'Empire romain, il les soumit tous au droit commun des successions et de l'impôt s'y rapportant. C'est Justinien qui, par une Constitution de l'an 531, semble avoir aboli les droits de succession dans l'empire d'Orient. Pendant cinq siècles l'impôt fut donc levé avec régularité, affermé généralement aux publicains groupés souvent en sociétés et appelés vicesimarii, c'est-à-dire receveurs du vingtième; ils étaient surveillés par le surintendant de la caisse militaire (qui succéda aux trois prétoriens originels), lequel avait dans les provinces des préposés: les procureurs. Ces derniers, dont la fonction sociale a été très variable (il y eut des soldats et des muletiers), étaient chargés de veiller aux intérêts du fisc, c'est-à-dire non seulement de recueillir les successions pour le compte du domaine privé (1), mais aussi de faire une juste estimation de la valeur de celles qui allaient aux particuliers afin de lever sans possibilité de transaction l'impôt dans les délais les plus rapides; Auguste avait prévu des délais très courts pour l'ouverture des testaments et le débiteur ne disposait que d'un bref délai au-delà duquel il payait une indemnité de retard de un centième par mois. 2. Les taxes indirectes (<< vectigIia »). - De très honne heure l'impôt indirect était devenu un im(1) TI semble que selon les époques les deux fonctions furent assumées par deux procureurs distincts.
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établit en l'an 6 de notre èrc uu impôt Jc 5 %sur les donations, legs et successions. A la suite des guerres civiles, il éprouvait quelques difficultés à réunir les sommes nécessaires au paiement de la solde des troupes et, pour éviter ·les séditions, il créa une caisse militaire, dirigée par trois prétoriens tirés au sort, à laquelle il affecta le produit de l'impôt du vingtième (c'est là un excellent exemple du lien entre la fiscalité et les charges militaires). Min que cette nouvelle charge ne parût ni trop lourde ni trop injuste, Auguste l'atténua de deux exceptions: l'une en faveur des pauvres, l'autre en faveur des proches. Les « pauvres )) s'entendaient en réalité de tous ceux dont la succession ne dépassait pas la valeur de cent pièces d'or; quant aux « proches )) il s'agissait, bien entendu, des enfants, à défaut, des petits-enfants du défunt (sauf ceux qui étaient nés de la fille et qui se trouvaient dans la lignée du gendre), puis du plus proche des « agnats n, c'est-à-dire les parents par mâles, frères ou cousins germains (il semble aussi que les gentiles étaient exempts puisqu'ils participaient au culte religieux particulier à la maison). On notera que cet impôt ne frappait que les citoyens romains puisque les peregrini, c'est-àdire les alliés et les habitants des provinces ne pouvaient, de par leur état qui les privait du droit de bourgeoisie, rien recevoir par testament (lorsqu'ils obtenaient le droit de bourgeoisie, ils ne pouvaient plus hériter de leurs parents, à moins que ces derniers aient obtenu ledit droit eux aussi). L'empereur Néron reconnut la succession par les mères et l'exempta du vingtième; puis Trajan exempta le père de la succession de son fils, le frère à l'égard de la sœur et de manière générale écarta le's frais funéraires de l'ensemble successoral ; Adrien plafonna ces frais en raison des abus
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les marehanùises apportées ùans les ports ùe commerce, à l'exception de celles qui n'étaient point destinées à la vente dès lors qu'il ne s'agissait pas de denrées de luxe (1) (ainsi un père de famille ne payait pas de droit pour un esclave destiné au service de sa personne, mais il le payait pour les eunuques). Les ambassadeurs étaient exempts de droits à la sortie mais pas à l'entrée et les mariniers qui apportaient le blé à Rome bénéficiaient de tolérances. L'impôt était payé sur la base d'une déclaration du commerçant importateur ou exportateur, laquelle comprenait les marchandises sujettes ou non à l'impôt. Les publicains, chargés de percevoir l'impôt, pouvaient ouvrir les ballots, procéder aux fouilles nécessaires et même décacheter les lettres. Les marchandises non déclarées étaient confisquées, sauf erreur reconnue de bonne foi - auquel cas une amende égale s'ajoutait au droit. Quelquefois confondue avec le portorium, la taxe sur les ventes, le vectigal rerum venalium, s'appliquait non pas au passage des marchandises dans les ports (ou sur les ponts et les chemins) mais à la transaction commerciale. Auguste la créa pour subvenir notamment à l'entretien des gardes de nuit établis à Rome pour la sécurité publique; il l'appliqua d'abord aux ventes d'esclaves au taux de 2 % puis l'étendit, au taux de 1 % (centesima), à toutes les ventes commerciales (2), y compris les vins et les fruits, à l'exception - du moins jusqu'à Caligula qui y mit fin - des objets de première nécessité. (1) Il Y eut un procès célèbre défendu par Cicéron d'un commerçant qui ne voulut pas payer le portorium pour les marchandi.es qu'il n'avait pas vendues. (2) C'est en ce sens qu'il faut prendre l'acception , ventes publiques • et non par ventes aux enchères publiques.
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pôt ad valorem, cc qui laisse entendre une maturité précoce de l'administration fiscale. De très bonne heure aussi il atteint le transfert de la marchandise, qu'il soit matériel (aux frontières, aux ports, à l'entrée des villes) ou juridique (droit sur les marchés) (vecti,glia viendrait de velwre, transporter). Du temps d'Auguste, il y avait deux ta.'œs générales: droits de douane et taxe sur les ventes, des taxes spéciales, et le monopole du sel.
A) Les droits de douane et la taxe sur les ventes. -On peut penser que c'est du jour où Rome eut un port à l'embouchure du Tibre que l'idée vint d'imposer l'entrée et la sortie des marchandises. Dès lors date-t-on d'Ancus Marcius, créateur du port d'Ostie, l'institution du portorium (l'étymologie semble en effet indiquer que portorium vient de portus, encore que le péage perçu sur les ponts (1) et les chemins avait le même nom). Il semble que ces droits aient été abolis avec l'avènement de la République. Ils ont en tout cas été rétablis par les consuls Lepidus et NobiIior, lorsque les Romains étendirent leur domination; la Sicile en particulier paya de très importants droits de douane (le taux y était de 5 %) ; de même dans les ports de l'Asie et de GrandeBretagne on payait un portorium de 21/2 % qui prit en Gaule le nom de quadragesima galliacum. Dans le même temps le préteur Caecilius Metellus supprima les droits de douane en Italie, moins pour leur incidence que, selon Cicéron, pour les procédés vexatoires auxquels ils donnaient lieu. César cependant les rétablit et ils furent par la suite constamment maintenus jusqu'à la chute de l'Empire. Les droits de douane étaient prélevés sur toutes (1) Par la suite l'impôt sur les ponts prit le nom de pontaticum, pontage.
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Narbonnaise il existait un impôt sur les vins, ins~ titué par Fontius et le produit en était affecté pour partie à la construction des routes, pour partie à la fortune de son créateur.
C) Le monopole du sel et l'administration du domaine. - TI existait aussi à Rome un monopole du sel, mais contrairement à ce qu'il avait été en Egypte et en Grèce et ce qu'il sera en France, il avait été créé pour la protection du consommateur par Livius Salinator en 555 av. J.-C. (à moins que ce ne soit Ancus Marcius en 508). Les employés du monopole portaient le nom de Salinatores aeraii, alors que ceux des fermiers des salines portaient le nom de salarii. En 204 av. J.-C. un vectigal fut établi sur le sel, en même temps que les censeurs fixaient aux fermiers le prix de la vente du sel. Depuis la République, le Sénat avait pris en charge l'administration financière et les provinces sénatoriales, dites stipendiaires, constituant, selon Gaïus, le Domaine public. Les territoires directement administrés par le chef de l'Etat et les provinces tributaires constituaient le Domaine privé. En l'an 6 Auguste créa l'aerarium militaire qui s'ajouta aux deux autres trésors: du peuple (administré par le Sénat) et du prince (relevant du chef de l'Etat), lequel prit, sous Tibère, le nom de Fiscus. Tel était, après les réformes d'Auguste, le système fiscal qui. sans modifications profondes, assura pendant quatre siècles les ressources nécessaires au maintien de l'Empire. TI y eut certes des innovations, notamment cet impôt de capitation sur les Juifs, le didrachme (paiement annuel de deux drachmes) institué après leur soulèvement, en 66 apr. J.-C. Mais les textes et l'administration fiscale présentaient une solidité telle qu'ils permirent 29
L'impôt était prélevé pal' les procurateUI's duccnaires pour le compte de l'empereur. La taxe sur les ventes ne paraît avoir été instituée que fort tard dans l'Empire romain. Auguste passerait pour l'avoir établie en Gaule, si l'on ne se souvenait de l'existence d'un tel impôt dans la Gaule celtique. Auguste l'a simplement codifiée, romanisée (sous le nom de centesima rerum venalium) et étendue à l'Empire tout entier. Le taux en était de 1 % (il a été ramené à 1/2 % pendant une courte période, de 17 à 31) et frappait tous les contrats d'achat et de vente, toutes les ventes sur marchés et pas seulement les seules ventes par adjudications publiques. B) Les taxes indirectes spéciales. - Il existait deux taxes concernant les esclaves et proportionnelles à leur prix. La première, le vicesima libertatis (5 % sur la valeur des esclaves affranchis), fut introduite en 357 av. J.-C. (lex Manlius Capitolenus) et étendue à tout l'Empire. Puis Auguste institua un impôt de 4 % SUI' le prix des esclaves vendus (quinta et vicesima venalium mancipiorum). La perception d'abord affermée à des publicains fut assurée en Gaule par une administration spéciale, le fiscus libertatis et peculiorum. Le produit en était affectl'l à un fonds de réserve: l'aerarium sanctus. Caligula créa un impôt de consommation sur les denrées alimentaires (edulia), sorte de droit d'octroi. Il y avait aussi les droits de marché, notamment l'ansarium et leforicularium qui paraissent avoir été l'un, un droit de place, l'autre un droit de patente. Après Auguste deux impôts indirects virent le JOUI' : le quadragesima litium (l'impôt sur les procès), sorte de droit d'enregistrement créé par Caligula et le vectigal urinae que Vespasien infligea à ceux qui plaçaient les amphores sur la voie publique. En
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ceux qui ne possédaient pas d'immeubles (sauf la plèbe des villes et de Rome), les femmes étant taxées pour moitié. Son origine remonterait peutêtre au 1er siècle, vraisemblablement à Vespasien. Pour ces deux impôts Dioclétien fit procéder dans tout l'Empire à un recensement rigoureux des biens et des hommes: chaque chef de famille était tenu de déclarer ses immeubles et leurs valeurs, ses biens mobiliers et ses esclaves. La quotité de chacun de ces impôts n'est pas connue avec certitude (on sait cependant que Julien réduisit les impôts de la Gaule à 7 aureus par caput). Ils étaient payables par tiers. A cela s'ajoutait pour les hommes illustres (clarissimi viri) et les sénateurs un impôt de capitation appelé foUis ou gleba, à raison de 3 à 8 livres d'or par an suivant la fortune (les clarissimi sans fortune ne payaient que 7 soHdus). Il existait aussi un impôt extraordinaire que les dignitaires de l'Empire devaient payer à raison de leurs chevaux de luxe. Egalement on trouve trace d'impôts sur la luxure sous la forme de taxes établies sur les entremetteurs (appelés leones) et les filles de joie (meretrices), taxes qui ont pu être abolies par Anastase ou Théodose II (réformes de 444 ?).
B) L'impôt sur les entreprises. - L'innovation la plus importante fut la création, vraisemblablement sous Alexandre Sévère, de l'impôt des patentes, connu sous des noms divers : lustralis collatio, chrysargirum, aurum negotiatorium, aurum lustrale ou aura functio (1). (1) II peut y avoir confusion entre lus/ralis colla/io qui devait être la mise sur une liste tous les cinq ans et le chrysargirum qui était l'impôt lui-même, à moins que colla/io signifie bien contribution, mais que llls/ralis signifie' au jour " c'est-à-dire éventaire, de telle
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à l'Empire de surmonter la grande crise du milieu du Ille siècle, grande crise économique (hausse des prix, disette agricole qui sévit en Italie), grande crise politique caractérisée par la révolte des légions en Gaule, amenant la création d'un Empire gaulois avec Postumus comme chef, puis la Bagaudie (écrasée par Maximin en 285), grande crise religieuse qui voit le christianisme évincer la religion romaine. II. -
La fiscalité du Bas-Empire au temps de Dioclétien
Les années 397, 398 et 399 apportèrent à la fiscalité bon nombre de réformes qui, par leur étendue, constituèrent une étape importante dans l'évolution historique de l'impôt, la dernière avant que ne se disloque l'Empire en Occident. C'est donc la fiscalité dioclétienne que les Mérovingiens ont trouvée à leur prise de pouvoir, et qui a constitué la base de départ de l'évolution de l'impôt sous les rois des deux premières races.
1. Les impôts directs : A) Le dédoublement du tributum. - C'est de Dioclétien que date vraisemblablement la division de l'impôt du cens en deux impôts, l'un frappant la terre, l'autre les personnes. L'impôt frappant la terre, ce fut la jugatio terrena qui fut appliquée à tout l'Empire, même à l'Italie (qui fut également soumise à l'annone). Le contribuable était tenu à un certain nombre d'aureus ou de solidus proportionnellement à l'étendue des terres. C'était, en quelque sorte, un impôt sur le capital foncier - destiné vraisemblablement à forcer à la mise en valeur des terres. Quant à l'impôt frappant les personnes, c'était le capitatio humana ou plebeia qui frappait 30
Les portoria étaient les seuls impôts avec les droits d'octroi dans les villes, qui demeuraient affermés à des publicains par contrats intervenant tous les cinq ans (tous les trois ans à partir de 321). Les péages subsistaient aussi, certains pensent que Pertinax eût pu, vers 195, les supprimer. Mais trente ans après, Alexandre Sévère les aurait rétablis. Ils portaient, ainsi que le bureau du percepteur, le nom grec de telonium, sacrifiant à la mode de l'orientalisme de l'époque dioclétienne ou plutôt résurrection du nom antérieur (du moins en Gaule où les termes de la fiscalité grecque s'étaient maintenus sous Rome). Il faut noter que sous Dioclétien n'existaient plus ni le 1/20 d'affranchissement des csclaves, ni, ce qui est plus notable, d'impôt sur les successions, lequel semble avoir disparu sous Gordien III le Pieux en 240. 3. Les prestations en nature. - Au Bas-Empire les prestations en nature sont très répandues et portent le nom de munera (munus : présent, mais aussi chargc publique) et on distinguait les charges civiles, personnelles et corporatives. Il s'agissait dans tous les cas de travail gratuit et obligatoire. Parmi les charges civiles il y avait celles imposées aux curiales, magistrats municipaux, tenus gratuitement d'assurer la marche des services de la Cité, qu'il s'agisse des travaux publics, de la poste, ou du recouvrement des impôts directs (les curiales étaient tenus solidairement et c'était là la charge la plus périlleuse). Les charges personnelles étaient connues sous le nom de munera sordida dont étaient exempts les clal'issimi, les professeurs, les membres des églises, les vétérans, etc. Elles pesaient sur les ouvriel'S et commerçants et étaient spécialisées par professions, c'est-à-dire que tel ou tel ouvrier devait 33 A. NEURRlS::'J::,
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Cet impôt était proportionnel (2 % ?) soit aux bénéfices présumés, soit, plus vraisemblablement, au capital engagé : il avait pour base la matricula registre établi par et sous le contrôle des commerçants : il y avait là une sorte d'autocontrôle, favorable certes à une meilleure justice fiscale, qui laisserait d'ailleurs entendre un impôt de répartition plutôt que de quotité. La tenue du registre, sans annoncer le registre du commerce de nos jours, favorisera la naissance d'un régime corporatif et à travers le chrysargire apparaissent les corporations du Moyen Age.
2. Les taxes indirectes. - La taxe sur les ventes persistait encore au taux de 1 % (peut-être fut-elle portée sous Théodose Il à 4 1/6 %, mais temporairement). Elle devait exister encore en Italie après l'invasion des Ostrogoths, mais il n'est pas certain qu'elle fut partout perçue. Il semble qu'elle soit tombée en désuétude en Orient puisque aussi bien le Code de Justinien constate qu'elle n'est plus levée. Par contre, elle était toujours prélevée en Gaule. Les portoria ont été élevés du 1/40 (2,5 %) au 1/80 (12,5 %) et portent le nom d'octavarii vectigal, ce qui se serait finalement déformé en « octroi ». Il semble que le taux de 1/40 se soit maintenu aux frontières et que le 1/80 n'était perçu qu'à l'entrée des villes et leur produit allait pour 1/3 dans la caisse des villes, pour les 2/3 dans la Caisse impériale. sorte que chrysargirwll et lus/raUs col/atio seraient ùeux terIlles désignant le même impôt. La thèse généralement soutenue selon laquelle les commerçants n'étaient tenus qu'à payer l'impôt tous les cinq ans, ne résiste pas à la réflexion; d'une part, il eftt suffi au commerçant de fermer boutique l'année du lustre pour éviter l'impôt, d'autre part, on ne voit pas pourquoi l'Empire, toujours à court de ressources, se serait privé d'une recette annuelle.
taires (les titulaires s'appelaient stabuli, les auxiliaires supernumerarii). Le responsable du Fiscus était appelé Rationalis summae rei sous Dioclétien (sous Constantin il prit le titre de Comes sacrarium largitionum et la dignité de comte était à l'origine attachée à la fonction et non à la personne). Au Bas-Empire, il semble que les fonds affectés à la Maison impériale ne proviennent plus d'impôts, mais de ressources spéciales comme le produit net de la frappe monétaire aux mains des monetarii, corporation devenue héréditaire, les biens vacants et ceux des condamnés et proscrits. Le Domaine public comprend les pâturages, avec leurs droits de passage et de paissance, les arsenaux, dont les ouvriers étaient attachés à vie à leur métier, les salines, les mines et le cursus publicus (poste publique). Les réformes de Dioclétien, au tout début du IVe siècle, avaient, par leur étendue et leur profondeur, doté l'Empire tout entier d'une structure fiscale particulièrement solide, et, partant, durable. Aussi bien, la fiscalité du Bas-Empire s'est-elle maintenue fort longtemps en Orient : cent cinquante ans plus tard elle est encore vivante sous Justinien. Elle s'est maintenue également en Occident, en Gaule en particulier où les héritiers de Rome n'eurent garde de détruire une telle source de richesse et de puissance. III. - L'altération de l'impôt romain sous les rois des deux premières races Lorsque l'Empire romain s'effondre en Occident au cours du v e siècle (Romulus Augustule. dernier empereur, est déposé par Odoacre en 476), les Francs, depuis longtemps, se sont infiltrés en Gaule. 35·
telle ou telle prestation mais pas d'autre, et ne pouvait y échapper pas plus que ses descendants. Ces charges étaient au profit de l'Etat ou des communes. Ainsi pour ces dernières, les boulangers (pistores) étaient tenus à cuire le pain, les portefaix (saccarii) aux divers transports. Au profit de l'Etat les monetarii devaient battre monnaie, les navicularii - dont les immeubles garantissaient la bonne fin du transport - faire les transports par eau, etc. L'administration de l'annone était au Bas-Empire non seulement le fournisseur des distributions populaires de blé, mais l'approvisionneur de l'intendance des armées. Elle portait sur les chevaux comme sur le blé (canon frumentaire) et dépendait de la Caisse du Préfet du Prétoire. Son assiette était basée sur le capitatio terrena (en certaines provinces, annone et capitatio terrena étaient confondus). En principe, le paiement devait avoir lieu en nature; il pouvait se faire aussi en argent et les fonctionnaires récupérateurs acceptaient volontiers de l'argent car, avec un taux de conversion suffisant, ils rachetaient du blé avec des marges bénéficiaires. 4. Le Domaine et le Trésor public. - Au BasEmpire la rivalité constante entre le Sénat et le chef de l'Etat avait abouti à l'agrandissement du Fiscus, lequel recueillait l'ensemble des ressources sauf les droits d'octroi. Parallèlement l'administration fermière des publicains cédait le pas à l'administration publique, vraisemblablement constituée à l'origine des mêmes personnels d'encadrement et d'exécution. Dioclétien acheva cette évolution et prit directement entre ses mains l'administration fiscale qu'il structura, hiérarchisa, avec des rémunérations progressives et des avancements statu34
nom général de tonlieu (du grcc lelos, latinis6 cn teloneum) mais aussi dcs noms particuliers: droit de pont, de marché, de porte, de roue, de route, etc. Un capitulaire de Louis le Pieux en 820 en donne une bonne réglementation avec les sanctions éventueUes aux excès; ces tonlicux avaient en effet tendance à une privatîsation au profit des propriétaires terriens et finalement, les immunités puis les concessions aidant, devinrent l'essence de la fiscalité féodale. Le cens et les tonlieux étaient théoriquement payables en espèces; ils l'étaient en fait aussi en nature, en raison de l'insuffisance du stock monétaire. En revanche, il semble que les frais de justice (predu) et les amendes pour sanctionner le refus de participer à la dépense militaire furent toujours exigibles cn espèces. En fait le fonctionnement de l'Etat mérovingien ou carolingien tenait beaucoup à la participation directe des habitants sous forme, soit de prestations obligatoires, soit de corvées. Parmi les prestations obligatoires, ceUe du droit de gîte et de transport, issu de l'obligation d'hospitalité et de la poste impé'riale romaines, était la plus importante: les envoyés du roi pouvaient exiger, où qu'ils se trouvent, au vu de la lettre de mission (tractoria) , couvert, nourriture, chevaux et voitures sous peine d'une amende de 60 sols d'or (1). Seule l'Eglise était exempte de cette obligation. Quant aux corvées, c'était une sorte de service civil à réquisition des missi, grâce à quoi furent construits et entretenus ponts (douze ponts sur la Seine furent édifiés de cette sorte à Paris à la fin du VIlle siècle), routes, endiguement (1) Le sou d'or de l'époque carolingierme n'était qu'une monnaie de compte.
