Kinshasa Ville et Environnement
Espace Harmattan Kinshasa Dirigé par Léon Matangila (Kinshasa) et Eddie Tambwe (Paris)
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Justice transitionnelle
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Malu,
Epurations
ethniques
en
Francis Lelo Nzuzi
Kinshasa Ville et Environnement
Priface LÉON DE SAINT MOULIN S.].
L'Harll1attan
Photo de couverture Quartier Grand-Monde à Kingabwa-Pêcheurs/Kinshasa (photo Gbua Mbeli, 2005)
@ L'Harmattan, 2008 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 http://www.1ibrairieharmattan.com
[email protected] harmattan
[email protected] ISBN: 978-2-296-06080-7 E~:9782296060807
Paris
Remerciements
C
ET OUVRAGEest devenu effectif grâce aux observations de plusieurs personnes qui ont lu soit un des chapitres, soit tous les textes. Le principe arrêté était de faire lire d'abord les textes par les fonctionnaires des services techniques de l'Etat parce qu'ils sont technocrates-praticiens et ensuite par les universitaires parce qu'ils sont théoriciens-concepteurs. Qu'ils trouvent ici l'expression de nos sincères remerciements. Ces lecteurs sont nombreux. Les fonctionnaires sont Nseka François (géographe-aménagiste et directeur au Bureau d'études d'aménagement et d'urbanisme) pour le 2(' chapitre; Mabiala Jérôme et Zasy Germain (ingénieurs forestiers et directeurs au Service permanent d'inventaire et d'aménagement forestier) pour le 3(' chapitre; Tuluenga David et Omakoy Damas (ingénieurs en bâtiments et travaux publics et directeurs à l'Office de voirie et drainage) pour le 4(' chapitre; Kipoy Ngiam (géographe-aménagiste-hydrologue et directeur à la Régie des voies fluviales) pour le 5(' chapitre et Ngoyi Mbele Evariste (ingénieur d'assainissement et directeur du Programme national d'assainissement) pour le 6(' chapitre. Les universitaires sont Tsambu Léon (sociologue, chef de travaux à l'université de Kinshasa) et Mukendi Martin (philosophe, professeur à
l'Université pédagogique nationale) pour le 1 chapitre; ('r
Mansila Fukiau
Shourit (géographe-aménagiste, professeur à l'Institut supérieur pédagogique de la Gombe) pour le 2<' chapitre; Binzangi Lambert (géographeenvironnementaliste, professeur à l'Université pédagogique nationale) pour le 3(' et le 6(' chapitre; Gulemvuga Géorges (ingénieur hydrologue, assistant à l'Institut des sciences et techniques appliquées et directeur à la Régie des voies fluviales) et Matezo Honoré (géographe-aménagiste, professeur à l'Institut supérieur pédagogique de la Gombe et directeur général de l'Institut géographique du Congo) pour le 5('chapitre; Katanga wa Katanga (météorologue, professeur à l'Institut des sciences et techniques appliquées), Ntambwe Kalala et Ngoy (météorologues, chefs de travaux à l'Institut des 7
sciences et techniques appliquées) pour le 8e chapitre; Musibono Dieudonné (biologiste-environnementaliste-écotoxicologue, professeur à l'université de Kinshasa) pour le 8e chapitre. Enfin, le manuscrit dans son intégralité a été lu par le père Léon de Saint-Moulin (historien-démographe, professeur d'université) qui a bien voulu aussi préfacer l'ouvrage. Qu'il trouve aussi, ici, l'expression de notre sincère grati tude. Les illustrations qui donnent à l'ouvrage un bon support visuel didactique et pédagogique ont été réalisées par l'ingénieur Batumbo Arly (Service de météorologie par satellite/Metelsat) et le cartographe Kinsumba John (Institut géographique du Congo). Qu'ils trouvent eux aussi, ici, l'expression de notre sincère reconnaissance.
8
Avant-propos
L
ES
UNIVERSITAIRES,
les fonctionnaires
et
les organisations
non
gouvernementales trouvent en abondance, ces derniers temps, des ouvrages politiques, sociologiques et anthropologiques sur Kinshasa, mais pas sur son environnement. Et pourtant, c'est le domaine non seulement qui donne des cauchemars aux pouvoirs publics et aux populations kinoises, mais aussi qui fait beaucoup parler de lui dans les médias de Kinshasa. Les Kinois utilisent encore, par manque de publications récentes, les livres des années soixante-dix et quatre-vingt ainsi que certaines études vieilles d'une trentaine d'années. Les services publics détiennent encore des études sur Kinshasa qui abordent brièvement les conséquences de son urbanisation sur l'environnement, mais elles restent en souffrance dans les tiroirs des ministères et ne sont pas diffusées pour le grand public. C'est le cas des études réalisées d'abord par les services spécialisés étatiques et ensuite par des bureaux d'études congolais et internationaux. C'est ce vide qui justifie la rédaction de ce livre destiné au grand public. Sa rédaction suit le fil conducteur suivant: 1) elle analyse les perceptions et les croyances populaires locales qui ont un réel impact sur l'espace urbain; 2) elle décrit la croissance urbaine et l'occupation spatiale; 3) elle présente l'ampleur du déboisement du site urbain dû à la dynamique de l'habitat; 4) elle brosse le tableau des érosions de la ville, résultant de la déforestation du site urbain; 5) elle détaille les inondations, dues à l'ensablement des cours d'eaux par les érosions; 6) elle traite des déchets solides urbains non évacués et mal gérés, utilisés pour lutter contre les érosions et les inondations; 7) elle explique le mode d'évacuation des eaux usées; 8) elle étudie la pollution de l'air urbain par la circulation automobile et l'industrie ainsi que sa menace pour la santé publique; 8) elle ouvre, dans une conclusion générale, des perspectives d'avenir en montrant que l'éducation environnementale et l'urbanisme participatif peuvent changer les choses et que les jeunes peuvent être mobilisés pour des actions efficaces sur la gestion de la ville. 9
Comme on le constate, ce livre se structure selon une approche thématique mais préserve des liens entre les faits. Il rassemble dans un tout, étoffé et illustré, plusieurs thèmes relatifs à l'environnement urbain de Kinshasa. Certains chapitres sont plus approfondis que d'autres à cause de l'abondance des matières à traiter. Nous espérons, par cet ouvrage, apporter aux universitaires, aux fonctionnaires et aux organisations non gouvernementales un cadre de référence qui permette de comprendre la genèse des catastrophes environnementales de Kinshasa que certains adultes continuent encore à expliquer par des phénomènes surnaturels. Puisse ce livre inviter les populations et les autorités municipales à se former sur l'éducation environnementale et l'urbanisme participatif pour un développement urbain durable.
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Préface
A LECTUREde Kinshasa, ville et environnement ne laissera pas indifférent. y invite à partager avec lui son engagement pour un meilleur environnement urbain à Kinshasa et sa réflexion sur les mécanismes de transformation de la vie dans cette métropole. Les premiers mots des titres du livre évoquent non seulement des faits, mais aussi la vibration qu'ils ont suscité en lui: Kinshasa, ville fascinante Oes préliminaires), Site topographique et dynamique urbaine (chapitre 2), Croissance spatiale et déboisement urbain (chapitre 3), Occupation spontanée et érosions urbaines (chapitre 4), Anarchie foncière et inondations urbaines (chapitre 5), Déchets municipaux et insalubrité urbaine (chapitre 6), Eaux usées et nuisance urbaine (chapitre 7), Air insalubre et pollution urbaine (chapitre 8). L'auteur est moins un théoricien qu'un homme de terrain. Il nous invite à partager son regard et ses analyses pour reconnaître avec lui que la dégradation actuelle de l'environnement n'est pas une fatalité. Elle trouve son origine dans des comportements irresponsables, souvent par inconscience, mais aussi par la démission ou les fautes des autorités. Les chapitres que nous venons d'évoquer sont encadrés par deux autres. Le premier est une fresque de l'histoire urbaine qui retrace la formation des divers quartiers dans la plaine et sur les collines périphériques de l'amphithéâtre monumental que constitue le Pool Malebo. Les mécanismes qui ont conduit à l'érosion des versants, à l'ensablement des vallées et des réseaux de drainage, à l'insalubrité et à la formation de nouveaux marécages y sont au centre de la réflexion. Au fil des paragraphes, l'auteur fait néanmoins aussi observer l'ampleur des paysages en de nombreux sites et les joies que peuvent assurer à ses occupants tant les bords du fleuve que la périphérie urbaine. La conclusion générale est l'objectif de tout le livre: un appel à la mobilisation pour une éducation environnementale et un urbanisme participatif. L'auteur y voit la seule solution aux problèmes de
L L'auteur
Il
l'environnement à Kinshasa. Sans la participation de la population et le renforcement de ses connaissances en matière d'environnement, les programmes les plus coûteux d'aménagement urbain ne pourront contrôler les érosions, les inondations, l'accumulation des immondices et la dégradation des conditions de vie. La population, par contre, et les jeunes particulièrement, déjà présents et actifs sur le terrain en de nombreux endroits comme "ingénieurs aux mains nues", réussissent, avec des moyens limités, à lutter contre les dégâts causés par la dégradation de l'environnement urbain. Les résultats sont particulièrement appréciables là où leur action est soutenue par des appuis et l'accompagnement de groupes ou d'institutions qui les dotent d'un minimum d'équipement. Puisse le regard original et engagé qui inspire ce livre amplifier l'attention des gestionnaires de la ville de Kinshasa et susciter une mobilisation plus large pour trouver des solutions aux problèmes si fondamentaux de l'environnement urbain!
LÉON DE SAINT MOUUN S.J. Professeur émérite et membre du Cepas, Centre d'Etude Pour l'Action Sociale
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Introduction
A RÉFLEXION porte sur Kinshasa, ville et environnement. Certaines raisons justifient le choix de mon livre. Kinshasa connaît de sérieux problèmes d'environnement, consécutifs à sa croissance spatiale rapide et anarchique qui a entraîné, notamment, le déboisement urbain. Cette dégradation de la couverture végétale est à l'origine des gigantesques érosions et de graves inondations. Certains Kinois, victimes de ces dégâts, croient fermement que ces catastrophes naturelles ont des origines surnaturelles, métaphysiques, comme, notamment, la sorcellerie. De telles croyances ont été confirmées par les résultats d'enquêtes réalisées auprès des sinistrés. Ce sont ces mêmes croyances qui sont à la base de l'insalubrité de la ville parce que certains Kinois sont convaincus aussi que les Noirs sont invulnérables à la saleté, aux microbes, c'est-à-dire à l'insalubrité. Or, cela n'a jamais été prouvé scientifiquement. Le résultat est que le Kinois se complait à vivre dans l'insalubrité et à évacuer, par l'absence de décharges contrôlées, ses ordures dans des espaces publics. Il en est de même de ses eaux usées et de ses excrétas qu'il évacue sans normes hygiéniques dans des lieux publics, soit par manque, soit par dégradation du réseau d'assainissement. Ce mode d'évacuation est à la base aussi, comme le démontrent clairement les statistiques, de l'augmentation des maladies dues aux mains sales et d'origine hydrique. Les mêmes statistiques présentent aussi la croissance des cas de maladies respiratoires et d'autres intoxications dues à la pollution de l'air par les gaz d'échappement des véhicules et par les poussières des carrières industrielles. Ce sont tous ces problèmes, consécutifs à la léthargie des pouvoirs publics et aux croyances populaires, qui font que certains Kinois surnomment leur ville: 'Kin-la-poubelle'. D'autres, par contre, défendent l'idée selon laquelle Kinshasa peut redevenir 'Kin-la-belle'. Parmi eux, il y a beaucoup de Kinois de la jeune génération. A présent, beaucoup de ces jeunes commencent à affronter vigoureusement les dégâts causés par ces catastrophes dès lors qu'ils sont appuyés matériellement et financièrement. Tant mieux pour cette
M
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agglomération, car c'est en cherchant à l'assainir bénévolement que certains jeunes se sont créé des emplois, c'est-à-dire des petits métiers informels de chiffonniers, de cureurs de rivières et de caniveaux, de sablonniers, de vidangeurs manuels de fosses septiques, etc. Comme on peut le constater; d'une pierre, ils font deux coups. Ils assainissent la ville et créent de l'emploi. Ils ont une vision plus économique vis-à-vis des déchets solides municipaux. Mais cette logique économique comporte des limites car, à l'instar des pouvoirs publics, ces jeunes interviennent plutôt dans le 'curatif que dans le 'préventif. Ils exposent leur santé en travaillant informellement dans le 'curatif. Et pourtant, ils peuvent jouer aussi un rôle important dans le 'préventif. Le livre a un intérêt particulier parce que Kinshasa évolue dans un contexte qui interpelle tout un chacun. Mégapole africaine, elle se développe rapidement sans que l'économie locale et la planification urbaine ne suivent son évolution. Comme résultat, les huit indicateurs des objectifs du millénaire pour le développement sont au rouge dans la capitale de la RD Congo, pays pauvre très endetté, classé 167e nation pauvre du monde. Pour preuve, Kinshasa, ville multimillionnaire, ne réussit pas à réduire l'extrême pauvreté ni la faim. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En effet, l'enquête nutritionnelle de l'inspection provinciale de la santé (2003) a montré que 4,4% des ménages mangeaient une fois par jour, le taux de malnutrition aiguë globale dans la population infantile était de 8,8%, celui de l'insuffisance pondérale de 25,9%, tandis que les enfants souffrant d'un retard de croissance représentaient 25,4%. Par ailleurs, 12,5% des mères étaient mal nourries. Kinshasa n'arrive pas non plus à réduire le taux de mortalité infantile ni infanto-juvénile qui, en 2001, était successivement de 83 pour mille et de 133 pour mille selon MICS 2 (2002). La ville ne parvient pas à donner une éducation primaire pour tous (72% des enfants de 6 à 14 ans ne fréquentaient pas l'école en 2001 par manque de frais de scolarité), ni à lutter contre le Sida dont le taux de prévalence était de 12% en 1988, de 7% chez les femmes enceintes et de 5,6% chez les militaires en 1999, selon l'ONUSIDA et l'Ol\1S, cité par Concern (2003). Elle ne donne pas non plus l'accès à un environnement durable (eau, assainissement, habitat.. .). En effet, 52,8% des ménages ont accès à l'eau courante avec des robinets intérieurs ou extérieurs, 20% des ménages ont accès aux fosses d'aisance avec chasse d'eau, 59,9% des ménages utilisent l'électricité comme principal mode d'éclairage, selon l'enquête 1-2-3 en 2004. A notre connaissance, hormis les enquêtes éparses, il n'y a pas de livre actuellement sur le marché qui traite de l'environnement urbain de Kinshasa globalement et sous différentes formes. C'est ce vide qui justifie la rédaction de cet ouvrage destiné aux universitaires, urbanistes, assainisseurs,
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environnementalistes, aménagistes, fonctionnaires, ONGD, institutions internationales, bureaux d'études, autorités urbaines et aux Kinois. L'objectif global de ce livre est de décrire la manière dont Kinshasa se dégrade rapidement au fil des ans parce que les autorités urbaines n'assument plus leurs responsabilités. Face à cette démission, les populations, plus particulièrement les jeunes, se prennent en charge dans plusieurs circonstances. Ils bénéficient souvent de l'appui des institutions internationales, des ONG et des opérateurs privés pour assainir la ville. Pour ce faire, l'objectif spécifique du livre est donc de sensibiliser l'opinion sur la destruction de la ville par les catastrophes naturelles et d'inviter les populations et les autorités à bénéficier d'une formation en éducation environnementale et en urbanisme participatif pour un développement urbain durable. Est-ce que la dégradation actuelle de l'environnement trouve son origine non seulement dans des croyances populaires, mais aussi dans des comportements irresponsables des services étatiques consolidés par la démission des autorités? C'est à cette question que le livre veut répondre. Mon hypothèse est que, sans une réelle prise de conscience et un engagement réel à lutter contre les érosions, la ville de Kinshasa comme bien d'autres du Congo-Kinshasa sont menacées de disparition à long terme. Le problème de l'environnement se pose avec acuité à travers plusieurs villes de la République démocratique du Congo. Je me limite cependant à la ville de Kinshasa, en ce début de troisième millénaire. La méthodologie utilisée se répartit en plusieurs étapes de recherche, notamment la conceptualisation, les observations directes des phénomènes environnementaux, les enquêtes de terrain, les interviewes des populations, l'interprétation des images satellitaires, la cartographie, la direction des travaux de recherche et des mémoires d'étudiants, la rédaction de rapports d'études. En ce qui concerne sa structuration, hormis l'introduction, le livre comprend huit chapitres. Le premier est consacré aux préliminaires. Le deuxième présente le site topographique et la dynamique urbaine. Le troisième aborde la croissance spatiale et le déboisement urbain. Le quatrième traite de l'occupation spontanée et des érosions urbaines. Le cinquième explique l'anarchie foncière et les inondations urbaines. Le sixième étudie les déchets solides municipaux et l'insalubrité urbaine. Le septième décrit les eaux usées et la nuisance urbaine. Le huitième analyse l'air insalubre et la pollution urbaine. Le livre se termine par une conclusion générale qui donne des pistes de solutions pour y remédier, fondées sur l'éducation environnementale et l'urbanisme participatif.
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Chapitre 1 Les préliminaires
L
E CHAPITRE
montre les conséquences des croyances populaires sur la
protection de l'environnement urbain. Il comprend trois points importants. Le premier titré 'ville fascinante aux multiples noms' explique la perception de la ville de Kinshasa, non seulement par ses habitants mais aussi par les scientifiques qui l'étudient dans tous ses aspects. Le second, avec son titre évocateur, 'dégradation de l'environnement et croyances populaires' présente la perception de la dégradation de l'environnement urbain par certains Kinois et leur comportement vis-à-vis de l'espace. Le troisième intitulé 'participation des jeunes Kinois 'ingénieurs aux mains nues' à l'assainissement de l'environnement' évoque le rôle important d'assainisseur que jouent les jeunes Kinois qui contribuent souvent bénévolement à la salubrité de Kinshasa où l'autorité publique est démissionnaire.
1.1 Kinshasa: villefascinante aux multiples noms
1
Kinshasa est une ville que ses propres habitants à la fois encensent en la surnommant 'Kin-la Belle', 'Kin Kiese' 2, 'Kin Malebo' 3, 'Kin Lipopo' 4, 'Kin ya ba nganga' S, 'Kin ya ba Nka' 6, 'poto moyindo' ï, 'mboka ya ba ndoki'8 , 'Ville de l'article 15' 9; et dénigrent en la qualifiant de 'mboka
I Kinshasa: ville aux multiples noms traduit de la langue lingala 'mboka yango ba kombo ebele', tel que l'a chanté le musicien congolais KabaseleJoseph (KalléJeff) dans les années 50. 2 Kin des plaisirs. 3 Kin des borassus. -IKin Léopoldville. 5 Kin des génies. b Kin des jeunes, Kin 'bon chic bon genre'. 7L'Europe des Noirs. Kinshasa,poto moyindoest le titre de la chanson des années 50 de Antoine Moundanda, musicien du Congo-Brazzaville. 8 Ville des malins.
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ekufa'10, 'mboka epola'll, 'Kin-la Poubelle', 'mboka ya etumba'12 etc. Jamais autant de qualificatifs n'ont été attribués à une ville. C'est ça Kinshasa: une ville aux multiples dénominations. Les travaux de Lumenganeso (1995) affirment que Kinshasa vient du mot 'Shasa' ou 'Nshasa' qui provient du verbe de la tribu Teke 'Tsaya' pour signifier 'échanger' ; de son substantif 'Intsaya' ou 'Insaa' ; 'Nsasa veut dire 'marché'. Et le préfixe locatif 'ki', provenant des marchands de la tribu voisine Kongo, en fait un nom de lieu, Kinshasa. Ce lieu de troc (Kinshasa) qui drainait les commerçants venus de l'hinterland immédiat et même lointain du pool fut le grand marché d'échanges de la rive gauche du fleuve. La 'légende' des Kinois, quant à elle, attribue le nom Kinshasa à un Kinois réincarné en 'fantôme géant' apparemment inoffensif et que quelques rares noctambules avant 1960 auraient aperçu très tard dans la nuit. En tout cas, si Kinshasa n'est pas ce fantôme légendaire, elle est 'une ville des génies' car pour y 'vivre', il faut être un génie de la débrouille, c'està-dire de l'article 15. Les géographes classent Kinshasa comme une ville née de la 'volonté mercantile' dès le début du XIXe siècle; et curieusement, elle est restée ville affairiste ou 'ville de coopération'13 ou encore 'ville des commerçants', comme l'avait chanté Tabu Ley dans l'une de ses célèbres chansons des années 70 intitulée Zandoya Ndabananil4. La chanson décriait la prolifération anarchique du commerce informel dans la ville. Le terme 'coopération' exprime l'une des stratégies de survie à Kinshasa. Ainsi donc, pour le Kinois, la 'coop.' évoque un accord de partenariat entre deux ou plusieurs individus où chacun trouve son compte dans une bonne ou sale affaire. Dans cette dernière acception, Nzeza (2004) affirme que le terme 'coop.' peut aussi être compris comme magouille. Il implique même l'idée de corruption, marchandage, baratin, complicité, etc. A Kinshasa, le 'coopérant' est celui qui vit de ce 'métier'. Trefon (2004) écrit: 'Malgré tous les problèmes qu'elle connaît et les drames qu'elle vit, Kinshasa (anciennement Léopoldville) constitue également un espace social fascinant, à la fois vivace, inventif, et fantasmagorique. ' Oui, Kinshasa est aussi cette ville qui 'fascine' les esprits des spécialistes: 'Ordre et désordre' (Trefon, 2004) ; 'Ville invisible' (De Boeck et al, 2004) ; 'Ville en suspens' (de Maximy, 1984), 'Kin-La-Grande' (Titouan 9 L'article
15 est supposé être l'un des articles de la Constitution de la province sécessionniste du Sud-Kasaï qui invitait les originaires à se prendre en charge. 10Ville morte. Il Ville pourrie. 12Ville de combat, ville difficile. 13 En diminutif 'ville de coop.'. 1-1En référence au marché de Ndabanani dans une ville de l' Mrique de l'Ouest.
18
Lamazou, 2001), 'Ville des petits sorciers' (Mike Davis, 2006), etc. Autant de thèmes évocateurs d'études qui illustrent bien la particularité de cette ville. Jamais une ville d'Afrique centrale forestière n'a enduré autant d'épreuves que Kinshasa depuis 195915. A chaque fois, Kinshasa, comme le phœnix, renaît de ses cendres et retrouve son animation habituelle. ~1ais ces épreuves ont fini par laisser de graves stigmates dans l'espace urbain à travers la dégradation rapide de son environnement. De Kin-la Belle à Kin-la Poubelle, il n'y a que quarante-sept ans qui se sont écoulés. Kin-la Belle n'est qu'un lointain souvenir dans le langage du Kinois parce que Kinshasa a perdu tous ses traits urbains de 'Lipopo Léopoldville'. Pour comprendre comment, en si peu de temps, cette 'poto moyindo' s'est métamorphosée en 'mboka ekufa' ou en 'mboka epola' ou encore en 'Kin-la Poubelle', les Kinois eux-mêmes, quand ils discutent entre eux, avancent trois raisons. Les deux premières ont fait l'objet de beaucoup d'études, mais la troisième n'a pas encore été approfondie par les spécialistes de la ville de Kinshasa. La première privilégie la thèse du contexte institutionnel, c'est-à-dire la piste de la mauvaise gouvemance urbaine et environnementale (Useni, 2007). Elle serait à la base de l'anarchie urbaine et de la dégradation rapide de l'environnement de Kinshasa. Elle dénonce la corruption, le laxisme des pouvoirs publics et l'absence d'un cadre juridique formel régissant les interventions des différents acteurs. Selon cette thèse, cela a entraîné non seulement un manque de collaboration entre les institutions publiques, mais aussi une absence de partenariat entre le public et les privés. Elle fait remarquer que les initiatives internationales pour la protection de l'environnement ne sont pas appliquées tout à fait par le gouvernement à cause de l'égoïsme national égocentrique et du manque de volonté politique. C'est le cas de plusieurs recommandations de l'agenda 21 du Sommet de la Terre de Rio deJaneiro en 1992 et de celles de l'agenda Habitat du Sommet des villes (Habitat 2) à Istanbul en 1996. On constate aussi très souvent que les décideurs hésitent à agir devant un problème d'environnement parce qu'ils sont piégés par la recherche de gains individuels. C'est le cas de certains politiciens qui hésitent à prendre position en faveur de la protection de l'environnement pour ne pas perdre, aux prochains scrutins, les voix des électeurs qui exploitent les ressources naturelles. C'est aussi le cas des industriels qui s'opposent souvent aux réglementations qui pèseraient sur leurs bénéfices ou sur la croissance de leur industrie. Ils constituent de puissants lobbies économiques pour obtenir des allégements sur ces
15 1959 : martyrs de l'indépendance; 1992 : massacres des chrétiens;
1968 : massacres des étudiants;
1997 : guerre de Kabila
19
1990
- 1991
: pillages;
; 2007 : guerre urbaine de deux jours.
réglementations ou pour dissuader les parlementaires de légiférer sur de tels dossiers. La deuxième évoque la thèse du contexte économique en mettant en exergue la piste de la pauvreté urbaine (Lelo Nzuzi et Tshimanga Mbuyi, 2004) qui serait une autre origine de la détérioration de l'environnement. La pauvreté engendre l'égoïsme et l'avidité. La pauvreté aurait un impact sur l'environnement. Les Kinois qui exploitent l'environnement s'occupent d'abord de leurs propres intérêts et non de ceux de la ville. Peu de Kinois acceptent de renoncer au déboisement sauvage pour produire du bois de chauffe et de la braise, même s'ils doivent léguer en héritage aux générations futures une périphérie urbaine déboisée. C'est le cas aussi du projet gouvernemental d'interdire l'importation de véhicules d'occasion pour notamment diminuer la pollution de l'air: il souleva curieusement un tollé général. La population refuse d'abandonner les véhicules d'occasion qui lui assurent l'aisance et la facilité de déplacement. Le gain de l'argent pèse lourd dans la balance lorsque le Kinois doit choisir entre le profit et l' environnemen t. La troisième thèse relève du contexte culturel. Elle insiste sur l'importance des représentations et des croyances populaires qui ont des enracinements culturels. La ville est peuplée de néocitadins16 qui transposent leur mode de vie rural à Kinshasa, lequel se fonde sur des croyances et traditions ancestrales, des attitudes et logiques traditionnelles, de l'imaginaire social et culturel brassant le temps et l'espace, l'héritage et l'innovation, etc. (De Boeck, 2004). Elle met tout cela sur le compte de l'ignorance. Le Kinois ne sait pas grand-chose de l'environnement. Il ignore par exemple la quantité de plomb que les véhicules peuvent envoyer dans l'air sans que cela ne devienne dangereux pour la santé. Les effets des gaz d'échappement des véhicules sur les vendeurs des trottoirs restent encore inconnus. Les tenants de cette thèse invitent le Kinois à encore beaucoup apprendre car il ignore jusqu'où la dégradation de l'environnement va entraîner la ville. Le Kinois sous-évalue les conséquences de la détérioration de l'environnement sur le futur de la ville.
