Jean P. Mercier Professeur à l’Université catholique de Louvain
Gérald Zambelli Chargé de cours et adjoint scientifique à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne
Wilfried Kurz Professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne
Les Presses polytechniques et universitaires romandes sont une fondation scientifique dont le but est principalement la diffusion des travaux de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et d’autres universités et écoles d’ingénieurs francophones. Le catalogue de leurs publications peut être obtenu aux Presses polytechniques et universitaires romandes, EPFL – Centre Midi, CH-1015 Lausanne, par e-mail à
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ISBN 2-88074-402-4 © 1999, 2002 Troisième édition entièrement revue et augmentée. Presses polytechniques et universitaires romandes CH - 1015 Lausanne Imprimé en Suisse Tous droits réservés Reproduction, même partielle, sous quelque forme ou sur quelque support que ce soit, interdite sans l’accord écrit de l’éditeur.
PRÉSENTATION DU TRAITÉ DES MATÉRIAUX
Les matériaux utilisés pour la fabrication artisanale ou industrielle d’objets, de produits et de systèmes ainsi que pour la réalisation de constructions et d’équipements ont de tout temps défini le niveau de notre civilisation technique. La réalisation des objectifs communs de notre monde en développement est en grande partie tributaire de la mise au point de matériaux et de procédés de transformation et d’assemblage nouveaux, présentant des performances inédites ou améliorées. La réussite des efforts entrepris pour le développement de matériaux adaptés aux besoins de demain dépend d’une intégration de connaissances précises, de méthodes théoriques de modélisation et de prévision du comportement, ainsi que d’installations techniques sophistiquées. C’est ainsi que le domaine multidisciplinaire science et génie des matériaux est devenu un pilier indispensable du progrès de toute technologie dynamique. Le Traité des Matériaux est une série coordonnée de 20 volumes dont l’objectif est tout d’abord pédagogique : il s’adresse prioritairement aux étudiants et aux enseignants des universités et des hautes écoles des différentes disciplines concernées. En outre, les auteurs et les éditeurs souhaitent répondre aux besoins des ingénieurs et des scientifi ques qui veulent mettre à jour leurs connaissances et, d’une façon générale, à tous ceux qui ont envie de mieux comprendre les propriétés et le comportement des matériaux qui sont intimement liés à notre existence. Dans cette optique, certains ouvrages de ce traité sont consacrés aux matériaux spécifiques, tandis que d’autres abordent les phénomènes et les techniques applicables à l’ensemble des familles de matériaux. De plus, la discussion des influences conjuguées des matériaux tels quels et des procédés de leur mise en œuvre et de leur assemblage est une ligne directrice de ce traité. Enfin, une attention particulière est accordée à l’avancement récent des matériaux « fonctionnels » par rapport aux matériaux « structuraux », sans pour autant nier la prédominance économique de ces derniers, notamment de ceux dits « à grande diffusion». Le Traité des Matériaux rassemble des auteurs qui sont enseignants et chercheurs de différentes universités, hautes écoles et institutions de recherche, publiques et privées. La plupart d’entre eux sont d’origine francophone, mais la participation à cette entreprise d’experts anglo- et germanophones est considérée comme une contribution bienvenue dans le cadre de l’européanisation de l’enseignement en science et génie des matériaux. Le Comité Scientifique responsable de cette collection est composé de : Bernhard Ilschner, Lausanne (Président) Christian Janot, Grenoble et Rome Gérard Maeder, Paris Alain Mocellin, Nancy Robert Schirrer, Strasbourg
LE TRAITÉ DES MATÉRIAUX EN VINGT VOLUMES
1. INTRODUCTION À LA SCIENCE DES MATÉRIAUX 2. CARACTÉRISATION EXPÉRIMENTALE DES MATÉRIAUX I: PROPRIÉTÉS PHYSIQUES, THERMIQUES, MÉCANIQUES 3. CARACTÉRISATION EXPÉRIMENTALE DES MATÉRIAUX II: ANALYSE PAR RAYONS X, ÉLECTRONS ET NEUTRONS 4. ANALYSE ET TECHNOLOGIE DES SURFACES 5. THERMODYNAMIQUE ET ÉVOLUTION DES MATÉRIAUX 6. PHÉNOMÈNES DE TRANSPORT ASSOCIÉS À L'ÉLABORATION ET AU TRAITEMENT DES MATÉRIAUX 7. COMPORTEMENT DES MATÉRIAUX DANS LES SYSTÈMES BIOLOGIQUES 8. PHYSIQUE DES MATÉRIAUX 9. DÉFORMATION ET RÉSISTANCE DES MATÉRIAUX 10. MODÉLISATION NUMÉRIQUE EN SCIENCE ET GÉNIE DES MATÉRIAUX 11. MÉTAUX ET ALLIAGES: CONSTITUTION, TECHNOLOGIE ET APPLICATIONS 12. CORROSION ET CHIMIE DE SURFACES DES MÉTAUX 13. CHIMIE DES POLYMÈRES: SYNTHÈSES, RÉACTIONS ET DÉGRADATIONS 14. MATÉRIAUX POLYMÈRES: PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES ET PHYSIQUES. PRINCIPE DE MISE EN ŒUVRE 15. MATÉRIAUX COMPOSITES À MATRICE ORGANIQUE 16. LES CÉRAMIQUES ET LE VERRE: PRINCIPES ET TECHNIQUES D'ÉLABORATION 17. MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION 18. PHYSIQUE ET TECHNOLOGIE DES SEMICONDUCTEURS 19. MATÉRIAUX ÉMERGENTS 20. SÉLÉCTION DES MATÉRIAUX ET DES PROCÉDÉS DE MISE EN ŒUVRE
PRÉFACE
Une des révolutions qui lasse, à force d’être silencieusement permanente et peu spectaculaire, est bien celle que connaissent actuellement les matériaux. Pourtant, pour en constater les effets, il suffit de songer à ce qu’aurait été la mutation technologique actuelle sans le dénominateur commun que ces matériaux constituent pour tout développement industriel important, quel que soit le secteur concerné. En fait, non moins d’un quart de l’activité économique des pays industrialisés est rattaché aux matériaux. Bien plus discret encore est l’effort intellectuel consenti par des équipes de chercheurs dans le domaine de l’état solide depuis l’avènement de la mécanique quantique des années 20. Leurs travaux nous permettent, actuellement, de jongler avec la structure microscopique de la matière, tant organique qu’inorganique, pour créer de nouveaux solides, ou pour transformer radicalement ceux qui faisaient partie du lot quotidien. Actuellement, on est sur le point d’appréhender globalement les divers types de matériaux à partir de concepts liés, d’une part à la structure de l’atome et de la molécule, et d’autre part à la microstructure. Dans certains cas, des calculs ab initio permettent de comprendre et de prévoir les propriétés macroscopiques. C’est le cas notamment en ce qui concerne la structure électronique de quelques solides inorganiques, suivis de près par les organiques. Bien sûr, l’évolution des méthodes de calcul et de la capacité des ordinateurs n’est pas étrangère à ces dernières réalisations. Mais ces puissants outils de l’informatique ne sont-ils pas eux-mêmes dans une large mesure tributaires du développement des matériaux ? Il est clair qu’un enseignement unifié en science des matériaux est indispensable, et ce d’autant plus qu’à l’heure actuelle, l’empirisme est fortement bousculé par la dynamique de l’innovation scientifique dans ce domaine. Cet ouvrage, qui se veut être une introduction à un traité, s’inscrit bien dans cette vision globale. On y retrouve un savant équilibre entre les notions fondamentales et les applications, le tout illustré de tableaux concis et d’exemples concrets bien choisis. De même, les trois grandes classes de matériaux, suivant la classification adoptée par les auteurs (métaux, polymères organiques, céramiques), y sont traitées suivant une même démarche. Le lien est établi, quand cela est possible, entre le comportement macroscopique de la matière et les propriétés à l’échelle de l’atome en passant par la microstructure. Les concepts de la thermodynamique sont heureusement omniprésents pour décrire la situation lorsqu’elle échappe à une prévision plus microscopique. La tournure didactique de ce traité convient parfaitement à des étudiants ingénieurs, physiciens ou chimistes qui ne se destinent pas à une spécialisation en matériaux mais qui désirent, néanmoins, s’ouvrir à cette discipline. L’ouvrage devrait aussi être très apprécié par les spécialistes d’un domaine particulier de la science des matériaux désirant avoir une vue d’ensemble sur le sujet et situer leur activité dans un
VIII
Introduction à la science des matériaux
contexte plus large. Il sera également très utile à ceux qui ont quitté les bancs de l’Université depuis plus d’une décennie.
Préface à la troisième édition Lorsque près d’une décennie plus tard on revisite un ouvrage, les premières questions qui nous viennent à l’esprit sont de savoir s’il est toujours d’actualité, si certaines sections ne sont pas dépassées, et s’il sera à même de réaliser ses objectifs durant au moins une décennie encore. Ces questions sont d’autant plus pertinentes que le développement de la science des matériaux n’a pas connu de répit durant cette période, mais que, bien au contraire, il a poursuivi sur sa lancée de manière foudroyante. Pour confirmer cette évolution, en la situant au plan pratique, certains économistes n’hésitent pas aujourd’hui à affirmer qu’au début du prochain millénaire, une fraction importante de la croissance économique prévue sera redevable aux technologies nouvelles, les matériaux nouveaux occupant une place de choix dans leurs prévisions. Aux deux premières questions je réponds oui sans hésitation. Quant à savoir si cette introduction à la science des matériaux a fait sa cure de rajeunissement, je répondrai aussi par l’affirmative. En effet, cette nouvelle édition a été avantageusement remaniée, parfois profondément (e.g. chapitre 14), les exemples illustratifs mis à jour, voire remplacés. Confirmant le succès qu’il a déjà connu, tout porte à croire que de nouvelles générations d’étudiants ingénieurs, physiciens et chimistes et certains de leurs aînés pourront aussi bénéficier de cet ouvrage didactique de grande qualité.
Jean-Paul Issi Professeur à l’Université catholique de Louvain
AVANT-PROPOS
Cet ouvrage, qui constitue une introduction à un Traité sur la Science des Matériaux, s’inscrit dans une vision globale et unifiée de cette discipline. Ce livre s’adresse non seulement aux étudiants mais également à tout ingénieur ou tout scientifique qui désire acquérir les bases de la science des matériaux. L’ouvrage a pour objectif de présenter de manière synthétique les caractéristiques générales et les propriétés des principaux matériaux. Un effort a été fait en vue d’unifier les théories et d’intégrer les particularités de l’ensemble des matériaux, en évitant de les isoler en catégories comme c’est souvent le cas dans les livres antérieurs. Une telle approche, qui fait actuellement défaut en langue française, devrait contribuer à ouvrir les frontières existant encore entre les métaux, les polymères organiques et les céramiques. L’ouvrage présente la diversité des structures et des microstructures des matériaux, leur comportement à des sollicitations ou des environnements divers, avec un accent particulier sur les propriétés mécaniques. Les propriétés physiques ont été regroupées dans un chapitre synthétique. Pour faciliter la lecture et illustrer les principes de base, un certain nombre de résultats sont donnés sous forme d’exemples illustratifs repris à la fin de chaque chapitre . Trois grands sujets sont abordés dans cet ouvrage: • une description élémentaire des principaux matériaux (métaux, céramiques et polymères organiques); • une étude succincte des défauts de la structure cristalline, des équilibres et des transformations de phases avec introduction de la notion d’alliage et description des microstructures; • une analyse du comportement des matériaux sous contraintes mécaniques et lors de la rupture. On termine par une étude des propriétés physiques, de la dégradation et de la corrosion et par une description des principaux matériaux composites.
Conventions Chaque chapitre est repéré par un nombre (chapitre 8) et divisé en sections repérées par deux nombres séparés par un point (section 8.2). Chaque section est divisée en paragraphes repérés par trois nombres séparés par deux points (§ 8.2.3).
X
Introduction à la science des matériaux
Un terme apparaît en italique gras la première fois qu’il est défini dans le texte. Il est repris dans l’index. Un passage important est mis en évidence en utilisant l’italique maigre. Les équations sont numérotées par chapitre et repérées par deux nombres placés entre parenthèses et séparés par un point (8.14). Les figures et les tableaux sont également numérotés par chapitre et indiqués par deux nombres. Ces deux nombres sont précédés, selon le cas, par Fig. ou Tableau. Il n’y a donc pas de numérotation séparée pour ces deux types d’éléments. La bibliographie particulière à chaque chapitre est présentée par ordre alphabétique en fin du chapitre. La bibliographie générale figure en fin de l’ouvrage. Une liste des principaux symboles est également reprise en fin de l’ouvrage.
Remerciements Nous tenons à remercier très chaleureusement Monsieur W. Form, Professeur honoraire à l’Université de Neuchâtel pour les nombreuses heures qu’il a passées à relire et à critiquer les manuscrits successifs de cet ouvrage et pour l’aide qu’il nous a apportée pour la préparation de la troisième édition. Notre gratitude va également à A. Kelly, Professeur, CBE, FEng, FIM, FRS, à M. Rappaz, Professeur à l’E.P.F.L et à L. Haenny, Professeur à l’École d’ingénieurs de Genève pour leurs critiques constructives. Nous remercions vivement les collègues et les membres de l’E.P.F.L. et de l’U.C.L. ainsi que diverses personnalités du monde universitaire et industriel qui ont accepté de contribuer ou de relire certaines parties du manuscrit, en particulier: R. E. Bauman, J. Bauvois, W. Benoit, J. J. Biebuick, M. Gerl (†), H. Hofmann, Y. Houst, Ch. Huet, B. Ilschner, J.P. Issi, Y. Kaenel, D. Landolt, J. Lemaître, A. Mocellin, J. B. Nagy, Y. Reverchon, G. Smets (†) et J. Vogt. Ont collaboré à ce volume: Sonia Aebischer (dactylographie du manuscrit initial), Frans Gerardis et Elsbeth Schlosser (exécution des dessins), Flavia Milliet (correction des épreuves).
TABLE DES MATIÈRES
PRÉSENTATION DU TRAITÉ DES MATÉRIAUX .............V PRÉFACE .......................................................................................VI AVANT-PROPOS ........................................................................ IX CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
INTRODUCTION 1.1
Objectifs ................................................................................1
1.2 1.3
Les matériaux ........................................................................1 La science des matériaux .......................................................7
1.4
Cycle des matériaux et ressources .......................................10
1.5 1.6 1.7
Résumé et conclusions ........................................................14 Exemple illustratif: une hanche artificielle ...........................15 Exercices ..............................................................................18
1.8
Références et lectures complémentaires ...............................18
ATOME, MOLÉCULE ET LIAISON CHIMIQUE 2.1 2.2
Objectifs ..............................................................................21 Structure de l’atome..............................................................21
2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8
La liaison .............................................................................26 Forces de cohésion interne ...................................................48 Résumé et conclusions ........................................................51 Exemple illustratif: fibres et nanotubes de carbone...............52 Exercices ..............................................................................57 Références et lectures complémentaires ...............................57
CHAPITRE 3 STRUCTURE ET ORGANISATION DES SOLIDES 3.1 Objectifs ..............................................................................59 3.2 États physiques des matériaux .............................................59 3.3 Description de l’état cristallin ..............................................64 3.4 Mise en évidence de la structure cristalline ..........................74 3.5 Résumé et conclusions ........................................................79 3.6 Exemple illustratif: le monocristal de silicium, centre névralgique de tout ordinateur ..............................................80 3.7 Exercices ..............................................................................82 3.8 Références et lectures complémentaires ...............................83
XII CHAPITRE 4
Introduction à la science des matériaux
STRUCTURE DES PRINCIPAUX MATÉRIAUX 4.1
Objectifs ..............................................................................85
4.2 4.3
Structure compacte des métaux ...........................................85 Organisation des cristaux ioniques ......................................90
4.4
Structure des solides à liaisons covalentes et covalentes polaires ...............................................................................92 Résumé et conclusions ........................................................97
4.5 4.6
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
4.7
Exemple illustratif: les verres métalliques, matériaux pour les technologies nouvelles ...........................................98 Exercices ...........................................................................100
4.8
Références et lectures complémentaires .............................100
PRINCIPAUX MATÉRIAUX ORGANIQUES ET CÉRAMIQUES 5.1 5.2
Objectifs ............................................................................103 Les polymères organiques .................................................103
5.3 5.4
Quelques grandes classes de céramiques ...........................120 Résumé et conclusions ......................................................130
5.5 5.6
Exemple illustratif: les lentilles de contact 10 mg pour corriger la vue ................................................131 Exercices ............................................................................136
5.7
Références et lectures complémentaires .............................137
COMPORTEMENT ÉLASTIQUE DU SOLIDE 6.1 6.2 6.3 6.4 6.5 6.6 6.7 6.8
CHAPITRE 7
Objectifs ............................................................................139 Déformation élastique des solides .....................................139 Thermodynamique et origine atomique de l’élasticité ........145 Relation entre contrainte et déformation dans les matériaux viscoélastiques ..................................................158 Résumé et conclusions ......................................................166 Exemple illustratif: l’avion ultraléger ou le rêve d’Icare réalisé .....................................................................166 Exercices ..........................................................................169 Références et lectures complémentaires .............................170
DÉFAUTS DE LA STRUCTURE CRISTALLINE 7.1 7.2 7.3 7.4
Objectifs ............................................................................171 Défauts ponctuels ..............................................................171 Défauts linéaires ou dislocations ........................................178 Défauts bidimensionnels ...................................................187
Table des matières
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
XIII
7.5
Résumé et conclusions ......................................................190
7.6
Exemple illustratif: défauts structuraux des films de diamant ................................................................192
7.7
Exercices ...........................................................................194
7.8
Références et lectures complémentaires .............................195
ALLIAGES ET DIAGRAMMES DE PHASES 8.1
Objectifs ............................................................................197
8.2 8.3
Généralités .........................................................................197 Systèmes à un constituant ..................................................202
8.4
Équilibre de phases dans les systèmes binaires .................210
8.5 8.6
Exemples d'application ......................................................222 Résumé et conclusions ......................................................229
8.7
Exemple illustratif: comment traiter la carie dentaire ? ......230
8.8 8.9
Exercices ............................................................................233 Références et lectures complémentaires .............................235
TRANSFORMATIONS DE PHASES 9.1 9.2
Objectifs ............................................................................237 Diffusion ............................................................................237
9.3 9.4 9.5
Transformations de phases ................................................243 Résumé et conclusions ......................................................266 Exemple illustratif: tempête de neige dans un lingot...........267
9.6 9.7
Exercices ............................................................................270 Références et lectures complémentaires .............................271
CHAPITRE 10 MICROSTRUCTURES
10.1 10.2 10.3 10.4 10.5 10.6 10.7
Objectifs ............................................................................273 Observation des microstructures .......................................273 Principales microstructures des matériaux..........................277 Résumé et conclusions ......................................................291 Exemple illustratif: le laser, un outil pour l’industrie automobile .........................................................................291 Exercices ............................................................................294 Références et lectures complémentaires .............................297
CHAPITRE 11 COMPORTEMENT DES MATÉRIAUX EN TRACTION
11.1 11.2 11.3
Objectifs ............................................................................299 Propriétés mécaniques en traction ......................................299 Résumé et conclusions ......................................................313
XIV
CHAPITRE 12
Introduction à la science des matériaux
11.4
Exemple illustratif: câbles de téléphérique .........................314
11.5 11.6
Exercices ............................................................................317 Références et lectures complémentaires .............................318
FACTEURS INFLUENÇANT LES PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES 12.1
Objectifs ............................................................................319
12.2 12.3
Notion de basse et de haute températures ...........................320 Déformation plastique des matériaux à basse température ........................................................................321
12.4
Limite d’élasticité et mécanismes de renforcement des solides cristallins .........................................................332
12.5
Facteurs influençant la résistance mécanique des polymères organiques .................................................344
12.6 12.7
Déformation à haute température........................................350 Résumé et conclusions ......................................................360
12.8 Exemple illustratif: monocristal pour turbines à gaz ..........361 12.9 Exercices ............................................................................365 12.10 Références et lectures complémentaires .............................367 CHAPITRE 13 RUPTURE ET TÉNACITÉ
13.1 13.2
Objectifs ............................................................................369 La rupture fragile .............................................................. 370
13.3 13.4 13.5 13.6 13.7
La rupture ductile................................................................378 Résumé et conclusions .......................................................382 Exemple illustratif: l’affaire Comet ....................................383 Exercices ...........................................................................386 Références et lectures complémentaires .............................388
CHAPITRE 14 PROPRIÉTÉS PHYSIQUES
14.1 14.2 14.3 14.4 14.5 14.6 14.7 14.8 14.9
Objectifs ............................................................................389 Conductivité électrique .......................................................389 Conductivité thermique ......................................................403 Propriétés magnétiques.......................................................409 Propriétés optiques ............................................................417 Résumé et conclusions ......................................................428 Exemple illustratif: applications innombrables pour aimants permanents ...................................................429 Exercices ............................................................................431 Références et lectures complémentaires .............................432
Table des matières
XV
CHAPITRE 15 DÉGRADATION, CORROSION, VIEILLISSEMENT
15.1
Objectifs ............................................................................435
15.2 15.3
Formes diverses du vieillissement .....................................435 Corrosion des métaux ........................................................437
15.4
Dégradation des polymères ...............................................445
15.5 15.6
Résistance des céramiques à la corrosion chimique...........452 Résumé et conclusions ......................................................452
15.7 15.8
Exemple illustratif: corrosion du béton armé par les sels de déneigement ou par immersion en milieu marin ...............453 Exercices ............................................................................455
15.9
Références et lectures complémentaires .............................456
CHAPITRE 16 MATÉRIAUX COMPOSITES
16.1
Objectifs ............................................................................457
16.2 16.3 16.4
Introduction .......................................................................457 Matériaux composites à base de fibres ...............................458 Structures sandwiches .......................................................468
16.5 16.6 16.7
Résumé et conclusions .......................................................470 Exemple illustratif: matériaux pour skis de l’an 2000 ........470 Exercices ............................................................................476
16.8
Références et lectures complémentaires .............................477
CHAPITRE 17 ANNEXES
17.1
Masse volumique et propriétés mécaniques des principaux matériaux ..........................................................479
17.2
Rayons atomiques en fonction des différents types de liaisons chimiques .........................................................480 Principaux matériaux polymères .......................................481 Classification des principales céramiques ..........................483 Références .........................................................................484
17.3 17.4 17.5
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE .............................................485 LISTE DES SYMBOLES .........................................................487 INDEX ANALYTIQUE ............................................................491 SOURCE DES ILLUSTRATIONS...........................................499 BIOGRAPHIE DES AUTEURS ..............................................500
CHAPITRE 1
LES MATÉRIAUX
1.1 OBJECTIFS • • • •
Connaître les diverses classes de matériaux et leurs propriétés. Décrire la microstructure des matériaux et leur comportement. Définir la science des matériaux. Analyser le cycle des matériaux et définir la notion de ressource.
Les matériaux ont de tout temps défini le niveau de développement de notre civilisation. Les premiers pas de l’humanité ont ainsi été marqués par l’Age de la Pierre, du Bronze et du Fer. Aujourd’hui, ils jouent un rôle déterminant dans toutes les mutations technologiques. Quelle que soit sa spécialité, l’ingénieur ne peut ni concevoir, ni construire de nouveaux objets sans tenir compte des propriétés des matériaux qu’il utilise. C’est en général le comportement des matériaux qui limite les performances des machines et des équipements. Les propriétés des matériaux sont définies par la nature des liaisons chimiques, l’arrangement atomique et la microstructure. L’étude des relations entre l’organisation à l’échelle atomique, la microstructure et les propriétés des matériaux, constitue le domaine de la Science des Matériaux. En plus de leur comportement l’utilisation des matériaux dépend également de leur disponibilité, de leur coût, de leurs méthodes de synthèse et de fabrication. L’emploi des matériaux est aussi conditionné par les méthodes de transformation, leur facilité de mise en forme et leur compatibilité avec l’environnement.
1.2 LES MATÉRIAUX 1.2.1 Comment définir un matériau ? La matière dont est formé le monde qui nous entoure est composée de particules discrètes, ayant une taille submicroscopique, dont les lois de comportement sont décrites par les théories atomiques. Les états d’organisation de la matière sont très variés depuis le désordre complet des atomes ou des molécules d’un gaz sous faible pression jusqu’à l’ordre quasi parfait des atomes dans un monocristal. Dans cet ouvrage introductif nous définissons les matériaux comme les solides utilisés par l’homme pour la fabrication d’objets qui constituent le support de son cadre de vie. En effet, aucun objet ne peut être réalisé sans matériaux. Tous les secteurs de l’activité humaine dépendent des matériaux, de la fabrication d’un circuit intégré à
2
Introduction à la science des matériaux
l’édification d’un barrage hydroélectrique. Ils apparaissent dans notre corps pour renforcer ou se substituer à nos biomatériaux endommagés. Les matériaux sont aussi indispensables à notre société que la nourriture, l’énergie et l’information. On a trop souvent tendance à oublier leur rôle essentiel. La définition reprise dans cet ouvrage introductif est limitée aux matériaux solides. Elle exclut volontairement les liquides et les gaz, de même que les matières énergétiques.
1.2.2 Complémentarité des matériaux Les matériaux sont communément classés en fonction de leurs propriétés les plus typiques: matériaux à haute résistance mécanique, conducteurs électriques, aimants permanents, etc. Pour mettre en évidence les multiples fonctions que remplissent les matériaux, nous allons examiner dans le paragraphe suivant la composition des différents éléments d’une ligne électrique à haute tension. Le câble porteur du courant électrique doit être bon conducteur d’électricité pour minimiser les pertes. Pour augmenter la capacité des câbles porteurs, on utilise une tension électrique qui est très élevée. Pour des raisons d’économie on suspend les câbles à des pylônes en utilisant l’air comme isolant. Pour limiter le nombre de pylônes, le câble doit être léger et très résistant à la rupture. À l’ambiance, les meilleurs conducteurs électriques sont des métaux à l’état très pur: le cuivre et l’aluminium. Cependant, ces métaux à l’état très pur n’ont pas une résistance mécanique suffisante. Il faut donc utiliser un câble conducteur composé de plusieurs matériaux. L’âme du câble est faite en fils d’acier très résistants aux sollicitations mécaniques mais caractérisés par une conductivité électrique plus faible. Le transport de l’énergie électrique est en majeure partie assuré par des fils d’aluminium pur qui sont plus légers que le cuivre et qui sont disposés autour de l’âme en acier du câble. Les pylônes sont fabriqués en acier pour résister au poids du câble. L’acier doit être protégé contre la corrosion (rouille) par une peinture, un matériau polymère, ou par un revêtement métallique, tel que le zinc. Des éléments isolants sont nécessaires pour fixer les câbles sur les pylônes métalliques. Cette fonction est remplie par des isolateurs en porcelaine qui est un matériau céramique. Le béton, autre matériau céramique, est utilisé pour l’ancrage des pylônes dans le terrain. Une demi-douzaine de matériaux sont donc nécessaires pour la réalisation d’une ligne à haute tension et leur combinaison appropriée permet d’établir un système fonctionnel. Cet exemple d’une complexité moyenne montre qu’une réalisation technique met en général en jeu un nombre important de matériaux.
1.2.3 Les trois classes de matériaux Les matériaux sont classés suivant différents critères comme par exemple leur composition, leur structure ou leurs propriétés. Dans cet ouvrage, nous faisons la distinction entre trois grands groupes de matériaux (fig. 1.1). Cette classification est basée sur la nature des liaisons et sur les structures atomiques:
Les matériaux
3
FIG. 1.1 Les trois classes de matériaux: métaux, céramiques et polymères organiques avec quelques possibilités de combinaison pour former des matériaux composites.
• les métaux et leurs alliages (liaisons métalliques); • les polymères organiques (liaisons covalentes et liaisons secondaires); • les céramiques (liaisons ioniques et liaisons covalentes). Cette classification peut être examinée à l’aide du Tableau périodique des Éléments (Tableau de Mendeléev, fig. 1.2). La majeure partie des éléments (à gauche et au centre du tableau de Mendeléev) sont des métaux (environ 70). La partie de droite du Tableau Périodique est occupée par les non- métaux, comme l’oxygène. Dans le domaine intermédiaire entre les métaux et les non-métaux, on trouve un certain nombre d’éléments comme le carbone et le silicium (semiconducteur) qui échappent à cette classification simple. A température ambiante, la plupart des métaux sont des solides atomiques. Les métaux les plus utilisés sont le fer, l’aluminium et le cuivre. Les alliages métalliques sont, en général, les combinaisons de deux ou de plusieurs métaux comme dans le cas des laitons (alliages de cuivre et de zinc), mais ils peuvent également contenir des éléments non métalliques. Parmi ce type d’alliage on trouve, par exemple, la plupart des aciers (alliages fer-carbone). Les métaux et leurs alliages sont ordinairement très bons conducteurs de la chaleur et de l’électricité et opaques à la lumière visible qu’ils réfléchissent. Ils sont le plus souvent durs, rigides et déformables plastiquement (chap. 10). Un nombre important de métaux possèdent une température de fusion (Tm) élevée. Les polymères organiques sont des matériaux composés de molécules formant en général de longues chaînes d’atomes de carbone sur lesquels sont fixés des éléments comme l’hydrogène ou le chlore, ou des groupements d’atomes comme le ra-
4
Introduction à la science des matériaux
1
1
2
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1,01
2
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3
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5
6
7
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10,81 12,01 14,01 16,00 19,00 20,18
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12 Na Mg
13 Al
23,00 24,31
4
19 K
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Si
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26,98 28,09 30,97 32,06 35,45 39,95
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Br
Kr
39,10 40,08 44,96 47,90 50,94 52,00 54,94 55,85 58,93 58,71 63,54 65,37 69,72 72,59 74,92 78,96 79,91 83,80
5
37
38
39
40
Rb
Sr
Y
Zr Nb Mo Tc Ru Rh Pd
41
42
85,47 87,62 88,91 91,22 92,91 95,94
55
6
43 (99)
44
45
46
48
49
50
51
52
53
Ag Cd
47
In
Sn
Sb
Te
I
54 Xe
101,1 102,9 106,4 107,9 112,4 114,8 118,7 121,8 126,6 126,9 131,3
56
57
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
Cs Ba
La
Hf Ta
W
Re
Os
Ir
Pt
Au Hg
Tl
Pb
Bi
Po
At
Rn
132,9 137,3 138,9 178,5 180,9 183,8 186,2 190.2 192,2 195,1 197,0 200,6 204,4 207,2 209,0 (209) (210) (222)
7
87
88
Fr
Ra Ac
89
(223) (226) (227)
6
58
59
60
Ce
Pr
Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
Er Tm Yb Lu
140,1 140,9+ 144,2 (147) 150,4 152,0 157,3 158,9 162,5 164,9 167,3 168,9 173,0 175,0
7
91
92
93
97
98
99
Th Pa
90
U
Np Pu Am Cm Bk
94
95
96
Cf
Es Fm Md No Lw
223,0 (231) 238,0 (237) (242) (243) 247)
100 101 102 103
(249) (251) (254) (253) (256) (245) (256)
FIG. 1.2 Tableau périodique des éléments avec indication de la masse atomique (tableau de Mendeleïev). Les métaux sont indiqués en caractère romain gras et les non-métaux en caractère romain maigre. Il existe un certain nombre d’éléments comme le bore, le silicium,… qui possèdent un comportement intermédiaire. Ces éléments sont notés en italique maigre.
dical méthyle (—CH3). D’autres éléments comme le soufre, l’azote, le silicium, etc., peuvent également intervenir dans la composition de la chaîne. Les polymères organiques les plus connus sont le poly(chlorure de vinyle) (PVC), le polyéthylène (PE) et le polystyrène (PS). L’annexe 18.3 donne les principales abréviations des polymères organiques. Ils sont souvent connus par leur «marque de fabrique»: poly(méthacrylate de méthyle) (PMMA ou «Plexiglas»), polyamides (PA ou «Nylons»), poly(tétrafluoroéthylène) (PTFE ou «Téflon»). Les polymères organiques (verres organiques, caoutchoucs, ...) ont des propriétés physiques très diversifiées. Ils sont presque toujours des isolants électriques et thermiques. Ils sont légers et très faciles à mettre en forme. Contrairement aux métaux, les polymères, la plupart du temps, ne supportent pas des températures supérieures à 200 °C. Les céramiques sont des matériaux inorganiques qui, en règle général, résultent de la combinaison d’un nombre limité d’éléments métalliques (Mg, Al, Ti, ...) avec des éléments non métalliques dont le plus courant est l’oxygène. Originellement, le terme céramique était réservé aux oxydes (silice SiO2, alumine Al2O3, ...). On élargit cette classification en y incluant d’autres combinaisons d’atomes comme le carbure de tungstène (WC) ou le nitrure de silicium (Si3N4). On connaît surtout les matériaux céramiques par leur caractère réfractaire, c’està-dire par leurs résistances mécanique et thermique élevées mais l’usage des céra-
Les matériaux
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miques est loin de se limiter à ce type d’application. Les céramiques sont en général des matériaux très durs et elles sont largement utilisées comme abrasifs. La plupart des céramiques sont des isolants électriques et thermiques mais on trouve parmi ces matériaux les meilleurs conducteurs thermiques comme le diamant. Un grand nombre de céramiques ont également des applications importantes dans les appareillages électriques ainsi que dans l’électronique. Les verres minéraux, qui sont des combinaisons d’oxydes (SiO2 + Na2O + CaO + …) à structure amorphe, font également partie de la classe des céramiques. Notons que de manière générale les verres et les céramiques sont des matériaux fragiles ce qui réduit leurs emploi pour des application où les chocs mécaniques et thermiques sont importants. Les trois types de matériaux peuvent être combinés pour former des matériaux composites (fig. 1.1). Un matériau composite est constitué de deux ou de plusieurs matériaux différents qui combinent de manière synergique leurs propriétés spécifiques. C’est le cas des résines époxydes (polymère) renforcées par les fibres de verre qui forment un composite léger et à haute résistance mécanique. Le béton, agglomérat de ciment et de gravier, représente un autre exemple de matériau composite. La subdivision des matériaux en trois classes principales, basée surtout sur les caractéristiques atomiques, structurales et sur les propriétés est commode, mais elle présente un certain caractère arbitraire. Ainsi, le diamant, qui peut être considéré comme un polymère tridimensionnel, est un matériau organique puisqu’il est composé d’atomes de carbone. Cependant, sa dureté et ses propriétés mécaniques le rattachent plutôt aux céramiques. De même, la conductivité électrique n’est plus l’apanage des métaux puisque certains oxydes (VO2, YBa2Cu3O7) et quelques polymères organiques conduisent l’électricité. Toute classification des matériaux possède donc un certain caractère arbitraire: il n’y a pas de solution de continuité entre les trois classes de matériaux. D’autres classifications, basées sur certaines propriétés spécifiques des matériaux comme la semiconductivité, peuvent également se justifier.
1.2.4 Propriétés des matériaux Un matériau possède un ensemble de propriétés qui détermine son comportement. On caractérise une propriété d’un matériau en analysant la réaction du matériau à une sollicitation extérieure. On détermine en général une propriété à l’aide d’un essai normalisé. Selon le type de sollicitations extérieures, on distingue trois catégories de propriétés: • Les propriétés mécaniques qui reflètent le comportement des matériaux déformés par un ensemble de forces. • Les propriétés physiques qui mesurent le comportement des matériaux soumis à l’action de la température, des champs électriques ou magnétiques ou de la lumière. • Les propriétés chimiques qui caractérisent le comportement des matériaux dans un environnement réactif.
6
Introduction à la science des matériaux
La réalisation des objets et des structures conçus par l’ingénieur est fréquemment limitée par les propriétés des matériaux disponibles. Tout progrès technologique important est souvent lié au développement de matériaux dotés de propriétés améliorées ou nouvelles. Ainsi, on sait qu’il est possible d’augmenter de manière substantielle le rendement énergétique des turbines à gaz (réacteurs d’avion) en travaillant à température plus élevée. La mise au point de moteurs plus performants est cependant conditionnée par la mise au point d’alliages métalliques plus résistants au fluage ou de céramiques ayant une meilleure tenue au choc thermique. Certaines propriétés dérivent directement de l’arrangement des atomes et de la nature des liaisons. C’est le cas de l’opacité des métaux, de la transparence des verres ou de l’extensibilité des caoutchoucs. D’autres propriétés des matériaux sont fortement dépendantes de leur microstructure qui est composée de grains ou de particules de taille microscopique, dotés d’une morphologie déterminée. 1.2.5 Utilisation des matériaux Il est primordial de choisir les matériaux les mieux adaptés aux applications envisagées. Les critères de choix doivent prendre en compte les facteurs suivants: • les fonctions principales des objets et des structures dont la réalisation est envisagée; il est par exemple nécessaire de déterminer les modes de mise en charge, les températures ainsi que les conditions générales d’utilisation; • le comportement intrinsèque des matériaux: résistance à la rupture, à l’usure, à la corrosion, conductibilité, etc.; • le comportement des matériaux durant leur fabrication et leur transformation; • le comportement des matériaux vis-à-vis de l’environnement; • le prix de revient des diverses solutions envisageables; • les possibilités de recyclage ou d’élimination par incinération avec récupération d’énergie. Dans le développement d’une technologie, il est fréquent de substituer un matériau à un autre, soit pour des raisons de performance, soit pour des motifs économiques ou écologiques. Prenons l’exemple des carrosseries de voiture. Initialement, ces carrosseries étaient construites en bois. Progressivement, le bois a été remplacé par le métal, ce dernier étant à son tour partiellement supplanté par des polymères organiques. Si le métal a été substitué au bois, c’est avant tout parce qu’il se prête mieux au formage et qu’il possède des propriétés contrôlables et moins sensibles à l’humidité ce qui facilite la fabrication d’objets en grande série et qui augmente la fiabilité. On tend également à alléger les structures et les objets en mouvement pour réaliser des économies énergétiques. C’est pour ce motif que l’on a introduit dans la construction automobile des matériaux polymères qui ont une masse volumique ρ voisine de 1,5 g cm–3 (ou t m–3) alors que celle de la tôle d’acier, constituant actuellement la majeure partie des carrosseries, est voisine de 8 g cm–3. On allège également les carrosseries en utilisant des tôles d’acier plus minces à haute résistance pro-
Les matériaux
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duites par une meilleure connaissance des mécanismes de durcissement (aciers à grains fins) ou par l’emploi de tôle d’aluminium. Cependant, les matériaux plus légers ont des propriétés mécaniques moins élevées que celles des matériaux traditionnels comme les aciers. Pour des applications qui font intervenir des contraintes mécaniques en traction, il faut prendre en considération le rapport E ρ pour choisir le type de matériaux à utiliser. La valeur de ce rapport est pratiquement équivalente pour les aciers et pour l’aluminium. Par contre, pour les polymères thermoplastiques ce rapport E ρ est environ 10 fois plus petit. Ce simple calcul nous montre que, malgré leur faible densité, l’emploi des polymères ne peut être utilisé lorsque les contraintes mécaniques sont importantes. L’utilisation des matériaux fait intervenir d’autres critères de choix (résistance à la corrosion, apparence…) que celui de la résistance mécanique. Dès lors, les matériaux polymères organiques se développent à un rythme accéléré d’autant plus que grâce à l’introduction de fibres à haut module (carbone, verre, etc.) on obtient des propriétés mécaniques supérieures à celles des matériaux ferreux tout en gardant une masse spécifique inférieure à 2 g cm–3 ou t m–3). Ces matériaux appelés matériaux composites s'introduisent progressivement dans divers marchés porteurs (aviation, construction automobile, articles de sport). Le développement des composites reste freiné par leur coût de production et de fabrication plus élevé que celui des matériaux classiques. Il pose également de sérieux problèmes de recyclage. La fabrication des verres de montre a subi elle aussi, au fil des ans, une évolution considérable. On a d’abord remplacé le verre minéral fragile par un verre organique (polymère) résistant à l’impact mais rayable. Actuellement, on utilise également comme verre de montre une plaquette de monocristal de saphir synthétique qui est un matériau céramique qui associe transparence, résistance au choc et résistance au rayage. Ces exemples montrent que les matériaux sont en développement constant. Un matériau mis au point pour une application spécifique a souvent des retombées dans d’autres domaines de la technologie. Ce développement croissant des matériaux associé à une meilleure interprétation théorique de leur comportement a abouti, dans les années 50, à la naissance de la science des matériaux. Celle-ci est étroitement associée à la notion de microstructure.
1.3 LA SCIENCE DES MATÉRIAUX 1.3.1 Microstructure Actuellement, les aubes des turbines à gaz conservent des propriétés mécaniques élevées et résistent à l’oxydation jusqu’à une température légèrement supérieure à 1000 °C. Celles-ci sont fabriquées en alliages métalliques à base de nickel contenant une dizaine d’éléments dont l’aluminium, le titane et le chrome. La résistance de ces alliages aux sollicitations mécaniques à température élevée résulte essentiellement de leur microstructure. Comme nous l’avons déjà mentionné au paragraphe 1.2.4, la microstructure décrit l’ensemble des grains ou des particules de taille microscopique, qui caractérise la
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Introduction à la science des matériaux
structure d’un grand nombre de matériaux. La microstructure d’un matériau est donc formée par l’ensemble des grains , des particules ou des défauts observables par microscopie (optique et électronique). Pour comprendre le comportement des matériaux, il faut établir la liaison entre des phénomènes qui se déroulent à l’échelle microscopique et submicroscopique et les propriétés du matériau. Cette liaison met en relation des phénomènes qui se déroulent à des échelles faisant intervenir neuf ordres de grandeur du nanomètre (109 m) au mètre (fig. 1.3). Plusieurs étapes de grossissement sont donc nécessaires, pour passer de l’échelle de l’aube d’une turbine à gaz à l’observation de la microstructure et à la détermination de l’arrangement des atomes. Ces analyses mettent successivement en jeu le microscope optique (observation du mm au µm), le microscope électronique (observation de 100 µm au nm) et la diffraction des rayons X pour l’analyse de l’arrangement à l’échelle atomique (observation à l’échelle du nm). Les éléments de la microstructure d’un matériau sont en général définis par plusieurs paramètres: • • • • •
composition; arrangement atomique; quantité relative; morphologie; taille.
La microstructure détermine les propriétés d’un très grand nombre de matériaux. C’est grâce à la modification contrôlée de la microstructure lors de la fabrication ou de la transformation que l’ingénieur en matériaux obtient une large gamme de propriétés. Une variation de la microstructure au cours du temps lors de l’utilisation du matériau entraîne une modification importante de ses propriétés (phénomène de vieillissement). Pour obtenir des matériaux fiables, il est indispensable de maîtriser les phénomènes de vieillissement qui sont le résultat de modifications physiques ou de réactions chimiques.
1.3.2 Science des matériaux Les sollicitations auxquelles sont soumis les matériaux sont complexes et multiples. Leur comportement pour une utilisation déterminée est représenté par un ensemble de propriétés. On parle également du comportement des matériaux pendant leur fabrication ou leur mise en forme (par exemple, la coulabilité, la déformabilité…). Le concept de la science des matériaux est né de la nécessité d’acquérir la maîtrise du comportement des matériaux par la connaissance des lois fondamentales qui déterminent leur propriétés. La science des matériaux a pour objectif d’établir les relations existant entre la composition et l’organisation atomique ou moléculaire, la microstructure et les propriétés macroscopiques des matériaux. Cette science est complétée par le génie des matériaux qui s’occupe des procédés de fabrication, de transformation et de mise en forme.
Les matériaux
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Une connaissance fondamentale des matériaux n’était pas nécessaire lorsque l’homme se contentait de l’argile, du bois et de la laine... pour satisfaire la plupart de ses besoins. L’approche empirique et l’expérience accumulée par les métallurgistes et les céramistes depuis des milliers d’années ne sont plus suffisantes pour satisfaire aux besoins contemporains et s’adapter aux exigences complexes de la technologie moderne. Une approche unifiée, quantitative et fondamentale de la description du comportement des matériaux de l’ingénieur est devenue indispensable. La science des matériaux a un caractère général et une approche multidisciplinaire qui fait appel aux connaissances du chimiste et du physicien du côté des sciences de base, et à celles de l’ingénieur (mécanicien, électricien, du génie civil) du côté des applications et des procédés de fabrication. La science des matériaux émerge comme un ensemble cohérent. Elle est couplée au génie des matériaux qui a pour objectif la réalisation de matériaux aux propriétés déterminées. La science des matériaux traite l’ensemble des matériaux, métaux, céramiques, polymères, composites de manière unifiée avec les mêmes concepts théoriques et les mêmes outils expérimentaux. Comme le schématise la figure 1.4, la science et le génie des matériaux comportent quatre pôles principaux: synthèse, fabrication et transformation, compo-
FIG. 1.3 Rapport de grandeur entre les structures et les microstructures en relation avec quelques grands domaines de la science et de la technologie.
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Introduction à la science des matériaux
sition et structure, propriétés et performances. Les différents comportements (à la fabrication comme à l’utilisation) ainsi que les facteurs économiques qui y sont associés caractérisent la performance d’un matériau. Les quatre pôles de la sciences des matériaux sont étroitement associés. Le matériau est élaboré au cours de sa synthèse (polymère) ou de sa fabrication (métaux, alliages, céramiques, etc.). La transformation a comme objectif de mettre en forme le matériau élaboré et d’en préparer un objet fini caractérisé par son comportement. La transformation se fait, en règle générale, en plusieurs étapes. Par exemple, la préparation d’une pièce de carrosserie fait intervenir successivement le laminage de la tôle à partir du lingot d’acier, l’emboutissage de la tôle pour former la pièce et une série d’opérations annexes de finissage (peinture, etc.). Pour atteindre des propriétés optimales, il est indispensable de maîtriser la structure et la composition du matériau et il faut par conséquent posséder une série de techniques d’analyse très sophistiquées.
FIG. 1.4 Les quatre pôles de base de la science et du génie des matériaux.
Ce sont les contributions multiples de la science et du génie des matériaux qui ont complètement remodelé le monde qui nous entoure en libérant l’homme d’un grand nombre de contraintes liées à notre environnement. Notre mode de vie s’est radicalement transformé en quelques décennies en majeure partie grâce à l’apport de la science et du génie des matériaux qui ont permis la création des outils de la vie moderne: voitures, avions, ponts, téléphériques, ordinateurs, équipements de télécommunications, satellites, substituts biomédicales…
1.4 CYCLE DES MATÉRIAUX ET RESSOURCES 1.4.1 Cycle des matériaux. Recyclage La capacité de production des matériaux est étroitement liée aux ressources naturelles et aux possibilités de recyclage des déchets. Après extraction, la matière première subit des transformations physiques et chimiques diverses qui aboutissent à l’obtention des matériaux. L’accumulation des équipements et des biens de consommation s’accompagne d’un surplus localisé de matériaux usagés. Ceci pose le pro-
Les matériaux
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blème de la récupération (recyclage) des matériaux. La figure 1.5 décrit le cycle des matériaux, avec ses multiples phases de transformations successives, qui vont de l’exploitation des ressources à la formation des déchets. Une gestion optimale de ce cycle reste très difficile à réaliser en pratique. Cependant, sa maîtrise devient à la longue de plus en plus importante pour la sauvegarde de l’environnement. Le recyclage est habituellement très aisé pour les métaux. Pour d’autres matériaux, comme les polymères organiques, cette récupération reste difficile en raison de leur structure chimique complexe qui rend difficile la séparation des constituants de ces matériaux et ne permet pas la formation d’alliage. Pour des raisons écologiques et sous la pression des pouvoir publiques, on imagine actuellement divers procédés de recyclage des polymères. Ceux-ci ne produisent généralement que des matériaux de faible performance et ces procédés restent très difficiles à valoriser. Ce n’est qu’en standardisant les polymères utilisés qu’on arrivera à mettre au point des méthodes de recyclage des polymères efficaces.
FIG. 1.5 Cycle des matériaux (d’après: Matériels and Man’s Needs, 1974 et A. Kelly, 1994).
Un exemple actuellement en cours de développement est celui des polymères intervenant dans l’automobile qui sont non seulement sélectionnés pour leurs performances mais aussi en fonction de leur recyclabilité en raison des tonnages importants utilisés. Ceci amène entre autres une limitation du nombre de polymères utilisés dans un véhicule. Notons que pour les polymères courants comme ceux intervenant dans l’emballage, il est actuellement plus économique de les incinérer pour en récupérer l’énergie. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes au niveau écologique. Par contre, le recyclage des verres minéraux (céramiques), du papier (cellulose + lignine) et des polymères organiques, qui est pris en main par les pouvoirs pu-
12
Introduction à la science des matériaux
bliques de la majorité des pays européens et nord-américains, est complètement entré dans les mœurs.
1.4.2 Ressources et réserves Les ressources d’un élément sont constituées par la quantité de cet élément disponible dans l’écorce terrestre, les océans et l’atmosphère, et qui pourrait être extraite dans le futur. Toutes les ressources ne sont donc pas utilisables dans le présent. Pour calculer les ressources de la terre en éléments, on ne tient compte de leur concentration moyenne dans l’écorce terrestre continentale que jusqu’à une profondeur relativement faible (1 km par exemple). Cette portion limitée de l’écorce terrestre correspond à une masse totale d’environ 1018 tonnes. La concentration moyenne des éléments dans l’écorce terrestre est généralement beaucoup trop faible pour que la production de la plupart des métaux soit rentable. Seuls les gisements, c’est-à-dire les zones où la concentration d’un minerai est importante et qui résultent de processus géologiques d’enrichissement, valent la peine d’être exploités. TABLEAU 1.6 Répartition moyenne des principaux éléments dans l’écorce terrestre, les océans et l’atmosphère. Écorce continentale (1 km) Masse ≅ 1018 tonnes (% poids) O Si Al Fe Ca Na K Mg Ti
47 27 8 5 4 3 3 2 0,4
Océans Masse ≅ 1017 tonnes (% poids) O H Cl Na
85 10 2 1
Atmosphère Masse ≈ 1016 tonnes (% poids) N O Ar
79 19 2
La fraction des ressources qui est actuellement susceptible d’une exploitation économique est appelée réserve. Les réserves sont donc beaucoup moins importantes que les ressources. La limite entre les deux est conditionnée par l’ensemble des facteurs économiques et technologiques liés à leur exploitation. Elles varient donc au cours du temps et dépendent également de la stratégie économique des divers états et des grands groupes industriels. Neuf éléments constituent 99,4 % de la masse de l’écorce terrestre (tab. 1.6). On trouve parmi ceux-ci deux métaux importants: le fer et l’aluminium qui sont actuellement produits à grande échelle. La concentration moyenne des autres métaux présents dans l’écorce terrestre et qui ne figurent pas dans le tableau 1.6 est inférieure à 0,01%, soit 100 g/t. C’est le cas du cuivre qui est cependant produit à un tonnage voisin de l’aluminium. L’écorce terrestre est composée à environ 96% de son volume d’oxydes qui constituent des ressources inépuisables pour la fabrication des céramiques. Les po-
Les matériaux
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lymères organiques sont élaborés à partir du charbon et des hydrocarbures qui constituent également des ressources présentes en très grande quantité. L’extraction des ressources et la fabrication des matériaux exigent de très grosses quantités d’énergie. Le prix des matériaux est donc fortement dépendant du prix de l’énergie. D’un point de vue énergétique, les matériaux organiques sont particulièrement favorisés, car l’énergie nécessaire à leur synthèse (y compris leur contenu énergétique intrinsèque) et à leur transformation est beaucoup plus faible que celle utilisée pour la fabrication et la mise en œuvre des métaux ou des céramiques. Certains métaux, l’aluminium en particulier, sont de très gros consommateurs d’énergie. Ils voient donc leur croissance freinée au profit des matériaux organiques pour des motifs liés, entre autres, au coût de l’énergie. La figure 1.7 donne une estimation du coût des principaux matériaux tandis que la figure 1.8 indique le coût de production par unité de poids des divers objets manufacturés. Les matériaux de construction comme le béton, qui sont les moins chers, sont les plus employés. Les matériaux métalliques sont employés dans pratiquement tous les domaines d’activité manufacturière en particulier dans l’automobile parce qu’ils présentent une meilleure combinaison des propriétés mécaniques (rigidité, résistance à la rupture, déformabilité, ténacité). Les polymères thermoplastiques qui sont particulièrement adaptés à une production de masse, sont largement utilisés dans l’électroménager. Les élastomères (caoutchoucs) constituent une autre catégorie importante de matériaux polymères (pneumatiques, joints, tuyaux flexibles, supports élastiques, etc.). Les verres minéraux, qui sont des matériaux céramiques peu coûteux, sont largement utilisés à raison de leur transparence. Les céramiques techniques (zircone (ZrO2), nitrure et carbure de silicium,…), dont le coût est beaucoup plus élevé, sont
Coût des matériaux par unité de poids ($/ kg)
105
104
103 Polymères
102
Matériaux composites structuraux Matériaux spéciaux
10
1
10–1
Matériaux de construction Métaux et alliages
Céramiques et verres minéraux
Types de matériaux FIG. 1.7 Variation du coût de divers types de matériaux par unité pondérale (d’après Ashby, 1992).
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Introduction à la science des matériaux
Coût des produits manufacturés par unité de poids ($/ kg)
réservées à des applications techniques à très haute température (1900 -2300 °C). Une application importante des composites à base de fibres de verre se situe dans le domaine des constructions navales (bateaux de plaisance) tandis que l’utilisation des composites à base de fibres carbones beaucoup plus coûteuses se limite surtout à l’aviation civile (empennage), militaire et à l’aérospatiale. Les matériaux spéciaux comme les métaux nobles (or, platine, etc.), le diamant et les métaux durs (cermet) sont généralement réservés à des applications de haute technologie. La fabrication d’objets ne demandant que de très petites quantités de matière peut se faire de manière économiquement valable avec des matériaux plus coûteux tandis que la construction de produits manufacturés de poids plus important doit nécessairement faire intervenir des matériaux moins onéreux pour être rentable. C’est ce qui explique (fig. 1.8) qu’un objet aussi commun qu’une brosse à dent à un coût pondéral plus élevé que celui d’une Rolls Royce.
Biomédical
105 Équipement sportif
104 103
Lentilles de contact Valve cardiaque Fausses dents
Industrie automobile
102
Aéronautique Aérospatiale
Emballages
10
Protèse de la hanche Brosse à dent
Électroménager
1
Constructions navales Offshore –1 Matériaux 10 de construction
Produits manufacturés
Ferrari Rolls Royce Limousine Voiture familiale Petite voiture
FIG. 1.8 Coût des produits manufacturés par unité pondérale. En encart, le coût des matériaux de l’automobile et du biomédical (d’après Ashby, 1992).
1.5 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Les matériaux jouent un rôle essentiel dans notre société. Tout progrès technologique important est conditionné par l’amélioration des propriétés des matériaux existants, par l’apparition de matériaux nouveaux ou de procédés de fabrication plus performants et moins coûteux.
Les matériaux
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Les matériaux peuvent être classés en trois catégories: les métaux, les polymères organiques et les céramiques. Chaque catégorie de matériaux possède un ensemble de propriétés spécifiques qui caractérisent leur réponse à l’action des sollicitations extérieures. Il faut souligner que certaines propriétés sont communes à plusieurs classes de matériaux et qu’il est fréquent, pour des motifs économiques ou techniques, de substituer un matériau à un autre pour une application déterminée. Les propriétés d’un grand nombre de matériaux sont conditionnées par leur microstructure. Celle-ci dépend de la composition et de l’organisation atomique ou moléculaire, mais également des traitements physiques et chimiques qu’a subi le matériau durant sa fabrication et sa mise en forme. D’autre part, toute évolution de la microstructure intervenant en cours de service entraîne aussi une modification des propriétés. La science des matériaux peut être considérée comme une approche unifiée et fondamentale de la description du comportement de l’ensemble des matériaux. Cette science, encore très jeune, reste actuellement en pleine évolution. Un des objectifs de la science des matériaux est de connaître la variation des propriétés en fonction des modifications de leur microstructure et de mettre en évidence les phénomènes responsables de ces modifications. Une étude sommaire du cycle des matériaux permet de montrer l’importance des ressources et des réserves qui, avec le coût de l’énergie nécessaire à l’extraction, à la transformation et au recyclage des matières premières en matériaux, déterminent leur prix de revient.
1.6 EXEMPLE ILLUSTRATIF: UNE HANCHE ARTIFICIELLE Les grandes révolutions techniques sont étroitement associées au développement de matériaux nouveaux. C’est le cas notamment des progrès spectaculaires réalisés durant ces dernières années en chirurgie orthopédique. On produit actuellement des prothèses qui remplacent des parties importantes et vitales de l’organisme humain. Des exigences extrêmement sévères sont imposées aux matériaux utilisés pour la construction de ces prothèses. Il faut en particulier que les matériaux soient biocompatibles, c’est-à-dire qu’ils ne soient ni toxiques pour l’organisme, ni cancérigènes, et qu’ils n’induisent aucune réaction de rejet. Ils doivent, en plus, satisfaire à une série d’exigences au niveau du comportement mécanique et de la longévité. Ils doivent en particulier avoir une bonne résistance à la fatigue et aux chocs répétés, ainsi qu’une bonne tenue à l’usure et à la corrosion en milieu agressif. Pour illustrer ces problèmes d’ingénierie médicale, prenons l’exemple des prothèses de la hanche qui sont parmi les plus répandues actuellement (~700 000 par an). Ces prothèses sont formées d’une queue d’ancrage surmontée d’une tête sphérique insérée dans une cupule. Cet ensemble, qui est représenté à la figure 1.9, doit être capable d’exécuter des mouvements circulaires dans les trois directions de l’espace.
16
Introduction à la science des matériaux
Dès 1940, les médecins ont étudié la possibilité d’implanter une prothèse pour résoudre les cas d’usure prématurée de l’articulation de la hanche par suite d’accident ou d’arthrose. Des premiers essais de substitution de la tête du fémur par une prothèse ont été réalisés en alliage de cobalt. Cette solution fut abandonnée car le cartilage de la cavité fémorale était rapidement endommagé. Depuis 1950, on réalise des prothèses totales composée d’une tige métallique et d’une tête sphérique venant s’insérer dans une cupule rapportée dans la cavité fémorale. Les principaux problèmes à résoudre étaient relatifs à l’ancrage de la prothèse dans le tissu osseux et à l’usure des parties en frottement. Dès 1960, on disposait de prothèses capables de résister pendant une période de dix à vingt ans et donc utilisables en premier lieu pour des patients âgés. L’ancrage de la queue de la prothèse était réalisé à l’aide d’un ciment à base de polymère organique (PMMA) permettant de relier mécaniquement l’os à la prothèse. Ce ciment de liaison assure une bonne transmission des efforts. La résistance à l’usure a été optimisée en utilisant une tête de fémur en acier inoxydable forgé (Fe, Cr, Ni, Mo) et une cupule en polymère qui est surtout composée de polyéthylène de très haute masse moléculaire. Parallèlement à l’introduction de ces nouveaux matériaux, les études de conception globale de la prothèse ont joué un rôle important dans leur mise au point.
FIG. 1.9 Articulation artificielle: prothèse rotatoire de la hanche.
Les matériaux
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Grâce à des progrès récents de la science des matériaux, de nouvelles améliorations ont été introduites. Par exemple, on a augmenté de manière substantielle la résistance à la fatigue des alliages métalliques constituant la queue d’ancrage en sélectionnant un alliage de cobalt (Co, Ni, Cr, Mo, Ti) à grains très fins. Cet alliage est élaboré par double fusion sous vide qui est suivie d’un forgeage à chaud. Actuellement, l’emploi d’alliages à base de titane, qui s’avèrent plus légers pour une résistance mécanique équivalente à celle des alliages utilisés précédemment et qui ont une meilleure biocompatibilité, a tendance à se généraliser. Divers développements sont poursuivis pour améliorer le scellement de la queue d’ancrage, en utilisant notamment des matériaux poreux ayant une structure proche de celle des os, et qui sont colonisables par le tissu osseux vivant. D’autres améliorations concernent le choix des matériaux des cupules. C’est le cas du polyacétal (Delrin) qui est caractérisé par une meilleure tenue à l’usure. Le problème de prothèses ayant une haute résistance à l’usure est plus critique encore pour leur implantation chez les jeunes patients car, dans ce cas, les prothèses doivent normalement rester en place pour une période très longue. Actuellement, pour la confection de la cupule et de la tête sphérique, le choix se porte sur un matériau céramique à base d’alumine (Al2O3) fritté sous haute pression. Ce matériau présente l’avantage d’être biocompatible et d’avoir une grande résistance à l’usure et à la corrosion. Sa fragilité demeure néanmoins élevée. Les matériaux composites carbonefibres de carbone ouvrent également des perspectives intéressantes pour le développement d’éléments de friction. Ces composites ont des propriétés très proches de celles de l’alumine mais avec plus de résistance à la rupture et à l’impact. La conception d'une prothèse de la hanche fait intervenir différents types de matériaux. Le choix de ces matériaux est le résultat d'un compromis car un grand nombre de facteurs sont à prendre en compte. Il faut tenir compte non seulement des caractéristiques spécifiques de chaque type de matériaux aux niveaux chimique, mécanique et biologique mais il faut également prendre en considération l’ensemble de contraintes techniques et économiques liées aux impératifs de fabrication et de mise en place des prothèses. La mise au point des prothèses constitue donc un très bon exemple de réalisations pluridisciplinaires dans lesquelles la science des matériaux joue un rôle essentiel. Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait plus de 300 modèles différents de prothèses de la hanche sur le marché. On remplace actuellement différentes parties importantes et vitales de l’organisme humain par des prothèses. Celle-ci ont souvent un aspect moins spectaculaire qu’une prothèse de la hanche ou du genou. À titre d’exemple, mentionnons l’utilisation de treillis en fibre de polypropylène qui sont implantés sous la paroi de l’abdomen pour la consolider lors du traitement des hernies ombilicales. Ces treillis non biodégradables et bien supportés par l’organisme sont progressivement colonisés par des cellules et deviennent en quelque sorte partie intégrante du tissu dont il renforce la résistance mécanique. On en est actuellement au stade du développement de prothèses pour les organes «mous» très complexes: rein, coeur, foie, pancréas, peau… car la greffe d’organes vivants reste très limitée par la difficulté de trouver des donneurs.
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Introduction à la science des matériaux
1.7 EXERCICES 1.7.1 Quels sont les divers types de matériaux que l’on distingue en plus des trois classes traditionnelles? 1.7.2 Quelles catégories de matériaux choisir pour la fabrication d'une tasse ? Quelles sont les propriétés à prendre en considération ? 1.7.3 À quelle classe de matériau appartient le bois ? 1.7.4 Quel matériau de substitution pourrait-on proposer pour remplacer la bille en acier d'un stylo ? Donner les avantages et les inconvénients. 1.7.5 La fabrication d’une lampe à incandescence utilise divers matériaux. Citer un élément de la lampe réalisé avec un matériau appartenant à chacune des trois classes. 1.7.6 Citer quatre composants d’une automobile fabriqués à l’aide de polymères. 1.7.7 En plus des propriétés mécaniques et des caractéristiques physico-chimiques des matériaux utilisés, quels sont les autres facteurs qu’il est souhaitable de prendre en considération lors de la fabrication d’un objet manufacturé ? 1.7.8 Comment définir les ressources et les réserves d'un élément ? 1.7.9 Quels sont les deux métaux les plus abondants dans l'écorce terrestre (jusqu’à 1 km de profondeur) ? 1.7.10 Un matériau A est consommé à un taux CA (t/an) et un matériau B au taux CB (t/an) avec C A > CB. Si les taux de consommation des matériaux augmentent exponentiellement avec un taux de croissance annuelle de r A % et rB% respectivement (rA < rB), décrire une équation qui permet de déterminer le temps t nécessaire pour que la consommation annuelle de B excède celle de A.
1.8 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES D. ALTENPOHL, Materials in World Perspective, Springer, Berlin, 1980. M.F. ASHBY, D.R.H. JONES, Engineering Materials, An Introduction to their Properties and Applications, Pergamon , Oxford, 1980. M.F. ASHBY, D.R.H. JONES, Engineering Materials 2, An Introduction to Microstructures, Processing and Design, Pergamon , Oxford, 1980. M.F. ASHBY, Materials Selection in méchanical Design, Buttworth, Heinemann, Oxford, 1992. J. BLACK, Orthopaedic biomaterials in research and practice, Churchill Livingston, New York, 1988. M. GERL et J.P. ISSI, Physique des Matériaux, (Traité des Matériaux , vol. 8), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1997. D. LANDOLT, Corrosion et Chimie de Surface des Métaux , (Traité des Matériaux , vol. 12), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1993. K. EASTERLING, Tomorrow's materials, The Institut of Metals, London, 1989. J.E. GORDON, The New Science of Strong Materials or Why You Don’t Fall Through the Floor, Penguin, New York, 1976. A. GUINIER, La Structure de la Matière, Hachette, Paris, 1980. K. KOVACH (ed.), The Rational Use of Potentially Scarce Metals, NATO Science Committee, Brussels, 1976.
Les matériaux
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A. KELLY, The changing Cycle of Engineering Materials, Second Finniston Lecture, London, 1994, Interdisciplinary Science Review, 19, 3, (1994). Materials and Man’s Needs, Materials Science and Engineering, National Academy of Sciences, Washington, D. C., 1974. J. L. MARTIN et A. GEORGE, Caractérisation expérimentale des Matériaux II, (Traité des Matériaux , vol. 3), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1998. J. P. MERCIER et E. MARÉCHAL, Chimie des Polymères, (Traité des Matériaux , vol. 13), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1996. A. NARATH, A. ARDEN Jr., J.H. BIRELY, M. COHEN, W. KOHN and W. P. SLICHTER, Eds. Matérials Science and Engineering for the 1990s, National Academy Press, Washington D.C., 1989. R. SAAGER, Metallische Rohstoffe von Antimon bis Zirkonium, Bank von Tobel, Zurich, 1984. E. WINTERMANTEL , SI-WI HA, Biokompatible Werkstoffe und Bauweisen, Springer, Berlin, 1996.
CHAPITRE 2
ATOME, MOLÉCULE ET LIAISON CHIMIQUE
2.1 OBJECTIFS • Décrire l’atome. • Comprendre l’origine des forces interatomiques responsables de la formation des liaisons. • Décrire succinctement les trois principales liaisons fortes et les liaisons secondaires. • Définir la molécule. • Calculer la force de cohésion interne. Dans ce chapitre, nous présentons les éléments de construction des matériaux: les atomes et les molécules. Les atomes sont formés de particules élémentaires submicroscopiques (nucléons et électrons). Parmi celles-ci, ce sont surtout les électrons périphériques qui jouent un rôle important pour l’étude des propriétés des matériaux. Les interactions entre les électrons périphériques sont à l’origine des forces de liaisons interatomiques et intermoléculaires qui conduisent à la formation d’un état condensé rigide appelé solide.
2.2 STRUCTURE DE L’ATOME L’atome est construit au départ d’un ensemble de particules élémentaires ayant des charges électriques différentes. Il est constitué d’un noyau composé de protons et de neutrons, entouré par des électrons. Le nombre d’électrons dans l’atome neutre définit le nombre atomique Z, c’est-à-dire le nombre de charge positive (protons) du noyau atomique L’atome a une charge globale nulle car le nombre d’électrons (négatifs) correspond au nombre de protons (chargés positivement). Les nucléons (protons et neutrons) ont pratiquement la même masse. Celle-ci est utilisée comme unité de masse atomique: mn = 1,66 · 10–24g. Comme cette grandeur est excessivement petite, on utilise comme unité de masse atomique, la mole qui contient un nombre de particules élémentaires (neutrons, protons, atomes, molécules) égal à 6,02·1023 (nombre d’Avogadro, NA), c’est-à-dire autant de particules qu’il y a d’atomes dans 12 g de l’isotope 12C du carbone. Une mole de nucléons a une masse égale à 1 gramme. Les atomes d’un élément donné ont le même nombre atomique Z, alors que leur masse peut varier suivant le nombre de neutrons présents dans le noyau (isotopes).
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Introduction à la science des matériaux
La masse me de l’électron est bien plus faible que celle d’un nucléon mn (m e/mn = 1/1800). L’électron est donc essentiellement une particule chargée sans influence sur la masse de l’atome. La charge électrique d’un électron et d’un proton est égale à 1,6 · 10-19 C, alors que les neutrons ont une charge nulle. En 1924, de Broglie a suggéré d’associer une onde à toute particule en mouvement. La dualité particule-onde fut proposée initialement pour concilier la théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire de la lumière. Selon le principe de Broglie, il faut associer à toute particule en mouvement une onde dont la longueur λ est donnée par la relation:
λ=
h mv
(2.1)
Dans cette expression m et v sont respectivement la masse et la vitesse de la particule et h la constante universelle de Planck (h = 6,63 · 10–34 J s). Dans la théorie quantique, le comportement de l’électron est entièrement décrit par la fonction d’onde ψ qui lui est associée. À l’aide de celle-ci, il est possible de déterminer la probabilité dp de trouver l’électron dans un élément de volume dV: dp = ψ 2 dV
(2.2)
où ψ 2 (ψ *ψ lorsque la fonction d’onde est complexe) représente une densité de probabilité. Dans la théorie quantique, le comportement d’une particule élémentaire comme l’électron est entièrement décrit par sa fonction d’onde. Dans la théorie quantique ou ondulatoire, il n’est pas possible de connaître avec certitude la position de l’électron dans l’atome. L’électron n’occupe donc pas, comme dans l’ancienne théorie de Bohr-Sommerfeld, une orbite déterminée mais il reste la plupart du temps confiné dans une portion déterminée de l’espace appelée orbitale. Pour illustrer ce concept, on considère la première orbitale (1s) de l’atome d’hydrogène. On a représenté à la figure 2.1(a), la variation de la densité de probabilité ψ2 en fonction de la distance r du noyau. Cette densité de probabilité est une fonction qui a une symétrie sphérique par rapport au noyau. ψ2 atteint sa valeur maximale lorsque r = 0, c’est-à-dire lorsque l’électron se confond avec le noyau et tend vers zéro lorsque r = ∞. La limite de l’orbitale n’est donc pas définie avec certitude. Par intégration de (2.2), on calcule les régions de l’espace dans lesquelles la probabilité de trouver l’électron est égale à 50, 90, 99 %, ... (fig. 2.1(b)). On choisit en général, comme limite de l’orbitale, la surface qui délimite la région de l’espace dans laquelle la probabilité de trouver l’électron est égale à 95% . Ce n’est pas parce que la densité de probabilité ψ 2 passe par un maximum lorsque r = 0, que l’électron a une probabilité maximale de se trouver confondu avec le noyau. Pour calculer l’orbite la plus probable, il faut également tenir compte du volume dans lequel l’électron a la possibilité d’évoluer. Pour déterminer l’orbite la plus probable de l’électron, on calcule la probabilité de trouver l’électron à l’intérieur d’une coquille sphérique de rayon r et d’épaisseur dr. Cette probabilité, qui est égale au produit du volume de la coquille 4πr2dr par la densité de probabilité en un point ψ2, permet de définir la densité de probabilité radiale P(r) = 4π r2ψ2.
Atome, molécule et liaison chimique
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FIG. 2.1 Première orbitale atomique de l’hydrogène: (a) densité de probabilité ψ2 en fonction de la distance r du noyau; (b) sphères dans lesquelles la probabilité de trouver l’électron est égale à 50, 90 et 99 %, ...; (c) densité de probabilité radiale P (r) = 4π r2ψ2 · ao = 0,0529 nm.
La variation de P(r) représentée à la figure 2.1(c) permet de définir l’orbite la plus probable. On constate que P(r) devient égal à zéro si r = 0 et passe par un maximum si r = 0,0529 nm. Cette valeur est égale au rayon a0 de l’orbite de l’hydrogène prévue par la théorie de Bohr. Chaque atome possède un certain nombre d’orbitales électroniques qui sont caractérisées par des valeurs définies de l’énergie. À 0 K et en dehors de toute excitation externe, seules les orbitales d’énergie les plus basses sont occupées par des électrons. Une orbitale déterminée de l’atome est entièrement caractérisée par les valeurs de trois nombres quantiques n, l et ml. Le nombre quantique principal n fixe la taille de l’orbitale. Il peut prendre toutes les valeurs entières et positives à l’exception de zéro: n = 1, 2, 3, ... L’état
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Introduction à la science des matériaux
d’énergie le plus bas est associé à la valeur n = 1. Ces niveaux d’énergie sont souvent désignés par les lettres K, L, M, N, ... qui correspondent respectivement à n = 1, 2, 3, 4, ... Le nombre quantique angulaire l détermine la forme de l’orbitale. Il est associé au moment cinétique de l’électron sur son orbite. Ce nombre est lié à la valeur de n. Il ne peut prendre que des valeurs comprises entre l = 0 et l = n – 1. On désigne les sous-niveaux énergétiques correspondant à chaque valeur du nombre quantique angulaire l = 0, 1, 2, 3, ... par une lettre s, p, d, f, ... Cette lettre est placée après le nombre quantique principal n. Le niveau d’énergie 2p correspond donc au nombre quantique n = 2 et l = 1. En l’absence de champ magnétique ou électrique, autre que celui créé par le noyau, toutes les orbitales ayant la même valeur de n et de l ont la même énergie. La forme de l’orbitale est déterminée exclusivement par la valeur du nombre quantique angulaire l. Celle-ci ne dépend donc pas de la valeur du nombre quantique principal n. Toutes les orbitales s (l = 0) ont une symétrie sphérique fig. 2.1 et 2.2(a)). Les orbitales d’ordre supérieur (p, d, ...) ont une forme beaucoup plus complexe. Ainsi, les orbitales p (fig. 2.2 (b)) sont constituées chacune par deux lobes séparés par un plan où la densité électronique est nulle (plan nodal). Les orbitales d’ordre supérieur ont une forme encore plus complexe. z x
y (a) z
z
x
x
x y
z
y
y (b)
FIG. 2.2 Représentation schématique de deux types d’orbitales atomiques: (a) orbitale s, (b) orbitales p.
Le troisième nombre quantique est le nombre quantique magnétique ml qui fixe l’orientation de l’orbitale dans l’espace. Le nombre quantique magnétique peut prendre les valeurs entières depuis –l jusqu’à + l. La valeur de m l fixe le nombre d’orbitales équivalentes de chacun des sous-niveaux énergétiques s, p, d, f, ... Ainsi, pour le sous-niveau s, l = 0 et ml = 0, il n’existe qu’une seule orbitale sur ce sous-niveau énergétique. Dans le cas du sous-niveau p, l = 1 et ml = –1, 0 et 1, il y a donc trois orbitales distinctes px, py, pz correspondant à ce sous-niveau. Celles-ci ont des plans nodaux [( y, z), (z, x) et (x, y)] orientés orthogonalement les uns par rapport aux
Atome, molécule et liaison chimique
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autres (fig. 2.2(b)). Dans les plans nodaux qui contiennent le noyau, la densité électronique est nulle. Les fonctions d’onde changent de signe en traversant un plan nodal. Pour comprendre la signification physique du nombre quantique magnétique, on utilise souvent une représentation empruntée à la théorie classique de BohrSommerfeld. La circulation de l’électron sur son orbite est ainsi assimilée à un courant électrique circulant et engendrant un champ magnétique. Les trois premiers nombres quantiques n, l, et ml caractérisent respectivement la dimension, la forme et l’orientation de l’orbitale. Il reste à introduire le quatrième nombre quantique ms lié au spin de l’électron. Dans la théorie classique, celui-ci correspond à la rotation de l’électron sur lui-même, ce qui engendre également un champ magnétique. Le nombre quantique m s prend deux valeurs déterminées +1/2 et –1/2 qui sont associées au moment cinétique de spin de l’électron. On dispose les électrons dans l’atome en commençant par les niveaux énergétiques les plus bas (fig. 2.3 ). Ainsi, dans l’atome d’hydrogène, il y a un électron dans l’orbitale 1s, ce qui se note 1s1 (tab. 2.4). L’hélium a deux électrons dans la même orbitale 1s, d’où la notation 1s2. Ces deux électrons doivent avoir leurs spins antiparallèles pour respecter la règle de Pauli qui précise que deux électrons ne peuvent pas avoir leurs quatre nombres quantiques identiques. La couche électronique qui correspond au nombre quantique principal n = 1 est donc complète. Cette structure électronique confère une grande stabilité à l’atome d’hélium qui se comporte comme un gaz monoatomique et ne possède pratiquement pas de réactivité chimique.
FIG. 2.3 Les différents niveaux énergétiques des orbitales atomiques. On remarque que l’espacement entre les niveaux diminue à mesure que n augmente. A partir de n = 3 on observe un chevauchement entre les niveaux; ainsi, le niveau 4s a une énergie inférieure à celle du niveau 3d.
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Introduction à la science des matériaux
Il faut souligner que le comportement de l’atome au niveau chimique ne fait intervenir que la couche électronique externe ou celle qui est immédiatement sous-jacente. Le tableau 2.4 décrit le classement des premiers éléments du Tableau périodique en relation avec le remplissage des couches électroniques. Lorsque plusieurs orbitales de même niveau énergétique sont disponibles, les électrons évitent de se placer dans la même orbitale et se disposent de telle manière que leurs spins soient parallèles, de façon à diminuer au maximum l’interaction entre électrons (règle de Hund). La règle de Hund a tendance à favoriser la disposition des électrons sur des orbitales différentes puisque deux électrons qui se trouvent sur la même orbitale ont nécessairement leur spin opposé. C’est cette disposition préférentielle des électrons qui est à l’origine des propriétés magnétiques de la matière. Tout atome, ion ou molécule, qui possède un ou plusieurs électrons non appariés est paramagnétique. Les substances qui possèdent tous leurs électrons appariés sont diamagnétiques. Dans un certain nombre de cas, les atomes ou les ions paramagnétiques interagissent de manière coopérative en donnant naissance à diverses formes plus complexes du magnétisme telles que le ferro- et le ferrimagnétisme, et l’antiferromagnétisme (chap. 15).
2.3 LA LIAISON 2.3.1 Généralités La formation d’ensembles polyatomiques stables appelés molécules implique que les atomes soient capables de s’unir pour former des agrégats dont l’énergie est plus faible que celle des atomes séparés. La liaison chimique est un concept indispensable pour expliquer la cohésion de la matière et elle a une influence primordiale sur les propriétés des matériaux. Les théories anciennes font la distinction entre plusieurs types de liaisons. De même, elles établissent une distinction entre liaisons chimiques fortes (plus de 40 kJ mol–1) et liaisons faibles ou secondaires (4 à 40 kJ mol–1). Toutes ces distinctions sont aujourd’hui dépassées car la mécanique ondulatoire conduit à une vue unitaire de la liaison chimique. Il reste cependant commode, pour des raisons didactiques surtout, de continuer à faire la distinction entre liaisons ionique, covalente, métallique et secondaire. Il ne faut cependant jamais perdre de vue que ces modèles constituent des cas limites et que la réalité physique plus complexe est intermédiaire entre ceux-ci. Les électrons qui interviennent dans la liaison chimique appartiennent en général à la couche électronique externe de l’atome, qui est plus faiblement liée au noyau; ces électrons sont connus sous le nom d’électrons de valence. Les forces de liaison, qui sont essentiellement de nature électrostatique, résultent d’une redistribution plus ou moins importante des électrons de valence autour des noyaux atomiques impliqués dans la liaison.
Atome, molécule et liaison chimique
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TABLEAU 2.4 Classement des premiers éléments du tableau périodique en fonction du remplissage de leurs couches électroniques. Éléments Z
1s
2s
2p
3s
H He
1 2
↑
Li
3
↑ ↓
↑
Be
4
↑ ↓
↑ ↓
B
5
↑ ↓
↑ ↓
↑
C
6
↑ ↓
↑ ↓
↑
↑
N
7
↑ ↓
↑ ↓
↑
↑
↑
O
8
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑
↑
F
9
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑
Ne
10
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
Na
11
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑ ↓
↑
2.3.2 Ionisation et électroaffinité Les électrons périphériques (électrons de valence) sont plus ou moins liés à l’atome en fonction du taux de remplissage de la couche électronique externe. Le gain ou la perte d’un ou de plusieurs électrons, transforme respectivement l’atome neutre en un ion négatif (anion) ou positif (cation). L’aisance de formation d’un cation dépend de l’énergie d’ionisation, c’est-à-dire de l’énergie requise pour extraire un électron d’un atome. Cette énergie ou potentiel d’ionisation est maximale pour les gaz rares qui ne peuvent ni gagner, ni perdre facilement un électron (tab. 2.5). L’énergie d’ionisation est faible pour les métaux alcalins (Li, Na, ...) qui ont une couche électronique externe très peu remplie, et ces atomes ont facilement tendance à perdre un électron pour donner des ions positifs. La facilité de formation d’un anion est à mettre en relation avec son électroaffinité, c’est-à-dire avec la variation d’énergie résultant de la capture d’un électron. Ainsi, les éléments proches des gaz rares comme les halogènes (F, Cl...), qui ont une énergie d’ionisation presque aussi grande que celle des gaz rares, possèdent une grande affinité pour les électrons. Dans le cas du fluor, par exemple, l’énergie d’ionisation est égale à 17,4 eV et son électroaffinité est de –3,6 eV. Ceci signifie que les atomes comme le fluor ont tendance à capter un électron pour former un anion. 2.3.3 Liaison ionique La structure électronique la plus stable est celle des gaz rares qui possèdent en général huit électrons périphériques, à l’exception de l’hélium qui n’en comporte que
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Introduction à la science des matériaux
deux (tab. 2.4); pratiquement les gaz rares sont chimiquement inertes. De manière générale, lors de la formation d’une liaison chimique, les atomes ont tendance à se doter d’une couche électronique externe similaire à celle des gaz rares soit en partageant des électrons soit en perdant ou en gagnant des électrons. Ainsi, lorsqu’on associe des atomes ayant une faible énergie d’ionisation (électropositifs) comme les métaux alcalins (Li, Na, K...) et des éléments ayant une grande électroaffinité (électronégatifs) comme les halogènes (F, Cl, Br...) (tab. 2.5), on observe que les premiers ont tendance à perdre un électron et à former un ion positif, tandis que les seconds sont prédisposés à gagner un électron afin de compléter leur couche électronique extérieure et de former un ion négatif.
TABLEAU 2.5 Énergie d’ionisation(perte d’un électron) et électroaffinité (gain d’un électron) pour les premiers éléments du tableau périodique. Éléments H He Li Be B C N O F Ne Na Mg Al Si P S Cl Ar
Z
Énergie d’ionisation [kJ mol–1]
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
1312 2372 520 900 801 1086 1402 1314 1681 2081 496 737 578 787 1012 1000 1251 1521
Électroaffinité [kJ mol–1] –73 21 –60 –240 –29 –113 58 –120 –318 29 –52 230 –48 –134 –75 –205 –343 35
En caractères gras, les valeurs correspondant aux gaz rares. Les valeurs négatives correspondent aux effets exothermiques. (D’après Huheey, 1978.)
La liaison ionique résulte de l’association d’ions positifs et d’ions négatifs. Ainsi, lors de la réaction d’un métal alcalin avec un halogène, on observe le transfert d’un électron du métal alcalin vers l’halogène qui entraîne la formation d’un cation et d’un anion: • • • • + Cl •• Na • •
Na Cation
• • + • Cl •• • • • Anion
(2.3)
Atome, molécule et liaison chimique
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Lors de la formation de composés chimiques à liaison ionique, il se produit un échange d’un certain nombre d’électrons entre les différents éléments qui conduit à un ensemble électriquement neutre. Le nombre d’électrons échangés est directement lié au concept de valence. Pour définir avec précision la notion de valence dans le cas de composés ioniques, il est indispensable d’introduire d’abord la notion de nombre d’oxydation. Ce concept important sera par ailleurs également utilisé à la section 16.3 où nous analyserons les phénomènes de corrosion. Le nombre d’oxydation d’un ion est égal au nombre d’électrons gagnés ou perdus lors de la formation du composé ionique. Le nombre d’oxydation d’un atome est égal à la charge de cet atome (avec son signe). Un atome qui cède un ou plusieurs électrons est oxydé. Celui qui en accepte est réduit. Prenons comme exemple la formation du chlorure de sodium NaCl. En perdant un électron, l’atome de sodium acquiert la configuration électronique du néon et forme un ion positif Na+ . Le chlore, en gagnant un électron, devient un ion négatif Cl– et prend la configuration électronique de l’argon. Ces deux processus s’effectuent simultanément. Par l’échange d’un électron, les deux ions Na+ et Cl– se retrouvent liés par une force de liaison électrostatique. Dans ce processus, l’atome de sodium qui cède un électron est oxydé et l’atome de chlore est réduit. Le nombre d’oxydation du sodium qui a perdu un électron est égal à +1 et celui du chlore qui en a gagné un vaut –1. La valence des éléments est une notion très importante car c’est elle qui détermine la composition chimique des substances. Dans le cas de composés ioniques, la valence (électrovalence) des différents éléments dépend du nombre d’électrons à échanger pour former des ensembles d’atomes électriquement neutres. Dans le cas de substances ioniques, la valence d’un élément est identique à son nombre d’oxydation. Ainsi, dans le chlorure de sodium, la valence du sodium est égale à +1 et celle du chlore à –1. Dans le CaCl2, l’atome de calcium perd deux électrons et sa valence est égale à +2. Nous reviendrons sur la notion de la valence ultérieurement (§ 2.3.4) lors de l’étude la liaison covalente. Pour former une liaison stable, il faut minimiser l’énergie du système, c’est-àdire que la réaction doit se faire avec un transfert d’énergie vers l’extérieur. En examinant le bilan énergétique (cycle de Haber-Born) de la réaction entre le sodium à l’état solide Na(s) et le chlore gazeux Cl 2(g), on montre que la formation d’une molécule de NaCl gazeuse est un processus exothermique: Na(s) + 0,5 Cl2 (g) → Na+, Cl–(g) – 3,29 eV
(2.4)
Des molécules de NaCl sont effectivement décelées à l’état gazeux à haute température. À température ambiante, il se forme un solide cristallin constitué d’ions sodium alternant avec des ions chlorure. La structure cristalline NaCl solide, limitée à une seule dimension de l’espace, est représentée à la figure 2.6. Dans un tel arrangement, il n’y a pas formation de molécules isolées, mais bien d’une alternance d’ions positifs
30
Introduction à la science des matériaux
FIG. 2.6 Rangée réticulaire du cristal de NaCl.
et négatifs. L’unité constitutive d’une telle substance est donc l’ion, c’est-à-dire l’atome qui a perdu ou gagné un électron. Remarquons que les substances ioniques sont électriquement neutres, c’est-à-dire composées d’un même nombre d’ions positifs et négatifs lorsqu’elles sont de même valence. L’énergie de formation du cristal de NaCl ionique à partir du chlore gazeux et du sodium à l’état solide se calcule également en faisant un bilan énergétique. Na(s) + 0,5 Cl2 (g) → Na+, Cl– (s) – 4,26 eV
(2.5)
En comparant les équations 2.4 et 2.5, on remarque que l’énergie de formation du NaCl cristallin est, en valeur absolue, supérieure de 0,97 eV à celle de la molécule de NaCl gazeuse. Ce dégagement d’énergie (énergie réticulaire) découle de l’interaction électrostatique qui s’exerce à plus ou moins grande distance entre tous les anions ou tous les cations du cristal. Cet effet contribue à la stabilisation thermodynamique du système. La liaison ionique est non orientée car le champ d’attraction entre ions a une symétrie sphérique. On rencontre des liaisons ioniques dans les halogénures alcalins (NaCl, KCl, ...) et alcalino-terreux (MgCl2, CaCl2, BaCl2, ...), ainsi que dans la majorité des oxydes (céramiques) tels que MgO, CaO, ... 2.3.4 Liaison covalente La liaison covalente résulte de la mise en commun d’une ou de plusieurs paires d’électrons par deux atomes dont la couche électronique externe est incomplète. Cette paire devient commune aux deux atomes qui complètent ainsi leur couche électronique externe qui acquiert la configuration des gaz rares. Dans le cas de la liaison covalente simple, les deux atomes mettent une paire d’électrons en commun. Ainsi, la molécule d’hydrogène H 2 est construite à partir de deux atomes d’hydrogène H: H • + • H
• •
H H
représenté par: H
(2.6)
H
La liaison covalente simple se représente par une barre. À partir d’un atome de carbone (quatre électrons dans la couche externe) et de quatre atomes d’hydrogène, on obtient la molécule de méthane:
4
• H • + • C • •
H
•• •• H C H •• •• H
H représenté par: H
C H
H (2.7)
Atome, molécule et liaison chimique
31
Des liaisons multiples se forment lorsque plusieurs paires d’électrons sont mises en commun. C’est le cas de la liaison double carbone-carbone de l’éthylène qui fait intervenir deux paires d’électrons: H • •• C H •
H •• • • C • •• • H
H représenté par:
H C
H
(2.8)
C H
La valence en liaison covalente est égale au nombre d’électrons qu’un atome partage avec un ou plusieurs autres éléments. Ainsi, l’atome d’hydrogène qui partage un électron avec un autre atome d’hydrogène (2.6) ou avec un atome de carbone (2.7) est monovalent. Dans le méthane (2.7) qui met quatre électrons en commun avec quatre atomes d’hydrogène, le carbone est tétravalent de même que dans l’éthane (2.8). La liaison covalente, comme la liaison ionique, résulte d’une redistribution des électrons qui entraîne une diminution de l’énergie globale du système. Nous avons vu que la liaison ionique résulte d’un transfert d’électrons d’un atome à faible énergie d’ionisation vers un atome à forte électroaffinité. Dans le cas de la liaison covalente, qui lie deux atomes identiques, il n’y a aucune raison, a priori, d’avoir un transfert d’électrons préférentiel, car deux atomes identiques ont la même énergie d’ionisation et la même électroaffinité. Dans ce cas, la liaison résulte du partage des électrons périphériques des atomes qui se déplacent sur des orbitales communes (orbitales moléculaires - OM) aux deux atomes. La formation de ce type de liaison ne peut s’expliquer que sur la base de la théorie quantique. On applique notamment la méthode LCAO (Linear Combination of Atomic Orbitals) introduite en 1930 par Mulliken. Cette méthode reste encore largement utilisée aujourd’hui. Les orbitales moléculaires (OM) s’obtiennent par combinaison linéaire des orbitales atomiques (OA). Reprenons l’exemple de la formation de la molécule d'hydrogène H 2 à partir de deux atomes d'hydrogène. Chaque atome d'hydrogène possède seulement une orbitale (1s) stable qui est occupée par un électron et susceptible de conduire à la formation d'une liaison covalente. Lorsque les deux atomes d'hydrogène s'approchent l'un de l'autre, les deux orbitales atomiques se combinent pour former une orbitale moléculaire liante ψb, qui est caractérisée par une énergie plus basse que celle des deux orbitales atomiques (1s) et une orbitale moléculaire antiliante ψ a , qui possède une énergie plus élevée (fig. 2.7). Les orbitales moléculaires comme les orbitales atomiques peuvent accueillir au maximum deux électrons, pour autant que ceux-ci soient de spin opposé. L'énergie du système diminue lorsque les deux électrons viennent occuper l'orbitale moléculaire ψb d’énergie la plus basse. Dans ces conditions, la densité électronique de l’orbitale moléculaire ψ b est plus élevée que celle qui résulterait de l'addition des densités électroniques des orbitales atomiques prises séparément. Les électrons sont partagés entre les deux noyaux, et la force d'attraction entre les deux électrons et les deux noyaux est supérieure à la force de répulsion entre les noyaux et les électrons eux-mêmes. Il en résulte donc une force de liaison et la formation de la molécule d’hydrogène H2. Si les électrons occupent une orbitale antiliante, la densité
32
Introduction à la science des matériaux
électronique entre les noyaux est inférieure à celle des orbitales atomiques séparées. Dans ces conditions, il apparaît une force de répulsion entre les atomes lorsque ceuxci s'approchent l'un de l'autre.
Énergie
• ΨH
Orbitale antiliante ψa
+
•
→
ψa
→ (a)
– ΨH
•
•
1sb
1sa Orbitale ↑ ↓ liante ψb
• ΨH
+ +
•
→
ΨH
→ (b)
•
• ψb
FIG. 2.7 Représentation schématique de la formation des orbitales moléculaires de la molécule H2. Orbitale atomique de deux atomes d'hydrogène séparés. Équations représentant la formation des orbitales moléculaires antiliante ψa (a) et liante ψb (b) . Les deux électrons de spins opposés responsables de la liaison sont représentés par deux flèches de direction opposée sur l'orbitale liant Ψb.
Notons que de manière générale, les électrons occupent d'abord les orbitales moléculaires ayant l'énergie la plus basse et qui sont les orbitales liantes. Ce n'est que lorsque les orbitales liantes sont remplies que les orbitales antiliantes sont occupées par des électrons. C'est le cas de l'ion He +2 qui possède deux électrons sur l’orbitale liante et un seul sur l’orbitale antiliante. Globalement, la liaison covalente dans l'ion He +2 est assurée par un seul électron; cette liaison est donc environ deux fois plus faible que dans la molécule d’hydrogène. On comprend aisément que la molécule He2 ne peut exister. Cette molécule aurait deux électrons sur chacune des orbitales liante et antiliante, ce qui se traduirait évidemment par une énergie de liaison nulle. Les liaisons s'établissent donc par recouvrement d'orbitales situées dans des plans identiques. Pour que deux orbitales fusionnent, il faut qu’elles soient de niveau énergétique voisin et qu’elles possèdent les mêmes éléments de symétrie. Ce recouvrement est en effet plus efficace si les orbitales sont de taille comparable et donc d’énergie semblable. Ainsi, le recouvrement d'une orbitale de petite dimension (1s par exemple) avec une orbitale beaucoup plus grande (comme 2p) ne donne pas naissance à une liaison covalente très intense en raison de la distribution diffuse des électrons dans l’orbitale la plus grande, qui ne conduit pas à un recouvrement optimal des orbitales. On montre par un raisonnement élémentaire que l’interaction entre un électron e– et deux protons H1+ , et H 2+ de deux noyaux atomiques produit une élévation de la densité électronique entre les noyaux de deux protons qui résulte de la formation d’une orbitale liante ψb . Ceci entraîne l’apparition d’une force de liaison.
Atome, molécule et liaison chimique
33
En effet, lorsque l’électron se trouve dans la zone déterminée entre les noyaux par deux branches d’hyperboles (en grisé dans la fig. 2.8 (a)), les forces d’attraction entre l’électron et les deux protons possèdent deux composantes, de sens opposé, parallèles à l’axe des noyaux. La résultante de ces deux forces tend donc à rapprocher les protons. Plus la densité électronique est élevée dans le domaine situé entre les noyaux, plus la liaison entre ceux-ci est intense. Par contre, lorsque l’électron se trouve en dehors de la surface en grisé (fig. 2.8 (b)), la résultante des forces d’interaction de l’électron avec les protons est une force qui tend à séparer les noyaux. Ce raisonnement élémentaire nous montre bien que la liaison covalente et la liaison ionique résultent toutes deux d’une redistribution de la densité électronique qui entraîne une diminution de l’énergie du système comme on le voit à la figure 2.9 dans le cas de la formation de la molécule H2.
FIG. 2.8 Modélisation de l’interaction entre un électron e– et deux protons H1+ , et H 2+ de deux noyaux atomiques. L’électron est placé (a) dans et (b) en dehors du champ d’attraction créé par la paire de protons. Les composantes des forces attractives entre les protons et l’électron sont opposées dans le cas où celui-ci se trouve dans la région de liaison.
La liaison covalente peut également intervenir entre deux atomes non identiques. Dans ce cas, la répartition électronique n’est plus symétrique. On observe, dans ces conditions, l’apparition d’un dipôle électrique qui caractérise l’asymétrie de la répartition électronique. On a affaire alors à une liaison covalente polaire qui est intermédiaire entre une liaison ionique et une liaison covalente pure. Un dipôle électrique permanent apparaît dans une molécule lorsqu’il y a un transfert d’électrons d’un atome ou d’un groupe d’atomes de la molécule vers un autre atome ou un autre groupe d’atomes. Cette répartition asymétrique des électrons dépend de la capacité des atomes à attirer les électrons, qui se mesure par leur électronégativité. Plus l’électronégativité d’un atome est grande, plus cet atome a la capacité d’attirer les électrons. Comme exemple d’atomes ayant une électronégativité élevée, il faut citer le fluor et le chlore. Il ne faut pas confondre électroaffinité, qui mesure la capacité d’un atome à capter un électron pour former un anion (§ 2.3.2), et électronégativité, qui détermine le pouvoir d’attraction d’un atome pour les électrons dans une liaison chimique cova-
34
Introduction à la science des matériaux
lente. Pour de plus amples renseignements sur le concept d’électronégativité le lecteur se référera à l’ouvrage de Mercier et Godard.
FIG. 2.9 Formation de la molécule d’hydrogène H 2. La progression entre (a) et (e) représente les séquences calculées des distributions de densité électronique en fonction de la distance internucléaire r. La variation de l’énergie en fonction de r exprimée en unité de Bohr (0,53 10-10 m) est donnée en (f) (d’après Wahl, 1970).
Il se forme une liaison covalente polaire lorsqu’on associe un atome fortement électronégatif (F, Cl) avec un atome moins électronégatif comme le carbone. Comme exemples de molécules polaires, on cite le chlorure et le fluorure d’hydrogène à l’état gazeux:
Atome, molécule et liaison chimique
H
δ+
F
35
δ–
(2.9)
l
On caractérise le dipôle électrique d’une molécule polaire par sa direction et son moment:
µ=l×δ
(2.10)
où l représente la distance séparant les deux charges électriques égales en valeur absolue et de signe opposé. La charge électrique δ s’exprime en unité électrostatique (esu). Le moment électrique est donné habituellement en Debye (D) qui est égal à 1,0·10–18 esu cm. Le moment électrique de la molécule de fluorure d’hydrogène à l’état gazeux est de 1,98 D. Les facteurs géométriques jouent un rôle significatif dans l’établissement de la liaison covalente. Ceci est particulièrement important pour les orbitales présentant un caractère directionnel, telles que les orbitales p. Celles-ci donnent naissance à deux types de liaison. Dans un cas, les axes de symétrie des orbitales atomiques sont alignés suivant l'axe internucléaire (fig. 2.10 (a)). Dans l’autre éventualité, les axes de symétrie des orbitales atomiques sont orientés perpendiculairement à l'axe internucléaire (fig. 2.12 (b)). Le premier type de recouvrement donne lieu à des liaisons sigma (σ), le second à des liaisons pi (π).
•
+
•
(a)
•
•
•
• Liaison σ
→
• •
+
•
•
(b)
•
•
Liaison π FIG. 2.10 Recouvrement des orbitales atomiques pour former des orbitales moléculaires: (a) recouvrement de deux orbitales 2p alignées suivant l'axe internucléaire pour former une liaison σ comme dans la molécule F2 par exemple; (b) recouvrement de deux orbitales 2p ayant leur axe de symétrie perpendiculaire à l'axe internucléaire et formant une liaison π.
2.3.5 Hybridation de l’atome de carbone La structure de l’atome de carbone est donnée à la sixième ligne du tableau 2.4. Les couches 1s et 2s sont complètes et il possède deux électrons non appariés dans deux des trois orbitales 2p. On représente sa structure par la formule 1s22s22p2. L’atome de carbone qui, dans son état fondamental, ne possède que deux électrons p non appariés, devrait normalement être bivalent. L’atome de carbone existe égale-
36
Introduction à la science des matériaux
ment dans un état excité caractérisé par la promotion d’un électron de l’orbitale 2s dans une orbitale 2p vide: ↑ ↓
↑
↑
↑
↑
(2.11)
Cette structure, qui se représente par la formule 1s22s12p3, permettrait d’expliquer la tétravalence de l’atome de carbone. Dans ce cas cependant, les quatre liaisons ne devraient pas être identiques car elles seraient formées à partir d'une orbitale s et de trois orbitales p. Ceci est contraire à l’expérience qui montre que l’on observe quatre liaisons identiques pour le carbone tétravalent. Pour expliquer la tétravalence du carbone et l'orientation des liaisons formées par cet élément avec d'autres atomes, on a introduit le concept d’hybridation des orbitales qui est une autre application de la méthode LCAO (Linear Combination of Atomic Orbitals) introduite au paragraphe 2.3.4. Une orbitale hybride résulte de la combinaison linéaire de deux ou de plusieurs orbitales atomiques. Cette hybridation de l’atome de carbone et la formation de la molécule de méthane sont décrites à la figure 2.11 (a) et (b). Pour arriver au système tétraédrique du carbone que l’on rencontre dans un grand nombre de composés organiques, on combine l'orbitale s et les trois orbitales p pour former quatre orbitales hybrides sp3 qui ont 25% de caractère s et 75% de caractère p; celles-ci sont orientées suivant les sommets d’un tétraèdre (fig. 2.11 (c)). Dans la molécule de méthane CH4, les orbitales s des quatre atomes d’hydrogène se combinent aux orbitales sp3 pour donner quatre liaisons covalentes C—H qui sont des liaisons σ formant entre elles un angle θ de 109,5 °C. Une représentation réaliste de la structure moléculaire du méthane (CH 4) est donnée dans la figure 2.11 (d). L'atome de carbone peut également se lier avec un autre atome de carbone comme dans la molécule d'éthane C2H6 (fig. 2.12 (a) et (b)) qui comporte six liaisons σ carbone-hydrogène et une liaison σ carbone-carbone ou dans le diamant (fig. 2.12 (c)) qui s'obtient en remplaçant les quatre atomes d'hydrogène du méthane par des atomes de carbone. Le diamant est constitué par l'arrangement régulier d'un grand nombre de tétraèdres de carbone liés par des liaisons covalentes, ce qui explique sa très grande dureté. À l’échelle de l’atome, la structure du diamant s'étend à l'infini dans les trois directions de l'espace. On peut donc le considérer comme une gigantesque macromolécule. L’atome de carbone se lie à lui-même pour former des longues chaînes hydrocarbonées comme dans la molécule de polyéthylène (fig. 2.13). Par hybridation des orbitales 2s et 2p, on forme également des liaisons carbonecarbone doubles. Ainsi, en combinant une orbitale 2s avec deux orbitales 2p, on obtient trois orbitales sp2 qui forment entre elles un angle de 120° (fig. 2.14 (a)) et qui conduisent à créer trois liaisons σ avec 33% de caractère s. Chaque atome de carbone de la molécule d'éthylène, qui est configuré sp2 (fig. 2.14 (b)), est lié à l’autre atome de carbone et à deux atomes d'hydrogène par trois liaisons σ. Il reste sur chaque atome de carbone une orbitale atomique 2pz qui n’a pas été employée. Ces deux orbitales se combinent pour former une liaison π . Le plan (x,y), qui contient les noyaux des deux atomes de carbone et les quatre atomes d'hydrogène
Atome, molécule et liaison chimique
37
z z (a)
+
x
•
x
y y 2s
4 orbitales sp 3
2p x + 2p y + 2p z H
•
(b)
•C
H
H
H
H
•C
•
•
H
• H
H H
•
H (c)
•
•C
H
θ = 109,5° •
•
(d) H
C H H
H
H
FIG. 2.11 Schématisation de la formation des orbitales hybrides du carbone sp3 et de la molécule de méthane CH4: (a) formation de quatre orbitales hybrides sp3 à partir des orbitales atomiques 2s et 2p du carbone; (b) formation de la molécule de méthane CH4; (c) représentation de la molécule de méthane et calcul de l'angle θ entre les liaisons H—C—H; (d) modèle atomique.
et qui passe par l'axe de symétrie (C—C) de la molécule, est un plan nodal, c’est-àdire un plan où la densité électronique est nulle. Il y a douze électrons dans la molécule d’éthylène; huit électrons proviennent des deux atomes de C (sp2) et quatre électrons des quatre atomes d'hydrogène. Dix électrons sont utilisés pour former les cinq liaisons σ intervenant dans la molécule C2H4 et les deux derniers forment une liaison π (fig. 2.14 (b)). La liaison double résulte donc de la superposition d'une liaison σ et d'une liaison π. La liaison double est plus courte (134 pm) que la liaison simple (154 pm) car deux paires d'électrons retiennent davantage les noyaux qu'une seule. Remarquons que les liaisons σ de l'éthylène sont orientées à 120°(fig. 2.14 (c)).
38
Introduction à la science des matériaux
Les liaisons π ont une énergie de formation sensiblement plus faible que celle de la liaison σ en raison d'un moins bon recouvrement des orbitales atomiques. Ceci explique que l’énergie de formation de la liaison double (602 kJ mol–1 ) n'est pas équivalente au double de l'énergie de formation de la liaison simple (2·346 kJ mol–1) (tab. 2.17). La formation de deux liaisons σ simples aux dépens d'une liaison double (σ + π ) est donc un processus qui dégage de l'énergie et qui est favorisé d'un point de vue thermodynamique. C'est ce processus qui intervient dans la formation des composés polycarbonés en chaîne linéaire (polymères) comme le polyéthylène : CH2
n CH2
Amorceur
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
(2.12)
Le tableau 2.17 donne les énergies, les multiplicités et les longueurs d'un certain nombre de liaisons covalentes. Les valeurs données sont des moyennes. Comme le montre très bien l’étude de la structure de la molécule d’éthane (fig. 2.12 (b)) et de la molécule d’éthylène (fig. 2.14 (c)), les liaisons covalentes sont directionnelles, c’està-dire qu’elles ne se forment que dans des directions de l’espace déterminées par l’hybridation des orbitales atomiques. C’est l’orientation fixe des liaisons covalentes les unes par rapport aux autres qui détermine la valeur de l’angle de valence.
H
H
H
C
C
H
H (a)
H
(b)
(c)
FIG. 2.12 La molécule d’éthane C2H6 représentée en formule développée plane (a) et dans l’espace (b) et (c) maille cristalline du diamant.
La valence du carbone ne prend pas toujours une valeur entière (1, 2 ou 3). C'est le cas pour le benzène (C6H6) pour lequel on peut proposer deux formules limites (fig. 2.15 (a)). La structure électronique du benzène (fig. 2.15 (b) et (c)) est intermédiaire à celles représentées par les deux formules de la figure 2.15 (a). On se trouve dans le cas du benzène en présence d’un phénomène de mésomérie: l’état réel de la molécule, appelé hybride de résonance, est intermédiaire entre un certain nombre d’états limites fictifs (dans l’exemple traité, il y en a deux représentés à la figure 2.15 (a)), appelés formes de résonance ou mésomères. La molécule n’est pas un mélange des différents isomères, séparables les unes des autres par les techniques classiques de la chimie organique. Un mésomère n’a aucune existence réelle, ce n’est qu’une forme d’écriture. La structure réelle de la molécule est décrite par l’ensemble des formes mésomères. Le phénomène de mésomérie joue un rôle important en chimie organique. En fait, l’utilisation de formes mésomères résulte de notre incapacité à transcrire la structure réelle de certaines molécules en une formule ne comportant que des liaisons simples, doubles ou triples.
Atome, molécule et liaison chimique
39
Le phénomène de résonance va de pair avec une délocalisation plus ou moins importante des électrons π . C’est en particulier le cas du benzène. Dans cette molécule (fig. 2.15), les six atomes de carbone du cycle sont liés entre eux par six liaisons σ résultant de la combinaison de six orbitales sp2. Les six orbitales p qui n'interviennent pas dans la formation des liaisons σ se combinent entre elles pour former une orbitale polynucléaire sur laquelle circulent les électrons. La formation de cette orbitale moléculaire qui entraîne un dégagement d'énergie important, stabilise fortement la molécule de benzène par rapport aux formes limites (fig.2.15 (a)). On peut donc considérer que, dans le cas du benzène, deux atomes de carbone vicinaux sont reliés entre eux par une liaison σ et une demi-liaison π . Une structure similaire se rencontre dans le graphite. Celui-ci (fig. 2.16) est formé par la superposition de plans où les atomes de carbone sont disposés au sommet d’hexagones réguliers. Dans ces plans, les atomes sont reliés entre eux par des liaisons σ auxquelles vient se superposer l'effet des électrons π circulant dans des orbitales polynucléaires. Chaque atome de carbone a donc une valence égale à 1+1/3 (1 liaison σ + 1/3 liaison π). La structure du graphite est fortement anisotrope. Dans les plans hexagonaux, la distance C—C est égale à 0,142 nm, tandis que la distance entre ces plans (0,335 nm) est beaucoup plus élevée. Ceux-ci sont liés entre eux par des liaisons beaucoup plus faibles résultant d'interactions entre les électrons π des plans vicinaux. Cette anisotropie de la structure du graphite entraîne une anisotropie très grande des propriétés mécaniques et physiques. Ainsi, les propriétés lubrifiantes du graphite résultent du clivage aisé du cristal parallèlement aux plans hexagonaux. La présence d'orbitales polynucléaires, situées dans les plans hexagonaux et permettant la circulation des électrons π , explique la conductivité électrique élevée du graphite parallèlement à ces plans. Les propriétés électriques du graphite sont fortement anisotropes, le graphite est entre 100 et l000 fois moins conducteur dans la direction perpendiculaire aux plans hexagonaux.
C
H
FIG. 2.13 Représentation spatiale de la molécule de polyéthylène (C2H4).
C'est également parce que le graphite contient des électrons mobiles, qui interagissent avec les photons, qu'il est un solide opaque, alors que le diamant (sect. 4.4), qui est un isolant électrique et qui ne contient pas d’électron mobile, est un solide transparent.
40
Introduction à la science des matériaux
y
x
y
z y x
(a) z
2py
+
x
•
y 2s
z
x
3 orbitales hybrides sp2 z 2px H
H
H
H
σ
•
(b)
•
+ C
σ
C
H
σ
• C
H
H
σ
•
σ
C
H
y x
+ 2
z
2pz z
z
π H
H C
H
σ
H
C
C
π
H
H H
(c)
θ = 120° H
y
p
p
σ y
C
H x H
H C
C H
Molécule d'éthylène FIG. 2.14 Schématisation de la formation des orbitales hybrides du carbone sp2 et de la molécule d'éthylène C2H4: (a) formation de trois orbitales hybrides planes sp2 à partir d'une orbitale atomique 2s et de deux orbitales atomiques 2p ; (b) formation de la molécule d'éthylène C 2H4 avec ses liaisons σ et π ; (c) représentation symbolique de la molécule d'éthylène C2H4 .
Cette comparaison entre le graphite et le diamant montre combien la nature des liaisons exerce une influence primordiale sur la structure et les propriétés des matériaux.
Atome, molécule et liaison chimique
H
H H
C
C
H
H
H
H
C
C H
41
C C
H
C
C
C
C
C C
H
H
H (a)
Électrons π
.
H
.
120°
H
C
C
.
H C
120°
C H
C C
109 pm
120°
H (b)
H 139 pm
Électrons π (c)
FIG. 2.15 Représentation de la structure du benzène: (a) deux formules limites; (b) et (c) représentation de la structure réelle de la molécule avec indication de la configuration électronique des électrons π.
(b)
FIG. 2.16 (a) Structure cristallographique du graphite; (b) trois formules limites pour trois cycles hexagonaux aromatiques du plan graphitique.
2.3.6 Liaison métallique Les métaux, qui forment presque les trois-quarts des éléments (fig. 1.2), sont caractérisés par une faible énergie d’ionisation et une faible électroaffinité. Les électrons de valence, qui sont très peu nombreux, sont donc très faiblement liés au noyau
42
Introduction à la science des matériaux
de l’atome métallique. En pratique, les électrons de valence ne sont pas liés à un atome déterminé, mais ils sont délocalisés et répartis dans l’ensemble du métal. TABLEAU 2.17 Énergie de formation, multiplicité et longueurs de quelques liaisons covalentes courantes en chimie organique. Liaison C C C C C C C C C C C C O O N
Multiplicité des liaisons
Longueur [pm]
Énergie [kJ mol–1]
1 2 3 1 1 1 1 1 2 1 2 3 1 1 1
154 134 120 109 135 177 194 143 120 147 – 116 166 96 103
346 602 835 411 485 327 285 357 798 305 615 887 139 459 391
C C C H F Cl Br O O N N N O H H
(D’après Huheey,1978. )
La liaison métallique est donc caractérisée par une structure d’ions positifs noyés dans un gaz d’électrons. Ce gaz d’électrons assure la liaison entre les ions positifs (fig. 2.18). La liaison métallique est une liaison forte qui agit de manière identique (isotrope) dans toutes les directions de l’espace. Ce type de liaison favorise la création de structures cristallines simples, de grande symétrie et très compactes. C’est la présence d’électrons mobiles qui permet d’expliquer la conductivité électrique et thermique élevée des métaux.
FIG. 2.18 Représentation schématique de la structure électronique d’un métal. (+) = ions positifs et (•) = électrons.
2.3.7 Bandes d’énergie Nous avons vu (§ 2.3.4) que deux orbitales atomiques appartenant à deux atomes distincts pouvaient se combiner pour former une orbitale moléculaire liante et une
Atome, molécule et liaison chimique
43
orbitale moléculaire antiliante. De la même façon, on combine trois orbitales atomiques appartenant à trois atomes différents pour former trois orbitales à trois centres: une liante, une non liante et une antiliante. En combinant les n orbitales atomiques des n atomes d’un cristal métallique, on obtient n orbitales polynucléaires avec n niveaux énergétiques très rapprochés (fig. 2.19). Lorsque le nombre d’atomes n devient très grand les niveaux énergétiques des orbitales polynucléaires forment une bande d’énergie pratiquement continue. La formation de bandes d’énergie stables dépend du degré de superposition des orbitales atomiques dans le solide.
FIG. 2.19 Schéma des bandes d’énergie dans les métaux.
On peut généraliser la théorie des bandes d’énergie à l’ensemble des solides: métaux , isolants, semiconducteurs. La figure 2.20 donne la répartition des électrons sur les bandes d’énergie lorsque ceux-ci se trouvent dans leur état d’énergie la plus basse, c’est-à-dire pratiquement si T → 0 K. En combinant les orbitales atomiques, on obtient un ensemble de bandes d’énergie. Les bandes d’énergie sous-jacentes sont complètement occupées par des électrons tandis que les bandes d’énergie supérieure à celle de la bande de valence sont vides. La bande occupée possédant l’énergie la plus élevée est la bande de valence. C’est au niveau de celle-ci qu’on fait la distinction entre les différents types de solides: métalliques, isolants électriques ou semiconducteurs. Dans le cas des métaux (fig. 2.20 (a)), la dernière bande occupée n’est pas complètement remplie et les électrons de valence restent délocalisés car, quelle que soit la température, ils peuvent venir occuper les orbitales vides qui ont un niveau d’énergie légèrement supérieur à celui du dernier niveau rempli. Un métal reste un conducteur électrique même à 0 K (§ 15.2.3). La bande vide qui possède l’énergie immédiatement supérieure à celle de la bande de valence est appelée bande de conduction car c’est dans cette bande que se trouvent des électrons responsables de la conductivité électrique des matériaux non métalliques. La différence d’énergie E D qui sépare la dernière bande occupée de la première bande vide est appelée bande interdite car aucun électron ne peut avoir une énergie comprise entre celle du niveau supérieur de la bande de valence et celle du niveau inférieur de la bande de conduction. Pour qu’un solide non métallique soit capable de conduire l’électricité, il faut que ses électrons possèdent une énergie suffisante pour franchir la bande interdite et sauter de la dernière bande occupée (bande de
44
Introduction à la science des matériaux
FIG. 2.20 Schéma des niveaux d’énergie dans la théorie des bandes et la répartition des électrons dans leur état fondatal (T → 0 K). (a) Métaux: dernière bande occupée partiellement remplie et les électrons sont libres de se mouvoir sous l’action d’un champ électrique même à 0 K. A une température donnée, la conductivité des matériaux non métalliques est fonction de la largeur de la bande interdite (ED). Si ED > 2 eV, le solide est isolant (b), si ED ≈ 1 eV, on a, à haute température, affaire à un semiconducteur (c).
valence) à la première bande vide (bande de conduction). Le matériau devient alors conducteur grâce aux électrons qui se déplacent dans la bande de conduction et, également, en raison de la mobilité des emplacements laissés vides (trous) par le départ d’électrons de la bande de valence. Ce qui différencie un isolant d’un semiconducteur est essentiellement la largeur de la bande interdite. Si celle-ci est large (E D > 2 eV), c’est-à-dire si la différence d’énergie ED séparant la dernière bande occupée de la première bande vide est importante (fig. 2.20(b)), aucun électron n’a, à température ambiante, assez d’énergie thermique pour passer de la bande de valence à la bande de conduction et le solide se comporte comme un isolant électrique (conductivité électrique < 10–10 Ω–1 cm–1). Lorsque la bande interdite est voisine de 1 eV, un certain nombre d’électrons peuvent être excités vers la bande de conduction si la température est suffisamment élevée et on aura affaire à un semiconducteur (fig. 2.20 (c)). Leur conductivité électrique varie entre 10– 9 à 102 Ω–1 cm–1. Le silicium et le germanium, qui sont deux semi-conducteurs, ont la même structure cristalline que celle du diamant qui est un isolant. Ce qui les distingue, c’est uniquement la largeur de la bande interdite: 0,7 et 1,1 eV respectivement pour le germanium et le silicium à comparer avec ~5,4 eV pour le diamant. À 0 K et en l’absence d’impuretés, ces trois solides sont des isolants, car aucun électron ne possède l’énergie thermique suffisante pour être excité vers la bande de conduction. Nous reviendrons sur les propriétés des semiconducteurs au paragraphe 15.2.3. La conductivité électrique d’un semiconducteur augmente généralement avec la température alors qu’elle diminue dans le cas des métaux. Il suffit parfois d’un simple changement de la structure cristalline pour modifier E D et changer le caractère covalent ou métallique de la liaison. Ainsi l’étain gris (structure tétraédrique de coordinence 4), qui est la forme stable de l’étain en dessous de 13,2 °C, est un semiconducteur. L’étain blanc (coordinence 8), qui est stable audessus de cette température, est un métal. De même, l’oxyde de vanadium VO 2 est à température ambiante un isolant caractérisé par des liaisons covalentes; à partir de
Atome, molécule et liaison chimique
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66 °C, il devient conducteur électrique. Ce changement, qui est complètement réversible, résulte d’une variation minime de la structure cristalline. Au-dessus de 66 °C, les atomes de vanadium sont équidistants et les électrons sont délocalisés. En dessous de cette température, les atomes de vanadium se regroupent en paires V–V plus courtes et la liaison est covalente. La conductivité électrique du graphite s’explique également par le modèle des bandes d’énergie. En soumettant un matériau à une pression élevée, on peut faire varier la distance interatomique et changer la conductivité électrique. Ainsi, certaines substances, qui à pression normale sont des isolants, deviennent conductrices sous haute pression, car en rapprochant les atomes, on permet la formation d’orbitales polynucléaires. 2.3.8 Liaisons secondaires Les liaisons fortes comme la liaison covalente entraînent un déplacement important des électrons de valence. À côté des liaisons fortes dont nous venons de parler, il existe des liaisons faibles qui mettent en jeu des énergies comprises entre 4 et 40 kJ mol–1 . Celles-ci sont donc d’au moins un ordre de grandeur plus faibles que celles des liaisons covalentes. Les liaisons faibles n’induisent qu’un changement minime de la position des électrons. Les forces de liaisons secondaires résultent surtout d’interactions électrostatiques entre dipôles électriques. Les dipôles permanents ont tendance à s’aligner les uns par rapport aux autres. Il en résulte une force de liaison qui est environ 10 fois plus petite que celle des liaisons covalentes les plus faibles. (2.13)
+ Molécule polaire
Molécule polaire
L’introduction d’un dipôle permanent entraîne une élévation substantielle de la température de fusion et de la température d’ébullition. C’est ainsi que le chlorométhane (CH3Cl-Téb. = –24,2 °C) a un point d’ébullition nettement plus élevé que le méthane (CH4-Téb. = –164 °C) ou que l’éthane (CH3—CH3-Téb. = –88,6 °C). La liaison hydrogène est un exemple de liaison dipôle-dipôle très intense. Il ne faut surtout pas confondre celle-ci avec la liaison covalente entre deux atomes H formant H 2. Celle-ci intervient lorsque l’hydrogène est lié à un atome petit et à forte électronégativité comme le fluor, l’oxygène ou l’azote. Un exemple connu est la liaison hydrogène de l’eau et des acides carboxyliques. C’est ce qui explique le point d’ébullition anormalement élevé de ces molécules. À la figure 2.21 (d), nous avons représenté la structure tridimensionnelle de l’eau stabilisée par des liaisons hydrogène. Un dipôle peut également modifier la répartition électronique dans une molécule peu polaire et entraîner la création d’un dipôle induit dans cette dernière: (2.14)
+ Molécule polarisable
Molécule polaire
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Introduction à la science des matériaux
Cette interaction entraîne la formation d’une liaison secondaire moins intense que la liaison par dipôle permanent. Les liaisons secondaires les plus faibles sont celles qui sont responsables de la condensation et de la solidification à basse température des molécules apolaires (méthane) et des atomes non combinés comme les gaz rares. Pour expliquer la formation de ce type de liaison, on admet qu’il existe des perturbations instantanées de la répartition électronique autour du noyau, qui entraîneraient la formation de dipôles instantanés. Ceux-ci proviendraient du mouvement des électrons autour du noyau. Les forces de cohésion résulteraient d’interactions entre ces dipôles instantanés fluctuant en phase: Noyau atomique
(2.15)
+ Alignement des dipôles instantané
Ces attractions entre dipôles instantanés, qui sont connues sous le nom de forces de van der Waals, induisent des forces de liaison environ 100 fois plus faibles que celles des liaisons covalentes. La polarisation réciproque du nuage électronique est d’autant plus facile que les électrons périphériques sont éloignés du noyau et les forces de liaison sont pratiquement proportionnelles à la taille des atomes. Ceci explique que le point de fusion et la température d’ébullition des gaz rares et des molécules simples comme H2 ou CH4 augmentent avec la taille des atomes ou des molécules. Les liaisons secondaires ont une influence déterminante sur les propriétés physiques et mécaniques des polymères organiques qui sont des solides moléculaires. Dans les matériaux polymères interviennent des liaisons fortes covalentes qui forment les liens intramoléculaires et des liaisons secondaires qui assurent la cohésion entre les chaînes. Ce dernier type de liaison est déterminant pour les propriétés mécaniques. Ainsi, dans le cas des polyamides (fig. 2.21 (b)), c'est une liaison hydrogène très intense qui assure la cohésion entre les chaînes et qui est responsable du point de fusion relativement élevé (Tm > 220 °C en général) de ce type de matériau. Si on remplace le groupement NH par un O on obtient un polyester (chap. 5), et on obtient alors une macromolécule qui a un point de fusion situé à une température qui est plus basse de 200 °C environ. 2.3.9 Caractéristiques des molécules Les molécules sont des agrégats constitués d’atomes reliés entre eux par des liaisons fortes du type covalent qui forment les liens intramoléculaires. Les molécules sont liées entre elles par des liaisons relativement faibles (liaisons intermoléculaires) qu’on appelle liaisons secondaires. Les solides moléculaires constituent un groupe important de matériaux auquels appartient la majorité des polymères organiques. À l’état solide, les molécules sont unies entre elles par des liaisons secondaires de 10 à 100 fois plus faibles que les liaisons intramoléculaires. Il s’ensuit que les solides moléculaires passent en général à l’état liquide à des températures relativement basses (100-250°C) et que les molécules les plus légères passent à l’état de vapeur
Atome, molécule et liaison chimique
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Liaison hydrogène
(a)
Atome H
Atome O Molécule H2O CH2
H2C
C C
H2C C
O
H2C CH2
H2C H2C
CH2
H2C
N
H2C
CH2
N
H2C N
H
O
H
CH2 CH2
CH2
O
H
C
C
C H3C
CH2 CH2
CH2
O
H2C
H2C
H2C (b)
N CH2
CH2 CH2
H
N
H
N
H
O
O
H2C CH2
H2C CH2
H2C
FIG. 2.21 Exemples de liaison hydrogène: (a) molécules d'eau (H20); (b) plan réticulaire d'un cristal de polyamide 6 - 6 (Nylon).
sans modification de leur structure moléculaire. La plupart des substances organiques sont solubles dans des solvants qui sont eux-mêmes des molécules organiques de faible masse molaire. Ceux-ci, qui sont liquides à température ambiante, sont capables d’écarter les molécules les unes des autres pour les faire passer en solution. Comme les molécules sont constituées en majorité de liaisons covalentes orientées, elles possèdent en général une structure bien déterminée (chap. 5). Les macromolécules (polymères) (§ 4.4.1) sont en général solubles dans les solvants organiques et fusibles mais leur masse molaire est trop élevée pour passer à l’état de vapeur. La majorité des solides minéraux et métalliques ne possèdent pas de structure moléculaire et ils ne fondent généralement qu’à des températures élevées (supérieures à 500 °C). Ceci résulte de ce qu’ils ne sont constitués que par des atomes ou des ions tenus ensemble par des liaisons fortes.
48
Introduction à la science des matériaux
2.4 FORCES DE COHÉSION INTERNE 2.4.1 Attraction et répulsion
Répulsion (+)
fR = Y/rb
f = f A + fR
f
ER
0 E = EA + ER
EA
r0 Distance interatomique r (a)
Force
0
Attraction (–)
Énergie potentielle E
Comme nous venons de le voir, l’ensemble des forces de liaisons interatomiques a essentiellement un caractère électrostatique. Ces forces de liaisons ne font intervenir que les électrons périphériques. La solidité des liens varie considérablement, d’un type de liaison à l’autre, de quelques kJ jusqu’à plusieurs centaines de kJ par mole. Si on veut calculer l’énergie de formation d’une liaison, il faut non seulement tenir compte des forces d’attraction qui sont responsables de la création de la liaison, mais également de forces répulsives qui prennent naissance lorsque les atomes viennent en contact (fig. 2.22). Limitons-nous au cas de la liaison ionique pour démontrer ce point essentiel. Lorsque la distance r entre deux ions de signe opposé est grande, ceux-ci peuvent être considérés comme des charges ponctuelles entre lesquelles n’interviennent que des forces d’attraction coulombienne. Si r diminue et atteint l’ordre de grandeur du rayon atomique, les ions ne se comportent plus comme des charges ponctuelles car les électrons périphériques portés par les ions se repoussent. Il existe donc pour les ions une distance d’équilibre r0 qui correspond au point où les forces d’attraction et de répulsion se compensent. Cette position fixe la longueur moyenne de la liaison stable. Pour comprendre l’origine de cette force de répulsion qui est aussi de nature électrostatique, il faut faire usage de la mécanique quantique car l’intérieur d’un atome est pratiquement vide et de prime abord on imagine difficilement pourquoi les trajectoires des électrons de deux atomes voisins ne peuvent pas s’imbriquer. Nous savons que les électrons ne peuvent occuper qu’un certain nombre d’orbitales bien déterminées et que chaque orbitale ne peut accepter au maximum que deux électrons (principe de Pauli). Lorsqu’on approche deux ions, les électrons périphériques d’une
fA = –X/ra
r0 Distance interatomique r (b)
FIG. 2.22 Variation de l’énergie potentielle (a) et des forces centrales d’attraction et de répulsion électrostatiques (b) en fonction de la distance r entre deux ions voisins.
Atome, molécule et liaison chimique
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molécule interfèrent avec ceux des molécules voisines. Pour diminuer la distance interatomique, il faudrait que les couches électroniques périphériques puissent accepter une partie des électrons venant d’un autre atome, ce qui est impossible puisque ceuxci hébergent déjà leur nombre maximal d’électrons. 2.4.2 Calcul de la force de liaison ionique La force ƒA agissant entre deux charges électriques ponctuelles est donnée par la loi de Coulomb: X fA = – a r
(2.16)
Dans cette expression, X est une constante qui dépend de la charge électrique des ions et donc du nombre d’électrons intervenant dans la liaison (électrons de valence); r est la distance entre les centres des ions et a est égal à 2 (loi de Coulomb). La force d’attraction ƒA qui intervient entre ions de signe contraire est par convention affectée d’un signe négatif. La force d’attraction est d’autant plus intense que la distance entre les ions est petite. La force de répulsion ƒ R , qui ne se manifeste que lorsque la distance entre atomes est très petite (de l’ordre de grandeur des «rayons atomiques»), peut être calculée approximativement à l’aide d’une relation analogue à celle de la loi d’attraction: X fR = b r
(2.17)
Comme l’effet répulsif l’emporte, à courte distance, sur l’effet attractif, les valeurs de l’exposant b doivent nécessairement être supérieures à celles de l’exposant a. Pour des liaisons ioniques, les valeurs sont comprises entre 7 < b < 10. La résultante des forces agissant sur deux atomes voisins est donnée par la relation. X Y ƒ = ƒA + ƒR = − a + b r r
(2.18)
La constante d’attraction X est aisément calculable par la loi de Coulomb. Il n’en va pas de même pour la constante de répulsion Y. Celle-ci peut néanmoins être déterminée si on considère qu’à la distance interatomique d’équilibre r0 , ƒ = 0 et ƒ A = fR : Y = Xr0(
b−a )
(2.19)
En substituant (2.19) dans (2.18), on peut écrire: X ƒ= a r
r ( a−b ) − 1 r0
(2.20)
La figure 2.22 décrit les variations des forces d’attraction et de répulsion ainsi que de leur résultante ƒ, en fonction de la distance interatomique r.