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Apl'ès l'avoir ravagée au Ille siècle, ils se romanisent par l'enrôlement dans la Légion et aident notamment les Romains à repousser les Huns avant que Clovis, fils de Childéric et petit-fils de Mérovée, prenne définitivement le pouvoir. Le système administratif romain ne s'est pas effondré du jour au lendemain : les impôts en vigueur sous les Mérovingiens étaient romains, sauf quelques héritages du régime des Goths et des Francs.
1. Les impôts mérovingiens. - L'impôt foncier, le tribut ou le cens, est généralement assis à proportion des récoltes et du cheptel; il revient à sa forme originaire de prix de location et semble être prélevé régulièrement sans décret ni rôle, notamment depuis Clotaire II. Il devait y avoir deux cens, assis à la fois sur les personnes et sur les terres ou le cheptel: l'un traditionnel payé par les propriétaires au roi, l'autre contractuel payé par le locataire au propriétaire; peu à peu les grands propriétaires - Eglise et hauts fonctionnaires - ne voyant plus la raison de payer le cens traditionnel, réclamèrent et obtinrent des immunités. Les droits de douane et de péage non seulement se sont maintenus tout au long de la période postromaine, mais se sont développés (sous Charlemagne c'était la ressource la plus importante) atteignant un haut degré de variété avec la féodalité. On en percevait un peu partout : dans les ports - en particulier à Marseille, Sète, Aigues-Mortes - , aux frontières et à l'intérieur, non seulement à la limite des circonscriptions administratives (notamment lors des deux partages du royaume), mais à l'entrée des villes et des bourgs, aux passages et au franchissement des ponts, des routes et des rivières et sur les marchés. Douanes et péages portaient le
fruits et croît des animaux, à l'Eglise, est née sous les Carolingiens. Charles Martel avait enlevé un grand nombre de biens à l'Eglise, mais il finit par les faire restituer par les détenteurs (certains s'y refusèrent mais furent contraints de payer, outre la dîme, la neuvième partie de leurs revenus : la none). La dîme ecclésiastique fut reconnue par Pépin en 765 qui ordonna exceptionnellement de la payer pour remercier Dieu d'une année d'abondance après quatre années de disette et devint loi civile par les capitulan:es de 779 et 794 et Charlemagne lui-même s'y soumit. Il s'agissait donc d'une sorte de taxe parafiscale, d'un véritable impôt d'Etat avec affectation spéciale. La dîme comportait quatre parts: l'une pour l'évêque, la seconde pour les clercs, la troisième pour l'entretien de l'Eglise, la quatrième pour les pauvres, à charge pour les clercs de la distribuer. (Cette taxe des pauvres finançait en quelque sorte l'assistance publique de l'époque.) On pouvait l'acquitter en nature ou en argent et les sanctions pour non-paiement étaient sévères, allant jusqu'à la prison. On distinguait, d'une part, les dîmes prédiales, lesquelles portaient sur les héritages et se subdivisaient en dîmes anciennes et dîmes novales, suivant l'ancienneté de la mise en culture, d'autre part, les dimes mixtes (sur les fruits du travail conjugué de l'homme et de la terre), grosses, lorsqu'elles portaient sur le blé ou le vin (les prés, bois, étangs n'étaient pas sujets à la dîme), menues, lorsqu'elles concernaient les poulets, agneaux, cochons, etc., et vertes (pois, fèves, lentilles, oignons ... ). Les dîmes, et partant, leurs distinctions, variaient bien entendu, selon les régions.
3. Le consentement à l'impôt et l'apparition du ré· gime féodal. - Cette intervention fiscale de l'Eglise 39
des fleuves (notamment de la Loire), murailles, églises, édifices publics ... Tous les habitants pouvaient être soumis à corvées, même les ecelésiastiques. De même tous étaient tenus à verser, plus ou moins régulièrement, des « dons » entre les mains du souverain. Il y eut aussi des « levées » extraordinaires pour payer tribut aa,;: Nonnands afin qu'ils évacuent les territoires. Ainsi en 866 préleva-t-il 4000 livres d'argent sur prêtres, grands du royaume comme sur les paysans et les commerçants. 2. L'Eglise et l'impôt. - La puissance de l'Eglise, à la fin de l'époque romaine, lui a permis non seulement de se soustraire à l'impôt, mais de l'accaparer en partie à son bénéfice. C'est envers les Eglises que les premières remises d'impôts directs se font : Clovis affranchit l'église de Reims de toutes charges publiques; Théodobert, son petit-fils, remit aux églises d'Auvergne tous les impôts directs dont elles étaient redevables. Entre-temps Clotaire voulut imposer toutes les églises de Neustrie au tiers de leurs revenus, mais leur abandonna quinze ans plus tard (560) les redevances établies Sill' les champs et les pâturages et interdit aux percepteurs et décimateurs de toucher aux biens de l'Eglise. Parallèlement, un nouvel inlpôt se créait au bénéfice de l'Eglise, sous le nom de dîme. Bien que les théologiens se soient employés à démontrer que cette institution, si elle ne figurait pas dans les ordonnances royales, remontait pratiquement à l'origine des temps puisqu'elle était dans les Lois de Moïse, en réalité la dîme ecclésiastique, c'est-à-dire le paiement du dixième (1) sur revenu, récoltes, (1) Il Y eut pru:fois des, d!mes • du huitième et du douzième.
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régime féodal. Cette date marque incontestablement le déhut de l'ère féodale caractérisée par la subordination des vassaux aux seigneurs et par la patrimonialisation au profit desdits seigneurs des revenus de souveraineté du roi. Ainsi dès la fin du IX e siècle, l'empire de Charlemagne n'est déjà plus que souvenir, morcelé par les partages héréditaires, contesté par la puissance spirituelle et économique de l'Eglise, et affaibli par l'incapacité des rois.
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qui s'ajoutait il sa neutralisation eut pOllr cons{,~ quence automatique l'accroissement des chargcs des autres redevables qui ne manquèrent pas de réagir et même de se soulever (Limoges en 578, puis la résistance des barons). Six cents ans avant Jean sans Terre, en Angleterre, lc roi Clotaire II promulgue en 615 un édit d'importance capitale parce qn'il constitue d'une part une amorce du consentement à l'impôt, d'autre part parce qu'il porte en germe le régime féodal. L'article 8 en effet indique que lorsqu'un cens nouveau a été ajouté de manière impie il sera, apl'ès enquête ct sur réclamation du peuple, réformé. On n'est guère loin de l'édit de Pistes (864) par lequel Charlcs le Chauve déclare que « le consentement du peuple confirmé par le roi fait la loi ». Par ailleurs, il est indiqué que les juges ou comtes du roi doivent choisir parmi les propriétaires du pays où s'exerce leur juridiction afin de mieux obtenir restitution s'ils commettaient quelque exaction illicite; il y a la prise de conscience de la responsabilité du fonctionnaire, mais aussi établissement d'un lien entre le pouvoir et la propriété foncière. Charles le Chauve réinventa en 854 le serment de fidélité, en un temps où personne ne lui était plus fidèle et, par le capitulaire de Kiersy en 877, accorda aux comtes et leudes l'hérédité - et, partant, la propriété - des bénéfices et offices, alors que déjà les comtes et autres officiers du roi retenaient pour eux-mêmes les profits et hommages qui devaient remonter jusqu'au roi; dans leur juridiction les comtes et leudes, généralement grands propriétaires, vont se transmettre le droit de lever l'impôt mais leur inamovibilité héréditaire va faire qu'ils le lèveront à leur seul bénéfice, et c'est une mesure d'administration fiscale qui ouvre la porte au 40
1. --- Les droits seigneul'iaux Les droits seigneuriaux étaient particulièrement variés et les seigneurs ne se sont pas fait faute de les multiplier, diversifier et moduler dans un ensemble hétérogène où l'on peut distinguer deux catégories principales selon que l'essence de la ressource soit principalement d'ordre patrimonial ou de souveraineté. 1. Les ressources de patrÙDonialité : A) La concession des terres. - L'effet conjugué de l'insécurité pour les populations et du goût prononcé que les héritiers des Francs avaient pour la chasse, a fait qu'après la chute de l'Empire romain de grandes étendues de bois se sont constituées loin de toute habitation. Ces forêts appartenaient au seigneur qui les gérait, avec l'aide d'officiers forestiers, principalement en vue de la chasse. Cependant, il pouvait en concéder la faculté d'y faire paître les bestiaux, moyennant un droit de pâturage ou de pacage (de frésange lorsqu'il s'agissait de la glandée des porcs). Les paysans eurent faculté de chasser pendant longtemps dans les forêts et ce n'est qu'au XIVe siècle que les seigneurs se réservèrent le droit de chasser qui devint ainsi l'un des privilèges de la noblesse. Pour pouvoir prendre du bois pour le chauffage ou la construction des maisons, des chariots et outils, les habitants devaient payer un droit de ramage ou d'affouage. Le régime des eaux était analogue à celui des forêts : les seigneurs étaient considérés comme propriétaires des rivières et concédaient le droit de pêche (ou décenage) et le droit de prélever l'eau pour arrosage ou pour faire tourner les moulins (droit d'abevenis). 43
CHAPITRE
III
L'IMPOT FÉODAL
(877-1285) Aux IX e et xe siècles l'ensemble français n'est plus qu'une mosaïque de petits Etats indépendants entre eux, où, dans chacun, s'est établie, du duc ou comte au simple chevalier, une hiérarchie héritée de la fonction publique romaine. Le seul lien les unissant est l'allégeance à l'un d'eux, l'héritier de Charlemagne, puis après l'assemblée de Noyon de 987, le duc des Francs, Hugues Capet et ses héritiers. Chaque seigneur détient les attributions fondamentales du chef d'Etat qui découlent de l'autorité morale qui lui est reconnue. Cette aura, fondée sur le serment d'allégeance, se traduit matériellement par le droit de justice, c'est-à-dire la disposition souveraine des hommes et des choses : la faculté de lever l'impôt, d'exiger redevances n'en est qu'une particularité et se fond, au reste, dans l'acception générale du revenu du domaine. Pendant plus de quatre siècles l'impôt va être exclusivement dans la main des seigneurs et le roi n'a pas d'autres ressources que celles de son domaine propre, sa situation n'étant pas, de ce point de vue, différente de celle des autres seigneurs qui l'ont porté sur le trône. Seule l'Eglise assure, par le prélèvement de la dîme, une sorte de parafiscalité d'ordre national. 42
coutumières allant de l'amende à la reprise des terres par la saisie censuelle. Les redevances censives étaient fixes et la dévalorisation constante des monnaies fit que leur produit s'amenuisa avec le ' temps. Aussi naquirent des redevances supplémentaires, sortes d'impôts sur le revenu, forfaitaires ou non, suivant qu'ils se rapportaient au cheptel ou aux récoltes. En ce dernier cas, on appelait champart, agrier ou terragrier, une part prélevée directement sur la récolte par des officiers du seigneur (les numeratores). Le taux était varia.ble suivant les pays : une gerbe sur vingt, sur douze, sur huit, souvent sur quatre; en certaines régions, le seigneur prélevait la récolte entière tous les quatre ans. Lorsque les terres étaient laissées incultes pendant un certain nombre d'années, sept ou dix, le seigneur avait un droit de reprise des terres. Le champart se payait sur toutes les récoltes de fèves, navets, chanvre, avoine, blé; le droit sur les grains s'appelait: civerage sur l'avoine, mestive sur le blé. Pour les vignes, la part sur la vendange prenait nom de terceuil ou terceau, de complant dans l'Anjou, de quart-pot en Beaujolais. Souvent à ces champarts s'ajoutaient les prémices qui se prélevaient sur les premiers fruits des arbres ou les portées des animaux (agneaux, porcelets et veaux). Dans le Midi, lors de la cuisson de son pain, le tenancier apportait au seigneur les premiers petits pains, ronds, qui prirent le nom d'oblies ou d'oublies (le droit d'oublies a revêtu par la suite un sens plus large). Le seigneur participait également au revenu de ses terres en imposant le tenancier de droits forfaitaires suivant le cheptel, mort ou vif. En effet, outre le droit de fouage qu'acquittait chaque chef de famille (ou de blaude que l'on payait par cheminée), les tenanciers payaient une redevance
Le domaine éminent du seigneur haut j us Licier, comportait deux catégories de terres, selon la nature du lien personnel par la foi et l'hommage ou réel dans le cas contraire : les terres nobles (les fiefs) dont les possesseurs (vassaux) n'étaient soumis à aucune redevance pécuniaire permanente hors la présence à la Cour féodale et le service militaire, les terres roturières et serviles dont les possesseurs, serfs et roturiers (1), étaient soumis au régime de la cenSlve. La censive était une sorte de contrat d'exploitation des terres au seul profit du concessionnaire moyennant paiement, en nature ou en argent, au concédant, d'une somme fixe : le cens. Incontestablement hérité de la fiscalité romaine le cens est devenu, aux alentours de l'an mil, une prestation réelle, moins récognitive de la puissance que conséquence de la patrimonialité. Au reste, l'on distinguait deux sortes de cens - lesquelles coexistaient généralement - le capitalis-census, appelé aussi chef cens ou menu cens payé au titre de la souveraineté parfois en une seule fois, quérable en tous les cas par l'envoyé du seigneur, prévôt ou bailli, le gros cens ou cens proprement dit et de caractère contractuel, payable en terme annuel (à la SaintRémi par exemple) et portable entre les mains du seigneur (ce sera ce cens qui prendra plus tard le nom de rente). Le concessionnaire ne pouvait concéder à son tour tout ou partie de sa concession : « Cens sur cens ne vaut. » Si le concessionnaire ne pouvait payer le cens, le seigneur disposait de sanctions (1) Du latin ruptarius : celui qui brise la terre. La condition des roturiers était moins contraignante que celle des serfs puisqu'ils pouvaient contracter librement mariage et choisir librement le domicile.
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Le pain était, à l'époque, la base essentielle de la nourriture et la banalité du moulin et du four était, par sa généralité, une ressource commune à tous les seigneurs comme une charge qui pesait sur l'ensemble des habitants du royaume; ainsi s'est constitué un droit coutumier de la banalité valable à quelques nuances près pour toutes les régions. Ainsi les grains devaient-ils être moulus dans l'ordre de leur arrivée; en cas d'attente de plus de trente-six ou quarante-huit heures, le grain pouvait être moulu ailleurs. Le droit prélevé par le meunier généralement en nature, rarement en argent, était dans la plupart des cas du seizième; le meunier était d'ailleurs justiciable d'amende s'il prélevait plus que ce qui était fixé ou pour toute autre fraude (de poids par exemple) et celui à qui le meunier avait fait tort avait droit à indemnisation. La banalité des fours était moins exclusive, car la cuisson de pâtis- . series et le séchage des fruits étaient tolérés. Cependant, ce système ne put se maintenir dans les grandes villes en raison du développement de la population et de son urbanisation croissante. Ainsi à Paris, Philippe Auguste permit-il aux boulangers de cuire le pain dans leurs propres fours, leur accordant ainsi privilège et mettant fin de la sorte à la banalité dont profitaient l'évêché et les trois abbayes auxquels elle avait été antérieurement concédée (en 1305 Philippe le Bel autorisa quiconque à avoir son four). 2. Les m:oits de souveraineté. - En sus des revenus liés à la possession de droits réels le seigneur disposait d'un éventail de ressources que l'on peut répartir en quatre catégories : les prestations, les droits de justice et de mutation, les impôts directs, les taxes indirectes. 17
par charrue (charruée), par tête de bœuf (cornage) même quand on n'en avait pas (droit de lande), de vif ou de mort herbage pour les bêtes à laine, de chevrotage pour les chèvres, de frésange pour les porcs, de plume pour les volailles, de caninage sur les chiens.