1.2 Dégradation de l'environnement et croyances populaires Il est question ici de passer en revue certaines croyances populaires qui véhiculent certaines valeurs qui ont un réel impact sur l'espace urbain. Il
16 Selon le père Léon de Saint-Moulin,
plus de 50% de la population
ans est née à Kinshasa.
20
kinoise de moins de 18
s'agit de la perception de la population sur la propriété immobilière, protection de l'arbre, les érosions, les inondations et les déchets. 1.2. 1 La propriété
immobilière
reflète la réussIte
la
sociale
y a-t-il un comportement irrationnel dans l'acte de s'endetter, de travailler dur plusieurs années, voire toute sa vie, pour obtenir le statut de propriétaire immobilier, même si la personne sait que son espérance de vie courte ne lui permet pas de jouir pendant longtemps de sa propriété? C'est la question que se posent certains spécialistes de Kinshasa. Le statut de locataire étant 'humiliant' à cause des tracasseries, le Kinois lui préfère le statut de 'tata ya lopango', c'est-à-dire de propriétaire immobilier. D'où le proverbe kinois : 'mieux vaut vivre pauvre chez soi que riche chez autrui'. A Kinshasa, le statut de propriétaire immobilier rassure davantage que celui de locataire. La propriété immobilière semble plus ancrée dans la durée et comble le désir d'avoir 'une cage à soi' car c'est un gage pour soi et pour la postérité. Devenir propriétaire immobilier est le rêve ultime de tout Kinois. C'est pour se doter d'une maison qu'il n'hésitera pas à contracter des emprunts, à 'coopérer', à 'détourner de l'argent', à 'magouiller', à 'émigrer à l'étranger', à écoper d'une peine de prison, à exercer une activité dangereuse au risque de sa vie, etc. Ce comportement se justifie et a comme fondement la culture villageoise. En effet, en milieu rural, avoir un chez-soi, à l'âge adulte, répond aux exigences de la société. Le jeune est adulte lorsqu'il quitte ses parents pour fonder son foyer et vivre dans son propre logement. Il lui suffit alors d'aller en forêt pour ramasser 'gratuitement' les matériaux locaux de construction, ériger sa maison et vivre en ménage. Ce rêve majeur de posséder sa propre demeure a été 'exporté' à Kinshasa par les migrants ruraux alors qu'en ville, la maison est payante, c'est-à-dire monnayable. Malgré cela, le Kinois vit dans une 'psychose' de mourir sans avoir un 'chez-soi'. Sa maison, c'est son espace propre, son territoire et son identité. Le locataire est perçu, dans l'imaginaire populaire, comme un 'sans domicile fixe', qui, à sa mort, créera des ennuis à ses proches pour organiser ses funérailles par manque de propriété immobilière. Dépassé un certain âge, la nécessité urgente d'avoir un toit répond à la crainte d'arriver à la retraite comme locataire et de ne plus pouvoir payer sa demeure. Il lui faut donc, de son vivant, avoir un point d'ancrage. Celui-ci est 'la maison' à léguer en héritage aux enfants. La propriété immobilière reflète donc la réussite sociale. A Kinshasa, la réussite et la considération sociale se mesurent par le nombre de propriétés immobilières et non par la série de voitures qu'on peut aligner dans un parking. Le Kinois qualifie de 'gaillard zéro' celui qui a 21
réussi sa carrière professionnelle mais qui reste locataire; car dans l'imaginaire populaire, la location en permanence reste synonyme d'un échec social. C'est pour ne pas être qualifié de 'gaillard zéro' que tout Kinois ambitionne de devenir 'tata ya lopango' ou 'propriétaire immobilier'. Ce comportement explique en grande partie la croissance spatiale effrénée de Kinshasa où tous les habitants aspirent à devenir propriétaires immobiliers n'importe où et n'importe comment. Il en résulte des constructions à perte de vue, après déboisement, sur des zones non constructibles comme des sites érodables, inondables ou pollués par les déchets, les gaz d'échappement des véhicules et les industries. 1.2.2 De /a forêt protégée
au vll/ageJ au déboisement
abusif en ville
La protection de la forêt en général et de l'arbre en particulier est une préoccupation constante en milieu rural dans les sociétés traditionnelles. C'est l'un des résultats de l'ensemble des croyances de ces sociétés coutumières en rapport avec les esprits et la nature. En effet, en milieu rural, selon les croyances ancestrales, c'est dans certains sites précis de la nature comme les montagnes et les collines, les forêts et les bosquets, les rivières et les lacs, les rochers et les falaises respectés et vénérés que vivent les ancêtres défunts, c'est-à-dire les génies. C'est la raison pour laquelle, la gestion de ces sites, surtout des forêts, est régie par des rites perpétués de génération en génération. La conséquence naturelle est qu'il existe des forêts sacrées dans la plupart des villages. Vu sous l'angle environnemental, les sociétés traditionnelles, de par leurs croyances traditionnelles, ont contribué pendant des générations à la protection des ressources naturelles et à la préservation de l'environnement. Chez les Bakongo par exemple, sur la côte atlantique de la RD Congo, les bosquets des forêts naturelles préservés à proximité des villages et qui sont interdits à toute forme d'exploitation s'appellent, en langue locale, 'nkunku' ou 'forêt sacrée'. Cette dernière joue six fonctions spécifiques, à savoir: les cimetières des notables, le domicile des génies, l'habitat de la faune, la réserve des plantes médicinales, l'école d'initiation, le siège de réunions sécrètes. A côté de ces forêts, il en existe d'autres qui ne sont pas déclarées sacrées. Mais les villageois ne les fréquentent pas et ne les exploitent pas non plus parce qu'à tort ou à raison, selon les croyances locales et les mythes, elles abritent les mauvais esprits. Ces forêts mythiques se situent d'habitude à la source de grandes rivières. C'est le cas de la forêt de 'Kodomazo' à la source de la rivière Lukula, celle de 'Sikamatu' où se situent les chutes de la même rivière, celle de 'l\1busa Masaka' non loin de la rivière Tshiloango dans la forêt du Mayombe sur la côte atlantique de la RD Congo.
22
A côté de ces forêts spéciales, il existe aussi des arbres 'sacrés' que les villageois utilisent surtout pour leurs besoins en médecine traditionnelle. Ces arbres particuliers peuvent se classer en deux catégories: arbres de la pharmacopée pour guérir les maladies courantes; arbres du domaine des croyances mystérieuses pour se protéger et détecter les sorciers. C'est le cas du 'Khasa'17 dans la forêt du Mayombe. Avec un tel comportement environnemental, certains écologistes s'accordent à considérer les villageois comme de véritables 'conservateurs' de la nature et à l'inverse, les citadins comme ses destructeurs, car autant le village 'sacralise' la forêt, autant la ville la 'désacralise'. Plusieurs raisons expliquent cela, notamment la valeur marchande de l'arbre en ville, l'environnement propice, les croyances populaires, etc. Pour ce qui est de la première raison, le Kinois a développé une logique économique vis-à-vis de l'arbre qui est perçu aussi comme une matière première de haute valeur qui apporte un gain sur le marché (planches, bois de chauffe, braise, etc.). Pour le Kinois, un arbre est un bien qui, vu sous l'angle économique, a une valeur marchande. En ce qui concerne l'environnement propice, il faut remarquer que le Kinois, qui vit sous un climat tropical où la végétation pousse naturellement sans apport d'engrais et où la plante reste disponible en toutes saisons, a perdu très vite le sens de la grande valeur d'un arbre. Comme il se croit 'gâté' par la nature, il 'agresse' sans merci la forêt. IlIa 'chasse' même de la ville. Ce comportement destructeur de l'environnement a été encore renforcé par une certaine perception citadine qui symbolise l'urbanité, la citadinité, la modernité, la civilisation par l'absence de la forêt dans l'espace urbain. Pour preuve, le Kinois qui vient d'acquérir son lopin de terre pour y construire sa maison pose comme premier acte d'appropriation de son espace le déboisement, le débroussaillage et le dessouchage du site. C'est comme cela qu'il croit marquer son occupation, sa présence, son identité. Or, en laissant sa parcelle nue pour délimiter sa propriété foncière et démontrer à la face du quartier son degré de 'citadinité', le Kinois ne se rend pas compte qu'il l'expose au ravinement. La forêt kinoise est victime non seulement de l'urbanisation, comme on vient de le voir, mais aussi des 'croyances populaires' qui affirment que les grands arbres non fruitiers symboliseraient soit 'les démons géants', soit 'le quartier général des sorciers.' Ainsi, faut-il les abattre pour se protéger contre les 'mauvais esprits'. A Kinshasa maintenant, il est donc mal perçu de garder de gros arbres non fruitiers dans sa cour au risque d'être soupçonné de sorcellerie parce qu'ils représenteraient des pistes d'atterrissage pour les démons. Combien de fois n'a-t-on pas entendu raconter les mésaventures d'un sorcier qui aurait 'atterri' sur un arbre parce que son 'avion' aurait Il Erythrophleoum
Suaveolens
de la famille des Caesalpiniaceae.
23
connu une panne sèche? Comme conséquence évidente, le Kinois ne voue plus un respect évident à un arbre non fruitier. Pour lui, c'est un bois de chauffe, c'est de la braise, c'est une planche. Aussitôt abattu, il est vendu 10$ ou 20 $ pour être utilisé comme énergie-bois ou planche pour la menuiserie. Enfin, la forêt kinoise est surtout victime du laxisme de l'administration dont certains fonctionnaires adeptes de ces croyances populaires assistent, complices et impavides, au déboisement urbain. La cupidité se joint d'ailleurs à ces croyances pour que les taxes sur l'abattage des arbres ne soient pas perçues ou n'aboutissent pas dans la caisse des institutions. Aujourd'hui, les bosquets de Kinshasa, tous types confondus, sont soumis à une forte pression qui met en péril leur existence. C'est comme cela que les arbres qui ne portent pas de fruits laissent progressivement leur place aux vergers 18. A l'inverse, les arbres fruitiers couvrent maintenant toute la partie bâtie de Kinshasa. Du haut des collines périphériques du sud ou de l'ouest, la ville offre un beau spectacle avec une plaine toute couverte de végétation plantée, essentiellement de vergers. Pour le Kinois, l'arbre fruitier apporte à la fois l'ombrage, la nourriture et l'argent en permanence. Ce qui n'est pas le cas pour un arbre non fruitier. En effet, le Kinois reboise sa ville, sans le savoir, avec des vergers. Illes perçoit comme 'une boutique' qui procure des revenus pour subvenir aux besoins du ménage. Ce qui fait qu'il est rare de voir le Kinois couper son avocatier, sauf lorsqu'il menace de tomber et de causer des dégâts matériels et humains. Sur le terrain, les institutions internationales ont compris la valeur que donne le Kinois à ses vergers. Ainsi, dans le cas d'un dédommagement après des expropriations pour cause d'utilité publique, les dommages et intérêts se présentent de la manière suivan te.
18Manguiers,
avocatiers,
papayers, palmiers, bananiers,
24
cocotiers, goyaviers, orangers, etc.
Tableau 1 Coûts d'indemnisation
des arbres fruitiers et cultures vivrières
lors des expropriations
Catégorie
à Kinshasa
Espèces végétales
Coût par pied
Groupe 1
Avocatier, Cacaoyer
295 $ / pied
Groupe 2
Manguier, Palmier à huile
251 $ / pied
Groupe 3
Citronnier, Oranger, Pamplemoussier, Mandarinier, Bananier, Papayer
200 $ / pied
Groupe 4
170, 76 $ / pied
Groupe 5
Arbre à pain, Goyavier, Pommier, Prunier (Scelrocarya birrea), Safoutier, Cœur de bœuf (Anonacée sp.), Marac~ja, Cocotier Ananas
Groupe 6
Oseille, Patate douce, Haricot
2,36 $/ m2
Groupe 7
Canne à sucre
1 $/ pied
Groupe 8
Manioc
0,2 $/ pied
9,85 $/ pied
Source: Lelo Nzuzi (2005)
Le tableau n° 1 indique que les arbres fruitiers sont bien pris en considération lors des indemnisations des expropriés à Kinshasa. Ceux qui ont beaucoup d'arbres fruitiers dans leur cour sont indemnisés 'gracieusement' lors de ces opérations. \lu sous l'angle économique, les Kinois, à la recherche d'un gain lucratif, ont contribué à reboiser la ville. Pour certains géographes, c'est un heureux hasard parce que les pouvoirs publics ne font pas grand-chose en la matière. Les archives montrent de timides essais de reboisement devant la dégradation rapide de la forêt dans la ville. Le gouvernement, à travers le ministère de l'Environnement ou de l'Agriculture, a sporadiquement lancé, avec l'appui de certains bailleurs des programmes de reboisement. Mais le bilan reste mitigé. Les espaces verts continuent à disparaître du site urbain 25
dans une grande indifférence du Kinois qui vit dans un environnement où l'arbre pousse naturellement bien et où 'la sécheresse' est une réalité inconnue. D'ailleurs, il ne s'émeut pas outre mesure du recul de la forêt urbaine. L'impression que tout cela donne aussi est que le reboisement semble être le moindre des soucis du gouvernement; et pourtant, c'est ce déboisement abusif de l'espace urbain qui est à l'origine des érosions qui dévastent la capitale. 1.2.3 Dieu, le diable et les érosions
urbaines
Les Kinois expliquent de trois manières le phénomène des érosions dans sa ville. Les uns imputent cela au châtiment de Dieu, les autres aux sorciers et certains aux chefs coutumiers Teke-Humbu, tribus autochtones de Kinshasa. Les premiers croient que les érosions résultent de la malédiction de Dieu à cause de tous les graves péchés que commettent délibérément les Kinois en violant les Dix Commandements. C'est à cause de ces croyances qu'on voit, pendant la saison des pluies, certains Kinois implorer la miséricorde de Dieu et sa grâce pour protéger la ville contre les érosions. Les deuxièmes pensent que ces ravins sont l'œuvre de sorciers jaloux du développement de la ville. C'est aussi à cause de cela qu'il est habituel de voir certains Kinois invoquer Dieu pour punir le diable, jaloux de leur ville. Les derniers sont convaincus que ces érosions proviennent du châtiment des chefs coutumiers Teke-Humbu qui sont mécontents de voir leurs terres envahies sans contrepartie par les non-originaires. C'est enfin à cause de cela qu'on voit les Kinois inviter les chefs coutumiers au début des travaux de chantiers de génie civil pour des rituels traditionnels de protection du site. Diverses études comme celles de Mayambwedi (2005) sur l'érosion de Livulu à Mont-Ngafula, celles de l\1atondo (2005) et de Miti (2005) sur les ravins de Kisenso ont démontré le comportement superstitieux de quelques ménages kinois face aux érosions. En effet, cherchant à connaître les causes et les mécanismes des ravinements, les deux premières enquêtes indiquent
qu'environ 6
%
des ménages sont convaincus que les sorciers sont à l'origine
des érosions dans leurs quartiers. La dernière enquête indique que 34% des ménages évoquent les mauvais esprits (sorciers) comme responsables principaux des érosions et 32% les lient aux malédictions des chefs coutumiers autochtones qui réclameraient leurs royalties foncières. Superstitieuses ou pas, les populations riveraines vivent aujourd'hui dans une angoisse indescriptible durant la saison des pluies. Elles passent des nuits à veiller sur le ruissellement des eaux pluviales. Elles oublient totalement pendant ce temps qu'elles ont construit anarchiquement, sans réseau de drainage, sur des versants sablo-argileux qu'elles ont sauvagement 26
déboisés. Elles oublient aussi que c'est à cause de ce déboisement que des tonnes de sable emportées par les eaux pluviales en amont se déversent dans les rivières et provoquent des inondations. 1.2.4 La sirène, les monstres
marins et les inondations
urbaines
Les Kinois justifient de deux manières le phénomène des inondations à Kinshasa. Certains imputent ces inondations à la 'mami wata' 19; d'autres aux 'bilima' 20. D'une part, les Kinois croient que les inondations de leur ville résultent de la furie de la sirène. Celle-ci est représentée de deux façons par les Kinois : soit comme un véritable démon femelle habitant 'une belle ville' au fond de l'eau, un espace inconnu, insondable, symbolisant le domaine des esprits impurs; soit comme une charmante femme séductrice qui, dotée de pouvoirs surnaturels, aurait un corps de femme sur une queue de poisson. Les peintres Kinois la représentent en jolie femme blanche aux cheveux longs et ondulés avec un miroir et un peigne. La légende kinoise affirme que la sirène aime la quiétude et séduit l'humain qu'elle fait succomber aux charmes de ses chants et de sa beauté légendaire. La même légende ajoute que la sirène entre en colère lorsque les humains perturbent sa quiétude, par exemple lorsqu'ils construisent au bord de l'eau, c'est-à-dire à proximité de son domicile. Fâchée, la sirène provoque de graves inondations pour chasser les bruyants riverains, capture et tue par noyade les humains qui viennent perturber sa quiétude. D'autre part, les Kinois croient que les inondations de leur ville sont provoquées par la méchanceté des monstres marins ('bilima') qui habiteraient dans les tourbillons des cours d'eau. Leur physionomie serait terrifiante: soit comme des nains, soit comme des géants aux apparences physiques inhumaines. C'est eux, croient-ils, qui provoquent les inondations urbaines et qui coulent aussi les embarcations dans le fleuve. C'est à cause de cela que les voyageurs du fleuve offrent des présents au monstre marin avant de franchir un puissant tourbillon afin d'éviter le naufrage. La vue d'un 'élima' par un humain, qu'il soit sur les eaux ou sur terre, est interprétée comme un mauvais présage. Le 'élima' symbolise 'l'esprit de mort'. C'est aussi à cause de cela qu'on voit les Kinois prier au bord de l'eau pour solliciter les faveurs de la sirène avant de commencer les travaux de génie civil comme par exemple la construction d'un pont. Il est fréquent aussi de rencontrer les chefs coutumiers s'adresser au monstre marin pour qu'il arrête de faire quitter les eaux du lit de la rivière. Au cas où le monstre marin ne 19 Sirène: 'Mami wata' en lingala et 'Mamie water' en Afrique de l'Ouest anglophone. 20 Monstres marins: 'Bilima au pluriel et 'Elima' au singulier.
27
répond pas à la requête, les riverains y déversent des quantités d'immondices pour stopper la montée des eaux. Ces décharges se trouvent souvent à côté des habitations et menacent ainsi la santé de la population riveraine. 1.2.5 Les Noirs ne meurent
pas de microbes'
ou de l'insalubrIté
Les observateurs expliquent d'une seule façon le phénomène d'insalubrité de Kinshasa. C'est la tolérance, l'accoutumance des Kinois à la crasse. Les Kinois sont convaincus de l'invulnérabilité des Noirs face aux microbes; sinon, pensent-ils, il n'y aurait pas un seul survivant à Kinshasa qui se développe dans une insalubrité indescriptible. Cette croyance est ancrée dans leur tête. Elle est confortée et alimentée par des adages qui disent: 'le Noir ne meurt pas de microbes', 'on ne balaye pas une maison la nuit', 'on ne balaye pas une maison en deuil', etc. L'idée d'une certaine immunité contre les microbes dont le Noir se prévaudrait n'a nullement été prouvée scientifiquement. En tout cas, la saleté ne trouble pas les consciences car, des marécages de Lingwala aux ordures de Kalamu, en passant par la poussière de Kinsuka, le Kinois est d'avis que les microbes ne tuent pas les Noirs. Il s'accommode d'une vie à côté des ordures ménagères biodégradables que la nature va 'naturellement' recycler en compost pour son potager. En conclusion, toutes ces innombrables croyances populaires influencent la perception sur les dégâts environnementaux et l'attitude à prendre face à cette problématique. Souvent, ces croyances populaires 'démobilisent' les populations qui se sentent incapables de résoudre tous ces problèmes qui sont, pour elles, d'origine surnaturelle et dépassent les dimensions humaines. C'est pourquoi, lorsqu'une catastrophe naturelle s'abat sur un quartier, la première attitude du Kinois est de lever les mains et les regards au ciel et de rejeter la faute sur les sorciers ou sur les chefs coutumiers. Alors que parfois le problème est simple à résoudre: il suffit soit de planter des arbres, soit d'évacuer les immondices, soit de curer les caniveaux pour stopper les dégâts. Plutôt que d'incriminer les mauvais esprits, un peu de dynamisme pourrait suffire pour que les Kinois puissent résoudre eux-mêmes leurs problèmes. A présent, il y a de plus en plus de voix qui s'élèvent contre l'insalubrité. La plus importante vient d'autres croyances populaires qui considèrent les décharges anarchiques comme des 'foyers ou sièges' d'esprits impurs et d'aliénés mentaux 'envoûtés par les esprits démoniaques'. C'est pourquoi certains jeunes organisent sporadiquement des travaux collectifs de ramassage des ordures et de nettoyage des espaces publics insalubres. Mais les moyens leur manquent pour mener à bien des campagnes de grande envergure. 28
On constate, au cours de la dernière décennie, un éveil de conscience, surtout parmi les jeunes qui s'éloignent progressivement de ces croyances populaires. Et on observe aussi que lorsqu'ils sont encadrés par des associations locales et appuyés financièrement par des bailleurs de fonds, ces jeunes sont très motivés et capables de faire du bon travail à la satisfaction de la communauté. Beaucoup commencent à se prendre en charge pour lutter contre la dégradation rapide de l'environnement.
1.3 Participation des jeunes Kinois 'ingénieurs aux mains nues' à l'assainissement de l'environnement Il s'agit ici de montrer le rôle important que joue la jeunesse kinoise dans les travaux d'assainissement de la ville. Leurs initiatives sont modestes devant l'ampleur de la dégradation mais elles valent la peine d'être suivies. 1.3.1 'Kinya ba Nka'21: Kinshasa des jeunes D'après l'Institut national de la statistique en 2000, Kinshasa comptait près de 6 062 000 habitants dont 3 637 000 de moins de 19 ans, tranche d'âge comprenant donc 60% de la population qui représente d'ailleurs plus de la moitié de la population urbaine. En 2001, les jeunes de 15 ans représentaient 46,8% de la population totale22. Kinshasa a maintenant une structure démographique réellement jeune et cette jeunesse est particulièrement kinoise de naissance parce que la moitié de la population urbaine est née à Kinshasa. Ce qui n'était pas le cas avant l'Indépendance et jusqu'aux années 70 parce qu'en 1967, lorsque la ville avait environ 865 460 habitants, près de 53% de la population (460 390 hab.) n'étaient pas natifs de Kinshasa. En 1984, les résultats du recensement scientifique indiquèrent que 59,4% de la population étaient des natifs de Kinshasa. Les jeunes représentent maintenant une bonne frange de la population moins influencée par les croyances ancestrales. Ainsi donc, l'urbanisation rapide et l'augmentation du nombre de citadins jeunes kinois est un phénomène solidement établi. 1.3.2 Jeunesse
et assainissement
de l'environnement
urbain
Bien que dépourvus de moyens, les jeunes Kinois développent des logiques originales de créativité pour sortir de la pauvreté urbaine par le biais 21En langue locale, le lingala. 22PNUD (2004). Human Devel{}pmentIndex 2004. http:www.undp.org
29
de l'assainissement urbain. Pour les jeunes, un déchet est un bien qui, vu sous l'angle économique, a une valeur marchande. Ce sont eux qui curent les caniveaux des quartiers pour permettre l'écoulement des eaux pluviales et qui revendent les déblais soit aux jardiniers soit aux habitants des quartiers marécageux. Ce sont eux aussi qui ramassent les déchets sur les places publiques pour assainir le milieu et qui revendent ces ordures soit aux maraîchers soit aux habitants des quartiers érodés. Ce sont encore eux qui évacuent la mitraille des vieux véhicules abandonnés dans les garages et des vieux bateaux naufragés ou abandonnés pour assainir les beachs et qui revendent ces déchets ferreux aux usines de recyclage. Ce sont toujours eux qui collectent les cartons usagés, les sachets et bibelots en plastique pour nettoyer les espaces publics et pour les revendre aux usines de recyclage. Ce sont eux aussi qui récupèrent les vieux pneus des véhicules abandonnés dans la ville pour assainir les endroits publics et les revendre aux habitants des quartiers érodés afin de construire des digues. On retrouve ces jeunes un peu partout dans la ville et sur tous les fronts d'assainissement. Ce sont eux aussi qui empêchent les géomètres topographes véreux et les chefs coutumiers de vendre illégalement les terrains de jeux. Ce sont encore ces jeunes qui décorent joliment leurs quartiers pour les embellir pendant les fêtes de fin d'année. Comme on le voit, ce sont les jeunes qui commencent à s'occuper de leur environnement et à assainir leur ville. C'est pourquoi certains Kinois les appellent 'ingénieurs aux mains nues'. Tout compte fait, toutes ces observations ont pour but de montrer l'émancipation des comportements des jeunes, affranchis des croyances traditionnelles populaires, vis-à-vis de l'assainissement et du développement de leur ville. En tout cas, ces jeunes jouent le rôle de suppléants dans un Etat qui est soit absent, soit irresponsable. Ceci confirme ce que Léon de SaintMoulin (2007) a écrit en parlant de Kinshasa: 'La ville a davantage été construite par sa population que par ses dirigeants'.
Conclusion Kinshasa est peuplée par deux générations dont les perceptions sur la ville divergent de l'une à l'autre. L'adulte néocitadin a une image de la ville qu'il élabore à partir de son vécu villageois marqué par un comportement spatial qui résulte de pratiques culturelles rustiques. A titre d'exemple, pour lui, la ville est habitée par des forces surnaturelles qui agissent en bien ou en mal sur l'espace urbain. Ce qui constitue un frein aux actions à entreprendre pour assainir et protéger l'environnement. A présent, la situation est en train de changer parce que les jeunes commencent à se prendre en mains. Pour eux, qui n'ont jamais vécu dans les milieux
30
traditionnels, la ville est appréhendée selon une logique économique. Ce qui compte, pour les jeunes, c'est la survie. Les emplois temporaires qu'ils créent eux-mêmes en cherchant à assainir la ville, dont la gestion est abandonnée par les autorités locales, expliquent ce comportement économique. Chez les jeunes Kinois, la recherche de l'argent prime sur tout. Et les aspects métaphysiques pour justifier les catastrophes naturelles qui s'abattent sur Kinshasa sont relégués au second plan.
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Chapitre 2
Site topographique et dynamique urbaine
E CHAPITREremonte l'histoire urbaine et retrace la formation des divers dans la plaine et sur les collines périphériques de l'amphithéâtre monumental que constitue le Pool Malebo. Ille présente en trois points. Le premier décrit les atouts et les contraintes du site urbain. Le second observe une subdivision géographique déséquilibrée des districts urbains administratifs de Kinshasa. Le troisième constate que Kinshasa connaît une urbanisation géographiquement déséquilibrée entre la ville haute et la ville basse. Et pourtant, quand un beau jour du 24 décembre 1881, les chefs de Lemba, Kinshasa et Kintambo23, accordèrent une audience à l'explorateur anglais Henry Morton Stanley24, sous un baobab au bord du fleuve Congo, au niveau de l'actuelle baie de Ngaliema et signèrent avec lui un 'pacte de fraternité'25, Kinshasa était un 'archipel' de villages déjà respectables et un centre de commerce florissant. Léon de Saint-Moulin (1971 et 2004) estime qu'il y avait à Kinshasa en 1880 une population d'environ 30 000 habitants vivant dans une large mesure du commerce. Les premiers Européens dénombrèrent 5000 habitants à Kintambo, à peu près autant à Kinshasa, 3000 à Mikunga, 1500 à Kibangu (Masina), 1400 à Kimwenza et un nombre imprécis mais important à Lemba (Mbanza Lemba) et Kimpoko, outre les villages extrêmement nombreux des collines périphériques.