50
Introduction à la science des matériaux
Toute modification de la distance interatomique r par rapport à r0 entraîne l’apparition d’une force qui tend à replacer les atomes dans leur position d’équilibre. Pour de faibles variations de la distance interatomique au voisinage de r0, la force induite par la déformation de la liaison est proportionnelle à l’écartement r0 – r, ceci aussi bien en traction qu’en compression. Les différentes forces interatomiques peuvent donc être représentées par des ressorts plus ou moins rigides. Le traitement élémentaire que nous venons de développer pour la liaison ionique est susceptible d’être étendu aux autres types de liaisons. D’une manière générale, on peut dire qu’il existe au sein du solide des forces d’attraction et de répulsion qui tendent à s’équilibrer. Le rayon d’action des forces de répulsion est toujours plus petit que celui des forces d’attraction. Dans le cas de liaisons covalentes et de liaisons secondaires, les valeurs de l’exposant a sont comprises entre 6 et 10, et celles de b entre 10 et 12. Il existe par conséquent, pour les atomes, des positions d’équilibre bien déterminées auxquelles la résultante des forces d’attraction et de répulsion s’annule. Dans les solides covalents, les liaisons sont en général orientées et les interactions sont faibles entre atomes non directement liés. Les solides covalents sont constitués de molécules, c’est-à-dire d’agrégats d’atomes reliés par des liaisons covalentes fortes. La cohésion entre les molécules est assurée par des liaisons secondaires. A l’exception des réseaux tridimensionnels (polymères réticulés), les polymères organiques sont constitués de macromolécules, c’est-à-dire de chaînes covalentes reliées entre elles par des liaisons secondaires. Pour plus de renseignements le lecteur se référera à la section 4.4. 2.4.3 Dimensions de l’atome Cette étude des forces d’attraction et de répulsion nous amène à proposer un modèle simplifié pour la structure de l’atome. Ainsi, on peut considérer que le centre de l’atome est constitué par une sphère rigide impénétrable constituée par le noyau atomique et par les couches d’électrons complètes qui sont fortement liées au noyau (cœur). Autour de cette sphère rigide gravitent les électrons de valence, c’est-à-dire les électrons situés dans les couches extérieures incomplètes. C’est seulement les électrons périphériques qui interagissent avec ceux d’autres atomes. C’est ainsi qu’on peut attribuer des rayons relativement bien définis aux différents atomes. Cependant, cette grandeur n’est pas déterminable a priori. À titre d’exemple, considérons le cas de la liaison ionique que nous venons d’étudier dans la section précédente. Dans la matière condensée (solide ou liquide), on détermine par diffraction des RX la distance entre deux ions positif et négatif vicinaux, mais ce n’est que par comparaison des valeurs obtenues pour différents couples d’ions (§ 18.2.1) que l’on détermine la valeur moyenne du rayon ionique. Pour les ions ayant le même nombre d’électrons périphériques (§ 18.2.2), le rayon décroît lorsque la charge du noyau augmente. De manière générale, le rayon des cations est nettement plus petit que celui des anions. Pour des ions portant la même charge électrique, le rayon varie relativement peu lorsque le nombre d’électrons et la charge du noyau augmentent simultanément (§ 18.2.2). Dans ces conditions la densité de ces substances augmente de manière considérable.
Atome, molécule et liaison chimique
51
Le rayon atomique dépend de la nature de la liaison dans laquelle l’atome est engagé. Ainsi, le rayon de l’ion métallique est toujours nettement plus élevé que celui de l’ion participant à une liaison ionique. Par exemple, l’ion ferreux Fe2+ a un rayon de 0,074 nm, alors que l’ion métallique (§ 18.2.3) a un rayon de 0,124 nm. Dans le métal, l’atome est pourtant présent sous sa forme ionique. Cependant, il existe une différence majeure entre les métaux et les composés ioniques. Dans les composés ioniques, les ions de signe opposé ont tendance à s’attirer, tandis que dans les matériaux métalliques, les ions sont de même signe et ils se repoussent mutuellement. Cette caractéristique entraîne en quelque sorte un gonflement de la structure métallique et il est remarquable que dans ce cas le modèle à sphère dure s’applique encore. Le rayon atomique des métaux ne varie pratiquement pas en fonction du nombre des électrons Z. Ainsi, le lithium (Z = 3) a exactement le même rayon atomique que l’uranium (Z = 92). Ceci justifie le fait que la densité des métaux augmente considérablement avec le nombre atomique Z. Le rayon atomique varie également suivant que l’on a affaire à des liaisons covalentes ou ioniques. Par exemple, on estime que le fluor covalent a un rayon atomique de 0,071 nm, tandis que l’on détermine un rayon de 0,135 nm pour l’ion F–. Le rayon de l’atome varie également avec la multiplicité de la liaison. Dans le cas du carbone par exemple, la distance C—C est égale à 0,154 nm pour la liaison simple, 0,134 nm pour la liaison double et à 0,120 nm pour la liaison triple. Comme on peut le prévoir, les liaisons C—C dans le benzène (0,139 nm) et dans le graphite (0,142 nm) sont intermédiaires entre la valeur trouvée pour la liaison simple et celle déterminée pour la liaison double. Dans le cas de deux atomes liés par des forces de valence secondaires, la distance à laquelle la force de répulsion et la force d’attraction induites par les électrons périphériques s’équilibrent, définit le rayon de van der Waals des atomes (§ 18.2.4). Le calcul du rayon de van der Waals est analogue à celui des rayons ioniques esquissé précédemment. Comme les forces d’attraction sont plus faibles dans le cas des liaisons secondaires, les forces répulsives entrent en jeu plus rapidement et les rayons van der Waals sont sensiblement plus élevés que les rayons atomiques dans les liaisons covalentes. Ainsi le rayon de van der Waals du chlore est égal à 0,178 nm, alors que son rayon atomique dans les composés covalents vaut 0,099 nm. Il ne faut donc pas confondre rayon atomique dans les composés covalents, ioniques ou métalliques avec le rayon de van der Waals qui fixe la limite entre les molécules dans les solides moléculaires comme les polymères organiques.
2.5 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS L’atome est construit à partir de particules élémentaires (nucléons et électrons) qui obéissent aux lois de la mécanique quantique. D’après cette théorie, il n’est pas possible de connaître avec précision la position des électrons qui restent confinés dans des portions déterminées de l’espace appelées orbitales. On a besoin de quatre nombres quantiques (n, l, ml, m s) pour caractériser l’électron circulant à l’intérieur d’une orbitale déterminée. Celle-ci contient au maximum
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Introduction à la science des matériaux
deux électrons de valeur ms = ± 12 . Le classement des éléments du Tableau périodique se fait par remplissage progressif des orbitales. Les propriétés chimiques des éléments ne sont fonction que de leurs électrons périphériques (électrons de valence). Les liaisons chimiques sont essentiellement de nature électrostatique. Pour qu’une liaison stable se forme, il faut qu’il se produise un dégagement d’énergie. La mécanique quantique conduit à une vue unitaire de la liaison chimique, mais pour des raisons didactiques, on distingue trois types de liaisons fortes: les liaisons ioniques, covalentes et métalliques. La liaison ionique a un caractère isotrope et elle s’établit entre ions de signe opposé. Ceux-ci sont formés par transfert d’électrons de valence. Dans la liaison covalente, il y a partage d’électrons de valence entre atomes vicinaux. Celle-ci ne peut en général s’établir que dans des directions déterminées de l’espace. Dans le cas de la liaison métallique certains électrons périphériques ne sont plus attachés à un atome déterminé, mais délocalisés dans le solide sous forme d’un nuage d’électrons qui assurent la cohésion entre les ions métalliques. La liaison métallique a également un caractère isotrope comme la liaison ionique mais elle n’est pas polarisée. Les molécules sont des agrégats d’atomes liés par des liaisons fortes covalentes. Les molécules sont associées entre elles par des liaisons secondaires qui résultent d’attraction électrostatique entre dipôles électriques induits et permanents. C’est la nature des liaisons qui détermine en grande partie les propriétés des phases condensées (solide ou liquide) et la classification des matériaux peut se faire des types de liaison. Ainsi la ductilité des métaux résulte en grande partie du caractère isotrope non polarisé de la liaison métallique. La fragilité d’un certain nombre de solides, matériaux organiques et céramiques, est à mettre en relation avec le caractère orienté des liaisons covalentes qui rend difficile la déformation plastique de ces matériaux à température ambiante. Les matériaux ioniques (autre type de céramiques) ont également un caractère fragile qui est induit par la présence d’ions de signe opposé qui inhibent à basse température le mécanisme de déformation plastique par dislocation (chap. 7). Comme nous le verrons au chapitre 14, certaines propriétés physiques comme la conductivité électrique, la brillance ou la transparence, sont directement liées à la mobilité des électrons. Les propriétés des solides moléculaires comme les polymères sont, en grande partie, déterminées par la faiblesse de leurs liaisons secondaires qui maintiennent la cohésion entre les chaînes. Cependant, en orientant les chaînes par étirage (§ 12.3.3), on obtient des matériaux polymères (fibres) ayant des propriétés mécaniques comparables à celles des aciers les plus performants.
2.6 EXEMPLE ILLUSTRATIF: FIBRES ET NANOTUBES DE CARBONE La première utilisation connue de fibre de carbone date de la fin du dix-neuvième siècle lorsque Thomas Edison utilisa une mince baguette de bambou carbonisée comme filament pour la première lampe à incandescence. Depuis lors, la fibre de
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carbone est devenue l’agent de renfort utilisé dans un grand nombre de matériaux composites modernes notamment en aéronautique et dans les articles de sport. La fibre de carbone est constituée en majeure partie de graphite qui est la forme cristalline stable et peu dense du carbone ( ρ = 2,25 g cm–3). Comme nous l’avons vu à la figure 2.16, le graphite est caractérisé par une structure cristalline très anisotrope. Dans le sens parallèle aux plans hexagonaux, le graphite possède des propriétés mécaniques aussi élevées que celles du diamant. Pour réaliser des fibres à haute résistance, il faut donc que les plans hexagonaux graphitiques soient orientés parallèlement à la direction d’application de la contrainte car dans le sens perpendiculaire à ces plans la rigidité du graphite devient environ 30 fois plus faible. On réalise cet alignement préférentiel en partant d’un précurseur orienté. Un des précurseurs les plus utilisés actuellement est la fibre de poly(acrylonitrile) (PAN) qui est pyrolysée de manière contrôlée sous contrainte mécanique. À des températures voisines de 200 °C, on forme une structure en échelle stable (fig. 2.23). Si cette pyrolyse se fait en atmosphère partiellement oxydante, on introduit un certain nombre de groupements cétones (CO) (fig. 2.23 (c)). N
N
N
N
N
C
C
C
C
C
CH
CH
CH
CH
CH
(a) CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
Cyclisation
N
N
N
N
N
C
C
C
C
C
CH
CH
CH
CH
CH
(b) CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
O2 N C
N C
N C
N C
N C
(c) CH
CH C O
CH CH2
CH C O
CH CH2
C O
FIG. 2.23 Transformations chimiques de la fibre de poly(acrylonitrile) avant sa transformation en fibre de carbone: (a) fibre étirée; comme l’indiquent les flèches de la figure 2.23 (a), cyclisation (b) de la fibre de polyacrylonitrile étirée par formation d’une liaison C—N; (c) oxydation partielle de la fibre cyclisée (d’après Watt, 1970, et Kelly, 1986).
En chauffant le polymère cyclisé à température élevée (1500-2000 °C) sous atmosphère inerte, il se produit une élimination de molécules d’eau et d’acide cyanhydrique (HCN) et les atomes d’oxygène, d’azote et d’hydrogène présents dans la fibre préalablement oxydée sont éliminés. On obtient, par ce traitement, une structure graphitique orientée: la fibre de carbone.
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Introduction à la science des matériaux
Le procédé de fabrication de la fibre ex-PAN est schématisé globalement à la figure 2.24. On synthétise dans ces conditions des fibres qui ont une rigidité qui varie entre le cinquième et la moitié de celle du diamant ou du graphite parfaitement orienté, alors que la rigidité du précurseur non orienté (polyacrylonitrile) est 100 fois plus petite. On obtient des fibres à très haut module en effectuant le traitement thermique final à une température où la déformation plastique du carbone est possible. Ainsi, si on effectue le traitement final à une température de 2700 °C et après une allongement de 30%, on obtient une fibre de carbone avec un module d’élasticité (E = 700 GPa) plus élevé que celui de l’acier (E = 210 GPa).
FIG. 2.24 Représentation schématique de la fabrication de la fibre de carbone au départ d’un précurseur polymère:(a) pelote de polymère; (b) fibre de polymère; (c) graphitisation sous tension (d’après Watt, 1970 et Kelly, 1986).
La fabrication de fibres de carbone à partir de fibres de polyacrylonitrile est un processus très onéreux. On se tourne actuellement vers des procédés utilisant le brai qui est un résidu de la distillation du pétrole ou du charbon et qui est une matière première moins coûteuse. La microstructure des fibres de carbone (ou de graphite) est décrite à la figure 2.25. Celle-ci, qui est constituée de plans graphitiques hexagonaux alignés parallèlement à l’axe de la fibre et enroulés autour de pores, comporte de nombreux défauts. D’après le modèle de la figure 2.25, le degré d’organisation de la partie externe des fibres est nettement supérieur à celui du centre. Parmi les divers types de fibres de carbone commercialisés actuellement, on distingue deux catégories principales: • les fibres à module élevé (E = ~500 GPa; Rm = ~2300 MPa); • les fibres à haute résistance ( E = ~230 GPa; Rm = ~4000 MPa). C’est le traitement thermique à haute température qui favorise la formation de cristallites plus longues et les modules d’élasticité plus élevés.
Atome, molécule et liaison chimique
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FIG. 2.25 Coupe schématique de la section de la fibre de carbone basée sur des observations de microscopie électronique et de rayons X. On remarque que les plans graphitiques sont généralement alignés parallèlement au sens de la fibre mais avec un nombre important de défauts (d’après S.C. Bennett, 1976; Hull, 1981; D.J. Johnson, 1982, 1987).
On a synthétisé récemment une structure fibreuse beaucoup plus régulière que celle de la fibre de carbone fabriquée par pyrolyse contrôlée. Ce sont les nanotubes de carbone qui sont formés de plans graphitiques enroulés sur eux-mêmes. Comme le montre le schéma de la figure 2.26, un nanotube peut être composé d’une seule couche de graphite cylindrique. Il peut également comporter plusieurs couches cylindriques concentriques comme l’indique la figure 2.27. Un nanotube de carbone s’apparente à une fibre de carbone. C’est en quelque sorte, une fibre de carbone idéale ayant une structure beaucoup plus régulière et pratiquement exempte de défauts. Les nanotubes sont en fait des polymères bidimensionnels en forme de tube de longueur très grande par rapport à leur diamètre. Alors que le diamètre des filaments de base des fibres de carbone est compris entre 6 et 10 µm, celui des nanotubes est de l’ordre 10 et 20 nm pour une longueur qui dépasse plusieurs microns. On prépare ces nanotubes par des réactions qui s’apparentent à des réactions de polymérisation (fig. 2.26) si ce n’est qu’elles se déroulent à des températures nettement plus élevées (~700 °C dans l’exemple décrit). Le monomère utilisé est un hydrocarbure insaturé, l’acétylène ( HC CH ) (éthyne) qui est craqué à la surface d’un catalyseur supporté à base de métaux de transition. Cette réaction de craquage produit de l’hydrogène et un intermédiaire très réactif C2 qui reste complexé sur le catalyseur et s’additionne progressivement au nanotube en formation suivant une topologie induite par la structure superficielle du catalyseur. Un peu trivialement, on pourrait dire que le nanotube croît en surface du catalyseur supporté comme un cheveu. Les fibres de carbone (ou de graphite) sont utilisées dans un nombre relativement important d’applications industrielles. Combinées à des diverses résines polymères, elles constituent une source de matériaux à très haute résistance mécanique et thermique (matériaux composites) ainsi que nous le verrons en détail au chapitre 16.
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Introduction à la science des matériaux
FIG.2.26 Représentation schématique d’un nanotube en croissance sur le catalyseur. Les sites catalytiques actifs sont représentés par une sphère noire et blanche. Les atomes de carbone du nanotube figurent sous forme de sphères noires (d’après Fonseca et al, 1995)
(a)
(b)
FIG. 2.27 Nanotubes de carbone multicouches préparés par décomposition catalytique de l’acétylène sur catalyseurs supportés à base de métaux de transition à une température de l’ordre de 700 °C. La flèche du cliché (a), indique un nanotube de forme hélicoïdale. À la figure (b) prise sous plus fort grossissement, on observe la microstructure cylindrique du nanotube multicouche (une vingtaine de couches concentriques). On remarque également sur la micrographie (b), la présence indiquée par des flèches de dépôts de carbone amorphe. Ceux-ci peuvent être éliminés par une oxydation à l’air à 500 °C (d’après B. Nagy, 1999).
Les propriétés et les applications des nanotubes de carbone restent encore en majeure partie à découvrir. Leur structure très régulière leur confère des propriétés mécaniques élevées tout en restant très flexible. C’est pour ainsi dire la fibre de carbone ultime. Comme le graphite ou la fibre de carbone, les nanotubes conduisent donc l’électricité.
Atome, molécule et liaison chimique
57
Le problème actuel est plutôt de pouvoir fabriquer des nanotubes de structure contrôlée, en quantités suffisantes et à des prix compétitifs pour les applications envisagées.
2.7 EXERCICES 2.7.1 Faire la distinction entre le nombre atomique et la masse atomique. 2.7.2 Sachant que le nombre d’Avogadro NA est égal à 6,02.1023 atomes mol–1, calculer: • la masse en grammes d'un atome de cuivre; • le nombre d'atomes dans un gramme et dans un cm3. 2.7.3 Donner la formule de remplissage des couches électroniques des atomes de carbone et de fer. 2.7.4 Décrire la structure électronique et le type d'hybridation p et s des atomes de carbone et des hétéroatomes des molécules de chlorure de vinyle (chloroéthène), de propylène (propène), d’éthane qui possèdent la structure suivante: H2 C CH
Cl
Chlorure de vinyle (chloroéthène)
H2 C CH CH3 Propylène (propène)
H3 C
CH3
Éthane
2.7.5 Dans quel état se trouve un atome de métal dans un cristal ? 2.7.6 Expliquer pourquoi les liaisons secondaires sont faibles comparées aux liaisons primaires ? 2.7.7 Quelle est la chaîne de polymère résultant de la polymérisation du chlorure de vinyle (chloroéthène). 2.7.8 L’alumine (Al2O3) (céramique) a une masse volumique ρv = 3,7 g cm–3. • Calculer le nombre d'atomes par gramme d'alumine. • Calculer le nombre d'atomes par cm3. 2.7.9 Donner la valence des métaux et des non-métaux dans les composés suivants: CaCl2, TiCl3, Al2O3, SiO2. 2.7.10 Comment évolue l’énergie potentielle d’un système lorsque la distance entre deux ions de charges opposées tend vers sa valeur d'équilibre ?
2.8 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES P.W. ATKINS, Physical Chemistry, 2nd ed., Oxford University Press, Oxford, 1982. S.C. BENNET, Ph.D. Thesis, Leeds University, 1976. A.L. COMPAGNION, Chemical Bonding, Mc Graw-Hill, New York, 1964. I. N. ERMOLENKO, I. P. LYUBLINER, N. V. GULKO, Chemically Modified Carbon Fibers, VCH, Weinheim (Germany), 1990. A. FONSEQUA, K. HERNADI, J. B. NAGY, Ph. LAMBIN, A.A. LUCAS, Carbon, 33, 1759, 1995.
58
Introduction à la science des matériaux
J.E. HUHEEY, Inorganic Chemistry, 2nd ed., Harper, New York, 1978, p. 842. D. HULL, An Introduction to Composite Materials, Cambridge Solid State Series, Cambridge University Press, Cambridge, 1981. V. IVANOV, A. FONSEQUA, J. B. NAGY, A. A. LUCAS, Ph. LAMBIN, D. BERNAERTS, et X. B. Zhang, Carbon, 33,1727, 1995. D. J. JOHNSON, Chem. Ind. 18, 692, (1982). D. J. JOHNSON, J. Phys. D: Appl. Phys. 20, 286, (1987). A. KELLY et N. H. MACMILLAN, Strong Solids, 3rd ed., Clarendon Press, Oxford, 1986. C. KITTEL, Introduction to Solid State Physics, 7th ed., John Wiley, New York, 1996. B.H. MAHAN, College Chemistry, 2nd ed., Addison Wesley, Reading Mass., 1966. J. P. MERCIER et P. GODARD, Chimie Organique. Une initiation, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1995. J. B. NAGY, Communication personnel, 1999. P. ROBERT, Matériaux de l’Electronique, Traité d’Electricité, Vol. II, Presses polytechniques romandes, Lausanne, 1979. J.C. SLATER, Electronic Energy Bands Metals, Phys. Rev., 45 (1934) 794. A.C. WAHL, Chemistry by Computer, Scientific American, 222 (1970) 54. W. WATT, Proc. Roy. Soc., A 319 (1970) S. B. L. YAKOBSON, R. E. SMALLEY, American Scientist, 85, 324,1997.
CHAPITRE 3
STRUCTURE ET ORGANISATION DES SOLIDES
3.1 OBJECTIFS • Décrire la différence de structure entre le cristal et le verre. • Caractériser les divers modes d’arrangement des atomes des solides dans le réseau régulier du cristal. • Exposer le principe de la technique de diffraction des rayons X utilisée pour déterminer la structure des matériaux. Après avoir examiné de manière élémentaire les divers types de liaison existant entre atomes et molécules, nous analyserons succinctement l’arrangement plus ou moins ordonné des atomes et des molécules à l’état solide. Le concept de structure cristalline sera défini. L’état ordonné qui caractérise le cristal résulte de la répétition périodique d’une maille élémentaire. Pour relier la structure cristalline au comportement des matériaux, il est utile d’introduire une notation des plans et des directions cristallographiques. L’état cristallin se rencontre dans la plupart des métaux et dans un nombre important de céramiques et de polymères organiques. L’état amorphe est par contre très fréquent dans un certain nombre de céramiques (verres minéraux) et de matériaux organiques (verres organiques, caoutchoucs).
3.2 ÉTATS PHYSIQUES DES MATÉRIAUX 3.2.1 Ordre et désordre Toute substance peut en principe exister sous trois états physiques distincts: solide, liquide ou gaz. Nous ne parlerons pas ici d’autres états plus particuliers comme le plasma. C’est la balance entre l’énergie de cohésion (rapprochant les atomes) et l’énergie thermique (tendant à les séparer) qui détermine l’état physique. L’énergie thermique E th qui résulte du mouvement continuel des atomes est proportionnelle à la température absolue T(K). Eth ≈ kT
(3.1)
Dans cette expression, k (1,381·10–23 JK–1 ) est la constante de Boltzmann. Celle-ci est égale au quotient de la constante des gaz parfaits R par le nombre d’Avogadro NA:
60
Introduction à la science des matériaux
k=
R NA
(3.2)
L’énergie de cohésion peut être définie comme l’énergie qu’il faudrait apporter au système pour le dissocier en ses éléments constitutifs, c’est-à-dire pour vaporiser la substance. L’énergie de cohésion est beaucoup plus élevée pour les corps dont les éléments constitutifs sont des atomes reliés entre eux par des liaisons fortes (métaux, céramiques) que dans le cas où les éléments constitutifs sont des atomes (gaz rares) ou des molécules (F2, Cl2, ..., molécules organiques) reliés entre eux par des forces de liaisons faibles. L’énergie thermique est proportionnelle à la température absolue T (3.1), tandis que l’énergie de cohésion en est indépendante en première approximation. Cela explique la transition des structures et des états de la matière avec la température. La figure 3.1 esquisse cette évolution. Lorsque l’énergie thermique est élevée par rapport à l’énergie de cohésion (haute température), tout état structuré ou ordonné des atomes est exclu.
Distance d'ordre estimée en unité de rayon atomique r0 0
État de la matière
Température
Gaz
Gaz parfait
>> 100 r0
∞
Solide amorphe
Cristal réel
Cristal Parfait
Ordre à courte distance
Ordre à grande distance
Ordre parfait
3·10 r0 Gaz réel
Liquide
Liquide
Solide
Désordre parfait
Matériaux:
Verres minéraux
Métaux Semi-conducteurs et céramiques
Polymères organiques
FIG. 3.1 Esquisse de l’évolution du degré d’organisation des atomes avec l’augmentation de la température.
La matière existe dans un état désordonné à l’état gazeux dont la forme limite est représentée par le gaz parfait. Le néon, à pression normale (1 atm) et à température ambiante, constitue un exemple de gaz qui est proche de l’état idéal. Dans ces conditions, chaque atome de néon dispose d’un volume égal à celui d’un cube de
Structure et organisation des solides
61
3,3 nm de côté. Dans le cas des gaz parfaits, on peut négliger les interactions entre molécules. Les propriétés physiques (compressibilité, conductivité thermique…) dépendent donc uniquement de l’énergie thermique (cinétique) des atomes ou des molécules. Dans un gaz parfait, la position d’un atome ou d’une molécule est indépendante de celle d’un autre atome ou d’une autre molécule prise comme référence. Lorsque l’énergie thermique est faible, les mouvements de translation des atomes ou des molécules sont peu fréquents. Les éléments constitutifs de la matière ont tendance à s’organiser suivant un schéma rigoureux qui diminue au maximum l’énergie potentielle du système. La substance se trouve alors à l’état solide cristallin qui est la forme ordonnée de la matière. L’état liquide constitue un état intermédiaire entre l’état gazeux et le solide cristallin. Si on comprime un gaz à une température inférieure à sa température dite critique (Tc), on constate qu’à une certaine pression, le système devient hétérogène et que les atomes ou les molécules, selon le cas, s’organisent sous forme d’îlots beaucoup plus denses. Lors de cette transformation physique appelée condensation, les atomes ou les molécules se rapprochent brusquement et un contact s’établit entre eux et il y a formation à partir du gaz d’un état condensé: le liquide. Ce changement d’état physique s’accompagne d’une diminution d’entropie et d’un dégagement de chaleur. Pour les notions de thermodynamique élémentaire utilisées dans cet ouvrage, le lecteur se référera à des ouvrages spécialisés comme ceux de Smith ou de Ragona. Le volume des liquides est généralement supérieur de quelques pour-cent à celui du cristal. Lorsqu’on examine la structure des liquides par diffraction des rayons X (sect. 3.4), on constate que les premiers voisins d’un atome ou d’une molécule occupent une position très proche de celle qu’ils occupent dans le cristal. Par contre, les deuxième et troisième voisins sont déjà moins bien localisés. Au-delà des troisièmes voisins, l’ordre est rapidement perturbé. En d’autres termes, les liquides sont caractérisés par un ordre à courte distance, tout en conservant une densité proche de celle du cristal. La fusion s'accompagne de l’apparition de volumes vides dont la taille maximum est de l’ordre des dimensions d’un atome. C’est la présence de ces volumes vides qui est responsable de l’arrangement partiellement désordonné (structure amorphe) des liquides. La concentration en volumes vides augmente fortement avec la température et elle peut atteindre jusqu’à 10% du volume total de la substance. Comme nous le verrons au chapitre 7, il existe également des vides dans les cristaux réels. Dans ce caslà, ceux-ci sont appelés lacunes et ils sont d’une dimension voisine de celle d’un atome. Le volume vide des cristaux est beaucoup plus faible (1000 à 10 000 fois) que celui des liquides. La mobilité des vides présents dans les liquides est extrêmement grande. Les molécules ou les atomes des liquides sont animés de mouvements continus et désordonnés qui sont à l’origine des mouvements microbrowniens. Ces espaces vides se déplacent constamment dans le liquide, ce qui permet aux liquides de s’écouler sous l’action de forces relativement faibles caractéristiques de leur viscosité. A une température déterminée, le volume vide des liquides en équilibre est constant. Il augmente avec la température suivant une loi exponentielle. Il est possible de faire la distinction entre l’état ordonné d’un cristal et la structure ordonnée à courte distance d’un liquide à l’aide de l’expérience suivante: versons
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Introduction à la science des matériaux
en une fois dans un récipient une centaine de petites billes (diamètre d’environ 3 mm) représentant des atomes ou des molécules de forme sphérique ou quasisphérique. Cet ensemble de billes se dispose dans le récipient de mode désorganisée. Sa structure (fig. 3.2) est proche de celle des liquides. En agitant légèrement la couche de billes, ce qui simule l’agitation thermique, on observe progressivement la formation de zones de billes arrangées régulièrement qui représentent des domaines cristallisés. Si on place les billes dans un récipient à base hexagonale, dont les dimensions intérieures sont des multiples du diamètre des billes, on observe, après agitation faible et répétée du récipient, que les billes se disposent en une seule zone organisée qui représente la structure d’un «monocristal».
FIG. 3.2 Transition entre l’état compact et ordonné à grande distance des atomes d’un solide cristallin et l’état désordonné du gaz en passant par l’ordre à courte distance du liquide.
3.2.2 Arrangement des atomes dans les solides Dans le cristal parfait ou idéal, à l’échelle de l’atome, l’arrangement régulier des atomes s’étend pratiquement à l’infini. Un monocristal de silicium utilisé dans la fabrication des circuits intégrés atteint une longueur de 1 à 2 m pour un diamètre de 0,2 m. Dans un tel cristal qui a une structure proche de celle du cristal parfait, les atomes sont placés sur des sites prévisibles sur des distances qui atteignent 1 milliard de diamètres atomiques. Un cristal est caractérisé par un arrangement régulier et périodique des atomes liés entre eux par les forces de cohésion. Tout en gardant sa structure régulière et périodique, le cristal réel, tel qu’il existe dans la plupart des matériaux, contient un grand nombre de défauts (chap. 7).
Structure et organisation des solides
63
Nous avons déjà rencontré deux exemples de structures cristallines différentes du carbone dans le cas du diamant (fig. 2.12 (c)) et du graphite (fig. 2.16). Le diamant et le graphite sont caractérisés par des propriétés mécaniques et physiques très différentes. Le diamant est le matériau le plus dur et sa principale application industrielle se situe au niveau des abrasifs alors que le graphite qui se clive facilement est un lubrifiant solide. Cet exemple nous montre la relation étroite qui existe entre la structure cristalline et le comportement macroscopique des matériaux. Les matériaux cristallins existent sous une forme monocristalline ou polycristalline (fig. 3.3). Le degré de perfection des matériaux monocristallins résulte en général de l’utilisation de techniques de cristallisation très sophistiquées. Pourtant, l’existence d’une structure monocristalline ne constitue pas nécessairement un avantage pour de nombreuses applications. Les matériaux métalliques couramment utilisés, ainsi que de nombreuses céramiques ont une structure polycristalline qui est formée d’une multitude de microcristaux (grains) reliés entre eux par des zones moins ordonnées (joints de grains), chaque grain d’un matériau métallique étant un monocristal. La structure en grain existe également dans certains polymères mais elle est très particulière parce qu’elle est semi-cristalline. Chaque grain est, dans ce cas, constitué d’une sphérolithe qui est un édifice constitué d’un ensemble de lamelles cristallines solidarisées par une phase amorphe. Nous reviendrons ultérieurement (chap. 10) sur cette question.
FIG. 3.3 Vue schématique de l’assemblage des cristaux. La structure cristalline est représentée par un réseau quadrillé: (a) cristal unique (monocristal); (b) structure polycristalline (assemblage de grains cristallins) avec, en traits noirs, les joints de grain.
En modifiant la microstructure, il est possible de changer considérablement le comportement des matériaux. Ainsi, la diminution de la taille des grains induit une augmentation de la résistance mécanique du matériau à température ambiante. L’ordre à grande distance des matériaux mono- et polycristallins est absent dans un certain nombre de matériaux. C’est le cas des verres minéraux, de la majorité des polymères organiques et de quelques alliages métalliques trempés, c’est-à-dire refroidis rapidement à partir du liquide. Ce sont des substances vitreuses qui ont une
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Introduction à la science des matériaux
structure amorphe, désordonnée, analogue à celle des liquides. L’état vitreux (solide amorphe) est une forme instable de la matière qui tend à se transformer en cristal si les conditions thermodynamiques et cinétiques le permettent (chap. 8). Comme nous l’avons souligné en début de chapitre, tous les corps sont en principe susceptibles d’exister sous quatre états: solide cristallin ou amorphe, liquide ou gaz. Les macromolécules organiques ont cependant un comportement assez particulier. Les liaisons secondaires entre les chaînes peuvent être rompues par un chauffage à basse température, ce qui les fait passer à l’état liquide. Cependant les macromolécules n’existent pas sous une forme gazeuse car l’énergie thermique qu’il faudrait leur fournir pour les vaporiser exigerait de les porter à des températures tellement élevées qu’elles ne seraient plus stables et qu’il y aurait rupture des liaisons covalentes entre les atomes de la chaîne. Comparés aux métaux, les polymères organiques sont des substances qui cristallisent difficilement. Il faut également souligner que certains polymères organiques ont une structure moléculaire irrégulière qui rend leur cristallisation impossible. Les polymères réticulés (réseaux tridimensionnels) constituent un exemple de macromolécules de taille pratiquement infinie qui ne peuvent pas passer à l’état liquide et qui ne cristallisent pratiquement jamais (chap. 5). Dans le cas des polymères, la formation de monocristaux est tout à fait exceptionnelle. À l’état solide, les polymères existent sous une structure en grain semicristalline caractérisée par la présence de sphérolithes constitués de cristaux lamellaires séparés par des zones amorphes (chap. 10) ou sous une forme complètement amorphe (verre organique, caoutchouc) (chap. 5). Dans la classification des solides, les caoutchoucs occupent une position particulière, car leur déformabilité réversible est extrêmement grande. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur le comportement des caoutchoucs au chapitre 6. Les céramiques se placent entre les métaux et les polymères en ce qui concerne leur tendance à la cristallisation. On rencontre des matériaux céramiques cristallins comme certains oxydes (MgO) et d’autres céramiques ayant une structure vitreuse. Les verres minéraux sont obtenus par fusion de mélanges d’oxydes (SiO 2 + Na2O + CaO). Aujourd’hui, le mot verre caractérise la structure d’un grand nombre de solides amorphes. Ainsi, on fabrique non seulement des verres minéraux (verres à vitre) et des verres organiques (PMMA ou Plexiglas©) mais aussi des verres métalliques, comme on le lira dans l’exemple illustratif du chapitre 4. Il faut noter que tous les verres ne sont pas nécessairement transparents (chap. 15).
3.3 DESCRIPTION DE L’ÉTAT CRISTALLIN 3.3.1 Structure cristalline Le cristal représente l’état de la matière le plus fréquemment rencontré dans les matériaux. Pour cette raison nous allons étudier de façon plus approfondie certains concepts liés à cette structure. La cristallographie décrit l’architecture des cristaux, c’est-à-dire la répartition des atomes dans l’espace et les lois géométriques qui en fixent la position. Les solides
Structure et organisation des solides
65
cristallins sont donc caractérisés par un ensemble d’atomes arrangés périodiquement suivant les trois directions de l’espace dans un ordre strict qui définit la structure cristalline. Deux concepts fondamentaux sont à la base de la description de la structure cristalline: le réseau et le motif. • Un réseau spatial est constitué par un ensemble de points (nœuds), de dimension infinie, obtenu par translation dans l’espace de trois vecteurs non coplanaires, a, b et c, qui déterminent les directions et les distances entre les nœuds du réseau. Dans le cristal, chaque nœud du réseau possède un environnement identique pour une direction donnée. • Le motif constitue l’élément de base dont la répétition suivant le réseau spatial engendre le cristal. Le motif peut être un atome ou un groupe d’atomes ayant une orientation et une géométrie bien déterminées. La structure cristalline est engendrée par translation dans l’espace du motif qui vient occuper les nœuds du réseau spatial. La structure cristalline est donc déterminée à la fois par son motif et par son réseau spatial. Il est équivalent de dire que le cristal est engendré par la juxtaposition des mailles parallélépipèdiques identiques de côtés a, b et c. La maille contient le motif d’atomes qui se répète. Les mailles ont donc un volume de forme géométrique simple (cube, parallélépipède) dont la répétition dans l’espace engendre le réseau et le cristal. Les valeurs absolues a, b et c des trois vecteurs qui forment les arêtes de la maille sont appelées les paramètres de la maille. Partant de deux vecteurs a et b non colinéaires ayant la même origine, on peut construire un réseau à deux dimensions (fig. 3.4) par translation de ces vecteurs dans le plan qu’ils engendrent. Comme on peut le montrer à la figure 3.4, le choix des vecteurs a et b n’est pas unique. Comme dans le cas du réseau spatial, le réseau à deux dimensions peut également être engendré par la juxtaposition de mailles identiques en forme de parallélogramme de côté a et b.
FIG. 3.4 Formation d’un réseau à deux dimensions à partir de deux vecteurs a et b non colinéaires et ayant la même origine. Les vecteurs a’, b’, et a", b" sont également à la base du même réseau bidimensionnel. Les mailles élémentaires (1) et (2) décrivent aussi le réseau.
D’une manière générale, tout plan passant par trois nœuds du réseau est un plan réticulaire. Il contient une double infinité de points. Toute droite passant par deux
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Introduction à la science des matériaux
nœuds du réseau contient une simple infinité de points et constitue une rangée réticulaire. Nous avons représenté à la figure 3.5 la maille élémentaire et le réseau du chlorure de sodium. Les dimensions de la maille élémentaire de ce cristal sont voisines de 0,3 nm, ce qui signifie qu’il y a environ trois millions de mailles élémentaires sur une distance de 1 mm.
FIG. 3.5 Représentation de la maille cubique du cristal de NaCl et de son réseau.
La figure 3.6 décrit différents modes de représentation d’un plan réticulaire du NaCl. Le plan réticulaire considéré ici passe par une des faces de la maille cubique. A la figure 3.6(a), le plan réticulaire est représenté en utilisant le modèle de la sphère compacte. Le motif du cristal de NaCl est reproduit à la figure 3.6 (b). Celui-ci est constitué par un ion sodium Na+ et un ion chlorure Cl–. A la figure 3.6 (c), on a représenté le réseau bidimensionnel correspondant au plan réticulaire de la figure 3.6 (a). Ce réseau a été construit en plaçant les nœuds du réseau au centre des ions chlorures. On aurait pu également placer les nœuds du réseau au centre des ions de sodium ou encore à une distance égale du centre des ions chlorures et des ions de sodium… car il y a une infinité de façons de choisir l’origine du réseau sans que ce dernier ne soit modifié. La figure 3.6 (c) montre également diverses façons de dessiner la maille du réseau. La maille ABCD est ce qu’on appelle une maille simple car elle ne contient des nœuds qu’au sommet de la maille. Les deux autres mailles représentées (EFGH et IJKG) sont des mailles multiples car elles contiennent des nœuds à l’intérieur et sur les bords de la maille. Si la maille simple contient tous les éléments de symétrie du réseau on la choisit comme maille élémentaire pour représenter le réseau. Sinon, on choisit comme maille élémentaire la plus petite maille multiple faisant apparaître tous les éléments de symétrie du réseau. Dans le cas du plan cristallin analysé pour le cristal NaCl, la maille EFGH est la maille élémentaire.
Structure et organisation des solides
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Il n’existe que quatorze façons de distribuer périodiquement des points dans l’espace (fig. 3.6). Celles-ci constituent les quatorze réseaux spatiaux (réseaux de Bravais). Ils sont répartis en sept systèmes cristallins qui diffèrent entre eux par leurs éléments de symétrie. Ce sont les systèmes cubique, tétragonal, orthorhombique, monoclinique, trigonal et hexagonal. Pour obtenir les quatorze réseaux de Bravais, il est nécessaire de tenir compte les variantes centrées et à face centrées qui s’ajoutent au systèmes cubique, tétragonal orthorhombique et monoclinique primitifs. Nous nous limiterons dans cet exposé à la présentation des systèmes cristallins les plus simples: les systèmes cubiques et hexagonaux.
FIG. 3.6 Description à deux dimensions de la structure cristalline de NaCl: (a) plan réticulaire du cristal de NaCl; (b) motif; (c) réseau représentant la structure cristalline avec différentes mailles. C’est la maille EFGH qui est généralement utilisée car elle contient tous les éléments de symétrie du cristal de NaCl qui est cubique à face centrée.
3.3.2 Notation des plans réticulaires par les indices de Miller En cristallographie, on s’arrange pour que les nœuds du réseau coïncident avec les barycentres des atomes ou des groupes d’atomes. La position d’un nœud dans l’espace est spécifiée en indiquant sa position par rapport à un nœud du réseau choisi arbitrairement comme origine et en exprimant les coordonnées à l’aide des trois vecteurs a, b, c, qui définissent le réseau pris comme unité. Ainsi, un nœud ayant la cote p, q, r, a comme coordonnées:
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Introduction à la science des matériaux
• Système cubique
I (cc) a = b = c – α = β = γ = 90°
P
F (cfc)
• Système tétragonal
P • Système orthorhombique
P
I a = b ≠ c – α = β = γ = 90°
C
I
F
a ≠ b ≠ c – α = β = γ = 90° • Système monoclinique
• Système triclinique
P
C
a ≠b≠c–α ≠β≠γ
a ≠ b ≠ c – α ≠ β = γ = 90°
• Système hexagonal • Système trigonal c
β a =b=c α = β = γ = < 120° ≠ 90°
a
α γ
b a =b≠c α = β = 90° – γ = 120°
Fig. 3.7 Les quatorze réseaux spatiaux de Bravais (P : primitif; C: centré; F: faces centrées).
Structure et organisation des solides
x = pa;
y = qb;
z = rc
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(3.3)
Par exemple, pour la maille cubique de la figure 3.8(a), les points A, B et C ont respectivement comme coordonnées 100, 010 et 001, les points D, E, F, 110, 011, 101 et le point G, 111. Dans le réseau cubique centré (système cubique I; fig. 3.8(b)), l’atome situé au centre du cube a comme coordonnée 12 , 12 , 12 . Dans le système hexagonal, on introduit souvent quatre vecteurs de référence a1, a2, a3 qui sont coplanaires et c qui est perpendiculaire au plan xy. Nous reviendrons sur ce point dans la suite de ce paragraphe. z C
E
G
F c
a b
a
B y
A x
I (cc)
D
P
F (cfc)
(a) Système cubique z
c c≠a
c
a3 a1
a2 a
y
x (b) Système hexagonal FIG. 3.8 Mailles cubiques et hexagonale avec indications des différents paramètres du réseau: (a) le système cubique; les mailles cubiques primitive (P), centrée (I) et à faces centrées (F); (b) le système hexagonal. Le parallélépipède dessiné en traits gras montre la maille primitive qui, par rotation de 120 ° autour de l’axe z, engendre la maille hexagonale.
Pour indexer les plans du cristal, on utilise généralement les indices de Miller. Dans un cristal qui a pour maille a, b et c, considérons un plan réticulaire quelconque (fig. 3.9). Celui-ci coupe les axes de référence de la maille en des points (X, Y, Z) dont les coordonnées sont respectivement égales à Aa, Bb, et Cc. Si a, b et c sont orthogonaux, le plan a comme équation:
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 3.9 Indexation du plan défini par les points X, Y et Z.
x y z x y z + + = + + =1 X Y Z Aa Bb Cc
(3.4)
Dans l’équation 3.4, les valeurs absolues des vecteurs unitaires sont respectivement égales à a, b et c. Les indices de Miller h, k et l s’obtiennent en prenant les inverses de A, B et C et en les multipliant par n de manière à ce que h, k et l soient entiers et le plus petit possible: n A n k= B n l= C h=
(3.5)
Les indices de Miller sont identiques pour une famille de plans parallèles (fig. 3.10). Remarquons en passant que cela n’a d’ailleurs pas de sens dans une structure en principe infinie de distinguer un plan en particulier. On détermine les indices de Miller de manière extrêmement simple en appliquant le procédé suivant. On considère la direction x. À partir du nœud choisi comme origine, on compte le nombre de plans parallèles rencontrés sur la distance a séparant deux nœuds du réseau. Celui-ci est égal à la valeur absolue de l’indice de Miller h suivant la direction x. En procédant de manière identique pour les deux autres directions y et z de l’espace, on détermine les indices k et l. Illustrons ce procédé dans le cas de plans orientés perpendiculairement au plan de la page contenant la figure 3.10. Ces plans sont représentés par leur ligne d’intersection avec le plan de la figure. Les points de celle-ci représentent les nœuds du réseau. Pour la famille de plans représentés dans le coin supérieur gauche de la figure 3.10, le nombre de plans rencontrés suivant la direction x est égal à 2 et l’indice de Miller suivant cette direction h = 2. Dans la direction y, k = 1 et dans la direction z
Structure et organisation des solides
71
perpendiculaire au plan de la figure, l = 0 puisque les diverses familles de plans représentés à la figure 3.10 sont parallèles à z. On désigne les plans par leurs indices de Miller qui sont notés entre parenthèses, soit (210) pour l’exemple étudié. D’autres exemples sont également représentés sur la figure 3.10.
FIG. 3.10 Indexation des plans réticulaires dans le cas où ceux-ci sont perpendiculaires au plan de la figure et parallèles à l’axe z. On a indiqué sur la figure diverses familles de plans avec leur notation respective par indices de Miller (d’après Steadman, 1982).
Les plans réticulaires peuvent évidemment rencontrer un des axes dans sa partie négative. Dans ce cas, l’indice de Miller correspondant est négatif. Les plans parallèles sont placés (fig. 3.11) de façon à ce que les axes de référence x et y soient dispo-
FIG. 3.11 Exemple d’une famille de plans [(120 ) ou ( 1 20)] avec indices de Miller négatifs. Les vecteurs unitaires a et b se trouvent de part et d’autre du plan traversant l’origine O (d’après Steadman, 1982).
sés de part et d’autre du plan passant par l’origine. L’indexation de la famille des plans parallèles de la figure 3.11 se note (120 ) ou ( 1 20). On remarque en passant que les indices de Miller ( hkl ) et (hkl) se rapportent à la même famille de plans. L’accolade est également utilisée pour désigner les familles de plans équivalents du
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Introduction à la science des matériaux
système cristallin cubique. Ainsi les plans (100), (010), (001), (100), ( 010 ), et ( 001) sont équivalents et désignés par la notation {100}. Dans le cas des réseaux à maille hexagonale, on utilise de préférence les indices de Miller-Bravais pour désigner les plans. La figure 3.12 représente un réseau hexa-
FIG. 3.12 Réseau hexagonal avec deux ou trois axes à 120° dans le plan de la page et un axe c qui lui est perpendiculaire: (a) indexation suivant Miller; (b) indexation suivant Miller-Bravais (d’après Steadman, 1982).
gonal ayant son axe de symétrie d’ordre 3 perpendiculaire au plan du papier et pris comme axe z. Les deux autres axes sont situés dans le plan de la figure. Bien qu’ayant des indices de Miller différents, les trois familles de plans représentées à la figure 3.12(a) constituent des plans équivalents qui peuvent se déduire les uns des autres par rotation d’un angle de 120° autour de l’axe z. Dans le but de rendre plus uniforme l’indexation des plans équivalents dans le système hexagonal, on introduit (fig. 3.12(b)) un troisième vecteur de référence a3 dans le plan a1, a2 et un indice supplémentaire i. On définit ainsi les indices de Miller-Bravais qui s’obtiennent de manière similaire aux indices de Miller. Ils se notent h, k, i, l. Le nouvel indice i n’est cependant pas indépendant des indices h et k puisque la position d’un point dans le plan est complètement déterminée par deux vecteurs. h, k et i sont donc reliés entre eux par la relation:
Structure et organisation des solides
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h+k+i=0
(3.6)
i = – (h + k)
(3.7)
où
Les trois séries de plans équivalents représentés à la figure 3.12(b) ont des indices de Miller-Bravais respectivement égaux à: (1120 ), (1210 ) et ( 2110). On constate que les familles de plans équivalents ont des indices h, k, i similaires qui peuvent se déduire les uns des autres par permutation cyclique. On les désigne par l’accolade {h k i l}. La famille de plans équivalents dessinée à la figure 3.12 est représentée par le symbole {1120} . 3.3.3 Notation des directions L’indexation des directions cristallines est plus directe que celle des plans. Considérons (fig. 3.13) un vecteur R d’origine O et d’extrémité R: R = Aa + Bb + Cc
(3.8)
Il faut noter qu’un vecteur R’ = 2R définirait, dans le cristal, la même direction que le vecteur R. z C R R a
c O
x
b
B y
A
FIG. 3.13 Maille (a, b, c) avec le vecteur R qui indique une direction cristallographique. On note que dans (3.8), OA = A, OB = B et OC = C.
La notation de la direction pourra donc se faire par les indices u, v, w obtenus en divisant les coordonnées de R (OA, OB et OC) par un nombre n choisi de telle manière que u, v, w soient entiers et le plus petit possible. La notation de la direction est ––– est de donnée par les indices entre crochets [uvw]. On notera que la direction uvw ––– sens opposé à [uvw] alors que les deux familles de plans (hkl) et hkl sont identiques. - - , [111], Dans le système cubique les directions [111], [111], [111], [111], 111 -- -1 11 , 1 11 sont cristallographiquement équivalentes. Par analogie avec les notations utilisées pour les plans équivalents, on représente l’ensemble des directions équivalentes dans le cube par la notation 〈111〉.
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Introduction à la science des matériaux
La figure 3.14 illustre la manière de déterminer les indices u, v, w. La valeur de l’indice u est égale au nombre de nœuds dans la direction x. Les indices v et w s’obtiennent de manière analogue. Comme les directions sont définies dans le plan de la page, l’indice w est nul. La détermination d’une direction dans le système hexagonal fait intervenir quatre indices u, v, j, w pour garder le même système de notation que pour les plans (Miller-Bravais). Dans ce cas, on définit, pour garder la cohérence de l’approche, une relation similaire à la relation 3.6: u+v+j=0
(3.9)
La figure 3.15 montre quelques exemples de notation de directions en utilisant les notations à quatre indices dans le système hexagonal. Nous nous limiterons par simplicité à ne considérer que des directions dans le plan hexagonal qui possède un axe de symétrie c qui est perpendiculaire au plan du papier. Le procédé à utiliser n’est pas aussi évident que celui utilisé pour indexer les plans. Il faut procéder comme cela est indiqué à la figure 3.15 par une sommation de vecteur en veillant à ce que la relation (3.9) soit satisfaite.
FIG. 3.14 Exemples d’indexation des directions cristallines dans un plan (d’après Steadman, 1982).
3.4 MISE EN ÉVIDENCE DE LA STRUCTURE CRISTALLINE 3.4.1 Principes de détermination des structures Le pouvoir séparateur d’une radiation électromagnétique, comme la lumière, dépend de sa longueur d’onde. Ainsi la limite de résolution du microscope optique, qui est décrit de manière succincte à la section 10.1, est fixée par la longueur d’onde de la lumière visible qui est de l’ordre de 500 nm. Pour déterminer la structure des solides cristallins à l’échelle de l’atome, il est indispensable d’utiliser des rayonnements qui ont une longueur d’onde voisine ou inférieure à la distance interatomique, c’est-à-dire des radiations comme les rayons X
Structure et organisation des solides
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FIG. 3.15 Détermination des directions dans le système hexagonal. Notation avec les quatre indices de Miller-Bravais.
(λ ≈ 0,1 nm), les faisceaux d’électrons d’énergie élevée (λ ≈ 0,005 nm) ou encore les neutrons thermiques (λ ≈ 0,1 nm). La méthode la plus utilisée pour étudier la structure des solides à l’échelle de l’atome est la microscopie électronique. Le pouvoir séparateur des microscopes électroniques est de l’ordre de grandeur de la taille des atomes. Cependant, comme les faisceaux d’électrons sont fortement absorbés par la matière, il est impossible d’analyser par cette technique le cristal en profondeur. En microscopie électronique à transmission, on utilise des échantillons très minces de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de nm. En microscopie électronique à balayage, on utilise des échantillons plus épais car l’image est formée par émission d’électrons secondaires et d’électrons rétrodiffusés. Nous décrirons brièvement la microscopie électronique à transmission (TEM) et à balayage au chapitre 10. Les lentilles en verre minéral ou organique utilisées en optique photonique ainsi que les lentilles électromagnétiques employées en microscopie électronique font dévier le rayonnement photonique ou le rayonnement électronique ce qui permet de reconstituer l’image réelle d’un objet. Il n’existe pas de lentilles efficaces pour focaliser les rayons X ou les neutrons et il est impossible dans ces deux cas de reconstituer l’image d’un objet comme c’est le cas en microscopies optique et électronique. La méthode la plus utilisée pour étudier la structure cristalline est la diffraction des rayons X. Ceux-ci, en raison de leur faible coefficient d’absorption, pénètrent en profondeur dans la matière. La diffraction des neutrons lents constitue également une méthode très intéressante de ce point de vue, mais elle exige des équipements expé-
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Introduction à la science des matériaux
rimentaux beaucoup plus lourds. En fait, les deux méthodes sont complémentaires: la diffraction des rayons X permet de localiser les atomes lourds, tandis que la diffraction des neutrons est utilisée pour déterminer la position des atomes légers et pour distinguer les atomes de masse voisine. On utilise également la diffraction des électrons pour étudier la structure cristalline. Cette méthode, qui est généralement couplée à la microscopie électronique à transmission, permet d’analyser des cristaux de très petite taille.
3.4.2 Diffraction des rayons X Les rayons X, comme la lumière, sont des radiations électromagnétiques. Lorsqu’une radiation électromagnétique rencontre une particule chargée comme un électron, elle induit un déplacement périodique de cette charge électrique. Celle-ci devient le centre d’une onde sphérique qui se propage de manière isotrope dans toutes les directions de l’espace. La radiation incidente est donc en partie diffusée par la particule chargée. Dans le cas d’une rencontre avec un atome, ce sont tous les électrons entourant cet atome qui entrent en oscillation. Chaque atome d’un cristal est donc le centre d’une onde sphérique dont l’intensité est proportionnelle au nombre d’électrons. Ces ondes sphériques interfèrent les unes avec les autres, c’est-à-dire que leur intensité se renforce suivant certaines directions de l’espace et s’annule dans d’autres directions. Ce sont ces interférences constructives et destructives entre ces ondes sphériques qui sont à l’origine du phénomène de diffraction des rayons X par le cristal. Lorsqu’une radiation électromagnétique frappe un plan réticulaire d’un cristal, la radiation incidente est partiellement réfléchie par le plan d’atomes. L’intensité absorbée par un plan réticulaire est très faible et le phénomène de réflexion partielle se reproduit en cascade sur l’ensemble des plans d’atomes du cristal. On n’observe cependant une réflexion de la radiation incidente que pour une valeur bien définie de l’angle d’incidence. Ce phénomène résulte d’interférences entre les radiations réfléchies par l’ensemble des plans parallèles. En effet, pour que les ondes réfléchies soient en phase au moment où elles atteignent le détecteur (fig. 3.16), il faut que les divers trajets parcourus par la radiation soient égaux à un nombre entier n de longueur d’onde λ. Considérons les trajets parcourus par les rayons frappant les atomes O et B. La différence de parcours (A B C) entre les rayons frappant les deux atomes est égale à 2d sinθ. L’intensité lumineuse sera donc maximum pour un angle d’incidence θ satisfaisant à l’équation suivante (loi de Bragg): nλ = 2dhkl sinθ
(3. 10)
Dans cette équation n est un entier positif (n = 1, 2, 3 ...) et θ représente l’angle formé entre la radiation incidente et la famille des plans diffractants. L’angle de diffraction θ dépend de la distance dhkl entre les plans, et l’indice de Miller (hkl) peut ainsi être déterminé. Dans le cas d’un système cubique, la distance d hkl entre les plans est donnée par:
Structure et organisation des solides
Source RX
Détecteur RX
↓ RX incidents
↑ RX diffractés
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O C
d h,k, l
A B
2θ ← Cristal
FIG. 3.16 Conditions de diffraction des rayons X (RX) sur les plans cristallins (loi de Bragg).
dhkl =
a
(3.11)
h2 + k 2 + l 2
où a représente le paramètre de la maille cubique. En principe, on devrait observer pour chaque série de plans (hkl) du cristal, n angles de réflexion bien déterminés. En pratique les réflexions d’ordre supérieur à l’unité (n > 1) se confondent avec les réflexions engendrées par les plans réticulaires différents caractérisés par un espacement dhkl = dh' k' l' n . Une structure cristalline contient un très grand nombre de plans réticulaires. Pour une structure cristalline déterminée, on peut a priori calculer dhkl en fonction des paramètres de la maille et de la valeur des indices de Miller de la famille de plans considérés. Les valeurs de d hkl sont reliées aux angles de diffraction par la loi de Bragg. D’une manière générale, les directions de diffraction ne dépendent que de la géométrie et de la taille de la maille élémentaire. Même lorsqu’on ne dispose pas de monocristaux, il est encore possible de déterminer la maille cristalline par la méthode de Debye-Scherrer qui utilise une poudre agglomérée en forme de bâtonnet cylindrique comme échantillon. Le schéma expérimental de cette méthode est décrit à la figure 3.17. L’échantillon est placé au centre de la caméra et le film enregistreur est enroulé sur la partie cylindrique interne. L’orientation des éléments de la poudre est complètement aléatoire et il n’y a qu’une certaine fraction des particules qui ont des plans réticulaires orientés correctement pour diffracter. L’intensité diffractée par une famille de plans parallèles ((110) ici) conduit à la formation de cône d’angle 2θ qui coupe le film enregistreur (fig. 3.17 (b)) suivant un arc de cercle. On obtient ainsi un spectre de diffraction constitué d’un ensemble de lignes qui est caractéristique de la maille cristalline de la substance analysée. Ainsi dans le cas d’une substance à maille cubique, on obtient que: sin 2θ =
λ2 2 2 2 2 h +k +l 4a
(
)
(3.12)
78
Introduction à la science des matériaux Cône de diffraction des rayon X
2θ Échantillon
(a)
R
A Faisceau émergeant
Faisceau incidant
Trace du faisceau diffracté
(210)
(111) (100)
A
(b) (200) (110)
x x/2R = 2θ
FIG. 3.17 (a) Représentation schématique d’une caméra de rayon X utilisée pour la méthode des poudres; le film enregistreur est enroulé sur la partie cylindrique interne de la caméra; (b) diagramme de rayon X d’une poudre cristalline (maille cubique primitive) enregistré sur le film. A correspond au trou de passage des rayons X. On a indiqué sur le dessin les différents plans réticulaires correspondant à la maille cristalline de la poudre cristalline enregistrés sur le film. Le point A correspond au trou de passage des rayons X.
Dans les cristaux cubiques primitifs, chaque plan réticulaire qui correspond aux diverses valeurs possibles de la somme h 2 + k 2 + l 2 (1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, …) est enregistré sur le film de la caméra sous forme d’un arc de cercle. Sur le spectre de poudre de la figure 3.17 (b), nous avons indiqué les différents plans réticulaires concernés. Dans le cas des autres mailles cristallines, le spectre de diffraction est plus compliqué. Chaque espèce cristalline possède son propre diagramme de poudre et le diagramme de poudre d’une substance constitue l’empreinte qui permet de l’identifier. Il existe actuellement un fichier informatisé de l’ensemble des substances cristallines connues (fichier ASTM (American Society for Testing materials) qui facilite cet examen). En comparant l’intensité d’une raie intense (hkl) et avec la même raie dans un mélange témoin, on détermine la concentration des constituants d’un matériau. Lorsqu’on irradie une substance par un faisceau de rayon X, il se produit une émission de rayons X secondaires qui est caractéristique des atomes présents. Le rayonnement réémis est pratiquement indépendant de la nature des liaisons chimiques et l’analyse du rayonnement X réémis permet de déterminer la composition élémentaire de la substance irradiée. Cette méthode d’analyse est connue sous le nom de spectroscopie de fluorescence X. Mentionnons en terminant que les rayons X sont également utilisés pour étudier la structure des solides non cristallins et des liquides. Dans ce cas, cependant, on n’observe pas de pic de diffraction net, mais des signaux diffus qui permettent néanmoins de déterminer les distances moyennes entre proches voisins.
Structure et organisation des solides
79
3.5 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS
L’état physique d’une substance (solide, liquide ou gaz) est déterminé par la balance entre son énergie de cohésion qui rapproche les atomes et son énergie thermique qui tend à les séparer. L’énergie thermique est proportionnelle à la température, tandis que l’énergie de cohésion est en première approximation indépendante de celle-ci. Cette situation explique la transition des états de la matière avec la température. L’arrangement des atomes dans les solides peut prendre un caractère ordonné ou désordonné et conduire à deux types de structure: • La structure amorphe, dense et peu ordonnée et qui est similaire à celle des liquides. On y rencontre, à petite distance (quelques diamètres atomiques), une certaine périodicité de la distribution des atomes (ordre à courte distance). Cette structure amorphe se rencontre dans certaines céramiques (verres minéraux), dans un petit nombre d’alliages métalliques (verres métallique) ainsi que dans nombreux polymères organiques (verres organiques, caoutchoucs). • La structure cristalline, qui est caractérisée par une distribution périodique des atomes ordonnés à grande distance. L’ensemble des matériaux métalliques, un grand nombre des céramiques se présentent à l’état solide sous la forme d’un assemblage de microcristaux (grains). Cette structure en grains est également présente dans les polymères organiques semi-cristallins. Dans ce cas , chaque grain est constitué d’une sphérolithe (chap. 10). On rencontre également un certain nombre de matériaux monocristallins, comme le monocristal de silicium qui est utilisé en électronique et dont la fabrication est décrite succinctement dans l’exemple illustratif de ce chapitre. La structure du cristal, ordonnée à grande distance, est susceptible d’une description géométrique très précise. La cristallographie distingue sept systèmes cristallins fondamentaux. Dans cet exposé élémentaire, nous nous sommes limités à l’analyse des systèmes cubiques et hexagonaux qui sont les plus fréquents dans les matériaux. Il est important de bien faire la distinction entre la notion de réseau spatial, qui est une distribution géométrique régulière de points (nœuds) dans l’espace, et la structure cristalline qui est engendrée par la translation, dans les trois directions de l’espace, d’un motif élémentaire d’atomes en relation avec les nœuds du réseau spatial. La répétition dans l’espace d’un élément de volume de géométrie simple (cube, parallélépipède) est également susceptible d’engendrer la structure cristalline. Les plans et les directions cristallographiques sont spécifiés en termes d’indices de Miller ou de Miller-Bravais. On détermine la structure cristalline des matériaux par des méthodes basées sur les phénomènes de diffraction des radiations électromagnétiques comme les rayons X, les électrons ou les neutrons lents qui ont une longueur d’onde voisine ou inférieure aux distances interatomiques.
80
Introduction à la science des matériaux
3.6 EXEMPLE ILLUSTRATIF: LE MONOCRISTAL DE SILICIUM, CENTRE NÉVRALGIQUE DE TOUT ORDINATEUR
Le silicium monocristallin est un élément indispensable à l’industrie de la microélectronique pour la fabrication de circuits intégrés. En raison de ses caractéristiques semi-conductrices, on le trouve dans les ordinateurs ainsi que dans les montres et les installations sonores à haute fidélité et dans la robotique et l’automatisation des machines. Le silicium est le deuxième élément par ordre d’importance de la croûte terrestre (tab. 1.6) où il se trouve en abondance sous forme d’oxyde simple (silice SiO2) ou complexe (silicates). Le silicium technique est obtenu par réduction de l’oxyde SiO2 (sable) avec le carbone ou le CaC2 au four électrique. Le silicium de très haut degré de pureté, utilisé pour la fabrication des circuits intégrés, est obtenu par réduction à l’hydrogène de son tétrachlorure (SiCl 4) fabriqué au départ de silicium technique. Cette réduction est suivie d’une purification par fusion zonale. Les semi-conducteurs industriels (chap. 14) sont obtenus par addition (dopage) à des monocristaux de silicium d’une très petite quantité d’atomes de phosphore (10 parts par million = 10 ppm = 10 –5) ou d’aluminium, qui leur confère la conductibilité électrique nécessaire. Ce contrôle strict de la conductibilité électrique ne peut être obtenu qu’au départ de silicium ultrapur, qui est un isolant à température ambiante. La fabrication d’un monocristal de silicium est réalisée par une méthode déjà ancienne: la méthode de Czochralski (fig. 3.18). Une charge de silicium ultrapur (degré de pureté: 99,99999%) est placée dans un creuset en quartz et fondue sous gaz inerte (ou réducteur) au moyen d’une résistance électrique. Lorsque le bain de fusion est stabilisé à 1420°C, un germe monocristallin fixé sur un axe vertical est amené en contact avec la surface du bain. Le germe est ensuite tiré lentement vers le haut, entraînant la solidification d’un cristal unique ayant la même orientation que celle du germe (fig. 3.19). Le creuset et le germe sont animés d’un mouvement de rotation en sens inverse, en vue d’assurer une meilleure homogénéisation de la composition et de la structure. Le diamètre du barreau étiré se contrôle en ajustant la vitesse de tirage et la température du bain. En 1952, au début du développement de la technique, le diamètre des monocristaux de silicium était d’environ 20 mm, alors qu’il atteint aujourd’hui les valeurs supérieures à 200 mm et des longueurs de 2 m, ce qui représente un volume de 50 à 100 litres. Ceci constitue un exploit technologique remarquable si l’on considère qu’un monocristal de ce type a un ordre quasi parfait, sans joint de grains, avec très peu de dislocations et d’atomes étrangers. Les caractéristiques principales de ces monocristaux sont impressionnantes (tab. 3.20). Ces monocristaux sont ensuite coupés transversalement à leur axe de tirage, en plaquettes circulaires de 1 mm d’épaisseur, par des scies diamantées. Finalement, la plaquette est polie comme un miroir pour obtenir une surface plane permettant de graver les circuits intégrés par microlithographie. La demande de matériaux sous forme de monocristaux augmente de jour en jour et implique des produits de plus en plus variés. Ces monocristaux sont destinés à des
Structure et organisation des solides
81
utilisations industrielles requérant des propriétés spécifiques comme les verres de montre résistants à la rayure (plaquettes de monocristal de saphir (Al 2O3)) .
1 tige de tirage 4 germe 2 fenêtre d’observation 5 monocristal 3 entrée et sortie de gaz inerte 6 masse en fusion
7 creuset 8 dispositif de chauffage
FIG. 3.18 Schéma de principe du tirage des monocristaux de silicium: méthode de Czochralski.
FIG. 3.19 Tirage progressif d’un monocristal à partir de la surface du bain de fusion, observé au travers d’un hublot (fig. 3.18).
82
Introduction à la science des matériaux TABLEAU 3.20 Caractéristiques principales d’un monocristal de silicium utilisé en microélectronique. Pureté Longueur Diamètre Volume Poids Nombre de moles d’atomes Nombre d’atomes
99,99999% 2m 0,17 m 45 l 106 kg 3765 2·10 27
3.7 EXERCICES 3.7.1 Faire la distinction entre un ordre à grande distance et un ordre à courte distance. Dans quel type de matériaux les rencontre-t-on ? 3.7.2 Quelle différence y a-t-il entre une structure cristalline et un réseau cristallin ? 3.7.3 Dans le système cristallin cubique P (fig. 3.8 (a)), indiquer la position des atomes aux noeuds A, B et G. Repérer les directions des droites passant par l'origine et les noeuds A, E et D. Désigner deux plans de la maille cubique interceptant les atomes B et C. Donner la liste des directions de la famille des diagonales d'un réseau cubique. 3.7.4 Donner la liste des directions de la famille des diagonales d'un réseau cubique. 3.7.5 Quels sont les indices de la droite d'intersection du plan (111) avec le plan ( 101– ) dans le système cristallin cubique ? 3.7.6 Quelle est la valeur de l'angle α entre les directions [111] et [001] dans le réseau cristallin cubique ? 3.7.7 Quels sont les indices de la famille des plans parallèles à l'axe a2 définis par les faces rectangulaires du prisme de la maille hexagonale (figure 3.8 (b)) ? 3.7.8 Pour les systèmes cristallins cubiques, la distance entre deux plans parallèles de mêmes indices de Miller, dhkl, est reliée au paramètre de la maille a par la relation: dhkl =
a h2 + k 2 + l 2
Appliquer cette relation aux plans (110). 3.7.9 Un échantillon de poudre de Fe α (cc) est placé dans un diffractomètre RX de longueur d'onde λ = 0,154 nm. L'angle 2θ de diffraction des plans {110} est égal à 44,7 °. Calculer le paramètre a de la maille du système cristallin cc du Feα .. On admettra que la diffraction est de premier ordre. 3.7.10 L'enregistrement du diagramme des poudres au diffractomètre RX d'une phase cubique donne des raies de diffraction (nλ avec n = 1, 2, 3, ...) pour les angles 2θ sui-
Structure et organisation des solides
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vants: 40 °, 58 °, 73 °, 87 °, 100,5 ° et 114,8 °. Déterminer si la structure cristalline est (cfc) ou (cc). La longueur d'onde λ = 0,154 nm. Il faut noter (tab. 3.21) que, pour le système cristallin cubique centré (cc), la diffraction n'est effective que pour les plans dont la somme du carré des indices h2 + k2 + l2 est égale à 2,4,6,8,10, 12,... Pour le système cubique à faces centrées, un plus grand nombre d'interférences destructives se produit et seuls les plans ayant la somme h2 + k2 + l2 égale à 3,4,8,11,12,16,...donnent lieu à de la diffraction TABLEAU 3.21 Plans de diffraction des systèmes cristallins (cc) et (cfc). Somme h2 + k2 + l2
2 3 4 5 6 7 8 9 10
Famille de plans {hkl} cc
cfc
110 --200 --211 --220 --310
--111 200 ------220 -----
3.8 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES D. R. ASKELAND, The Science of Engineering Materials, 2nd Ed. Chapman & Hall, London, 1990. C. DELPHINE, Introduction à la Cristallographie, Dunod, Paris, 1971. P. DUCROS, Radiocristallographie, Dunod, Paris, 1971. J.P. EBERHART, Analyse structurale et chimique des matériaux, Dunod, Paris,1989. C. HAMOND, The Basics of Crystallography and Diffraction, Oxford University Press, Oxford, 1997. A. KELLY, G.W. GROVES, Crystallography and Crystal Defects, Longman, London, 1970. D.V. RAGONA, Thermodynamics of Materials, Wiley, New York, 1995. L. H. SCHWARTZ, J. B. COHEN, Diffraction from Materials, Springer-Verlag, Berlin, 1987. E. B. SMITH, Basic Chemical Thermodynamics, Clarendon Press, Oxford, 1990. R. STEADMAN, Crystallography, Van Nostrand-Reinhold, Wokingham, Berkshire, U.K., 1982. M. VAN MEERSSCHE, J. FENEAUX-DUPONT, Introduction à la cristallographie et à la chimie structurale, 3e éd., Peeters, Louvain-La-Neuve, 1984.
CHAPITRE 4
STRUCTURE DES PRINCIPAUX MATÉRIAUX
4.1 OBJECTIFS • Donner un aperçu de la structure des principaux matériaux métalliques, céramiques et organiques. • Décrire les structures cristallines compactes des métaux et des solides ioniques. • Introduire la notion de polymère. • Présenter la structure des solides à liaisons covalentes: polymères organiques et céramiques non ioniques. La plupart des solides sont capables de cristalliser. L’état cristallin est la forme physique la plus stable. C’est la structure physique la plus fréquente pour les métaux et pour un grand nombre de céramiques. Il est néanmoins important de noter que certaines céramiques et pratiquement tous les matériaux organiques industrialisés à ce jour sont des polymères. Cette structure en chaîne réduit considérablement les possibilités de cristallisation ce qui donne naissance à des matériaux amorphes ou semicristallins.
4.2 STRUCTURE COMPACTE DES MÉTAUX 4.2.1 Structures cubiques et hexagonales compactes La liaison métallique est une liaison forte non orientée et les atomes des métaux ont tendance à adopter l’arrangement le plus compact possible avec, comme conséquence, la formation de structures cristallines simples et de haute densité. Nous avons vu au chapitre 2 qu’il était possible d’assimiler l’atome à une sphère relativement dure et pratiquement impénétrable. C’est ce modèle qui est généralement adopté pour décrire la structure cristalline des métaux. La figure 4.1 montre la structure à arrangement compact maximum pour des sphères (atomes) de même diamètre. Cette structure se construit successivement par empilement de couches d’atomes. À la figure 4.1(a), on observe que les atomes occupent les nœuds du plan réticulaire d’un réseau hexagonal. Chaque atome est donc en contact avec six voisins qui occupent les sommets d’un hexagone régulier. L’introduction d’une deuxième couche à entassement maximal s’obtient en plaçant les atomes dans les creux formés par chaque groupe de trois atomes de la première
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Introduction à la science des matériaux
couche. On observe à la figure 4.1(b) que seulement 50% des creux de la première couche sont occupés par les atomes de la deuxième couche. Cette dernière couche fait apparaître l’existence de deux espèces de creux désignés à la figure 4.1 (b) par les sigles a et c. Nous utiliserons les lettres A et B pour représenter les atomes de la première et de la deuxième couche.
FIG. 4.1 Empilement compact de couches de sphères identiques: (a) 1 plan d’atomes à empilement hexagonal compact avec indication des atomes de la deuxième couche; (b) 2 plans d’atomes à empilement compact avec indication des atomes de la troisième couche. On remarque, sur cette deuxième couche, la présence de deux types de creux a et c; (c) 3 plans d’atomes à empilement compact: (1) empilement hexagonal (ABABA ...), (2) empilement cubique à faces centrées (ABCABCA ...). Le plan à empilement compact correspond au plan réticulaire (0001) dans le cas de l’empilement hexagonal et au plan réticulaire (111) pour l’empilement cubique à faces centrées. L’hexagone (1) et le cube (2) en trait gras représentent l’enveloppe des atomes et non de la maille.
Il existe donc deux possibilités de placer les atomes de la troisième couche. On peut mettre ceux-ci dans des creux de type a situés au-dessus des atomes de la première couche. On obtient ainsi la structure (1) de la figure 4.1(c) qui est une structure hexagonale compacte (hc) et qui se caractérise par une alternance de couches composées de sphères en position ABABA ... Dans cette structure hexagonale à entassement maximum, les atomes des couches A occupent les nœuds d’un réseau hexagonal (plan (0001)) (fig. 4.2). Les atomes des couches B occupent les nœuds d’un second réseau hexagonal interpénétré et parallèle au premier. D’un point de vue cristallogra-
Structure des principaux matériaux
87
phique, le motif élémentaire de cette structure cristalline est constitué par deux atomes: un atome de la couche A et un atome de la couche B comme cela est indiqué à la figure 4.2 (b) par des sphères noires.
FIG. 4.2 Maille du système cristallin hexagonal compact (hc): (a) modèle d’atomes; (b) maille hc à réseau ponctuel. Les plans (0001) correspondent aux plans A de la structure hexagonale compacte (fig. 4.1). Le prisme droit de hauteur c et ayant comme base un losange de côté a, dessiné en trait gras, constitue la maille élémentaire primitive de ce réseau hexagonal. On compte deux atomes par maille élémentaire, c’est-à-dire six atomes pour la maille hexagonale compacte. Le motif de la structure est représenté par deux sphères noires.
Il existe une seconde configuration aussi compacte que celle que nous venons de décrire. Celle-ci s’obtient en plaçant les sphères de la troisième couche dans les creux c situés au-dessus des creux non occupés de la première couche (fig. 4.1 (b)). On obtient alors un empilement à trois couches ABC superposées, avec décalage successif et différent avant la reprise de la couche A. Cet empilement est donc caractérisé par la séquence ABCABC... La structure (2) de la figure 4.1 (c) montre cet empilement correspondant à une structure cubique à faces centrées (cfc) dont la diagonale [111] est perpendiculaire aux plans compacts (111) (fig. 4.3). Cette structure cubique comporte un seul atome par motif et quatre atomes par maille. Pour chacune de ces deux structures compactes hc et cfc, le nombre d’atomes premiers voisins d’un atome considéré est égal à 12. On définit dans les deux cas un nombre de coordination NC = 12. Pour les atomes de même diamètre, il n’y a pas de structure plus compacte que celle de ces deux types de cristaux. On montre par un calcul simple que 74% de l’espace de la maille est rempli par les atomes sphériques, ce qui s’exprime par un facteur de compacité de 0,74. Il existe une troisième structure cristalline fréquemment observée dans les métaux: c’est la structure cubique centrée (cc) (fig. 4.4) qui est moins compacte que la structure hc ou cfc. Un atome situé au centre est en contact avec chacun des huit atomes situés aux sommets du cube, le nombre de coordination (NC) est donc égal à 8. Le facteur de compacité vaut 0,68 et la maille élémentaire contient deux atomes.
88
Introduction à la science des matériaux
Les structures cristallines des métaux couramment utilisés sont données au tableau 4.5. Dans ce tableau, nous avons également donné le paramètre de la maille cristalline, c’est-à-dire l’arête a du cube élémentaire (système cubique) et la hauteur c du prisme hexagonal (système hexagonal), avec la dimension a du côté de l’hexagone de base.
FIG. 4.3 Maille du système cristallin cubique à faces centrées (cfc): (a) modèle d’atomes (4 atomes par maille); (b) deux mailles cfc superposées (réseau ponctuel) avec indication des plans (111) à structure hexagonale compacte qui correspondent aux plans A, B et C de la figure 4.1.
FIG. 4.4 Maille du système cristallin cubique centré (cc): (a) modèle d’atomes (2 atomes par maille); (b) maille cc à réseau ponctuel.
Tous les métaux à liaison métallique prononcée cristallisent suivant un des trois systèmes cfc, hc et cc. Il faut souligner que le système cristallin exerce une très grande influence sur les propriétés physiques du métal. En particulier, on observe que les possibilités de déformation plastique (chap. 13) sont beaucoup plus restreintes pour les réseaux hexagonaux que pour les réseaux cubiques à faces centrées. Les métaux
Structure des principaux matériaux
89
qui cristallisent suivant le système hexagonal (par exemple: Mg) sont plus difficiles à étirer sous forme de fil ou de tige que les métaux cubiques comme le cuivre et l’aluminium. Certains métaux ont la faculté de changer de système cristallin en fonction de la température. Cette particularité est appelée polymorphisme. C’est le cas, par exemple, du fer qui existe sous différentes structures désignées par les symboles α , γ, ou du titane α et β (tab. 4.5). TABLEAU 4.5 Structure cristalline et paramètres cristallins de quelques métaux à température ambiante, sauf indication. Métal
Structure
Paramètres cristallins a [nm]
Al Cu Fe γ Ni
cfc cfc cfc cfc
0,405 0,362 0,366 (a) 0,352
Cr Fe α Mo Ti β W
cc cc cc cc cc
0,288 0,287 0,315 0,330 (b) 0,316
Mg Ti α Zn
hc hc hc
0,321 0,295 0,266
c [nm]
0,521 0,468 0,495
(a) à 910 °C; (b) à 882 °C
4.2.2 Sites interstitiels Dans les réseaux cristallins, les espaces vides situés entre les atomes sphériques constituent les sites interstitiels. Dans certains alliages (chap. 8) ou lors de la formation des composés intermédiaires entre atomes de tailles différentes, ces sites servent de logement pour des atomes de petit diamètre. Il existe deux types de sites interstitiels: les sites tétraédriques et les sites octaédriques qui sont mis en évidence dans une structure (cfc) (fig. 4.6). Les sites octaédriques (fig. 4.6 (a)) sont formés par six sphères disposées suivant les sommets d’un octaèdre. Le dépôt de la couche B sur la couche A (fig. 4.1 (b)) laisse vacant 50% des creux de la première couche. Ces creux constituent des sites octaédriques. Les sites tétraédriques (fig. 4.6 (b)) sont formés par empilement compact de quatre sphères dont les centres constituent les sommets d’un tétraèdre. Les sites tétraédriques se forment lorsqu’on dispose une seconde couche sur un plan à entassement maximum (fig. 4.1 (b)). Chaque sphère de la couche B est en contact avec trois sphères de la couche A. Ces quatre sphères délimitent un interstice tétraédrique. Il existe également des sites tétraédriques et octaédriques dans les deux autres types de structure cristalline que nous avons analysés.
90
Introduction à la science des matériaux
FIG. 4.6 Sites interstitiels dans la structure cfc: (a) sites octaédriques; (b) sites tétraédriques. Les sites interstitiels sont représentés par des points noirs.
4.3 ORGANISATION DES CRISTAUX IONIQUES 4.3.1 Facteurs influençant la structure des solides ioniques La liaison ionique, qui est une liaison forte, se rencontre dans un nombre important de céramiques cristallines, en particulier dans la classe des oxydes métalliques comme le rutile (TiO 2), le corindon (Al2O3) ou la zircone (ZrO 2). Comme la liaison métallique, la liaison ionique (chap. 2) est non orientée. Dans les solides composés d’ions de signes différents, le cristal adopte une structure compacte qui permet d’accroître au maximum les interactions électrostatiques entre ions de signes opposés et de minimiser les interactions entre ions de signes identiques. Cette condition limite forcément le choix des structures possibles. Les solides ioniques, qui comportent le même nombre de charges positives et négatives, sont électriquement neutres et deux éléments importants sont à prendre en considération dans l’analyse de leur structure. • Il faut tenir compte de la valence des ions, c’est-à-dire du nombre de charges positives (+) ou négatives (–), portées par ceux-ci. Celle-ci détermine la for2+ mule globale du composé ionique A – X + ,B2– X 2+ , …C3– 2 Y3 , ... selon que les ions sont respectivement mono-, bi-, ou trivalents. • Il faut également prendre en considération la taille relative des ions qui détermine le mode d’empilement et le nombre de coordination. En appliquant le modèle à sphère rigide, on peut prévoir le mode d’empilement le plus favorable d’un point de vue énergétique. Quel que soit le type du réseau considéré, l’énergie dégagée par la formation du réseau cristallin est d’autant plus élevée lorsque la distance r entre les ions de signes contraires est petite.
4.3.2 Cristaux constitués d’ions de charge égale en valeur absolue Nous nous limitons uniquement au cas des cristaux formés d’ions portant des charges identiques en valeur absolue. Dans ce cas, le motif est composé d’un anion et
Structure des principaux matériaux
91
d’un cation. La structure cristalline qui se forme est celle dont la création dégage le plus d’énergie. L’énergie de formation du cristal ionique est fonction du rapport entre le rayon du cation Rc et le rayon de l’anion Ra et c’est pour cette raison que la coordination des ions dans les cristaux ioniques varie en fonction du rapport Rc / Ra. Si le rapport R c /Ra > 0,73, c’est une structure cubique primitive du type CsCl, dont le motif élémentaire est constitué d’un atome d’un ion Cl– et d’un ion Ce+, qui constitue la forme cristalline la plus stable (fig. 4.7 (a)). Dans ce cas, le degré de coordination des ions est égal à 8. Chaque ion Cs + du réseau est donc entouré de huit ions chlorures Cl– et réciproquement chaque ion chlorure Cl– est encadré de huit Cs+ . On construit donc indifféremment le réseau cristallin au départ du cation Cs+ ou de l’anion Cl–. Si 0,33 < R c /Ra < 0,72, la forme cristalline la plus favorisée est une structure cubique à faces centrées (cfc). Le nombre de coordinations des ions est égal à 6, le composé modèle est dans ce cas le chlorure de sodium, NaCl (fig. 4 7 (b)). Lorsque le rapport Rc/Ra <0,33, la coordination des ions dans la structure cristalline la plus favorisée est égale à 4. C’est le cas du sulfure de zinc ZnS dont la structure est représentée à la figure 4.7 (c).
FIG. 4.7 Évolution de la structure cristalline des composés ioniques monovalents en fonction du diamètre des atomes: (a) chlorure de césium, coordination 8; (b) chlorure de sodium, coordination 6; (c) sulfure de zinc, coordination 4.
Il faut enfin remarquer que la structure des cristaux ioniques simples se déduit également de la structure compacte des métaux. Ainsi, dans le cas du chlorure de sodium, le cation Na+ se place presque exactement dans les interstices octaédriques du réseau cubique compact à faces centrées, formé par les anions Cl–. Dans ce cas, le rapport Rc/R a = 0,55 et le réseau cristallin du NaCl est assimilable à un réseau cubique compact légèrement dilaté. Dans le cas de la structure cristalline du ZnS, les ions Zn2+ occupent la moitié des sites tétraédriques interstitiels d’un réseau cfc compact formé par empilement des ions sulfures S2–.
92
Introduction à la science des matériaux
4.4 STRUCTURE DES SOLIDES À LIAISONS COVALENTES ET COVALENTES POLAIRES 4.4.1 Édification des structures polymères Les polymères sont constitués de longues chaînes d’atomes reliés entre eux par des liaisons covalentes orientées. Pour obtenir une structure polymère, il est indispensable d’employer des éléments qui ont une valence égale ou supérieure à 2. Les trois éléments principaux à la base de structures polymères sont l’oxygène (bivalent), le carbone et le silicium (tétravalent). Ces deux derniers éléments forment quatre liaisons simples, et orientées suivant les angles d’un tétraèdre (fig. 2.11 et 2.12). Nous verrons au chapitre 5 que des liaisons doubles carbone-carbone (fig. 2.14) sont également présentes dans certains polymères (fig. 5.3). La structure polymère la plus simple qu’il soit possible de former au départ de l’atome de carbone est représentée à la figure 4.8(a). Cette structure linéaire en chaîne comporte un nombre important de sites covalents non occupés (deux par atome de carbone de la chaîne et trois par atome de carbone de fin de chaîne). Deux structures limites sont possibles. Tous les sites covalents non substitués sont occupés par un élément monovalent comme l’hydrogène (qui sature la liaison), on obtient ainsi un polymère linéaire: le polyméthylène (-CH2-) (fig. 4.8 (b)). Un polymère est une macromolécule obtenue par la répétition d’une unité constitutive. Dans le cas du polyméthylène, l’unité constitutive est le radical méthylène (-CH2-). Ce matériau polymère qui est un solide semi-cristallin est synthétisé par polymérisation d’un monomère qui, à température ambiante, est un gaz supercritique: l’éthylène. La double liaison de l’éthylène peut s’ouvrir pour former deux liaisons carbone-carbone simples avec deux autres molécules d’éthylène ce qui conduit à la formation d’une molécule de polymère:
n H2 C
CH2
H2 C C H2
H2 C C H2
H2 C C H2
H2 C C H2
H2 C C H2
(4.1)
Ce matériau polymère qui s’obtient par polymérisation de l’éthylène (chap. 5) est connu sous le nom de polyéthylène (PE). Le polyéthylène est un thermoplastique. À température de chambre, il est à l’état solide et par élévation de la température audessus de sa température de fusion, il passe à l’état fondu pour être mis en forme. La fusion de ce matériau polymère, qui est semi-cristallin, se produit à une température relativement basse (110-130 °C) parce que les liaisons secondaires qui solidarisent les chaînes entre elles sont très faibles. Lors de la fusion, les liaisons secondaires intercaténaires sont rompues mais la structure en chaîne linéaire est maintenu par la force des liaison carbone-carbone. Le processus de fusion-solidification peut être répété un grand nombre de fois sans altérer la structure en chaîne linéaire du polymère. Lorsque tous les sites non substitués de la chaîne carbonée (fig. 4.8 (a)) sont occupés par un atome de carbone, on obtient alors la structure tridimensionnelle du
Structure des principaux matériaux
93
FIG. 4.8 Structure d’une chaîne macromoléculaire: (a) squelette carboné; (b) molécule de polyméthylène (polyéthylène, (–CH2–) n).
diamant dont la maille cristalline a été donnée au chapitre 2 (fig. 2.12 (c)). La structure cristalline du diamant est représentée à la figure 4.9. Il existe une différence fondamentale entre la structure du polyéthylène et celle du diamant. Le polyéthylène est une macromolécule linéaire qui est composée d’un nombre limité d’atomes de carbone caténaire et chaque chaîne de polymère est terminée par un groupe méthyle (-CH3). Dans le cas du diamant, il n’existe pas de molécule individuelle: la structure polymère, qui s’étend dans les trois dimensions de l’espace, a les mêmes dimensions que celle du cristal. À titre d’exemple, nous avons indiqué en trait noir gras dans la structure du diamant (fig. 4.9) le squelette carboné
FIG. 4.9 Vue générale suivant l’axe [111] du réseau cristallin du diamant représenté en structure éclatée (non compacte) avec mise en évidence d’une chaîne carbonée (en trait gras) (d’après Bundy, 1974).
94
Introduction à la science des matériaux
d’une chaîne linéaire carbone-carbone. Le cristal de diamant est constitué d’un nombre très grand (pratiquement infini) de chaînes de ce type reliées entre elles par des liaisons covalentes. On distingue trois types de structures polymères: les polymères linéaires, ramifiés, bidimensionnels et tridimensionnels. À titre d’exemple, nous avons représenté à la figure 4.10, les différentes structures polymères observées dans le cas du polyméthylène (polyéthylène). Les macromolécules organiques linéaires et ramifiées (fig. 4.10(a) et (b)) sont solubles et fusibles. Les structures tridimensionnelles (fig. 4.10 (c)) sont insolubles et ne peuvent passer à l’état liquide. Ce dernier type de structure possède une résistance thermique nettement plus élevée. C’est en raison de cette caractéristique que le polyéthylène tridimensionnel est utilisé comme isolant électrique pour les lignes électriques souterraines à haute tension (200 kV). Le graphite constitue un exemple de structure macromoléculaire bidimensionnelle (fig. 2.16). (a) Polyéthylène linéaire
CH2
CH2
(b) Polyéthylène ramifié Ramification courte Ramification longue CH2 Point de branchement de la ramification
CH
CH2
(CH2)3
CH2
CH3
CH2 CH3 Fin de chaîne
(c) Polyéthylène réticulé
Liaison pontale
CH2
CH2
CH CH CH2
CH2
FIG. 4.10 Représentation schématique des structures de la chaîne de polyéthylène.
Structure des principaux matériaux
95
En combinant le silicium et l’oxygène, on synthétise également des matériaux polymères (fig. 4.11). La formation de chaînes polysiloxaniques (fig. 4.11 (a)) est favorisée par l’énergie de formation élevée de la liaison Si–O (452 kJ mol –1, tab. 2.17). La liaison Si–Si (222 kJ mol–1) se rencontre surtout dans la structure polymère du silicium cristallin qui est analogue à celle du diamant. Le silicium cristallin est actuellement le matériau le plus utilisé dans la fabrication des circuits intégrés ainsi que pour les panneaux solaires photovoltaïques. Dans une chaîne polysiloxanique (fig. 4.11(a)), il reste deux sites libres par silicium de la chaîne. Ceux-ci peuvent être occupés par des groupements organiques
(a) Chaîne polysiloxanique
…
Si
O
Si
O
O
Si
Si
O
Si
O
…
(b) Chaîne de poly(diméthylsiloxane) (caoutchouc ou huile de silicone) CH3
CH3
…
Si
O
CH3
Si
CH3 O
CH3
CH3 O
Si CH3
Si
CH3 O
CH3
Si
O
…
CH3
(c) Silicate en chaîne: un pyroxène (MgSiO3)n (céramique)
…
…
…
…
…
…
M ++ O–
M ++ O–
M ++ O–
M ++ O–
M++ O–
Si
O
O–
O– M ++ O–
…
Si
Si O– M ++ O–
O
Si
Si
O
Si
Si
Si
O
…
O
…
O
…
M++ O– O
O– M ++ O– O
Si O–
M O–
O– M ++ O– O
O
++
M O– O
Si O–
++
M O– O
O
Si O–
++
M O– Si
O
O–
++
…
Si
Si O– M++ O–
O
Si
O– M ++
O– M ++
O– M ++
O– M ++
O– M++
…
…
…
…
…
FIG. 4.11 Polymères organo-minéraux et minéraux dérivés du silicium.
96
Introduction à la science des matériaux
monovalents comme le groupement méthyle (CH 3–). On obtient ainsi une macromolécule linéaire organominérale le poly(diméthylsiloxane) (fig. 4.11 (b)), qui forme la structure de base des huiles et des caoutchoucs silicones. Ces derniers constituent une classe d’élastomères ayant une résistance très élevée à la température (350-400 °C). Les sites libres de la chaîne polysiloxanique peuvent aussi être occupés par des atomes d’oxygène liés aux atomes de silicium caténaires par une liaison covalente polaire. Ces atomes d’oxygène se combinent à des cations minéraux (Na+ , Mg++, Al+++) qui forment des liaisons ioniques. Il se forme ainsi des silicates minéraux comme le pyroxène (fig. 4.11(c)) qui sont des céramiques. Dans la structure de ce minéral, il n’y a que des liaisons fortes (covalentes polaires ou ioniques) qui interviennent . Ces polymères minéraux ont une rigidité nettement plus élevée que celle des polymères organiques dont les chaînes sont reliées entre elles par des liaisons secondaires. On peut également relier entre elles les chaînes polysiloxaniques par l’intermédiaire de liaisons covalentes polaires (fig. 5.12). Ceci nous conduit à la silice tridimensionnelle de formule globale SiO2 qui existe sous une forme amorphe (silice vitreuse) ou à l’état cristallin (cristobalite, quartz,…). Nous aurons l’occasion de revenir avec plus de détails, dans le chapitre 5, sur la structure de la silice et des silicates, qui constituent une classe importante de céramiques. Des structures polymères se rencontrent donc dans les matériaux organiques et dans un grand nombre de céramiques. 4.4.2 Caractéristiques principales des solides à liaison covalente Les solides à liaisons isotropes (métaux, matériaux ioniques) forment des structures cristallines compactes dont l’organisation est déterminée avant tout par le volume qu’occupent les atomes, c’est-à-dire par leur encombrement stérique. Dans le cas des solides à liaisons covalentes la situation est complètement différente. En effet, la liaison covalente ne peut se former que suivant des orientations bien déterminées. En conséquence, dans les solides à liaisons covalentes, la structure est déterminée en premier lieu par la géométrie des orbitales et accessoirement par l’encombrement des atomes (effet stérique). On n’a plus affaire, dans ce cas, à des solides ayant une densité d’empilement maximum. Cette caractéristique conduit à des matériaux qui allient à la fois légèreté et résistance mécanique élevée qui résultent de liaisons fortes et orientées. L’exemple le plus caractéristique de ce type de matériau est celui du diamant dont la densité est de 3,52. Un solide à empilement compact constitué d’atomes de carbone d’un diamètre égal à 0,154 nm aurait une masse volumique ρ = 7,5 g cm–3 (m t m–3). Le diamant est le solide qui a la rigidité la plus élevée et la plus grande dureté. Une autre caractéristique de la liaison covalente est de favoriser la formation de structures à longues chaînes (polymères). Dans le cas des matériaux organiques, ces structures polymères forment en général des macromolécules qui sont solubles dans les solvants organiques. Dans les matériaux macromoléculaires, les forces de cohé-
Structure des principaux matériaux
97
sion intercaténaires sont des forces de valence secondaire qui sont entre 10 et 100 fois plus faibles que les forces de liaison intramoléculaires qui lient les atomes de la chaîne entre eux. Ce sont ces forces de liaisons intermoléculaires qui constituent le lien le plus faible de ces matériaux. Ceci explique le niveau bas de leurs propriétés mécaniques: la rigidité des polymères organiques est en général 103 à 10 6 fois plus petite que celle du diamant qui est constitué exclusivement de liens covalents (fig. 4.9). Les matériaux organiques ont nécessairement une structure polymère. Ceci résulte de la petitesse des forces de valence secondaires, qui lient les molécules organiques entre elles. La présence d’une structure en chaîne multiplie le nombre de liaisons secondaires par molécule, ce qui augmente la cohésion et la résistance mécanique du solide. Un solide organique de petite masse molaire ne possède pas de résistance mécanique suffisante pour être utilisé comme matériau. Nous reviendrons, en détails, sur ce point très essentiel au chapitre 13. Ce n’est pas le cas des céramiques qui même en l’absence de structure polymère possèdent des propriétés mécaniques élevées. En effet dans ces solides, on ne trouve pratiquement que des liaisons fortes (covalentes polaires et ioniques) qui assurent une cohésion élevée entre les atomes. Comme nous le verrons au chapitre 5, la structure de base de certaines céramiques est le tétraèdre (SiO4)4– associé à divers cations métalliques. C’est le cas du zircon (ZrSiO4) qui est un matériau qui a une dureté supérieure à celle du quartz. À l’état liquide, les métaux et les matériaux ioniques sont caractérisés par une viscosité très faible (10–3 à 10–2 Pa s) de l’ordre de la viscosité de l’eau. Placés dans des conditions thermodynamiques adéquates ces matériaux cristallisent très rapidement et donnent quasi exclusivement des structures cristallines. Au contraire, les matériaux polymères organiques et inorganiques présentent en général, à l’état fondu, une viscosité très élevée (105 à 10 6 Pa s) et cristallisent beaucoup moins rapidement. On rencontre souvent dans ces matériaux des structures amorphes (vitreuses ou caoutchoutiques) ou semi-cristallines.
4.5 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS La structure cristalline et les propriétés des matériaux sont étroitement dépendantes du caractère plus ou moins orienté de leurs liaisons. Les liaisons métalliques et ioniques sont isotropes et conduisent à la formation de solides cristallins très denses à structure simple et à symétrie élevée. Les métaux, dont les atomes peuvent être assimilés à des sphères rigides de même diamètre, adoptent en général une structure cristalline plus compacte que celle des céramiques ioniques où interviennent des ions de charge et de taille diverses. Les métaux forment des cristaux dont la structure élémentaire est relativement simple: maille hexagonale compacte (hc), maille cubique à face centrée (cfc) et maille cubique centrée (cc). Dans le cas de solides à liaisons covalentes ou covalentes polaires, les atomes sont en général reliés entre eux par des liaisons fortes et orientées, et ces solides n’adoptent plus une structure à compacité maximum. Cette caractéristique structurale
98
Introduction à la science des matériaux
conduit à la formation de matériaux légers à faible masse volumique. Dans ce cas, il se forme des structures en chaînes (polymères) qui augmentent dans de fortes proportions la viscosité à l’état fondu et qui diminuent beaucoup les possibilités de cristallisation. Ces caractéristiques physico-chimiques se traduisent souvent par la formation de matériaux à structure complètement amorphe (verres, caoutchoucs). Les polymères organiques sont en général composés de chaînes polycarbonées reliées entre elles par des liaisons faibles. Cette structure conduit à des matériaux à faible rigidité. Les polymères organiques peuvent être constitués de macromolécules linéaires ou ramifiées, qui sont fusibles, ou des structures bi- ou tridimensionnelles infusibles. Un certain nombre de céramiques ont également une structure polymère mais dans ces matériaux, les liaisons intercaténaires sont en général des liaisons fortes (ioniques ou covalentes polaires), ce qui conduit à des solides ayant des propriétés mécaniques élevées.
4.6 EXEMPLE ILLUSTRATIF: LES VERRES MÉTALLIQUES, MATÉRIAUX POUR LES TECHNOLOGIES NOUVELLES L’état stable de la matière à basse température est habituellement le cristal. Néanmoins, toutes les substances sont en principe susceptibles d’exister à l’état vitreux (chap.8) à condition de les refroidir suffisamment rapidement pour les figer dans une structure désordonnée proche de celle de l’état liquide. En pratique cependant, ce n’est que dans le cas de substances cristallisant lentement ou non cristallisables que l’on observe la formation de verres. C’est le cas notamment du quartz fondu qui, par refroidissement, forme un verre (silice amorphe) ou de polymères à chaîne rigide comme le polystyrène ou le polyméthacrylate de méthyle (Plexiglas) qui sont vitreux à l’état solide. Dans le cas de métaux purs, qui sont caractérisés par des vitesses de cristallisation très grandes, on n’observe pas la formation de verre. Les alliages cristallisent moins rapidement que les métaux purs car la formation de leur structure cristalline, qui est plus complexe, fait intervenir des phénomènes de diffusion relativement lents des atomes de l’alliage. On est arrivé récemment, en procédant par une hypertrempe, à obtenir des alliages métalliques à l’état amorphe. Par des techniques spéciales, on atteint des vitesses de refroidissement qui sont comprises entre 105 et 109 degrés par seconde. On exécute, par exemple, la trempe en écrasant les gouttes d’alliages métalliques entre deux plaques de cuivre refroidies. On a mis au point un procédé de refroidissement en continu qui utilise un canon à trempe (fig. 4.12) qui projette un jet très fin d’alliage en fusion sur un tambour en cuivre refroidi. On produit ainsi à des vitesses de ~30 m/s un ruban continu de verre métallique. On n’arrive à réaliser des alliages métalliques amorphes qu’en travaillant sous faible épaisseur. Les rubans métalliques amorphes ont actuellement une épaisseur inférieure à 50 µm et une largeur de 5 à 20 cm. Contrairement aux verres organiques, les verres métalliques sont ductiles. Ils sont caractérisés par une résistance mécanique assez exceptionnelle. Certains alliages amorphes (par exemple la composition Fe60Cr6Mo6B28) atteignent une limite élas-
Structure des principaux matériaux
99
tique supérieure à 3500 MPa, alors qu’un acier à haute résistance a une limite élastique voisine de 2500 MPa. Ces alliages métalliques vitreux sont également plus résistants à la corrosion que les alliages métalliques cristallins, car ils ne possèdent pas de joint de grains ou d’inhomogénéité qui sont, sur les métaux courants comme les aciers Inox, le point de départ d’une corrosion localisée et formant en surface des trous étroits (corrosion par piqûres) (chap. 16).
A
B
C D
E
F
G
H
FIG. 4 12 Le canon à trempe permet d’obtenir un ruban métallique vitreux grâce aux vitesses de refroidissement élevées (> 106 °C s–1). (A) Fusion des matières premières dans un creuset à induction. (B) Stockage de l’alliage fondu dans une trémie. (C) Introduction de l’alliage fondu dans la tête d’extrusion. (D) Projection d’un film continu sur le moule rotatif. (E) Solidification de l’alliage amorphe en moins de 10–3 s. (F) Système travaillant en boucle avec le système d’alimentation pour ajuster l’épaisseur du ruban. (G - H) Systèmes de transport et d’enroulement du ruban, (d’après Allied Metglas Products).
La découverte des verres métalliques est assez récente (Duwez, 1960). Le potentiel d’application des alliages vitreux est grand. On connaît actuellement plusieurs applications industrielles de ces alliages, notamment comme feuilles utilisées pour effectuer des brasages dans l’industrie aéronautique. Pour obtenir une soudure ayant un point de fusion suffisamment bas pour joindre deux pièces métalliques sans les faire entrer en fusion, il est nécessaire d’introduire dans les alliages amorphes des quantités importantes de bore (~3% pds). Une autre application intéressante de ces alliages amorphes se situe dans le domaine des transformateurs électriques. Les alliages amorphes possèdent des propriétés magnétiques plus appropriées à la construction de transformateurs que les tôles d’acier doux polycristallin. Ceci amène leur remplacement progressif dans les circuits magnétiques par des feuilles ultraminces en alliage métallique vitreux. Ce changement conduit à une diminution importante du phénomène d’hysterésis magnétique. En effet, les domaines magnétiques des matériaux ferromagnétiques (chap. 15) sont délimités par les parois de Bloch. Dans les transformateurs utilisant des tôles minces en acier doux, le mouvement des parois de Bloch est partiellement freiné ce qui induit des pertes d’énergie dans le transformateur. Celles-ci se manifestent par un échauffement et par une émission sonore. Dans les alliages métalliques amorphes, il n’existe pas de grains ayant des orientations différentes, ni de précipité, ni d’autre inhomogé-
100
Introduction à la science des matériaux
néité structurale. Le mouvement des parois Bloch est grandement facilité et les pertes par hystérésis sont beaucoup plus faibles. Ceci conduit à des économies d’énergie appréciables et à un confort sonore accru.
4.7 EXERCICES 4.7.1 Dans une structure cristalline compacte, quel est le nombre d’atomes en contact avec chaque voisin? 4.7.2 Quelle est la densité des atomes dans les directions [111] et [110] du cristal d’aluminium ? 4.7.3 Quels sont les plans qui possèdent la plus grande densité d’atomes pour les systèmes cristallins (cfc) et (cc)? 4.7.4 Combien y a-t-il d’atomes par cm2 dans le plan (110) du chrome ? 4.7.5 Calculer la masse volumique de l’aluminium. 4.7.6 Le fer subit une transformation allotropique à 912°C en passant du système cubique centré (cc) au système cubique à face centrée (cfc). Sachant que les rayons respectifs des atomes de fer (cc) et de fer (cfc) sont égaux à 0,124 nm et 0,127 nm respectivement, calculer la variation relative du volume lors de la transformation allotropique. 4.7.7 Dans le cas de systèmes cristallins compacts (cfc et hc), calculer le rayon ri du site interstitiel octaédrique par rapport au rayon r des atomes. 4.7.8 Montrer que l’atome de carbone de rayon r = 0,062 nm peut s’insérer dans un interstice octaédrique du système cristallin cubique à faces centrées du fer γ. Le rayon atomique du fer r = 0,152 nm. 4.7.9 Le corindon est un cristal d'oxyde d'aluminium Al2O3 (céramique) avec une maille cristalline hexagonale. Combien de groupes Al2O 3 (ions Al 3+ et ions O2–) se trouve-t-on dans cette maille hexagonale ? 4.7.10 Montrer que l’angle de valence φ entre les liaisons covalentes du carbone tétraédrique vaut approximativement 109 °.
4.7 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES ALLIED METGLAS PRODUCTS, The markets and Applications for Metglas Alloys, Parsipany (N.J.), 1985. D. ASKELAND, The Sciences and Engeering of Materials 2nd ed.,Chapman & Hal, London, 1990. C.R. BARRETT, T.B. MASSALSKI, Structure of Metals, 3rd. ed., Pergamon, Oxford, 1980. F.P. BUNDY, Superhard Materials, Sci. Am., 231, 62, (1974). P. CHAUDHARI, B.C. GIESSEN, D. TURNBULL, Metallic Glasses, Sci. Am., 242, 84, (1980). H.A. DAVIES, The Formation of Metallic Glasses, Phys. Chem. Glasses, 17, 159, (1976). W.D. KINGERY, H.K. BOWEN, D.R. UHLMAN, Introduction to Ceramics, 2nd ed., John Wiley, 1976.
Structure des principaux matériaux
101
W. KLEMENT Jr., R.H. WILLES, P. DUWEZ, Metallurgy Non Crystalline Structure in Solidified Gold-Silicon Alloys, Nature, London, 187, 869 (1960). N.H. RAY, Inorganic Polymers, Academic Press, New York, 1978. H. YANAGIDA, K. KOUMOTO, M. MIYAYAMA, The Chemistry of Ceramics, Wiley, Chichester, U.K., 1996.
CHAPITRE 5
PRINCIPAUX MATÉRIAUX ORGANIQUES ET CÉRAMIQUES
5.1 OBJECTIFS • Présenter les principaux types de matériaux polymères. • Décrire succinctement la structure moléculaire des polymères organiques importants. • Donner un aperçu de la structure des silicates. • Décrire les céramiques amorphes et semi-cristallines. • Introduire les nouvelles céramiques à haute résistance mécanique et thermique. Les polymères organiques sont synthétisés au départ de monomères qui sont des molécules réactives de faible masse molaire qui, par polymérisation ou par polycondensation, engendrent des structures macromoléculaires. Comme nous venons de le voir au chapitre 4, celles-ci sont linéaires, ramifiées ou pontées, et elles donnent naissance à divers types de matériaux de synthèse: thermoplastiques amorphes ou semi-cristallins, élastomères, fibres à haute résistance mécanique, etc., qui sont les supports matériels indispensables à un grand nombre de technologies modernes. Historiquement, les céramiques sont surtout des matériaux à base d’argile (kaolin) obtenus par cuisson à haute température. Ces céramiques traditionnelles constituent des produits de grande consommation: briques, matériaux réfractaires, poteries, etc. À côté de ces céramiques traditionnelles, une nouvelle génération de céramiques, comme les carbure et nitrure de silicium, s’est développée. Ces céramiques techniques sont largement utilisées par les technologies avancées: matériaux abrasifs, céramiques ferrimagnétiques, vitrocérames qui sont des matériaux microcristallins réfractaires, de dureté élevée et utilisés par exemple pour certaines pièces de moteur diesel, pour les prothèses osseuses… Ces céramiques techniques constituent un pôle extrêmement important de développement technologique.
5.2 LES POLYMÈRES ORGANIQUES 5.2.1 Concept de base Comme nous l’avons décrit au chapitre 4 pour le polyéthylène, un polymère est une macromolécule obtenue par la répétition d’une unité constitutive comportant un groupe d’atomes liés par des liaisons covalentes. Ainsi, le polystyrène, qui est un autre polymère très courant, s’écrit:
104
Introduction à la science des matériaux
...
CH2
CH
CH2
CH2
CH
CH CH2
...
CH
(5.1)
L’unité constitutive de ce polymère est constituée par le groupe d’atomes suivant: CH2
CH
(5.2)
Les polymères sont synthétisés en reliant des molécules de monomère entre elles par des liaisons chimiques covalentes. Le polystyrène est synthétisé par polymérisation d’un monomère appelé styrène qui est un liquide alors que le polystyrène à température ambiante est un solide vitreux. Sous l’action de divers amorceurs, la double liaison du styrène s’ouvre pour former deux liaisons carbone-carbone simples avec deux autres molécules de styrène ce qui conduit à la formation d’une molécule de polystyrène:
CH
n H2 C
Monomères
Site réactif
Site réactif Styrène
(5.3) CH2
CH CH2
CH CH2
CH
Polymère
Molécule de polystyrène
Les atomes de carbone du groupe vinyle (CH2=CH–) du styrène se lient chacun à un autre carbone d’une autre molécule de styrène. Il se forme ainsi une chaîne de polymère linéaire. Une réaction de polymérisation est en général très exothermique, car on remplace chaque liaison double dont l’énergie de formation est égale à 602 kJ mol–1 (tab. 2.17) par deux liaisons simples dont l’énergie de formation est 2 × 346 = 692 kJ mol–1. Les réactions de polymérisation en chaîne se font en présence de petite quantité (< 1% pds) d’amorceur qui génère des centres actifs très réactifs qui sont soit des radicaux soit des anions soit des cations suivant le type de polymérisation. Ces centres actifs, qui sont présents en très petite concentration (10 –7 à 10 –9 mol l–1 en polymérisation radicalaire), additionnent en un laps de temps très court (généralement
Principaux types de matériaux non métalliques
105
inférieur à la seconde) un grand nombre de molécules de monomère à une vitesse très élevée (103 à 105 molécules par seconde). Si on introduit dans le styrène une certaine proportion d’un monomère portant deux groupes vinyles comme le divinylbenzène, on forme un réseau tridimensionnel comme le schématise la figure 5.1. Le réseau tridimensionnel formé est insoluble dans tous les solvants organiques, ce qui n’est pas le cas du polystyrène linéaire. CH
x H2 C
y H2 C
+
Styrène
CH2
CH2
CH
CH
H2C CH Divinylbenzène
CH2
CH
H2C
CH
CH2
CH
Liaison pontale
CH Liaison pontale
H2C CH FIG. 5.1 Réseau tridimensionnel synthétisé par polymérisation d’un mélange de styrène et de p-divinylbenzène. Les traits noirs représentent des portions de chaîne de polystyrène.
Comme nous aurons l’occasion de le faire ressortir au paragraphe 5.2.3, le comportement d’un polymère linéaire diffère considérablement de celui du réseau tridimensionnel. La plupart des polymères industriels sont des macromolécules linéaires ou faiblement ramifiées. Un polymère comme le polystyrène est constitué par une chaîne où alternent groupements méthylènes et groupements carbonés dont le carbone caténaire est substitué par un cycle aromatique. Un grand nombre de polymères (les polymères vinyliques) sont constitués de manière similaire. Ainsi, si on remplace le cycle aromatique du polystyrène par un atome de chlore, on obtient le poly(chlorure de vinyle) (PVC): C CH H2 Cl
C H2
CH C CH H2 Cl Cl
C CH H2 Cl
Poly(chlorure de vinyle) (PVC)
C CH H2 Cl
(5.4)
106
Introduction à la science des matériaux
Le motif constitutif du poly(chlorure de vinyle) est représenté entre crochets en (5.4). Le monomère qui est utilisé pour synthétiser ce polymère est le chlorure de vinyle (MVC): CH2
CH
(5.5)
Cl Chlorure de vinyle (MVC)
Le chlorure de vinyle monomère (MVC) est un gaz qui se liquéfie à pression normale à la température de –12°C. Par ouverture de la double liaison du MVC, on forme une chaîne de polymère:
n CH2
CH
C CH C CH C CH C CH H2 H2 H2 H2 Cl Cl Cl Cl
Cl MVC
(5.6)
Poly(chlorure de vinyle) (PVC)
De manière générale, les polymères vinyliques
C CH C CH C CH C CH H2 H2 H2 H2 X X X X
(5.7)
sont obtenus par polymérisation de monomères vinyliques: CH2
CH X
(5.8)
En remplaçant X par divers groupements chimiques, on synthétise une grande variété de polymères. Dans les deux exemples traités ici, on a remplacé X par un groupement aromatique ou par un atome de chlore, ce qui a donné respectivement le polystyrène et poly(chlorure de vinyle). L’enchaînement des unités constitutives n’est pas toujours aussi régulier que celui indiqué en (5.7) pour le polystyrène. En fait, il se forme trois types d’unités structurales: C CH C CH H2 H2 X X Tête-queue
C CH CH H2 X X Tête-tête
C H2
CH C C CH H2 H2 X X
(5.9)
Queue-queue
Les trois structures reprises en (5.9) constituent des exemples d’isomères de position. L’enchaînement le plus fréquent est de loin l’enchaînement tête-queue. Pour le polystyrène, il atteint pratiquement 100%. Au maximum, l’écart par rapport à l’enchaînement tête-queue est de 15 % pour certains polymères halogénés. De même, les polymères vinyliques peuvent exister sous la forme de différents isomères (stéréoisomères). On distingue trois formes principales (isomères configu-
Principaux types de matériaux non métalliques
107
rationnels) qui sont représentés à la figure 5.2 où nous avons placé les atomes de carbone caténaires (sphères foncées) dans le plan de la feuille du papier (conformation zigzag plane) . Dans le polymère isotactique (a) tous les substituants identiques (grosses sphères hachurées) sont situés d’un même côté en avant du plan du papier. Dans le cas du polymère syndiotactique (b), les substituants identiques alternent en avant et en arrière du plan du papier. Dans le polymère hétérotactique (c), les groupements identiques sont répartis de manière aléatoire. (a) Polypropylène isotactique
000 000
00 00 00
000 000 000 000 000 000
00 00 00
000 000 000 000 000 000
00 00000 000
000 000000 000
00 00 00
(b) Polypropylène syndiotactique
00 00
000 000000 000
00 00
(c) Polypropylène hétérotactique
00 00
000 000 000 000 000 000 000 CH 000 000 3
00 000 00 00000 000
C
00 00 00
000 000 000 000000 000
H
FIG. 5.2 Trois isomères configurationnels du polypropylène (PP).
Les caractéristiques techniques des polymères varient fortement en fonction de leur configuration. Les polymères isotactiques et syndiotactiques sont en général semi-cristallins, ce qui leur confèrent une plus grande résistance à la température. Les polymères hétérotactiques sont habituellement amorphes: ils sont utilisés surtout sous forme de verre (organique); nous reviendrons plus loin sur cette question. La synthèse des polymères isotactiques et syndiotactiques est nettement plus difficile que celle des polymères hétérotactiques. Une des grandes réalisations industrielles de la chimie macromoléculaire a d’ailleurs été la synthèse du polypropylène isotactique par les catalyseurs de Ziegler-Natta ( prix Nobel de Chimie, 1963). Lorsque chacun des substituants des deux atomes de carbone de l’unité structurale sont identiques, il n’existe plus qu’un seul isomère configurationnel. C’est le cas
108
Introduction à la science des matériaux
du polyéthylène (deux hydrogènes sur chacun des deux carbones de l’unité structurale), du poly(-1,1-difluoroéthylène) (deux hydrogènes sur un carbone et deux fluors sur l’autre carbone de l’unité structurale) et du poly(tétrafluoroéthylène) (Téflon) (deux fluors sur chacun des deux carbones de l’unité structurale) (fig. 5.3). Des polymères de ce type sont semi-cristallins. H
H
H
F
F
F
C
C
C
C
C
C
H
H
H
F
F
F
Polyéthylène
Poly(-1,1-difluoro-éthylène)
Polytétrafluoroéthylène (Téflon)
FIG. 5.3 Unités structurales de différents polymères 1,1-dissubstitués.
Il faut remarquer que la conformation zigzag plane que nous avons utilisée pour décrire les isomères configurationnels des polymères vinyliques ne se rencontre à l’état cristallin que pour le polyéthylène. Comme nous le verrons au paragraphe 5.2.4, la présence d’un substituant plus encombrant comme le groupe méthyle du polypropylène favorise la formation d’une conformation en spirale. Il existe également des polymères hydrocarbonés qui sont dérivés des monomères contenant deux liaisons doubles: R 3
H2 C
C
1
2
C H
4
CH2
(5.10)
où R est un atome d’hydrogène(–H) (butadiène), un groupement méthyle(–CH3) (isoprène) ou un atome de chlore (–Cl) (chloroprène). Ces polydiènes comportent quatre types d’unités constitutives qui sont schématisées à la figure 5.4 et qui représentent un exemple d’isomères géométriques. Ces quatre types d’unités se rencontrent dans les chaînes macromoléculaires formées par addition des diènes. Les polydiènes constituent les macromolécules de base d’un grand nombre de caoutchoucs. Parmi ceux-ci, il faut citer le caoutchouc naturel (poly(cis 1-4 isoprène)) (fig. 5.4, unité 1-4 cis) qui est le composant principal des pneumatiques. On a représenté, à la figure 5.5, un segment de chaîne d’un polybutadiène industriel synthétisé par voie radicalaire et qui comprend les diverses unités structurales de la figure 5.4. Il est très difficile de discerner la structure exacte de cette chaîne représentée sous forme compacte. À côté des polymères vinyliques et des polydiènes obtenus par polymérisation de monomères porteurs d’une ou de deux liaisons doubles, il existe également des polymères qui contiennent dans la chaîne d’autres atomes (O, S, N, ...) que le carbone. Ces polymères sont synthétisés par une réaction de polycondensation (step growth polymerization) qui constitue une extension à la chimie macromoléculaire de réactions de condensation développées en chimie organique. Les polycondensats, connus souvent sous le nom de plastiques techniques ou d’ingénierie, ont en général
Principaux types de matériaux non métalliques
1 CH2 C 2
4 CH2 C 3
R H Unité 1- 4 cis
C
H
C 2
C 3 4 CH2 R Unité 1- 4 trans R
R 1 H2C
1 CH2
109
2
CH CH2 3 4 Unité 1-2 isotactique ou syndiotactique
1 H2C
2 C CH CH2 3 4
Unité 3- 4 isotactique ou syndiotactiqu
FIG. 5.4 Les différents motifs constitutifs des polymères du type polybutadiène.
Fig. 5.5 Segment de chaîne d’un polybutadiène industriel (caoutchouc) synthétisé par voie radicalaire et comprenant les divers motifs structuraux représentés à la figure 5.4.
des propriétés nettement supérieures à celles des polymères vinyliques (plastiques de grande diffusion. Notons aussi que les polycondensats sont à la base d’une série de fibres textiles et de fibres de renfort. En polycondensation, l’édification des macromolécules se fait en général au départ de deux types de monomères portant chacun deux fonctions réactives de type différent. La chaîne se construit par une succession de réactions de condensation entre des groupements fonctionnels portés par les molécules de monomère et par les molécules de polymère en formation. Chaque réaction de condensation s’accompagne d’une élimination simultanée d’une petite molécule.
110
Introduction à la science des matériaux
À titre d’exemple de réaction de polycondensation, considérons la réaction de synthèse du polyamide 6-6 (Nylon® 6-6) qui fait intervenir deux types de monomère: un diacide, l’acide hexanedioïque (acide adipique) et une diamine, l’hexane-1,4-diamine (hexaméthylènediamine). Il se forme d’abord une molécule de dimère par addition d’une molécule d’acide hexanedioïque et d’hexane-1,4-diamine avec élimination d’une molécule d’eau. HO
CO (CH2 )4
H2 N (CH2 )6 NH2
CO OH +
Acide hexanedioïque
HO CO
(CH2 )4
Hexane-1,4-diamine
(5.11)
CO NH (CH2 )6 NH2 + H 2 O Dimère
Le dimère réagit avec une molécule de diacide pour former une molécule de trimère: HOCO(CH2 )4 CONH(CH2 )6 NH2 + HOCO(CH 2 )4 COOH Dimère
Acide hexanedioïque
(5.12)
HOCO(CH2 )4 CONH(CH2 )6 NHCO(CH2 )4 COOH + H 2 O Trimère
ou bien avec une molécule de diamine pour produire également une molécule de trimère: H2 N(CH2 )6 NH2 +
HOCO(CH 2 )4 CONH(CH2 )6 NH2
Hexane-1,4-diamine
Dimère
(5.13)
H2 N(CH2 )6 NHCO(CH2 )4 CONH(CH2 )6 NH2 + H 2 O Trimère
Une réaction de condensation se produit également entre une molécule de dimère et une molécule de trimère pour former un pentamère: H2 N(CH2 )6 NHCO(CH2 )4 CONH(CH2 )6 NH2 + HOCO(CH2 )4 CONH(CH2 )6 NH2 Trimère
Dimère
(5.14)
H2 N(CH2 )6 NHCO(CH2 )4 CONH(CH2 )6 NHCO(CH2 )4 CONH(CH2 )6 NH2 + H2 O Pentamère
En fin de réaction, il se forme un polycondensat de masse molaire élevée qui comporte de 50 à 100 unités structurales. L’équation globale de la réaction de polycondensation s’écrit: (n + 1) HOCO(CH2 )4 COOH + (n + 1) H2 N(CH2 )6 NH2 Acide hexanedioïque
Hexane-1,4-diamine
(5.15)
HOCO(CH2 )4 CO[NH(CH2 )6 NHCO(CH2 )4 CO]nNH(CH2 )2 NH2 + (2n + 1) H2 O Polyamide 6-6
Principaux types de matériaux non métalliques
111
Dans la réaction de polymérisation schématisée en (5.3), chaque macromolécule est édifiée en une fois en un temps extrêmement court généralement inférieur à une seconde. En polycondensation, au contraire, la macromolécule s’édifie progressivement par une série de réactions de condensation successives. Les réactions de polycondensation sont beaucoup plus lentes que les polymérisations et, généralement, elles ne sont pas favorisées d’un point de vue thermodynamique. Pour obtenir un degré de polymérisation élevé, il est souvent nécessaire de déplacer l’équilibre de la réaction en éliminant, par distillation, la petite molécule formée (H 2O). Les polyamides (le terme Nylon® est une marque déposée de la société Du Pont) se désignent par deux nombres. Le premier désigne le nombre de carbone de la diamine et le second, celui du diacide. Ainsi, nous venons de schématiser la synthèse du polyamide 6-6 qui est synthétisé au départ de l’hexane-1,4-diamine (6 carbones) et de l’acide hexanedioïque (6 carbones). Parfois les fonctions amine et acide sont portées par la même molécule. Dans ce cas, on n’utilise qu’un seul chiffre pour caractériser le polyamide. Ainsi, le polyamide 11 (Rilsan): N H
(CH2 )10
C O
O
(5.16)
est synthétisé à partir de l’acide ω-aminoundécanoïque: H2 N (CH2 )10
C OH O
(5.17)
À la figure 5.6, nous avons représenté la structure de quelques polycondensats très utilisés. Mentionnons que la composition chimique des polyesters est voisine de celle des polyamides. Il suffit de remplacer les groupes imino (NH) par un oxygène. Contrairement aux polymères vinyliques (fig. 5.2), les polycondensats n’existent que sous une seule configuration et, en général, ils sont semi-cristallins. 5.2.2 Dimensions des macromolécules La plupart des réactions de polymérisation sont des processus aléatoires: toutes les chaînes ne croissent pas jusqu’à la même longueur. Les polymères organiques synthétiques ne sont quasiment jamais des substances de masse molaire homogène comme le sont en général les molécules organiques de faible masse molaire, tel que le benzène par exemple (M = 78). Ceci nous amène à introduire la notion de masse molaire moyenne qui peut se définir de plusieurs façons. Ainsi, la masse molaire moyenne en nombre Mn est égale à: Mn = ∑ X x M x
(5.18)
Dans cette expression, X x représente la fraction molaire (ou fraction en nombre) des molécules de degré de polymérisation x et de masse molaire M x . X x se définit par: Xx =
Nx
∑ Nx
(5.19)
112
Introduction à la science des matériaux
H
O
O
O C (b) Groupement ester
N C (a) Groupement amide
(CH 2)n (c) Radical polyméthylène (aliphatique) O C
(d) Radical phénylène (aromati
O (CH2)4
C
NH
(CH2)6
A
NH
B
(e) Polyamide aliphatique: polyamide 66 (Nylon 6–6) (PA 6–6) O
O
H
H
C
C
N
N
A (f) Polyamide aromatique (Kevlar) O
O
C
C
B
O
C H2
C O H2
B A (g) Polyester partiellement aromatique: poly(éthylènetéréphtalate) (PET) FIG. 5.6 Exemples de polymères contenant des hétéroatomes dans la chaîne principale (polycondensats). Chaque motif comporte deux sous-motifs A et B.
Dans (5.19), Nx représente le nombre de moles de molécules ayant un degré de polymérisation x et une masse molaire Mx. La masse molaire moyenne en masse Mw s’obtient en pondérant la masse molaire en fonction de la fraction en masse des macromolécules wx Mw = ∑ w x M x
(5.20)
N x Mx ∑ N x Mx
(5.21)
avec wx =
La masse molaire moyenne en masse Mw accorde un poids statistique plus important aux masses molaires Mx les plus élevées et de manière générale on écrit: Mw ≥ Mn
(5.22)
Principaux types de matériaux non métalliques
113
Le rapport Mw Mn , qui est appelé indice de polymolécularité I, est une mesure de la dispersion des masses molaires. Pour un polymère homogène, I = 1. Des valeurs expérimentales de I voisines de l’unité ne se rencontrent que dans quelques cas particuliers. En polycondensation, I est, en général, égal ou légèrement supérieur à 2. Pour les polymères vinyliques courants I est généralement compris entre 2 et 5. Mw et Mn sont deux paramètres technologiques importants. Mn régit plutôt les propriétés de l’état solide: il faut que Mn dépasse une valeur critique Mc comprise entre 10 000 et 50 000 pour qu’un polymère possède une résistance mécanique valable. La valeur de Mc dépend de la nature du polymère. La limite inférieure de Mc = 10 000 est généralement valable pour les polycondensats, tandis que la limite supérieure Mc = 50 000 se rencontre plutôt avec les polymères vinyliques. Le comportement rhéologique à l’état fondu et la mise en forme des polymères sont fonction de Mw . La viscosité des polymères organiques à l’état fondu, qui est en général très élevée (104-105 Pa s) comme celle des polymères inorganiques d’ailleurs, varie habituellement en fonction de Mw3,5 . On cherche en général à fabriquer des polymères ayant un indice de polymolécularité aussi faible que possible de manière à avoir une viscosité à l’état fondu la moins élevée possible, tout en gardant une valeur de Mn dépassant la valeur critique Mc. Il faut néanmoins se garder de généraliser. Dans certains cas, on utilise un polymère ayant un indice de polymolécularité élevé pour augmenter la résistance mécanique à l’état fondu et faciliter certaines opérations de mise en forme comme l’extrusion-soufflage. Mn et Mw se déterminent par diverses méthodes physiques dont la description dépasse le cadre de cet exposé élémentaire. 5.2.3 Principaux types de matériaux polymères Il existe deux grandes classes de matériaux polymères: • Les polymères thermoplastiques sont constitués de macromolécules de taille limitée, linéaire ou ramifiée. La structure de ce type de polymères est schématisée à la figure 4.10 (a) et(b) pour le polyéthylène. Cette catégorie de matériaux est composée de macromolécules qui sont en règle générale solubles dans les solvants organiques qui sont capables de séparer les chaînes de polymères les unes des autres. À haute température (de 175-350 °C maximum suivant le type de polymères), les polymères thermoplastiques passent à l’état fondu. • Les polymères réticulés, qui ont une structure tridimensionnelle, sont composés de chaînes de polymères reliées entre elles par des liaisons pontales comme le montre la figure 4.10 (c) pour le polyéthylène; lorsqu’ils sont réticulés, les polymères ne sont constitués que d’une seule macromolécule de taille infiniment grande à l’échelle atomique. Cette super macromolécule atteint des dimensions macroscopiques. Ainsi, après vulcanisation, les chaînes de polymères qui forment un pneumatique de voiture ne forment plus qu’une seule macromolécule qui a les mêmes dimensions que le pneumatique. Les polymères réticulés forment la classe des polymères thermodurcis car la réticulation s’effectue en général à température élevée (environ 150-200 °C).