B) L'usage monopolistique des moyens de production : la banalité. - La banalité est un droit seigneurial, création originale de la féodalité, exorbitant au reste de la nature des fiefs, bien que lié à la seigneurie en vertu du droit de réglementer, c'est-à-dire de faire un « ban ll, ordre ou prohibition. La banalité est donc un droit qui ne peut être exercé que par le seigneur, c'est en quelque sorte un droit mixte d'exploitation du patrimoine en vertu du droit de souveraineté; à la limite, la question n'a pas été tranchée de savoir si le droit à la banalité ressortit à la justice ou au fief. En tout état de cause il était de tradition que le droit de banalité ne pouvait être détaché du fief et de sa justice et qu'il en suivait le sort, ce qui n'interdisait nullement la concession de la banalité d'une manière précaire moyennant redevance (en certains cas elle fut concédée à des villes ou bien, gratuitement, « aumônée ll, à l'Eglise). C'est un droit qui appartient incontestablement au seigneur d'interdire aux habitants d'utiliser d'autres moulins, fours, pressoirs, taureaux, verrats et étalons que les siens. On distinguait la banalité réelle (celle du pressoir) de la banalité personnelle (four et moulin) dont étaient dispensés les ecclésiastiques et ceux qui résidaient dans une autre seigneurie (les nobles étaient soustraits à toute banalité). 16
liberté de revenir chaque soir chez eux. Les corvées ne pouvaient être remplacées par une prestation d'argent. Elles étaient de deux sortes: au titre des personnes (corvées personnelles) ou au titre du fonds et en frappaient le possesseur (corvées réelles). Bien entendu, il y avait anssi les prestations au titre de la défense, à savoir la triple obligation de défendre la terre du seigneur, de faire le guet, de suivre le seigneur en expédition guerrière. B) Les droits de justice et de mutation. - C'est en vertu de ce pouvoir de justice démembré de l'autorité royale que le seigneur pouvait, dans la tradition romaine, hériter les épaves, biens vacants ct sans maître et, bien entendu, prélever amendes, droits de greffe et de geôle, et confisquer biens meubles et immeubles, notamment de son vassal coupable de félonie (il y eut aussi des confiscations, particulièrement intéressées et hors toute justice, des biens des Juifs puis des banquiers lombards et cahorsins). Dans cet ordre d'idées les seigneurs bénéficiaient des dl'Oits d'aubaine, c'est-à-dire d'une partie ou de la totalité de la succession des aubains (serfs de corps, non attachés à la terre) de mort aille (s'agissant de ce que laissait un serf à sa mort) et de bâtardise (dans certains pays les bâtards ne pouvaient tester que de 5 sols, le reste revenant au seigneur). Le mariage des serfs donnait lieu à un droit de mariage, ou de formariage quand l'un des deux conjoints était de condition librc. Lorsque l'évêque, l'abbé ou le tUl'é mourait, un certain délai s'écoulait jusqu'à la nomination de son successeur. Pendant ce temps c'était le seigneur qui assumait l'intérim de la vacance, tout au moins au plan matériel (au plan spirituel c'était l'évêque,
A) Les prestations. - Le droit de gîte consistait en la possibilité pour le roi de loger chez l'habitant et d'y être nourri ainsi que sa suite pendant trois jours au plus. L'origine se trouve dans la tradition romaine et les rois des deux premières races avaient été particulièrement attentifs à son maintien. Les premiers capétiens y portèrent la même attention, s'attachant à conserver ce droit dans les églises, abbayes ainsi que dans les villes qui bénéficiaient d'une charte. Puis ce droit fut peu à peu converti en redevance annuelle en argent (200 livres à payer à la Toussaint pour la ville de Laon en 1189), généralement à la demand.e des villes qui se libéraient ainsi d'une sujétion incontrôlable. Saint Louis le réglementa mais s'appliqua à visiter villes et monastères pour en recueillir le montant. Au droit de gîte s'ajoutait le droit de prise, c'est-à-dire le droit pour le seigneur, le roi ou les grands officiers de la couronne, de prélever chez l'habitant blé, vin, légumes, animaux, fourrage, etc. Ce droit justifiait toutes les exactions et il ne fut limité et réglementé qu'à partir des ordonnances de 1254 et 1255. Plus connues sont les corvées qui se sont particulièrement développées en régime féodal, frappant tout homme libre, tenu d'aider le seigneur par la participation aux travaux des champs, à l'entretien des routes, chemins, fossés et bâtiments. Ces corvées étaient fixées par la coutume et, plus tard, elles furent strictement réglementées par la législation royale. De façon générale, les corvéables étaient convoqués deux jours auparavant par la proclamation du hauban pour effectuer les travaux dcs champs, pour construire et entretenir routes, ponts et surtout le château, demeure du seigneur, mais forteresse et abri pour cenx qni l'entourent. Les corvéables étaient nourris par Je seigneur et avaient l" ·.u
villes. De plus, l'affranchissement des serfs se développait et les soustrayait ainsi à l'impôt. Pas plus que la taille des débuts du Ile millénaire n'a aucun lien avec l'impôt du même nom créé par Charles VII, l'aide féodale n'a de rapport avec les aides des états généraux de 1355. Elle consistait en droit pour le seigneur d'imposer ses sujets, serfs, roturiers, nobles et vassaux d'un subside extraordinaire dans des circonstances très précises que définissait la coutume ; en général quand le seigneur était prisonnier pour sa rançon, pour le mariage de la fille aînée, quand il armait chevalier son fils aîné (il s'y ajouta un quatrième cas avec les croisades) ; le t~ux était variable selon la fortune et l'état des personnes. Une taille (ou cens) tout à fait spéciale, sorte de capitation, s'était établie sur les Juifs, sans doute avant la grande confiscation de Philippe Auguste, sûrement aprês; s'y ajoutaient des taxes sur leurs contestations judiciaires et leurs prêts : il y avait jusqu'à une sorte d'appropriation des personnes juives au profit des seigneurs. Certains seigneurs bénéficiaient d'une l'edevance sur les mines, héritée du Code Théodosien, et frappant le produit extrait d'un prélèvement du dixième. De même, ils disposaient d'un droit particulier sur les ventes des coupes de bois dont le montant pouvait atteindre la moitié lorsqu'il y avait une sorte de copropriété dite graierie entre le seigneur et le particulier; en Normandie les droits frappant les coupes de bois s'appelaient tiers (33 %) et danger (10 %). Enfin le seigneur pouvait bénéficier de dîmes ecclésiastiques lorsqu'il avait acquis un fief du clergé; la dîme devenait alors inféodée. D) Les taxes indirectes. - Avec la féodalité les taxes indirectes retrouvent leur double sens pri-. 51
l'abbé ou le curé le plus voisin) en vertu de quoi il percevait tous les revenus. C'était le droit de régale qui donna lieu à des abus tels (certains seigneurs coupaient et vendaient des forêts, s'emparaient des troupeaux, pressuraient les paysans) qu'il dut être réglementé. Enfin les seigneurs pf;)Uvaient percevoir des droits de sceau, des droits d'étalonnage et d'aunage pour la vérification des poids et mesures et pouvaient battre monnaie (le bénéfice de la frappe s'analysait en droit de monnayage). Par ailleurs, le seigneur pouvait exiger de l'Eglise des droits d'amortissement lorsqu'elle procédait à l'acquisition d'immeubles; les roturiers acquéreurs de terres nobles acquittaient, eux, le franc-fief. Quand il y avait vente de terres nohles, le seigneur percevait le quint (20 % du prix total, soit 25 % du prix net) avec parfois un supplément le requint (5 %). A la mort du vassal le seigneur percevait un droit de relief et parfois, en vertu du droit de meilleur catel, le meilleur meuble (ou cheval) de la succession. Les roturiers acquittaient le même droit de succession sous le nom d'acapte.
C) Les impôts directs. - Les seigneurs percevaient généralement deux sortes de taille (l'étymologie pourrait en être latine: talia ou tolta) : la taille permanente sur les seuls serfs, la taille extraordinaire ou aide, occasionnelle, sur tous les habitants. La taille ordinaire était prélevée généralement deux fois l'an à des taux tout à fait variables sur les serfs qui se trouvaient taillables à merci; c'était une sorte d'impôt de capitation dont l'établissement était à l'origine arbitraire. Mais la taille fut normalisée et même abolie dans les villes affranchies et certains seigneurs abonnèrent d'eux-mêmes d'autres 50
où certains seigneurs prélevaient un droit d'accise proportionnel au prix de toutes les marchandises vendues sur leur territoire. II. -
L'altération de la fiscalité féodale
Avec la dîme perçue au profit du clergé, l'ensemble de ces droits et taxes, péages et monopoles s'est maintenu avec des fortunes diverses et des modifications plus ou moins importantes jusqu'à la Révolution. Avec les croisades, cependant, un changement se produit dans la seconde moitié du XIe siècle : non seulement la guerre sainte attire en Orient la meilleure noblesse, mais, pour se croiser, les seigneurs ont à faire face à de lourdes dépenses. En échange de disponibilités immédiates, des libertés sont accordées aux villes pendant que le seigneur le plus riche, le roi, agrandit au moindre prix son domaine - ce qui ne l'empêche point de réclamer, à certaines occasions, une aide à ses vassaux. Ainsi peu à peu naissent simultanément une fiscalité locale et une fiscalité d'ordre national. 1. L'affranchissement des communes et la fiscalité locale. - La fiscalité féodale, l'autorité sans limite des seigneurs (( Serfs, soyez soumis dans la crainte de vos maîtres », s'écriait dans une homélie l'archevêque de Reims en 1213) finirent par provoquer des réactions. Si les paysans isolés étaient pratiquement sans défense, la concentration urbaine fit que les marchands des villes et des hourgs, las de payer l'impôt sans limite, réagirent, se concertèrent, se lièrent en communauté sous la foi du serment, en vue de se protéger contre leurs ennemis (le seigneur et, parfois, l'évêque). Ainsi le terme 53
mitif : droit d'usage d'un ouvrage ou de passage sur un territoire, prélèvement forfaitaire de rançon et de sécurité. Elles connaissent aussi une prolifération exceptionnelle : tout est barré, rivières, ponts, routes, pour que l'on acquitte des droits, tout est prétexte à imposer des péages et des tonlieux. Les péages étaient les droits de passage, de calciage (marche), de travers, sur les hommes et les bêtes, de rouages sur les chariots pour le dommage causé par les roues des chariots sur les routes et chemins du seigneur. Sur les marchandises il y avait droits généraux de barrages (pour le franchissement des barrières), de quayage (sur les quais des fleuves) ; surtout des droits particuliers sur le sel (droit de salage et manée de sel), et, plus spécialement, sur les vins à toutes occasions (droits de vinage, de leage et de forage) ; pour la bière il y avait un droit de gambage. Aux frontières des provinces et du royaume, dans les ports maritimes, se percevaient des droits de douane appelés alors traites foraines dans le Nord, droits de rêve dans le Midi (les douanes intérieures ne furent abolies qu'en 1799). Sur les marchés et foires des villes et bourgades se percevaient grand nombre de droits, connus sous le terme générique de tonlieux. Il y avait les droits payés pour la place ocçupée par le marchand : droits de plaçage, d'estallage, d'establage, de terrage (pour les objets exposés à même la terre), de piquage (pour planter les pieux); d'autres droits étaient exigés sur les marchandises mises en vente: droits de bichenage, droits de sextillage, de minage sur les graines vendues, droits de moutonnage et droits de coutume pour les moutons et bestiaux vendus. Il ne semble pas qu'il y ait eu une taxe générale sur le chiffre d'affaires, sauf en quelques pays
le premier parmi les inégaux. S'il conservait quelques droits régaliens (il rend justice entre les grands feudataires et sa monnaie a cours sur tout le territoire), il n'avait aucune possibilité de percevoir droits, péages et tonlieux dans les autres seigneuries. Cependant la guerre sainte l'amena à l'essusciter le droit régalien de l'aide féodale; il put grâce à une suzeraineté de plus en plus affirmée réclamer le concours financier de ses vassaux et lever des contributions nationales. C'est en 1149 que Louis VII le Jeune, à la suite d'une désastreuse expédition en Terre sainte, ajouta un quatrième chapitre à la coutume de l'aide aux trois cas : celui de la croisade, en demandant une contribution sur les biens de 1 sou par livre, soit le vingtième, non seulement dans son domaine seigneurial mais à tous les seigneurs justiciers, ses vassaux. Cette innovation fiscale fut imitée quarante ans plus tard quand Philippe Auguste résolut de délivrer Jérusalem du sultan Saladin : il réunit un concile d'évêques et de barons et leur demanda de consentir à lever, pendant que durerait l'expédition, le dixième des revenus de tous ceux qui ne portaient pas la croix: ce fut la dîme saladine dont les difficultés de recouvrement furent telles qu'elle ne fut prélevée qu'une seule fois. Cette dîme était un impôt à la fois sur le capital et sur le revenu puisque assise sur la valeur des biens meubles et valeurs mobilières ainsi que sur le produit et les revenus des terres et immeubles; l'estimation vénale des biens se faisait par la déclaration du contribuable, qui, en cas de parjure, risquait l'anathème. Elle était levée non seulement sur les clercs, laïques, chevaliers, sauf ceux qui avaient pris la croix, mais sur les communes et - fait particulièrement notable - les églises. Elle bénéficiait aux seigneurs
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commune est-il originellement synonyme de conjuration et le mouvement des communes est-il de nature insurrectionnelle, qui a pris naissance à la fin du XIe siècle (Le Mans en 1102) et s'est amplifié au XIIe siècle. Les villes obtiennent ainsi par révolte, ou par rachat des taxes, que soit mis fin au bon vouloir des seigneurs et qu'elles s'administrent elles-mêmes par un consulat formé de douze consuls élus par la bourgeoisie, leur franchise étant reconnue par l'octroi d'une charte. Au plan fiscal ces chartes réglementent et limitent l'impôt seigneurial. Le droit de gîte est réglementé, la taille est réduite dans certaines villes, supprimée dans d'autres. Parfois même le vin destiné à la consommation des bourgeois est exempt de taxes; le droit d'aubaine et les droits de mutation sont abolis. Cependant ce sont les communes qui s'arrogent à leur profit ce que leurs habitants ne paient plus au seigneur. La fiscalité locale naît ainsi au XIIe siècle lorsque les communes s'approprient le bénéfice de la taille, des péages, des droits de marché. D'une manière générale, on peut dire que dans les villes bénéficiant d'une charte il n'y a plus d'arbitraire dans les redevances et l'écrit se substitue peu à peu à la coutume. Ce phénomène de décentralisation s'accompagne d'une innovation démocratique : l'impôt local est approuvé par les contribuables au vu des comptes qui leur sont rendus. De plus l'impôt local n'est plus perçu au profit d'un individu, son caractère patrimonial s'efface puisqu'il est prélevé pour le compte d'une personne morale. 2. La renaissance de l'impôt royal. - Pleinement souverain dans sa seigneurie, le roi n'était au début de l'ère capétienne que le plus puissant des seigneurs, 54
CT r ""PITRE IV LA FORMATION DE L'IMPOT MONARCHIQUE
(1285-1498) L'accroissement des charges administratives dû à l'extension constante du domaine propre, les goûts de luxe importés de l'Orient à la suite des croisades, les guerres surtout, notamment avec l'Angleterre, obligèrent les rois à recourir à d'importants prélèvements fiscaux, au-delà de l'aide aux quatre cas, et à solliciter le consentement des redevables. Ainsi de Philippe le Bel à Louis XII la fiscalité royale s'établit-elle progressivement avec l'assentiment plus ou moins formel des états généraux.
1. -
Philippe le Bel
et l'institution de la fiscalité monarchique La réputation de Philippe le Bel en matière monétaire masque l'œuvre réelle qu'il accomplit dans le domaine de la fiscalité, qu'il s'agisse de l'accroissement des ressources ou du renouvellement des méthodes. 1. L'accroissement des ressources. - A deux reprises Philippe le Bel tenta d'établir une taxe sur le chiffre d'affaires. Dans un premier temps (1292) il 57
croisés pOUl' cc qui {tait pl:{lcvé dans leur propre domaine: le roi ne profitait donc de la dîme que des comtés dont le seigneur n'était pas croisé. Les bourgeois et marchands des villes furent les plus atteints, car ils détenaient principalement les valeurs mobilières; leurs récriminations furent telles que Philippe Auguste promit qu'elle ne serait pas levée l'année suivante. Les successeurs en tirèrent leçon. Saint Louis lui-même se contenta, pour les croisades, d'aides volontaires et ce n'est que lorsque son fils fut armé chevalier qu'il demanda l'aide traditionnelle. Cependant il obtint du pape de pouvoir imposer les revenus ecclésiastiques pour la guerre sainte (déjà Louis VIII avait pu, autorisé par le pape Honorius, lever un décime pour la guerre contre les Albigeois) ct il préleva d'abord un centième denier puis bien vite un douzième denier à qui l'on donna le nom de décime : en vingt ans il y eut ainsi treize impositions. Mais, pour que se constitue une véritable fiscalité nationale, il fallut attendre la conjonction de trois éléments: l'affaiblissement de la noblesse, ruinée et décimée par les croisades, le prestige accru de l'autorité royale, due à la réputation de Saint Louis, la montée sur le trône d'un personnage hors du commun: Philippe le Bel.
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Par ailleurs, pour ce qui est de l'Eglise, Philippe le Bel étendit le droit d'amortissement aux acquisitions faites dans tout le royaume et le porta à quatre années de revenu pour les biens acquis à titre gratuit, à six années pour les hiens acquis à titre onéreux. A l'égard des laïcs et plus particulièrement à l'égard des grands feudataires, Philippe le Bel eut une attitude identique. En 1293 il mit en place un emprunt forcé sur les bourgeois des villes et des bailliages. Puis il leva d'abord le « centième », en partageant par moitié avec les grands feudataires ce qui était encaissé sur leurs terres, puis le « cinquantième » partageant également le tiers ou le quart avec comtes et archevêques - dont il avait, au reste, obtenu le consentement dans une assemblée spéciale. Centième et cinquantième étaient assis à la fois surIe revenu, même pour ceux qui n'ont pas de patrimoine, et sur les capitaux, les meubles corporels en particulier, estimés d'après la déclaration du redevable. Au-dessous d'un revenu de 100 sols on ne paie rien; au-dessus on paie à proportion de l'assiette avec un taux progressif, mais dont le produit est plafonné à 20 livres. Une exemption importante qui laissera trace et se développera : les nobles ne faisant pas de commerce ne paient pas d'impôt sur leurs valeurs mobilières ni sur la valeur de leurs fiefs nobles. Malgré les promesses contraires, Philippe le Bel préleva à nouveau le cinquantième en 1297 et 1301, mais sans recoUl·ir au consentement des seigneurs. Les années suivantes, il imagina, sous le prétexte de la guerre contre la Flandre, de réorganiser et de moderniser l'aide militaire, l'ost (l'ancien hauban) : nobles et non-nobles doivent au roi le service des armées, il faut donc non seulement la réglementer mais prévoir la substitution d'une aide financière 59
taxe toutes les ventes de 1 denier par livre soit 41/8 %0' mais beaucoup de villes proposèrent immédiatement le rachat et les provinces résistèrent; aussi bien limita-toi! en 1295 cette taxe aux Lombards, qui détenaient alors le monopole des opérations financières, la transformant ainsi en une sorte de taxe sur les opérations de banque. En 1313 il revint à son idée primitive en étendant la taxe à toutes les ventes et en portant son taux à 6 deniers par livre, soit près de 2,5 %, mais les résistances des redevables, puis la mort du roi, mirent fin à cette nouvelle tentative. Pour les impôts directs, Philippe le Bel fit appel à l'aide féodale lorsqu'il arma son fils chevalier et qu'il maria sa fille. Mais ses besoins permanents excédaient les ressources que lui procurait son propre domaine et l'amenèrent à s'attaquer à l'immunité de l'Eglise. En 1294, il réunit le clergé de France et obtint pour deux ans la levée d'un décime sur les revenus de l'Eglise. Deux ans plus tard, il obtint du pape non seulement le renouvellement du décime mais les annates (c'est-à-dire la prolongation pendant un an de la régale après nomination du titulaire) et l'application au clergé des autres impôts qui frappaient les laïcs (sauf la taille personnelle dont les clercs demeuraient exempts). En 1301 le pape Boniface VIII retira l'autorisation et par la bulle ausculta fili réaffirma la primauté du spirituel sur le temporel. C'est pour faire pièce à cette prétention que, pour la première fois, le roi réunit le 13 avril 1302 dans la nef de Notre-Dame une assemblée représentant la noblesse, le clergé et les villes pour réaffirmer l'indépendance du pouvoir temporel à l'égard du Saint-Siège. C'est ainsi que les successeurs de Boniface VIII ne firent plus, par la suite, obstacle à la levée de décimes et d'annates. 58
La gestion financière de Philippe le Bel s'est aussi caractérisée par deux tendances paradoxalement contl'aires. D'une part, il sollicita le consentement à l'impôt, résurrection des dons germaniques et de leur tendance démocratique, par la réunion de conseils: en 1305, par exemple, un conseil de barons et prélats pour l'aide militaire; surtout, il réunit les trois « états » de la noblesse, du clergé, de la bourgeoisie des villes, en 1302, pour affirmer l'indépendance du pouvoir temporel, en 1313 pour consentir à donner au roi l'aide suffisante. A l'inverse, Philippe le Bel se signala par des exactions bien opposées : il y eut le célèbre procès des Templiers qui, outre l'exceptionnelle opération de police qui le précéda, permit au roi de faire main basse en 1310 sur leur fortune (à l'exception des immeubles remis aux frères de l'Hôpital ou chevaliers de Saint-Jean). Il y eut aussi la confiscation des biens des Lombards après leur arrestation intervenue le 1er mai 1291, de ceux des Juifs, qu'il avait perfidement rappelés (Saint Louis les avait bannis) pour les arrêter, les chasser et les dépouiller en 1306. Il rappela les uns et les autres par la suite, leur offrant mêmes privilèges et garanties, et les dépouilla et les chassa à nouveau en 1311 et 1312. Au total l'œuvre de Philippe le Bel, dans le domaine fiscal, contient en germe bien de ce qui surgira depuis : il réunit le premier les états généraux pour consentir à l'impôt, il généralisa dans tout le royaume la perception d'impôts au bénéfice du roi, il s'appliqua à restreindre les privilèges fiscaux dont bénéficiait l'Eglise. Ainsi est-il le véritable créateur de la fiscalité monarchique et, par-delà, de l'Etat français.
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dans l'hypothès~ du non-accompliRsemeni de l'ost. C'est le subside fixé à 20 % sur le revenu et 5 % sur le capital et qui fut levé en 1302, 1303 et 1304 puis en 1314.
2. Le renouvellement des méthodes. - Philippe le Bel procéda à la réorganisation de l'administration financière, déjà amorcée par ses deux prédécesseurs Louis IX et Philippe III le Hardi, notamment l'administration des douanes aux frontières du royaume : aux anciens péages qui subsistaient il ajouta la traite foraine, c'est-à-dire l'autorisation d'exporter. Dans sa lutte contre le pape il avait imaginé (1), en effet, d'interdire l'exportation de marchandises: les métaux précieux (c'était déjà le contrôle des changes), les chevaux et les bêtes de somme, puis toutes les marchandises, les laines notamment. Il installa des agents et des bureaux tout autour du royaume et n'autorisa les sorties que moyennant paiement de droits. Il s'applique aussi à composer le Parlement de juristes romanisants, plutôt soucieux de centralisation etennemis de la féodalité, en fixe le siège à Paris et lui confie l'administration financière: une « Chambre» du Parlement devient la Chambre des Comptes devant laquelle les comptables fiscaux devaient rendre leurs comptes. Mais par ailleurs il a deux fâcheuses innovations: il institue la vénalité de l'anoblissement en faisant payer ce qui n'aurait dû être qu'un privilège honorifique, et surtout, il afferme à deux Florentins qui lui avaient avancé de l'argent les tailles et certains autres revenus dans plusieurs provinces. (1) Saint Louis avait déjà interdit l"expol'tation de marchandises destinées aux Sarrasins.