L quartiers
23
Le premier était le souverain des terres sur lesquelles les deux suivants avaient établi des
établissements commerciaux prospères. Le premier était humbu, les suivants étaient deux tribus autochtones. 2.JTravaillant pour le compte du roi des Belges Léopold II. 25Après le rite du mélange du sang prélevé de l'avant-bras, selon la coutume locale.
33
teke,
Lorsque Stanley, après avoir obtenu ce 'droit d'établissement', donna, le 14 avril 1882, le nom de Léopoldville (carte n° 1) à la station qu'il avait commencée, en hommage au roi des Belges, il perçut certainement l'ampleur et les atouts contrastés du site topographique dans lequel il l'installait, mais il ne réalisa sans doute pas la profondeur de l'enracinement historique dans lequel il s'inscrivait. Il ne pouvait pas davantage imaginer les dimensions qu'allait prendre cette station, jusqu'à devenir l'une des plus grandes métropoles africaines. Pour urbaniser les beaux sites situés le long du fleuve, l'administration coloniale repoussa vers le sud, à l'intérieur des terres, les villages de Kintambo, Kinshasa, Kingabwa, Ndolo, etc. Et plus tard, l'extension urbaine absorba d'autres villages dans ses limites.
Carte n° 1
Kinshasa vue par Stanley en 1881
P I a i n e
2.1 . Le site urbain: atouts et contraintes Les paragraphes suivants vont décrire l'espace urbain de Kinshasa, construite sur un site topographique contrasté, c'est-à-dire à la fois confortable Oa plaine: la ville basse) et contraignant Oes collines: la ville haute). Ce site ressemble à un amphithéâtre construit au bord du fleuve Oe pool Malebo) (carte n02). La ville est donc construite sur une vaste dépression et s'étale sur un fond émergé d'une ancienne cuvette du temps géologique à l'époque où le pool s'étendait jusqu'au pied des collines du Sud (Kimwenza), de l'Ouest (Ngaliema) et du plateau de l'Est (Bateke). 34
Carte n° 2
Le relief de Kinshasa
C:Q:tJfl'O
N ~>,,'
Colline
Plaine Marécage
Source: Lelo Nzuzi ('1999)
Echelle: 11280.000
La plaine a la forme d'une banane entourée de collines orientées dans le sens ouest-est. Cette configuration donne au site la forme d'un amphithéâtre. Cette plaine s'étend sur près de 20 000 hectares avec de basses terrasses alluviales sablonneuses situées entre 260 et 325 m d'altitude, pénétrant sur une profondeur de près de 10 km en moyenne (Lelo Nzuzi, 1999). La rivière Ndjili la 'coupe' en deux comme 'une paire de ciseaux qui découpe un tissu'. Cela donne sur le terrain, d'un côté, la plaine de Lemba à l'ouest et de l'autre, la plaine de Ndjili à l'est. Au plan du relief, sa topographie est monotone. Les pentes varient de 0 à 4% (pain, 1973) et présentent un léger dénivelé, à peine perceptible sur le terrain. Cette plaine s'étale de la commune de Maluku à l'est, jusqu'à l'ouest où les pieds des collines de Ngaliema stoppent son extension. La même plaine 'accueille' le fleuve dès son entrée au pool Malebo à l'est et l'accompagne jusqu'à la baie de Ngaliema à l'ouest. Elle le 'lâche' avant qu'il ne commence à affronter les chutes de Kinsuka à Ngaliema. Le réseau hydrographique de Kinshasa dissèque ladite plaine et l'entaille parfois de 10 à 15 mètres de profondeur. Le relief de la ville influe sur la direction majeure sud-nord de ce réseau hydrographique. En effet, tous les cours d'eau prennent naissance dans les collines du sud, hormis les rivières Ndjili et Nsele, qui viennent de plus loin, pour se jeter au nord dans le fleuve.
35
Les collines ont la forme d'une igname qui bloque l'expansion de la plaine au sud et à l'ouest. Elles ceinturent donc partiellement la plaine au sud et à l'ouest de la ville. Ces collines s'étendent sur près de 5000 hectares, avec des pentes allant de 8 à plus de 20%. Elles représentent les 'restes' d'une série de buttes témoins du plateau des Bateke (de Maximy, 1973) plus ou moins 'usées'. Ces collines sont donc des vestiges des terrains reliant jadis MontNgafula à l'ouest au plateau de Bateke à l'est (670 m) (de Maximy et Van Caillie, 1974). Elles culminent jusqu'à 600 m d'altitude avec des buttes principales comme le mont Amba (417 m), Djelo-Mbinza (545 m), MontNgafula (633 m) et le contrebas du Pic Mangengenge, jadis Pic Mense (702 m), etc. Quelques-unes de ces buttes situées à l'ouest, dans la commune de Ngaliema, sont Lubudi, Kimpe, Mpunda, Lukunga, Munganga, Bangu,Joli Parc, Kinkenda, Lonzo, Pigeon, Manenga, Musey, Mfinda, etc. Elles culminent entre 350 et 545 m. Le pool Malebo est un vaste lac inondable correspondant à l'élargissement du lit fluvial entre Kinshasa et Brazzaville. Ces deux villes sont construites sur les plaines alluviales de ce pool. Ce pool s'étend sur plus de 100 km avec une largeur maximale de 25 km. Il est parsemé de nombreuses îles et d'innombrables bancs de sable. Ses eaux ont une faible profondeur de 5 à 14 mètres. Son débit de crue maximum est de 63 000 m3/seconde entre octobre et mai; et d'étiage de 22 000 m3/sec. entre juin et septembre (de Maximy, 1974). Du côté kinois, le pool est ceinturé par les communes de Mont-Ngafula à l'ouest et Maluku à l'est et traverse les municipalités de la Gombe, de Barumbu, de Limete, de Masina et de Nsele. En conclusion, la topographie du milieu influence fortement la configuration de Kinshasa. Les deux sites topographiques ont des forces attractives différentes car l'urbanisation de la plaine est beaucoup plus rapide et plus aisée que celle des collines. Les deux villes, 'basse' et 'haute', se sont développées en deux périodes différentes. La ville 'basse' a été en grande partie urbanisée avant l'Indépendance en 1960. La ville 'haute', cependant, est née globalement après l'Indépendance. C'est la ville 'basse', bâtie dans la plaine, qui bénéficie de beaucoup d'équipements urbains, plus que la ville 'haute', perchée sur les collines. Il est possible d'établir une stratification des zones d'habitat urbain qui correspond à ce type de topographie. 2.1.1. Les cItés des plaines: la ville oasse' La plaine alluviale, c'est-à-dire la ville 'basse', est le site favorable à l'urbanisation et à son extension. C'est la raison pour laquelle, dès la création de la ville, cette plaine est restée et s'est confirmée comme la seule direction privilégiée de l'étalement urbain. Le Plan local d'urbanisme de 1950, le Plan régional de 1967, le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme 36
(SDAU) de 1975 et le Projet de développement urbain (PDU) de 1985 se sont appuyés sur cette plaine pour proposer l'expansion de la ville. C'est grâce à son accessibilité et à la facilité de son urbanisation qu'elle concentre aujourd'hui la plus grosse partie de la population, de l'habitat et des infrastructures. La plaine est donc le site de la genèse de Kinshasa. D'ailleurs, les pouvoirs publics, depuis l'époque coloniale jusqu'aujourd'hui, la considèrent comme 'site utile' du fait qu'elle est facilement urbanisable, industrialisable et colonisable. Site du centre des affaires et des premiers anciens quartiers populaires africains, c'est donc ici que la ville moderne voit le jour il y a plus d'un siècle. Les cités créées dans la plaine sont généralement accessibles entre elles. Leur voirie revêtue ou en terre battue les dessert dans un réseau maillé. La saison des pluies ne rend pas inaccessible les quelques routes. Les automobiles y accèdent sans problème. C'est pourquoi, l'accessibilité de ces cités reste permanente en toute saison. Ce qui rend plus attrayantes toutes ces cités de la ville 'basse' que d'autres parties de Kinshasa. Par contre, l'accessibilité est d'un niveau moyen dans les nouvelles cités d'extension à l'est parce qu'elles sont relativement moins urbanisées. La ville 'basse' s'étale à perte de vue sur plusieurs dizaines de kilomètres. Personne ne pouvait parier avant l'Indépendance sur l'extension urbaine très rapide dans cette partie de la ville à cause de la distance qui la sépare du centre des affaires. En tout cas, malgré les grandes distances qui séparent ces quartiers du centre et les difficultés des transports que cela engendre, la ville 'basse' gagne chaque année de grands espaces à l'est. La commune de Maluku, qui est presque tout entière sur le plateau des Bateke à l'est, est distante de 80 km du centre-ville. Les communes de Gombe, Limete, Lingwala, Kinshasa, Barumbu, Kasa-Vubu, Ngiri Ngiri, Lemba, Ndjili, Matete, Kalamu, Bandalungwa, Ngaba, Masina, Makala26 et Kinkole-Nsele sont les cités bâties dans la plaine. Treize ont été érigées en communes en 1957-1959, avant l'Indépendance. Lemba est devenue une commune en 1966, les autres datent de 1968. Celles qui ont été créées avant l'Indépendance sont les mieux loties parce qu'elles ont bénéficié d'un urbanisme planifié. Ce sont les cités européennes, les anciennes cités indigènes, les nouvelles cités indigènes et les cités indigènes planifiées. Certaines extensions des précédentes et les communes nées après 1960 se sont développées par bribes et morceaux, sans planification préalable, dans la plaine et sur les collines. Sauf dans quelques quartiers, elles n'ont pas bénéficié d'une politique d'aménagement urbain.
26Une partie sur la plaine et une autre sur la colline.
37
- Les cités européennes Elles comptent les communes de la Gombe et de Limete, ainsi que plusieurs quartiers de la commune de Ngaliema. Elles s'étendent sur près de 10 km le long du fleuve et tendent à enserrer dans une sorte de U renversé les cités de l'époque coloniale. A l'ouest, Ngaliema s'étend en effet aussi sur une dizaine de kilomètres jusqu'à Mbinza Pigeon et à l'est, la 18e rue de Limete est à la même distance du port de Kinshasa. Ngaliema est cependant surtout une commune des collines et ne sera présentée que dans un paragraphe ultérieur. La commune de la Gombe a été créée selon les normes urbanistiques du Nord vers les années 20 pour accueillir les infrastructures de Kinshasa, la nouvelle capitale du Congo27. Elle s'étend le long du fleuve sur une presqu'île semblable à un cap (Atiamutu, 2000) et 'profite' de la brise du soir. Le quartier administratif, les ambassades, les résidences de haut standing, le centre principal des affaires, le port, la gare centrale, les sièges des institutions politico-administratives et économiques, etc. s'y trouvent concentrés dans sa partie est. Elle abrite aussi la zone portuaire et quelques usines de première heure28. Les 150 ha de la Gombe concentrent le centre des affaires de Kinshasa (de Maximy, 1973). Ses coquettes villas résidentielles à l'anglaise côtoient les grands immeubles à l'américaine. Ses infrastructures sont encore maintenues en bon état. C'est la commune où la spéculation foncière et immobilière est la plus forte. Le secteur du boulevard du 30 Juin, artère principale de la commune, précisément à proximité de la gare centrale, voit son prix foncier crever le plafond. Le coût de son sol revient à 600 $ le m2 ; et avant 2015, il atteindra sûrement, à cause de la spéculation foncière, les 1000 $ par m2 si l'Etat n'applique pas une politique de décongestionnement de ce cen tre. Gombe est en permanence bien reliée au reste de la ville par les artères principales qui y convergent. C'est l'avenue des Poids lourds à l'est. Ce sont aussi les avenues Kasa-Vubu et 24 novembre, du sud au nord, ainsi que Mondjiba à l'ouest. A sa naissance, au début du XXe siècle, elle était reliée aux cités indigènes de Kinshasa, Lingwala et Barumbu par quelques artères: l'avenue des Palmiers29 et l'avenue des Huileries. L'avenue de la Justice, jadis avenue Valcke, est la première à avoir été bétonnée dans la ville, en 1931. Sur un plan de 1921, elle s'appelle "route de Léopoldville à Kinshasa", le nom de Léopoldville étant encore limité à l'implantation 27 L'ancienne
capitale était Borna, trop excentrée et pourvue d'un site contraignant capitale appelée à se développer rapidement et à rayonner à travers le pays. 28Marsavco : Margarinerie et savonnerie du Congo. 29Actuellement, avenue Kasa-Vubu.
38
pour une
européenne située en bordure de la baie de Ngaliema et sur le mont du même nom. En ce qui concerne l'assainissement, son réseau d'évacuation des eaux pluviales a été progressivement transformé en réseau unitaire. Actuellement, ce réseau est obstrué au niveau des avaloirs et en section couran te des collecteurs tertiaires et secondaires. Il y a aussi des sections complètement hors d'usage, comme celle le long du boulevard du 30 juin, causant ainsi des marigots après les fortes pluies. Gombe commence à perdre sa beauté d'antan du fait de la présence de plus en plus nombreuse de gargotes, kiosques, boutiques et étals à tous les coins de rue et dans son périmètre immédiat. Ce sont des implantations précaires curieusement autorisées de fonctionner par les services municipaux. Les gargotières cuisinent, sous les arbres, les denrées alimentaires qu'elles proposent aux milliers de Kinois qui fréquentent quotidiennement le centre-ville. Elles sont à l'origine de l'insalubrité dans le centre-ville. Pour faire déguerpir ces établissements anarchiques, les autorités municipales lancent presque tous les ans, sans stratégies de pérennisation, des campagnes de salubrité 'Gombe propre'. Mais il ne s'agit que d'opérations éclair sans lendemain; ces gargotières têtues, se disant veuves de policiers et de soldats morts pendant les guerres civiles, reviennent aussitôt après la campagne. Une des caractéristiques de Gombe est qu'elle est bondée le jour aussi bien par les véhicules, les travailleurs que les élèves et les vendeurs ambulants qui arpentent les pavés de la cité. Mais elle se vide dès la tombée de la nuit et les jours fériés. Gombe offre d'ailleurs un spectacle particulier à midi: plusieurs dizaines de milliers d'élèves habillés en uniforme scolaire officiel bleu et blanc 'fourmillent' dans ses avenues, à la sortie des écoles, pour rentrer chez eux. C'est à juste titre qu'elle draine beaucoup d'élèves, car c'est la commune qui dispose des écoles les plus prestigieuses3o, héritées de la colonisation. Le seul problème que rencontrent ces établissements scolaires de grande réputation est la distance qui les sépare des quartiers d'habitation des élèves. C'est par miracle que la Gombe a échappé à une tragédie humaine lorsque les forces gouvernementales s'y sont battues, les 22 et 23 mars 2007, à l'arme lourde, contre les soldats commis à la garde d'un leader de l'opposition. Ce combat, qui a débuté le matin et qui est resté circonscrit à la Gombe, a contraint près de 30 000 élèves31 à se terrer dans des salles de classe32 au milieu des obus jusqu'à la fin des affrontements.
30Collège Boboto, collège Elykia, collège Bosangani,
lycée Bosangani,
athenée de la Gare, ITI Gombe, etc. 31 La Gombe comptait 28 379 élèves en 2004, selon la monographie 32Du 23 au 24 mars 2007.
39
athenée de la Gombe,
de Kinshasa
(2004).
Une autre grande caractéristique de la commune est qu'elle demeure la plus touchée par les 'londoniennes'33, 'shégués'34 et 'sans domicile fixe'35 qui passent la nuit soit sur les trottoirs des avenues, soit au cimetière de la Gombe, en y créant de l'insécurité. Pour les chasser du centre-ville, les autorités municipales lancent souvent des campagnes de rafles de 'shégués' dont la dernière date de la fin de l'année 2006. Les 300 jeunes arrêtés à cette occasion se trouvent maintenant à 1500 km de Kinshasa, dans la province du Katanga, pour être intégrés dans les projets agricoles de Kaniama Kasese. Les 'shégués' disparus du centre-ville, après cette opération de ratissage, commencent cependant à y revenir timidement. Cela fait depuis plus d'une décennie que la situation se répète. La commune de Limete se situe, quant à elle, à une dizaine de kilomètres à l'est de la Gombe. Ancienne cité européenne, elle doit sa création à cette volonté clairement exprimée par le plan d'urbanisme de 1950 qui prévoyait d'orienter le développement de la ville vers l'est. Avant l'Indépendance, elle jouait un rôle important de 'pôle économique' afin de désengorger la Gombe. Dans ses 500 ha (pain, 1974), elle a abrité un centre commercial et des affaires, un quartier industriel et un quartier résidentiel pour le secteur est de la ville. Les quartiers industriel et résidentiel sont géographiquement séparés par le boulevard Lumumba. La bourgeoisie nationale est surtout attirée par le quartier résidentiel conçu jadis pour loger les cadres européens des sociétés. Ses grandes parcelles, à l'ombre d'arbres tropicaux, atteignent facilement les 1000 m 2. Mais le statut de Limete comme pourvoyeur d'une importante maind'œuvre industrielle kinoise décroît avec la crise socioéconomique et politique qui a suivi les pillages de triste mémoire de 1991 et 1993. Avec les pillages, Limete a beaucoup perdu de ses infrastructures industrielles. A titre d'exemple, sur les 503 établissements que comptait officiellement Kinshasa en 1980, Limete en abritait 122 (24,25%) dont 55 petites et moyennes entreprises, 31 grandes et 5 très grandes entreprises36. Après les pillages, Kinshasa, en 2002, ne comptait plus que 190 établissements dont 166 petites et moyennes entreprises tournant à 70% de leurs capacités. A Limete, ce fut une catastrophe. Seuls quelques établissements sont encore en activité, disséminés parmi des friches industrielles. Aujourd'hui, ces parcelles sont soit loties anarchiquement, soit investies par les églises néopentecôtistes. Et, son quartier commercial en faillite se délabre progressivement et se transforme en espace ludique. De nombreuses terrasses
33Les prostituées du centre-ville. 3-1Enfants de rue. 35 Dont les handicapés physiques avec leurs familles. 36Rapport de l'Institut national des statistiques (1982).
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très animées le soir et les fins de semaine s'y installent sur les trottoirs des avenues en créant de l'insalubrité dans l'environnement immédiat. Limete n'est plus cet important centre commercial et industriel des années 50. Elle abrite, à côté de son luxueux quartier résidentiel, des habitats spontanés comme ceux de Kingabwa, Mombele et Mososo. Elle abrite même, fait rare à Kinshasa, trois misérables bidonvilles construits avec des matériaux de récupération, à proximité des industries, sur d'anciennes décharges publiques au bord du fleuve. Ces bidonvilles ont pour noms Grand-Monde, Paka-Djuma et Bribano, qui passent inaperçus et ne sont pas connus de beaucoup de Kinois. C'est pour cela que les médias ne font pas souvent allusion à leur existence. Et pourtant, le quartier des pêcheurs de Grand-Monde abrite environ 5000 habitants avec 56% des parcelles inondables (Gbua, 2006). Le quartier de Bribano, quant à lui, compte près de 3000 habitants dont 74% des chefs de famille sont pêcheurs et 44% des maisons sont en planches (Mawete, 2004). Enfin, le quartier de Paka-Djuma, 2500 habitants, compte 80% de cabanes en planches, cartons, fûts déroulés, etc. (Molha, 2003). C'est dans cette commune que les autorités urbaines organisent le plus souvent des campagnes de démolition et de renvoi des occupants anarchiques des entreprises ferroviaires comme dans le quartier de Socopao dans la commune de Limete. Les cités européennes de la Gombe et de Limete restent encore très résidentielles malgré l'âge. Une villa de Limete de 1000 m2 se loue entre 1000 et 1500 $ le mois; et se vend entre 150 000 et 200 000 $. La valeur immobilière varie en fonction de la proximité avec le boulevard Lumumba. A la Gombe cependant, la même villa se loue entre 2000 et 4000 $ le mois; et se vend entre 250 000 et 500 000 $ en fonction de la proximité soit avec le boulevard du 30 Juin, soit avec le fleuve Congo. Ce sont des villas qui ne sont pas accessibles aux populations à faibles revenus. Ces dernières habitent plutôt les autres cités comme les anciennes cités indigènes.
- Les anciennes cités indigènes Barumbu, Kinshasa, Lingwala et Kintambo ont été loties en damier à partir d'une décision de mars 1907 du Commissaire de district, G. Moulaert. Il fit tracer à 500 mètres au sud de la gare une avenue de trois kilomètres parallèle au chemin de fer, qui passait jusqu'en 1931 sur le boulevard du 30 Juin. C'est l'actuelle avenue du Commerce qui est aujourd'hui coupée par l'hôpital général de Kinshasa: Mama Yemo. Un quartier analogue fut ensuite organisé à Kintambo (Moulaert, 1948, p. 62). Ces anciennes cités indigènes, où furent ensuite repoussées les populations africaines des rives du fleuve, sont 'uniques' en leur genre par leur 41
architecture, leur matériau de construction et l'âge des habitations. Bref, leur habitat et environnement diffèrent des autres cités de Kinshasa. Lingwala et le sud-est de Kintambo sont un peu moins anciens. Ils n'ont été occupés que dans les années 1930. Ces anciennes cités ont été largement peuplées de migrants ruraux qui ont accompagné la naissance de la ville. Elles possèdent les premiers établissements d'auto-construction dans des parcelles loties par le pouvoir administratif et selon des normes imposées telles que la plantation d'une haie périphérique. Le premier affiux de ces ruraux se situe après l'arrivée du rail de 365 km, le 6 juillet 1898, en provenance de la ville portuaire de Matadi. Ce chemin de fer transforme 'la gare terminus de Kinshasa'. Elle devient à la fois un carrefour d'échanges et de collecte de produits à exporter et une plaque tournante de distribution des marchandises importées. La ville attire du coup non seulement le gros commerce, les industries, une main d'œuvre abondante, les premiers 'kalaka' congolais et parfois ouest-africains3ï fraîchement recrutés pour l'administration publique naissante, mais aussi d'autres, nationaux ou d'autres pays africains, qui réussissent à s'aventurer dans la ville ou s'y installent après un terme comme salariés ou militaires. Il y a parmi eux aussi des étrangers et notamment des ouest-africains. Tous ces migrants habitent des logements construits en briques adobes avec une architecture précaire. Les quartiers sont à peine assainis et les eaux usées sont évacuées vers des collecteurs. La première distribution d'eau, sous forme de bornes fontaines, ne fut pas installée avant 1933 et aucun raccordement individuel, ni à l'eau ni à l'électricité, n'a existé dans les cités avant 1948. La commune de Kintambo, à l'ouest, a été implantée à l'arrière du site initial de Léopoldville. Son vieux port est le siège du premier chantier naval. La création de la zone industrielle de Kintambo, comprenant notamment une usine textile inaugurée en 1928, a entraîné la construction de camps pour les travailleurs (Flouriot, 1973) parce que les règles d'urbanisme de l'époque exigeaient de loger les ouvriers à moins de 500 m de l'usine. Il y a aujourd'hui dans ces camps une grande part de la maind' œuvre locale des usines textiles, des sacheteries, des bouteilleries, des chantiers navals, etc. Les parcelles varien t entre 300 et 500 m 2 et les logements sont construits en briques cuites et adobes suivant une architecture rudimentaire avec près de 32 à 35 logements par ha (pain, 74). A côté des 37 Fonctionnaires,
appelés communément
déformation du mot flamand Congolais dans l'administration
'kalaka' en langue locale 'lingala'.
'klerk' qui signifie huissier, coloniale.
42
premier
emploi
'Kalaka'
est une
occupé
par des
camps de travailleurs, de vastes quartiers aux grandes parcelles de près de 1000 m2 se développent un peu plus loin de la zone industrielle. Le vieux centre commercial et les vétustes quartiers indigènes de Kintambo rappellent encore la genèse de la ville. Le quartier commercial comprend des maisons à double fonctionnalité: le magasin au rez-de-chaussée et l'habitation à l'étage. Le magasin est bien approvisionné en produits de première nécessité. Ce quartier commercial est devenu un important carrefour routier de l'ouest de la ville. La commune de Kinshasa, au centre-nord, a donné son nom à la ville. Elle n'est pas une grande commune, contrairement à l'imaginaire populaire: 2,9 km2 et près de 165 000 habitants, mais est fortement densifiée avec plus de 50 000 habitants/km2 (Zeimo, 2004). La même année, la commune comptait 3 037 parcelles (Diambu, 2004). La vétusté est la grande caractéristique de son habitat: briques adobes, rues déviées parfois par les marigots ou interrompues par des implantations particulières, tôles rouillées, réseau d'assainissement défectueux, etc. Ce qui ne favorise pas l'hygiène du milieu. La commune de Barumbu, au centre nord-est, est la zone du vieil aéroport de Ndolo protégé par le vieux camp militaire 'Lieutenant Mbaki'. Elle abrite le tout premier quartier artisanal (Citas), créé à proximité de nouvelles implantations portuaires et industrielles le long du fleuve. Les migrants ouest-africains y ont affiué et y ont construit leur mosquée. Le quartier a vieilli et les habitations ressemblent maintenant à des taudis, tout comme les infrastructures communautaires. Quelques routes boueuses sont impraticables en saison des pluies. La promiscuité et l'insalubrité sont les caractéristiques de la commune. La commune de Lingwala, au centre nord-ouest, s'étend sur 2,9 km2 et compte 94 635 habitants. La commune vieillit également. Son habitat se dégrade et se taudifie. De vieilles maisons en briques adobes subsistent jusqu'aujourd'hui. La voirie et les réseaux divers sont dans un état piteux. Ce qui accentue la dégradation du milieu. La commune est accessible à partir des avenues du 24 Novembre et des Huileries. Elle est frontalière des grands établissements scolaires alignés en chapelet le long de l'avenue du 24 Novembre. Barumbu, Kinshasa, Lingwala et Kintambo sont de vieilles communes, jadis occupées majoritairement par des hommes dont les femmes et les enfants restaient en général au village. Toutes les routes de ces premières communes (250 km) étaient en terre jusqu'en 1948, lorsque l'avenue Prince Baudouin, aujourd'hui Kasa-\,'"ubu, fut bétonnée jusqu'au Pont Cabu, aujourd'hui Kasa- Vubu (Kilu, 1998). Grandes cités-dortoirs à l'époque coloniale, elles se vidaient totalement le jour et se ranimaient le soir avec leurs innombrables bars qui diffusaient de la musique en plein air. Les 43
hommes y allaient pour se défouler et y rencontrer les quelques rares femmes célibataires des cités. La conquête de ces 'âmes sœurs' engendrait souvent des bagarres rangées de rue. Ce qui justifia à l'époque la naissance des 'gangs' dirigés par des 'bills'38: jeunes gens prêts à la bagarre. Ils avaient pour rôle de protéger les filles du quartier contre les intrus amoureux. Plus tard, à force de se faire traquer par la police coloniale, les bagarreurs remplacèrent la force musculaire par la 'force cantique' en composant des chansons amoureuses où la femme est presque vénérée et où elle reste la plaque tournante. La chanson prit rapidement le dessus sur les bagarres rangées et ce fut la naissance dans ces cités de la célèbre rumba congolaise dont le thème principal reste l'amour. A présent, la physionomie de ces anciennes cités indigènes vieillit totalement. La qualité, la morphologie et la promiscuité de l'habitat reflètent le vieil âge de ces communes. Ce sont de véritables taudis au cœur de la ville. Il y reste encore beaucoup de ces vieilles constructions plus ou moins délabrées et la forte proportion des murs en 'poto-poto'39 est une des caractéristiques de l'habitat de ces anciennes cités qui 'pataugent' dans des marécages résultant de la quasi-absence et de la vétusté du réseau d'assainissement. Les problèmes d'évacuation des eaux pluviales dans ces communes de Barumbu, Kinshasa et Lingwala proviennent de la proximité de la nappe phréatique, des faibles pentes d'écoulement, de la dégradation et de l'obstruction du faible réseau de drainage. Malgré cela, Barumbu, Kinshasa, Lingwala et Kintambo ont l'avantage et le privilège de se trouver dans la première couronne urbaine à proximité du centre-ville, c'est-à-dire du centre des affaires Oa Gombe). Grâce à cela, plusieurs parcelles de ces communes sont en train d'être rachetées et rénovées par les nouveaux occupants. Kinshasa est la première commune à subir les effets néfastes de la spéculation foncière et immobilière sans scrupule à cause de la proximité du centre-ville, du stade des Martyrs et surtout du marché central. Aujourd'hui, le marché central déborde de son site initial parce qu'il est trop sollicité par des activités informelles, à la suite du chômage consécutif au délabrement du tissu économique du pays et aux déplacements des populations fuyant les guerres. Le marché central, situé administrativement à la Gombe, s'étale maintenant en tache d'huile dans les communes voisines de Kinshasa et de Barumbu. Comme conséquence, les commerçants y rachètent les vieilles bicoques en 'poto poto' dans des parcelles de près de 1000 m2 à plus de 100 000 $. Ils les détruisent pour y construire des grands magasins. Aujourd'hui, les extensions du marché central occupent près d'un dixième de 38 En référence aux westerns avec Buffalo Bill, etc. 39 Mur en pisé.