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Introduction à la science des matériaux
À l’état solide, en dessous de 100-150°C environ, les polymères thermoplastiques existent sous la forme amorphe d’un verre organique ou sous une forme semicristalline. L’aptitude des polymères à cristalliser est en relation étroite avec leur structure moléculaire. Pour qu’un polymère puisse cristalliser, il faut que sa chaîne soit d’une très grande régularité de structure. Celle-ci est fixée lors de la synthèse. Cette question a été traitée en détails au paragraphe précédent. Les polymères ne forment presque jamais de monocristaux. Ils sont en général caractérisés par une structure microcristalline dispersée dans une phase amorphe; celle-ci sera décrite au chapitre 10. L’importance de la fraction cristalline varie fortement d’un polymère à l’autre. Ainsi, le polyéthylène linéaire (fig. 4.10 (a)) atteint un taux de cristallinité supérieur à 85%. En raison de la présence de ramifications, le taux de cristallinité du polyéthylène ramifié (fig. 4.10 (c)) n’est plus que de 50% environ. Dans les polymères à chaîne rigide, comme le poly(éthylènetéréphtalate) (PET) (fig. 5.6 (g)) le taux de cristallinité est de l’ordre de 30 à 40%. À cause d’une différence d’indice de réfraction entre phases amorphes et cristallines, les polymères semicristallins ne sont généralement pas transparents mais translucides. Leur structure partiellement cristalline leur confère une plus grande résistance à la température et aux agents chimiques comme les solvants organiques. Par contre, les verres organiques ne sont en général constitués que d’une seule phase et, par conséquent, ils ne possèdent pas de microstructure et ils sont transparents. Les verres organiques sont fréquemment utilisés pour leur propriétés optiques dans les lentilles de contact par exemple (sect. 5.5). Par élévation de la température, les thermoplastiques passent à l’état fondu et ils sont mis en forme par coulage (extrusion, injection, ...). Ce processus est réversible; il peut, en principe, être répété un grand nombre de fois sans modification de la structure moléculaire du polymère et sans altération de ses propriétés. Dans les polymères thermoplastiques, les forces de liaison intermoléculaires sont des forces de valence secondaire, et le passage à l’état fondu s’effectue à des températures beaucoup plus basses que celles nécessaires pour la mise en œuvre des métaux et des céramiques. Cette caractéristique physique permet le formage des polymères thermoplastiques à des températures relativement basses (175-350 °C) avec des cadences de production en objets finis extrêmement élevées. Ce sont les grandes facilités de mise en œuvre qui se déroulent dans des conditions très favorables d’un point de vue énergétique qui sont en grande partie à la base du succès économique des matériaux polymères. Les matériaux polymères à structure tridimensionnelle sont subdivisés en deux catégories: les élastomères (caoutchoucs) et les thermodurcis à haut degré de réticulation. Les élastomères sont obtenus au départ de polymères linéaires ayant généralement une masse moléculaire comprise entre 100 000 et 500 000 et caractérisés par des liaisons secondaires extrêmement faibles (~4 kJ mol -1 ). Ces polymères sont à température ambiante des liquides très visqueux. Pour leur conférer des propriétés élastiques en traction ou en cisaillement, on introduit un certain nombre de liaisons pontales entre les chaînes de polymère. Ceci confère au matériau une structure tridimensionnelle et assure la réversibilité de la déformation mécanique (chap. 6). Les
Principaux types de matériaux non métalliques
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liaisons pontales à caractère covalent sont introduites par une réaction chimique appelée vulcanisation après la mise en forme du matériau. À titre d’exemple, nous avons représenté, à la figure 5.7, la structure d’une liaison pontale dans le cis-1,4polyisoprène (caoutchouc naturel; fig. 5.4 ) vulcanisé au soufre. Dans ce cas, il s’agit d’un pont disulfure (–S2–) qui assure la liaison entre les chaînes.
CH3 CH C CH CH2 S Pont disulfure S CH C CH CH2 CH3 FIG. 5.7 Structure des liaisons pontales (pont disulfure) dans le polyisoprène 1-4 cis (caoutchouc naturel) vulcanisé au soufre tel qu’on le trouve dans les pneumatiques de voiture.
Une caractéristique technologique très importante des caoutchoucs est leur grande déformabilité qui atteint 600 à 700%, soit 6 à 7 fois leur longueur initiale. Celle-ci est directement liée à la structure moléculaire du matériau. Dans les élastomères, la densité de réticulation, c’est-à-dire le nombre de liaisons pontales par motif constitutif du matériau polymère est faible. Ainsi, dans les élastomères courants utilisés pour les pneus de voitures, on compte environ une unité pontale pour 100 motifs. Les segments de chaînes compris entre les liaisons pontales ne sont liés entre eux que par des forces de valence secondaire, ils peuvent donc se déplacer les uns par rapport aux autres sous l’action de contraintes mécaniques très faibles, ce qui explique la grande déformabilité des caoutchoucs. Comme nous l’avons déjà mentionné, c’est la présence des liaisons pontales qui assure la réversibilité de la déformation mécanique. Comme nous le verrons au chapitre 6, le module d’élasticité des caoutchoucs est directement lié à la densité de réticulation. Dans les polymères thermodurcis fortement réticulés, le taux de réticulation (fraction des unités pontées par rapport au nombre total d’unités structurales) atteint un niveau de 10 à 100 fois plus élevé que dans le cas des élastomères. Dans ces matériaux, les énergies de cohésion interchaînes sont en général beaucoup plus élevées (20-30 kJ mol–1). En raison de ces caractéristiques physico-chimiques, les polymères thermodurcis atteignent en général une résistance mécanique (tab. 6.2) et surtout thermique nettement supérieure à celle des thermoplastiques. La mise en forme des thermodurcis est, par contre, beaucoup moins rapide et moins aisée que celle des thermoplastiques. Le formage du polymère thermodurci doit absolument se faire avant l’introduction des liaisons pontales par la réaction de réticulation. Cette réticulation est une réaction chimique qui est analogue à la réaction de vulcanisation des caoutchoucs et elle dure un certain laps de temps. La mise en forme des thermodurcis se fait donc à une cadence nettement moins élevée que le
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coulage des thermoplastiques à haute température. De plus, nous avons signalé qu’en raison de leur structure tridimensionnelle, les thermodurcis sont insolubles et infusibles. Ces matériaux ne sont donc pas recyclables. Un exemple courant que chacun de nous peut expérimenter facilement est celui des colles époxydes qui sont utilisées pour coller des pièces en céramique. Ces colles époxydes comportent deux composants: une résine qui est un polymère linéaire de faible masse molaire et le durcisseur qui est un composé organique capable de réagir avec la résine pour former un réseau tridimensionnel. Au moment de l’application, on mélange les deux composants et l’on applique la colle qui durcit (réticule) en un laps de temps de l’ordre d’une demiheure. Après durcissement, la colle est devenue insoluble et infusible. Il faut souligner enfin qu’un grand nombre de thermoplastiques et de thermodurcis à haute densité de pontage sont des matériaux fragiles. Nous verrons dans le chapitre 10 comment on peut arriver à des matériaux polymères à haute résistance mécanique et à résistance au choc élevée, en combinant thermoplastique et élastomère.
5.2.4 Configuration spatiale des polymères cristallins et structure de la maille Dans la maille cristalline, la chaîne adopte une configuration qui correspond à un état d’énergie potentielle minimum. Examinons quelques exemples typiques pour illustrer ce premier principe d’organisation de la maille cristalline des polymères. À la figure 4.8 (b) (représentation éclatée) et à la figure 5.8 (a) (représentation compacte), on a représenté la chaîne de polyéthylène placée dans sa conformation d’énergie potentielle la plus basse. Dans cette conformation zigzag trans, tous les atomes caténaires sont coplanaires et forment entre eux des angles de valence de 109,5°, et la distance C-C est de 0,154 nm. Dans la conformation zigzag trans, les atomes d’hydrogène sont disposés les uns au-dessus des autres. L’espacement entre ceux-ci est égal à 0,253 nm. Cette distance est légèrement supérieure au diamètre de van der Waals de l’atome d’hydrogène (0,234 nm). La distance de 0,253 nm qui sépare les atomes de carbone est donc largement suffisante pour placer les atomes d’hydrogène sans interaction stérique importante, tout en favorisant un empilement relativement compact. Pour les autres polymères vinyliques, la structure zigzag trans du polyéthylène ne peut plus être maintenue en raison de l’encombrement introduit par des substituants plus volumineux. Ainsi, si on remplace tous les atomes d’hydrogène par des atomes de fluor (polytétrafluoroéthylène-téflon) qui ont un diamètre de van der Waals plus important (0,270 nm), la conformation zigzag trans n’est plus réalisable sans introduire dans la chaîne des contraintes stériques importantes, et la chaîne prend dans la maille cristalline une conformation hélicoïdale. Cette structure, qui est représentée à la figure 5.8 (b), entraîne une rigidification considérable de la chaîne, aussi bien à l’état solide cristallin qu’à l’état liquide. Ce phénomène a pour effet d’augmenter de manière très importante le point de fusion qui passe de 130 °C pour le polyéthylène linéaire à 330 °C pour le poly(tétrafluoroéthylène). C’est de cette caractéristique que résulte la résistance à la température exceptionnelle de ce polymère commercialisé sous le nom de «Teflon© » et largement utilisé comme revêtement antiadhésif.
Principaux types de matériaux non métalliques
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FIG. 5.8 Structure de la chaîne de polyéthylène (a) et du poly(tétrafluoroéthylène) (b) dans le cristal. On remarque la formation d’une spirale dans le cas du poly(tétrafluoroéthylène) alors que dans le polyéthylène les atomes de carbone sont disposés en zigzag dans un plan réticulaire (d’après Gordon, 1963, et Bunn et Howells, 1954).
Les polymères isotactiques comme le polypropylène peuvent adopter une conformation trans-trans ou trans-gauche (fig. 5.9). En raison de l’encombrement important stérique des groupements méthyle dont le diamètre de van der Waals est égal à 0,4 nm, la conformation trans-trans qui conduirait à une structure zig-zag analogue à celle du PE est moins stable. Le polypropylène isotactique adopte une conformation trans-gauche qui conduit à une conformation hélicoïdale dans la maille cristalline (fig. 5.10).
FIG. 5.9 Conformation trans-trans et trans-gauche du polypropylène. Dans le cas du polypropylène, c’est la conformation trans-gauche qui minimise les interactions énergétiques entre groupements non liés, ce qui explique la conformation en spirale de la chaîne de polypropylène dans le cristal. Par souci de clarté, les atomes d’hydrogène de la chaîne n’ont pas été représentés.
Dans les polymères contenant des hétéroatomes (polycondensats), on rencontre très fréquemment des structures zigzag trans. Dans les polyamides, cette structure rend possible la formation de liaisons hydrogènes très intenses dans les plans réticulaires contenant les atomes caténaires. Il y a formation d’une structure en feuillets
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 5.10 Conformation en spirale du polypropylène isotactique cristallin. Projection parallèle (a) et perpendiculaire (b) à l’axe de la spirale (d’après Wunderlich, 1973).
FIG. 5.11 Représentation de la structure en feuillet du poly(téréphtalamide de p-phenylène) (Kevlar) dans le cristal. Par souci de clarté, les atomes d’hydrogène ne sont pas représentés. En pointillés, les liaisons hydrogènes sont schématisées (d’après Tadokoro, 1984).
Principaux types de matériaux non métalliques
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(fig. 2.21 (b) et fig. 5.11) qui est responsable de la résistance mécanique et thermique élevée des polyamides. Les polyamides aromatiques comme le poly(téréphtalamide de p-phénylène), qui est commercialisé par Du Pont sous le nom de Kevlar® forment des fibres extrêmement rigides qui sont utilisées comme fibres de renfort dans les matériaux composites (chap. 17). Leur rigidité vaut environ la moitié de celle des fibres de carbone. Les fibres de Kevlar sont utilisées dans les gilets pare-balles et sert de substitut à la fibre d’amiante dans certaines garnitures de frein. De manière générale, la chaîne de polymère adopte dans le cristal une conformation qui correspond à son état d’énergie potentielle minimum. L’empilement des chaînes dans la maille cristalline est fortement dépendant de la conformation des chaînes. La compacité maximum est atteinte lorsque la chaîne adopte une configuration zigzag trans comme dans le polyéthylène et dans les polycondensats. Le cristal de polyéthylène (fig. 5.12) atteint un facteur de compacité de 0,80, calculé sur la base des diamètres de van der Waals des atomes. Ce facteur de compacité est supérieur à celui trouvé pour les structures hc et cfc, car la présence des liaisons covalentes amène les sphères de van der Waals à s’interpénétrer. C’est de cet empaquetage très compact que résulte le point de fusion relativement élevé (130 °C) de ce polymère qui ne possède pas de liaison secondaire forte. Le facteur de compacité de la maille des polyamides 6-6 atteint également une valeur très élevée (0,76).
FIG. 5.12 Structure et maille orthorhombique du polyéthylène cristallisé; représentation sous forme éclatée (d’après Gordon, 1963, et Bunn, 1945).
Dans le cas d’une structure hélicoïdale, l’empaquetage est en général moins bon. Le facteur de compacité du polypropylène isotactique est de 0,66. Certaines structures hélicoïdales atteignent cependant un degré de compacité élevé. C’est le cas en parti-
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Introduction à la science des matériaux
culier du poly(tétrafluoroéthylène) qui est caractérisé par un facteur de compacité compris entre 0,78 et 0,80. Il est important de souligner que le facteur de compacité calculé pour les cristaux de polymères prend en considération le rayon de van der Waals des atomes. Celui-ci n’est donc pas directement comparable au facteur de compacité calculé au chapitre 4 pour les structures hc et cfc compactes des métaux qui est déterminé en fonction du rayon atomique.
5.3 QUELQUES GRANDES CLASSES DE CÉRAMIQUES 5.3.1 Classification et caractéristiques générales Les céramiques sont parmi les matériaux les plus anciens utilisés par l’homme, puisque les céramiques naturelles (roches) sont des constituants essentiels de la couche terrestre. Leur nom, qui provient du grec «Keramos», signifie matière cuite. L’argile était la matière première (kaolin) utilisée pour fabriquer les premières céramiques synthétiques (poterie). Le kaolin est un silicate ayant comme formule globale (Si2O5) Al2(OH)4. Les céramiques sont également parmi les matériaux les plus récents synthétisés par la technologie moderne: ferrites (MgFe2O4) pour aimant, céramiques à hautes résistances mécanique et thermique (SiC, Si3N4) pour les moteurs à combustion interne, biocéramique (Al2O3), céramiques à haute ténacité (ZrO2 + Y2O3), titanate de barium (BaTiO3) utilisé comme diélectrique dans les condensateurs ainsi que différents oxydes (ZnO, SnO2) employés comme détecteurs pour les gaz inflammables. Les caractéristiques les plus spécifiques des céramiques sont leur caractère réfractaire (résistance à de très hautes températures), leur dureté, leur grande inertie chimique et en général leurs très faibles conductivités thermique et électrique. On leur confère également certaines propriétés plus spécifiques comme le ferrimagnétisme, la semiconductivité ou la supraconductivité à haute température. Les céramiques ne sont généralement pas ductiles et ont une faible résistance au choc thermique. Ces deux défauts majeurs limitent fortement leurs applications. Un ensemble de recherches se poursuit actuellement pour augmenter la ductilité et la résistance des céramiques. Comme nous l’avons indiqué précédemment, on fabrique des céramiques à haute ténacité à partir de zircone modifiée. Dans la suite de ce chapitre, nous passerons succinctement en revue quelques catégories de céramiques particulièrement importantes qui compléteront les notions déjà abordées au chapitre 4. 5.3.2 Silicates Les silicates naturels ou synthétiques constituent une classe importante des matériaux céramiques. L’élément de base de leur structure est le tétraèdre SiO4 (fig. 5.13 (a)). Comme nous l’avons mentionné au paragraphe 4.4.1, dans les silicates les plus simples, les tétraèdres sont présents dans la structure sous forme d’ions (SiO4)4-
Principaux types de matériaux non métalliques
FIG. 5.13 Structure des silicates.
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 5.13 (suite) Structure des silicates.
associés à des cations métalliques qui forment avec l’oxygène des liaisons ioniques fortes. Deux exemples de ce type de silicate: la forstérite (Mg2SiO4 ) et le zircon (ZrSiO4). Les tétraèdres SiO4 peuvent mettre en commun un certain nombre d’atomes d’oxygène pour former des structures de petite dimension ou de taille très grande (polymères). On distingue ainsi les disilicates où deux tétraèdres SiO4 s’associent en partageant un oxygène, et qui sont caractérisés par la présence de l’anion (Si2O7)6– (fig. 5.13 (b)). Comme nous l’avons déjà vu précédemment (fig. 4.11 (c)), chaque tétraèdre SiO4 peut partager deux oxygènes avec deux tétraèdres voisins pour former des structures en chaînes linéaires simples (pyroxène) (fig. 5.13 (c)). Il peut également mettre en commun trois oxygènes pour former des structures en chaînes doubles (amphibole-fig. 5.13 (d)) ou en couches (fig. 5.13 (e)) qui constituent la couche tétraédrique T des phyllosilicates. On rencontre enfin des silicates à structure tridimensionnelle comme la silice (SiO 2) qui peut exister sous une forme amorphe (fig. 5.14 (a)) ou cristalline (fig. 5.14(b)), ou dans les feldspaths (orthose ou microcline, KAlSi3O8). Dans certains cas, l’architecture des silicates devient très complexe. Ainsi dans les phyllosilicates, les cations métalliques (Mg2+, Al3+ ), qui ont un degré de coordination égal à 8, sont disposés en couche (couche octaédrique O). À la figure 5.15, nous avons représenté, à titre d’exemple, la structure du talc (Si4O10Mg3(OH)2) qui est un phyllosilicate dont le feuillet élémentaire est constitué de deux couches tétraé-
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FIG. 5.14 Esquisse à deux dimensions de la structure des silicates à structure tridimensionnelle. Par souci de clarté, on n’a représenté que trois des quatre oxygènes associés au silicium.
driques et d’une couche octaédrique. Celle-ci contient un certain nombre d’ions OH– qui complètent la coordination octaédrique du magnésium. Il existe deux grandes familles de phyllosilicates: les phyllosilicates TOT, composés de deux couches tétraédriques et d’une couche octaédrique et dont le modèle est le talc, et les TO dont le feuillet élémentaire est constitué d’une couche tétraédrique associée à une couche octaédrique. Le kaolin Si2 O 5Al2 (OH) 4 qui est le constituant de base des argiles est un phyllosilicate TO. Il est donc constitué d’une couche tétraédrique et d’une couche octaédrique. La liaison entre les feuillets élémentaires des phyllosilicates est assurée par des forces de valence secondaire, ce qui explique le clivage aisé de ces minéraux et leur structure lamellaire. Des couches d’eau viennent souvent s’intercaler entre les feuillets, ce qui est à l’origine des propriétés «plastiques» des argiles (kaolin). Cette caractéristique est notamment exploité lors du moulage des céramiques traditionnelles au départ d’une pate aqueuse (barbotine). L’aluminium, qui forme avec l’oxygène une liaison covalente polaire très semblable à la liaison Si–O, peut intervenir dans la couche tétraédrique où il remplace le silicium. Il joue également le rôle de métal (Al3+) en intervenant dans la couche octaédrique où il est caractérisé par un nombre de coordination égal à 6. Dans le cas de la substitution du silicium par l’aluminium dans la couche tétraédrique, on remplace
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Introduction à la science des matériaux
l’anion (SiO4)4– par l’anion (AlO4)5–. Ceci va de pair avec le remplacement de certains cations de la couche octaédrique par d’autres cations ayant une valence supérieure pour sauvegarder la neutralité électrique du minéral. La silice, les silicates forment, avec l’alumine et certains oxydes (CaO, MgO, Na2 O, K2 O), les matières premières utilisées pour la fabrication des céramiques traditionnelles (porcelaines, briques, poterie, etc.), des verres minéraux (§ 5.3.3) et pour les ciments (§ 5.3.4). Certains silicates comme l’asbeste-chrysotile ont été très utilisés comme fibres de renfort dans les asbestes-ciments et comme isolant.
FIG. 5.15 Structure du talc (Si4O10Mg3(OH)2). Projection suivant un plan perpendiculaire aux feuillets élémentaires. Comparer avec la figure 5.13 (e) qui représente une projection parallèle à la couche tétraédrique.
5.3.3 Verres minéraux et vitrocéramiques Les verres minéraux constituent une classe très importante des matériaux céramiques d’un point de vue technologique. Ils sont caractérisés par la présence d’une structure de type polymère tridimensionnelle. La structure vitreuse la plus simple est celle de la silice amorphe qui peut s’obtenir par refroidissement de la silice fondue. Celle-ci s’obtient par fusion du quartz (1610 °C) qui est une des formes de la silice cristallisée. Comme nous l’avons vu à la figure 5.14 (a), la silice amorphe possède une structure tridimensionnelle constituée de tétraèdres SiO4 accolés par le sommet, chaque oxygène étant partagé par deux tétraèdres.
Principaux types de matériaux non métalliques
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La viscosité extrêmement élevée de la silice fondue résulte de sa structure tridimensionnelle. Celle-ci, qui est formée de liaisons covalentes polaires, est en principe indéformable. Le phénomène d’écoulement ne peut se produire que si un certain nombre de liaisons se défont et se reforment dans une position relaxée (écoulement par réaction d’échange). Ce mécanisme d’échange est schématisé dans l’équation suivante. O O Si O 1
O
O Si O 2 O
O
O Si O 3 O
+
O O Si O 3
+
O O Si O 1
O
O Si O 4 O
O
O Si O 4 O
(5.23) O O Si O 2
Cette réaction d’échange est vraisemblablement catalysée par une faible proportion de groupements silanols résultant de la réaction de la silice fondue avec des traces d’eau: O O Si O
O
O Si O O
+
H2 O
2
O O Si O
OH
(5.24)
C’est la structure tridimensionnelle de la silice fondue qui rend sa cristallisation si difficile. L’addition à la silice fondue de cations métalliques sous forme d’oxydes (agents modificateurs ou fondants: Na2O, K2O, et CaO) entraîne une diminution considérable de la viscosité. Ainsi l’addition de 2,5% molaire de K2O abaisse la viscosité de la silice à 1750°C de 2⋅106 Pa s à 200 Pa s. Les cations métalliques réagissent avec la silice pour réduire le nombre de liaisons pontales de la structure tridimensionnelle de la silice: O O Si O
O
O Si O O
+
K2 O
2
O O Si O
O– ,K+
(5.25)
À partir d’une certaine proportion d’agent modificateur, la structure tridimensionnelle de la silice est réduite à des îlots isolés reliés entre eux par des cations modificateurs. Ceux-ci sont liés à l’oxygène par des liaisons ioniques plus labiles que les liaisons covalentes polaires Si–O. C’est la présence des liaisons ioniques qui facilite la réorganisation du verre fondu et qui entraîne un abaissement important de la viscosité. Une représentation schématique de la structure d’un verre minéral formé par addition de Na2O, tirée des travaux de Greaves, est donnée à la figure 5.16. Les verres les plus courants, comme par exemple le verre à vitre, sont obtenus à partir d’un mélange de soude (Na2O), de silice (SiO2) et de chaux (CaO) correspondant approximativement à la formule (Na2O)(CaO)(SiO2)5. Pour des applications
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Introduction à la science des matériaux
spéciales, on ajoute d’autres oxydes formateurs de réseaux comme l’oxyde de bore (B2O3) qui entre dans la fabrication de verres à faible dilatation thermique (Pyrex).
FIG. 5.16 Représentation bidimensionnelle de la structure d’un verre minéral. Les petites sphères foncées représentent les atomes de silicium, les grosses sphères blanches, les atomes d’oxygène et les petites sphères blanches les ions Na + (d’après Greaves, 1982).
Les vitrocéramiques constituent une classe relativement nouvelle de céramiques obtenues par cristallisation (dévitrification) d’objets en verre déjà formés. En effet, certains verres minéraux cristallisent lorsqu’ils sont soumis à un cycle thermique bien précis qui favorise d’abord l’apparition de germes cristallins et ensuite leur croissance. Les vitrocéramiques ont une structure microcristalline dispersée dans une phase vitreuse. Ces matériaux caractérisés par un cœfficient de dilatation extrêmement faible sont connus pour leur résistance exceptionnelle au choc thermique (pyroceram). Ils sont également utilisés dans une série d’applications techniques importantes: isolants électriques, composants de corps de pompe, supports de miroirs de télescope, etc. Notons qu’en raison de la différence d’indice de réfraction entre phases vitreuses et cristallines les vitrocéramiques ne sont généralement pas transparentes. 5.3.4 Béton de ciment Le béton de ciment qui est le matériau de construction le plus utilisé actuellement est un mélange complexe de gravier, de sable (quartz), qui sont des céramiques naturelles, et de ciment hydraulique (liant) qui est mis en oeuvre par coulage ou projection. Le ciment hydraulique liant représente de 20 à 40% du volume du béton. Si on omet le gravier dans le mélange, on obtient un mortier. Les ciments hydrauliques (liants) sont des matériaux céramiques qui ont la propriété de durcir sous eau et de résister à l’action de l’eau. Les premiers ciments hydrauliques ont été utilisés dès l’Antiquité par les Romains. Ceux-ci ont notamment découvert que certaines roches éruptives (pouzzolanes) réagissent avec l’hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) en formant un produit pratiquement insoluble dans l’eau qui constitue un ciment hydraulique. La découverte des ciments hydrauliques (Portland) utilisés actuellement en construction civile est assez récente puisqu’elle remonte à 150 ans environ.
Principaux types de matériaux non métalliques
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Les matières premières utilisées pour la fabrication du ciment Portland sont constituées d’un mélange finement broyé de carbonate de calcium (CaCO3) et d’argile (kaolin) ou de marne (argile calcaire) qui sont introduits dans un four rotatif. Il se produit dans le four une série de réactions complexes qui aboutissent à la formation de silicates et d’aluminates de calcium. La matière est portée progressivement à 14001450 °C, températures où se produit la clinkérisation qui se traduit par une fusion partielle de la matière. Le produit obtenu est formé de grains noirâtres et durs appelés clinker. Il se forme un mélange de composition suivante: • • • •
C2S: (CaO)2SiO2, silicate bicalcique (~20%); C3S: (CaO)3SiO2, silicate tricalcique (50-70%); C3A: (CaO)3Al2O3, aluminate tricalcique (6-12%): C4AF: (CaO)4Al2O3 Fe2O3, aluminosilicate tétracalcique(~10%).
Ces divers constituants ont été identifiés dans le clinker par microscopie optique. Il faut noter que l’aluminosilicate tétracalcique C4AF n’a pas une composition chimique constante, il s’agirait d’un mélange de deux produits C2F ((CaO)2Fe2O3)et C2A ((CaO)2Fe2O3) en proportion variable. Les ciments hydrauliques sont un mélange de clinkers finement broyés et de 5% de gypse (CaSO4, 2H2O) environ qui est introduit comme régulateur de prise. Le ciment hydraulique additionné de gravier, de sable est gâché avec de l’eau et appliqué sous forme d’une pâte. Il faut faire remarquer que l’air est également un constituant des bétons qui est introduit au moment du gâchage. Sa proportion est de 3% environ s’il n’est pas introduit intentionnellement. La présence d’air augmente la résistance au gel mais réduit la résistance mécanique. La prise et le durcissement du ciment entraînent la formation de plusieurs phases solides hydratées dont le volume est supérieur à celui du ciment anhydre. Les constituants du ciment se dissolvent progressivement dans l’eau et reprécipitent sous forme de phases hydratées qui envahissent progressivement l’espace occupé par l’eau et il se forme ainsi un structure rigide poreuse. La prise et le durcissement du ciment Portland consistent donc en une série de réactions d’hydratation des divers constituants. Ces réactions sont exothermiques (∆H = 400-800 kJ g–1) et se déroulent spontanément dès que le ciment anhydre est mis en contact avec l’eau. La réaction d’hydratation du ciment Portland est complexe et nous nous limiterons à discuter la réaction d’hydratation du C3 S qui se représente approximativement par l’équation suivante: 2(CaO)3 SiO2 + 8 H2 O → C3 S
(CaO)3 (SiO2 )2 (H2 O)5 + 3 Ca(OH) 2 C3 S2 H5
(5.26)
Le silicate tricalcique C3S forme deux produits d’hydratation: un polysilicate, dont la formule approximative C3 S2 H3 est proche de celle d’un minéral naturel, la tobermorite, et de hydroxyde de calcium (portlandite). Le silicate de bicalcique (C2S) donne les mêmes produits d’hydratation. L’hydroxyde de calcium cristallise sous forme de plaquettes hexagonales. Le silicate hydraté C3 S2 H3 forme un gel faible-
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Introduction à la science des matériaux
ment cristallin composé de fines aiguilles qui se développent dans les interstices entre les grains de ciment Portand. C’est le début de la prise qui se marque d’abord par une augmentation de la consistance de la pâte. La prise du ciment, qui s’accompagne du comblement progressif des interstices, est schématisée à la figure 5.17. Le développement de la tobermorite va de paire avec une augmentation de la résistance mécanique.
Gachage
Avant la prise
Prise
Début du durcissement
Consolidation
L'eau forme un réseau capillaire entre les grains.
Le gel de tobermorite apparaît à la surface des grains de ciments.
Envahissement des intertices entre les grains par la tobermorite. La pâte s'épaissit.
Le gel de tobermorite remplit progressivement les interstices entre l grains. La pâte acquiert de la résistanc mécanique.
La résistancemécaniqueaugmente.Le gel continue de se développer pendant un temps très long en présence d'eau.
FIG. 5.17 Représentation schématique du phénomène de prise dans le ciment Portland (d’après Huet).
En présence d’eau, la prise du ciment se poursuit pendant un temps très long (plusieurs années). La microstructure continue de se modifier entraînant une augmentation de la résistance mécanique. Les ciments ont des propriétés mécaniques environ quatre fois plus faibles que celles des silicates fondus comme les verres. Cette faiblesse des propriétés mécaniques résulte de la structure très hétérogène de ces matériaux et de leur porosité. Celle-ci résulte du retrait induit par la réaction d’hydratation qui consomme de l’eau. Elle atteint environ 10% dans les ciments courants. Elle varie en fonction de la quantité d’eau ajoutée au moment du gâchage. Plus la quantité d’eau ajoutée au moment du gâchage est importante, plus la porosité du ciment est élevée. La porosité est de l’ordre de 10% dans les ciments courants. Le réseau poreux du béton est interconnecté et il permet la circulation de l’eau à l’intérieur du matériau. Comme la résistance en traction des ciments est très faible, on les utilise, de préférence, dans des applications où le matériau travaille en compression ( buildings, barrages, …) ou on les renforce par des armatures métalliques ou par des fibres.
Principaux types de matériaux non métalliques
129
Il existe d’autres types de liant hydraulique que les ciments Portland. On connaît des ciments à base de phosphates qui présentent un intérêt comme matériaux orthopédiques. En effet, ces ciments hydrauliques phosphato-calciques, qui sont biocompatibles, présentent un caractère résorbable et osthéoconducteur qui favorise la formation rapide d’un os nouveau qui se substitue au ciment de consolidation. Notons qu’à côté des bétons de ciments, il existe d’autres types de bétons, en particulier les bétons de résines qui utilisent comme liant un polymère. 5.3.5 Céramiques techniques à haute résistance mécanique et thermique Pour optimiser les cycles de transformation d’énergie thermique en énergie mécanique ou électrique, on travaille à des températures de plus en plus élevées. Jusqu’à présent, en raison de leur caractère ductile et de leur aptitude à subir des chocs thermiques importants, les alliages métalliques ont été quasi exclusivement utilisés pour remplir les fonctions qui imposent des contraintes mécaniques importantes. À cause de leur manque de ténacité, les céramiques sont restées confinées dans un rôle d’isolant thermique sous forme de couches rapportées ou de pièces statiques. La limite d’utilisation des alliages métalliques (environ 1000 à 1100 °C) pour les applications à température élevée et dans une atmosphère oxydante est plus ou moins atteinte dans les équipements actuels, et on se tourne de plus en plus vers les céramiques en raison de leur caractère réfractaire. Les céramiques envisagées pour ces applications techniques à température élevée (1300-1800 °C) ne sont plus uniquement des céramiques basées sur des combinaisons d’oxyde qui sont en général trop sensibles au choc thermique ou mécanique. Au cours de ces vingt dernières années, on a développé une série de céramiques techniques: oxyde de zirconium, carbure et nitrure de silicium. Ces derniers composés (Si3N4, SiC), qui ne sont plus basés sur les oxydes, s’obtiennent par des réactions chimiques élémentaires mais qui ne se déroulent qu’à très haute température. Le nitrure de silicium s’obtient par un procédé de synthèse directe entre la poudre de silicium avec l’azote gazeux à 1200 °C: 3 Si
+
solide
2 N2 →
Si3N4
gaz
solide
(5.27)
Le carbure de silicium est synthétisé par réduction du sable (SiO2) par le coke (carbone) au four électrique à une température de 2700 °C: SiO2 +
3C →
SiC + 2CO
solide
solide
solide
(5.28)
gaz
Ces céramiques sont mises en forme en général par un frittage chimique à haute température au départ d’un mélange préformé de poudres. Ainsi, dans le cas du carbure de silicium, on part d’un mélange de poudres de SiC, de graphite et de Si, que l’on chauffe à une température supérieure à celle de la fusion du silicium. La formation in situ de SiC soude les grains de carbure primaire. Pour le nitrure de silicium, le frittage est effectué à 1700-1800 °C, en présence d’une petite quantité d’oxydes (Y2O3, MgO, Al2O3) qui forment une phase liquide. Ces oxydes réagissent avec le
130
Introduction à la science des matériaux
SiO2 qui se trouve en surface des particules de Si3N4 pour former un silicate liquide. Les particules de Si3N4 (variété α ) se dissolvent progressivement dans la phase liquide et reprécipitent sous une forme cristalline β. La phase liquide se solidifie au refroidissement et sert de joint entre les grains de Si3N4. Par ce procédé, le Si3N4 est transformé en sa variété β qui a une ténacité nettement plus élevée. Les céramiques possèdent une résistance à la température très élevée (13001500 °C) et une très grande dureté (le carbure de silicium est le solide le plus dur après le diamant). Le carbure de silicium est caractérisé par une conductivité thermique comparable à celle de certains alliages métalliques. Ce cas est assez exceptionnel car la plupart des céramiques sont des matériaux isolants. Par contre, le nitrure de silicium avec une conductivité thermique environ quinze fois plus faible que le carbure de silicium est un isolant. Ces deux matériaux sont caractérisés par une faible densité (2,5 à 3,6). Comme nous l’avons déjà mentionné au paragraphe 5.3.1, l’utilisation de ces céramiques reste cependant encore limitée en raison de leur fragilité qui est en grande partie le résultat de la nature de leurs liens chimiques à forte prédominance covalente qui empêche, à basse température, tout mouvement des dislocations.
5.4 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS On distingue deux grands types de matériaux non métalliques: les polymères organiques et les céramiques. De manière générale, ces matériaux ont une organisation atomique nettement plus complexe que celle des métaux. Les polymères organiques, qui résultent en règle générale de la répétition d’un motif élémentaire (unité constitutive), sont composés de longues chaînes (polymères) où prédomine l’atome de carbone. Dans les polymères organiques, la cohésion entre les chaînes polymères est assurée par des liaisons faibles (liaisons secondaires), tandis que la liaison entre les atomes de la chaîne est forte et de nature covalente. Il existe deux grands types de polymères organiques: les thermoplastiques qui sont constitués de macromolécules de taille limitée, et les thermodurcis qui ont une structure réticulée. Ces polymères réticulés constituent une seule macromolécule de taille macroscopique. À l’état solide et en fonction de leur structure chimique, les polymères thermoplastiques existent sous une forme vitreuse amorphe ou sous une forme semi-cristalline. Par élévation de température, ces matériaux passent à l’état liquide. Les polymères thermodurcis sont des matériaux infusibles dont la structure est presque toujours amorphe. On fait une distinction entre polymères thermodurcis à haut degré de réticulation, qui sont des matériaux rigides, cassants et résistants à la température, et les élastomères (caoutchoucs) caractérisés par des liaisons secondaires extrêmement faibles et un degré de réticulation beaucoup moins élevé (environ une unité pontale pour 100 motifs). Ceux-ci peuvent subir des déformations réversibles très importantes . Les polymères organiques ont en général une résistance thermique et une résistance mécanique nettement plus faibles que celles des métaux et des céramiques. Ce comportement résulte de deux caractéristiques importantes:
Principaux types de matériaux non métalliques
131
• Dans les polymères organiques, les chaînes sont reliées entre elles par des liaisons secondaire 10 à 100 fois moins intenses que les liaisons covalentes qui relient les atomes de la chaîne entre eux. • Les structures polycarbonées sont instables à température élevée (300-400 °C) surtout en atmosphère oxydante (chap. 16). Malgré leur résistance thermomécanique limitée, les matériaux organiques de synthèse se développent à une cadence très rapide, en raison de leur légèreté et de leur mise en œuvre facile et rapide. Les coûts énergétiques de leur production sont également beaucoup plus faibles que ceux des métaux ou des céramiques qui sont fabriqués à des températures nettement plus élevées. La structure des céramiques est également très complexe. On y trouve tous les types de liaisons: liaisons ioniques, covalentes polaires et covalentes et beaucoup moins fréquemment des liaisons métalliques et des liaisons secondaires. Un grand nombre de céramiques sont des oxydes métalliques. Dans un certain nombre de céramiques (silicates par exemple), on rencontre des structures polymères linéaires, bi- ou tridimensionnelles. Dans les céramiques, la liaison entre les structures polymères est en général réalisée par des cations métalliques. Cette caractéristique entraîne des propriétés mécaniques élevées. Beaucoup de céramiques sont chimiquement stables à haute température (10001500 °C). Dans ces conditions, des réactions d’échange peuvent se produire, ce qui rend possible la déformation plastique de certaines céramiques tridimensionnelles comme la silice amorphe SiO2. Contrairement aux polymères organiques réticulés, ces céramiques deviennent donc fusibles et formables à température élevée en dépit de l’existence d’un réseau tridimensionnel. On développe actuellement des céramiques techniques (nitrure, carbure de silicium, oxyde de zirconium) qui ont une résistance thermique et mécanique très élevée et qui sont destinées à des applications techniques à très haute température. Ces céramiques techniques se mettent en général en œuvre par la technologie des poudres (frittage). Les céramiques peuvent exister sous une forme cristalline (MgO) ou sous une forme amorphe (verres minéraux) ou semi-cristalline (vitrocéramiques). À l’exclusion d’un certain nombre de thermoplastiques, les matériaux non métalliques sont généralement des solides à rupture fragile (chap. 14).
5.5 EXEMPLE ILLUSTRATIF: LES LENTILLES DE CONTACT 10 mg pour corriger la vue Il existe actuellement dans le monde environ 60 millions de personnes utilisant des lentilles de contact. Celles-ci apportent un confort accru dans la correction de la vue. Parmi les avantages principaux, citons surtout un plus grand champ de vision et l’absence de buée. Il faut ajouter, en plus, les facilités résultant de l’utilisation de ce type de prothèses oculaires dans la pratique de diverses activités comme les sports, la photographie, la microscopie, etc.
132
Introduction à la science des matériaux
Les lentilles de contact sont des objets de petites dimensions et de grande précision. Un kilogramme de lentilles de contact contient environ 100 000 pièces et leur prix par kg atteint des valeurs extrêmes: 105 $/kg pour les lentilles jetables et pour celles de longue durée de vie (1,5 années), 7·106 $/kg, ce qui est supérieur à la plupart des métaux précieux, l’or en particulier. Le principe des lentilles de contact a été proposé par Léonard de Vinci en 1508, mais ce n’est que depuis un peu plus de cent ans que l’usage de ce type de lentilles correctrices s’est développé. Ce n’est pas étonnant qu’elles ne soient pas apparues plus tôt car la fabrication de ces lentilles fait appel à des matériaux extrêmement sophistiqués. La première tentative de fabrication de lentilles de contact a été réalisée à la fin du siècle dernier avec un verre minéral, mais c’est seulement pendant les années 40 que les premières lentilles de contact ont été fabriquées en polymère organique. Il s’agissait alors de lentilles en plastique rigide comme le polyméthacrylate de méthyle (PMMA ou Plexiglas©). Depuis cette époque les matériaux n’ont cessé de se diversifier. Une étape importante a été franchie dans les années 60 par l’apparition de lentilles souples. Les lentilles de contact ont un diamètre de 10 à 15 mm environ et leur épaisseur au centre peut atteindre moins de 50 µm. Elles sont fixées sur la cornée par capillarité par l’intermédiaire d’un film mince de liquide lacrymal, ainsi que l’indiquent les figures 5.18 et 5.19.
FIG. 5.18 Représentation schématique d’un œil portant une lentille de contact (d’après Franz, Bauman et Thompson, 1993).
Les lentilles de contact remplissent d’abord une fonction optique liée à la transparence et à l’indice de réfraction du matériau polymère utilisé. Plus l’indice de réfraction est élevé, plus la réfraction du faisceau de lumière incident sera grande et plus la capacité de correction optique sera élevée. Le matériau assume aussi une fonction biologique importante: il doit être inerte chimiquement, compatible physiologiquement et non toxique. La fixation de la lentille sur l’œil dépend de la stabilité du film de liquide lacrymal formé à l’interface entre la cornée et la lentille. Celle-ci
Principaux types de matériaux non métalliques
133
augmente lorsque la mouillabilité de la lentille par le liquide lacrymal est élevée (angle de contact petit). D’autres éléments entrent également en ligne de compte dans le choix du matériau. En particulier, il doit être adapter à la production de masse d’éléments de grande précision et permettre une fabrication économiquement rentable. Il est capital que le matériau constituant la lentille permette le passage de l’oxygène atmosphérique vers la cornée (fig. 5.19). En effet, la cornée ne possède pas de vaisseaux sanguins et elle puise l’oxygène nécessaire à son métabolisme directement dans l’atmosphère. Toute diminution du flux d’oxygène induit un gonflement (œdème) de la cornée. Ainsi, la fermeture des paupières pendant le sommeil, qui divise environ par trois le flux d’oxygène vers la cornée, entraîne son gonflement de 5 à 6%. Tout gonflement supérieur à ce niveau produit des troubles de la vision plus ou moins importants. Il est donc indispensable tant dans le choix du matériau que dans la conception de la lentille de faciliter au maximum le passage de l’oxygène. C’est pour augmenter la transmission d’oxygène vers la cornée qu’on choisit des matériaux très perméables à l’oxygène et qu’on réduit au maximum l’épaisseur de la lentille. Un flux d’oxygène important est indispensable pour maintenir une physiologie normale de l’œil qui conditionne le confort et la durée d’utilisation des lentilles de contact. Le film mince de liquide lacrymal qui se trouve entre la cornée et la lentille joue un rôle important dans la transmission de l’oxygène à la cornée. Actuellement, des recherches continuent en vue d’augmenter la transmission de l’oxygène à la cornée.
FIG. 5.19 Mécanisme de diffusion de l’oxygène vers la cornée (d’après Franz, Bauman et Thompson).
Il existe deux types de lentilles de contact: • Les lentilles rigides qui sont relativement petites; elles ont un diamètre compris entre 8 et 10,5 mm. • Les lentilles souples dont le diamètre nettement plus élevé varie entre 13,5 et 15 mm. De par leur dimension, les lentilles souples débordent de manière permanente sous les paupières. Actuellement, 85% des lentilles de contact utilisées sont des lentilles souples qui sont nettement plus confortables. Les premières lentilles rigides en polymère organique ont été fabriquées en poly(méthacrylate de méthyle) (PMMA-Plexiglass © )(fig. 5.20 (a)) qui possède d’ex-
134
Introduction à la science des matériaux
CH3 C H2
C OCH3 C
n
O
(a) Polyméthacrylate de méthyle CH3 C H2
CH3
C
C H2
OCH3 C
m
O
CH3
C
C H2
OR1 C
(1)
O
C OR2 C
n
(2)
O
p
(3)
CH3 CH3 R1 =
Si
Si
CH3
R2 =
C CF3 F2
CH3 CH3 (b) Un copolymère de méthacrylate de méthyle (1), de méthacrylate de disiloxane (2) et de pentafluoroéthyle (3) CH3 C C H2 C
O
OCH2CH2OH m
C CH H2 N H2C C H2C
(4)
CH2
O n
(5)
(c) Un copolymère de méthacrylate de 2-hydroxyéthyle(4) et la N-vinylpyrrolidone FIG. 5.20 Principaux matériaux polymères entrant dans la composition des lentilles de contact rigides (a), (b) et souple (c).
cellentes qualités optiques et qui est facile à usiner. Sa perméabilité à l’oxygène est faible. Notons cependant que le poly(chlorure de vinylidène) qui est le matériau le moins perméable à l’oxygène est environ 30 fois moins perméable. En introduisant dans la chaîne du polyméthacrylate de méthyle des monomères portant des groupes siloxane et fluorés (fig. 5.20), on multiplie la perméabilité par 750. C’est avec un matériau de ce type que l’on fabrique actuellement la majorité des lentilles rigides. Il faut mentionner que les lentilles rigides, de plus petites dimensions que les lentilles souples, ne débordent pas de manière permanente sous les paupières. À chaque clignement de l’œil, les lentilles rigides plus épaisses compriment le film de liquide lacrymal situé entre la cornée et la lentille et renouvellent l’oxygène contenu dans le liquide lacrymal. Ce processus qui est comparé à une pompe à oxygène est le mécanisme prépondérant de transmission de l’oxygène pour les lentilles en PMMA. Le caoutchouc silicone est le premier matériau utilisé pour fabriquer des lentilles de contact souples. Ce matériau est constitué de chaînes de polydiméthylsiloxane (fig.
Principaux types de matériaux non métalliques
135
4.11 (b)) réticulées. Malgré leur transmission d’oxygène extrêmement élevée, les lentilles de contact en silicone n’ont pas été un succès commercial en raison de leur caractère hydrophobe qui entraîne un mauvais mouillage de la lentille par le liquide lacrymal, ce qui rend ces lentilles très peu confortables à porter. Actuellement, la grande majorité (85%) des lentilles de contact souples est fabriquée à partir d’hydrogels, qui sont également des matériaux polymères réticulés mais synthétisés avec des monomères hydrophiles (fig. 5.20 (b)). Le principal composant de ces lentilles souples est le méthacrylate d’hydroxyéthyle auquel on associe d’autres monomères hydrophiles comme la N-vinylpyrolidone. Ces matériaux polymères, dont la structure est schématisée à la figure 5.21, possèdent la propriété d’absorber de grosses quantités d’eau (entre 30 et 80%). Avant son hydratation, le polymère réticulé est rigide. La présence d’eau fait gonfler le matériau. Celle-ci agit comme un plastifiant qui abaisse la température de transition vitreuse et transforme le polymère réticulé rigide en un élastomère hydrophile compatible avec la cornée. Il faut noter que la présence d’eau diminue légèrement l’indice de réfraction. Ces hydrogels ont une perméabilité 4 à 7 fois plus faible que celle des lentilles de contact rigides. HO O
Liaison pontale OH
HO H O H HO H O H
HO H O HO H H O H
H HO O H O H H H OH H O H H O H HO Molécule d'eau
HO
H HO H OH H O HO H H O H OH O
H
Groupe hydroxyle
FIG. 5.21 Représentation schématique de la structure d’un hydrogel.
Les hydrogels sont des matériaux beaucoup moins résistants que les plastiques rigides. Les lentilles souples doivent être remplacées beaucoup plus fréquemment que les lentilles rigides. Initialement les lentilles souples étaient conçues pour une durée d’utilisation de une à deux semaines. Actuellement, on tend à remplacer les lentilles de contact quotidiennement. Les lentilles rigides sont en général fabriquées sur un tour avec des outils en diamant à partir d’une ébauche. Les lentilles souples (rigides à l’état sec) sont également fabriquées par le même procédé mais il faut tenir compte que l’hydratation entraîne une augmentation du volume de l’ordre de 30%. Après le tournage, la lentille
136
Introduction à la science des matériaux
souple est hydratée et nettoyée en profondeur pour éliminer les monomères résiduels qui sont toxiques pour la cornée. On fabrique également les lentilles de contact souples par coulage d’un mélange de monomères liquides dans un moule suivi d’une polymérisation. En conclusion, il reste encore des développements importants à faire dans le domaine des lentilles de contact. On recherche, en particulier, des matériaux plus perméables. Il faudra également perfectionner les procédés de fabrication pour produire des plus grandes séries et à moindre coût.
5.6 EXERCICES 5.6.1 Calculer la valeur approximative de l’enthalpie de polymérisation d’un monomère vinylique. 5.6.2 Calculer la longueur l d’une macromolécule de poly(éthylène) (C2H4)n placée dans une conformation zigzag plan si n = 500 en tenant compte que l’angle de valence θ entre les atomes de carbone est égal à 109,5 °. 5.6.3 Un polyéthylène a une masse molaire moyenne de 150 000 g mol–1. Quel est son degré de polymérisation ? 5.6.4 Quelle est l’énergie dégagée par la polymérisation de 100 g d’éthylène ? Les énergies de formation sont données au tableau 2.17 et le nombre d’Avogadro N = 6,02 1023 molécules. 5.6.5 Le polytétrafluoroéthylène (Téflon), est obtenu par polymérisation du tétrafluoroéthylène CF2=CF2. Quel est son degré de polymérisation si sa masse molaire est égale à 33 000 g mol –1. Combien y a-t-il de macromolécules dans 1 g de polytétrafluoroéthylène ? 5.6.6 La masse volumique du diamant ρ = 3,52 t m–3 et celle du polyéthylène haute densité PEHD est voisine de 0,95 t m –3. Expliquer cette différence en terme de liaison chimique. 5.6.7 Quelle est la différence de structure entre le polydiméthylsiloxane et les pyroxènes ? 5.6.8 L’oxyde de magnésium MgO est une céramique ayant une structure cristalline du même type que celle du chlorure de sodium NaCl. Calculer la masse volumique théorique ρ du MgO sachant que la maille unitaire est composée de 4 ions Mg2+ et 4 ions O2–. 5.6.9 On envisage de fabriquer un verre au départ d’un mélange composé de 70% molaire de SiO2, de 15% molaire de CaO et de 15% molaire de Na2O. Sachant que, pour qu’un mélange d’oxyde donne un verre, il faut nécessairement que le rapport O/Si < 2,5, déterminer si la composition d'oxydes envisagées permet de produire un verre.
Principaux types de matériaux non métalliques
137
5.6.10 Un bloc de céramique résulte de la cuisson de 250 g de particules d'alumine (Al2O3), avec une densité de 3,9 g cm –3. Suspendu dans l'eau, ce bloc de céramique pèse 160 g et son poids sec est de 295 g. Calculer le taux de porosité interconnectée accessible à l’eau. Calculer le taux de porosité total. Calculer la fraction volumique de la porosité fermée.
5.7 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES C.W. BUNN, E.R. HOWELLS, Nature, 174 549, (1954). C.W. BUNN, Chemical Crystallography, Oxford University Press, London, 1945. B. CLAVAUD, F. SAUCIER et L. BARCELO, Le béton, matériau moderne, Pour La Science, n° 244, 32, (1998). R.W. DAVIDGE, Mechanical Behaviour of Ceramics, Cambridge University Press, Cambridge, 1979. G.J. FROHNSDORFF, Portland Cements, Blended Cements and Mortars in Encyclopedia of Materials Science and Engineering, M. B. Bever Ed., Pergamon, Oxford, vol.. 5 p. 3847, 1986. R.P. FRANZ, R.E. BAUMAN et A.A. THOMPSON, Basics of Contact Lenses, Cibavision Tecnical Series, 1993. M. GORDON, High Polymers, Structure and Physical Properties, Iliffe London, 1963. W. GRAEVES, La Recherche, 13, 1184 (1982) . C. HUET, Cours de Matériaux de Construction, EPFL, Lausanne, 1993. H.S. KAUFMAN, J.J. FALCETTA (ed.), Introduction to Polymer Science and Technology, John Wiley, New York, 1977. I.J. McCOLM, Ceramic Sciences for Materials Technologists, Leonard Hill, New York, 1983. J. LEMAÎTRE, Injectable Calcium Phosphate Hydraulic Cement: New Developments and Potential Applications, Inn. Technol. Biol. Med. GRIBOI, 95. J. P. MERCIER et E. MARÉCHAL, Chimie des polymères, (Traité des Matériaux , vol. 13), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1996. D. W. RICHERSON, Modern Ceramic Engineering, Dekker, New York, 1992. F. L. RILEY, Silicon Nitride in Encyclopedia of Materials Science and Engineering, M. B. Bever Ed., Pergamon, Oxford, vol.. 6 p 4412, 1986. H. TADOKORO, Structure and Properties of Crystalline Polymers, Polymer, 25, 147 (1984) . M.H. VAN DE VOORDE, C.A.M. SISKENS, W. BETTERIDGE, Ceramic for High Temperatures Energy Application, Spreehsaal, 115, 1027-1108 (1982) . L.H. VAN VLACK, Physical Ceramics for Engineers, Addison-Wesley, Reading, Mass.,1964. B. WUNDERLICH, Macromolecular Physics, Volume 1, Academic Press, New York, 1973. J.F. YOUNG, Cement as Building Materials in Encyclopedia of Materials Science and Engineering, M. B. Bever Ed., Pergamon, Oxford, Vol. 1 p. 566, 1986.
CHAPITRE 6
COMPORTEMENT ÉLASTIQUE DU SOLIDE
6.1 OBJECTIFS • Étudier la relation entre les déformations subies par un solide et les forces qui lui sont appliquées. • Introduire la notion de module d’élasticité. • Identifier les paramètres atomiques qui déterminent le comportement élastique des solides. • Calculer la limite de la résistance théorique des matériaux. • Analyser le comportement viscoélastique de certains matériaux et introduire le concept de viscoélasticité linéaire. Tout objet soumis à une force mécanique se déforme. Cette déformation, qui entraîne le déplacement des atomes de leur position d’équilibre, induit l’apparition de forces de rappel qui s’opposent à la déformation. Celle-ci tendent à rétablir le solide dans sa forme originale lorsque cesse l’application de la force. Le comportement du solide soumis à des sollicitations mécaniques est déterminé par la nature des forces interatomiques. Dans ce chapitre, nous n’aborderons que l’étude des solides idéaux, ce qui simplifiera la présentation des concepts introduits. Cette approche simplifiée permet néanmoins de déterminer la résistance théorique limite des solides.
6.2 DÉFORMATION ÉLASTIQUE DES SOLIDES 6.2.1 Introduction La théorie de l’élasticité étudie la relation entre les déformations subies par un objet et le système de forces qui lui est appliqué. En pratique, si on se limite aux petites déformations, l’analyse du comportement élastique d’un matériau se ramène à l’étude d’un certain nombre de types de déformations simples et à la détermination des constantes élastiques correspondantes. Ces déformations simples sont l’extension uniaxiale, le cisaillement simple et la compression uniforme (ou hydrostatique). 6.2.2 Extension uniaxiale Lorsqu’on soumet une éprouvette prismatique (fig. 6.1) à une extension uniaxiale en appliquant une force externe F, elle subit un allongement qui est proportionnel à sa longueur initiale xo.
140
Introduction à la science des matériaux
FIG. 6.1 Extension uniaxiale d’un barreau élastique de section initiale S 0 = y0z0 et de longueur initiale x0. En dessinant cette figure, on n’a pas représenté la contraction latérale qui va de pair avec l’allongement de l’éprouvette lors de l’application de la force F.
Le rapport entre l’allongement ∆x et la longueur initiale x0 définit la déformation relative:
εx =
∆x x0
(6.1)
Cet allongement entraîne l’apparition d’une force de rétraction F r qui est égale en valeur absolue et de sens opposé à la force appliquée F: F + Fr = 0
(6.2)
Si on se limite aux petites déformations (≤ 0,1% max), il existe une relation linéaire qui relie la contrainte σx,(la force de rétraction par unité de section), à la déformation relative εx: F σ x = r = Eε x S0
(6.3)
Dans cette expression qui définit la loi de Hooke, Fr est la valeur absolue de la force de rétraction Fr, S o représente la section initiale de l’éprouvette et E le module d’élasticité ou module de Young (rigidité) qui caractérise la résistance du solide à la déformation uniaxiale. Nous avons rassemblé, au tableau 6.2, les valeurs du module d’élasticité d’un certain nombre de matériaux. Les variations observées du diamant aux caoutchoucs s’étendent sur six ordres de grandeur. Comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre, la valeur du module d’élasticité est fonction de plusieurs facteurs: énergie des liaisons, nature des forces de rappel élastiques, structure (amorphe ou cristalline) du matériau.
Comportement élastique du solide
141
TABLEAU 6.2 Valeurs indicatives des modules d’élasticité E de divers matériaux à température ambiante. Matériau
E [GPa]
Diamant Carbure de silicium (SiC) Tungstène Alumine (Al2O3) Fibre de carbone Magnésie (MgO) Acier Cuivre Laiton, bronze Silice vitreuse (SiO2) Or
1000 450 400 400 300 250 210 125 110 95 80
Matériau Verre à vitre Aluminium Béton Magnésium Bois aggloméré Résines époxydes (réticulées) Polystyrène Polyamide 6-6 Polypropylène Polyéthylène de densité moyenne Caoutchoucs
E [GPa] 70 70 50 40-45 7 2,8-4,2 2 2 1,5 0,7 ~0,001
6.2.3 Contraction latérale et coefficient de Poisson L’allongement ∆x de l’éprouvette dans le sens de la traction entraîne une augmentation de son volume. Dans le cas d’une déformation élastique, cette augmentation de volume est partiellement compensée par la contraction latérale de l’éprouvette, ∆y et ∆z suivant les directions perpendiculaires à la traction y et z. Il se produit donc une certaine augmentation du volume de l’éprouvette. La déformation relative dans les directions y et z perpendiculaire à la direction de traction s’écrit:
εy =
∆y ∆z et ε z = y0 z0
(6.4)
Pour un matériau isotrope, les déformations relatives εy et εz sont égales. L’effet de la contraction latérale est généralement mesuré par rapport à la déformation dans la direction de la traction. On définit ainsi le coefficient de Poisson v:
ν=−
εy
ε =− z εx εx
(6.5)
On relie aisément la variation de volume durant l’extension uniaxiale au coefficient de Poisson v. En effet, la variation relative de volume ∆ s’écrit:
∆=
∆V V −V0 = V0 V0
(6.6)
avec V0 = x0 y0 z0
(6.7)
et V
= x 0 1 +
∆x y 1 + ∆y z 1 + ∆z x 0 0 y0 0 z0
(6.8)
142
Introduction à la science des matériaux
Métaux
0,5
Coefficient de Poisson ν
0,4
0,3
Céramiques
Polymères Caoutc. nat.
Pb
PE
Ag Cu Al
PMMA PS, PA 6-6
∆V = 0
∆V > 0
Fe, Acier, W
0,2
Verre minéral Al 2 O3 ,WC MgO SiO2 amorphe
0,1 Diamant
0,0
FIG. 6.3 Valeurs indicatives des coefficients de Poisson v de divers types de matériaux pour la déformation élastique à température ambiante.
En se limitant aux petites déformations, on peut négliger les termes contenant des infiniment petits d’ordre 2 et supérieurs à 2. Ceci permet d’écrire, en tenant compte des équations 6.6, 6.7 et 6.8, que:
∆=
∆y ∆z ∆x + + = εx + εy + εz y0 z0 x0
(6.9)
En introduisant dans l’équation 6.9 la valeur de v tirée de (6.5), on obtient finalement:
∆ = ε x (1 − 2 ν )
(6.10)
Les diverses valeurs du coefficient de Poisson v sont résumées à la figure 6.3. La valeur limite supérieure de v est égale à 0,5. Elle correspond à une variation nulle du volume lors de l’extension (∆ = 0). Cette valeur limite est pratiquement atteinte pour les caoutchoucs (ν = 0,49) qui se déforment en traction de manière élastique pratiquement sans augmentation de volume. Pour les métaux, le coefficient de Poisson est voisin de 0,35. Pour les céramiques, v est généralement compris entre 0,07 et 0,27. 6.2.4 Cisaillement simple Les forces de cisaillement jouent un rôle très important dans le comportement des matériaux. Ce sont des forces de cisaillement qui interviennent quand on applique les patins d’un frein sur la jante d’une roue de vélo ou les mâchoires d’un frein à disque de voiture. Un exemple de déformation en cisaillement est représenté à la figure 6.4. Une barre prismatique est fixée par une face de surface S0 sur un support rigide, tandis que sur la face opposée, on applique une force transversale F parallèle au plan xy. Cette force induit une déformation qui est mesurée par l’angle de cisaillement γ = ∆y z0 .
Comportement élastique du solide
143
Pour cette déformation qui s’effectue à volume constant, il existe une relation entre la contrainte par unité de surface, la scission τ = F S0 et l’angle de cisaillement γ :
τ = G tg γ ≈ Gγ
(6.11)
car pour les petites déformations tg γ ≈ γ = ∆y z0 . Le module correspondant à cette déformation est le module de cisaillement G. z z0
S0
τ τ
∆y
γ τ
τ
y0
y
x0 x FIG. 6.4 Le cisaillement simple. La force appliquée par unité de section, τ = F/S0, est la cission et γ est l’angle de cisaillement
6.2.5 Compression uniforme (hydrostatique) La compression uniforme constitue le troisième type de déformation simple. Celui-ci apparaît lorsqu’un solide est soumis à une pression hydrostatique. Il existe une relation simple entre la pression hydrostatique (contrainte) p, et la variation relative de volume ∆ = ∆V/V. Celle-ci s’écrit: p = –K∆
(6.12)
Dans cette expression, K est le module de compressibilité volumique. Le signe négatif qui intervient dans cette expression résulte de ce que la variation de volume est négative lorsque la pression est positive. 6.2.6 Relation entre les différents modules élastiques Nous avons défini trois modules E, G et K, qui permettent de caractériser le comportement élastique d’un matériau. Ces trois constantes résultent de la proportionnalité qui existe entre la contrainte et la déformation pour ces trois types de déformations simples:
σ = Εε τ = Gγ p = –K∆
(6.13)
144
Introduction à la science des matériaux
Comme nous l’avons déjà signalé, ces trois expressions de la loi de Hooke ne sont valables que pour les petites déformations (élasticité linéaire). Cette limite de déformation linéaire est environ égale 0,1% pour les matériaux à haut module comme les métaux. Au-delà de cette limite des phénomènes de déformation permanente (plastique) apparaissent dans un grand nombre de cas (chap. 12). Comme nous le verrons ultérieurement, dans le cas des élastomères, ce ne sont pas des atomes isolés qui se déplacent, mais des segments de chaînes. Les élastomères, qui sont caractérisés par des valeurs des modules E et G très faibles, de l’ordre de 0,01 à 0,001 GPa, sont des matériaux très déformables en extension uniaxiale et en cisaillement. En compression uniforme (hydrostatique), les élastomères se comportent comme les matériaux à haut module, tout comme les liquides d’ailleurs avec un module de compression K supérieur à 1GPa. Les trois modules E, G et K, ainsi que le coefficient de Poisson v sont reliés entre eux par les équations suivantes: E=
9KG = 3K (1 − 2v ) = 2G(1 + v ) G + 3K
(6.14)
En d’autres termes, parmi les quatre constantes élastiques, il n’en existe que deux qui soient indépendantes. Ces relations ne sont valables que pour les solides isotropes. Dans le cas le plus général d’un solide anisotrope, il existe 21 constantes élastiques indépendantes (Cottrell,1964). Pour des matériaux isotropes, le cisaillement simple et la compression uniforme constituent deux types de déformations élémentaires car elles maintiennent l’une le volume, l’autre la forme de l’éprouvette constante. L’élongation uniaxiale n’est pas une déformation élémentaire car elle fait varier simultanément, sauf pour les caoutchoucs, le volume et la forme de l’éprouvette. TABLEAU 6.5 Relation entre K, G et E. État physique
K
G, E
Liquide Caoutchouc Cristaux, verres
grand grand grand
0 petit (E, G « K) grand (E, G ≈ Κ)
Dans le tableau 6.5 nous avons résumé les valeurs relatives des constantes élastiques. Dans le cas des caoutchoucs, K est grand vis-à-vis de E et G, c’est-à-dire que pour les déformations mécaniques, les élastomères peuvent être considérés comme des corps pratiquement incompressibles, ce qui signifie que le coefficient de Poisson v est pratiquement égal à 0,5 et que l’équation 6.14 se réduit à: E ≈ 3G et K → ∞
(6.15)
Comportement élastique du solide
145
6.3 THERMODYNAMIQUE ET ORIGINE ATOMIQUE DE L’ÉLASTICITÉ 6.3.1 Thermodynamique de l’extension uniaxiale isotherme Dans la section 6.2, nous nous sommes limités aux aspects macroscopiques et phénoménologiques du comportement élastique des solides. Il est utile de déterminer les relations existant entre la force de rétraction, la longueur et la température d’une éprouvette soumise à la déformation et les grandeurs thermodynamiques fondamentales qui sont l’énergie (ou l’enthalpie) libre, l’énergie interne (ou l’enthalpie) et l’entropie. Considérons à titre d’exemple un barreau élastique (fig. 6.6) de longueur au repos égale à l0 et maintenu à une longueur l > l0 par la force F. Appliquons à cette éprouvette une déformation dl et étudions l’application, à ce processus, de la première et de la deuxième lois de la thermodynamique classique. La variation d’énergie interne dU résultant de cette déformation élémentaire s’écrit: dU = dq – dW
(6.16)
FIG. 6.6 Extension uniaxiale d’un barreau élastique, maintenu à la longueur l par une force F et ensuite allongé d’un incrément dl par un incrément de force dF.
où dq est égal à la quantité de chaleur absorbée par le système durant la déformation et dW représente le travail effectué par celui-ci. Si on se limite au cas des processus réversibles, l’effet thermique dq est relié à la variation d’entropie dS par: dq = TdS
(6.17)
146
Introduction à la science des matériaux
Le travail effectué par le système dW se décompose en deux termes liés au travail effectué par la force de rétraction élastique et par le travail de la pression p: dW = – Fr dl + pdV
( 6.18)
Rappelons que la force de rétraction élastique F r est égale en valeur absolue et de sens opposé à la force appliquée F: Fr = – F
(6.19)
La variation d’énergie interne durant la déformation uniaxiale réversible est donc donnée par: dU = TdS + Fr dl – pdV
( 6.20)
Si on définit l’énergie libre A (fonction de Helmholtz) de la manière habituelle: A = U – TS
( 6.21)
on peut relier la variation d’énergie libre dA à la variation d’entropie et au travail effectué par le système. On obtient ainsi: dA = – SdT – pdV + Fr dl
( 6.22)
Si la déformation élastique se déroule à T et V constants, l’expression ( 6.22) se réduit à dA = Fr dl ou ( ∂A/∂l )T, V = Fr. Pour T et V constants et en prenant en considération l’équation ( 6.21), on écrit: ∂A ∂U ∂S Fr = = − T ∂l T ,V ∂l T ,V ∂l T ,V
(6.23)
On en déduit que la force de rétraction élastique, à V et T constants, est égale à l’augmentation de l’énergie libre du système par unité de longueur de l’extension. La force de rétraction élastique peut être scindée en deux contributions, d’une part la force de rétraction interne ou enthalpique Fr,i, et d’autre part la force de rétraction dite entropique Fr,e. L’énergie mécanique apportée au système par la déformation peut être stockée sous forme d’une augmentation de l’énergie interne résultant d’une modification des distances interatomiques ou des angles de valence. L’énergie peut aussi être dissipée dans l’environnement sous forme de chaleur avec une diminution correspondante de l’entropie du système qui s’accompagne d’une augmentation de l’ordre résultant d’une orientation des chaînes. Comme A est une fonction d’état, dA est une différentielle totale exacte, c’est-àdire que: ∂ ∂A ∂ ∂A = ∂l ∂T l T ∂T ∂l T l
(6.24)
et on obtient que: ∂S ∂F − = r ∂l V ,T ∂T l ,V
( 6.25)
Comportement élastique du solide
147
En introduisant ( 6.25) dans (6.23), on déduit pour Fr la relation suivante: ∂U ∂F Fr = + T r ∂l T ,V ∂T l ,V
( 6.26)
La relation ( 6.26) est une forme de l’équation d’état de la déformation élastique isotherme réversible. Elle nous enseigne qu’en étudiant les variations de la force de rétraction en fonction de la température, on détermine les contributions interne et entropique à la force de rétraction. Notons également que, pour tous les matériaux sauf les élastomères, le volume augmente légèrement lors de l’extension uniaxiale, mais comme cette variation de volume est petite, l’expression ( 6.26) reste valable en première approximation pour tous les matériaux. Cette étude thermodynamique de la déformation élastique nous amène à examiner deux cas limites: le cristal idéal et l’élastomère, que nous introduirons dans la suite de ce chapitre. On observe, dans le cas du cristal idéal, que la force de rétraction reste quasi constante en fonction de la température. Celle-ci a donc une origine énergétique ou, ce qui est équivalent, enthalpique. Pour les caoutchoucs, la force de rétraction augmente proportionnellement à la température absolue T et elle a donc une origine quasi exclusivement entropique. Il y a une grande analogie de comportement entre un gaz déformé en compression et un caoutchouc déformé en extension. Dans un gaz parfait soumis à la compression isotherme réversible, l’entropie par unité de volume varie proportionnellement à la pression: ∂S ∂p p = T = T ∂V T ∂T V
(6.27)
De la même façon, on définit un caoutchouc idéal comme un matériau qui est caractérisé par une force de rétraction élastique à caractère exclusivement entropique. Celle-ci est donnée par l’expression suivante: ∂S ∂F Fr = −T = T r ∂l T ,V ∂T l ,V
( 6.28)
Cette analogie de comportement entre le gaz parfait et le caoutchouc idéal n’est pas fortuite. Les molécules de gaz s’échauffent lorsqu’on les comprime brusquement et se refroidissent lors de la détente. Un barreau caoutchoutique s’échauffe lorsqu’on l’étire et se refroidit lorsqu’on relâche la déformation. Cet effet thermique est très aisé à interpréter si on considère que durant la déformation isotherme d’un élastomère, il n’y a pratiquement pas d’interaction entre les chaînes et que l’énergie interne ne dépend pratiquement pas du taux d’extension. Dans ce cas, l’extension de l’éprouvette s’accompagne d’une diminution d’entropie, ce qui entraîne une émission de chaleur dans le bain thermostatique environnant l’éprouvette. Lors de la déformation inverse, l’entropie augmente, ce qui va de pair avec une absorption de chaleur. En pratique, on
148
Introduction à la science des matériaux
observe que les élastomères courants ont un comportement élastique proche de celui du caoutchouc idéal. Il ne faut pas confondre l’échauffement de l’élastomère à l’extension avec l’échauffement d’un pneumatique de voiture soumis à la déformation dynamique induite par le roulement du véhicule. En effet, durant le cycle de déformation subi par le pneumatique, les phénomènes d’extension et de rétraction sont entièrement compensés et l’effet calorifique global devrait être nul. En réalité, il se produit un effet d’hystérèse (chap.11) et la courbe de mise en charge n’est pas identique à la courbe de décharge. Une fraction de l’énergie apportée au système pendant la mise en charge de l’éprouvette est dissipée sous forme de chaleur lors de la décharge. L’échauffement interne des pneumatiques est lié à des phénomènes de frottement interne engendrés par la friction des segments de chaînes les uns sur les autres, exactement comme la friction des molécules d’un fluide déformé engendre l’effet Joule. Cet effet n’est pas pris en considération par la théorie de l’élasticité exposée ici. Ce comportement anélastique explique également la capacité d’amortissement des blocs de caoutchouc qui isolent les machines-outils de leur socle.
6.3.2 Relation entre les grandeurs thermodynamiques et les phénomènes se déroulant à l’échelle atomique durant la déformation D’une manière générale, la force de rétraction élastique est toujours induite par le déplacement des atomes de leur position d’équilibre. Dans les solides à élasticité enthalpique (métaux, céramiques cristallines, verres minéraux ou organiques, polymères thermodurcis très réticulés, etc.), la force de rétraction élastique (fig. 6.7(a)) résulte d’un déplacement minime des atomes du solide de leur position d’équilibre. L’énergie de cohésion de ces solides étant très grande, les forces de rétraction élastique sont très intenses, le module d’élasticité est élevé et le domaine élastique réversible très limité (ε < 0,5%). Dans ce cas, la déformation va de pair avec une augmentation importante de l’énergie interne (ou de l’enthalpie) du système, tandis que l’entropie n’est pratiquement pas modifiée puisque les atomes s’écartent très peu de leur position d’équilibre (fig. 6.7 (b)). Les solides à élasticité entropique (élastomères) (fig. 6.7 (c)) sont constitués d’un ensemble de chaînes polymères reliées entre elles par un petit nombre de liaisons pontales (~1 unité pontale pour 100 unités structurales). C’est ce réseau tridimensionnel qui assure la réversibilité de la déformation. La cohésion entre les chaînes caoutchoutiques est très faible et du même ordre de grandeur que celle déterminée dans les liquides moléculaires volatils ou des gaz (~4kJ mol–1); cette valeur est environ 100 fois plus petite que celle des liaisons pontales covalentes. Par conséquent, dans les élastomères, ce ne sont pas des atomes isolés qui se déplacent, mais des segments de chaînes. Dans ce type de matériau, les forces de rétraction sont induites par des mouvements microbrowniens qui modifient sans cesse, de manière aléatoire, la position des divers segments de chaînes et qui s’opposent ainsi à toute orientation des chaînes sous l’action d’une force extérieure. Les forces de rétraction engendrées par ces mouvements microbrowniens sont très faibles et elles augmentent proportion-
Comportement élastique du solide
ε=0
ε>0
149
ε=0
ε>0
F
F
F
F
S
0
0,2 0,4 0,6 (%) Déformation ε → (b)
Entropie S →
U
Energie interne U →
(c)
Entropie S →
Energie interne U →
(a)
S
U
0
200
400
600 (%)
Déformation ε → (d)
FIG. 6.7 Mécanismes intervenant à l’échelle atomique dans l’élasticité des solides en relation avec les variations de l’énergie interne U et de l’entropie S: (a) mécanisme de la déformation et (b) variation d’énergie interne dans les solides à élasticité enthalpique (métaux et céramiques); (c) mécanisme de déformation et (d) variation d’entropie dans les solides à élasticité entropique (élastomères). À noter la différence de l’échelle de déformation ε entre (b) et (d).
nellement à la température absolue T. Ceci explique pourquoi les élastomères sont très déformables et caractérisés par un module d’élasticité extrêmement bas (E ≈1 à 10 MPa) et qui augmente en fonction de T. Comme nous l’avons mentionné dans le paragraphe précédent, dans cet exposé nous nous bornerons à l'étude de deux cas limites: celui du cristal parfait, peu déformable, caractérisé par la présence d’un réseau de liaisons fortes (métalliques, ioniques ou covalentes) et celui du caoutchouc idéal très déformable en raison de la cohésion très faible entre les segments des chaînes polymères. Remarquons que la plupart des matériaux courants sont des solides à élasticité enthalpique dont le module d’élasticité varie sur trois ordres de grandeur du diamant (E = 103 GPa) aux verres organiques (E ≈ 2 GPa). Cette variation du module d’élas-
150
Introduction à la science des matériaux
ticité dépend d’abord de la nature des liaisons, ce qui explique par exemple la différence de module d’élasticité entre les verres minéraux (E ≈ 70 GPa) et les verres organiques (E ≈ 2 GPa). En effet, la cohésion entre les chaînes polymères des verres organiques est assurée par des liaisons secondaires (~40 kJ mol–1) alors que dans le cas des verres minéraux, il n’existe que des liaisons fortes ioniques ou covalentes polaires. Les propriétés mécaniques sont également influencées par la structure. Ainsi, les matériaux amorphes ont en général un module d’élasticité plus faible que celui des solides cristallins. Les polymères semi-cristallins (chap. 5 et 10) sont caractérisés par une structure microcristalline dispersée dans une phase amorphe. Si la phase amorphe est vitreuse, le module d’élasticité de ces matériaux est du même ordre de grandeur que celui des verres organiques (E ≈ 2 à 3 GPa). Si celle-ci est caoutchoutique, la valeur du module d’élasticité varie entre 0,2 et 1,5 GPa en fonction du taux de cristallinité. Dans cette classe de matériaux, la force de rétraction élastique peut simultanément avoir une composante enthalpique et une composante entropique. 6.3.3 Déformation élastique du cristal parfait Dans ce calcul de la déformation élastique du cristal parfait, on se limite au cas d’un solide cristallin ayant une maille cubique primitive P (fig. 3.8 (a)); chaque nœud étant occupé par un atome sphérique de diamètre r0 qui est égal à la distance interatomique définie au section 2.4. On considère que chaque atome occupe un cube de volume égal à r03 . On se bornera à l’étude de la déformation d’un cristal prismatique en extension (fig. 6.8) et pour simplifier les calculs, on choisit une direction de traction parallèle à une arête de la maille élémentaire. Ainsi que le montre l’expression ( 6.29), la déformation relative εx du solide est la même à l’échelle macroscopique et au niveau de l’atome:
εx =
∆x ∆rx = x0 r0
( 6.29)
FIG. 6.8 Déformation uniaxiale d’un cristal prismatique de section S0 et de longueur x0 dont la maille élémentaire est cubique primitive et le motif, un atome de diamètre r0. Sa = r02 est la section occupée par un atome. La direction de traction est parallèle à une arête de la maille élémentaire.
Comportement élastique du solide
151
Pour les matériaux isotropes, la déformation latérale se répercute également à l’échelle microscopique dans les mêmes proportions qu’au niveau macroscopique: εy = εz =
∆ry r0
=
∆rz r0
( 6.30)
Ce type de déformation qui se répercute à l’échelle microscopique dans les mêmes proportions que la déformation macroscopique est appelée déformation affine. Dans le cas des solides cristallins, ce comportement n’est observé qu’aux petites déformations (ε x < 0,5%). Comme nous l’avons déjà souligné, lorsqu’on déforme élastiquement un solide cristallin, on observe l’apparition d’une force de rétraction qui est induite par le déplacement des atomes en dehors de leur position d’équilibre. Si on se limite aux petites déformations, la force de rétraction élastique fr,x entre deux atomes voisins est proportionnelle à la variation de la distance interatomique ∆rx parallèlement à la direction de déformation x: fr,x = C∆rx
( 6.31)
fr,x représente la force de rétraction microscopique agissant entre deux atomes occupant chacun une section Sa = r02 (fig. 6.8). Il faut noter que fr,x représente en réalité une différence de force ∆fr,x par rapport à la position d’équilibre (fr,x = 0). C est une constante de proportionnalité qui est fonction de l’énergie de liaison. La force de rétraction macroscopique Fr , qui est reliée à la force de rétraction microscopique fr,x , est proportionnelle au nombre d’atomes se trouvant dans la section S0: S S Fr = 20 fr = 20 C∆r r0 r0
( 6.32)
Pour simplifier les notations, nous avons utilisé dans ( 6.32) fr pour f r, x et ∆r pour ∆rx. Comme: ∆r ∆x = =εx r0 x 0
( 6.29)
on peut écrire que: S C ∆x Fr = 0 r0 x0
(6.33)
Si on introduit la contrainte σx , on obtient: F C σx = r = εx S0 r0
(6.34)
L’expression C/ro est une grandeur qui caractérise l’élasticité du matériau. C’est le module d’élasticité ou module de Young E qui a été défini en (6.3) en introduisant la loi de Hooke (§ 6.2.2):
σ x = Eε x
(6.3)
152
Introduction à la science des matériaux
6.3.4 Résistance théorique et énergie de rupture Dans le cas des solides à élasticité enthalpique, on met en relation la force de rétraction avec l’énergie de liaison. Ce calcul relie la résistance mécanique maximum d’un solide à la valeur de son module d’élasticité. Dans le cas des solides ioniques, nous avons établi, au chapitre 2, une équation qui donne la valeur de la force de liaison entre deux ions de signes opposés en fonction de leur distance (2.20). Lorsqu’on soumet une paire d’ions à la déformation élastique, la force de rétraction a, au signe près, la même forme mathématique que l’expression (2.18). En admettant que les exposants de f sont a = 10 et b = 2, on peut donc écrire que: X fr = 2 r
r −8 1 − r0
(6.35)
r représente la distance interatomique après déformation et r 0 est la distance à laquelle les forces de cohésion et de répulsion s’équilibrent (f = 0). Si on se limite aux petites déformations, on peut confondre la fonction fr avec l’équation de sa tangente à r = r0 et écrire pour fr l’expression approchée suivante: 8X fr ≈ dfr = 3 dr r0
(6.36)
Cette expression permet de calculer, pour les solides ioniques, la valeur de la constante de rigidité C de la liaison et du module élastique introduit respectivement en ( 6.31) et en (6.3). On obtient ainsi la valeur de C: 8X C= 3 r0 et du module d’élasticité E: E=
C 8X = r0 r04
(6.37)
(6.38)
On voit, à la figure 6.9, que la force de rétraction fr augmente de manière importante lorsque la déformation ε x s’accroît. On note également que la force de rétraction passe par un maximum pour une valeur de la déformation relative égale à εx,m. La valeur de la force de rétraction maximale fr,m, qui se calcule en annulant la dérivée première de (6.35), détermine la résistance maximum théorique du matériau. Celle-ci est égale à:
ε x,m = 0,22
(6.39)
La valeur de εx,m (22%) est élevée et la force de liaison fr,m s’écarte considérablement de la relation linéaire (6.36). À partir de l’équation (6.35) qui donne la variation de la force de rétraction en fonction de la distance interatomique r, on calcule la résistance maximum Rmax du matériau:
Comportement élastique du solide
153
1 X Rmax = 2 fr,m = 0,54 4 r0 r0
(6.40)
En introduisant la valeur du module d’élasticité E (6.38), on calcule R max: Rmax =
E 15
(6.41)
Rapport fr /fr,m
1
εx,m 0
0,2 0,4 0,6 Déformation εx = ∆r/r0
0,8
FIG. 6.9 Variation de la force de rétraction fr rapportée à la valeur maximale fr,m de la liaison ionique en fonction de la déformation εx .
Pour les autres matériaux à liaison forte, on calculerait une relation du même type. Cette relation est très approximative, car elle ne tient compte que des interactions entre paires d’atomes, et elle ne prend en considération ni la microstructure, ni les défauts du matériau. Cette relation permet néanmoins de déterminer la valeur maximale de la résistance des matériaux. Celle-ci est égale à environ 7% de la valeur du module d’élasticité. On peut se demander s’il est possible d’atteindre des résistances maximales aussi grandes que celles prévues théoriquement. La résistance maximale Rm correspond, en pratique, à la résistance atteinte par le matériau avant la déformation plastique, c’està-dire, à la limite d’élasticité R e (chap.11). La figure 6.10 donne la valeur du rapport Re/E pour les trois catégories de matériaux. Dans certains cas (diamant), on atteint des résistances maximales très élevées et proches de celles prévues théoriquement. Ceci est également vrai pour les trichites des métaux, qui sont de fines aiguilles (quelques µm de diamètre), obtenues dans des conditions particulières de croissance cristalline. Ceci leur confère une structure cristalline proche de la perfection. Par exemple, un trichite de fer peut atteindre la résistance extraordinaire de 11 GPa avec un allongement élastique maximum de 5%. Cette valeur est très proche de la valeur théorique (R max = E/15 ≈ 14 GPa). Par contre, les meilleurs aciers utilisés actuellement ont une résistance maximale qui n’est qu’environ le quart de la valeur théorique. Ainsi, un fil d’acier qui devrait résister théoriquement à des contraintes de l’ordre de
154
Introduction à la science des matériaux
14 000 MPa (1400 kg mm–2) ne dépasse généralement pas dans la pratique 2400 MPa (240 kg mm–2). Rapport limite d'élasticité/module d'élasticité Re /E
Métaux
Trichites
10–3
Polymères
Limite théorique
10–1
10–2
Céramiques
Alliages Ti Aciers Alliages Al Alliages Cu
Diamant SIC Al2 O3, Si3 N4 MgO
PE,EP,PA PPMA
Béton, ciments Métaux purs
10–4 10–5
Métaux ultrapurs
10–6
FIG. 6.10 Rapport Re /E pour les diverses espèces de matériaux. La limite théorique de Rmax./E est égale à 1/15 (d’après Ashby et Jones, 1980).
Les polymères ont également des résistances qui s’approchent de la limite théorique de Rmax = E/15. Il faut cependant remarquer que, dans ce cas, la résistance de ces matériaux est faible parce que leur module d’élasticité est sensiblement plus petit que celui des autres matériaux en raison de la présence de liaisons secondaires. Comme on peut le voir à la figure 6.10, le calcul conduit, dans le cas des métaux et des alliages, à des résistances théoriques qui sont souvent des centaines de fois supérieures aux résistances mesurées (10 000 fois dans le cas des métaux purs). Ceci provient de ce que nous avons négligé, dans les calculs, le rôle joué par les défauts sur la résistance des matériaux. Ceux-ci seront étudiés dans le prochain chapitre. C’est en prenant en considération le rôle prédominant joué par ces défauts, et en particulier par les dislocations que nous réconcilierons théorie et expérience. Il faut remarquer que c’est d’ailleurs ce divorce entre théorie et expérience qui a été à l’origine de la découverte des dislocations. L’énergie de rupture est une autre caractéristique très importante des matériaux. L’énergie de rupture Ur d’une liaison est donnée par l’aire de la surface délimitée sous la courbe donnant la variation de la force de rétraction fr en fonction de la déformation (fig. 6.9): Ur =
∞
∫
fr , x dr
(6.42)
r0
En multipliant l’énergie de rupture Ur par le nombre de liaisons rompues par unité de surface de la section de rupture du solide, on peut en principe calculer l’énergie spécifique de rupture Gc.
Comportement élastique du solide
155
La séparation de l’éprouvette en deux parties lors de la rupture forme deux surfaces de rupture caractérisées chacune par une énergie spécifique de surface γ. Si la création des deux surfaces était le seul phénomène accompagnant la rupture, l’énergie spécifique de rupture Gc devrait être le double de l’énergie spécifique de surface γ: Gc = 2γ
(6.43)
La mesure de l’énergie spécifique de rupture Gc des matériaux fragiles comme les céramiques donne des valeurs proches de l’énergie théorique de rupture 2 γ (fig. 6.11). Par contre, les matériaux ductiles comme les métaux et certains polymères ont des énergies de rupture de 103 à 106 fois supérieures à celles de la valeur théorique. Ceci nous montre l’existence d’autres processus, en général liés à la déformation plastique (chap. 7 et 11) et absorbant de l’énergie lors de la rupture. Il s’agit là d’une caractéristique très importante des matériaux ductiles sur laquelle nous reviendrons ultérieurement (chap. 14). Il y a peu de matériaux qui atteignent la limite théorique de 2γ. En pratique, il y a presque toujours des mécanismes de dissipation d’énergie qui augmentent l’énergie de rupture (chap. 14).
6.3.5 Déformation élastique du caoutchouc idéal Comme nous l’avons déjà montré à la figure 6.7 (c), un élastomère est constitué par un ensemble de chaînes reliées entre elles par des liaisons pontales et qui sont introduites au moment de la vulcanisation après la mise en forme du matériau. Les chaînes d’un élastomère sont constamment agitées par des mouvements microbrowniens dont l’amplitude est proportionnelle à la température absolue. On montre par la théorie cinétique des caoutchoucs que les mouvements microbrowniens qui agitent une chaîne élastique liée à ses deux extrémités par une liaison pontale induisent une force qui rapproche les extrémités de la chaîne. Cette force de rétraction, qui est d’origine entropique, est proportionnelle à la distance l qui sépare les deux liaisons pontales situées aux deux extrémités des chaînes élastiques (fig. 6.12). Cette force de rétraction est donnée par l’expression: fr =
3kTl l2
(6.44)
Dans cette expression, le facteur k est la constante de Boltzmann et l 2 représente la distance quadratique moyenne entre les extrémités des chaînes élastiques avant l’introduction des liaisons pontales (c’est-à-dire avant la vulcanisation). A l’état non déformé, les forces de rétraction agissant sur les liaisons pontales du réseau tridimensionnel s’équilibrent. Si l’on déforme l’éprouvette par application d’une force extérieure, on augmente la distance séparant les extrémités de chaque chaîne élastique. Dans le cas de la chaîne représentée à la figure 6.12, la distance l entre les liaisons pontales augmente d’un incrément ∆l parallèle à l, ce qui augmente la force de rétraction élastique d’un incrément ∆ fr donné par l’expression:
156
Introduction à la science des matériaux
Métaux 10
Polymères
Métaux ductiles Aciers Alliages Ti
102 Énergie spécifique de rupture Gc (kJ m–2)
Céramiques
3
Alliages Al
10
PP PE PA PS PMMA EP UP
1 Be
10–1
S3 N4 SiC MgO Ciment Al2 O3 Verre
10–2
G c = 2γ
10–3 10–4
FIG. 6.11 Valeurs mesurées de l’énergie spécifique de rupture Gc pour les différentes classes de matériaux (d’après Ashby et Jones, 1980).
FIG. 6.12 Force de rétraction élastique entre les extrémités des segments de la chaîne d’un élastomère.
∆ fr =
3kT l2
∆l
(6.45)
Lors de la déformation de l’éprouvette, la distance moyenne entre les liaisons pontales varie dans la même proportion que la déformation macroscopique. On a donc affaire également ici à une déformation affine, comme dans le cas de la déformation d’un monocristal décrite au paragraphe 6.3.3. Dans le cas d’un élastomère, ce ne sont pas les atomes qui se déplacent de manière affine, car leur position n’est pas fixée avec précision, mais bien les liaisons pontales. Dans le cas des matériaux à module élevé (métaux, céramiques, polymères vitreux ou semi-cristallin), il existe, aux petites déformations (~0,1%), une relation linéaire entre la contrainte, c’est-à-dire la force de rétraction par unité de section et la déformation. Le domaine élastique linéaire de ces matériaux est donc très petit. Une
Comportement élastique du solide
157
déformation plus importante entraîne la rupture de l’éprouvette ou sa déformation plastique (§ 11.2.3). Pour les élastomères, qui sont des matériaux beaucoup plus déformables, le domaine élastique est beaucoup plus important. Nous avons représenté à la figure 6.13, la courbe contrainte-déformation d’un caoutchouc en compression et en extension uniaxiales. La déformation est complètement réversible jusqu’à des taux atteignant plusieurs centaines de pour-cent. Il s’agit bien entendu dans ce cas d’une élasticité non linéaire. La courbe expérimentale de la figure 6.13 se calcule avec une très bonne précision à partir de la théorie cinétique des caoutchoucs pour une déformation relative en compression uniaxiale, λ = x/x0 = 0,4 et en extension uniaxiale, λ = 1,5 . Pour la contrainte nominale, on calcule que:
σn =
E (λ x – λ –2 x ) 3
(6.46)
La courbe en trait continu de la figure 6.13 a été déterminée en utilisant cette expression. On voit que l’accord entre la théorie et l’expérience est très bon à ces taux de déformation. Le module de Young E est égal à la tangente de la courbe contrainte-déformation à λx = 1. 0,8
E
Extension
Contrainte σ (GPa)
0,0
–0,8 Compression uniaxiale –1,6
–2,4
–3,2 0,5
1,0 1,5 Déformation relative λ ξ = x /x 0
2,0
FIG. 6.13 Comportement élastique d’un caoutchouc naturel vulcanisé par 8% de soufre en compression et en extension uniaxiales. La contrainte est exprimée par rapport à la surface de l’éprouvette non déformée. En trait continu, la courbe théorique calculée à partir de la théorie gaussienne de l’élasticité caoutchoutique; les points correspondent aux résultats expérimentaux. (D’après Treloar, 1975).
158
Introduction à la science des matériaux
On démontre également par la théorie cinétique des caoutchoucs que le module d’élasticité E est proportionnel au nombre n de moles de chaînes élastiques par unité de volume et à la température absolue T: E = 3nRT
(6.47)
Dans (6.47), R est la constante des gaz parfaits. n est relié à la masse volumique ρ et à la masse molaire Me des chaînes élastiques par n=
ρ Me
(6.48)
et on obtient finalement, pour le module d’élasticité d’un caoutchouc, l’expression suivante: E=
3ρ RT Me
(6.49)
En première approximation, le module d’élasticité d’un élastomère ne dépend directement pas de sa structure chimique. Le module d’élasticité E d’un caoutchouc augmente proportionnellement à la température absolue comme la force de rétraction. Ceci résulte, comme nous l’avons montré, de l’origine presque exclusivement entropique de l’élasticité caoutchoutique. La déformation mécanique entraîne un alignement des chaînes élastiques qui s’accompagne d’une diminution de l’entropie du système (ordre accru). Lors de la déformation d’un caoutchouc, les angles de valence et les distances entre les atomes caténaires ne varient pas. L’énergie interne (ou l’enthalpie) reste donc pratiquement constante quelle que soit la déformation. (fig. 6.7 (d))
6.4 RELATION ENTRE CONTRAINTE ET DÉFORMATION DANS LES MATÉRIAUX VISCOÉLASTIQUES 6.4.1 Comportement visqueux des fluides newtoniens Nous avons vu au paragraphe 6.2.2 que lorsqu’un corps élastique est déformé à une extension uniaxiale, la contrainte varie proportionnellement à la déformation, la pente de cette courbe définit le module de Young du matériau élastique. Pour les fluides newtoniens soumis à un cisaillement simple, il existe une relation linéaire entre la contrainte et la vitesse de déformation (cisaillement) qui définit la viscosité η:
σ=η
dε dt
(6.50)
Remarquons qu’en compression uniforme les fluides newtoniens ont un comportement élastique (E = G = 0; K ≠ 0).
Comportement élastique du solide
159
6.4.2 Caractérisation du comportement mécanique des matériaux On caractérise d’une manière relativement simple le comportement mécanique d’une substance en lui appliquant une déformation échelon:
εx (t) = εx,0 u(t) =
0 pour t < 0
εx,0 pour t > 0
(6.51)
La réponse d’un matériau élastique à une déformation échelon (fig. 6.14(a)) est également une fonction échelon (fig. 6.14(b)):
σ (t) = Eε x,0u(t)
(6.52)
FIG. 6.14 Réponse de différents milieux à une déformation échelon instantanée (a): (b) matériau élastique; (c) fluide visqueux et (d) matériau viscoélastique η est la viscosité du fluide et δ(t) une impulsion de Dirac.
alors que dans le cas d’un fluide visqueux (fig. 6.14(c)), la réponse est une impulsion de Dirac. Les matériaux élastiques et les fluides visqueux constituent deux cas limites. Il existe des substances qui ont un comportement intermédiaire. Ce sont les matériaux viscoélastiques. Lorsqu’on soumet un corps viscoélastique à une déforma-
160
Introduction à la science des matériaux
tion échelon ε x (t) = ε x,0u(t) , on observe que la force qui est appliquée pour maintenir la déformation constante diminue progressivement au cours du temps (fig. 6.14(d)). Ce comportement apparaît surtout dans le cas de polymères organiques thermoplastiques ou peu réticulés. Il résulte de l’anisotropie du champ de force inter- et intramoléculaire, qui est induit par la présence de forces de liaisons caténaires covalentes et fortes à côté de liaisons intercaténaires relativement faibles. Lorsqu’on applique une contrainte mécanique, les chaînes ne se déplacent pas instantanément vers les nouvelles positions d’équilibre et les propriétés mécaniques évoluent au cours du temps. D’une manière générale, dans les matériaux viscoélastiques, les déformations (ou les contraintes mécaniques) déterminées à un temps de référence t dépendent de toute l’histoire des contraintes mécaniques (ou des déformations) subies par le matériau auparavant. Ce type de matériau est appelé matériau à mémoire évanescente, car il garde en mémoire l’histoire des contraintes ou des déformations subies auparavant au cours de sa fabrication ou durant son utilisation mais l’effet de ces contraintes ou de ces déformations s’estompe progressivement. Le comportement viscoélastique se manifeste également dans un grand nombre de métaux ou de céramiques, lorsque ceux-ci sont soumis à des températures proches de leur point de fusion ou de leur température de transition vitreuse. À ces températures élevées (T > 0,5Tm, en degrés Kelvin), l’agitation thermique devient importante. Il faut noter que les polymères et certains métaux (Sn, Pb), avec une température de fusion voisine de 600 K, se trouvent à l’ambiance (300 K) déjà à température élevée, ce qui induit l’apparition d’un comportement viscoélastique à température ambiante. On utilise parfois des modèles mécaniques pour représenter le comportement viscoélastique. Le comportement du solide élastique et du fluide visqueux se représente respectivement par un ressort et par un amortisseur (fig. 6.15 (a) et (b)). En combinant en série ou en parallèle des ressorts et des amortisseurs, on simule n’importe quel type de comportement viscoélastique. À la figure 6.15 (c) et (d), nous avons représenté deux modèles mécaniques élémentaires: le modèle de Maxwell et le modèle de Voigt-Kelvin. En dessous des modèles mécaniques, nous avons indiqué les diverses équations mécaniques qui décrivent le comportement de ces modèles. Considérons, à titre d’exemple, le modèle de Maxwell qui est constitué d’un ressort et d’un amortisseur placés en série et appliquons une contrainte σ en un temps très court dt. Pendant le temps d’application de la contrainte, le premier terme du membre de droite de l’équation de Maxwell est beaucoup plus important et celle-ci se réduit à: dε 1 dσ = dt E dt
(6.53)
Cette équation est équivalente à celle d’un solide élastique. Aux temps beaucoup plus longs que celui d’application de la contrainte, le premier terme du membre de droite de l’équation de Maxwell est nul et l’équation se réduit à celle d’un fluide newtonien: dε σ = dt η
(6.54)
Comportement élastique du solide
161
Cet exemple simple nous montre qu’en fonction du temps de mesure un corps viscoélastique se comporte soit comme un solide élastique, soit comme un fluide visqueux. Le modèle de Maxwell ou celui de Voigt-Kelvin (fig. 6.15 (d)) sont en général trop élémentaires. Pour représenter quantitativement le comportement viscoélastique, on utilise une combinaison du modèle de Maxwell ou de celui de Voigt-Kelvin. Il faut souligner que ces modèles mécaniques utilisés n’ont aucune signification moléculaire directe et qu’il existe un grand nombre de modèles mécaniques capables de représenter de manière quantitative le comportement d’un matériau viscoélastique. σ σ
σ
σ
η η
E
E
E
η
σ
σ
σ
σ
σ = Εε
σ = η dε dt
dε 1 dσ σ = +η dt E dt
σ = ε E + ηdε dt
(a)
(b)
(c)
(d)
Fig. 6.15 Modèles mécaniques élémentaires utilisés pour simuler le comportement viscoélastique: (a) solide élastique: ressort; (b) fluide visqueux: amortisseur; (c) modèle de Maxwell; (d) modèle de Voigt-Kelvin.
6.4.3 Généralisation de la loi de Hooke en viscoélasticité linéaire En élasticité, la relation entre la contrainte et la déformation est indépendante du mode d’application de la contrainte ou de la déformation. En viscoélasticité, ce n’est plus le cas et il est indispensable de préciser le protocole expérimental utilisé pour appliquer la contrainte ou la déformation. On définit ainsi la notion de mode de déformation. Nous nous limiterons dans ce traitement à l’étude de deux modes de déformation: la relaxation et le fluage. La relaxation de contrainte consiste à imposer au matériau un échelon de déformation, et à observer l’évolution de la contrainte en fonction du temps (fig. 6.16(a)). Dans une expérience de fluage, on impose un échelon de contrainte et on étudie l’évolution de la déformation (fig. 6.16(b)). Relaxation et fluage sont deux modes de déformation importants. Il faut se garder de confondre les modes de déformation avec les types de déformation que sont la compression uniforme, le cisaillement simple et l’extension uniaxiale. Dans la théorie générale de l’élasticité, les types de déformation sont liés à la forme du tenseur des contraintes et du tenseur des déformations, tandis que les modes de déformation sont liés à leur dépendance temporelle.
Contrainte σy
Introduction à la science des matériaux
Déformation εy
162
εx,0
σy,0
t
contrainte retardée instantanée
Temps t (a)
Déformation ε y
Contrainte σy
t déformation retardée instantanée
Temps t (b)
FIG. 6.16 Deux modes de déformation rencontrés en viscoélasticité: (a) relaxation des contraintes; (b) fluage.
Il est possible d’appliquer les divers modes de déformation comme la relaxation de contrainte ou le fluage à chacun des types de déformation (compression uniforme, cisaillement simple, extension uniaxiale) que nous avons introduits précédemment (sec. 6.2). Prenons l’exemple de la relaxation de contrainte en extension uniaxiale. Dans ce cas εx (t) = ε x,0 et on définit, au départ de cette expérience, le module de relaxation Er (t): Er (t ) =
σ x (t ) ε x,0
(6.55)
Dans une expérience de fluage, c’est la contrainte qui est imposée: (σ x (t) = σx,0). La déformation varie, alors, en fonction du temps. On définit la complaisance de fluage Jc(t) par la relation:
ε (t ) Jc ( t ) = x σ x,0
(6.56)
Pour les matériaux élastiques, la complaisance de fluage est l’inverse du module de relaxation puisque σx et εx sont constants: Er =
σ 1 σx = x,0 = ε x,0 εx Jc
(6.57)
Dans le cas de matériaux viscoélastiques, Er(t) et 1/Jc (t) sont des fonctions distinctes du temps. Les expressions (6.55) et (6.56) constituent une généralisation de la loi de Hooke que nous avons définie auparavant en (6.3) pour un corps élastique. Ces lois ne sont applicables que jusqu’à une certaine valeur de la contrainte ou de la déformation appelée limite de viscoélasticité linéaire. La limite de viscoélasticité linéaire se déter-
Comportement élastique du solide
163
mine en effectuant une série d’expériences en augmentant la contrainte (en fluage) ou la déformation (en relaxation). Pour fixer les idées, nous avons représenté schématiquement, à la figure 6.17, la procédure utilisée pour déterminer la limite de viscoélasticité linéaire pour la relaxation de contrainte. On effectue, par exemple, quatre essais de relaxation en appliquant des déformations échelons de plus en plus grandes (fig. 6.17 (a) et(b)). On sélectionne un certain nombre de valeurs du temps (t1,…t5) pour chaque valeur de t, on trace (fig. 16 (c)) une courbe de contrainte-déformation. À partir de la zone linéaire de ces courbes, on détermine la limite de viscoélasticité linéaire. (b)
ε x,4 Contrainte σx
Déformation ε x
(a)
ε x,3 ε x,2 ε x,1 0
t1
t2
t3
t4
σx,4 σx,3 σx,2 σx,1 0
t5 temps
t1
t2
t3
t4
t5 temps
(c) t1 Er (t 1 ) t2
Contrainte σx
Er (t 2 )
Er (t 3 )
t3
t4
Er (t 4 ) t5 Er (t 5 )
Limite de viscoélasticité linéaire Déformationε x FIG. 6.17 Détermination de la limite de viscoélasticité linéaire: (a) application de déformations échelon d’amplitude croissante; (b) courbes de relaxation des contraintes correspondantes. Courbe de contrainte-déformation déterminée à partir de (b) après différents temps de relaxation. Le module de relaxation aux différents temps considérés est indiqué en (c).
La limite de viscoélasticité varie en fonction de la valeur du module. Pour les matériaux polymères ayant un module supérieur à 1 GPa, cette grandeur est inférieure
164
Introduction à la science des matériaux
à 1%. Pour les polymères possédant un module de l’ordre de 1 MPa, celle-ci dépasse 10%. En contrainte, les limites approximatives sont comprises entre 1 et 10 MPa. On peut étendre le traitement développé pour l’extension uniaxiale au cisaillement simple et à la compression uniforme. Le comportement viscoélastique en compression uniforme diffère cependant notablement de celui rencontré en extension uniaxiale et en cisaillement simple. En compression uniforme, le comportement viscoélastique est d’amplitude beaucoup plus réduite car la variation entre le module de compression d’un polymère vitreux et d’un polymère caoutchoutique est de l’ordre de 50% alors que le module de Young et le module de cisaillement diminuent d’un facteur compris entre 100 à 1000 dans ces conditions.
6.4.4 Principe de Boltzmann Pour calculer la relation entre contrainte et déformation pour des matériaux viscoélastiques soumis à des contraintes et à des déformations plus complexes, il est nécessaire d’introduire le concept de la superposition linéaire des effets connus en viscoélasticité sous le nom de principe de superposition de Boltzmann. Celui-ci a été introduit en 1876 dans le cas du fluage. Boltzmann a observé que l’ampleur du fluage était fonction de toutes les contraintes appliquées à l’éprouvette auparavant et l’effet de l’application de chaque contrainte était additive. Le formalisme, pour introduire ce principe, est relativement simple (fig. 6.18). On considère un matériau viscoélastique soumis à l’instant zéro, à une contrainte σx,0. Au temps t, la déformation induite par cette contrainte est égale à:
ε x (t ) = σ x,0 Jc (t )
(6.58)
FIG. 6.18 Principe de Boltzmann: les déformations εx,i (t) = Jc (t – ti)σx,i s’additionnent comme les contraintes σx,i.
Comportement élastique du solide
165
Si la contrainte σx est appliquée au temps t1 à une autre éprouvette, l’équation de déformation s’exprime par:
ε x (t ) = σ x,1Jc (t - t1 )
(6.59)
On considère l’application successive des deux contraintes σ x,0 et σ x ,1 à la même éprouvette aux temps t = 0 et t = t1. Le principe de superposition de Boltzmann postule que les deux sollicitations agissent indépendamment et que la déformation globale est la somme des deux déformations séparées:
ε x (t ) = σ x,0 Jc (t ) + σ x,1Jc (t – t1 )
(6.60)
Cette superposition des déformations est représentée à la figure 6.18. L’équation (6.60) peut être généralisée au cas d’une sollicitation quelconque en décomposant celle-ci en une somme de sollicitations élémentaires. Donc, si entre les temps τ et τ + dτ, la contrainte varie d’un incrément dσx, cette contrainte élémentaire dσx induira au temps t > τ une déformation dε x qui vaudra: dε x = Jc (t − t )dσ x
(6.61)
La déformation globale au temps t s’obtient par intégration de l’expression (6.61):
εx =
σ
∫ 0
Jc (t − τ )dσ x =
t
∫ Jc (t − τ )
−∞
dσ x dt dτ
(6.62)
On prend comme borne inférieure d’intégration une valeur du temps égale à moins l’infini (– ∞) pour indiquer que toutes les sollicitations appliquées au préalable à l’éprouvette sont en principe à prendre en considération. Connaissant l’histoire de la déformation ε x(t), on calcule de manière entièrement analogue la contrainte au temps t:
σ x (t ) =
t
∫ Er (t − τ )
−∞
dε x dt dt
(6.63)
Il faut noter que les fonctions σ x et εx sont des fonctions continues et dérivables du temps. En appliquant le principe de Boltzmann, on a calculé la relation entre les fonctions caractéristiques Er (t) et Jc (t). On a obtenu l’expression approchée suivante: Er (t) =
sin mπ 1 mπ Jc (t)
(6.64)
Dans cette expression, m représente la pente de la fonction log Jc (t) – log t. Ce n’est que lorsque la pente m tend vers zéro que Er(t) est l’inverse de Jc(t). Cette situation correspond au cas limite du comportement élastique idéal qui constitue un cas particulier du comportement viscoélastique.
166
Introduction à la science des matériaux
6.5 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Dans ce chapitre, nous avons abordé de manière élémentaire l’étude du comportement des matériaux soumis à l’action de sollicitations mécaniques. Toute force appliquée à un matériau se traduit par une déformation qui provoque un changement de la position des atomes. Cette déformation à l’échelle microscopique entraîne l’apparition d’une force de rétraction qui tend à restituer à l’échantillon sa forme originale. Si la force de rétraction est constante dans le temps, le matériau a un comportement élastique. Si on se limite aux petites déformations, il y a proportionnalité entre les contraintes et les déformations (élasticité linéaire: loi de Hooke). On a pu relier les contraintes et les déformations macroscopiques aux forces de liaisons interatomiques en considérant deux matériaux modèles: le cristal parfait et le caoutchouc idéal. D’une manière générale, une étude thermodynamique a montré que la force de rétraction élastique était associée à une augmentation de l’énergie interne (ou de l’enthalpie) du solide ou à une diminution de son entropie. Ceci correspond aux deux cas limites développés comme exemples dans ce chapitre. Il existe un certain nombre de matériaux (polymères organiques à température ambiante – métaux soumis à de hautes températures) qui n’obéissent plus à ce comportement élastique idéal. En fait, ces matériaux ont un comportement que l’on caractérise de viscoélastique, c’est-à-dire intermédiaire entre celui d’un solide élastique et d’un fluide visqueux. En introduisant le concept de viscoélasticité linéaire, on peut arriver à traiter de manière quantitative ce phénomène et à généraliser la loi de Hooke. Enfin, à l’aide de calculs simples, on a estimé la résistance théorique maximum des matériaux et déterminé leur énergie de rupture. La théorie et l’expérience aboutissent dans un grand nombre de cas à un divorce. Ce désaccord, qui est particulièrement important dans le cas de matériaux métalliques, est lié, comme on le montrera au chapitre 7, à l’existence de défauts cristallins et en particulier de dislocations. Le mouvement des dislocations fait apparaître de nouveaux processus de dissipation d’énergie qui augmentent l’énergie de rupture.
6.6 EXEMPLE ILLUSTRATIF: L’AVION ULTRALÉGER OU LE RÊVE D’ICARE RÉALISÉ Depuis Léonard de Vinci, les diverses tentatives pour permettre à l’homme de voler par ses propres moyens se sont en général soldées par un échec. La conquête récente de l’air par l’avion à propulsion humaine doit en grande partie son succès à la mise au point de matériaux très légers et résistants. C’est en 1977 qu’une équipe californienne a remporté le prix Kremer de la British Royal Aeronautical Society en effectuant un décollage et un vol en circuit fermé entre deux points séparés d’un demi-mile (800 m) avec le Gossamer Condor (32 kg) (fig. 6.19). Deux ans plus tard, une version améliorée, le Gossamer Albatros
Comportement élastique du solide
167
FIG. 6.19 Le Gossamer Condor effectuant le vol en circuit fermé du prix Kremer (d’après Grosser, photo T. Akona 1981).
(envergure de 30 m et masse de 25 kg) traversait la Manche et réussissait l’exploit de voler pendant près de 3 heures sur une distance de 36 km. Le Gossamer Albatros est composé d’une cabine suspendue à une grande aile haubanée de l’envergure d’un avion de ligne de 100 places. Une voilure directionnelle est disposée à l’avant en canard et l’hélice propulsive d’un diamètre de 4 m actionnée par un pédalier est montée à l’arrière de la cabine. À l’exception des haubans et des câbles, ainsi que du mécanisme d’entraînement de l’hélice, la structure du Gossamer Albatros est entièrement réalisée en matériaux organiques. L’armature principale est faite en tubes de composite époxy-fibres de carbone réalisés par enroulement filamentaire. Les nervures de l’aile et l’hélice sont en polystyrène expansé, renforcé de fibres de carbone. L’extrémité arrière des nervures de l’aile vers le bord de fuite est réalisé en fibres de polyamide aromatique (Kevlar - fig. 5.11), et la voilure est une feuille ultramince et ultralégère de poly(éthylène téréphtalate) (Mylar© - fig.5.6). Les gains de performance importants réalisés en deux ans entre le Gossamer Condor et le Gossamer Albatros, résultent du choix des matériaux. Le Gossamer Condor était réalisé en tubes d’aluminium pour aviation et en bois de balsa. Le Gossamer Albatros est réalisé presque entièrement en matériaux organiques de synthèse. Pour obtenir des performances maximum en aviation, il faut que la structure portante soit la plus rigide et la plus légère possible. On montre que pour une rigidité en flexion déterminée, la masse de la structure est d’autant plus légère que le rapport E ρ est grand. Dans ce rapport, ρ est la masse volumique et E, le module d’élasticité. La figure 6.20 donne la position relative des divers matériaux dans un diagramme module d’élasticité-masse volumique. La droite indiquée entrait pointillé
168
Introduction à la science des matériaux
1000
Céramiques techniques
Diamant Ligne de repère pour la sélection des matériaux CFRP
Module de Young (GPa)
100
Composites polymères techniques
Céramiques poreuses
Bois
10
Alliages métalliques techniques
E0,5 /ρ = C Polymères techniques
1 Mousses polymères
Élastomères
0,1 0,1
1,0 Masse volumique (t/m3 )
10
FIG 6.20 Carte de sélection des matériaux pour une aile d'avion. La droite indiquée en trait pointillé donne des valeurs de E et ρ correspondant à des valeurs constantes ( E ρ = C) de l’indice de performance. La gamme des matériaux adéquats est marquée en noir (d'après Ashby).
donne des valeurs de E et ρ correspondant à des valeurs constantes ( E ρ = C ) de l’indice de performance. Si on tient compte uniquement des deux propriétés, E et ρ , tous les matériaux qui se trouvent sur la droite ont, en principe, les mêmes performances. La droite en trait pointillé de la figure 6.20, qui est établie avec une valeur de la contante C voisine de 8 ((GPa)0,5 tm–3) permet la détermination des matériaux qui ont les performances les plus intéressantes pour l’aviation. Comme on l’observe à la figure 6.20, ce sont des matériaux comme le bois, les composites polymères à fibres de carbone (CFRC), quelques céramiques et le diamant qui semblent les plus attractifs. Toutefois, le choix final d'un matériau ne se fait pas exclusivement sur la base du module d’élasticité et de la masse volumique. D'autres propriétés et d’autres aspects comme le prix et la facilité de fabrication des grandes pièces sont aussi à considérer. C’est ce qui élimine inévitablement le diamant des matériaux pour l’aéronautique. Les céramiques sont en général beaucoup trop fragiles pour convenir à cet usage. Elles ne supportent pas les chocs mécaniques et thermiques. Le bois manque d’homogénéité en raison de la présence des nœuds et il est très sensible à l'humidité. Il faut cependant mentionner que le bois a été un matériau très utilisé au début de l'aviation. La position intéressante des composites à base de fibres de carbone ou de polyamide aromatique (Kevlar) (fig.6.20) les rend très attractifs pour l’avionneur, ce qui explique leur utilisation croissante dans l’aviation commerciale. Les composites tech-
Comportement élastique du solide
169
niques se substituent progressivement aux alliages d'aluminium. Dans les planeurs performants, l'utilisation de composites est omniprésente depuis des années. Sur le plan des matériaux, l’aviation ultralégère évolue beaucoup plus rapidement que l’aviation commerciale. Dans le futur, des progrès liés à la recherche en science des matériaux combinés aux méthodes de conception assistées par ordinateur permettront vraisemblablement une amélioration très nette des performances des matériaux utilisés dans le domaine de l'aéronautique.
6.7 EXERCICES 6.7.1 Un fil de polyamide 6-6 (Nylon©) (module d’élasticité E = 2 GPa) ayant un diamètre de 1 mm est déformé élastiquement par une charge de 50 N. Calculer la déformation du fil sous l’action de cette charge ainsi que l’énergie élastique stockée dans le fil à la suite de la déformation. 6.7.2 Déterminer la valeur coefficient de Poisson ν d’un matériau qui se déforme à volume constant. Avec quel type de matériaux rencontre-t-on ce comportement ? 6.7.3 Lors d’un saut à l’élastique en chute libre, l’énergie potentielle acquise par le corps humain est égale à U = mgl. Dans cette expression, m est égal à la masse, g, est l’accélération de la pesanteur ( 9,81 ms–2) et l, la longueur de la corde élastique (20 m) dont le diamètre est de 20 mm et le module de Young de 0,01 GPa. Calculez l’allongement de l’élastique lors de la chute d’un individu de 65 kg. Pour simplifier les calculs, on assimile la hauteur de la chute à la longueur de l’élastique. 6.7.4 Une contrainte de traction σ est appliquée suivant l’axe d’une barre cylindrique d’aluminium ayant un diamètre de 15 mm. En assumant que la déformation est totalement élastique, calculer la contrainte maximale à appliquer pour maintenir une contraction latérale de la barre cylindrique limitée à 2 µm. Le coefficient de Poisson de l’aluminium, ν est égal à 0,35 et son module E, à 70 GPa. 6.7.5 Un bloc de fer a un volume V0 = 1 dm3 à la pression atmosphérique. Quelle est la variation du volume de ce bloc si on l’immerge à 1500 m au-dessous du niveau de la mer ? On admet que la température de l’eau reste constante. La masse volumique de l’eau de mer ρ est égale 1,025 t·m–3 et le module de compressibilité volumique du fer K vaut 71,5 GPa. 6.7.6 Expliquer pourquoi la température d’un ruban de caoutchouc s’élève lorsqu’on l’étire. 6.7.7 Les modes de sollicitation agissant sur les tubes d'un cadre de vélo peuvent être représentés par l'étude du cas d'une poutre encastrée de section circulaire de diamètre d, de longueur L soumise à une force F à son extrémité libre. Dans le domaine élastique, la flèche δ vaut:
δ=
F4L3 3Eπd 3
170
Introduction à la science des matériaux
où E représente le module d’élasticité. En négligeant le poids propre de la poutre, démontrer que le bois est préférable à l'aluminium pour minimiser la masse M de la poutre pour une même valeur de la rigidité en traction sachant que le module d’élasticité du bois E dans une direction parallèle aux fibres est de 10 GPa et sa masse volumique du bois est approximativement égale à 0,5 g cm–3 . Pour quelle raison ne construit-on plus les bicyclettes en bois ? 6.7.8 Quelle est la classe de matériaux dont l’énergie spécifique de rupture G c se rapproche le plus de la valeur théorique égale au double de l’énergie spécifique de surface γ ? 6.7.9 Une éprouvette de caoutchouc de 12 cm de longueur et de section carrée de 1 × 1 cm 2 est étirée, à 20 °C, jusqu’à une longueur de 30 cm en appliquant une contrainte de 2 MPa. Calculer: • le module de Young de cet élastomère et le nombre de moles de segments élastiques par centimètre cube; • la contrainte à appliquer à l’éprouvette pour étirer jusqu’à une longueur de 20 cm à la température de 20 °C et jusqu’à une longueur de 30 cm à 100 °C. 6.7.10 Calculer le module de Young d’un élastomère obtenu par vulcanisation d’un polybutadiène de masse molaire Mn égale à 105 g mol–1 et caractérisé après vulcanisation par une masse molaire des segments élastiques Mc égale à 5·103 g mol–1.
6.8 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES M. F. ASHBY, Materials Selection in Mechanical Design, Butterworth-Heinemann, Oxford, 1993. A.H. COTTRELL, The Mechanical Properties of Matter, John Wiley, New York, 1964. R.W. HERTZBERG, Deformation and Fracture, Mechanics of Engineering Materials, 4th ed., John Wiley, New York, 1996. M. GROSSER, Gossamer Odyssey, The Triumph of Humanpowered Flight, Houghton Mifflin, Boston, 1981. L.R.G. TREOLAR, The Physics of Rubber Elasticity, 3rd ed., Clarendon, Oxford, 1975. I. M. W ARD, DW. HADLEY, An Introduction to Mechanical Properties of Solid Polymers, Wiley, Chichester (U.K.), 1993.
CHAPITRE 7
DÉFAUTS DE LA STRUCTURE CRISTALLINE
7.1 OBJECTIFS • Établir la distinction entre cristal idéal et cristal réel. • Différencier les types de défauts ponctuels. • Exposer les bases de la théorie des dislocations et résumer les principales caractéristiques de ces défauts linéaires. • Décrire le mouvement des dislocations. • Comprendre le mécanisme de la déformation plastique. • Décrire la structure des défauts bidimensionnels (joints). L’arrangement atomique cristal réel s’écarte localement de la structure du cristal idéal, décrit au chapitre 3, en raison de la présence de défauts dans la structure cristalline. Ceux-ci modifient de manière considérable les propriétés des matériaux. Un des aspects les plus importants de la science des matériaux est de caractériser ces défauts, d’analyser leurs effets sur les propriétés et d’étudier les méthodes permettant de les induire de manière contrôlée pour arriver à un comportement optimal des matériaux. Les défauts de structure couramment rencontrés dans les cristaux sont de trois types: • Les défauts ponctuels sont de l’ordre de grandeur du volume d’un atome. • Les défauts linéaires ou dislocations sont des perturbations de la structure du cristal situées le long d’une ligne d’atomes ou d’une rangée réticulaire. • Les défauts bidimensionnels ou défauts plans mettent principalement en jeu des imperfections comme celles situées à l’interface séparant deux cristaux. Dans ce chapitre, nous nous limiterons à l’étude des défauts qui ont au moins une dimension qui est de l’ordre de grandeur de la dimension des atomes. Nous ne prendrons pas en considération les défauts de taille plus importante, comme les pores ou les fissures. L’étude de ce dernier type de défauts sera abordée au chapitre 14.
7.2 DÉFAUTS PONCTUELS 7.2.1 Lacunes et atomes étrangers Lorsqu’un défaut existe à l’échelle d’un atome, on parle alors d’un défaut ponctuel (fig. 7.1), en dépit du fait que ce défaut occupe un certain volume. Comme tous les défauts, les défauts ponctuels déforment le réseau et génèrent un champ de
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Introduction à la science des matériaux
contrainte dans le cristal qui englobe un volume largement plus grand que celui du défaut même. Celui-ci est représenté schématiquement par des flèches à la figure 7.1. On distingue trois types principaux de défauts ponctuels: • La lacune caractérise l’absence d’un atome d’un site normal du réseau cristallin (A). • L’interstitiel apparaît lorsqu’un atome étranger de petite taille (B) s’insère dans les espaces vides du réseau cristallin (§ 4.2.2). Lorsqu’un atome constitutif du cristal est placé en insertion, on a affaire à un auto-interstitiel (B’). • L’atome en substitution résulte du remplacement d’un atome constitutif du cristal placé en position régulière par un atome étranger (C, C’).
FIG. 7.1 Types de défauts ponctuels dans un cristal: (A) lacune; (B) atome étranger interstitiel; (B’) atome auto-interstitiel; (C, C’) atomes étrangers en substitution.
Les lacunes constituent un type de défaut ponctuel très important car elles facilitent le déplacement des atomes du cristal. Ce phénomène, appelé diffusion, est esquissé à la figure 7.2. La diffusion contrôle dans une large mesure le comportement des matériaux à haute température (fluage, traitements thermiques).
FIG. 7.2 Mécanisme de migration lacunaire des atomes dans un réseau cristallin: changement de position entre atomes et lacunes (1 à 6).
Défauts de la structure cristalline
173
7.2.2 Concentration des défauts ponctuels À chaque température, il existe une concentration d’équilibre en lacunes. Cette concentration d’équilibre (fraction molaire xl), qui tend vers zéro lorsque la température approche de 0 K, augmente avec la température, comme on peut le voir à la figure 7.3 pour le cuivre. Ainsi, on note qu’à la température de 1300 °C, proche de la température de fusion (1356 K), la concentration est voisine d’une unité pour 2500 sites (0,4‰). A cette température, il existe 3·1019 lacunes par cm3 de cuivre (7,5·1022 atomescm–3). A basse température, la concentration d’équilibre diminue fortement. Ainsi, pour le cuivre à l’ambiance Xl = 10–l7 contre 3·10–4 au voisinage de la température de fusion.
FIG. 7.3 Variation de la concentration (fraction molaire Xl) des lacunes dans le cuivre en équilibre en fonction de la température.
La concentration en lacunes Xl (fig. 7.4 (a)) augmente soudainement au moment de la fusion qui va normalement de pair avec une augmentation de volume de plusieurs pour-cent. Comme nous l’avons souligné au paragraphe 3.2.1, les espaces vides qui apparaissent dans les liquides au moment de la fusion, sont des trous de dimension variable alors que dans le cas de solides, les lacunes sont toutes approximativement du volume d’un atome. Dans le cas des liquides, la concentration en volumes vides augmente fortement avec la température. De même, la concentration des atomes étrangers en solution (solubilité) varie notablement avec la température. La solubilité dépend également de la structure cristalline. Ainsi, dans le cas de la solution d’insertion du carbone dans le fer (fig. 7.4 (b)), la solubilité du carbone interstitiel est nettement plus faible dans la phase α (cc) que dans la phase γ (cfc). Lorsque les défauts sont créés par l’agitation thermique, comme c’est le cas pour les lacunes, il existe à chaque température une concentration d’équilibre en défauts. L’introduction d’un défaut dans un cristal s’accompagne d’une augmentation de son énergie interne U ou de son enthalpie H (H ≈ U pour les phases condensées). Ainsi, pour une lacune, l’enthalpie de formation ∆Hf est de l’ordre de 1 eV (97 kJ mol–1).
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 7.4 Représentation schématisée de la variation de la concentration en défauts en fonction de la température: (a) lacunes dans un métal pur (Cu); (b) atomes de carbone interstitiels dans le fer.
Cette augmentation d’enthalpie est induite par le déplacement des atomes voisins du défaut créé en dehors de leur position d’équilibre. La création d’un défaut s’accompagne également d’une augmentation importante de l’entropie S du système, car le défaut introduit dans la structure cristalline un désordre configurationnel supplémentaire. Jusqu’à une concentration déterminée, la formation de défauts s’accompagne d’une diminution de l’enthalpie libre G du système: ∆G = ∆H – T∆S
(7.1)
L’équilibre thermodynamique est atteint, à pression et à température constantes, lorsque l’enthalpie libre G est minimum ou, ce qui revient au même, lorsque la variation de G avec la concentration ( dG dXl ) est nulle. Cette situation est schématisée à la figure 7.5. Connaissant l’enthalpie libre de formation ∆Gf d’une mole de défauts, on calcule à l’aide de l’équation (7.2) la concentration d’équilibre en défauts. Ainsi, si on a un cristal atomique contenant N atomes identiques et n défauts ponctuels, on calcule la fraction molaire en lacune: Xl = n/N = exp (– ∆Gf /RT)
(7.2)
Dans cette expression, R est la constante des gaz parfaits (R = 8,314 Jmol–1K –1). La formation des lacunes est une réaction qui s’accompagne d’une absorption d’énergie (réaction endothermique) et d’une augmentation du désordre (augmentation de l’entropie). Il s’ensuit que la concentration des lacunes augmente avec la température. Dans certains cas, la concentration en lacunes d’un cristal est supérieure à la concentration d’équilibre. Ainsi, un refroidissement rapide (trempe) à partir d’une température élevée permet de garder, à basse température, une concentration relativement élevée en lacunes. Le nom de trempe provient du fait que cette opération était réalisée presque toujours par immersion dans l’eau.
Défauts de la structure cristalline
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Cette sursaturation en lacunes est éliminée par un maintien du matériau durant un certain laps de temps si la température est suffisamment élevée pour que la diffusion soit importante. On obtient également une concentration en lacunes plus élevée en irradiant le matériau avec des radiations ionisantes (rayons γ par exemple). La présence d’une concentration élevée en lacunes modifie sensiblement le comportement des matériaux métalliques, surtout pendant les transformations de phase.