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Pour se concilier la noblesse qui, depuis la mort de Philippe le Bel, avait repris puissance, indépendance et arrogance, le premier des Valois, Philippe VI, livra à l'Assemblée des Trois Etats - qui prit à ce moment le nom d'états généraux - Pierre Rémy de Montigny, surintendant des Finances qui, comme son prédécesseur, Enguerrand de Marigny, fut spolié de ses biens et pendu. De plus, il prit l'engagement pour lui et ses successeurs (qui devaient en prêter serment le jour du sacre) de ne lever « aucun denier extraordinaire sur le peuple sans l'octroi et gré des trois états ». Cependant Philippe VI créa sans autorisation le monopole du sel (1) au bénéfice du roi: cette « gabelle» (du mot saxon gabel : taxe) était de 2 deniers par minot de sel, ou 8 sous par muid, assortie d'une taxe à la vente de 4 deniers pour livre; pour en garantir la perception, le sel devait être entreposé dans des greniers à sel publics avec monopole de vente aux particuliers. En 1338, il obtient des trois ordres une taxe sur les ventes des marchandises et des boissons dans les villes, de 6 ou 4 deniers pour livre. 2. La détérioration de la fiscalité monarchique. La guerre de Cent ans allait consacrer la puissance des seigneurs au détriment de celle du roi. Aussi Jean le Bon fut-il conduit à demander des aides aux assemblées provinciales et l'on eut une mosaïque d'impositions variant selon les provinces. En 1355, il réunit cependant les états généraux devant lesquels il dut promettre de ne plus altérer les monnaies pour obtenir la levée pour une seule année d'une (1) Il semble que l'imposition fut instituée sans monopole par Philippe le Long hors les élats gc'nl'raux qui. réunis en 1318, en t1rent l'cmontranC2 au roi. 6:';
II. - La poursuite de l'œuvre de Philippe le Bel et sa décadence Les trois fils de Philippe le Bel qui lui succédèrent tour à tour s'efforcèrent de consolider son œuvre qui résista très difficilement à la guerre de Cent ans caractéristique du règne des Valois. 1. La consolidation de la fiscalité monarchique. Louis X le Hutin, suivant en cela la recommandation de son père de modérer les impôts, renonça à la subvention imposée pour l'armée. Il ne réunit pas des états généraux mais des assemblées provinciales qui lui permirent de continuer à prélever le décime sur le clergé. Devant l'Assemblée de Normandie, il s'engagea pour lui et ses successeurs à ne prélever aucune imposition hors celles dues légitimement à la couronne (Charte de Normandie, 1315) et réglementa, notamment, le droit de prise qui ne put désormais être exercé que sur lettres du roi. Cependant, il poursuivit l'affranchissement des serfs moyennant paiement et développa la vente, aux enchères, des offices de judicature, accomplissant un pas décisif et difficilement réversible dans la vénalité des charges. Philippe V le Long se signala par l'affirmation de l'inaliénabilité du domaine et confirma la Chambre des Comptes en la séparant du Parlement et lui donnant autonomie. Il réglementa la comptabilité royale en remettant en vigueur la règle d'or de la séparation de l'ordonnateur et du comptable. Quant à Charles IV, troisième fils de Philippe le Bel, il n'œuvra dans le domaine fiscal, pendant son court règne, que par l'accroissement des tarifs des droits de douanes, appelés alors de rêve et de haut passage, frappant les marchandises à l'exportation. 62
(Flandre, Artois, Languedoc) rachetèrent les droits mis sur les boissons et devinrent « provinces abonnées », d'autres refusèrent l'imposition de 12 deniers sur les choses vendues et devinrent « provinces réputées étrangères » et les droits de douane s'appliquèrent aux sorties de marchandises vers ces provinces. Le dauphin devenu Charles V le Sage s'efforça de remettre de l'ordre dans l'administration et réussit partiellement à lutter, par l'envoi de «réformateurs », contre les détournements, exactions, malversations; il parvint à se passer des états généraux par la création d'assemblées de notables. De son règne date la garantie sur les matières d'or et d'argent. Les gabelles et les aides (à cette époque le terme « aide » devint synonyme de « droit sur les boissons ») furent affermées et dans chaque évêché deux élus, désignés par le roi, étaient chargés de l'adjudication des droits affermés, de l'assiette des tailles sur les paroisses et de la surveillance du recouvrement (les provinces où ces élus furent envoyés prirent le nom de provinces d'élection). Mais le règne de Charles VI fut, au plan de l'autorité fiscale de l'Etat, désastreux. Déjà au lendemain du sacre l'insurrection éclate à Paris : artisans, marchands et bourgeois détruisent registres et tarifs des receveurs d'impôts et obtiennent l' « abolition ct la mise au néant » de tous les impôts et taxes mis en vigueur depuis Philippe le Bel; le duc d'Anjou, alors régent, tente néanmoins de lever de nouveaux impôts: c'est la sédition dite nes Maillotins. Cependant la vjctoirf' sur les Flamands à Roosebeke permet à l'autorité royale de rétablir impôts, gabelles, aides, fouages ou tailles avec des tarifs plus éïevés qu'auparavant, et de lever un emprunt forcé sans intérêt sur les bourgeois aisés. u5 A. NEtJHRISSE
taxe sur les ventes de marchandises de 8 deniel's pour livre (3,33 %) et l'extension à tout le royaume de la gabelle sur le sel. Les états généraux décidèrent de l'affectation du produit de l'imposition à l'entretien des troupes et désignèrent parmi leurs membres des préposés au recouvrement qui furent envoyés dans les provinces sous le nom d'élus. Ils choisirent aussi trois personnes dans chaque ordre pour constituer une avant-cour des aides composée de neuf généraux pour statuer souverainement sur les difficultés de recouvrement. L'année suivante, les états généraux remplacèrent ces subsides par un nouvel impôt sur le revenu frappant chaque personne, des nobles jusques aux serfs « taillables hauts et bas)) à la volonté des seigneurs, à l'exception des pauvres, des moines mendiants ou des gens d'Eglise payant décime. La déclaration du contribuable était reçue par le curé et la perception du subside assurée dans chaque localité par des receveurs désignés par les élus des états généraux. La captivité du roi ajouta encore aux rapports de force en faveur des états généraux, lesquels commencèrent à s'élever contre les abus et à faire des remontrances, au sujet notamment de la vénalité des offices; ils constituèrent aussi un conseil de surveillance de l'administration du royaume de 36 membres (12 par ordre). Pour rembourser la dette contractée pour le paiement de sa rançon, le roi, prétextant l'insécurité (insun-ection des Jacquiers), ne réunit pas les états et préleva des taxes indirectes en imposant le cinquième SUI" le prix du sel (25 %), le treizième sur le prix des boissons et 12 deniers pour livre (soit 20 %) pour toutes ventes de marchandises à l'intérieur du royaume. Pour l'exportation il ajouta une imposition foraine de 20 %. Certaines provinces
loi organique relative à l'organisation de l'Etat pour obvier aux pilleries et vexations des gens de guerre» et portant charte de la fiscalité; elle limite pour la première fois, fait singulier, beaucoup plus les droits des seigneurs, barons et autres nobles que ceux du roi. Le droit de prise, c'est-à-dire de prélever chez l'habitant vivres, chevaux et argent, l'établissement de nouveaux péages à leur profit leur sont interdits. Surtout - et c'est le fait capital - il leur est défendu de retenir le produit du recouvrement de la taille destinée au roi, d'accroître les tarifs de la taille royale pour se procurer des ressources, enfin (article 44), sous peine de confiscation des biens, de mettre en recouvrement aucune taille sans l'autorisation du roi et sans ses instructions écrites. Ainsi seul le roi peut lever la taille sans l'autorisation du Parlement dès lors que son produit est affecté à l'entretien des armées. Dès lors que l'armée devient permanente, la taille devient aussi permanente avec, il est vrai, les exemptions dont bénéficiaient clergé et noblesse. Après plus d'un siècle fertile en rebondissements, l'autorité royale parvient ainsi, de manière inattendue, à soustraire aux seigneurs leurs droits fiscaux en même temps qu'elle se débarrasse de la tutelle des états généraux. Malgré les promesses faites le jour de son sacre à Reims, Louis XI, toujours en guerre, eut grand besoin d'argent et tout au long de son règne majora les impôts et taxes. La Bourgogne et la Picardie' une fois réunies à la couronne après la mort de Charles le Téméraire ainsi que la Provence bénéficiaient, en théorie tout au moins, du consentement à l'impôt par les états provinciaux. Les états d'élection, par contre, subirent la majeul'e part des augmentations. Les majorations et les « crues» étaient II.
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Si en 1396, à l'occasion du mariage de la fille de Charles VI, on put lever une taxe générale pour le paiement de la dot (un millier de livres), la démence du roi permit aux seigneurs de s'arroger le produit des taxes royales, au désordre de s'installer dans le royaume, avec son cortège d'exactions, d'emprunts forcés dont les échos retentirent lors des états généraux de 1413. Nonobstant, de nouvelles taxes furent établies et, fait singulier, les bouchers furent chargés du recouvrement. On notera que ce fut le roi d'Angleterre qui, en 1420, après le traité de Troyes, leva un emprunt forcé sur le territoire qu'il occupait, et remit en vigueur, au nom de Charles VI, la gabelle, les aides et la taxe sur les ventes. III. -
L'établissement de l'impôt monarchique
Voulant « bouter les Anglais hors de France )) Charles VII, « roi de Bourges », pour se réconcilier avec le duc de Bourgogne, accepta de lui abandonner les droits, taxes, aides et profits qui appartenaient à la couronne. Fiscalement il y avait ainsi deux royaumes : celui de France et celui de Bourgogne. Dans ce qui restait du royaume de France, les états généraux réunis souvent séparément (langue d'oïl, langue d'oc, Dauphiné) accordaient régulièrement des subsides. Le languedoc s'affranchit par le versement d'un « équivalent » des droits à l'exportation qui défavorisaient l'industrie et le commerce locaux : cette préoccupation économique dans une décision fiscale doit être soulignée, à laquelle Jacques Cœur, alors financier de Charles VII, pouvait ne pas être étranger. Au mois d'octobre 1439, les états généraux furent réunis à Orléans et l'ordonnance du 2 novembre concrétisa leurs décisions. Il s'agit là d'une véritable 66
CHAPITRE
V
L'IMPOT MONARCIDQUE (1498-1789) Au début du XVIe siècle, le roi dispose de ressources étendues qui forment son domaine. En sus des produits des biens qui lui sont propres et des droits féodaux qu'il exerce en tant que seigneur, il bénéficie de revenus tenant à sa qualité de suzerain : les amendes et confiscations, les droits de franc-fief et d'amortissement, les droits de bâtardise et d'aubaine, la redevance des mines, les droits de sceau, les péages et droits à l'exportation, les régales et annates, la gabelle du sel et les aides (droits sur les boisssons et taxes sur les ventes) ainsi que deux impôts directs, les décimes sur le clergé et la taille; le décime est perçu par le clergé lui-même, la taille par les fonctionnaires royaux, et les aides sont affermées. Il n'y a pas d'uniformité sur le territoire, en particulier pour la gabelle, et les villes ont des privilèges, alors que la noblesse et le clergé sont généralement exempts. Au cours des trois siècles de la grandeur de la monarchie française, les rois se sont efforcés de faire face à l'extension considérable des charges par des inno-
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faites sans en référer aux états généraux simplement par simple enregistrement au Parlement. Mais à la mort de Louis XI, pour calmer le mécontentement général, les états généraux furent réunis à Tours en 1486 : les trois ordres demandèrent la suppression des frontières intérieures et l'abolition du nom et de l'impôt des tailles. Ds consentirent néanmoins à la levée, en manière de don et octroi, d'un impôt limité à ce qui était prélevé par Charles VII et également réparti dans le pays. Cet impôt n'était autorisé que pour deux ans; Anne de Beaujeu, régente, continua à le lever avec simple enregistrement par le Parlement qui, de la sorte, devint le législateur fiscal, la fiscalité monarchique s'affranchissant de toute contrainte sérieuse.
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raison de son montant, grande crue, et émit plusieurs emprunts sous forme de rente au denier douze (5 %). Il n'accrut pas les aides, mais lutta contre la fraude en autorisant les visites de cave et en inventant le congé, titre de transport accompagnant le vin. En 1539, il créa la formalité de l'insinuation, c'est-à-dire de l'enregistrement, pour les donations entre vifs (Henri II l'étendit aux testaments) et taxa cette formalité qui vint en sus des droits seigneuriaux de quint et de requint, de lods et ventes. Il institua aussi le monopole du salpêtre au bénéfice d'une régie comprenant 3 trésoriers et 300 ouvriers et autorisa la loterie, la « Blanque» qu'il afferma pour 2 000 livres. Pour la gabelle du sel, il institua le contrôle de la consommation: chaque foyer devait consommer un minimum de sel sauf à être condamné à paiement du droit et à amende. La perception fut modifiée et transférée des greniers à sel aux marais salants où l'acheteur payait le droit aux officiers royaux et pouvait transporter et revendre le sel quelle que soit sa destination (aussi les pays de l'Ouest qui bénéficiaient de droits inférieurs se révoltèrent-ils) mais -le Languedoc et la Provence conservèrent un régime modéré et la Bretagne son privilège d'exemption. François Ier s'intéressa aussi aux droits de douane spécialement à l'importation. Les taxes frappant les draps de soie venant d'Italie furent étendues aux autres étoffes ainsi qu'aux drogueries et épiceries, qui furent ainsi imposées à 4 %. 2. Henri II. - Dès le début de son règne il réforma la gabelle en vue d'obtenir des rentrées immédiates - mais au détriment de l'avenir. Il accepta que les états provinciaux du Poitou, de la Saintonge, du 71
vations plus ou moins désordonnées, par la lutte contre les privilèges, plus ou moÏns couronnée de succès. I. -
La fiscalité désordonnée du XVIe siècle
Ayant renoncé au commencement de son règne au tribut de joyeux avènement - lequel était à charge de tout titulaire de privilège, charge ou office - Louis XII s'employa à adoucir la situation des paysans en faisant cesser rapines et exactions et surtout à réduire les privilèges (titulaires d'office et nobles furent soumis à la taxe sur la vente des vins au détail) et réglementa la gabelle du sel. Il améliora le contrôle du recouvrement de la taille si bien qu'il put la diminuer d'un dixième, puis d'un tiers.
1. François 1er , - Ayant le goût du faste et de la magnificence, allant de guerre en guerre par sa rivalité avec Charles Quint, François 1er rechercha d'abord des ressources en procédant à l'aliénation systématique des emplois publics de tous genres, qu'au reste il multiplia (par exemple, il porta de 6 à 16 le nombre des receveurs généraux et créa, bien sûr, un emploi de trésorier des parties casuelles pour recevoir le prix de vente des offices). Le désastre de Pavie et la rançon de deux millions d'écus d'or qu'il devait fournir pour la libération de ses fils se traduisit par une contribution du clergé, à titre de don gratuit, de la noblesse (du dixième au quart du revenu) et des bourgeois, notamment ceux de Paris. Pour financer la formation d'un corps de 50 000 hommes en vue de la conquête du Milanais, il leva un impôt additionnel que l'on appela, en 70
ùe 4. % d~ leur valeur, sans préjudice des taxalions locales. Quant à l'impôt direct, Henri II ohtint en 1552 du clergé, en plus du décime, une imposition de 20 livres, sur tous les clochers du royaume, laquelle t'nt recouvrée pendant plusieurs années. En 1558, après la reprise de Calais sur les Anglais, il réunit une assemhlée de notahles, leur permit de former un quatrième ordre, l'état de la justice, prenant place entre la noblesse et le tiers état, mais obtint un million d'écus à titre de pur don du clergé, en sus des décimes, et deux millions du tiers état. Cette dernière somme fut recouvrée sous forme d'emprunt forcé par répartition d'ahord entre les provinces, puis entre les paroisses, enfin entre les redevahles par les fonctionnaires royaux. C'est surtout par la constitution de rentes, à l'image de ce que fit François 1er mais sur une tout autre échelle 30 emprunts au lieu de cinq, 543 000 livres de rentes au lieu de 75 000 - que Henri II s'assura des ressources à la hauteur de ses dépenses. Cette politique avait l'inconvénient d'ohérer gravement l'avenir, d'autant que pour garantir ces rentes, il y avait assignation du produit des aides ou gabelles. A la mort de Henri II le capital de la dette publique atteignait 41 millions de livres dont 15 millions étaient assignés (le produit total des revenus publics était de l'ordre de 15 millions). 3. François II et Charles IX. - Dès lors, François II n'eut plus qu'à recourir à l'impôt. Dans son court règne, il préleva 2 tailles de 6 millions de livres et, sur les conseils de Michel de l'Hôpital, convoqua à Orléans les états généraux. Aucune décision d'ordre fiscal n'y fut prise, sinon le vote des recommandations : abolition de la vénalité des 73
Périgord, du Limousin puissent, en Vi50, sc racheter de la gabelle par le versement de 400 000 livres, puis des anciens droits, qui persistaient, de quart et demi-quart, de quint et demi-quint pour 1194000 livres. De la sorte les provinces de la France de l'Ouest se trouvèrent redimées et furent exemptées à perpétuité de tous droits sur le sel. Dans l'autre partie du royaume soumise à la gabelle, les droits ne furent plus perçus par des fonctionnaires royaux mais par des cc traitants » : chaque grenier à sel fut en effet adjugé pour dix ans à des fermiers particuliers et, depuis, l'on assista à relèvement constant du prix du sel. Par ailleurs, il procéda à la multiplication, en vue de leur vente, des charges à la cour des monnaies, de contrôleurs de chancellerie, de magistrats (neuf formant un cc présidial» dans chaque bailliage) ainsi que l'érection, pour la vente égalemeIl,t, de professions, telles que vendeur de vin ou jaugeur, en offices royaux. On procéda même au doublement des comptables publics qui assumaient leurs fonctions par alternance, l'un les années paires, l'autre les années impaires. C'est également aux droits de douane que le roi demanda de nouvelles ressources. A l'exportation il fusionna les droits de rêve, d'imposition foraine, de haut passage qui frappaient telle ou telle marchandise en un impôt unique dit de cc domaine forain » prélevé, du moins dans un premier temps, sur toutes les marchandises même celles qui étaient antérieurement exemptées (Henri III assortit ce droit d'une autorisation de sortie, que l'on appela cc traite domaniale» et qui donnait lieu à paiement de droits). A l'importation les droits furent étendus à toutes les marchandises, de quelque origine qu'elles soient, et fixés à deux écus par quintal et 72
pour la recherche ùes abus commis dans l'adjuùication des aides et gabelles. Deux ans après, un édit déclara que le travail était du domaine du roi, que pour travaillel' il convenait de payer droit; en compensation marchands et artisans sc constituèrent en corporations et jurandes, bénéficiant d'un monopole. Par ailleurs on créa un droit pour licence de tenir hôtellerie ou cabaret, puis pour les marchands de vins et commerçants en boissons un droit annuel, l'annuel des marchands; enfin tout donna lieu à prestation de serment et, bien entendu, à droit de serment (en certains cas appelé marc d'or). Malgré cela, et surtout par le fait du désordre de la cour et de l'administration, Henri III réunit à Blois les états généraux, qui se refusèrent à tout subside. II. -
La sage fiscalité du XVIIe siècle
1. L'équitable fiscalité de Sully. - Après avoir commis l'erreur de confier la responsabilité des finances au marquis d'O, financier italien, Henri IV s'attacha le concours de Sully qui devint en 1599 surintendant des finances. S'étant rendu compte de la grave disproportion existant entre les sommes qui étaient prélevées sur les contribuables et celles qui parvenaient au Trésor royal (les principaux revenus n'étaient pas affermés au quart de leur valeur), Sully lutta contre les détournements et mit en adjudication les fermes, réussissant à en doubler le produit. Il protégea les cultivateurs par des remises de taille et par l'interdiction de saisir bétail et charrue. Cependant, les besoins financiers après la guerre contre l'Espagne et contre les ligueurs en Bretagne firent que Henri IV crut devoir réunir les états généraux à Rouen en 1596. 7S
charges, des épices (1), réduction de la taille, réunion plus fréquente des états généraux. C'est d'une assemblée restreinte, un député pour chaque ordre de chacune des treize provinces, qu'à Pontoise Charles IX obtint pour cinq années (mais elle fut reconduite et doublée par la suite) une nouvelle taxe sur les boissons de 5 sols par muid (2) de vin payable à l'entrée des villes sans exception ni de personnes, ni de vins. L'assemblée s'accorda pour que le clergé verse chaque année pendant six ans 1 600 000 livres pour racheter et rembourser les rentes affectées sur les revenus publics; dix ans après, soit au bout de seize ans, le clergé devait restituer les domaines, aides et gabelles engagés par le roi pour garantie des rentes. En contrepartie le clergé était dispensé pendant seize ans de tous autres contribution, décime ou don gratuit. Cela n'empêcha point que deux ans plus tard le roi, dûment autorisé par le pape, ordonna à son profit l'aliénation de domaines ecclésiastiques et la vente d'ornements précieux et de reliques. 4. Henri III. - Dès son accession au trône, Henri III réunit les états généraux, lesquels, fin 1576 début 1577, refusèrent tout subside et renouvelèrent les doléances habituelles, y ajoutant l'expulsion des étrangers participant au gouvernement ou au maniement des finances. Déférant aux désirs ainsi exprimés, Henri III rendit en 1579 une ordonnance déterminant droits et privilèges, limitant les exemptions, réduisant le nombre des emplois dans les services financiers et créant une Chambre royale (1) A l'origine, il s'agissait de douceurs, notamment de confitures, apportées aux magistrats après un procès; depuis Charles VII l'usage s'était établi de tarifer ces «épices. et de les tarifer en argent; c'était la vénalité institutionnelle de la justice. (2) Le muid de Paris valait 18 hl.