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la superficie de la commune voisine de Kinshasa. Cette dernière, à cette allure vers 2015, va perdre totalement sa fonction résidentielle au profit des activités commerciales. Ainsi en 2004, Diambu (op.cit.) dénombra 880 parcelles sur les 3037 de la commune de Kinshasa qui avaient perdu leur fonction résidentielle au profit du commerce, soit environ 29%. Les 4 quartiers les plus touchés sur les 7 que compte la commune étaient l\iladimba (52,1%), Aketi (22,3%), Ngbaka (11,1 %) et l\1ongala (9,5%). Lingwala connaît aussi une hausse des prix des terrains depuis qu'il y a eu une valeur ajoutée dans la commune avec l'implantation du boulevard Triomphal, du palais du Peuple, de la radio et de la télévision nationales, etc. Certains Kinois qui travaillent dans ces infrastructures, à cause des difficultés de transport, se sont résolus à se rapprocher de leur lieu de travail pour habiter dans cette commune. Il en est de même d'un grand nombre d'étudiants des institutions universitaires d'en face (commune de la Gombe) qui y partagent à plusieurs des studios en 'poto poto'. Curieusement, cette spéculation foncière et immobilière ne correspond nullement au cadre et à la qualité de la vie dans cette cité indigène. Kintambo vit également sa spéculation foncière et immobilière à cause de la proximité du centre-ville et du quartier résidentiel Ma Campagne dans la commune de Ngaliema. En effet, le quartier riche de Ma Campagne étant saturé, il ne parvient plus à accueillir tout le monde. C'est la raison pour laquelle certains viennent habiter à Kintambo, à proximité du quartier riche de Ma Campagne. A Kintambo, des parcelles de 800 m2, avec leurs maisons en 'poto poto', se vendent à 60 000 $. Des villas cossues naissent rapidement des poussières des 'bicoques' détruites. Barumbu, Kinshasa, Lingwala et Kintambo ont aussi le privilège d'avoir de grandes parcelles, dont les dimensions conviennent aux familles nombreuses kinoises. Cela contribue aussi à leur attrait. Ce qui n'est pas le cas dans les cités planifiées de Kalamu, Matete, Bandalungwa et Lemba. - Les nouvelles cités indigènes Les communes de Kasa-Vubu et Ngiri-Ngiri s'appellent, en langue locale40, 'mboka ya sika' qui signifie 'nouvelles cités', à l'opposé des anciennes cités décrites plus haut. A l'exception du quartier de Christ-Roi et de quelques petites extensions au moment de l'Indépendance, elles ont été construites au lendemain de la deuxième guerre mondiale, de 1945 à 1950. Pendant la guerre, la population de la ville avait doublé, passant de 50 000 à 100 000 habitants. L'extension des anciennes cités était bloquée par le camp militaire, les installations de la radio sur l'emplacement actuel de la R TNC, -10Le lingala.
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la zone mal drainée occupée aujourd'hui par l'Université protestante, le palais du Peuple et le stade des Martyrs, ainsi que l'aéroport de Ndolo. Pour faire face aux critiques acerbes de la communauté internationale à l'endroit de la Belgique dans sa gestion du Congo et aux demandes de parcelles, notamment des anciens combattants, l'administration enjamba ces espaces et ouvrit les "nouvelles cités". Le plan est encore en damier, mais le maillage est plus large et les voies sont hiérarchisées, une rue sur trois ou quatre étant sensiblement plus large et de grandes avenues perpendiculaires assurant une pénétration rapide par la voirie primaire. Ces avenues ont reçu des noms qui évoquent les hauts faits de l'armée congolaise pendant la seconde guerre mondiale ou les pays où furent envoyés les corps eXpéditionnaires de la force publique, comme Assossa, Gambela, Saïo, Khartoum, Ethiopie, Birmanie. L'axe principal des nouvelles cités s'appelle Victoire et tout un quartier y a été réservé aux anciens combattants (Matota, 2001). Ce lotissement servit aussi à décongestionner les anciennes cités et à accueillir des indigènes bateke (tribu locale) obligés de déguerpir de leurs villages de Kingabwa la rive gauche de la rivière Ndjili, au bénéfice de nouveaux établissements industriels. Avoir un emploi stable à Kinshasa était un des critères d'accès à ces parcelles où la construction des maisons a souvent été prise en charge par l'occupant, comme ce fut encore le cas à Ndjili en 1954. Toutes les constructions devaient être en dur et les parcelles étaient plus grandes que dans les anciennes cités, de 500 à 750 m2. Les quartiers concentrent 22 à 27 logements couverts de toitures en tôles ondulées par hectare (pain, 1974) dans certains sites et 15 à 20 par hectare dans d'autres. Pour le financement des constructions, certains habitants bénéficièrent d'un crédit du Fonds d'avance dont la création à Kinshasa remonte à 193241. Les maisons dites «Fonds d'avance» sont parfois de coquettes villas, notamment sur l'avenue de la Victoire. Elles occupent une large partie de la cour. Un auvent donne accès à la pièce de séjour. C'est une sorte de véranda. Le sol est revêtu de pavements. La cuisine et les sanitaires sont dans le logement. Ce sont des maisons de type moderne, quoique moins riches que les villas des cités européennes. Dans le quartier de Christ-Roi de la commune de Kasa- Vubu, achevé en 1953, les logements furent mis en vente par location-vente. Le système de canalisation des eaux usées reste malheureusement précaire. Les rivières de Basoko et de Kalamu sont les exutoires de l'assainissement du milieu. Bien que les conditions d'infiltration soient plus favorables que dans les anciennes cités indigènes, des poches de stagnation -Il Ce fonds a été supprimé en juin 1968 (Zaïre-Afrique
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n° 192, 1985, p.71).
des eaux et des inondations périodiques se sont multipliées avec la densification de l'espace. Les cours d'eau exutoires sont la tranchée de Cabu (ou pont Kasa-Vubu) pour la commune de Kasa-\lubu et la rivière de Basoko pour la commune de Ngiri-Ngiri. Le Kinois a une perception particulière de ces deux communes. L'image de certains quartiers de Kasa-Vubu et de Ngiri-Ngiri est aujourd'hui qu'il n'y fait pas bon vivre pendant la saison des pluies, parce qu'ils sont alors marécageux et que leurs avenues non revêtues, ou dont le revêtement est délabré, deviennent impraticables après les orages. Mais ces communes ont aussi leur attrait. Elles ont des quartiers artisanaux. KasaVubu est réputée pour son marché de Gambela spécialisé en produits agricoles et pour ses nombreuses boutiques de vente de pièces de rechange pour automobiles, spécialement le long de l'avenue de la Victoire. NgiriNgiri est célèbre pour son marché de Bayaka, spécialisé en matériaux de construction et pour ses innombrables quincailleries.
- Les cités planifiées indigènes Au début des années 1950, une nouveauté fondamentale est la création de l'Office des cités africaines (OCA), devenu Office national du logement en juin 1965 (ONL). En 1949, l'initiative avait d'abord été laissée aux cités indigènes et aux centres extracoutumiers, qui pouvaient obtenir du
Trésor de la colonie des avances au taux de 0,5
%
l'an pour accorder des
prêts à leurs habitants pour la construction de maisons. L'Office de la cité indigène de Léopoldville fut créé par arrêté ministériel du 6 septembre 1949. Un décret du 30 mars 1952 constitua l'Office des cités africaines, en y intégrant toutes les initiatives de ce type. L'OCA était chargé de réaliser des constructions en régie et de les valoriser par location, vente ou locationvente. C'est lui qui a construit le quartier de Renkin, devenu Matonge, achevé en 1952, puis le quartier de Christ-Roi de Kasa-Vubu, achevé en 1953, puis Yolo-Nord en 1954 et Y olo-Sud en 1955. Au 31 décembre 1959, selon le rapport sur le plan décennal 1950-1959, son bilan était de 33 353 maisons terminées et 360 en construction sur les 40 000 prévues lors de sa création; 20 Il 7 avaient été réalisées à Léopoldville. La commune de Kalamu, construite immédiatement après KasaVubu et Ngiri-Ngiri, et même pour une part simultanément, est déjà une commune d'un modèle plus élaboré que le damier, mais ce n'est pas encore une "cité planifiée" au sens fort. La ligne droite reste dominante dans le plan, même si on y introduit quelques voies obliques par rapport aux autres et des baïonnettes qui ralentissent la circulation intérieure et évitent la monotonie
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des longues perspectives rectilignes. Le quartier de Foncobel42 était le quartier artisanal de la commune de Kalamu. Des lotissements particuliers ont été réalisés par l'Onatra (camp Kauka, jadis camp Cito) et par une société privée (quartier d'Immocongo). Les autres cités planifiées sont les communes de Ndjili, Matete, Bandalungwa et Lemba, ainsi que le quartier de Babylon de Kintambo. Ndjili est une cité au plan particulièrement étudié, dont les 6000 parcelles ont été vendues en quelques mois en 1954, malgré la distance du centre-ville et la charge laissée aux habitants de réaliser eux-mêmes les constructions. Le lotissement de Ndjili a été accompagné de l'aménagement d'un périmètre maraîcher qui est un franc succès, puisqu'il est encore en activité aujourd'hui et a été plusieurs fois étendu, vers le sud et dans d'autres vallées. Le lotissement de Ndjili, sur la rive droite de la rivière du même nom, résulte de l'application du plan urbain de 1950 qui prévoyait le déplacement de l'aéroport de Ndolo à Ndjili, l'implantation d'une zone industrielle à Limete et la création du boulevard Lumumba jusqu'au nouvel aérodrome. En bref, le plan d'urbanisme orienta l'extension de la ville vers l'est, avec la construction d'une cité satellite, selon un modèle en vogue à l'époque dans le monde entier. Le plan était radioconcentrique. C'était une innovation dans l'urbanisme des cités africaines. Cette première cité satellite était destinée à accueillir 30 000 habitants sur 470 ha dans 6 000 parcelles, avec le souci de soulager les anciennes et les nouvelles cités africaines qui se densifiaient rapidement (Mena, 2006). Du quartier 1 jusqu'au quartier 7, l'OCA a vendu des parcelles assainies, mais il n'a construit lui-même que les bâtiments publics. Le privilège de l'accès à ces parcelles était accordé en priorité aux pères de famille d'au moins trois enfants, autorisés à résider en ville et ayant un casier judiciaire irréprochable. C'est la raison pour laquelle les Kinois ont appelé Ndjili 'Mboka ya ba tata na bana' (Vita, 2006)43. Ndjili s'est densifié: on y trouvait déjà 22 à 27 logements par hectare vers 1970 (pain, 1974). Les maisons ressemblent plus à celles des nouvelles cités indigènes dans les communes de Kasa-Vubu et Ngiri-Ngiri qu'aux lotissements en bandes des cités planifiées ultérieures. Les cours et les logements sont donc grands. De nouveaux quartiers, du nOB au n013, ont été créés par autoconstruction au moment de l'Indépendance. Une bonne part des parcelles ont été distribuées à l'initiative de partis, qui s'employaient ainsi à attirer des électeurs pour les élections de mai 1960. Les quartiers aj ou tés au moment de l'Indépendance n'avaient pas de normes urbanistiques précises. -12~f\ctuellement, quartier de Kimbangu. Le premier nom est une abréviation colonial belge, traduisant sa création sur la base d'une avance du Trésor. -13'Cité des pères de famille'.
48
de Fonds
Ndjili a aujourd'hui une configuration trapézoïdale, 13 quartiers dont 7 sont planifiés et 6 autoconstruits, 301 rues, Il avenues, 16 051 parcelles et 300 000 habitants sur Il,4km2 (Mena, op.cit.). Ndjili est célèbre pour ses innombrables ateliers mécaniques automobiles et ses espaces maraîchers. La qualité urbanistique des cités planifiées s'est élevée dans chaque réalisation. Elle a atteint un premier sommet en 1955 à Matete, alors cité Pierre Wigny. Les espaces publics et les équipements collectifs y sont beaucoup plus importants que dans les anciennes et les nouvelles cités. Mais on reproche à l'Office des cités africaines, le promoteur immobilier des années 1950, de ne pas s'être engagé sur les collines érodables du sud et de l'ouest et d'avoir concentré ses réalisations dans la plaine alluviale où le Kinois 'étouffe' aujourd'hui dans une chaleur torride la journée et 'éprouve' une sensation de chaleur prolongée même le soir (pain, 1973). Les cités planifiées sont néanmoins installées sur des sites en pente naturelle permettant le ruissellement des eaux pluviales qui facilitent l'évacuation des eaux vannes (carte n03). Ndjili et Matete sont des témoins de la dynamique urbaine qui a contraint la ville à quitter son site initial. Au moment de leur conception, elles se trouvaient dans le territoire de Kasangulu et ont été érigées en centres extracoutumiers indépendants de la cité de Léopoldville. Matete a été construite en 1955 pour accueillir les ouvriers travaillant à Limete industriel, sur le bord de la rivière qui porte le même nom. Ses habitations sont soit en pavillon comme dans les localités de Kunda et de Bateke, soit à étage comme dans les localités d'Anunga, de Mongo, etc. Cette cité a une notoriété pour ses quincailleries, ses ateliers de montage de carrosseries et ses 'dépôts' de matériaux de construction. Son principal marché est un important centre commercial de la ville qui dessert aussi les communes voisines de Ndjili, Lemba et de Kisenso. Les études de Lelo Nzuzi (2005) montrent que 54,1% des Kisensoises s'approvisionnent au marché municipal de Matete, et que 52% des Kisensois travaillant à Matete s'y approvisionnent aussi dans ses différents marchés. Sa vieille école de formation de la police et de la gendarmerie est restée célèbre parce qu'elle a réussi à contenir la bouillante jeunesse désœuvrée de Matete. Comme toutes les cités planifiées indigènes, son habitat a vieilli, plus particulièrement les habitations préfabriquées du quartier de Vitamine construites avec des fibrociments. La commune est sur-densifiée et souffre de l'insuffisance d'infrastructures et d'espaces puisque certains terrains ont été vendus par les autorités communales. C'est le cas du terrain de basket-baIl du quartier de Vitamine. Comme la commune s'est implantée au pied de la colline sud de Kisenso, elle est inondée et ensablée par les coulées de boue qui viennent de ces versants collinaires. De l'autre côté, elle est inondée par la rivière de
49
Matete qui la traverse et déborde sur les quartiers de Kunda construits dans l'ancien lit de ce cours d'eau à proximité du camp de la police 'Mobutu'. Si, dans les anciennes cités indigènes, proches du centre, la valeur foncière commence à hausser avec le temps, ce n'est pas le cas dans les cités indigènes planifiées, surtout si elles sont confrontées à des problèmes environnementaux. C'est le cas à ~1atete, à proximité de la gigantesque décharge, Mulele. En effet, pendant près d'une décennie, ce dépotoir de 730 m de long et 20 m de large a entraîné le déguerpissement d'une bonne partie des habitants de ses rives. La valeur foncière et immobilière y a sensiblement chuté. Il vient d'être évacué lors d'une grande campagne de salubrité par le Programme national de l'assainissement (PNA) et les valeurs immobilières commencent à y reprendre de la vitalité.
Carte n° 3
La ville de Kinshasa en 1957
Légende _ CUês.planifiêes..indigènes I:::.::>j.Anciennes cités indigènes .
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Nouvell e$ci1és indigènes
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Route
de fer
Echelle:
'Rivière
50
11100.000
A
Tableau 2 Valeur immobilière avant et après l'évacuation
Maison OCA Maison à étage vers Kiyimbi
à :~vfatete
de la décharge de Mulele
Prix de vente avant l'évacuation 7 000 $
Prix de vente après l'évacuation 15 000 $
5 000 $
10 000 $
20 000 $
Vendue à 45 000 $
Maison pavillonnaire vers Mbamba Kilenda Grande maison d'un officier militaire re trai té Source: Lelo Nzuzi (2007)
Le tableau n02 montre l'augmentation de la valeur foncière et immobilière des maisons selon qu'on s'éloigne de l'avenue Kiyimbi. Depuis l'évacuation de la décharge, la valeur foncière et immobilière commence à augmenter. Bandalungwa est totalement construite avec des maisons à étage. Elle est bien assainie grâce à la présence de deux rivières: la Makelele à l'ouest qui sert de frontière avec la commune de Kintambo et la Basoko, en fait appelée Bandalungwa, qui la sépare du camp militaire de Kokolo et de la commune de Ngiri-Ngiri. La commune de Bandalungwa est dotée d'un grand espace maraîcher44 qui approvisionne la ville en fruits et légumes. On l'appelle encore abusivement aujourd'hui 'la pépinière', alors qu'elle a cessé de jouer ce rôle depuis 1962. Les maisons de Bandalungwa, comme celles de Matete, n'ont pratiquement pas de cour. La commune s'est dégradée rapidement à cause de la densification, de la prolifération des bistrots et de la promiscuité. Ses extensions sont aux prises avec les problèmes d'inondations parce qu'elles ne sont pas assainies. La commune court un grand danger parce que beaucoup de ses extensions sont construites sous la ligne à haute tension, construite depuis 1932, pour amener alors à la centrale de l'avenue de la Justice dans la commune de la Gombe le courant des chutes de Sanga, -1-1La pépinière
de Bandalungwa.
51
sur l'Inkisi. Aujourd'hui, le poste de Bandalungvva est interconnecté tant au site de Zongo sur l'Inkisi qu'à celui de la centrale d'Inga sur le fleuve du Congo. Lemba aurait pu être la plus belle des cités planifiées. Mais elle était encore en chantier au moment de l'Indépendance et n'a jamais été vraiment achevée. Ses quelques avenues asphaltées ne l'ont été qu'en 1962-1963, grâce à une aide de la Communauté économique européenne (L. de SaintMoulin, 1976). Lemba a les mêmes types de maisons que Matete, soit en pavillon, soit à étage. Les témoins racontent que plusieurs quartiers de la commune de Lemba sont construits dans d'anciennes zones marécageuses, ce qui explique qu'ils sont maintenant aux prises avec de sérieux problèmes de remontées capillaires. Malgré cela, dans les zones proches des quartiers planifiés de Lemba, un terrain de 300 m2 coûte 15 000 $ (Kayembe, 1997). La commune de Lemba s'étendant jusqu'à la limite sud de l'université de Kinshasa, ses extensions sont extrêmement variées. Elles comprennent les bâtiments et les maisons de l'université, y compris ceux de Livulu et du quartier de Gombele, jadis Righini, construits surtout de 1954 à 1971, les quartiers spontanés de Livulu et de Mbanza-Lemba nés au moment de l'Indépendance, les lotissements de la CNECI (Caisse Nationale d'Epargne et de Crédit Immobilier), de 1972 et les quartiers périphériques
qu'ils ont ensuite suscités. On recense dans les extensions de Lemba, 10 % d'ouvriers, 19 % de commerçants ambulants, 18 % de fonctionnaires, 44 % d'indépendants et 9 % de cadres (Kayembe, op.cit.). Près de 10% des parcelles n'y sont pas desservies en eau et 5% en électricité (Kitoko, 2006) et un terrain de 300 m2 coûte 1 500 $ (Kayembe, op.cit.). Lemba abrite aussi la Foire internationale de Kinshasa avec toutes ses dépendances. L'avenue de la Foire qui la traverse de part en part est souvent en réhabilitation parce qu'elle se dégrade facilement par manque d'assainissement à certains endroits. La commune a 12 324 parcelles réparties sur Il quartiers (Kitoko, op.cit.), 62 avenues et 458 rues (Kayembe, op.cit.). La commune est surdensifiée et souffre de la promiscuité. En effet, selon Kitoko (op.cit.) 46,6% des ménages habitent des logements avec 1 ou 2 chambres à coucher. Le quartier de Babylon à Kintambo est une autre réalisation de l'OCA. Ses maisons sont à étage, c'est-à-dire à la verticale. Bâti sur une pente légère, Kintambo Babylon n'est pas en proie au problème de l'assainissement. C'est le seul quartier de la commune qui a bénéficié de logements clés en mains au milieu des vastes quartiers d'autoconstruction. Ces derniers ont des grandes parcelles alors qu'au camp de Babylon, les parcelles sont presque sans cour: 60 à 90 m2 seulement. Grâce au Fonds d'avance et au Fonds du roi, créé après le voyage du roi Baudouin en 1955,
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quelques grandes maisons avec cour y sont construites sur l'avenue KasaVubu en face du camp militaire de Loano. Pour conclure ce paragraphe sur les cités planifiées indigènes, il faut souligner une fois encore qu'elles sont très différentes des anciennes et des nouvelles cités. Le plan en a été beaucoup mieux élaboré et la place laissée à l'initiative des individus s'est réduite à rien à partir de la construction de Matete en 1955. Les logements "sociaux" construits à Léopoldville par l'OCA de 1952 à 1960, avec un budget de 3 millions de francs congolais, sont de trois types (Kitoko, 2006). Ce sont des logements jointifs en bloc de 2 ou 4 maisons et en bandes. Ils sont soit à un, soit à deux niveaux. Le premier type est celui où quatre logements en pavillon sont réunis par bâtiment. Ils comptent chacun un séjour (3,5 X 3 m), une cuisine (3 X 2,2 m), deux chambres (3 X 2,60 m et 3,5 X 1,8 m) et enfin les toilettes (WC et douche) au coin de chaque maison. Le deuxième type est construit en étage de deux ou trois logements par bâtiment. Le logement compte trois chambres de 5,5m2 à 11m2 chacune. Le rez-de-chaussée abrite le salon (4,6 X 3,2 m) et la cuisine (2,5 X 3,4 m). Le troisième type est construit aussi en étage. Ce sont deux ou trois ou encore quatre logements rassemblés dans un bâtiment à fonction commerciale. Le rez-de-chaussée sert de boutique. Le salon et les chambres sont à l'étage. Les bâtiments sont longs de 32 m et larges de 7,60 m. Un problème commun à ces trois types de logements est qu'ils sont sans-arrière cour et trop exigus pour les grandes familles africaines. L'OCA a construit aussi à titre eXpérimental quelques logements à trois niveaux à Kintambo et à Bandalungwa. C'était un brusque changement dans les habitudes. La population a accepté difficilement ce type d'habitat et l'administration coloniale ne l'a pas répliqué à grande échelle. Malgré l'exiguïté des logements, les Congolais ont apprécié les cités planifiées et se sont engagés massivement dans le système de location-vente ou 'clés en main' que l'administration coloniale avait mis en place pour leur attribution. Mais un demi-siècle plus tard, les cités planifiées sont méconnaissables. Les natifs de ces quartiers qui avoisinent maintenant la cinquantaine ne s'y retrouvent pas. Ils sont aujourd'hui caractérisés par la surdensification de l'espace, la taudification de l'habitat et la destruction des infrastructures, la violence urbaine45, l'occupation anarchique des espaces publics, etc. La densité de la population sur les 4,88 km2 de Matete est passée de 8 665 hab./km2 en 1967 à 21 496 en 1984 et de l'ordre de 55 078 hab./km2 en 2004.
-15Phénomène 'Pomba', hommes forts'.
'Kuluna'
ou 'Bato ya makasi' : les adeptes des arts martiaux
53
ou 'les
La conséquence
est la promiscuité
qui n'est plus à démontrer.
En
général à Kinshasa, 6 % des ménages logent 1 personne par chambre tandis que 54 % en logent au moins 4 par chambre à coucher (Lelo Nzuzi et Tshimanga, 2004). Pour MICS 2, 12,2 % des ménages logent 1 personne par chambre tandis que 48,8 % en logent 4 et plus par chambre à coucher. Une autre conséquence est l'occupation anarchique de tous les terrains publics. Par manque d'espace, les enfants jouent au football dans la rue. Il est fréquent d'assister ces derniers temps à des bagarres rangées autour d'un terrain de jeu entre les jeunes du quartier qui défendent leur terrain de football et les géomètres des affaires foncières qui tentent de le morceler. Ce bras de fer se termine souvent en faveur des jeunes du quartier. Une autre caractéristique des cités planifiées indigènes est la prolifération des activités informelles spécialisées implantées dans les rues avec des conséquences néfastes sur l'environnement.