FIG. 7.5 Variation de l’enthalpie libre ∆G d’un cristal en fonction de la fraction molaire en lacune X ∆H et ∆S représentent respectivement les variations d’enthalpie et d’entropie correspondantes. Xl est la concentration d’équilibre en lacunes à la température T.
7.2.3 Défauts ponctuels dans les solides ioniques et dans les polymères organiques Dans les cristaux monoatomiques comme les métaux, les défauts ponctuels sont créés de manière indépendante les uns des autres. Dans les cristaux ioniques, la neutralité électrique doit être maintenue et les défauts sont créés par paires de signes opposés. Ainsi, on distingue les défauts de Schottky composés d’une lacune anionique et d’une lacune cationique, et les défauts de Frenkel constitués d’un ensemble formé d’une lacune (cationique ou anionique), et d’un ion (anion ou cation) interstitiel (fig. 7.6). Dans le cas des défauts de Schottky, la lacune créée par le départ d’un cation est chargée négativement tandis que celle créée par le départ d’un anion est chargée positivement. Dans le cas des défauts de Frenkel, il y a formation suivant le cas d’une lacune chargée négativement ou positivement tandis que l’atome en position interstitielle amène un excès de charge positive ou négative dans cette partie du cristal. On rencontre en principe dans les polymères organiques le même type de défauts que dans les solides métalliques et ioniques. La structure cristalline des polymères organiques comporte également un nombre très élevé de défauts qui sont induits par la structure en chaîne.
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 7.6 Défauts ponctuels dans les cristaux ioniques (exemple du NaCI): (a) présence de deux lacunes de charges opposées (défaut de Schottky); (b) formation d’une paire lacune-atome interstitiel (défaut de Frenkel).
Fig. 7.7 Représentation schématique des défauts ponctuels introduits par les fins de chaîne dans un cristal de polymère.
Un certain nombre de défauts ponctuels des polymères sont dus à des irrégularités de la structure ou de la composition chimique de la chaîne. Nous avons déjà rencontré plusieurs irrégularités structurales comme l’enchaînement tête-tête de deux unités structurales (5.9) ou les fins de chaînes qui constituent un autre type de défauts ponctuels (fig. 7.7). Une troisième catégorie de défauts ponctuels est constituée par les points de jonction des ramifications avec la chaîne principale (fig. 4.10). Dans les polymères qui ont une structure chirale comme le polypropylène (fig. 5.2 ), il se produit des défauts de tacticité. À titre d’exemple, citons par exemple la présence d’une unité syndiotactique (fig. 7.8) dans la chaîne d’un polymère isotactique.
Défauts de la structure cristalline
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FIG. 7.8 Défaut de structure dans la chaîne d’un polymère isotactique dû à la présence d’un maillon syndiotactique.
On trouve également dans les polymères des défauts ponctuels qui sont dus à des irrégularités de la morphologie cristalline. Les défauts ponctuels (fig. 7.9 et 7.10)
FIG. 7.9 (a) Chaîne de polyéthylène et (b) défaut de Reneker dans le polyéthylène. (d’après Reneker, 1962).
ont été décrits par Reneker, il résultent d’un changement de conformation de la chaîne qui passe d’une conformation trans-trans à une conformation trans-gauche. Celle-ci est suivie immédiatement d’une conformation gauche-trans. Nous avons décrit ce type de conformation pour le polypropylène à la figure 5.9. Après les deux inversions de conformation décrites à la figure 7.9 (b), la chaîne reprend une conformation trans-trans. Les conformations trans-gauche ont une énergie potentielle plus élevée de 3,5 kJ mol–1 que celle de la conformation trans-trans qui est la conformation la plus stable dans le cristal de polyéthylène. À des températures légèrement inférieures au point de fusion, cette irrégularité morphologique se propagerait le long de la chaîne, ce qui permettrait la reptation de la chaîne. Ce mécanisme jouerait un rôle important dans le phénomène d’épaississement lamellaire lors du recuit d’un cristal de polymère.
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Introduction à la science des matériaux
Conformation gauche-trans
Conformations trans-trans
Chaîne sous forme zig-zag plan Conformations trans-trans
Chaîne sous forme zig-zag plan
Conformation trans-gauche
FIG. 7.10 Vue éclatée d’un défaut de Reneker. Celui-ci est constitué d’une conformation trans-gauche suivie d’une configuration gauche-trans.
7.3 DÉFAUTS LINÉAIRES OU DISLOCATIONS 7.3.1 Géométrie des dislocations La dislocation est un défaut du cristal qui résulte d’une perturbation de la structure centrée autour d’une ligne (rangée réticulaire). Pour nous aider à percevoir la géométrie de ce défaut, imaginons l’expérience suivante: coupons un cristal à réseau cubique idéal (fig. 7.11 (a)) selon un plan ABCD en déplaçant sa partie supérieure d’une distance interatomique. Pour permettre de reformer les liaisons interatomiques, il est nécessaire que le déplacement s’effectue le long du plan de coupe ABCD. Il existe dans ce plan deux directions de déplacement particulières: • Lorsque le déplacement des atomes est effectué dans une direction perpendiculaire à la ligne AB (fig. 7.11(b)), on comprime la partie supérieure du cristal et on observe la formation d’un plan réticulaire, ABEF qui se termine à l’intérieur du cristal le long de la ligne de dislocation (ligne AB). Ce plan d’atomes supplémentaires s’enfonce donc comme un coin dans le cristal, d’où le nom dislocation-coin donné à ce type de défaut. À l’extérieur du cristal, on observe la formation d’une marche CC’DD’ dont la largeur caractérise le déplacement des atomes le long du plan de coupe. • Si le déplacement des atomes se fait parallèlement à la ligne de dislocation AB (fig. 7.11(c)), on induit une torsion hélicoïdale du cristal qui a la ligne AB comme axe. Ce défaut linéaire est appelé dislocation-vis. Les signes extérieurs du glissement des atomes sont les marches ADD’ et BCC’. Tout autre déplacement dans le plan ABCD formant un angle quelconque avec la ligne AB produit une dislocation mixte, c’est-à-dire une dislocation ayant en même temps une composante-vis et une composante-coin. La figure 7.12 donne une autre représentation de la dislocation-coin. C’est une dislocation-coin positive (symbole ⊥) avec le plan supplémentaire au-dessus du plan de déplacement. Dans la partie du cristal située au-dessus de la ligne de dislocation, le cristal est en compression. En dessous de la ligne de dislocation, au contraire, les atomes sont écartés et le cristal est en traction. Le déplacement des atomes en dehors de leur position d’équilibre au voisinage de la ligne de dislocation augmente par
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conséquent l’énergie interne du système. Si on fait effectuer à la figure 7.12 une rotation de 180o autour de la ligne de dislocation, on obtient une dislocation-coin négative (symbole ). ⊥
FIG. 7.11 Géométrie des dislocations dans un cristal à réseau cubique: (a) réseau sans défaut; (b) dislocation-coin; (c) dislocation-vis. Pour les deux types de dislocations on a indiqué le vecteur qui caractérise le déplacement des atomes du réseau cristallin, appelé vecteur de Burgers b.
La dislocation-vis ne contient pas de plan supplémentaire. Dans ce cas, les plans réticulaires perpendiculaires à la ligne de dislocation sont légèrement déformés et s’enroulent en spirale le long de la ligne de dislocation prise comme axe. Le pas de cet hélicoïde peut être gauche ou droit, ce qui définit le caractère gauche ou droit de la dislocation. La notion de dislocation a été introduite de manière très simple en effectuant une translation des atomes d’une partie d’un cristal idéal parallèlement à un plan de coupe (fig. 7.11 (a), plan ABCD) qui est appelé plan de glissement. C’est dans ce plan que
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 7.12 Vue en perspective de la structure d’une dislocation-coin dans un cristal à réseau cubique (d’après Kittel, 1976). La ligne de dislocation se trouve au centre du dessin. Dans un plan perpendiculaire à la ligne de dislocation, elle est entourée de 5 atomes.
la dislocation se déplace dans le cristal. Le déplacement d’une dislocation dans un cristal se traduit par la formation de marche, ce qui change la forme du cristal de manière permanente. Ce phénomène est appelé déformation plastique. Le vecteur qui caractérise l’amplitude, la direction et le sens du déplacement des atomes de la dislocation est appelé vecteur de Burgers, b. On le détermine par la méthode dite du circuit de Burgers qui est résumée à la figure 7.13. Celle-ci représente un plan réticulaire perpendiculaire à la ligne de dislocation. Le circuit de Burgers, qui se parcourt, par convention, dans le sens des aiguilles d’une montre, s’effectue au départ d’un atome quelconque du plan réticulaire et il comporte un nombre de pas identique dans toutes les directions. Si le circuit est effectué dans un plan réticulaire d’un cristal parfait (fig. 7.13(a)), on revient à l’atome de départ et le vecteur b = 0. Si le circuit est effectué autour d’une dislocation-coin (fig. 7.13(b)) ou d’une dislocation-vis (fig. 7.13(c)), on ne revient pas à la fin du circuit à l’atome de départ et le défaut de fermeture du circuit est un vecteur qui définit le vecteur de Burgers. On note à la figure 7.13(c) que pour une dislocation-vis à pas droit, le vecteur de Burgers pointe dans le sens négatif de la ligne de dislocation. Pour la dislocation-vis à pas gauche, la situation est évidemment inversée. Le vecteur de Burgers et la ligne de dislocation d’une dislocation-vis sont parallèles (fig.13(c)). Dans ce cas, et contrairement à ce qui se passe pour la dislocationcoin, le plan de glissement n’est pas défini de manière univoque car il ya une infinité de plans réticulaires par la ligne de dislocation. La dislocation-vis a donc plus de liberté pour se déplacer que la dislocation-coin qui ne possède qu'un seul plan de glissement formé par le vecteur b et la ligne de dislocation AB (fig. 7.11).
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FIG. 7.13 Circuit de Burgers permettant la détermination du vecteur de Burgers b. Le plan du circuit est perpendiculaire à la ligne de dislocation indiquée par une grande flèche. (a) Circuit dans un cristal parfait (vecteur b = 0); (b) circuit autour d’une dislocation-coin; (c) circuit autour d’une dislocationvis.
Si une dislocation prend la forme d’une boucle elle change de caractère le long de la ligne (fig. 7.14). Ainsi, on observe qu’en A, la dislocation a un caractère exclusivement vis, tandis qu’en B, elle a uniquement un caractère coin. Entre A et B la dislocation est de type mixte, c’est-à-dire intermédiaire entre vis et coin. Il est très important de noter qu’une dislocation ne se termine jamais à l’intérieur d’un cristal. Elle s'étend d’une surface à une autre surface (qui peut être une interface comme un joint de grain). On montre également que le vecteur de Burgers reste constant sur toute la longueur de la dislocation. En effet, le déplacement des atomes est le même, bien que la ligne change de direction. La figure 7.15 montre une vue du plan ABC de la dislocation de la figure 7.14. Il est alors possible d’observer la transition entre la dislocation-vis pure (A) et la dislocation-coin pure (B). En fermant complètement la boucle circulaire de la figure 7.14, on observe (fig. 7.16) qu’en deux points A et A' de celle-ci, la dislocation a un caractère vis pur, tandis qu’en deux autres points B et B', celle-ci a un caractère coin pur (les dislocations sont chaque fois de sens opposé). Le reste de la boucle est formé de dislocations mixtes. Ce type de boucle de dislocation glissile joue un rôle clef dans la déformation plastique, nous y reviendrons à la figure 7.21 ainsi qu’au chapitre 12.
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 7.14 Exemple de dislocation curviligne comportant une composante coin et une composante vis.
FIG. 7.15 Vue perpendiculaire au plan ABC de la figure 7.14 montrant la transition entre la dislocation-vis pure (A) et la dislocation-coin pure (B) d’un quart de boucle de dislocation. Les croix représentent les atomes dans un plan inférieur et les cercles dans un plan supérieur au plan de glissement (d’après Read, 1953).
Il existe également un autre type de boucle de dislocation qui reste immobile dans le cristal. Sa formation s’explique de la manière suivante. Lorsqu’on refroidit un métal qui se trouve à température élevée, un nombre important de lacunes doit disparaître puisque la concentration d’équilibre en lacunes décroît fortement lorsque la température diminue (fig. 7.3). Plusieurs mécanismes peuvent intervenir pour éliminer les lacunes excédentaires (par exemple migration à la surface). Pour les lacunes qui se trouvent à l’intérieur du cristal, il existe un mécanisme d’élimination qui fait intervenir leur regroupement en amas lenticulaires dans un plan atomique (fig. 7.17). Cette boucle lacunaire a une configuration entièrement coin, son vecteur de Burgers
Défauts de la structure cristalline
vis
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coin A
B b
B' coin
A' vis
FIG. 7.16 Boucle de dislocation glissile formée de 4 x 1/4 de boucle du type de la figure 7.15. Le plan de glissement est représenté par la surface tramée.
FIG. 7.17 Formation d’une boucle lacunaire (boucle prismatique) par l’accumulation progressive de lacunes (a-c) et relaxation des atomes vicinaux (d). La boucle est immobile et elle ne contribue pas à la déformation plastique.
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Introduction à la science des matériaux
b est perpendiculaire au plan de l’amas et elle ne peut se déplacer que le long de la surface du cylindre hachuré (e). La boucle lacunaire reste immobile dans le plan de la dislocation (sauf dans le cas de déformations se passant à haute température). Son comportement se différencie donc nettement de celui de la boucle glissile de la figure 7.14. Par contre, cette boucle joue un rôle important dans le phénomène de précipitation des particules qui intervient lors d’un durcissement structural (chap. 12). 7.3.2 Mouvements des dislocations Le processus de déplacement des dislocations dans leurs plans de glissement constitue la base du mécanisme de la déformation plastique à basse température (T < 0,4 Tm) dans la plupart des matériaux cristallins, les métaux principalement. Celle-ci entraîne un changement permanent de la forme du matériau (fig. 7.11). Si le nombre des dislocations glissiles est élevé, la formation de multiples marches microscopiques donne lieu à un changement de la forme macroscopique. La déformation plastique est grandement facilitée par la présence de dislocations. En effet, en leur absence, il faudrait appliquer des contraintes de cisaillement très élevées pour déplacer une partie du cristal par rapport à l’autre, car il serait nécessaire de rompre simultanément toutes les liaisons adjacentes au plan de glissement. Ce processus demanderait des contraintes de l’ordre du dixième du module de cisaillement. Comme nous le verrons au chapitre 12, la déformation plastique des cristaux métalliques s’opère sous l’action de contraintes beaucoup plus faibles que E/10 en raison du déplacement aisé des dislocations présentes dans ce type de matériau. La figure 7.18 montre de manière schématique comment la présence de dislocations facilite la déformation plastique. Lors du passage d’une dislocation-coin à travers un cristal, il y a peu d’atomes impliqués et peu de liaisons à rompre simultanément. Ceci explique pourquoi les dislocations se déplacent sans difficulté en entraînant la déformation plastique du cristal. Pour mieux comprendre les processus intervenant dans le déplacement des dislocations, analysons les processus de déplacement d’un tapis de grande longueur posé sur une surface plane. La manière la plus aisée de déplacer ce tapis sur le sol est de former un pli à une extrémité et de pousser ce pli sur toute sa longueur comme cela est décrit à la figure 7.19. La chenille utilise un mécanisme analogue pour se déplacer. Il faut souligner que le mouvement des dislocations se fait toujours dans une direction perpendiculaire à la ligne de dislocation. La formation de marches à la surface d’un cristal prismatique après le passage de dislocations ne donne aucune information sur le type de dislocations qui a traversé le cristal. La figure 7.20 représente schématiquement le mouvement d’une dislocation-coin (a, b, d) et d’une dislocationvis (a, c, d) sollicitées par les mêmes forces. Lorsque la dislocation a traversé le cristal, on aboutit, dans les deux cas, à la formation de la même marche de glissement de profondeur égale au vecteur de Burgers. Le déplacement de la ligne de dislocation est toujours perpendiculaire à celle-ci et est parallèle à la force appliquée dans le cas de la dislocation-coin et perpendiculaire dans le cas de la dislocation-vis.
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FIG. 7.18 Mouvement des atomes impliqués dans le déplacement d’une dislocation-coin sous l’action de la contrainte de cisaillement τ . Quand la dislocation émerge du cristal, il y a formation d’une marche (f) dont la largeur correspond à la valeur absolue du vecteur de Burgers et la ligne de dislocation est perpendiculaire au plan de la figure.
FIG. 7.19 Déplacement d’un tapis par translation d’un pli créé à une extrémité: (a) position initiale du tapis; (b) création d’un défaut linéaire; (c) et (d) déplacement du pli; (e) position finale du tapis, après déplacement complet du défaut linéaire (le pli).
La figure 7.21 montre le mécanisme de déformation plastique d’une boucle de dislocation glissile (fig. 7.15 et 7.16) se trouvant à l’intérieur du cristal. Comme le mouvement de la dislocation dans son plan de glissement est toujours perpendiculaire à la ligne, la boucle s’agrandit jusqu’à émerger à la surface, d’abord partiellement et ensuite complètement.
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 7.20 Formation d’une marche de glissement (déformation plastique) par mouvement d’une dislocation-coin ou d’une dislocation-vis dans un prisme: (a) prisme non déformé; (b) passage d’une dislocation-coin; (c) passage d’une dislocation-vis; le prisme déformé plastiquement par le passage de la dislocation-coin ou de la dislocation-vis est représenté en (d).
FIG. 7.21 Déformation plastique par agrandissement d’une boucle de dislocation glissile du même type que celle représentée à la figure 7.16.
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Dans le cas des cristaux métalliques (à liaisons isotropes), les plans de glissement préférentiels des dislocations sont des plans cristallographiques de densité atomique élevée: plans {111} pour les cristaux à réseau cfc, plans {110} pour les cristaux cc et plans {0001} pour les cristaux hc. Dans le cas des cristaux ioniques, le mouvement des dislocations est beaucoup moins aisé car le système de glissement effectif ne dépend pas uniquement de la densité atomique. Les modes de glissement favorisés sont ceux qui ne mettent pas en contact des ions de même signe. Ainsi, dans le cas du cristal cfc de MgO ou de NaCl, les plans de glissement sont les plans réticulaires {110}. Dans les cristaux à liaison covalente, le caractère orienté des liaisons rend difficile le déplacement des dislocations. C’est pour ces diverses raisons que les céramiques ioniques et covalentes ont peu de dislocations et que leur mobilité est très faible. La déformation plastique des céramiques est très difficile, c’est-à-dire que ces matériaux ont généralement un comportement fragile. Ce n’est qu’à des températures très élevées que l’on observe une déformation plastique importante. Les polymères semi-cristallins sont également, dans un grand nombre de cas, des matériaux fragiles. Dans ces matériaux, le mouvement des dislocations est fortement limité par la présence des chaînes et, de plus, leur propagation sur de grandes distances est rendue plus difficile en raison de la présence d’une phase amorphe intercristalline. Il faut cependant noter que la présence de dislocations a été mise en évidence dans les polymères notamment dans le cas des monocristaux. 7.3.3 Densité des dislocations La densité des dislocations ρ est une mesure de la longueur totale des lignes de dislocations par unité de volume. Cette densité de dislocations s’exprime donc par:
ρ =
longueur des dislocations volume du cristal
(7.3)
Dans les métaux, la densité de dislocations augmente considérablement durant la déformation plastique. Les valeurs caractéristiques de la densité ρ sont de 105 à 106 cm–2 pour un métal recuit. Dans le cas extrême, lors de déformation plastique importante, on a déterminé que la densité maximale des dislocations était de l’ordre de 1012 cm–2. Ceci correspond à 10 000 000 km de lignes de dislocations par cm3 de cristal déformé. Ceci signifie que dans un cristal déformé il y a environ 1020 atomes par cm3 qui sont affectés par les dislocations. Comme 1 cm3 d’un cristal métallique contient environ 1023 atomes, la fraction des atomes perturbés (~10–3) reste relativement faible et la structure cristalline est en majeure partie préservée.
7.4 DÉFAUTS BIDIMENSIONNELS 7.4.1 Joints de grains Nous avons vu précédemment (fig. 3.3 (b)) qu’un grand nombre de matériaux ont une structure polycristalline, c’est-à-dire une structure formée de cristaux de
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Introduction à la science des matériaux
petite taille (grains). Les régions où les grains se touchent sont appelées joints de grains. Ceux-ci constituent des zones de transition caractérisées par une structure plus ou moins perturbée permettant l’accommodation géométrique et cristallographique des cristaux. Dans la plupart des cas, les grains ont la forme de polyèdres à facettes multiples et la structure du joint dépend de l’orientation des faces de ces polyèdres, les unes par rapport aux autres. La figure 7.22 donne une vue schématique au microscope optique de la coupe effectuée dans un matériau polycristallin après polissage et attaque chimique. Les joints de grains des matériaux métalliques sont plus facilement attaqués par des acides que le cristal, ce qui les rend visibles au microscope optique (chap. 10). On reconnaît sur la figure des lignes continues, représentant les joints de grains, et des lignes en tireté schématisant les sous-joints. La différenciation entre sous-joints et joints se fait en général sur la base de la valeur de l’angle de rotation θ entre les grains situés de part et d’autre du joint. Si θ est inférieur à 10 °, on considère qu’il s’agit de sous-joints.
FIG. 7.22 Vue schématique au microscope optique d’une coupe effectuée dans un matériau polycristallin après polissage et attaque chimique. Les joints de grains sont indiqués en trait continu et les sousjoints en tireté à l’intérieur de deux grains.
Il existe deux types de joints simples: les joints de flexion qui contiennent l’axe de rotation des grains (fig. 7.23 (a)) et les joints de torsion qui sont perpendiculaires à cet axe (fig. 7.23 (b)). Les joints peuvent être décrits en termes de réseaux de dislocations. On distingue entre sous-joints de flexion, dont la structure peut être considérée comme un ensemble de dislocations-coin parallèles, et sous-joints de torsion, caractérisés par un réseau de dislocations-vis. Nous nous limiterons au cas des joints de flexion. La figure 7.24 (a) décrit la structure cristalline de deux grains à réseau cubique simple faisant entre eux un angle de désorientation θ de quelques degrés. Dans le joint de grains décrit à la figure 7.24 (b), on voit que le raccord entre les grains se fait par l’intermédiaire d’une série régulière de dislocations-coin. Tant que l’angle θ entre les grains reste petit, il est possible d’identifier les dislocations individuelles qui sont séparées d’une distance D donnée par:
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FIG. 7.23 Types de joints: (a) joint de flexion; (b) joint de torsion.
FIG. 7.24 Joint de grains simple (flexion) dans un réseau cubique: (a) zone de transition entre deux cristaux d’orientation θ différente; (b) répartition régulière de dislocations-coin au joint après relaxation des positions des atomes dans la région du joint (d’après Read, 1953).
D=
b b ≈ 2 sinθ / 2 θ
(7.4)
Dans cette expression, b représente la valeur absolue du vecteur de Burgers. L’introduction de chaque dislocation entraîne une augmentation de l’énergie interne. L’augmentation d’énergie interne associée au joint de grain est d’autant plus grande que l’angle de désorientation θ est élevé. Lorsque l’angle de désorientation θ est grand, il n’est plus possible de distinguer des dislocations individuelles. Les perturbations cristallines sont nombreuses et le
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Introduction à la science des matériaux
joint de grains se présente alors comme une région de grand désordre atomique mais d’épaisseur très limitée (2 à 3 distances atomiques). Au-delà d’un certain angle de désorientation θ , l’énergie de joint reste pratiquement constante tout en présentant un certain nombre de minima aigus pour des angles θ bien déterminés. Ceci résulte du fait que pour certaines orientations spécifiques, il y a superposition exacte mais partielle des réseaux des deux cristaux et formation d’un superréseau dit de coïncidence. Pour ces orientations particulières, le joint a une structure moins perturbée, ce qui diminue son énergie. D’une manière générale, les joints de grains sont à la fois des sources et des pièges pour les défauts ponctuels et pour les dislocations. Ainsi, au cours d’une trempe, on observe que les lacunes excédentaires s’éliminent beaucoup plus rapidement au voisinage des joints de grains. Les joints de grains jouent également un rôle important dans la déformation plastique, car ils peuvent induire des dislocations sous l’action du champ des contraintes. Ils constituent également des obstacles pour la propagation des dislocations (chap. 12). 7.4.2 Fautes d’empilement et macles Dans un certain nombre de cas, en particulier dans les structures cristallines compactes (comme cfc et hc), il existe des anomalies dans les modes d’empilement des plans. Un ensemble de deux plans successifs cfc ou hc pris isolément possède la même structure et les anomalies n’apparaissent que si on considère un ensemble de plus de deux plans. Nous avons vu au chapitre 4 (fig. 4.1) que la structure cristalline à faces centrées (cfc) était caractérisée par une alternance de couches hexagonales compactes suivant une séquence ABCABCABC. Une faute d’empilement sera constituée par une séquence anormale comme par exemple ABCABABC... Il arrive que la structure ABCABC... saute à la structure symétrique CBACBA... suivant la séquence ... ABCABCBACBA... Dans ce cas, on a affaire à un joint de macle. Les deux parties du cristal possèdent en commun un plan compact qui est un plan de symétrie (fig. 7.25). Les atomes du joint de macle sont communs aux deux cristaux situés de part et d’autre et l’énergie interfaciale de ce type de joint est très faible.
7.5 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Le cristal réel s’écarte considérablement du modèle du cristal idéal que nous avons établi au chapitre 3. Il comporte un nombre élevé de défauts dont les dimensions caractéristiques minimales sont en général de l’ordre d’un diamètre atomique. Ces défauts sont caractérisés par une géométrie bien déterminée. Ils peuvent être ponctuels comme les lacunes ou les atomes étrangers, linéaires comme les dislocations, bidimensionnels comme les joints de grains, les défauts d’empilement ou les joints de macle. L’augmentation de la concentration des défauts ponctuels avec la température est un phénomène qui est généralement observé. Il permet, dans le cas des lacunes,
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FIG. 7.25 Macle dans une structure cubique à faces centrées (cfc): (a) plan 1, 2, 3 4 ( 1 10) considéré; (b) coupe perpendiculaire aux plans denses (111) avec les atomes dans le plan ( 1 10) (d’après Verhoeven, 1975).
d’expliquer la plus grande vitesse de déplacement des atomes (diffusion) à haute température. La dislocation est le seul type de défaut linéaire. C’est le déplacement des dislocations (glissement), qui est à la base de la déformation plastique des métaux et de leurs alliages. Ce glissement, toujours perpendiculaire à la ligne de dislocation, est facilité par le caractère très localisé de ces défauts. Lors du passage d’une dislocation dans un cristal, il y a peu d’atomes impliqués et peu de liaisons rompues simultanément. Grâce à une grande densité de dislocations et à leur facilité de déplacement, une déformation macroscopique importante peut être obtenue en peu de temps dans les matériaux métalliques (tôles par exemple) par des procédés de formage à basse température. Les autres types de matériaux (céramiques, polymères organiques réticulés et les thermoplastiques à une phase aux températures inférieures à la transition vitreuse) qui ont peu ou pas de dislocations, ont, en règle générale, un comportement fragile. Il faut utiliser des procédés de thermoformage pour les mettre en œuvre (cas des poudres céramiques et des matériaux thermoplastiques).
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Introduction à la science des matériaux
Les joints de grains sont des régions de raccordement entre des monocristaux (grains) d’orientation différente. Lorsque l’angle de désorientation entre les grains est faible (quelques degrés), les joints sont formés de réseaux de dislocations. On parle alors, dans ce cas, de sous-joints. A plus forte désorientation, la densité des défauts devient très élevée et les réseaux de dislocations ne permettent plus de décrire la structure de ces joints. Le joint de grains se présente alors comme une région très désorganisée, assez comparable à celle d’un verre, mais d’épaisseur limitée à deux ou trois distances atomiques. Seul un contrôle judicieux du type et du nombre de défauts permet l’obtention des matériaux aux propriétés contrôlées.
7.6 EXEMPLE ILLUSTRATIF: DÉFAUTS STRUCTURAUX DES FILMS DE DIAMANT Le diamant, qui est le minéral le plus dur et le plus résistant, a toujours fasciné l’homme à cause de ses propriétés exceptionnelles. Dès le Moyen Age, les scientifiques ont cherché à élucider l’origine de sa dureté élevée et ont tenté de le synthétiser. La fabrication de ce matériau nécessite des conditions particulières de pression et de température. Ce n’est que dans les années 50 que l’on a trouvé les conditions expérimentales permettant la production industrielle de poudres de diamant en travaillant à des pressions de l’ordre de 10 GPa (100 kbar) et des températures voisines de 1500 °C. La découverte récente de procédés de fabrication à basse pression, permettant la déposition de films de diamant sur différents substrats, a relancé l’intérêt porté à ce matériau. En effet, de nombreuses applications, difficiles ou voire même impossibles à réaliser à haute pression, deviennent envisageables. Il est dès lors possible non seulement d’exploiter la dureté du diamant, mais aussi de tirer parti des autres propriétés exceptionnelles de ce matériau hors du commun. Mentionnons, en particulier, sa très grande conductivité thermique qui pourrait être exploitée pour évacuer la chaleur dans des composants électroniques (circuits intégrés, diodes pour laser de puissance, etc.) ou encore son inertie chimique qui rend possible son utilisation dans des milieux corrosifs comme revêtement de protection ou dans le domaine biomédical. Dans le secteur bien solidement implanté des outils de coupe diamantés, il est maintenant devenu réalisable de déposer des films continus de diamant qui s’avèrent plus performants que les enrobages classiques, constitués d’une matrice métallique contenant des grains de diamant. Le dépôt d’un film de diamant au départ de la phase vapeur par l’intermédiaire de réactions chimiques (CVD = Chemical Vapor Deposition) se réalise dans des conditions expérimentales qui sont en dehors des conditions de l’équilibre thermodynamique. Cette fabrication s’opère, à des températures modérées de l’ordre de 500 à 1000 °C et pratiquement, à pression atmosphérique, à partir d’un mélange gazeux activé (plasma) contenant principalement des hydrocarbures et de l’hydrogène. Un ensemble complexe de processus physico-chimiques mène à la croissance de couches
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minces. Les mécanismes impliqués sont encore mal connus, mais on observe d’abord la formation d’îlots qui grossissent progressivement et finissent par se toucher, en formant des films continus, en général polycristallins. L’épaisseur déposée varie de quelques dixièmes à quelques centaines de microns par heure en fonction de la méthode utilisée pour l’activation des gaz précurseurs. Le graphite est la forme stable du carbone dans les conditions expérimentales utilisées pour l’élaboration du diamant par CVD. En conséquence, lors de la fabrication du film de diamant, un certain nombre de phases étrangères apparaissent. Cellesci interfèrent avec la cristallisation du film de diamant. Les couches de diamant CVD contiennent donc, en plus des joints de grains, des anomalies de la composition chimique (irrégularités de l’enchaînement des liaisons chimiques, impuretés, etc.) et des défauts de structure cristalline qui influencent notablement les propriétés finales des films de diamant CVD et en particulier la conductivité thermique des films qui diminuent de manière importante lorsque le nombre de défauts augmente. Les lacunes et les impuretés ont une grande influence sur les propriétés optiques et électroniques du diamant. Les impuretés sont responsables, entre autres, de la teinte des diamants; l’azote et le bore, par exemple, donnant naissance à des couleurs jaune-orange et bleu respectivement. L’étude de la structure des films donne une série de renseignements importants sur le mode de croissance des couches diamantées ainsi que sur leurs caractéristiques. On rencontre principalement deux types de défauts cristallins: des macles et des dislocations. À la figure 7.26, on observe la présence, dans les grains de diamant, des plans de symétrie caractéristiques des structures maclées. La figure 7.27 (a) (microscopie électronique à transmission) met en évidence un ensemble de dislocations, formant des joints de grains à petit angle. L’étude de ces dislocations fournit des renseignements essentiels sur le mode de croissance de ce type de couches (fig. 7.27 (b)). En particulier, les grains sont tous orientés de la même façon. Cependant, dans ce cas, on observe la présence de dislocations induites par la croissance cristalline. Celles-ci servent à accommoder la légère désorientation entre des grains voisins.
FIG. 7.26 Micrographie prise au microscope électronique à balayage des grains d’une couche de diamant CVD produits à basse température (env. 420 °C). Ce cliché révèle la présence de macles caractérisées par leurs plans de symétrie parallèles traversant la couche de de diamant .
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Introduction à la science des matériaux
FIG. 7.27 Dislocations dans les grains des couches de diamant: (a) micrographie prise en microscopie électronique à transmission montrant différents types de défauts: dislocations (apparaissant sous forme de lignes noires), joints de grains à petits angles, etc.; (b) topologie de surface de la même couche prise au microscope électronique à balayage. Les seuls défauts visibles sont des joints de grains caractérisés par une marche à la surface de couche de diamant.
7.7 EXERCICES 7.7.1. Quels sont les différents types de défauts ponctuels qui existent dans les cristaux ? 7.7.2 La concentration d'équilibre en lacunes est donnée par la relation (7.2). Calculer le nombre de lacunes n par cm 3 à 1000 °C. Connaissant la masse atomique du cuivre m n = 63,54 g mol–1. La masse volumique ρ = 8,4 gcm–3. Sachant que le nombre d'Avogadro N A = 6,02·10 23 atomes mol–1 et que l’énergie d'activation de formation d’une lacune ∆Gf = 0,144·10–18 J atome–1 et que la constante des gaz parfaits R = 8,314 J mol–1 K–1. Comparer ce résultat avec celui rapporté à la figure 7.3. 7.7.3 Quels sont les modes de contraintes qui agissent au voisinage d'une dislocationcoin ? 7.7.4 Quelle différence existe-t-il entre une dislocation-coin et une dislocation-vis en considérant l’orientation du vecteur de Burgers b par rapport à la ligne de dislocation ? 7.7.5 Déterminer le vecteur de Burgers b de la dislocation-coin associé au glissement selon le plan (110) et la direction [111] dans la structure cristalline cubique à faces centrées du NaCl. 7.7.6 Quel est le comportement de deux dislocations-coin de signes opposés placées sur le même plan de glissement lorsqu'on applique une contrainte de cisaillement τ ? 7.7.7 Calculer la longueur du vecteur de Burgers b pour le Feα (cc) et Al (cfc)(voir tableaux 12.7 et 17.4). 7.7.8 La circonférence de la terre vaut approximativement 40 075 km. Cet longueur est équivalente à celle des lignes de dislocations (mises bout à bout) présentes dans 1 cm –3 de cuivre à 20 °C. Calculer la densité ρ des dislocations.
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7.7.9 Quel est le résultat du mouvement d'une dislocation-coin lorsqu’elle traverse un cristal jusqu’à sa surface? 7.7.10 Comment décrit-on l'interface (le joint) entre deux grains à structure cristalline cubique simple lorsque l’angle de désorientation θ est petit ?
7.8 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES J. FRIEDEL, Dislocations, Pergamon, Oxford, 1964. B. HENDERSON, Defects in Cristalline Solids, Arnold, London, 1972. D. HULL, D.J. BACON, Introduction to Dislocations, 3th ed., Pergamon, Oxford, 1984. J. PHILIBERT, A. VIGNES, Y. BRÉCHET et P. COMBRADE, Métallurgie: du minerai au matériau, Masson, Paris, 1998. W.J. READ Jr., Dislocations in Crystals, Mc Graw-Hill, New York, 1953. D.H. RENEKER, Points Dislocations in Crystals of High Polymer Molecules, J. Polym. Sci., 59, S 39 (1962). J. SCHULTZ, Polymer Materials Science, Prentice-Hall, Englewood Cliffs, New Jersey, 1974. J. D. VERHOEVEN, Fundamentals of Physical Metallurgy, Wiley, New York, 1975. J. WEERTMAN, J.R. WEERTMAN, Théorie élémentaire des Dislocations, Masson, Paris, 1970.
CHAPITRE 8
ALLIAGES ET DIAGRAMMES DE PHASES
8.1 OBJECTIFS • • • • • •
Établir la différence entre les phases et leurs constituants. Introduire la notion d’alliage et l’élargir à l’ensemble des matériaux. Caractériser les équilibres de phases à température donnée. Déterminer la composition et les quantités relatives des phases en équilibre. Préciser la notion de solubilité par l’étude des diagrammes de phases. Introduire la notion d’énergie interfaciale.
Les matériaux purs ont souvent des propriétés technologiques peu intéressantes. Ainsi, les semiconducteurs, comme le silicium, n’acquièrent des propriétés intéressantes pour l’électronique que par l’introduction contrôlée de petites quantités d’un élément dopant étranger. Sans celui-ci, le silicium se comporte comme un matériau isolant. La plupart des matériaux sont des mélanges d’atomes ou de molécules de nature différente. Dans certains cas, les constituants (atomes ou molécules) du matériau sont solubles en toute proportion et les mélanges sont homogènes. Dans d’autres cas, les constituants ne sont que partiellement miscibles. Le matériau contient alors plusieurs phases de composition et structure différentes. La combinaison de ces phases produit différentes microstructures qui influencent considérablement les propriétés et les caractéristiques techniques des matériaux. Les diagrammes de phases constituent la base pour analyser la formation des microstructures (chap. 9). Ils définissent d’une façon simple les états d’équilibre entre les phases.
8.2 GÉNÉRALITÉS 8.2.1 Alliages La notion d’alliage était initialement réservée aux métaux. De manière classique, un alliage est un matériau à caractère métallique combinant un ou plusieurs métaux et éventuellement des éléments à caractère non métallique. Cette notion, qui est actuellement en pleine évolution, est progressivement étendue aux autres matériaux (céramiques, polymères), et on définit maintenant un alliage comme une combinaison d’atomes, d’ions, ou de molécules pour former un matériau dont les propriétés diffèrent de celles des constituants.
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Introduction à la sciences des matériaux
Un alliage est généralement composé de plusieurs phases de taille microscopique ayant une composition et une structure différente qui contribuent de manière synergique aux propriétés du matériau. Un exemple bien connu d’un alliage métallique à deux phases est celui des aciers au carbone. Si on prend comme exemple un mélange de 99,2% Fe et 0,8% C (% pds), on obtient un matériau dont les grains sont formés de lamelles minces alternées de Fe α ductile et de carbure de fer Fe3C dur qui constituent les deux phases du matériau (fig. 8.1). L’ensemble peut donner naissance à un acier à haute résistance mécanique (câble de téléphérique par exemple). L’aluminium, un autre exemple, est utilisé en aéronautique à cause de son rapport E ρ élevé (chap. 6). Pour le durcir on l’allie à des éléments tels que le cuivre, le zinc et le magnésium qui forment des composés intermétalliques qui se précipitent dans la matrice sous forme de particules.
FIG. 8.1 Microstructure d’un acier au carbone (0,8% pds C) vue au microscope optique. Celle-ci est formée de lamelles de Fe α et de Fe3C. L’ensemble est appelé perlite.
Dans le domaine des céramiques, une combinaison de quatre éléments (par exemple Si, Al, O, N) donne des alliages du type «Sialon» constitués de deux composés chimiques différents, Si3N4 et Al2O 3. Ces matériaux, qui constituent le domaine des céramiques avancées, sont destinés à remplacer dans le futur certains alliages métalliques pour les utilisations à haute température. Les alliages de polymères constituent un domaine assez récent et toujours en développement. En alliant une phase organique à module d’élasticité élevé à un élastomère, on obtient un thermoplastique dur et résilient (fig. 8.2), utilisé par exemple pour la fabrication de boîtiers de téléphones. 8.2.2 Les phases et leurs constituants Chaque matériau est constitué d’un grand nombre d’atomes (~1023 par cm3) ou de molécules. Les éléments chimiques dans le cas des métaux, les molécules dans le
Alliages et diagrammes de phases
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FIG. 8.2 Microstructure d’un polystyrène à haute résistance au choc constitué de particules caoutchoutiques dispersées dans une phase à haute résistance mécanique. La phase de polystyrène est en blanc, tandis que la phase de polybutadiène (marquée au tétroxyde d’osmium) apparaît en trait noir sur la figure. Les particules caoutchoutiques partiellement réticulées (a), composées de deux phases finement dispersées de copolymère greffé styrène-butadiène tandis que la phase continue thermoplastique est en polystyrène pur (b). Cette microstructure sera discutée en détails à la section 10.3.
cas des polymères et les composés chimiques formant les céramiques, sont appelés constituants. Quelques exemples devraient aider à clarifier les concepts. Le Cu pur, qui forme une seule phase, n’est pas un alliage. Le Cu pur a une conductivité électrique très élevée, mais sa résistance mécanique n’est pas suffisante lorsque les contraintes mécaniques sont élevées. Pour le durcir, on ajoute un autre constituant, le Sn par exemple, mais cette augmentation des propriétés mécaniques se fait au détriment de la conductivité électrique qui diminue. En ajoutant une certaine quantité de Sn au Cu, on obtient un bronze qui est un alliage constitué de deux phases: Cu + CuxSny. Un alliage pour burins de coupe «métal dur» contient normalement trois constituants, Co, W et C, formant deux phases: le carbure de tungstène (WC), présent sous forme de grains, et le métal Co, qui constitue la matrice ductile liant les grains de carbure durs et fragiles. Le rubis utilisé pour la construction des lasers est un alliage monocristallin de Al2O3 (saphir) et de 0,05 pour-cent de Cr2O3. La couleur rouge caractéristique de ce cristal est due à la présence d’ions Cr3+ dispersés dans le cristal de saphir sous forme de solution solide. Dans ce cas, l’alliage ne comporte qu’une seule phase bien qu’ayant deux constituants. Un alliage est donc, en général, composé de deux ou de plusieurs constituants et comporte une ou plusieurs phases. Une phase est une partie du système dans laquelle la composition (nature et concentration des constituants présents) et l’organisation atomique (structure cristalline ou amorphe...) sont fixées. Dans un système en équilibre, chaque phase a une composition fixée qui est homogène dans toute son étendue. Dans les systèmes hors d’équilibre, très fréquemment rencontrés dans les matériaux, la composition peut varier en fonction du temps et de la localisation à l’intérieur du matériau considéré. Chaque phase est séparée des autres phases du système
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Introduction à la sciences des matériaux
par une interface. Les phases amorphes et cristallines se distinguent par leurs arrangements atomiques différents. Dans la même optique, l’élément fer (Fe) peut exister à l’état de vapeur, de liquide, de cristal cubique à faces centrées ou de cristal cubique centré, ce qui représente quatre phases différentes. À des pressions très élevées, comme celles existant à l’intérieur du globe terrestre, le fer forme également un cristal hexagonal. 8.2.3 Solutions solides L’expérience quotidienne permet de comprendre, de manière intuitive, le phénomène de dissolution des substances solides dans les solvants. Quoique plus difficile à saisir, la notion de solubilité d’un solide dans un autre solide est un cas entièrement analogue. Le mélange de deux éléments A et B à l’état solide forme une solution solide dont l’élément mineur est le soluté. Dans le cas de solution solide cristalline, on parle de solution si la structure de la phase formée par le constituant principal A n’est pas modifiée par l’adjonction du soluté B, bien que la composition chimique globale soit différente. Au chapitre 7, nous avons montré qu’il existait des solutions solides d’insertion et des solutions solides de substitution. L’intervalle de concentration dans lequel la solution est stable est appelé domaine de solubilité. Dans certains cas, les constituants A et B de l’alliage A-B possèdent la même structure cristalline. La solubilité de A dans B, ou de B dans A peut être totale. Il n’existe alors qu’une seule phase solide. C’est le cas du système Ni–Cu qui est soluble en toute proportion et qui conserve la même structure cristalline (phase cfc), bien que la distance des atomes dans la maille varie légèrement avec la composition en raison des rayons atomiques légèrement différents du cuivre et du nickel. Lorsque les rayons atomiques diffèrent trop, l’identité des réseaux de deux constituants n’est plus suffisante pour assurer une solubilité complète. Dans ce cas, la solubilité est limitée. On observe également une solubilité limitée lorsque la structure cristalline des deux constituants est différente, car il ne peut pas y avoir une transition continue d’une structure cristalline à une autre. On observe également une solubilité limitée lorsque les constituants de l’alliage ont une forte tendance à se lier chimiquement. Dans ce cas, A et B forment des composés intermédiaires avec une stœchiométrie (composition atomique) définie, comme dans le cas de la phase Al2Cu. On parle alors de phases intermédiaires ou composés (fig. 8.3 phase β). Dans les céramiques on trouve les mêmes types de comportements que dans les métaux, bien que leur structure soit plus complexe. Il n’existe pas, à notre connaissance, de solutions solides cristallines de polymères, ou de polymères et de petites molécules organiques. A l’état vitreux et liquide, par contre, les polymères et les petites molécules forment, dans un grand nombre de cas, des solutions. Ainsi, le PVC dissout des liquides organiques peu volatils de masse moléculaire voisine de 500 que l’on appelle plastifiants. Par contre, les polymères amorphes sont très peu compatibles entre eux et ils ne forment que très rarement des solutions à l’état solide vitreux et à l’état fondu. Un exemple industrialisé de
Alliages et diagrammes de phases
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polymères compatibles est constitué par le Noryl® qui est un mélange (alliage) de polystyrène et de poly (oxy (2, 6-diméthyl )1,4 phénylène) (tab. 18.3.1) en proportion variable.
FIG. 8.3 Deux phases à structure cristalline cubique: la phase α est une solution de substitution d’atomes B dans un cristal d’atomes A. La phase β est un composé intermétallique du type AB.
8.2.4 Interfaces entre phases Une phase occupe un volume déterminé, limité dans l’espace par une interface qui la sépare d’une autre phase (fig. 8.3). Les joints de grains constituent un type particulier d’interface puisqu’ils marquent la limite entre deux grains cristallins d’une même composition et d’une même structure, mais d’orientation différente. D’une manière générale, la création d’une interface est un processus qui exige un certain travail et qui est défavorisé du point de vue de la thermodynamique. La présence d’interfaces augmente donc l’enthalpie libre d’un matériau (fig. 8.4). D’une manière générale, les systèmes à grains fins (ou particules fines) qui sont caractérisés par la présence de nombreuses interfaces, possèdent une enthalpie libre supérieure à celle des systèmes à gros grains. A température élevée, on observe une tendance au grossissement des grains qui va de pair avec une diminution de l’enthalpie libre. Ce phénomène est appelé maturation de la microstructure. Du point de vue thermodynamique, on caractérise l’interface par son énergie spécifique interfaciale γ [Jm–2], qui, sous certaines conditions, peut être assimilée à une tension interfaciale [Nm –1]. L’énergie spécifique interfaciale est indépendante de l’aire de l’interface. Elle peut être déterminée en mesurant le travail nécessaire à la création d’une interface unitaire. Il faut noter que la création d’interfaces entre des phases condensées, c’est-à-dire entre phases liquides ou solides, est un phénomène qui élève l’enthalpie libre du système. Lorsque la phase condensée est en contact avec un gaz, on parle alors d’énergie de surface. L’énergie d’interface ou de surface joue un rôle capital dans les transformations de phases (chap. 9), ainsi que dans le phénomène de rupture (chap. 14).
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Introduction à la sciences des matériaux
FIG. 8.4 Variation schématique de l’enthalpie libre G d’un système lorsqu’on passe d’une phase α à une phase β via une interface d’épaisseur ∆l de l’ordre de quelques diamètres atomiques. Si le système est à l’équilibre ∆G = 0, d’où Gα = Gβ.
8.3 SYSTÈMES À UN CONSTITUANT 8.3.1 Diagramme de phases d’une substance pure cristallisable Comme nous l’avons déjà mentionné (§ 3.2.1), toute substance peut en principe exister sous trois états physiques distincts: solide cristallin, liquide ou gaz. Une substance pure peut en principe exister sous ces trois formes en fonction de la température et de la pression. Un schéma du diagramme d’équilibre des phases d’une substance pure est représenté à la figure 8.5. On observe que le diagramme de phases est divisé en trois zones correspondant au domaine de stabilité du solide cristallin, du liquide et de la vapeur. Les courbes délimitant les domaines déterminent les températures où deux phases coexistent. Les trois courbes se rencontrent au point triple T’ qui correspond à un état où trois phases coexistent à l’équilibre: le solide cristallin, le liquide et la vapeur. Au point critique C, liquide et vapeur deviennent indiscernables. Au-dessus de la température critique, un gaz n’est plus liquéfiable. Lorsqu’on augmente la pression, la densité augmente considérablement et atteint des valeurs proches de celles des liquides. Dans ces conditions, les gaz supercritiques se comportent comme des solvants. Ainsi, le polyéthylène (vol. 13) est synthétisé dans l’éthylène supercritique à une température voisine de 250 °C et sous une pression supérieure à 200 MPa. Le polyéthylène se dissout dans l’éthylène supercritique. Généralement, le point de fusion augmente très peu avec la pression (dTm/dP~1K/kbar). Il existe quelques substances comme l’eau, le Bi et le Ga qui augmentent de volume lors de la cristallisation. Dans ce cas, on observe un abaissement du point de fusion lorsqu’on élève la pression. Notons que, de toute façon, la pression a peu d’influence sur les équilibres entre phases condensées (c’est-à-dire liquides ou solides), c’est pourquoi on peut négliger son influence dans la plupart des cas.
Alliages et diagrammes de phases
203
FIG. 8.5 Diagramme d’équilibre de phases d’une substance pure montrant les domaines de stabilité du solide cristallin, du liquide et de la vapeur. T = point triple, C = point critique, Tm(P1) = température de fusion à la pression P1 et Tv (P1) = température de vaporisation à pression P1.
La règle des phases de Gibbs permet de déterminer le nombre de phases p présentes dans un système en équilibre. Celle-ci peut s’écrire : p+f=n+2
(8.1)
Dans cette équation n représente le nombre de constituants du système. Si on considère un système en équilibre, il y a en tout n + 1 variables qui doivent être déterminées (n – 1 fractions molaires, T et P). Un certain nombre de ces variables peut être fixé arbitrairement sans changer l’état physique du système. C’est ce qu’on appelle le nombre de degrés de liberté ou la variance f du système. Dans les systèmes où la pression est fixée, la variance est automatiquement réduite d’une unité: p+f=n+1
(P = cste)
(8.2)
Appliquons la règle des phases au diagramme d’équilibre d’une substance pure (fig. 8.5). Pour une substance pure, n = 1 dans l’équation (8.1). On calcule que la somme de la variance f et du nombre de phases p, est toujours égale à trois. En d’autres termes la variance d’un système constitué d’une substance pure et comportant trois phases en équilibre, est égale à zéro. Il n’existe donc dans le diagramme d’équilibre qu’un seul point (le point triple T’ caractérisé par une valeur unique de P et de T) qui correspond à un équilibre triphasé. Les courbes OT’, T’B, et T’C de la figure 8.5 permettent de déterminer les températures et les pressions auxquelles deux phases peuvent coexister. Dans ce cas, la variance f est unitaire, c’est-à-dire que pour les points du système situés sur une de ces trois courbes, on peut choisir librement, soit la température, soit la pression (la seconde variable étant fixée par le choix de la première). Les domaines entre les courbes (OT’-T’B, T’B-T’C par exemple) constituent des régions du diagramme de phases où il n’existe qu’une seule phase en équi-
204
Introduction à la sciences des matériaux
libre. Dans ce cas, la variance f = 2 et l’on peut sélectionner dans certaines limites, de manière indépendante, la température et la pression. L’enthalpie libre G d’une phase est reliée à son enthalpie H et à son entropie S par la relation thermodynamique bien connue (Smith, 1990): G = H – TS
(8.3)
Comme l’entropie S des phases moins ordonnées est plus élevée, leur enthalpie libre G diminue plus rapidement avec la température que celle des phases plus ordonnées. C’est la raison pour laquelle l’enthalpie libre d’un cristal (fig. 8.6) varie moins rapidement que l’enthalpie libre d’un liquide. Celle-ci, à son tour, varie plus lentement que l’enthalpie libre d’un gaz qui correspond à un état désordonné de la matière.
FIG. 8.6 Variation à pression constante de l’enthalpie libre des trois phases stables d’une substance pure A en fonction de la température. Le point A correspond au point de fusion Tm, B au point d’ébullition T v, et C à une transition hypothétique entre le solide et la vapeur. La partie supérieure des courbes indiquées en traits maigres correspond à des états thermodynamiques hors d’équilibre.
Les différentes courbes de variations d’enthalpie libre molaire reprises à la figure 8.6, se recoupent en deux points A et B qui correspondent, à P constante, à des températures où la phase solide et la phase liquide (A) et les phases liquides et gazeuses (B) coexistent. Ces deux points A et B, où les enthalpies libres du cristal et du liquide, et du liquide et de la vapeur sont respectivement égales, définissent donc les températures de fusion Tm et d’ébullition Tv. La phase la plus stable possède toujours l’enthalpie libre la plus petite. Le point C marquerait une transition entre le solide cristallin et l’état gazeux. Au point triple, les trois courbes de variation d’enthalpie libre se recoupent en un point où A, B et C se confondent, ce qui détermine de manière univoque la température et la pression du point triple.
Alliages et diagrammes de phases
205
À pression constante, deux phases en équilibre possèdent donc la même enthalpie libre molaire. C’est en égalant les enthalpies libres que l’on détermine, à pression constante, les températures d’équilibre de phases. De nombreuses substances pures existent sous plusieurs formes cristallines. Ce phénomène s’appelle allotropie ou polymorphisme. Un cas très important pour la science des matériaux est celui du fer qui existe à pression atmosphérique sous une forme cubique centrée (fer α ou δ = ferrite), ou sous la forme d’une structure cubique à faces centrées (fer γ = austénite) suivant les conditions de température.
8.3.2 Comportement des substances pures vitrifiables Comme nous l’avons déjà souligné au chapitre 3, le comportement des polymères (organiques et inorganiques) est assez particulier, car ils forment des liquides de viscosité élevée et difficiles à cristalliser. Il existe même un certain nombre de polymères organiques qui ont une structure moléculaire très irrégulière et qui sont incapables de cristalliser. C’est le cas des polymères vinyliques atactiques (§ 5.2.1) qui constituent une classe de thermoplastiques d’une très grande importance industrielle. À basse température, les liquides non cristallisables forment des verres. Ceux-ci conservent la structure désordonnée des liquides (absence d’ordre à grande distance) et ils sont comme les liquides optiquement isotropes et transparents. Les verres possèdent un certain nombre de propriétés de l’état solide cristallin. Ainsi, les verres ont un module élastique élevé. Le passage de l’état solide cristallin à l’état liquide se marque par une variation importante et discontinue du volume et de l’enthalpie du système. La transformation du solide cristallin pur en liquide se produit à une température de fusion Tm bien déterminée. Dans le cas des verres, la transition solide-liquide (transition vitreuse) est beaucoup moins marquée. La mobilité des liquides, qui est mesurée par leur viscosité (§ 6.4.1), résulte d’une concentration élevée des volumes vides dont la taille peut atteindre celle d’un atome. La présence de ces volumes vides, qui ont une mobilité très grande, permet au liquide de s’écouler sous l’action de contraintes de cisaillement faibles. La diminution de volume qui accompagne le refroidissement des liquides comporte un terme vibrationnel et un terme configurationnel. Le terme vibrationnel est analogue à celui qui caractérise la variation de volume des solides cristallins. Il résulte d’une variation très faible des distances interatomiques moyennes en raison du changement d’amplitude des vibrations (anharmoniques) des atomes avec la température (fig. 8.7). L’ajustement de la distance interatomique moyenne en fonction de la température se produit en un temps extrêmement court. L’ajustement configurationnel de la structure des liquides qui se produit lors d’un changement de température est associé à une variation des volumes vides. Ce réajustement configurationnel n’est pas instantané. Il est caractérisé par un temps de réajustement (temps de relaxation) qui varie avec la température de manière exponentielle.
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FIG. 8.7 Variation progressive de la distance interatomique moyenne (de r 0 à r3). L’élévation de la température augmente la distance interatomique moyenne en raison du caractère anharmonique des vibrations des atomes. Celui-ci résulte de la forme de la fonction d’énergie potentielle U(r). La pente de la partie gauche de la courbe résultant des forces de répulsion entre atomes est en effet plus raide en valeur absolue que la pente de la partie droite induite par les forces d’attraction.
Lorsqu’on abaisse la température d’un liquide polymère non cristallisable, le temps de réajustement configurationnel devient très grand. La viscosité de ces liquides atteint alors des valeurs très élevées (η = 1013 Pa s). Par comparaison, la viscosité de l’eau n’est que de 10–3 Pa s. L’allongement du temps de réajustement configurationnel de la structure des liquides va de pair avec une diminution importante du coefficient d’expansion volumique (dérivée seconde de l’enthalpie libre) comme on le voit à la figure 8.8. Le polymère acquiert progressivement le comportement d’un solide élastique (verre) caractérisé notamment par un module d’élasticité élevé (E > 1 GPa). La courbe de variation de volume (dérivée première de l’enthalpie libre(∂G / ∂P)T =V) en fonction de la température comporte un point singulier caractérisé par une valeur double de la tangente. Cette température, qui marque la limite (extrapolée) entre le liquide visqueux et le solide amorphe (verre), est la température de transition vitreuse, T g . Comme on le voit à la figure 8.8, la température de transition vitreuse dépend de la vitesse de refroidissement T˙ = dT dt , et la transition entre le solide vitreux et le liquide n’est pas aussi bien marquée que la transition (Tm) entre le cristal et l’état liquide. En refroidissant le liquide vitrifiable à une vitesse plus lente, on permet au réajustement configurationnel de se produire à plus basse température, et la transition vitreuse est déplacée à température plus basse. Ainsi, lorsque la vitesse de refroidissement varie d’un ordre de grandeur, on observe que le point de transition vitreuse varie de 3 à 5 K pour les verres organiques. Il est donc plus exact de parler d’un domaine de transition vitreuse. Dans le domaine de transition vitreuse, la variation d’enthalpie libre s’écarte progressivement de la courbe correspondant à un état d’équilibre, et les configurations moléculaires sont figées dans un arrangement qui est fonction de l’histoire thermique du système. Un verre est donc dans un état thermodynamique hors d’équilibre.
Alliages et diagrammes de phases
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FIG. 8.8 Variation de l’enthalpie libre G et du volume spécifique ν lors de la vitrification d’un polymère organique non cristallisable à deux vitesses de refroidissement T˙ 1 et T˙ 2 . α g et αl sont les coefficients d’expansion volumiques du verre (g) et du liquide (l).
D’une manière générale, même les liquides cristallisables se vitrifient si on les refroidit suffisamment rapidement (chap. 9). En particulier, nous avons montré à l’exemple illustratif du chapitre 4 que certains alliages métalliques forment des verres si on les refroidit à des vitesses de l’ordre de 105 à 109 degrés par seconde. En d’autres termes, si on refroidit un liquide atomique ou un liquide de faible masse moléculaire à vitesse lente, on observe une variation discontinue de volume qui accompagne la cristallisation. La variation de volume est indiquée en trait gras à la figure 8.9 (b) et la variation d’enthalpie libre en trait gras à la figure 8.9 (a). Par contre, si la vitesse de refroidissement est très élevée, la cristallisation ne se produit pas; on suit alors les courbes de variation de volume V et d’enthalpie libre G données à la figure 8.9. La transition vitreuse est une transition dans une phase qui se caractérise par le blocage de certains degrés de liberté liés aux mouvements de translation des atomes, des molécules ou des segments de macromolécules. En fait, à l’état vitreux, on a figé la structure de l’état liquide en bloquant les mouvements de translation des atomes ou des molécules. Il est important de bien faire la différence entre système stable, métastable ou instable. Un système stable à un composant est entièrement déterminé si on connaît deux variables intensives du système: la pression et la température. Comme exemple de système stable, citons le cas d’un cristal à T < T m et d’un liquide à T >Tm . À P constant, un état stable est caractérisé par une valeur minimum de l’enthalpie libre G.
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FIG. 8.9 Variation de l’enthalpie libre G (a) et du volume spécifique: (b), en fonction de la température T pour l’état cristallin, le liquide et le verre. T˙1 et T˙ 2 représentent des vitesses de refroidissement différentes ( T˙ 1 < T˙ 2 ). En trait gras, on a représenté les courbes correspondant à l’équilibre thermodynamique. L’état instable est indiqué en traits pointillés.
Quand un système en état d’équilibre thermodynamique est écarté de ces valeurs d’équilibre par une perturbation, il tend à revenir spontanément à l’équilibre lorsque la perturbation cesse. À une même température, un système peut exister sous plusieurs phases caractérisées chacune par une valeur de l’enthalpie libre. C’est ainsi qu’au voisinage de T m , un système peut être à l’état liquide ou à l’état solide. Chacune de ces phases est caractérisée par une fonction G(T, P) distincte. En principe, à une température déterminée, c’est la phase qui possède l’enthalpie libre minimum qui est réalisée. Dans certaines conditions, (Tm ou Tv), il y a coexistence de deux phases distinctes caractérisées par la même valeur de G (fig. 8.6). Cependant dans certain cas, on constate l’existence de phases qui ne correspondent pas à la valeur minimum de G. Ainsi, si on refroidit un liquide à T < Tm,, on observe
Alliages et diagrammes de phases
209
fréquemment que, dans un certain intervalle de température (jusqu’à 400 °C dans les métaux), le liquide ne cristallise pas. Il est alors caractérisé par une valeur de la fonction d’enthalpie libre G(T, P) qui est supérieure à la valeur de l’enthalpie libre du cristal. On parle alors de liquide en surfusion qui se trouve dans un état métastable. Si le liquide en surfusion ne se transforme pas en cristal, c’est parce qu’il existe une barrière de potentiel à franchir liée à la germination (sect. 9.3). Dans la figure 8.9, les courbes de variation thermique de l’enthalpie libre pour des phases stables sont indiquées en trait gras et celles correspondant aux phases métastables en trait maigre. Il nous reste à distinguer entre état métastable et état instable. Un état métastable est séparé de l’état stable par une barrière de potentiel. Dans le cas d’un système instable, la barrière de potentiel entre l’état instable et l’état stable (ou métastable) est nulle. C’est le cas des verres qui sont caractérisés par un volume libre excédentaire par rapport au liquide correspondant. Si l’on porte un verre à une température voisine de son Tg , le volume vide excédentaire diminue progressivement. La barrière de potentiel liée à ce phénomène est très petite et le volume des verres peut évoluer tant qu’il n’a pas atteint sa valeur limite qui est celle du volume des liquides (stables ou métastables) correspondants. Les liquides polymères inorganiques, comme la silice fondue ou le verre à vitre fondu, cristallisent très difficilement, et lorsqu’on les refroidit, ils forment en général des verres inorganiques. La température de transition vitreuse du verre à vitre est de l’ordre de 750 K. Dans le cas des verres inorganiques, Tg varie d’environ 15 K lorsque la vitesse de refroidissement varie d’un ordre de grandeur. Dans le cas des polymères organiques, il existe des polymères semi-cristallins (§ 5.2.3). Ceux-ci comportent simultanément une phase microcristalline et une phase amorphe. Si on refroidit les liquides polymères organiques cristallisables à une vitesse lente ou très lente (la vitesse dépend de la structure de la chaîne polymère), on observe une première transition qui est associée à la cristallisation partielle du polymère; celle-ci est suivie à basse température d’une transition vitreuse (Tg) qui est caractéristique de la phase amorphe (fig. 8.10). Si on refroidit le polymère organique cristallisable à très grande vitesse, le polymère n’a pas le temps de cristalliser et on n’observe que la transition vitreuse. Les courbes de réchauffage des polymères semi-cristallins sont quasiment identiques aux courbes de refroidissement, pour autant qu’il s’agisse de polymères cristallisant aisément, comme le polyéthylène linéaire par exemple, et que les vitesses de réchauffage et de refroidissement soient très lentes. On observe que la fusion (ou la solidification) se déroule sur un domaine de température relativement large (jusqu’à 50 K). Ceci résulte de la présence de microcristaux lamellaires de faible épaisseur (chap. 10) et caractérisés par une surface spécifique élevée. Pour les polymères, on définit la température de fusion Tm comme la température à laquelle la dernière trace de cristallinité disparaît à la réchauffe. Ce point diffère en général notablement (jusqu’à 100 K dans certains cas) du point de fusion thermodynamique Tm0 qui correspond à la fusion d’un macrocristal de polymère.
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FIG. 8.10 Variation du volume spécifique en fonction de la température T pour un polymère cristallisable refroidi très lentement (1) et pour le même polymère trempé (2). L’intervalle T m –T g est de l’ordre de 150 à 200 K. La largeur de la zone de fusion atteint 50 K.
Mentionnons enfin que la fraction cristalline varie considérablement d’un polymère à l’autre en fonction de la flexibilité de la chaîne: pratiquement depuis 80% pour le PE linéaire très flexible jusqu’à 25-30% pour le PET beaucoup plus rigide.
8.4 ÉQUILIBRE DE PHASES DANS LES SYSTÈMES BINAIRES 8.4.1 Miscibilité de deux constituants Nous examinerons dans cette section les conditions dans lesquelles un mélange de deux constituants en équilibre forme une solution (solide ou liquide), ou existe sous la forme de deux phases solides ou liquides distinctes. On a représenté à la figure 8.11 la variation de l’enthalpie libre de mélange Gm pour une phase α à température et à pression constantes en fonction de la composition. a à X B = 0 et XB = 1 correspondent respectivement à l’enthalLes valeurs de Gm pie libre des constituants A et B purs. Cette grandeur thermodynamique varie avec la température comme cela est indiqué en (8.3). Lorsque le système A-B comporte deux phases dont l’une (α ) est solide et l’autre (l) est liquide, on obtient deux courbes (une pour chaque phase) de variation de l’enthalpie G (fig. 8.12(a)) en fonction de la fraction molaire XB. On remarque que l’allure des deux courbes d’enthalpie libre est similaire. La forme de la courbe ainsi que les valeurs de l’enthalpie libre des constituants purs (X B = 0 ou XB = 1) varient avec la température.
Alliages et diagrammes de phases
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FIG. 8.11 Variation de l’enthalpie libre de mélange Gm pour une phase α à T et P constantes en fonction de la fraction molaire de l’élément B.
En examinant la figure 8.12(a), on observe que pour des concentrations inférieures à X 0, l’enthalpie libre du solide α est inférieure à celle du liquide l. Pour des concentrations supérieures à X 0, c’est l’inverse qui se produit ( Gml < Gmα ). Comme à T et P constants, les systèmes les plus stables sont ceux dont l’enthalpie libre est la plus petite, le cristal α est plus stable que le liquide l aux concentrations XB comprises entre 0 et X0. Entre X0 et l’unité c’est l’inverse qui se produit, c’est la phase liquide l qui est favorisée. Au voisinage de la concentration en X 0, il y a cependant une possibilité complémentaire de diminuer l’enthalpie libre de mélange Gm, et d’arriver à un système plus stable (fig. 8.12(b)). Ainsi, en effectuant un mélange des deux phases α et l dans des concentrations globales comprises entre les valeurs Xeα et Xel données par la tangente commune aux deux courbes, on obtient un système biphasé encore plus stable que ceux formés par les deux phases α ou l prises isolément. Pour les concentrations globales X telles que Xeα ≤ X ≤ Xel , le système le plus stable est formé d’un mélange de deux phases, de composition respective Xeα et Xel , prises dans des proportions telles que la composition globale du système soit donnée par X, c’est-à-dire que la relation suivante soit satisfaite: Xeα fα + Xel fl = X
(8.4)
Pour le système binaire repris à la figure 8.12, on trouve, pour une pression et une température considérées, trois régions de concentrations distinctes: pour 0 < X < Xeα , le cristal α constitue la phase la plus stable (région homogène). C’est celle qui est effectivement observée à l’équilibre. Si Xel < X< 1, c’est la phase liquide la seule phase stable. Entre les concentrations Xeα < X < Xel , on trouve un mélange hétérogène de deux phases, l’une est constituée par le solide α et l’autre par le liquide l qui sont en équilibre thermodynamique. La généralisation du concept développé ici va nous permettre de construire un diagramme d’équilibre de phases appelé aussi diagramme de phases.
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FIG. 8.12 Variation à T et P constants de l’enthalpie libre molaire G d’un système binaire: (a) enthalpie libre de mélange d’un système binaire A, B contenant une phase solide α et une phase liquide l. Les fonctions G α et G l , qui donnent respectivement les variations de l’enthalpie libre des m m phases α et de l, se coupent en G 0 qui correspond à la concentration X 0; (b) partie du diagramme correspondant au mélange hétérogène ( Xea et Xel ).
Le diagramme d’équilibre de phases (à P constant) des constituants A et B, solubles en toute proportion à l’état solide et à l’état liquide, est représenté à la figure 8.13 (g). Celle-ci indique qu’à basse température, c’est la phase cristalline α qui est la plus stable, tandis qu’à haute température, c’est la phase liquide qui devient stable. Dans le domaine de température compris entre les points de fusion TA et TB des constituants purs, on a la formation d’un domaine en forme de «fuseau» (en hachure à la fig. 8.13 (g)) où le système se présente sous une forme biphasique constituée d’une phase α et du liquide l. Les concentrations marquant la limite entre le domaine biphasique et la phase liquide, d’une part (courbe liquidus), et celles marquant la limite entre la phase solide α et le domaine biphasique (courbe solidus), d’autre part, sont déterminées en construisant, comme à la figure 8.12, la tangente commune aux courbes d’enthalpie libre Gmα et Gml . Cela est aussi schématisé aux figures 8.13(c) et
Alliages et diagrammes de phases
213
FIG. 8.13 Système binaire formé de deux constituants A et B totalement miscibles. Variation de l’enthalpie libre de mélange du système (a à f) et diagramme d’équilibre de phases (g).
(d). On remarque également (fig. 8.13(b) et (e)) qu’au point de fusion des composants A et B purs, Gmα et Gml sont égaux, c’est-à-dire qu’à TA on a GAl = GAα et à TB, on a GBl = GBα . Pour comprendre les variations de miscibilité importantes que l’on observe pour certains systèmes binaires, il faut étudier de manière plus approfondie les variations de la forme des courbes d’enthalpie libre de mélange G m (X). Dans l’exemple de la figure 8.13, la forme des courbes Gm (X) varie très peu avec T. Il existe d’autres systèmes où l’allure de ces courbes varie de manière considérable avec la température. C’est le cas en particulier des courbes Gm (X) reportées à la figure 8.14 pour un système binaire présentant une lacune de miscibilité. On note à la figure 8.14 que G m (XB) augmente lorsque la température diminue. Cette observation est à mettre en relation avec l’expression de l’enthalpie libre G . À
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Introduction à la sciences des matériaux
FIG. 8.14 Formation d’une lacune de miscibilité: (a) variation de l’enthalpie libre de mélange d’un système formé de deux constituants A et B présentant une lacune de miscibilité; (b) diagramme d’équilibre de phases.
la température critique Tc, il y a formation d’un point à courbure nulle dans la courbe de la fonction Gm (XB). Aux températures inférieures à Tc, il existe dans Gm (XB) un maximum qui est situé entre deux minima. À T < Tc la phase unique de structure α se scinde en deux phases de même structure α mais de composition différente, donnée à la figure 8.14 par αl et α 2 (à T1 ) et α1′ et α 2′ (à T 2). Les compositions de α 1 et α2 sont déterminées à chaque température en fonction de la tangente commune aux courbes de la figure 8.14(a). Le diagramme de phases de la figure 8.14(b) représente la limite de stabilité de la phase α en fonction de T. Si T > Tc, la solubilité de A et de B dans α est complète. À T < T c on observe la formation d’une lacune de miscibilité qui est hachurée sur le diagramme de phase. Dans ce domaine, le système biphasé est plus stable que le système monophasé. Comme nous l’avons déjà mentionné au paragraphe 7.2.2, la solubilité augmente généralement avec la température.
Alliages et diagrammes de phases
215
Un diagramme d’équilibre permet non seulement de déterminer la limite de solubilité des éléments en fonction de la température ainsi que les domaines de coexistence de deux phases, mais également de calculer les quantités relatives des phases en équilibre isotherme. Dans ce contexte il faut souligner que la lecture d’un diagramme de phases doit toujours se faire de façon isotherme, c’est-à-dire selon des lignes parallèles à l’axe des concentrations. À la figure 8.15, on a repris le diagramme en fuseau pour le système Ni—Cu qui est miscible en toute proportion. A l’encart (b) de la figure 8.15, qui donne à une échelle plus grande une portion du diagramme en fuseau, on montre comment on détermine les quantités relatives des phases en équilibre en appliquant la règle dite des segments inverses à T’ et à X. En notant que fα + fl = 1, on démontre aisément au départ de l’équation (8.4) que les fractions des phases α et l sont données respectivement par: fα =
b a et fl = a+b a+b
(8.5)
Lorsque la concentration est donnée en fractions molaires, celles-ci sont convertibles en fractions volumiques connaissant le volume molaire des constituants.
FIG. 8.15 Détermination de la quantité relative des phases par la règle de segments inverses: (a) diagramme d’équilibre Ni—Cu. En (b), un agrandissement montre le principe de la règle des segments inverses.
8.4.2 Diagrammes de phases à solubilité complète - Analyse thermique Le diagramme de phases le plus simple est celui où les deux constituants A et B sont miscibles en toute proportion aussi bien à l’état solide qu’à l’état liquide. Le nombre de systèmes binaires formant une seule phase cristalline à l’état solide est relativement limité. Dans le cas des métaux, les conditions qui permettent de prévoir si deux éléments métalliques sont aptes à former une solution solide, sont définies par les règles de Hume-Rothery.
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Pour que deux éléments puissent former une solution solide dans tout le domaine des concentrations, il est indispensable: • qu’ils cristallisent suivant le même système cristallin; • que la taille des atomes ne diffère pas de plus de 15%; • que les éléments aient la même valence; Les règles de Hume-Rothery ne sont pas des lois absolues. Elles constituent néanmoins un outil très utile pour prévoir les possibilités de solubilité de deux éléments. Les systèmes Ni-Cu (fig. 8.15) et Au-Ag constituent deux exemples où les règles sont applicables. Les règles de Hume-Rothery sont également utilisées pour les alliages céramiques. Ainsi l’alliage céramique MgO–NiO forme également un système complètement miscible obéissant aux règles de Hume-Rothery. Ces deux oxydes cristallisent suivant un système cubique à faces centrées, les nœuds du réseau étant occupés par les anions oxygènes. Les cations Mg et Ni occupent des sites interstitiels qui sont de taille suffisante pour accueillir indifféremment l’un ou l’autre cation. La construction des diagrammes de phases peut se faire au départ des courbes de refroidissement (analyse thermique). Dans ce type de manipulation, on mesure, à l’aide d’un thermocouple, l’évolution de la température du système en fonction du temps pendant le refroidissement ou la réchauffe. Toute variation discontinue de l’enthalpie liée à un changement de phase (diminution ou augmentation d’enthalpie), qui se marque par une libération ou une absorption de chaleur latente, entraîne un changement de la pente de la courbe de refroidissement ou de réchauffe. (On utilise aussi pour la construction des diagrammes de phases, la microcalorimétrie différentielle (Differential Scanning Calorimetry-DSC) où l’on enregistre les variations d’enthalpie ou de capacité calorifique vis-à-vis d’une référence connue. La DSC est une méthode plus sophistiquée et plus sensible.) En utilisant des vitesses de refroidissement très lentes, on réduit au maximum l’influence des phénomènes cinétiques, c’est-à-dire des effets liés à la vitesse de formation des phases (sect. 9.3). Tout au moins pour les liquides et dans le cas de systèmes se transformant rapidement (les métaux par exemple), les températures de transformation déterminées par analyse thermique sont pratiquement égales aux températures de transformation thermodynamique. On peut ainsi, dans un grand nombre de cas, déterminer les diagrammes d’équilibre en observant le ralentissement du refroidissement lorsque la transformation étudiée se produit (transformations exothermiques: solidification, précipitation à l’état solide,…). On met par exemple en évidence, par analyse thermique, le passage de l’état liquide à l’état cristallin dans les alliages métalliques (fig. 8.16). Pour une substance pure, il se produit un palier dans la courbe de refroidissement car la diminution d’enthalpie (apparition de la chaleur latente) se produit à une seule température (Tm). Pour les alliages, on n’observe généralement pas de palier dans la courbe de refroidissement mais un ralentissement du refroidissement plus ou moins prononcé entre les températures limites du liquidus et du solidus.
Alliages et diagrammes de phases
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FIG. 8.16 Relation entre les courbes d’analyse thermique et le diagramme d’équilibre de phases dans le cas d’un système binaire complètement miscible (a); courbes d’analyse thermique (b); diagramme température, temps, composition (c). La courbe de refroidissement ne montre pas de palier pendant le changement de phase en raison de l’existence d’un intervalle de transformation l–α (d’après Eisenstadt, 1971).
8.4.3 Miscibilité partielle à l’état solide: système à point de fusion minimum Lorsque le diagramme de variation d’enthalpie libre de la phase cristalline en fonction de la composition possède deux minima séparés par un maximum (fig. 8.14), le diagramme de phases correspondant présente à l’état solide une lacune de miscibilité. Dans ce cas, on observe en général que la courbe d’équilibre solide-liquide comporte un point de fusion minimum. Les courbes de liquidus et de solidus présentent alors un point de contact intermédiaire ayant une tangente horizontale (système
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Introduction à la sciences des matériaux
Au–Ni) (fig. 8.17). À la concentration Xm, la solution solide et la solution liquide ont la même composition, la température du liquidus est la même que la température du solidus et la courbe d’analyse thermique, qui est caractérisée par un plateau, est semblable à celle des corps purs.
FIG. 8.17 Diagramme de phases du système or-nickel présentant un point de fusion minimum et une lacune de miscibilité à l’état solide. Notons qu’au minimum, les températures du liquidus et du solidus sont identiques.
Dans les systèmes similaires à ceux décrits à la figure 8.17, il apparaît souvent une lacune de miscibilité qui représente un domaine de séparation de phases. Dans ces systèmes complètement solubles (à l’état solide avec une seule phase α ) à T élevée, il se forme généralement au refroidissement deux phases α 1 et α 2 ayant la même structure cristalline. Fréquemment, il se forme dans des mélanges binaires (à l’état solide), deux types de solutions α et β caractérisées chacune par des structures cristallines différentes. Dans chacune des phases, la solubilité mutuelle de A dans B, et de B dans A, est limitée. Ainsi, la solution α est stable pour A pur et pour les faibles concentrations de B dans A, et la solution β pour B pur et pour les faibles concentrations de A dans B. Ces deux domaines sont séparés par une région biphasée α + β. Si le point de fusion des phases α et β est abaissé par la présence de l’autre élément, on obtient un diagramme eutectique. La construction de ce diagramme de phases est schématisée à la figure 8.18. A la température eutectique, TE, trois domaines biphasés s’interpénètrent : a) Le fuseau (α + l) qui est situé entre le point de fusion du constituant A (TA) ayant une structure α stable et celui du constituant B( TB′ ) ayant la même structure α qui correspond cette fois à un état métastable et qui est caractérisé par TB′ < TB. b) Le fuseau (β + l) qui est situé entre le point de fusion TB du constituant B ayant une structure β stable et le point de fusion ( TA′ ) qui correspond pour le constituant A à une structure métastable β et qui est caractérisé par TA′ < TA.
Alliages et diagrammes de phases
219
FIG. 8.18 Construction d’un diagramme eutectique pour deux constituants A et B cristallisant suivant deux structures cristallines différentes α et β: (a) représente le diagramme en fuseau des constituants A et B cristallisant suivant la structure α; (b) représente le diagramme en fuseau des constituants A et B cristallisant suivant la structure β; (c) les domaines de solubilité des solutions solides B dans A suivant la structure α et de A dans B suivant la structure β. On remarque qu’une partie de ces diagrammes est métastable (indiqué en tireté), c’est-à-dire que TA > TA′ et TB > TB′ ; (d) combinaison des diagrammes d’équilibre a, b et c (parties stables seules) pour former le diagramme d’équilibre de phases de l’eutectique; (e) équilibre à trois phases à la température eutectique: lE = αE + βE.
c) La région biphasée déterminée par les deux lignes de solubilité maximale de B dans α et de A dans β.
220
Introduction à la sciences des matériaux
A la température TE et à la composition XE, trois phases sont en équilibre : les solutions solides α E et β E, la solution liquide l E. Comme la pression est fixée et que le nombre de constituants du système est égal à 2, on calcule au départ de l'équation 8.2 une variance égale à zéro. Le point eutectique (TE, XE) est donc unique pour le système considéré qui ne comporte que trois phases en équilibre et dont on a fixé la pression, ce qui est pratiquement toujours le cas lorsqu'on étudie les diagrammes d'équilibre des phases condensées. Le système argent-cuivre constitue un exemple de système eutectique (fig. 8.19). On observe que les diagrammes d'analyse thermique des compositions 1 et 4 des constituants purs et de l'alliage eutectique sont du même type, c'est-à-dire qu'ils com portent un arrêt durant toute la transformation. Les courbes de refroidissement de la composition 2 situées en dehors du plateau eutectique ne présentent qu’un ralentissement de refroidissement comme dans l'exemple 2 de la figure 8.16(b). Pour les compositions situées entre les points de solubilité maximale de phases α et β, les courbes de refroidissement présentent, après un ralentissement du refroidissement, un arrêt de durée variable pendant lequel le liquide résiduel se transforme en un solide biphasé eutectique.
FIG. 8.19 Exemple d'un alliage formant un eutectique : (a) le diagramme d'équilibre de phases du système argent-cuivre, et (b) les courbes d'analyse thermique 1-5 repérées sur le diagramme d'équilibre. (1): polycristal de α pur; (2): polycristal de solution solide α; (3) solution solide de cristaux α entourés de l’eutectique biphasé (α + β ); (4) polycristal eutectique (α + β ); (5) solution solide de cristaux β entourés de l’eutectique biphasé ( α + β).
Lorsque les fuseaux caractérisant les équilibres liquide-solide α, et liquide-solide β , sont inclinés de manière similaire par rapport à l'axe des concentrations, on a affaire à un diagramme péritectique. La construction du diagramme de phases, schématisée à la figure 8.20, est analogue à celle du diagramme eutectique de la figure 8.18. A la composition P, il existe à Tp trois phases en équilibre : la solution solide α , la solution solide β et la solution liquide l, et en accord avec la règle des phases et en considérant de nouveau que la pression est fixée, on calcule encore ici une variance nulle pour le point péritectique P. On retrouve un exemple d'un système binaire péritectique dans le diagramme fer-carbone, proche du point de fusion du fer (fig. 8.23(b)).
Alliages et diagrammes de phases
221
FIG. 8.20 Diagramme binaire avec point péritectique construit au départ des diagrammes de phases correspondant aux différents équilibres envisageables (a à c). Le diagramme péritectique (d) s'obtient en combinant, comme à la figure 8.18, les trois diagrammes (a), (b) et (c). (e) Équilibre à trois phases à la température péritectique TP: lP + αP = βP.
8.4.4 Systèmes comportant des phases intermédiaires Il apparaît dans certains diagrammes d'équilibre des composés intermédiaires (appelés intermétalliques dans le cas des métaux), ayant une composition chimique bien déterminée. Dans le cas du diagramme de phases du système cuivre-magnésium par exemple (fig. 8.21), on note la formation de deux composés intermétalliques de formule MgCu2 et Mg2Cu. Ces composés intermétalliques, qui n'existent qu'à l'état solide, possèdent une structure cristallographique bien déterminée et généralement complexe. Nous avons, à titre d'exemple, représenté la structure de MgCu 2 à la figure 8.22.
222
Introduction à la sciences des matériaux
Il y a également formation de composés intermédiaires dans les cas de certaines céramiques qui représentent déjà elles-mêmes des composés chimiques ayant une composition bien déterminée. Ainsi MgO et SiO 2 forment deux produits stables (système ternaire): la forstérite (Mg2SiO4) et l'enstatite (MgSiO3) (§ 8.5.2). Dans le diagramme cuivre-magnésium (fig. 8.21), on note la présence successive de trois diagrammes eutectiques distincts entre Cu et MgCu2 , entre MgCu2 et Mg2Cu, et entre Mg2Cu et Mg. Cette façon de décomposer les diagrammes de phases complexes en une suite de diagrammes simples les rend beaucoup plus faciles à analyser. Par exemple, quand on a affaire à des alliages riches en Cu (0 < XMg < 0,33), on ne considère que la partie eutectique Cu–MgCu2 . Les autres eutectiques n'interviennent pas dans cette gamme de concentrations. Le même raisonnement est valable pour les autres régions du diagramme. On remarque également que Cu et MgCu2 peuvent former des solutions solides, alors que Mg et Mg2Cu sont caractérisés par une solubilité très faible (domaine de solubilité inférieur à l'épaisseur du trait du dessin). Certains métaux forment, avec le carbone, des composés intermédiaires appelés carbures, comme le carbure de tungstène (WC) et la cémentite (Fe 3C). Cette classe de composés a une très grande dureté. On les trouve dans les aciers et dans les métaux durs.
8.5 EXEMPLES D'APPLICATION 8.5.1 Alliages métalliques: fer-carbone Les alliages fer-carbone, c'est-à-dire les aciers et les fontes, jouent un rôle capital dans la technologie actuelle. Malgré l'apparition de nouveaux matériaux venant concurrencer les aciers, le système fer-carbone reste d'une grande importance pour le monde industrialisé. Le diagramme d'équilibre fer-carbone est très complexe, mais il peut être décomposé en une série de diagrammes simples. En réalité, il existe dans le cas du système Fe-C deux diagrammes d'équilibre possibles, l'un stable : Fe-C (graphite) et l'autre métastable : Fe-Fe3C (cémentite). Pour des aciers (contenant peu de carbone < 1% en poids) on peut se limiter à l'étude du système métastable, car dans les conditions pratiques il y a toujours formation de cémentite (fig. 8.23). Nous avons vu que le fer pur existait à l'état solide sous deux variétés allotropiques : une forme cubique centrée (fer α et δ) et une structure cubique à faces centrées (fer γ). Ces variétés allotropiques sont stables dans des domaines de température bien définis. Ainsi, le fer pur α (cubique centré) est stable jusqu'à 912 °C (fig. 8.23 (c)). À cette température, il se transforme en fer γ (cubique à faces centrées). Celui-ci reste stable jusqu'à 1394 °C (fig. 8.23 (b)). À cette température, il se retransforme en un cristal cubique centré : le fer δ qui fond à 1538 °C. En réalité le fer α et le fer δ constituent deux phases identiques et correspondent à la même variété allotropique. Si nous continuons à faire la distinction ici, c'est uniquement pour des raisons d’usage.
Alliages et diagrammes de phases
223
L'adjonction d'un second élément à un métal qui possède une, ou plusieurs transformations allotropiques, modifie généralement les températures d'équilibre de cellesci. Ainsi, d'après le diagramme métastable Fe-Fe3 C (fig. 8.23(a)), la phase γ (austénite) est stable à une concentration en carbone de 0,17% (dans cet exemple, les pour-cent représentent toujours un pourcentage en poids) jusqu'à 1495 °C (fig. 8.23(b)). Aux basses températures, la phase γ reste stable jusqu'à une température de 727 °C pour une concentration en carbone de 0,8% (fig. 8.23(c)). Une caractéristique essentielle du système fer-carbone réside dans la variation importante de la solubilité du carbone avec la structure cristalline de la solution solide, comme nous l'avons déjà mentionné (fig. 7.4 (b)). Le carbone, rappelons-le, est présent sous forme interstitielle dans les structures cristallines α et γ. L'austéniteγ (cfc) peut dissoudre jus-
FIG. 8.21 Diagramme d'équilibre de phases du système cuivre-magnésium avec formation de deux composés intermétalliques, MgCu2 et Mg2Cu. La concentration XMg est donnée en fraction molaire.
FIG. 8.22 Structure du composé intermétallique MgCu 2 (d'après Westbrook, 1967).
224
Introduction à la sciences des matériaux
qu'à 1,98% de carbone à 1148 °C , alors que la ferrite α n'en dissout au maximum que 0,02% à l'équilibre et la ferrite δ 0,09%. Le comportement aux températures élevées et aux faibles concentrations en carbone est décrit par le péritectique représenté à la figure 8.23(b). Comme nous l'avons → δ du déjà mentionné, l'introduction de carbone a pour effet d'élever la transition γ ← fer de 1394 à 1495 °C et d'abaisser la température de fusion du fer δ de 1538 à 1495oC. A cette température, pour une concentration globale en carbone de 0,17%, on trouve un point péritectique où trois phases sont en équilibre: une solution solide de fer δ contenant 0,09% de carbone, une solution solide de fer γ et de carbone (0,17%), et une solution liquide de fer et de carbone (0,53%).
FIG. 8.23 Diagramme fer-cémentite (Fe3C) : (a) diagramme métastable utilisé pour les aciers et fontes blanches; (b) détail du domaine d'équilibre péritectique; (c) détail du domaine d'équilibre eutectoïde. La concentration en carbone est donnée en % poids.
→ α est abaissée par l'addition de carbone La température de transformation γ ← de 912 °C à 727 °C (fig. 8.23(c)). À cette température se trouve une transformation eutectoïde. Celle-ci a les mêmes caractéristiques qu'une transformation eutectique, mis à part le fait que la transformation s'opère à partir d'une solution solide γ, et non d'une solution liquide. À la température eutectoïde, il existe trois phases en équilibre: une solution solide γ (austénite) contenant 0,8% de carbone, une solution solide α avec 0,02% C (ferrite) et la cémentite (Fe3C) avec 6,7% C. Pour des concentrations en carbone plus élevées (C > 1,98%, fig. 8.23(a)) on note l'existence d'une transformation eutectique caractérisée par une solution liquide
Alliages et diagrammes de phases
225
contenant 4,3% C, une solution solide de fer γ (1,98% C-austénite), et de la cémentite (Fe3C) qui contient 6,7% C. Les alliages de composition eutectique contenant de la cémentite Fe3C sont appelés fonte blanche. Nous aurons l'occasion de revenir plus en détails sur le diagramme fer-carbone au chapitre suivant, lorsque nous étudierons les microstructures résultant des traitements thermiques. 8.5.2 Alliages céramiques: silice-alumine L'étude des diagrammes de phases permet également de comprendre et de prévoir les phénomènes de fusion et de cristallisation qu'on rencontre lors de l'élaboration des céramiques. Cependant, pour la plupart des alliages céramiques, les réactions chimiques sont incomplètes et l'équilibre est rarement atteint en raison de leur haut point de fusion. Finalement, il faut faire remarquer que l'élaboration des céramiques met souvent en jeu des réactions se déroulant au moins partiellement à l'état solide. C'est le cas, par exemple, du frittage en phase solide, très utilisé dans la préparation des céramiques. Les constituants des diagrammes de phases des céramiques sont souvent des composés chimiques constitués de divers éléments se partageant un élément commun: l'oxygène. Ces diagrammes montrent des équilibres de phases assez similaires à ceux rencontrés dans les matériaux métalliques. Par exemple, les systèmes Al2O3–Cr2O3 ou NiO–MgO ont des diagrammes de phases dont l'allure s'apparente à celle des systèmes métalliques à miscibilité totale tel que le cuivre-nickel. La figure 8.24 montre le diagramme des phases du système silice (SiO2)–alumine (Al2O 3). Chaque phase est désignée par sa dénomination minéralogique (mullite, corindon) définissant des structures cristallines différentes, au même titre que la silice est souvent caractérisée par ses variétés allotropiques (quartz, cristobalite, etc.). Ainsi, la fusion de 70% de si-
FIG. 8.24 Diagramme d'équilibre des phases du système céramique alumine (Al2O3)-silice (SiO2). La solubilité de Al2O3 dans SiO2 et de SiO2 dans Al2O3 est très faible (< largeur du trait). Le diagramme est donné avec deux concentrations C : concentration en moles et concentration en poids.
226
Introduction à la sciences des matériaux
lice et de 30% d'alumine (en poids) donne une brique réfractaire qui, après refroidissement, est caractérisée par une microstructure composée de gros cristaux de mullite agglomérés par un mélange de petits cristaux de mullite et de cristobalite à structure eutectique. D'après le diagramme de phases de la figure 8.24, la brique réfractaire, qui ne contient que deux composés chimiques (SiO2 et Al 2O3), reste à l'état solide jusqu'à la température eutectique de 1595 °C.
8.5.3 Miscibilité dans les mélanges de polymères - Les copolymères On obtient des matériaux métalliques et céramiques ayant des propriétés physiques et des caractéristiques technologiques extrêmement variées par la voie des alliages. On pourrait penser qu’il serait possible d’obtenir une gamme de matériaux ayant des propriétés très diversifiées en mélangeant, dans des proportions variables, des polymères ayant des propriétés très différentes comme, par exemple, le polybutadiène (élastomère) et le polystyrène (verre organique) . Il est très difficile d’obtenir des alliages de polymères en mélangeant plusieurs macromolécules de structure chimique différente car la grande majorité des polymères ne forment pas de solution, ni à l’état liquide, ni à l’état solide a fortiori. Comme nous l’avons vu au début de ce chapitre, pour que deux constituants A et B puissent former un mélange homogène, il faut que l’enthalpie libre de mélange ∆Gm soit négative et qu’il ne se produise pas dans le diagramme de phases de maximum intermédiaire comme c’est le cas à la figure 8.14. L'enthalpie libre de mélange ∆Gm est donnée par l'expression: ∆Gm = ∆Hm – Τ∆Sm
(8.6)
Dans le cas de mélanges de substances organiques de faible masse molaire, l’enthalpie de mélange ∆Hm est en général positive (mélange endothermique). Cet effet défavorable sur le processus de mélange est entièrement compensé par une augmentation très importante de l'entropie configurationnelle qui résulte d'un accroissement considérable du désordre lors du mélange de A et de B. On a: Τ∆S m > ∆H m > 0 et ∆G m < 0
(8.7)
ce qui entraîne la miscibilité de A et de B. Pour les macromolécules, la situation est sensiblement différente. Les interactions intermoléculaires ne dépendent pas de la masse moléculaire des molécules et dans un volume déterminé, l'enthalpie ∆H m de mélange qui est pratiquement indépendante de la masse molaire reste, en général, positive. Par contre, le nombre de configurations que prennent les molécules se réduit et l’entropie de mélange ∆S m diminue de manière importante lorsque la masse molaire augmente. On montre que l’entropie de mélange ∆Sm devient très petite lorsque la longueur de la chaîne est élevée. Comme ∆H m est, en général, plus grand que zéro, ∆Gm reste positif et le mélange de deux macromolécules de structure chimique différente est la plupart du temps impossible.
Alliages et diagrammes de phases
227
Le mélange de macromolécules ayant une structure chimique différente n’est possible que s’il existe entre ces macromolécules des interactions spécifiques. Cellesci sont de natures diverses comme des liaisons hydrogène (fig. 8.25) ou les complexes résultant d’un transfert d’électrons entre macromolécules riches et macromolécules pauvres (fig. 8.26) La réalisation de matériaux polymères contenant plusieurs types de motifs structuraux est, d'ordinaire, exécutée par l’intermédiaire de réactions chimiques, en synthétisant des copolymères, c’est-à-dire des macromolécules comportant des motifs constitutifs de structure chimique différente. Ainsi, par exemple, on réalise un copolymère qui contient un nombre déterminé de motifs constitutifs du polystyrène et de motifs constitutifs du polybutadiène parce qu’il n’est pas possible de réaliser un alliage de polystyrène et de polybutadiène par mélange physique.
H
C
H
H
C
C O
O
H
C
H
H
C
H
H
O
Liaison hydrogène
Poly(acide acrylique)
Polyoxyéthylène
FIG. 8.25 Interactions spécifiques entre les unités structurales de deux macromolécules: par liaisons hydrogène. Complexe
H CH3
CH3
C
H
C
H
O Polystyrène Poly2,6-diméthyl-1,4-phénylène-oxyde FIG. 8.26 Interactions spécifiques entre les unités structurales de deux macromolécules: par complexes donneur-accepteur.
Nous avons vu au chapitre 5 que pour synthétiser un polymère, on utilise un précurseur qui est un monomère, c’est-à-dire une molécule comportant par exemple un radical vinyle réactif. Ainsi, le polystyrène s’obtient au départ du styrène suivant la réaction (a) de la figure 8.27.
228
Introduction à la sciences des matériaux
Pour synthétiser un copolymère, on utilise, comme milieu réactionnel, un mélange de monomères. Ces mélanges de petites molécules forment à la température de synthèse (de 50 à 150 °C généralement) des solutions liquides homogènes. Ainsi, si on mélange, dans des proportions déterminées, le styrène et l’acrylonitrile, on obtient après réaction un copolymère de styrène et d’acrylonitrile SAN (fig. 8.27 (b)). D’une manière générale on obtient (fig. 8.27(c)), par copolymérisation des monomères A et B, un copolymère AmBn. Cette formule chimique donne la composition globale du copolymère. Le mode d’enchaînement des unités structurales A et B dans le copolymère varie fortement en fonction de la nature du catalyseur de la réaction. On distingue divers types de copolymères comme les copolymères statistiques où la répartition des unités structurales A et B est aléatoire (fig. 8.28(a)). On synthém ( CH2
Amorceur
CH )
CH2
CH
(a) m
m ( CH2
CH ) + n ( CH2
CH)
Amorceur
CH2
CH
CH2
CH CN n
CN (b) m styrène
(c) m A
+
nB
+
acrylonitrile
Amorceur
→
copolymère SAN
Am B n
FIG. 8.27 Synthèse des copolymères: (a) homopolymérisation du styrène pour former le polystyrène; (b) copolymérisation d’un mélange liquide de deux monomères A (styrène) et B (acrylonitrile) donne un copolymère A mBn (SAN); (c) généralisation de la réaction de copolymérisation. La structure moléculaire du copolymère est fonction de la nature du catalyseur.
tise également des copolymères où la répartition des unités structurales se fait en séquences homogènes. On distingue ainsi les copolymères greffés (fig. 8.28(b) et les copolymères à blocs (fig. 8.28(c) et (d)). Dans le cas des copolymères greffés, la chaîne principale est exclusivement constituée d’unités structurales A. Les greffons ne comportent que des unités B. Les copolymères à blocs possèdent plusieurs séquences de structure homogène. On distingue ainsi les copolymères biblocs constitués de deux séquences homogènes (fig. 8.28(c)), et triblocs comportant trois séquences homogènes (fig. 8.28(d)). À l’état liquide et à l’état solide, les copolymères statistiques forment une seule phase de structure amorphe. Dans le cas des copolymères greffés et à blocs, il y a, généralement, séparation de phases à l’échelle microscopique, les séquences de struc-
Alliages et diagrammes de phases (a)
A
B
A
A
B
A
A
B
B
A
229
A
B
B
(b) Bibloc Bloc A
Bloc B
Tribloc Bloc A
Bloc A
Bloc B
(c) Greffon B
Greffon B
Greffon B
Greffon B
Chaîne A
FIG. 8.28 Structure des principaux copolymères. (a) Copolymères statistiques: les unités structurales A et B sont réparties de manière aléatoire. Dans les copolymères greffés (b) et à blocs (c et d), les unités constitutives A et B forment des séquences homogènes.
ture homogène se regroupant en des phases séparées finement dispersées formant une émulsion.
8.6 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS La production d’alliages obtenus par mélanges de plusieurs espèces d’atomes ou de composés chimiques a une très grande importance technologique. Ainsi, en mélangeant des constituants divers, on obtient des matériaux très variés dotés de propriétés spécifiques. Le mélange de plusieurs constituants permet notamment: • l’obtention de solutions solides; • la formation d’alliages multiphasés, les phases étant séparées par des interfaces; • la formation de phases intermédiaires ou composées ayant une composition stœchiométrique bien déterminée. L’équilibre de phases est rarement atteint dans la réalité, mais l’étude des diagrammes de phases constitue néanmoins une base de réflexion indispensable pour la connaissance des transformations de phases et pour le développement de nouveaux matériaux. Rappelons qu’à pression constante, les enthalpies libres molaires partielles (potentiels chimiques) des différentes phases sont égales dans un système en équilibre. Les différentes phases en équilibre sont indiquées dans les diagrammes de phases. Ces diagrammes représentent les états d’équilibre pour des températures et des compositions différentes, la pression ayant une faible influence dans le cas des phases conden-
230
Introduction à la sciences des matériaux
sées. L’interprétation de ces diagrammes fournit des informations importantes sur le système. Ainsi, on détermine: • la composition et la quantité de phases en équilibre; • les limites de solubilité des phases; • les températures de transition à l’équilibre de phases pour différentes compositions. En réalité, il n’existe qu’un petit nombre de diagrammes de phases élémentaires: le diagramme en forme de fuseau, la lacune de miscibilité, l’eutectique et le péritectique. Les diagrammes plus complexes ne sont que la superposition de ces diagrammes élémentaires. Les polymères organiques constituent des matériaux particuliers car ils ne forment généralement pas de mélange homogène ni à l’état fondu, ni sous forme solide. Il est souvent difficile dans ce cas de parler d’alliages au sens stricte du mot. On se trouve souvent en présence de matériaux qui se trouvent soit sous une forme homogène avec une seule phase (copolymères statistiques) soit sous une forme hétérogène à l’échelle microscopique (copolymères greffés et à blocs).
8.7 EXEMPLE ILLUSTRATIF: COMMENT TRAITER LA CARIE DENTAIRE ? Dans le traitement d’une carie, le dentiste élimine à l’aide d’une fraise les tissus altérés. Il prépare ainsi une cavité de dimension et de forme diverses qu’il obture par un matériau de substitution. Il est indispensable que celui-ci soit biocompatible, résistant au milieu agressif et légèrement acide constitué par la salive (pH: 5,2 à 6,7) et capable de supporter des charges élevées de l’ordre de 570 N (~57 kgf) sur les molaires et de 150 N (~15 kgf) sur les incisives. Comme les zones de contact entre les dents sont très petites, les contraintes locales deviennent très importantes. Le matériau de substitution doit également être dur et tenace et facile à mettre en forme avec grande précision et sans chauffage. Il est également souhaitable que ce matériau ait une bonne adhésion à la partie saine de la dent pour assurer l’herméticité de l’obturation et éviter les percolations d’aliments. Il n’existe pratiquement aucun matériau d’obturation satisfaisant aux critères très sévères résumés au paragraphe précédent et il y a encore bien des progrès à accomplir dans le perfectionnement des matériaux dentaires. Aujourd’hui, trois types principaux de matériaux sont utilisés pour l’obturation des caries . Le plus ancien et encore le plus utilisé de nos jours est constitué par un alliage de mercure avec divers métaux dont l’argent et l’étain (amalgame). On utilise également des résines composites qui comportent un liant qui est un polymère dans lequel on disperse des matériaux inertes pulvérulents dont la silice et le quartz. Les polymères qui sont utilisés pour ces applications sont des systèmes thermodurcissables (§ 5.2.3) qui sont réticulés à température ambiante à l’aide de divers systèmes catalytiques qui produisent le durcissement de la résine et lui confère sa résistance mécanique. Le mélange destiné à obturer la cavité bucale et contenant le catalyseur de réticulation est introduit sous forme de pâte dans la cavité dentaire. La réticulation, qui se produit à l’intérieur de la cavité à obturer, s’ac-
Alliages et diagrammes de phases
231
compagne généralement d’un retrait substantiel du mélange obturateur, ce qui induit des fissures qui favorisent la percolation d’aliments. Ces matériaux polymères ont un aspect esthétique bien meilleur que celui des amalgames et ils sont surtout utilisés pour la restauration des dents faciales mais ils sont nettement moins résistants que les amalgammes. Une autre catégorie de produits développés récemment pour la dentisterie restauratrice est constitué par les ciments verre-ionomère. La phase dispersée est constituée de fines particules (20 à 50 µm) d’un verre synthétisé par fusion à température élevée d’un mélange d’alumine (Al2O3), de silice (SiO2) et de fluorure de calcium (CaF2). Après broyage, on ajoute des pigments et un polyacide (liant) comme l’acide polyacrylique (§ 18.3.1). Par addition d’eau, on forme une pâte qui durcit par l’intermédiaire d’une réaction entre le verre basique et le polyacide. Ces ciments verre-ionomère présentent également un certain nombre de défauts.Citons notamment un temps de durcissement trop long et une mauvaise résistance aux acides présents dans la cavité buccale. La catégorie principale de matériaux d’obturation dentaire reste les amalgames qui nécessitent néanmoins le forage de points d’ancrage dans la cavité dentaire à cause de leur manque d’adhésion. Nous allons examiner avec plus de détails au départ des diagrammes d’équilibre de phases concernés, les processus se déroulant lors de la mise en place de ce type de matériaux réparateurs. Le mercure est un métal liquide à l’ambiance. Il possède la propriété de se combiner pour former des alliages qu’on appelle amalgames. Pour simplifier l’étude, nous ne considérons que le système binaire Ag–Hg ce qui est suffisant pour mettre en évidence les phénomènes les plus importants. Le diagramme d’équilibre de phases (fig. 8.29) est très complexe. Il s’agit de la superposition de deux péritectiques et d’un eutectique (ce dernier, qui se situe à une concentration très élevée en Hg, ne figure pas sur la diagramme car il est de l’épaisseur du trait). Il n’est pas nécessaire d’analyser en détails ce diagramme compliqué. Dans les conditions de température et de concentration utilisées en pratique, le diagramme partiel donné à la figure 8.30 est largement suffisant pour comprendre les phénomènes physico-chimiques qui opérèrent durant l’obturation. Lorsqu’on mélange à température ambiante une poudre d’argent avec un excès de mercure liquide (~65% pds en Hg), on obtient une pâte semblable au sucre pâteux utilisé pour le glaçage des pâtisseries. Ce mélange peut facilement être mis en forme. Les atomes de mercure pénètrent par diffusion dans l’argent à l’état solide, et les atomes d’argent se dissolvent dans le mercure. Ce changement de composition entraîne un abaissement du point de fusion de l’argent. Il se forme progressivement un composé intermétallique stable γ1 de composition Ag3Hg4 et qui a un point de fusion de 127 °C largement supérieur à la température buccale (37 °C). C’est la formation par diffusion isotherme de ce composé intermétallique qui entraîne le durcissement de l’alliage. Comme la diffusion du liquide Hg dans le solide est lente, la grosseur des grains d’argent doit être suffisamment petite pour que la transformation de phase isotherme conduisant au durcissement se fasse en quelques heures, mais il faut néanmoins éviter que le durcissement ne se produise pas durant la mise en place de l’amalgame dans la cavité. Ce processus d’amalgamation s’apparente à un frittage en phase liquide qui est un procédé d’élaboration utilisé dans la fabrication de matériaux céramiques et des métaux durs (chap. 4 et 5).
232
Introduction à la sciences des matériaux
FIG. 8.29 Diagramme d’équilibre des phases du système binaire Ag–Hg. La phase ε est le composé de formule AgHg et la phase γ 1 , le composé Ag3 Hg 4 . On a indiqué en pointillés la température de la cavité buccale (37 °C).
FIG. 8.30 Vue partielle du diagramme des phases du système Ag–Hg (Fig. 8.29) entre 0 et 200°C.
L’amalgame utilisé par le dentiste est d’une composition plus complexe que celle de l’exemple décrit ici. Au début, le dentiste utilisait des poudres métalliques, composées principalement d’un alliage d’argent et d’étain, de composition Ag3Sn, qui étaient mélangées à du mercure. Dans ce cas, la réaction de prise entraîne la formation de deux composés intermétalliques γ1 et γ2: 2 Ag3Sn + 9 Hg → 3 Ag3Hg4 (γ1) + 2 Sn
(8.8)
Alliages et diagrammes de phases
233
Hg + 7-8 Sn → Sn7-8Hg (γ2) La phase γ2 est indésirable car elle se corrode facilement en entraînant le noircissement de la dent traitée. Pour y remédier, on a ajouté à la poudre métallique du cuivre qui se trouve présent sous forme dispersée dans un eutectique Ag-Cu qui élimine la phase γ2 par la réaction:
γ2 + AgCu → γ1 + Cu6Sn5
(8.9)
On obtient des amalgames non-γ2 beaucoup moins corrodables. Les alliages utilisés actuellement font intervenir au moins cinq composants (Ag: 63-70%; Sn: 26-28%; Cu: 2-5%; Zn: 0,2%). Le mercure utilisé dans les alliages dentaires est un produit toxique. Des rumeurs surgissent périodiquement sur le danger que représente le mercure dans les amalgames. En principe, la formation du composé intermétallique γ1 rend le mercure inoffensif. En mars 1997, l’O.M.S. (Organisation mondiale de la santé) a conclu à l’innocuité du mercure présent dans les alliages dentaires. Plusieurs chercheurs du C.N.R.S., qui ont calculé que la quantité d’amalgame dentaire se trouvant dans la bouche des Français s’élevait à 240 tonnes, sont venus récemment remettre l’étude de l’O.M.S. en question. À l’examen du digramme d’équilibre, on voit qu’il faut absolument éviter que du mercure libre ne subsiste après la réaction de formation du composé intermétallique γ1 (Ag3Hg4). Pour cela, il est recommandé d’utiliser une quantité de mercure inférieure à celle prévue par la stœchométrie de la réaction de formation de Ag3Hg 4. Dans ces conditions, on formera un mélange des phases ε (AgHg) et γ1 (Ag3Hg4).
8.8 EXERCICES 8.8.1 En quoi diffère la solidification d'une solution solide par rapport à celle d'un constituant pur ? 8.8.2 Calculer la concentration (en % molaire) des constituants d’un alliage destiné à l’élaboration de soudures et fabriqué à partir 100 g d’étain (Sn) et de 65 g de plomb. 8.8.3 Quelle est la concentration pds de cuivre de l’alliage eutectique du système binaire Ag-Cu ( fig. 8.19) ? Comment varie la composition du liquide pendant la solidification d'un alliage comportant 80% pds de cuivre ? 8.8.4 À 200 °C, un alliage de plomb-étain utilisé pour la soudure comportant 50% pds de Sn est composé de deux phases: une phase solide α riche en plomb et une phase liquide l riche en étain. Quel est le degré de liberté (variance) de cet alliage à pression constante (1 atm.) ? 8.8.5 La solubilité maximale de l’étain dans le cuivre d’un bronze (alliage Cu-Sn) est de 15,8% pds d’étain à 586 °C. Quelle est la fraction atomique des atomes d’étain à la limite de solubilité ? 8.8.6 On refroidit, à partir de l’état liquide, un alliage du système Ag-Cu (25% pds de cuivre) (fig. 8.19). Préciser la température à laquelle peut se former la première phase solide ainsi que le type et la composition de cette phase. À quelle température cet alliage
234
Introduction à la sciences des matériaux
est-il complètement solidifié à l’équilibre ? Quelles sont les phases observables à une température légèrement inférieure à celle de la solidification complète? 8.8.7 En vous référant au diagramme d'équilibre du système binaire Ni-Cu, (fig. 8.15), préciser: • la température de fusion du nickel ; • la solubilité du Cu dans le Ni dans la phase solide à une température égale à 1250 °C. En considérant un alliage Ni-Cu de concentration en Cu égale à 40% molaire, indiquer: • les températures de fusion et de solidification; • les phases en présence et leur proportion à la température de 1300 °C (fig. 8.15) 8.8.8 Un alliage Al-Cu de concentration comportant 4% en pds de cuivre (diagramme partiel d’équilibre, fig. 8.31) est refroidi lentement de la fusion jusqu'à la température ambiante (T ≈ 20 °C). Décrire les étapes de la solidification et de la précipitation à l’état solide. Préciser les phases formées.
Fig. 8.31 Diagramme d'équilibre partiel Al-Cu.
8.8.9 Connaissant le diagramme d'équilibre SiO2-Al2O3 (fig. 8.24), indiquer l’alliage qui a le plus bas point de fusion. Préciser le nombre de phases à l'équilibre au point eutectique ainsi que la concentration en % pds de silicium en ce point. Quelle est la solubilité d’Al2O3 dans le SiO2 solide ? En partant de l’état liquide, décriver les étapes de formation de la microstructure de l'alliage contenant 80% pds d’alumine. 8.8.10 Le diagramme d'équilibre de phases de l’alliage Cu-Zn (laitons) est donné à la figure 8.33. Donner la solubilité maximale du zinc dans le cuivre et préciser les conditions. Donner les alliages composés exclusivement de phase α à la température ambiante en admettant que la diffusion est trop lente pour que l’équilibre puisse être atteint en-dessous de 200 °C.
Alliages et diagrammes de phases
235
Fig. 8.32 Diagramme d’équilibre Cu-Zn.
8.9. RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES D.R. GASKELL, Introduction to Metallurgical Thermodynamics, 2nd ed., Mc Graw-Hill, New York, 1981. J. MANENC, Thermodynamique structurale des alliages, Presses Universitaires de France, Paris, 1972. J. P. MERCIER et E. MARÉCHAL, Chimie des polymères, (Traité des Matériaux , vol. 13), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1996. J. PHILIBERT, A. VIGNES, Y. BRÉCHET et P. COMBRADE, Métallurgie: du minerai au matériau, Masson, Paris, 1998. A. PRINCE, Alloy Phase Equilibria, Elsevier, Amsterdam, 1966. E. B. SMITH, Basic Chemicals thermodynamics, 4th ed., Clarendon, Oxford, 1990. J.H. WESTBROOK (ed.), Intermetallic Compounds, Krieger, Huntington, New York, 1977.
CHAPITRE 9
TRANSFORMATIONS DE PHASES
9.1 OBJECTIFS • Mettre en évidence les mécanismes qui sont à l’origine de la mobilité des atomes ou des molécules dans les phases condensées. • Faire la liaison entre la mobilité des atomes à l’état solide et les phénomènes de transport de matière dans les matériaux. • Décrire succinctement les principaux mécanismes qui contrôlent les phénomènes de transformation de phases. • Donner quelques éléments de la théorie de la solidification. • Établir les conditions de traitement thermique à donner à un matériau pour arriver à un état structural déterminé en utilisant les diagrammes Transformation–Température–Temps (diagrammes TTT). Les diagrammes d’équilibre de phases que nous avons étudiés au chapitre 8 pour différents systèmes ont permis de déterminer, dans les conditions d’équilibre, le nombre, la composition et le volume relatif des phases en fonction de la température. Les diagrammes de phases ne donnent, par contre, aucune information sur la cinétique des transformations de phases, c’est-à-dire sur le temps nécessaire pour former des phases nouvelles lorsqu’on change les conditions de température ou la pression agissant sur le système étudié. Toute transformation de phases, comme par exemple la cristallisation, met en jeu une réorganisation des atomes ou des molécules et c’est la mobilité des atomes ou des molécules à l’état liquide et à l’état solide qui contrôle, dans une large mesure, la formation des microstructures.
9.2 DIFFUSION 9.2.1 Mécanisme de déplacement des atomes Ce sont des phénomènes de diffusion, c’est-à-dire de migration des atomes ou des molécules dans les matériaux solides ou liquides, qui déterminent la cinétique d’un grand nombre de transformations de phases. Dans ce paragraphe, nous étudierons plus spécifiquement la diffusion à l’état solide. Rappelons que la diffusion est un phénomène de transfert atomique ou moléculaire activé thermiquement. Les phénomènes de diffusion s’observent pratiquement dans tous les solides, aussi bien dans le cas des cristaux purs (autodiffusion) que dans celui des solutions et des solides amorphes.
238
Introduction à la sciences des matériaux
Comme nous l’avons vu au chapitre 7, il existe dans les matériaux cristallins, deux grands types de solutions solides. On distingue ainsi les solutions d’insertion et les solutions de substitution. Les solutions solides d’insertion mettent en jeu des atomes de petit diamètre (C, H, N) qui viennent occuper un certain nombre de sites interstitiels du réseau cristallin. Ces petits atomes se déplacent facilement le long des canaux formés par l’alignement des sites interstitiels vacants dans le cristal. Nous avons vu que dans le cas des phases cristallines, les atomes sont arrangés régulièrement dans un réseau. Dans le cas des phases amorphes solides ou liquides, les atomes et les molécules sont organisés à courte distance avec suffisamment de régularité pour qu’on puisse en première approximation les représenter par un réseau quasi cristallin. C’est cette approximation du réseau quasi cristallin qui est utilisée dans plusieurs théories des solutions. Dans le cas des solutions solides de substitution, les atomes ou les molécules des substances dissoutes occupent un site ou, dans le cas de molécules volumineuses (polymères), plusieurs sites du réseau cristallin ou quasi cristallin. Dans ce cas, le mouvement d’une espèce dissoute est accompagné du déplacement d’un atome ou d’une molécule du solvant. Les processus de diffusion sont beaucoup moins rapides dans ce cas car ce mécanisme de diffusion met en jeu les lacunes présentes dans le réseau cristallin ou quasi cristallin. C’est aussi le cas de l’autodiffusion qui fait intervenir des échanges d’atomes ou de molécules de même espèce. Pour qu’un atome, ou un segment de molécule, situé au voisinage d’une lacune, puisse se déplacer, il faut qu’il ait l’énergie suffisante pour écarter légèrement les atomes ou les segments de molécules adjacents de leur position d’équilibre. Le phénomène de diffusion implique donc le passage d’une barrière d’énergie potentielle (fig. 9.1). C’est un processus qui est favorisé (activé) par une élévation de température et par une faible énergie de liaison. On peut caractériser la diffusion des atomes ou des petites molécules en solution de substitution par la fréquence de sauts v d’une position d’équilibre du réseau cristallin ou quasi cristallin à une autre. La fréquence ν dépend de la conjonction de deux événements: la proximité d’une lacune adjacente à l’atome ou la molécule qui se déplace et la disponibilité d’une énergie suffisante pour franchir la barrière de potentiel entre le site occupé et la lacune. À une constante près, on peut écrire que ν est donc le produit de deux probabilités:
ν = cste · Xl · pE
(9.1)
La probabilité de trouver une lacune adjacente à l’atome ou la molécule, qui se déplace, est égale à la fraction molaire en lacunes Xl · pE est la probabilité que l’énergie soit suffisante pour permettre au déplacement de s’opérer. Nous avons calculé la valeur de X l au chapitre 7: Xl = n/N = exp (– ∆Gf /RT)
(7.2)
Dans cette expression, on a tenu compte que, dans une phase condensée, les lacunes sont peu nombreuses et restent isolées. ∆Gf et ∆Hf sont respectivement l’enthalpie
Transformations de phases
239
libre et l’enthalpie de formation des lacunes. Dans le cas des solides, ∆Hf est voisin de 100 kJ mol–1 et A est une constante. Dans une phase condensée (solide ou liquide), le nombre d’atomes ou de petites molécules qui possèdent l’énergie suffisante pour franchir une barrière de potentiel ∆Gt est donné par une distribution du type exponentielle (Maxwell-Boltzmann) où T la température absolue est exprimée en degré Kelvin (K):
FIG. 9.1 Représentation schématique du déplacement aléatoire et réversible d’un atome au voisinage d’une lacune dans le réseau cristallin (a). Variation de l’énergie potentielle durant la translation de l’atome (b).
−∆Gt pE = B exp RT
(9.2)
Comme ∆Gt = ∆Ht –T∆St' ∆S −∆ H t pE = B exp exp t R RT La deuxième exponentielle ne fait pas intervenir la température, et on peut écrire que: −∆ H t pE = C exp RT
(9.3)
où B et C sont des contantes et ∆H t est l’enthalpie d’activation de migration de la lacune. Celle-ci est également de l’ordre de 100 kJ mol–1. La fréquence ν n’est donc fonction que de la température, et on peut écrire: ∆ Ht + ∆ H f ν (T) = ν 0 exp– RT
(9.4)
240
Introduction à la sciences des matériaux
La grandeur ν 0 est, en première approximation, indépendante de la température. Pour une solution de substitution, la variation de la vitesse de diffusion avec la température résulte de la superposition de deux phénomènes, c’est-à-dire de la variation du nombre de lacunes et de leur mobilité. Dans le cas d’une diffusion interstitielle, les sites de diffusion sont déjà formés par les interstices entre atomes sphériques, et il ne faut considérer que le passage de la barrière de potentiel caractérisée par ∆Ht. 9.2.2 Coefficient de diffusion - Lois de Fick Lorsqu’il existe, dans une phase, un gradient de concentration, la mobilité des atomes ou des molécules entraîne un flux de matière dans la direction du gradient, ce qui tend à diminuer l’enthalpie libre du système et à égaliser les concentrations . Il existe une relation simple entre le nombre J d’atomes ou de molécules traversant par unité de temps (flux) une section unitaire perpendiculaire à l’axe des x, et le gradient de concentration (dc/dx) selon l’axe x. C’est la première loi de Fick qui s’exprime par dc J = – D dx
(9.5)
Cette loi spécifie que le flux J [m–2s–1] est proportionnel au gradient de concentration dc/dx [m–4]. À noter que la concentration se mesure en atomes ou en molécules par m3 [m –3]. Le facteur de proportionnalité est le coefficient de diffusion D [m2s–1]. Le signe négatif a été introduit pour tenir compte que le flux et le gradient de concentration sont de sens opposé (le flux se fait généralement vers la concentration la plus faible). Le coefficient de diffusion est une mesure de la mobilité des atomes, il est directement proportionnel à la fréquence de saut ν (T), et on peut écrire par analogie avec l’équation (9.4): Q D = D0 exp – RT
(9.6)
où Q est l’enthalpie (énergie) d’activation de la diffusion et T, la température absolue exprimée en degré kelvin (K). Dans le cas de la diffusion substitutionnelle par mécanisme lacunaire, Q est égal à la somme de ∆Ht et de ∆Hf. Dans le cas d’un mécanisme interstitiel, il ne faut prendre en considération que ∆Ht. La variation de D avec la température est représentée à la figure 9.2 pour les phases solides. Dans la plupart des cas, l’augmentation de D avec la température résulte à la fois d’une élévation de l’énergie thermique et de la concentration en lacunes. L’accélération de la diffusion dans les joints de grains et à la surface résulte d’une augmentation de la concentration en volumes vides dans ces régions perturbées de la structure cristalline. On note également que la pente de la droite donnant la variation logarithmique de D en fonction de 1/T permet de calculer l’enthalpie d’activation Q, tandis que l’ordonnée à l’origine permet de calculer D 0 (9.6). À titre d’exemple, considérons le cas très important de la diffusion interstitielle des atomes
Transformations de phases
241
de carbone dans le fer. Ce processus joue un rôle déterminant dans la formation des microstructures lors du traitement thermique des alliages fer-carbone (aciers). À 900 °C, la fréquence de saut ν (T) des atomes de carbone dans un acier doux (0,1%C) est égale à 109 s-1, alors que la fréquence de vibration de ces atomes dans le cristal est
FIG. 9.2 Variation du coefficient de diffusion D en échelle logarithmique en fonction de 1/T suivant (9.6) et pour différents types de diffusion dans un matériau polycristallin.
de 1013 s–1. Il n’y a donc en moyenne qu’une oscillation sur 10 000 qui provoque la translation d’un atome. Comme chaque saut entraîne un déplacement approximativement égal à une distance interatomique (r0 ≈ 0,3 nm), la vitesse de déplacement des atomes à la température de 900 °C est de l’ordre de 0,3 m s–1 (~1 km h –1 ). Remarquons que ces déplacements se font de manière aléatoire, comme dans le cas des mouvements browniens et le déplacement effectif entre deux points déterminés est très petit. Dans le cas d’un verre organique, on a pu calculer que ν (T) était voisine de –1 1 s à la température de transition vitreuse Tg. Remarquons que dans le cas des polymères, les mouvements de diffusion font intervenir des segments de chaînes qui sont environ de la taille de l’unité constitutive et non la macromolécule en bloc. En effet, il serait hautement improbable de trouver dans les phases condensées des lacunes de la taille d’une macromolécule qui contient normalement entre 1000 et 20 000 atomes caténaires. Nous avons vu, au chapitre 7, que la concentration lacunaire augmente de manière abrupte au point de fusion. Dans le cas des liquides, les phénomènes de diffusion des atomes ou des molécules dissoutes et d’autodiffusion sont beaucoup plus rapides que pour les solides. En particulier, l’accroissement du coefficient d’autodiffusion va de pair avec une diminution de la viscosité. Mentionnons en passant que la viscosité élevée des polymères fondus s’explique par le fait que les macromolécules se déplacent segment par segment, suivant le mécanisme de reptation décrit au chapitre 13.
242
Introduction à la sciences des matériaux
La première loi de Fick (9.5) ne permet de calculer la vitesse de diffusion d’un constituant dans un matériau que dans le cas où le gradient de concentration reste constant dans le temps. Cette situation ne se rencontre que dans des cas particuliers, par exemple lors de la diffusion d’une substance à travers une paroi mince séparant deux réservoirs de concentration différente (fig. 9.3).
FIG. 9.3 Diffusion stationnaire à travers une paroi d’épaisseur ∆x séparant deux réservoirs où la concentration de la substance diffusante est respectivement égale à c1 et c2.
Lorsque, dans un système, la concentration locale en substance diffusante se modifie dans le temps entraînant une variation de gradient de concentration, il y a modification du flux de matière. Dans le cas d’une diffusion unidirectionnelle à travers une section unitaire perpendiculaire à l’axe x, la variation du flux dJ/dx s’exprime par: dJ d dc = – D dx dx dx
(9.7)
L’accroissement dans le temps de la concentration c dans un petit élément de volume d’épaisseur dx est égal à la diminution du flux à travers cet élément de volume: dJ dc = – dx dt
(9.8)
En admettant que D ne dépende pas de la concentration, on écrit pour de la diffusion unidirectionnelle: (9.9) d 2c dc = D 2 dt dx L’équation (9.9) est appelée deuxième loi de Fick. La variation de la concentration en fonction du temps est proportionnelle à la dérivée seconde de la concentration par rapport à la distance. La variation de la concentration en un point est d’autant plus rapide que la dérivée seconde par rapport à la distance (courbure du champ de concentration) est élevée (fig. 9.4).
Transformations de phases
243
FIG. 9.4 Distribution de la concentration c selon la distance x en fonction du temps. Les intervalles de temps entre t0 – t1 et t1 – t2 sont égaux. La variation de concentration dans le temps à une distance x est d’autant plus grande que la dérivée seconde d2c/dx2 est élevée. À temps infini, la dérivée première dc/dx et la dérivée seconde d2c/dx 2 s’annulent, ce qui correspond à l’équilibre thermodynamique.
À l’équilibre on a: dc = 0 dx
(9.10)
et d 2c dJ = – D 2 = 0 dx dx
(9.11)
Lorsque l’équilibre est atteint, la dérivée première et la dérivée seconde de la concentration, par rapport à la distance, s’annulent. L’équation (9.9) a la même forme que l’équation de diffusion (conduction) de la chaleur (loi de Fourier). Elle est susceptible d’intégration en fonction des conditions initiales et des conditions aux limites du système.