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disposait au moment de l'assassinat de Henri IV fut vite dissipée pendant les premières années du règne de Louis XIII encore mineur, par les soins de Concini, qui put ainsi faire remise de trois millions sur les tailles, diminuer aussi les droits sur le sel, et, surtout, distribuer largement les pensions - ce qui provoqua le départ de Sully, puis la convocation des états généraux par le prince de Condé, qui se tinrent pendant plusieurs mois à Paris. Une commission fut chargée de vérifier les comptes présentés par le chancelier. Les états réclamèrent l'abolition de la vénalité des charges - et, par conséquent, de la Paulette qui devait être remplacée par une taxe additionnelle de 30 sous par minot de sel - , la réduction des tailles et du prix du sel et la réforme de l'administration financière. La reine et Concini firent litière de ces réclamations et, malgré le Parlement qui commençait à s'ériger en corps de contrôle, ils augmentèrent les impôts, créèrent des charges de judicature et seule la mort de Concini en 1617 put mettre un frein à cette dispendieuse politique. L'arrivée au pouvoir en 1625 de Richelieu a été marquée par la poursuite de financiers concussionnaires et leur condamnation capitale. Mais le cardinal aux projets ambitieux avait besoin de ressources à leur mesure et, bien que doctrinaire de la légitimité de l'autorité absolue en matière d'impôts, il convoqua une assemblée de notables. Celle-ci, avec les recommandations habituelles, autorisa l'entretien d'un corps d'armée et l'armement d'une flotte, la dépense incombant pour un tiers au Trésor, pour les deux tiers aux Provinces laissées libres d'imposer à leur choix. Ce qui n'empêcha pas l'augmentation des gabelles, la constitution de rentes et la vente de nouveaux offices. Les droits de traite 77
Ces derniers arrêtèrent une mesure singulière en créant un Conseil de Raison, formé de membres choisis par eux, pour partager par moitié la gestion des finances publiques avec le roi : le conseil était chargé du paiement de la moitié des dépenses publiques et devait recouvrer la moitié des impôts. Opportunément, Sully, dans le partage, affecta au Conseil du Roi les impôts les plus difficiles et les plus chers à recouvrer (une partie des tailles et le nouveau « sou pour livre ») si bien qu'au bout de quelques mois le Conseil du Roi abandonna la partie. De plus, les états généraux établirent pour trois ans un impôt qui devait être perçu à l'entrée des villes et des bourgs du vingtième (1 sou pour livre) du prix de toutes les marchandises excepté le blé. Ce droit, connu sous le nom de « pancarte », fut renouvelé trois ans après; en raison de son peu de rendement et des vexations qu'il entraînait, le roi y mit fin. A la suite de la reprise d'Amiens par les Espagnols, Henri IV finança l'effort militaire nécessaire pour les déloger par un emprunt volontaire de 1 200 000 livres, souscrit très rapidement, amorti par le produit d'une addition de 15 sous par minot de sel. Par ailleurs, il fit enquêter sur les fortunes des financiers et trésoriers et obtint des restitutions; il procéda aussi à la vente d'offices de finances triennaux sur la création desquels Sully revint plus tard. Dans cet esprit, ne pouvant revenir sur l'hérédité des charges, il taxa annuellement du soixantième du prix de la charge la veuve et les héritiers (c'est la Paulette, du nom de l'inventeur, Charles Paulet; plus tard cette taxe fut appelée « annuel des offices »). 76
2. L'intennède de Louis XIII et des cardinaux. La réserve d'épargne de 42 millions dont le roi
les impôts rentraient de plus en plus difficilement et le pays glissait vers l'anarchie à la veille de la majorité du roi. L'accession à la pleine souveraineté de Louis XIV débute par l'interdiction au Parlement de se mêler de finances - réaffirmation de l'absolutisme fiscal le rétablissement de la quadriennalité des offices et le retour de Mazarin (1652). Ce dernier procéda à une nouvelle élévation des droits, ainsi qu'à une dévaluation des monnaies de un sixième : il établit la Tontine, emprunt à rente viagère qui eut un succès certain, imposa les anoblis et leurs descendants d'une taxe annuelle. Il créa le papier timbré, aux armes de Franèe, pour l'expédition des actes judiciaires et soumit les exploits d'huissier au contrôle, c'est-à-dire à l'enregistrement et aux droits y afférents. Ayant appelé Fouquet auprès de lui, il établit un droit de fût de 50 sous par tonneau et par voyage sur les navires étrangers et manifesta l'intention d'établir les péages sur la Seine et ses' affluents. 3. Le colbertisme fiscal. - Fouquet fut rapidement écarté du pouvoir et jeté dans la prison de Pignerol, au bénéfice de Colbert, d'abord intendant des Finances puis Contrôleur général. Ce dernier commença, tout comme Sully, à renflouer l'épargne (le Trésor public) par la poursuite des abus. Il institua une Chambre de Justice qui poursuivit traitants et agents royaux des finances; il réglementa la comptabilité des deniers royaux, révoqua l'hérédité de tous les offices de finances, exigea cautionnement des comptables publics et leur imposa, d'une part résidence au lieu des fonctions, d'autre part privilège illimité sur leurs biens meubles et immeubles, revint à l'adjudication publique 79
furent relevés substantiellement et on rétablit la taxe sur les ventes du sou pour livre qui prit le nom de subvention générale (elle fut vite convertie en un supplément sur les tailles). En Bretagne, Louis XIII obtint des états provinciaux un secours annuel de 600 000 livres tiré d'un impôt sur le vin. Innovation en 1629 : le tabac, connu alors sous le terme de pétun, fut frappé à l'entrée d'un droit de 30 sous par livre, sauf celui en provenance des possessions françaises. Les révoltes de paysans et les refus d'enregistrement des Parlements, notamment celui de Paris, montraient que les limites étaient atteintes et Richelieu fit appel à une émission forcée de rentes qui échoua, puis à une subvention extraordinaire du clergé. Le cardinal Mazarin appelé à la direction des affaires pendant la régence d'Anne d'Autriche se déchargea au début des questions financières sur un italien Jean Particelli, sieur d'Emery, qui, pour faire face aux dépenses exigées par trois armées en campagne, procéda non seulement à des accroissements continuels d'impôts, taxes, prix du sel qu'il poursuivit avec férocité (il y eut à un moment donné 23000 prisonniers pour non-paiement de tailles) mais se livra à quelques innovations: tel est l'édit dit de « toise» de 1644 qui frappait ceux qui avaient construit hors les faubourgs de Paris (il ne put cependant être levé), telle est la quadriennalité des charges de finance et de magistrature, tel est aussi l'accaparement des taxes locales au profit du Trésor. La résistance des magistrats et du Parlement finit par obtenir l'éviction d'Emery ainsi que la réduction de la taille et des droits sur les boissons. Cette diminution de recettes entraîna une banqueroute en 1647 : les assignations données aux prêteurs, et qui portaient sur 60 millions, furent révoquées. Mais 78
de mer, le bétail à pied fourché et le bois, l'ancien sou pour livre qui s'appliquait à toutes les ventes, s'attacha à réduire les péages notamment ceux qui s'étaient établis sur les rivières depuis moins de cent ans; il réglementa la gabelle, supprimant dans certaines provinces les greniers à sel et surtout, pour la première fois dans l'histoire de l'impôt, aménagea les droits de douane dans un souci économique. Pour mettre au point les réformes qu'il souhaitait, Colbert institua auprès du roi un conseil du commerce rassemblant les négociants des ports et villes de commerce. Ainsi fut établi le célèbre tarif de 1664 qui répondait au triple objet de réduire les droits à l'exportation pour les denrées et les objets fabriqués, et, à l'entrée, d'une part élever les droits sur les produits des manufactures étrangères, d'autre part alléger les droits portant sur les matières servant aux fabriques. Toutefois, ce nouveau tarif ne fut pas adopté par toutes les provinces : certaines, étant réputées étrangères, préférèrent garder l'ancien système, plus productif à leurs yeux, des revenus locaux (domaine de Lyon, patente de Languedoc, trépas de Loire, coutume de Bayonne, etc.), les autres, dites des cinq grosses fermes, eurent un droit de sortie unique et uniforme par article aux lieu et place des droits locaux, des droits de rêve, de domaine forain, de haut passage. Mais Colbert obtint par la suite des provinces réputées étrangères le système du transit, c'est-à-dire. que les marchandises provenant des autres provinces à destination de l'étranger ne payaient pas de droits. Dans cet esprit, il s'efforça de faire du territoire tout entier comme une sorte de zone franche en autorisant les négociants à réexporter, sans payer de droits et en obtenant le remboursement des droits d'entrée, les marchandises importées. Pour autant
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pour l'affermage des gabelles, traites, aides et autres droits et s'efforça de réduire privilèges, exemptions et immunités fiscales. C'est ainsi qu'il rechercha les immunités sans titres, qu'il supprima nombre d'offices et charges lesquels étaient assortis d'exemption de taille et de gabelle (il en resta encore 46000 dans le royaume), qu'il mit fin aux usurpations de noblesse et révoqua les anoblissements vendus au cours des trente dernières années. Dans ces conditions, l'assiette s'élargissant, le rendement s'améliorant, Colbert put réduire le taux des tailles, s'appliquant à rendre leur incidence plus équitable entre les provinces. Les pays d'élection étaient soumis à la taille personnelle qui frappait, pratiquement à la merci du collecteur, tous les roturiers; les pays d'état au contraire subissaient la taille réelle répartie dans la province sur la base d'un cadastre, dit compois terrien, parfois remis à jour. Colbert souhaita étendre la taille réelle à toutes les provinces mais n'y parvint point. Mais ce qui caractérise la fiscalité colbertienne c'est le souci, en matière d'impôt, d'autres préoccupations que le seul rendement. Si Colbert commit l'erreur, sans doute pour préserver le pays de la famine, d'autoriser les cours de justice à réserver pour la consommation de leur juridiction les blés récoltés sur leur territoire et s'il frappa le blé d'une taxe à l'exportation de 22 livres par muid (tarif de 1664) ce qui provoqua une chute des cours et une baisse substantielle du reVenu agricole, en revanche il arrêta toute une série de mesures fiscales propres à assurer le développement économique et la richesse de la Nation. L'interdiction de saisir les bestiaux réunis en cheptel alliée à la restitution des pacages aux communes favorisa le développement de l'élevage. Il supprima, sauf pour les boissons, le poisson
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l'Edit de Nantes est révoqué et les charges militaires s'accroissent, des majorations de tailles sont faites, des rentes émises, des parties du domaine aliénées, mais pour quatre ans, le clergé contraint à un nouveau don gratuit. Mais la libre circulation des blés est enfin établie avec la liberté d'exportation, les droits sur les vins et alcools abaissés. Cependant la prospérité du pays due aux initiatives fiscales de Colbert pouvait laisser penser qu'une administration convenable permettrait de modérer le poids de la fiscalité. Hélas, en 1688 la guerre contre la ligue d'Augsbourg éclate et précipite le pays dans un siècle d'aventures fiscales. III. -
Les aventures fiscales du XVIIIe siècle
Dès la fin du XVIIe siècle il apparaissait que le système fiscal n'était plus adapté .aux beFoins croissants de l'Etat: les exemptions et pri', ilèges le rendaient trop injuste pour être supportable, l'affermage était trop coûteux et les abus poussaient à la révolte. Des tentatives eurent lieu pour modifier l'appareil fiscal et obtenir de lui le rendement nécessaire. Souvent imaginatives et courageuses, ces réformes aggravèrent jusqu'à rupture, parce que ne brisant pas les privilèges et exemptions, les défauts de la fiscalité monarchique.
1. La capitation. - En 1688, Louis XIV eut à conduire la guerre contre la ligue d'Augsbourg qui l'obligea pendant dix ans à un déplacement sur terre et sur mer de forces sans précédent, et, partant, à un effort financier extraordinaire. Emprunts, création - pour les vendre - de charges (notamment de gretfiers conservateurs pour les actes d'état civil, 83
la douane ne devint pas reglc directe (1), mais continua a être affermée, par adjudication publique cependant. Néanmoins les exigences de la campagne de Hollande avec une armée de 100 000 hommes en même temps que se poursuivait la construction de châteaux (Versailles, Marly) infléchirent la politique fiscale de Colbert qui dut rechercher des ressources nouvelles. D'abord par la taxation des lettres et la réorganisation de la poste en la fusionnant avec l'exploitation des voitures publiques : il l'afferma pour 900 000 livres par an, puis releva les impôts (il renouvela l'annuel pour trois ans) et se mit à créer à nouveau des offices. Sous la pression du roi il constitua des:rentes d'abord par émissions annuelles, qui ne se placèrent que difficilement, puis par la création de la Caisse d'Emprunt qui fonctionna comme UIle caisse d'épargne de nos jours. Il vit dans le tabac une source appréciable de revenus: il réserva au roi le droit de vente et afferma le monopole pendant que la plantation en était restreinte dans des régions déterminées; la contrebande fut l'objet d'une sévère répression, allant jusqu'au carcan. Le monopole fut maintenu la paix revenue (Colbert en souhaitait la disparition) et les impôts légèrement réduits, car les dépenses de luxe et de magnificence se développaient et Louis XIV désirait disposer d'une forte armée et d'une flotte puissante. Au lendemain de la mort de Colbert une disette frappe le pays obligeant l'importation de grains, (1) En revanche Colbert mit fin au bail général de la fabrication des monnaies qui laissait au fermier le bénéfice exorbitant des o remèdes. (la double tolérance en titre et en poids) pour la faire assurer en manufactures royales sous l'autorité d'un Directeur général des Monnaies.
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confiée aux intendants (à Paris, au prévôt des marchands et aux échevins). C'est ainsi que dans les pays de taille personnelle la capitation se modela très rapidement sur la taille, dont elle devint un supplément pour finir par être totalement confondue. Dans les pays de taille réelle elle fut, avec inégalité et arbitraire, établie sur les facultés contributives supposées. Dans les villes franches, privilégiées et abonnées, la répartition se fit d'une manière diversifiée : par exemple, à Bordeaux, on répartit les professions en 99 rôles, le 9g e étant pour les bourgeois, à Rouen, on fit une sous-répartition par quartier, à Paris, on finit par rapporter la capitation au loyer ou à la valeur locative, ce qui annonce clairement la contribution mobilière de la Constituante. Bien qu'en théorie elle portât sur tous les sujets du roi « d'après les moyens et les facultés de chacun », la capitation fut légère au clergé qui la racheta très rapidement et à la noblesse dont la participation resta très modique. 2. L'épuisement du royaume et l'impôt sur le revenu : dixième, vingtième, cinquantième. La guerre persistant avec ses exigences financières, le contrôleur général Desmarets créa en 1710 le dixième inspiré du projet de dîme royale (1) de Vauban. C'était une sorte d'impôt sur le revenu à quatre cédules portant sur le foncier, le mobilier, les professions libérales, l'industrie. - Le dizième. - Le dixième des biens-fonds était prélevé sur tous les propriétaires ou usufruitiers, au vu d'une déclaration du redevable, à raison de leur revenu net, c'est-à-dire déduction faite des (1) La dîme royale de Vauban, dixième des revenus de chacun, devait être prélevée en nature pour les fruits de la terre, en argent pour les autres revenus,
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d'essayeur de beurre salé, etc.), décri de la monnaie, obligation (même pour le roi et ses chefs-d'œuvre de Versailles) de porter à l'Hôtel des Monnaies toutes les pièces d'argenterie de plus d'une aune, majorations de taxes (en 1701 on majora la taxe sur la poste, en 1708 les droits de péage furent doublés), création de droits (droits d'entrée sur le cacao, le thé, droits de marque sur les chapeaux), monopole de la vente de la glace et de la neige, tous ces expédients furent retenus successivement ou simultanément mais leur produit demeura insuffisant. Aussi bien, le roi se résolut-il par déclaration du 18 janvier 1695 à établir jusqu'à la Paix sur toutes les familles, sauf celles des taillables imposés à moins de 40 sols, une taxe générale de 1 livre à 2 000 livres selon une classification des assujettis de 22 classes : dans la première se trouvaient le dauphin, les princes de ,:ang, les ministres et les fermiers généraux; dans la seconde (1 500 livres) les maréchaux et gouverneurs de pr.;lvince, ... dans la septième (250 livres) les marquis, comtes, barons et receveurs de taille et domaine, dans la douzième (120 livres) les avocats, procureurs du roi, greffiers en chef, ... dans la dix-septième (20 livres) les professeurs du Collège royal, les médecins, chirurgiens et apothicaires de Paris, dans la dix-neuvième (6 livres) les capitaines d'infanterie, les cabaretiers et artisans tenant boutique, dans la vingt-deuxième (1 livre) les soldats, manœuvres et journaliers. La taxation fut établie sans autre difficulté que le dénombrement des redevables, lequel fut fait par les propriétaires et les chefs de famille. Cependant on admit avec facilité abonnements et rachats si bien que le produit ne dépassa pas 23 millions alors qu'on en attendait 30. Aussi bien lorsqu'elle fut rétablie en 1701 en fit-on un impôt de répartition, la responsabilité en étant oH
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dans cette optique, comment alléger le poids de la Dette publique. S'inspirant de la « Dîme royale» de Vauban, retenant les leçons du dixième, le financier Pâris-Duverney imagina de créer un fonds d'amortissement alimenté pendant une relativement longue période (douze ans) par un impôt permanent, plus léger que le dixième mais prélevé sans exemptions et pour cela en nature comme en argent. C'est dans cet esprit que fut établi le 5 juin 1725 un impôt du cinquantième du revenu brut des maisons, des offices et des rentes sur particuliers, ainsi que des biensfonds pour lesquels le prélèvement devait être effectué en nature avant enlèvement de la récolte. Faite pour faciliter le paiement de la contribution, cette particularité fit, en réalité, obstacle à l'exécution de la déclaration et l'on eut les pires difficultés pour trouver des adjudicataires. Dès l'année suivante le prélèvement en argent fut substitué au prélèvement en nature, deux ans après, le cinquantième fut aboli. Entre-temps une déclaration solennelle avait confirmé l'immunité générale et perpétuelle de l'Eglise (<< sans aucune exception ni réserve, tel événement qui puisse arriver »).
- Les corvées et leur rachat. - Après la guerre d'Autriche (1733) qui avait été l'occasion de la remise en vigueur du dixième avec le renouvellement désormais classique de tous les expédients, y compris la création d'une loterie royale, l'obligation de prestations en nature jusqu'alors réservée au bénéfice des seigneurs fut établie en faveur du Royaume sous le nom de corvées (1738) pour procéder à la remise en état et au développement du réseau des routes et des chemins. Comme pour le cinquantième, la contributÏtm en argent eut tendance à se substituer à la prestation en nature et certains intendants 87
charges et frais de culture. Le dixième mobilier devait être payé à la source, c'est-à-dire par le propriétaire d'un bien hypothéqué pour les intérêts de l'emprunt, par les communes, villes pour les rentes (en fait il fut très mal appliqué). Le dixième des charges et offices consistait en un prélèvement par les titulaires sur les usagers à proportion des honoraires versés; à peu près indolore il persista après la suppression du dixième en 1717. Pour le dixième d'industrie aucune déclaration ne fut exigée des industriels et commerçants: on taxa généralement en bloc les corps de métiers en les chargeant de la répartition. Les rôles établis par les contrôleurs et les directeurs du dixième (un par généralité) étaient rendus exécutoires par les intendants, la pel·ception se faisant en principe par les collecteurs de taille. En fait, il y eut nombre de rachats et abonnements de provinces (la Bretagne pour 1 200000 livres), de villes (Lyon pour 650000 livres), de corps de métiers. Le clergé s'exempta par un don gratuit de 8 millions représentant à peine un peu plus que le montant annuel. Surtout les déclarations de biens-fonds dans les provinces n'étaient généralement pas faites et le dixième s'y alignait alors sur la taille. Par ailleurs nobles, membres du Parlement, agents de l'administration n'y mirent aucun élan mais fraude, résistance et mauvaise volonté. Le dixième de 1710 fut prolongé jusqu'en 1717. Il fut à nouveau établi de 1733 à 1736, puis de 1741 à 1750.