- Les cités de l'extension sud Comme on l'a déjà laissé entendre, en 1960, l'administration coloniale perdit le contrôle des lotissements. Des partis politiques, des chefs coutumiers et diverses autorités s'improvisèrent aménageurs. On parle ainsi, après l'Indépendance, d'urbanisme sauvage. Ce qualificatif n'est cependant pas tout à fait exact. Dans la plaine particulièrement, ceux qui ont morcelé des terres coutumières ou d'anciennes concessions privées ont recouru aux géomètres topographes des affaires foncières. Les rues prolongent les anciennes trames en damier ou en échiquier; elles sont souvent parfaitement droites, parfois sur plusieurs kilomètres et des espaces parfois importants sont réservés à des équipements communautaires. Au camp de Mombele à Limete, une avenue sur quatre avait une emprise de 20 mètres de large. Mombele Pierre, chef coutumier et chef du parti politique de l'Union des Bateke (Unibat), a d'ailleurs affirmé avoir eu l'aval du ministre des Colonies, au retour de la Table ronde de 1960, pour l'organisation de ce lotissement. Mais aucun réseau d'assainissement ne fut construit et l'intégration aux grands réseaux de circulation est faible ou nulle. L'urbanisme est particulièrement déficient dans l'occupation des collines périphériques où des lotissements ont été initiés sur des sites auparavant considérées comme non constructibles. La Mission française d'urbanisme a estimé que, le nombre de maisons ainsi construites à l'initiative privée et au gré de l'enthousiasme des habitants de 1960 à 1966 est de 50 à 60 000 sur 5000 ha alors que les 20 000 constructions de l'OCA de 1952 à 1960 ne s'étalaient que sur 765 ha (Kitoko, op.cit.). Le nombre d'entreprises de construction immobilière au
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Congo tomba de 700 en 1959 à 67 en 1972 et la contribution de la construction au PIB chuta de 3,5% en 1970 à 2,5% en 1973 (Wemby, op.cit.). Cette anarchie foncière de diverses autorités et des chefs coutumiers a perduré bien au-delà de la loi Bakajika de 1966 qui stipule que 'le sol et le sous-sol sont propriétés de l'Etat' et qui reconnaît au seul service des affaires foncières le droit de distribuer, vendre ou louer les terrains de l'Etat. Kinshasa a ainsi explosé, passant de 400 000 habitants à la veille de l'Indépendance à 800 000 en 1966 et 1 600 000 en 1975. Elle étend dès lors ses 'tentacules' sur les versants46 fragiles des collines du sud et de l'ouest et se répand en tâche d'huile dans la plaine en direction de l'est en détruisant progressivement les espaces verts47. Les communes de Bumbu, Makala et Ngaba sont à peu près tout entières des cités "spontanées" de l'extension sud en 1960. Les parcelles y ont été occupées dans la précipitation pour court-circuiter l'administration qui assista, impuissante, à l'apparition, pour la toute première fois à Kinshasa, d'une réplique de l'habitat presque rural. Les logements sont en dur mais construits sans normes architecturales et souvent sans même réserver assez d'espaces aux équipements communautaires. Le défaut principal du lotissement est l'absence d'assainissement. Les rivières de Bumbu, de Funa et de Yolo drainent mal les communes de Bumbu, Makala et Ngaba. Le drainage de cette dernière, située au pied de la colline de Makala, est particulièrement problématique pendant la saison des pluies. Mais c'est dans les terrains plats des trois communes que la nappe phréatique affieure et que les marécages constituent un fléau. Les sédiments mélangés aux ordures qui proviennent régulièrement des collines en sont un autre: ils bouchent les drains d'assainissement laborieusement creusés et même le lit des cours d'eau de Bumbu, de Funa et de Yolo. C'est une nouvelle cause d'inondations. - Les cités de l'extension à l'est Les communes de Kimbanseke et Masina illustrent bien les exemples de ces agglomérations créées sans véritable planification par les chefs coutumiers en complicité avec les géomètres topographes de l'administration publique depuis 1960 à l'est de la ville. Les chefs traditionnels, notamment Mfumu Nkento et Pierre Ngandu, ont loti et vendu systématiquement à Kimbanseke des parcelles coutumières pouvant atteindre 500 à 750 m2.
-16Par exemple, la naissance du quartier Kimpe, créé par le chef coutumier N galiema. -17Par exemple, la naissance du quartier Mombele, créé par le chef coutumier Pierre, à Limete.
55
Kimpe, Mombele
à
Kimbanseke, avec ses 30 quartiers et plus de 1 000 000 d'habitants sur 238 km2, est une 'véritable ville dans la ville'. Elle abrite des quartiers des collines et de la plaine. Dans la plaine, les quartiers de Mulie, Nsanga, Malonda, Mokali, Sakombi, etc. sont régulièrement inondés par les ruisseaux de Mango, Biselele, Nsuenge, (Lukengo, 2002). Dans les collines, les érosions sont menaçantes et les habitants manquent d'eau. En 1997, la moitié des parcelles de la commune (48%) n'étaient pas raccordées à l'électricité. La commune est aujourd'hui malade de sa superficie et de sa population: insuffisance d'infrastructures de voirie et de drainage, absence d'irrigation de vastes espaces maraîchers. La commune n'a que trois routes: lIe République (4,5 km), Mokali (3 km) et Ndjoku (5 km). L'asphaltage partiel des avenues Ndjoku et Mokali vient de désenclaver certains grands quartiers de la commune. Masina est beaucoup moins étendue que Kimbanseke : elle a 24 quartiers et 300 000 habitants sur 70 km2, mais elle connaît les mêmes problèmes. Elle est, en outre, bâtie pour une part sur des terrains prévus pour la création d'une nouvelle zone industrielle ou réservés pour les emprises de l'aéroport de Ndjili. Elle ne communique avec l'extérieur que par quelques artères comme les avenues Petro-Congo et Siforco. L'asphaltage récent de l'avenue Kulumba, de la Maison communale vers le quartier de Mapela, a désenclavé plusieurs quartiers. Le flux piétonnier, automobile et des deux roues y est très important. Le lotissement a été initié en 1960 par des chefs de partis politiques. Il y avait ainsi un quartier Abako (Alliance des Bakongo de Kasa-Vubu Joseph) et un quartier PSA (Parti solidaire africain de Gizenga Antoine). Diverses autorités et les chefs coutumiers, jusque récemment, ont été les initiateurs des quartiers. L'une des grandes caractéristiques de la commune est sa forte densification. Ses espaces maraÎchers48 et rizicoles au bord du fleuve abritaient 4118 maraîchers en 1999 et sont parmi les plus importants de la ville depuis plus d'une trentaine d'années (Katshiayi, 2000). Ces deux communes occupent les bassins-versants des rivières de Tshangu, Mangu et Tshwenge. Elles sont bien localisées pour l'infiltration du fait de leur implantation sur des plateaux sablonneux, mais des problèmes d'écoulement des eaux pluviales se posent maintenant avec la densification de l'habitation et l'ensablement des rivières par les érosions ou leur encombrement par les ordures.
-18Abattoir, Masina Tshuenge (1979).
rail, Tshangu
(1974), Mapela
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(1982), Mangu,
Lokadl
Labano
(1970),
- Les cités de l'extension Les communes
à l'extrême-est
de Maluku et Nsele sont urbano-rurales.
Ces deux
communes couvrent 85,8 % de la superficie totale de Kinshasa, soit 76,8 % pour la première et 9,0 % pour la seconde. Il s'agit de zones jadis rurales qui faisaient partie du territoire de Kasangulu. En simplifiant, on peut dire que la commune de Nsele a été intégrée à la ville de Kinshasa par la création du
Territoire suburbain de Léopoldville à la date du 1er janvier 1955 (devenu zone annexe de la ville en 1957) et que celle de Maluku y est entrée par les Ordonnances du 12 janvier 1968 (pour le groupement Nguma-Maluku) et du 2 décembre 1968 (pour le reste du secteur des Bateke et pour la chefferie Mbankana). C'est dans la commune de Nsele que se trouve l'aéroport de Kinshasa et qu'avaient été établis la cité du MPR49 ainsi que le Domaine agro-industiel présidentiel (DAIPN). Maluku, quant à elle, est le site de la Société sidérurgique nationale et de ses dépendances. Les 22 autres communes se partagent les 9,5% restants de la superficie de la ville. Aujourd'hui, Nsele est la banlieue à l'extrême-est de Kinshasa, à plus de 60 km du centre-ville. Pendant les années 70 et 80, elle fut multifonctionnelle : banlieue agro-industrielle et politico-administrative (cité de la Nsele), banlieue touristique (cité des pêcheurs de Kinkole et cité de la Nsele), banlieue maraîchère (Tadi), banlieue-dortoir (Mpasa, Minkondo et Minkonga). A présent, le domaine présidentiel et la cité du parti se sont effondrés, mais Kinkole attire un grand nombre de Kinois chaque fin de semaine au bord du fleuve. Maluku, située à plus de 80 km, est la plus grande commune de la ville en superficie mais reste faiblement occupée. La sidérurgie de Maluku est à l'arrêt, mais l'usine à bois Siforzal s'y est développée, de même que les agglomérations de Kimpoko et Menkao, ainsi que les activités agropastorales sur le plateau. La fonction ludique, au bord du fleuve, est appelée à se développer. Un premier sommet avait été atteint dans la vitalité de la commune de Maluku avec la construction de l'usine sidérurgique et de la cité planifiée destinée à accueillir ses cadres. Ces deux communes sont marquées par la présence de baraques qui sont en fait des constructions d'attente. Ce sont des installations provisoires (15 à 20 m2) à base de matériaux de récupération, en pisé ou en briques adobes. Elles se métamorphosent au fur et à mesure que le propriétaire trouve de l'argent pour construire une maison en parpaings.
-19Le Mouvement
populaire
de la révolution
du feu le maréchal
57
Mobutu
Sese Seko.
2. 1.2. Les Gltés des Go//ines : /a vi/le naute
I
Les collines, c'est-à-dire la ville 'haute', représentent un site contraignant pour l'aménagement et le développement de la ville. Pour une bonne part, elles ont longtemps été considérées comme zones 'non aedificandi', à cause de la sensibilité aux ravinements et aux érosions. Le plan d'urbanisme de 1950 les affecte à l'accueil d'équipements publics spécialisés comme le sanatorium50, les universités51, la station météorologique52, la prison53, les couvents et monastères54. Ce sont en effet des infrastructures appelées à s'implanter en dehors de la ville sur un site bucolique et qui peuvent y être protégées par un aménagement approprié. Le même plan réserve cependant quelques périmètres pour des quartiers bien assainis, alors destinés aux Européens :Joli Parc et Djelo Mbinza. Ces 'quartiers de riches', bien urbanisés, ont été suivis par la construction d'autres villas somptueuses dans les quartiers Ma Campagne, Mbinza UPN, Mbinza Météo, Mont-Fleury, Mbinza Télécom, MontNgafula, etc. Le drainage de ces extensions n'a en général pas la capacité correspondant aux eaux de ruissellement que leurs toitures accumulent. Mais les habitants de ces cités éprouvent une sensation de fraîcheur renforcée le soir (pain, 1973). On présentera successivement, les cités collinaires de haut standing, d'avant et d'après 1970, puis les cités populaires plus ou moins d'autoconstruction également construites sur les pentes des collines. Il s'agit dans le premier groupe des communes de Ngaliema, Mont-Ngafula et du sud de Lemba; dans le second, de la commune de Kisenso et du sud de Selembao et de Bumbu. Les cités
collinaires
de haut
standing
Ces cités de haut standing sont comme des îlots dans les vastes communes de Ngaliema, de Mont-Ngafula et de Lemba. Ngaliema est connue des Kinois pour ses riches quartiers et ses gigantesques érosions. Elle est située à l'ouest de la ville et a une superficie de 224 km2 avec plus de 460 000 habitants répartis dans 21 quartiers, soit 2055 hab./km2. Certains de ces quartiers sont dotés d'infrastructures importantes avec un habitat peu dense et de vastes parcelles aérées atteignant 2000 m\ qui offrent un cadre de vie agréable. Ici, le nombre de ménages par parcelle 50 Le sanatol;um de Makala. 51 L'Université de Kinshasa, L'Université 52Mbinza Météo. 53La prison de Makala. 5-1Kimwenza.
pédagogique
58
nationale.
est de 1,87 d'après le plan triennal de l'hôtel de Ville de Kinshasa en 1997. Les villas de ces quartiers sont perchées sur des collines verdoyantes de part et d'autre de la route de ~1atadi. Le site y offre une vue panoramique sur la plaine de Kinshasa et sur le fleuve Congo. C'est à Ngaliema que se trouvent le célèbre mont Ngaliema, le palais présidentiel de feu le président Mobutu et la cité de l'Union africaine. La spéculation foncière et immobilière y est forte. En 2006, la bourgeoisie locale s'est précipitée pour acheter sur le terrain de la station de météorologie des lopins de terre de 500 m2 vendus à 50 000 $. La vente était cependant illégale et le gouvernement vient de suspendre les travaux et de démolir les constructions. L'opulence de Mbinza cache l'autre visage de Ngaliema : celui de la pauvreté dans ses quartiers populeux, sans voirie, ni réseaux divers, sans équipements communautaires, ni espaces aménagés. Ces quartiers à forte concentration démographique avec un habitat rudimentaire et précaire sont, dans la plupart des cas, enclavés et très éloignés du centre-ville, voire même des grands axes de pénétration. Sur ces sites pauvres, un lopin de terre de 300 m2 coûte 1000 $; 75% des ménages utilisent des latrines non hygiéniques et ne sont pas branchés directement au réseau de distribution d'eau potable de la Regideso ; 57% des ménages ne sont pas raccordés à l'électricité (Lelo Nzuzi et Tshimanga ~1buyi, 2004). La commune semi-périphérique de Mont-Ngafula, bien que de hautstanding, a aussi un visage bicéphale avec les mêmes contrastes. Son espace territorial a la forme d'un arc. Avec ses 14 quartiers et ses 175 232 habitants sur 358,90 km2, soit 488 habitants au Km2, elle ceinture par le sud la commune de Ngaliema. Elle est faiblement habitée à l'est et au sud, mais très densément peuplée à l'ouest. Elle est bicéphale parce que d'un côté, elle a des quartiers bien urbanisés aux grandes parcelles, avec non seulement une belle vue panoramique, mais aussi une aération permanente. Mais elle a aussi des quartiers pauvres au sud et à l'ouest, sans eau, ni électricité, enclavés, inaccessibles et sans infrastructures de base. Ici, la population vit dans un habitat semi-rural au milieu des champs de manioc et de maïs. Lorsqu'on 'descend' les pentes de Mont-Ngafula par la route 'ByPass', on passe par le rond-point de Ngaba, où on croise l'avenue de l'Université qui conduit à droite vers le quartier Righini (Gombele) et l'université de Kinshasa. Ce sont des zones résidentielles de haut standing situées dans le dense tissu urbain de la commune de Lemba. Il regorge de jolies villas construites au milieu de vergers. Le cadre de vie de Righini est agréable et se situe sur un site topographique attrayant. Beaucoup de quartiers de hautstanding sont situés dans les bassins versants des rivières de Lukunga, Mbinza, Mampeza, etc. En ce qui 59
concerne l'évacuation des eaux pluviales, certains de ces quartiers planifiés se trouvent encore dans une situation favorable. Il n'existe pas de réseau secondaire mais leur habitat n'est pas très dense, l'infiltration est bonne et le réseau primaire n'est généralement pas sujet aux bouchons qui se forment constamment dans les quartiers populaires d'autoconstruction où le réseau d'assainissement est quasi absent et où les érosions font des ravages. - Les cités collinaires planifiées après 1970 Elles comptent la cité Salongo dans la commune de Lemba, la cité Marna Mobutu dans la commune de Mont-Ngafula, la cité Verte et la cité de l'Habitat pour l'Humanité dans la commune de Selembao, auxquelles il faut ajouter la cité Mangengenge dans la commune de Maluku. A l'exception de cette dernière, toutes ces cités planifiées collinaires se situent au sud de la ville, le long de la route de Matadi ou du By-Pass. Elles ont été bâties sur des versants raides entre les années 70 et 80. La première à être construite est la cité Salongo (800 logements), en 19ï 1, au sud par une agence immobilière locale 'défunte': la Caisse nationale d'épargne et de crédit immobilier (CNECI). La deuxième est la cité Mangengenge (350 logements), construite en 1975 pour les cadres de la Sidérurgie de Maluku, à l'extrême est. La troisième et la quatrième sont la cité Verte (442 logements), en 1986, et la cité Mama Mobutu (674 logements), en 1988 (Wemby, op.cit.), au sud-ouest, par une agence immobilière internationale: la société Logement économique (LOGEC). La cinquième est la cité de l'Habitat pour l'Humanité (142 logements), entre 19ï 4 et 1994 dans la commune de Selembao, sur le versant de la rivière Bumbu, construite dans le cadre d'un programme de l'Eglise protestante. La dernière est le camp Badiadingi, dans la commune de Ngaliema, au sudouest de la ville, avec 350 logements octroyés exclusivement aux officiers militaires, construite par le gouvernement. Il s'agissait au départ d'une production immobilière dite de logements sociaux ou économiques, à mettre à la disposition de la population par un système de location-vGnte. En fait, ce sont les entreprises locales qui ont acheté cash ces logements, en excluant de l'opération les populations à faibles revenus à qui pourtant on les avait destinés. Ces opérations immobilières des années 70 et 80 donnent l'impression qu'on se trouve en RDC en présence d'un Etat doté d'une politique affinée de construction de logements sociaux. Mais il n'en est rien car c'est une goutte d'eau dans la mer et parce que deux opérations, celles de la cité Verte et de la cité Marna Mobutu, résultent plutôt des initiatives privées que de l'Etat. Le nombre de logements construits est insuffisant par rapport aux besoins de la ville qui sont estimés à 34 000 habitations par an 60
(Kanene, 2000). Et la volonté politique proclamée d'ouvrir une nouvelle ère à l'urbanisme kinois n'a été que très ponctuelle. Les cités planifiées collinaires sont des quartiers conçus pour la classe moyenne. Les populations à faibles revenus ont été contraintes, malgré elles, de se loger sur des sites à pentes fortes et non assainis, autour des quartiers plus riches de Ngaliema, Mont-Ngafula et du sud de Lemba, ou dans les quartiers homogènes plus pauvres de Kisenso et du sud des communes de Selembao et Bumbu. Des parcelles ont parfois été créées sans aménagement préalable sur des pentes pouvant atteindre 20%.
Les cités populaires des collines du sud Ces cités se trouvent dans les communes de Kisenso, Bumbu et Selembao, réputées pour leurs grandes érosions, destructrices de maisons et entraînant des dégâts catastrophiques. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces collines aux fortes pentes, 8 à 20%, n'effrayent pas les Kinois en quête de logement. Ils y élisent domicile, malheureusement sans normes urbanistiques, exposant ainsi leurs habitations aux érosions. Leurs quartiers concentrent facilement 17 à 20 constructions par hectare. L'accroissement de la population depuis l'Indépendance est à la base de l'occupation de ces sites collinaires. La ville comptait 400 000 habitants à la veille de l'Indépendance. Elle a sans doute dépassé les 8 millions en 2007 et continue d'augmenter au rythme de près de 400 000 habitants par an. Les habitations perchées sur les collines de Selembao, Bumbu, Kisenso sont les premières, après 1960, à avoir gravi les flancs des collines du sud sans précaution préalable. Leur paysage est plus rural qu'urbain et leurs rues sinueuses, au gré du relief, parfois perpendiculaires aux courbes de niveau, rappellent l'aspect villageois de I'habi tat. La commune de Kisenso avec ses 240 000 habitants sur 16 km2 (15 000 hab. /km2) se trouve au sud-est de la ville sur une colline ne dépassant pas 420 m d'altitude, aux pentes variant de 4 à 22 %. Des arbres fruitiers abondants ont été plantés comme éléments de stabilisation des sols. Les 562 avenues et rues ne sont pas dotées d'un système d'évacuation des eaux pluviales. Les pluies provoquent beaucoup d'érosions et d'inondations dans les quartiers. En 1999, la commune fut ravagée par 37 têtes d'érosions (Lelo Nzuzi, 1999). Ainsi, ses versants sont sérieusement érodés55. Ce sont des ravins qui entraînent des éboulements et des glissements en détruisant au passage la végétation. Les conséquences de ces ravinements sont graves parce qu'ils envoient des tonnes de sable se déverser au pied de la colline et qu'ils ensablent les rivières dans la vallée et certains quartiers de la commune de 55Près de 36 têtes d'érosions,
selon le rapport de la Coopération
61
technique
belge de 2002.
Matete (Ngufu, Batende, Kinsimbu, etc.) ainsi que, parfois, le tracé du chemin de fer de Matadi situé en aval dans la vallée de la Ndjili. Les érosions ont pour résultat d'enclaver les quartiers qu'elles dévastent. Elles contribuent en outre à faire baisser la valeur foncière et immobilière dans ces quartiers. Ainsi, par exemple, à Kisenso, une parcelle de 300 m2 se négocie entre 4 $ et 6 $ le m2, alors que dans les nouvelles cités de l'extension est de la plaine de Kinshasa, elle se vend entre 10 $ et 30 $ pour la même superficie (Lelo Nzuzi, 2006). La commune de Selembao ressemble fortement, en de nombreux quartiers, à celle de Kisenso, à la différence que le rail n'y passe pas. L'enclavement de Selembao est presque total depuis la destruction de l'avenue du 24 Novembre, qui en constituait l'axe principal et qui la traverse de bout en bout. C'est l'œuvre des eaux pluviales et de l'érosion à Kitokimosi. Comme conséquence, les importantes infrastructures de base telles que le marché de Selembao, le sanatorium et même la prison centrale sont quasi inaccessibles aux véhicules. Leur aire d'influence ne cesse de s'effriter au fil des ans. La commune de Bumbu, construite sur les collines du sud, dans l'ancienne concession de la limonaderie Sinalco, a les mêmes caractéristiques que les deux entités précédentes, mais elle ne dépasse nulle part l'altitude de 360 m et est moins érodée. Elle compte 67 rues, 7 avenues et 9 589 parcelles (Kisaku, 2003). Toute sa trame viaire est en terre battue. L'économie locale de la commune tourne grâce à la présence de son marché. Un grand magasin de commerce général s'y était installé et son parking recevait les gros camions de produits agricoles en provenance de la province du BasCongo. L'avenue du 24 Novembre, descendant de la Borne (quartier de l'UPN), avait été coupée déjà avant 1967. Après une restauration temporaire très imparfaite, elle est à nouveau impraticable. Le marché est même devenu presque inaccessible aux gros camions de produits agricoles à cause de l'état de dégradation très avancé de la même avenue du 24 Novembre par le nord, depuis Bandalungwa. Depuis les pillages de 1991 et 1993, de grands magasins ont été fermés. La dégradation de la commune de Bumbu rejaillit sur celles de Ngiri-Ngiri et de Kasa-Vubu: à chaque pluie, des torrents boueux y dévalent par les avenues Saio, Birmanie, Assossa et Gambela. En conclusion, le site de Kinshasa, comme on vient de le voir, a une grande capacité d'accueil. La ville dispose encore d'espaces plans pour accueillir l'extension de la ville. Sur près de 10000 km2 de superficie, la surface réellement habitée ne représente que 600 km2. Seules les infrastructures posent problème pour l'extension urbaine. Si les infrastructures adéquates sont construites, Kinshasa a un avenir grandiose, qu'aucun obstacle physique ne peut bloquer. Les communes périphériques disposent encore de beaucoup d'espace. 62
Tableau 3 Les communes peuplées et moins peuplées de Kinshasa de 1967 à 2004
1967
Communes les plus peuplées Ndjili
80 000 hab.
1970 1984 2003 2004
N qj ili Kimbanseke Kimbanseke Kimbanseke
102 353 915 946
Année
Source: Monographie
Population
881 hab. 209 hab. 21 7 hab. 372 hab.
Communes les moins peuplées Mont-Ngafula (partiel) Maluku Gombe Gombe Gombe
Population
2 040 hab. 14 678 17 360 31 307 32 373
hab. hab. hab. hab.
de Kinshasa (2005)
Le tableau n° 3 indique que les communes les moins peuplées sont celles de Maluku et de Gombe. La seconde est au centre-ville; ses parcelles habitées n'ont qu'une faible densité. Maluku est à la périphérie et garde de très grandes superficies disponibles, de même que la commune, déjà plus peuplée, de Mont-Ngafula (Mukoko, 1998). La ville atteindra 10 millions d'habitants avant 2015 (Fnuap, 1996). Au total, Kinshasa compte 24 communes avec des extensions aux caractéristiques diverses (carte n° 4). Cette subdivision administrative de la ville en 24 communes ne date que de 1968 lorsque la ville annexa le secteur des Batékés et la chefferie de Mbankana, jusque-là relevant du territoire de Kasangulu. Lorsque Kinshasa fut érigée en district urbain (1923) et devint la capitale du Congo (1929), la ville ne comprenait même pas les cinq communes actuelles de Kintambo, Gombe, Kinshasa, Barumbu et Lingwala. Les nouvelles cités ont formé après la deuxième guerre mondiale les deux communes de Kasa- Vubu et Ngiri-Ngiri. De 1951 à 1960, les cités planifiées constituèrent les noyaux des actuelles communes de Kalamu, Ndjili, Matete, Bandalungwa et Lemba. La ville était organisée en Il communes pour les consultations électorales de 1957, puis en 13 en 1959. Ce fut après 1960 que la ville explosa: Lemba devint commune en 1966 et le nombre des communes passa à 24 en 1968.
63
Carte n° 4
Fleuve
Catégories
des communes
Congo
de Kinshasa
Â
Légende l!Jü] Cités européennes (limete, Gombe) rmIDCité sl,Janltiéeslndlgènes (Lehlb2l, E!andalungwa;
Kalamu,
mnn Cités coUinaires partiellement (Ngallema. Mont Ngafula)
Matete.
NdJiI!)
de haut standing
~.C"ê$ collJn2ilres populeuses du Sud (Bumbu. Selemba.o. I
Sud
~.Cîtés del'extensi(ln (MaltlkU. Nsele)
extrême
Est
c:::IClté$d~rext~n$i.(Jne$t (Kimban$eke.M~.$:joa' ~NoUvélle$cité$ (Kastt-Vubu. rzm Anciennes (llngwlIla,
-
indigènes Ngltfot1gltl) cités indigènes Kinshasa, BarUl11bu. Klntambo)
Limite commune
Echelle: 1/280.000
2.2. Les districts urbains administratifs: une subdivision géographique déséquilibrée Pour des raisons d'administration urbaine, la 'ville haute' et la 'ville basse' se subdivisent géographiquement en quatre districts urbains administratifs (carte n05) inégaux en termes de superficie, d'effectifs démographiques, du niveau d'urbanisation, de niveau de vie et de qualité des infrastructures de base. Les tableaux qui suivent présentent cette disproportion sur le plan démographique. Le district de Tshangu comprend les communes de Kimbanseke, Masina, Maluku, Ndjili et Nsele. Le district de Lukunga comprend les communes de Barumbu, Gombe, Kinshasa, Kintambo, Lingwala et Ngaliema. Le district de Funa comprend les communes de Bandalungwa, Bumbu, Kalamu, Kasa-Vubu, Makala, Ngiri-Ngiri et Selembao. Le district du Mont-Amba compte les communes de Lemba, Limete, Kisenso, Matete, Ngaba et Mont-Ngafula. Les tableaux suivants en indiquent la population et les densités.
64
Carte n° 5
Les districts adlllinistratifs de Kinshasa
Fleuve
 Légende Lukunga 6arunibu. Gambe. Kinsh;;:lsa. Kintambo. l,.ingvvéJl~;NgéJli~ma
t 2. 3. 4. 5. 6. 6umbu 7. Selembao 8. Lemba 9. 8andalungwa
Matete.