9.3 TRANSFORMATIONS DE PHASES 9.3.1 Généralités L’étude thermodynamique des équilibres de phases (chap. 8) établit la composition des phases à l’équilibre, mais elle ne donne aucune indication, ni sur la cinétique des transformations de phases, ni sur la microstructure formée (en particulier sur la taille et la morphologie des phases). Pour qu’une transformation de phases puisse s’effectuer, il est nécessaire que l’enthalpie libre du système diminue lors de la transformation (∆G < 0). Cette condition est cependant loin d’être suffisante. En effet, la transformation d’une phase dans une autre se fait en général par un mécanisme de germination et de croissance. Lors de l’amorçage de la transformation, il y a formation de germes de la nouvelle phase,
244
Introduction à la sciences des matériaux
qui sont de petits éléments de volume qui ont la même structure que la phase en formation et qui sont séparés de la phase non transformée par une interface à énergie élevée. Ces germes, qui sont caractérisés par un rapport surface sur volume élevé, possèdent initialement une enthalpie libre de formation plus élevée que celle de la phase en transformation. La transformation de phases qui s’effectue de préférence est celle qui est caractérisée par la cinétique la plus rapide, et la microstructure qui se forme est rarement celle qui possède l’enthalpie libre la plus basse. C’est le cas pour la cristallisation qui constitue la transformation physique la plus importante pour l’étude des matériaux. Celle-ci donne naissance à une grande variété de microstructures, en particulier lorsqu’on a affaire à des alliages et qu’il peut y avoir formation de plusieurs phases solides de structure différente. Les transformations de phases à l’état solide sont également très importantes pour les matériaux. On distingue les transformations allotropiques qui sont particulièrement importantes dans le cas des matériaux ferreux (transformation de fer γ-cfc en fer α-cc au cours du refroidissement). On a également les transformations eutectiques où, lors d’un refroidissement, une phase liquide se scinde simultanément en deux phases nouvelles. Lorsque la transformation eutectique se fait aux dépens d’une phase solide, on la désigne sous le nom de transformation eutectoïde. C’est, par exemple, le cas de la solution solide de fer γ-cfc contenant 0,8% de carbone qui donne naissance, à une température inférieure à 727 °C, à la perlite qui est une structure formée de lamelles alternées de fer α-cc et de cémentite Fe3C. Dans certains cas, on observe la formation de précipitations de composés de structure intermédiaire comme les composés intermétalliques qui jouent un rôle très important dans les phénomènes de durcissement des métaux comme l’aluminium par exemple. La diffusion joue un rôle important dans les transformations de phases où interviennent des changements de structure. Cette catégorie, qui représente de loin la classe de transformations de phases la plus importante, procède presque toujours par un mécanisme de germination-croissance que nous décrivons de manière élémentaire dans les paragraphes suivants. 9.3.2 Germination d’une phase nouvelle La germination d’une phase nouvelle résulte des fluctuations atomiques ou moléculaires qui se produisent dans la phase en transformation et il apparaît ainsi au hasard des îlots nanoscopiques instables (amas à l’échelle atomique) dont certains ont la structure de la phase en formation. La très grande majorité de ces îlots nanoscopiques, qui ont une surface spécifique élevée, sont instables et ils disparaissent au hasard des fluctuations. Il n’y en a qu’un très petit nombre qui atteint une taille critique suffisante pour se développer. L’amorçage d’une nouvelle phase est, en général, facilitée par la présence des particules étrangères de taille microscopique (impuretés) qui sont toujours présentes en quantité plus ou moins importante dans la phase en transformation. Au voisinage de la surface d’une autre phase cristalline (une inclusion par exemple), l’enthalpie libre de formation du germe est réduite. Dès que les conditions
Transformations de phases
245
thermodynamiques sont favorables, le démarrage de la transformation de phase se fait à la surface de la particule étrangère. On dit alors que la germination est hétérogène. Le mécanisme exact de la germination induite par des particules étrangères n’est pas connu avec précision. À chaque température, il n’y a qu’une fraction très petite des impuretés qui soit active. Dès le début de la transformation, la croissance cristalline se produit sur ces germes actifs: la germination hétérogène est en général instantanée. À la figure 9.5, nous avons décrit, à titre d’exemple de transformation
FIG. 9.5 Cristallisation d’un métal (a) et d’un polymère organique (b) fondus contenant un certain nombre de germes hétérogènes au temps (t1). Dans le cas des métaux, on observe généralement la formation de dendrites ((a) t4) qui, dans les métaux purs, ne sont plus visibles en fin de solidification ((a) t5 ). Dans le cas de polymères, on observe la formation de sphérolithes. On remarque que la taille des grains formés lors de la cristallisation du polymère représenté est nettement plus petite en raison d’une densité de germes plus élevée. En fin de solidification ((b) t5) les sphérolithes entrent en contact les unes avec les autres.
de phases, le mécanisme de la cristallisation d’un métal et d’un polymère organique fondus. La cristallisation démarre dans les deux cas sur des particules hétérogènes microscopiques. Les germes croissent progressivement pour former des grains. Si les conditions thermodynamiques restent favorables, la transformation se fait dans tout le volume
246
Introduction à la sciences des matériaux
disponible. Dans le cas des métaux, on observe généralement la formation de dendrites ((a),t4) qui, dans les métaux purs, ne sont plus visibles en fin de solidification((a), t 5). Dans ce cas, les grains formés sont des monocristaux dont la taille finale est fonction du nombre de particules hétérogènes initiales. Dans les alliages, les dendrites peuvent être mises en évidence par une attaque acide (fig. 10.6). Dans le cas de polymères, on observe la formation de sphérolithes qui entrent en contact les unes avec les autres à la fin de la transformation. Comme nous le verrons au chapitre 10, les sphérolithes ont une structure complexe partiellement cristalline. La taille des grains formés lors de la cristallisation des polymères est, en général, nettement plus petite en raison d’un nombre de germes nettement plus élevé. La transformation de phase peut également se dérouler de manière homogène. On observe alors la formation, de manière aléatoire, d’îlots transformés dans le matériau fondu à partir d’un ensemble homogène d’atomes en l’absence de toute trace d’hétérogénéité. Cette germination se produit pendant toute la durée de la transformation et les grains observés au microscope sont alors de taille variable. Ce mécanisme porte le nom de la germination homogène (sporadique). La formation d’un germe au départ d’une phase homogène est un processus moins favorisé d’un point de vue énergétique vis-à-vis du processus de germination hétérogène. C’est pour cette raison que la plupart des transformations de phases, qui se produisent par un mécanisme de germination-croissance, font intervenir un processus de germination hétérogène. Pour que la germination homogène intervienne, il est indispensable qu’il n’y ait pas de particules étrangères microscopiques présentes dans le milieu. Pour des raisons de simplicité, nous nous limiterons à la description du mécanisme de la germination homogène. L’apparition au sein de la phase liquide d’un germe de volume V et de surface externe S' s’accompagne d’une variation d’enthalpie libre ∆Gg dans laquelle l’on distingue deux composants: ∆Gg = ∆Gv + ∆Gs
(9.12)
Le premier terme du membre de droite de (9.12), ∆Gv, correspond à la cristallisation du volume du germe. Ce terme est donc proportionnel au volume V: ∆Gs est le terme qui résulte de la formation de l’interface entre la phase liquide et la nouvelle phase (cristal). Ce terme ∆Gs varie en fonction de la surface S’ du germe. On écrit: ∆Gv = V∆gv et ∆Gs = S'γ
(9.13)
∆gv représente l’enthalpie libre de formation de la nouvelle phase par unité de volume et γ, l’énergie spécifique interfaciale, c’est-à-dire à T et P constants, la variation d’enthalpie libre par unité d’interface formée (§ 8.2.4). Cette grandeur est toujours positive, la formation d’un interface est un phénomène endothermique. Comme le montre la figure 9.6, pendant les premiers stades de la germination, les germes sont de petite taille et l’enthalpie libre de formation du germe est positive parce que le rapport surface sur volume est élevé. ∆Gs est alors plus grand que ∆Gv en valeurs absolues. Ce n’est que lorsque le germe dépasse la taille critique r* (c’est-à-dire la taille à laquelle la première dérivée de l’enthalpie libre de la germi-
Transformations de phases
247
FIG. 9.6 Variation de l’enthalpie libre de formation d’un germe sphérique ∆Gg en fonction du rayon r à un ∆T donné (T < Tm).
nation par rapport au rayon du germe est nulle) que la croissance du germe s’accompagne d’une diminution progressive de son enthalpie libre de formation et que la transformation se déroule spontanément avec diminution de l’enthalpie libre. Par application de la première et la deuxième lois de la thermodynamique classique (§ 6.3.1) à ∆gv , on écrit que: ∆gv = ∆hv – T∆sv
(9.14)
∆h v et ∆sv sont respectivement l’enthalpie et l’entropie de formation de la nouvelle phase par unité de volume. Dans la cristallisation, ces deux grandeurs sont négatives. À la température de fusion thermodynamique Tm, l’enthalpie libre de formation (∆Gv ou ∆gv ) est nulle et on écrit que: ∆sv =
∆hv Tm
(9.15)
Pour qu’une transformation physique comme la cristallisation puisse s’effectuer spontanément, il faut nécessairement que la température du système soit inférieure à la température d’équilibre thermodynamique. Dans le cas d’une cristallisation, il faut que le système se trouve à une température T < T m et l’on parle dans ce cas d’une transformation qui ne démarre que lorsque le système atteint un certain degré de surfusion ∆T = Tm – T. Comme ∆Gs est toujours positif, il est indispensable que le terme volumique ∆Gv, ou ce qui revient au même ∆gv, soit négatif à la température de transformation. L’enthalpie libre volumique ∆gv devient de plus en plus négative à mesure que le degré de surfusion ∆T augmente. En se référant à figure 9.7, on observe que l’enthalpie libre volumique ∆g v est nulle au point de transformation T m et qu’elle devient de plus en plus négative lorsque le degré de surfusion ∆T augmente. C’est là l’origine de la force motrice de la transformation de phases.
248
Introduction à la sciences des matériaux
Au voisinage de Tm , on admet que l’enthalpie libre, gv, varie linéairement en fonction de la température (fig. 9.7), c’est-à-dire que ∆h et ∆sv restent constants dans l’intervalle de température considéré. Ceci permet d’écrire: T −T ∆T ∆gv = ∆sv ∆T = ∆hv m = ∆hv Tm Tm
(9.16)
FIG. 9.7 Variation de l’enthalpie libre volumique avec T. Au voisinage de Tm, on peut admettre que l’enthalpie libre volumique varie linéairement.
Dans le cas simple d’un germe sphérique de rayon r, la composante volumique à l’enthalpie libre de formation du germe (9.13) est donnée par: ∆Gv =
4 3 πr ∆gv 3
(9 .17)
La variation d’enthalpie libre engendrée par la création de l’interface (9.13) s’écrit: ∆ Gs = 4 π r 2 γ
(9.18)
Pour un germe sphérique, l’enthalpie libre de formation à la température T est donc égale à: ∆Gg =
4 3 πr ∆gv + 4πr 2 γ 3
(9.19)
Au départ de (9.16), on obtient: ∆Gg =
4 3 ∆T πr ∆hv + 4πr 2 γ 3 Tm
(9.20)
Transformations de phases
249
L’équation (9.19) montre que pour les petites valeurs de r, le terme d’énergie libre de surface est dominant et que ∆Gg est positif. Par contre, si r est grand, c’est le terme d’enthalpie libre de volume qui l’emporte et ∆Gg devient négatif. On observe à la figure 9.6 qu’il est nécessaire d’atteindre un rayon critique r* pour que l’enthalpie libre de la formation du germe commence à décroître avec son rayon r et qu’une phase stable se forme. On peut déterminer la valeur du maximum de la courbe de variation de ∆Gg en fonction du rayon r. En égalant à zéro la première dérivée de (9.20), on obtient :
∆Gg*
16 π γ 3 Tm2 cste = 2 = 2 3 ∆hv ( ∆T ) ( ∆T )2
(9.21)
r* =
2 γ Tm cste = ∆hv ∆T ( ∆T )
(9 .22)
et
On peut conclure au départ de (9.21) et (9.22) que, pour T = Tm, la barrière de potentiel ∆ Gg∗ et le rayon critique r* du germe deviennent infinis. Par conséquent, la transformation ne peut se produire à T = Tm. Une transformation de phases comme la cristallisation ne peut s’amorcer à la température de fusion T m. Pour que l’amorçage de la transformation puisse se produire, il faut que le système se trouve à T < Tm. L’amorçage de la transformation se produira d’autant plus facilement que le degré de surfusion ∆T = Tm – T sera élevé, car à mesure que ∆T augmente, le rayon critique r* diminue et la barrière thermodynamique est abaissée. Nous avons cependant omis de tenir compte dans notre calcul du fait que les germes ne se forment pas de manière isolée dans le système. Lorsqu’il y a n germes de rayon r qui se forment, il faut non seulement tenir compte dans le calcul de la variation d’enthalpie libre, de l’énergie de formation de chacun des germes, mais également d’une variation d’enthalpie libre (–T∆Sn) à associer à la dispersion aléatoire de n germes de rayon r parmi les atomes ou les molécules du système. Cette variation d’enthalpie libre est négative. ∆S n est la variation d’entropie configurationnelle (entropie de mélange) qui résulte de la dispersion des germes dans le système. En tenant compte de l’augmentation du nombre de configuration (augmentation de l’entropie configurationnelle) résultant de la formation des germes, on montre que pour toute température T < Tm, la variation d’enthalpie libre ∆G du système résultant de la formation des lacunes des germes passe par un minimum pour une valeur déterminée n du nombre de germes. Si on remplace la fraction molaire des lacunes par la fraction molaire des germes, xl, on obtient une courbe de variation d’enthalpie libre similaire (fig. 7.5). On peut donc dire qu’à chaque température il existe à l’équilibre un nombre déterminé nr de germes de rayon r par unité de volume:
250
Introduction à la sciences des matériaux
nr = cste ⋅ exp −
∆Gg RT
(9. 23)
A l’aide de (9.21) et de (9.23), on calcule la concentration d’équilibre en germes de rayon critique r* en fonction de T. On observe que le nombre de germes atteignant la taille critique augmente fortement avec le degré de surfusion. Une fraction constante de ces germes va croître et se transformer en grains de la nouvelle phase, et de nouveaux germes de taille critique apparaîtront dans la partie non transformée. Ceci nous amène à introduire le concept de vitesse de germination I qui représente le nombre de germes stables formés par unité de volume et par unité de temps [m–3s–1]. Cette vitesse de germination augmente considérablement avec le degré de surfusion ∆T. Lorsqu’un atome, une molécule, ou un segment de macromolécule se fixe sur le germe en croissance, il se déplace et doit franchir une barrière de potentiel ∆Gt analogue à celle qui intervient dans la diffusion (9.2). La vitesse de germination dépend à la fois d’un terme de transport et d’un facteur thermodynamique. D’une manière générale, la vitesse de germination est représentée par l’expression suivante: ∆G* + ∆G g t I = cste ⋅ exp − RT
(9.24)
Celle-ci est donc fonction de deux facteurs : un terme thermodynamique exprimant la force motrice de la transformation et dont la valeur dépend de l’enthalpie libre critique de formation du germe ∆ Gg* (9.21) et un terme de transport. Le terme thermodynamique est nul lorsque le degré de surfusion ∆T = 0 et il augmente lorsque ∆T s’élargit, c’est-à-dire lorsque la température diminue. Le terme de transport (9.6) dépend de la vitesse des mouvements atomiques ou moléculaires. Le terme de transport diminue exponentiellement lorsque la température décroît. Le facteur thermodynamique et le terme de transport ont donc un effet antagoniste sur la vitesse de germination. Celle-ci passe donc par un maximum pour une valeur déterminée de la température T max (fig. 9.8) et s’annule à la température T m où l’enthalpie libre de formation des germes devient infinie (fig. 9.6). Dans le domaine de température compris entre T m et Tmax, la vitesse de germination I augmente si la température diminue, et c’est le facteur thermodynamique, force motrice de la transformation, qui est dominant dans ce domaine de température. Si T < T max , l’inverse se produit, I diminue lorsque T décroît. C’est le terme de transport qui l’emporte et les mouvements de translation des atomes ou des molécules diminuent avec la température. Nous avons examiné jusqu’ici le phénomène de germination homogène. En pratique, celui-ci est exceptionnel, car les phases liquides comme les phases solides contiennent toujours un certain nombre de microhétérogénéités (substances réfractaires, microcristaux, résidus catalytiques, paroi de creuset, etc.), qui servent de support au germe et abaissent son énergie de formation. En pratique, la germination hétérogène, qui se produit à un taux de surfusion plus faible, est de loin la plus fréquente. Des phénomènes de germination hétérogène interviennent également dans
Transformations de phases
251
FIG. 9.8 Vitesse de germination I en fonction de la température T. Celle-ci est nulle à T m et passe par un maximum entre T m et T = 0 K.
la transformation à l’état solide comme les transformations eutectoïdes. Ainsi, dans la transformation de l’austénite en perlite lamellaire qui intervient dans les aciers eutectoïdes (0,8% C) ou hypoeutectoïdes, la germination d’une lamelle de ferrite α et d’une lamelle de cémentite Fe3C se produit par germination hétérogène aux joints de grains. La densité de germination [m–3] détermine la taille des phases transformées (par exemple la taille des grains, fig. 9.5). Celle-ci est une caractéristique importante de la microstructure. Dans un certain nombre de cas, on ajoute au matériau fondu des agents de germination (ou agents inoculants). Ceux-ci sont des substances finement divisées qui induisent la formation d’un grand nombre de germes hétérogènes, ce qui permet de contrôler la taille des grains. Le mécanisme d’action de ces agents de germination n’est pas connu avec précision. Dans certains cas (germination chimique), il se produit une réaction chimique entre l’agent inoculant et le matériau fondu avec formation in situ de germes hétérogènes. Les phénomènes de germination homogène ou hétérogène, qui se produisent dans les matériaux lors de l’amorçage d’une transformation, sont souvent qualifiés de phénomènes de germination primaire pour les distinguer des phénomènes de germination secondaire qui interviennent dans certains cas (polymères), lors de la croissance.
9. 3.3 Croissance de phase à l’échelle atomique Après formation d’un germe stable, la croissance de la nouvelle phase se fait par adjonction d’atomes ou de molécules à l’interface qui délimite la phase mère de la phase en formation. Il se produit un flux d’atomes ou de molécules de la phase mère vers la phase en développement, mais il y a également un flux d’atomes ou de molécules en sens inverse. Il n’ y a croissance que si le flux d’atomes ou de molécules vers la phase en formation est plus élevé. La vitesse de croissance est en grande partie
252
Introduction à la sciences des matériaux
fonction de la probabilité qu’ont les atomes ou les molécules de venir se fixer (s’absorber) sur l’interface de la phase en développement. Un atome ou une molécule se fixe sur un interface, s’il y trouve un certain nombre de sites capables de le lier préférentiellement. La probabilité de fixation dépend donc du nombre de liaisons formées par les atomes ou les molécules en venant s’absorber sur la surface. Une interface très accidentée à l’échelle atomique (rugueuse) est favorable à l’absorption et une interface lisse lui est défavorable, et le mécanisme de croissance varie en fonction de la structure de l’interface. Comme cela est schématisé à la figure 9.9, il y a essentiellement trois cas à considérer. Une interface très accidentée (rugueuse à l’échelle atomique (fig. 9.9 (a)) est caractérisée par un grand nombre de marches, de structures en coins, de lacunes de surface. Ces rugosités sont des sites qui permettent la fixation des atomes ou des molécules, c’est-à-dire qui favorisent la croissance, car les espèces qui viennent se fixer sur ces sites ont une grande probabilité d’être absorbés. On constate que les substances qui ont une faible entropie de fusion (∆Sm/R ≈ 1) comme les métaux ou
FIG. 9.9 Structures d’interface entre liquide et cristal et mécanismes de cristallisation: (a) interface rugueuse offrant de nombreux sites pour la fixation des atomes au cristal; (b) une interface lisse contenant un défaut permanent (ici dislocation-vis) permet une fixation relativement facile; (c) une interface lisse sans défaut nécessite, dans le cas des polymères organiques, la germination d’une nouvelle couche chaque fois que l’interface est entièrement recouverte. Les atomes sont représentés d’une façon schématique comme des cubes. Dans les schémas (a) et (b), les flèches montrent des sites d’adsorption préférentielle. Dans l’esquisse (c), on a indiqué, respectivement, par des flèches, les directions de croissance d’une travée cristalline et de la couche monoatomique d’un cristal de polymère. La longue flèche à droite sur la figure indique la direction de croissance cristalline.
Transformations de phases
253
certaines substances organiques (camphre, succinonitrile, etc.) cristallisent en formant une interface rugueuse. La croissance cristalline de ces substances est extrêmement rapide et sa vitesse v obéit à une équation du type : v = K1∆T
(9.25)
Dans cette équation K1, est très élevé et il suffira d’une très faible surfusion ∆T pour arriver à une vitesse de croissance élevée. En fait, dans les cristaux de ce type, la croissance se fait pratiquement à la température de fusion et l’étape de limitation de vitesse est la diffusion, soit de la chaleur dans le cas de métaux purs, soit d’un des constituants dans le cas d’alliages. Certaines substances, les polymères en particulier, caractérisées par une entropie de fusion très élevée (∆Sm/R ≈ 100), forment des interfaces lisses. L’attachement de molécules ou de segments de molécules sur des interfaces de ce type est très difficile. En fait avec ce type d’interface, la croissance se fait par le dépôt successif de couches de l’épaisseur d’un atome (fig. 9.9(c)) qui sont cohérentes avec la structure cristalline sous-jacente. La chaîne du polymère est perpendiculaire à l’épaisseur de cristal. Au fur et à mesure du dépôt des travées cristallines sur la couche sous-jacente, la chaîne se replie d’une manière plus ou moins régulière. L’étape cinétique de la croissance est la formation de la première travée cristalline de la couche dont la longueur est fixée par la température de cristallisation. Cette première travée cristalline constitue le germe secondaire. C’est en fait la longueur de cette travée, dont la dimension augmente avec la température qui fixe l’épaisseur du cristal. Une fois que la première travée est déposée, la croissance d’une couche monoatomique s’effectue spontanément dans les deux directions perpendiculaires à la travée initiale. C’est ce processus, qui se répète successivement un très grand nombre de fois, qui induit la croissance du cristal dans une direction perpendiculaire à celle des diverses couches monoatomiques (indiquées par la longue flèche à droite de la figure). Dans ce type de cristallisation, la vitesse de croissance prend la forme d’une exponentielle: v = K2 exp (– K2′ /∆T)
(9.26)
Ce mécanisme de cristallisation est très lent et exige des degrés de surfusion élevés (∆T ~ 50 K). Il existe des cas intermédiaires où la surface du cristal est lisse, mais comporte néanmoins certains défauts. La figure 9.9(b) montre un exemple de ce type: à la surface du cristal émerge une dislocation-vis qui reste active pendant toute la croissance car la marche tourne autour de la ligne de dislocation. Ce mécanisme est typique de la cristallisation de certaines céramiques du type NaCl notamment. La vitesse de croissance répond à une expression du type: v = K3 ( ∆T )2
(9.27)
La cristallisation via une dislocation-vis se fait à un degré de surfusion ∆T plus grand que celui observé pour une surface rugueuse. En fait, la cristallisation des
254
Introduction à la sciences des matériaux
matériaux céramiques est en général moins facile que celle des métaux mais beaucoup plus aisée que celle des polymères organiques. En conclusion, on constate que la croissance cristalline est en grande partie contrôlée par la nature de l’interface à l’échelle des atomes. Il faut également noter que la cristallisation des polymères organiques est particulièrement compliquée et que le taux de cristallinité reste toujours inférieur à 100%, car une partie des chaînes est incorporée dans les repliements, et également parce qu’une chaîne peut participer à plusieurs lamelles cristallines. Les zones de repliement et les parties de chaînes interlamelaires ont une structure amorphe (chap. 10)). Comme la vitesse de germination, la vitesse de croissance peut être limitée par des phénomènes de diffusion. Lorsque le taux de surfusion est élevé, c’est le terme de transport qui est dominant et la vitesse de croissance passe par un maximum pour une certaine température T'max < Tm. En général, on observe que le maximum de vitesse de croissance se produit à une température plus élevée que la température Tmax où la germination est la plus rapide, c’est-à-dire que: Tm >T'max > Tmax
(9.28)
9.3.4 Croissance à l’échelle de la microstructure Dans les matériaux comme les métaux qui cristallisent rapidement (fig. 9.9 (a)), les phénomènes d’adsorption qui se déroulent à l’échelle atomique ne sont en général pas limitatifs de vitesse, et ils ne représentent qu’une partie du processus de transformation de phase. L’autre partie du processus est constituée par les phénomènes de la structuration de la matière à une échelle plus grande. Ces phénomènes produisent des grains cristallins de microstructure variée, dont les dimensions varient, en général, d’une fraction de µm au mm et qui sont visibles au microscope optique ou électronique: dendrites, grains eutectiques, structures en plaquettes formées lors de transformations de phases à l’état solide ou par la cristallisation des polymères. A la figure 9.10, ces microstructures sont représentées schématiquement à un stade intermédiaire de leur formation entre la germination et la fin de la croissance.
FIG. 9.10 Quelques morphologies importantes de croissance de cristaux métalliques: (a) dendrites en formation dans un métal pendant la solidification; (b) grains eutectiques sphérolithiques en formation (notez la formation d’un joint de grain en haut à droite); (c) plaquettes de cristaux formées dans une transformation de phases à l’état solide.
Transformations de phases
255
Il n’est pas possible, dans le cadre de cet exposé introductif, de passer en revue toutes les microstructures développées durant la cristallisation de métaux. Nous nous limiterons ici à deux cas importants: la croissance conduisant à la formation de dendrites et la solidification des eutectiques produisant une structure biphasée lamellaire ou fibreuse. Dans les métaux, la croissance se produit de manière également probable dans toutes les directions de l’espace (croissance équiaxe) lorsque le métal liquide est en surfusion pendant la transformation, ce qui se produit fréquemment à cause de la surfusion nécessaire à la germination. Pendant la croissance, le cristal libère la chaleur latente, ce qui augmente sa température. Il s’établit un gradient de température négatif en avant de l’interface (fig. 9.11(a)). Ce gradient permet l’évacuation de la chaleur. Si une protubérance se forme (fig. 9.11(b)), la chaleur résultant de la transformation sera évacuée plus facilement à l’apex qui va croître à une vitesse plus rapide. On peut donc dire que l’interface solide-liquide en état de surfusion est morphologiquement instable. Ce raisonnement nous permet d’expliquer la croissance dendritique équiaxe au départ d’un germe cristallin sphérique suivant le mécanisme schématisé à la figure 9.12. On observe que les branches de dendrites se développent suivant des directions cristallographiques bien déterminées : 100 pour les métaux cubiques et 1 1 00 pour les cristaux hexagonaux (flocons de neige par exemple).
FIG. 9.11 Mécanisme de développement d’une protubérance à l’interface solide-liquide lorsque le liquide se trouve à une température inférieure à celle du solide: (a) courbe de distribution de température; (b) formation d’une protubérance.
Dans la croissance eutectique normale comme celle de l’alliage Ag-Cu (fig. 8.19), il y a formation simultanée de deux phases solides α et β aux dépens de la phase liquide. La microstructure la plus courante dans le cas de la solidification eutectique a une morphologie lamellaire qui résulte du mécanisme de croissance schématisé à la figure 9.13. Celui-ci implique un échange constant d’atomes entre les fronts de croissance des lamelles α et β des constituants A et B du système. Le carré de la vitesse de croissance v et la distance interlamellaire λ sont inversement propor-
256
Introduction à la sciences des matériaux
FIG. 9.12 Mécanismes de développement d’une dendrite: (a) germe cristallin sphérique; (b) développement d’instabilités à la surface du cristal; (c) premier stade de formation de la dendrite; (d) dendrite en cours de développement (d’après Porter et Easterling, 1981).
FIG. 9.13 Mécanisme de développement d’une structure eutectique: λ représente la distance entre les lamelles d’une même phase. Les flux d’atomes A et B entre les lamelles à travers le liquide sont indiqués par les flèches JA et JB. Ces flux se développent à la suite du rejet par α des atomes B dans le liquide. De manière similaire, β rejette des atomes A.
tionnels ( λ2v = cste). La vitesse de croissance augmente fortement avec le degré de surfusion jusqu’au moment où les phénomènes de diffusion ralentissent le processus. D’une manière générale, on peut dire que toutes ces microstructures deviennent de plus en plus fines à mesure que la vitesse de transformation augmente. L’accélération de la transformation n’est possible que si les transferts de chaleur et de matières sont rapides, c’est-à-dire que si les distances à parcourir sont petites. C’est pour cette raison que les cristaux se forment presque toujours avec des morphologies favorables aux phénomènes de transfert, ce qui explique l’apparition de cristaux en forme d’aiguilles, de dendrites, de lamelles eutectiques.
Transformations de phases
257
9.3.5 Cinétique des transformations de phases -Théorie d’Avrami La cinétique de transformation de phases (liquide-solide et solide-solide) qui procède par un mécanisme de germination-croissance obéit généralement à une loi de transformation proposée par Avrami qui fournit une équation permettant de calculer le degré d’avancement de la transformation de phases en fonction du temps (équation d’Avrami). Le développement d’une nouvelle phase β au sein d’une phase α préexistante est imaginé de la manière suivante. Initialement, des germes, qui constituent un élément de la phase β , apparaissent au sein de la phase mère α. Dans la deuxième étape, les germes croissent aux dépens de la phase α et contribuent à l’avancement de la transformation (fig. 9.14).
FIG. 9.14 Variation isotherme de la fraction volumique f de la phase transformée en fonction du logarithme du temps t selon (9.31).
La croissance de la phase nouvelle ne procède pas nécessairement à la même vitesse dans toutes les directions de l’espace. Dans les cas les plus simples on peut imaginer une croissance uniforme (croissance sphérolithique) suivant trois directions de l’espace. Un germe apparu au temps t = 0 aura atteint, au temps t > 0, un volume égal à: V=
4 33 πv t 3
(9.29)
v est la vitesse de croissance et vt, le rayon de la sphère au temps t. Un grain β qui commence à se développer après un temps t =τ aura atteint, au temps t > τ, un volume: (9. 30) 4 V ′ = πv3 (t – τ )3 3 La croissance de la phase nouvelle s’effectue librement durant les premiers temps de la transformation. Ce comportement se modifie à un certain taux de conversion, lorsque les phases en croissance entrent en contact les unes avec les autres. En tenant compte de cette caractéristique et en se basant sur les lois de germination et de
258
Introduction à la sciences des matériaux
croissance, on obtient une équation générale qui donne le taux de conversion (fraction volumique f) en fonction du temps de transformation (fig. 9.14): f = 1 – exp(–K tn)
(9.31)
où K est la constante globale de vitesse de la transformation dans laquelle figurent les différents facteurs intervenant dans les équations décrivant la germination et la croissance. Ainsi, dans le cas d’une croissance sphérolithique amorcée par une germination homogène sporadique de vitesse I, l’exposant n = 4, et on calcule que: K = (π/3)Iv3
(9.32)
La relation 9.31 est appelée équation d’Avrami. n varie de 1 à 4 suivant le type de transformation, et K est fonction des processus de germination et de croissance qui sont fortement dépendants de la température. Connaissant K en fonction de la température, on calcule le temps nécessaire pour atteindre à une température donnée un taux de conversion déterminé (1, 50, 90% ...).
9.3.6 Diagrammes TTT À partir de l’expression d’Avrami (9.31), on calcule les courbes de transformation des phases en fonction du temps et de la température pour différentes valeurs du taux de conversion (diagrammes TTT). En général, on choisit pour effectuer ce calcul deux valeurs du taux de conversion, qui sont encore déterminables expérimentalement et caractérisant le début (1% de conversion) et la fin de la réaction (99% de taux de conversion). Ce calcul est illustré à la figure 9.15 (a) . Cette figure montre le principe du calcul et montre comment on détermine, à la température T =T1 comprise dans l’intervalle de transformation, la valeur de td et tf. La courbe 9.15 (b) établit la relation entre le diagramme TTT et l’isotherme à la température T =T 1 . Ces diagrammes TTT permettent d’établir le type de traitement thermique qu’il convient d’appliquer à un matériau pour obtenir un état structural déterminé. Bien que de tels diagrammes puissent en principe être obtenus pour toute transformation de phases, ils sont difficiles à déterminer expérimentalement pour la cristallisation des métaux et des alliages métalliques à cause de la rapidité de transformation. En raison de ces contraintes expérimentales, les diagrammes TTT sont surtout utilisés pour la caractérisation des transformations relativement lentes comme les transformations de phases des métaux à l’état solide, la cristallisation des polymères organiques et de certaines céramiques. La figure 9.15(a) montre que le temps de transformation tend vers l’infini pour une températureT = Te. Aux basses températures, c’est le terme de transport qui limite la vitesse et augmente le temps de transformation. Ces caractéristiques des diagrammes TTT se justifient sur la base de la théorie de la germination et de la croissance que nous venons de résumer. À la température d’équilibre thermodynamique T e, l’enthalpie libre de formation des germes est infinie (fig. 9.6) et la transformation est impossible. Celle-ci ne peut donc s’amorcer qu’à une température T < Te.
Transformations de phases
259
FIG. 9.15 Allure schématique du diagramme TTT d’une transformation de phases. (a) Courbes de transformation des phases en fonction du temps et de la température pour deux valeurs du taux du conversion caractérisant le début (1% de conversion ) (td ) et la fin de la réaction (99% de taux de conversion) (tf); t min correspond au temps minimum pour que la transformation démarre effectivement. (b) Relation entre le diagramme TTT et l’isotherme de transformation à la température T =T1.
Comme, en général, la vitesse de germination et la vitesse de croissance de la phase β passent par un maximum respectivement à Tmax et T'max, la constante de vitesse K, (9.31) qui est un produit de la vitesse de germination et de la vitesse de croissance, passera également par un maximum à une température T' inférieure à Te. Il importe de bien noter qu’à une vitesse de transformation maximum correspond un temps de transformation minimum. La lecture du diagramme TTT est très simple. Sélectionnons par exemple une température T1 < Te et analysons le déroulement de la transformation. Après refroidissement rapide (trempe) du matériau de T > Te jusqu’à la température T1 (en trait plein sur la figure 9.15(a)), on maintient le matériau à température constante (T1). La transformation démarre pratiquement au temps t = t d. La transformation se déroule progressivement à une vitesse (df/dt) de plus en plus rapide car la vitesse de transformation est proportionnelle au volume transformé (~r3) et, comme le montre la figure 9.15 (b), elle prend l’allure d’un phénomène autocatalytique. Ensuite, celle-ci se ralentit progressivement lorsque les grains en croissance se télescopent. Pratiquement elle s’arrête lorsque le volume transformé est égale à 99% (t =tf). La courbe en tireté dans le diagramme 9.15(a) représente donc, en fait, la fin de la transformation isotherme en fonction de la température de transformation.
260
Introduction à la sciences des matériaux
Un exemple typique de transformation solide-solide représenté par les diagrammes TTT est la transformation eutectoïde des aciers contenant 0,8% pds C (fig. 9.16). A partir du Fe–γ (austénite), il se forme du Fe–α (ferrite) et des carbures de fer
FIG. 9.16 (a) Diagramme d’équilibre de la transformation eutectoïde de l’austénite (Feγ) en ferrite (Feα ) et cémentite (Fe3C) et (b) diagramme TTT d’un acier de composition eutectoïde (CE = 0,8% pds C). Il se forme dans ce cas de la perlite lamellaire (§ 9.3.4) épaisse (1) ou fine (2), ou de la Martensite (3) (voir § 9.3.8).
Fe3 C (cémentite) sous forme de microstructures eutectoïdes lamellaires (perlite) (courbe de refroidissement (1)). A des températures plus basses (courbe de refroidissement (2)), les microstructures qui se développent deviennent plus fines, ce qui a pour effet d’augmenter de manière considérable la dureté et la limite élastique de l’acier. La fabrication de câbles de téléphériques (chap. 11, exemple illustratif) constitue une application importante de ces aciers eutectoïdes à lamelles très fines. En pratique, on utilise souvent des diagrammes de transformation continue (diagrammes CT) qui indiquent les microstructures formées lors du refroidissement pour différentes vitesses (exercice 9.6.10). C’est ainsi qu’on détermine les conditions de trempe optimale.
9.3.7 Transformation de phases par décomposition spinodale Dans les systèmes binaires constitués par un mélange homogène de deux constituants A et B, il se produit constamment des fluctuations locales de concentration sous l’influence de l’agitation thermique. On peut montrer, en appliquant les lois de la thermodynamique, que l’amplitude moyenne des fluctuations dépend du signe de la dérivée seconde de l’enthalpie libre
Transformations de phases
261
∂2 G/∂ XΒ2 par rapport à la concentration (fraction molaire XB). Si la dérivée seconde est positive, les fluctuations locales de concentration s’accompagnent d’une augmentation locale de l’enthalpie libre et elles ont tendance à s’amortir. C’est ce qui se passe dans un système en état d’équilibre stable comme celui décrit à la figure 8.11. Lorsque la dérivée seconde est négative (fig. 8.14 à T1) toute variation locale de la concentration entraîne une diminution de l’enthalpie libre du système. Dans un tel système, les fluctuations de concentration ont tendance à s’amplifier dans tout le volume en entraînant progressivement la séparation du système binaire en deux phases. Une transformation de phases qui se produit de manière continue, sans la création initiale d’une interface et donc sans germination, est appelée décomposition spinodale. Une telle transformation est représentée schématiquement à la figure 9.17 (a) où l’on observe l’évolution progressive d’un système à une phase de composition initiale X B vers un système à deux phases qui sont caractérisées respectivement par les compositions XΒ′ et XΒ′′ . On remarque que l’interface entre les deux phases matérialisées par un gradient de concentration se forme également progressivement. Du point de vue thermodynamique, le système où intervient la décomposition spinodale est un système instable qui évolue spontanément vers un système stable sans passage d’une barrière thermodynamique. À noter que dans ce cas, la diffusion se fait dans le sens inverse à celui prévu par la loi de Fick car, ici, le gradient de concentration augmente. Dans les systèmes métastables caractérisés par un minimum de l’enthalpie libre 2 (d G/d XΒ2 > 0), les fluctuations de concentration de faibles amplitudes s’amortissent spontanément comme dans les systèmes stables. Pour que la transformation de phases puisse s’amorcer, il faut, comme nous l’avons vu précédemment (§ 9.3.2), que des fluctuations aléatoires de grande amplitude interviennent en entraînant la formation de germes. Dans ce cas, il se forme, dès le début de la transformation, une nouvelle phase de composition XΒ′′ séparée par une interface bien définie de la phase initiale de composition XB (fig. 9.17 (b)). Pour illustrer ces mécanismes de transformations de phases, nous décrivons les processus qui interviennent lors de la formation d’une lacune de miscibilité dans un système à deux composants A et B. Dans le domaine compris dans la lacune de miscibilité, il se forme deux phases distinctes, α 1 et α 2 aux dépens d’une phase α de même structure cristalline (§ 8.4.1). La transformation de phases conduisant à cette démixtion se produit soit par un mécanisme de germination-croissance, soit par l’intervention d’une décomposition spinodale. Le diagramme d’équilibre de phases correspondant à la formation d’une lacune de miscibilité est repris en détail à la figure 9.18 (b). La courbe délimitant la lacune de miscibilité, déterminée par la méthode de la tangente commune, est reprise en trait continu. À la température T', le diagramme d’équilibre prévoit qu’il se forme deux phases α 1 et α 2 de composition XΒ′ et XΒ′′ . Entre ces deux compositions, la courbe d’enthalpie libre (fig. 9.18 (a)) passe par un maximum et elle est caractérisée par deux points d’inflexion I’ et I" correspondant aux concentrations XΒ,s ′′ . À T', pour ′ et XΒ,s les concentrations comprises entre XΒ,s ′′ , le système est instable, car la déri′ et XΒ,s
262
Introduction à la sciences des matériaux
vée seconde de l’enthalpie libre est négative. Les deux compositions XΒ,s ′ et XΒ,s ′′ délimitent donc la zone de transformation spinodale à la température T'.
FIG. 9.17 Représentation schématique des variations locales de composition: (a) de la décomposition spinodale et (b) de la transformation de phases par germination-croissance. Dans les deux diagrammes, XB représente la composition de la phase initiale α et XB ′ et XB ′′ les compositions des phases finales α1 et α2.
En faisant varier T', on construit la région de transformation spinodale qui est représentée en grisé à la figure 9.18 (b). Dans ce domaine de températures et de compositions, toute fluctuation conduit inévitablement à une décomposition spinodale. Considérons, à titre d’exemple, la concentration XB,0 correspondant au maximum de la courbe d’enthalpie libre à T' : on voit (fig. 9.18 (a)) que toute fluctuation de concentration entraîne une diminution de ∆Gm. Dans les deux régions situées entre la courbe en trait plein et la courbe en tireté, la dérivée seconde de l’enthalpie libre est positive et le système est métastable. Dans ce cas, la transformation de phases s’effectue via un mécanisme de germination-croissance. La décomposition spinodale se produit dans un certain nombre de verres minéraux (verre Pyrex, fig. 9.19) et également dans un certain nombre d’alliages métalliques (par exemple dans les alliages Alnico pour aimants permanents).
Transformations de phases
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FIG. 9.18 (a) Variation de l’enthalpie libre molaire de mélange dans un système binaire à miscibilité partielle en fonction de la composition. (b) Diagramme d’équilibre de phases. La courbe en trait plein délimite la zone de démixtion (fig. 8.14); la zone en grisé représente la région spinodale. Tc est le point critique au-dessus duquel la solubilité dans la phase α est totale.
10 nm FIG. 9.19 Micrographie électronique d’un verre SiO2–Na2O après décomposition spinodale observée après attaque chimique superficielle pour accroître le relief. On remarque qu’il y a une interconnexion entre les diverses parties des phases formées.
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Introduction à la sciences des matériaux
9.3.8 Transformation sans diffusion La plupart des transformations de phases, qui impliquent des mouvements atomiques de diffusion, peuvent être évitées par un abaissement brutal de la température (trempe). Cette caractéristique rend possible l’obtention de structures qui ne correspondent pas à un état d’équilibre stable. En général, ces phases ne figurent pas dans les diagrammes d’équilibre. Il y a trois cas importants à discuter suivant la nature de la phase initiale. Si la phase mère est un liquide, on produit un verre pour autant que la trempe soit suffisamment rapide, c’est-à-dire que l’on refroidisse le liquide à une vitesse suffisamment élevée pour éviter le déclenchement de la transformation. La vitesse critique de ce refroidissement dépend du temps nécessaire pour atteindre la température T’ où la vitesse de transformation est maximale (courbe de refroidissement en tireté, fig. 9.20). Aux températures inférieures à T', le liquide se solidifie progressivement
FIG. 9.20 Diagramme TTT pour la cristallisation d’un liquide. A vitesse de trempe très élevée (temps de refroidissement très court) (a), on solidifie le liquide sans cristallisation et on forme un verre. Si la vitesse de refroidissement est suffisamment lente (b), généralement, on forme un poycristal.
sans réarrangement atomique important: il y a formation d’un verre. Le vrai problème n’est donc pas de savoir si un liquide est vitrifiable, mais bien de déterminer à quelle vitesse il est nécessaire de le refroidir pour l’empêcher de cristalliser. En pratique, la vitrification se manifeste de préférence dans des systèmes à cristallisation lente, mais tous les liquides sont susceptibles d’être vitrifiés. C’est ainsi qu’on a vitrifié récemment certains alliages métalliques par des techniques d’hypertrempes (chap. 4, exemple illustratif). Comme nous l’avons déjà signalé, certains polymères organiques sont structurellement incapables de cristalliser, car ils ne peuvent
Transformations de phases
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former un réseau cristallin stable (polymères atactiques). Quelle que soit la vitesse de refroidissement, ces matériaux se présentent toujours à l’état solide sous une forme vitreuse. Si la phase mère est une solution solide cristalline, la composition du système reste inchangée lorsque la vitesse de trempe est suffisamment élevée et on peut ainsi retenir en solution sursaturée des éléments d’alliages. Dans ce cas, comme dans celui des verres, le système ne dispose pas du temps nécessaire pour atteindre l’équilibre de phases, et la phase initiale congelée conserve sa composition et sa structure. Lorsque la phase cristalline initiale se transforme, lors d’un refroidissement, en une autre structure cristalline comme c’est le cas pour la transformation allotropique du fer γ en fer α, une modification importante de la structure peut intervenir à basse température, sans diffusion, c’est-à-dire sans changement de la composition des phases. C’est la transformation martensitique. Nous avons vu au chapitre précédent que le fer formait à haute température une solution solide de carbone dans le fer γ-cfc (austénite) qui contient jusqu’à 0,8% pds C à la température eutectoïde (727oC). Le carbone est beaucoup moins soluble dans le fer α -cc (ferrite): 0,02% pds de C à la température eutectoïde (fig. 8.23 et 9.16). Si on refroidit lentement l’austénite de composition CE (fig. 9.16(b)), la transformation eutectoïde se produit et il y a formation de perlite lamellaire. L’austénite trempée dans les conditions de refroidissement (3) de la figure 9.16(b) ne conserve pas une structure cristalline identique à basse température et elle se transforme en une autre phase métastable: la martensite. Celle-ci est constituée d’une solution métastable de fer et de carbone. Globalement, la martensite a une structure cc comme la ferrite, mais son réseau cristallin est déformé à cause de l’excès de carbone qui est resté bloqué lors de la transformation de l’austénite en ferrite. La structure cristallographique de la martensite est schématisée à la figure 9.21 où l’on observe qu’il est possible de former, à partir de l’austénite cfc, une maille tétragonale centrée (cristal de ferrite déformé selon l’axe [001]) sans déplacement important des atomes. Ceci explique que la transformation martensitique se produise sans diffusion et de manière quasi instantanée. La propagation de la transformation se fait à une vitesse proche de celle du son. La transformation martensitique se manifeste d’une manière soudaine à partir d’une certaine température Ms . Dans les aciers au carbone, le taux de transformation martensitique atteint n’est fonction que de la température: une fois la température atteinte, une certaine fraction de martensite se forme extrêmement rapidement. La transformation ne se poursuit qu’en abaissant la température. La transformation martensitique est représentée par des droites horizontales (isothermes) dans le diagramme TTT. On peut donc représenter cette transformation par une série de droites Ms, M50, M90, qui représentent respectivement les températures auxquelles la transformation martensitique débute et atteint un taux de 50 et de 90%. La transformation martensitique est fortement influencée par la teneur en carbone de l’acier. Ainsi, Ms varie de ~500 °C pour 0,2% pds à ~200 °C pour 1% pds de carbone pour des aciers non alliés. La Martensite qui se forme dans les aciers au carbone est une phase dure et fragile. Des structures martensitiques se forment également dans d’autres alliages mé-
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FIG. 9.21 Représentation schématique de la transformation martensitique dans un acier au carbone. Les traitillés schématisent deux mailles cubiques à faces centrées. En blanc, on a représenté la maille tétragonale centrée (cubique centré déformé) de la martensite Fe (M). Pour éviter de compliquer le dessin, les deux atomes centraux des faces avant ne sont pas représentés. Tous les sites représentés par des cercles noirs sont occupés par des atomes de carbone.
talliques comme dans les aciers au nickel ou dans le titane. Dans ces derniers cas, la martensite n’est pas fragile.
9.4 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Les transformations de phases, qui se produisent au cours de l’élaboration et de la mise en forme des matériaux, conditionnent en grande partie leurs propriétés technologiques. Les matériaux sont pratiquement toujours élaborés au départ de l’état liquide. Leur microstructure finale se forme pendant les transformations de phases, qui interviennent dans les processus de traitement thermique. Le paramètre moteur de ces transformations est la différence d’enthalpie libre entre la phase en formation et la phase transformée. La différence d’enthalpie libre entre ces deux phases dépend de l’écart entre la température où la transformation est effectuée et la température de transformation thermodynamique (équilibre thermodynamique) déterminée sur le diagramme d’équilibre de phases. La vitesse de transformation augmente avec cet écart et passe par un maximum parce que le changement de phase ne peut se produire sans une certaine mobilité des atomes ou des molécules (diffusion) et que cette mobilité diminue considérablement avec l’abaissement de la température. En variant la température et le temps de traitement, on peut obtenir des microstructures différentes. Les microstructures qui se développent durant ces traitements thermiques ne sont pratiquement jamais celles qui correspondraient à l’état thermodynamique le plus stable, mais bien celles qui se développent suivant la cinétique de transformation la plus rapide à la température utilisée. Dans un grand nombre de cas, les transformations de phases sont amorcées par un processus de germination. Un germe est un embryon de phase nouvelle qui appa-
Transformations de phases
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raît à la suite d’une fluctuation de structure ou/et de composition dans la phase à transformer. La nouvelle phase n’apparaît jamais à la température d’équilibre à la suite de l’existence d’une barrière thermodynamique à la transformation résultant de la présence d’une interface entre les phases en présence. La lenteur des processus de diffusion à basse température peut empêcher une transformation d’atteindre des taux de conversion élevés. Pendant la croissance qui suit la germination, il y a adsorption des atomes ou des molécules à l’interface entre les phases en transformation. Les trois classes de matériaux se comportent différemment: les métaux ont une grande facilité de croissance à partir d’une phase condensée parce que leur interface est rugueuse à l’échelle atomique et qu’elle présente de nombreux sites d’accrochage, augmentant le nombre de liaisons offertes à l’atome qui se fixe. Leur cristallisation est facile et rapide. Les céramiques et les polymères possèdent, par contre, des structures cristallines plus complexes rendant l’adsorption d’atomes ou de molécules plus difficile. C’est pourquoi la croissance cristalline de ces matériaux est généralement plus lente et fait appel à la présence de défauts, comme les dislocations-vis, qui facilitent la formation du cristal. On comprend ainsi pourquoi ces matériaux sont obtenus très facilement à l’état vitreux. Le taux de transformation évolue en fonction du temps suivant une courbe en forme de S. En portant dans un diagramme le début et la fin de la transformation en fonction de la température, on obtient un diagramme TTT. Ces diagrammes sont extrêmement utiles pour déterminer le traitement thermique des diverses variantes d’aciers qui possèdent chacune leur diagramme TTT.
9.5 EXEMPLE ILLUSTRATIF: TEMPÊTE DE NEIGE DANS UN LINGOT Une tempête de neige est impressionnante par la quantité des cristaux de neige qu’elle dépose. Une zone dépressionnaire qui induit en altitude une chute de neige de 50 cm correspond à la précipitation de plusieurs millions de flocons par m2 c’est à dire qu’il y a quelques 1012 flocons produits pour l’ensemble d’une zone dépressionnaire. La structure élémentaire de ces cristaux en plaquettes hexagonales de 10 à 20 µm d’épaisseur et de 0,1 à 2 mm de diamètre est représentée à la figure 9.22. La
Fig. 9.22 Structure en plaquette dendritique hexagonale d’un monocristal de neige (flocon).
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Introduction à la sciences des matériaux
morphologie en plaquette hexagonale de ces monocristaux en forme d’étoile à six branches plus ou moins ramifiées est le reflet de la symétrie hexagonale de la maille élémentaire du cristal de glace. Ce monocristal de neige est une dendrite qui a une structure similaire à celle qui se forme dans les métaux pendant leur solidification. Il s’en distingue par sa symétrie qui est hexagonale et non cubique et par le mode de croissance qui se fait dans l’atmosphère au départ de la vapeur d’eau et non plus à partir de l’état liquide (§ 9.3.3). L’obtention de dendrite de neige en plaquette hexagonale n’est possible qu’à une température de l’ordre de –15 °C. Au-dessus de –8 °C, la croissance se fait perpendiculairement aux deux bases hexagonales, ce qui engendre des cristaux prismatiques aciculaires qui ont une longueur qui est de huit à vingt fois plus grande que leur diamètre. Certains flocons de neige se forment par enchevêtrement des monocristaux qui est souvent accompagné d’une fusion partielle avec une perte plus ou moins grande de la structure dendritique. La morphologie et la taille des flocons ont une influence importante sur le comportement mécanique de la neige. Une relation analogue existe entre la morphologie et la taille des dendrites, et les propriétés mécaniques des alliages métalliques. La structure en grains d’une pièce coulée après solidification est montrée à la figure 9.23. On voit que les grains ont des formes et des tailles différentes selon leur emplacement dans la pièce. Ces emplacements se modifient pendant le processus de solidification. En effet, au cours de refroidissement, il se produit des déplacements de matières dans le lingot. Une plus grande densité des grains solides par rapport au liquide entraîne une certaine décantation des grains en formation. Il se produit également des mouvements de convection résultant de différences de densité du liquide en fonction de sa température et de sa composition. Ceux-ci induisent des mouvements tourbillonnaires des grains semblables à ceux observés dans une tempête de neige.
Fig. 9.23 Structure en grains d’une pièce coulée après solidification.
Transformations de phases
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Fig. 9.24 Simulation par ordinateur du processus de solidification en tenant compte de l’effet de la convection du liquide sur la microstructure finale. (a) Situation en cours de transformation avec indication des isothermes dans le lingot. Les symboles Tl, , T1, T2,… correspondent à des isothermes placés en ordre décroissant de température. (b) Microstructure finale.
Fig. 9.25 Simulation du développement de la microstructure en l’absence de convection durant la solidification.
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Introduction à la sciences des matériaux
Par simulation par ordinateur du processus de solidification, on montre l’importance de l’effet de la convection du liquide sur la microstructure finale. On observe que le liquide descend le long du front de solidification pour remonter au centre du lingot (fig. 9 24 (a)), ce qui entraîne la formation de la structure hétérogène simulée à la figure 9.24 (b) qui est analogue aux microstructures observées dans des pièces réelles (fig. 9.23). Comme montre la simulation (fig. 9.25), en l’absence de convection dans le liquide, la structure des grains serait très homogène. Dans certains cas, on augmente la convection dans le liquide pendant le refroidissement pour rendre les produits plus homogènes. Par exemple, dans la coulée continue de l’acier, on utilise un brassage électromagnétique puissant pour induire dans le centre de la coulée une microstructure de grains équiaxes (globulitiques) de taille comparable, ce qui améliore les propriétés. Généralement, des dendrites fines et des grains fins donnent des meilleures propriétés mécaniques. Pour obtenir cela, on inocule également les métaux avant la coulée, c’est-à-dire qu’on introduit des germes (§ 9.3.2) pour amorcer la transformation.
9.6 EXERCICES 9.6.1 Quels sont les mécanismes principaux intervenant dans la diffusion des solutions solides? 9.6.2 Considérons une conduite tubulaire de 30 mm de diamètre intérieur et qui contient 50·1024 atomes d’azote gazeux par m3 en aval d’une membrane de fer de 0,01 mm d’épaisseur. En amont de celle-ci, la concentration en azote est égale à 1·1024 atomes par m3. Calculer le nombre total d’atomes d’azote qui traversent par heure la membrane à 700 °C, sachant que le coefficient de diffusion D de l’azote dans le fer à cette température est égal à 4 10–11 m2s–1. 9.6.3 Calculer la dimension du rayon critique r* et le nombre d’atomes du germe sphérique de taille critique lorsque le cuivre solidifie par germination homogène. La chaleur latente de fusion du cuivre est égale à 1628·106 J m– 3 et son énergie spécifique interfaciale vaut 177·10–3 J m– 2 . En première approximation, la germination homogène se produit lorsque le degré de surfusion ∆T est voisin de 0,2 Tm (K). 9.6.4 Le coefficient de diffusion D fait intervenir via une exponentielle deux types d’énergie. Définisser ces énergies. 9.6.5. Une réaction de diffusion est complète en 5 s à 600 °C mais requiert 15 minutes à 290 °C. Calculer le temps nécessaire pour effectuer cette réaction de diffusion à 50 °C, sachant que le coefficient de diffusion (9.6) a la forme d’une loi d’Arrhénius. 9.6.6. La cémentation est un procédé de traitement superficiel des aciers qui consiste à exposer, à température élevée, la surface d'une pièce d'acier à une atmosphère riche en carbone (méthane par exemple). Par quel phénomène physique, les atomes de
Transformations de phases
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carbone pénètrent-ils dans la couche superficielle ? Quelle est la loi qui caractérise ce phénomène à l'état stationnaire? Définisser les paramètres de cette loi et leur unité. 9.6.7 Dans le cas d’une transformation suivant l’équation d’Avrami (9.31) avec un exposant n = 4 (croissance sphérolithique contrôlée à l’interface par germination à vitesse constante), calculer le temps nécessaire pour atteindre un taux de transformation de 90% si la fraction volumique transformée atteint 25% après un temps de transformation de 150 s. 9.6.8 Quelles sont les conditions requises pour obtenir un durcissement structural (précipitations) du système argent – cuivre en se référant au diagramme d’équilibre Ag – Cu de la figure 8.19 ?
Fig. 9.28 Diagramme de transformation à refroidissement continu pour l’acier à 0,45 % pds de C. (F = Ferrite, P = Perlite, B = Bainite, M = Martensite).
9.6.9 La figure 9.28 donne le diagramme de transformation à refroidissement continu d’un acier à 0,45 % pds de C. Un échantillon de cet acier est chauffé (austénisé) à 900 °C puis refroidi de manière continue à la température ambiante. La figure 9.28 montre les deux courbes de refroidissement continu pour le centre et la surface de l’échantillon. Quelle sera la zone la plus dure de l’échantillon ?
9.7 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES Y. ADDA, J. PHILIBERT, La diffusion dans les solides, Presses Universitaires de France, Paris, 1966. H.I. AARONSON (ed.), Lectures on the Theory of Phase Transformations, The Metal. Soc. AIME, (U.S.A.), 1975. J. BURKE, La cinétique des changements de phase dans les métaux, Masson, Paris, 1968. G.A. CHADWICK, Metallography of Phase Transformations. Butterworths, London, 1972.
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Introduction à la sciences des matériaux
R.W. DAVIDGE, The Structure of Special Ceramics with Particular Reference to Mechanical Properties, Proc. Br. Ceram. Soc., 20 (1972) 364. GROUPE FRANÇAIS DES POLYMÈRES (G.F.P.), Initiation à la Chimie et la Physico- Chimie Macromoléculaire, Volume 4. Quelques Grands Polymères Industriels, 1982. GROUPE FRANÇAIS DES POLYMÈRES (G.F.P.), Initiation à la Chimie et à la Physico- Chimie Macromoléculaire, Volume 1, Physico-Chimie des Polymères, 1978. H. JONES, Rapid Solidification of Metals and Alloys, Institution of Metallurgists, (Great Britain), 1982. W. KURZ, D.J. FISHER, Fundamentals of Solidification, Trans. Techn. Publications, Zurich (Suisse), 1998. G.E. MOLAU, S.L. AGGARWAL (ed.), Block Polymers, Plenum Press, New York, 1970, p. 79. M. MORTON, Thermoplastic Elastomers, J. Polym. Sci, C 60, (1977), 1. D.A. PORTER, K.E. EASTERLING, Phase Transformation in Metals and Alloys, 2nd ed.,Chapman & Hall, London., 1992. J. ZARZYCHI, Glasses and the vitreous state, Cambridge University Press, Cambridge, 1991.
CHAPITRE 10
MICROSTRUCTURES
10.1 OBJECTIFS • Décrire les principales méthodes de microscopies optique (lumière visible) et électronique. • Donner un aperçu des méthodes de préparation utilisées pour étudier les microstructures des métaux et de leurs alliages en microscopie optique. • Caractériser les microstructures des principaux matériaux et expliquer leur formation en fonction des diagrammes d’équilibre et des cinétiques de transformation de phases. Il est important de mettre en relation les mécanismes de transformation de phases des matériaux avec les diverses microstructures qui se forment, car ce sont celles-ci qui déterminent dans une large mesure les propriétés mécaniques, physiques et chimiques des matériaux. On rencontre, dans les matériaux, un grand nombre de microstructures diverses: grains cristallins ou phases amorphes comportant souvent des précipités d’une ou de plusieurs phases dispersées, sphérolithes, structures eutectiques lamellaires ou fibreuses, etc.
10.2 OBSERVATION DES MICROSTRUCTURES 10.2.1 Note préliminaire Comme l’indique leur étymologie, les microstructures sont constituées d’un ensemble d’éléments organisés à l’échelle microscopique et qui contrôle les propriétés d’un grand nombre de matériaux. Leur observation et leur caractérisation nécessitent donc l’utilisation de techniques microscopiques. Comme nous l’avons rappelé au paragraphe 3.4.1, le pouvoir séparateur d’une radiation électromagnétique est fixé par sa longueur d’onde. La limite de résolution du microscope optique est de l’ordre du µm. Le pouvoir séparateur des microscopes électroniques, qui utilisent des faisceaux d’électrons d’énergie élevée ( λ ≈ 0,005 nm), est de l’ordre de grandeur des rayons atomiques, c’est-à-dire inférieur au nm. La méthode la plus utilisée pour étudier la structure des solides à l’échelle de l’atome est la microscopie électronique. Il existe d’autres techniques pour l’observation de la microstructure. Dans cet ouvrage élémentaire, nous nous sommes limités aux techniques de microscopies optique et électronique.
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Introduction à la sciences des matériaux
10.2.2 Microscopie optique (lumière visible) Le microscope optique est un instrument qui est connu de la plupart des scientifiques. C’est notamment cet instrument qui est à la base des découvertes les plus importantes de la biologie. Depuis la fin du dix-neuvième siècle, il est largement employé pour l’étude des matériaux. On utilise deux techniques expérimentales principales: la microscopie à transmission lorsque la lumière traverse l’échantillon et la microscopie à réflexion dans le cas d’échantillons opaques où l’on observe la lumière qui est réfléchie à la surface. La microscopie optique à réflexion a surtout été développée pour les matériaux métalliques. La microscopie optique à transmission est exclusivement utilisée pour étudier les matériaux transparents. On l’emploie, par exemple, pour suivre le développement d’une microstructure cristalline dans des films minces de polymère (fig. 10.5). La microstructure des matériaux opaques, comme les métaux, s’étudie au microscope optique à réflexion après polissage de l’échantillon et attaque chimique. Le polissage produit un état de surface comparable à celui d’un miroir et l’attaque chimique de la surface polie révèle les différences d’orientation cristallographique et de composition chimique. Les joints de grains sont matérialisés par des sillons. Cette modification sélective de la topographie de la surface (micrographie) est d’ordinaire mise en évidence par analyse en lumière réfléchie (fig. 10.1(a)) au microscope optique. Les joints de grains et autres inhomogénéités apparaissent sous forme de traits ou de zones noirs (fig. 10.1 (b)). Un des avantages de la microscopie optique est de permettre d’étudier en direct le développement des microstructures, ce qui est plus difficile en microscopie électronique bien que certaines techniques récentes de microscopie électronique à balayage permettent ce genre de détermination.
FIG. 10.1 Observation des microstructures au microscope optique à réflexion d’une surface polie et attaquée chimiquement: (a) les joints de grains attaqués plus fortement que les cristaux forment des sillons qui ne réfléchissent pas la lumière à travers l’objectif du microscope; (b) joints de grains d’un métal pur observés au microscope optique en lumière réfléchie.
Microstructures
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10.2.3 Microscopie électronique Pour l’observation de certains détails de la microstructure des matériaux, il est nécessaire d’utiliser des grossissements supérieurs à 1000 (limite de la microscopie optique) et de recourir aux techniques de la microscopie électronique. La structure en grains des polymères, dont les dimensions caractéristiques sont en général inférieures au micron, est presque toujours étudiée par microscopie électronique. Les structures des métaux après trempe et des céramiques fabriquées à partir de poudres de taille submicroscopique sont aussi mises en évidence par les techniques de microscopies électroniques. Parmi toutes les particules utilisables pour construire une image (protons, photons, rayons X, électrons, etc.), les électrons constituent le meilleur choix. Ils sont, en effet, faciles à obtenir par chauffage sous vide d’un filament métallique, ils sont accélérés par un champ électrostatique et leur charge électrique les rend capables d’être déviés, c’est-à-dire focalisés par les champs électrostatiques ou électromagnétiques. Avec des électrons accélérés par une différence de potentiel de l00 kV et ayant une longueur d’onde associée de 3,7 pm, on obtient une résolution d’environ 0,3 nm qui est de l’ordre de grandeur des distances interatomiques. Cependant, comme les électrons sont fortement absorbés par la matière, les échantillons doivent être extrêmement minces (0,1 µm environ). Leur préparation pour la microscopie électronique à transmission est souvent très délicate et fait appel à toute une série de techniques particulières comme par exemple l’amincissement électrochimique ou le bombardement ionique. La figure 10.2 donne une vue schématique générale d’un microscope électronique à transmission (MET). Il est composé d’une source d’électrons, d’un condenseur (lentille électromagnétique L1) qui sert à focaliser le faisceau électronique sur l’objet AB, d’une lentille-objectif L2 agrandissant l’image de l’objet et de lentilles L3, L4 (projecteur) qui agrandissent et projettent l’image (A3B3) sur un écran fluorescent, similaire à celui d’un écran TV ou sur une plaque photographique. Il faut noter que le schéma de principe du microscope électronique à transmission correspond pratiquement à celui du microscope optique. Examinons succinctement le mécanisme de formation de l’image en microscope électronique à transmission. Celui-ci fait intervenir des processus de diffraction ou de diffusion des électrons alors qu’en microscopie optique à transmission, ce sont des phénomènes d’absorption plus ou moins importants de la lumière qui sont à la base du processus de formation de l’image. Examinons ce qui se passe lors de l’observation d’un matériau cristallin. Une partie des électrons, qui traversent la préparation microscopique, interfère avec les atomes des plans cristallins et est diffractée suivant des directions déterminées de l’espace prévues par la loi de Bragg (3.10). La fraction des électrons non diffractée est transmise dans la même direction que celle du faisceau incident. La diffraction d’une fraction du faisceau électronique incident induit une atténuation de l’intensité électronique dans la direction du faisceau incident. Cette atténuation plus ou moins importante du faisceau électronique apparaît sur l’écran détecteur dans une tonalité plus foncée, grise ou même noire suivant le cas. L’image de l’échantillon se présente
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FIG. 10.2 Vue schématique des éléments d’un microscope électronique à transmission.
donc en sombre sur un fond clair. C’est ce qu’on appelle l’image en champ clair. Il existe d’autres modes d’observation de l’image que le champ clair. Nous ne les aborderons pas ici. Dans le cas d’un matériau amorphe, le mécanisme de formation de l’image reste sensiblement le même mis à part le fait que dans ce cas, le faisceau d’électrons est non plus diffracté dans des directions spécifiques mais plus ou moins diffusé dans l’ensemble des directions de l’espace. C’est grâce au microscope électronique à transmission qu’on a réellement mis en évidence l’existence des défauts dans la structure cristalline des matériaux. À titre d’exemple, examinons le cas des dislocations. On montre à la figure 10.3(a) une lame mince cristalline contenant un certain nombre de dislocations qui traverse, en oblique, la préparation. L’image de cette lame cristalline observée au microscope électronique à transmission est représentée à la figure 10.3(b). On voit que les dislocations apparaissent sous forme de lignes sombres. Lorsqu’un échantillon est soumis à l’effet d’un faisceau incident d’électrons, il est le siège de divers phénomènes secondaires (émission d’électrons secondaires ou d’électrons Auger, rayons X, etc.) qui peuvent servir à former une image à l’aide d’un détecteur approprié. Ces phénomènes ont donné naissance à un type de microscopie électronique, appelée microscopie électronique à balayage (MEB). Dans ce procédé la surface de l’échantillon est balayée par un faisceau très fin d’électrons focalisé sur une surface d’environ 10 nm de diamètre et le détecteur est placé latéralement, ce qui permet l’analyse de la surface de l’échantillon. On s’affranchit ainsi en grande partie des difficultés liées à la préparation d’échantillons minces et on utilise pratiquement toujours des échantillons épais. Cette technique a connu récemment une série de dé-
Microstructures
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FIG. 10.3 Image de dislocations obtenue par un microscope électronique à transmission: (a) position des défauts dans la lame mince; (b) image transmise.
veloppements très spectaculaires. Ainsi, il est à présent possible de travailler en maintenant la chambre du microscope sous une pression contrôlée de vapeur d’eau (Environmental Scanning Electron Microscopy) et d’effectuer des mesures sur des matériaux hydratés comme le bois sans en modifier la microstructure originale. Par analyse simultanément des RX, on obtient un relevé topographique de la composition chimique de l’échantillon. Un grand nombre de techniques d’analyse microscopique ont vu le jour durant ces dernières années. Citons, en particulier, le microscope à force atomique (Atomic Force Microscope-AFM) qui permet l’étude des matériaux non conducteurs électriques. Cette technique est basée sur l’étude du déplacement, en surface de l’échantillon, d’une pointe très fine. Celle-ci est fixée sur une lamelle flexible qui est déformée par les forces atomiques superficielles. Cette méthode permet de déterminer la topographie de la surface à l’échelle atomique, avec une très grande précision.
10.3 PRINCIPALES MICROSTRUCTURES DES MATÉRIAUX 10.3.1 Solidification des métaux purs Lors de la solidification des métaux, il se forme en général un solide polycristallin (fig. 9.5(a)). La taille du grain, en fin de solidification, est déterminée par le nombre de germes actifs au début de la solidification. Les métaux forment en général des dendrites qui sont également schématisées à la figure 9.5(a) (temps t = t4). La formation d’une structure dendritique a été expliquée en détail au paragraphe 9.3.4 (fig. 9.12). Dans les métaux purs, les dendrites ne sont plus observables après solidification complète. On observe la formation d’une microstructure polycristalline en grains comme celle montrée à la figure 9.5(a) (à t 5) et à la figure 10.1(b). 10.3.2 Polymères purs cristallisés à partir de l’état fondu Comme cela est schématisé à la figure 9.5(b), la structure de base des polymères semicristallins est le sphérolithe. Alors que chaque grain métallique cristallisé sous forme de dendrite a une structure monocristalline, les sphérolithes ont une structure polycristalline.
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Introduction à la sciences des matériaux
Le détail de la microstructure des sphérolithes est observé par microscopie électronique et par des techniques de diffraction. Les sphérolithes (fig. 10.4) sont constitués de longs rubans cristallins, issus d’un germe central. Ceux-ci se ramifient progressivement à mesure que le rayon du sphérolithe augmente. On note que les chaînes de polymères sont perpendiculaires aux lamelles cristallines et adoptent une conformation partiellement repliée (fig. 9.9(c)). L’épaisseur de la lamelle est très faible (1050 nm). La largeur des lamelles qui n’est pas déterminée avec précision est plus ou moins égale à 100 nm, tandis que leur longueur est de l’ordre de grandeur du rayon du sphérolithe qui peut atteindre jusqu’à 500 µm. Les lamelles sont reliées entre elles par des segments de chaînes amorphes. On trouve également entre les lamelles de la matière amorphe constituée par des chaînes polymères non cristallisables.
FIG. 10.4 Microstructure d’un sphérolithe de polymère organique (d’après Groupe français des polymères (G.F.P.), 1982).
La microstructure qui est décrite ici pour le sphérolithe fait intervenir un repliement très régulier de la chaîne avec rentrée de celle-ci dans le cristal dans la zone immédiatement adjacente au repliement précédent. D’autres types de morphologies sont également possibles pour les sphérolithes. Lorsque la densité de germination primaire n’est pas trop élevée, on peut observer les sphérolithes au microscope optique (fig. 10.5). En lumière polarisée, les sphérolithes de polymères sont biréfringents avec des zones d’extinction caractéristiques (Croix de Malte). A cause de la complexité du processus de croissance cristalline qui procède par germination secondaire (§ 9.3.3), les cristaux de polymères croissent beaucoup moins rapidement que les cristaux métalliques. La vitesse de croissance maximale du polymère qui cristallise le plus rapidement (polyéthylène) est de l’ordre de 100 µm s–1. Cette valeur est à comparer à des vitesses maximales de l’ordre d’une centaine de mètres par seconde observées dans les métaux.
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En raison de cette cinétique plus lente, on doit cristalliser les polymères à des degrés de surfusion beaucoup plus élevés que ceux des métaux et on obtient en général des grains de taille extrêmement petite (< 1 µm) qui ne sont visibles qu’au microscope électronique. En effet, la vitesse de germination primaire augmente fortement avec le degré de surfusion (fig. 9.8). La diminution de la taille des sphérolithes avec le degré de surfusion résulte du plus grand nombre de germes. Celle-ci s’accompagne également d’une diminution de l’épaisseur des lamelles cristallines due à une diminution de la longueur du germe secondaire avec la température. A noter que même lorsque les sphérolithes remplissent tout le volume du matériau polymère, il subsiste toujours une fraction de matière amorphe car le taux de cristallisation des polymères dépasse rarement 80%.
FIG. 10.5 Micrographies optiques en lumière polarisée de polymères partiellement cristallisés: (a) sphérolithes du poly(1-butylène) isotactique en cours de croissance; (b) sphérolithes de polyéthylène cristallisé (d’après Groupe français des polymères (G.F.P.), 1978).
Comme dans le cas des métaux, la microstructure des pièces réalisées avec des matériaux polymères coulés ou injectés n’est pas uniforme dans toute la section. Ainsi, la partie extérieure de l’échantillon de polymères (peau), qui est en contact avec le moule et qui est refroidie plus rapidement, présente généralement un taux de cristallinité inférieur à celui de l’intérieur. De même, la taille des grains est souvent plus importante dans la partie interne des pièces, car celle-ci, qui refroidit plus lentement que les parties situées à proximité de la surface, cristallise à un degré de surfusion plus petit. La microstructure de polymères peut également être influencée par des contraintes mécaniques résiduelles induites par le processus de fabrication.
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10.3.3 Structures de solidification et de précipitation observées dans les alliages métalliques Les microstructures observées dans les alliages métalliques sont principalement de quatre types: • Les cristaux dendritiques formés durant la solidification et qui deviennent visibles après attaque chimique dans le cas des alliages en raison de variations locales de composition chimique (ségrégation) (fig. 10.6(a)). Ces variations
FIG. 10.6 Microstructures des alliages métalliques: (a) dendrites, (b) eutectique lamellaire, (c) dendrites et eutectique interdendritique, (d) précipités formés à l’état solide à l’intérieur des grains. Il est important de noter les différences de grossissement entre les diverses micrographies.
sont dues à la diffusion lente des éléments à l’état solide qui ne permet pas d’atteindre l’équilibre thermodynamique. Sans attaque chimique, la microstructure a un aspect analogue à un métal pur polycristallin (fig. 10.1(b)). • Les microstructures eutectiques formées à partir du liquide (transformation eutectique) ou du solide (transformation eutectoïde). Les microstructures eutectiques ont une morphologie lamellaire (fig. 10.6(b)) ou fibreuse constituée de deux ou de plusieurs phases différentes. • Les microstructures mixtes dendritiques et eutectiques (fig. 10.6(c)). • Les particules de petite taille qui apparaissent à l’état solide au départ d’une phase sursaturée par précipitation (fig. 10.6(d)).
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On peut déterminer les conditions d’apparition de ces microstructures en fonction des diagrammes d’équilibre de phases et des cinétiques de transformation de phases. Ainsi, lors de la solidification des matériaux, il y a toujours un dégagement important de chaleur (chaleur latente de cristallisation) qui se produit durant la cristallisation de la phase liquide, ce qui ralentit considérablement le refroidissement du matériau métallique (fig. 8.16). Dans le cas d’un métal pur et pour des vitesses de refroidissement peu élevées, le refroidissement s’arrête au point de fusion pendant le temps nécessaire à la croissance des grains dendritiques (fig.10.7(b)). Dans le cas des alliages à solution solide (fig. 10.7(c)), la solidification ne se produit pas de manière isotherme comme dans les métaux purs. Les cristaux dendritiques se forment de manière progressive dans tout l’intervalle de solidification.
FIG. 10.7 Représentation schématique de la formation des microstructures dans un métal pur et dans un alliage en solution solide: (a) diagramme partiel d’équilibre de phases; (b) courbe d’analyse thermique d’un métal pur et (c) d’un alliage monophasé (fuseau) avec en encart l’évolution de la microstructure à différents temps de formation.
Comme nous l’avons déjà mentionné, lors de la solidification des alliages, il se produit en général des inhomogénéités de la composition cristalline (fig. 10.8). Les éléments de l’alliage qui possèdent le point de fusion le plus élevé se trouvent localisés préférentiellement au cœur des dendrites, tandis que les parties externes sont enrichies en éléments possédant le point de fusion le plus bas. Ces inhomogénéités de composition permettent de visualiser les dendrites lors d’une étude microscopique après attaque chimique (fig. 10.6(a)). Un alliage de composition eutectique, dont la courbe d’analyse thermique est donnée à la figure 10.9(c), a le même comportement thermique qu’un constituant pur. Comme toute la transformation se déroule à température constante TE, sa courbe de refroidissement à vitesse lente est caractérisée par un palier de solidification isother-
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FIG. 10.8 Schéma illustrant les variations de composition (C1, C2,...) d’une dendrite après solidification dans des conditions hors d’équilibre.
me. Durant cette cristallisation, il y a formation simultanée de deux phases cristallines α et β sous forme de fines lamelles alternées (fig. 10.6(b)) ou de fibres dispersées dans la matrice formée par l’autre phase.
FIG. 10.9 Formation de la microstructure dans les systèmes binaires présentant un eutectique: diagramme d’équilibre (a); courbe d’analyse thermique d’un alliage hypoeutectique c1, (b) et eutectique c2 (c).
Les alliages hypoeutectiques ou hypereutectiques (à composition respectivement inférieure ou supérieure à la composition eutectique) constituent des cas intermédiaires entre l’alliage du type fuseau et l’alliage eutectique. Leur comportement thermique est représenté par la courbe d’analyse thermique de la figure 10.9(b). Sa microstructure, schématisée en encart, qui contient des dendrites α et des grains eutectiques (α + β ), est représentée à la figure 10.6(c). La solubilité d’un élément dissout dans un alliage varie considérablement avec la température. Un alliage peut ainsi être homogène à haute température et exister
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FIG. 10.10 Représentation schématique de la formation d’une microstructure par précipitation en phase solide de particules pour obtenir un durcissement structural: (a) diagramme d’équilibre partiel Al–Cu; (b) traitement thermique d’homogénéisation (recuit) à une température proche, mais inférieure à la température eutectique suivi d’une trempe et d’un recuit isotherme (revenu) à une température intermédiaire; (c) quatre microstructures après des temps de revenu différents en regard avec l’évolution de la dureté Hv du matériau. C = concentration en % pds.
sous une forme biphasée aux températures plus basses. Cette transformation de phases des solutions solides a reçu le nom de précipitation. Cette dénomination a été proposée par analogie avec la terminologie utilisée pour les solutions liquides où l’on observe des phénomènes similaires. Un exemple bien connu est celui de l’aluminium qui peut dissoudre jusqu’à 5,7% pds de cuivre à 548 °C (fig. 10.10(a)). Cette solubilité diminue jusqu’à 0,2% à 200 °C. À 540 °C par exemple, un alliage Al–Cu, contenant 4% de cuivre, forme une solution solide homogène. Si on refroidit lentement cet alliage, on observe la précipitation du cuivre excédentaire sous forme de particules qui sont constituées du composé intermétallique Al2Cu. Si on trempe cet alliage (fig. 10.10(b), point (1)), on obtient, à température ambiante, une solution solide homogène sursaturée contenant 4% de Cu, car la précipitation à l’état solide est très lente. Par un recuit à température intermédiaire, appelé revenu, on peut faire apparaître les précipités de manière contrôlée. Les microstructures varient donc en fonction du temps et de la température (fig. 10.10(c)). L’alliage homogène sursaturé est relativement mou, sa dureté et sa limite élastique sont faibles. La précipitation d’une seconde phase provoque un durcissement structural qui augmente la dureté et la limite élastique. Cependant, un traitement thermique prolongé produit des précipités grossiers qui rendent l’alliage moins dur et
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fragile. Il est nécessaire, comme on peut le voir à la figure 10.10(c), de contrôler les conditions de précipitation de manière stricte (T et t) si on veut obtenir une microstructure à dureté maximale. 10.3.4 Principales microstructures des alliages fer-carbone On distingue deux catégories importantes d’alliages fer-carbone: les aciers et les fontes. Le domaine des aciers au carbone correspond aux alliages fer-carbone contenant moins de 1,5% pds de carbone. Les alliages comportant plus de 2% de carbone constituent les fontes. Nous avons vu qu’à une température de 727 °C et à une concentration en carbone de 0,8% (fig. 8.23 et 9.16), le diagramme Fe–C est caractérisé par une transformation eutectoïde entre les phases γ (austénite et α (ferrite)+ Fe3C (cémentite) . La microstructure d’un acier eutectoïde, refroidi lentement, est représentée à la figure 8.1. On distingue clairement les couches alternées de ferrite et de cémentite. Cette structure lamellaire, qui apparaît au microscope optique aux faibles grossissements sous un aspect chatoyant similaire à celui de la nacre, a reçu le nom de perlite. La formation de la perlite se fait d’une façon analogue à la formation d’une microstructure eutectique (fig. 10.9), avec le cristal γ -cfc comme phase en transformation à la place du liquide. Lorsqu’on refroidit un acier de composition hypereutectoïde (> 0,8% pds C), il se forme d’abord de la cémentite (Fe3C) et la perlite eutectoïde apparaît ensuite. La germination de cette cémentite proeutectoïde s’effectue préférentiellement sur les joints de grains de l’austénite car la germination et la croissance le long des joints de grains est nettement plus facile, ce qui favorise l’implantation d’une nouvelle phase. La perlite apparaît ensuite à la température de transformation eutectoïde. En raison de la présence d’un réseau de carbures aux joints de grains, ces aciers sont généralement fragiles. Dans le cas d’un acier hypoeutectoïde (< 0,8% C), il se forme un mélange de grains de ferrite, solution solide de fer α contenant moins de 0,02% C, et de grains de perlite. C’est la microstructure caractéristique des aciers de construction (fig. 10.11 (a)). Par des traitements thermiques et des trempes appropriés, on peut induire dans les aciers une grande variété de microstructures comme par exemple, la martensite (fig. 10.11 (b)) qui est obtenue par trempe de l’austénite (Feγ) et qui possède une dureté et une limite élastique élevées (§ 9.3.8). Les alliages contenant plus de 2% C constituent les fontes. L’addition de 4,3% pds de carbone au fer (fig. 8.23) abaisse la température de fusion du fer de près de 400°C. Cela permet d’obtenir des alliages eutectiques d’un prix de revient peu élevé et dotés de propriétés intéressantes et convenant pour le moulage de pièces compliquées. Il existe trois grandes catégories de fontes: les fontes grises qui contiennent du graphite soit sous forme de lamelles eutectiques, ce qui les rend fragiles, soit sous forme de graphite sphérolithique, et les fontes blanches où le carbone est présent à l’état précipité sous forme de lamelles eutectiques de carbure de fer (Fe3C). La mor-
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FIG. 10.11 (a) Microstructure typique d’un acier de construction (hypoeutectoïde) après refroidissement lent (~0,4% pds C) et d’un acier trempé, martensitique de même composition (b).
phologie lamellaire des fontes grises traditionnelles est favorisée par la présence d’impuretés comme le soufre. Les propriétés des fontes grises peuvent être adaptées aux besoins des applications en ajustant les teneurs en éléments additionnels. L’addition de certains éléments, comme le silicium, favorise la formation de graphite. L’addition de Mg permet la production de fontes à graphites sphérolithiques qui sont ductiles et qui peuvent se substituer aux aciers dans un certain nombre d’applications. En particulier, dans l’industrie automobile, ces fontes malléables moulées se substituent à l’acier embouti pour confectionner des pièces diverses comme les bras de suspension des voitures. L’addition de chrome favorise la formation de cémentite et produit de la fonte blanche. Cet effet est renforcé par un refroidissement rapide. La fonte blanche peut être rendue ductile par un traitement thermique à des températures de 900-1000 °C qui décomposent la cémentite instable en austénite et graphite nodulaire. 10.3.5 Microstructure des céramiques frittées Les propriétés des céramiques sont fortement fonction de leur processus de fabrication. Les céramiques traditionnelles, comme la porcelaine, sont fabriquées en général à partir de matières premières naturelles (kaolin, quartz, feldspath) dont la composition chimique n’est pas rigoureusement constante. Celles-ci subissent d’ordinaire une étape de broyage qui est très importante pour la qualité finale du produit. Les matières premières sont ensuite mises en oeuvre sous forme d’une pâte aqueuse par divers procédés (moulage à la main, pressage), les produits mis en forme sont séchés et soumis à une cuisson à température choisie en fonction de la composition du produit. Cette température varie suivant le cas entre 900 et 1500 °C. Pendant la cuisson, la porosité diminue. Les céramiques traditionnelles sont des matériaux ayant une microstructure complexe et dépendante du processus de fabrication. Ces matériaux sont souvent poreux. Nous avons représenté (fig. 10.12), à titre d’exemple, la microstructure d’une porcelaine industrielle utilisée pour l’isolation électrique. Ce matériau est fabriqué au
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départ d’un mélange de quartz, de feldspath et de silicates hydratés d’aluminium et de magnésium. La microstructure formée après la cuisson à haute température (~800 °C) est très variée. On identifie sur la micrographie divers composants comme des cristaux de mullite (fibres noires) qui est un silicate d’aluminium, des cristaux de quartz (grains blancs polyédriques) qui étaient présents dans le mélange de départ et qui ne sont pas modifiés par la cuisson de la céramique. Ces composants sont dispersés dans une matrice vitreuse. On note également en noir la présence de pores.
FIG. 10.12 Microstructure d’une porcelaine technique composée de cristaux de quartz , de cristaux de mullite dispersés dans une matrice vitreuse. On note également en noir la présence de pores.
Les céramiques techniques (Al2O3, ZrO2, SiC…) produites à partir de poudres synthétiques de granulométrie contrôlée sont en général caractérisées par une microstructure monophasée. Leur porosité est pratiquement nulle; leur densité peut être supérieure à 99% de la densité théorique. Dans un grand nombre de céramiques techniques et traditionnelles ainsi que dans les métaux à point de fusion élevé (métaux réfractaires: tungstène W, tantale Ta, molybdène Mo), la mise en œuvre se fait par un procédé de frittage. Ce procédé de formation d’un solide polycristallin ne passe pas par un état liquide comme c’est le cas dans la majorité des matériaux mais par diffusion en phase solide, ce qui nécessite le chauffage de poudres à températures élevées, avec ou sans application de pression. Le principe du frittage est schématisé succinctement à la figure 10.13. Nous avons représenté schématiquement en (a), (b), et (c) trois étapes du procédé. Le nombre de grains présents dans chaque cadre est identique. On remarque que la dimension des cadres diminue quelque peu car le volume global du matériau diminue légèrement à mesure que le frittage se fait. La porosité représentée en noir est initialement très importante. Celle-ci diminue progressivement (b). À la fin du frittage, la porosité est considérablement réduite surtout dans le cas des céramiques techniques. Globalement, les grains croissent légèrement et le volume diminue légèrement.
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FIG. 10.13 Représentation schématique des étapes du procédé de frittage: (a) poudres compactées; (b) stade intermédiaire: la taille des vides diminue; (c) stade terminal: les volumes vides ont pratiquement disparu et il ne subsiste plus que quelques pores et des joints de grains.
On voit sur le schéma de la figure 10.13(c) que les joints de grains restent visibles au microscope et que la porosité résiduelle est localisée en ces endroits. En utilisant des procédés de pressage multidirectionnel (pressage isostatique), on obtient des densifications s’approchant de la densité théorique. La microstructure des matériaux obtenus par frittage est en grande partie conditionnée par la granulométrie des poudres et par leur traitement. La fabrication de poudres ayant des caractéristiques déterminées et reproductibles est devenue une activité industrielle importante. Dans un certain nombre de cas cependant, un film liquide se forme à l’interface des grains, mais l’ensemble du matériau ne passe pas à l’état liquide. C’est le frittage en phase liquide. Une dissolution partielle de certains composants peut intervenir. Des réarrangements structuraux et des reprécipitations sont susceptibles de se produire pendant la phase de consolidation. Le procédé de frittage en phase liquide est couramment utilisé pour la fabrication des métaux durs pour outils de coupe à base de WC et de Co. Dans ce cas, la formation d’un film de Co liant les grains de carbure de tungstène (~90% en volume) est obtenue par le traitement thermique qui amène la fusion de l’eutectique de Co-WC. Grâce à cela, on obtient un matériau ayant une résistance au choc élevée. 10.3.6 Microstructures des mélanges de polymères et des copolymères Nous avons vu au chapitre 8 que les polymères ne formaient presque jamais d’alliages par mélange physique de deux macromolécules de nature différente. La
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plupart du temps, les mélanges (alliages) de polymères sont obtenus par voie chimique, c’est-à-dire par copolymérisation. Les copolymères statistiques (fig. 8.28(a)) ne comportent qu’une seule phase amorphe, et de ce fait ils ne possèdent pas de microstructure. Les copolymères comportant des séquences homogènes de structure chimique différente, c’est-à-dire copolymères à blocs (fig. 8.28 (b)) et greffés (fig. 8.28 (c)), se présentent en général sous la forme d’une émulsion de deux phases finement dispersées. Dans ce type de copolymère, on distingue (fig. 10.14) trois microstructures de base suivant la longueur relative des séquences A et B; formation de sphères, de cylindres ou de lamelles. Ces éléments de microstructure ont une dimension caractéristique (diamètre des sphères et des cylindres, épaisseur des lamelles) comprise entre 10 nm et 1 µm.
FIG. 10.14 Variation de la microstructure des copolymères triséquencés ABA en fonction de leur composition (d’après Molau, 1970).
Nous décrirons succinctement ici deux types de matériaux polymères synthétisés au départ de copolymères comportant des séquences homogènes comme les copolymères greffés ou des copolymères triblocs. De manière générale, lorsque la microstructure est constituée d’une dispersion de sphères caoutchoutiques dans une phase amorphe vitreuse, on obtient un thermoplastique rigide à haute résistance au choc. Dans le cas inverse d’une dispersion de sphère vitreuse dans une matrice caoutchoutique, on obtient un caoutchouc thermoplastique. Nous discuterons d’abord, à titre d’exemple de thermoplastique rigide à haute résistance au choc, du cas du polystyrène-choc. Ce matériau est un mélange de polystyrène et d’un copolymère greffé ( fig. 8.28(c)). La chaîne principale du copolymère greffé est un polydiène (polybutadiène) (A) et les greffons (B) sont du polystyrène. La microstructure (fig. 8.2) de ce matériau est un constitué d’une dispersion de nodules sphériques dont la taille varie de 1 à 10 µm dans une matrice rigide de polystyrène thermoplastique. Ces nodules sphériques, qui sont produites par le procédé de synthèse (vol. 13, chap. 5), ont une morphologie très complexe. Celle-ci est détaillée à la figure 10.15. La phase de polystyrène est en blanc, tandis que la phase de polybutadiène (marquée au tétroxyde d’osmium) apparaît en noir sur la figure. Nous avons indiqué schématiquement les détails de l’organisation des chaînes de copolymère greffé dans la microstructure. En traits pleins, les chaînes de polybutadiène et en traits pointillés les chaî-
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Fig. 10.15 Détails de la microstructure d'un nodule inclus dans un polystyrène-choc. La phase polystyrène est en clair et l'élastomère est en foncé. Nous avons indiqué schématiquement les détails de l'organisation des chaînes de copolymère greffé dans la microstructure. En traits pleins, les chaînes de polybutadiène(élastomère); en traits pointillés les chaînes de polystyrène greffées.
nes de polystyrène. Comme l’indique le schéma , il existe également un petit nombre de chaînes de polystyrène qui relient entre elles deux chaînes de polybutadiène. La présence de ces chaînes de polystyrène liées aux deux extrémités induit la formation d’un réseau tridimensionnel qui vient, en quelque sorte, corseter les nodules sphériques et les rend plastiquement indéformables. La présence de ce corset moléculaire tridimensionnel empêche les nodules de se fragmenter pendant la mise en œuvre du polymère à haute température. Comme exemple de caoutchouc thermoplastique, nous décrirons le cas d’un copolymère tribloc (fig. 8.28(b)) composé de deux séquences (A) de polystyrène et d’une séquence de polybutadiène (B). La synthèse de ce copolymère est également décrite au volume 13 (chap. 5). Lorsque la proportion de polybutadiène dans le copolymère tribloc dépasse 60%, on obtient un matériau polymère constitué d’une dispersion de sphères vitreuses de polystyrène dans une matrice caoutchoutique continue de polybutadiène (fig. 10.16). Ce matériau est un élastomère à température ambiante mais lorsqu’on le porte à haute température (T > 100 °C), il passe à l’état liquide et il peut être mis en forme. Ce type de matériau combine donc les propriétés élastomères avec les facilités de mise en œuvre des thermoplastiques d’où leur dénomination de caoutchouc thermoplastique. En effet, nous avons vu (chap. 5) qu’un élastomère était constitué d’un réseau tridimensionnel de chaînes reliées entre elles par des liaisons pontales. Dans le réseau
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tridimensionnel d’un élastomère vulcanisé, les chaînes élastiques sont fixées à chaque extrémité à une liaison pontale (fig. 6.12). En l’absence de liaison pontale, la déformation est irréversible, on a affaire à un liquide très visqueux. Dans les copolymères linéaires triblocs décrits à la figure 10.16, les segments de polybutadiène (caoutchoutique) sont liés à chaque extrémité à une séquence polystyrène rigide. Les segments caoutchoutiques sont donc reliés entre eux par les sphères vitreuses de polystyrène et constituent un réseau tridimensionnel caoutchoutique caractérisé par une grande déformabilité réversible (plus de 100 %) pour autant que la température d’utilisation soit intermédiaire entre les températures de transition vitreuse du polybutadiène ~–80 °C) et du polystyrène (~100 °C). En pratique, pour ces copolymères triséquencés, la température d’utilisation varie entre –40 et 50 °C environ. Si la température est supérieure à la température de transition vitreuse du polystyrène (~100°C), les nodules de polystyrène se ramollissent, le matériau devient thermoplastique et il peut se mettre en forme (généralement à une température supérieure à ~200°C) par des procédés analogues à ceux utilisés pour les polymères thermoplastiques simples ( polystyrène, poly(méthacrylate de méthyle).
FIG. 10.16 Microstructure des copolymères triséquencés styrène-butadiène-styrène contenant environ 30% pds de styrène (d’après M. Morton, 1977).
Il est très important de mentionner qu’il est nécessaire d’utiliser un copolymère triséquencé (ou multiséquencé) pour obtenir un caoutchouc thermoplastique. Avec un copolymère bibloc (fig. 8.28 (b)) , les segments élastiques ne sont liés qu’à une seule extrémité et on n’obtient pas de réseau tridimensionnel caoutchoutique.
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10.4 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS La microstructure des matériaux est composée de différentes phases de forme, de taille et de distribution variables (grains, précipités, dendrites, sphérolithes, lamelles, pores…). Les phases se différencient les unes des autres par leur structure cristalline, semicristalline ou amorphe. Les morphologies s’observent au microscope optique ou électronique. La microstructure détermine les propriétés d’un très grand nombre de matériaux. C’est grâce à la modification contrôlée de la microstructure lors de la fabrication ou de la transformation que l’ingénieur en matériaux obtient une large gamme de propriétés. Pour comprendre le comportement des matériaux, il est indispensable d’établir la liaison entre des phénomènes qui se déroulent à l’échelle de la microstructure et les propriétés du matériau. Les microstructures formées dans les matériaux dépendent non seulement de la composition ou de la structure chimique du matériau mais aussi de l’existence de gradients de température ou de concentration à l’intérieur de celui-ci lors de sa transformation. Les microstructures sont également fortement influencées par l’énergie nécessaire à la création des interfaces nouvelles. La plupart des microstructures qui se forment lors de la solidification sont de nature cristalline. Le verre est toujours moins stable que le cristal si celui-ci peut se former. Dans un certain nombre de cas cependant, une structure amorphe (vitreuse) apparaît lors d’un refroidissement rapide. Notons que c’est en raison de l’absence de microstructure que les verres doivent leur transparence. Certains matériaux ont une structure moléculaire très irrégulière et ne sont pas capables de développer une structure cristalline stable. Ils n’existent, à l’état solide, que sous une forme vitreuse, quelles que soient les conditions de refroidissement (polymères atactiques). La microstructure des polymères organiques est, en grande partie, contrôlée par leur structure chimique. Si les macromolécules ont une structure moléculaire régulière, la cristallisation se produit généralement. Notons que la cristallisation des matériaux polymères n’est jamais complète (structure semi-cristalline) et forme des sphérolithes. Les caractéristiques cinétiques des transformations de phases permettent d’induire, par des traitements thermiques adéquats (trempe-recuit), des microstructures très diverses, qui ont en général une composition non homogène et qui sont presque toujours métastables à la température d’utilisation. Dans le cas des métaux et de leurs alliages, les traitements thermiques combinés avec des traitements mécaniques, comme le laminage, ont atteint un degré de sophistication très élevé. Les céramiques sont obtenues souvent par frittage de poudres, ce qui explique la présence de pores qui constituent un élément important de leurs microstructures.
10.5 EXEMPLE ILLUSTRATIF: LE LASER, UN OUTIL POUR L’INDUSTRIE AUTOMOBILE Un laser est une source de rayonnement qui met en œuvre une technique spéciale d’émission de la lumière dite stimulée qui se caractérise par une grande cohérence de phase de l’émission lumineuse. Les sources traditionnelles de lumière comme le fila-
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ment d’une lampe à incandescence ne produisent qu’une émission «spontanée» qui se marque par des changements de phase fréquents, ce qui engendre des interférences et des pertes d’énergie importantes. Dans un laser, les atomes d’un gaz ou d’un cristal sont excités dans un état de haute énergie par un stimulant électrique ou lumineux. Une partie de cette énergie est réémise sous forme d’un faisceau intense et parallèle d’une radiation électromagnétique cohérente, dans une bande étroite de longueur d’onde. Ce faisceau est focalisable par des lentilles ou des miroirs, ce qui permet d’apporter, dans un très petit volume pendant un temps très court, une puissance élevée. Les différents lasers opèrent dans un domaine de longueur d'onde allant de l’ultraviolet à l’infrarouge. Le concept de base du laser a été proposé dès 1917 par A. Einstein mais il a fallu plus de 40 ans avant que le premier laser ne soit réalisé par Maiman en 1959. Le terme laser, qui est un acronyme accepté partout, provient des initiales de la terminologie anglo-saxonne (Light Amplification of Stimulated Emission of Radiation) qui se traduit en français par «amplification de lumière par émission stimulée de rayonnement». Le laser est devenu un outil indispensable pour le traitement des matériaux. En particulier, on a développé un nombre important d’applications industrielles pour l’usinage des matériaux métalliques (perçage, découpage, soudage). Plus récemment, on a développé des procédés de transformation superficielle des alliages métalliques en vue d’augmenter leur résistance à l’usure, à la fatigue et à la corrosion. Pour réaliser ces traitements de surface, on utilise un laser de haute puissance à CO2 par exemple qui permet une émission continue de quelques kW à une longueur d’onde de 10,6 µm. Ce type de laser est également utilisé pour la soudure. Le faisceau lumineux de ces lasers est focalisable sur une surface réduite (~0,1 mm). En pratique, on travaille souvent avec un spot d’environ 1 mm de diamètre. Par balayage à haute vitesse de la surface métallique avec ce spot laser, on obtient une couche métallique avec une microstructure ultrafine résultant d’une fusion superficielle suivie d’un refroidissement à vitesse très élevée. Si l’on associe à ce traitement laser superficiel une projection de poudres métalliques ou céramiques, on forme en surface une couche d’alliage de composition différente de celle de la masse du matériau et on modifie ainsi les propriétés de surface. On se limitera dans cet exemple illustratif aux traitements laser utilisant des poudres de composition très différente de celles du substrat. Ceci permet de changer la résistance à la corrosion ou à l’usure d’un matériau sans altérer ses propriétés mécaniques. La figure 10.17 représente schématiquement le processus de dépôt d’une couche d’alliage métallique en surface d’un matériau métallique par l’interaction d’un faisceau laser à un jet de poudre. Pour obtenir un traitement en continu, on balaie la zone à recouvrir en déplaçant progressivement la pièce à traiter sur une plateau mobile ou par l’oscillation du faisceau. Lorsque le faisceau laser interagit avec une surface métallique, une partie de l’énergie du faisceau est absorbée alors que l’autre partie est réfléchie. Le taux d’absorption (qui conditionne l’efficacité de chauffage du matériau par le faisceau) dépend de la nature du matériau, de son état de surface, de la longueur d’onde et de l’intensité de la radiation. La profondeur atteinte et la forme de la zone fondue restent stables durant le traitement et se déplacent de manière uniforme
Microstructures
293
avec le déplacement du plateau mobile qui porte la pièce. Les conditions de traitement dépendent de l’intensité de la source laser et de la vitesse de déplacement du Laser
Po
ud
Dépôt Direction de balayage
re
r teu c e ot pr z a G
se on Bu ecti j in
Couche superficielle liquide Substrat
FIG. 10.17 Représentation schématique du traitement de la surface d’un matériau métallique par balayage avec un spot laser couplé à la projection simultanée d’une poudre. Recouvrement de la surface du matériau par une couche d’alliage de composition différente de celle de la masse du matériau.
20 µm
FIG. 10.18 Microstructure d’une stellite (alliage Co, Mo, Cr, C) déposé par laser.
plateau mobile. Celle-ci varie de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres par seconde. Le gradient de température induit par le traitement est de l’ordre 6 3 5 de 10 K m–1 et la vitesse de refroidissement varie entre 10 et 10 K s–1. Ces conditions expérimentales amènent la formation de microstructures fines (fig. 10.18), qui améliorent les propriétés superficielles du matériau. Ce procédé de recouvrement est
294
Introduction à la sciences des matériaux
particulièrement intéressant parce que la surface du substrat, qui est fondue superficiellement, s’allie avec le matériau de revêtement par une liaison métallique forte. Ce processus présente une série d’autres avantages: • Le temps d’interaction entre le substrat et le spot laser est très court, la pièce traitée est peu chauffée et sa déformation est minime. • L’épaisseur de la couche de recouvrement est bien contrôlée et le travail d’usinage ultérieur est peu important. • Le processus est très flexible et se prête à l’automatisation. • L’outil de traitement, qui est un faisceau lumineux, ne s’use pas. L’industrie automobile utilise actuellement cette technique pour la fabrication de sièges de soupape directement sur des blocs moteurs préfabriqués en alliages d’aluminium (fig. 10.19). Dans le procédé classique, les sièges de soupape sont sertis sous forme de bagues sur les têtes de cylindre par pressage. Le procédé par traitement laser est intéressant car il assure une meilleure conduction thermique entre le cylindre et le siège de soupape, ce qui leur permet de travailler à température plus basse. Il s’ensuit une diminution de l’usure. De plus, l’absence de bague dans le procédé laser permet la fabrication de sièges de soupape de plus grand diamètre. Ceci augmente également les performances du moteur tout en diminuant la consommation de carburants.
FIG. 10.19 Culasse de moteur traitée par laser avec un alliage dur et résistant à la corrosion (procédé Toyota)(D’après T. Saito).
10.6 EXERCICES 10.6.1 La microstructure de la figure 10.20 a été obtenue au microscope optique. • Définir les éléments de cette microstructure. • Décrire l’élément représenté par les traits noirs . • Par quel traitement rend-on cette microstructure observable ?
Microstructures
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FIG. 10.20 Exemple de microstructure d’un métal pur ou d’une céramique obtenue par frittage.
10.6.2 Donner les domaines d’application de la microscopie optique et de la microscopie électronique à transmission. 10.6.3 Expliquer pourquoi la cristallisation des polymères organiques n’est jamais complète. Dessiner schématiquement la structure observée au microscope optique à divers stades de la cristallisation. 10.6.4 Esquisser l’interface de croissance d’une lamelle cristalline de sphérolithe. Quelle est l’étape cinétique de la croissance cristalline des polymères ? En vous basant sur le paragraphe 9.3.2, expliquer pourquoi l’épaisseur de cette lamelle diminue avec la température. 10.6.5 Représenter l’évolution de la fraction volumique des sphérolithes pendant une cristallisation isotherme et indiquer schématiquement le développement de la microstructure durant cette transformation de phase (fig. 9.14). 10.6.6 Esquisser l’évolution de la microstructure d’un acier contenant 0,4% pds de carbone (fig. 9.16) et dessiner les microstructures observées après un refroidissement à 740 et à 700 °C. 10.6.7 Quelle microstructure observe-t-on si on refroidit un acier contenant 0,4% pds de carbone de 950 °C à la température ambiante dans les conditions suivantes: • refroidissement lent à l’équilibre; • refroidissement rapide (trempe). 10.6.8 À partir du diagramme de phases Cu-Zn (laiton) de la figure 8.32, tracer les courbes de refroidissement et dessiner les microstructures des alliages contenant respectivement 10 et 20% pds de Zn. 10.6.9 Les deux alliages dont les diagrammes de phases représentés à la figure 10.21 se prêtent-ils au durcissement par précipitation de l’aluminium ? Justifier votre réponse.
296
Introduction à la sciences des matériaux
FIG. 10.21 Diagramme d’équilibre de phase des alliages Al-Mg (a) et Al-Sn (b).
Fig. 10.22 Microstructure d’un mélange de polypropylène et d’un copolymère éthylène-propylène, vue au microscope électronique à transmission et marquée au ruthénium. Le copolymère éthylène-propylène forme la phase dispersée. On remarque la structure core-shell caractéristique d’un copolymère à blocs (d’après Biebuick, 1994).
10.6.10 La figure 10.22 représente la microstructure d’un mélange de polypropylène (phase continue) et d’un copolymère éthylène-propylène qui forme la phase dispersée. • Quelles sont les caractéristiques principales de cette microstructure ?
Microstructures
297
• Comparer cette microstructure à celle du polystyrène choc (fig. 8.2 et 10.15) et discutée au paragraphe 10.3.6. Quelles sont les différences importantes existant entre les caractéristiques physiques de ces deux matériaux ? • Que pouvez-vous en déduire du point de vue de la solubilité et de la résistance à la température de ces matériaux ? • Le mélange de polypropylène et de copolymère éthylène-propylène est-il un matériau ductile ? Justifier votre réponse en vous référant notamment au paragraphe 12.2.6.
10.7 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES R.W. DAVIDGE, The Structure of Special Ceramics with Particular Reference to Mechanical Properties, Proc. Br. Ceram. Soc., 20 (1972) 364. T.H. MAIMAN, Nature, Aug. 6, 1969). J.-P. EBERHART, Analyse structurale et chimique des matériaux, Bordas, Paris, 1989. GROUPE FRANÇAIS DES POLYMÈRES (G.F.P.), Initiation à la Chimie et la Physico- Chimie Macromoléculaire, Volume 4. Quelques Grands Polymères Industriels, 1982. GROUPE FRANÇAIS DES POLYMÈRES (G.F.P.), Initiation à la Chimie et à la Physico- Chimie Macromoléculaire, Volume 1, Physico-Chimie des Polymères, 1978. H. JONES, Rapid Solidification of Metals and Alloys, Institution of Metallurgists, (Great Britain), 1982. W. KURZ, D.J. FISHER, Fundamentals of Solidification, Trans. Techn. Publications, Zurich (Suisse), 1998. G.E. MOLAU, S.L. AGGARWAL (ed.), Block Polymers, Plenum Press, New York, 1970, p. 79. M. MORTON, Thermoplastic Elastomers, J. Polym. Sci, C 60, (1977), 1. T. SAITO, Toyota SAE Technical Series, 1992.
CHAPITRE 11
COMPORTEMENT DES MATÉRIAUX EN TRACTION
11.1 OBJECTIFS • Apprendre à interpréter les résultats d’un essai de traction et à caractériser les propriétés mécaniques d’un matériau. • Se familiariser avec les différents types de courbes de traction des matériaux. • Relier les contraintes et les déformations nominales aux contraintes et aux déformations réelles. • Introduire le concept d’énergie de déformation. Au chapitre 6, nous avons décrit le comportement élastique du solide idéal soumis à des sollicitations mécaniques. Nous avons montré que la résistance des matériaux était en général beaucoup plus faible que celle calculée théoriquement, en ne prenant en considération que les forces de liaisons interatomiques (§ 6.3.4). Ce divorce entre la théorie et l’expérience résulte surtout de la présence des défauts (dislocations) que nous avons caractérisés au chapitre 7. Dans ce chapitre, nous étudierons le comportement mécanique en traction des matériaux réels. En service, les matériaux sont sollicités par des charges ou des forces provoquant des déformations. Il est important de connaître le comportement à la déformation des matériaux. Les propriétés mécaniques les plus importantes sont la rigidité (module d’élasticité), la limite d’élasticité et la ductilité mesurées par l’essai de traction et la dureté déterminée par divers types d’essais. Ce chapitre est surtout limité aux aspects macroscopiques et phénoménologiques de l’étude des propriétés mécaniques en traction. Les aspects microscopiques des mécanismes de déformation et les processus de durcissement (renforcement) qui influencent le comportement mécanique des matériaux seront présentés dans le chapitre 12. Pour des questions de sécurité, il est très important de connaître le mécanisme de propagation des fissures dans un matériau lors de sa rupture. Le comportement à la rupture sera traité au chapitre 13.
11.2 PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES EN TRACTION 11.2.1 Résistance des matériaux et propriétés mécaniques Il faut faire la distinction entre les propriétés mécaniques, qui caractérisent le comportement spécifique des matériaux, et, ce qu’on appelle la résistance des maté-
300
Introduction à la science des matériaux
riaux, qui est une discipline qui analyse le comportement d’éléments de structure soumis à des sollicitations mécaniques complexes: pièces de machines, composants structuraux de construction civil, etc. La résistance des matériaux est une discipline de l’ingénieur qui utilise les propriétés spécifiques des matériaux, comme le module d’élasticité ou la limite élastique, pour calculer les contraintes et les déformations subies par les éléments structuraux lors de leur mise en service et qui a pour objectif de leur assurer un dimensionnement correct. Par contre, l’étude des propriétés mécaniques, que nous abordons dans ce chapitre, a pour objectif d’établir les caractéristiques intrinsèques des matériaux lorsqu’ils sont soumis à des déformations. L’application d’une force provoque d’abord une déformation élastique. Pour un grand nombre de matériaux (métaux, certains polymères), la déformation élastique, qui est réversible, est suivie d’une déformation permanente, irréversible appelée déformation plastique. Ceci nous amène à distinguer deux types de contraintes limites: la limite d’élasticité Re, qui donne la résistance atteinte par le matériau à la fin du domaine de déformation élastique, et la résistance à la traction Rm, qui donne le niveau de contrainte maximale supportée par le matériau au moment de sa rupture. Pour les matériaux fragiles comme les céramiques et un nombre important de polymères organiques qui se rompent sans déformation plastique préalable, ces deux contraintes limites sont confondues. Deux autres caractéristiques importantes sont également déterminées par l’essai de traction: la ductilité d’un matériau, qui est caractérisée par le taux de déformation permanente au moment de la rupture et la ténacité, qui représente la quantité d’énergie absorbée par un matériau au moment de sa rupture. Nous analyserons en détail cette dernière caractéristique au chapitre 13. On recherche souvent des matériaux à module d’élasticité élevée et à grande ténacité, c’est-à-dire des matériaux rigides, à haute limite élastique et non fragiles. Une telle combinaison de propriétés mécaniques n’est pas facile à réaliser en pratique. Comme nous l’avons déjà mentionné au chapitre 6, les polymères organiques à température ambiante, les métaux et les céramiques à températures élevées sont susceptibles d’avoir un comportement viscoélastique. Dans ce cas, la réponse élastique instantanée est suivie d’une composante visqueuse qui entraîne une variation importante des propriétés mécaniques en fonction du temps d’application de la contrainte (fluage). Pour utiliser de manière rationnelle des matériaux viscoélastiques, il faut disposer de lois d’extrapolation pour déterminer le comportement mécanique à des temps très longs. Ce point sera discuté au chapitre 12. Les propriétés mécaniques des matériaux sont déterminées par des essais normalisés à l’aide d’éprouvettes standardisées soumises à des conditions de mise en charge bien définies. Une éprouvette d’essai, prélevée dans le matériau à caractériser, est usinée à des dimensions spécifiées. Ces essais normalisés rendent possible la comparaison des essais effectués dans différents laboratoires. On simule également certaines conditions d’utilisation par des essais appropriés (vieillissement accéléré, usure, fatigue, etc.). Une très grande prudence s’impose lors de la transposition des résultats de laboratoire au comportement en service. Les conditions réelles d’utilisation sont souvent beaucoup plus complexes.
Comportement des matériaux en traction
301
11.2.2 Essai de traction L’essai le plus courant permettant de déterminer le comportement mécanique d’un matériau est l’essai de traction. On applique une force de traction sur un barreau de dimension standardisée, jusqu’à sa rupture suivant un processus de mise en charge à vitesse de déformation constante. En enregistrant la force appliquée à l’éprouvette par la machine de traction et son allongement progressif, on détermine une série de caractéristiques mécaniques essentielles. On ne connaît généralement pas la variation de la section de l’éprouvette durant la mesure et, en règle générale, on exprime la force F et l’allongement ∆l par rapport aux dimensions initiales de l’éprouvette. On obtient ainsi la contrainte nominale σ :
σ=
F S0
(11.1)
où S0 est l’aire de la section initiale. On définit la déformation nominale ε (en fraction):
ε=
∆l l0
(11.2)
où l0 correspond à la longueur initiale de l’éprouvette. La valeur de ε, est en général, exprimée en pour-cent. À titre d’exemple, nous avons représenté à la figure 11.1 la courbe de traction d’un métal à comportement ductile. Une courbe de traction de ce type permet de déterminer les quatre grandeurs caractéristiques suivantes: • Le module d’élasticité E (ou module de Young) donné par la pente de la partie élastique de la courbe contrainte σ – déformation ε. Comme nous l’avons mentionné au chapitre 6, ce module élastique est fonction de l’énergie des liaisons entre les atomes ou molécules constituant le matériau. • La limite d’élasticité Re qui donne la valeur de la contrainte nominale à partir de laquelle le matériau commence à se déformer plastiquement. Comme la déformation plastique apparaît souvent progressivement, la limite d’élasticité est difficile à déterminer avec précision, et on adopte en général une limite conventionnelle d’élasticité R0,2 qui est la contrainte nominale correspondant à une déformation permanente de 0,2 %. • La résistance à la rupture R m qui est définie par la contrainte nominale maximale supportée par l’éprouvette. • La déformation à la rupture (εR) qui correspond à la déformation plastique nominale à la rupture en traction de l’éprouvette. La valeur de la déformation à la rupture εR représente une des grandeurs caractéristiques de la ductilité. Parmi ces caractéristiques mécaniques, la limite d’élasticité Re joue un rôle très important, car elle détermine la contrainte limite qu’il ne faut pas dépasser si l’on veut éviter d’induire des déformations permanentes dans une pièce en service. Un
302
Introduction à la science des matériaux
grand écart entre les valeurs Rm et Re, associé à une valeur élevée de εR, donne un niveau de sécurité plus élevé en cas de dépassement localisé de la limite élastique dans une pièce sollicitée. Pour des questions de sécurité, de manière générale, les éléments de machines sont calculés de façon à maintenir les contraintes à un niveau inférieur à la limite élastique. Le comportement mécanique ne dépend alors que du module d’élasticité E. Lorsque, par exemple, sous l’influence du vent, la pointe de la tour Eiffel subit des oscillations d’une amplitude de l’ordre de 50 cm, cette déflexion n’a rien de catastrophique, car elle reste bien en deçà de la limite d’élasticité de l’acier utilisé pour la construction. Cependant, même lorsque la contrainte appliquée est inférieure à la limite d’élasticité, une déformation périodique prolongée peut provoquer une rupture du matériau par un phénomène qui est appelé fatigue. Nous reviendrons sur ce point au chapitre 13. En pratique une dégradation superficielle des matériaux, due à un phénomène de corrosion, se superpose souvent à l’effet d’une contrainte statique ou cyclique, diminuant la résistance effective. Lors de l’étude thermodynamique de l’extension uniaxiale (sect. 6.3), nous avons été amenés à distinguer deux grandes classes de matériaux: les matériaux à élasticité enthalpique (métaux, verres organiques et minéraux, polymères semicristallins) et les élastomères qui sont des matériaux à élasticité entropique. Nous passerons en revue les caractéristiques générales des courbes de traction des matériaux à élasticité enthalpique, de loin les plus nombreux, et nous compléterons l’étude du chapitre 6 concernant le comportement des élastomères en traction.
11.2.3 Courbe de traction des matériaux à élasticité enthalpique Lorsqu’on étudie, en détail, le comportement en traction d’un matériau métallique ductile, comme un acier doux (fig. 11.1), on observe les caractéristiques suivantes: • La partie initiale de la déformation est élastique. L’éprouvette reprend sa forme et sa dimension initiales lorsque la sollicitation cesse. Il y a réversibilité totale et quasi instantanée de la déformation. Pour les métaux, la déformation élastique a, en général, un comportement linéaire. Dans le cas des matériaux à haut module d’élasticité (métaux et céramiques), la déformation élastique ne dépasse généralement pas une valeur εe égale à 0,1%. Dans ce domaine, le coefficient de Poisson ν (chap. 6) est voisin de 0,3 pour les métaux. • Si on dépasse la limite d’élasticité, on constate que la longueur de l’échantillon a augmenté de façon permanente lorsqu’on relâche la contrainte. On se trouve en présence d’une déformation irréversible (déformation plastique). • En soumettant le matériau à des charges et des décharges dans le domaine de déformation plastique, on constate que la limite d’élasticité augmente en fonction des déformations successives. Cette situation est illustrée à la figure 11.2 dans le cas de deux mises en charge successives d’un acier à 0,2% de carbone. Sur l’exemple donné, la limite d’élasticité conventionnelle R0, 2 (ε = 0,2%) est, de l’ordre de 200 MPa. Après le premier cycle de mise en charge,
Comportement des matériaux en traction
303
FIG. 11.1 Courbe contrainte σ – déformation ε d’une barre cylindrique soumise à une traction, pour un métal à comportement ductile.
FIG. 11.2 Courbe contrainte σ – déformation ε en valeurs nominales pour un acier à 0,2% de carbone. Deux cycles successifs de mise en charge (1) et (2) ont été faits au cours de l’essai de traction.
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Introduction à la science des matériaux
on mesure à une limite d’élasticité conventionnelle qui atteint 350 MPa. Après un deuxième cycle de mise en charge la limite élastique dépasse 400 MPa. Un durcissement est donc, en général, observé pendant la déformation plastique des métaux (écrouissage ). Ce phénomène de durcissement est appelé consolidation. Le terme de durcissement est pris ici dans le sens très large de résistance. Ce durcissement se marque par une augmentation de la dureté et de la limite élastique. Il est dû au blocage du mouvement des dislocations, en raison de l’augmentation de leur densité au cours de la déformation plastique. Nous reviendrons en détail sur ce point au chapitre suivant. Ce phénomène d’écrouissage a surtout été étudié pour les métaux mais des phénomènes similaires se produisent dans d’autres matériaux comme les thermoplastiques ductiles (fig. 11.3) mais ils font intervenir alors d’autres mécanismes. Il faut noter que la courbe de traction peut présenter un crochet lors de la transition élastoplastique. Ce comportement, qui est notamment observé dans le cas des aciers doux (fig. 11.2), résulte d’un faible encrage des dislocations par les atomes de carbone interstitiels. Durant la déformation élastique initiale et pour les faibles taux de déformation plastique, l’allongement de l’éprouvette s’accompagne d’une contraction homogène sur toute la longueur de l’échantillon. A partir d’un taux de déformation critique correspondant au maximum observé dans la courbe de contrainte nominale - déformation, la contraction de la section cesse d’être homogène. On observe que celle-ci devient plus importante, de façon aléatoire, en un endroit précis de l’éprouvette. À cet emplacement, la section locale de l’éprouvette diminue de manière inhomogène et on parle alors d’un phénomène de striction (fig. 11.1). La résistance de l’éprouvette qui est proportionnelle à sa section, diminue également. La striction apparaît donc lorsque la contrainte nominale dépasse la valeur maximale (Rm) de la courbe de traction de la figure 11.1. Cette valeur correspond donc à la charge maximum supportée par l’éprouvette déformée de manière homogène. On définit un coefficient de striction As caractérisant la diminution relative de section mesurée en pour-cent après la rupture par la relation suivante: S − Sr × 100 As = 0 S0
(11.3)
oùS0 est l’aire de la section initiale, et Sr l’aire de la section après rupture. Le coefficient de striction As constitue également une mesure de la ductilité: le facteur As varie de zéro (matériaux fragiles) jusqu’à 100 en fonction de la ductilité des matériaux. Lorsque la rupture se produit, l’éprouvette se contracte rapidement de manière brutale en restituant l’énergie élastique stockée (fig. 11.1). Cette contraction s’accompagne d’une émission sonore qui résulte de la transformation de l’énergie potentielle en énergie cinétique. A la figure 11.3, nous avons représenté la courbe de déformation d’un polymère ductile, obtenue à des vitesses de déformation modérées (1 à 100 %/min). Dans sa première partie, (points (1) et (2)), cette courbe présente une allure analogue à celle obtenue pour les métaux, bien que les contraintes soient plus faibles et les déforma-
Comportement des matériaux en traction
305
tions plus grandes. La partie initiale de la courbe de traction est quasi linéaire, mais elle ne correspond pas nécessairement à un comportement élastique idéal. Comme nous l’avons souligné au chapitre 6, les polymères ont en général un comportement 15 D
Contrainte nominale σn (MPa)
B
C 10
A
Striction 5
0 50
100 Déformation ε [%]
FIG. 11.3 Courbe de contrainte - déformation nominales d’un polymère thermoplastique ductile. Jusque (A), on observe une déformation pseudo-élastique qui permet de déterminer un module d’élasticité apparent, (B) formation de la striction, (C) déformation plastique avec orientation des chaînes. La striction se propage à travers tout échantillon, (D) rupture. Des courbes de ce type se rencontrent pour les thermoplastiques amorphes (PC) à T < Tg et semicristallins (PE – PP – PA 6 – 6).
viscoélastique. Le module d’élasticité, déterminé à partir de la pente de la courbe de traction aux faibles taux de déformation, est en général un module d’élasticité apparent qui dépend de la vitesse de traction. Le module apparent dépend également fortement de la température en raison de la proximité de la température de transition vitreuse et de la température de fusion des polymères organiques. Pour ces matériaux, seuls des essais effectués à même température, à même vitesse de traction et, pour les polymères sensibles à l’humidité (polyamide), à même degré hygrométrique, sont comparables. Cette variation du comportement mécanique avec la température, propre aux polymères, est illustré à la figure 11.4 qui représente le comportement en traction d’un polyméthacrylate de méthyle (PMMA). On observe que la transition entre un comportement fragile et un comportement ductile se produit aux environs de 40 et 50 °C, soit à environ 60 °C en dessous de la température T g (~105 °C). On note également que le module d’élasticité apparent donné par la pente à l’origine diminue considérablement avec la température.
306
Introduction à la science des matériaux
FIG. 11.4 Courbes de contrainte - élongation du poly(méthacrylate de méthyle) PMMA (verre organique) en fonction de la température (d’après Andrew, 1968).
Lorsque le comportement est ductile, comme dans le cas de certains polymères semicristallins (polyamide, polyéthylène, etc.) ou amorphes (polycarbonate), il se produit un phénomène de striction qui se propage progressivement à l’ensemble de l’éprouvette (fig. 11.3). La déformation plastique s’accompagne d’une consolidation (augmentation de la résistance) importante du matériau qui résulte de l’orientation des chaînes dans le sens de la traction. Ceci explique pourquoi la striction se propage à travers tout échantillon. La déformation plastique peut atteindre des taux très élevés jusqu’à 500%. Ce phénomène de consolidation par déformation plastique est utilisé dans la technologie de fabrication des fibres textiles qui subissent presque toujours une phase d’étirage après le filage. Il est nécessaire d’utiliser des échelles de déformation différentes (εmax = 0,2%, 10%, 500%, (fig. 11.5)) qui permettent de comparer le comportement élastoplastique des divers matériaux. Comme nous le verrons en détail, la déformation plastique des métaux et alliages métalliques fait intervenir le mouvement des dislocations. Dans le cas des céramiques, le mouvement des dislocations est fortement inhibé, à température ambiante, par la grande énergie et la rigidité des liaisons, ou par la présence d’ions de signes contraires qui rendent leur déplacement difficile. Les céramiques sont essentiellement des matériaux fragiles comme les verres minéraux qui se rompent sans déformation plastique appréciable. En pratique, comme nous l’avons indiqué, la limite élastique et la contrainte à la rupture se confondent pour ce type de matériau. Dans le cas de polymères, on observe une très grande variété de comportements en fonction de la structure moléculaire et de la température. La grande majorité des polymères amorphes vitreux (polystyrène, poly(méthacrylate de méthyle)) a un comportement fragile pour T < T g. Les polymères semicristallins (polyéthylène, polypropylène à T >–15 °C) ont en général un comportement ductile à des températures comprises entre Tg et Tm. En dessous de Tg, le comportement des polymères semicristal-
Comportement des matériaux en traction
307
FIG. 11.5 Courbes de traction pour divers types de matériaux: (a) matériaux fortement déformables εmax> 100%; (b) matériaux moyennement déformables εmax~ 10%; (c) matériaux peu déformables εmax < 0,2%.
lins devient fragile dans un grand nombre de cas comme le poly(propylène), par exemple, (Tg ≈ –15 °C) ou le poly(éthylène téréphtalate) semi-cristallin (Tg ≈ –70 °C). 11.2.4 Le comportement en traction des élastomères Comme nous l’avons signalé au chapitre 6, les élastomères constituent une classe particulière de matériaux caractérisés par une force de rétraction élastique d’origine quasi exclusivement entropique (configurationnelle), c’est-à-dire que, dans ce cas, la force de rétraction est induite par le mouvement thermique des molécules. Ces matériaux se caractérisent par une grande capacité de déformation élastique.
308
Introduction à la science des matériaux
Nous avons vu que les élastomères étaient constitués de réseaux tridimensionnels dans lesquels les chaînes macromoléculaires sont réunies entre elles par des liaisons pontales (fig. 5.5). Les élastomères (Tg ≈ – 70oC) sont utilisés à une température supérieure à leur point de transition vitreuse, et les forces de cohésion entre les segments de chaînes situés entre les liaisons pontales sont excessivement faibles. Ceux-ci peuvent se déplacer les uns par rapport aux autres sans modification des distances interatomiques et sans variation appréciable des angles de valence des chaînes de polymère, c’est-à-dire pratiquement sans entraîner de variation d’énergie interne. Les élastomères se rompent à des taux de déformation extrêmement élevés (ε ≈ 700%) sans déformation plastique préalable. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ils appartiennent donc à la classe des matériaux à rupture fragile. La courbe de traction d’un élastomère à faible taux de déformation a été donnée à la figure 6.13. La courbe de traction d’un élastomère à taux de déformation élevé est décrite à la figure 11.6 où l’on compare la courbe expérimentale avec les prévisions de la théorie cinétique des caoutchoucs. La pente à l’origine permet de calculer le module d’élasticité E qui est extrêmement faible. On s’en rend compte en comparant (fig. 11.5) la courbe de traction du caoutchouc naturel (NR) avec les autres courbes de traction.
FIG. 11.6 Courbe de contrainte - déformation du caoutchouc naturel (élasticité non-linéaire): (a) déformation jusqu’à la rupture, (b) courbe de déformation théorique (d’après Treloar, 1975).
Au départ de la théorie cinétique des caoutchoucs, on a pu établir la courbe théorique (b) de la figure 11.6 qui correspond à l’expression (6.46) du chapitre 6. Cette expression est vérifiée par l’expérience jusqu’à des taux de déformation de l’ordre de 60%. On constate à la figure 11.6 que les écarts entre les résultats expérimentaux et la théorie ne sont pas très importants jusqu’à environ 500%.
Comportement des matériaux en traction
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L’écart important observé à très hauts taux de déformation (ε > 500%) résulte d’une augmentation rapide de la force de rétraction élastique entre les extrémités des segments caoutchoutiques (fig. 11.7). Lorsque les chaînes moléculaires sont fortement orientées, la force de traction s’exerce progressivement sur les liaisons fortes des chaînes, ce qui augmente considérablement la force de rétraction.
FIG. 11.7 Variation de la force de rétraction entre les extrémités d’une chaîne en fonction du taux d’extension de la chaîne l/lmax. En encart, variation de la forme de la chaîne (conformation) en fonction du taux d’extension.