- Le cinquantième. - Une fois apaisée la tempête que le « système » de Law avait répandue sur tout le territoire à l'image de la tornade de la rue Quincampoix, la question s'est posée de savoir comment rétablir l'équilibre de l' « Epargne» et, 86
vingtième put être appliqué individuellement non sans résistance; quant au clergé, il échappa au vingtième ainsi qu'à la contribution forfaitaire que Machault tenta de lui imposer. Cependant, lorsque les exigences de la guerre survinrent à nouveau, c'est vers le doublement du vingtième que l'on se tourna en 1756, mais en promettant la suppression du second vingtième dès la paix revenue et du premier vingtième dix ans après ladite paix. Néanmoins, Bertin, nouveau contrôleur général qui succéda à Silhouette, créa, en même temps qu'il doublait la capitation des non-taillables et triplait celle des officiers de finances, un troisième vingtième pour deux ans (1760 et 1761) qu'il prolongea en 1762 et 1763. L'enregistrement de ces deux déclarations suscita des remontrances de la part des Parlements et des résistances dans le pays telles que le troisième vingtième ne put être renouvelé. Les deux autres vingtièmes furent maintenus après 1763, le second pour dix ans, avec l'intention affirmée de procéder à un nouveau cadastre des biens-fonds. La réaction des Parlements fut telle que le chancelier Lamoignon fut exilé et Bertin chassé de son contrôle général. Les Parlements acceptèrent alors le nouveau recensement à condition qu'il n'y ait pas de modification dans les cotes. En novembre 1771 l'abbé Terray, nouveau contrôleur général, en même temps qu'il crée les conservateurs des hypothèques, déclare que le premier vingtième sera indéfiniment prolongé, que le second sera maintenu jusqu'en 1781 et que tous deux seront perçus à juste proportion des revenus. En 1780 on prorogea pour dix ans le second vingtième et en 1782, après la chute de Necker, un troisième vingtième fut mis en recouvrement pour la durée de la guerre. A l'expiration en 1786, Calonne crut pouvoir 89
(Foutette en NOl'mandie, Tmgot ~n J,imousin) y procédèrent de leur propre initiative, sous le vocable d'abonnement tacite. Après le départ de Turgot, qui avait tenté de la supprimer, la corvée fut limitée à une durée de douze jours par an avec possibilité de rachat. Dès lors, ledit l'achat prit très rapidement la forme d'un nouvel impôt, lequel rencontra de fortes résistances et dans la majorité des généralités le rachat fut décidé par les assemblées provinciales, sous fmme d'une taxe additionnelle à la taille (de 4 à 6 sous par livre de principal, soit du quart au tiers). Calonne en 1787 étendit ce système à tout le Royaume en substituant à la corvée une imposition additionnelle à la taille du sixième au plus; seule la Bretagne connaissait encore la corvée en nature lorsque éclata la Révolution.
- Les vingtièmes. - La guerre de la succession d'Autriche provoqua le rétablissement à nouveau du dixième (1741) à l'occasion duquel le clergé, qui y échappait par principe, fit un don gratuit; néanmoins les expédients continuèrent (multiplication et vente des charges; majoration des droits sur les épices, sqr la taille, sur les suifs, le papier, etc.). A la fin des hostilités, le contrôleur général Machault substitua au dixième, à compter du 1 er janvier 1750, le « vingtième » dont la charge, en principe moins lourde mais étendue aux usufruitiers et au clergé, devait être permanente et dont le produit devait aller à une caisse d'amortissement. Cette nouvelle tentative d'imposer une contribution à raison du revenu connut des fortunes diverses : dans les pays d'élection, où le dixième avait été appliqué, on tint plus sévèrement la main aux déclarations et à la taxe des nobles; dans les pays d'état, lesquels avaient souscrit un « abonnement » au dixième, le 88
CHAPITRE
VI
L'IMPOT RÉPUBLICAIN (1790-1914) Ni l'invasion romaine, ni la chute de l'Empire romain n'avaient donné lieu à solution de continuité. Réunis le 5 mai 1789 les états généraux, qui avaient reçu mission de jeter bas l'édifice fiscal, allaient amorcer un renversement total de la politique fiscale antérieure. Le souci de justice fiscale a servi de motivations à toutes les innovations et toutes les réformes depuis lors entreprises, sans que l'on puisse affirmer que les buts aient jamais été atteints. L'idéalisation qui a marqué la fiscalité révolutionnaire s'est modulée à la confrontation de l'événement et le retour rapide aux exigences de la productivité a permis une longue stabilité des institutions. I. -
La Révolution fiscale
L'expansion économique qui a caractérisé le siècle subit décélération dans les années 1780, et l'hiver 1788-1789, par sa rigueur, vient aggraver la situation. Tout à coup, des explosions ont lieu çà et là : registres brûlés, bureaux saccagés et incendiés, commis insultés et molestés puis châteaux et seigneurs subissent d'identiques attaques. Malgré les spectaculaires engagements pris dans la nuit du XVIIIe
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leur substituer un impôt en nature; ce fut un échcc et c'est Brienne qui, en 1788, tenta de créer le dernier impôt de la monarchie sous la forme d'une subvention territoriale de 80 millions, répartie en cascade par le Conseil, les états provinciaux:, les assemblées provinciales et municipales. La magistrature, hostile à cette forme de contribution, s'y opposa et le second vingtième fut prorogé de 1790 à 1792.
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tituants établissent, par une loi du 23 novembre 1790, une contribution portant sur le revenu net des propriétés foncières. C'est un impôt de répartition qui, dès 1791, doit rapporter 240 millions plus 48 millions pour les dépenses départementales et 12 millions pour non-valeur et réductions. La répartition se fait par départements, communes et sections de communes. La perception est assurée par un adjudicataire solvable et donnant caution pour une communauté. La contribution est exigible par douzième à la fin de chaque mois, le retard étant sanctionné d'abord par des intérêts moratoires (6 % les quatre premiers mois, 5 1/4 les quatre suivants et 4 % par la suite), puis par la saisie des fruits et loyers. D'une application trop rapide, l'impôt souffrit du retard dans les rôles et du mauvais travail, lent et imprécis, des municipalités.
- La contribution mobilière. - Elle fut établie par la loi du 13 janvier 1791, au lieu de la principale habitation et se composait de 5 cédules : une taxe égale à la valeur de 3 journées de travail, une taxe par domestique, une taxe par cheval ou mulet, une taxe d'un sou pour livre (5 %) évaluée d'après le prix des loyers, une taxe d'habitation du 300 e au 40 e du revenu supposé d'après le prix du loyer. Les contribuables devaient fournir déclaration, laquelle était examinée par la municipalité chargée, sur ces bases, d'établir les matrices de rôles et la répartition se faisait comme en matière de contribution foncière, mais sur la base d'une somme globale de 60 millions. Il y eut lenteur de mise en place, comme pour la contribution foncière, et beaucoup de variétés dans les répartitions entre les départements et dans les communes.
1/. aolÎt - notarnmen t la suppression de la dîme prélevée par le clergé, l'impôt ne rentre plus. On modifie la législation sur le sel en diminuant le prix et allégeant les contraintes, le sel ne se vend plus. L'emprunt d'août 1789, au bout de treize mois de souscription, ne produit pas les ressources attendues. Dès lors, Necker apporte aux états généraux déjà mués en Assemblée nationale, un projet de contribution patriotique du quart du revenu net payable en quinze ou dix-huit mois ainsi qu'une taxe de 2 1/2 % sur la valeur des bijoux, de la vaisselle, du numéraire thésaurisé. Le contribuable doit se taxer lui-même mais en raison du peu de rendement de l'impôt, la déclaration est rendue obligatoire et les membres des conseils des communes doivent la vérifier. Les rôles n'atteignent pas le tiers du produit escompté et le recouvrement est encore plus dérisoire. On change le nom des impôts, taille et capitation prennent le nom d'impôts ordinaires: malgré le serment de la Fédération par lequel chacun s'engage à payer les contributions publiques et à en protéger la perception, les rentrées sont plus que décevantes; les produits des droits sur le tabac, des actions et des traites se tarissent et l'insurrection fait échec aux droits sur les boissons.
1. L'œuvre novatrice de la Constituante. - Devant cet effondrement de l'autorité de l'Etat en matière fiscale, il y avait la solution drastique de la mutation radicale de la législation. La Constituante s'y résolut, portant tout son effort sur l'impôt direct. - La contribution foncière. - S'inspirant des théories des physiocrates qui estimaient que la richesse nette ne provenait que de la terre, les cons·
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Pour prélever les droits, impôts directs et taxes indirectes, on mit fin au système des receveurs généraux et trésoriers que l'on remplaça par deI> receveurs de district, élus pour six ans par les administrations de district. L'inexpérience de cette nouvelle fonction publique élue fut un obstacle supplémentaire au recouvrement de l'impôt bien que l'ancien personnel des tailles et gabelles y fût pour partie réemployé. Le clergé, au surplus, fut réfractaire à l'impôt et les prêtres refusèrent les contributions. 2. Les déboires anarchiques de la Convention. La Législative ne s'intéressa pas aux problèmes fiscaux. La Convention, pour abaisser les coûts d'approvisionnement en grains, lève, à trois reprises, une taxe sur les ({ riches » par addition à la contribution foncière et à la cote d'habitation de la mohilière. L'échec de l'emprunt forcé de 1793 n'empêcha pas d'établir l'année suivante une contribution extraordinaire de 1/10 de l'emprunt forcé et puis l'on assista, pendant que l'on réquisitionnait les métaux précieux chez les particuliers comme dans les églises, à la levée anarchique sans textes ni limites à propos de tout et de rien, au bénéfice généralement des villes ou de ({ sociétés populaires », de taxes révolutionnaires ou d'emprunts forcés sur les riches ou prétendus tels. Fouché, futur duc d'Otrante et futur millionnaire, s'illustra particulièrement en créant, dans la région lyonnaise, un ({ comité philanthropique » chargé de taxer les riches, propriétaires ou fermiers, à proportion de leur fortune et de leurs ... incivismes. La Convention tenta de lutter en plaçant, en décembre 1793, tous les fonctionnaires sous la tutelle des comités de salut public et en interdisant la levée de taxes sans son 95
- La patente. - Les jurandes et maîtrises furent supprimées par une loi du 2 mars 1791, laquelle instituait en contrepartie un droit de patente pour tous ceux voulant exercer négoce, art ou métier. Assis sur le prix du loyer (2 sous pour livre jusqu'à 400 livres) èe droit était réduit de moitié pour les houlangers, douhlé pour les caharetiers. Tout particulier se trouvant en situation irrégulière était passible de la confiscation des marchandises et d'une amende du quadruple de la patente qu'il aurait dû payer. C'était un impôt de quotité; de ce fait, il ne fut pas appliqué, surtout dans les campagnes et les petites hourgades. - Les autres droits. - La loi du 2 mars 1791, qui avait créé la patente, supprima tous les droits d'aide sur les hoissons ainsi que les droits sur les papiers, cartons et cartes à jouer. Peu après l'assemblée décréta la suppression des droits d'octroi, du monopole et du droit sur les tabacs (par 372 voix. contre 360). Seuls trouvèrent grâce les droits de timhre et les droits d'ènregistrement, encore que pour ces derniers il y eut substitution à tous les droits créés antérieurement d'un droit proportionnel aux sommes inscrites dans les actes de notaires, exploits d'huissiers, actes judiciaires, actes portant mutation de propriétés. Survécurent aussi le monopole des poudres et salpêtres, la marque de l'or et de l'argent et la loterie. Quant aux droits de douanes, ils furent abolis à l'intérieur le 30 octohre 1790 ; aux frontières ils sont maintenus mais modérés à l'entrée (ad valorem) et à la sortie (spécifique) ; 21 prohibitions à l'entrée sont établies (poudres, cartes à jouer, navires, étoffes, verrerie), 26 à la sortie (charhon de hois, soie ... ).
La loi du 3 nivôse allège le poids de la contribution personnelle, mobilière, somptuaire, et -la partage en quatre parties, les deux premières étant de quotité, les deux dernières de répartition : une contribution somptuaire sur les domestiques, chevaux, voitures, une retenue de 5 % sur les salaires, traitements et remises, une contribution mobilière, qui doit être répartie au marc le franc des loyers, une contribution personnelle d'un minimum de trois journées de travail. La loi du 13 brumaire fixe définitivement les principes de l'impôt du timbre et celle du 22 frimaire astreint les actes à l'enregistrement en distinguant les droits fixes et les droits proportionnels et relève substantiellement les tarifs (au double pour les ventes d'immeubles). Les villes et communes qui ne bénéficiaient que d'additions à des impôts qui ne rentraient pas, retrouvent le produit des droits d'octroi qui sont rétablis le 27 vendémiaire pour Paris, le 11 frimaire pour la province. II. -
La fiscalité du Consulat et de l'Empire
L'héritage laissé par le Directoire n'était pas plus brillant que celui que lui avait légué la Constituante, sauf que la législation en matière d'impôts directs était maintenant susceptible de connaître application. Il restait, d'une part, à trouver les moyens de cette exécution - ce fut l'œuvre du Consulat - , d'autre part, d'obtenir d'abondantes ressources par la résurrection des droits indirects - ce fut l'œuvre de l'Empire.
91 A. NEURRISSE
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accord. En vain : les impôts étaient bien théoriquement en vigueur mais étaient si peu appliqués que, en 1794, la contribution mobilière fut suspendue et la contribution foncière réduite aux trois quarts de l'année précédente, le paiement en nature fut partiellement admis. 3. Le Directoll'e et les réformes de l'an VII. - Au début du Directoire, les administrations financières sont complètement désorganisées, l'impôt, les taxes et la douane ne rentrent plus même en assignats ou en mandats territoriaux. Les déficiences de rentrées poussent un instant à recourir aux contributions indirectes que la Constituante avait imprudemment bannies et l'on majore l'impôt des tabacs. Cependant c'est la réforme des contributions directes qui est entreprise en l'an VII. La loi du 1 er brumaire procède à la refonte de la patente, en répartissant les professions en 7 classes et en confirmant l'institution par la loi du 6 fructidor an V du double droit: fixe, variant avec le nombre de la population et la nature de la profession; proportionnel et égal au dixième du loyer des magasins, boutiques et ateliers. Les lois du 7 brumaire, du 3 frimaire et du 2 messidor règlent, avec beaucoup de bonheur, la répartition et sous-répartition jusqu'aux communes, de la contribution foncière, organisent les contraintes et les poursuites, les réclamations, et donnent du revenu net une définition précise. La loi du 4 frimaire crée la contribution des portes et fenêtres avee un tarif par ouverture variant avee la population : 0,80 dans les communes de moins de 5 000 habitants à 0,60 dans celles de plus de 100 000 habitants (ce tarif a été rapidement doublé, puis triplé).
comparaison les terres imposables de toutes les autres communes de l'arrondissement. Puis vite après on s'attaqua aux autres communes pour effectuer le cadastre général qui s'achèvera bien plus tard, car on manquait d'arpenteurs et de géomètres. Par ailleurs, Gaudin remit en vigueur les droits indirects: il augmenta d'abord ceux qui frappaient l'importation du tabac et le droit de fabrication en instituant la surveillance des fabriques. La loi du budget pour l'an XII rétablit les anciens droits sur les boissons, en tant que droits d'inventaire, que l'on appela « droits réunis )), pour le recouvrement desquels on créa la Régie des droits réunis qui fut chargée de percevoir aussi les droits sur le tabac, sur les cartes à jouer, sur les voitures publiques et sur la garantie des matières d'or et d'argent. 2. L'Empire et la fiscalité indirecte. - A peine amorcé sous le Consulat, le retour aux impôts indirects vient pleinement avec l'Empire. « Il faut orner les impôts pour qu'ils paraissent moins lourds )) disait Napoléon. C'est ainsi que la loi du 24 avril 1806 taxa le sel de 2 décimes par kilogramme à la sortie des salines. De plus la même loi ajouta au droit d'inventaire créé par le Consulat un droit sur la vente en gros des vins et boissons alcoolisés de 5 % du prix déclaré ainsi qu'un droit de 10 % sur la vente au détail des mêmes boissons, marchands en gros et détaillants étant tenus à la visite et à l'exercice de la part des employés de la Régie des Droits réunis. Tout enlèvement des boissons des entrepôts de gros devait donner lieu à paiement du droit constaté par congé sans lequel la boisson ne pouvait circuler. Deux ans après, au droit d'inventaire et à celui de vente en gros se substitua un droit de mouvement par hectolitre variant suivant la nature de la boisson et 99
1. Le Consulat et les réformes administratives de Gaudin. - La loi du 3 frimaire an VIII substitua à l'agence des contributions directes une Direction des Recouvrements des Impositions directes comprenant dans chaque département un directeur, un inspecteur et des contrôleurs soumis non plus aux corps élus mais à l'autorité du pouvoir central. Elle était chargée de l'établissement et de l'expédition des rôles ainsi que de la vérification des réclamations (lesquelles relevèrent, au contentieux, des conseils de Préfecture). Les receveurs généraux demeuraient chargés du recouvrement, mais avec l'obligation de souscrire des obligations et de fournir un cautionnement en espèces - dont le produit fut versé à une Caisse d'Amortissement. Ce cautionnement fut du reste étendu aux régisseurs et employés des domaines, douanes, postes, loterie nationale et même aux notaires. Quelques années plus tard, en l'an IX, l'on créa un corps de 15 inspecteurs généraux du Trésor public et le 5 ventôse an XII on substitua aux adjudicataires du recouvrement des contributions des percepteurs, fonctionnaires soumis hiérarchiquem"ent à l'autorité centrale. Les impôts directs rentraient mieux, mais des difficultés demeuraient. On substitua un relèvement des droits d'octroi en remplacement de la mobilière personnelle à Paris d'abord, puis à Marseille, Lyon et d'autres grandes villes. Dans le souci de rendre la contribution foncière plus équitable et, partant, plus rentable, Gaudin institua le cadastre. Cependant, il fallait aller vite et l'on ne pouvait tout recenser: Gaudin écarta la suggestion d'un cadastre par masses de culture pour faire un cadastre par terres dans 1 915 communes tirées au sort. Après quoi une commission de 5 experts au chef-lieu d'arrondissement devait répartir par assimilation ou
cnvahi, complètcmclll taric. L'arscnal dc la législation est cependant au point - encore que l'impôt sur les boissons rencontre beaucoup d'opposition et va permettre une stabilité assez remarquable des textes pendant tout un siècle.
1. L'aménagement de l'héritage fiscal. - Lors de la première Restauration, le baron Louis abaisse droits de douane et modère droits réunis : les ressources nouvelles sont tirées de la vente de 300 000 ha de forêts et des biens communaux. restants. Après les Cent-Jours cependant il ne put faire moins que d'établir, par une ordonnance du 16 août 1815, une contribution extraordinaire de 100 millions répartie, en tenant compte notamment des dommages éprouvés, entre les départements et, dans les départements, entre les patentés et les propriétaires par des comités siégeant près des préfets et sous-préfets. Malgré son application quelque peu arbitraire, cette contribution fut recouvrée rapidement en totalité. Ce fut la seule innovation fiscale de la Restauration : l'assainissement financier fut cependant réalisé grâce à une politique très éclectique d'emprunts et de rentes et une réglementation très stricte de la dépense et de la comptabilité de l'Etat, des départements et des communes (ordonnances de Villèle 1822, 1823, 1826 et 1827). A plusieurs reprises, les impôts, dont le produit ne cessait d'augmenter avec l'expansion économique, furent allégés et le privilège des bouilleurs de cru confirmé (1824). Louis-Philippe ne créa pas de nouveaux. impôts : il modéra les droits sur les boissons et réduisit substantiellement le droit de timbre et le cautionnement des journaux. IJa loi du 26 mars ]831 sépara Ja 101
la qualité; de plus un droit d'entrée dans les villes de plus de 2 000 habitants fut établi en faveur du Trésor. Le 29 décembre 1810 le monopole du tabac est rétabli. Depuis deux ans déj à les planteurs étaient astreints à déclarer les quantités récoltées et à subir les inventaires des agents de la Régie. C'est la Régie des Droits réunis qui gère le monopole d'achat, de fabrication et de vente (un quinzième seulement pouvait être du tabac d'origine étrangère). Aux ressources purement nationales l'Empire ajoutait le produit des territoires occupés et des conquêtes : des subsides étaient prélevés dans les pays alliés, des contributions étaient demandées dans les pays occupés : le total des sommes levées sur la Prusse et ses alliés fut d'un peu moins de 500 millions, ce qui représentait 150 % du produit des contributions directes en 1813. Dès lors Napoléon eût pu considérer que, financièrement, les guerres n'étaient pas sans intérêt, si la campagne de Russie ne lui avait apporté démenti et conduit aux derniers expédients fiscaux: un décret du 11 novembre 1813 créa 10 centimes additionnels aux droits réunis et' aux droits d'octroi, 30 centimes additionnels aux contributions foncières, des patentes, des portes et fenêtres, doubla le pl·incipal de la contribution personnelle, infligea deux décimes supplémentaires paI' kilogramme de sel. Le 9 janvier 1814 d'autres majorations plus importantes sont appliquées aux mêmes droits. Mais la France est envahie et la perception des impôts s'arrête dans l'agonie de l'Empire.