~.
FUna
Bandalungwa. Bumbu. Kalamu. Kasa-Vubu. Makala, Ngiri-ngiri. Selembao
Ethene : 1/280.000
Tableau 4 Populations
et densités des communes du district de Tshangu
Communes
Superficie en km2
Population en 1967
N qjili Kimbanseke Masma Nse1e Maluku Total
Il,40 237,78 69,73 898,79 7948,80 9 166,5
80 000 64 440 18 700
Densité au km2 en 1967 7017 271 268,2
163 140
17,8
Population en 2004 442 138 946 372 485 167 140 929 67 450 2 082 056
Densité au km2 en 2004 38 784 3980 6957 156 800 8 227
Nombre de quartiers 13 30 21 16 19 99
Source: RD Congo, ministère du Plan (2005) : lVlonographie de la ville de Kinshasa, 175 p.
65
Le tableau n04 montre que le district de Tshangu regroupe cinq communes. Il est le plus étendu et le plus peuplé de la ville. Bien qu'il regorge de beaux et grands sites favorables pour l'extension de Kinshasa, son développement a pour handicap de n'être relié au centre de la ville que par une unique et seule route: le boulevard Lumumba. Il suffit d'un gros accident sur le pont de la rivière de Ndjili pour qu'il soit complètement isolé alors qu'il est le plus grand fournisseur de fruits et légumes de la ville. Il existe un projet de relier le centre-ville au district de Tshangu par une autoroute qui longerait le fleuve Congo. Mais jusque-là, rien n'est encore fait. Le district, en 2004, abritait 2 082 056 habitants sur 9 116,5 km2, soit une densité de 227 habitants au km2. Au cours de cette décennie 2000, Tshangu a bénéficié de l'implantation de beaucoup d'infrastructures de grande envergure: asphaltage partiel des routes (avenues Ndjoku et Mokali à Kimbanseke), asphaltage total d'une route (pelende à Masina), construction d'hôpitaux (hôpital Mutombo Dikembe à côté de l' hôpital Roi Baudouin à Masina, hôpital des Chinois à Ndjili, hôpital de Maluku à Maluku), construction du marché de la Liberté à Masina et de Menkao dans la commune de Maluku, construction d'aires de jeux (stade de football et terrain de basket-baIl à Masina), etc.
Tableau 5 Populations
et densités des communes du district de Lukunga
Communes
Superficie en km2
Population en 1967
Kintambo Lin gwal a Kinshasa Barumbu Gambe Ng-aliema Total
2,72 2,88 2,87 4,72 29,33 244,30 286,82
29 890 37 240 56 640 44 900 17 890 30 640 21 7 200
Source: 175 p.
Densité au km2 en 1967 10 989 12 930 19 735 9512 610 125 752
Population en 2004 106 772 94 635 164 857 150 319 32 373 683 135 1 232 091
Densité au km2 en 2004 39 254 32 859 57 441 31 847 1 103 2796 4295
RD Congo, ministère du Plan (2004) : l\1onographie
66
Nombre de quartiers 8 9 7 9 10 21 64
de Kinshasa,
Le tableau n05 montre que le district de Lukunga compte six communes. En gros, il est accessible, hormis quelques quartiers de la commune de Ngaliema. Il a aussi l'avantage de se situer globalement au centre de Kinshasa, mais est aux prises avec des problèmes d'assainissement des eaux pluviales à l'origine de beaucoup de maladies hydriques. En 2004, le district concentrait 1 232 091 habitants sur 286,82 km2, soit une densité de 4 295 habitants au km2. Le seul équipement dont le district a bénéficié durant cette dernière décennie est la construction du boulevard Triomphal, axe de direction est-ouest à la frontière entre les communes de Kinshasa et de Kasa-Vubu.
Tableau 6 Populations
et densités des communes du district de Funa
Communes
Superficie en km2
Population en 1967
Kalamu Kasa-Vubu Ngiri-Ngiri Bandalungwa Bumbu Makala Selembao Total
6,64 5,04 3,40 6,82 5,50 5,60 23,18 56,18
78 310 56 540 50 930 45 220 37 560 37 200 55 150 360 910
Source: 175 p.
Densité au km2 en 1967 Il 793 Il 218 14 979 6630 6829 6643 2379 60 471
Population en 2004 315 342 157 320 174 843 202 341 329 234 253 844 335 581 1 768 505
Densité au km2 en 2004 47 491 31 214 51 424 29 668 59 860 45 329 14477 31 479
RD Congo, ministère du Plan (2005) Monographie
Nombre de quartiers 18 7 8 7 13 14 18 85
de Kinshasa,
Le tableau n06 présente le district de Funa qui regroupe sept communes. Les quatre premières communes sont centrales, mais très denses et taudifiées. Ce sont des communes qui souffrent de tapages nocturnes parce que très animées la nuit. Les deux dernières communes ont gravi anarchiquement les versants raides de la ville et connaissent chaque année des érosions. Elles sont aussi presque enclavées parce que desservies par la seule avenue du 24 Novembre. Le district, en 2004, comptait 1 768 505 habitants sur 56,18 km2, soit une densité de 31 479 habitants au km2.
67
Tableau 7 Populations
et densités des communes du district de Mont-Amba
Communes
Superficie en km2
Population en 1967
MontN gafula Lemba Kisenso Limete Matete Ngaba Total Total de la ville
358,92 23,70 16,60 67,70 4,88 4,0 475
2040 partiel 37 480 26 320 28 270 42 220 17 810 318 280
9 984,50
1 059 530
Source: 1ï 5 p.
Densité au km2 en 1967 5,7
Population en 2004 261 004
Densité au km2 en 2004 727
Nombre de quartiers 16
1581 1586 418 8665 4453 670
349 838 386 131 375 726 268 781 180 650 1 822 130
14 761 23 260 5549 55 078 45 162 3836
15 17 14 13 6 81
106,1
6 904 782
691,55
329
RD Congo, ministère du Plan (2005) : Monographie
de Kinshasa,
Le tableau n07 indique que le district du Mont-Amba comprend six communes. Mont-Ngafula est la plus grande commune du district. Elle mérite d'être subdivisée en plusieurs communes pour la rendre mieux gérable en rapprochant les administrateurs des administrés. Le district regroupait 1 822 130 habitants sur 475 km2, soit une densité de 3 836 habitants au km2 en 2004.
2.3. Une urbanisation géographiquement 'haute' et 'basse'
déséquilibrée entre la ville
La ville compte donc 24 communes 329 quartiers. La ville basse comme la développement à double vitesse. Mais environnementales qui favorisent les plaines importe l'origine des financements56 les cités
56 GouVelï1ement
ou institution
intelï1ationale.
68
administratives subdivisées en ville haute connaissent un à cause des contraintes au détriment des collines peu des collines bénéficient de peu
d'investissements comparativement à celles des plaines. Ce qui accentue ainsi encore l'attrait de ces dernières cités et densifie leur espace (carte n06). C'est la raison pour laquelle, les maires des cités des collines trouvent à tort ou à raison que les pouvoirs publics accordent beaucoup plus d'attention aux cités des plaines. Il est vrai que les cités des plaines sont beaucoup plus peuplées et par conséquent plus problématiques. C'est d'ailleurs probablement pour cette raison qu'elles bénéficient de plus d'investissements que les autres cités de la ville. En conclusion, l'accroissement naturel, l'exode rural et l'incorporation dans la ville des périphéries rurales sont les causes de la dynamique de l'habitat et du développement de Kinshasa, qui est de plus en plus peuplée et de plus en plus étendue: 570 364 ménages, 562 969 unités de logements et 519 Il 7 unités de bâti au tournant du millénaire (Kanene, 2001). Bien que différents sur de nombreux aspects, la ville basse et la ville haute rencontrent des problèmes communs, qui n'ont jamais été aussi nombreux et aussi graves qu'aujourd'hui: enclavement, absence d'équipements sociaux de base, manque d'électricité et d'eau. Avec l'implantation de 22 mini-réseaux dans les quartiers populeux excentriques de l'est de la ville, le Programme d'alimentation en eau potable et assainissement donnera accès à l'eau potable à 340 000 habitants à moins de 250 mètres de leur habitation. Cette desserte en eau potable sera constituée de 22 forages, de 2 châteaux d'eau de 200 m3, de 200 km de réseau d'eau, de 18 tours en béton et de 400 bornes-fontaines (Mbanga, 2007). Le déséquilibre en infrastructures entre la 'ville haute' et la 'ville basse' est criant aujourd'hui. Les cités des collines non seulement manquent d'infrastructures, mais sont en proie à un phénomène de déboisement sauvage, lequel engendre les érosions. En définitive, l'une des causes principales de la rupture de l'équilibre fragile du site de Kinshasa est la déforestation du tissu urbain avec pour conséquence les inondations et les érosions. Ces dernières découlent d'un manque de volonté politique en matière d'habitat. Les études du PNUD/habitat (1999)57 indiquent que l'autoconstruction est devenue le mode d'accès au logement le plus utilisé à Kinshasa (80%) : 67% de l'auto-construction est l'œuvre des populations à
faibles revenus, 10 % concerne la catégorie intermédiaire et 2,5
%
implique
la classe sociale élevée. C'est la raison pour laquelle 17,58% des constructions à Kinshasa restent inachevées, selon la même étude. Cette étude estime à 17 ans le temps que met un Kinois pauvre pour construire sa maison d'une valeur moyenne de 6 600 $, soit 67 $ par mois. Le Plan 57
ENHAPSE/RDC. 69
national pour l'habitat (1999) a répertorié 113 841 maisons inachevées, 30 440 maisons qui sont des constructions précaires, 2 305 maisons qui sont des bidonvilles et 7 398 maisons dans des zones érodables. Selon la même étude, il aurait fallu construire près de 15 000 logements par an à partir de l'an 2000 pour résorber ce déficit. Ce qui aurait fourni environ 58 500 logements en 2004 pour la ville. Voilà pourquoi Kinshasa traverse une grave crise: celle relative à la dégradation de l'environnement. Elle engendre la détérioration de la qualité et du cadre de vie dans l'espace urbain. Et le lien est bien connu entre la dégradation de l'environnement et celle de la santé.
Carte n° 6 Fleuve
Les densités
démographiques
à Kinshasa
Congo
 Légende
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15 Matete 16.Ndjm 17.Kisenso Source: Monogl'aphfe de Kin.shasa (2004) Echelle: 1/280.000
Conclusion
La naissance des quartiers de Kinshasa n'a pas, dans tout les cas, suivi la rationalité dans l'occupation de l'espace. Ceux qui sont nés avant l'Indépendance répondent aux normes urbanistiques. Ce qui n'est pas le cas pour tous les quartiers créés spontanément après la colonisation. Avec la poussée de la population à intégrer dans l'espace urbain dont les bons emplacements se font rares, les établissements humains ne respectent plus les normes de l'aménagement urbain. Les Kinois s'établissent sur des sites topographiques non constructibles comme les pentes vertigineuses et les
70
vallées marécageuses difficilement aménageables. L'implantation de certaines infrastructures dans l'espace urbain suit aussi la même logique. Elles sont présentes là où il est facile de les construire. La conséquence est que la ville facilement urbanisable, comme dans la plaine, accueille les équipements et les autres quartiers collinaires et marécageux en sont dépourvus. Ce qui donne l'impression de vivre un urbanisme ségrégatif à double vitesse.
71
Chapitre 3
Croissance spatiale et déboisement
L
E CHAPITRE
urbain
montre l'impact de la croissance spatiale et urbaine sur la
forêt. En effet, l'augmentation de la population urbaine, l'urbanisation anarchique et la pauvreté poussent les Kinois à déboiser anarchiquement le couvert végétal urbain et périphérique. Malgré cela, il n'y a ni volonté politique, ni pouvoir économique pour reconstituer ces ressources naturelles, alors que la richesse de cette ville devait aussi provenir de sa forêt. Le chapitre compte six points. Le premier fait le lien entre l'urbanisation et le déboisement urbain. Le second établit la relation qu'il y a entre le manque d'électricité et le recul de la forêt urbaine. Le troisième fait aussi le rapprochement entre l'agriculture urbaine et le déboisement urbain. La quatrième analyse le taux de déboisement urbain. Le cinquième présente le reboisement périurbain. Le sixième fait observer que la politique de reforestation de Kinshasa est géographiquement déséquilibrée.
3.1 . L'urbanisation et le déboisement urbain Les projections démographiques de l'hôtel de Ville de Kinshasa (2007) estiment qu'en 2037, la ville comptera plus de 20 millions d'habitants lorsque la RDCongo en aura 100 millions. Elles évaluent le taux de croissance annuelle de la capitale à 5% dont 4,5% d'accroissement naturel et 0,5% de solde migratoire depuis le déclenchement successif des guerres à l'est. Mais déjà aujourd'hui, avec 8,2 millions d'habitantsS8 en 2007,
58 De Saint-Moulin
(2007).
73
Kinshasa est une mégapole qui colonise rapidement les zones rurales et détruit les écosystèmes forestiers. Autour de la ville, plusieurs hectares de forêts disparaissent chaque année avec le déboisement urbain. Et pourtant, Kinshasa n'a pas été construite sur un site de forêt luxuriante. Elle a plutôt une localisation géographique proche de l'océan Atlantique qui lui fait subir l'influence du courant froid de Benguela et qui est à l'origine de la végétation de la savane arborée: forêt intermédiaire entre le type guinéen et zambézien (de Maximy, 1975). La mosaïque forêt-savane, en état de dégradation très avancée, due notamment à la croissance rapide du bâti, c'est-à-dire de l'habitat, repousse les quelques vestiges forestiers jusqu'au plateau du Kwango.
Tableau 8 Progression annuelle de l'habitat
Année 1884 1930 1950 1957 1960 1967 1968 1975 1981 1998
Population 5000 39 950 201 905 378 628 476 819 864 284 939 317 1 679 091 2 567 166 4 131 845
Superficie en ha 115 1500 2331 5512 4100 9400 12 863 17 922 20 160 59 000
Source: BEAU (1975), BouteJ. et de Saint-Moulin Mbumba (1982), Pnud/Habitat (2000)
Densité hab./ha 43,5 26,6 86,6 68,7 116,0 91,9 73,0 93,6 127,3 70,3 (1978), BouteJ.
(1980),
Le tableau n° 8 montre que l'urbanisation est rapide et par conséquent fait subir une pression démographique sur la forêt. La croissance de la population urbaine est manifeste dans les années 70 : 8,5°/0 en 1976
74
avec
une
croissance
spatiale
de
9%
par
an59
et
une
consommation
importante de forêt parce que le site bâti de Kinshasa est passé de 115 ha en 1884 à 59 000 ha en 1998. En tout cas, une explosion urbaine d'une telle envergure ne s'effectue pas sans laisser de traces sur le couvert végétal. La forêt climacique laisse ainsi donc la place à des formations de remplacement comme les savanes boisées (Mosengo, 1996). Le déboisement a débuté lentement mais d'une façon continue dès la fin du XIXc siècle, à l'arrivée du rail en 1898. Le petit poste de Léopoldville se transforme mais demeure encore un archipel de petits villages disséminés dans la plaine alluviale. Sa mutation en une porte d'entrée et de sortie du territoire national marque le début de la croissance spatiale effrénée. Rapidement, la ville se transforme en un haut lieu de convergence et d'échange, c'est-à-dire en un important point de rupture de charge entre la navigation fluviale et les transports terrestres ouvrant, ainsi le débouché vers la mer. Les témoignages de l'article 'de Nshasa à Kinshasa' (hôtel de Ville de Kinshasa, 2007) indiquent à cette époque la présence d'innombrables baobabs et borassus. Il a fallu donc déboiser à Kintambo pour construire les toutes premières infrastructures6o, les bungalows sur pilotis pour Européens61 et les cases en pisé et en briques adobes pour les populations indigènes. Plus au sud vivent entre 12 000 et 13 000 Kinois, en 1914, dans ce qu'on nomme la 'Cité africaine' sous l'appellation de Kinshasa. Le déboisement de Kintambo n'inquiète pas, d'autant plus qu'il s'effectue dans un périmètre très circonscrit. Mais quelques années plus tard, la ville va vite déborder de son 'site d'origine' : d'abord en 1920, après la réunification de Léopoldville et de Kinshasa en une seule circonscription urbaine, sous l'appellation de Léopoldville, pour le transfert de la capitale de Borna à Léopoldville décidé en 1923. Il faut encore déboiser pour construire les grandes infrastructures et les habitations appelées à accueillir les 2500 Européens et plus de 30 000 Congolais (hôtel de Ville de Kinshasa, op.cit.). En 1929, Kinshasa n'est qu'une petite bourgade: Kintambo, Gombe, Kinshasa, Barumbu et Lingwala. Comme les Européens et les Mricains ne peuvent pas cohabiter, le plan d'urbanisme conçoit un habitat séparé, mais avec comme conséquence la grande consommation de l'espace urbain, donc le recul du tapis végétal. En effet, plusieurs km2 sont affectés à des coupures physiques pour séparer les deux habitats par une zone neutre. L'administration coloniale implante 5.9 République française, ministère des Transports, Centre d'études des transports urbains (1982), manuel d'urbanisme pour les pays en développement, vo1.4. « Les transports urbains », 344 p. 60 La mission Arthington de l'Eglise baptiste et le Livingstone Inland Congo Mission, l'église Saint-Léopold, le chantier naval, etc. 6/ Dont 112 travaillaient au port en 1907.
75
dans cette zone tampon des camps militaires, des infrastructures commerciales, scolaires, médicales, ludiques62, socioculturelles et le chemin de fer (carte n07). A titre d'exemple, le grand hôpital général de Kinshasa, avec une capacité de 2000 lits, est construit dans cette zone de 'no man's land' entre la commune de la Gambe (cité européenne) et la commune de Lingwala (cité africaine).
Carte n° 7
La trame
via ire du secteur
Nord de Kinshasa
en 1960
Légende
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Rivière Edifice public de fel' 'N'Chemin ,".
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Echelle: 1/200.000
Â
Malgré cela, la végétation est encore perceptible dans le tissu urbain. Le couvert végétal se répartit presque équitablement dans la ville. Les collines et leurs vallées humides sont encore couvertes de vastes forêts secondaires et galeries comme celles de Lukunga, de Mont-Ngafula à l'usine de pompage de la Regideso, de Mampeza à Djelo-Mbinza, de Matete, de Lukaya et de Makelele. Tous ces sites conservent encore leur bois. Ce sont en fait des mosaïques de résidus forestiers et de savanes arbustives qui couvrent les collines. Dans les plaines de l'Est, les forêts galeries sont encore présentes dans les vallées comme celles de la Ndjili ; et plus loin à l'extrême est, les savanes arbustives et herbeuses subsistent aussi face à l'influence urbaine. La forêt de borasses et de raphias est aussi visible dans les zones marécageuses du fleuve. 62 Marché central, hôpital général, jardins botaniques le golf, les écoles, etc.
76
et zoologiques,
cimetières de la Gombe,
Est également visible un cordon de sécurité alimentaire: la ceinture verte. Elle entoure la ville et englobe les forêts galeries parce qu'elle s'implante principalement dans les fonds des vallées des grands cours d'eau pour leurs sols riches en humus et mieux drainés que ceux des interfluves. Ces vallées maraîchères63 et fermes s'étalent dans un rayon de 20 à 25 km autour de la ville. Leurs superficies varient suivant les sites. Le site maraîcher le plus important est celui de Ndjili à l'est de la ville. Enfin, la ceinture verte approvisionne la ville en viande porcine, fruits et légumes. Kinshasa est donc, en 1950, une petite et coquette ville de 201 905 habitants sur 2331 ha. Mais, déjà l'administration coloniale ambitionne d'en faire une métropole de la sous-région d'Mrique centrale. Elle voit tout en grand et dote la ville d'imposants équipements64 qui consomment encore quelques espaces. Le couvert végétal a été touché non seulement avec l'implantation de la zone tampon, mais aussi avec la mise en œuvre, dès 1950, du plan d'urbanisme qui implante vers l'est les quartiers africains. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'administration coloniale crée trois nouvelles cités: Kasa- Vubu, Ngiri-Ngiri et partiellement Kalamu. Le grand stigmate que porte la ville, à cause de cette croissance spatiale, est la disparition de la forêt climacique dans l'hinterland immédiat de la ville. Cela a des conséquences sur la consommation de l'espace bâti qui atteint 5 5 12 hectares (Nzofo, 2002) en 1957 avec 389 547 habitants en 1958 (Léon de SaintMoulin, 2001). Entre 1954 et 1960, Matete, Bandalungwa, Kintambo, Lemba, Ndjili et Kalamu voient le jour dans le tissu urbain. La ville n'a que onze communes en 1959, mais elle devient spacieuse. Ces forêts qui formaient la ceinture verte de la ville commencent à être touchées par les cultures périurbaines, comme la colline Joli Parc, les périphéries des nouvelles cités indigènes (Ngiri-Ngiri) et des nouvelles cités planifiées indigènes (Lemba, Matete, Ndjili). Les forêts galeries secondaires ne sont pas non plus épargnées, comme celles de la vallée de Basoko entre Ngiri-Ngiri et Bandalungwa, de Bumbu et de Ndjili qui commencent à se dégrader petit à petit (carte n08). Au-delà de la ceinture verte, la seconde couronne d'habitat comprend les villages agricoles dont Kinkole, Nsele, Kimpoko sur la route nationale n° 1 à l'est65, en direction de la province de Bandundu. Elle compte aussi d'autres villages agricoles dont Matadi-Kibala, Mbenseke-Mfuti, Mitendi sur la même route nationale n° 1 à l'ouest66, en direction de la 63 Funa, Ndjili-Brasserie,
Lemba Imbu, Kimbanseke,
etc. 6-1Ecoles, hôpitaux, bâtiments administratifs, 65 La route vers la ville de Kikwit. 66La route vers la ville de Matadi.
Tadi, Tshanga,
port, aéroport
77
Mangu,
(piste de 5 km), etc.
Mokali, Bona,
province du Bas-Congo. La construction de la nationale n° 1 à l'est contribue à orienter l'extension de la direction urbaine. Et comme cette expansion n'est pas ordonnée, l'anarchie s'installe rapidement avec le rapprochement de plusieurs villages le long de la route. Or, il est connu que les établissements humains anarchiques comportent toujours beaucoup d'inconvénients. Chacun construit sa maison à sa manière, comme il l'entend. La population organise l'espace comme en milieu rural. La ville connaît un développement spontané de villages, en chapelet, le long de cette route. Et ce sont les bosquets situés le long de cet axe routier qui subissent en premier lieu les effets pervers de l'implantation de ces 'villages-rues' parce que l'une des activités principales de ces Kinois reste la production de denrées agricoles, de bois de chauffe, de charbon de bois, de bois de construction et d'artisanat, etc.
Carte n° 8
La zone urbanisée de Kinshasa en 1969
COltgo
Fleuve
À N$ele
~a 1. Gambe 2. Lingwala 3. Kinshasa 4.Barumbu 5. Kintambo
6. Bumbu 7. Selembao 8. Lemba 9.8andalungwa
Légende Vers Maluku
O.Ngaba11 . Kas 12.
o
Limite communale ([]I Zone urbanisée
a,.. Vubu
Ngirî,..N
9 hi
13 Kalamu 14 Makala 15. Matete 15. Ndji/i 11. Kisenso Source:Delb8rf,
V. (2000)
Echelle: 1/280.000
L'afflux démographique lié à l'exode rural, dû d'abord au rejet, par les ruraux, des contraintes de l'administration coloniale sur leur migration à Kinshasa et ensui te à la guerre civile qui sévit à I'in térieur du pays, en traîne une crise du logement en ville. Selembao, Makala, Bumbu, Ngaba, Kisenso, Kimbanseke, Masina naissent dans de vastes concessions que l'administration coloniale avait attribuées à l'époque à des églises ou à des privés comme Wery, Imaf, Profrigo, les frères des écoles chrétiennes, 78
Alhadeff, Foncobel, Herman, Groupe Rodeby, Dufour, De Bonhomme, Marques, Malingrau, etc. (ministère du Plan, 2005) (carte n09).
Carte n° 9
L'extension
de Kinshasa
en 1969 N
A
Congo
Fleuve
Ns&l.
Légende
o Ngaba 11 Kasa-Vubu 12 Nçjri-Nglrl
13 14 15 16 17
D
Limite de Kinshasa en 1969
~
limite de commune
Kalamu Makala Matete Nqili Klsenso
Source: Delbart. V. (2000) Echelle: 1/280.000
Avec tous ces établissements humains spontanés, le déboisement urbain prend vraiment des allures inquiétantes. Selon Pain (1979), cité par Monsengo (op.cit.), les 398 km2 de forêts inventoriées qui, en 1958, occupaient 7% de la superficie totale (carte n° 10), n'en représentent plus que 1% en 1968. Et pourtant, le gouvernement avait élaboré en 1967 un plan de développement urbain et initié déjà un projet pilote de reboisement de l'hinterland immédiat à Kasangulu, à l'ouest, en direction de la province du Bas-Congo et sur le plateau de Bateke, à l'est, en direction de la province de Bandundu, avec des espèces à croissance rapide67. Mais les résultats sont nettement mitigés avec le retrait des bailleurs68. Les forêts galeries des vallées de Ndjili et Lukunga souffrent déjà de déboisement avec la pression démographique. Cette période correspond d'ailleurs au découpage administratif urbain en 24 communes et la ville annexe prend en son sein le secteur des
67 L'eucalyptus,
l'acacia
auriculifonnis,
le tectona grandis,
arborea, etc. 68Le PNUD et la F.A.O.
79
l'azadiarachta
indica, la gmelina
Batékés et la chefferie de Mbankana qui, jadis, appartenaient au territoire de Kasangulu dans la province du Bas-Congo. Au cours de la même décennie, les surfaces arborées dégradées passent de 8,5 à 15%. Jusque-là, rien ne présage encore que les lambeaux forestiers, qui subsistent toujours dans le périmètre urbain, vont être 'dévorés' sans merci par l'urbanisation sauvage. Il faut donc attendre le début des années 70 pour constater ce recul rapide du couvert végétal alors que la ville compte à peine 1 142 761 habitants (Léon de Saint-Moulin, op.cit.). A Masina Mapela, les plantations des goyaviers destinés à l'industrie du cirage commencent à être coupées. La forêt 'zamba ya avocat', dans la commune de Limete, subit le même sort. Et, les fermes de la vallée de la Ndjili commencent à être loties, tout comme celles des vallées de Makelele et de Funa.
Carte n° 10
L'état de la déforestation
de Kinshasa en 1960
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Mosaïque
forét-savane
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Forêt Espace urbain
Echelle: 1/500.000
C'est pour améliorer l'environnement urbain par des actions d'aménagement horticole et par la création d'une zone de production agricole afin de ravitailler Kinshasa devenue millionnaire que le gouvernement crée officiellement, en 1972, les ceintures vertes et les vallées présidentielles69. Elles sont à l'origine de la forêt artificielle d'eucalyptus dans la commune de Ndjili dans le quartier 1 à l'est et de deux centres69c\tVP.