11.2.5 Contraintes et déformations réelles On exprime, en général, les résultats des essais de traction en fonction des contraintes nominales et non en fonction des contraintes réelles. La contrainte réelle σr, qui est donnée par le rapport entre la force appliquée F et la section réelle de l’échantillon à tout instant, peut se calculer facilement moyennant certaines hypothèses simplificatrices. Ainsi, si on admet que le volume de l’échantillon reste constant comme c’est le cas dans la déformation plastique des alliages métalliques (ν = 0,5), on aura égalité entre le volume initial (S0 × l0) et le volume après déformation (S × l), d’où on déduit que: S0/S = l/l0 = 1 + ε
(11.4)
La contrainte réelle σ r = F/S peut alors être reliée à la contrainte nominale σ = F/S0 par:
σr = σ (1 + ε)
(11.5)
De même, la déformation réelle εr s’exprime en considérant l’accroissement infinitésimal de l’éprouvette de l à l + dl. L’augmentation réelle est donc égale à dl/l et non à dl/l0. La déformation totale réelle εr est alors donnée par: l
dl = ln(l / l0 ) l0 l
εr = ∫
(11.6)
310
Introduction à la science des matériaux
La déformation réelle εr est donc reliée à la déformation nominale ε par:
ε r = ln( l + ε )
(11.7)
Remarquons que dans ces calculs les déformations sont exprimées en fraction et non en pourcent. Le tableau 11.8 donne une comparaison des déformations réelles et des déformations nominales en traction et en compression uniaxiales. TABLEAU 11.8 Comparaison entre les valeurs réelles εr des déformations et leurs valeurs nominales ε en traction et en compression uniaxiales. Compression
εr ε
–2,0 –1,0 –0,5 –0,2 –0,1 –0,86 –0,63 –0,39 –0,18 –0,095
Traction
–0,01 0,01 0,1 0,2 0,5 1,0 2,0 –0,01 0,01 0,105 0,22 0,65 1,72 6,40
On constate à l’examen de ce tableau que l’écart entre les déformations réelles et les déformations nominales est minime en-dessous d’une déformation de 10%. Audessus de cette valeur, l’écart entre la déformation nominale et la déformation réelle devient de plus en plus important. La figure 11.9 montre la courbe de traction du cuivre polycristallin ductile exprimée en valeurs nominales et réelles des contraintes et déformations. On peut constater que la contrainte nominale maximum ne correspond pas au maximum de la valeur réelle de la résistance intrinsèque du matériau. La résistance à la traction réelle du matériau augmente sans cesse jusqu’à sa rupture. Le maximum de la courbe de traction en contrainte nominale résulte seulement du phénomène de striction. Celle-ci entraîne une diminution importante de la section de l’éprouvette, et la force de traction nécessaire à la déformation de l’éprouvette est plus faible en dépit de l’augmentation de la résistance du matériau. En réalité, la valeur R m (nominale) est une mesure de la résistance de l’éprouvette et non pas de celle du matériau. L’écart entre les courbes de déformations, exprimées en contrainte - déformation nominales et réelles, se remarque également dans les courbes de compression uniaxiale. Les processus de déformations élastique et plastique ne dépendent pas de la direction de mise en charge, et il ne devrait y avoir aucune différence entre les courbes de traction et de compression. Lorsqu’on utilise les contraintes et les déformations nominales, la différence entre la compression et la traction est très marquée (fig. 11.10(a)). Ceci résulte de ce que la compression provoque une dilatation latérale qui augmente la section de l’échantillon et, par conséquent, la force nécessaire pour comprimer celui-ci augmente. Exprimées en grandeurs réelles, les courbes de traction et de compression sont identiques en valeurs absolues (fig. 11.10(b)). 11.2.6 Énergie de déformation et effet anélastique On peut déduire la valeur de l’énergie de déformation d’un matériau à partir de sa courbe de traction. Les matériaux ductiles, qui se rompent après déformation plas-
Comportement des matériaux en traction
311
FIG. 11.9 Courbes de contrainte - déformation réelles et nominales pour du cuivre polycristallin. La courbe réelle σ – ε r augmente progressivement jusqu’à la rupture, alors que la courbe nominale σ – ε passe par une valeur maximale avant la rupture due au phénomène de striction.
FIG. 11.10 Courbes de contrainte - déformation en traction et en compression uniaxiales d’un métal ductile. Comparaison entre les courbes exprimées en valeurs nominales (a) et en valeurs réelles (b) (d’après Ashby, Jones, 1980).
tique, ont une énergie de déformation à la rupture beaucoup plus élevée que celle des matériaux fragiles. L’énergie de déformation volumique U est donnée par l’aire sous la courbe de traction (fig. 11.11): ε
U = ∫ σ dε
(11.8)
0
La figure 11.11 permet de faire la distinction entre l’énergie de déformation élastique Ue et l’énergie de déformation plastique Up. La courbe de traction de la plupart des matériaux étant linéaire dans sa partie élastique, l’énergie de déformation élastique volumique Ue est égale à la surface du triangle (0 - 1 - ε 1e ). Comme σ = Eε , on obtient:
312
Introduction à la science des matériaux
FIG. 11.11 Calcul de l’énergie de déformation volumique élastique Ue et plastique Up à partir de la courbe de contrainte - déformation pour un matériau ductile à deux taux de déformation (1) et (2).
( )2
Ue1 = 0,5E ε 1e
(11.9)
Après déformation plastique, l’énergie de déformation élastique se calcule de manière similaire à partir du triangle (2-εp- ε ε2 ). On observe que celle-ci augmente considérablement après la déformation plastique. Pour un matériau parfaitement élastique, la courbe de traction est réversible et l’énergie absorbée lors de sa mise en charge est entièrement restituée lors de sa décharge (comportement d’un ressort). La plupart des matériaux n’ont pas un comportement élastique idéal, et une partie de l’énergie formée est dissipée au sein de l’éprouvette par des mécanismes de friction (frottement) interne (mouvement de dislocations dans les métaux ou des chaînes moléculaires dans les polymères). Dans ce cas, il existe une différence entre l’énergie fournie au système et l’énergie restituée, et la courbe de décharge n’est plus équivalente à la courbe de mise en charge, bien que l’éprouvette retrouve sa longueur initiale. Lors d’un cycle de déformation, il y a formation d’une boucle d’hystérésis (fig. 11.12). Ce comportement est dû à un effet anélastique. En réalité, il s’agit d’une forme du comportement viscoélastique. Dans la plupart des matériaux, l’effet anélastique est très faible. Dans certains cas, cependant, cet effet est relativement important. Ainsi, dans le cas de la fonte grise, on observe un effet anélastique qui est induit par le mouvement des dislocations dans les lamelles de graphite insérées dans la matrice de fer. Cet effet anélastique se traduit par un échauffement interne lors de la déformation dynamique. Les élastomères forment également des boucles d’hystérésis et donnent lieu à des phénomènes d’échauffement interne par friction des chaînes d’élastomères les unes sur les autres. C’est en particulier cet effet anélastique qui produit l’échauffement des pneus. Du fait de ce comportement particulier, les fontes grises et les élastomères sont d’excellents amortisseurs des vibrations mécaniques et des sons.
Comportement des matériaux en traction
313
FIG. 11.12 Déformation anélastique d’une fonte grise avec formation d’une boucle d’hystérésis après charge et décharge. L’énergie dissipée lors d’un cycle de déformation est proportionnelle à la surface hachurée. Deux cycles de mise en charge ont été effectués. Dans le second cas, on a dépassé la limite élastique et une certaine consolidation du matériau par écrouissage accompagnée d’un certain taux de déformation permanente est intervenue.
11.2.7 Mesure de la dureté Les mesures de traction sont souvent associées à des mesures de dureté qui constituent une mesure de la résistance à la déformation plastique localisée. Les méthodes de mesures de la dureté (duretés Brinell, Vickers, etc.) sont basées sur la pénétration forcée d’un indenteur très dur à la surface du matériau. Une valeur de dureté est déterminée par la mesure de la dimension ou de la profondeur de l’empreinte faite par l’indenteur soumis à des charges et des vitesses d’application contrôlées. La détermination de la dureté est un des tests le plus utilisé pour caractériser un matériau car c’est un essai non destructif qui se réalise à l’aide d’un appareillage peu évolué. C’est un test complexe peu facile à interpréter que l’on peut relier de manière empirique à la résistance en traction. Cette détermination est donc complémentaire de l’essai de traction.
11.3 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Le module d’élasticité E, la limite élastique R e, la résistance maximale Rm et la déformation à la rupture εR, sont des caractéristiques mécaniques importantes pour l’emploi des matériaux. La valeur de ces paramètres est en général déterminée en analysant la courbe de contrainte nominale - déformation . Idéalement, c’est la courbe de contrainte réelle - déformation qui devrait être utilisée mais, en pratique, sa détermination est rendue difficile en raison du phénomène de striction. Cependant, les caractéristiques mécaniques les plus importantes, le module E et la limite élastique R e (ou la résistance à la traction Rm dans le cas de matériaux fragiles) sont pratiquement indépendantes de ce choix. L’étude des courbes de traction permet donc de déterminer les caractéristiques mécaniques principales des matériaux.
314
Introduction à la science des matériaux
L’étude thermodynamique de l’extension uniaxiale des matériaux (chap. 6) permet de les diviser en deux groupes : les matériaux à élasticité enthalpique, qui constituent la majorité des matériaux (métaux, céramiques, verres organiques et minéraux etc.), et les élastomères qui sont les matériaux à élasticité entropique. L’analyse des courbes de traction donne les caractéristiques mécaniques les plus importantes de ces deux grandes catégories de matériaux. Parmi les matériaux à élasticité enthalpique, on distingue les matériaux fragiles, qui se rompent pratiquement sans déformation plastique, et les matériaux ductiles, qui manifestent – avant la rupture – une déformation plastique plus ou moins importante. Les céramiques, un grand nombre de thermoplastiques vitreux, de même que les polymères thermodurcis et les élastomères, sont des matériaux à rupture fragile. Les métaux et un certain nombre de thermoplastiques amorphes et semicristallins sont des matériaux ductiles. Les polymères isotropes ont une résistance mécanique nettement plus faible que celle des métaux ou des céramiques. En traction, les polymères thermoplastiques ductiles sont caractérisés d'ordinaire par une grande aptitude à la déformation plastique qui s’accompagne d’une consolidation très importante des propriétés du matériau sur laquelle nous reviendrons au chapitre 12. Cette grande aptitude à la déformation plastique de certains polymères thermoplastiques ne doit pas être confondue avec la grande déformabilité élastique des élastomères qui sont des matériaux à rupture fragile. Une mesure de l’énergie de déformation des matériaux peut être également déduite de la courbe de traction qui délimite une aire représentant l’énergie de déformation à la rupture par unité de volume.
11.4 EXEMPLE ILLUSTRATIF: CÂBLES DE TÉLÉPHÉRIQUE Le déplacement d’une cabine de téléphérique moderne, de grande capacité, est assuré par un train de roues reposant sur deux câbles porteurs. Le train de roues est tiré par un câble tracteur (fig. 11.13). En général, la fabrication d’un câble est faite par câblage de fils métalliques croisés ou parallèles. Cette construction spiroïdale est dénommée toron. Plusieurs torons à une ou plusieurs couches de fils peuvent être câblés sur une âme centrale en fibres naturelles ou synthétiques. Le mode de câblage joue un rôle déterminant sur le comportement du câble. Le câble de traction d’un téléphérique doit être flexible car il doit être enroulé sur les tambours d’entraînement. Ceci nécessite que les torons soient enroulés dans le même sens. Le sens et le pas de câblage des différentes couches de fils sont choisis de telle façon que la torsion résultante agissant sur l’ensemble du câble soit très faible. Il est indispensable que le câble porteur présente une surface lisse pour faciliter le roulement. On réalise des câbles porteurs de construction close avec des fils profilés (section en forme de Z par exemple) pour la couche extérieure (fig. 11.14). Le câblage des couches superficielles des fils profilés est obtenu par l’assemblage des fils à la manière d’une fermeture éclair. Avant de définir les propriétés intrinsèques des fils
Comportement des matériaux en traction
315
FIG. 11.13 Train de roulement d’un téléphérique reposant sur deux câbles porteurs, tiré par un câble tracteur (photo Von Roll).
métalliques, il faut déterminer les principales conditions de travail et de sollicitations agissant sur les câbles.
FIG. 11.14 Coupe d’un câble porteur avec, respectivement, une couche et une couche et demie externes de fils profilés (d’après Huber, 1980).
Étudions le cas du téléphérique installé au Petit Cervin à Zermatt. Le tableau 11.15 donne un résumé des principales caractéristiques de ce téléphérique. On peut constater que le poids propre du câble joue un rôle important. Pour l’installation étudiée, la longueur maximale libre de deux câbles porteurs est de 2885 m. Cela correspond à un poids de 66 tonnes pour deux câbles, ce qui est nettement supérieur au poids d’une cabine transportant 100 passagers . Toute amélioration de la résistance
316
Introduction à la science des matériaux
Tableau 11.15 Caractéristiques du téléphérique Steg–Petit-Cervin à Zermatt. Longueur du parcours
3835 m
Différence d’altitude
891 m
Pente moyenne
25%
Pente maximale
90,6%
Nombre de piliers intermédiaires
3
Distance maximale entre deux piliers
2885 m
Transport
2 cabines
Nombre de personnes par cabine Vitesse de déplacement Durée du trajet
100 personnes 10 m/s 500 s
2 câbles porteurs par cabine • diamètre • poids unitaire • charge de rupture
45,2 mm 11,47 kg/m 219 000 kg
1 câble tracteur par cabine • diamètre • poids unitaire • charge de rupture
40 mm 6,21 kg/m 102 000 kg
à la traction des fils du câble sera bénéfique car il entraînera une diminution du poids propre du câble. Les fils sont en acier au carbone. La résistance à la rupture Rm des fils est comprise entre 1700 et 2200 MPa et leur déformation à la rupture ε R varie de 2,5 à 5%. Le facteur de sécurité du câble porteur est supérieur à 3,5. Ce facteur signifie que les contraintes maximales en service sont 3,5 fois inférieures à la résistance à la rupture du câble. C’est le plus faible des facteurs de sécurité dans cette catégorie de transport. En effet, le câble de traction de téléphérique et les câbles porteurs des télésièges ont un facteur de sécurité de 5 alors que le câble d’un ascenseur a un facteur de sécurité de 12. La durée de vie d’un câble porteur ne dépend pas seulement de la résistance intrinsèque du fil d’acier et de la construction du câble, mais aussi de l’entretien en cours d’exploitation. La durée de vie moyenne des câbles porteurs est de 17 ans. En général, ce ne sont pas des ruptures intervenant à l’intérieur des câbles, par fatigue ou par surcharge, qui limitent la durée de vie de ceux-ci, mais bien les dégâts internes résultant de la corrosion. C’est pour cette raison qu’un graissage du câble est effectué lors de la fabrication et renouvelé régulièrement chaque année. Les aciers au carbone utilisés dans la fabrication des câbles sont des aciers de composition eutectoïde (0,8% C). Leurs propriétés mécaniques élevées résultent principalement des traitements thermiques qui affinent la structure perlitique (chap. 9, fig. 9.16). Pour obtenir un durcissement important, on trempe et on transforme les fils dans un bain isotherme (environ 500 °C) pour former de la perlite fine. Les fils sont
Comportement des matériaux en traction
317
ensuite tréfilés, c’est-à-dire écrouis pour affiner encore la microstructure et pour introduire un taux élevé de dislocations. Par ce procédé on réalise, depuis de nombreuses années, des fils d’acier relativement bon marché ayant une résistance à la rupture d’environ 2000 MPa (200 kg/mm2), qui servent aussi bien à la fabrication des câbles de téléphériques qu’à celle des cordes à piano.
11.5 EXERCICES 11.5.1 Quels sont la déformation et l’allongement d’un fil d’acier de 2,5 mm de diamètre et de 3 m de longueur supportant une masse de 500 kg, sachant que le module d’élasticité de l’acier E est égal à 210 GPa ? 11.5.2 Une barre de longueur initiale L0 est étirée par déformation plastique uniaxiale à une longueur L1 = 2 L0. Cette barre est ensuite étirée par une seconde déformation jusqu’à une longueur L 2 = 3 L 0. Calculer la déformation nominale et la déformation réelle après chaque étape. 11.5.3 Calculer l’énergie élastique Ue accumulée dans un fil fabriqué en alliage d’aluminium ayant un module d’élasticité E = 70 GPa induite par une déformation élastique de 0,01%. 11.5.4 Un fil d’alliage d’aluminium a une résistance à la rupture Rm = 300 MPa et un coefficient de striction As de 77%. Calculer la contrainte de traction réelle σr. 11.5.5 Une barre d’acier de 10 cm de diamètre subit une charge axiale alternée de 500 kN. Connaissant le module d’élasticité = 200 GPa et le coefficient de Poisson ν = 0,3, calculer les diamètres maximum et minimum de la barre en service. 11.5.6 Quel type de polymères peut-on proposer pour obtenir • une résistance à la traction accrue; • une rigidité plus élevée; • une plus grande ductilité ? Expliquer, dans chaque cas, les différences de comportement de ces divers matériaux. 11.5.7 Est-il possible de déformer en compression, de manière plastique, une barre d’aluminium de 50 mm de diamètre ayant une limite d’élasticité Re de 150 MPa avec une presse ayant une capacité maximum de 50 tonnes ? 11.5.8 Un essai normalisé de traction est exécuté sur un échantillon d’alliage cuivrenickel. Le diamètre initial et la longueur initiale de la barre de traction sont respectivement de 12,5 mm et de 50 mm. En utilisant les valeurs du tableau 11.16, tracer la partie initiale de la courbe de contrainteσ − déformation ε et calculer • le module d’élasticité E ; • la limite élastique conventionnelle R0,2; • la résistance à la traction Rm: • la déformation à la rupture εR.
318
Introduction à la science des matériaux
Tableau 11.16 Caractéristiques mécaniques de l’essai de traction. Charge [kN] 5 15 26 35 48,5 (a) 39,5 (b)
Allongement [mm] 0,015 0,045 0,500 1,300 7,000 18,700
(a) charge maximum; (b) charge à la rupture.
11.5.9 Un fil de 1 mm de diamètre, fabriqué avec un alliage de magnésium, a un module d’élasticité de 45 GPa. La déformation plastique de ce fil se produit lorsque la charge atteint 10 kg. Pour un charge de 12 kg, la déformation totale du fil est de 1%. Calculer la déformation permanente du fil après application de la charge de 12 kg. 11.5.10 La courbe de traction d’un matériau est en général enregistrée à faible vitesse de déformation, par exemple dε /dt = 10–3 s –1. Quelle différence observe-t-on si l’essai de traction est effectué à vitesse de déformation 100 fois plus élevée pour: • le module d’élasticité E d’un métal; • le module d’élasticité E d’un polymère ? Justifier votre réponse.
11.6 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES E.H. ANDREWS, Fracture in Polymers, Oliver and Boyd, London, 1968. T. F. COUTNEY, Mechanical Behavior of Materials, McGraw-Hill, New york, 1990. R.W. DAVIDGE, Mechanical Behaviour of Ceramics, Cambridge University Press, Cambridge, 1979. R.W. HERTZBERG, Deformation and Fracture, Mechanics of Engineering Materials, 4th ed., John Wiley, New York, 1996. K.J. PASCOE, An Introduction to the Properties of Engineering Materials, 3rd ed., Van NostrandReinhold, Wokingham, Berkshire, U.K., 1978. D. ROSENTHAL, R.M. ASIMOW, Introduction to Properties of Materials, 2nd ed., Van NostrandReinhold, Wokingham, Berkshire, U.K., 1971. J. SCHULZ, Polymer Materials Science, Prentice-Hall, Englewood Cliffs, New Jersey, 1974. E. HUBER, Expériences et Progrès lors de la Fabrication de Câbles Porteurs en Construction Close, Int. Seilbahn, Rundschau 7 (1980), 303.
CHAPITRE 12
FACTEURS INFLUENÇANT LES PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES
12.1 OBJECTIFS • Analyser les principaux facteurs qui influencent les propriétés mécaniques des matériaux. • Établir la distinction entre les déformations à basse température et à température élevée. • Décrire le mécanisme de déformation plastique des matériaux à basse température. • Étudier de manière élémentaire les principales méthodes de durcissement des matériaux métalliques. • Déterminer les mécanismes de fluage des métaux. • Décrire le comportement viscoélastique des polymères.
Divers facteurs influencent les propriétés mécaniques des matériaux, les deux plus importants sont la température et la microstructure. Le concept de haute ou de basse température qui joue un rôle important en science des matériaux n’a rien à voir directement avec la notion de haute ou de basse température telle qu’elle intervient dans la vie courante. Cette notion, qui résulte principalement de notre expérience physiologique personnelle, est liée surtout au point de fusion et d’ébullition de l’eau qui sont des repères importants dans la vie courante. Pour les matériaux, cette notion de haute ou basse température est un concept lié au point de fusion ou à la vitesse de réorganisation des atomes induite par l’agitation thermique. Aux basses températures, il existe, dans les matériaux, deux grands types de déformation: la déformation élastique et la déformation plastique, présentées au chapitre précédent. La déformation élastique caractérise le comportement des matériaux dans les conditions normales d’utilisation. Par contre, durant la mise en forme, la limite élastique est toujours dépassée. La capacité de déformation plastique, appelée ductilité, joue un rôle important dans le formage des métaux. Cette propriété intervient aussi dans la caractérisation dans le cas de structures devant absorber l’énergie d’un impact comme les carrosseries de voiture. À température ambiante, la capacité de déformation plastique (déformation permanente) est:
320
Introduction à la science des matériaux
• pratiquement nulle pour les verres minéraux, les céramiques, les polymères fortement réticulés (thermodurcis) et les élastomères; • de l’ordre de quelques pourcent pour les alliages durcis et de plusieurs dizaines de pourcent pour les métaux purs; • de plusieurs centaines de pourcent pour un certain nombre de polymères thermoplastiques. Il faut noter que les thermoplastiques sont les seuls matériaux polymères ayant une déformation plastique. La capacité de déformation plastique augmente fortement à température élevée. On tire parti de cette caractéristique pour mettre en forme, à haute température, des lingots d’acier ou des plaques de thermoplastiques (thermoformage). En général on considère qu’une température est élevée lorsque T ≥ 0,5 Tm (T, Tm en Kelvin), où Tm est la température de fusion du matériau. À température élevée, la déformation plastique est observée pour pratiquement tous les matériaux, à l’exception des polymères réticulés thermodurcis qui ne peuvent subir de déformation plastique en raison de leur structure chimique (chap. 5). À haute température, des déformations mécaniques importantes peuvent être induites par des faibles contraintes. Celles-ci résultent d’une déformation dépendante du temps. Ce comportement, appelé viscoélastique et défini au chapitre 6, est intermédiaire entre celui du solide élastique et celui du liquide visqueux. Il se rencontrent dans beaucoup de thermoplastiques à des températures voisines ou supérieures à celle du Tg. Le fluage des métaux constitue un autre exemple de comportement viscoélastique. Il n’intervient en général qu’à des températures élevées (> 0,5 Tm). C’est cette caractéristique qui limite actuellement la température de travail et le rendement des turbines à gaz utilisées en aviation et que nous décrivons dans l’exemple illustratif. L’objectif principal de ce chapitre est d’identifier et de contrôler les mécanismes qui conditionnent la résistance mécanique des matériaux. Nous n’aborderons pas explicitement dans ce chapitre l’étude des céramiques qui sont des matériaux à rupture fragile, dont la résistance est fortement influencée par la présence de fissures ou pores. L’étude de l’influence de ces défauts sera abordée au chapitre 13 lorsque nous analyserons les principaux mécanismes de rupture des matériaux.
12.2 NOTION DE BASSE ET DE HAUTE TEMPÉRATURES Comme nous venons de le signaler à la section précédente, le concept de basse température tel que nous l’envisageons est spécifique aux matériaux. Une basse température est une température à laquelle le mouvement des atomes par diffusion est infiniment lent. À l’opposé, à haute température, la diffusion se fait rapidement, ce qui favorise la déformation plastique. Fréquemment, dans les conditions de haute température, les propriétés mécaniques varient avec le temps d’application des contraintes et ces matériaux acquièrent alors un comportement viscoélastique. Ces concepts ne sont pas directement liés à l’échelle absolue des températures car la notion de haute ou de basse température varie de matériau à matériau. Ainsi, à
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
321
150 °C, un acier ou une porcelaine industrielle sont à basse température parce que les mouvements de diffusion ne sont pas excités alors qu’à cette température, la plupart des polymères sont déjà à haute température parce que les mouvements de diffusion sont considérables. À basse température, une déformation ε dépend de la seule contrainte σ:
ε = f(σ )
(12.1)
Par contre, pour les températures élevées, la déformation ε dépend non seulement de la contrainte σ, mais également de la température T et du temps t: et le matériau devient viscoélastique (chap. 6):
ε = f(σ , t, T)
(12.2)
La température du début de diffusion varie pour les différents matériaux (tab. 12.1). En première approximation, on admet pour cette température une valeur T ≈ 0,5 Tm. Plus précisément, cette limite est atteinte pour T = 0,3 à 0,4 T m dans le cas des métaux. Pour les céramiques, elle varie plutôt entre 0,4 et 0,5 T m , alors qu’elle est comprise entre 0,5 et 0,6 Tm pour les polymères (tab. 12.1). La limite entre les basses et les hautes températures dépend aussi de la contrainte et de sa durée d’application.
12.3 DÉFORMATION PLASTIQUE DES MATÉRIAUX À BASSE TEMPÉRATURE 12.3.1 Comparaison entre la déformation plastique des métaux et des polymères thermoplastiques ductiles Il est intéressant de comparer la déformation plastique des métaux à celle des polymères ductiles. Comme nous l’avons déjà souligné, leur courbe de traction démontre une certaine similitude de comportement, bien que les mécanismes qui y sont impliqués diffèrent sensiblement et que les métaux et leurs alliages soient beaucoup plus rigides et résistants. Dans cette analyse, on négligera l’effet viscoélastique présent dans les thermoplastiques mais qui est généralement mineur si la température est suffisamment basse (tab. 12.1). Sur la courbe σ−ε de la figure 12.2, on constate que les deux types de matériaux ont, qualitativement, une allure similaire jusqu’au point 3. Entre les points 1 (limite élastique) et 2 (résistance maximale), la déformation est homogène. Au-delà du point 2, il se forme une striction dans l’éprouvette. La rupture des métaux se produit juste après la formation de la striction (point 3). Lors de la déformation plastique, les métaux durcissent par écrouissage. Les dislocations générées par la déformation plastique deviennent de plus en plus nombreuses et plus rapprochées, provoquant le durcissement. Dans la zone comprise entre les points 2 et 3, la contrainte nominale (force de rétraction) diminue, parce que l’augmentation de la résistance du matériau produite par l’écrouissage ne compense pas complètement la diminution de la section de l’éprouvette résultant de l’instabilité de la déformation plastique, ce qui entraîne la rupture de l’éprouvette en 3.
322
Introduction à la science des matériaux
TABLEAU 12.1 Limite entre basse et haute température pour différents matériaux. Métaux Matériaux W SiC MgO Mo Al2O3 Si3N4 Ti Fe Ni Cu Al PA aromatique Kevlar®(a) PEEK(a) Pb PC(a) PETP(a) iso-PS(a) iso-PP(a) PE (HD)(a) Hg
Tm
Tg
K
K
3680 3110 3073 2880 2323 2173 1943 1809 1726 1356 933 913 613 600 573 543 513 443 413 235
0,4 T m K (°C)
Céramiques
Polymères
0,5 T m K (°C)
0,6 T m K (°C)
1472 (1199) 1555 (1282) 1537 (1264) 1152 (879) 1162 (889) 1087 (814) 777 (504) 724 (451) 690 (417) 542 (269) 373 (100) 648
548 (275)
423
368 (95) 240 (–33)
423 343 373 258 153
344 (71) 326 (53) 308 (35) 266 (–7) 248 (–25) 94 (–179)
(a) Les symboles sont explicités en annexe (chap. 17).
FIG. 12.2 Comparaison entre les courbes de traction des métaux et des polymères thermoplastiques à basse température. Le niveau des contraintes est environ 10 fois plus important dans le cas des métaux. Les points (1) et (2) désignent respectivement la limite d’élasticité et la résistance maximale. La rupture des métaux se produit au point (3), alors que celle des polymères thermoplastiques se produit au point (5).
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
323
Dans le cas des polymères thermoplastiques, on observe également une diminution de la contrainte nominale au moment où la striction se forme, mais l’augmentation de la résistance du matériau est relativement plus importante dans ce cas car les chaînes s’orientent dans le sens de la traction. Les contraintes mécaniques sont alors progressivement reprises par les chaînes étirées qui ont une résistance mécanique nettement plus élevée (§ 12.3.4). Cette orientation des chaînes stabilise la striction qui progresse à travers tout échantillon car la résistance de la partie de l’éprouvette non étirée est plus faible. Entre 4 et 5, on observe encore un faible durcissement de l’éprouvette déformée qui casse en 5. 12.3.2 Traction et cisaillement La déformation plastique des matériaux cristallins à froid (§ 7.3.2) se fait par le déplacement successif de dislocations dans des plans atomiques bien déterminés sous l’action de forces de cisaillement (glissement). En appliquant une contrainte de traction σ à un échantillon, on induit, dans le cristal, une contrainte de cisaillement (cission τ) proportionnelle à σ (fig. 12.3). Lorsque la cissionτ est supérieure à la résistance au glissement des plans les uns par rapport aux autres, il se produit une déformation plastique, c’est-à-dire un dépassement de la limite d’élasticité. La contrainte de cisaillement à laquelle s’amorce la déformation plastique est appelée limite d’élasticité en cisaillement τe. Le glissement des dislocations se fait exclusivement sous l’action de contraintes de cisaillement. Ainsi, lorsqu’on sollicite un monocristal en traction, c’est la contrainte de cisaillement induite tangentiellement au plan de glissement qu’il faut considérer. Il est aisé de calculer (fig. 12.4) la contrainte de cisaillement induite dans un plan déterminé Sc d’un monocristal par une force de traction F. Par définition:
τ = Fc / Sc
(12.3)
FIG. 12.3 Déformation sous traction uniaxiale d’un cristal idéal par cisaillement le long d’un plan de glissement séparant deux plans à empilement compact d’atomes. La cission τ à 45° de l’axe de traction vaut la moitié de la contrainte de traction: τ = σ/2.
324
Introduction à la science des matériaux
FIG. 12.4 Mise en évidence de la composante tangentielle de la force (Fc) au plan de glissement au départ de la force de traction F. Les vecteurs d et n représentent respectivement la direction de glissement et la normale au plan de glissement. S0 est la section normale à l’axe du cylindre monocristallin et Sc la section cisaillée.
Si λ représente l’angle entre la direction de glissement d et l’axe de traction, et φ l’angle entre la normale n au plan de glissement et la direction de traction, on peut écrire: Fc = F cosλ et Sc =
S0 cosφ
(12.3) devient:
τ = σ cosφ cosλ
(12.4)
L’équation (12.4) est connue sous le nom de loi de Schmid et le terme (cosφ cosλ ) est le facteur de Schmid. Cette loi permet de relier σ en τ pour un système de glissement déterminé. Lorsque la normale au plan de cisaillement, l’axe de traction et la direction de glissement sont coplanaires, φ devient égal à π/2 – λ, et l’équation (12.4) s’écrit:
τ = σ cosλ sinλ
(12.5)
La fonction (12.5) est représentée à la figure 12.5. La contrainte de cisaillement atteint sa valeur maximum τmax = 1/2 σ lorsque λ = 45 °. Pour les angles 0 ° et 90 °, la contrainte de cisaillement est nulle.
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
325
FIG. 12.5 La contrainte de cisaillement τ dans un matériau passe par une valeur maximale sur les plans à 45o de l’axe de traction (σ = constante). Dans cette figure n, d et l’axe de traction sont coplanaires (d’après Ashby, Jones, 1980).
Pour induire un glissement (déformation plastique) dans un plan d’orientation déterminé, il faut augmenter la contrainte de traction σ jusqu’à ce que la contrainte de cisaillement τ induite dans ce plan atteigne sa valeur critique τe pour le glissement dans le plan considéré. La limite élastique à la traction devient alors : Re =
τe cos φ cos λ
(12.6)
Pour une même contrainte de traction σ , la valeur maximale de la contrainte de cisaillement τ est atteinte lorsque le facteur de Schmid est égal à 0,5:
τ = 0,5 σ
(12.7)
Pour toute autre orientation du système de glissement par rapport à l’axe de traction, on a : 0 ≤ τ ≤ 0,5 σ
(12.8)
Comme le montre la figure 12.6, le glissement s’amorce de préférence dans le plan de glissement où la contrainte induite τ est la plus grande, c’est-à-dire dans le plan de glissement où le facteur de Schmid est maximum. La déformation plastique des cristaux se fait, de préférence, dans des plans réticulaires à haute densité d’atome et dans les directions où la densité réticulaire est la plus élevée. Ces plans à haute densité d’atomes et les directions de glissement préférentielles constituent des systèmes de glissement (tab. 12.7). Plus nombreux sont les
326
Introduction à la science des matériaux
FIG. 12.6 Déformation plastique de monocristaux d’anthracène: (a) courbe de variation de la contrainte axiale σ pour des monocristaux comportant diverses orientations; (b) limite d’élasticité R e (axiale) pour une série de monocristaux donnée en fonction du facteur de Schmid (d’après Robinson et Scott, 1967).
TABLEAU 12.7 Limite d’élasticité en cisaillement et systèmes de glissement des monocristaux de métaux purs (d’après Reed Hill, 1973). Métal Al Cu Fe Mg Zn
Structure cfc cfc cc hc hc
Pureté 99,99 99,999 99,96 99,996 99,999
τe
Plan de glissement
Direction de glissement
G [GPa]
[MPa]
{111} {111} {011} (0001) (0001)
110 110 111 1120 1120
30 50 85 20 45
1,0 0,6 28 0,44 0,18
systèmes de glissement présents dans un cristal, plus aisée est sa déformation plastique. Les métaux à structure cristalline cubique possèdent douze systèmes de glissement à haute densité d’atomes. Dans les cristaux cfc, il y a quatre plans différents du type {111} avec trois directions indépendantes 1 1 0 sur chaque plan. Les cristaux cc se déforment généralement selon six plans du type {011} et selon deux directions 1 1 1 . Les métaux à structure cristalline hexagonale (Ti, Mg, Be, Zn) ne possèdent que trois systèmes de glissement: un plan (0001) avec trois directions 1120 . Les métaux à structure cubique ont donc une plus grande capacité de déformation (ductilité) que les métaux à structure hexagonale. Bien que le cristal cc possède le même nombre de systèmes de glissement que le cristal cfc, il est moins ductile. Ceci
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
327
est dû en partie à la moins grande densité d’atomes dans les plans {011} du cristal cc par comparaison avec la densité d’atomes dans les plans {111} du cristal cfc.
12.3.3 Mécanismes de déformation plastique des métaux à basse température Il existe plusieurs mécanismes de déformation des matériaux cristallins. Le mouvement des atomes du cristal dans la déformation élastique est schématisé à la figure 12.8 (a). Sur cette figure, on a également représenté deux mécanismes de déformation plastique. Il s’agit du glissement (fig. 12.8(b)) et du maclage(fig. 18.8(c)). La déformation plastique par maclage est moins fréquente que celle procédant par glissement. Le maclage se produit lorsqu’une partie du cristal bascule sous l’action d’une contrainte de cisaillement dans une position symétrique sans changement de la structure du réseau. Ce basculement entraîne la formation d’une interface de maclage (joint de macle) entre la partie maclée (déformée) et la partie non déformée (§ 7.4.2). La formation des macles est aussi facilitée par les dislocations. Le maclage joue un rôle important dans la déformation plastique des métaux hc dont le nombre de systèmes de glissement est limité. Un processus analogue de déplacement des atomes est également observé au cours de transformations de phases dites sans diffusion comme la transformation martensitique.
FIG. 12.8 Mécanismes de déformation: (a) déformation élastique; (b) déformation plastique par glissement et (c) déformation plastique par maclage (basculement d’une partie du réseau dans une position symétrique).
Nous ne considérerons en détail que la déformation par glissement, car c’est le mécanisme le plus important de la déformation plastique à basse température. Des valeurs identiques de déformation plastique peuvent être obtenues par une succession de petits glissements distribués sur un grand nombre de plans de glissement ou par une
328
Introduction à la science des matériaux
déformation inhomogène impliquant le déplacement important d’un nombre limité de plans. Dans le premier cas, la déformation implique la formation d’un nombre de marches étroites à la surface des grains (bandes de glissement). Dans le deuxième cas, il y a formation de larges marches. Ce deuxième cas est plus défavorable en raison des grandes discontinuités provoquées à la surface des grains. En pratique, comme nous l’avons représenté à la figure 12.9, la déformation plastique est pratiquement toujours inhomogène à l’échelle microscopique.
FIG. 12.9 Localisation de la déformation plastique dans un nombre limité de plans parallèles (d’après Eisenstadt, 1970).
Il existe un certain nombre de relations simples entre le mouvement des dislocations et la déformation plastique macroscopique. Considérons, par exemple, la déformation moyenne d’un bloc cristallin, consécutive au déplacement de dislocationscoin (fig. 12.8(b)). S’il existe une densité ρ m de dislocations-coin mobiles parallèles parcourant chacune une distance moyenne ∆x, il en résultera une déformation par cisaillement γ égale à:
γ = ρmb∆x
(12.9)
En dérivant l’équation (12.9) par rapport au temps, on obtient l’expression de la vitesse de déformation: •
γ = dγ/dt = b d(ρ m∆x)/dt
(12.10)
Rappelons que b est la valeur absolue du vecteur de Burgers. Dans le cas où la densité des dislocations reste constante dans le temps, cette équation se simplifie. En introduisant la notion de vitesse de déplacement des dislocations v = d∆x/dt, on obtient ainsi que: •
γ = ρmbv
(12.11)
On a montré que la vitesse de déplacement des dislocations est fonction de la contrainte de cisaillement τ :
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
τ n v= C
329
(12.12)
Dans cette expression n et C sont des constantes qui sont caractéristiques du matériau étudié. On obtient finalement pour la vitesse de cisaillement plastique l’expression: • n γ = bρm τ C
(12.13)
où n varie fortement suivant la nature du matériau. Dans le cas des matériaux à liaison covalente polaire et dans certains métaux cc, n est généralement inférieur à 20. Dans le cas des métaux cfc, n peut atteindre des valeurs comprises entre 100 et 200. La vitesse limite de déplacement des dislocations correspond à la vitesse du son (propagation d’ondes élastiques). Ceci montre que l’effet multiplicatif de la contrainte sur les vitesses des dislocations et sur la vitesse de cisaillement est très important. Une augmentation très faible de la contrainte peut entraîner une augmentation très importante de la vitesse des dislocations et de la vitesse de déformation plastique.
12.3.4 Mécanismes de déformation plastique des thermoplastiques La déformation plastique des matériaux polymères implique la déformation, le déplacement et la réorientation des différents éléments structuraux: segments de chaîne et lamelles cristallines. Examinons d’abord le cas de la déformation plastique des polymères semicristallins. La grande majorité de ceux-ci cristallisent en sphérolithes qui sont analogues aux grains des métaux. Comme nous l’avons vu à la figure 10.4, le sphérolithe des polymères n’est pas un monocristal. Il est en effet constitué de lamelles cristallines reliées entre elles par des zones amorphes. Les mécanismes intervenant lors de la déformation plastique des polymères semicristallins ont été analysés en détail par diffraction des rayons X, ainsi que par microscopie optique et électronique. On a étudié en particulier le cas du polyéthylène déformé uniaxialement. Nous nous limiterons ici à l’analyse des modifications intervenant dans trois lamelles cristallines adjacentes d’un sphérolithe, reliées entre elles par une zone amorphe (fig. 12.10(a)). Au premier stade de la déformation, les modifications interviennent quasi exclusivement dans les zones amorphes (caoutchoutiques pour le PE) qui s’étirent. Au deuxième stade (fig. 12.10(b)), un certain glissement parallèle à l’axe des chaînes se manifeste dans les lamelles cristallines sous l’action des chaînes amorphes fortement étirées. Au stade trois (fig. 12.10(c)), on assiste à la fragmentation de ces lamelles sous l’action des contraintes de cisaillement. Cette fragmentation des lamelles s’accompagne du déroulement de certains segments de chaînes initialement inclus dans les lamelles. Au quatrième stade, les blocs cristallins formés par fragmentation, ainsi que les chaînes amorphes fortement étirées, s’alignent parallèlement à l’axe de traction (fig. 12.10(d)).
330
Introduction à la science des matériaux
FIG. 12.10 Modélisation de la déformation plastique d’un polymère semicristallin: (a) trois lamelles cristallines d’un sphérolithe reliées entre elles par des chaînes amorphes avant déformation; (b) glissement des chaînes dans les lamelles cristallines; (c) fragmentation des lamelles cristallines en blocs cristallins; (d) alignement des blocs cristallins et des chaînes amorphes.
Au cours de la déformation, les sphérolithes se déforment progressivement et finissent par disparaître. On forme progressivement une fibre ou une feuille dont la résistance en traction est nettement supérieure à celle du polymère non déformé. Le mécanisme de déformation des lamelles sous l’action de contraintes de cisaillement intervenant sur des plans spécifiques est analogue à celui qui intervient dans la déformation plastique des métaux. Comme dans le cas des métaux, on observe la formation de bandes de cisaillement lors de la déformation des polymères semicristallins. La déformation plastique par cisaillement intervient également dans le cas des polymères vitreux thermoplastiques. Dans ce cas, le processus est beaucoup moins bien défini que dans le cas des matériaux cristallins. La localisation de la déformation est variable. Dans certains cas, la déformation plastique par cisaillement se produit dans toute la région déformée. Dans d’autres cas, la déformation est beaucoup plus localisée, et il se forme également des bandes de cisaillement comme dans les matériaux métalliques. À côté de la déformation plastique en cisaillement, on trouve dans les polymères une déformation plastique par microfissuration (crazing) (fig. 12.11). Ce mécanisme intervient surtout dans les thermoplastiques vitreux. Ces craquelures (crazes) apparaissent comme des petites crevasses qui s’amorcent à la surface des éprouvettes, et qui se développent dans un plan perpendiculaire à l’axe de traction. Dans les systèmes homogènes, ces craquelures tendent progressivement à occuper toute la section
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
331
FIG. 12.11 Microfissures dans un polystyrène choc déformé plastiquement (a) et (b), (c), (d) et (e) évolution de la microstructure d’une microfissure en fonction du degré d’ouverture de la microfissure (d’après Hull, 1973).
de l’éprouvette. Ces craquelures sont des régions où le polymère est étiré, sous forme de microfibrilles de chaînes étendues, parallèles à l’axe de traction. Ces microfibrilles sont séparées par des pores. Il y a donc dans ce type de déformation plastique un phénomène de cavitation. Lorsque une craquelure occupe toute la section de l’éprouvette, ce sont les microfibrilles qui supportent toute la charge de traction. Dans les polymères vitreux homogènes, les craquelures peuvent induire des fissures et amorcer la rupture de l’éprouvette. Nous reviendrons sur ce point au chapitre suivant, lors de l’étude du phénomène de rupture. Les craquelures ont une épaisseur de l’ordre de 100 nm, et à cause de leur structure hétérogène, elles diffusent la lumière et produisent une irisation de l’échantillon éclairé en lumière rasante. Il y a donc deux processus principaux qui interviennent lors de la déformation plastique des polymères organiques: une déformation plastique sous l’action des contraintes de cisaillement (comme dans les métaux) et une déformation plastique induite par les contraintes de traction. Dans ce dernier cas, qui apparaît surtout dans les thermoplastiques vitreux, le processus de déformation plastique est très localisé et entraîne la formation de craquelures orientées perpendiculairement à l’axe de traction. Comme nous le verrons au chapitre suivant, ces deux modes de déformation plastique interviennent dans des proportions diverses dans le processus d’absorption d’énergie lors de la rupture d’éléments produits à partir de polymères organiques.
332
Introduction à la science des matériaux
12.4 LIMITE D’ÉLASTICITÉ ET MÉCANISMES DE RENFORCEMENT DES SOLIDES CRISTALLINS 12.4.1 Matériaux et limite d’élasticité La limite d’élasticité Re (fig. 12.12) est une des principales propriétés utilisées pour établir les dimensions des éléments de construction et des pièces de machines. La limite d’élasticité indique la limite des forces pouvant agir sur une pièce sans entraîner de variation permanente de sa forme et de ses dimensions. L’obtention d’une limite d’élasticité élevée permet la construction d’éléments à sections plus petites, donc d’équipements plus légers. D’autre part, il existe des applications qui exigent des alliages métalliques ayant une faible limite d’élasticité Re . C’est notamment le cas de certaines tôles qui subissent une déformation plastique importante lors du formage. Les métaux purs sont caractérisés par une limite d’élasticité Re très basse et par une grande capacité de déformation plastique. Comme nous l’avons vu au chapitre 11, la déformation plastique du métal provoque son durcissement et augmente sa limite élastique (fig. 11.2). D’autres mécanismes augmentent également la limite élastique Re des métaux comme la présence de précipités. Il est donc possible d’obtenir des limites d’élasticité variables avec le même métal de base. C’est le cas, par exemple, des aciers (alliages Fe–C) dont la limite d’élasticité R e peut varier de 150 MPa à plus de 4000 MPa (tab. 12.22). La figure 12.12 donne les domaines des valeurs de la limite élastique ou de la résistance à la rupture Rm pour les métaux, les céramiques et certains polymères. La résistance mécanique maximale est atteinte par les
FIG. 12.12 Tableau comparatif des valeurs de la limite d’élasticité Re ou de la résistance à la traction Rm pour les matériaux fragiles (d’après Ashby, Jones, 1980).
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
333
céramiques. Certains polymères orientés (fibres de polyamide (Nylons® , Kevlar® ), de polyéthylène) atteignent une résistance à la rupture beaucoup plus élevée (de ~700 à ~3500 MPa) que celle des polymères en masse repris ici, mais il faut souligner que ces polymères orientés ont une résistance à la température beaucoup plus faible que celle des alliages métalliques. 12.4.2 Conditions de durcissement La grande différence observée entre les valeurs calculées théoriquement et celles mesurées expérimentalement (fig. 6.10) résulte de la présence de défauts: les dislocations, qui favorisent le glissement. On dispose donc de deux possibilités pour augmenter la résistance des matériaux cristallins: • éliminer les dislocations et éviter leur formation; • créer des obstacles s’opposant au déplacement des dislocations. La première possibilité n’est pas praticable couramment, bien qu’il soit actuellement possible de fabriquer des fibres cristallines filiformes très proches de la perfection (diamètre < 10 µm), dénommées trichites, atteignant pratiquement la résistance théorique. En pratique, seule la possibilité d’agir sur la mobilité des dislocations est réalisable couramment. Lorsqu’on applique à un métal une contrainte supérieure à la limite élastique, il se produit deux effets principaux. Les dislocations se déplacent en entraînant le cisaillement des cristaux et il se crée de nouvelles dislocations pendant la déformation plastique induite par la contrainte appliquée. L’augmentation de la limite d’élasticité (durcissement) est induite par la présence d’obstacles qui s’opposent au déplacement des dislocations et qui rendent plus difficile toute déformation plastique ultérieure. On distingue deux catégories d’obstacles: • les atomes du réseau cristallin qui induisent une résistance du réseau au glissement du fait de leur déplacement lors de la translation de la dislocation; • les éléments perturbants de la structure cristalline. La résistance due au réseau cristallin a un effet négligeable sur la déformation plastique des métaux, car les liaisons sont isotropes et les ions métalliques ont tous la même polarité. Les perturbations du réseau (déformations), engendrées par la présence d’atomes de diamètre différent, de précipités, etc., créent des champs de contraintes susceptibles d’interagir avec les champs de contraintes des dislocations et de freiner leur déplacement. Parmi les obstacles qui permettent un durcissement des métaux, on distingue: les atomes étrangers, les autres dislocations, les particules précipitées, les interfaces entre deux phases et les joints de grains. Dans le cas des céramiques, par contre, c’est le réseau cristallin qui constitue l’obstacle majeur. Le déplacement des dislocations est très difficile à température ambiante. Cela est dû à la présence de liaisons covalentes ou à l’alternance du signe des ions comme nous l’avons mentionné au chapitre 7. La limite élastique des céramiques est très élevée et leur capacité de déformation plastique extrêmement limitée.
334
Introduction à la science des matériaux
12.4.3 Variation d’énergie interne associée à une dislocation Pour analyser le durcissement d’un alliage métallique, il est nécessaire de déterminer l’augmentation d’énergie interne associée à une dislocation. Nous avons vu au chapitre 7 qu’il existe autour d’une dislocation-coin une zone où le réseau est en traction, et une autre zone où le réseau est en compression. Dans une dislocation-vis, il y a déformation du cristal par cisaillement autour de la ligne de dislocation. On peut donc dire que la création d’une dislocation mobilise une certaine énergie élastique qui est stockée dans le réseau au voisinage de la ligne de dislocation. Nous avons représenté, à la figure 12.13, le champ des déformations autour d’une dislocation. On peut imaginer, en première approximation, que celui-ci forme un volume cylindrique autour de la ligne de dislocation. La déformation du cristal est très grande au centre (cœur de la dislocation). On peut considérer que les déformations intenses se concentrent dans un tube ayant un diamètre égal à celui du vecteur de Burgers, et qu’à l’extérieur de ce tube, la déformation du réseau diminue ensuite progressivement de manière inversement proportionnelle à la distance r. Il y a donc, autour de chaque dislocation, un volume cylindrique de déformation élastique. C’est ce cylindre de déformation qui interagit avec les champs des déformations des inhomogénéités présentes dans le cristal. Celles-ci constituent donc des obstacles au déplacement des dislocations. Un calcul de l’énergie de déformation élastique du réseau par la dislocation-vis donne l’expression suivante:
FIG. 12.13 Représentation schématique du champ des déformations autour de la ligne d’une dislocation-coin.
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
U≈
Gb 2l R ln 4π b
335
(12.14)
où R est le rayon maximum du champ de déformation. Si la dislocation ne rencontre pas d’autres dislocations, le cylindre de déformation élastique de rayon R va jusqu’à la limite du grain (joint). Dans le cas contraire, on peut considérer que chaque cylindre rencontre son voisin à mi-distance d/2 entre chaque paire de dislocations, soit R = d/2. Dans un cristal recuit, la densité normale de dislocation ρ est égale à 106 cm–2, ce qui donne une distance moyenne entre les dislocations égale à 10 µm. Pour un métal écroui, la densité de dislocation peut atteindre 1012 cm–2 et la distance entre dislocations tombe à 10 nm, c’est-à-dire à environ 30 b. Pour ces deux cas, la valeur de R est donc comprise entre 15 b et 15 000 b. Pour une distance caractéristique R ≈ 100 b entre dislocations, on obtient à partir de la relation (12.14): U≈
1 2 Gb l 6
(12.15)
On peut donc dire en première approximation que l’énergie accumulée par une dislocation est proportionnelle à sa longueur, au module de cisaillement et au carré du vecteur de Burgers. Par différenciation de (12.15), on peut écrire: dU 1 2 ≈ Gb = Td dl 6
(12.16)
où Td, qui représente une énergie par unité de longueur de la dislocation, a les dimensions d’une force. C’est la tension de ligne qui a une direction parallèle à la ligne de dislocation et qui va tendre à minimiser l’énergie de la dislocation par un raccourcissement de sa longueur. Une dislocation se comporte comme un ruban élastique. Une dislocation possède d’autant plus d’énergie et de tension de ligne que le module de cisaillement du cristal est élevé et que le vecteur de Burgers b est grand. Pour un cristal donné on observe, en général, des dislocations à valeur minimale du vecteur de Burgers. 12.4.4 Force nécessaire au déplacement d’une dislocation Pour connaître les conditions d’interaction entre une dislocation et les divers obstacles qu’elle peut rencontrer dans son plan de glissement, il est nécessaire de déterminer la force nécessaire pour amorcer le mouvement de la dislocation dans le cristal. Si une contrainte de cisaillement τ est appliquée à un cristal contenant une dislocation-coin (fig. 12.14), une force agit sur la dislocation. Lorsque cette force dépasse une valeur critique nécessaire pour vaincre la friction, elle provoque le déplacement de la dislocation. On peut calculer la force f agissant par unité de longueur de la dislocation. En considérant que le travail (τbLl) nécessaire pour déplacer la partie supérieure du cris-
336
Introduction à la science des matériaux
FIG. 12.14 Force résistante f par unité de longueur agissant sur une dislocation-coin et s’opposant à la force τb provoquant son déplacement à travers le cristal sur un plan de glissement.
tal sur une distance b est égal au travail (fLl) effectué par la force fl agissant sur la dislocation de longueur l se déplaçant sur une distance L, on obtient ainsi: f = τb
(12.17)
Pour que la dislocation puisse se déplacer dans le cristal, il faut que la force f=τb soit supérieure à une valeur critique fe nécessaire pour vaincre les forces de friction du matériau. Il existe donc une contrainte de cisaillement critique (limite élastique) τe qui amorce la déformation plastique:
τe = fe / b
(12.18)
τe représente la contrainte de cisaillement critique (limite d’élasticité) pour le plan de glissement concerné. Pour un monocristal métallique ultrapur, cette valeur est entre 1000 et 10 000 fois plus petite que la limite élastique théorique calculée en l’absence de dislocations. La cission critique d’un monocristal métallique est donc difficile à mesurer avec précision car la déformation de cisaillement critique est très faible (γ ≈ 10 –6, fig. 12.15). Dans un cristal idéal ne contenant qu’une seule dislocation, τ e est une mesure de la force de friction du réseau cristallin appelée contrainte de Peierls τc. En réalité, dans un monocristal ultrapur (fig. 12.15) à faible densité de dislocations, la contrainte du premier glissement τe (limite élastique) est plus grande que τc. Cette augmentation est attribuée à l’effet de frottement dû aux autres dislocations et à la présence d’un faible nombre d’atomes d’impuretés qui se superposent à la force de résistance intrinsèque du réseau. 12.4.5 Effet des particules sur le mouvement et la création des dislocations Toute inhomogénéité du cristal entraîne une déformation de son réseau et crée des champs de contrainte. Lorsque la ligne de dislocation d’un cristal intercepte des précipités d’une autre phase, une répulsion se produit, due à l’interaction entre les champs des contraintes des obstacles et des dislocations. La résistance au mouvement
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
337
de la dislocation varie localement. La ligne de dislocation s’incurve sous l’action de la force τb lorsqu’elle rencontre, par exemple, deux particules espacées d’une distance d (fig. 12.16).
FIG. 12.15 Microdéformation d’un monocristal de cuivre. τ e est la cission critique.
FIG. 12.16 Passage de dislocations à travers des précipités: (a) interaction d’une ligne de dislocation avec deux particules séparées d’une distance d; (b) forces agissant sur la dislocation.
Lorsqu’on augmente la contrainte de cisaillement τ , la dislocation forme des arcs de plus en plus incurvés, jusqu’à ce que les points d’ancrage aux obstacles cèdent et laissent passer la dislocation. À ce moment, la contrainte de cisaillement correspond à une limite élastique locale τe (cission critique).
τe = τc + τp
(12.19)
338
Introduction à la science des matériaux
où τ p est l’augmentation de la limite élastique, par rapport à τc, résultant de l’interaction entre les dislocations et les particules. La cission critique τe est la contrainte minimale de cisaillement requise pour initier le mouvement des dislocations. Un simple bilan égalant les forces de poussée et la force de restauration de la dislocation due à la tension de ligne permet d’écrire (fig. 12.16(b)):
τbd = 2Td cosθ
(12.20)
En introduisant T d = Gb2/6 (12.16), on calcule τp en fonction de l’angle critique de passage θ p de la dislocation à travers l’obstacle.
τp = Gb cosθ p /3d
(12.21)
Dans ce processus d’interaction, la cission critique est donc influencée par divers paramètres: le module de cisaillement G, qui caractérise le comportement élastique du cristal, la distance d qui est déterminée par la microstructure, le vecteur b qui est fonction de la dislocation et de la structure cristalline, et l’angle θ p qui dépend de la résistance de l’obstacle coupé par la dislocation. Si θp = 90 °, l’obstacle n’existe pas. Si θ p = 0 °, l’obstacle ne peut pas être traversé par la dislocation et son opposition au mouvement sera maximale. Dans le cas où les obstacles sont impénétrables (mécanisme d’Orowan, θp = 0), par exemple en présence de carbures très durs dans l’acier, la contribution maximale de l’obstacle est atteinte pour une scission τp max:
τp max = Gb/3d
(12.22)
La dislocation contournera les points d’ancrage en formant une boucle entre les points 1 et 2 de la figure 12.17(a). Cette boucle va progresser et émerger du cristal en formant une marche. La dislocation initiale va se trouver régénérée par ce mécanisme et le processus peut recommencer. Les particules de précipités constituent donc des sources de dislocations (moulin de Frank-Read, fig. 12.17(a)-(f)). 12.4.6 Durcissement en solution solide L’addition d’éléments d’alliage en solution accroît la limite d’élasticité des matériaux polycristallins. Ce renforcement est dû à la force de freinage induite par interaction entre les dislocations et les atomes étrangers en solution. L’importance de cette interaction dépend de l’effet de taille de l’atome étranger. Chaque atome étranger peut être considéré comme un petit précipité dont la dimension est de l’ordre de grandeur des vecteurs de Burgers des dislocations. Il y aura donc augmentation de la limite d’élasticité par l’action résistante opposée aux mouvements des dislocations par les atomes mis en solution. L’augmentation de la limite d’élasticité due à la présence d’atomes étrangers en solution est donnée par:
τs = αGδ
X
où α est une constante proche de l’unité.
(12.23)
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
339
FIG. 12.17 Mécanisme de multiplication des dislocations par le moulin de Frank-Read: (a) une dislocation en forme de U est bloquée aux points 1 et 2.; (b) sous l’action de la contrainte τ, la ligne de dislocation s’incurve; (c) lorsque θ p = 0 o, la contrainte τ est maximale; ensuite la ligne de dislocation continue à s’incurver formant une boucle avec deux parties de signes opposés pouvant s’annuler en (e); une nouvelle dislocation est alors créée (f) et le processus peut se poursuivre (voir sect. 7.3 pour la géométrie des boucles).
L’incrément de contrainte τ s est proportionnel au module de cisaillement G, à la différence de taille relative δ des atomes du soluté et du solvant, et à la racine carrée de la concentration X du soluté. De nombreux alliages métalliques tels que les laitons (Cu - Zn), bronzes (Cu - Sn) ou les aciers inoxydables sont durcis par ce mécanisme.
12.4.7 Ecrouissage La limite d’élasticité d’un métal écroui par une déformation plastique augmente (chap. 10). Ce renforcement par écrouissage provient de l’interaction des dislocations entre elles, dont le glissement devient de plus en plus difficile au fur et à mesure que leur nombre augmente. Limitons-nous dans cet exposé élémentaire aux dislocations se trouvant dans un même plan de glissement. Lorsque deux dislocations-coin se trouvent dans une telle configuration, elles exercent l’une sur l’autre une attraction ou une répulsion, suivant la direction de leur vecteur de Burgers. On peut montrer que la valeur algébrique de la force d’interaction f (par unité de longueur) entre les deux dislocations est donnée par: f=
Gb1b2 2 π (1 – ν )r
(12.24)
340
Introduction à la science des matériaux
Dans cette expression, qui se déduit par une analyse du champ des contraintes élastiques exercées par les dislocations, b1 et b2 sont les vecteurs de Burgers, et r la distance entre les dislocations. Si b1 et b2 sont de même sens, on a une répulsion entre les deux dislocations. Lorsque les vecteurs de Burgers sont de sens opposés, il y a attraction mutuelle des dislocations qui vont tendre à se rapprocher et à s’annihiler. Ces types d’interactions sont représentés schématiquement à la figure 12.18.
FIG. 12.18 Interaction entre deux dislocations-coin parallèles se trouvant sur le même plan de glissement: (a) dislocations de mêmes signes; (b) dislocations de signes contraires. Les zones C et T désignent respectivement les régions en compression et en traction au voisinage de la dislocation. (c) Processus d’annihilation mutuelle de dislocations de signes contraires.
Lorsqu’une source de Frank-Read émet dans une direction une série de dislocations de même signe, sous l’action d’une contrainte extérieure, il se produit une augmentation de la densité des dislocations qui se bloquent mutuellement entraînant une augmentation de la limite d’élasticité. On peut relier le changement de la limite d’élasticité par l’effet de l’écrouissage τ E à la densité de dislocations ρ :
τE = αGb ρ
(12.25)
où α est une constante proche de 0,5. On obtient donc un durcissement par écrouissage d’autant plus important que les valeurs de G et b sont grandes. Cet effet de durcissement n’est efficace qu’à des températures T < 0,3 T m, car à haute température les dislocations peuvent être déviées (par la montée des dislocations) et s’annihiler mutuellement (§ 12.6.2).
12.4.8 Effet des joints de grains Les joints de grains constituent aussi des obstacles à la déformation plastique. Leur effet est d’autant plus efficace que l’orientation des plans cristallins diffère d’un grain à l’autre. Ceci explique que les polycristaux à grains fins ont généralement une limite d’élasticité plus élevée que les polycristaux à gros grains.
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
341
Comme nous l’avons vu au paragraphe précédent, la source de Frank-Read produit des dislocations dans le grain. On peut montrer que la contrainte exercée sur le joint est égale à n τ , n représentant le nombre de dislocations accumulées et τ la contrainte appliquée sur le plan de glissement (fig. 12.19). Si nτ est suffisamment élevé, la poussée des dislocations sur le joint de grains va déclencher la déformation plastique du grain voisin. La contribution de la dimension des grains dG (diamètre moyen des grains) à la variation de la limite d’élasticité peut s’exprimer comme suit:
τG =
k dG
(12.26)
où k est une constante qui dépend de la résistance du joint de grains. Ce mécanisme de durcissement est utilisé pour obtenir une grande résistance dans les aciers de construction contenant une concentration faible d’éléments alliés (aciers à grains fins).
FIG. 12.19 Accumulation des dislocations-coin aux joints d’un grain.
12.4.9 Effet du polycristal Pour un matériau polycristallin, les grains ont différentes orientations cristallines. L’amorçage du glissement se fait préférentiellement dans les grains ayant des systèmes de glissement caractérisés par un facteur de Schmid proche de 0,5 avant d’apparaître dans les autres grains (fig. 12.20). Pour obtenir une déformation plastique macroscopique, il faut activer le glissement dans un ensemble contigu de grains qui ne sont pas tous caractérisés par des plans et des directions de glissement orientés à 45o de l’axe de traction. Le glissement coopératif des grains distribués aléatoirement nécessite un accroissement de la contrainte appliquée par rapport à celle nécessaire pour déformer plastiquement un monocristal orienté de telle façon que le facteur de Schmid soit égal à 0,5. Dans le cas d’un matériau polycristallin, on détermine seulement une limite élastique moyenne τ e qui tient compte de l’orientation aléatoire des grains qui fait intervenir différentes valeurs du facteur de Schmid. On obtient alors les relations approximatives suivantes:
τ e ≈ 1,5τe
(12.27)
342
Introduction à la science des matériaux
FIG. 12.20 Conditions de déformation plastique progressive d’un matériau polycristallin ayant des facteurs de Schmid différents.
Re ≈ 3τe
(12.28)
Dans l’expression (12.27), τ e est la contrainte de cisaillement critique du monocristal. Ceci permet de comprendre pourquoi un matériau polycristallin a une limite élastique plus grande que celle de l’ensemble de ses grains qui seraient tous orientés avec un facteur de Schmid égal à 0,5. On ne tient pas compte ici des contraintes créées par la déformation différée des grains. Cet effet de durcissement dépend uniquement de l’orientation des grains et diffère de l’effet de durcissement obtenu par l’affinage des grains présenté au chapitre précédent. Ce dernier type de durcissement dépend du diamètre des grains et de la résistance des joints au passage des dislocations.
12.4.10 Limite d’élasticité d’un alliage industriel Certains mécanismes de durcissement perdent leur effet aux températures élevées en raison de la mobilité des atomes. C’est le cas du durcissement par écrouissage et par affinage des grains car il se produit une annihilation des dislocations et un grossissement des grains. C’est aussi le cas du durcissement par phases métastables obtenues après une trempe. La martensite (chap. 9) durcit fortement les aciers au carbone, mais son action n’est efficace qu’à la température ambiante où la diffusion est trop lente pour entraîner sa transformation en un phase stable. Pour le développement d’alliages résistants à haute température, il n’y a que les précipités et les atomes en solution solide qui puissent être utilisés comme agents de renforcement (§ 12.4.5, 12.4.6). Les mécanismes de durcissement présentés aux paragraphes précédents peuvent être utilisés seuls ou combinés pour obtenir des matériaux métalliques possédant une
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
343
limite élastique élevée. En première approximation, les mécanismes de durcissement ont des effets qui s’additionnent. Les diverses contributions à la limite d’élasticité en cisaillement τe (12.22), (12.23), (12.25), (12.26) peuvent être transformées en limite d’élasticité de traction Re en utilisant un facteur multiplicatif simple déduit du facteur de Schmid. Finalement, on peut exprimer la résistance élastique Re par la relation suivante: Re = RC + ∆RS + ∆RE + ∆RP + ∆RG
(12.29)
Les divers éléments de renforcement pris en considération sont, comme dans le cas du cisaillement: le réseau C, les atomes en solution solide S, l’écrouissage E, la précipitation P (durcissement structural), et la taille des grains G. En utilisant les équations relatives aux mécanismes étudiés précédemment et sachant que τe est proportionnel à Re : RC = K1 G ∆RS = K2 Gδ X0,5 ∆RE = K3 Gbρ0,5 ∆RP = K4 Gb/d ∆RG = K5/dG0,5
(12.30)
Les diverses constantes K1 à K5 ont des valeurs qui varient avec le type de matériau. La figure 12.21 donne une représentation schématique des éléments de durcissement d’un alliage métallique réel.
FIG. 12.21 Description schématique des principales contributions au renforcement d’un matériau polycristallin (d’après Hornbogen, 1974).
Pour conclure cette partie concernant le renforcement des solides cristallins et plus particulièrement des métaux, nous donnons un tableau des valeurs de la limite d’élasticité Re du fer pur ou à faible teneur en carbone, ayant subi différents traitements pour créer diverses microstructures (tab. 12.22). On constate que la limite élastique varie d’un facteur 1000 suivant la méthode de durcissement appliquée.
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Introduction à la science des matériaux
TABLEAU 12.22 Limite élastique Re du fer pur et d’alliages Fe – C après différents traitements. Matériau
Microstructure et état
Limite élastique Re [MPa]
Fer pur Fe–C (C < 0,02%) Fe–C (C < 0,02%)
monocristal recuit grains fins
10 150 350
Fe
polycristallin, écroui
700
Acier (C = 0,8%)
perlite (a)
Acier
martensite
1200 2000
Acier
perlite ultra fine, écroui
4200
Fer pur (b)
trichite (cristal idéal)
> 10000
(a) Structure lamellaire Fe + Fe3C. (b) Limite théorique du cristal de Fe pur: 14000 MPa
12.5 FACTEURS INFLUENÇANT LA RÉSISTANCE MÉCANIQUE DES POLYMÈRES ORGANIQUES 12.5.1 Cohésion dans les polymères organiques Les composés organiques de bas poids moléculaire ne possèdent pas de résistance mécanique suffisante pour être utilisés comme matériaux. Ceci résulte de la nature des liaisons. Les composés organiques forment des solides moléculaires dans lesquels les forces de cohésion entre molécules sont assurées par des liaisons de Van der Waals qui sont entre 10 et 100 fois plus faibles que les liaisons covalentes qui assurent la liaison entre les atomes dans la molécule. Les matériaux organiques sont en général constitués de longues chaînes macromoléculaires. Cette structure en chaîne élève considérablement la résistance mécanique. Ce phénomène résulte de la présence d’un grand nombre de liaisons secondaires qui lient chaque macromolécule aux macromolécules qui l’entourent. La résistance mécanique des polymères varie de manière considérable avec la masse moléculaire. Lorsque celle-ci est faible, le nombre de liens de valence secondaire formés par la macromolécule est faible et la rupture se produit facilement par désolidarisation des molécules. Comme cela est schématisé à la figure 12.23(a), la surface de rupture contourne les molécules. Les propriétés mécaniques du solide organique sont alors trop faibles pour permettre son emploi comme matériau. Lorsque la masse moléculaire dépasse une certaine valeur critique de l’ordre de 10 000 à 40 000 suivant le type de polymère, il se produit une augmentation considérable de la résistance mécanique. Dans ces matériaux, le nombre de liaisons secondaires par macromolécule est élevé et la rupture par désolidarisation n’est plus possible . Comme cela est schématisé par une série de flèches à la figure 12.23(b), la fracture s’accompagne nécessairement de la rupture d’un certain nombre de chaînes macromoléculaires traversant la surface de fracture. Dans ce cas, le solide macromoléculaire possède des propriétés mécaniques nettement plus élevées et est utilisable comme matériau.
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
345
FIG. 12.23 Représentation schématique de la structure d’un polymère amorphe de: (a) basse masse et de (b) haute masse moléculaire avec indication des surfaces de rupture. En pointillés, les lignes de rupture. Les flèches du dessin (b) indiquent les points de rupture des chaînes de polymères.
La rupture homolytique de la chaîne (12.31) entraîne l’apparition de radicaux libres qui peuvent être mis en évidence par les méthodes classiques de spectroscopie des radicaux (résonance paramagnétique électronique – EPR): C CH C CH H2 H2 X X
C CH • + H2 C H2 X
•
CH
(12 31)
X
Comme nous l’avons déjà mentionné, la présence d’un grand nombre de liaisons secondaires dans les matériaux organiques conduit à un niveau de propriétés mécaniques nettement moins élevé que celui atteint par les métaux et les céramiques (tab. 6.2). Ce n’est que par une orientation des chaînes que l’on peut obtenir dans une direction des propriétés mécaniques élevées.
12.5.2 Influence de la température Les propriétés mécaniques des matériaux polymères varient fortement avec la température. Ce phénomène est illustré à la figure 12.24, où nous avons porté la variation du module d’élasticité de différents types de polymères en fonction de la température. Comme ces polymères sont en général des matériaux viscoélastiques, le module d’élasticité repris sur le diagramme est le module de relaxation Er déterminé avec un temps de référence de 10 s après application de la charge (Er(10)). Dans le cas d’un polymère amorphe (PS atactique), on observe une variation rapide de Er(10) au voisinage de la température de transition vitreuse (Tg ≈100 oC pour le PS atactique). Si le polymère est linéaire ou ramifié, la décroissance de (Er(10)) se fait en deux vagues qui correspondent respectivement à l’excitation de mouvements moléculaires de diffusion à courte et à grande distance. La première transition met en
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Introduction à la science des matériaux
jeu des segments de chaînes comprenant au maximum environ 1000 atomes caténaires. La seconde transition implique toute la macromolécule. Si le polymère est réticulé, on ne note plus qu’une seule transition qui est liée à l’excitation de mouvements moléculaires à courte distance mettant en jeu les portions de chaînes comprises entre les liaisons pontales. Ce qui différencie le PS atactique linéaire du PS atactique réticulé est uniquement la présence d’un nombre limité de liaisons pontales entre les chaînes (environ une unité structurale sur 100). Ce sont ces liaisons pontales qui confèrent au PS réticulé des propriétés élastomères à T > Tg. Nous ne reviendrons pas sur les propriétés des caoutchoucs dont nous avons parlé en détail aux chapitres 6 et 10. Rappelons seulement que les élastomères usuels ont un point de transition vitreuse généralement compris entre – 40 et – 70 °C. Dans le cas des polymères semicristallins, on observe (fig. 12.24) une première décroissance du module d’élasticité avec la température due au passage de la transition vitreuse. Cette transition est liée à l’excitation de mouvements moléculaires à courte distance dans la partie amorphe du polymère. Entre Tg et Tm, le module d’élasticité diminue lentement. Au voisinage de Tm (entre Tm – 30 et Tm), le module diminue très rapidement et tend vers zéro, car on passe progressivement à l’état liquide.
FIG. 12.24 Courbe de variation de module d’élasticité, Er(10), du polystyrène atactique linéaire et réticulé et du polystyrène isotactique semicristallin (d’après Tobolsky, 1960).
La limite élastique et le module d’élasticité des polymères vitreux et semicristallins varient de manière assez similaire. Comme nous l’avons déjà mentionné (§ 6.3.4), le rapport Re/E des polymères vitreux ou semicristallins est très proche de la valeur théorique (1/15), alors que celui des métaux est en général beaucoup plus faible 10–4 < R e / E < 10–2. Cette caractéristique des polymères est à mettre en rela-
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
347
tion avec leur structure vitreuse ou semicristalline qui contient un grand nombre de défauts réduisant considérablement les possibilités de déformation plastique. Une situation analogue se rencontre dans le cas des verres métalliques qui sont, comme nous l’avons déjà mentionné, caractérisés par une limite élastique plus élevée que celle des alliages cristallins. D’une manière générale, le module d’élasticité et la limite élastique des thermoplastiques amorphes ou semicristallins varient très peu pour des températures T < Tg (E ≈ 2 GPa – Re ≈ 50 MPa). S’il est très aisé de faire varier la résistance à la température d’un polymère en changeant sa structure chimique, par contre, on modifie très peu le niveau des propriétés mécaniques. La résistance à la température des polymères thermoplastiques dépend principalement de deux facteurs: l’intensité des liaisons secondaires et la rigidité des chaînes. La présence de substituants capables de former des liaisons secondaires intenses (liaisons hydrogènes par exemple) élève considérablement la résistance à la température. C’est le cas des polyamides (Nylon) dont nous avons déjà parlé (fig. 2.21(b)). La rigidité de la chaîne joue également un rôle important sur la résistance à la température. En effet, pour désolidariser une molécule de polymère de ses voisines, il faut que la chaîne puisse effectuer un mouvement de reptation à l’intérieur d’un tube constitué par les atomes des macromolécules adjacentes (fig. 12.25). Plus la chaîne est rigide en raison de substituants volumineux, plus les mouvements de reptation sont rendus difficiles et ne sont excités qu’à une température élevée.
FIG. 12.25 Schématisation des mouvements de reptation des macromolécules. En (a) une molécule entourée de points représentant les atomes des macromolécules adjacentes. En (b) une représentation du tube qui entoure la macromolécule dessinée en (a) (d’après de Gennes, 1979).
12.5.3 Modification des propriétés mécaniques des polymères Il existe trois procédés principaux pour augmenter la résistance mécanique des polymères: l’orientation des chaînes, la cristallisation et la réticulation. Nous avons mentionné (chap. 10) que l’on augmente considérablement les propriétés mécaniques en orientant les chaînes dans la direction de la contrainte principale par une déformation plastique. Pour comprendre cet effet, il faut comparer la structure cristalline du diamant et du polyéthylène (fig. 12.26). La structure en chaîne
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Introduction à la science des matériaux
du diamant s’étend suivant les trois dimensions de l’espace, ce qui lui confère une résistance et un module d’élasticité extrêmement élevés. Le cristal du polyéthylène ne possède cette structure en chaîne que suivant une seule dimension de l’espace. Dans le polyéthylène courant, ces cristaux sont de petites dimensions (<1 µm) et orientés de manière aléatoire, les propriétés mécaniques sont faibles (E ≈ 1 GPa, R e = 30 MPa). En cristallisant le polyéthylène linéaire au départ de solutions soumises à des cisaillements très intenses, on obtient des fibres constituées de chaînes cristallisées et orientées parallèlement à l’axe de la fibre et possédant des propriétés mécaniques beaucoup plus élevées (E = 110 GPa, Re = 4000 MPa).
FIG. 12.26 Comparaison schématisée de la structure cristalline du diamant (a) et du polyéthylène orienté (b).
Une structure lamellaire analogue se rencontre dans les polyamides aromatiques (Kevlar® ) (fig. 5.6(f)) qui cristallisent en chaînes étirées et forment des fibres à haut module (60 GPa à 130 GPa) et à haute limite élastique (2700 MPa). Ces propriétés sont comparables à celles des alliages métalliques. Un acier pour câble de téléphérique, par exemple, a un module E= 210 GPa et une limite d’élasticité Re≈ 2000 MPa. L’orientation élève également les propriétés des polymères amorphes. Ainsi, le poly(éthylène téréphtalate) amorphe non orienté (fig. 5.6(g)) a un module d’élasticité de 2 GPa et une limite élastique de 80 MPa; après un étirage de l’ordre de 500%, son module passe à 9 GPa et sa limite élastique à 200-250 MPa. Lorsqu’on examine l’influence de la cristallisation sur les propriétés mécaniques des polymères, il faut faire une distinction très nette entre propriétés au-dessus et audessous du Tg. Au-dessus du Tg, un polymère amorphe linéaire est un liquide et son module d’élasticité tend vers zéro. Ce n’est pas le cas des polymères semi-cristallins. Ainsi le polypropylène a, à température ambiante (près de 40 oC au-dessus du Tg), un module de traction de l’ordre de 1000 MPa et une limite élastique voisine de 30 MPa. Dans le cas d’un polymère amorphe linéaire (ou ramifié), c’est la température de transition vitreuse qui borne le domaine d’utilisation vers les hautes températures. Dans le cas d’un polymère linéaire semicristallin, c’est le Tm qui constitue la limite supérieure, car Tm est toujours supérieur à Tg.
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
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Un exemple très caractéristique est celui du polypropylène. Sa variété atactique amorphe, qui a une température de transition vitreuse proche de –15 °C, ne possède pas de propriétés mécaniques intéressantes. Son point de transition vitreuse est trop bas pour un thermoplastique et trop élevé pour former (après réticulation) un élastomère, et ce produit n’a qu’une faible valeur commerciale. Il faut rappeler qu’un élastomère à une température proche de Tg perd sa capacité de grande déformabilité. Le polypropylène isotactique (fig. 5.10) est un thermoplastique semicristallin (Tm = 170 °C). Il est utilisé jusqu’à des températures de l’ordre de 120 à 130 °C. L’augmentation du taux de cristallinité entraîne une augmentation du module d’élasticité et de la résistance à la rupture des polymères semicristallins, dont la température d’utilisation est supérieure à T g. Ainsi, dans le cas du polyéthylène basse densité (molécule ramifiée) (fig. 4.10(b)), le taux de cristallinité est de l’ordre de 60% et le module d’élasticité est voisin de 250 MPa; la limite élastique est environ égale à 12 MPa. Dans le cas de polyéthylène haute densité (molécule linéaire, fig. 4.10(a) – taux de cristallinité ≈ 85%), le module d’élasticité et la limite élastique peuvent atteindre respectivement 1200 et 30 MPa. Comme on le voit à la figure 12.24, en-dessous du Tg, les polymères amorphes et semicristallins ont des propriétés mécaniques assez voisines. Une troisième méthode pour augmenter les propriétés mécaniques est la réticulation. Dans ce cas également, l’effet est important au-dessus du Tg comme on peut le voir à la figure 12.24, en comparant le polystyrène atactique linéaire (amorphe) et réticulé (amorphe) au-dessus et au-dessous du Tg. Nous avons vu (6.47) que le module d’élasticité d’un polymère réticulé au-dessus de Tg était proportionnel au nombre de segments élastiques par unité de volume. En augmentant la densité de pontage, on augmente de manière très importante le nombre de segments élastiques et on obtient des modules d’élasticité voisins de ceux des thermoplastiques vitreux ou semicristallins. Il faut signaler que c’est en augmentant le taux de réticulation du caoutchouc naturel que l’on a obtenu l’ébonite, qui a été le premier polymère thermodurci utilisé à l’échelle industrielle. Lorsqu’on compare thermoplastique rigide (T
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Introduction à la science des matériaux
12.6 DÉFORMATION À HAUTE TEMPÉRATURE 12.6.1 Avant-propos Les différents matériaux donnés au tableau 12.1 couvrent un domaine de température très vaste. Ils sont utilisés pour des applications extrêmement variées. On peut tirer de ce tableau une série d’indications des plus intéressantes, et on se rend compte que la notion de haute température varie fortement d’un matériau à l’autre. Ainsi, on constate que l’aluminium à T > 100 °C est à haute température, et qu’il ne convient pas pour réaliser la structure portante des grands bâtiments. Il est à exclure de cette application à cause du risque de fluage en cas d’incendie. Le carbure de silicium (SiC) résiste à de très hautes températures et il est utilisable pour fabriquer les corps de chauffe des fours atteignant 1500 °C. A ces températures, le rôle de l’oxydation devient prépondérant. Seuls les matériaux formant des couches d’oxyde stables (SiO2 dans le cas du SiC) s’opposant à la diffusion de l’oxygène vers la surface du matériau offrent un intérêt. (Dans les alliages métalliques, il y a trois éléments principaux qui protègent contre l’oxydation: Si, Cr, Al). Bien que le tungstène soit aussi un matériau réfractaire, il ne présente pas d’intérêt pour un emploi à haute température en atmosphère oxydante, car l’oxyde de tungstène qui se forme dans ces conditions est volatil, et ne forme pas de couche protectrice. On rencontre ce phénomène avec la plupart des métaux réfractaires (molybdène, niobium et titane). En atmosphère protégée, par contre, le tungstène est utilisable à très haute température. Le filament d’une ampoule électrique peut atteindre une température de 3000 °C dans une atmosphère d’argon. D’autres métaux ou alliages sont à température élevée à la température ambiante; c’est le cas des alliages d’argent et de mercure (amalgames) utilisés en dentisterie. Ainsi, Ag3Hg4 qui est un des principaux constituants des amalgames dentaires (voir l’exemple illustratif, sect. 8.7), se trouve dans la bouche à haute température (78% de la température de fusion). Il en est de même du plomb qui peut être déformé et travaillé facilement, grâce au mécanisme de déformation à haute température existant à l’ambiance dans ce matériau. Il est possible de restreindre dans certains cas, la déformation plastique des matériaux travaillant à température élevée. C’est le cas des superalliages utilisés pour les aubes de turbines. Ces alliages ont une microstructure complexe et contiennent une dizaine d’éléments dont les plus importants sont: Ni, Cr, Co, Al et Ti. Un choix judicieux de leur composition, des traitements thermiques et des procédés de cristallisation (sect. 12.8, exemple illustratif) permettent d’atteindre une température d’utilisation de 1000 oC. Cette température correspond à une température relative de 0,8 par rapport à la température de fusion (Tm = 1250-1300 °C). Il est également très important de constater qu’un grand nombre de polymères, dont la température d’utilisation dépasse rarement 200 °C, ne sont pratiquement utilisés qu’à haute température. Ceci explique le comportement viscoélastique plus ou moins généralisé de ces matériaux. Ce comportement justifie également le développement actuel des polymères renforcés, dont nous parlerons au chapitre 15, et qui sont capables de résister à de très hautes contraintes grâce aux fibres à haute résis-
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tance qui composent leur charpente. Remarquons en passant que les agents de renfort les plus efficaces (aramide – carbone) sont, eux aussi, des polymères orientés à hauts points de fusion. 12.6.2 Fluage des alliages métalliques Lorsque la température dépasse 0,4 Tm, les mouvements des atomes deviennent importants en raison de l’augmentation du nombre des lacunes avec T et de la vitesse de diffusion des atomes (9.4). Dans ces conditions de température, on observe que lorsqu’on applique une contrainte constante, il se produit une déformation plastique fonction du temps, même dans le cas où la contrainte est très faible. Sous contrainte élevée, ce processus résulte surtout de la montée des dislocations qui peuvent ainsi contourner les obstacles et produire un glissement. Dans ce cas, on parle de fluage par dislocations (fig. 12.27). À faible contrainte, le fluage se produit plutôt par un réarrangement atomique suivant le champ de contrainte: c’est le fluage par diffusion. L’analyse des mécanismes de déformation pour une sollicitation thermomécanique σ -T donnée peut être faite à l’aide de diagrammes à coordonnées adimensionnelles appelés cartes de déformation (fig. 12.27). Ces cartes doivent être établies pour chaque matériau et différentes tailles de grains. Il est intéressant de constater que la limite élastique relative Re/G ne diminue pas avec la température à cause du comportement identique du module de cisaillement G auquel elle est rapportée. En effet, G varie dans les mêmes proportions que Re. La limite élastique Re varie fortement avec les mécanismes de durcissement et le rapport Re/G peut être plus faible ou plus élevé que la valeur indiquée sur la figure 12.27. La fonction déformation ε–temps t, à contrainte constante, est appelée courbe de fluage. La figure 12.28 donne deux courbes de fluage à charge constante pour deux
FIG. 12.27 Carte des mécanismes de déformation des métaux en fonction de la contrainte relative σ/G et de la température relative T/Tm . ➀ Déformation plastique ou viscoélastique par glissement de dislocations; ➁ fluage par montée des dislocations; ➂ fluage par diffusion (d’après Ashby, Jones, 1980).
352
Introduction à la science des matériaux
températures (T2 > T1). Au temps t = 0, lors de la mise en charge de l’éprouvette, on observe une déformation élastique instantanée εe. On distingue trois domaines distincts en fonction du temps. Dans le stade I, la vitesse de fluage ε• = dε/dt diminue constamment pour atteindre une valeur constante (stade II). C’est la région de fluage secondaire. Dans le stade III (fluage tertiaire), il se produit des phénomènes de cavitation dans le matériau. Dans cette troisième phase, la contrainte réelle supportée par l’échantillon augmente considérablement en raison de la formation de pores aux joints des grains et d’un processus de striction. De ce fait, les expériences à contrainte réelle sont difficiles à réaliser. En pratique, on travaille souvent à contrainte nominale constante (charge constante).
FIG. 12.28 Deux courbes de fluage pour une force appliquées F constante, aux températures T2 > T1. En encart, le four est schématisé.
Les principaux mécanismes microscopiques responsables du fluage sont les suivants : • Le glissement des dislocations (comme à basse température). • La montée des dislocations qui diminue ou annihile l’effet des précipités sur la propagation des dislocations. • Le glissement des joints de grains. • La diffusion des atomes et des lacunes.
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
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Parmi tous ces mécanismes, c’est la montée des dislocations qui joue le rôle le plus important dans la pratique. La figure 12.29 représente schématiquement le mécanisme par lequel les dislocations peuvent monter et contourner les précipités à haute température. Ce mécanisme met en jeu le déplacement des lacunes par diffusion sur la ligne de dislocation, ce qui provoque un déplacement de la dislocation perpendiculairement à son plan de glissement (formation d’un cran, fig. 12.29(a)). Ce phénomène est appelé montée des dislocations. Il permet de comprendre pourquoi les précipités sont moins efficaces à haute température. Le mécanisme de déplacement des dislocations par diffusion des lacunes permet également d’expliquer l’annihilation des dislocations lors d’un recuit à haute température. Dans une sollicitation en fluage, deux phénomènes sont en compétition (fig. 12.30): un phénomène de durcissement par multiplication des dislocations (écrouissage) et un phénomène d’affaiblissement de la résistance du matériau par disparition des dislocations (recuit).
FIG. 12.29 Mécanisme de diffusion des lacunes sous l’effet de la température provoquant (a) la montée des dislocations, par crans successifs, perpendiculairement au plan de glissement; (b) déviation autour d’un obstacle par montée des dislocations.
Dans le stade I, le nombre de dislocations créées par la déformation plastique augmente plus rapidement que leur disparition par l’intermédiaire de mécanismes de diffusion dans ce cas la vitesse de déformation plastique diminue. Lorsqu’une certaine densité de dislocations est atteinte, les deux mécanismes se compensent, et le fluage se produit à vitesse constante (stade II, fig. 12.28). Le glissement des joints de grains joue également un rôle important, car la concentration des lacunes y est très élevée. De manière générale, les matériaux métalliques à grains fins ont une mauvaise résistance au fluage, et les matériaux résistants au fluage, comme ceux utilisés dans les aubes de turbines à gaz, sont des matériaux à gros grains ou des monocristaux, de préférence allongés dans le sens de la contrainte maximum comme dans l’exemple illustratif (sect. 12.8). Les métaux et alliages fortement déformés (écrouis) contiennent une densité élevée de dislocations, ce qui augmente l’énergie du cristal. Un niveau d’énergie élevé
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Introduction à la science des matériaux
tend toujours à être réduit. Dans le cas d’un polycristal écroui, cette réduction d’énergie est obtenue par plusieurs mécanismes: • restauration; • recristallisation; • croissance des grains (maturation). Dans la restauration, les dislocations se regroupent sous forme d’un réseau de sous-joints plus stables qu’un ensemble de dislocations enchevêtrées. Dans la recristallisation, il y a germination de nouveaux grains à faible densité de dislocations, lesquels ensuite croissent pour reformer complètement la structure des grains. La maturation de la structure polycristalline est un phénomène qui réduit la surface interne du matériau par un grossissement des grains. Ce phénomène peut être régulier (avec formation des grains de taille semblable) ou irrégulier (avec formation de quelques très grands grains parmi des petits). Dans ce dernier cas, on parle de recristallisation secondaire.
FIG. 12.30 Représentation schématique des processus de renforcement et d’affaiblissement en compétition dans un alliage métallique soumis au fluage: (a) augmentation de la densité des dislocations par écrouissage, c’est-à-dire formation de réseaux à haute densité de dislocations; (b) diminution de la densité des dislocations par diffusion et montée de dislocations à haute température (recuit) (d’après McQueen et McGregor Tegart, 1975).
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
355
La mauvaise tenue au fluage d’un matériau métallique à grains très fins peut être exploitée pour la mise en forme à chaud. Un grain très fin (diamètre de quelques µm) conduit à la superplasticité. Il devient alors possible de déformer un échantillon de plusieurs centaines de pourcent de manière plastique. Il faut cependant bloquer le grossissement des grains pendant cette opération. La vitesse de fluage, qui dépend fortement de la température, varie proportionnellement au coefficient de diffusion, et pour le second stade de fluage, on observe généralement la relation suivante:
ε˙ II = ADσ n
(12.32)
A est une constante et n un exposant dont la valeur pour le fluage des métaux est comprise entre 3 et 8 pour le fluage par montée des dislocations, et de 1 pour le fluage par diffusion sous faible contrainte (fig. 12.28). Comme le coefficient de diffusion D est donné par D = D0 exp (–Q/RT) d’après le paragraphe 9.2.2, on a finalement:
ε˙ II = A′σ n exp( –Q / RT )
(12.33)
On remarque que la vitesse de fluage augmente sensiblement avec la température et avec la contrainte (fig. 12.28), ce qui influence la durée de vie des pièces. Les pièces qui subissent un fluage à haute température doivent être changées périodiquement. Ce sont des pièces à durée de vie limitée par déformation cumulée. Les matériaux céramiques ayant, en général, des températures de fusion élevées, il serait intéressant de les utiliser dans des constructions exigeant une bonne résistance à haute température. Cependant, leur ténacité trop faible surtout à température ambiante limite encore actuellement leur utilisation. 12.6.3 Caractéristiques générales du comportement viscoélastique des thermoplastiques Les polymères se trouvent en général, à haute température, dans leur domaine d’utilisation. En raison de cette caractéristique, ils manifestent d’une manière quasi généralisée, un comportement viscoélastique (§ 6.4.1). À des températures de l’ordre de Tg –50 °C, le comportement viscoélastique est négligeable en première approximation. Celui-ci ne devient important qu’à des températures supérieures à Tg –20 °C. Le comportement viscoélastique linéaire (chap. 6) a été étudié en détail, et nous l’analyserons ici comme modèle du comportement viscoélastique des polymères amorphes. On peut caractériser le comportement viscoélastique d’un polymère par une étude de la variation isotherme du module de relaxation Er (6.55) en fonction du temps à plusieurs températures. À titre d’exemple, nous avons représenté les isothermes de relaxation du module Er(t) du polystyrène atactique linéaire de haute masse moléculaire (> 100 000) dans le domaine de transition vitreuse (fig. 12.31). On trouve dans les courbes de relaxation de contraintes quatre régions viscoélastiques caractéristiques: un plateau vitreux caractérisé par un module d’élasticité supérieur à 1000 MPa, une région de transition où le module varie rapidement en fonction du temps et de la température, et ensuite un plateau qui est caractérisé par un
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Introduction à la science des matériaux
module compris entre 10–1 et 1 MPa. Dans ce domaine, le polymère est hautement déformable et c’est dans cette zone de température que l’on effectue le thermoformage de plaques. On observe enfin une zone d’écoulement dans laquelle le module diminue très rapidement (écoulement visqueux). On peut également identifier les quatre zones de comportement viscoélastique dans la courbe de variation du module en fonction de la température (fig.12.24). On peut superposer les isothermes du module Er(t) obtenues à diverses températures en leur faisant subir une translation parallèle à l’axe des temps. On obtient ainsi une courbe pilote représentant le comportement viscoélastique du polymère à la température T 0 choisie comme référence. Cette transformation est illustrée à la figure 12.32. On voit que l’on peut glisser les isothermes obtenues respectivement à 105,3, 104,9, 100,4 et 98,6 °C sur l’isotherme à 101,6 °C, ce qui permet de construire la courbe pilote à 101,6 °C.
FIG. 12.31 Isothermes de relaxation du polystyrène. La température est indiquée (°C) sur chaque isotherme (d’après Mercier et Van Cutsem, 1971).
À la figure 12.33(a), on a représenté la courbe pilote construite en combinant l’ensemble des isothermes de relaxation des figures 12.31 et 12.32. La courbe pilote est sensée représenter l’isotherme complète couvrant la totalité du domaine viscoélastique. Comme une telle courbe couvre un intervalle de temps s’étendant sur plus de 10 ordres de grandeur, on conçoit aisément qu’elle soit, dans sa totalité, inaccessible à
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
357
FIG. 12.32 Principe d’équivalence des effets du temps et de la température et procédé de construction de la courbe pilote, illustrés à l’aide de 5 isothermes de relaxation du polystyrène (T0 = 101,6 °C). La température (°C) est indiquée sur chaque isotherme.
FIG. 12.33 Polystyrène amorphe: (a) courbe pilote; (b) courbe du facteur de temps a (T) à T 0, équation (12.35) (d’après Van Cutsem et Mercier, 1971).
358
Introduction à la science des matériaux
l’expérience et qu’elle ne puisse s’obtenir que par la construction schématisée à la figure 12.32. Il est possible de résumer la méthode de construction de la courbe sous une forme mathématique très concise. Dans un diagramme logarithmique module–temps (fig. 12.34), on considère une série des courbes isothermes de relaxation déterminées aux températures T0, T1, T2, ..., Tn. Le temps t nécessaire à l’éprouvette pour se relaxer jusqu’à une valeur déterminée du module (102 MPa par exemple) dépend uniquement de la température et on peut écrire: log t1 = log t0 + log a(T1) log t2 = log t0 + log a(T2) . . . log tn = log t0 + log a(Tn ) ou, d’une manière générale: log t = log t0 + log a(T )
(12.34)
Comme les isothermes de relaxation sont superposables, la fonction log a ( T ) ne dépend que de la température de référence T0. Log a ( T ) représente la valeur algébrique du vecteur dont il faut glisser l’isotherme à la température T0 pour l’amener à correspondre avec l’isotherme à la température T. Log a ( T ) est une fonction décroissante de la température. La relation 12.34 peut s’écrire: t = t0a(T )
(12.35)
La fonction a (T ) est le quotient de deux temps; elle n’a pas de dimension physique et on lui donne le nom de facteur de temps (fig. 12.33(b)). Le principe d’équivalence des effets du temps et de la température peut s’énoncer de la manière suivante: Les fonctions viscoélastiques obtenues à une température se transforment à une autre température par une simple multiplication de l’échelle des temps. Si on exprime le temps sous forme de la variable t/a(T ), les isothermes obtenues à diverses températures se superposent pour former une courbe unique qui est la courbe pilote à la température de référence T0. Les matériaux qui obéissent au principe d’équivalence des effets du temps et de la température ont un comportement que l’on qualifie de thermorhéologiquement simple. Le principe d’équivalence des effets du temps et de la température constitue une grande simplification pour l’étude des matériaux viscoélastiques. Deux fonctions simples: la courbe pilote Er [t/a(T )] et la fonction du facteur de temps a(T ) résument, de manière condensée, l’ensemble des résultats obtenus pour l’étude de la relaxation de la contrainte pour un type de déformation qui est ici l’extension uniaxiale. On peut également appliquer le principe d’équivalence à d’autres modes de déformation tels que le fluage. On constate expérimentalement que la valeur de l’équation du facteur temps ne dépend, ni du mode de déformation (relaxation, fluage, etc.),
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
359
FIG. 12.34 Représentation schématique des isothermes de la relaxation.
ni du type de déformation (élongation, cisaillement, etc.) pourvu que la température de référence T0 reste la même. Comme on peut le voir à la figure 12.33(a), le comportement mécanique d’un polymère thermoplastique dépend fortement de la durée d’application de la contrainte. Si celle-ci est brève, la réponse du matériau à la sollicitation est celle d’un corps élastique. Lorsque le temps d’application de la contrainte augmente, la réponse du polymère tend de plus en plus vers celle d’un fluide visqueux. Ce comportement dépend fortement de la température. Le comportement viscoélastique est en relation directe avec le coefficient d’autodiffusion des segments du polymère. La constante d’autodiffusion ne dépend que du nombre des lacunes, qui varie de manière exponentielle avec la température. Le principe d’équivalence des effets du temps et de la température ne s’applique strictement qu’à des matériaux en état d’équilibre volumique et pour les petites déformations (viscoélasticité linéaire). Le comportement des métaux en fluage ne peut être assimilé à un comportement thermorhéologique simple, car il y a souvent modification de la microstructure du matériau durant la déformation. On peut cependant, dans le cas du fluage résultant d’un processus diffusionnel, obtenir un paramètre dit de Larson-Miller (LM) qui donne une relation d’équivalence entre T et t: LM = T (constante + log t)
(12.36)
Le paramètre LM peut être considéré comme une température de référence pour un alliage déterminé. L’équation (12.36) est applicable uniquement dans le cas où il n’y a pas de modifications importantes de la microstructure lors du fluage. Une différence essentielle entre le comportement au fluage des métaux et des polymères se situe au niveau du caractère réversible de la déformation viscoélastique. Dans les polymères il existe, en raison de la structure caténaire, des forces d’action à grande distance qui entraînent une certaine réversibilité de la déformation lorsque l’application de la contrainte cesse. Ces forces de rappel à grande distance sont absentes dans le cas des métaux et de leurs alliages.
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Introduction à la science des matériaux
12.7 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Un grand nombre de matériaux métalliques et certains polymères thermoplastiques ont un comportement ductile à basse température. Ils présentent avant la rupture une déformation plastique importante, et leur courbe de traction montre une transition élastoplastique. En sollicitant un matériau en traction, on induit des contraintes de cisaillement qui varient en fonction de l’angle entre l’axe de traction et le plan de cisaillement. Dans le cas des matériaux cristallins, la déformation plastique est induite par le mouvement des dislocations qui se déplacent sous l’action de ces contraintes tangentielles si la limite élastique est dépassée. Deux processus principaux interviennent dans la déformation des thermoplastiques vitreux et semicristallins: la déformation plastique par cisaillement et la déformation plastique par microfissuration. Ce dernier mécanisme qui fait intervenir les contraintes de traction aboutit à la formation de craquelures perpendiculaires à l’axe de traction. L’analyse détaillée des mécanismes intervenant dans la déformation du polyéthylène en traction montre que la déformation plastique entraîne une orientation des segments de chaînes amorphes et cristallins dans la direction de la contrainte appliquée et aboutit à la formation d’une structure très orientée plus résistante. Ce procédé est utilisé pour la fabrication des fibres. La résistance mécanique d’un cristal dépend de la valeur de sa cission critique τe et de l’orientation des plans et directions de glissement relativement à la direction de la contrainte appliquée. La capacité de déformation plastique d’un matériau polycristallin dépend de la mobilité des dislocations. Une restriction de cette mobilité augmente la dureté et la limite élastique. Dans les métaux, les liaisons interatomiques isotropes ne constituent pas un obstacle majeur à la propagation des dislocations. Les métaux sont donc généralement des matériaux ductiles avec de faibles limites d’élasticité. Divers procédés permettent d’élever la limite élastique des métaux par blocage des mouvements des dislocations. C’est notamment le cas de l’addition d’atomes étrangers ou de précipités, lors de l’écrouissage, du renforcement par affinage des grains, et du durcissement par formation de phases métastables peu déformables comme la martensite obtenue par trempe des aciers au carbone. Les liaisons interatomiques très fortes et orientées qui existent dans les céramiques, couplées dans un grand nombre de cas à la présence d’ions de signes opposés, constituent des obstacles importants à la propagation des dislocations empêchant la déformation plastique des céramiques à température ambiante. Ces matériaux sont donc en général durs et cassants. Ces caractéristiques ne changent qu’à très haute température. La résistance mécanique des polymères est en général beaucoup plus faible que celle des autres matériaux en raison de la présence de liaisons secondaires intercaténaires. Ce n’est que par une orientation des chaînes que l’on peut obtenir des propriétés mécaniques comparables à celles des métaux et des céramiques, mais seulement dans une direction.
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
361
La résistance mécanique des polymères qui dépend surtout de l’intensité des liaisons secondaires intercaténaires et de la rigidité des chaînes varie de manière considérable avec la température, et les températures de transition Tg et T m sont des paramètres importants qui conditionnent les possibilités d’emploi et de mise en forme des polymères. Lorsque T ≥ 0,5 Tm, le comportement des matériaux est modifié par des mécanismes de déformation à haute température. Les phénomènes de diffusion deviennent importants et jouent un rôle essentiel sur la déformation plastique. On n’observe plus de comportement purement élastique, même aux faibles contraintes. Sous l’action d’une charge constante, les matériaux fluent. Dans le cas des métaux, le fluage se fait progressivement en trois étapes qui conduisent à la rupture du matériau. Pendant une grande partie de la durée de vie d’un matériau métallique, le fluage résulte de l’effet de deux mécanismes antagonistes : un écrouissage par accumulation de dislocations, et une restauration qui annihile les dislocations par diffusion. À température ambiante, le comportement des polymères qui sont presque toujours à haute température est, dans de nombreux cas, déjà viscoélastique. Dans le domaine de transition vitreuse, ce comportement ne dépend que de la constante d’autodiffusion des segments polymères, et la température et le logarithme du temps sont deux variables équivalentes.
12.8 EXEMPLE ILLUSTRATIF: MONOCRISTAL POUR TURBINES À GAZ Les moteurs propulsant la plupart des avions actuels sont des turbines à gaz. Celles-ci sont également utilisées pour produire de l’électricité pour les périodes de pointe car leur démarrage à pleine charge est quasi instantané. Avec le développement actuel du gaz naturel, il est vraisemblable que leur usage se généralisera. Les turbines à gaz (fig. 12.35) sont constituées de trois partie principales: • un compresseur qui injecte l’air atmosphérique et qui constitue la partie la plus encombrante de la machine; • une chambre à combustion où l’on injecte le combustible (kérosène pour les avions, gaz naturel pour la production d’électricité). • une turbine qui est actionnée par les gaz produits par la combustion et qui sert à actionner le compresseur. Les gaz d’échappement sortent de la turbine à grande vitesse et l’avion est propulsé par réaction. Dans le cas de générateur d’électricité, la prise de force de l’alternateur est branchée sur l’axe de la turbine via un réducteur de vitesse. Le rendement énergétique d’un moteur à combustion interne augmente linéairement avec la température de combustion (cycle de Carnot). Pour obtenir un rendement énergétique maximum, on a tendance à travailler à des températures de plus en plus élevées et les matériaux utilisés doivent être adaptés à ces conditions opératoires. L’augmentation du rapport puissance/poids du réacteur est un second objectif qui doit
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Introduction à la science des matériaux
être pris en considération car il entraîne une économie substantielle de carburant. Il faut donc utiliser des matériaux qui soient à la fois légers et résistants. La température de combustion optimum lorsque le carburant et le comburant (O2) sont présents en quantité stœchiométrique est voisine de 2000 °C, ce qui est beaucoup trop élevé pour les matériaux disponibles. La température du gaz de combustion est limitée à 1200-1300 °C maximum, ce qui correspond à une température de l’ordre 1000 °C maximum pour les aubes refroidies de la turbine. L’abaissement de la température de combustion est obtenue en injectant un excès d’air, ce qui, en plus, est favorable pour réduire la pollution.
FIG. 12.35 Schéma d’une turbine à gaz.
Pour comprendre les raisons qui sont à la base du choix des matériaux pour aubes de turbine à gaz, il faut prendre en compte les différents modes de sollicitation (fig. 12.36) qui agissent sur celle-ci. Il faut également prendre en compte que ces éléments de machine, qui travaillent dans une atmosphère air-gaz surchauffée, sont soumises à des effets de corrosion et d’oxydation importants. Ces phénomènes cor-
FIG. 12.36 Modes de sollicitations mécaniques et thermiques intervenant sur une aube de turbine à gaz. La température est maximale dans la partie supérieure de l’aube. La contrainte de traction σ due à la force centrifuge est maximale dans le pied de l’aube. Le maximum de la sollicitation combinée T, σ se situe dans le premier tiers de l’aube.
rosifs sont en particulier favorisés par les impuretés contenues dans les gaz de combustion. Celles-ci sont surtout constituées de sulfures présents dans la carburant et de sels, le chlorure de sodium entre autres, provenant de l’air injecté.
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
363
On considère qu’au décollage de l’avion, une aube de turbine subit une contrainte de traction induite par la force centrifuge d’environ 250 MPa. Les aubes doivent également résister à l’impact du passage accidentel d’un corps étranger dans la turbine, un oiseau par exemple. La résistance aux chocs thermiques est un autre paramètre important. Le choc thermique provient du refroidissement brutal des aubes par le volume d’air traversant le réacteur qui s’arrête ou du chauffage rapide de celuici lors du décollage de l’avion. Les différences de température induites par ces changements de régime du réacteur créent des contraintes internes dues aux variations locales de dilatation ou de contraction. Ces cycles répétés de changement de température peuvent induire une rupture d’aube par choc ou par fatigue thermique. On voit donc que les conditions sévères de fonctionnement des aubes d’un réacteur d’avion limitent le choix des matériaux. Les principaux critères retenus pour le choix des alliages sont les suivants: • Résistance au fluage. On impose généralement comme critère une limite de déformation de la pièce de 0,1% maximum après 30 heures de service à 850 °C. C’est le fluage qui limite la durée de vie des aubes de turbine car celles-ci sont utilisée à des température de l’ordre de 0,8 T m, et elles s’allongent durant leur mise en charge. • Tenue à l’oxydation et à la corrosion à température élevée. • Ténacité. • Résistance à la fatigue thermique. Les premières aubes étaient fabriquées en acier inoxydable (Fe, Cr, Ni). Dans les années 50, l’introduction du procédé de coulée sous vide a permis d’améliorer les alliages en leur ajoutant des éléments durcissants, mais très réactifs, tels que Al et Ti. La composition des alliages utilisés appelés superalliages est passée de 4 à 5 éléments il y a 40 ans, à environ 12 éléments en 1970. Le nombre d’éléments a ensuite diminué récemment. La composition typique des superalliages récents employés pour la fabrication des aubes est reportée au tableau 12.37. Chaque élément de l’alliage joue un rôle spécifique. Le nickel, qui constitue la matrice (cfc), est un cristal compact avec un faible coefficient de diffusion. Les éléments W, Co, Nb provoquent le durcissement de la matrice par la solution solide. Les éléments Cr et Al assurent la protection contre l’oxydation. Les éléments Al, Ti, Ta, qui forment des précipités du type Ni 3(Al, Ti, Ta) assurent le durcissement structural. Le carbone C forme des carbures avec W, Nb, Ti et Cr. Le tableau 12.37 montre que l’alliage monocristallin CMSX4 contient moins d’éléments que l’alliage MAR M 200, ce qui entraîne une augmentation du point de fusion du premier et par conséquent une meilleure tenue à haute température. L’objectif des développements effectués est de réduire au maximum le fluage. On peut d’ailleurs s’étonner que les aubes des turbines à gaz (réacteurs) soient fabriquées avec des superalliages ayant une température de fusion comprise entre 1250 °C et 1300 °C, alors qu’il existe d’autres alliages métalliques ou des céramiques capables de résister à des températures plus élevées. Le choix des métaux ayant une température de fusion élevée comme les métaux réfractaires tels que W, Ta, Nb ou Mo, est à
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Introduction à la science des matériaux
écarter car ceux-ci s’oxydent très rapidement en formant des oxydes volatils (chap. 15). Il est donc nécessaire d’utiliser des métaux formant des oxydes solides et denses (stables) et qui assurent une bonne protection de l’alliage. Les éléments Al et Cr qui forment des couches protectrices Al2O3 et Cr2O3 sont présents dans les superalliages. De nombreuses céramiques possèdent également une bonne résistance à l’oxydation aux températures très élevées. Cependant, ces matériaux sont encore actuellement trop fragiles pour cette application.
Tableau 12.37 Composition de deux superalliages pour aubes de réacteurs. MAR M 200
CMSX4
Élément
% pds
Ni W Co Cr Al Ti Nb C Zr B Impuretés
60,25 12,5 10 9 5 2 1 0,15 0,05 0,015 Fe<0,2% Si<0,1% Mn<0,1%
Élément Ni W Co Cr Al Ta Ti Re Mo Hf Cu<0,05% S<0,008% Pb<0,0005%
% pds 61,7 6 9 6,5 5,6 6,5 1 3 0,6 0,1
L’adaptation des techniques de fabrication a également permis d’augmenter la résistance thermique des aubes de turbine. Au cours des années 60, des températures plus élevées ont pu être atteintes grâce à l’introduction d’aubes refroidies par l’intérieur. Récemment, la solidification orientée et la coulée d’aubes monocristallines ont permis un accroissement important de la température de fonctionnement des réacteurs. La réduction de la complexité de la microstructure des alliages actuels associée à l’élimination des joints de grains, due à une structure monocristalline, permet d’augmenter de 50 °C la température de fonctionnement des réacteurs. La technique de la coulée des aubes monocristallines est difficile et exige un contrôle très sévère des procédés de fabrication. En fait, il s’agit de la fabrication de monocristaux dendritiques contenant des précipités constitués de phases intermétalliques Ni3Al. Ces monocristaux sont donc très différents des monocristaux de silicium présentés au chapitre 3 (sect. 3.6). C’est l’inhomogénéité de leur microstructure qui leur confère des propriétés intéressantes à haute température. La coulée des aubes se fait sous vide dans un champ de température orienté, de telle sorte qu’on élimine tous les grains formés initialement pour n’en conserver qu’un seul (fig.12.38), en particulier, en utilisant un dispositif d’injection en forme de «queue de cochon». Quels sont les développements futurs des aubes en tenant compte que les superalliages à base de nickel ont pratiquement atteint leur limite de performance? Une
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
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voie de développement de nouveaux matériaux a été choisie en adoptant des alliages eutectiques solidifiés unidirectionnellement. Leur microstructure est un composite de
FIG. 12.38 Structure dendritique monocristalline orientée d’une aube de turbine monocristalline obtenue par modélisation tridimensionnelle avec le programme d’ordinateur CAFE (Cellular Automaton Finite Element Model) en utilisant un dispositif d’injection en forme de «queue de cochon»( d’après, CH. A. Gandin, M. Rappaz et al, 1997).
fibres de carbure, par exemple le TaC, dans une matrice ductile (nickel). Ces alliages ouvrent des perspectives intéressantes. Il en est de même des céramiques. Ces matériaux sont attractifs car ils ont une faible densité et un point de fusion élevé, une excellente résistance au fluage à 1000 °C. Cependant, leur ténacité à la rupture reste faible.
12.9 EXERCICES 12.9.1 La figure 12.39 donne l’effet des éléments d’alliage Be, Sn et Zn sur la limite d’élasticité R e du cuivre. En considérant la différence entre les rayons des atomes, quel est le mécanisme de renforcement induit par chacun des éléments d’alliage considérés ? 12.9.2 Un monocristal cylindrique de nickel, de diamètre d = 1 cm, est orienté suivant un axe de croissance [210]. Quelle est la force qui induit la déformation plastique du monocristal selon le mode de glissement préféré du système cristallin cfc du nickel lorsqu’elle est appliquée suivant l’axe de croissance? La contrainte critique de cisaillement τ = 5,5 MPa. 12.9.3 Quel est le comportement d'un thermoplastique étiré à chaud à une température au-dessus de sa température de transition vitreuse Tg ?
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Introduction à la science des matériaux
Limite d'élasticité Re [MPa]
250 Be 200 Sn 150 Zn
100 50 0
0 10 20 30 Pourcentage d'éléments d'alliage Fig. 12.39 Effet de trois éléments d’alliage Be, Sn et Zn sur la limite d’élasticité Re du cuivre.
12.9.4 Quelle est le coefficient de Poisson ν lorsqu’un alliage métallique étiré en traction se déforme de manière plastique? 12.9.5 Comment peut-on agir sur la microstructure des polymères en vue de les renforcer et d'augmenter leur résistance à la traction? Indiquer au moins deux mécanismes. 12.9.6 L’effet de la taille des grains d d’un acier ferritique polycristallin (0,1%C) sur sa limite élastique Re est représenté à la figure 12.40. • Établir la relation entre la limite élastique et la taille des grains en µm. • Déterminer le nombre moyen de grains par millimètre pour obtenir une limite élastique Re = 300 MPa.
Limite d'élasticité Re [MPa]
400 350 300 250 200 150
2
4
8
6
Taille des grains d –1/2 [mm]–1/2
Fig 12.40 Relation entre la limite élastique Re et la taille des grains d 0,1% C.
–1/2
pour un acier polycristallin
12.9.7 • Par quel mécanisme les dislocations coins peuvent-elles contourner les précipités à haute température?
Facteurs influençant les propriétés mécaniques
367
• Quelle est la température critique au-dessus de laquelle ce mécanisme commence à agir pour un alliage d’aluminium ayant une température de fusion Tm = 570 °C? 12.9.8 La perlite fine de l'acier a une limite d'élasticité R e plus grande que celle de la perlite grossière. • Expliquer pourquoi? • Établir la relation entre la limite élastique Re et l’espacement λ entre les lamelles Fe3C. 12.9.9 • Comment varie la vitesse de fluage à l’état stationnaire lorsque la contrainte appliquée augmente dans un matériau cristallin ? • Observe- t- on le même comportement dans un polymère non réticulé, audessus de la température vitreuse Tg ? 12.9.10 Peut-on renforcer une céramique cristalline par écrouissage à température ambiante? Justifier votre réponse.
12.10 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES C.H. BUCKNALL, Toughened Plastics, Applied Science Publishing, London, 1977. W.A. BACKOFEN, Deformation Processing, Addison-Wesley, Readings, Massachusetts, 1972. C.R. CALLADINE, Engineering Plasticity, Pergamon, Oxford, 1969. P.G. DE GENNES, Scaling Concept in Polymer Physics, Cornell University Press, Ithaca, N.Y., 1979. CH. A. GANDIN, M. RAPPAZ et al, 3D Modelling of Dendritic Grain Structures in Turbine Blade Investement Cast Parts in Superalloys 718, 625, 706 and Various Derivatives, E.A. Loria ed.,The Minerals, Metals & Materials Society, Warrendale, Pa., USA, 1997. F. GAROFALO, Déformation et rupture par fluage, Dunod, Paris, 1970. R.W.K. HONEYCOMBE, The Plastic Deformation of Metals, Arnold, London, 1968. E. HORNBOGEN, Hochfeste Werkstoffe, Verlag Stahleisen, Dusseldorf, 1974. D. HULL, Deformation and Fracture of High Polymers, Plenum, New York, 1973. F.J. HUMPHREYS, M. HUTHCALY, Recrystallization and Related Annealing Phenomena, Pergamon, 1995. R.I. JAFFEE, B.A. WILCOX (eds.), Fundamental Aspects of Structural Alloy Design, Plenum, 1977. A. KELLY and N. H. MACMILLAN, Strong Solid, 2th. ed., Clarendon, Oxford, 1986. A. KELLY, R.B. NICHOLSON (eds.), Strengthening Method in Crystals, Applied Science Publishing, 1971. J.W. MARTIN, Precipitation Hardening, Pergamon, Oxford, 1968. H.J. McQUEEN, W.J. McGREGOR TEGART, The Deformation of Metals at High Temperatures, Sci Am., 232, 116, 1975. J.P. MERCIER, R. VAN CUTSEM, résultats non publiés. J.C. POIRIER, Plasticité à Haute Température des Solides Cristallins, Eyrolles, Paris, 1976. R.E. REED-HILL, Physical Metallurgy Principles, 2nd ed., Van Nostrand, New York, 1973. P.M. ROBINSON, H.G. SCOTT, Plastics Deformation of Anthracene Single Crystals, Acta. Met., 15, 1581, 1967. A.V. TOBOLSKY, Properties and Structure of Polymers, John Wiley, New York, 1960.
CHAPITRE 13
RUPTURE ET TÉNACITÉ
13.1 OBJECTIFS • • • •
Établir la différence entre la résistance à la traction et la ténacité. Montrer que la fragilité des matériaux est liée à la propagation des fissures. Calculer la longueur de la fissure critique. Établir la liaison entre les mécanismes de déformation plastique et la ténacité élevée des métaux et de certains polymères thermoplastiques. • Caractériser le comportement en fatigue.
La rupture est la séparation d’un matériau en deux ou plusieurs parties, sous l’action d’une contrainte. Cette séparation se produit à plus ou moins grande vitesse par propagation de fissures existant dans le matériau. La rupture est donc fortement influencée par la présence de défauts internes comme les microfissures, les pores, les inclusions de particules fragiles et par la présence d’entailles (macrofissures) résultant de défauts de fabrication ou de conception. Comme nous l’avons signalé au chapitre 11, il existe des matériaux fragiles qui se rompent sans déformation plastique, et des matériaux ductiles dont la rupture n’intervient qu’après une déformation plastique plus ou moins importante. Nous avons vu au chapitre 6 que l’énergie de rupture d’un matériau ductile, c’est-à-dire la ténacité, pouvait être de trois ordres de grandeur supérieurs à sa valeur théorique calculée sur la base des énergies de surface. Cette différence importante est étroitement associée à la capacité de déformation plastique du matériau. Celle-ci peut diminuer fortement à basse température. La ténacité est également influencée par la vitesse de déformation. Certains matériaux, qui ont un comportement ductile à faible vitesse de mise en charge, se rompent fragilement sous l’action d’un choc. Pour caractériser la ténacité d’un matériau, il est nécessaire de déterminer les conditions de propagation des fissures en fonction des forces appliquées. Tous les matériaux contiennent un certain nombre de microfissures qui deviennent instables et conduisent à la rupture lorsque la force appliquée dépasse une valeur critique. Pour comprendre ce comportement, il faut analyser en détail les phénomènes se produisant à la pointe d’une fissure. L’étude du comportement d’une fissure sous contrainte constitue la base de la mécanique de la rupture.
370
13.2
Introduction à la science des matériaux
LA RUPTURE FRAGILE
13.2.1 Coefficient de concentration de contrainte Nous analyserons ici le phénomène de propagation d’une fissure dans un matériau idéalement fragile, c’est-à-dire dans un matériau qui se rompt sans déformation plastique. Il existe dans la plupart des matériaux des fissures internes ou superficielles qui constituent des amorces de rupture, car ces fissures concentrent les contraintes qui atteignent localement une valeur supérieure à la contrainte appliquée. Pour illustrer l’effet de concentration des contraintes, analysons le champ des contraintes agissant sur la pointe d’une fissure elliptique située dans une plaque mince sollicitée en traction dans une direction perpendiculaire au grand axe de l’ellipse (fig. 13.1(a)).
FIG. 13.1 (a) Plaque mince contenant une fissure elliptique de demi-axes b et l, soumise à une contrainte uniforme σ ; (b) concentration de contrainte σ m /σ à la pointe d’une fissure elliptique l = 2,5 b.
Cette analyse montre que la contrainte maximale σ m parallèle à σ se situe à l’extrémité du grand axe 2l de la fissure elliptique. Un calcul donne la relation suivante pour σm : l σ m = σ 1+ 2 b
(13.1)
L’accroissement d’intensité des contraintes ne dépend que du rapport l/b. La contrainte locale peut donc atteindre des valeurs très élevées dans le cas d’une fissure longue et aiguë (rapport l /b élevé). Dans le cas d’un trou circulaire, l = b et σm = 3σ.
Rupture et ténacité
371
Il est possible d’exprimer le coefficient de concentration de contrainte σm/σ en introduisant le rayon de courbure ρ = b 2 /l à la pointe d’une ellipse dans l’équation (13.1):
σm =1+ 2 σ
l ρ
0,5
(13.2)
La théorie de l’élasticité linéaire permet également de calculer la contrainte locale σy parallèle à la contrainte appliquée σ en avant du front de la fissure. La variation de σy suivant l’axe de fissure (la distance x est mesurée depuis l’extrémité de la fissure) est représentée à la figure 13.1(b) dans le cas particulier où l = 2,5 b. D’après (13.1), σy varie entre la contrainte maximale σm = 6σ pour x = 0 et la contrainte appliquée σ vers laquelle tend σy lorsque x = ∞. Lorsque la fissure devient idéalement aiguë (ρ = 0), on calcule pour σ y l’expression simplifiée suivante: 0 ,5 l σ y = σ 1 + 2x
(13.3)
On constate donc qu’à une distance éloignée de l’extrémité d’une fissure, la contrainte locale σy correspond à la valeur de la contrainte appliquée σ. Lorsqu’on se rapproche de cette extrémité (diminution de la distance x), la contrainte locale σ y augmente jusqu’à une valeur maximale plus ou moins élevée qui est fonction du rayon de courbure ρ au fond de la fissure. Lorsque la fissure est très aiguë, c’est-àdire lorsque le rayon ρ a une dimension proche de celle des distances interatomiques, la contrainte maximale tend vers une valeur très grande. Dans ce cas, la limite théorique de rupture des liaisons interatomiques est dépassée localement et la fissure peut se propager (augmentation de l). La propagation d’une fissure peut se produire de deux façons: • par propagation stable, c’est-à-dire par application à la pointe de la fissure de la contrainte juste nécessaire pour maintenir la propagation de la fissure; • par propagation instable, caractérisée par la propagation brutale et catastrophique de la fissure lorsque la contrainte locale σy dépasse une valeur critique σ c. 13.2.2 Contrainte critique de rupture fragile Deux phénomènes interviennent simultanément lors de la propagation d’une fissure: • Relaxation (relâchement) des contraintes autour de la fissure, la partie fissurée n’ayant pas de résistance mécanique. • Création de nouvelles surfaces de rupture. Les matériaux idéalement fragiles sont en général des matériaux à élasticité enthalpique. Dans ces matériaux, la déformation élastique induit un déplacement minime des atomes de leur position d’équilibre. Il en résulte une augmentation de
372
Introduction à la science des matériaux
l’énergie interne du système. Lors de la rupture, il se produit une libération brutale de l’énergie élastique accumulée qui se transforme instantanément en d’autres formes d’énergie: énergie cinétique, énergie de surface, chaleur, etc. On modélise ce phénomène en analysant le comportement d’un ressort de montre. Lorsqu’il est remonté, le ressort fournit l’énergie mécanique nécessaire au mouvement durant une période définie. Lorsqu’on démonte la montre et qu’on libère le ressort tendu de son boîtier, l’énergie élastique emmagasinée se libère brutalement, en un laps de temps très court. Tout déplacement des lèvres d’une fissure sous l’action d’un champ de contraintes complexes se ramène à une combinaison des trois modes principaux schématisés à la figure 13.2: • déplacement par ouverture de la fissure (traction); • déplacement par glissement (cisaillement dans le plan); • déplacement par déchirement (cisaillement hors du plan).
Mode I: ouverture
Mode II: glissement
Mode III: déchirement
FIG. 13.2 Modes principaux de mise en charge d’une fissure.
Dans cet exposé élémentaire, on se limitera à la déformation en traction avec ouverture de la fissure (mode I). Nous avons vu au chapitre 11 comment calculer l’énergie élastique stockée dans un matériau ayant un comportement élastique linéaire. Si σε, εe et E représentent respectivement la contrainte, la déformation à la limite élastique et le module élastique, on peut montrer par intégration de (11.8) que l’énergie élastique stockée par unité de volume est égale à:
σ2 U = 0,5σ e ε e = 0,5 e E
(13.4)
Si la relaxation des contraintes est un processus exoénergétique, la création de deux nouvelles surfaces de rupture qui est le second processus intervenant dans la dynamique de la rupture est par contre un processus qui absorbe l’énergie. La création de surfaces nouvelles constitue donc un frein à la propagation de la fissure. La question fondamentale qui se pose est de savoir dans quelles conditions la libération de l’énergie de déformation élastique entraînant la propagation catastrophique de la fissure est supérieure à l’énergie consommée pour la formation des surfaces. Pour répondre à cette question, nous allons analyser le mécanisme de propagation d’une fissure superficielle, de longueur l, présente dans une éprouvette soumise à une contrainte de traction σ (fig. 13.3(a)). L’énergie superficielle de la fissure, qui est proportionnelle à sa surface, augmente linéairement avec l. On peut donc écrire que
Rupture et ténacité
373
l’énergie de surface Us de la fissure représentée à la figure 13.3 est égale à celle nécessaire pour créer 2 faces d’énergie de surface γ U s = 2 γ le
(13.5)
où γ est l’énergie libre de surface par unité de surface et e l’épaisseur du barreau (largeur de la fissure).
FIG. 13.3 Variation du volume de relaxation d’énergie en fonction de la propagation d’une fissure lors d’une déformation en traction: (a) fissure stable pour σ < σc , soit l < lc ; (b) fissure critique, σ = σ c ou l = l c; (c) barreau rompu l > l c. La zone tramée représente le volume de relaxation des contraintes.
La propagation de la fissure entraîne une libération d’énergie élastique au voisinage de la fissure. La zone de relaxation de contrainte peut être représentée par un demi-cylindre de section elliptique ayant des demi-axes, respectivement égaux à 2l et l (fig. 13.3 (a)). La section de la zone de relaxation de contrainte est alors égale à π l 2. La création d’une fissure de longueur l entraîne donc la relaxation de la contrainte σ dans un volume V= π l 2e et l’énergie libérée peut être calculée au départ de (13.4). Elle vaut: Ue = –UV = –
σ 2 πl 2 e 2E
(13.6)
Le signe négatif est introduit pour indiquer que la relaxation de la contrainte σ entraîne une libération d’énergie. Par sommation des équations (13.5) et (13.6), on obtient la valeur de la variation d’énergie (énergie de fissuration Uf) qui résulte de la fissuration. Uf varie avec la longueur de la fissure. Comme on peut le voir à la figure 13.4, l’énergie de fissuration Uf de l’éprouvette fissurée passe par un maximum pour une valeur déterminée lc de la longueur de la fissure. Lorsque l > lc, la propagation de la fissure s’accompagne d’une diminution de l’énergie du système, et la propagation de la fissure s’effectue spontanément en entraînant la rupture catastrophique du système. On peut donc considérer qu’il existe dans le système deux types de fissures: les fissures stables, qui ont une longueur inférieure à lc et les fissures instables, supérieures à lc, qui se propagent spontanément.
374
Introduction à la science des matériaux
FIG. 13.4 Énergie de fissuration Uf en fonction de la longueur l de la fissure pour une contrainte σ donnée. L’énergie des surfaces U s est toujours positive et l’énergie de relaxation des contraintes Ue toujours négative. Lorsque l = lc, les variations des deux énergies U s et Ue sont égales en valeur absolue.
On visualise les phénomènes qui accompagnent la propagation de la fissure par une analyse des forces intervenant à la pointe de la fissure. La fissure se propage sous l’action d’une force F qui est appliquée à la pointe et qui est située dans le plan de la fissure, perpendiculairement à l’axe de la contrainte. Cette force F peut être décomposée en deux composantes F e et Fs de sens opposé (fig. 13.5), F e qui est la force induite par la relaxation des contraintes augmente linéairement avec la longueur l de la fissure, tandis que Fs est une force de freinage qui est associée à la création de nouvelles surfaces et qui est indépendante de la longueur l de la fissure. Les valeurs algébriques des forces F e et F s sont respectivement égales aux valeurs des dérivées premières (prise avec un signe négatif) des énergies de relaxation de contrainte Ue et de surface Us par rapport à l: Fe = –
dUe σ 2 πle = dl E
(13.7)
Fs = –
dUs = –2 γ e dl
(13.8)
et
Ces deux forces sont évidemment de signe opposé. On note que Fe augmente avec l, tandis que Fs est indépendante de la longueur de la fissure. La longueur critique de la fissure correspond au cas où ces deux forces sont identiques en valeur absolue (équilibre mécanique). Par conséquent, on détermine la longueur critique lc de la fissure (fig. 13.5(b)) en égalant à zéro la somme des forces Fe et Fs, : lc =
2 γE
πσ 2
(13.9)
La valeur de la longueur critique donnée par l’équation (13.9) correspond au cas où la fissure se propage à partir de la surface de l’éprouvette. Dans le cas d’une fissure interne, la longueur critique est doublée et lc est donc la demi-longueur (fig. 13.1).
Rupture et ténacité
375
FIG. 13.5 Condition critique de propagation d’une fissure: (a) forces Fe et F s agissant à la pointe de fissure; (b) variation de la valeur absolue des composantes Fe et Fs de la force de fissuration rapportée à une fissure à la surface d’une plaque d’épaisseur unitaire.