IlL -
La fiscalité du XIXe siècle
A la chute de l'Empire la situation de la trésorerie est désastreuse, la source fiscale étant, dans le pays 10U
le produit des impôts et revenus indirects est ainsi passé de 800 millions en 1832 à 1 300 en 1869. 2. La lUe République et l'imposition de la richesse mobilière. - L'indemnité de guerre imposée par l'Allemagne est rapidement payée grâce notamment à l'emprunt, mais la charge qui en résulte exige de nouveaux impôts. C'est ainsi qu'en 1871 six lois fiscales intervinrent, majorant les droits de douane (sucre, café, huiles, etc.), les droits d'enregistrement et les taxes de transport d'un second décime, les droits de timbre de demi: décimes, les taxes postales de 25 %, doublant les droits de circulation sur le vin, le droit de consommation sur l'alcool et le prix des poudres de chasse ainsi que le permis de chasse, frappant de taxes allumettes, chicorée et papier. Mais c'est en 1872 qu'apparaît un impôt doublement nouveau puisqu'il frappe le revenu, mais le seul revenu des valeurs mobilières. On ne retint pas en effet un projet d'impôt général sur le revenu proposé par la Commission du Budget à l'image de l'incorne-tax (( l'impôt sur le revenu, c'est le socialisme par l'impôt» proclama Thiers), ni l'impôt sur les matières premières importées auquel tenait particulièrement Thiers (qui réussit à le faire voter mais la loi fut abrogée l'année suivante), ni la taxe sur le chiffre d'affaires que préconisaient les industriels et la Commission du Budget, La loi du 29 juin 1872 finit par être votée frappant le revenu des valeurs mobilières d'un impôt de 3 % (le taux ne sera porté à 4 % qu'en 1914), avec une diminution corrélative du droit de transmission pour les valeurs au porteur. Cet impôt atteignait ainsi les revenus du capital, provenant de dividen.des, d'actions, d'obligations (à partir de 1875 les lots et primes de remboursement) 103
contrihution mohilière de la contrihution personnelle et fit de la valeur des trois journées de travail une taxe spéciale. Cependant il fut appliqué des centimes aux rôles de l'année précédente pour présenter un budget équilibré. La loterie fut supprimée en 1836 (et les maisons de jelLx en 1838). La Ile République supprime le droit de timbre sur les écrits périodiques, mais applique, en 1848, 45 centimes additionnels aux rôles des quatre contributions, majore en 1850 les taxes postales et les droits de mutation, lesquels ne sont pas levés sans fortes oppositions, et crée un impôt sur les créances hypothécaires, jamais appliqué. Elle s'efforce en contrepartie d'alléger les droits indirects, tente de modifier l'impôt sur les boissons et d'abolir les droits d'octroi sur la viande, réduit des deux tiers l'impôt du sel. Le seul impôt nouveau fut la taxe spéciale sur les biens de mainmorte, de 62,5 centimes du principal de la foncière. Louis Napoléon poursuit au dépaI·t la politique de réduction des droits indirects (sur les octrois et les boissons) mais le poids du service de la Dette publique èt la guerre de Crimée l'obligent à recourir à un nouveau décime sur tous les impôts et droits, à une taxe de 10 % sur les transports par chemins de fer (personnes et marchandises grande vitesse). En 1858 il innove : un droit de 0,20 % frappe les transmissions de valeurs mobilières nominatives; pour les valeurs au porteur, ce droit est converti en une taxe annuelle forfaitaire de 0,12 % du capital. En 1860 les droits de douane furent abaissés notamment sur le sucre, le café et le cacao. D'une manière générale il faut voir dans l'exceptionnelle croissance économique que connaît le Second Empire l'explication du fait que les budgets ont pu être équilibrés malgré l'accroissement des dépenses : 102
douanes: au régime « coup par coup » des traités de commerce est substitué le système du double tarif, le tarif minimum étant accordé aux marchandises qui proviennent des pays donnant à la France des avantages douaniers équivalents. La loi du 18 juillet substitue à l'impôt, très impopulaire, des portes et fenêtres une taxe de 2,40 % du revenu net des propriétés bâties (c'est à l'occasion de la discussion du projet au Sénat que le sénateur GranIt proposa une « patente d'oisifs ») (1), mais la loi ne fut pas immédiatement appliquée. L'année suivante, un impôt de 10 F est institué sur les bicyclettes; par ailleurs un aménagement de la législation de la patente relevait les tarifs pour les professions libérales et, surtout, pour les grands magasins. L'on crée aussi un impôt sur les opérations de Bourse, c'est-à-dire celles ayant pour objet l'achat ou la vente au comptant ou à terme de valeurs de toute nature : le taux en était de 0,05 %, réduit de moitié pour les opérations de reports. En 1897 des modérations furent apportées aux possibilités pour les villes d'établir les droits d'octroi : elles eurent notamment faculté d'abolir les droits sur les hoissons hygiéniques, compensation étant faite par élévation des droits sur l'alcool. La loi du 13 avril 1898 crée une taxe annuelle sur les compagnies d'assurances à proportion des capitaux assurés, taxe qui sera doublée d'une surtaxe en 1907. En 1901 deux notables innovations fiscales interviennent. La loi du 25 février remplace les droits proportionnels sur les successions par un tarif graduel qui introduit ainsi le système de la progressi(1) Une taxe sur les oisifs appliquée,
s"r~
votée en 1954. mais ne sera pas
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à l'exception flc la l'ente d'Etat; il est acquitté tl"imestriellement par l'établissement qui le récupère en précomptant sur le montant du coupon. Par ailleurs, une loi du 2 août 1872 crée le monopole, concédable, d'achat, de fabrication et de vente des allumettes et par ailleurs limite à 40 l (chiffre ramené à 20 deux ans après) d'alcool pur par au la franchise des bouilleurs de cru. . 3. Les préparatifs militaires et l'accroissement de la pression fiscale. - Les années de la fin du siècle voient une augmentation constante des dépenses (le budget atteint 1 milliard en 1828, 3,5 milliards en 1901, 5,2 en 1914), à laquelle la croissance économique ne permet de pallier qu'en partie. On ne peut se passer de majorer les taux des droits en vigueur: par exemple en 1888 les droits de succes1~C3~sion, en ~'impôt sur les cartes à jouer, en 1906 le timbre ~ la lettre est porté à 10 centimes. A mesure que l'on s'approche de la guerre de 1914, ces majorations se multiplient à tel point que dans le budget de 1907 comme dans celui de 1910 presque tous les impôts en sont affectés. L'impôt sur le revenu, que Gambetta avait proposé dès 1&Ji, revient au premier plan avec une proposit~ de Jaurès en 1893 et la constitution en 1894 d'une commission extraparlementaire de l'impôt sur les revenus. En attendant qu'il voie le jour de nombreuses réformes interviennent. En 1890 une modification est apportée à la contribution foncière, celle concernant les immeubles (foncier bâti) devient impôt de quotité. En 1892 suppression de l'impôt de 10 % sur les transports à grande vitesse, de voyageurs, de messageries, denrées et bestiaux. La loi du Il janvier 1892 réforme le tarif des
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l'apparition de minorations pour charges de famille dans la contribution mobilière (1903) avaient été les signes annonciateurs d'une prise de conscience de la notion de facultés contributives, et de l'ère, qui va s'ouvrir, de la personnalisation de l'impôt,
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vité dans nos institutions fiscales. On distingue sept catégories de parenté et dans chacune d'elles huit tranches (qui deviennent 13 en 1902). Par ailleurs la déduction des dettes est admise et l'usufruitier paie des droÎts réduits. La loi du 29 décembre supprime les droits de détail, d'entrée et de taxe unique sur les vins, cidres et poirés qui ne sont plus passibles que du droit de circulation, le droit de consommation de l'alcool étant porté, en contrepartie, à 220 F par hectolitre, les droits de licence des débitants s'échelonnent de 5 à 112,50 F par trimestre. Les bouilleurs de cru sont libérés de toute déclaration, puis soumis à nouveau en 1903 à la déclaration préalable et aux visites domiciliaires, puis à nouveau dispensés en 1906. La loi du 29 mars 1914 transforme la contribution foncière des propriétés non bâties en impôt de quotité (4 % du revenu imposable) avec exemption des petites cotes, majore à 4 % l'impôt sur les valeurs mobilières (5 % pour les valeurs étrangères auxquelles il est étendu), relève le droit de timbre et de transmission de la valeur mobilière et supprime, â partir de 1915, les licences des débitants de boissons. Après un quart de siècle de discussions passionnées et de résistance du Sénat, l'impôt général sur le revenu finit par prendre corps dans un texte législatif : la loi du 15 juillet 1914 institue à partir du 1er janvier 1915 un impôt de 2 % sur les revenus nets au-dessus de 5 000 F (plus 2 000 pour les mariés, plus 1 000 par enfant à charge). Il y a un commencement de progressivité en ce sens que, au-dessous de 25000 F, il Y a des abattements par tranche de 5000 F. L'imposition des revenus des valeurs mobilières (1872) et l'assujettissement de la rente d'Etat (1914), 106
bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciau."C, les revenus agricoles, les revenus des créances et les traitements et salaires (il avait été prévu concurremment un impôt de capitation, la taxe civique de 3, 6 ou 9 F par tête, mais qui ne fut pas votée par le Parlement). La cédule des bénéfices industriels et commerciaux frappe personnes physiques et sociétés, à raison du bénéfice net, c'est-à-dire « après déduction de toutes charges, y compris la valeur locative des immeubles affectés à l'exploitation et les amortissements généralement admis d'après les usagers de chaque nature d'industrie et de commerce ». La déclaration est, pour les sociétés, obligatoire, pour les personnes physiques, facultative (au cas où il n'y a pas déclaration le revenu est évalué forfaitairement d'après le chiffre d'affaires). Les grands magasins ou maisons à succursales multiples sont soumis à une surtaxe spéciale et le taux de l'impôt est de 4,5 %. L'imposition des bénéfices non commercia.ux peut passer pour l'extension à l'ensemble des professions libérales de la patente qui n'en frappait qu'un petit nombre (médecins, avocats, architectes). Elle s'applique, au vu de la déclaration du contribuable, à l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession; le tarif est, pour les charges et offices, le même que pour les bénéfices industriels et commerciaux; pour les autres professions libérales il est identique à celui des traitements et salaires (3 %). Les bénéfices agricoles, c'est-à-dire de l'exploitant - et non du propriétaire - avaient traditionnellement échappé à l'impôt, en raison notamment de leur extrême difficulté d'appréhension. Aussi leur calcul est-il fait forfaitairement; à l'origine le bénéfice était supposé égal à la moitié de la valeur localU9
CHAPITRE
VII
L'IMPOT CONTEMPORAIN (1915-1978) La guerre de 1914 bouleverse les données budgétaires en raison de l'accroissement sans précédent de la dépense publique, comme un fleuve qui a rompu ses digues, selon Joseph Caillaux. Si le financement se fait d'abord bésitant (il faut attendre la loi du 19 juillet 1916 pour trouver une nouvelle ressource dans un impôt sur les bénéfices de guerre) il se concrétise en 1917 par l'instauration d'une nouvelle fiscalité, qui s'est aménagée pendant les trente ans qui ont suivi, puis renouvelée au cours d'une égale période.
1. -
Les bases de la fiscalité contemporaine (1917 -1920)
C'est la loi de finances du 30 décembre 1916 qui met en vigueur pour 1917 l'impôt global sur le revenu adopté au printemps 1914, avec un taux de 10 % et un plancher de 3000 F. Puis la loi du 31 juillet 1917 apporte la réforme la plus marquante en matière d'impôt direct, supprimant la patente, la personnelle mobilière, les portes et fenêtres (maintenues « provisoirement » comme bases des impôts communaux et départementaux) et créant en substitution les impôts cédulaires sur le revenu frappant séparément et modulant la charge fiscale selon les
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élevé à 10 % pour la vente à la consommation des objets de luxe, ou les dépenses dans les établissements de luxe (3 % pour les établissements de demiluxe). Les assujettis doivent tenir une comptabilité faisant ressortir leur chiffre d'affaires et produire chaque mois à l'administration fiscale un relevé des opérations et payer les droits correspondants. Ainsi la taxe sur le chiffre d'affaires complète-t-elle, par ses possibilités de rendement, l'impôt direct sur le revenu qui doit, par principe, se moduler sur les facultés contributives du contribuable. Avec des droits de douane évolutifs, en large part de quotité, fondés sur le tarif de 1892, et des impôts sur le capital sous la forme de droits de succession assortis depuis 1918 d'une taxe successorale frappant l'ensemble de l'actif dévolu, cependant que les communes et les départements tirent leurs ressources d'impositions autonomes, basées sur l'ancienne fiscalité, le dispositif est en place qui permettra aux institutions fiscales françaises d'apporter la ressource nécessaire à l'accroissement considérable de la dépense publique, caractéristique de l'Etat moderne.
II. - L'aménagement de la fiscalité contemporaine
(1920-1948) Au cours des trois décennies qui vont suivre la Paix de 1919, les institutions fiscales vont être aménagées pour obtenir des ressources sans cesse accrues.
1. La période 1920-1939. - En 1924, c'est la majoration de 20 % de tous les impôts et la création du bordereau de coupons pour les valeurs mobilières. Tenté un instant par un impôt sur le capital puis par une taxe civique de capitation, le gouvernement, 111
tive cadastrale; ce n'est qu'en 1920 qu'ont été institués des coefficients variables suivant la région et la nature des cultures. Le taux est de 3 %. Le revenu des dépôts et des créances chirographaires ou hypothécaires, à l'exception des intérêts des livrets de Caisse d'Epargne, est désormais taxé, comme l'était depuis 1914 le revenu des valeurs mobilières, au même tarif, 6 % puis 10 % en 1920. L'impôt est à la charge du créancier mais le débiteur et le créancier sont tenus solidairement. Il a d'abord été prélevé sous la forme de timbre sur l'écrit constatant le paiement, puis les banques ont été autorisées à l'acquitter en compte avec le Trésor. L'impôt sur les traitements, salaires et pensions est prélevé par voie de rôle sur la base des déclarations de l'employeur ou du débirentier (pour les rémunérations et pensions supérieures à 1 250 F par an). Le taux est de 3 %, avec une large exemption à la base, variant du reste selon la concentration urbaine. En 1917, apparaît une taxe sur les paiements, mais de peu de rendement (son taux était faible: 0,20 %) et de grande complication : il y avait une taxe pour les paiements civils, perçue à l'occasion d'un écrit, reçu ou quittance, et payable par l'apposition de timbre mobile et une taxe sur les paiements commerciaux n'atteignant que les ventes au détail ou à la consommation d'objets de valeur supérieure à 150 F. Par ailleurs, les dépenses somptuaires portant sur certains objets ou faites dans certains établissements étaient frappées d'une taxe de luxe de 10 %. La loi du 25 juin 1920 modifie ce système; conservant la taxe sur les objets et les établissements de luxe, elle institue une taxe sur le chiffre d'affaires atteignant, en cascade, toutes les ventes en gros, demi-gros ou détail, ainsi que les prestations de service. Le taux est de 1 %, mais IlO
taxe en cascade de 1 %, baptisée d'abord taxe d'armement, ensuite taxe sur les transactions. Puis, en 1941, au bénéfice. des collectivités locales est créée une taxe locale additionnelle de 1,75 % portant d'abord sur les seules ventes au détail, puis sur les ventes non soumises à la taxe à la production : cette taxe se substitue aux très anciens droits d'octroi, enfin supprimés. Quant à l'impôt sur le revenu, ses taux s'accroissent (par exemple l'impôt sur les BIC passe de 16 à 21 %, et l'impôt sur les traitements et salaires, prélevé à la source à partir de 1940, est doublé de 8 à 16 %), la progressivité de l'impôt global se trouve aussi portée en 1942 au taux de 70 % pour les tranches de revenus supérieurs à 400000 F. Cependant plusieurs impôts voient le jour : en 1939, une contribution nationale extraordinaire s'ajoute à l'impôt général sur le revenu avec lequel elle est fusionnée en 1942; la loi du 30 janvier 1941 institue un prélèvement temporaire sur les excédents de bénéfice réalisés par les entreprises industrielles et commerciales, à l'exclusion de celles soumises au forfait et des artisans; l'excédent apparaissait dans la différence entre les bénéfices réalisés et ceux des exercices 1937-1938 et le taux en était progressif de 20 à 80 % (ce prélèvement a été supprimé en 1945). A la libération deux impôts exceptionnels sont créés. D'abord une ordonnance du 18 octobre 1944 prescrit la confiscation totale des profits dits illicites, c'est-à-dire ceux réalisés entre le 1er septembre 1939 et le 1er juin 1946 et provenant d'opérations faites soit avec l'ennemi, soit en infraction de la législation sur les prix, les changes, le ravitaillement. soit grâce aux mesures de spoliation dont des Français avaient pu être victimes. Puis, une 113
tout en limitant à 30 % le prélèvement de l'impôt sur le revenu, procède à un relèvement de droits surtout indirects (la taxe sur le chiffre d'affaires est portée à 2 %). Par ailleurs, la loi « Niveaux » sur les finances locales donne en 1926 aux communes et aux départements la possibilité d'instaurer des taxes nouvelles notamment sur le revenu des locaux professionnels, sur l'enièvement des ordures ménagères et sur le déversement à l'égout, en même temps que disparaît complètement la contribution sur les portes et fenêtres dont le principal fictif est réparti entre ceux de la patente et de la contribution mobilière. Une évolution s'amorce qui tend à substituer, à la taxe générale, des taxes uniques ne frappant qu'une fois soit certains produits spécifiques, tels le vin, le thé, l'engrais, le charbon, soit des marchandises faisant l'objet d'un commerce déterminé tels les boissons, les produits alimentaires et les huiles minérales. Au bout de dix ans les complications dues à l'interférence de ces deux catégories de taxes exigent une simplification. La loi du 31 décembre 1936 leur substitue une taxe à la production, au taux de 6 %, s'appliquant à la généralité des produits mais une seule fois, au stade du dernier producteur, c'est-à-dire au moment où le produit sort du cycle de production pour entrer dans le cycle de commercialisation. Pour les prestations de service, la taxe demeure en cascade au taux de 2 %. 2. La pél'Ïode 1940-1947. - La guerre de 19391945, dans sa conduite comme dans sa liquidation, a exigé un effort fiscal sans précédent et provoqué de nombreuses innovations. Dès le printemps 1939, à la taxe à la production s'ajoute, frappant cumulativement toutes les ventes à tous les stades, une 112
Un nouveau tarif douanier se substitue à celui de 1892 : c'est la généralisation du droit ad valorem, la valeur étant, selon la définition de la convention de Bruxelles, « le prix normal des marchandises au moment et au lieu où elles sont présentées au service, dans des conditions de pleine concurrence entre un acheteur et un vendeur indépendants JJ. Le 7 janvier est institué un prélèvement exceptionnel de lutte contre l'inflation dont le produit devait, négativement, éponger des liquidités excédentaires, positivement, servir à financer la reconstruction et l'équipement rural; on pouvait s'en libérer par souscription de même montant à un emprunt lancé à cet effet: c'est l'exemple moderne de l'emprunt forcé. En 1948 la taxe à la production subit une modification annonciatrice de la réforme ultérieUl'e : chaque producteur concourant à la fabrication d'un produit n'est plus « en suspension JJ de paiement, mais contraint au paiement fractionné sur la seule valeur qu'il ajoute au produit. Le décret du 1er octobre 1948 supprime l'impôt cédulaire sur les traitements, salaires et pensions et met à la charge des employeurs ou débirentiers une taxe de 5 % pour les salaires, de 3 % poUl' les pensions, puis un décret du 9 décembre 1948 modifie substantiellement le système d'impôt sur le revenu. Les personnes morales ont désormais une taxation particulière frappant leurs bénéfices; le taux a d'abord été fixé à 24 % (il a par la suite été élevé par paliers pour atteindre 50 % en 1958). Les personnes physiques sont soumises à un double impôt: une taxe proportionnelle qui frappe tous les revenus (sauf les traitements et salaires) et qui était dans le cas général de 18 % et une surtaxe progressive d'un taux échelonné entre 10 et 70 % avec abattement 115