80
paysannats à Luzumu (7680 ha et 319 paysans) et à Nsanda (5800 ha et 292 paysans) dans l'hinterland ouest. Ces deux centres produisent du manioc, du maïs, des légumes, des palmiers et des fruits: 970 tonnes en 1974, 2900 tonnes en 1984 et 780 tonnes en 1990. Et cette production est essentiellement destinée à la garde présidentielle (Ndembe, 1998). Le plan de développement élaboré en 1967 par l'administration qui traçait les grandes lignes de fonctionnement de la structure urbaine jusqu'à la fin de l'année 1975 se retrouve donc vite débordé par la rapide croissance urbaine. Pour preuve, ce plan prévoyait 12 000 ha de surface urbanisable en 1967 ; curieusement, 19 000 ha de superficie étaient urbanisés en 1975 alors que la ville abritait à peine 1 679091 habitants (Léon de Saint-Moulin, op.cit.). C'est dans le même élan de reconstituer la ceinture de sécurité alimentaire que l'Etat d'abord et les privés ensuite construisent, à l'est, des infrastructures agropastorales à Kinkole, Nsele, Maluku et sur le plateau de Bateke. L'industrialisation et l'urbanisation70 de ces contrées font reculer la savane boisée de Maluku, tout comme quelques galeries forestières de la Nsele71. Mais tous ces investissements publics et privés seront saccagés plus tard pendant les pillages de triste mémoire de 1991 et 1993. Comme conséquence, la savane herbeuse continue progressivement à gagner du terrain même aux endroits où jadis la savane boisée régnait en maîtresse. Et les infrastructures pillées restées en friches sont investies par de l'herbe. Si en périphérie urbaine, le déboisement touche à peine les bosquets le long de la route nationale, dans la ville en revanche, les grands travaux de construction de logements occasionnent aussi la disparition du couvert végétal naturel sur plusieurs hectares72. C'est le cas du recul du couvert végétal (carte n° Il) qui a eu lieu lors de l'érection des nouvelles cités planifiées collinaires73 dans les années 80 pour répondre aux besoins en logements de cette ville de 2 664 309 habitants en 1984 (Léon de SaintMoulin, op.cit.).
70 Construction 71Construction
de l'usine métallurgique de Maluku et de la cité ouvrière. du Domaine agropastoral et industriel de la Nsele (D.AIPN), du port fluvial, de
la cité ouvrière et de la cité du Parti-Etat (le Mouvement 72 La construction des cités Salongo, Marna Mobutu, Foire internationale de Kinshasa, etc. 73Cité Verte, cité Mama 1\1obutu, camp Badiadingi.
81
populaire de la révolution). Verte, de l'échangeur de Limete, la
Carte n° 11
L'état de la déforestation
de Kinshasa
en 1982
Légende Marecage Espace Mosaïque
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::::::::H Savane
urbain forêt-savane
- Steppes - Cultures
Forêt
Echelle: 1/500.000
C'est dans ce contexte de la disparition de la forêt urbaine qu'en 1986, (carte n° 12) sous l'égide du Fonds de reconstitution du capital forestier (FRCF) et du Service national de reboisement, le ministère de l'Environnement crée le projet de la Foresterie urbaine de Kinshasa (Fuki). Cette dernière dispose d'une pépinière de 4ha dans la commune de Bandalungwa et est capable de produire 640 000 plants74 de plusieurs espèces à croissance rapide, dont l'acacia auriculiformis. Plusieurs communes bénéficient de ce programme de reboisement avec cette espèce: Lemba (25 ha), Limete (80 ha), Matete (2,5 ha), Kisenso (1 ha), Mont-Ngafula (25 ha), Kalamu (4,5 ha), Kasa-Vubu (100,7 ha), Kinshasa (9,5 ha), Bandalungua (19 ha), Gombe (15 ha), Kintambo (9 ha), Ngaliema (27 ha), Ndjili (17 ha), Masina (22 ha) (Mulumba, 1995). Le projet a pour objectif ambitieux de 'couvrir' Kinshasa d'une forêt artificielle d'acacias. Mais ses concepteurs oublient totalement que le Kinois n'a pas de considération envers l'arbre non fruitier et qu'il est le premier à l'abattre dès qu'une occasion pour se faire un peu d'argent s'offre à lui. Effectivement, ces occasions se sont beaucoup présentées les années suivantes. Devant les besoins en logements au centre de la ville, la succursale 7-1Acacia auriculiformis, adenathera pavonina, odoranta, delonix regia, eucalyptus camaldelensis,
82
albizzia lebbeck, cassia Slamea, samanea saman, etc.
cananga
d'une église spolie le bosquet de l'Institut d'études médicales (1,2 ha) et la bourgeoisie nationale construit de belles villas dans le bois du quartier de Socimat (2,5 ha) (Mulumba, op.cit.). Comme si cela ne suffisait pas, les garages informels s'établissent dans le bosquet situé le long de l'avenue de l'Université. Plus loin au sud de la ville, les adeptes d'une autre église investissent la vallée de la Funa en abattant presque tous les acacias. Plus récemment, le bosquet d'acacias du Palais du peuple vient de tomber à son tour en 2002 avec le projet gouvernemental d'ériger sur le site un monument dédié aux victimes des guerres civiles de la fin des années 90. Le seul et presque l'unique à échapper jusque maintenant aux bûcherons, à l'intérieur du tissu urbain, est le bois des eucalyptus à l'entrée de la commune de Ndjili. A cause de sa bonne situation géographique, il reste l'objet des convoitises de tous bords, notamment les ministères et les entreprises paraétatiques qui veulent y construire des logements.
Calie n° 12
L'état de la déforestation de Kinshasa en 1987 t;œ~Q'
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Légende : Marècage Espace urbain
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Echelle: 1/500.000
Il est encore trop tôt pour tirer une conclusion sur le bilan de la politique de reforestation urbaine à Kinshasa. Force est de reconnaître que ce bilan est mitigé pour toutes les raisons évoquées ci-dessus. Depuis lors, la ville ne bénéficie plus d'un programme de reboisement, probablement à cause du manque de volonté politique et de moyens financiers. Entre-temps, la dégradation de la couverture végétale devient beaucoup plus importante dans les limites administratives de la ville. 83
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Le tableau n09 indique que la surface bâtie de la ville n'occupe pas plus de 6% de la superficie totale de Kinshasa, soit un entassement dans 590 km2 sur près de 10 000 km2. Ce bâti comprend l'habitat planifié et non planifié, les zones industrielles et commerciales, les équipements publics et de transports. Il faudra ajouter à cela les espaces agricoles et autres usages du
sol. En fait, les 94
%
des limites administratives de Kinshasa, soit 9 375 km2,
sont occupées par des zones urbano-rurales: les domaines agro-pastoraux, les terrains non aedificandi et les eaux. En 2000, avec 6 050 600 habitants (Léon de Saint-Moulin, op.cit.), la ville étendait ses tentacules de tous les côtés. Cela veut dire que la forêt naturelle n'existe plus dans le périmètre immédiat des 590 km2 qui représentent l'espace bâti de Kinshasa. Elle est en train d'être abattue progressivement dans les zones urbano-rurales (9 374,6 km2), soit au profit de l'agriculture urbaine, soit pour fournir de l'énergiebois.
3.2. Le manque d'électricité et le recul de la forêt urbaine Les coupures intempestives de courant électrique ne surprennent plus le Kinois. Au début des années 90, il était dur pour lui de supporter le délestage, mot récemment entré dans le vocabulaire quotidien à Kinshasa, alors qu'il était habitué depuis des années à être alimenté 24 h sur 24 en courant électrique. Le Kinois n'est plus surpris maintenant de voir son quartier passer de nombreux mois dans l'obscurité. La défaillance de la Société nationale d'électricité (SNEL) ne date pas d'aujourd'hui parce que, déjà durant la décennie 90, elle n'arrivait pas à alimenter ses abonnés qui ne représentaient que 30,9 % des ménages connectés dans une ville de 6 millions d'habitants (Bwanaheri, 1995). Le problème de la crise du courant électrique se pose maintenant avec acuité dans la ville parce que la SNEL ne réussit plus à fournir régulièrement les 35% des ménages abonnés dans cette ville de plus de 8 millions d'habitants (Sombolo, 2005). Avec le délestage et les pannes d'électricité quotidiennes dans plusieurs communes ces dernières années, l'hôtel de Ville de Kinshasa (op.cit.) estime que seuls 15% des Kinois ont accès maintenant à une fourniture régulière d'électricité et 85% de la population recourent au bois de chauffage et donc à l'exploitation non réfléchie des forêts. Ce qui est la cause de la déforestation. La défaillance de la SNEL est due non seulement à la vétusté des infrastructures du barrage d'Inga, mais aussi à la croissance rapide de Kinshasa. Il est maintenant établi que la SNEL est débordée de demandes de branchement. C'est pourquoi elle vient d'opter pour une stratégie particulière de branchement qui consiste à connecter en moyenne 8 915 85
habitants par cabine afin de satisfaire tant soit peu la population (Delbart, 2000). Avec une telle surcharge de connexions, la ville ne peut s'attendre qu'à de fréquentes coupures d'électricité. D'ailleurs, dans certains quartiers de la ville, la population refuse carrément de payer la facture de la consommation à cause du phénomène de délestage. Non seulement, elle boycotte le paiement des factures de la SNEL (carte n° 13) par désobéissance civique, mais aussi elle développe tout un réseau de branchements frauduleux. L'étude de Lelo Nzuzi et Tshimanga Mbuyi (op.cit.) à Ngaliema et Lingwala montre que dans ces deux communes, 66% des ménages sont officiellement branchés à l'électricité, 19% le sont frauduleusement et 15% ne le sont pas du tout.
Carte n° 13
Le taux d'abonnement
Ft@uv~
d'électricité par commune
CtHtgO
À
Lég$ndè Faible:
Sourcé
36.7 %
: SNEL (Z004)
E(;helle : 1/280.000
Les conséquences de l'augmentation des besoins en énergie-bois sur la forêt ne sont plus à démontrer. Les constats sont légions: recul du couvert végétal de 50 km sur des étendues plus larges le long des axes routiers de 1954 à 1970 (Van Caillé 1987), retrait de la forêt de 100 km sur un périmètre visible en 2007 (Huart, 2007), disparition de la couverture végétale sur un rayon de 180 km autour de la ville (Hôtel de Ville de Kinshasa, op.cit.). Les seules reliques des bosquets qui subsistent encore sont situées sur les collines périphériques de la commune de Ngaliema : la forêt de la station
86
météorologique de 'l\1etelsat', la forêt 'Ndangi' et la forêt de la station de pompage de la Regideso par exemple. Dans la ville, les espaces verts créés par la Fuki n'existent presque plus. Les lotisseurs anarchiques, les agriculteurs urbains et les consommateurs de bois de chauffage abattent tous ces arbres. En effet, le besoin cumulé de Kinshasa en énergie-bois évalué à 1 750 000 m3 de bois de chauffage par an (Mulumba, op.cit.) et de 200 000 tonnes de charbon de bois par an (Cateb, 2007) est surtout à l'origine de ce déboisement.
Tableau 1 0 Approvisionnement
en sacs de braise par site
Année
Marché
Sacs de braise par Jour
Fagots de bois par Jour
1993 1995 1995 1997 1997
Lemba Bandalungwa (Lumumba) Bumbu (Révolution) Ngaba Route du Bas-Congo (comptage sur le site de Mitendi)
247 400 350 316 1599
234 40 200 108 572
1998 1998 1999
Rond-point Ngaba Route de Kimwenza Gare de Matete
216 246 14
81 170 130
Source:
Binzangi (2000)
Le tableau n° 10 confirme que les besoins en énergie-bois évoluent de manière croissante. En effet, les comptages ont montré qu'en 1993 le marché de Lemba Terminus était approvisionné en moyenne par jour de 247 sacs de braise et 234 fagots de bois. Le marché Lumumba de Bandalungwa en 1995 recevait en moyenne quotidiennement près de 400 sacs de braise et 40 fagots de bois, etc. Ces chiffres n'étonnent pas parce que les besoins en sacs de braise et en fagots de bois augmentent aussi dans les communes dites planifiées qui sont pourtant bien connectées en électricité.
87
C'est la crise d'énergie électrique qui explique cela. Sombolo (2005) indique que le ministère de l'Environnement a évalué la consommation kinoise en bois de chauffe à environ 5 millions de stères, soit 86 000 m3 ou l'équivalent de 525 tonnes de charbon par an. Le rythme de déboisement de la ville vient d'atteindre le seuil critique. A présent, le Kinois paye le lourd tribut du déboisement sauvage de sa ville en allant de plus en plus loin, jusque sur le plateau de Bateke, chercher son bois de chauffage ainsi que son charbon de bois. Il refuse carrément d'abattre son arbre fruitier qu'il a planté dans sa cour et qui lui procure de l'argent. A ce jour, les forêts coutumières du plateau de Bateke, où sont exploitées plusieurs essences d'arbresï5, sont en passe de devenir les plus grosses fournisseuses de bois de chauffage et de charbon de bois des ménages de Kinshasa. Selon Cateb (op.cit.), les ménages kinois consomment en moyenne 2,5 à 3 sacs par mois de 35 à 40 kg. A cela, il faut aussi ajouter les énormes quantités de bois de chauffage consommées par les boulangeries artisanales, les distilleries d'alcool traditionnel, les fabricants de chikwangues, de beignets, etc. L'étude menée par Lelo Nzuzi et Tshimanga Mbuyi (op.cit.) à Ngaliema et Lingwala montre que dans ces deux communes, 75% des ménages utilisent le bois de chauffageï6 ou le charbon de bois Oa braise)ïï pour cuisiner. A l'occasion, ils les combinent avec de l'électricité. Ainsi, l'analyse détaillée par commune indique que 53% des ménages de Lingwala recourent à la combinaison électricité-bois-braise comme source d'énergie de cuisine contre 22% à Ngaliema. Dans cette dernière commune, 58 % des ménages utilisent uniquement la combinaison bois-braise pour la cuisson. Ces statistiques montrent bien l'ampleur de la consommation de la braise et du bois de chauffage dans la cuisine kinoise, non seulement à cause du délestage, mais aussi parce que beaucoup de ménagères kinoises préfèrent cuisiner avec de la braise ou du bois de chauffage qui, semble-t-il, donnent aux mets un arôme et un goût particulier et prisé. Le tableau n° Il présente la filière de la production à la commercialisation du charbon de bois et démontre le seuil de rentabilité dû à la forte demande.
75 Mibamba,
Wenge,
Bois rouge, .A.ppolo, Mitsanga
Muheti, Lokoli, Peti, Buleko, Mitunu, Deka, etc. 76Koni en lingala. 77Makala en lingala.
88
Mbala, Mututi,
Kiseka, Mutsakutsaku,
Tableau 11 Filière de commercialisation du sac de 50 kg de charbon de bois en 2002
Mbankana
Dumi
Lieux de production sur le plateau de Bateke
Nkieme
Moliono
Kinzono
Prix à la production Coût de transport Prix grossis te à Kinshasa
1,8 $ 2$ 8,6 $
1,8 $ 2$ 8,6 $
2$ 1,8 $ 8,6 $
2,3 $ 1,5 $ 8,6 $
3,8$ 1,2 $ 8,6 $
Prix détaillant à Kinshasa
Il,5 $
Il,5 $
Il,5 $
Il,5 $
Il,5 $
Source: Nzofo
(op. cil.)
Le tableau nOlI indique que le sac de charbon de bois se vend 6,6 fois plus cher à Kinshasa. C'est donc un commerce lucratif aux dépens de la forêt. Ces statistiques présagent bien l'action néfaste de l'urbanisation et de l'absence d'électricité sur la forêt. Tableau 12 Coût des différentes sources énergétiques
Nature Bois. de chauffe Charbon de bois Bougie Pétrole
Unité de mesure Fagot Sac Pièce une boîte vide de tomates de 70 grammes comme étalon de mesure Pièce Pièce 3 recharges/semaine
Allumette Piles sèches Batterie ou torche Source:
Sombolo
(op. cil.)
89
en 2005
Prix unitaire $ US 3 12 0,05 0,10
0,03 0,3 0,63
Le tableau n° 12 présente le coût des différentes sources énergétiques de substitution à l'électricité. Et cela représente un coût dans le budget ménager parce qu'un ménage d'au moins dix personnes consomme entre 2 et 3 sacs de charbon de bois par mois.
3.3. L'agriculture urbaine et le déboisement de l'espace Les effets néfastes de l'agriculture urbaine et périurbaine dans la destruction du couvert végétal sont visibles dans la ville et dans son hinterland proche. En effet, les agriculteurs accompagnent l'extension de la ville et défrichent versants et fonds des forêts-galeries.
Tableau 13 Répartition
des centres maraîchers
par commune
Centres
communes
Nombre de maraîchers
Nqjili Manzanza Kimbanseke Tadi Lemba-Imbu Tshangu Funa Mangu Mokali Bono Kisenso Masina Pool Bandalungwa + Camp Kokolo Total
Nqjili Kimbanseke Kimbanseke Nsele Mont-Ngafula Kimbanseke Mont-Ngafula Kimbanseke Kimbanseke Kimbanseke Kisenso Masina Bandalungwa
647
Source:
Surface brute (hectares) 62
en 1996
Surface agricole utile (hectares) 59
444
28
23
444 250 650 750 850 701 365 328 370 256 1200
76 19 60 84 81 70 60 55 49 64 Il
33 9 50 58 62 55 45 50 46 60 8
7 255
719
558
Senahup, cité par Save the Children (2000)
90
Le tableau n° 13 répartit par commune les centres maraîchers, hormis les espaces rizicoles, dans l'espace urbain et périurbain: 14 sites maraîchers, environ ï 255 agriculteurs, 719 hectares (carte n° 14).
Carte n° 14
Les espaces agricoles de Kinshasa
N
A
Légende
:':':':':':':':::~ Culture
S vivrières
Cult tHe sp érennes
CulturesmaraTchères "
NCours.d!eau
Source:
Kalombo.
(1997'1
Echelle: 1/235.000
Avec l'aggravation de la pauvreté urbaine78, l'activité maraîchère offre aujourd'hui du travail et procure des revenus. Les études de Save the Children (2000) évaluent jusqu'à 105 $ le revenu moyen mensuel par maraîcher sur un chiffre d'affaires de 233 $. Les espaces maraîchers jouent à présent un rôle important dans l'approvisionnement de la ville en fruits et légumes. En effet en 1997, 16% des légumes et fruits vendus sur des marchés locaux, soit 30 000 tonnes par an, provenaient des espaces maraîchers de 78 Environ 65,3% des dépenses mensuelles
sont affectées à rachat
de nourriture,
10,5% à la
santé et l'hygiène; 10,5% au logement et moins de 14% à l'habillement, l'éducation, transports et les dépenses occasionnelles (D'Souza, 2004), cité par Lukengo (2005).
91
les
Kinshasa pour des besoins annuels estimés à environ 191 106 tonnes (Save the Children, op.cil.). A part le maraîchage, le Kinois cultive aussi du riz. Les centres maraîchers permanents et tous les espaces rizicoles couvrent 2000 ha des périmètres aménagés, soit 75% de la superficie agricole et mobilisent plus de 10 000 agriculteurs (Kalombo, 1997). Le site le plus important reste encore l'espace maraîcher et rizicole de Kingabwa dans la commune de Limete avec 550 ha et plus de 1000 agriculteurs (carte nOI5). A l'opposé, le plus petit est 'la pépinière du 24 Novembre' dans la commune de la Gombe avec 1,5 ha et moins de 50 maraîchers. L'espace rizicole de Masina avec 125 riziculteurs sur 25ha produit 150 tonnes de semences de riz en deux récoltes par an (Kalombo, op.cil.). Depuis les pillages de 1991 et 1993, les activités rizicoles à Ndjili, encadrées à l'époque par une mission agricole de coopération, sont restées en friche.
Carte n° 15
Les espaces
maraîchers
et rizicoles de Kinshasa
Congo
A Légende /\/
Rivière
~",lIn1Ite entre la plaine du Nord et .~~ les collines du Sud et de rOuest i" /\/lImlte des communes Zone marécageuse "'~
Centre maraîcher 1. Funa 3. Klmbanseke 5. Tadi 7. Mangu 9. Bono
2. Lemba Imbu 4. N'djill 6. Tsanga 8. Mokali 10. Pépinière
Riziculture 1. Kingabwa Source: Lelo Nzuzi (1999)
A côté de tous ces espaces maraîchers et rizicoles, il en existe de faible importance disséminés à travers le tissu urbain et dont les cultures se combinent, selon les saisons, avec celles du maïs, de l'arachide, des haricots, etc. Sur tous ces sites, les techniques culturales sont traditionnelles, extensives et sur brûlis. Elles dénudent le sol, produisent peu et gaspillent de l'espace. Ainsi, les rendements agricoles estimés à 57,5 tonnes par hectare (Save the Children, op.cil.) à la fin des années 90 continuent à baisser sensiblement à cause de ces techniques culturales rustiques.
92
D'autres études analogues ont confirmé ce gaspillage d'espace. En effet, étudiant les seuils de rentabilité des sites maraîchers, Kinkela et Mpanzu (2004) ont démontré le côté négatif de cette agriculture urbaine sur la consommation de l'espace. Ils ont trouvé que les maraîchers dénudaient beaucoup d'hectares pour, en fin de compte, peu produire. A titre d'exemple, selon cette étude, dans le périmètre agricole de Bandalungvva Oa pépinière), avec une moyenne de 10 plates-bandes de 18 m2, le maraîcher ne produit qu'environ 296 kg d'amarante (soit 21,13%) au lieu de 1401 kg (Kinkela et Mpanzu, op.cit.). Il en est de même sur le site agricole de Ndjili/Cecomaf où le maraîcher, avec une moyenne de 13 plates-bandes de 18 m2, produit près de 350 kg de légumes (soit 16,8%) à la place de 2090 kg (Kinkela et Mpanzu, op.cit.). Ces chiffres illustrent la forte consommation de l'espace et donc la dégradation de l'environnement. La destruction de l'environnement sur ces sites agricoles s'accentue avec des lotissements sauvages sur plusieurs hectares qui privent ainsi la ville de bonnes terres arables. Comme conséquence, le peu d'arbres que les maraîchers protègent pour l'ombrage sont abattus afin de laisser la place aux nouvelles constructions. Le scénario de la destruction du couvert végétal sur ces sites ou ailleurs à travers l'espace urbain reste classique. En effet, devenu propriétaire, l'occupant de la parcelle procède d'abord au dessouchage des légumes, des patates, des maniocs, etc., ensuite à l'abattage des arbres d'ombrage. Il brûle la broussaille et carbonise les arbres. En lieu et place des légumes, il plante quelques arbres fruitiers dans la cour et délimite sa parcelle par une haie vive. La cour, elle-même, reste nue sans pelouse. Et au milieu de la cour, il construit sa maison pendant plusieurs années en commençant d'abord par une bicoque. Tableau 14 Nombre de parcelles à Kinshasajusqu'en Cités Cités résiden tielles Cités planifiées Nouvelles cités Anciennes cités Extensions sud Excentriques Total
1967 6 613 22 13 Il 28 23
1975 6,2%
21,1% 414 12,9% 666 10,9% 646 26,4% 080 22,5% 878 106 297
Source: Archidiocèse
1989
7,8%
1989 7,5% 28 000
17,3% 26 840 9,6% 18120 6,4% Il 940 23,6% 44 340 38,3% 71 870 187 770
8,2% 30 866 5,8% 21 744 3,2% 12 000 16,5% 62 076 58,8% 220 354 375 540
14 660
de Kinshasa (1990) 93
Le tableau n° 14 montre l'évolution croissante du nombre de parcelles pendant environ deux décennies. Cette évolution s'est accompagnée de la destruction du couvert végétal de la ville. Les conséquences néfastes sur l'environnement sont manifestes. Comme le démontre le tableau n° 15, les hectares de sites agricoles diminuent dans le tissu urbain au profit de lotissements, malgré les cris de détresse très médiatisés que lancent souvent les maraîchers à chaque lotissement.
Tableau 1 5 Le nombre de sites maraîchers Communes
Nombre de sites
Masina Mon t-N gafula Limete Kimbanseke Kisenso Nqjili Nsele Bandalungwa Lemba Gombe Total
10 6 4 7 4 3 4 1 2 3 44
par commune
Superficies en hectares 305 181 37 330 61 125 135 8,10 2 1,80 1 185,9
Effectifs de maraîchers 2383 1 704 187 1 680 624 975 620 550 188 41 8952
Source: Rapport annuel (2000) de la division urbaine du développement rural
Le tableau n° 15 montre que les superficies des grands espaces maraîchers baissent graduellement. Elles sont passées de plus de 2000 ha en 1996 (Kalombo, op.cit.) à 1185 ha en 2000. Les premiers à lotir ces sites maraîchers sont les chefs coutumiers et les bourgmestres. A Kisenso, la ferme Nzeza Nlandu, victime de la spéculation foncière en 2000, a été divisée en plusieurs dizaines de parcelles sous prétexte que l'espace maraîcher était devenu le refuge des bandits. D'autres espaces maraîchers ont connu aussi le même sort avec comme alibi que les fruits et légumes étaient pollués et menaçaient la santé publique. Ce qui fait augmenter le taux du déboisement.
94
3.4. Le taux du déboisement urbain Le recul de la forêt kinoise a fait l'objet de quelques études comme celle de Nseka (1987) compilée après par Tshibangu et al. (1997). Leur cartographie présente le rythme de l'évolution de la déforestation de Kinshasai9 à partir de documents datant de 1960, 1982 et 1987. La cartographie diachronique de Tshibangu et al. (op.cit.) indique que la zone urbaine bâtie de Kinshasa, couvrant une surface de 2°1o par rapport à la superficie totale en 1960, a augmenté progressivement pour atteindre 6°1oen 1982, puis 8°1oen 1987, soit en moyenne 6°1osur une période de 27 ans. Les conséquences sur le couvert végétal sont graves avec une augmentation de la perte de superficie de la forêt qui passe de 46°/0 en 1960, à 36°/0 en 1982 et à 15°/0 en 1987, soit 31 °/0 au total sur une période de 27 ans. Ainsi, les étendues de l'ensemble constitué de la mosaïque savane boisée et de la savane herbeuse augmente graduellement et passe de 48°/0 en 1960 à 56°/0 en 1982 et à 64°/0 en 1987, soit une augmentation de 16°/0. D'après de Saint-Moulin (op.cit.), le taux de croissance annuelle de Kinshasa depuis plus de vingt ans dépasse les 5°1o. La guerre civile suivie de l'insécurité à l'intérieur renforce encore cette dynamique. Par conséquent, la nature notamment sociable et sécurisante de Kinshasa pousse les provinciaux à migrer vers la capitale. Ceci se confirme avec l'analyse de l'image satellite de la ville au 31 mars 1995 (Baudot Y. cité par de Saint-Moulin, op.cit.) qui a bien montré que les nouvelles occupations spatiales étaient remarquables par le manque de couvert végétal dans les parcelles récemment occupées.