L’équation 13.9 permet de calculer la contrainte critique σc qui ne peut être dépassée dans un matériau fragile contenant les fissures internes de longueur 2l ou de fissures superficielles de longueur l: 2 γ E 0,5 σ c = πl
(13.10)
Ce concept de la contrainte critique σ c a été introduit par Griffith en 1920. Cette théorie postule l’existence de fissures dans les matériaux. Toute contrainte appliquée qui dépasse la contrainte critique σc provoque une propagation rapide des fissures et entraîne la rupture. 13.2.3 Éléments de mécanique de la rupture La théorie de Griffith, présentée au paragraphe précédent, est limitée au cas des matériaux fragiles. La mécanique de la rupture a pour objectif de trouver une formulation générale permettant le calcul de la contrainte critique σc, quel que soit le type de matériau. On peut généraliser le raisonnement de Griffith si on considère que la diminution d’énergie mécanique par relaxation de contrainte doit atteindre une certaine valeur critique pour que la rupture intervienne. Désignons par G, l’énergie libérée par la relaxation des contraintes par unité de surface de fissure formée. A partir de l’équation (13.6), on peut écrire: G=
σ2 π l E
(13.11)
où G représente donc le taux de variation d’énergie mécanique par unité de surface de la fissure. Pour qu’une fissure de longueur l puisse progresser, il faut que la contrainte appliquée dépasse la valeur critique σc donnée par (13.11):
376
Introduction à la science des matériaux
EG σ c = c πl
0,5
(13.12)
Cette équation, qui s’applique à n’importe quel type de matériau, est semblable à l’équation de Griffith qui n’est valable que pour les matériaux idéalement fragiles. Dans le cas général G c ne correspond plus à la simple tension superficielle γ mais tient compte de toutes les énergies dissipées pendant la propagation de la fissure. Comme nous l’avons déjà mentionné au paragraphe 6.3.4, Gc représente l’énergie spécifique de rupture. On parle également pour Gc d’énergie de propagation de la rupture. Gc est un paramètre qui permet de mesurer la ténacité du matériau, il constitue donc un paramètre intrinsèque du matériau. Dans le cas des matériaux idéalement fragiles, le paramètre Gc est égal à (6.43): Gc = 2 γ
(13.13)
Dans ces conditions, l’équation (13.12) devient égale à (13.10). Le facteur 2 introduit dans l’équation (13.13) tient compte du fait qu’il y a formation de deux surfaces de rupture à la pointe de la fissure. L’équation (13.12) peut également s’écrire:
σc (π l)0,5 = (EGc)0,5
(13.14)
Le terme de gauche de cette équation caractérise l’état de contrainte appliquée alors que le second membre est caractéristique des propriétés du matériau. L’équation (13.14) permet de définir un paramètre important de la mécanique de la rupture: le facteur d’intensité des contraintes K: K = σ (π l)0,5
(13.15)
La rupture intervient lorsque le facteur d’intensité des contraintes K atteint la valeur critique Kc: Kc = σc (π l)0,5 = (EGc)0,5
(13.16)
On mesure Kc par un essai normalisé sur une éprouvette contenant une fissure préexistante de longueur a. Kc est un autre paramètre qui permet de mesurer la ténacité d’un matériau. Connaissant K c , les valeurs de G c peuvent être déterminées à l’aide de l’équation (13.16). Le mode de rupture décrit à la figure 13.3 correspond à une déformation en traction (mode I). Un essai suivant ce mode de sollicitation donne un facteur KIc. Le facteur Kc intègre dans une seule expression Gc qui mesure l’énergie nécessaire à la propagation de la fissure et le module d’élasticité E. La propagation d’une fissure est d’autant plus difficile que E et Gc sont élevés. Ce seront donc les matériaux ductiles à module d’élasticité élevé (métaux) qui seront le plus tenaces. Les valeurs de Gc, Rm et Kc pour les principaux matériaux sont reportées au tableau 13.6. La figure 13.7 donne un tableau comparatif des valeurs de la ténacité Kc de divers types de matériaux. Il n’y a pas de corrélation directe entre la résistance à la rupture R m et la ténacité Gc. Si on compare un même matériau mais dans des formes et dimensions diverses (plaques de verres minéraux, fibres de verre, par exemple), on peut justifier les variations de résistance à la rupture sur la base de la dimension des fissures critiques. En effet, une fibre ne peut pas contenir des fissures
Rupture et ténacité
377
TABLEAU 13.6 Énergie de propagation de la fissure Gc, facteurs d’intensité des contraintes Kc et résistance à la rupture Rm des principaux matériaux. Matériaux
Gc kJm –2
KC MNm–3/2
Rm MPa
Verres minéraux Fibres de verre Alumine (Al2O3) Magnésie (MgO) Carbure de silicium (SiC) Polyester, époxy Polyamide 6 Polypropylène (PC) Polyéthylène (PE) Polystyrène (PS) Poly(méthacrylate de méthyle (PMMA) Bois Acier Acier inoxydable Cuivre, aluminium purs
0,01 0,01 0,02 0,04 0,05 0,1 2-4 8 6-7 2 0,3-0,4 10 100 10-100 100-1000
0,7-0,8 0,7 3-5 3 3 0,3-0,5 3 3 1-2 2 0,9-1,4 11-13 140 50 100-350
30-90 300-3000 10 000 5000 3000 50-90 100 30 10-40 35-80 60-80 40-80 400 150 200-400
FIG. 13.7 Tableau comparatif des valeurs de la ténacité K c pour divers types de matériaux à température ambiante (d’après Ashby, Jones, 1980).
plus longues que son diamètre. On constate que les matériaux fragiles caractérisés par une faible valeur de K c n’ont pas forcément une faible résistance. Par contre, l’énergie de propagation de rupture Gc de ces matériaux est faible. Il ne faut pas confondre le facteur d’intensité des contraintes K avec le coefficient de concentration des contraintes σ m/σ.
378
Introduction à la science des matériaux
Comme on le voit dans cette présentation élémentaire de la mécanique de la rupture, ce sont les facteurs Kc et Gc qui constituent les deux paramètres intrinsèques de mesure de la ténacité du matériau.
13.3 LA RUPTURE DUCTILE 13.3.1 Ductilité et ténacité C’est uniquement dans le cas des matériaux très fragiles, comme les verres minéraux, que l’énergie de propagation de la fissure correspond approximativement au double de l’énergie de surface (fig. 6.11). Dans tous les autres cas, l’énergie de propagation de la fissure est augmentée de manière plus ou moins importante par d’autres processus de dissipation d’énergie. Dans le cas des métaux, c’est le glissement des dislocations qui est le mécanisme principal de dissipation de l’énergie. Comme on peut le voir à la figure 13.8, la déformation plastique au fond de la fissure entraîne une augmentation du rayon de courbure et une diminution du facteur de concentration des contraintes. De plus, il se forme une zone de déformation plastique plus ou moins grande à la pointe de la fissure.
FIG. 13.8 Schématisation des mécanismes de rupture à la pointe d’une fissure: (a) aspect macroscopique (de gauche à droite), dans le cas d’un matériau à rupture fragile (céramique), ductile avec zone de déformation plastique (métal) et ductile par microfissuration (polymère thermoplastique); (b) aspect microscopique: représentation schématique du fond de la fissure sans déformation plastique dans le matériau fragile, due au mouvement des dislocations dans les métaux et résultant d’extension et de rupture des chaînes dans les polymères.
Rupture et ténacité
379
Pour les polymères, il existe un mécanisme particulier de dissipation d’énergie qui fait intervenir le phénomène de microfissuration (crazing) que nous avons décrit au chapitre 12. A l’extrémité de la fissure, il se forme une languette de fibrilles de chaînes étirées qui freinent la propagation de la fissure dans le matériau. La longueur de ces fibrilles augmente à mesure que les lèvres de la craquelure s’écartent par extraction progressive des chaînes de polymère non encore déformé. Ce phénomène constitue un mécanisme important de déformation plastique. On peut remarquer que certains polymères ductiles, comme le polyamide 6 (tab. 13.6), ont des valeurs de Gc nettement plus élevées que celles des céramiques, alors que leurs valeurs de Kc sont du même ordre de grandeur (fig. 13.7). Ceci résulte de la faible valeur du module d’élasticité E des polymères. Comme on le remarque à la figure 13.8, la forme de la zone plastique dépend des mécanismes de dissipation d’énergie à la pointe de la fissure. 13.3.2 Zone plastique en avant de la fissure Nous nous limiterons ici au cas le plus général de la déformation plastique induite par mouvement des dislocations. La zone de déformation plastique qui se forme au front de la fissure est induite par le phénomène de concentration des contraintes au voisinage de la pointe de la fissure. Au début de ce chapitre, nous avons analysé l’évolution de la contrainte σy à la pointe d’une fissure elliptique contenue dans une plaque mince de grande dimension sollicitée en traction (fig. 13.1(b)). D’après l’équation (13.3), la contrainte locale d’une fissure à rayon ρ = 0 tend vers l’infini pour x = 0. En fait, σy ne devient jamais infini car le rayon de courbure à la pointe de la fissure est au minimum de l’ordre de grandeur de la distance interatomique. Dans le cas des matériaux ductiles, la contrainte locale maximale est limitée par la résistance du matériau. On obtient la zone de déformation plastique en substituant la limite élastique Re dans (13.3): σ y = R e = σ [1 + (l/2x p ) 0, 5 ] ≈ σ (l/2x p ) 0, 5 (13.17) Dans cette expression, xp définit la limite de la zone de déformation plastique qui précède la fissure (fig. 13.9). On obtient donc: x p ≈ σ 2 l/2 Re2
(13.18)
En tenant compte de la valeur du facteur d’intensité des contraintes K donnée dans l’équation (13.15): x p ≅ K 2 /2π Re2
(13.19)
La zone de déformation plastique est d’autant plus importante que σ est élevé, que la fissure l est longue et que la limite élastique Re est faible. Dans ce traitement élémentaire, nous nous sommes limités à analyser le champ des contraintes dans la direction de la fissure. Un traitement complet permet de déterminer l’ensemble de la zone déformée. En première approximation (fig. 13.9), la section de la zone déformée est un cercle de diamètre xp. Le calcul élémentaire effectué ici montre que la limite élastique peut être atteinte localement pour des valeurs
380
Introduction à la science des matériaux
FIG. 13.9 Distribution de la contrainte σy en avant de la fissure en fonction de la distance. La limite de la zone de déformation plastique est indiquée en grisé.
très faibles de la contrainte lorsqu’il existe, dans ces matériaux, des fissures longues et étroites. D’une manière générale, il est nécessaire de tenir compte de la déformation plastique qui se produit au moment de la rupture en additionnant une énergie de déformation plastique γp à l’énergie de surface γ. D’après (13.13), on peut écrire que: Gc = 2γ + γp
(13.20)
Pour les matériaux ductiles, 2γ est négligeable vis-à-vis de γp. On peut augmenter la ténacité des matériaux en multipliant les possibilités d’absorption d’énergie par déformation plastique. Un exemple est celui de l’augmentation de la ténacité des polymères vitreux comme le polystyrène par inclusion lors de la synthèse du polymère, de particules caoutchoutiques (fig. 8.2). Sous l’action d’un impact, les particules caoutchoutiques insérées dans la matrice vitreuse initient un réseau très dense de microfissures (crazes) qui absorbent l’énergie de l’impact. Il faut souligner que c’est la présence des particules caoutchoutiques qui empêche la transformation des microfissures en fissures et qui bloque la rupture fragile du matériau. Comme on peut le voir à la figure 13.10, le polystyrène modifié (High Impact Polystyrène-HIPS) par les particules de caoutchouc est ductile, alors que le polystyrène pur est un matériau à rupture fragile. 13.3.3 La fatigue Lors de l’étude de la mécanique de la rupture développée au paragraphe 13.2.3, on a montré que pour qu’une fissure se propage de manière catastrophique dans une éprouvette, il fallait que le facteur d’intensité des contraintes K atteigne une valeur critique Kc donnée par (13.16). Les éléments de construction et les composants de machines sont fréquemment soumis, en conditions de service, à l’action de charges d’amplitude variable. Ces sollicitations répétées peuvent entraîner la rupture par fatigue lors d’application des contraintes inférieures à celles de la résistance à la traction ou même à celles de la limite élastique. Les sollicitations sous charge variable se produisent, par exemple,
Rupture et ténacité
381
FIG. 13.10 Courbe de traction d’un polystyrène pur (PS) et du polystyrène résistant au choc (HIPS) (d’après Bucknall, 1977).
pour les pièces tournantes des moteurs. La rupture par fatigue peut aussi intervenir pour des grandes constructions comme les ponts qui sont également soumis à des efforts périodiques d’amplitude limitée. Le processus de fatigue implique l’apparition d’une fissuration qui se développe progressivement sous l’action de la répétition des sollicitations. La rupture intervient lorsque la fissure atteint sa longueur critique lc. Pour caractériser le comportement à la fatigue d’un matériau, on mesure l’accroissement dl de la longueur d’une fissure en fonction de l’accroissement du nombre de cycles dn. On détermine ainsi la vitesse de propagation de la fissure dl/dn. La sollicitation répétée de l’éprouvette se fait dans un écart de contrainte ∆σ. Au départ de l’équation (13.15), on calcule la variation du facteur d’intensité des contraintes: ∆K = ∆σ(πl )0,5
(13.21)
La figure 13.11 donne la courbe expérimentale reliant ∆K à la vitesse dl/dn. Si le milieu environnant n’est pas corrosif, la vitesse de propagation de la fissure est très faible ou nulle en-dessous d’une valeur critique de seuil ∆K0 ou d’une contrainte ∆σ0 pour une longueur donnée des fissures. Au-dessus de cette valeur de seuil, on observe d’abord une augmentation rapide et ensuite progressive de la vitesse de fissuration qui atteint un régime à pente constante: dl / dn = A ∆Km
(13.22)
où A et m sont des constantes caractéristiques du matériau étudié. Finalement, on atteint en un seul cycle la valeur critique K c du facteur d’intensité des contraintes conduisant à la rupture instantanée de l’éprouvette. La modification de la microstructure entraînant une modification de la limite d’élasticité ou de l’homogénéité du matériau introduit des changements importants dans son comportement à la fatigue. La valeur et la fréquence de la charge moyenne appliquée sont également des facteurs importants intervenant dans la fatigue de cer-
382
Introduction à la science des matériaux
FIG. 13.11 Différents stades de fissuration par fatigue représentés par une courbe relevant la vitesse de fissuration (par nombre de cycles) dl / dn en fonction de la variation du facteur d’intensité des contraintes ∆K : (a) Diagramme montrant trois zones de propagation de la fissure par fatigue. La zone (2) peut être décrite par l’équation (13.22). (b) Courbe de vitesse de fissuration par fatigue dl / dn en fonction de ∆K pour un alliage (aluminium) dans une atmosphère neutre (argon) et une solution corrosive (3,5% NaCl).
tains matériaux. C’est en particulier le cas des polymères dans lesquels, sous l’effet de la fréquence des sollicitations, il se produit des échauffements internes qui provoquent le fluage du matériau. La corrosion (chap. 15) joue également un rôle très important dans le comportement à la fatigue de certains matériaux, car elle diminue le seuil critique ∆K0 de propagation de la fissure (fig. 13.11(b)).
13.4 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Le comportement à la rupture des matériaux dépend de la présence de fissures internes et superficielles, et des conditions de leur propagation. Une fissure, présente dans un matériau, ne se propage de façon catastrophique sous l’effet d’une contrainte appliquée que si l’accroissement de sa longueur entraîne une diminution de l’énergie totale du système. C’est le bilan entre la variation de l’énergie élastique relaxée par propagation de la fissure et la variation de l’énergie nécessaire à la création des surfaces de fissure qui permet de calculer la longueur critique de la fissure. Toute fissure dépassant la longueur critique est instable et entraîne la rupture immédiate. Pour qu’une fissure de longueur l puisse progresser de manière catastrophique lors d’une mise en charge unique, il faut que la contrainte appliquée dépasse une certaine valeur critique σc. Réciproquement, connaissant la contrainte appliquée à un élément de machine, on peut en déduire la dimension maximale des fissures qui peuvent être tolérées sans entraîner de risque de rupture.
Rupture et ténacité
383
L’étude élémentaire de la mécanique de la rupture montre que la rupture dépend de deux grandeurs: la contrainte appliquée σ et la dimension l des microfissures. Ces deux grandeurs sont combinées dans le facteur d’intensité des contraintes K. Pour un même matériau, la contrainte critique σc peut varier en fonction de la dimension des microfissures présentes dans le matériau. La rupture se produit lorsqu’on atteint la valeur critique Kc. Au facteur d’intensité des contraintes K c est associée une mesure de l’énergie critique de propagation de la fissure Gc. Dans le cas de la rupture d’un matériau ductile, Gc contient non seulement un terme d’énergie de surface, mais également un paramètre additionnel (souvent plus grand) qui tient compte de la dissipation d’énergie liée à la formation d’une zone de déformation plastique en tête de fissure. La ténacité d’un matériau mesurée par K c ou par Gc est une propriété mécanique fondamentale au même titre que le module d’élasticité ou que la résistance à la rupture. Lorsque le matériau est soumis à des sollicitations répétées, la fissuration peut progresser sans que le facteur d’intensité des contraintes ne dépasse la valeur critique Kc. Ces sollicitations répétées entraînent finalement la rupture de l’échantillon par fatigue. Dans le cas où la corrosion se superpose à une sollicitation répétée, on observe une réduction importante de la durée de vie de l’élément considéré.
13.5 EXEMPLE ILLUSTRATIF: L’AFFAIRE COMET Les premiers avions à réaction ont été construits durant la Seconde Guerre mondial: Gloster Meteor britannique, Messerschmitt 262 produit par l’aviation militaire allemande. Ces jets, qui sont beaucoup plus rapides (record de vitesse du Gloster Meteor IV: 976 km/heure) que les avions à hélice et qui possèdent un rayon d’action beaucoup plus important, ont ouvert de nouvelles perspectives à l’aviation civile commerciale. Le premier avion à réaction commercial propulsé par des turbine à gaz alimentées par du kérosène, construit par la firme anglaise de Havilland est entré en service le 2 mai 1952. C’était un avion d’une nouvelle génération avec beaucoup d’innovations devenues standard aujourd’hui (4 turbines à gaz comme moteurs, remplissage de carburant à haute pression, commande hydraulique des volets, cabine pressurisée climatisée). Il pouvait transporter 36 passagers à une vitesse de 750 km/h sur des distances de 4 000 km. Pour obtenir une productivité commerciale raisonnable malgré le faible rendement des turbines à gaz de l’époque, le constructeur avait dû alléger la cellule de l’avion au maximum et limiter la quantité de carburant emporté. Pour atteindre cette objectif de légèreté maximum, la carlingue a été construite en utilisant deux techniques d’assemblage différentes : le collage qui était alors une technique avantgardiste et le rivetage traditionnel. Pour optimiser le rendement les réacteurs, une altitude de croisière de 10 à 11 km a été utilisée. Cette altitude, nettement plus élevée que celle des avions commerciaux à hélice de l’époque, imposait à ce nouvel avion des cycles de pressurisation de la cabine beaucoup plus importants. La contre-pres-
384
Introduction à la science des matériaux
sion dans la carlingue nulle au décollage atteignait 0,58 atm à l’altitude de croisière, soit le double des valeurs utilisées jusqu’alors. Au moment de la conception de ce premier jet commercial à la fin des années 40, les concepts de la mécanique de rupture existaient déjà, mais ils n’étaient guère utilisés par les ingénieurs mécaniciens. De plus, le calcul de contraintes au voisinage des rivets indiquait des valeurs nettement inférieures à la réalité. Les alliages d’Al étaient alors beaucoup moins tenaces et moins résistants que ceux d’aujourd’hui. Tous ces éléments ont contribué à la tragédie survenue 2 ans après la mise en service. Deux avions Comet de la British Airlines ont explosé et se sont abîmés dans les flots de la Méditerranée. L’un, le 10 janvier 1954 près de l’île d’Elbe et l’autre, le 8 avril de la même année, au large de Naples. L’épave retrouvée au large de l’Île d’Elbe, ne permit pas de tirer des déductions sur l’origine des catastrophes. Seul un fait particulier attira l’attention des enquêteurs: les deux accidents se sont produits peu après le décollage, à une altitude de 10 000 m, c’est-à-dire au moment où les contraintes sur les parois de la cabine pressurisée sont maximales. Ces observations ont amené les enquêteurs à penser que la rupture brutale de la structure de l’avion pouvait résulter d’un vice de construction engendrant des concentrations de contrainte localisées en des points précis de la carlingue. Finalement, l’hypothèse d’une rupture par fatigue fut retenue comme plausible, et les ingénieurs décidèrent de faire des essais de fatigue sur la cellule d’un avion COMET ayant déjà volé mais intacte. Le fuselage du COMET G-ALYP, surnommé Yoke Uncle, fut entièrement immergé dans un énorme caisson rempli d’eau. Seules les ailes émergeaient de part et d’autre du caisson. L’avion testé avait déjà volé 3500 heures, c'est-à-dire une durée de vol comparable à celle des deux avions tombés en mer. Le caisson avec l’avion à l’intérieur a été construit en six semaines. Les charges ont été réparties sur les ailes et le fuselage pour reproduire les conditions correctes de mise en charge de l’avion. Les conditions de variation de pression en vol, les séquences d’atterrissage et de décollage et, en même temps, les effets de la poussée des réacteurs ont été reproduits d’une manière aussi fidèle que possible. Le cycle de variation de pression imposé à la cabine oscillait entre les valeurs imposées au moment du décollage ou à l’atterrissage. Les résultats des essais montrèrent qu’après une durée d’essai correspondant à 2 fois et demi la durée d’utilisation initiale (9000 heures), une fissure par fatigue prenait naissance à la base d’un hublot de la porte de secours (fig. 13.12). Une première conclusion a été tirée de cette expérience. Si l’avion testé avait continué son service, il aurait vraisemblablement subi un accident après environ 9000 heures de vol. Ce nombre d’heures est nettement supérieur à celui des avions sinistrés, mais il faut tenir compte de la dispersion des valeurs mesurées inhérentes à ce type d’essai de simulation. Un examen détaillé de la déchirure parallèle à l’axe du fuselage montra que la fissure s’était formée à partir du trou d’un rivet placé à un angle inférieur du hublot (de forme rectangulaire) de l’écoutille de secours. La tôle fissurée était en alliage d’aluminium. Des éléments de cette tôle prélevés sur le fuselage et soumis à des essais de fatigue ont révélé le même type de fissures de fatigue initiées aux rivets
Rupture et ténacité
385
Fig. 13.12 Localisation des principales fractures observées sur l’avion COMET G-ALYP après essais de fatigue. En grisé, la partie fissurée ayant entraîné la fracture de la cellule (d’après Lancaster, 1996).
situés au voisinage des hublots. Des essais de fatigue ont également été réalisés sur des cylindres faits de tôle roulée et rivetée, et soumis à des cycles de pression interne variable. D’autres essais ont été réalisés sur des éprouvettes plates d’alliage d’aluminium percées d’un trou et soumises à des contraintes alternées de traction. La figure 13.13 montre la variation de la résistance à la rupture en fonction du nombre de cycles pour les deux types d’essais. On constate que la résistance à la rupture chute au tiers de sa valeur initiale après environ 30 000 cycles.
FIG. 13.13 Variation de la contrainte maximale supportée par l’éprouvette en fonction du nombre de cycles: (a) essais de traction alternée d’une éprouvette plate percée d’un trou; (b) essais de variation de pression dans un cylindre fait d’une tôle roulée et rivetée (d’après Bishop, 1955).
386
Introduction à la science des matériaux
Les conclusions du rapport de l’ensemble des essais précités attribuèrent l’origine de la catastrophe des deux avions COMET à la faible résistance à la fatigue de la cabine. D’autres hypothèses ont été également retenues, car l’examen ultérieur des débris du COMET tombé au large de l’Île de l’Elbe ne permit pas de mettre en évidence, de manière absolue, l’existence d’une déchirure pouvant provenir de la propagation d’une fissure induite par un phénomène de fatigue. Ces catastrophes incitèrent les ingénieurs à tirer des enseignements profitables pour la conception future des machines et ouvrages. Il apparut très vite qu’il était très important d’éviter les effets d’entaille et de concentration de contraintes. De nombreuses ruptures catastrophiques observées à cette époque dans d’autres cas (turbines, conduites, réservoirs) montrèrent que l’initiation de ces ruptures se produisait à des contraintes nettement inférieures à celles de la limite d’élasticité R e mesurée pour les matériaux. C’est à cette époque que des travaux importants concernant le comportement des matériaux entaillés ont été réalisés et que des méthodes d’essais pour le contrôle de la ténacité, c’est-à-dire la résistance à la propagation d’une fissure, ont été proposées.
13.6 EXERCICES 13.6.1 Une céramique technique Sialon (Si3Al3O3N5) a une résistance à la traction Rm de 415 MPa. Quelle est la contrainte maximale qui peut y être appliquée si les fissures elliptiques en surface ont les dimensions moyennes suivantes: • grand axe 2l = 0,50 mm, • largeur 2b = 4,5 µm. 13.6.2 Une barre en céramique de diamètre d0 égal à 5 mm a une ténacité à la rupture KIc égale à 2,75 MNm–3/2. Sachant que cette barre est soumise à une force de traction F égale à 1900 N, déterminer la longueur l admissible d’une fissure infiniment aiguë en surface et à l’intérieur du matériau en supposant une rupture fragile. 13.6.3 Un élément de l’aile d’un avion est fabriqué en alliage d'aluminium ayant une limite élastique Re de 470 MNm–2 et une ténacité KIc de 21 MNm–3/2. Cette pièce est conçue pour résister à une contrainte critique σc égale à 0,5 Re . Une méthode d'inspection permet de détecter des défauts de 3 mm et plus. Cette méthode est-elle suffisamment sensible pour détecter des défauts internes critiques ? Expliquer brièvement votre conclusion. 13.6.4 Les alliages métalliques ayant une structure cristalline de type (cc) ont une transition ductile-fragile lorsque la température décroît. C’est le cas des aciers ferritiques (fig. 13.14). • Quel est le type de rupture pour un acier avec 0,2% pds de carbone à température ambiante ? • Quelle est la température de fragilisation de cet acier ?
Rupture et ténacité
387
• Pour quelle raison la ténacité à la rupture mesurée par l’énergie d’impact diminue avec l’augmentation de la teneur en carbone ? 0,1 % C Énergie d'impact [J]
300
200
0,2 % C 0,4 % C
100 0,6 % C 0 –200
–100
0
100 200 Température [°C]
FIG. 13.14 Influence de la concentration en carbone des aciers sur l’énergie d’impact mesurée en fonction de la température.
13.6.5 La ténacité d’un matériau est mesurée par l’énergie absorbée par la rupture d’un échantillon soumis à l’impact d’une masse m placée à l’extrémité d’un bras d’un pendule de longueur L = 75 cm et libérée depuis une hauteur normalisée (essai Charpy). Calculer l’énergie absorbée ∆E , si la masse m = 10 kg est libérée depuis une hauteur initiale correspondant à un angle de 120 ° du bras du pendule. Après avoir rompu l’échantillon placé à la partie inférieure de l’instrument, la masse atteint une hauteur correspondant à un angle de 85 °. 13.6.6 Une plaque de suspension en acier (ténacité KIc = 90 MNm–3/2) est soumise à une contrainte σ = 350 MNm–2 . Calculer la dimension minimale l d’une fissure capable de se propager à partir de la surface. Déterminer cette dimension minimale pour une fissure interne. 13.6.7 Sachant que le module d’élasticité E du verre vaut 70 GPa et son énergie de surface γ égale à 0,6 Jm–2, calculer la contrainte de rupture σc d’une plaque de verre contenant une série de microfissures internes d'une dimension maximale de 10 µm. Quelle sera la contrainte de rupture σ c de cette plaque si on grave à sa surface une fine raie de 0,3 mm de profondeur ? 13.6.8 Un acier contenant 0,4% pds de carbone a une ténacité à la rupture KIc égale à 150 MNm–3|2. Après un traitement thermique de trempe, la ténacité KIc et la limite d'élasticité Re de cet acier sont-elles plus grandes ou plus petites que la ténacité et la limite d'élasticité de cet acier à l’état normal ? 13.6.9 Quelle est la différence de comportement observée en comparant les courbes de fluage (déformation ε – temps t ) d’un échantillon d’alliage métallique soumis à une contrainte de traction constante ou à une charge constante ?
388
Introduction à la science des matériaux
13.6.10 Une barre d’acier est soumise à des cycles de fatigue en traction alternée (∆σ t = 100 MNm–2 depuis σ = 0 jusque σ = 100 MNm–2). La dimension moyenne des fissures en surface est l ≤ 2 mm. Estimer la durée de vie de cette barre sachant que la ténacité de l’acier est de KIc = 30 MNm–3|2 et que les valeurs des coefficients de l’équation 13.22 sont m = 3 et A = 1·10–12 pour ∆σ exprimé en MPa et l en m.
13.7 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES T. BISHOP, Fatigue and the Comet Disasters, Metal Progress, 79, 1955. W. BROSTOW, R.D. CORNELIUSSEN (ed.), Failure of Plastics, Hanser, Munich, 1986. C.B. BUCKNALL, Toughened Plastics, Applied Science Publishers, London, 1977. T.V. DUGGAN, J. BYRNE, Fatigue as a Design Criterion, Macmillan, New York, 1977. D. FRANÇOIS, A. PINEAU et A. ZAOUI, Comportement mécanique des matériaux, Hermès, Paris, 1995. H.H. KAUSCH, Polymer Fracture, Springer, Berlin, 1978. J.F. KNOTT, Fundamentals of Fracture Mechanics, Butterworths, London, 1973. J. LANCASTER, Engeeneering catastrophes. Causes and effects of major accidents, Abington Publishing, Cambridge, 1996.
CHAPITRE 14
PROPRIÉTÉS PHYSIQUES
14.1
OBJECTIFS
• Établir la différence entre les matériaux conducteurs, semiconducteurs et isolants électriques. • Étudier la conductivité électrique des métaux et déterminer l’effet de la température et de l’addition de divers éléments sur cette propriété. • Définir un état supraconducteur. • Déterminer les conditions d’obtention d’un semiconducteur à partir du silicium ultrapur. • Étudier la conductivité thermique des matériaux. • Analyser le comportement magnétique des matériaux en fonction de leur structure atomique et distinguer les aimants permanents et les aimants non permanents (doux). • Relier les propriétés optiques des matériaux (transparence, brillance, couleur) aux interactions des photons et des électrons. En fait, les propriétés mécaniques étudiées dans les chapitres qui précèdent font intrinsèquement partie des propriétés physiques. Si on a coutume de les en séparer, c’est surtout pour des motifs de commodité didactique car les concepts de base de ces matières diffèrent quelque peu de ceux utilisés dans les chapitres traitant de l’étude des propriétés mécaniques. Ces matières font intervenir des concepts traditionnels de la physique du solide fondés notamment sur l’étude du mouvement des électrons. L’importance de ces théories en science des matériaux résulte du fait que l’ensemble des propriétés physiques y compris les propriétés mécaniques peuvent être interprétées de manière unifiée. Ce modèle traditionnel tient compte des principaux développements de la mécanique quantique. Une description complète des propriétés physiques devrait être beaucoup plus vaste et le volume 8 du Traité des Matériaux y est exclusivement consacré. Dans cet ouvrage, qui constitue une introduction à l’étude des structures et du comportement des matériaux, le sujet de ce chapitre est volontairement limité aux propriétés physiques les plus importantes pour l’ingénieur en science des matériaux.
14.2 CONDUCTIVITÉ ÉLECTRIQUE 14.2.1 Conductivité et résistivité électriques La conduction électrique est une propriété des matériaux d’une grande importance technique. Comme exemples importants de ce type de phénomène, il faut citer
390
Introduction à la science des matériaux
le transport de l’énergie électrique sur des grandes distances et le chauffage électrique par résistance. Dans le premier cas, il faut réduire au maximum les pertes d’énergie en utilisant, dans la fabrication du conducteur électrique, des matériaux ayant une conductivité élevée comme le cuivre ou l’aluminium. Cet objectif explique l’immense intérêt pour la recherche de supraconducteurs utilisables à des températures proches de l’ambiance. Dans le cas du chauffage électrique, il faut adapter la composition du matériau pour transformer le maximum d’énergie électrique en énergie thermique. Un troisième exemple tout aussi important est donné par les semiconducteurs sur lesquels est basé toute l’électronique moderne (Hi-Fi, ordinateurs, informatique etc.) Les divers concepts physico-chimiques et physiques à la base des phénomènes de conductivité électrique seront abordés de manière élémentaire dans cette section. Un conducteur électrique est un matériau qui possède des électrons libres permettant le transport d’un courant électrique. Lorsqu’un courant électrique d’intensité I traverse un conducteur de résistance R, on observe aux extrémités du conducteur une différence de potentiel V donnée par la loi d’Ohm: V = RI
(14.1)
Les unités utilisées pour V, R et I sont le volt (V), l’ohm (Ω) et l’ampère (A). Connaissant les dimensions géométriques du conducteur, c’est-à-dire, la section S et la longueur L, on calcule la résistance spécifique ou résistivité électrique ρ du conducteur:
ρ=
RS 1 = L σ
(14.2)
La résistivité ρ, qui s’exprime en Ωm, caractérise la résistance opposée au passage d’un courant électrique dans le matériau, pour une section et une longueur unitaire. Son inverse est la conductivité électrique σ qui est donc une mesure de la facilité de passage du courant électrique dans la matière. Le transport du courant électrique à travers un conducteur s’accompagne toujours d’un dégagement de chaleur, l’effet Joule: P = VI = RI 2
(14.3)
où P est la puissance thermique dégagée. Celle-ci s’exprime en Watt (1 W = 1 J s–1). La conductivité et la résistivité électriques des matériaux varient très fortement en fonction de la nature de leurs liaisons chimiques, de la composition et de la température (fig. 14.1 et 14.2). Ainsi, à température ambiante, la conductivité électrique varie de 10 8 Ω –1m–1 pour les meilleurs conducteurs métalliques (Cu, Ag) jusqu’à 10–l6 Ω–1m–1 pour les isolants électriques les plus performants comme le polytétrafluoroéthylène (PTFE) (fig. 5.8(b)). Dans certains cas (matériaux supraconducteurs à basse température), la résistance devient nulle en dessous d’une température critique. En pratique, pour les matériaux supraconducteurs, la conductivité dépasse 10 27 Ω–1m–1.
Propriétés physiques
105
Cu, Ag, Al Fe Hg Sn
Céramiques
Polymères
Ti Graphite (C) SiC
102 10–1 10–4 10–7
Ge (pur) SiC (pur) GaAs Polyacétylène (pur) Al2 O3 Verre minéral
Isolants
Conductivité électrique σ (Ω m–1)
108
Métaux
Semi- Conducteurs conducteurs
1011
391
10–10 10–13 10–16
Diamant SiO2
PMMA PE, PS PTFE
FIG. 14.1 Tableau comparatif des valeurs de la conductivité électrique intrinsèque σ pour les différentes classes de matériaux à température ambiante.
FIG. 14.2 Variations de la résistivité électrique des matériaux (ρ) en fonction de la température T.
392
Introduction à la science des matériaux
Les métaux possèdent une très grande conductivité électrique à température ambiante et celle-ci augmente lorsque la température diminue. L’emploi du cuivre et de l’aluminium comme matériaux pour le transport de l’énergie électrique est bien connu. Les céramiques représentent le groupe de matériaux qui a la plus grande variation de conductivité électrique. Ils peuvent être classés en trois groupes: conducteurs, semiconducteurs et isolants. Ainsi, certains carbures (SiC, TiC) ont des liaisons partiellement métalliques. Ils possèdent dans un certain nombre de cas (TiC) une conductivité électrique voisine de celle des métaux. Comme nous l’avons déjà mentionné au chapitre 2, le graphite pyrolitique possède une conductivité électrique élevée suivant les plans de base de sa structure hexagonale. Certaines céramiques à base d’oxydes d’ytrium, de cuivre, de barium sont supraconductrices à la température de l’azote liquide (–196 °C). Certains matériaux possèdent une conductivité électrique intermédiaire (~10 –2 à 10 4 Ω –1m –1) entre celle des métaux et celle des isolants; ces matériaux sont appelés semiconducteurs. Les semiconducteurs les plus courants (Si, Ge) sont des matériaux à liaisons covalentes. La conductivité électrique intrinsèque de ces semiconducteurs non dopés est de l’ordre de 10–2 à 1 Ω –1m –1. Celle-ci est très sensible à la présence d’impuretés. Nous reviendrons plus loin sur ce point très important. Comme nous l’avons déjà souligné au chapitre 1, les substances comme le germanium et le silicium, qui ont des propriétés intermédiaires entre celles des métaux et celles des non-métaux, échappent à toute classification simple. Par la nature de leurs liaisons chimiques et par leurs comportements physique et mécanique, les semiconducteurs comme le germanium et le silicium se rattachent plutôt aux matériaux céramiques. Parmi les matériaux céramiques isolants, on distingue un grand nombre de composés à liaison ionique, covalente ou covalente polaire comme la silice amorphe, le quartz, le mica (phyllosilicate) et le diamant qui est caractérisé par une conductivité électrique environ 1021 fois plus faible que celle du graphite. Les polymères sont dans leur grande majorité des isolants électriques. Ainsi, on connaît l’emploi du polyéthylène (PE) comme isolant électrique pour les câbles à haute (200 kV) et basse tensions. On développe actuellement certains polymères conducteurs comme le polyacétylène. Ces polymères conducteurs sont caractérisés par la présence de double liaisons conjuguées qui confèrent une certaine mobilité aux électrons. Les semiconducteurs organiques font actuellement l’objet d’une recherche intensive. Du point de vue de leur structure électronique, on ne distingue que deux classes de matériaux: les conducteurs et les isolants. Nous avons vu au chapitre 2 les éléments de la théorie des bandes. Les conducteurs (métalliques surtout) sont des matériaux dont la dernière bande occupée est incomplète. Dans les isolants et les semiconducteurs, au contraire, tous les niveaux énergétiques des bandes de valence sont occupés par des électrons. A zéro degré Kelvin, sous l’action d’un champ électrique modéré et en l’absence de toute autre excitation extérieure comme la lumière par
Propriétés physiques
393
exemple, on observerait qu’un déplacement électronique (courant) se produit chez les conducteurs, tandis que dans le cas des isolants et des semiconducteurs, il ne se produirait aucun mouvement d’électrons. Il n’existe donc pas de différence qualitative entre un isolant et un s e m iconducteur, ce qui les différencie est uniquement la largeur de la bande interdite entre la bande de valence et la bande de conduction. Comme nous l’avons mentionné au chapitre 2, si la largeur de la bande interdite est voisine de 1 eV, un certain nombre d’électrons sont excités, à température ambiante et au-dessus de la bande de valence vers la bande de conduction. On aura alors affaire à un semiconducteur. Quand la largeur de la bande interdite est supérieure à 2 eV, l’excitation des électrons n’est plus possible à l’ambiance et l’on parle alors d’un isolant. Si on compare la variation de la conductivité électrique dans les métaux et les semiconducteurs en fonction de la température, on observe une allure très différente. Ainsi, dans les métaux purs (fig. 14.3) à très basse température (T < 10 K), la con-
FIG. 14.3 Variation de la résistivité d’un métal normal à densité de défauts élevées (a) et à plus faible densité de défauts (b) et d’un métal supraconducteur (c) avec la température. La température T c marque la transition entre l’état conducteur et supraconducteur.
ductivité ne varie pratiquement pas avec T. A plus haute température, elle diminue fortement avec la température. Dans le cas des semiconducteurs (fig. 14.13), la conductivité, qui est nulle à basse température (résistivité infinie), augmente avec T dans certains domaines de températures. Leur conductivité évolue donc généralement de manière opposée à celle des métaux. Cette différence de comportement découle du fait que dans les métaux, le nombre d’électrons mobiles ne varie pas avec la température; leur conducti-
394
Introduction à la science des matériaux
vité diminue lorsque la température augmente parce que la mobilité des électrons décroît. Dans les semiconducteurs, c’est le nombre de porteurs qui augmente avec la température car, par activation thermique, un nombre de plus en plus élevé d’électrons passe de la bande de valence à la bande de conduction. Comme le représente la figure 14.4, la conductivité électrique est directement proportionnelle au nombre d’électrons mobiles présents dans les matériaux.
FIG. 14. 4 Représentation schématique de la variation de la conductivité électrique (σ) en fonction de la densité d’électrons mobiles.
14.2.2 Conductivité électrique des métaux Pour traiter de manière rigoureuse la conductivité électrique des métaux, il faut avoir recours aux théories quantiques et appliquer aux électrons la statistique de Fermi-Dirac qui tient compte de leur indiscernabilité et du fait que le nombre d’électrons par niveau énergétique est strictement limité (principe d’exclusion de Pauli). Dans cet exposé élémentaire, nous utiliserons une approche théorique simplifiée développée au début de ce siècle par Drude et Lorentz. Cette théorie considère un ensemble d’électrons libres obéissant à une statistique classique (Maxwell-Boltzmann). Les électrons, qui ignorent dans ce modèle les effets de la structure cristallographique du solide, sont libres de se mouvoir à l’intérieur des limites géométriques du cristal dans un champ électrostatique uniforme. Une description du modèle physique utilisé est représentée à la figure 14.5. À température ambiante et en l’absence de champ électrique externe, les électrons sont animés de mouvements aléatoires dans le métal. L’énergie électrique transportée par les électrons est distribuée de manière isotrope, car il n’y a pas de direction de circulation privilégiée.
Propriétés physiques
395
FIG. 14.5 Description élémentaire de la conductivité électrique des métaux par la théorie corpusculaire de Drude-Lorentz: (a) champ électrique nul E = 0, mouvements aléatoires des électrons; (b) E ≠ 0, mouvements orientés des électrons dans une direction de potentiel électrique décroissant (V2>V1).
Dès qu’un champ électrique (gradient de potentiel électrique) est appliqué aux extrémités du conducteur, le déplacement des électrons libres se fait de préférence entre le potentiel le plus élevé V2 et le potentiel le plus faible Vl. Pour un parcours sur une distance ∆x, la différence du potentiel ∆V = V2 –Vl définit un champ électrique E = – gradV = – ∆V/∆x
(14.4)
C’est ce gradient de potentiel électrique qui est à l’origine du courant électrique d’intensité I, et dont le sens conventionnel est opposé à celui du mouvement préférentiel des électrons. Chaque électron transporte une charge électrique e (–) = 1,6 10-19 C (coulomb). Les électrons libres entraînés par le champ électrique sont accélérés sur une certaine distance jusqu’à ce qu’ils soient freinés brusquement par collision avec les ions métalliques. Ce processus aléatoire et répétitif est décrit schématiquement à la figure 14.6. Sous l’action d’un champ électrique, les électrons dérivent dans une direction déterminée. La vitesse moyenne de dérive des électrons vd est donnée par la relation: vd = µE
(14.5)
Dans cette expression, µ représente la mobilité de l’électron (m2 V–1 s–1). C’est la vitesse de dérive des électrons soumis à un champ électrique unitaire. A basse température, c’est une mesure indirecte de la perfection des cristaux, car µ est d’autant plus grand que l’ordre à grande distance dans le cristal est élevé et le nombre de défauts est faible.
396
Introduction à la science des matériaux
FIG. 14.6 Variation de la vitesse de dérive des électrons entre les collisions avec les «ions» métalliques: (a) polycristal; (b) monocristal avec très peu de défauts.
Tenant compte de l’expression de la vitesse de dérive et de la densité volumique en électrons mobiles Ne, on calcule la densité de courant électrique J (Am-2): J = Ne e (–) vd
(14.6)
L’intensité du courant électrique I dans un conducteur de section S est donnée par la relation: I=JS
(14.7)
En combinant (14.5), (14.6) et (14.7) et en tenant compte d’après (14.4) que E = V/L pour un conducteur de longueur L, on obtient: V I = Ne e(–)µ S L
(14.8)
L’équation (14.8) est une expression de la loi d’Ohm (14.1), la résistance électrique du conducteur étant donnée par: R=
1 L S Ne e(–)µ
(14.9)
Au départ de (14.2), on peut exprimer la résistivité ρ et la conductibilité σ du matériau :
Propriétés physiques
σ=
1 = Ne e(–)µ ρ
397
(14.10)
Les théories quantiques donnent une expression de σ analogue à celle obtenue au départ de la théorie de Drude-Lorentz. La théorie classique ne tient pas compte que la plupart des électrons ne sont pas capables d’absorber de l’énergie en vertu du principe d’exclusion de Pauli. Les théories quantiques montrent que c’est un petit nombre d’électrons animés d’une vitesse très grande qui est responsable de la conductivité électrique élevée des métaux. Ces théories quantiques, qui associent des ondes aux électrons, montrent que ces ondes ne sont pas atténuées dans un réseau infini parfaitement périodique. Ces théories soulignent que toute perturbation de la périodicité du réseau donne lieu à une diffusion des ondes électroniques et donc à une résistivité. Le développement simplifié présenté ici permet néanmoins de faire un certain nombre de remarques intéressantes. Dans un métal comme le cuivre, il existe un grand nombre d’électrons mobiles, car chaque atome met un électron à disposition du conducteur, ce qui donne une valeur de N e ≈ 10 29 électrons m –3. Cette conductivité diminue dans le cristal réel en fonction du nombre de défauts, du nombre d’impuretés ou d’éléments d’alliage qu’il contient (fig. 14.7). Comme nous l’avons montré à la figure 14.3, la conductivité σ ou son inverse la résistivité ρ varient considérablement en fonction de la température. Aux très basses températures, la résistivité ρ reste pratiquement constante. Celle-ci varie ensuite en fonction de T 5 puis en fonction de T. Cette variation de la résistivité,
Concentration d'impuretés FIG. 14.7 Variation de la conductivité électrique σ en fonction des impuretés dans le cuivre.
398
Introduction à la science des matériaux
en fonction de la température et en fonction du nombre de défauts du cristal, s’exprime par la loi de Mathiessen (fig. 14.8):
ρ = ρr + ρi
(14.11)
La résistivité résiduelle ρr dépend du degré de perfection physique et de la composition chimique de l’échantillon. Pour un métal déterminé, ρr peut varier suivant la méthode d’élaboration, le degré de pureté, le traitement thermique ou mécanique. La valeur de ρr est déterminée par les défauts du réseau cristallin et par conséquent ne dépend pratiquement pas de la température. La résistivité intrinsèque ou idéale ρ i des métaux purs n’est fonction que des interactions des électrons avec les vibrations thermiques du réseau. Comme ces dernières sont fortement influencées par la température, ρ i varie donc considérablement avec la température. À température élevée, c’est la résistivité idéale qui domine le comportement électrique du métal pur, tandis qu’à basse température, c’est ρr qui a le rôle prépondérant. D’une manière générale, la conductivité électrique des métaux diminue avec T car le nombre de collisions des électrons avec les ions du réseau augmente avec l’amplitude des vibrations du réseau. Pratiquement, en dehors des basses températures, la résistivité ρ varie linéairement en fonction de la température (fig. 14.8):
ρ = ρ0(1 + α ∆T)
(14.12)
Dans cette expression ρ0 est la résistivité à la température de référence T0. Pour beaucoup de métaux purs entre 0 et 250 °C, le coefficient α est de l’ordre de grandeur de 4·10–3K –1. Ceci correspond à une augmentation du nombre de collisions, d’un facteur 2 sur un intervalle de température de 250 °C.
FIG. 14.8 Décomposition de la résistivité électrique ρ d’un métal suivant la loi de Mathiessen.
Propriétés physiques
399
Dans le cas des alliages, le coefficient α est plus petit, car la mobilité des électrons est perturbée par les atomes en solution. Certains alliages ont un coefficient α très faible. Par exemple, le constantan (55% pds Cu, 45% pds Ni) a un coefficient α = –1·10–5 K–1. Ce type d’alliage est utilisé dans la fabrication d’éléments chauffants et pour certaines résistances pour circuits électroniques. La résistivité des bons conducteurs, comme le cuivre ou l’argent, reste pratiquement constante à des températures inférieures à 10 K (–263 °C). Pour un certain nombre de métaux, de composés intermétalliques et de céramiques appelés supraconducteurs (tab. 14.9), il existe une température critique Tc au-dessous de laquelle le libre parcours moyen des électrons devient infini et la résistivité électrique nulle (fig. 14.3). Ainsi, si on induit un courant électrique dans un supraconducteur, en l’absence de champ magnétique, ce courant peut se maintenir quasiment indéfiniment. On déduit de ce type d’expérience que la conductivité σ de ce type de matériau est supérieure à 1025 Ω –lm–l. Cette valeur est 1017 fois plus grande que celle du cuivre pur à basse température. Les températures critiques déterminées pour les premiers matériaux supraconducteurs découverts au début du sièTABLEAU 14.9 Valeurs des températures critiques Tc pour certains matériaux supraconducteurs. Métaux, composés YBa2Cu307-x Nb3Ge Nb3Sn Nb Pb Hg α Sn Al Zn Zr Ti
T c (K) 92 23,4 15 9,25 7,2 4,15 3,7 1,18 0,85 0,6 0,4
cle étaient trop basses pour un grand nombre d’applications techniques. Les progrès extraordinaires accomplis récemment, laissent entrevoir la possibilité de réaliser des matériaux supraconducteurs à température proche de l’ambiance. Ceci ouvrirait la voie à des progrès industriels exceptionnels. 14.2.3 Semiconducteurs et semimétaux En fait, du point de vue de la conductivité électrique, il n’existe que deux catégories de matériaux: les métaux qui ont une bande de valence incomplète et qui conduisent l’électricité à zéro degré kelvin et les isolants dont la bande de valence est complète et qui ne conduisent pas l’électricité à zéro K. À température plus élevée, la situation est cependant plus nuancée. Par ordre de conductivité électrique décroissante, on distingue deux catégories intermédiaires qui sont les semimétaux et les semiconducteurs.
400
Introduction à la science des matériaux
Dans un semimétal (Bi, graphite, Sb, As), la bande de valence et la bande de conduction se recouvrent légèrement et à zéro K, un petit nombre d’électrons se trouvent déjà dans la bande de conduction. Il en résulte une faible densité de trous positifs dans la bande de valence. Ceci se manifeste par une faible conductivité électrique à cette température. Le nombre d’électrons dans la bande de conduction augmente avec la température, il en résulte un accroissement du nombre d’électrons libres. À température ambiante, celui-ci varie dans les semimétaux entre 1017 et 1021 électrons conducteurs par cm3 environ alors qu’une valeur typique pour un métal comme le cuivre est voisine de 1023. Nous avons mentionné précédemment qu’il n’y avait pas de différence qualitative entre un isolant et un semiconducteur: ces matériaux ont une bande de valence complète et une bande de conduction vide, et ce qui les différencie, c’est la largeur de la bande interdite ED (tab. 14.10). Dans les isolants comme le diamant, la bande interdite est voisine de 5 eV. Dans ces conditions, la conductivité est nulle à température ambiante. Lorsque la bande interdite est de l’ordre de 1 eV, on observe une certaine conductivité électrique à température ambiante. Cette énergie, quoique beaucoup plus grande que l’énergie thermique moyenne (kT ≈ 0,025 eV à température ambiante), est suffisamment basse pour permettre, statistiquement, à certains électrons de passer dans la bande de conduction. Dans le cas des semiconducteurs, le nombre de porteurs libres à température ambiante est nettement plus faible que dans le cas des semimétaux. Il varie de 1013 à 1017 électrons conducteurs par cm3 environ. TABLEAU 14.10 Quelques propriétés des éléments du groupe IV. Éléments Diamant (C) Silicium (Si) Germanium (Ge) Étain gris (Sn) Étain blanc (Sn) Plomb (Pb)
ED (eV) 5,5 1,17 0,75 0,09 0 0
Conductivité électrique s Ω -1m-1 < 10-16 5. 10-4 2 3. 105 1·10 7 5. 106
Système cristallin cubique (diamant) cubique (diamant) cubique (diamant) cubique (diamant) tétragonal cfc
Les valeurs données pour la conductivité des semiconducteurs très sensibles à la présence d’impureté constituent seulement une approximation des valeurs maximales [Compilé d’après Ralls, Courney et Wulff; Kittel; Gerl et Issi].
En pratique, la conductivité électrique dépend du nombre de porteurs et de leur mobilité. Dans le cas d’un semimétal typique comme le graphite, la densité des porteurs libres est, de quatre ordres de grandeur environ, inférieure à celle du cuivre alors que la conductivité électrique à température ambiante n’est que deux fois plus petite. Ceci résulte de la mobilité plus élevée des porteurs libres dans le graphite. Dans les métaux, le nombre de porteurs est très élevé et constant mais la mobilité est faible; c’est uniquement le fait que la mobilité des électrons diminue lorsque la température augmente qui est responsable de l’évolution de σ . La conductivité électrique des semimétaux et des semiconducteurs augmente avec la température dans
Propriétés physiques
401
certains domaines en raison de l’excitation des électrons qui augmente le nombre de porteurs. La conductivité électrique des semimétaux et des semiconducteurs est fortement influencée par la présence d’impuretés qui augmentent le nombre de porteurs tandis que la conductivité des métaux comme le cuivre ou l’argent est peu sensible à la présence d’impuretés. Comme on le voit au tableau 14.10 pour l’étain, le caractère métallique ou semiconducteur d’un élément varie avec sa structure cristalline. À température ambiante, la conductivité électrique des semiconducteurs usuels reste faible (Ge) et même très faible (Si). Pour augmenter celle-ci, il est nécessaire d’additionner de très faibles quantités (dopage) d’éléments des groupes chimiques voisins de celui du semiconducteur dans le tableau de Mendeléev. Dans le cas du silicium ou du germanium, on utilisera pour le dopage des éléments du groupe VA (P, As, Sb) ou III A (B, Al, In, Ga). Lorsqu’un électron passe de la bande de valence à la bande de conduction par excitation thermique dans un semiconducteur non dopé (semiconducteur intrinsèque), il apparaît simultanément un électron (négatif) et un trou positif. Le trou aura tendance à capter un électron d’un atome voisin, ce qui est équivalent au mouvement fictif d’une charge positive (fig. 14.11(a)). Deux types de charge véhiculent donc le courant électrique dans un semiconducteur intrinsèque. Par addition (dopage) au silicium d’une petite quantité d’un élément du groupe VA, comme le phosphore P, qui a un électron de valence en plus que Si, on introduit un électron excédentaire (fig. 14.11(b)). Celui-ci se situe à un niveau énergétique légèrement inférieur à celui de la bande de conduction; il suffit d’une légère excitation thermique pour le transférer dans la bande de conduction et le rendre mobile et capable de véhiculer le courant électrique. On crée ainsi un semiconducteur extrinsèque du groupe n (n = électron négatif). En apportant 10 ppm (1 ppm = 10–6 = 10–4 %) de phosphore au silicium, on obtient environ 1023 électrons mobiles par m3 du semiconducteur. Bien que ce nombre soit très grand, il est néanmoins 106 fois plus petit que celui des électrons mobiles dans les métaux. Ceci explique que la conductivité électrique des semiconducteurs dopés reste considérablement plus faible que celle des métaux, bien que la mobilité des électrons dans un semiconducteur soit généralement plus élevée que dans un métal (typiquement 1 à 2 ordres de grandeur). Si on introduit dans le silicium, des petites quantités d’un élément comme l’aluminium, qui contient un électron de moins que le silicium, on crée des centres accepteurs qui possèdent une énergie légèrement supérieure à celle de la bande de valence (fig. 14.12(c)) et qui peuvent accueillir des électrons venant d’atomes de silicium appartenant au réseau de base. Il suffit donc d’une très légère activation thermique pour créer des lacunes d’électron dans le réseau de base du silicium. Les centres accepteurs (atomes d’aluminium) se chargent alors négativement. Une charge positive résultant du déplacement d’un électron d’un atome de silicium vers un atome d’aluminium se déplace progressivement d’un atome de silicium vers un autre atome de silicium créant ainsi un déplacement de lacunes d’électrons à l’intérieur du semiconducteur; ce déplacement de lacunes est équivalent à un dépla-
402
Introduction à la science des matériaux
cement d’électrons en sens inverse. Dans ce cas, la conduction électrique est assurée par le mouvement de lacunes d’électron (fig. 14.11(c)); on parle alors de semiconducteurs de type p (p = trous positifs).
FIG. 14.11 Schéma corpusculaire élémentaire: (a) d’un semiconducteur intrinsèque; (b) d’un semiconducteur extrinsèque dopé au phosphore (type n); (c) à l’aluminium (type p).
FIG. 14.12 Niveaux énergétiques approximatifs: (a) d’un semiconducteur intrinsèque (Si-bande interdite: 1,1 eV); (b) extrinsèque de type n; (c) de type p.
Des composés chimiques combinant des éléments du groupe III et V et formant une structure cristalline du type diamant peuvent également manifester des propriétés semiconductrices. Comme exemple, on peut citer Zn S, Ga P, Ga As, In P. Comme on le voit à la figure 14.13, la conductivité électrique (σ =1/ρ) des semiconducteurs extrinsèques augmente d’abord avec T jusqu’à ce que tous les niveaux
Propriétés physiques
403
FIG. 14.13 Représentation schématique de la variation de la résistivité ρ dans un semiconducteur extrinsèque. A basse température, ρ diminue lorsque T augmente, car les centres donneurs (ou accepteurs) vont libérer leurs électrons (ou trous) jusqu’à ce que tous les donneurs (ou accepteurs) soient ionisés. Aux températures intermédiaires, le nombre de porteurs est constant, mais ρ augmente comme dans les métaux en raison d’une diminution de la mobilité des porteurs avec la température. À température élevée ρ diminue car l’énergie thermique est suffisante pour exciter directement les électrons de la bande de valence à la bande de conduction.
donneurs ou accepteurs soient excités. Celle-ci diminue ensuite avec T comme dans les métaux, en raison d’un abaissement de la mobilité des porteurs dont l’énergie thermique est suffisante pour faire passer directement les électrons de la bande de valence à la bande de conduction et la conductivité augmente à nouveau avec la température. Dans cet exposé élémentaire, nous nous sommes limités à l’étude de la conductivité électrique par activation thermique. On peut également activer la conductivité électrique des semiconducteurs et des isolants par un rayonnement électromagnétique. On parle alors de photoconductivité.
14.3 CONDUCTIVITÉ THERMIQUE 14.3.1 Conduction thermique On peut avoir une perception intuitive du phénomène de conductivité thermique lorsqu’on constate qu’un bloc de métal est froid au toucher, alors qu’un objet en matériau polymère ou en bois paraît plus chaud, bien qu’ils se trouvent tous trois à température ambiante. Le métal étant meilleur conducteur que les matières plastiques ou que le bois, il évacue beaucoup plus rapidement les calories, ce qui entraîne pour notre organisme la sensation du froid. Le phénomène de conductivité thermique joue un rôle très important aussi bien dans la vie courante que dans les applications technologiques. Ainsi, les processus
404
Introduction à la science des matériaux
techniques se déroulent souvent à température élevée et on se trouve fréquemment devant la nécessité de transférer des flux de chaleur importants, par l’intermédiaire d’échangeurs de chaleur qui doivent être construits en matériaux ayant une conductivité thermique la plus élevée possible. Dans d’autres cas (habitations, applications cryothermiques), il faut au contraire limiter au maximum les pertes calorifiques. Actuellement, ce phénomène revêt une grande importance en raison du coût élevé de l’énergie. S’il est aisé d’avoir intuitivement accès au phénomène de conductivité thermique, il n’en reste pas moins que son interprétation physique constitue un problème très ardu. Nous nous bornerons dans cet exposé à ses aspects les plus importants. Les échanges de chaleur font intervenir des phénomènes de transfert d’énergie de trois types: conduction, convection et radiation. Nous nous limiterons ici à l’étude de la conduction, car l’aspect convection est inexistant dans les solides, et le transfert par radiation n’intervient que dans les matériaux transparents à haute température. 14.3.2 Aspects macroscopiques de la conduction: lois de Fourier L’essentiel sur l’aspect macroscopique de la conductivité thermique a été dit par Fourier en 1822. Celui-ci a été le premier à exprimer de manière précise la proportionnalité entre le flux thermique Q et le gradient de température dT /dx. Lorsqu’il existe une différence de température entre les deux extrémités d’un conducteur distantes de dx, il s’établit un flux de chaleur Q qui est analogue à un courant électrique résultant d’une différence de potentiel. Dans le cas d’un écoulement thermique unidirectionnel dans un matériau isotrope, le flux Q exprimé en Wm–2, et la différence de température dT sont liés par la relation suivante (première loi de Fourier): Q = –κ
dT dx
(14.13)
Le coefficient de proportionnalité reliant le flux thermique Q et le gradient de température est le coefficient de conductivité thermique κ (Wm–1K–1). Le signe négatif dans l’expression (14.13) indique que la chaleur est transportée du chaud vers le froid. Cette expression est analogue à la première loi de Fick (chap. 9). La première loi de Fourier ne s’applique que si le gradient de température reste constant dans le temps. Si le gradient de température n’est pas constant, la variation de la température en un point du conducteur en fonction du temps est donnée par la seconde loi de Fourier: dT d 2T = DT 2 dt dx
(14.14)
Le coefficient de diffusion thermique DT de l’expression (14.14) est relié à la conductivité thermique κ par la relation: DT =
κ ρ Cp
(14.15)
Propriétés physiques
405
Dans cette expression, Cp est la capacité calorifique massique (chaleur spécifique) à pression constante et ρ la masse volumique. L’expression (14.14) donne la vitesse à laquelle une onde thermique plane se propage de manière unidirectionnelle dans une substance conductrice isotrope. La seconde loi de Fourier est analogue à la seconde loi de Fick, et le même type de solutions mathématiques est applicable dans les deux cas. Les lois de Fourier ne sont valables sous la forme exposée ici que pour des matériaux isotropes. Si on a affaire à un matériau anisotrope, le flux thermique n’est plus nécessairement parallèle au gradient de température, et les lois de Fourier comme les lois de Fick prennent une forme tensorielle. Il existe dans un grand nombre de cas un parallélisme étroit entre conductivité thermique et conductivité électrique: les métaux sont de bons conducteurs thermiques et la plupart des isolants électriques (polymères, céramiques) sont également de mauvais conducteurs thermiques. Il existe néanmoins un certain nombre d’exceptions: des isolants électriques comme le diamant, le nitrure de bore ou les fibres de polyéthylène fortement orientées, conduisent la chaleur mieux que les métaux. La conductivité thermique varie cependant dans une proportion moindre que la conductivité électrique. Alors que les valeurs de cette dernière s’étalent sur plus de 24 ordres de grandeur entre les conducteurs et les isolants, ce n’est pas le cas pour la conductivité thermique. Les figures 14.14 et 14.15 illustrent les gammes de conductivité thermique que l’on rencontre à température ambiante pour les divers matériaux, depuis les meilleurs conducteurs thermiques (2000 Wm-1K-1) comme le cuivre, le diamant et le graphite (dans la direction parallèle au plan hexagonal) jusqu’aux meil-
Fig. 14.14 Aperçu de la conductivité thermique de divers matériaux denses, poreux et divisés (d’après Issi, 1981).
406
Introduction à la science des matériaux
FIG. 14.15 Tableau comparatif des valeurs de la conductivité thermique κ pour divers types de matériaux sous forme massive non divisée.
leurs matériaux d’isolation (10–5 Wm–1K –1 ) qui sont des systèmes hétérogènes solide-gaz. On remarque que la conductivité thermique des solides cristallins denses (fig. 14.15) varie relativement peu (trois à quatre ordres de grandeur). En introduisant les matériaux organiques (semicristallins ou amorphes) et surtout les matériaux allégés (fibres, mousses, poudres), on gagne, moyennant certains astuces, encore trois ordres de grandeur. La mise sous vide des matériaux complexes permet de gagner encore trois ordres de grandeur. 14.3.3 Mécanismes de conduction thermique La conductivité thermique κ se calcule à partir de la cinétique des gaz:
κ =
1 cv vl 3
(14.16)
Dans cette formule, cv représente la capacité calorifique à volume constant et v la vitesse des particules vecteurs de la conductivité et l leur libre parcours moyen. Cette formule s’applique aussi bien dans le cas de la conductivité thermique électronique que dans le cas de la conductivité thermique phonique du réseau. Nous avons vu précédemment (fig.14.4) que la conductivité électrique était directement proportionnelle au nombre d’électrons mobiles présents dans les matériaux. Dans le cas des métaux qui ont une densité d’électrons mobiles supérieure à 1023 cm –3, la conductivité thermique est également proportionnelle à la densité d’é-
Propriétés physiques
407
lectrons mobiles. Dans ce cas, l’énergie thermique est véhiculée presque exclusivement par les électrons. Comme nous l’avons vu précédemment, il existe des solides qui sont connus pour être des isolants électriques mais qui conduisent la chaleur aussi bien que les métaux. Cette observation nous amène à penser qu’il existe au moins un autre mécanisme de conduction thermique que celui faisant intervenir des électrons mobiles. Le mécanisme qui est en majeure partie responsable du transport de la chaleur dans les isolants électriques fait intervenir les vibrations du réseau cristallin. On parle dans ce cas de conductivité thermique de réseau ou conductivité thermique par phonons. Dans un solide, les atomes vibrent constamment autour de leur position d’équilibre et l’amplitude des vibrations croît avec la température. Si on fournit de l’énergie thermique à une extrémité d’un cristal, l’amplitude des vibrations atomiques augmente à cette extrémité. À cause des forces interatomiques qui assurent la cohésion du cristal, tout mouvement d’un atome influence ses voisins immédiats et se transmet de proche en proche sous la forme d’une onde dans la direction du gradient thermique. C’est par ce mécanisme que la chaleur est conduite dans les isolants électriques. Dans le langage de la mécanique quantique, chaque vibration du réseau cristallin peut être décrite comme une onde progressive transportant de l’énergie. De la même manière que l’on associe aux ondes lumineuses des particules (les photons), on associe les phonons aux ondes acoustiques. Lorsqu’il y a élévation de température, il y a émission de phonons à la suite de l’augmentation de l’amplitude des vibrations. Une différence de température induit un gradient de concentration en phonons et un plus grand nombre d’entre eux se dirigent de la source chaude vers la source froide. Cette image corpusculaire permet d’appliquer aux phonons la théorie cinétique développée pour les gaz. La variation de la conductivité phonique avec la température est représentée à la figure 14.16 où l’on voit notamment que la conductivité thermique du diamant passe par un maximum aux environs de100 K. L’augmentation de la conductivité thermique du diamant aux basses températures résulte de l’accroissement de la capacité calorifique des phonons. La décroissance observée à température plus élevée résulte d’une diminution de leur libre parcours moyen dû à l’interaction mutuelle des phonons, la capacité calorifique des phonons restant plus ou moins constante à température élevée. Bien que procédant par un mécanisme tout à fait différent, la conductivité thermique électronique comme celle du cuivre passe également par un maximum à une température voisine de 10 K (fig. 14.16). Aux basses températures, la conductivité thermique électronique augmente avec T parce que la capacité thermique du gaz électronique s’élève avec la température et que le libre parcours moyen reste constant. Aux températures élevées, la conductivité est constante en raison de la diminution du libre parcours moyen des électrons. Notons qu’il y a une différence très nette entre la dépendance de la température de la conductivité électrique et de la conductivité thermique électronique. Ceci résulte
408
Introduction à la science des matériaux
de ce que la charge électrique transportée par l’électron ne varie pas avec la température, alors que l’énergie thermique qui peut être échangée et transportée par l’électron est fonction de la température. Le libre parcours moyen des phonons est comme celui des électrons, limité par tout ce qui perturbe la périodicité du réseau cristallin: éléments d’alliage, impuretés, défauts ponctuels, dislocations, joints de grains, autres phonons. La limite est atteinte pour les matériaux amorphes (fig. 14.16) et d’une manière générale les verres ont une conductivité nettement plus faible que celle des cristaux. Notons que l’étude des matériaux amorphes a été jusqu’à présent limitée aux cas des céramiques et des polymères. Pratiquement, dans ces matériaux, ce sont des mécanismes de conductivité par phonons qui interviennent exclusivement. Remarquons que les polymères organiques sont, de manière générale, de mauvais conducteurs thermiques (κ ≈ 0,1 à 5 W m–1K–1). Une exception à ce comportement: on a pu montrer récemment que les fibres de polyéthylène très orientées possédaient, dans le sens parallèle aux fibres, une conductivité thermique de l’ordre de 100 W m–1K–1, c’est-à-dire plus de 100 fois supérieure à celle du polyéthylène en masse. Cette découverte importante ouvre la voie à des matériaux organiques isolants électriques et bons conducteurs de la chaleur.
FIG. 14.16 Courbes illustrant la dépendance de la conductivité thermique de la température pour: (a) un métal; (b) une céramique cristalline (diamant); (c) une céramique amorphe (siO2) (d’après Issi, 1981).
Propriétés physiques
409
Si on a besoin de matériaux très isolants, il faut choisir des matériaux poreux, car l’air présent dans les pores a une très faible conductivité thermique puisqu’il n’y a pas de convection si le diamètre des pores est inférieur au mm. Dans les fours à haute température, on utilise des céramiques poreuses obtenues par frittage. Le vide est un excellent isolant car l’énergie thermique ne peut s’y transmettre que par radiation. Ce type d’isolation thermique est utilisé en cryogénie pour les récipients (thermos) devant contenir des gaz liquéfiés. Les mousses synthétiques en polymères organiques sont également des isolants très utilisés en cryogénie.
14.4 PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES 14.4.1 Introduction Les propriétés magnétiques des matériaux jouent un rôle important dans les machines et les appareils électriques comme les moteurs, les transformateurs. Leur rôle est prépondérant dans le stockage de l’information (bande d’enregistrement HiFi, disque dur d’ordinateur) qui se fait par l’intermédiaire d’un substrat doté de propriétés magnétiques spécifiques. Dans cette section, nous donnerons un aperçu des principales propriétés magnétiques des matériaux. 14.4.2 Définitions Sous l’effet d’un champ magnétique extérieur H, il se crée dans les matériaux un champ d’induction magnétique B dont la valeur est donnée par: B = µH
(14.17)
où µ est une constante de proportionnalité appelée perméabilité magnétique. L’unité d’induction magnétique est le tesla (T). Le champ magnétique H, qui est en général créé par la circulation d’un courant électrique dans un solénoïde, s’exprime en ampère par mètre (A m–1) et la perméabilité magnétique en henry par m (H m–1). On utilise souvent, pour caractériser le comportement magnétique des matériaux, la perméabilité relative µr :
µ r = µ /µ 0
(14.18)
où µ0 est la perméabilité magnétique du vide ( µ0 = 4 π 10–7 H m–1). En l’absence de matière, la valeur de l’induction magnétique B0 est donnée par: B0 = µ0H
(14.19)
L’induction magnétique dans la matière peut également être exprimée par: B = µ 0 (H + M)
(14.20)
M est le vecteur aimantation. Il représente le champ magnétique local induit par le champ magnétique extérieur H. Le vecteur aimantation M est directement proportionnel à H et on peut écrire que:
410
Introduction à la science des matériaux
M = χrH
(14.21)
B = µ 0 H (1 + χ r )
(14.22)
et
En comparant (14.17) et (14.22) on obtient, pour la perméabilité magnétique, l’expression suivante:
µ = µ0(1 + χ r )
(14.23)
où χ r représente la susceptibilité magnétique relative. Cette grandeur, qui est sans dimension, est reliée à la perméabilité relative µr par:
µr = 1 + χ r
(14.24)
14.4.3 Classification magnétique des matériaux Comme nous l’avons souligné au chapitre 2, on peut assimiler (théorie de BohrSommerfeld) la circulation de l’électron sur son orbite à un courant électrique circulant dans une spire. La circulation de l’électron engendre un moment magnétique perpendiculaire au plan de l’orbite. L’intensité de ce moment magnétique est mesurée par le nombre quantique magnétique ml. De même, la rotation (spin) de l’électron sur lui-même engendre également un moment magnétique qui est quantifié par le nombre magnétique de spin ms qui peut prendre deux valeurs distinctes (+ 12 et – 12 ) quand ms = + 12 , le moment magnétique est parallèle au champ magnétique. Si ms = – 12 , le moment magnétique est orienté dans une direction opposée à celle du champ magnétique. Lorsque les couches électroniques sont complètes, les moments magnétiques des électrons se compensent et le moment magnétique résultant est nul: seuls les atomes possédant des couches électroniques incomplètes auront un moment magnétique permanent. À l’état solide, ce sont seulement les atomes qui auront une couche électronique interne incomplète qui ont un moment magnétique permanent, car la couche électronique externe (électron de valence) est complétée par les électrons de valence des atomes voisins. Éléments
Z
3s
3p
3d
Fe
26
↑ ↓
↑ ↓ ↑ ↓ ↑ ↓
↑
Co
27
↑ ↓
↑ ↓ ↑ ↓ ↑ ↓
↑
Ni
28
↑ ↓
↑ ↓ ↑ ↓ ↑ ↓
↑
Cu
28
↑ ↓
↑ ↓ ↑ ↓ ↑ ↓
↑ ↓ ↑ ↓ ↑ ↓ ↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
4s
↑
↑
↑
↑ ↓
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
FIG. 14.17 Disposition des électrons dans les couches électroniques 3d et 4s du fer (Fe), cobalt (Co), nickel (Ni) et cuivre (Cu).
Propriétés physiques
411
Parmi les éléments qui possèdent une couche électronique incomplète, il faut citer les éléments de transition de la première série et en particulier le fer, le cobalt et le nickel qui constituent des matériaux magnétiques importants (fig. 14. 17). Sur la base de leur comportement magnétique, on peut diviser les matériaux en cinq groupes: • • • • •
diamagnétique, paramagnétique, ferromagnétique, antiferromagnétique, ferrimagnétique.
Les matériaux diamagnétiques sont composés d’atomes ayant tous des couches électroniques complètes et qui ne possèdent pas de moment magnétique permanent. Leur susceptibilité magnétique est petite, négative (χr ~ – 10–6) et indépendante de la température. Le vecteur aimantation M est de sens opposé à celui du vecteur champ magnétique H. Un certain nombre de métaux (Cu, Ag), les non-métaux, la plupart des composés organiques sont diamagnétiques. Les matériaux paramagnétiques sont caractérisés par une susceptibilité magnétique χr comprise entre 10–6 et 10–3. Ce comportement se rencontre dans les substances dont les atomes possèdent un moment magnétique permanent qui ne sont pas couplés entre eux. Sous l’action d’un champ magnétique extérieur, les moments ont tendance à s’aligner et à renforcer l’influence du champ extérieur (M et H sont de même sens). Cependant, la valeur de la susceptibilité magnétique χr reste petite car l’agitation thermique réoriente constamment les moments (fig. 14.18(a)). L’élévation de la température a tendance à perturber l’organisation des dipôles et, à quelques exceptions près, (U, Ti), la susceptibilité magnétique diminue avec T suit la loi de Curie: χr =
C T
(14.25)
où C est une constante. Un certain nombre de métaux et de céramiques sont paramagnétiques, par exemple, le fer γ (cfc). Les trois types de matériaux magnétiques (fig. 14.18(b) à (d) qu’il nous reste à décrire sont caractérisés par la présence de dipôles magnétiques intenses possédant une énergie d’échange (entre dipôles voisins) élevée vis-à-vis de l’énergie d’agitation thermique. Dans ces matériaux, les dipôles ont tendance à s’aligner spécifiquement suivant certaines directions cristallographiques pour former des domaines magnétiques (domaines de Weiss). Si tous les dipôles sont alignés de manière parallèle dans les différents domaines, on a affaire à un matériau ferromagnétique. Jusqu’à une température déterminée (température de Curie, θ ), la perméabilité magnétique reste très élevée (103 < χr < 106) et l’induction magnétique B est considérablement renforcée à l’intérieur de ces matériaux par le vecteur aimantation M.
412
Introduction à la science des matériaux
FIG. 14.18 Disposition des dipôles magnétiques dans un cristal paramagnétique, ferromagnétique, antiferromagnétique et ferrimagnétique.
Lorsque T > θ, les forces de couplage entre dipôles ne sont plus suffisantes visà-vis de l’énergie d’agitation thermique pour maintenir les dipôles alignés en domaines magnétiques et le matériau acquiert un comportement paramagnétique. Ce comportement s’exprime par la loi de Curie-Weiss:
χr =
C T –θ
(14.26)
À T = θ, χr devient pratiquement infini et le matériau acquiert un comportement ferromagnétique. Les exemples les plus importants de matériaux ferromagnétiques sont constitués par le fer–α (cc), le cobalt et le nickel. La température de Curie du fe–α est égale à 770 °C. Dans les matériaux antiferromagnétiques, les moments magnétiques atomiques sont égaux et se disposent suivant un mode antiparallèle. Ces matériaux ne possèdent jamais de moment magnétique permanent et leur susceptibilité, qui est faible, augmente avec T jusqu’à une température critique θN (température de Néel). Au-dessus de cette température, les domaines sont détruits par agitation thermique et le matériau devient paramagnétique (Χρ faible et diminuant avec T). Le chrome et le manganèse, ont un comportement antiferromagnétique. Lorsque les moments magnétiques des atomes sont inégaux et forment des domaines où ils sont alignés de manière antiparallèle, on parle de comportement ferrimagnétique. Le moment magnétique permanent des cristaux ferromagnétiques n’est pas nul et leur susceptibilité magnétique reste élevée jusqu’à la température de Néel θN au-dessus de laquelle ces matériaux acquièrent un comportement paramagnétique.
Propriétés physiques
413
Le ferrimagnétisme est le magnétisme d’une classe particulière de céramiques appelées ferrites qui sont des oxydes composés de cations bivalents et trivalents. Ces matériaux, qui ont une composition chimique assez variée, sont caractérisés par une structure cubique ou hexagonale. Les ferrites, qui sont des isolants électriques, possèdent une susceptibilité magnétique élevée. Un exemple très connu est celui de l’oxyde de fer magnétique (Fe3O4) ou (FeO)(Fe2O3) qui est constitué d’ions Fe 2+ et Fe3+ et qui est une ferrite naturelle. De manière similaire, (NiO)(Fe2O3) est une ferrite. Certaines ferrites sont utilisées comme aimants permanents. Les ferrites ont un rôle technologique important en informatique, notamment comme matériaux de stockage de l’information. Un disque dur ou une bande magnétique est constitué d’un support inerte en polymère sur lequel on colle de la poudre de ferrite. Étant donné l’importance technique du ferromagnétisme, nous lui consacrerons un paragraphe distinct. 14.4.4 Comportement ferromagnétique: matériaux magnétiques durs et doux Les matériaux ferromagnétiques sont des aimants permanents ou des matériaux qui sont attirés par les aimants permanents. La susceptibilité magnétique χr des ferromagnétiques est très élevée. Elle peut atteindre 106 dans les matériaux utilisés pour les noyaux d’électroaimants qui jouent un rôle capital en électrotechnique. Les aimants permanents sont des solides qui possèdent un moment magnétique permanent. On sait par expérience que lorsqu’on divise un aimant permanent, on obtient toujours des dipôles magnétiques et qu’il n’est pas possible d’obtenir un aimant ne possédant qu’un seul pôle. Un aimant permanent est constitué d’atomes, dont certains possèdent un moment magnétique permanent. Comme nous l’avons souligné, les matériaux ferromagnétiques sont relativement peu nombreux (Fe, Co, Ni; alliages Co-terres rares). Dans ces matériaux, les moments magnétiques atomiques sont alignés sur des grandes distances et forment des domaines de même orientation, nommés domaines de Weiss, séparés par des interfaces appelées parois de Bloch. Cette notion de domaine magnétique séparé par des parois est fondamentale pour la compréhension du comportement des aimants doux et des aimants permanents. La magnétisation d’un matériau ferromagnétique entraîne une orientation de tous les dipôles magnétiques élémentaires dans la même direction. Cette magnétisation s’effectue en général sous l’action d’un champ magnétique extérieur. Si l’ensemble des dipôles magnétiques du matériau sont orientés dans une même direction, le matériau est magnétisé à saturation (fig. 14.19(a)). Cette situation correspond à un état d’énergie élevé, car les lignes d’induction sortent du cristal pour fermer le circuit magnétique. Une subdivision en domaines de différentes orientations est énergétiquement plus favorable, car cela permet de maintenir le champ magnétique à l’intérieur du cristal. La taille minimum des domaines est cependant limitée en raison de l’augmentation d’énergie associée à la formation des parois de Bloch. Dans la situation optimale, le gain énergétique associé à la formation de petits domaines est compensé par la perte énergétique liée à la formation des parois.
414
Introduction à la science des matériaux
FIG. 14.19 Domaines de Weiss et parois de Bloch d’un matériau ferromagnétique: (a) un domaine de Weiss; (b) deux domaines de Weiss; (c) quatre domaines de Weiss formant un circuit magnétique fermé; (d) paroi de Bloch séparant deux domaines de Weiss avec réorientation progressive des moments magnétiques.
Les domaines de Weiss, dont les dimensions sont en général inférieures à 100 µm, peuvent être observés par différentes méthodes microscopiques (optiques ou électroniques). Leurs dimensions qui varient d’un matériau à l’autre sont modifiées sous l’action d’un champ magnétique extérieur. Cette différence de comportement permet de faire la distinction entre un matériau magnétique doux (aimant non permanent) comme le fer pur, et un matériau magnétique dur (aimant permanent) comme l’acier trempé et le composé intermétallique Co5Sm. Lorsqu’on soumet un matériau ferromagnétique à l’action d’un champ magnétique extérieur H, il y a un développement préférentiel et progressif des domaines de Weiss dans une direction voisine de H. Cette croissance des domaines de Weiss se fait par orientation progressive des dipôles et par élimination des parois (fig. 14.20, points 1, 2, 3, 4). Finalement, l’orientation du champ magnétique interne devient parallèle au champ appliqué. L’induction magnétique B est à saturation et la courbe B –H atteint un palier, car il n’y a plus de domaine à orienter (dB/dH= 0). On ne trouve plus alors qu’un seul domaine de Weiss (fig. 14.20, point 5). Si on diminue progressivement le champ appliqué H, des domaines de Weiss désorientés se reforment et le matériau tend à retrouver sa structure magnétique initiale. Cette réorientation est accompagnée de la création et du déplacement des parois de Bloch, ce qui entraîne une diminution de l’induction magnétique B. Lorsqu’après saturation le champ magnétique H est annulé, il subsiste en général une certaine orientation préférentielle qui confère au matériau un moment magnétique permanent. La valeur du champ magnétique interne résiduel Br est appelée réma-
Propriétés physiques
415
FIG 14.20 Courbe d’induction magnétique B en fonction du champ magnétique appliqué H. (points 1 à 5), élimination progressive des parois des domaines de Weiss pour atteindre l’état de saturation pour un champ parallèle à l'abscisse.
nence (fig. 14.21, point 3). Pour revenir à l’état initial, il est nécessaire d’appliquer un champ négatif appelé champ coercitif Hc (fig. 14.21, point 4). L’induction magnétique B = 0, pour H = Hc . En augmentant le champ négatif au-delà de H c, on sature le matériau ferromagnétique dans l’autre sens. En diminuant le champ H dans le sens négatif et en l’augmentant ensuite dans le sens positif (fig. 14.21, points 5, 6 et 2), on forme une boucle d’hystérésis. La partie B > 0 et H < 0 est aussi appelée courbe de désaimantation. Celle-ci est une caractéristique importante des aimants permanents pour spécifier leur résistance magnétique (durcissement magnétique) Toute variation d’induction dans un matériau magnétique provoque, à l’intérieur de celui-ci, une dissipation d’énergie généralement sous forme de chaleur qui n’est pas récupérable (pertes magnétiques). La surface délimitée par la boucle d’hystérésis est une mesure de l’énergie dissipée par le matériau durant un cycle. Les matériaux magnétiques doux ont un cycle étroit et une induction magnétique élevée (tab. 14.22 et fig. 14.23, boucle intérieure). Cette combinaison de propriétés permet la création du flux magnétique important tout en réduisant au maximum les pertes énergétiques dans un champ alternatif. La tôle d’un transformateur est réalisée avec un matériau magnétique doux qui suit facilement les changements du champ magnétique résultant du caractère alternatif du courant électrique. Le cycle d’hystérésis de cette tôle est étroit et les pertes magnétiques, qui entraînent un échauffement de la tôle du transformateur et une diminution de rendement, sont réduites au maximum. Si l’on veut que le matériau conserve une magnétisation permanente élevée (aimant permanent), les frottements internes doivent être les plus grands possibles pour éviter que les domaines de Weiss ne se reforment de manière désordonnée après saturation. On y arrive en créant de nombreux obstacles dans la microstructure, par
416
Introduction à la science des matériaux
FIG. 14.21 Courbes de magnétisation induction B – champ H et boucle d’hystérésis. Br et H c sont respectivement la rémanence et le champ coercitif.
TABLEAU 14.22 Pertes par hystérésis et susceptibilités magnétiques de quelques matériaux magnétiques doux. Matériaux
Fer commercial Tôle (Fe-Si 4%) non orientée Permalloy 45 (Ni 45% - Fe 55%) Métal Mu (Ni 75% - Cu 5% - Cr 2% - Fe 18%) Supermalloy (Ni 79% - Fe 15% - Mo 5% - Mn 0,5%) Ferroxcube A (ferrite) (MnFe 2O4 + ZnFe2O4)
Perte d’hystérésis par cycle J m -3 500 50-150 120 20 2 40
χr à H → 0
250 500 2700 30000 10000 1200
exemple des précipités pour bloquer le mouvement des parois. Ce phénomène de durcissement magnétique présente une grande analogie avec le phénomène de durcissement mécanique d’un matériau cristallin (chap. 12) qui se fait par création d’obstacles aux déplacements des dislocations. En général, les aimants permanents sont des matériaux mécaniquement durs et peu tenaces. Des matériaux magnétiques durs sont caractérisés par un cycle d’hystérésis large et des valeurs élevées de Br et Hc. Il existe d’autres mécanismes de durcissement magnétique. On peut par exemple fragmenter le matériau magnétique en particules suffisamment fines pour constituer chacune un domaine de Weiss unique. Ces
Propriétés physiques
417
FIG. 14.23 Courbes de magnétisation induction B – champ H. Petite boucle = aimant doux; grande boucle = aimant permanent. La valeur de (B × H)max caractérise la dureté de l’aimant.
poudres magnétiques sont ensuite réagglomérées par frittage ou à l’aide d’un liant organique. La valeur du produit B × H varie le long de la courbe de désaimantation (fig. 14.23) entre Br × 0 et 0 × Hc en passant par la valeur maximale (B × H )max. La valeur de (B × H )max est une mesure de la dureté d’un aimant permanent . Le produit (B × H )max des matériaux ferromagnétiques a considérablement augmenté depuis le début de ce siècle. Comme nous le montrons dans l’exemple illustratif de ce chapitre, ces matériaux sont devenus indispensables pour les technologies de pointe. Les matériaux ferrimagnétiques ont des propriétés magnétiques analogues à celles des matériaux ferromagnétiques: il existe des ferrimagnétiques doux et durs.
14.5 PROPRIÉTÉS OPTIQUES 14.5.1 Introduction Cette section est consacrée à l’étude des propriétés optiques des matériaux. Dans cet exposé, nous nous limiterons à l’étude élémentaire de l’effet des ondes visibles (lumière) pour interpréter certains aspects des matériaux tels que la transparence, la brillance et la couleur.
418
Introduction à la science des matériaux
Les propriétés optiques des matériaux résultent de l’interaction de la lumière avec les électrons. Les radiations lumineuses sont des ondes électromagnétiques que l’on caractérise par leur longueur λ , leur fréquence v ou leur énergie. L’approche quantique montre que l’on peut également considérer la lumière comme une émission de photons qui sont des particules d’énergie déterminée: E = hv = hc/λ
(14.27)
où c et h représentent respectivement la vitesse de la radiation et la constante de Planck. Nous avons représenté à la figure 14.24, le spectre de la lumière solaire. Celui-ci est beaucoup plus vaste que le spectre de la vision chez l’homme qui s’étend de 700 nm (limite entre le rouge et l’infrarouge) et 400 nm qui est la partie du spectre qui marque la frontière entre la lumière violette et le rayonnement ultraviolet. La sensibilité de l’œil est maximale à 560 nm (lumière jaune-verte), ce qui correspond aux radiations les plus intenses du spectre solaire.
14.5.2 Interaction de la lumière avec les solides Lorsqu’un rayon lumineux traverse une lame transparente, il se produit divers phénomènes qui sont indiqués à la figure 14.25. À son entrée dans la lame transparente, le faisceau est dévié de sa trajectoire initiale: il est réfracté. Durant son passage dans la lame transparente, une fraction de l’intensité lumineuse du rayon est absorbée. À la sortie de la lame transparente, le rayon lumineux subit une réfraction inverse de la première et il reprend sa direction initiale. Si l’intensité initiale vaut I0, la somme des intensités transmises IT , absorbées IA et réfléchies IR doit être égale à: I 0 = IT + IA + IR
(14.28)
Un solide est transparent s’il transmet la lumière visible avec une absorption faible. Un solide est opaque si la radiation lumineuse n’est pas transmise. Un exemple d’objet opaque est constitué par une lame métallique. Si la surface du métal est polie, elle réfléchit la radiation incidente (miroir). Les solides transparents sont en général constitués d’une seule phase amorphe, optiquement homogène (verre minéral ou organique) ou d’un monocristal (verre de montre inrayable en saphir synthétique). Si les matériaux comportent une microstructure (grains, phases microcristallines, précipités, pores) de dimension comparable à la longueur d’onde de la lumière, ils deviennent translucides. Cet aspect résulte des variations de l’indice de réfraction des différentes phases qui entraînent une diffusion de la lumière. Les polymères organiques semicristallins comme le polyéthylène et les verres minéraux partiellement cristallisés sont translucides. Il existe plusieurs manières de mesurer la transparence d’un verre. On définit notamment la densité optique (D.O.) qui est égale au logarithme décimal de la transmission I/I0 et qui est donc le rapport entre l’intensité lumineuse transmise et l’intensité lumineuse incidente:
Propriétés physiques
419
FIG. 14.24 Le spectre de la lumière solaire coïncide avec la courbe de sensibilité de l’œil. Une lumière nous apparaîtra blanche si son spectre est celui de la lumière solaire. Les autres couleurs sont définies en fonction de leur écart par rapport au spectre solaire (d’après Nassau, 1980).
FIG. 14.25 Interaction d’une radiation lumineuse avec une lame transparente.
420
Introduction à la science des matériaux
D.O. = log (I/I0)
(14.29)
La technologie des fibres optiques a introduit l’usage du décibel (dB) relié à la densité optique par: 1 dB =
1 (D.O.) 10
(14.30)
La transparence des verres est influencée par la présence de centres colorés (traces de métaux de transition) qui absorbent une partie de l’intensité lumineuse. Les variations locales d’indice de réfraction dues à des impuretés diffusent les radiations lumineuses et réduisent également l’intensité transmise. La transparence est une propriété très importante pour les matériaux utilisés en optique et la technologie des communications. C’est le cas des fibres optiques où la transparence joue un rôle essentiel sur les performances de ce type de matériau. Pour qu’une fibre optique soit utilisable, il est nécessaire qu’elle transmette au récepteur au moins 1% de l’intensité lumineuse émise. Les pertes dans les fibres optiques sont généralement indiquées en décibel par kilomètre (dB km–1). En 1970, les fibres optiques avaient une perte optique de l’ordre de 20 dB km–1, ce qui correspond à une intensité transmise de 1% sur un kilomètre. Les fibres optiques actuelles ont une perte optique de 10 dB km–1 et elles transmettent 10% de l’intensité sur une distance de 1 km. On fabrique actuellement des verres minéraux caractérisés par une perte optique inférieure à 0,1 dB km–1, ce qui correspond à la transmission de 96% de l’intensité lumineuse par kilomètre de fibre. Ces résultats récents ouvrent de très vastes perspectives dans le développement de la transmission de l’information par fibre optique, car une seule fibre optique de 10 µm de diamètre est capable de véhiculer simultanément plusieurs milliers de communications téléphoniques. Nous ne nous intéresserons pas ici au phénomène de réfraction et de réflexion qui sont à la base de l’optique classique et qui sortent du cadre de cet ouvrage. Nous nous focaliserons spécialement sur les phénomènes d’absorption qui influencent la transparence des matériaux. Ces phénomènes d’absorption varient fortement avec la longueur d’onde des radiations lumineuses et ils sont à la base de la formation des centres colorés dans les matériaux. Ceci nous permettra de comprendre pourquoi un objet est coloré en jaune, orange, rouge ou bleu et pourquoi certains matériaux sont transparents ou opaques.
14.5.3 Absorption et émission d’une radiation électromagnétique Pour expliquer le mécanisme d’absorption et d’émission d’une radiation électromagnétique, nous avons sélectionné, à titre d’exemple, le cas d’un gaz monoatomique constitué de vapeur de sodium. L’atome de sodium comporte onze électrons. Parmi ceux-ci, il y en a dix qui font partie de couches complètes et qui sont fortement
Propriétés physiques
421
liés. Seul, l’électron de valence est suffisamment labile pour interagir avec une radiation lumineuse. Les niveaux énergétiques de l’atome de sodium sont représentés à la figure 14.26. Le niveau de base (3s1/2) est indiqué en bas de cette figure. C’est dans
ionisation
Limite d'ionisation (5,12 eV)
5 hν ∞ ≥ 5,12 eV
6s1/2 5p1/2
5p3/2
4p1/2
4p3/2
4d3/2
5s1/2
4
Énergie (eV)
3d3/2 4s1/2
3
3p3/2
3p1/2
2 photon incident hν1
photon émis hν1
hν1 = 2,103 eV hν '1= 2,105 eV
1
0 3s1/2
État fondamental
FIG. 14.26 Niveaux énergétiques de l’atome de sodium. À partir de ce diagramme, on calcule les raies d’émission ou d’absorption du sodium à l’état condensé. Il faut noter que le retour à l’équilibre de l’électron de valence du sodium gazeux par un mécanisme en cascade obéit à des règles de sélection qui impliquent le passage par un des deux niveaux énergétiques intermédiaire 3p.
cet état énergétique que se trouve l’atome de Na dans son état fondamental. Pour faire passer l’électron de valence à un niveau énergétique supérieur, il faut l’exciter avec une radiation qui a une énergie hν déterminée par la différence d’énergie entre le niveau fondamental et un niveau excité. Par exemple, en utilisant une radiation d’une énergie hν de 2,103 eV, on fait passer l’électron externe du niveau fondamental 3s1/2) au niveau excité d’énergie immédiatement supérieure (3p1/2 ou 3p3/2). L’électron ne reste pas indéfiniment dans cet état excité, il peut revenir à l’état fondamental avec émission d’une radiation ayant exactement la même énergie hν1.
422
Introduction à la science des matériaux
L’électron de valence peut passer à un niveau supérieur à 3p 1/2 (ou 3p3/2) e n absorbant une radiation d’énergie plus grande mais pour être absorbée la radiation doit avoir une valeur qui correspond exactement à la différence entre deux niveaux énergétiques. La différence entre les niveaux énergétiques successifs devient de plus en plus petite à mesure que l’énergie des niveaux augmente. Celle-ci tend vers une limite qui correspond à l’énergie d’ionisation qui est égale à 5,12 eV pour le sodium. Si l’électron de valence absorbe une radiation d’énergie supérieure à 5,12 eV (ce qui correspond à une radiation ultraviolette), il est arraché de l’atome et il y a formation d’un ion Na+. Ultérieurement, l’ion Na+ et l’électron se recombinent. L’électron retombe en cascade sur les divers niveaux énergétiques de l’atome de sodium et retrouve son état énergétique initial. Ce retour à l’état fondamental ne peut se faire n’importe comment car il existe des règles de sélection qui imposent, pour l’atome de sodium, le passage par un des deux niveaux énergétiques intermédiaires 3p1/2 ou 3p3/2. À partir d’un de ces deux niveaux énergétiques, l’atome de Na retoune à son niveau fondamental en émettant une des deux radiations caractéristiques situées dans le jaune (doublet du sodium). Ce sont ces radiations jaunes intenses que l’on observe si l’on chauffe un sel de sodium dans la flamme d’un chalumeau à haute température. À titre d’exemple, nous avons représenté à la figure 14.26 quelques transitions énergétiques possibles avec, bien entendu, passage par un des deux niveaux énergétiques intermédiaires 3p1/2 ou 3p3/2.
14.5.4 Absorption de la lumière et coloration des matériaux Des mécanismes d’absorption similaires à ceux exposés pour les gaz interviennent à l’état condensé. Lorsque les atomes se combinent pour former des molécules ou se condensent pour former un liquide ou un solide, les niveaux énergétiques se multiplient. Ceux-ci sont induits notamment par les vibrations et les rotations d’atomes liés entre eux. Dans ce cas, on ne rencontre pratiquement plus de raie d’absorption fine et intense comme dans les gaz, on a plutôt affaire à des bandes d’absorption. Dans le cas des phases condensées, le retour à l’équilibre des électrons excités par une radiation se fait par un mécanisme en cascade similaire à celui exposé pour les atomes isolés. Dans un certain nombre de cas, on observe l’émission d’une radiation lumineuse qui a, en général, une longueur d’onde plus élevée que celle de la radiation absorbée, c’est-à-dire avec déplacement des bandes d’absorption vers le rouge (effet bathochrome). Un tel phénomène est appelé photoluminescence. Si l’émission lumineuse se fait immédiatement après l’absorption (dans un délai de l’ordre 10–8 s), on parle de fluorescence. Dans le cas où l’émission lumineuse n’est pas instantanée, on a affaire à un phénomène de phosphorescence qui se prolonge dans certains cas durant plusieurs heures. Comme les niveaux énergétiques sont très proches en phase condensée, le retour à l’équilibre se produit également par émission de radiations de faible énergie et de l’ordre de grandeur de celle des phonons. Une fraction importante de l’énergie dissipée se retrouve donc sous forme de chaleur.
Propriétés physiques
423
Lorsque la lumière visible est absorbée sélectivement par un corps transparent, il apparaît coloré. La couleur de l’objet est caractéristique de la partie du spectre transmise. Ainsi, la couleur bleu pâle de l’eau liquide sous forte épaisseur ou de la glace est le résultat d’une absorption faible de la molécule d’eau dans le rouge induite par une vibration de déformation de l’angle entre l’atome d’oxygène et les atomes d’hydrogène de la molécule d’eau. La coloration bleu pâle, que l’on observe, correspond aux radiations non absorbées par l’eau. D’une manière générale, si un ensemble de radiations est absorbé, c’est toujours la couleur complémentaire correspondant aux radiations transmises que l’on observe. Si l’absorption de la lumière visible se fait de manière uniforme pour toutes les longueurs d’onde, le matériau apparaît comme non coloré. Il faut noter qu’un matériau transparent non coloré peut absorber sélectivement une radiation située en dehors du spectre de la lumière visible, dans l’ultraviolet par exemple. Dans ce cas, ce matériau peut être utilisé comme filtre en photographie ou pour les verres de lunettes par exemple. La coloration d’une substance ne résulte pratiquement jamais de la promotion d’un électron de valence car ceux-ci sont fortement liés et leur excitation n’est, en général, possible qu’en utilisant des radiations ultraviolettes. C’est presque des électrons placés en position exceptionnelle (électrons fortement délocalisés, électrons célibataires) qui sont plus faiblement liés et sont plus facilement excitables, qui sont responsables de la coloration d’une substance. Divers exemples donnés dans la suite de cet exposé viendront illustrer cette observation et ils montreront que la coloration d’une substance est étroitement liée à la présence de niveaux énergétiques excités proches de l’état fondamental et qui sont associés à des électrons plus faiblement liés. 14.5.5 Effets des ions des métaux de transition sur la coloration des céramiques Les ions des métaux de transition interviennent pour une bonne part dans la coloration des céramiques naturelles ou synthétiques. À titre d’exemple, nous analyserons l’influence de l’ion Cr3+ sur la couleur du rubis et de l’émeraude. L’oxyde d’aluminium (Al2O3) monocristallin (saphir) utilisé notamment comme verre de montre inrayable est incolore. Le rubis, qui est une céramique de couleur rouge, est un oxyde d’aluminium Al2O 3 dans lequel un certain nombre de sites Al3+ ont été substitués par l’ion Cr3+. Un métal de transition comme le chrome possède une couche 3d (chap. 2) incomplète. Chaque ion Cr3+ possède trois électrons célibataires dans cette couche qui possède trois niveaux énergétiques excités. Leur état fondamental est habituellement désigné par 4A2 (fig. 14.27) et les trois états excités appelés 2E, 4T2, 4T1 dans la terminologie classique des spectroscopistes. Dans le réseau cristallographique du rubis, l’ion chrome est entouré par six atomes d’oxygène O2– (ligands) qui forment un octaèdre déformé. Le niveau énergétique des états excités est fortement influencé par le champ électrique induit par les ions O2– adjacents au site Cr3+. Dans ce complexe, les liaisons Cr–O sont ioniques à 63%, ce qui entraîne une valeur élevée du champ électrique (champ du ligand) au voisinage de l’atome de Cr qui influence les niveaux
424
Introduction à la science des matériaux
énergétiques des états excités 2E, 4T2, 4T1 associés aux électrons célibataires et qui entraîne une absorption très forte des composantes de plus haute énergie (violette et jaune-vert) de la lumière. Comme cela est représenté à la figure 14.27, seules les composantes rouges avec un peu de bleu sont transmises, ce qui donne au rubis sa couleur rouge foncé légèrement violette.
FIG. 14.27 Niveau énergétique de l’ion Cr3+ dans le rubis (Al2O3 + Cr3+ ) avec indication des principales absorptions et transmissions (d’après Nassau, 1980).
Les transitions autorisées entre les différents états excités et le niveau fondamental sont indiquées à la figure 14.27. Celles-ci sont régies par les règles de sélection complexes qui interdisent la transition de l’état fondamental 4A2 à l’état excité 2E mais qui permettent le passage de l’état fondamental 4A2 aux états excités 4T1 et 4T2. On note qu’il existe également trois transitions entre des niveaux énergétiques de plus haute énergie vers des niveaux d’énergie plus faibles et qui correspondent à une émission d’une radiation lumineuse. Les deux transitions entre les niveaux 4T 1 et 4T2 et le niveau 2E se rapportent à une émission de radiations infrarouges (chaleur). La transition 2E – 4A2 qui correspond à l’émission d’une radiation dans le domaine visible, est à l’origine de la fluorescence rouge du rubis. Celle-ci peut notamment être mise en évidence en éclairant le cristal par un rayonnement ultraviolet. L’émeraude est un silicate d’aluminium et de béryllium. Comme dans le rubis, un certain nombre de sites Al3+ sont remplacés par des ions Cr3+. Dans cette céramique, l’ion chrome a un environnement différent de celui rencontré dans le rubis. La liaison Cr–O est moins ionique (quelques pour-cent) que dans le rubis, et le champ électrique induit est plus faible. Cet effet abaisse les niveaux énergétiques 4T1 et 4T2,
Propriétés physiques
425
ce qui entraîne un déplacement de la bande d’absorption vers les régions jaune-rouge du spectre et donne à l’émeraude sa teinte bleu-vert. Comme le niveau 2E est très peu modifié, on observe dans le cas de l’émeraude une fluorescence rouge presque identique à celle du rubis. Les métaux de transition sont utilisés pour colorer un grand nombre de pigments et de verres minéraux. Ainsi, des verres photochromes, utilisés pour des lunettes solaires à coloration modulée en fonction de l’éclairement, sont obtenus en dopant des verres minéraux par des ions Eu2+ et Ti4+ . Ces verres dopés développent, sous l’action de la composante ultraviolette de la lumière solaire des centres colorés qui disparaissent progressivement lorsque l’intensité lumineuse diminue. La réaction qui se produit dans ces verres photochromes est la suivante: Eu2+ + Ti4+
Ti3+ + Eu3+
(14.31)
La coloration brune et violette est donnée par l’ion Ti3+ qui possède un électron célibataire, tandis que les ions Eu2+ , Eu3+ et Ti4+ sont incolores. 14.5.6 Coloration des substances organiques Dans les substances organiques, les électrons s’apparient pour former des liaisons covalentes très intenses. Tant que les électrons appariés restent localisés entre deux atomes, les états excités ont une énergie élevée et l’absorption qui en résulte est située dans l’ultraviolet. Cette situation prévaut dans la plupart des thermoplastiques amorphes qui sont transparents et forment des verres organiques. Dans certains cas, il existe dans la molécule des liaisons doubles (ou triples) conjuguées qui permettent le déplacement des électrons π (chap. 2) dans toute l’étendue de la molécule. Ces électrons occupent alors des orbitales moléculaires. Ils sont plus faiblement liés au système et l’énergie de leurs états excités est considérablement abaissée. De telles molécules absorbent dans le domaine de la lumière visible et apparaissent dès lors colorées. Un exemple de substance colorée est fourni par le violet cristallisé dont la formule est représentée à la figure 14.28. Cette molécule comporte CH3 N CH3
CH3 + N
Cl–
CH3
CH3 N CH3 FIG. 14.28 Structure moléculaire du violet cristallisé. Cette molécule de colorant comporte trois groupements auxochromes N(CH3)2. Les flèches schématisent le déplacement des électrons π sur les orbitales moléculaires.
426
Introduction à la science des matériaux
plusieurs noyaux aromatiques. Dans la molécule représentée, la couleur est renforcée par la présence de trois groupements amplificateurs N(CH3)2 (auxochromes) qui sont des donneurs d’électrons et qui entraînent le déplacement de l’absorption vers les plus grandes longueurs d’onde. C’est de la présence de ces groupements que résultela coloration violette de cette molécule de colorant. Les colorants organiques ainsi que les pigments minéraux sont très utilisés pour colorer les matériaux organiques. 14.5.7 Propriétés optiques des métaux et des semiconducteurs Dans les métaux et les semiconducteurs, les électrons ne sont plus liés à un seul atome ou à un seul ion, et les orbitales polynucléaires s’étendent dans tout le volume du matériau. Les métaux et les semiconducteurs contiennent un nombre très élevé d’électrons mobiles et ils ont des propriétés optiques très différentes de celles des autres matériaux. Nous avons vu au chapitre 2 que les métaux étaient caractérisés par une bande de valence non complètement remplie. A zéro degré Kelvin (fig. 14.29), tous les ni-
FIG. 14.29 Niveaux énergétiques des électrons dans un métal à zéro degré Kelvin; tous les niveaux sont occupés jusqu’au niveau de Fermi (d’après Nassau, 1980).
veaux d’énergie sont occupés jusqu’à un certain niveau appelé niveau de Fermi. Les autres niveaux d’énergie sont vides. Tout apport d’énergie, si minime soit-il, amène des électrons à un niveau supérieur au niveau de Fermi. Les métaux comportent une suite continue d’états d’énergie et ils peuvent pratiquement absorber toutes les radiations et les réémettre instantanément. C’est pour cette raison que la surface métallique non oxydée est réfléchissante et non pas absorbante, ce qui aurait donné une couleur noire comme dans le graphite. Les nuances apparaissant dans la coloration des mé-
Propriétés physiques
427
taux (cuivre–or–argent) proviennent de ce que certaines longueurs d’onde sont absorbées et réémises plus facilement que d’autres. Certains métaux en feuilles très minces (de l’ordre de quelques nanomètres) deviennent transparents . C’est le cas de l’or qui acquiert une coloration verte par transparence. Les semiconducteurs ont une bande de valence complètement remplie, séparée de la bande de conduction par une bande interdite (fig. 14.30). La longueur d’onde
FIG. 14.30 Niveau énergétique des électrons dans un semiconducteur. La bande de valence est complètement occupée et séparée de la bande de conduction par la bande interdite (d’après Nassau, 1980).
minimale que les semiconducteurs peuvent absorber dépend de la largeur de la bande interdite. Si celle-ci est inférieure à l’énergie de la composante la moins énergétique de la lumière visible (rouge), toute la lumière visible est absorbée et le semiconducteur a un aspect noir (CdSe) ou métallique (silicium), suivant que la réémission des photons est lente ou rapide. Si la largeur de la bande interdite correspond à une longueur d’onde qui tombe dans le domaine des énergies de la lumière visible, le matériau a alors une couleur bien déterminée. C’est le cas du sulfure de mercure HgS qui a une bande interdite de 2,1eV et qui est un pigment rouge vif tirant sur l’orange. Le sulfure de cadmium, avec une bande interdite de 2,6 eV, est un pigment jaune. Dans le cas de certains isolants électriques, la largeur de la bande interdite est supérieure à la plus grande énergie de la lumière visible le matériau devient transparent. C’est le cas du diamant avec une bande interdite de 5,4 eV. On colore les solides à large bande interdite en les dopant avec des donneurs ou des accepteurs d’électrons qui créent des niveaux énergétiques intermédiaires dans la bande interdite. Ainsi, en introduisant un atome d’azote pour 100 000 atomes de car-
428
Introduction à la science des matériaux
bone dans le réseau du diamant, on crée une bande de donneurs d’électrons située à 1,4eV au-dessus de la bande de valence, ce qui entraîne la coloration du diamant en jaune.
14.6 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Nous avons examiné dans ce chapitre les principales propriétés physiques des matériaux, à l’exclusion des propriétés mécaniques. Les propriétés électriques, thermiques, magnétiques et optiques dépendent en premier lieu de la configuration électronique des atomes et de la nature des liaisons chimiques associées. L’organisation (cristalline ou amorphe) des atomes joue également un rôle important. Passons en revue les principaux résultats obtenus dans le cadre de ce chapitre. La conductivité électrique des matériaux varie d’environ 30 ordres de grandeur depuis les matériaux conducteurs comme le cuivre ou l’aluminium jusqu’aux isolants comme le PTFE. D’une manière générale, les métaux les plus purs sont les meilleurs conducteurs. De grands progrès ont été réalisés récemment dans le domaine des matériaux supraconducteurs par l’utilisation de céramiques complexes. Les matériaux à conductivité électrique intermédiaire (semiconducteurs) jouent également un rôle déterminant en micro-électronique. Pour les métaux, la conductivité thermique est très élevée et elle dépend, comme la conductivité électrique, de la densité en électrons mobiles. D’autres matériaux comme le diamant, à température ambiante, conduisent la chaleur mieux que les meilleurs conducteurs métalliques (Cu, Al), alors que la densité en électrons mobiles est pratiquement nulle. Dans ce cas, la transmission de la chaleur se fait sous forme de phonons par l’intermédiaire des vibrations du réseau cristallin. Dans ce cas également, les matériaux les plus purs sont aussi les meilleurs conducteurs thermiques. Les meilleurs isolants thermiques sont les matériaux divisés (matériaux poreux, mousses, etc.) sous vide. Les propriétés magnétiques jouent un rôle très important dans les machines électriques et électromécaniques. Le ferromagnétisme est à l’origine des performances des matériaux magnétiques durs (aimants permanents) et des matériaux magnétiques doux (aimants non permanents). Les propriétés intrinsèques des matériaux magnétiques sont fortement influencées par le contrôle de leur microstructure. Le ferrimagnétisme est également très important, en particulier pour les matériaux utilisés comme mémoire. Les propriétés optiques des matériaux (couleur, brillance et transparence) conditionnent largement notre perception des objets. La coloration d’une substance est étroitement liée à la présence d’électrons plus faiblement liés qui produisent des niveaux énergétiques excités proches de l’état fondamental qui permettent l’absorption de la lumière visible. Ces phénomènes donnent naissance à des centres colorés qui sont par exemple des ions de métaux de transition souvent présents à des concentrations relativement faibles. La transparence dépend fortement de la microstructure: en pratique, seuls les matériaux homogènes à une échelle inférieure à 0,1µm sont transparents.
Propriétés physiques
429
La transparence des verres est fortement influencée par la présence de centres colorés et de variations locales d’indice de réfraction dues à des impuretés qui diffusent les radiations lumineuses et réduisent également l’intensité transmise. On développe actuellement de nouvelles variétés de verres minéraux très transparents pour la fabrication de fibres optiques. En conclusion, comme nous l’avions mis en évidence dans l’étude des propriétés mécaniques, les propriétés physiques sont déterminées à des degrés divers par les propriétés intrinsèques des matériaux (liaisons chimiques, structure électronique, etc.) et par les phases et les microstructures présentes (grains, impuretés, précipités, etc.).
14.7 EXEMPLE ILLUSTRATIF: APPLICATIONS INNOMBRABLES POUR AIMANTS PERMANENTS Les domaines d’application des aimants permanents sont innombrables. Ainsi, les automobiles actuelles sont farcies de moteurs électriques, de systèmes d’entraînement, de dispositifs de mesure, etc., qui utilisent des aimants permanents. À la figure 14.31, on répertorie une série de périphériques vitaux pour nos voitures qui utilisent ce type de matériaux: démarreur, moteur de ventilateur, de pompe à essence, essuieglaces, tachéomètre, etc. De nombreux appareils et machines fonctionnent grâce aux aimants permanents, tels les ordinateurs et leurs périphériques, les lentilles magnétiques, magnétophones, générateurs électriques, éléments de levage, filtres magnétiques et séparateurs, paliers et suspensions magnétiques, etc. Un exemple tiré de notre vie quotidienne: l’horlogerie. Une montre à quartz avec affichage analogique comme la Swatch ne pourrait fonctionner pendant des années si son moteur pas à pas n’était pas extrêmement performant et ne nécessitait qu’une énergie électrique minime. L’économie d’énergie électrique alliée à un poids minimal sont les moteurs économiques pour le développement d’aimants ayant une dureté magnétique très élevée. Comme nous l’avons indiqué à la section 14.4, la dureté d’un aimant permanent se mesure par le produit (B×H)max qui s’obtient à partir de la courbe de désaimantation (fig. 14.21). Comme on le voit à la figure 14.32, le produit (B ×H)max des matériaux ferromagnétiques a augmenté d’un facteur supérieur à 50 entre 1900 et 1980. Par exemple, un acier contenant 3,5% pds de chrome est caractérisé par une valeur du produit (B×H)max de 2,3 kJ m–3 alors que les AlNiCo des années 50 atteignaient 70 kJ m–3. Au début des années 80, un composé intermétallique ferromagnétique comme le SmCo5 arrivait à 160 kJ m–3. Les valeurs actuelles pour la dernière génération des aimants à terre rares du type Fe14Nd2B sont voisines de 300 kJ m–3. Cette augmentation de la dureté magnétique peut être mise en évidence en comparant entre elles, dans une expérience très simple, les forces de répulsion que ces aimants permanents exercent sur eux-mêmes. À la figure 14.33, on a placé, dans trois tubes transparents séparés, des paires d’aimants de même masse ayant leurs pôles identiques opposés. Ces couples d’aimant sont respectivement fabriqués en ferrite, en
430
Introduction à la science des matériaux Toit ouvrant Lecteur CD Contrôle automatique de température
Compteur de vitesse, jauges et horloge
Contrôle de vitesse
Indicateur du niveau des liquides
(Tempomat)
Haut-parleur
Essuie-glace
Rétroviseur
Pompe de lave-vitre Verrouillage central ABS
Contrôle moteur
Pompe à essence
Ventilateur
Allumage
Vitres électriques
Antenne
Air conditionné Démarreur
Sièges électriques
Détecteur de position du vilebrequin et de l’accélérateur
Fig. 14.31 Exemple d’utilisation d’aimants permanents dans l’automobile (d’après Croat et Herbst).
300
Nd2Fe14B
Sm2Co17 200 [ kJm–3]
Dureté magnétique (B•H)max
250
SmCo5
150
100 PtCo AlNiCo 50 Ferrite Aciers Co 1920
Magnetoflex 1940
1960
1980
2000 [Année]
FIG. 14.32 Évolution de la dureté des aimants permanents.
Propriétés physiques
431
Nd2Fe14B
SmCo5
Ferrite
FIG. 14.33 Forces de répulsion de différents aimants permanents.
SmCo 5 et en Fe 14Nd2B. Chaque couple d’aimant est surmonté d’une barre réalisée dans un matériau non magnétique et dont la masse est ajustée pour maintenir contante la distance séparant deux pôles opposés. On constate de visu, par cette expérience très simple, les progrès extraordinaires réalisés dans la fabrication des aimants permanents. L’efficacité des aimants permanents actuels peut également être perçue si on considère qu’un cm3 d’un aimant permanent, réalisé avec le SmCo5, nécessite une force supérieure à celle du poids d’un homme corpulent pour arracher cet aimant d’une pièce d’acier. Il semble que la limite supérieure pour ces matériaux magnétiques durs s’oriente vers des valeurs de 800 kJ m–3. C’est dire qu’il reste encore beaucoup de pain sur la planche aux futurs chercheurs.
14.8 EXERCICES 14.8.1 Calculer la perte de puissance thermique dans un fil de cuivre d’une ligne de transmission d’électricité d’une longueur L = 2000 m quand le courant transféré I est égal à 50 A. Le fil a une diamètre d = 1 mm et sa résistivité électrique ρ = 1,7 10–8 Ω m.
432
Introduction à la science des matériaux
14.8.2 En service, un grille-pain équipé d’un élément chauffant (nickel-chrome) consomme à 800 °C une puissance P = 350 W. Il opère sous une différence de potentiel V = 220 V. Quelle est l’intensité I du courant circulant dans le corps de chauffe ? 14.8.3 Expliquer pourquoi le diamant, qui est un isolant électrique, est un des meilleurs conducteurs thermiques ? 14.8.4 Un rail de longueur L égale à 1 km est chauffé à 90 °C avant d'être bloqué sur son support. Calculer la contrainte qui agit sur le support lorsque la température atteint en hiver –10 °C. Eacier = 200 GPa, αacier = 12 10–6 °C–1. 14.8.5 Quelle est la relation entre la conductivité électrique et la conductibilité thermique d’un métal ? 14.8.6 Quelle est la perte de chaleur par jour à travers une paroi en briques de 4 m sur 4 m et de 0,25 m d’épaisseur lorsque la face interne de la paroi est maintenue à une température de 20 °C alors que la face externe est à 0 °C. La conductivité thermique κ de la brique est de 0,5 Wm–1K–1. 14.8.7 Un aimant d’alliage de terres rares a une courbe de démagnétisation de forme parabolique qui peut être exprimée par la formule B = 1,15 – 4,5 10–6 H2. Quelle est la valeur du champ coercitif Hc ? 14.8.8 Que représente le produit (B × H)max d’un aimant permanent ? Faire un dessin. 14.8.9 Un champ magnétique H = 2500 Am–1 est appliqué à un matériau de perméabilité relative µr = 6000. Calculer la magnétisation M et le champ d’induction magnétique B. 14.8.10 Expliquer pourquoi certains verres minéraux perdent leur transparence si on les chauffe entre 200 et 400 °C ?
14.9 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES J.C. ANDERSON, K.D. LEAVER, J.M. ALEXANDER, R.D. RAWLINGS, Materials Science, 2nd ed., Walton-on-Thames, G.B., 1981. J. BARDEEN, L.N. COOPER, J.R. SCHRIEFFER, Phys. Rev. 108, 1175, 1957. J.G. BEDNORZ, K.A. MÜLLER, Z. Phys., B 64, 189, 1986. J.J. CROAT and J.F. HERBST, MRS BULLETIN 13, 37, 1988. R. DAGANI, Supraconductivity : A revolution in electricity is taking shape, C & En., May 1987, 7. M. GERL et J.P. ISSI, Physique des matériaux, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1997. R.M. GERMAN, M.M. GUZOWSKI, D.C. WRIGHT, Color and color stability as Alloy Design Criteria, J. Metals, 20/27, 1980. J.P. ISSI, La conduction de la chaleur, La Recherche, 12, 442, 1981. J.P. ISSI, J. LEBEGGE, Les supraconducteurs, Revue E, 9, 1. 1978. C. KITTEL, Introduction to Solid State Physics, 7th ed., John Wiley, New York, 1996.
Propriétés physiques
433
M.C. LOVELL, A.J. AVERY, M.W. VERNON, Physical Properties of Material, Van Nostrand Reinhold, New York, 1981. Materials Science and Engineering for The 1990s, National Academy Press, Washington D.C, 1989. K.A. MÜLLER, J.G. BEDNORZ, La découverte de la supraconductivité à haute température, La Recherche, 19, 52 1988. K. NASSAU, L’origine de la couleur, Pour la science, 38, 1980. K.M. RALLS, T.H. COURTNEY. J. WULFF, Introduction to Materials Science and Engineering, Wiley, New York, 1976. J. ZARSYCKI, Glasses and the vitreous state, Cambridge University Press, Cambridge, 1991.
CHAPITRE 15
DÉGRADATION, CORROSION, VIEILLISSEMENT
15.1 OBJECTIFS • • • • • •
Passer en revue les différentes formes de dégradation des matériaux. Introduire le mécanisme électrochimique de la corrosion humide des métaux. Comprendre le phénomène de passivation. Identifier les mécanismes d’oxydation des métaux à haute température. Mettre en évidence les mécanismes de la dégradation des polymères. Donner quelques exemples de dégradation des céramiques.
La corrosion et la dégradation des matériaux représentent un problème économique très important. On estime que chaque année le quart de la production de l’acier est détruit par corrosion. Un des objectifs de la science des matériaux est d’obtenir des matériaux plus stables dans le temps et, par conséquent, plus fiables. L’étude des phénomènes de dégradation et du vieillissement est donc d’une importance primordiale.
15.2 FORMES DIVERSES DU VIEILLISSEMENT 15.2.1 Vieillissement chimique ou physique L’emploi des matériaux dépend considérablement de l’évolution de leurs propriétés physiques et mécaniques en fonction du temps et de l’environnement dans lequel ils sont placés. Les matériaux ne sont pratiquement jamais dans un état d’équilibre thermodynamique et leurs propriétés sont susceptibles d’évolution en fonction des contraintes imposées par l’environnement. Cette évolution des propriétés des matériaux est d’origine physique et chimique. Ainsi, une élévation de la température d’utilisation d’un alliage métallique est susceptible d’entraîner une modification physique de la microstructure et de modifier les propriétés mécaniques, par exemple par formation d’un précipité qui fragilise le matériau. On parle également du vieillissement physique des verres organiques ou minéraux. Lorsqu’on porte les matériaux vitreux hors d’équilibre à des températures proches de leur point de transition vitreuse, leur volume diminue et les tolérances pour la fabrication de pièces de précision doivent être modifiées.
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Introduction à la sciences des matériaux
Dans un grand nombre de cas, l’évolution des propriétés physiques et mécaniques dans le temps s’accompagne d’une modification importante de la structure et de la composition chimique des matériaux. Sous l’action de la température, des agents atmosphériques (par exemple O2), des réactifs chimiques ou des contraintes appliquées, la structure à l’échelle atomique et la microstructure interne ou de surface des matériaux peuvent être modifiées. La stabilité chimique des matériaux varie considérablement en fonction de leur nature. Ainsi, on ne rencontre pratiquement aucun métal à l’état natif dans la nature, à l’exception des métaux nobles comme l’or. Les métaux manifestent une tendance générale à retourner à leur état original d’oxyde ou de sulfure. Comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre, cette sensibilité à l’oxydation est directement liée à la conductivité électrique élevée de ces matériaux et à la mobilité de leurs électrons de valence. Les polymères organiques manifestent une grande instabilité thermique. Une élévation modérée de température (250-400 °C) entraîne la rupture d’un nombre important de liaisons du matériau avec, selon le cas, formation de composés volatils (monomères–fragments de molécule–CO2) ou graphitisation. Un très bel exemple de graphitisation est celui de la pyrolyse sous contrainte de la fibre de polyacrylonitrile qui conduit à la formation de la fibre de carbone par pyrolyse à haute température (chap. 2, exemple illustratif). De tous les matériaux, ce sont les céramiques qui sont thermiquement les plus stables, car elles sont en grande partie composées d’oxydes et par conséquent elles sont stables en présence d’oxygène. Les matériaux réfractaires appartiennent presque exclusivement à la classe des céramiques. En effet, les métaux réfractaires, W, Mo, etc., ne sont pas stables chimiquement en présence d’oxygène à haute température.
15.2.2 Corrosion et dégradation La dégradation des matériaux prend des formes extrêmement variées. Ce phénomène peut intervenir dans la masse du matériau. Ainsi, si on porte certains polymères à température élevée, il se produit une rupture homolytique des liaisons carbone-carbone qui s’accompagne de la fragilisation du matériau. Dans de nombreux exemples, la corrosion est limitée à la surface. C’est le cas de l’oxydation qui se produit à l’interface métal-atmosphère et qui peut être complètement éliminée en isolant la surface du métal par un revêtement organique (peinture) ou par une couche d’oxydes étanches. La corrosion superficielle prend souvent une forme beaucoup plus localisée (fig. 15.1). Souvent, elle est limitée à un endroit bien déterminé de la surface, par exemple à un défaut du revêtement protecteur ou à un défaut de surface (joints de grains par exemple), ou encore à l’intérieur d’une fissure superficielle du matériau. Ces corrosions localisées sont les plus dangereuses, car elles progressent souvent à très grande vitesse et finissent par affecter une section importante du matériau. Selon leur type, certaines corrosions sont considérablement accélérées par la présence de contraintes statiques ou cycliques. Ainsi, nous avons vu (chap. 13) que la
Dégradation, corrosion et vieillissement
437
FIG. 15.1 Quelques exemples de corrosion: (a) corrosion superficielle; (b) corrosion dans une fissure; (c) corrosion à un joint de grains; (d) corrosion dans une particule (précipité).
résistance à la fatigue était diminuée par une corrosion se produisant au fil des fissures de taille inférieure à la dimension critique. La présence de certains liquides organiques ou d’eau additionnée de détergent, entraîne la fissuration sous contrainte d’un grand nombre de polymères thermoplastiques (polyéthylène). La corrosion est également susceptible de se produire à l’intersection de deux matériaux de composition différente. Ce type de corrosion, qui se produit principalement dans les métaux, est presque toujours une forme de la corrosion électrochimique, comme nous le verrons au paragraphe 15.3.1. La corrosion des matériaux peut revêtir des formes extrêmement variées et très insidieuses. Dans la suite de ce chapitre, nous nous limiterons à l’étude de quelques exemples importants sur un plan pratique.
15.3 CORROSION DES MÉTAUX 15.3.1 Corrosion galvanique Un métal plongé dans un électrolyte, comme l’eau à un pH < 7, cède des ions métalliques à l’électrolyte. Le passage des ions métalliques du métal vers l’électrolyte est limité dans le temps, car en cédant des ions, le métal se charge négativement. Pour quitter le métal, les ions doivent vaincre l’attraction du métal et l’effet répulsif des ions déjà en solution. La différence de potentiel électrique entre le métal et la solution tend vers une valeur stationnaire appelée potentiel d’électrode U. Si on place dans la solution électrolytique deux lames de métaux de nature différente réunies par un conducteur électrique, par exemple une lame de fer et une lame de zinc (fig. 15.2), on crée une pile électrochimique. Les potentiels d’électrodes sont opposés: l’électrode qui possède le potentiel le plus négatif (Zn) fonctionne comme anode. Les atomes de zinc passent en solution sous forme d’ion Zn++ et la lame de zinc se charge négativement. Il se produit à l’anode une réaction d’oxydation du zinc.
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Introduction à la sciences des matériaux
FIG. 15.2 Pile électrochimique constituée par une lame de fer et une lame de zinc placées dans une solution d’électrolyte. On a indiqué, en regard de chaque électrode, le potentiel d’oxydoréduction. La différence de potentiel U entre l’anode et la cathode de la pile sera initialement de 0,32 V si l’activité de l’électrolyte est unitaire. Composition de l’électrolyte: H+, Zn++, X-.
Celui-ci perd deux électrons: Zn → Zn ++ + 2e-
(15.1)
La lame de fer se charge positivement (cathode), car il se produit en surface une réaction de réduction des ions de l’électrolyte. Par exemple: 2H+ + 2e– → H2
(15.2)
La perte d’électrons de la cathode et l’excès d’électrons de l’anode sont compensés par un courant d’électrons qui passe dans le circuit externe et qui va de l’anode vers la cathode. Chaque fois que deux métaux de nature chimique différente sont en contact dans un électrolyte, ils constituent une pile électrochimique. Le métal qui possède le potentiel d’électrode le plus négatif va tendre à se dissoudre dans l’électrolyte, et le phénomène de corrosion galvanique, appelé aussi corrosion bimétallique, se produit. La corrosion électrochimique se produit aussi à l’échelle microscopique dans les métaux. Les hétérogénéités de la surface (grains, joints, précipités, etc.) jouent alors le rôle d’électrodes. Les phénomènes de corrosion sont considérablement accélérés par la présence d’ions qui servent au transport du courant électrique dans l’électrolyte. C’est ainsi que l’eau pure (pH = 7) qui ne contient qu’une très faible quantité d’ions H+ et OH– est beaucoup moins corrosive que l’eau de mer qui contient environ 0,6 mol1–1 d’ions Cl– et Na+ . Le phénomène de corrosion galvanique est également utilisé dans certains cas pour la protection des métaux. C’est le cas de l’acier recouvert d’une couche de zinc
Dégradation, corrosion et vieillissement
439
(acier galvanisé). Lorsque la couche de zinc est endommagée par une éraflure et que l’acier, mis à nu, entre en contact avec un électrolyte, le couple acier–zinc forme une pile dont l’anode est constituée par la couche de zinc qui se dissout lentement et l’acier constituant la cathode n’est pas attaqué. La dissolution d’un métal implique le transfert de charge à l’interface métal électrolyte et la formation d’ions qui passent en solution. Pour classifier les métaux en fonction de leur aptitude à se dissoudre, il faut connaître leur potentiel d’électrode. Dans ce but, on a classé les métaux par rapport à une électrode de référence (électrode à hydrogène) dont le potentiel est arbitrairement fixé à zéro. Pour effectuer cette classification, l’électrolyte est constitué par une solution d’un sel du métal considéré et ayant une activité égale à l’unité. Ce classement est repris à la figure 15.3; les métaux les plus résistants à l’oxydation sont caractérisés par un potentiel d’électrode très élevé. Placés dans un électrolyte, ces métaux ont en général un com-
FIG. 15.3 Potentiels d’oxydoréduction standard à 25 °C de quelques métaux purs.
portement cathodique et ils constituent ce qu’on appelle les métaux nobles (Au). Les métaux les plus oxydables (Zn, Al) ont un potentiel d’électrode très négatif et, placés dans un électrolyte, ils ont en général un comportement anodique. Au tableau 15.4, nous avons classé les différents métaux et alliages par ordre de résistance à la corrosion dans l’eau de mer.