ordonnance du 15 août 1945 institue un prélèvement exceptionnel sur le capital dit impôt de solidarité nationale sur la fortune des personnes physiques et des personnes morales; les personnes physiques étaient soumises à deux sortes d'imposition : un premier prélèvement progressif de 3 à 20 % (majoré du « cinquième quart )) en 1947) sur la valeur globale nette du patrimoine, sous déduction d'abattements à la base, un deuxième prélèvement progressif de 5 à 100 % sur l'accroissement de fortune des contribuables réalisé entre le 1 er janvier 1940 et le 4 juin 1945 ; les personnes morales ne subissaient qu'un prélèvement, proportionnel, égal au vingtième du fonds social. Instauré par la loi du 31 décembre 1945, un système original de prise en considération des charges de famille va désormais caractériser la législation de l'impôt sur le revenu: le quotient familial qui consiste à diviser le montant du revenu imposable en un certain nombre de parts déterminé en fonction du nombre de personnes vivant dans le foyer, et à appliquer le tarif progressif au quotient familial ainsi obtenu. Le résultat de cette opération multiplié par le nombre de parts donne le montant de l'impôt. Tout se passe comme si chaque membre de la famille était censé percevoir une fraction du revenu familial et était taxé sur cette fraction d'après le barème progressif. La progressivité de l'impôt se nuance ainsi suivant les charges familiales. III. -
Le renouvellement
de la fiscalité contemporaine
(1948-1978) 1. Les réformes de 1948. - L'année 1948 est fertile en modifications fiscales dans bien des domaines. 114
En 1960 on ne perçoit plus la taxe sur les vélocipèdes. En matière d'impôt sur les sociétés est introduite la notion d'amortissement dégressif. Plus important est l'abandon (loi du 28 décembre 1954) de la dualité en matière d'impôt sur le revenu: l'impôt devient unique par la fusion des deux taxes proportionnelle et progressive; subsiste provisoirement une taxe complémentaire qui a été supprimée en 1970 (en 1965, elle avait été supprimée pour les artisans et pour les revenus mobiliers). 3. L'imposition des plus-values. - En 1963 intervient une innovation fiscale qui ne restera pas sans lendemain: les lois des 15 mars et 19 décembre sou-' mettent à l'impôt les profits provenant de la vente d'immeubles ou de droits immobiliers et de terrains à bâtir. Les profits de construction réalisés par des particuliers sous forme notamment de prises de participations dans le capital de sociétés immobilières, sont assujettis à un prélèvement de 15 % (porté à 25 % en 1965), libératoire de l'impôt sur le revenu pour les profits afférents à des constructions entreprises jusqu'à l'expiration du VIle Plan. Par ailleurs les plus-values réalisées sur la cession de terrains à bâtir sont désormais soumises, quoique modérément, à l'impôt sur le revenu, ainsi que sur la cession d'immeubles dans un délai inférieur à cinq ans (porté à dix ans en 1974). Sont exonérées notamment les plus-values portant sur la résidence principale occupée au moins cinq ans. Les plus-values professionnelles sont également taxées pour les professions libérales au taux progressif de l'impôt sur le revenu; pour les entreprises industrielles et commerciales (sociétés ou individus), la plus-value consécutive à une cession à court terme est imposable à l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés (avec étalement
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à la base et modulation selon les charges de famille, cependant que la notion de cédule est abandonnée. 2. La TVA et la fiscalité locale. - Des réformes importantes qui ont marqué les vingt dernières années, l'une des plus notables est celle qui a affecté le régime des taxes sur le chiffre d'affaires. La loi du 2 avril et le décret du 30 avril 1955 ont supprimé taxe à la production, taxe sur les transactions et taxe additionnelle pour leur substituer trois nouvelles taxes: la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux général de 20 % (avec de\l.x taux réduits de 6 et 10 % et des taux majorés de 25 et 23 %) sur les affaires faites par les producteurs et les négociants en vin; la taxe sur les prestations de service au taux général de 8,50 % qui frappe la valeur globaie des prestations (il y a des taux réduits de 5 et 3 % et un taux majoré de 12 %) ; une taxe locale sur les affaires perçue à la vente au détail d'un taux général de 2,75 % et de 8,50 % pour les affaires de spectacles, hôtels et restaurants. Aucune de ces taxes n'est affectée aux collectivités locales; ces dernières vont en contrepartie bénéficier de 85 % du produit de la taxe sur les salaires (VRTS). Par ailleurs, une ordonnance du 7 janvier 1959 a posé le principe d'une réforme des impositions locales en substituant aux quatre vieilles contributions quatre taxes : la taxe foncière des propriétés bâties, la taxe foncière des propriétés non bâties, la taxe d'habitation et la taxe professionnelle. Ces quatre taxes sont toutes basées sur la valeur locative foncière, ce qui implique la révision générale des évaluations foncières, laquelle a porté sur une longue période: les résultats n'ont pu être incorporés dans les rôles qu'en 1974 et un étalement portant sur cinq ans a été prévu pour la taxe d'habitation. 116
depuis plus de cinq ans, la résidence secondaire lorsque le contribuable n'est pas propriétaire de la résidence principale. Par ailleurs, les plus-values des cessions de valeurs mobilières (sauf les obligations non indexées), jusqu'alors exonérées, sont, à partir de 1978, incorporées dans le revenu de l'année lorsque le total des cessions a excédé 20 000 F dans l'année et que les titres ont été détenus pendant moins de dix ans. Enfin, autre innovation, les ventes par les particuliers d'or et de métaux précieux sont soumises à une taxe de 4 % représentant forfaitairement la taxation de la plus-value; de même les ventes d'objets d'art et de bijoux sont passibles, dès lors qu'elles dépassent 20000 F, d'une taxe forfaitaire de 3 % s'il s'agit d'une transaction privée, de 2 % s'il s'agit d'une vente publique. 4. Aménagements divers. - La loi du 6 janvier 1966 intègre la taxe sur les prestations de services, la taxe locale, onze taxes uniques dans la TVA, laquelle s'est trouvée ainsi étendue à la distribution commerciale, à l'artisanat et à l'ensemble des services (à l'exception des professions libérales). En 1974 une nouvelle étape a été franchie pour' rapprocher les barèmes et les règles d'assiette des différentes catégories de revenus en matière d'imposition sur les revenus des personnes physiques tandis que les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés étaient soumises à une taxation forfaitaire annuelle de 3 000 F. La loi de finances du 30 décembre 1974 a institué un impôt de caractère purement économique puisque le produit doit en être restitué aux entreprises : le prélèvement conjoncturel. L'objectif est d'associer les entreprises à la lutte contre l'inflation en les obligeant à répercuter les baisses de prix et les gains
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sur tl'ois ans), à lon~ terme (plus de deux ans) à 15 %. Les entreprises soumises au forfait ainsi que les entreprises agricoles sont, sauf en peu de cas, exonérées. Pour ce qui est des sociétés (et des entreprises individuelles industrielles et commerciales non soumises au forfait) il est mis fin au laxisme de droit - et surtout de fait - du régime antérieur qui exonérait d'impôts, sous réserve qu'elles viennent en déduction de la valeur amortissable du réinvestissement, les plus-values réemployées. La loi du 12 juillet 1965 a modifié à nouveau l'imposition des plus-values des sociétés et a institué l'avoir fiscal, c'est-à-dire le droit pour le propriétaire d'actions de sociétés françaises de déduire de l'impôt frappant son revenu la moitié du dividende perçu. La taxation des accroissements nominaux de capitaux a reçu par la loi du 19 juillet 1976 une extension notable; si le régime des plus-values professionnelles instauré par la loi de 1963 n'a pas été sensiblement modifié, celui des plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques (ou des sociétés de personnes) lors de la cession à titre onéreux de biens ou droits de toute nature, a été substantiellement aménagé. Désormais sont taxables à l'impôt général sur le revenu les ventes d'immeubles effectuées soit moins de deux ans après l'achat (pour la différence entre le prix de vente et le coût d'achat), soit dans un délai de dix ans (pour la différence entre le prix de vente et le coût d'achat revalorisé de 3 % pour les cinq premières années, 5 % pour les suivantes), soit dans un délai de dix à vingt ans (le prix d'achat est alors abondé des impenses et majoré de 5 % par an au-delà de la dixième année). Sont exonérés les immeubles détenus depuis plus de vingt ans, la résidence principale occupée
Ila
CONCLUSION Condition essentielle de l'existence même de l'Etat, l'impôt est l'un des rouages majeurs de la puissance et de l'indépendance des Nations. C'est l'impôt qui assure aux dirigeants les ressources qu'exige leur politique; c'est l'impôt qui, tout au long des siècles, a permis, en particulier à nos rois, de faire face aux exigences des hostilités -lesquelles. à leur tour, pour leur préparation, leur poursuite, leur conclusion, que le sort soit défavorable ou non, ont été l'un des principaux facteurs de l'évolution fiscale. L'accroissement des charges qui en était la conséquence a inéluctablement conduit à augmenter le poids de l'impôt et, pour ce faire, à tenter d'innover sans pour autant traumatiser les contribuables. La réaction du contribuable, réelle ou seulement supposée, a toujours servi de frein à l'accroissement de l'impôt (César a été plus hésitant pour étendre à la Gaule l'impôt romain que pour passer au fil de l'épée des milliers de Gaulois). Ainsi, de préférence à l'impôt direct, la taxation des faits et actes a toujours eu la prédilection des autorités, lesquelles, du reste, ont trouvé avec elle l'abondance des ressources souhaitée - encore que les taxes indirectes ne soient pas totalement indolores, notamment lorsqu'elles frappent des produits essentiels (la gabelle du sel n'a-t-elle pas la pire réputation ?). Pour les Etats en expansion, pour l'Etat moderne aux charges toujours croissantes, le problème est de
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de p:wductivité. Il cesse d'avoir effet dès (lue la hausse des produits manufacturés devient inférieure à 1,5 % pour trois mois consécutifs et doit être autorisé chaque année par le Parlement. Il ne concerne que les grosses entreprises (15 000 sur 1 700000). Il est assis sur la différence de marges bénéficiaires d'un exercice sur l'autre et son taux est de 331/3 %. La taxe professionnelle a été profondément modifiée dans ses bases par la loi du 29 juillet 1975. Désormais seuls deux éléments interviennent : la valeur locative des biens ou immobilisations utilisés pour les besoins de l'activité professionnelle, le cinquième des salaires versés l'année précédente pour la généralité des entreprises. La loi du 29 octobre 1976 a institué une majoration exceptionnelle des cotes d'impôt sur le revenu dite « impôt sécheresse ». Cette majoration de 8 % pour les revenus supérieurs à 20 000 F (4 % de 4 500 à 20000 F) a pour caractéristique d'être à concurrence de moitié libérable par souscription à un emprunt nominatif remboursable cinq ans après l'émission et portant intérêt à 6,5 %. Ainsi dans le dernier quart du xx e siècle le législateur bénéficiant d'un système d'impôts particulièrement.productif semble s'orienter vers la recherche d'une plus grande justice fiscale par l'impôt direct. Les « différences » qui, dans une économie de distorsion inflationniste, sont la source parfois de revenus substantiels, entrent dans la base imposable; est-ce un pas vers l'assimilation, pour les particuliers, du revenu annuel à la différence d'avoir, et, partant, vers le cadastre des fortunes et l'imposition du capital, ce qui ne serait qu'un retour tardif à la fiscalité des Pharaons ?
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encore lacunes dans les sanctions éventuelles, sallS heurter aussi la propensioll du contribuable - d'autant plus vive que le bénéfice en est grand - à se soustraire au paiement de l'impôt. La fraude fiscale, non seulement porte atteinte au rendement de l'impôt, mais par ses effets seconds met en jeu les principes d'équité et, par-delà, la crédibilité du système. Ainsi le conflit fiscal réside-t-il entre le rendement et la fraude, et, comme le produit de l'impôt conditionne l'action de l'Etat, sa grandeur et son prestige, la fraude fiscale en devient par ses effets pervers un frein d'autant plus efficace que la justice fiscale à laquelle elle porte atteinte est, pour une large part, fondée sur des aspects psychologiques. TI importe dès lors que tout texte fiscal soit, par sa stabilité et sa simplicité, d'application univoque, par les moyens de contrôle qui lui sont apportés, d'application sans faille. Si l'accoutumance à l'impôt est une condition de bonne application, le contrôle fiscal et les sanctions qui s'y rapportent apparaissent ainsi comme l'une des pièces maîtresses, certes du rendement, mais aussi de l'équitable répartition de l'impôt. Les leçons de l'Egypte d'il y a cinq mille ans ne doivent pas, sur ce plan, être oubliées: s'il n'est plus question de bastonnade ou sévices du même genre, le système du contrôle réciproque du revenu par le cadastre des fortunes doit cependant retenir une particulière attention. En tout état de cause, l'innovation ne peut se faire sans prudence; quelle que soit l'ingéniosité dans l'invention, on ne peut perdre de vue ni ses conséquences directes, ni ses effets seconds. TI est vrai aussi que la législation fiscale moderne a d'autres mobiles que de pourvoir à la dépense publique. Sans doute, à l'époque contemporaine, l'extension du rôle de l'Etat et l'alourdissement des
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gagner sans les ùallchir les limites des facultés contributives réelles et psychologiques, et, pour ce faire, s'il est nécessaire que l'impôt soit consenti, il est également essentiel qu'il soit équitablement réparti. La justice fiscale n'est pas en effet forcément liée au consentement à l'impôt, ne serait-ce que par le fait que les classes politiques dominantes ne s'emploient pas à s'imposer équitablement. Au reste, même si elle est théoriquement établie, elle demeure soumise au jeu des fmces économiques, lequel, par le phénomène imprécis et diffus de l'incidence, fait que les économiquement forts réussissent à s'alléger en partie de l'impôt. Or, l'équité en ce domaine ne peut échapper aux précoccupations économiques et sociales. Est-il équitable que telle ou telle catégorie sociale - quel que soit l'intérêt économique bénéficie d'une situation privilégiée? Est-il équitable que les taxes indirectes soient proportionnellement plus lourdes - mais n'est-ce point profitable au rendement de l'impôt? - que l'impôt sur le revenu? A la vérité le domaine de la fiscalité est en lui-même conflictuel. Il y a opposition entre, d'une part, la quête nécessaire de la productivité de l'impôt, d'autre part, la recherche de la simplicité des textes et le souci de la justice fiscale - et il y a aussi incompatibilité entre la simplicité et la justice d'une réglementation fiscale. Il ne saurait dès lors s'agir d'absolutisme doctrinal, mais essentiellement de mesure avec tout le tempérament qu'implique la marge entre la théorie et l'application. Dans l'hypothèse où elle pourrait être établie dans la lettre, la justice fiscale n'entrerait pas pour autant dans les faits. Le prélèvement de l'impôt ne se fait pas toujours sans rencontre des obstacles, par exemple, lenteur d'établissement d'un cadastre, ou bien insuffisance des moyens de contrôle, ou bien 122
facteur de la politique globale de redistribution des revenus que pratiquent plus ou moins délibérément tous les Etats modernes et les variations de taux sont un des éléments importants de toute politique économique contracyclique. L'impôt, tout en gardant hautement privilégiée sa fonction originelle de fournisseur du Trésor, s'insère dans l'éventail des instruments de politique générale. Il accroît son poids avec la complexité de la vie sociale, le développement économique de la Nation, à la mesure même de la modernisation de l'Etat, tissant un réseau chaque jour plus serré de contraintes administratives. Ainsi s'affirme-t-il en son universalité et se confirme-t-il en sa perennité, bien que l'on eut pu rêver que les techniques monétaires parviendraient un jour à permettre le financement indolore de l'action publique. Au reste, la dimension plurimillénaire ne peut-elle qu'apporter un scepticisme nuancé à toute prospective en la matière : les institutions fiscales transcendent les siècles et les régimes, naissent, disparaissent et renaissent, se transformant, se modulant, mais ne déviant pas pour autant d'axes permanents, comme si l'impôt, pourtant soumis aux pulsations du temps, se complaisait paradoxalement dans l'Histoire immobile.
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dépenses classiques f0111 que, a vce un développement sans précédent, la fiscalité demeure, dans son essence, le moyen de pourvoir aux charges publiques: en particulier le coût de l'armée et, surtout, de l'armement continuent à se répercuter sur la majoration des Împôt6 ou la création de nouvelles taxes, dans le droit fil d'aillcurs des exemples historiques tel ceux d'Auguste et l'impôt sur les successions, de Philippe Auguste et la Dîme saladine, de Louis XIV et l'impôt sur le revenu du cinquantième ... Mais pendant longtemps négligé - ce furent les droits de douane qui, les premiers, mais fort tardivement, servirent d'instrument économique, d'abord de protection de l'économie intérieure puis de conquête des marchés extérieurs - l'aspect économique de l'impôt apparaît maintenant en filigrane dans presque tous les textes fiscaux et parfois en est le mobile principal. Le découragement ou l'encouragement de la consommation trouvent incitation dans la modulation des droits indirects (les taxes sur l'alcool, les taux modulés de la TVA par exemple) et, pour y être venu plus récemment, l'impôt direct sur le revenu n'en participe pas moins à cette évolution. Les déductions des frais de travaux d'amélioration et d'entretien des revenus fonciers contribuent à préserver le capital, celles concernant les constructions neuves encouragent sa formation; toute la réglementation de l'amortissement favorise, en matière industrielle, l'investissement pour lequel peuvent même intervenir des aides fiscales spéciales (ainsi en 1976 les achats de biens d'équipement amortissables). Dans le même esprit la transformation de la patente en taxe professionnelle a eu pour objet d'apporter une aide indirecte aux petites et moyennes entreprises. Plus généralement, par l'incidence de ses taux, l'impôt sur le revenu devient un
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\. ) TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION .. . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
Les premiers systèmes fiscaux. .
7
CHAPITRE PREMIER. -
1. L'impôt de l'Ancien Empire d'Egypte, 7. - II. La liscalité athénienne du temps de Périclès, 9. III. Les impôts de l'Egypte ptolémaïque, 12. - IV. La fiscalité en Gaule avant l'invasion romaine, 17. CHAPITRE
II. -
L'impôt romain. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20
1. L'impôt romain au 1 er siècle, 21. - II. La fiscalité du Bas-Empire au temps de Dioclétien, 30. - III. L'altération de l'impôt romain sous les rois des deux premières races, 35. CHAPITRE
III. -
L'impôt féodal (877-1285). . . . . . . . . .
1. Les droits seigneuriaux, 43. fiscalité féodale, 53.
42
Il. L'altération de la
IV. - La formation de l'impôt monarchique (1285-1498) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
CHAPITRE
57
1. Philippe le Bel et l'institution de la fiscalité monarchique, 57. - II. La poursuite de l'œuvre de Philippe le Bel et sa décadence, 62. - III. L'établissement de l'impôt monarchique, 66. CHAPITRE
V. -
L'impôt monarchique (1498-1189). . . . .
1. La fiscalité désordonnée du sage fiscalité du XVII' siècle, 75. du XVIII' siècle, 83. CHAPITRE
VI. -
69
siècle, 70. - II. La III. Les aventures fiscales
XVI'
L'impôt républicain (1190-1914). . . . .
91
I. La révolution fiscale, 91. - II. La fiscalité du Consulat et de l'Empire, 97. - III. La fiscalité du XIX' siècle, 100. CHAPITRE
VII. -
L'impôt contemporain (1915-1918)..
108
J. Les bases de la fiscalité contemporaine (1917-1920), 108.
- II. L'aménagement de la fiscalité contemporaine (19201948), 111. - III. Le renouvellement de la fiscalité contemporaine (1948-1978), 114. CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . "
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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
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Imprimé en France, à Vendôme ImfiriitH!ric des Presses Universitaires à", France •
197ü
N° ~GI51
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