440
Introduction à la sciences des matériaux
TABLEAU 15.4 Classification des métaux et des alliages par ordre de résistance décroissante à la corrosion dans l’eau de mer en circulation. Métaux nobles Comportement cathodique Platine Or Acier inoxydable Titane Argent Bronze allié Inconel Nickel Cupro-nickel Bronze Laiton Cuivre Étain Plomb Fonte Fer, acier doux Aluminium Alliage d’aluminium Acier galvanisé Zinc Magnésium et alliages
Composition
(18% Cr, 8% Ni) (80% Cu, 5% Ni, 9 % Al, 4,5% Fe) (70% Cu, 30% Ni) (86% Cu, 5% Sn, 5% Zn, 4% Pb) (85% Cu, 15% Zn)
(96% Al, 0,2% Cu, 0,6% Si, 1% Mg)
Métaux non nobles Comportement anodique
15.3.2 Mécanisme de formation de la rouille Un autre aspect classique de la corrosion humide est celui de la formation de la rouille à la surface du fer au contact avec l’eau ou avec l’air humide. Le principal composant de la rouille est l’oxyde de fer hydraté, Fe2O3, 3H2O. Pour comprendre le mécanisme de formation de la rouille, on réalise l’essai suivant: on plonge une plaque de fer pur dans une solution aqueuse diluée et désoxygénée de NaCl, à laquelle on ajoute quelques gouttes d’une solution de phénolphtaléine et d’une solution de ferricyanure de potassium comme indicateurs. On observe, après quelque temps (fig. 15.5(a)), l’apparition d’une coloration rose vers le haut de l’éprouvette mettant en évidence la formation d’ions OH–, tandis qu’à la base de l’éprouvette on note une coloration bleue caractéristique des ions ferreux Fe++. Dans la zone intermédiaire, on remarque la formation d’une couche de rouille. Comment peut-on interpréter ces résultats ? L’oxygène de l’air se dissout progressivement dans la solution aqueuse de NaCl où il existe un important gradient de concentration en oxygène. Ce gradient de concentration induit une pile électrochimique dont la partie cathodique est située près de la surface et où il se produit une réduction de l’oxygène de l’air: O2 + 2 H2O + 4 e– → 4(OH)–
(15.3)
Dégradation, corrosion et vieillissement
441
FIG. 15.5 (a) Plaque de fer plongée verticalement dans une solution aqueuse diluée de NaCl désoxygénée et additionnée de quelques gouttes d’une solution de phénolphtaléine et d’une solution de ferricyanure de potassium comme indicateurs; (b) attaque du fer par une goutte de solution aqueuse diluée de NaCl.
La partie inférieure de la plaque de fer constitue l’anode à la surface de laquelle il se produit une dissolution (oxydation) du fer sous forme d’ion ferreux: Fe → Fe++ + 2 e–
(15.4)
Dans la zone intermédiaire, il y a précipitation d’hydroxyde ferreux: Fe++ + 2 OH– → Fe(OH)2
(15.5)
Celui-ci peut subir une oxydation ultérieure: 2 Fe(OH)2 + H20 + 1/2O2 → 2 Fe(OH)3
(15.6)
Notons que cette dernière réaction n’est pas électrochimique. Au séchage, l’hydroxyde de fer donne un oxyde de fer hydraté poreux de composition chimique complexe (rouille). Le même phénomène se produit lorsqu’on dépose une goutte de solution diluée de NaCl à la surface d’une éprouvette en fer (fig. 15.5(b)). C’est la formation d’une pile électrochimique, d’une conception analogue à celle que nous venons de décrire, qui permet d’expliquer que la corrosion puisse progresser très rapidement dans les fissures. 15.3.3 Méthode de protection des métaux par passivation La formation d’une couche d’oxyde stable et dense à la surface d’un métal modifie considérablement le potentiel d’électrode d’un métal et constitue une protection efficace contre la corrosion. La couche de rouille qui se forme en surface du fer et des aciers courants est poreuse et ne constitue pas une protection pour les attaques ultérieures. Par contre, la couche d’oxyde très dense et imperméable (Cr2O3) qui se développe en surface des aciers inoxydables (Fe–Ni–Cr) constitue une protection pour les attaques ultérieures. Dans ce cas, la couche d’oxyde est suffisamment mince et transparente pour ne pas altérer la brillance du métal. De plus, elle est dure et se reforme rapidement après destruction mécanique.
442
Introduction à la sciences des matériaux
L’aluminium forme également une couche très dense d’oxyde (Al2O3) qui protège ce métal très oxydable contre une corrosion ultérieure. La couche d’oxyde dense peut également être formée par réaction électrochimique en plaçant la pièce à protéger à l’anode d’un bain d’électrolyse (anodisation de l’aluminium). Il existe diverses méthodes de protection des alliages ferreux contre la corrosion. Nous avons déjà mentionné l’utilisation de revêtements organiques (peintures), ainsi que la galvanisation qui consiste à recouvrir l’objet d’une couche épaisse de zinc, elle-même protégée par une couche d’oxyde ZnO. En cas de rupture de la couche de zinc, celle-ci fonctionne comme anode et la protection continue à être efficace. On peut également protéger les alliages ferreux par électrodéposition de métaux comme le cuivre, le nickel et le chrome. Remarquons qu’en cas de rupture du revêtement protecteur, ce type de revêtement constitue en général une cathode, et que la corrosion électrochimique du métal sous-jacent mis à nu est accélérée. On protège également les pièces de grande dimension, comme les canalisations ou les bateaux, par utilisation d’une anode sacrifiée (fig.15.6) réalisée dans un métal moins noble (zinc–magnésium) que la pièce à protéger. Celle-ci, qui est reliée à l’anode "sacrificielle" par un fil conducteur (Cu), est portée à un potentiel suffisamment négatif pour inhiber le phénomène de corrosion anodique.
FIG. 15.6 Exemple de protection cathodique des métaux par anode sacrificielle.
15.3.4 Corrosion et oxydation à haute température La corrosion sèche est produite par l’attaque d’un métal par un gaz à haute température. C’est l’oxydation qui est de loin la plus fréquente, mais d’autres gaz (SO2, CO2, vapeur d’eau, etc.), sont également susceptibles de réagir à haute température. Nous nous limiterons ici au cas de l’oxydation. Cette réaction entre un solide et un gaz est très complexe, et nous allons en considérer respectivement ses aspects thermodynamique et cinétique. Le tableau 15.7 illustre l’aspect thermodynamique de l’oxydation. Ce sont les métaux les plus nobles, l’or en particulier, qui possèdent la plus faible affinité pour l’oxygène et qui forment les oxydes les moins stables. Ce ne sont pas nécessairement les métaux formant les oxydes les plus stables qui sont plus sujets à l’oxydation à température élevée. Pour comprendre ce phénomène, nous examinerons de manière élémentaire le mécanisme de l’élaboration d’un film d’oxyde solide à haute tempé-
Dégradation, corrosion et vieillissement
443
TABLEAU 15.7 Enthalpie de formation de quelques oxydes à température ambiante (d’après Ashby, Jones, 1980). Matériau
Oxyde
Aluminium Titane Silicium Tantale Chrome Zinc Carbure de silicium (SiC) Tungstène Fer Nickel Cobalt Diamant, graphite Plomb Cuivre Argent Or
Al2O3 TiO SiO 2 Ta 2O5 Cr2O3 ZnO SiO 2 + CO2 WO 3 Fe3O4 NiO CoO CO2 Pb 3O4 CuO Ag2O Au2O3
Enthalpie de formation kJ mol-1 O2 consommé – 1045 – 848 – 836 – 764 – 701 – 636 – 580 – 510 – 508 – 439 – 422 – 389 – 309 – 254 –5 + 80
rature. Celui-ci est généralement composé de deux étapes: la formation en surface du métal d’un film d’oxyde continu et l’épaississement du film continu. Les différentes phases de l’élaboration du film d’oxyde continu sont schématisées à la figure 15.8. La première phase est une étape d’adsorption chimique d’un film d’oxygène qui entraîne la dissociation du gaz, son ionisation et la saturation des valences libres des atomes du métal en surface. Dans une seconde phase, il y a formation de germes épitaxiques en des points déterminés de la surface (émergence des dislocations, précipités, etc.). La troisième phase est la croissance latérale des germes pour former une couche d’oxyde continue. Lorsque la couche d’oxyde est formée, celle-ci s’épaissit aux dépens du métal et de l’oxygène de l’air. Dans certains cas (Fe), la couche superficielle d’oxyde est poreuse et l’oxygène moléculaire (O2) a accès à la surface du métal par l’intermédiaire des pores, et la couche d’oxyde n’est pas protectrice, bien qu’avec le temps la vitesse de réaction d’oxydation diminue (fig. 15.9 (a)). Dans d’autres cas (Al, Cr, Si), la couche d’oxyde est dense et compacte. L’oxydation s’effectue alors, soit par adsorption chimique de l’oxygène en surface de la couche d’oxyde et migration d’ions O2– vers la surface du métal, soit par passage d’ions métalliques et d’électrons au travers de la couche d’oxyde vers l’interface oxyde-gaz, soit par ces deux mécanismes simultanément. La vitesse d’oxydation est alors beaucoup plus lente, la couche d’oxyde est protectrice et le métal semble inoxydable (fig. 15.9 (b)). Certains métaux réfractaires (tungstène, niobium, tantale) forment des oxydes volatils à haute température. Ces oxydes disparaissent à mesure de leur formation. Comme nous l’avons déjà signalé au chapitre 12, ces métaux à haut point de fusion ont une très mauvaise résistance à l’oxydation à température élevée (fig. 15.9(c)).
444
Introduction à la sciences des matériaux
FIG. 15.8 Mécanisme de croissance d’un film d’oxyde en surface d’un métal: (a) formation d’un film d’oxygène chimisorbé; (b) apparition des germes; (c) extension latérale des germes; (d) croissance de la couche d’oxyde compacte (d’après Bénard, Michel, Philibert et Talbot, 1984).
FIG. 15.9 Comportement divers des métaux à l’oxydation.
Trois éléments, le chrome, l’aluminium et le silicium sont connus pour accroître la résistance à la corrosion des alliages métalliques à haute température. On connaît ainsi les aciers inoxydables (Fe/Cr 18%/Ni 8% ou Fe/Cr 13% en poids), les superalliages (Ni/Cr 15%/Al 5% en poids, et quatre à six autres éléments) et les alliages avec lesquels on réalise les corps de chauffe (Fe/Cr 20% /Al 5 %). Le silicium est rarement introduit dans les alliages métalliques, car il a tendance à les rendre fragiles. À haute température, on utilise plutôt le carbure de silicium. Les corps de chauffe réalisés avec ce matériau céramique résistent plusieurs milliers d’heures à température élevée (T ≤ 1500 °C), ce qui n’est pas possible avec des alliages métalliques. C’est la présence, en surface du SiC, d’une couche protectrice de SiO2 autocicatrisante, qui est responsable de la stabilité exceptionnelle de cette céramique à température élevée en atmosphère oxydante. Quelques exemples de matériaux résistant à la corrosion sont donnés au tableau 15.10.
Dégradation, corrosion et vieillissement
445
TABLEAU 15.10 Quelques matériaux résistant à la corrosion. Matériaux
Systèmes[a]
Applications
1. Matériaux résistant à la corrosion à basse température Verre Polymères Acier inoxydable
SiO 2, CaO, Na2O Exemple: polyéthylène Fe (Cr2O3)
Alliages Al Ta Ti Alliage Co + Cr Métaux nobles
Al (Al2O3) Plaqué sur l’acier Plaqué sur l’acier Co (Cr2O3) Pt, Au, Ag
Récipients Récipients Installations chimiques installations hydrauliques Constructions métalliques, avions Industrie chimique Industrie chimique, implants Implants (chirurgie) Contacts électriques
2. Matériaux résistant à haute température en atmosphère oxydante Oxydes SiC Si3N4 Superalliages Métaux nobles
Al2O3, MgO SiC (SiO2) Si3N4 (SiO2) Ni, Co, (Al2O3, Cr2O3 ) Pt
Fours, creusets, outils de coupe Corps de chauffe Éléments de machines thermiques Aubes de turbine à gaz Corps de chauffe, creusets pour verres minéraux [a] La nature de la couche résistante est spécifiée entre parenthèses quand elle diffère du matériau.
15.4 DÉGRADATION DES POLYMÈRES 15.4.1 Généralités La résistance à la dégradation des polymères, qui sont des composés organiques, est très faible comparée à celle des autres types de matériaux. Les mécanismes qui interviennent sont très variés et ils interviennent dans diverses phases de l’élaboration et de l’utilisation des polymères. En général, les polymères sont peu stables au moment de la mise en œuvre qui se fait à des températures relativement élevées (180350 °C) pour une molécule organique. Divers types de dégradation sont possibles. Le plus élémentaire est le processus de pyrolyse qui intervient à l’état fondu lors du malaxage qui s’accompagne de la rupture sélective ou aléatoire suivant le cas d’un certain nombre de liaisons chimiques. Dans ces conditions, les polymères sont très sensibles à l’oxydation qui est induite par des traces d’oxygène qui sont présentes dans les malaxeurs de mise en œuvre. Dans la pratique, ces mécanismes de pyrolyse et d’oxydation à haute température se superposent et interfèrent entre eux. La dégradation du polymère intervient aussi après la mise en forme lors de son utilisation à température ambiante ou modérée. Ces dégradations sont en général d’origine photochimique. Dans ce cas, il y a habituellement couplage entre photodégradation et oxydation et on a affaire à de la photooxydation. Tous ces processus sont évidemment fonction de la structure chimique du polymère. Par exemple, la présence de certains substituants qui absorbent spécifiquement dans l’ultraviolet induit une sensibilité particulière à la photodégradation.
446
Introduction à la sciences des matériaux
Il est en général possible de modifier le déroulement des réactions de dégradation par l’utilisation de divers stabilisants qui modifient le mécanisme de la réaction de dégradation. En effet, les intermédiaires réactionnels sont souvent des radicaux libres présents en très faibles concentrations et qu’il est possible d’inhiber. Il faut aussi remarquer que certaines substances présentent en très petites quantités, les traces de métaux de transition par exemple, promeuvent la formation de radicaux libres et accroissent la dégradation, parfois de manière assez spectaculaire. Les signes tangibles de la dégradation d’un matériau polymère sont la fragilisation et la perte des propriétés mécaniques résultant d’une diminution de la masse molaire du polymères et les changements de coloration résultant de l’apparition de groupes colorés dans la chaîne. 15.4.2 Réactions de pyrolyse Deux cas limites sont à considérer dans la pyrolyse des polymères. La dégradation statistique procède par une rupture homolytique des liaisons caténaires. Dans ce type de rupture, les électrons de valence sont partagés entre les entités chimiques qui se forment, ce qui se traduit par la formation de radicaux libres: (15.7) C CH C CH C C •H + H2•C CH H2
H2
R
H2
R
R
R
Les radicaux libres formés disparaissent par divers mécanismes: C H2
C •H +
C CH H2 R
C CH H2 R
C CH H2
C • CH H R
R C H2
CH 2 + R
R
C H2
(15.8)
C
CH + H2C
R
R
La dégradation statistique entraîne une diminution progressive de la masse molaire. La dépolymérisation est l’inverse de la réaction de polymérisation: CH3
CH3 C H2
C
C H2
C•
C
O
C
O-CH3
CH3
CH3 C H2 O
O-CH3
C• + C
H2C O
O-CH3
C C
(15.9) O O-CH3
Cette réaction est amorcée par un petit nombre de radicaux libres formés par la rupture homolytique de liaisons moins stables, souvent situées à une extrémité de la
Dégradation, corrosion et vieillissement
447
chaîne. Durant la réaction la masse molaire du polymère n’est pratiquement pas modifiée car seules les macromolécules porteuses d’un radical dépolymérisent. La pyrolyse des polymères à haute température est en général une combinaison de ces deux mécanismes, et la proportion de monomère formé dans les produits volatils varie de zéro à 100%, suivant la structure chimique. Dans certains polymères comme le polyéthylène, on observe peu de formation de composés volatils et la dépolymérisation ne se produit pas. On observe également des réactions de réticulation qui entraînent l’insolubilisation du polymère. Par contre, dans un polymère comme le polyméthacrylate de méthyle décrit en (15.9), la dépolymérisation est totale. Par chauffage à une température relativement modérée (± 180 °C), on récupère 100 % du monomère de départ. Dans certains cas intermédiaires (polystyrène), on récupère environ 40% du monomère et il y a également formation d’oligomères (dimères, trimères, etc.). 15.4.3 Autooxydation. Indice d’oxygène limite (IOL) En raison de sa structure électronique particulière (l’oxygène est considéré comme un diradical), la molécule d’oxygène O2 est particulièrement réactive. L’oxydation thermique concerne de nombreux matériaux polymères incluant les polyamides, les polyuréthannes et les polyesters. Le cas des polyoléfines comme le polypropylène est particulièrement important. L’oxydation du propylène par l’oxygène est un processus radicalaire en chaîne qui est amorcé par la réaction suivante: CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C + O2 C C H
H
CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C C C • H H
H
CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C C C • H H
• + HO 2 (15.10)
CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C C C
+ O2
H
H
O • O
L’hydrogène tertiaire porté par le groupement –CH– est labile et facilement arraché par l’oxygène moléculaire. Le macroradical formé est particulièrement réactif et réagit avec une molécule d’oxygène O2. Le radical peroxy formé arrache un atome d’hydrogène préférentiellement par un mécanisme intramoléculaire: CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C C C • H H
+ O2
CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C C C H O •
O
H
(15.11)
448
Introduction à la sciences des matériaux
CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C C C
CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C C C • OOH H
H
O H O • Cette réaction se déroule de préférence de manière intramoléculaire et entraîne la peroxydation progressive de la chaîne. Chaque unité structurale peroxydée est instable et sa décomposition entraîne la fragmentation progressive de la chaîne avec formation aux extrémités de la chaîne fragmentée d’un groupement cétone ( C O ) et d’un groupement hydroxyle (O–H): CH3 H2 CH3 H2 CH3 C C C C C
CH3 H2 C OH C
H
H
O
H
HO
Chaîne terminée par un groupement hydroxyle
CH3 H2 CH3 C C C
+
O
(15.12)
H
Chaîne terminée par un groupement cétone
La fragmention de la chaîne entraîne une diminution du taux de cristallinité et la perte progressive des propriétés mécaniques du polymère. De manière générale, la dégradation des polymères à haute température est considérablement accélérée par la présence d’oxygène qui, dans certains cas, entraîne la combustion du polymère. Une caractéristique importante d’un polymère est son indice d’oxygène limite (IOL) qui donne la proportion minimale d’oxygène nécessaire pour entretenir la combustion dans une atmosphère constituée de N2 et de O2 (tab. 15.11). Un IOL élevé caractérise une grande résistance du polymère à la combustion. TABLEAU 15.11 Indice d’oxygène limite IOL (%). Polymère
IOL (%)
Poly(éthylène) (PE) Poly(méthacrylate de méthyle) (PMMA) Polystyrène (PS) Poly(carbonate de bisphénol-A) (PC) Poly(chlorure de vinyle) (PVC) Poly(tétrafluoroéthylène) (PTFE)
17 17 18 27 49 95
15.4.4 Photodégradation et photooxydation La photodégradation est l’aspect le plus important du vieillissement climatique des polymères. Ceux-ci contiennent en général des groupements susceptibles d’absorber les radiations ultraviolettes de la lumière solaire. C’est le cas du cis 1-4 poly(isoprène), c’est-à-dire du caoutchouc naturel:
Dégradation, corrosion et vieillissement
CH3
CH3 C C H2
449
C H
hv
C H2
C C H2
C H
•
+ H • (15.13)
C H
Le macroradical formé conduit à une réticulation et entraîne le durcissement, la fragilisation et la perte d’élasticité du caoutchouc: CH3 2
C C H2
CH3 •
C H
C H
C C H2
C H
C
C
C H
C
C H2
(15.14)
CH3 En présence d’oxygène, le macroradical radical réagit avec l’oxygène pour former un radical peroxy: CH3
CH3 C C H2
C H
•
+ O2
C H
C C H2
O
C H
C H
O•
(15.15)
Cette réaction conduit à la formation de groupements peroxydes qui réagissent suivant un mécanisme similaire à celui exposé en (15.12). La photodégradation, qui est presque toujours couplée à l’oxydation, entraîne la diminution de la masse moléculaire et la perte des propriétés mécaniques. Comme les polymères sont en général peu perméables aux UV, la dégradation photochimique est souvent limitée à la surface. 15.4.5 Stabilisation des polymères Les intermédiaires réactionnels qui interviennent dans la dégradation thermique et photochimique des polymères sont, en général, des radicaux libres. Il existe différents stabilisants (antioxydants, stabilisants UV) qui permettent, soit d’inhiber la formation de radicaux libres, soit de les détruire et d’augmenter ainsi, de manière très importante, la longévité des polymères. Dans cet exposé élémentaire, nous nous limiterons à décrire à titre illustratif, l’action de deux types d’antioxydants. Diverses substances sont capables de réagir avec les radicaux libres (chain breaking antioxidants) qui sont les vecteurs de la réaction d’oxydation pour donner des produits inertes. Les antioxydants les plus utilisés sont les phénols substitués dont le plus connu est l’ionol (di(t-butyl-p-crésol) dont la formule est la suivante:
HO
CH3
Ionol
(15.16)
450
Introduction à la sciences des matériaux
Une nouvelle catégorie d’antioxydants très efficaces récemment introduite par Ciba sont des lactones aromatiques qui possèdent un hydrogène très réactif. Le mécanisme d’action de ces antioxydants est particulièrement simple. Il est décrit à la figure 15.12. L’atome d’hydrogène placé en α du groupe carbonyle ( C O ) de la lactone est très labile et réagit avec un radical libre. Le radical formé, très stable, disparaît par addition d’un radical R3C • ou R3C–O •.
O
O
C
H
+
R
•
+
•
O
O
O
O
O
RH
O R
•
+
R
•
FIG. 15.12 Les lactones comme inhibiteurs d’oxydation.
Il existe un second type d’antioxydant appelé antioxydants préventifs. Ceux-ci agissent en détruisant les peroxydes formés par des mécanismes non radicalaires. Un exemple classique est celui des triphosphites: P O
C9 H19 + R OOH
R OH + O P O
3
p-tri-nonyl-phénylphosphite
C9 H19 (15.17) 3
peroxyde
alcool
p-tri-nonyl-phénylphosphate
Les peroxydes sont transformés en produit inerte (alcool et phosphate). Il existe divers procédés pour inhiber la photodégradation qui peut être extrêmement agressive dans certains environnements. Citons les revêtements protecteurs, les filtres UV et les agents de desactivation (quenchers) des radicaux. Remarquons que l’emploi de certains pigments (noir de carbone), qui rendent les polymères opaques, augmentent également considérablement la durée de vie des matériaux organiques, et en particulier des pneumatiques de voiture.
Dégradation, corrosion et vieillissement
451
15.4.6 Dégradation et stabilisation du PVC La dégradation du PVC est un cas particulier car elle intervient sans rupture de chaîne. Sa dégradation est une déhydrochloration spontanée qui se produit lors de la mise en œuvre à des températures relativement basses (dès 160 °C) et qui se traduit par la formation de courts segments de polyacétylène: C H
C CH H2 Cl n
C H n
(15.18)
+ n HCl
Ces courts segments de polyacétylène (semiconducteurs électriques) colorent fortement le PVC même à des concentrations très faibles. On stabilise le PVC à l’aide de sels d’acides organiques et de cations bivalents ((CA ++, Ba++, Cd++, Pb++, …) qui neutralisent le chlorure d’hydrogène à mesure de sa formation: Ba(O-CO-R) 2 + HCl → BaCl2 + 2 R–CO–OH
(15.19)
Le chlorure d’hydrogène, qui exerce un effet catalytique sur la déhydrochloration, est très corrosif pour l’équipement. La déhydrochloration est amorcée par un certain nombre d’unités structurales anormales introduites au moment de la synthèse dans la chaîne du PVC. Ces unités qui comprennent une liaison double carbone-carbone adjacente à un atome de carbone portant un atome de chlore peuvent être détruites par des réactifs spécifiques comme certains dérivés organiques de l’étain: Cl C H
C H
C H
C H2
+ Bu2 Sn SCH2
unité anormale
C H
C CH C + H H2 SCH2 OCO R
OCO R
2
dérivé organostanique
Bu2 Sn
(15.20)
Cl
SCH2
OCO
R
15.4.7 Résistance des polymères à la corrosion et aux agents chimiques La résistance d’un polymère à la corrosion et aux agents chimiques est fonction de sa structure moléculaire. Un certain nombre de polymères (polyoléfines-polyfluorés) ont une excellente résistance aux agents chimiques et aux solvants, et ils peuvent être utilisés pour stocker des liquides très corrosifs (acides–bases–solvants organiques). Il faut souligner que les mécanismes de corrosion des polymères sont très complexes et ne sont jamais de nature électrochimique comme dans les métaux car, en règle générale, les polymères ne sont pas des conducteurs électriques.
452
Introduction à la sciences des matériaux
15.5 RÉSISTANCE DES CÉRAMIQUES À LA CORROSION CHIMIQUE Si les céramiques sont en général des matériaux très résistants à la corrosion, il existe néanmoins des exceptions. Ainsi, la corrosion des verres minéraux peut être importante en présence d’hydroxyde de soude (alcali) qui hydrolyse le réseau silicique de surface: O Si O
O
O O
Si
+ OH –
Si
O OH +
O
O
Si
O–
(15.21)
O
Cette réaction d’hydrolyse entraîne un ternissement de la surface. Même en présence d’eau pure, un certain échange ionique peut se produire avec les ions alcalins ou alcalino-terreux des verres minéraux: O O Si
O– Na+ + H2 O
O
Si
OH + OH –
(15.22)
O
On fabrique des verres spéciaux destinés au stockage de certains liquides sensibles (médicaments) aux alcalis. Ces verres ont subi des traitements chimiques qui éliminent les ions solubles en surface. Une autre catégorie de céramiques, très sensibles à la dégradation, est constituée par les matériaux de construction (béton, ciment, pierre calcaire, brique). Le carbonate de calcium de la pierre et certains sels calcaires des bétons et des ciments sont dissous très lentement sous l’action des ions HCO3–, SO32– et SO42– contenus dans certaines eaux de pluie. Cette corrosion atteint principalement le réseau de capillaires superficiels de ces matériaux et sous l’action des cycles de mouillage – séchage, il se forme une croûte dégradée en surface des matériaux (cancer de la pierre). Un autre type de dégradation des matériaux de construction est la destruction superficielle et profonde sous l’action des cycles de gel-dégel. L’eau qui pénètre dans les réseaux capillaires des matériaux de construction se congèle, à des températures plus ou moins basses, en fonction du diamètre des pores, et entraîne un éclatement du matériau. Sous nos climats, il semble que les matériaux contenant des capillaires de diamètres intermédiaires (0,2 à 0,5 µm) soient les plus sensibles à la dégradation, l’eau ne gelant pas sous nos climats dans les capillaires de plus petite dimension.
15.6 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Dans l’utilisation des matériaux, il faut accorder une grande importance aux effets de l’environnement qui peuvent entraîner une variation considérable des propriétés physiques et mécaniques.
Dégradation, corrosion et vieillissement
453
Le vieillissement peut avoir une origine physique ou chimique. Les mécanismes de vieillissement varient de manière importante en fonction du type de matériau. Dans les métaux, la corrosion qui se produit à température ambiante est essentiellement une réaction, de nature électrochimique, entre les constituants du matériau et l’oxygène de l’air. Cette réaction d’oxydation est catalysée par l’humidité. La formation de couches de passivation permet d’abaisser sensiblement la vitesse de corrosion. À haute température, c’est la corrosion sèche qui survient et en particulier l’oxydation. Lorsque la couche d’oxyde formée est dense et compacte, elle protège la surface du matériau contre une oxydation ultérieure. Dans les polymères organiques, la dégradation résulte de la rupture d’un certain nombre de liaisons de la chaîne sous l’action conjuguée ou non de la lumière, de la température et de l’oxygène de l’air. Ces réactions très complexes se produisent en général par l’intermédiaire de radicaux libres. Elles sont considérablement diminuées par des substances (stabilisants) capables d’éliminer la formation ou d’entraîner la neutralisation de ces radicaux. Les céramiques, qui sont en majeure partie composées d’oxydes, sont en général beaucoup plus stables. Néanmoins, dans certains cas, elles peuvent subir des corrosions importantes sous l’influence des polluants chimiques présents dans l’atmosphère et dans les précipitations.
15.7 EXEMPLE ILLUSTRATIF: CORROSION DU BÉTON ARMÉ PAR LES SELS DE DÉNEIGEMENT OU PAR IMMERSION EN MILIEU MARIN Le béton a été longtemps considéré comme un matériau inerte et stable dans le temps. Cependant, après quelques années, les constructions en béton armé présentent souvent des dégradations. C’est le cas de certains ponts construits dans les années 5060 qui sont fortement corrodés, ce qui diminue leur sécurité. Dans les conditions normales, l’armature en acier du béton est bien protégée. En effet, l’eau résiduelle conservée dans les pores du béton est fortement alcaline (pH ≈ 13). Le milieu favorise la formation de couches protectrices (passivation) qui se forment après l’hydratation du ciment. Cette couche protectrice est constituée d’oxyde de fer compacte qui empêche l’attaque corrosive du métal. L’alcalinité du béton diminue progressivement au cours du temps par lessivage de certains constituants hydratés du ciment. Parmi ceux-ci, la chaux Ca(OH)2 est le plus soluble. L’eau la dissout progressivement quel que soit son pH. Cette dissolution, qui entraîne une diminution du pH du matériau, est accompagnée de diverses modifications qui diminuent la résistance du béton. Lorsque la chaux passe en solution sans réagir, on a un processus d’érosion. Lorsque le béton entre en contact avec le CO2 de l’air, ce qui est quasiment le cas dans toutes les constructions, l’hydroxyde de calcium formé lors de l’hydratation des silicates est neutralisé:
454
Introduction à la sciences des matériaux
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O
(15.23)
Le caractère basique est diminué jusqu’à un pH compris entre 8 et 9,5. Les armatures de fer se trouvent ainsi plus ou moins rapidement dans un milieu plus agressif et la dégradation peut démarrer. La cinétique de cette carbonatation dépend principalement de la perméabilité du béton et de la composition de l’atmosphère environnante. De nombreux ouvrages routiers, à peine âgés de 20 ans, présentent déjà des dégradations graves dues à ce phénomène. Les produits de corrosion des armatures en acier occupent un volume beaucoup plus important que le métal non dégradé, ce qui provoque des gonflements, des fissurations ou des éclatements de la structure du béton. Il en résulte un accès plus aisé des agents agressifs et une aggravation de la corrosion. Les sels dissous dans l’eau en contact avec l’ouvrage en béton, qui réduisent la couche de passivation des armatures, accélèrent considérablement la corrosion. Il s’agit principalement de chlorure de sodium introduit par les agents de déneigement des routes ou de l’eau de mer dans le cas d’ouvrages marins ou situés près des côtes. Ces sels pénètrent progressivement le béton par l’intermédiaire de la porosité du matériau. Dans le cas d’ouvrage marin, la pénétration du sel est favorisée par l’existence de cycles de séchage et d’immersion. C’est en général la partie des ouvrages en contact occasionnel avec l’eau marine qui est la plus vulnérable. Les infrastructures situées à grande profondeur sont beaucoup moins corrodées en raison du manque d’oxygène. La présence de sels détruit localement la couche de passivation permettant un contact directe entre le métal et l’électrolyte, ce qui entraîne la dissolution du fer: Fe + Cl– → Fe++ + 2 e–
(15.24)
Pour prévenir la corrosion des armatures métalliques, l’électrochimie peut apporter une certaine protection, par exemple par utilisation d’une anode sacrificielle, suivant le même principe que celui adopté pour les bateaux ou les conduites souterraines (fig. 15.6). Une plaque métallique (anode) est connectée à la construction constituant une pile électrochimique avec le fer (cathode). L’anode se détériore lentement protégeant ainsi le fer de l’armature. On peut également utiliser un faible courant continu qui assure la protection de l’acier, même en présence d’eau ayant un pH faible. C’est cette dernière méthode qui va être utilisée pour la protection de l’autoroute de ceinture de Berlin dont les ouvrages sont fortement corrodés. On envisage aussi de galvaniser les armatures métalliques. Dans les conditions initiales de pH du béton (pH ≈ 13), l’armature galvanisée se couvre d’un film compact d’hydroxyzincate de calcium ((Ca(Zn(OH)2, 2H 2O) qui protège l’armature métallique de la corrosion. Lorsque le pH du béton diminue, la protection par passivation du zinc n’est plus efficace mais néanmoins la couche de zinc joue son rôle protecteur habituel et la corrosion est considérablement réduite. Cependant, cette protection n’est pas durable car la couche de zinc se consomme progressivement. La dégradation du béton est un phénomène d’une grande complexité et elle n’est pas encore complètement maîtrisée actuellement.
Dégradation, corrosion et vieillissement
455
15.8 EXERCICES 15.8.1 Quel est le potentiel électrique E d’une demi-cellule électrolytique constituée par un plaque de cuivre placée dans une solution contenant 200g d’ions Cu++ dilués dans 1000 g d’eau? 15.8.2 On dépose du cuivre par un procédé électrolytique sur une cathode de 1 cm2 de surface, en utilisant un courant ayant une intensité de 10 A. En employant l’équation de Faraday: w =
Itma nF
où • w est le poids du recouvrement déposé ou de la perte par corrosion déposé par unité de temps (gs–1); • I , l’intensité du courant électrique (A); • ma , la masse atomique du métal (g); • t , le temps (s); • n , le nombre d’électrons produits ou consommés; • F , la constante de Faraday = 96 500 (Cmole–1 ou A s mol–1); calculer: • le poids de cuivre déposé par heure; • le temps requis pour manufacturer un revêtement de 1 µm de cuivre. 15.8.3 Une pile électrochimique est constituée par une électrode de cuivre et une électrode de zinc de 100 cm2. La densité de courant en surface de chaque électrode étant égale à 0,05 A cm–2, calculer: • le courant de corrosion; • la densité de courant à l’anode de zinc; • la perte de zinc à l’heure et le gain en poids de la cathode de cuivre. 15.8.4 Décrire succinctement l’action de la lumière sur le caoutchouc naturel constituant les pneumatiques de voiture. Comment peut-on limiter cette dégradation ? 15.8.5 Expliquer la différence entre oxydation et réduction électrochimiques. Quelle est la réaction qui se produit à l’anode et quelle est celle qui intervient à la cathode ? 15.8.6 Quel est le temps nécessaire pour effectuer un dépôt électrolytique de nickel de 2 mm d’épaisseur sur une surface d’acier de 10 cm2 en faisant passer un courant ayant une intensité de 5 A dans une solution de sulfate de nickel ? 15.8.7 Un volume de 1 cm3 de magnésium est oxydé en MgO. Quel est le volume de l’oxyde formé ? 15.8.8 À la température de 1000 °C, le nickel s’oxyde suivant l’équation parabolique: x =
kt
456
Introduction à la sciences des matériaux
où • x représente l’épaisseur de la couche d’oxyde; • k est une constante égale à 3,9 10–12 cm2s–1 pour une atmosphère d’oxygène; • t représente le temps. Calculer le temps nécessaire pour obtenir un film d’oxyde de nickel de 1 mm d’épaisseur, en admettant que la loi de transformation n’est pas affectée par la variation de l’épaisseur du film. 15.8.9 Quelles sont les principales précautions à prendre pour éviter la corrosion électrochimique d’un pont comprenant des éléments métalliques ? 15.8.10 Quelles sont les différence entre les modes de corrosion des métaux et des céramiques ?
15.9 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES A. BAUTISTA et J . A . GONZALEZ, Cement and Concrete Research, 26, 215, 1996. J.P. CHILTON, Principles of Metallic Corrosion, 2nd ed., The Chemical Society, 1973. U.R. EVANS, The Corrosion and Oxidation of Metals, Arnold, London, 1978. D.R. GABE, Principles of Metal Surface Treatment and Protection, 2nd ed. , Pergamon, Oxford, 1978. T. KELEN, Polymer Degradation, Van Nostrand Reinhold, New York, 1983. O. KUBASCHEWSKI, B.E. HOPKINS, Oxidation of Metals and Alloys, 2nd ed., Butterworths, London, 1962. D. LANDOLT, Corrosion des métaux et chimie de surfaces des métaux, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1993. A. NEVILLE, Materials and Structures, 28, 63, 1995. J. F. RABEK, Photodegradation of Polymers, Springer, Berlin, 1996. J.C. SCULLY, The Fundamentals of Corrosion, 2nd ed., Pergamon, Oxford, 1975. W. SCHNABEL, Polymer Degradation, Hanser, Munich, 1992. H.H. UHLIG, Corrosion and Protection, Dunod, Paris, 1970.
CHAPITRE 16
MATÉRIAUX COMPOSITES
16.1 OBJECTIFS • Passer en revue les principaux types de composites fibreux. • Établir le comportement mécanique des composites fibreux dans le domaine élastique. • Identifier les principales structures sandwiches. La technologie moderne a besoin de matériaux qui allient à la fois rigidité, résistance mécanique, ténacité élevée et une grande légèreté. Aucun matériau simple ne permet de combiner ces caractéristiques physiques, et pour atteindre cet objectif il faut nécessairement utiliser un matériau composite. Dans ce domaine, les matériaux composites à base de fibres jouent un rôle de plus en plus important dans les techniques avancées. Ce chapitre sera limité presque exclusivement à une étude élémentaire de ce type de composite en mettant l'accent sur les composites à matrice polymère.
16.2 INTRODUCTION Les matériaux composites sont vieux comme le monde. Il y a plusieurs millénaires, les artisans de l’Égypte ancienne augmentaient déjà les propriétés mécaniques des briques par une adjonction de paille courte à l’argile fraîche. Certains matériaux naturels comme le bois (fibre de cellulose dans une matrice de lignine) et l’os (mélange complexe de collagène et de phosphate de calcium) sont des matériaux composites. Il n’existe pas de définition simple d’un matériau composite. En effet, un grand nombre de matériaux modernes sont des alliages. Ils sont constitués d’un mélange à l’échelle microscopique de plusieurs phases, de structure et de composition chimique distinctes, concourant de manière synergique aux propriétés physiques, chimiques ou mécaniques des matériaux. D’une manière stricte, certains alliages (ex. polystyrène choc, ABS) peuvent être classifiés comme matériaux composites. Les polymères chargés par des substances minérales divisées (TiO2-CaCO3) constituent également des matériaux composites ou des céramiques comme la porcelaine. On réserve de plus en plus la dénomination matériaux composites aux matériaux constitués d’une matrice continue renforcée par des fibres. Ces fibres résistantes sont noyées dans une matrice qui les maintient en place et assure la cohésion de l’ensemble. Les propriétés mécaniques des composites fibreux dépendent de la quantité, de la dimension et surtout de l’orientation des fibres. Nous n’aborderons ici que l’étude des composites à matrice organique qui sont, actuellement, les plus utilisés.
458
Introduction à la science des matériaux
Nous aborderons également l’étude des structures sandwiches qui combinent à une plus grande échelle, l’ensemble des matériaux pour former des structures fonctionnelles. Les matériaux composites à base de fibres permettent de fabriquer des objets, des éléments de machine, des structures industrielles qui ne seraient pas réalisables avec les matériaux traditionnels. La plupart des matériaux de base des composites organiques fibreux (fibres de renfort et matrices) étaient déjà connus et utilisés au début des années 80. Ce qui a amené le développement de ce type de matériau dans les années 90, c’est, en grande partie, le résultat de la révolution informatique qui est à la base de la conception et de la fabrication assistées par ordinateur (C.F.A.O.) ainsi que l’introduction de la commande numérique sur les machines-outils. Certes, ces nouvelles méthodes de travail s’appliquent à tous les types de matériaux, mais c’est avec les matériaux composites qui sont presque toujours fabriqués sur mesure pour des applications spécifiques que ces méthodes trouvent leur pleine application. L’importance technologique des matériaux composites à base de fibres n’a cessé de croître durant la dernière décennie. Leur introduction a révolutionné certains domaines notamment ceux liés aux sports, aux loisirs et aux technologies avancées. Des composants structuraux pour avions commerciaux et des cellules complètes pour avions de tourisme sont maintenant fabriqués en composites à base de fibres. Toutefois, les composites ne se sont pas substitués aux alliages d’aluminium comme matériaux structuraux de base comme le prévoyaient certaines études prospectives des années 80. Ce n’est que dans le cas des avions de tourisme que l’on fait un appel massif à ces matériaux avancés pour réaliser l’ensemble de la cellule. De même, dans le domaine spatial, pour les satellites en particulier, on utilise massivement ces matériaux. Même l’automobile, domaine plutôt traditionnel, s’ouvre progressivement aux composites pour certaines pièces structurales (ressorts de suspension) ou de carrosserie (portières de hayon)
16.3 MATÉRIAUX COMPOSITES À BASE DE FIBRES 16.3.1 Comportement élastique Nous nous limiterons ici au cas simple des composites dont les fibres continues sont orientées dans une seule direction. Nous supposons également que les composants ont un comportement élastique et qu’il y a adhésion parfaite entre la fibre et la matrice. Lorsqu’une force de traction est appliquée sur la section S du composite, dans une direction parallèle au sens des fibres (fig. 16.1(a)), la déformation est identique pour les fibres et pour la matrice (ε c = εf = εm = ε), et la charge Fc appliquée à l’éprouvette se répartit sur les fibres et sur la matrice. La force F f nécessaire à l’élongation des fibres est donnée par: (16.1) Ff = ε E f Sf où Ef et Sf sont respectivement le module de Young et la surface de la section occupée par les fibres.
Matériaux composites
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FIG. 16.1 Variation du module d’élasticité Ec d’un composite fibreux unidirectionnel en fonction de la fraction volumique en fibre lorsque les fibres sont parallèles à la direction de traction (a) et perpendiculaires à celles-ci (b). Em et Ef représentent respectivement le module de la matrice et le module de la fibre.
La force F m requise pour la déformation de la matrice est égale à: Fm = εE m Sm
(16.2)
où Em et Sm représentent respectivement le module et la surface de la section occupée par la matrice. La force F requise pour déformer le composite dans une direction parallèle aux fibres s’écrit: Fc = Ff + Fm = ε (Ef S f + EmS m)
(16.3)
Le module d’élasticité du composite se déduit de l’expression (16.3): Ec =
S Fc S = E f f + Em m εS S S
(16.4)
Comme Sf/S et S m /S sont respectivement égales à la fraction volumique des fibres f et à celle de la matrice (1 – f ), on obtient: Ec = Em (1 − f ) + E f f
(16.5)
Dans les composites fibreux, le module d’élasticité de la fibre est en général considérablement plus élevé que celui de la matrice, et la quasi-totalité de la force de traction est appliquée à la phase fibreuse. Pour fixer les idées, considérons un composite de fibres de carbone (Ef = 300 GPa) et de résine époxyde (Em = 2 GPa) contenant 50% de fibres en volume. On calcule: Ec = 1 + 150 = 151 GPa
(16.6)
En pratique, on peut donc dire que la contrainte est transférée intégralement au renfort fibreux.
460
Introduction à la science des matériaux
Si la force F est appliquée dans une direction perpendiculaire au sens des fibres (fig. 16.1(b)), la contrainte appliquée aux fibres et à la matrice est identique:
σc = σ m = σ f
(16.7)
Dans ce cas, l’allongement du composite est égal à la somme des allongements de la fibre et de la matrice: ∆lc = ∆l f + ∆lm
(16.8)
Ceci implique que la déformation relative εc du composite est reliée à la déformation relative de la fibre et de la matrice par:
εc = εf f + εm(1 – f)
(16.9)
En introduisant les modules d’élasticité, on peut écrire:
σ f (1 − f )σ m σc = f + Ec Ef Em
(16.10)
On obtient à partir de (16.7): f 1− f 1 = + Em Ec E f
(16.11)
En calculant suivant (16.11) le module Ec pour le composite fibre de carboneépoxyde mentionné plus haut, on obtient: Ec =
1 ≈4 [0,5 / 300 + 0,5 / 2]
(16.12)
Dans ce cas, on observe que, jusqu’à une fraction volumique relativement élevée, le renfort fibreux influence très peu la rigidité du composite (fig. 16.1(b)). Dans ces conditions, on ne tire pas parti du module d’élasticité élevé des fibres. Comme on peut le voir à la figure 16.2, des conclusions identiques s’imposent pour la résistance à la rupture qui est maximale lorsque la traction s’exerce parallèlement aux fibres. Pour tirer parti des propriétés mécaniques élevées des composites à base de fibres, il est absolument indispensable de les utiliser dans des conditions où la force de traction a une direction parallèle ou quasi parallèle aux fibres. C’est ce qui explique que les composites fibreux non orientés aient des propriétés mécaniques beaucoup moins élevées que les composites bi- ou surtout unidirectionnels. Ainsi, on montre que le module d’élasticité d’un composite fibreux avec orientation aléatoire (3D) vaut 1 du module d’élasticité parallèle aux fibres du com5 posite unidirectionnel de même composition. Dans le cas d’une répartition statistique (2D) dans un plan, le module d’élasticité parallèle au plan est égal à 3 du module 8 d’élasticité maximum d’un composite unidirectionnel de même composition. Jusqu’à présent, nous n’avons pris en considération que des fibres longues. On montre que les composites constitués de fibres courtes ont une résistance mécanique équivalente à celle des composites à fibres de longueur infinie si le rapport de la lon-
Matériaux composites
461
FIG. 16.2 Effet de l’orientation des fibres sur le module d’élasticité Ec (a) et la résistance Rm (b) d’un composite résine époxyde-fibre de carbone (d’après Davis, 1984).
gueur de la fibre à son diamètre (facteur de forme: l/d ) dépasse une certaine valeur critique de l’ordre de 100. La valeur critique lc est donc d’autant plus grande que le diamètre de la fibre de renfort est élevé. Dans ces calculs, on suppose une adhésion parfaite entre la fibre et la matrice qui ont toutes deux un comportement élastique idéal. 16.3.2 Principaux agents de renfort fibreux Les principaux types d’agents de renfort fibreux utilisés dans la plupart des composites organiques se limitent à trois groupes: les fibres de verre, de carbone et de polyamides aromatiques (aramides). Leurs caractéristiques mécaniques et physiques principales sont reprises au tableau 16.3. TABLEAU 16.3 Caractéristiques mécaniques et physiques importantes des principaux agents de renfort (filaments vierges) [a]. Fibres de verre
Fibres de carbone
Fibres d’aramide Kevlar 49® [d]
R
S
HM [b] HR [c)
73
87
~500
~230
131
Résistance à la rupture en traction [MPa]
3450
4600
~2300
~4000
~2800
Résistance à la rupture en compression [MPa]
1200
1300
1300
1800
500
Déformation à la rupture en traction, [%]
~4,7
~5,4
~0,5
~ 1,4
2,6
Module de traction [GPa]
Diamètre [µm] Masse volumique [g cm–3]
5 à 25 ~2,58
~2,50
6 à 10 ~1,9
~1,77
12 1,45
[a] Il existe une grande dispersion dans les résultats donnés dans la littérature, les valeurs données ici sont des valeurs moyennes; [b] HM = haut module; [c) HT = haute résistance; [d] marque déposée de Du Pont de Nemours.
462
Introduction à la science des matériaux
Les fibres de verre constituent actuellement l’agent de renfort le plus employé en raison de leurs caractéristiques mécaniques et de leur prix de revient modéré. La plupart (~95%) des fibres de verre utilisées actuellement sont des borosilicates d’alumine contenant des petites quantités (~1%) de fondants (Na2 O + K2O) (fibres de verre E) qui abaissent la viscosité du verre et permettent le filage du verre à plus basse température. On fabrique également des fibres de verre à plus haute résistance mécanique (fibres de verre S) dans lesquelles il n’y a pratiquement aucun apport ni d’oxyde de bore, ni d’oxyde alcalin. Ces compositions ont des viscosités à l’état fondu nettement plus grandes et elles doivent être filées à températures plus élevées, ce qui augmente de manière sensible le prix de revient. Les fibres de verre E sont filées à une température de 1250 °C à travers des filières en alliage de platine et de rhodium à très grande vitesse (plusieurs dizaine de mètre/s) et refroidies à l’air et ensuite à l’eau. Chaque filière comporte un nombre important d’orifices (entre 400 et 4000) de 2 mm de diamètre environ. Après ensimage, les filaments, qui ont un diamètre compris entre 5 à 25 µm sont réunis pour former le fil de base. Les fibres S s’obtiennent par le même procédé mais elles sont filées à une température supérieure à 1500 °C. Le procédé de fabrication des fibres de carbone a été décrit dans l’exemple illustratif du chapitre 2. Parmi les divers types de fibres de carbone commercialisés actuellement, on distingue deux catégories principales: les fibres à module élevé (HT) et les fibres à haute résistance (HR). Leurs caractéristiques principales sont également reprises au tableau 16.3. La structure de la fibre de poly(téréphtalamide de p-phénylène), commercialisée par Du Pont sous le nom de Kevlar® est décrite au chapitre 5. Ses caractéristiques principales figurent également au tableau 16.3. Il est intéressant de comparer les caractéristiques mécaniques des trois familles de fibres de renfort reprises au tableau 16.3 et à la figure 16.4. Leur résistance à la rupture en traction se situe, en général, dans une fourchette de valeur relativement 6000 Fibre de carbone HR
Contrainte σ (MPa)
4000
Kevlar 49
Verre S Verre E
de 3000 Fibre carbone HM
2000 1000 0
0
2 4 Déformation ε (%)
6 %
FIG. 16.4 Courbe de traction de différentes fibres de renfort (d’après Hull, 1981).
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463
étroite entre 3000 et 5000 MPa. Les valeurs du module de Young de ces fibres sont très différentes. Elles varient dans une proportion de 1 à 7 entre la fibre de verre et la fibre de carbone haut module. Cette caractéristique a une conséquence directe sur l’élongation à la rupture des fibres. Celle-ci est nettement la plus faible pour les fibres à plus haut module comme les fibres de carbone. Pour les fibres ayant un module moins élevé comme les fibres de verre, on observe des valeurs de l’allongement à la rupture supérieures à 5%, ce qui est exceptionnel pour un matériau à rupture fragile. Certaines trichites présentent un comportement mécanique similaire mais avec, en général, un allongement à la rupture moindre. La fibre de verre représente un cas quasi unique d’élasticité linéaire caractérisé par un allongement à la rupture aussi important. Ce comportement mécanique exceptionnel est induit par le taux d’étiration extrêmement élevé de la fibre de verre à la sortie de la filière qui oriente les chaînes de silicates parallèlement à la fibre et qui élimine la majeure partie des défauts superficiels (microfissures) responsables de la fragilité du verre minéral en masse (chap. 13). Précisons également que l’allongement à la rupture des fibres diminue lorsque celles-ci sont introduites dans un composite. À titre d’exemple, l’allongement à la rupture des fibres de verre S diminue de 5,2 à 4% environ; celui des fibres de Kelvar® , de 2,5 à environ 2%. Cette variation importante de l’élongation à la rupture des différents types de fibres a une importance capitale sur le choix des agents de renfort. Ainsi, lorsqu’on désire fabriquer des composants flexibles et déformables, on utilise de préférence des fibres de verre. La première réalisation d’une pièce structurale en composite dans l’industrie automobile a été faite en 1981 par General Motor qui a fabriqué les ressorts à lames de la suspension de la Corvette en composite-fibre de verre époxy. Ces pièces structurales subissent des déformations importantes. Le ski et la perche de saut constituent deux autres exemples d’objets subissant des déformations mécaniques importantes durant leur utilisation et on incorpore une proportion élevée de fibres de verre dans leur fabrication. Par contre, dans l’aviation où des éléments peu déformables et très rigides sont recherchés, on utilise surtout des fibres de carbone. Divers éléments des avions sont actuellement réalisés en composites organiques renforcés par des fibres de carbone: empennages, certains ailerons, etc. La résistance en compression des diverses fibres est également un facteur primordial à considérer pour la sélection de l’agent de renfort. La fibre de Kevlar® dont la résistance en compression est très médiocre (tab. 16.3) est à proscrire pour certaines applications en raison de cette caractéristique. Ainsi, dans le cas d’éléments en forme de poutre travaillant en flexion, on n’introduit jamais de fibres de Kevlar® dans la partie de la poutre travaillant en compression. D’autres éléments interviennent dans la sélection d’une fibre, comme une faible masse volumique, ce qui avantage Kevlar® et fibres de carbone. Celles-ci possèdent, en outre, une conductivité électrique et thermique élevées. Ces caractéristiques secondaires sont importantes pour certaines applications. Un autre élément essentiel est le facteur économique qui favorise fortement la fibre de verre. En effet, suivant le type, les autres fibres de renfort sont entre 10 et 500 fois plus chères. Il est à prévoir que l’abaissement du prix de revient de la fibre
464
Introduction à la science des matériaux
de carbone, qui serait rendu possible par de nouvelles méthodes de fabrication, permettrait une utilisation beaucoup plus large de cette fibre. Différents traitements de surface des fibres de renfort ont été développés pour augmenter l’adhésion entre la fibre et la matrice et favoriser le transfert de charge entre matrice et agent de renfort. Les traitements de surface, qui ont été développés surtout pour la fibre de verre, ont conduit à la mise au point d’un procédé d’enrobage (ensimage) de la fibre très complexe. Celui-ci a également comme rôle de préserver l’intégrité physique de la fibre durant le processus industriel. La fibre de verre est, en effet, très sensible aux manipulations qui sont susceptibles d’induire les défauts de surface et de diminuer sa résistance mécanique. La formule d’ensimage comporte des agents filmogènes collants comme des émulsions ou des suspensions de poly(acétate de vinyle) qui protègent la surface des filaments et permettent de les associer pour former un fil. Un composé très important de l’ensimage est l’agent de couplage, qui est un réactif capable de se lier chimiquement avec une matrice organique et avec la surface de la fibre de verre et qui fait en quelque sorte la liaison entre la fibre et la matrice organique. L’agent de couplage est un promoteur d’adhésion. Les agents de couplage les plus utilisés sont les silanes dont le mécanisme d’action est décrit à la figure 16.5. On introduit également dans l’ensimage des lubrifiants et des agents antistatiques.
FIG. l6.5 Réaction d’un agent de couplage à l’interface fibre de verre-polymère: (a) hydrolyse de l’agent de couplage avec formation de silanols; (b) formation de lien hydrogène entre le silanol et la surface de verre; (c) formation d’un lien chimique à la surface de la fibre et (d) avec le polymère; (Cl) représente un halogène et M, un cation métallique (d’après Hull, 1981) .
Matériaux composites
465
Pour les autres agents de renfort, les procédés de traitements de surface de la fibre sont beaucoup moins développés. Pour les fibres de carbone, on a développé des traitements d’oxydation de la surface des fibres, ce qui induit en surface des groupes polaires (–CO–OH) qui sont des promoteurs d’adhésion. 16.3.3 Matrices Les trois grandes classes de matériaux (métaux, céramiques, polymères organiques) peuvent être utilisées comme matrices pour les matériaux composites fibreux. En raison de leur légèreté et de leur facilité de mise en œuvre, ce sont les matrices organiques qui sont actuellement les plus utilisées. On distingue deux grands types de matrices polymères: les matrices (résines) thermodurcies et les matrices thermoplastiques. Ce sont les matrices thermodurcies (résine époxyde, polyester insaturé, etc.) qui sont les plus développées. Ces résines présentent un certain nombre d’avantages et notamment une grande fluidité durant la mise en œuvre au moment de la réticulation, ce qui favorise la pénétration de la résine, le mouillage de l’agent de renfort et évite la présence de bulles. Il faut cependant se rappeler (chap. 5) que la mise en forme des thermodurcis doit intervenir nécessairement avant la réaction de réticulation qui conduit à l’édification d’un réseau tridimensionnel insoluble et infusible. Pour éviter toute réaction chimique prématurée avant la mise en forme, ces résines doivent être stockées à basse température. La fabrication de ce type de composites exige des chambres froides pour conserver les feutres et les tissus de fibres imprégnés de résines non réticulées (préimprégnés). On utilise également des matrices thermoplastiques (fig. 16.6 et 16.7) pour préparer des matériaux composites. Parmi celles-ci, les polyétheréthercétones aromatiO O
O
C
Poly(éther-éther-cétone dep-phénylène)(PEEK) O O H H C C N C N H2 6 H2 4 Poly(N-hexaméthylène-adipamide (PA-66; Nylon-6 C
Me O C O C Me O Polycarbonate de bisphénol-A (PC) O O C
C
O
C O H2 4 Poly(butylènetéréphtalate) (PBT) S Poly(sulfure de p-phénylène) FIG. 16.6 Principales matrices thermoplastiques utilisées dans les matériaux composites.
466
Introduction à la science des matériaux
ques, comme le PEEK avec un point de transition vitreuse de 150 °C et un point de fusion de 340 °C, sont particulièrement intéressantes pour les applications aéronautiques et aérospatiales. Le gros avantage des matrices thermoplastiques est de permettre le thermoformage au départ de plaque (fig. 16.8), ainsi que le recyclage. Cependant, l’utilisation de ces résines présente d’autres inconvénients liés notamment à leur grande viscosité à l’état fondu et à leur résistance à la température inférieure à celle des thermodurs.
FIG. 16.7 Micrographie optique d’un composite fibre de carbone-PEEK. On observe une germination très intense du polymère à la surface des fibres (d’après Belbin, 1984).
FIG. 16.8 Exemple de composants obtenus par thermoformage d’une plaque de PEEK renforcée de fibres de carbone (d’après Belbin, 1984).
Une autre matrice extrêmement intéressante pour réaliser des composites fibreux est le carbone. On fabrique actuellement des composites fibres de carbone-carbone (fig. 16.9) qui sont dotés d’une résistance thermique exceptionnelle. Ces composites fibres de carbone-carbone peuvent être utilisés jusqu’à des températures de 3000 °C. Ces composites sont employés comme garnitures de frein d’avions commerciaux et de voiture de formule I. Ils servent également à assurer la protection des parties des navettes spatiales les plus exposées à la chaleur. On les utilise notamment pour protéger le nez et le bord d’attaque des ailes qui atteignent des températures supérieures à 1650 °C lors de la rentrée dans l’atmosphère.
Matériaux composites
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La fabrication de composites carbone-carbone est complexe et comporte plusieurs étapes. On imprègne d’abord un tissu de carbone avec du brai ou des résines polymères qui sont ensuite pyrolysés et graphitisés in situ sous très haute pression (100 MPa) à des températures de 500 à 1000 °C. Plusieurs traitements successifs d’imprégnation et de pyrolyse sont en général nécessaires.
FIG. 16.9 Disposition des fibres dans un composite fibre de carbone-carbone tridimensionnel (d’après Grenié, 1984).
16.3.4 Exemples de matériaux renforcés D’une manière générale, on peut dire en comparant les valeurs du tableau 16.10 que les composites fibreux unidirectionnels ont des propriétés mécaniques au moins équivalentes à celles des aciers pour une densité généralement comprise entre 1 et 2, alors que la densité de l’acier est égale à 7,8. Ce sont donc des matériaux légers et résistants. Comme nous l’avons vu au paragraphe 16.3.1, pour tirer parti de ces propriétés mécaniques élevées, il faut nécessairement solliciter le composite dans une direction parallèle à celle des fibres. Pour un même type de fibre, le niveau des propriétés mécaniques atteint à température ambiante, ne dépend pas de la matrice. Ce résultat est logique puisque dans le cas de ces composites fibreux sollicités dans le sens des fibres, il y a transfert quasi total de la charge appliquée à la fibre de renfort. La résistance à la température des divers composites fibreux dépend essentiellement du comportement de la matrice. La résistance à la température des composites à matrice organique en service continu dépasse rarement 150 °C. Le comportement mécanique d’un matériau composite varie fortement avec l’orientation des fibres. Pour obtenir une résistance mécanique élevée, il faut orienter les fibres parallèlement à la direction des contraintes les plus élevées. Dans le cas des composites, l’élaboration du matériau et la fabrication du composant sont en général des opérations simultanées et indissociables, ce qui explique l’importance des techniques de conception et fabrication assistées par ordinateur (C.F.A.O.) dans la réalisation de composants renforcés par fibres.
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Introduction à la science des matériaux
TABLEAU 16.10 Caractéristiques mécaniques [a] des composites fibreux unidirectionnels et de quelques matériaux traditionnels. Matériaux
E [GPa]
PEEK + 60% fibre de carbone continue Epoxyde + 60% fibre de carbone Polyester insaturé + 60% de fibre de polyamide aromatique (Kevlar) Polyester insaturé + 50-80% de fibre de verre
120-170 145-210 70
1,7 1,4-2,8 1,3
1,61 1,6 1,4
20-70 200 200 150-200 80 210 2-5 2,5 2,8
0,65-0,75 1,4 1,4 1,2-1,5 0,4 0,5-2 0,02-0,07 0,015-0,07 0,105
1,6-2,0 ∼2 2,65 1,3-1,6 2,8 7,8 1,1-1,3 1,1-1,5 –
Epoxyde + fibre de bore Aluminium + fibre de bore recouverte de B 4C3 Composite fibre de carbone/ carbone Alliage léger (aluminium) Acier Polyester insaturé Epoxyde PEEK
Rm [GPa]
Densité
[a] Il y a une grande dispersion de résultats dans la littérature et les valeurs données ici sont indicatives. Dans le cas de composites, les valeurs sont données pour des sollicitations parallèles aux fibres. Les pourcentages indiqués sont des fractions pondérales.
16.4 STRUCTURES SANDWICHES 16.4.1 Plaques et coques stratifiées. Structures sandwiches Il n’est pas nécessaire, pour avoir une résistance mécanique en flexion élevée, de réaliser l’entièreté de la structure dans un matériau à haute performance. Ce sont ces considérations qui ont donné naissance aux structures sandwiches composées au minimum de trois couches (fig. 16.11(b)). Les deux peaux ou semelles sont réalisées
FIG. 16.11 Répartition des efforts sur une poutre en flexion: (a) structure massive et (b) structure sandwich.
Matériaux composites
469
en un matériau doté de rigidité élevée et de grande résistance en traction et en compression (composite ou non). Le cœur ou l’âme de la structure sandwich est réalisé dans un matériau léger, de faible rigidité et de faible résistance mécanique. Un exemple simple de structures sandwiches est représenté par les panneaux aluminiumbois de balsa qui sont utilisés en construction aéronautique ou navale de plaisance. En raison de la différence de rigidité mécanique entre le cœur et les semelles des structures sandwiches, il se produit des contraintes de cisaillement importantes à l’interface entre les divers matériaux composant le sandwich, ce qui occasionne souvent des ruptures par délaminage, c’est-à-dire par descellement des couches entre elles.
16.4.2 Exemples de structures sandwiches En vue de combiner rigidité, résistance mécanique élevée et légèreté, on réalise des structures plus complexes que celles représentées à la figure 16.11(b). Celles-ci sont, par exemple, composées d’un cœur à structure alvéolaire ondulée ou en nids d’abeilles (fig. 16.12). Ces structures sandwiches se rencontrent aussi bien pour des applications courantes (carton ondulé) que pour des applications avancées (aéronautique-aérospatiale). On réalise actuellement des structures sandwiches très complexes telles que celles du sustentateur rotatif d’hélicoptère (fig. 16.13).
FIG. 16.12 Diverses architectures de structures sandwiches: (a) âme pleine (mousse-balsa); (b) nid d’abeilles; (c) âme ondulée.
FIG. 16.13 Pale de rotor d’hélicoptère (d’après Golé, 1979).
470
Introduction à la science des matériaux
16.5 RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS En combinant des matériaux de divers types, on réalise des matériaux composites qui sont dotés d’un ensemble de propriétés physiques et mécaniques que ne possède pas chacun des constituants pris séparément. Dans ce chapitre, nous nous sommes surtout limités aux matériaux composites fibreux à matrice organique qui constituent un domaine en pleine expansion. Les technologies avancées exigent en effet des matériaux combinant à la fois légèreté et propriétés mécaniques élevées. Ces caractéristiques sont difficilement accessibles aux matériaux simples. Dans le cas des composites fibreux, on a pu montrer que l’orientation des fibres longues, parallèlement aux contraintes mécaniques, permet un transfert quasi total de celles-ci vers les fibres, ce qui rend possible la réalisation de matériaux légers et résistants. On a pu obtenir ainsi des matériaux allégés possédant des caractéristiques mécaniques (dans une direction parallèle aux fibres) égales, voire supérieures à celles des matériaux simples les plus performants. Un point important que nous n’avons pas eu l’occasion de développer est l’extraordinaire résistance des composites fibreux à la fatigue. Cette caractéristique importante résulte du fait que ce sont des structures collées, ce qui répartit les contraintes d’une manière beaucoup plus uniforme. Nous avons également abordé dans ce chapitre l’étude des structures stratifiées qui combinent matériaux simples et matériaux composites dans des structures plus complexes.
16.6 EXEMPLE ILLUSTRATIF: MATÉRIAUX POUR SKIS DE L’AN 2000 Comme c’est le cas pour pratiquement tous les matériaux composites à matrice organique actuels, les matériaux du ski de l’an 2000 sont quasi-identiques à ceux utilisés dans les années 80. Ce qui différencie le ski de l'an 2000 du ski des années 80, c’est surtout l’évolution de sa forme qui modifie son comportement sur la neige de manière spectaculaire. Le paramètre de forme le plus important d’un ski est le profil de sa ligne de cotes (fig. 16.14). Celle-ci est la courbe qui passe par le point le plus large de la spatule, le plus étroit du patin et le plus large du talon en suivant la carre du ski. La ligne de cotes détermine la capacité du ski à tourner. Lorsque la carre est en contact avec la neige, le ski décrit pratiquement un cercle dont le rayon est déterminé par la courbure de sa ligne de cotes. Plus la courbure de la ligne de cotes est élevée, plus le rayon décrit par le ski est court. Un ski traditionnel permet de décrire des cercles de rayon de 35 à 40 mètres. En creusant davantage les skis et en diminuant leur longueur, il est possible de réduire le rayon du virage de plus de 50%. On obtient alors un ski plus facile à piloter dans les virages et par conséquent plus commode pour un skieur moyen. Une fonction importante du ski est de garder le contact avec la piste. Un bon contact permet au skieur de contrôler sa trajectoire. Le ski doit être à la fois relativement souple en flexion et rigide en torsion. Ces qualités sont en partie contradictoires.
Matériaux composites
471
Ski traditionnel
Ligne de cotes Trajectoire
Ski parabolique
Talon
Patin
Spatule
Ligne de cotes Trajectoire
FIG. 16.14 Paramètres de forme et trajectoire du ski traditionnel et du ski parabolique (d’après Bauvois et Reverchon 1998).
Cette évolution de la forme du ski date d’environ dix ans. Elle a été, en grande partie, rendue possible par les progrès de la conception et de la fabrication assistées par ordinateur (C.F.A.O.) ainsi que par l’introduction de la commande numérique sur les machines-outils. Grâce à ces nouveaux outils, il devient possible maintenant de fabriquer des moules de forme extrêmement complexe. Cette transformation des méthodes de fabrication a été couplée aux méthodes de simulation numérique: en travaillant sur des modèles, on a optimisé les différents paramètres techniques du ski et rationalisé l’utilisation des matériaux employés. Ce changement de la forme du ski a également affecté sa section qui était rectangulaire dans le ski des années 80. À titre d’exemple, nous avons représenté à la figure 16.15, une vue éclatée d’un ski récent (Rossignol Dualtec). On a indiqué sur cette figure les principaux matériaux utilisés. Ceux-ci sont également repris au tableau 16.16. Un critère de sélection important est la légèreté, d’où l’utilisation d’une mousse pour réaliser le noyau des skis. La classification des matériaux donnée au tableau 16.16 n’est pas toujours univoque car certains matériaux peuvent avoir un rôle multiple. Le ski est essentiellement sollicité en flexion et les matériaux constitutifs des renforts, qui sont positionnés de part et d’autre du noyau, travaillent en traction dans la partie inférieure du ski et en compression dans la partie supérieure. De plus, le ski doit être capable de supporter des déformations de grande amplitude sans pour autant ni se tordre ni se rompre. Pour satisfaire à ce critère essentiel au bon fonctionnement du ski, on utilise surtout des matériaux de renfort qui possèdent une limite élastique élevée. Le principal agent de renfort est la fibre de verre qui a été choisie pour son rapport performance/prix très intéressant; en particulier, celle-ci possède un allongement élevé compatible avec des déformations de grande amplitude. La fibre de verre est utilisée sous forme de nappes de fibres cousues sur un voile de polyester. La fibre
472
Introduction à la science des matériaux
FIG. 16. 15 Coupe d’un ski Rossignol Dualtec. On a indiqué sur la figure les principaux matériaux. On note la présence de deux systèmes d’amortissement des vibration: les VAS externe et interne (d’après Bauvois et Reverchon 1998)..
de polyamide aromatique (Kevlar K49® ) est également employée sous forme de rubans de fibres longitudinaux éventuellement fixés sur un voile de polyester. Le Kevlar® est uniquement utilisé dans la partie inférieure du ski car cette fibre a une faible résistance en compression. La fibre de carbone, qui possède un allongement à la rupture plus faible, est peu utilisée car elle casse fréquemment avant que les autres renforts fibreux ne puissent intervenir pour reprendre une partie des contraintes. Un autre facteur qui limite l’utilisation de la fibre de carbone est son prix très élevé. Comme agent de renfort non fibreux, on emploie une tôle d’alliage d’aluminium aéronautique (Zicral®) de la série 7 000 qui permet d’obtenir des skis à la fois relativement raides en torsion et souples en flexion, ce qui leur confère une capacité à effectuer des virages précis. On note également à la figure 16.15, la présence de deux amortisseurs de vibrations. Le VAS (vibration absorbing system) externe collé sur le ski et le VAS interne positionné à l’intérieur du ski sous le noyau. Le VAS interne est constitué d’un caoutchouc à fort coefficient d’amortissement qui enrobe des câbles constitués de brins d’acier torsadés. Le VAS externe est un dispositif constitué d’une plaque de contrainte en Zicral® associée à un matériau viscoélastique et rapporté localement sur la partie supérieure du ski. Les VAS ont pour rôle d’amortir sélectivement les vibrations du ski qui nuisent à sa manœuvrabilité. Il reste à mentionner l’insertion qui est un laminé papier-résine phénolique qui est utilisé pour renforcer la tenue des vis des fixations. On utilise comme noyau central une mousse de polyuréthanne semi-rigide. Celle-ci est obtenue par injection dans un moule de constituants liquides réactifs (diisocyanates et polyols), mélangés juste avant l’injection. L’agent d’expansion utilisé ne comporte pas de composés fluorocarbonés.
Matériaux composites
473
Tableaux 16.16 Principaux matériaux utilisés dans la fabrication des skis. Matériaux de structure et de renfort Matériaux
Nature
Utilisation
Fibres de verre
Textile constitué de nappes de fibre superposées cousues
Agent de renfort qui contribue à réduire le poids du ski
Kevlar K49® (a)
Polyamide aromatique
Agent de renfort pour la partie inférieure du ski
Fibres de carbone
Fibres unidirectionnelles à haute Renfort peu utilisé en raison de résistance son absence d’allongement et de son coût
Alliage d’aluminium (ZICRAL® [b])
Alliage d’aluminium aéronautique à limite élastique élevée
Couche de structure et de renfort en torsion
Matériaux de remplissage, d’amortissement et de solidarisation Matériaux Résine époxy
Mousse de polyuréthanne (PU)
Bois
Matériau d’amortissement: VAS externe et interne (vibration absorbing system)
Nature
Utilisation
Polymère thermodurcissable à Adhésif qui solidarise les divers deux constituants (résines + dur- éléments du ski et agent de stracisseur) tification des nappes textiles des fibres (verres, Kevlar, carbone) Thermodur cellulaire, expansé sans CFC (composé fluorocarbonés)
Matériau léger semi-rigide non sensible à l’humidité, utilisé comme noyau
Composite unidirectionnel natu- Matériau léger utilisé comme rel de fibres de cellulose dans noyau dans ± 50% des skis une matrice de lignine Matériau viscoélastique associé à une plaque de ZICRAL® ou enrobant des câbles constitués de brins d’acier torsadé.
Amortissement des vibrations nuisibles à la stabilité du ski
Matériaux de protection Matériaux
Nature
Utilisation
Semelle
Polyéthylène haute densité, de masse moléculaire élevée ou très élevée
Surface de glisse et protection de la semelle inférieure
Carres
Acier au chrome à 0,6% de C (dureté Rocwell 49-51)
Protection de la partie latérale de la semelle assurant l’accrochage des skis sur la neige
Laminé phénolique ou mélamine
Laminé de papier imprégné avec une résine thermodurcissable phénolique ou mélamine
Chants latéraux du ski et fabrication des insertions améliorant la tenue des vis de fixation
Matériaux thermoplastiques
Copolymères styrène-acrylonitrile modifiés avec caoutchouc polyuréthanne thermoplastique (choc)
Protection supérieure du ski. Renforcés de fibres de verre courtes, utilisés parfois pour la fabrication des chants latéraux
(a) marque déposée de Du Pont de Nemours; (b) marque déposée d’Aluminium Pechiney (d’après Bauvois et Reverchon 1998).
474
Introduction à la science des matériaux
La semelle, qui constitue, avec les carres, les matériaux de protection de la surface inférieure du ski, a pour rôle principal d’assurer la glisse du ski. Le seul matériau pratiquement utilisé pour cette application est le polyéthylène haute densité. Ce n’est pas le matériau idéal car sa résistance à l’abrasion est faible mais c’est le seul à avoir un comportement tribologique adapté à tous les types de neige. On utilise pour les skis courants un polyéthylène extrudé de masse molaire de 300 à 500 000. Le matériau extrudé est de plus en plus remplacé par du polyéthylène de très haute masse molaire (~2 000 000) qui a une viscosité trop élevée pour être extrudé et qui est mis en œuvre par frittage par une technologie des poudres similaire à celle utilisée pour la fabrication des céramiques techniques. Ce matériau, qui est tranché au déroulé à partir d’un cylindre de la taille d’une roue de fromage résultant du frittage, est microporeux en raison de son processus de fabrication et retient mieux les produits de fartage. Le polyéthylène doit être traité à la flamme avant d’être collé. Les carres sont fabriquées à partir d’un acier au chrome à 0,6% de C (dureté Rocwell 49-51). La couche de protection (Rossitop) est en copolymère styrène-acrylonitrile modifié avec caoutchouc polyuréthanne thermoplastique (choc). Les chants peuvent être également fabriqués en copolymère styrène-acrylonitrile modifié, renforcé de fibres de verre courtes ou bien en laminés constitués de papier imprégné par une résine thermodurcie phénolique ou mélamine. Les différentes parties constitutives du ski sont rendues solidaires par un adhésif. On utilise surtout les résines époxydes thermodurcies en raison de leur passage par un stade de très faible viscosité juste avant la réticulation, ce qui permet un collage sans bulle. Les propriétés adhésives de ces résines réticulées sont remarquables. Le collage est effectué sous une pression de 8 à 10 kg cm –2 à une température comprise entre 100 et 120 °C pendant environ 15 min. Pour éviter toute déformation, les skis sont ensuite refroidis sous pression jusqu’à une température inférieure au point de transition vitreuse de l’adhésif. On remarquera que l’assemblage des constituants du ski par collage permet de répartir l’ensemble des contraintes de cisaillement résultant de la déformation du ski sur toute la surface des interfaces des éléments constitutifs. Le collage permet d’obtenir une structure particulièrement résistante à la fatigue. Il existe d’autres technologies de fabrication. Par exemple, pour fabriquer certains skis Cap, qui ne possèdent pas de chants latéraux, on introduit d’abord les éléments constitutifs du ski dans un moule. On injecte ensuite les constituants liquides préalablement dosés et mélangés d’une mousse de polyuréthanne qui se forme directement dans le moule. Après expansion et durcissement, cette mousse devient le noyau du ski et elle constitue également le liant adhésif qui solidarise les divers éléments du ski. Il faut noter que, malgré le développement remarquable des matériaux de synthèse, le bois reste le matériau utilisé comme noyau dans plus de 50% des skis. En effet, ce matériau naturel, microporeux, de faible densité et d’un coût abordable possède une bonne résistance à l’écrasement à chaud permettant le durcissement des adhésifs. Son principal défaut est sa prise d’humidité. La première fonction d’un ski est d’assurer une bonne glisse, c’est-à-dire d’obtenir un frottement minimum entre la semelle et la neige. Le mécanisme de la friction
Matériaux composites
475
est complexe car la neige constitue un milieu hétérogène de cristaux de glace. Audessus d’une température de –10°C, le frottement du ski est lubrifié par la présence d’un film d’eau. En effet, lorsque le skieur descend une pente, la force de frottement produit une élévation de température entre les surfaces en friction qui provoque la formation d’un film d’eau aux points de contact entre les cristaux et les aspérités de la semelle du ski. Le film d’eau joue le rôle de lubrifiant assurant un faible coefficient de frottement (µ ≈ 0,02). Rappelons que le coefficient de frottement µ représente le rapport entre la force nécessaire pour initier le glissement et la force normale appliquée à la surface de contact. Ce mécanisme de glissement faisant intervenir un film d’eau est valable pour la plupart des matériaux qui ont alors un coefficient de frottement très proche (fig. 16.17). Au-dessous de –10, –15°C, la chaleur produite par le frottement est rapidement évacuée et la fusion locale assurant la formation du film lubrifiant ne peut plus se produire. Dans ces conditions, les aspérités de glace adhèrent à la semelle et le coefficient µ de frottement augmente rapidement pour le bois (fig. 16.17) ou les métaux. Ce n’est pas le cas pour certains polymères tels que le polytétrafluoroéthylène (PTFE) ou le polyéthylène (PE) par exemple, qui conservent un faible coefficient de frottement lorsque la température décroît au-dessous de –10 °C. C’est pour cette raison que les semelles des skis sont fabriquées en polyéthylène haute densité.
FIG. 16.17 Variations du coefficient de frottement µ du bois farté et du polytétrafluoroéthylène (PTFE) en fonction de la température de la glace (d’après Ashby, Jones, 1980).
Le ski représente un bel exemple de réalisation d’une structure sandwich combinant différents matériaux. Chaque type de matériau assure une ou plusieurs fonctions particulières dans un ensemble sollicité de manière très complexe. La qualité d’un ski dépend non seulement du choix d’une structure optimale, mais également de sa forme. Des modifications de la longueur, de l’épaisseur, de la taille et de la cambrure du ski permettent de moduler la répartition de sa souplesse. Son comportement en virage dépend de sa forme. Le domaine de la fabrication des skis est en constante évolution technologique.
476
Introduction à la science des matériaux
16.7 EXERCICES 16.7.1 On introduit, dans une matrice d’aluminium en fusion, une poudre d’alumine (Al2O3) (2% pds) ayant un diamètre moyen de 1 µm. Calculer le nombre de particules d’alumine introduites par cm3 du matériau composite. 16.7.2 On a réalisé un conducteur électrique constitué d’une âme en fil d’acier de 0,8 mm de diamètre gainée par du cuivre. Ce fil composite, ayant un diamètre global de 2 mm, est soumis à un essai de traction. Déterminer: • dans quel composant métallique se produit d’abord une déformation plastique; • la charge maximale supportable par le fil composite avant qu’une déformation plastique n’intervienne dans un des deux composants; • le module d’élasticité du fil composite. 16.7.3 Pour la fabrication d’un bateau, on utilise une résine époxyde qui est renforcée par 45% de fibres de verre longues orientées. Calculer le module d’élasticité perpendiculairement aux fibres de verre. 16.7.4 Calculer la valeur du module d’élasticité d’une plaque mince de composite à matrice époxy renforcée par des fibres de verre continues disposées parallèlement et perpendiculairement. La fraction volumique des fibres est de 0,30 qui est répartie à 50% dans chacune des directions. 16.7.5 Quelle est la fraction volumique de fibres de verre courtes qui doit être introduite dans une matrice de polycarbonate pour obtenir un composite avec un rapport module d’élasticité/densité égal à 20 (GPa/(Mg/m3) ? 16.7.6 Les plaquettes pour outils de coupe sont constituées par des particules dures et cassantes de carbure de tungstène WC dans une matrice de cobalt servant de liant. Expliquer la raison pour laquelle il n’est pas possible d’utiliser l’aluminium, qui est plus ductile que le cobalt, pour fabriquer cette matrice ? 16.7.7 Un vitrage de sécurité est constitué d’une structure sandwich , composée d’un film de polycarbonate de 1 mm d’épaisseur placé entre deux plaques de verre de 3 mm. Calculer la valeur du module d’élasticité de ce vitrage de sécurité, parallèlement et perpendiculairement à la surface de la plaque ? 16.7.8 Citer un avantage et un inconvénient résultant du choix d’un composite à fibres de renforcement discontinues et orientées dans un plan et d’un composite à fibres de renforcement discontinues distribuées au hasard. 16.7.9 Quelle différence fait-on entre ciment et béton de ciment ? Citer deux cas importants où l’emploi du béton de ciment est limité. Proposer deux techniques de renforcement du béton de ciment. 10.7.10 Pourquoi préfère-t-on en général utiliser des résines thermodurcissables plutôt que des polymères thermoplastiques pour la fabrication de matériaux composites ?
Matériaux composites
477
16.8 RÉFÉRENCES ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES J. BAUVOIS, Y. REVERCHON, Les technologies Rossignol, 1998. G.R. BELBIN, Thermoplastic Structural Composites - A Challenging Opportunity, Proc. Instr. Mech. Engrs., 198, 47, 1984. L. A. CARSSON and R. B. PIPES, Experimental Characterization of Advanced Composites, Prentice Hall, Englewood Cliffs (N. J.), 1987. K. K. CHAWLA, Composite Materials, Springer, New York, 1987 G. CHRETIEN, D. HATAT, Initiation aux plastiques et aux composites, Tec. & Doc. Lavoisier, Paris, 1990. D. DAVID, Les Matériaux composites, conception, caractéristiques, méthodes de Contrôle, Matériaux et Techniques, no. 1-2 , 9 1984. D. DAVID, Composites, High Performance in Encycl. Chem. Techn. (Kirk-Othmer), Suppl. Volume, John Wiley, New York, 1984, pp. 260-281. B. D. DUNN, Metallurgical Assessment of Spacecraft Parts, Materials and Processes, Wiley, New York, 1997. J. GOLÉ, Résines renforcées dans Initiation à la chimie et à la physico-chimie macromoléculaire, Volume 2, Propriétés physiques des polymères, Groupe Français des Polymères (G.F.P.), 1979, p. 268. Y. GRENIÉ, Les composites multidirectionnels dans les véhicules balistiques et spatiaux, Matériaux et Techniques, no 1-2, 33, 1984. D. HULL, An Introduction to Composite Materials, Cambridge Solid State Series, Cambridge University Press, Cambridge, 1981. A. KELLY, Concise Encyclopedia of Composites Materials, Elsevier, Oxford, 1995. A. KELLY, N. H. MACMILLAN, Strong Solids, 3th. ed., Clarendon Press, Oxford, 1986. J. LAMANCHE, Renforts en fibres de verre, article A 3237-7, Collection plastiques et composites, M. CHATAIN ed., Techniques de l’ingénieur, Paris, 1998. P. K. MALLIK, Fiber-Reinforced Composites, Dekker, New York, 1988. R. NASLAIN, Ceramic Matrix Composites in High Temperature Structural Materials, A. G. EVANS and M. MC LEAN eds. , Chapman & Hall, London, 1996. L. A. PILATO, M. J. MICHO, Advanced Composite Materials, Springer, Berlin, 1994. E. PLUEDDEMANN, Silane Coupling Agent, 2e ed., Plenum, New York, 1991. M.O.W. RICHARDSON (ed), Polymer Engineering Composites, Applied Science Publishers, London, 1977. R. E. SHALIN, eds., Polymer Matrix Composites, Chapman & Hall, London, 1995. R. YOSOMIYA, K MORIMOTO, A. NAKAJIMA, Y. IKADA, T. SUZUKI, eds., Adhesion and Bonding in Composites, Dekker, New York, 1990. D. ZENKERT, An Introduction to Sandwich Construction, Chameleon, London, 1995.
CHAPITRE 17
ANNEXES
17.1 MASSE VOLUMIQUE ET PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES PRINCIPAUX MATÉRIAUX Le tableau 17.1 donne les valeurs approximatives de la masse volumique ρ et des propriétés mécaniques suivantes: module d'élasticité E, limite conventionnelle d'élasticité R 0, 2 , résistance à la traction R m , déformation à la rupture εR, facteur d'intensité des contraintes K c (ténacité: K c = (EG c )1/2), ceci pour les principaux matériaux. Tableau 17.1 Masse volumique et propriétés mécaniques des principaux matériaux. Matériau Métaux Aluminium (Al) Cuivre (Cu) Fer (Fe) Nickel (Ni) Tungstène (W) Alliages métalliques Aciers au carbone Aciers au carbone (trempés, revenus) Aciers alliés Aciers inoxydables (ferritiques) Alliages d'aluminium Alliages de cuivre Cobalt et alliages Fonte grise Alliages de nickel Magnésium et alliages Titane et alliages Polymères Polyéthylène faible densité (LDPE) Polyéthylène haute densité (HDPE) Polypropylène (PP) Polystyrène (PS) Poly (méthacrylate de méthyle) (PMMA)
ρ [t m–3]
E [GPa]
R0,2 [MPa]
Rm [MPa]
εR [%]
Kc [MPa m0,5]
2,7 8,9 7,9 8,9 19,3
70 125 200 215 410
40 60 50 70 1000
200 400 200 400 1510
50 55 30 65 1-50
100-350 100-350 150 100-350 20
7,8 7,8
200 200
220 250-1300
400
18-25
150
7,9-8,3 7,5-7,7 2,6-2,9 7,5-9,0 8,1-9,1 6,9-7,8 7,8-9,2 1,8 4,3-5,1
195-215 190-200 70-80 120-150 200-250 90-150 130-230 40-45 80-130
500-2000 240-400 100-620 60-900 180-2000 220-600 200-1600 80-300 200-1300
500-1800 650-2400 500-800 300-700 250-1000 500-2500 400-1000 400-2000 125-350 300-1400
20-30 2-30 15-25 5-30 1-55 1-60 0-15 1-60 6-20 6-30
50-150 15-150 50-120 25-45 10-100 20-50 5-20 50-250 – 50-140
0,90
0,2
6-20
20
–
1-5
0,95
0,7
20-30
35
–
2-5
0.90 1,0-1-1 1,2
0.9 3-3,4 3,4
20-35 35-70 60-110
35 40-70 110
– – –
3 2 1 (continue)
480
Introduction à la sciences des matériaux
Tableau 17.1 (Suite)
ρ [t m–3]
Matériau Polytétrafluoréthylène (PTFE) Poly (chlorure de vinyle) (PVC) Polyamide 6 (Nylon 6) (PA6) Poly (carbonate de biphénol) (PC) Résine époxyde (EP) Acrylonitrile-butadiène-styrène (ABS) Elastomères Polymères expansés (mousses) Céramiques (frittées)
E [GPa]
R0,2
Rm
[MPa]
[MPa]
εR [%]
Kc [MPa m0,5]
2,3 1,3-1,6 1,1-1,2 1,2
0,3-0,8 0,01 2-4 2,6
10-15 45-50 50-80 50
20-40 – 100 60
1,1-1,4 1,2
3 –
30-100 55
30-120 60
0,8-0,9 0,01-0,1 0,01-0,6 0,001-0,1
– 0,2-10
30 0,2-10
10-100
4 – –
5000 3000 7200 10000 8000 3600 6000 4000
– – – – – – – –
– – – – – – – –
3,5 3 1 3 4-5 0,7 – 5-10
20-30 – – 410 – 35-55 – 4-10 400-900 900 – 700-1700 – 100-300 – 650
– 2 – – 2 – – –
0,2 10-15 0,5-1 10-12 15 45 40-60 30-45
Alumine (Al2O3) Magnésie (MgO) Silice (SiO2) Carbure de silicium (SiC) Nitrure de silicium (Si3N4) Verre ordinaire Carbure de tungstène (WC) Zircone (ZrO 2) Composites Béton (compression) Béton (armé) Bois // Bois ⊥ Co-WC (Cermets) EP + fibres de bore EP + fibres de verre Polymères + fibres C
3,9 3,5 2,6 2,5-3,2 3,2 2,5 14-17 7,5
390 250 95 450 350 70 450-650 145
2,5 – 0,4-0,8 0,4-0,8 11-12,5 2,0 1,8 1,5
45-50 – 10-15 0,5-1,0 400-530 125 35-45 70-200
– – – – – 500 –
3 2-8 3 1-2,5 0,5
17.2 RAYONS ATOMIQUES EN FONCTION DES DIFFÉRENTS TYPES DE LIAISONS CHIMIQUES Tableau 17.2 Tests de validité de la notion de rayon ionique (d'après Guinier, 1980). Halogénure alcalin
Distance entre ions + et –, mesurée dans le cristal [nm]
Valeurs calculées à partir des rayons ioniques du tableau 18.2.2 [nm]
LiF LiI NaF NaCl NaI KF KCl KI RbF RbI
0,202 0,300 0,232 0,281 0,324 0,267 0,314 0,353 0,282 0,367
0,205 0,285 0,235 0,281 0,315 0,268 0,314 0,348 0,285 0,365
Annexes
481
Tableau 17.3 Rayon moyen des ions dans les cristaux ioniques (en nm, d'après Guinier, 1980). Charges de l'ion
2–
O 0,140 S 0,18 Se 0,195 Te 0,22
1–
Gaz rare
1+
2+
3+
4+
F 0,135 Cl 0,181 Br 0,195 I 0,215
He) Z=2 (Ne) Z = 10 Ar Z =18 (Kr) Z = 36 (Xe) Z = 54
Li 0,07 Na 0,10 K 0,133 Rb 0,15 Cs 0,17
Be 0,035 Mg 0,07 Ca 0,10 Sr 0,11 Ba 0,135
Al 0,05 Sc 0,08 Y 0,10 L 0,11
Si 0,04 Ti 0,065 Zr 0,08 Ce 0,095
Tableau 17.4 Rayon atomique des métaux (d'après Guinier, 1980). Elément
Z
Rayon atomique (nm)
Elément
Z
Rayon atomique (nm)
Elément
Z
Rayon atomique (nm)
Li
3
0,152
Ca
20
0,197
Cs
55
0,266
Na
11
0,186
Cr
24
0,125
Ba
56
0,217
Mg
12
0,160
Fe
26
0,124
Au
79
0,144
Al
13
0,143
Cu
29
0,128
Pb
82
0,175
K
19
0,231
Ag
47
0,144
U
92
0,150
Tableau 17.5 Rayon de van der Waals de quelques atomes (d'après Guinier, 1980). Elément
Rayon de van der Waals (nm)
Elément
Rayon de van der Waals (nm)
H
0,117
I
0,210
C
0,180
Ne
0,160
N
0,157
Ar
0,192
O
0,136
Kr
0,201
Cl
0,178
Xe
0,221
17.3 PRINCIPAUX MATÉRIAUX POLYMÈRES Tableau 17.6 Formule et appellation des principaux polymères organiques. Formule du motif constitutif
Appellation courante et abréviation
CH2
CH2
Polyéthylène (PE)
CH2
CH
Polypropylène (PP)
CH3 CH2
CH
CH CH2
Polybutadiène (PB) (continue)
482
Introduction à la sciences des matériaux
TABLEAU 17.6 (Suite) Formule du motif constitutif
Appellation courante et abréviation
CH3 CH2 C
Poly-isoprène (PiP)
CH CH2
CH2
CHCl
Poly(chlorure de vinyle)
CH2
CCl2
Poly(chlorure de vinylidène) (PVDC)
CH2
CH
Poly(alcool vinylique) (PVAL)
OH CH2
Poly(acide acrylique)
CH O CO OH
CH2
CH
Poly(acétate de vinyle) (PVAC)
O CO CH3 CO OCH3 CH2
C
Poly(méthacrylate de méthyle) (PMMA)
CH3 CH2
Polyacrylonitrile (PAN)
CH CN
CF2
CF2
Polytetrafluoroéthlène (PTFE)
CH2
CHF
Poly(fluorure de vinyle) (PVF)
CH2
CF2
Poly(fluorure de vinylidène) (PVDF) CH3 Poly(2,6-diméthyl)-1,4-phénylèneoxyde (PPO or PPE)
O
(CH2)5
C
CH3 NH
O NH (CH2)6
Polyamide 6 (PA6)
NH C
(CH2)4 C
O
O
Polyamide 6-6 (PA 6-6) Polyamide 11 (PA 11)
(CH2)10 C NH O CH2
CH2 O
CO
CO O
CO
CO O (CH2)4 O
Poly(éthylène téréphtalate) (PET)
Poly(butylène téréphtalate) (PBT)
CH3 O
C
O CO
Poly(carbonate de bisphénol-A) (PC)
CH3 (continue)
Annexes
483
Tableau 17.6 (Suite) Formule du motif constitutif
Appellation courante et abréviation
CH3 Poly(diméthyl siloxane) (PdMS)
O Si CH3
Poly(diphenyl siloxane) (PdPS)
O Si
Poly(sulfure de phénylène) (PPS) S
O
O
Poly(éther-éther-cétone de phénylène) (PEEK)
C O
Principaux copolymères
Ethylène-acétate de vinyle (EVA) Styrène-butadiène (SBR) Acrylonitrile-butadiène (NBR) Styrène-acrylonitrile (SAN) Acrylonitrile-butadiène-styrène (ABS)
Réseaux tridimensionnels denses (thermodurcis)
Résines formo-phénoliques (PF) Résines urée-formaldéhyde (UF) et formélamine-maldéhyde (MF) Résines époxydes (EP) Polyuréthannes (a) (PUR) Polyesters insaturés (UP)
(a) Il existe des polyméthannes thermoplastiques (linéaires) et thermodurcis (réticulés).
17.4 CLASSIFICATION DES PRINCIPALES CÉRAMIQUES Tableau 17.7 Classes
Exemples
Usages types
Terre cuite
Argile cuite
Briques, tuiles Tuyaux
Céramiques traditionnelles
Porcelaines Faïences
Vaisselle Sanitaire Isolations électriques (continue)
484
Introduction à la sciences des matériaux
Tableau 17.7 (Suite) Classes
Exemples
Usages types
Abrasifs
Alumine Carbure de silicium Diamant
Disques abrasifs Outils de coupe Trépans de forage
Verre et céramiques nouvelles
Verres à vitre Pyrex Vitro-céramiques
Conteneurs Cloisons transparentes Plats résistant au choc thermique Emaux
Réfractaires
Alumine Silice Magnésie Zircon Graphites
Revêtements de cubilot Moules pour couler les métaux Garnissages des fours
Céramiques techniques
Carbures, Nitrures Oxydes de fer et oxydes mixtes (ferrite) Métaux céramiques (cermet)
Moules, coussinets Composants pour moteurs électroniques, capteurs, Matrices
Ciment
Ciment portland
Construction
Céramique nucléaire
Oxydes et carbures d'uranium et Combustibles nucléaires de métaux fissiles
17.5 RÉFÉRENCES A. GUINIER, La Structure de la Matière, Hachette, 1980.
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
C. ANDERSON, K.D. LEARER, R.D. RAWLINGS, J.M. ALEXANDER, Materials Science, 3rd ed., Van Nostrand Reinhold, Wokingham, Berkshire, U.K., 1985. M.F. ASHBY, D.R.H. JONES, Engineering Materials, An Introduction to their Properties and Applications, Pergamon, Oxford, 1980. D. R. ASKELAND, The Science of Engineering Materials, 2nd Ed. Chapman & Hall, London, 1990. M.F. ASHBY, D.R.H. JONES, Engineering Materials 2, An Introduction to Microstructures, Processing and Design, Pergamon , Oxford, 1980. M.F. ASHBY, Materials Selection in Mechanical Design, Buttworth, Heinemann, Oxford, 1995. J. BÉNARD, A. MICHEL, J. PHILIBERT, J. TALBOT, Métallurgie générale, 2e éd., Masson, Paris, 1984. C.B. BUCKNALL, Toughened Plastics, Applied Science Publishers, London, 1977. W.D. CALLISTER, Jr., Materials Science and Engineering, An Introduction, 4th ed.,Wiley, New York, 1997. G. CHRETIEN, D. HATAT, Initiation aux plastiques et aux composites, Tec. & Doc. Lavoisier, Paris, 1990. J.P. EBERHART, Analyse structurale et chimique des matériaux, Dunod, Paris,1989. D. FRANÇOIS, A. PINEAU et A. ZAOUI, Comportement mécanique des matériaux, Hermes, Paris, 1995. D.R. GASKELL, Introduction to Metallurgical Thermodynamics, 2nd ed., Mc Graw-Hill, New York, 1981 M. GERL et J.P. ISSI, Physique des Matériaux, (Traité des Matériaux , vol. 8), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1997. A. GUINIER, La Structure de la Matière, Hachette, Paris, 1980. C. HAMOND, The Basics of Crystallography and Diffraction, Oxford University Press, Oxford, 1997. R.W. HERTZBERG, Deformation and Fracture, Mechanics of Engineering Materials, 4th ed., John Wiley, New York, 1996. F.J. HUMPHREYS, M. HUTHCALY, Recrystallization and Related Annealing Phenomena, Pergamon, 1995. J. I. KROSCHWITZ, ed., Concise Encyclopedia of Polymer Science and Engineering, Wiley, New York, 1990. B. ILSCHNER, Werkstoffwissenschaften, Springer, Berlin, 1982. A. KELLY, The changing Cycle of Engineering Materials, Second Finniston Lecture, London, 1994, Interdisciplinary Science Review, 19, 3, 1994. A. KELLY, Concise Encyclopedia of Composites Materials, Elsevier, Oxford, 1995. A. KELLY et N. H. MACMILLAN, Strong Solids, 3rd ed., Clarendon Press, Oxford, 1986. C. KITTEL, Introduction to Solid State Physics, 7th ed., John Wiley, New York, 1996. W. KURZ, D.J. FISHER, Fundamentals of Solidification, Trans. Techn. Publications, Zurich (Suisse), 1998. J. LANCASTER, Engeeneering catastrophes. Causes and effects of major accidents,Abington Publishing, Cambridge, 1996. D. LANDOLT, Corrosion et Chimie de Surface des Métaux , (Traité des matériaux , vol. 12), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1993. P. K. MALLIK, Fiber-Reinforced Composites, Dekker, New York, 1988. J. L. MARTIN et A. GEORGE, Caractérisation expérimentale des Matériaux II, (Traité des matériaux, vol. 3), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1998. J. P. MERCIER et E. MARÉCHAL, Chimie des polymères, (Traité des matériaux , vol. 13), Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1996.
486
Introduction à la science des matériaux
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LISTE DES SYMBOLES
Symbole
Description
Unité
A As a, b, c a, b, c B b C cfc cc ci D DT d d dG E E E ED Er(t) e F Fe
Energie libre, fonction de Helmholtz Coefficient de striction Paramètres de maille cristalline Vecteurs unitaires du réseau spatial Induction magnétique Vecteur de Burgers Coulomb Maille cubique faces centrées Maille cubique centré Concentration en poids du constituant i Coefficient de diffusion Coefficient de diffusion thermique Sous-niveau énergétique Diamètre, distance Diamètre moyen du grain Champ électrique Energie Module d'élasticité (module de Young) Bande interdite Module de relaxation Charge électrique d'un électron (1,602·10–19) Force appliquée Force de propagation d'une fissure induite par la relaxation des contraintes Force de rétraction élastique Force de freinage d'une fissure associée à la création de nouvelles surfaces Sous-niveau énergétique Variance Fraction d'une phase j Force d'attraction Force de répulsion Module de cisaillement Enthalpie libre Energie spécifique de rupture Champ magnétique
(J mol-1) – (nm) – (T) – (A·s) – – (g/g - % pds) (m2 s–1) (m2 s–1) – (m) (m) (Vm–1) (J) (GPa) (eV) (GPa) (C) (N)
Fr Fs f f fj fA fR G G Gc H
(N) (N) (N) – – – (N) (N) (GPa) (J mol–1) (J m–2) (Am–1)
488
H h hc h, k, l I J Jc(t) K K KC k L l lc M Me Mi Mn Mw me ml ρ mn ms NA Ni n n n n P P P p p p, µ p Q Q q+, qR R R R
Introduction à la sciences des matériaux
Enthalpie Constante de Planck (6,63·10–34) Maille hexagonale compacte Indices de Miller d'un plan cristallin Indice de polymolécularité Flux d'atomes (diffusion) Complaisance de fluage Module de compressibilité volumique Facteur d'intensité des contraintes Facteur d'intensité critique des contraintes Constante de Boltzmann (1,381. 0–23) Longueur Demi-longueur de fissure Longueur critique des fissures Aimantation Masse molaire des chaînons élastiques Masse molaire de l'unité structurale Masse molaire moyenne en nombre Masse molaire moyenne en poids Masse de l'électron Nombre quantique magnétique Masse volumique Masse du nucléon Nombre quantique de spin Nombre d'Avogadro (6,022·1023) Nombre de i-mères Exposant (écrouissage) Nombre quantique principal Nombre quantique angulaire Nombre de constituants Pression Pression hydrostatique Puissance Probabilité Sous-niveau énergétique Moment dipolaire Nombre de phases Enthalpie d'activation de la diffusion Flux thermique Charges électriques Distance entre charge électrique Constante des gaz parfaits (8,314) Rayon de l'atome Résistance
(J mol–1) (Js) – – – (m–2 s–1) (GPa–1) (GPa) (MPa m0,5 ) (MPa m0,5 ) (JK–1) (m) (m) (m) (Am–1) (g mol–1) (g mol–1) (g mol–1) (g mol–1) (g) – (g cm–3 = t m–3) (g) – (mol–1) – – – – – (Pa) (Pa) (W) – – (mC) – (J mol–1) (Wm–2) (C) (nm) (J mol–1K–1) (nm) (Ω)
Liste des symbôles
Re Rm R0,2 r r0 S S Sc Sv S0 s T Tc Td Tg Tm Tv • T t U U Ur V v ν Xi Z α
γ γ ∆ ∆x ε εR εr εx η θ θ θ n κ
Limite d'élasticité Résistance à la traction Limite conventionnelle d'élasticité (0,2 %) Distance entre les ions Distance à l'équilibre entre les atomes Entropie Surface Facteur de Schmid Entropie volumique Section initiale d'un barreau élastique Sous-niveau énergétique Température Température de transition supraconductrice Tension de ligne (dislocations) Température de transition vitreuse Température de fusion Température de vaporisation Vitesse de refroidissement Temps Energie interne Potentiel électrique Energie de rupture Volume Vitesse volume spécifique (massique) Fraction molaire d'un constituant i Nombre atomique Coefficient d’expansion (de dilatation volumique) Angle de cisaillement Energie spécifique de surface Variation relative de volume Allongement suivant l'axe x Déformation nominale Déformation à la rupture Déformation réelle Déformation Viscosité Angle de liaison Angle de diffraction RX Température de Curie Température de Néel Conductivité thermique
489
(MPa) (MPa) (MPa) (nm) (nm) (J K–1 mol–1) (m2) – (J K–1 m–3) (m2) – (K) (K) (N) (°C) (K) (°C) (K) (°C) (K) (K s–1) (s) (J mol–1) (V) (Jm–3) (m3) (ms–1) (m3kg) – – (K–1) (°) (Jm–2) – (m) – – – – (Pa . s) (°) (°) (K) (K) (Wm–1K–1)
490
λ λ µ π ν ρ ρ ρυ σ σ σx σc σr τ τ τc τe ν φ χr ψ
Introduction à la sciences des matériaux
Angle entre la contrainte appliquée et la direction de glissement Longueur d'onde Perméabilité magnétique Liaison Coefficient de Poisson Densité de dislocations Résistivité Masse volumique Conductivité Liaison Contrainte nominale Contrainte critique Contrainte réelle Contrainte de cisaillement Temps de relaxation Contrainte de Peierls Contrainte de cisaillement critique Volume massique (volume spécifique) Angle entre la contrainte appliquée et la normale au plan de glissement Susceptibilité magnétique Fonction d'ondes
(°) (nm) (Hm–1) – – (m–2) (Ωm) (gcm–3 = t m–3) (Ω–1m–1) – (MPa = 106 Pa) (MPa) (MPa) (MPa) (s) (MPa) (MPa) (cm3g–1= m3t–1) (°) – –
INDEX ANALYTIQUE
Aciers, 222, 284 – eutectoïde, 316 Activation thermique, 238 Ag-Hg (diagramme de phases), 232 Agent – de renfort, 461 – de couplage, 464 Aimant – non permanent, 414 – permanent, 414, 429 Alliages, 197 – de polymères, 197, 287 – de polymères amorphes (microstructures), 287 – fer-carbone (microstructures), 284 – fer-carbone (limite élastique), 344 – industriels, 342 – métalliques, 3, 192 Allongement, 140 Allotropie, 205 Alumine-silice (diagramme de phases), 225 Amalgame, 231 Amorphe (structure), 64 Analyse thermique, 217 Anélasticité, 310 Anode, 438 Antiferromagnétique (matériaux), 412 Atactique (polymère), 107 Atome, 21 Atomes étrangers, 172 – en substitution, en insertion, 172 Aube monocristalline, 361 Austénite, 223 Auto-interstitiel, 172 Avogadro (nombre d’), 21 Avrami (loi de), 257 Bandes (de conduction), 43
– d’énergie, 42 – de glissement, 328 – de valence, 43 – interdites, 43 – (théorie des), 42 Basse température, 321 Béton – de ciment, 126 – armé, 453 Bloch (parois de), 414 Boltzmann (principe de), 164 Boucles de dislocation, 181, 183 Boucle lacunaire, 182 Bragg (loi de), 76 Brillance, 426 Burgers (circuit de), 180 – (vecteur de), 181 Câble de téléphérique, 315 Carie dentaire, 230 Caoutchouc, 108, 114, 144, 307 – idéal, 147 – silicone, 95 – thermoplastique, 289 Cathodique (protection), 442 Cémentite, 222 Céramique(s), 4, 120, 285, 483 – coloration, 422 – frittées – microstructures, 285 – non ionique, 85 – résistance à la corrosion, 452 – technique, 129 Chaîne polysiloxanique, 95 Champ – coercitif, 415 – d’induction magnétique, 409 – magnétique, 409
492
Introduction à la sciences des matériaux
Chlorure de vinyle, 106 Ciment hydraulique, 126 Cisaillement (module de), 143 – simple, 142 Cission, 143, 323 Clinkers, 127 Coefficient – de concentration de contraintes, 370 – de conductivité thermique, 404 – de diffusion, 240 – de frottement, 475 – de Poisson, 141 – de striction, 304 Cohésion – de la matière, 26, 48 – interne, 48 Coloration – céramiques, 423 – matériaux, 422 – substances organiques, 425 Compacité, 85 Complaisance de fluage, 162 Comportement en traction, 301 – des élastomères, 307 – viscoélastique (polymère), 158, 355 Composés – intermédiaires (intermétalliques), 221 – organiques, 344 Composites, 5, 457 – carbone-carbone, 466 Concentration de contraintes, 370 Conducteur, 389 Conductibilité thermique, 403, 406 – par phonons, 407 – de réseau, 407 Conductivité électrique des métaux, 44, 394 Conduction thermique (mécanismes), 406 Consolidation, 304 Constituants, 198 Contrainte, 140, 301
– critique de rupture, 375 – de Peierls 336 – réelle, 309 Copolymère, 226 – à blocs (séquencé), 228 – greffé, 228 – microstructure, 287 – statistique, 228 – synthèse, 228 Corrosion, 436 – chimique des céramiques, 452 – du béton, 452, 453 – galvanique, 437 – des métaux, 437 – sèche, 442 Couleur, 419 Courbe – de désaimantation, 415 – de traction, 303 – pilote (viscoélasticité), 357 Cristal – ionique, 90 – parfait, 62 – (déformation élastique du), 150 – réel, 62, 171 Cristallisation partielle (polymère), 114, 210 Cristallographie, 64 Cristaux ioniques (organisation des),90, 187 Croissance cristalline, 251 – des phases, 251 – équiaxe, 255 – par dislocation-vis, 252 – par germination secondaire, 252 Curie (loi de), 412 – (température de), 411 Cycle de matériaux, 10 Décomposition spinodale, 260 Défauts – bidimensionnels, 171, 187 – de Frenkel, 175 – de Reneker, 177
Index analytique
– de Schottky, 175 – de structure, 171 – linéaires, 178 – ponctuels, 171, 173, 175 Déformation – affine, 151 – à la rupture, 301 – du caoutchouc idéale, 155 – élastique, 139,319 – nominale, 301 – plastique, 185, 300, 321,319 – plastique des thermoplastiques, 329 – plastique des métaux, 327 – réelle, 309 – relative, 140 – viscoélastique, 350 – vitesse, 328 Dégradation, 436 – des polymères, 445 Degré de liberté, 203 Dendrite, 245, 256 Densité des dislocations, 187 Dépolymérisation, 446 Diagrammes d’équilibre de phases, 210 – de phases (substance pure), 202 – en fuseau, 213 – eutectique, 218 – fer-carbone, 222 – péritectique, 220 – TTT, 258 Diamant, 93 Diamagnétique, 411 Diffraction (électrons, neutrons, rayons X), 76 Diffusion, 172, 237 Dimension de l’atome, 50 Dipôle électrique, 35, 45 Direction cristalline, 73 – de glissement, 186 Dislocations, 178, 334 – coin, 179 – (densité de), 187
493
– déplacement, 335 – effet des particules, 336 – (énergie de), 334 – image de dislocation, 277 – mixte, 182 – (montée de), 353 – (mouvement des), 185 – vis, 179 – (vitesse de déplacement des), 328 Domaine de solubilité, 200 Dopage, 402 Drude-Lorentz (théorie de), 394 Ductilité, 300, 304, 378 Durcissement – magnétique, 416 – structural, 283, 333, 338 Dureté, 299, 313 Écrouissage, 304, 339 Effet Joule, 390 – anélastique, 310 – bathochrome, 422 Élasticité, 140 – enthalpique, 146 – entropique, 146 Élastomères, 114, 144, 307 – thermoplastiques, 290 Électroaffinité, 27 Énergie – de cohésion, 60 – de déformation, 310 – de rupture, 154 – d’ionisation, 27 – d’une dislocation, 334 – interne, 145 – libre de surface, 373 – spécifique de propagation de la rupture, 155, 376 – spécifique de surface, 154, 201 – thermique, 59 Enthalpie, 204 Entropie, 145 – configurationnelle, 146, 249
494
Introduction à la sciences des matériaux
Équilibre thermodynamique, 173 Équivalence temps-température, 358 Essai de traction, 301 État – liquide, 61 – instable, 207 – métastable, 209 – ordonné, 61 – stable, 207 – vitreux, 64 Eutectique, 218, 256, 280 Eutectoïde, 224 Extension uniaxiale (thermodynamique de l’), 145 Facteur – de temps, 358 – de Schmid, 324 – d’intensité des contraintes, 376 Fatigue, 302, 380, 385 Faute d’empilement, 190 Ferrite, 285, 413, 430 Ferrimagnétique (matériau), 412 Ferromagnétique (matériau), 412 Fibres, 360 – de carbone, 52, 461 – de renforcement, 461 – de verre, 461, 463 Fick (loi de), 240 Fissure (longueur critique), 373 – instable, 373 – stable, 373 Fluage, 162 – des alliages métalliques, 351 – par diffusion, par dislocation, 352 – secondaire, tertiaire, 352 Fluides newtoniens, 158 Flux, 240, 242 Fonction d’onde, 22 Fonte(s), 284 – blanche, 225, 285 – grise, 285, 313 Force
– d’attraction (entre atomes), 49 – de déplacement d’une dislocation, 335 – de répulsion (entre atomes), 49 – de Van der Waals, 46 Formage des thermodurcis, 114 Fourier (loi de), 404 Fragilité, 369 Franck-Read (source de), 339 Frittage, 286 Frottement (coefficient de), 475 Fluorescence, 422 Galvanisation, 442 Génie des matériaux, 8 Germe, 243 Germination, 246 – homogène, hétérogène, 245, 246 – primaire, secondaire, 251 Gisements, 12 Glissement (systèmes de), 323 Gradient de concentration, 240 Grains, 188, 241, 268 Graphite (structure du), 41 Griffith (théorie de), 375 Haber-Born (cycle de), 29 Haute température, 350 Hooke (loi de), 140 Hume-Rothery (règle de), 215 Hund (règle de), 26 Hybridation (des orbitales), 35 Hydrogel, 135 Hystérésis, 415 – (boucle d’), 313 Indices – de Miller, 69 – de Miller-Bravais, 72 Indice de polymolécularité, 113 Industrie automobile (traitement laser), 291 Isolants, 392 Instable (état), 207
Index analytique
Interface entre phases, 201, 252 – lisse, 252 – accidentée, 252 Intermétallique (composé), 221 Interstitiel, 172 – site, 89 Ion, 27 Ionisation, 27 Isolant – électrique, 44, 392 – thermique, 406 Joint – de flexion, 188 – de grains, 187, 340 – de torsion, 188 Kevlar® , 112, 118 Lacune, 172, 237 – de miscibilité, 214 – (concentration de), 173 Laser, 291 Lentilles de contact, 131 Liaison – chimique, 26 – covalente, 30 – covalente polaire, 34 – de Van der Waals, 46 – double, 36 – (énergie de), 48 – faible, 26, 45 – forte, 26 – hydrogène, 45 – ionique, 27 – métallique, 41 – π, 40 – secondaire, 45 – σ, 36 Ligne de cotes, 470 Limite d’élasticité, 301, 332 – alliage industriel, 342 – en cisaillement, 323 Liquide (état), 60 Liquidus, 217
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Loi(s) – de Fick, 240 – de Hooke, 140 – de Schmid, 324 – de transformation (Avrami), 257 – de généralisation en viscoélasticité linéaire, 161 Macle, 190, 327 Macromolécule, 94 Maille, 65 – élémentaire, 66 – hexagonale, 68 – multiple, 66 – simple, 66 Martensite, 265 Masse – moléculaire moyenne, 112 – volumique, 479 Matériau(x), 1 – à élasticité enthalpique, 302, 146 – à élasticité entropique, 307, 146 – à mémoire, 160 – antiferromagnétiques, 333, 412 – (classe de), 2 – composites, 5, 457, 458, 465 – coût, 13, 14 – du ski, 473 – diamagnétiques, 411 – ferrimagnétiques, 411, 412 – ferromagnétiques, 411 – génie, 8 – macromoléculaire, 92, 103 – magnétiques, 409 – magnétiques doux, 413 – magnétiques durs, 413 – organiques, 344 – paramagnétiques, 411 – ressources, 10 – (science des), 8 – stratifiés, 468 – utilisation, 6 – thermorhéologiquement simple, 358 – viscoélastiques, 158, 355
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Introduction à la sciences des matériaux
Matière, 1 Matrice des matériaux composites, 465 Maxwell (modèle de), 160 Mécanique de la rupture, 375 Mécanismes – de cristallisation, 251 – de déformation plastique, 327 Mendeleïev (table périodique des éléments), 4 Mélange de polymères, 227 – microstructures, 287 Métastable (état), 209 Métaux, 3, 85 – (conductivité électrique des), 43, 394 – réfractaires, 443 – (structure compacte des), 85 Microscope – électronique, 275 – optique, 274 Microfissuration, 331 Microstructure, 6, 7, 254, 273, 280 – alliages de polymères, 287 – alliages métalliques, 280 – céramiques frittées, 287 – copolymères, 287 – eutectique, 280 – lingot, 268 – sphérolithe, 278, 330 – traitement laser, 291 Miller (indice de), 69 Miller-Bravais (indice de), 72 Miscibilité, 210 Mobilité, 61 Mode de déformation, 159 Module – d’élasticité, 143 – de compressibilité volumique, 143 – de relaxation, 162, 355 – de Young, 140 Mole, 21 Molécule(s), 46 – polaire, 35 – (géométrie des), 37, 40, 41
Moment dipolaire, 35 Monocristal, 63, 80, 365 Montée des dislocations, 353 Motif, 65 – constitutif, 104 Nanotube, 56 Néel (température de), 412 Neige (flocon de), 267 Nœud, 65 Nombre – quantique angulaire, 24 – d’Avogadro, 21 – de spin, 25 – magnétique, 24 – principal, 23 Nucléon, 21 Nucléation, 244 Nylon® , 112 Octaédrique (site), 89 Œil (structure), 132 Orbitale, 31 – antiliante, 31 – hybride, 35 – liante, 31 – moléculaire, 31 – polynucléaire, 39 Ordre – à courte distance, 60 – à grande distance, 60 Orientation, 347 Orowan (mécanisme de), 338 Oxydation, 442 Oxydes, 442 Paramagnétique (matériau), 412 Paramètres – de Larson-Miller, 359 – de maille, 89 Parois de Bloch, 413 Particules, 280 Passivation, 441 Pauli (règle de), 25 PEEK, 465
Index analytique
Péritectique (diagramme), 221 Perlite, 198, 284 Pertes magnétiques, 415 PET, 112 Phase, 198,199 Phases – intermédiaires, 221 – (transformation de), 237 – (règle des), 203 Phonons, 407 Phosphorescence, 422 Photodégradation, 448 Photoluminescence, 422 Photons, 418 Phyllosilicate, 122, 124 Pile électrochimique, 438 Plan – de glissement, 179,185 – réticulaire, 65 Point – eutectique, 219 – péritectique, 220 Poisson (coefficient de), 141 Polarisation, 45 Polyamide, 112 – aromatique, 112, 118 Poly(chlorure de vinyle), 105 Polycondensat, 109 Polycondensation, 110 Polycristal, 63, 341 Polydiène, 108 Polyester, 112 Polyéthylène, 93, 94 Polymère(s) – hétérotactique, 107 – inorganiques, 95 – isotactique, 107, 117 – linéaires, 92, 94 – organominéraux, 95 – réticulés, 113 – semicristallins, 114, 116, 187, 210 – structure de la maille cristalline, 116 – syndiotactique, 107 – thermodurcis, 113, 115
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– thermoplastiques, 92, 113 – organiques, 3, 103, 344, 481 – dégradation, 445 – propriétés mécaniques, 346 – résistance à la corrosion, 451 – stabilisation, 449 Polymérisation, 104 Polymorphisme, 89, 205 Polypropylène, 107, 118, 296 Polystyrène, 104 – choc, 199, 289 Polytétrafluoroéthylène, 108 Porosité, 285 Potentiel d’électrode, 437 Précipitation, 283 Pression hydrostatique, 143 Pressage isostatique, 287 Principe – de Boltzmann, 164 – d’équivalence temps-température, 358 Propriétés – magnétiques, 409 – mécaniques, 5, 299, 479 – optiques, 417 – optiques (métaux, semiconducteurs), 426 – physiques, chimiques, 5 PVC, 105, 451 Rangée réticulaire, 66 Rayon – de l’ion métallique, 51, 481 – de Van der Waals, 50, 481 – ionique, 50, 481 Réaction de polymérisation, 104 Recristallisation, 354 Renforcement des solides cristallins, 332 Règle des phases, 203 – des segments inverses, 215 Relaxation, 162 Reptation, 347 Réseau spatial, 65 – de Bravais, 68
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Introduction à la sciences des matériaux
Réserves, 12 Résistance des matériaux, 299 Résistance à la traction, 301 – théorique, 152 Résistivité, 390 – intrinsèque ou idéale, 398 – résiduelle, 398 Restauration, 354 Ressources, 12 Réticulation, 115, 349 Revenu, 283 Rigidité, 301 Rouille (mécanisme de formation), 440 Rupture – ductile, 378 – fragile, 371 Science des matériaux, 7, 8 Schmid (loi de), 324 Séquencé (copolymère), 229 Semiconducteur, 44, 392, 399 – extrinsèque (n), 402 – extrinsèque (p), 402 – intrinsèque, 402 Semimétal, 399 Silicate, 120 Silice, 96,123 Silice-alumine (diagramme de phases), 225 Silicium (monocristal de), 80 Site – interstitiel, 89 – octaédrique, 89 – tétraédrique, 89 Solide moléculaire, 46 Solubilité, 200 Solidus, 217 Solution – solide, 200 – d’insertion, 238 – de substitution, 238 Sous-joint, 188 Sphérolithe, 245, 278 Spinodale (décomposition), 260 Stabilisation polymère, 449
Stable (état), 207 Stellite, 293 Stratifiés (matériaux), 468 Striction (coefficient de), 304 Structure – amorphe, 64, 79 – cristalline, 64, 79 – cristalline cubique, 85 – du diamant, 93 – hexagonale compacte, 85 – polymère, 93, 103 – sandwich, 468 – semicristalline, 64 Substances organiques (couleur), 425 Substitution (atome), 172 Superalliage, 350, 364 Supraconductivité, 390 Surfusion, 249 Système à un constituant, 202 Systèmes – binaires, 210 – de glissement, 326 – eutectiques, 219 – à point de fusion minimum, 218 Syndiotactique, 107 Transformation de phases, 237 Teflon® , 108 Téléphérique, 314 – (câble de), 314 Température – basse et haute, 320 – de transition (supraconductivité), 393 Ténacité, 300, 378 Tension interfaciale, 201 Tétraédrique (site), 89 Thermoplastique, 92, 113 – amorphe, 114 – comportement viscoélastique, 355 – semicristallin, 114 Thermodurci (polymère), 115 Traction (essais, courbes), 302 Transformation – allotropique, 244 – de phases, 237, 243
Index analytique
– eutectique, 218, 244 – eutectoïde, 244 – martensitique, 265 – par décomposition spinodale, 260 – péritectique, 220 – sans diffusion, 264 Transition vitreuse, 205, 206, 346 Transparence, 418 Trempe, 265 Trichites, 333, TTT (diagrammes), 258 Turbine à gaz, 362 Type de déformation, 161 Unité constitutive, 104 Utilisation des matériaux, 6 Valence, 29, 30 Variance, 203 Vecteur – aimantation, 409 – de Burgers, 180 Verre, 64, 205
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– de silice, 123 – métallique, 64, 98 – minéral ou inorganique, 64, 124, 209 – organique, 64 Vieillissement – chimique, 435 – physique, 435 Viscoélasticité, 158, 355 – linéaire (loi de Hooke), 161 Viscosité, 158 Vitesse – de déformation, 328 – de déplacement des dislocations, 328 – de dérive, 395 – de germination, 250 – de fluage, 352 – de propagation de la fissure, 381 Vitrification, 264 Vitrocéramique, 126 Vulcanisation, 115 Weiss (domaines de), 413
SOURCE DES ILLUSTRATIONS
Nos remerciements s'adressent également aux Editeurs et aux Sociétés qui nous ont permis d'utiliser les références suivantes: – Academic Press (New York): figure 5.10. – Applied Science Publisher (Barking, Essex-UK): figure 13.9. – British Ceramic Society (London): figure 9.31. – Butterworth Scientific Limited (London): figures 5.8 et 5.12. – Cambridge University Press (Cambridge): figures 2.25, 16.7 et 16.8. – Clarendon Press (Oxford): figures 2.23, 2.24 et 11.6. – Cornell University Press (Ithaca, N.Y.): figure 12.25. – Groupe Français des Polymères (Strasbourg): figures 10.4, 10.5, 16.12 et 16.13. – Hachette (Paris): tableaux 17.1, 17.2.1, 17.2.2, 17.2.3 et 17.2.4 – Houghton-Mifflin (Boston): figure 6.19. – Iliffe (London): figures 5.8 et 5.12. – Imperial Chemical Industries (London): figures 16.7 et 16.8. – Kabelwerke Brugg Product Limited and Sonderdruck aus « Internationale Seilbahn»: figure 11.14. – Macmillan Publishing Company (New York): figures 8.16 et 12.9. – Masson (Paris): figure 15.8. - Matériaux et Techniques (Paris): figure 16.9. – McGraw-Hill (New York): figure 7.15. – Oliver and Boyd (London): figure 10.4. – Oxford University Press: figure 5.10. – Pergamon (Oxford): figures 12.5, 12.6, 12.12, 12.27, 13.7 et 16.17 et tableau 15.7. – Plenum Press (New York): figures 10.4 et 12.11. – Rossignol: figures 16.14 et 16.15. – Royal Society: figures 2.23 et 2.24. – Scientific American: figures 2.9, 4.9, 12.30, 14.24, 14.27, 14.29 et 14.30. – Société d'Edition Scientifique (Paris): figures 5.16 et 14.16. – Sulzer Frères S.A. (Winterthur): figure 1.9. – TOYOTA Motor Company (Japan): figure 10.19. – Van Nostrand Reinhold (Wokingham, U.K.): figures 3.10, 3.11, 3.12, 3.14, 9.12 et 10.6. – Verlag Stahleisen (Dusseldorf): figure 12.21. – Von Roll: fig.11.13. – Wiley (New York): figures 7.9, 7.12, 7.25, 8.22, 10.16 et 16.2.
BIOGRAPHIE DES AUTEURS
Jean P. Mercier est professeur à l'Université catholique de Louvain. Docteur en sciences de cette université en 1961 avec comme orientation la chimie macromoléculaire, il s'est spécialisé de 1961 à 1963 en physique des polymères à l'Université de Princeton (N.J., U.S.A.). Après avoir été attaché au Fonds national de la recherche scientifique, Jean P. Mercier a été nommé chargé de cours en 1967 à la Faculté des sciences appliquées de l'Université catholique de Louvain dont il a fondé le Laboratoire des Hauts Polymères. Il a enseigné à plusieurs reprises comme professeur invité à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) et, de 1981 à 1987, il a été Conseiller scientifique du Groupe français des polymères. Il est l'auteur de plus de 80 publications scientifiques et de plusieurs ouvrages dans le domaine de la physique et de la chimie des polymères et titulaire de plusieurs brevets.
Gérald Zambelli est chargé de cours et adjoint scientifique à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Après une formation d'ingénieur technicien à l'Ecole d'ingénieurs de Genève, il a entrepris des études à l'Université de Genève et obtenu son diplôme de physicien en 1967. Il a obtenu un doctorat à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne en 1976 en science des matériaux et s'est spécialisé dans l'étude des micromécanismes de rupture des microstructures hétérogènes des alliages de coulée. Depuis 1984, il oriente ses travaux dans le domaine du comportement à l'usure par abrasion des alliages métalliques renforcés par des phases dures. Il est l'auteur ou le coauteur de nombreuses publications et il a participé à plusieurs émissions de vulgarisation scientifique à la Télévision suisse romande.
Wilfried Kurz est professeur ainsi que directeur du Laboratoire de métallurgie physique et du Centre de traitement des matériaux par laser de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Il a obtenu son diplôme en 1963 et son doctorat en 1968 à la Montanuniversität (Ecole des Mines) de Leoben en Autriche. Avant de venir à l'EPFL, il a travaillé pendant neuf ans d'abord comme chercheur puis comme chef de groupe de métallurgie physique à l'Institut Battelle de Genève. Son enseignement couvre les domaines des équilibres et de la cinétique des transformations de phases et sa recherche porte essentiellement sur les procédés et microstructures de solidification. Il est auteur et coauteur de trois livres et de plus de 100 publications.