3.5. Le reboisement périurbain Les paragraphes à venir présentent quelques expériences de reforestation en périphérie de la ville sur le plateau de Bateke, dans les villages de Kinzono, Mampu et Ibi. 3.5. 1 Les expériences
de Kinzono et de Mampu
La disparition de la forêt de Kinshasa est une réalité avec un taux d'accroissement annuel de 6,23 °/0 (1970-1984), de 5,6°/0 (1984-2000) et de 5,7°10 en trente ans, c'est-à-dire de 1970 à 2000 (Tshibangu et al. op.cit.). La pression sur la forêt augmente chaque année et son recul effréné interpelle maintenant les pouvoirs publics.
79Tshibangu
K.W.T.
, Engels P. et Malaisse F. (1997).
95
C'est pour cette raison que le ministère de l'Environnement organise, à la date du 5 décembre de chaque année80, des cérémonies officielles de plantation d'arbres en y associant les élèves. Les résultats ne sont pas encourageants. Aucune institution administrative provinciale, urbaine ni locale n'emboîte le pas. A Kinshasa, ces initiatives du ministère de l'Environnement ont donné naissance à quelques rares bosquets à l'hôpital de Kintambo et à l'université de Kinshasa. C'est dans le cadre du programme 'food for work' en 1999 que le Service national de reboisement du ministère de l'Environnement a produit 6000 plants, 910 coupes de bambous et entretenu 17 000 plants pour le reboisement de Kinshasa. Ce sont ces plants qui sont souvent cultivés pendant les cérémonies du 5 décembre. Du côté de la société civile, il n'existe pas vraiment d'actions de grande envergure dans le domaine. Pour preuve, le répertoire du ministère du Plan en 2002 sur les ASBL à Kinshasa a inventorié 31 ONG seulement sur 4 587 spécialisées qui œuvrent dans le secteur de l'environnement. C'est cette poignée d'ONG, sans assise populaire et sans moyens conséquents, qui entreprend quelques rares actions sans lendemain certain de plantation d'arbres dans les cours des établissements scolaires lors des campagnes d'éducation mésologique. Il faut avouer, dans l'un ou dans l'autre cas, que ces cérémonies de plantation d'arbres, à but publicitaire uniquement, ne récoltent pas les fruits escomptés. Car aussitôt la manifestation terminée, les arbres plantés sont abandonnés à leur triste sort et à la merci des herbivores en divagation comme les chèvres et les moutons. Si le gouvernement et la société civile manifestent à peine leur intérêt pour le reboisement de la ville, la population kinoise, quant à elle, excelle dans la plantation d'arbres fruitiers pour se procurer de l'ombrage dans la cour parcellaire et des fruits comestibles à vendre afin d'accroître les revenus des ménages. Sans s'en rendre compte, la population reboise à sa manière en plantant les vergers dans la parcelle. Mais la périphérie urbaine tarde à être boisée parce qu'elle ne se remplit d'habitations que quelques années plus tard. Il y a lieu de retenir quand même les quelques expériences réussies de reforestation dans l'hinterland lointain de Kinshasa sur le plateau de Bateke à quelque 120 km à l'est. C'est depuis le début des années 80 que l'Union européenne y finance un programme de reforestation, dans les villages de Kinzono et de Mampu, afin de répondre aux besoins en énergiebois de la ville de Kinshasa.
80Lajournée
mondiale
de l'arbre des Nations unies.
96
Le ministère de l'Environnement gère le village de Kinzono qui bénéficie d'une forêt artificielle d'acacias de plus de 1000 ha. C'est ce qui a été à la base de la création de Cateb81 en 1983 pour une utilisation rationnelle du bois comme source d'énergie en capitalisant les expériences d'autres pays africains en la matière et en vulgarisant diverses techniques de production de charbon de bois et d'utilisation de foyers améliorés. L'objectif du projet est de réduire la pression des populations sur les forêts résiduelles dans l'hinterland de Kinshasa. Ainsi, en lieu et place de la fausse meule en terre traditionnelle de carbonisation à rendement dérisoire, plusieurs autres tentatives (meules et fours de carbonisation) sont menées, dans le but d'améliorer le rendement à la carbonisation. Il s'agit notamment de la meule casamançaise, du nom de la Casamance au Sénégal, dont le rendement est meilleur par rapport à la fausse meule en terre. Car, avec la même quantité de bois, la production en charbon de bois est triplée et la qualité du charbon meilleure (Cateb, 1986). La meule casamançaise se différencie de la fausse meule traditionnelle par l'usage d'une cheminée portative et démontable qui améliore le rendement (Cateb, 1992). Au niveau des exploitants forestiers industriels, il faut signaler l'introduction de l'implantation des fours canadiens près des sites d'exploitation forestière et/ou de transformation de bois, à l'exemple de la Socobelam à Kinshasa et de Yuki, une eXploitation de l'Onatra au Bandundu" au bord de la rivière Kasaï. L'expérience des fours canadiens n'a pas eu d'effet d'entraînement, probablement à cause du coût d'investissement élevé que requiert une telle réalisation: plus ou moins 6000 briques cuites avec armature métallique (Cateb, 1993). Le Cateb a essayé d'introduire sur le marché le brasero amélioré avec pour spécificité: moins de charbon et beaucoup de feu durable. Mais l'expérience n'a pas fait long feu à cause du coût élevé du brasero qui se négocie entre 10 $ et 15 $ pendant que le traditionnel se vend sur le marché à plus ou moins 5 $. Bien que dépendant exclusivement de fonds des bailleurs internationaux, le Cateb a beaucoup d'ambition. Ainsi par exemple, au plus fort de son rendement en 1996, le Cateb projetait, déjà à l'époque, de produire 250 000 tonnes/an de charbon (Mulumba, op.cit.). A cette période, Kinshasa avait 169 194 abonnés à la Société nationale d'électricité (llunga, 1997). Cet objectif échoua pour des raisons techniques. Mise presque en faillite par manque de subsides, la production du Cateb est aujourd'hui totalement insignifiante. Entre-temps, la demande en charbon de bois et en bois de chauffe est en forte expansion aux dépens de la forêt de l'hinterland 81Centre d'adaptation
des techniques
énergie-bois.
97
de la ville qui continue à disparaître à raison de 20 000 ha chaque année, selon les experts de Cateb. La forêt de Kinzono connaît de sérieux problèmes de durabilité. Plus de la moitié de sa superficie a été consumée par le feu au début des années 90. A présent, la forêt d'acacias n'existe plus que de nom. Le village est presque abandonné par ses habitants qui se livrent maintenant à d'autres activités plutôt qu'à l'agroforesterie. Mais juste à proximité, une fondation internationale gère le village de Mampu qui bénéficie de 6500 ha82 de forêt d'acacias. La fondation appuie maintenant le programme par le biais d'une organisation locale83 qui associe les fermiers pour faire de l'agroforesterie. Ils habitent dans huit villages modernes84 avec au total 247 ménages logés dans des habitations en parpaings, équipées de citernes d'eau. Chaque ménage dispose de 25 ha pour l'agroforesterie avec l'association d'acacias, de manioc, de maïs et de l'apiculture. L'accompagnement autorise le fermier à couper 1 hectare d'arbres par campagne agricole qui lui rapporte en moyenne 400 sacs de braise de 35 kg (par hectare) et d'y planter le manioc et le maïs au milieu des souches des plants d'acacias. Il faut souligner que le racospema auriculifirmae, de son ancien nom "acacia auriculiformis", est une essence à croissance rapide et à usage multiple. En effet, étant une plante légumineuse, cette essence forestière a la capacité de restaurer biologiquement la fertilité du sol par la fixation de l'azote atmosphérique au niveau du sol. La culture du maïs faite en couloirs sur les terres fertilisées par cette essence donne de meilleures performances sur le plan du rendement à l'unité de surface. Les cultivateurs récoltent jusqu'à 3 tonnes de maïs à l'hectare. Cette essence forestière a aussi fait ses preuves dans la production de chenilles et dans l'apiculture. Elle produit également un charbon de qualité à pouvoir calorifique élevé (Cateb, op.cit.). Comme résultat, le nombre de jours de précipitations commence à augmenter et le gibier à apparaître à Mampu. L'expérience marche tellement bien qu'à 26 km de Mampu, un village nommé Mbankana exprime aussi le désir de bénéficier du même programme d'agroforesterie. Aujourd'hui, c'est chose faite avec 240 ménages qui sont en train d'être regroupés dans huit villages modernes, soit 30 habitations par hameau. Chaque ménage exploitera, ici aussi, 25 ha pour l'agroforesterie. Cette expérience est en train d'être élargie dans 30 autres villages qui se situent dans un rayon de plus ou moins 45 km autour de Mbankana. 82 Le programme va bénéficier en 2008 d'une extension de 1500 hectares et de 60 nouveaux ménages. 83Centre d'appui au développement intégral à Mbankana (Cadim). 8-1Habitations en parpaings.
98
3.52
Le pUIts de carbone dans /e vII/age d'lbi à Mbankana plateau des Bateke
sur /e
L'expérience du projet «Puits de Carbone Ibi-Bateke» (PCI-B) est un programme forestier de développement rural intégré qui date de 1998. Sa contribution est de freiner .la dynamique de déforestation des galeries forestières autour de Kinshasa. Elle a pour but de planter des acacias, des eucalyptus, des pins, etc. sur 16 ha. La forêt artificielle créée poursuivra trois objectifs majeurs: d'abord, permettre une absorption importante et stable de C02 atmosphérique; ensuite, répondre aux besoins quotidiens en énergiebois ainsi qu'en bois de matériau des Kinois; enfin implanter un habitat propice pour la faune. L'ONG qui appuie le projet est en train d'implanter un village moderne de 350 maisons pour les fermiers qui vont œuvrer dans l'agroforesterie (Mushiete, 2006).
3.6. Une reforestation
géographiquement
déséquilibrée
Au total, la poussée démographique et la pauvreté poussent les Kinois à exploiter anarchiquement la forêt et le sol. Et, lorsqu'il faut répertorier tous les programmes de reboisement de l'indépendance jusqu'à présent, force est de constater qu'ils ne se concentrent que sur les cités des plaines. Or, il est connu que ces cités ne sont pas sujettes aux ravinements, ni aux effondrements, encore moins aux éboulements. Cela illustre le manque de cohérence dans la stratégie et la sélection de zones de reboisement dans la ville. Aujourd'hui encore, les programmes intensifient la reforestation dans l'hinterland à l'est de la ville alors que les besoins sont les plus criants à l'ouest et au sud, dans les cités des collines, sur leurs versants dénudés et sujets aux érosions. Il est étonnant de voir laisser abandonner, à elles seules, devant les menaces des ravinements, les collines de Lutendele, Ngaliema, Benseke Futi, Mitendi, etc. Ce n'est pas parce que les Kinois ne vouent aucun respect à l'arbre non fruitier qu'il faudra priver tout un secteur de la ville d'espaces verts. Les habitants de l'ouest et du sud en demandent aussi autant. Le choix sélectif de l'est de la ville pour le reboisement risque de conforter encore les idées reçues sur la discrimination spatiale en faveur de l'est aux dépens de l'ouest. Heureusement que le Kinois a la culture des vergers. Il abat les arbres non fruitiers et reboise systématiquement la ville en plantant ses propres arbres fruitiers. La seule faiblesse est qu'il reboise seulement là où il habite. Et là où il n'y a pas de maisons, l'espace déboisé est abandonné à son triste sort, sans arbre fruitier. 99
L'expérience montre qu'un bon programme de reboisement à Kinshasa devrait se faire avec les arbres fruitiers comme par exemple le 'arthocarpus incisa' alias 'l'arbre à pain' qui donne des fruits très prisés à Kinshasa et que le Kinois n'abat presque pas.
Conclusion Le lien entre la croissance urbaine et le déboisement existe à Kinshasa. L'augmentation de la population urbaine, le faible accès des populations à l'électricité, la crise de l'emploi, la poussée de l'agriculture urbaine, etc. ont des conséquences néfastes sur le couvert végétal. Pis encore, la ville ne bénéficie pas de politique gouvernementale de reboisement. Les rares campagnes de reboisement dont la ville a bénéficié n'ont concerné que les quartiers situés dans les plaines alors que les besoins sont énormes sur les collines aux prises avec les érosions. Le constat fait sur le terrain est que le Kinois reconstitue lui-même la couverture végétale de sa ville en plantant des arbres fruitiers parcellaires. Ce qui est un comportement spatial à encourager parce que le verger comporte beaucoup d'avantages: la protection du sol, l'ombrage, l'alimentation, le gain pécuniaire, etc.
100
Chapitre 4
Occupation spontanée et érosions urbaines
C
E CHAPITREdécrit la genèse des érosions de la ville dues notamment au déboisement des collines pour les occuper, présente la vingtaine de grands ravins kinois qui causent de gros dégâts sur l'environnement et sur les populations. Il répertorie enfin les méthodes utilisées par les populations pour lutter contre ces érosions. Le chapitre se subdivise en cinq points. Le premier présente la pluviométrie à Kinshasa. Le deuxième explique l'origine des érosions de Kinshasa. Le troisième présente les bassins-versants et les érosions à l'ouest de la rivière Ndjili. Le quatrième décrit aussi les bassinsversants et les érosions à l'est de la rivière Ndjili. Le cinquième inventorie les différentes méthodes utilisées dans la ville pour lutter contre les érosions.
4.1. Les pluies torrentielles et les trombes d'eaux Kinshasa est réputée pour son temps chaud et humide pendant la saison des pluies. En effet, selon la classification de Koppen, la ville a un climat de type tropical chaud et humide (AW4) avec huit mois de saison des pluies (septembre à mai) et deux saisons sèches. La courte est insaisissable. Appelée communément la petite saison sèche, elle va de décembre à février. Mais elle fluctue chaque année: tantôt longue, tantôt courte; soit pluvieuse, soit sèche. Par contre la grande, totalement sèche, intervient de juin à août.
101
Tableau Précipitations Année
16
(en mm) de la ville de Kinshasa
de 1995 à 2001
Juil.
Août
Sept.
Oct.
Nov.
Déc.
0,9
10,7
49,9
118,8
250,5
193,3
Juin
Total année
Moyenne année
1636,5
136,4
(1995-2001) Moyenne mensuelle
Janv.
Fév.
Mars
Avri1
Mai
213,2
140,9
194,5
251,4
199,0
Source:
Mettelsat,
13,3
2001.
Le tableau n016 indique une bonne pluviométrie en novembre. C'est le mois le plus pluvieux de l'année avec une moyenne de 250,5 mm. Février cependant, le mois de la petite saison sèche, enregistre une baisse de la pluviométrie avec 140,9 mm. Il pleut sur Kinshasa en moyenne 1400 mm/an pendant 100 jours, soit sur une fraction seulement de l'année où les tornades peuvent être très dévastatrices parce qu'il arrive que la ville reçoive 7 cm en trente minutes (Knaebel et al., 1986). Les températures à Kinshasa oscillent généralement, pendant la saison des pluies, autour de 25,8°C et 26,1°C. Les mois de mars (27, 7°C) et d'avril (27,8°C) sont les plus chauds. Par contre, juin (23,8°C) et juillet (23,5°C) sont les moins chauds. Sur des sites en pente forte, le sol kinois, constitué de sable argileux, fin, jaunâtre ou rougeâtre avec des grains arrondis incohérents et imperméables, offre une faible résistance au ruissellement des trombes d'eaux pluviales. Ces sables fins et argileux, inférieurs à 1 mm avec une épaisseur qui peut atteindre 2 mm, sont facilement détachés et transportés par les eaux de ruissellement lors des pluies torrentielles. Comme conséquence, les sédiments sableux s'arrachent des versants vers l'aval. Ce phénomène lent et progressif provoque le déplacement continu de masses de terre, crée des sillons et entraîne le ravinement. C'est le début d'une érosion sur les pentes.
102
Tableau 17 Les communes et les degrés des pentes Degré de la pente
1) < 4°1o
2) entre 4°1oet 8°1o
Communes Gombe, Kinshasa, Barumbu, Lin~ala, Kasa-Vubu, Ngiri-Ngiri, Kalamu, Limete, N gaba, l\1atete, Ndjili, Kimbanseke, Nsele, Maluku, Kintambo, Masina, Nqjili, Lemba Makala, Bumbu, Kintambo (camp Luka)
3) entre 8°1oet 12,5%
Selembao, Mont-Ngafula, Bumbu, Kisenso
4) entre 12°/0 et 20°/0
Ngaliema, Mont-Ngafula, Selembao
5) > 20°/0
Mont-Ngafula,
Ngaliema,
Urbanisation Site facilement urbanisable
Site fragile dans les quartiers d'autoconstruction Site aux travaux d'assainissement exi gés Site très contraignant pour l'urbanisation Site non aedificandi
Source: Atlas de Kinshasa (1975), cité par Bapinga (2004)
Le tableau n° 17 classe le site de Kinshasa en quatre catégories selon les pentes. Les sites facilement urbanisables ont une pente inférieure à 4%. Il s'agit des communes de la Gombe, Limete, Masina et Ngaba, etc. Les sites fragiles dans les quartiers d'auto-construction ont des pentes qui varient entre 4% et 8%. C'est le cas de Makala, Bumbu et Kintambo (camp Luka). Les sites qui exigent des travaux d'assainissement ont des pentes qui varient entre 8% et 12,5% comme Selembao, Mont-Ngafula, Bumbu et Kisenso. Les sites très contraignants pour l'urbanisation ont des pentes entre 12% et 20% et ce sont les communes de Ngaliema, Mont-Ngafula, Selembao. Ce sont des sites qui nécessitent de gros travaux de voirie et de drainage. Et enfin, les sites non aedificandi ont des pentes supérieures à 20%. Malheureusement, c'est sur ces sites que sont nés les quartiers de Mont-Ngafula (Kindele, Sangamamba, etc.) et Ngaliema (Ngomba Kinkusa). L'intensité des précipitations ouvre des voies à des ravins profonds lorsqu'elles tombent sur ces sites aux fortes inclinaisons et non couverts par la végétation car le sol kinois est fragile là où la pente est supérieure à 8%.
103
4.2. La genèse
des érosions
de Kinshasa
Kinshasa compte 4500 hectares de terrains collin aires précaires aux prises avec 400 érosions (Muamba, 2007) dont 48 ont atteint des dimensions spectaculaires (hôtel de \lille, op.cit.) et une vingtaine catégorisées parmi les plus destructrices là où les sols sont constitués pour l'essentiel de sables fins avec une faible proportion de limon et d'argile. Ces érosions ont une seule origine naturelle: les eaux pluviales. Les dégâts que causent ces eaux pluviales dépendent de l'intensité de la pluie, de sa durée, de sa répartition sur le site, de son écoulement, de son ruissellement, de l'importance globale du ruissellement, de sa concentration ou de son éparpillement sur quelques lignes d'écoulement, du temps de sa concentration, c'est-à-dire du temps que mettent les eaux à parvenir depuis le point de chute de la précipitation jusqu'au point considéré, etc. Si toutes ces conditions sont réunies, alors la pluie cause beaucoup de dégâts. Ces dégâts peuvent être des effondrements, des éboulements, bref des érosions. Les érosions sont plus destructrices là où le Kinois exerce fréquemment ses activités comme l'agriculture, l'élevage, les constructions, l'extraction de la terre, le déboisement, etc. Avec les eaux de ruissellement, le ravinement enclenche le processus de naissance de l'érosion. Elle creuse graduellement et la différence de hauteur entre le fond du ravin et le terrain naturel grandit progressivement. Le sillon, au départ de quelques centimètres de profondeur, se creuse progressivement, dans une grande indifférence des populations riveraines, jusqu'à atteindre des dizaines de mètres de profondeur et des centaines de mètres de longueur. L'érosion pluviale est régressive et à chaque tornade, elle avance de l'aval vers l'amont avec des éboulements et des effondrements des talus instabilisés à ses pieds par les flots d'eau. Dans certains quartiers collinaires, les phénomènes érosifs deviennent irréversibles lorsque le ravin atteint de grandes dimensions. C'est le cas de l'érosion de Mataba à Ngaliema. Au total, le phénomène qui débute insidieusement par un petit sillon se transforme après quelques tornades en catastrophe naturelle avec la dégradation de l'environnement, de l'habitat, des infrastructures et très souvent avec des cas de décès. Il faut reconnaître que beaucoup d'érosions sont nées par absence de système d'assainissement des eaux pluviales sur les sites en pente. Sur ces terrains inclinés, les tornades emportent les éléments légers du sol, creusent, élargissent les vallées, provoquent dans les vallées l'ensablement et l'envasement des cours d'eau et des champs. Kinshasa est en proie à plusieurs types d'érosion: érosions dues aux eaux souterraines, érosions latérales dues à la déviation du lit de la rivière, érosions verticales dues au ruissellement des eaux, érosions accidentelles dues à la rupture des ouvrages de drainage, etc. Ce sont dans certains cas des 104
érosions dues aux ravinements longitudinaux, c'est-à-dire parallèles aux axes de route. Dans d'autres cas, elles sont dues aux ravinements transversaux, c'est-à-dire perpendiculaires aux routes, et coupent parfois la chaussée sur toute sa largeur. Leurs conséquences sont vécues différemment selon que l'on se trouve en amont ou en aval du versant. Ces érosions peuvent être classées en fonction des bassins-versants de Tshangu, Ndjili, Funa, Mampeza, Basoko, etc. eux-mêmes subdivisés en sous-bassins (carte n° 16).
Carte n° 16
Les bassins
Flewe
versants
des rivières
de Kinshasa N
Congo
A
Légende
N
Cours d'eau Zone d'erosion
D
Limite du bassin versant
Echelle: 1/100.000
4.3. Les bassins-versants
et les érosions à l'ouest de la rivière Ndjili
Seront décrits dans les paragraphes ci-dessous les importants bassinsversants et les grandes érosions qui s'y sont développées. Ce sont les bassinsversants des rivières de Funa, Ndjili, Lukunga, Basoko, Mampeza, Lukaya. Les communes collin aires situées à l'ouest de la rivière Ndjili dont les érosions détruisent gravement certains de leurs quartiers sont Mont-Ngafula, Ngaliema, Selembao, Bumbu, Kisenso, etc. Comme conséquence, les érosions de Kisenso ensablent Matete, celles de Ngaliema et Mont-Ngafula entraînent l'ensablement du sud de Selembao.
105
4.3. 1 Le bassin-versant
de /a riv/ëre de Funa
Il compte beaucoup d'érosions parmi les plus destructrices de la ville. Ce sont des érosions qui ont fait beaucoup parler d'elles, telles que Kitokimosi, Drève de Selembao, etc.
- Le sous-bassin-versant de la rivière de Bumbu : les érosions UPN, Ngafani, Drève de Selembao, Kitokimosi Les érosions UPN85 et Ngafani86 sont moins médiatisées parce qu'elles sont situées dans des milieux enclavés que plusieurs Kinois ne connaissent pas bien. Et pourtant, elles sont aussi dévastatrices que celles de la Drève de Selembao. La communauté de l'Université pédagogique nationale (UPN), contrairement à son habitude, ne mobilise pas encore l'opinion publique autour de l'érosion UPN qui pourtant se trouve à moins de 1 km du site du campus universitaire à Ngaliema. L'absence d'un manque de système de drainage des eaux pluviales est à l'origine de la genèse de cette érosion. C'est donc une érosion verticale due au ruissellement des eaux pluviales. C'est en 1999 qu'elle progresse rapidement pour atteindre une longueur de 265 m, une largeur de 60 m et une profondeur de 19 m avec des crevasses à plusieurs sillons. Elle a déjà, à son actif, près d'une vingtaine de maisons détruites. Sa tête est proche de la route de Matadi. Elle menace même de la couper en deux, alors que cette artère est la seule porte d'entrée et de sortie de Kinshasa à l'ouest de la ville. La glissière en sacs de sable construite par l'OVD tient encore, sauf le bassin d'orage. Pendant les pluies, l'avenue des Notables se transforme tout naturellement en un 'collecteur' qui draine les eaux pluviales vers la vallée de la rivière de Bumbu. L'érosion 'dort' encore grâce, non seulement, à la présence de la végétation qui y pousse sur les talus traités, mais aussi à celle des sacs de sable qui forment des barricades dans les sillons. L'érosion Ngafani à Selembao se trouve sur l'avenue Gemena. Le tracé de cette route est perpendiculaire aux courbes de niveau. C'est ainsi qu'elle se transforme en 'collecteur naturel' des eaux pluviales par absence d'un réseau de drainage. C'est donc une érosion verticale due au ruissellement des eaux pluviales. Ses bretelles sont les avenues de Matota, Malanga et Makela. Comme conséquence, le ravin principal et les bretelles attaquent le quartier de tous les côtés: l'avenue Gemena, ravin principal, ravagée sur 1480 m ; l'avenue Matota, grande bretelle, détruite sur près de
85Dénivellation 86Dénivellation
de 255 mètres. de 85 mètres.
106
1000 m et enfin l'avenue Malanga, petite bretelle, dégradée sur environ 500 m. Ce complexe érosif menace de détruire l'Institut d'enseignement supérieur de Selembao (lESS) et a déjà emporté l'église Saint-Maximilien. Les érosions Matota et Malanga, avec une profondeur moyenne de 20 mètres et une largeur moyenne de 40 mètres, coupent en deux plusieurs rues8i perpendiculaires. Le bassin d'orage, creusé par l'OVD dans la cour de l'école de l'Armée du Salut en amont de la principale tête d'érosion pour freiner sa progression et protéger le quartier sinistré, n'existe plus pour noncurage. L'érosion Gemena est beaucoup plus dévastatrice. Large de 55 m, profonde de 24 m avec des crevasses à plusieurs sillons, elle a dans son répertoire plus de 100 maisons détruites et une cinquantaine d'habitations menacées de démolition. La Drève de Selembao à Ngaliema est l'érosion la plus médiatisée parce que née sur les avenues de Drève de Selembao, Kananga et Yandonge à proximité des villas cossues des ministres, des ambassadeurs, des généraux et du somptueux restaurant La Pagode, fréquenté à l'époque par la bourgeoisie kinoise. Le site se situe dans la commune de Ngaliema à environ 10 km au sud du centre-ville de Kinshasa. Ses têtes se dirigent vers trois directions principales: l'ancien restaurant La Pagode, les avenues Yandonge et Drève de Selembao. C'est l'une des plus importantes érosions accidentelles de Kinshasa elle est due à la rupture d'un ouvrage de drainage. C'est le 20 septembre 1995 qu'elle se déclenche subitement pendant l'orage lorsque les piliers du collecteur tombent sous une violente pluie. Les travaux conservatoires successifs88 d'un collectif d'associations communautaires89, du génie militaire, de l'OVD et d'une entreprise locale de génie civil ne réussissent pas à maîtriser la furie des eaux pluviales qui dévalent les pentes de 20% en détruisant tout sur leur passage. Son répertoire indique plus de 80 maisons détruites, plus de cinq personnes tuées, etc. En 2003, elle a progressé sur une longueur de plus de 1300 m, une largeur de 58 m et une profondeur de 120 m en quelques mois et a rendu non urbanisable une surface de 180 000 m2 (Lelo Nzuzi, 2003). En 2005, une entreprise locale a construit un collecteur de 1380 m. La végétalisation du site après les travaux de construction et l'expropriation d'une soixantaine de maisons aux alentours ont contribué à maîtriser l'érosion et à stabiliser le site.
87Buingi, Notre Congo, Kitomesa,
Bula Mbemba,
1\1angenza, Mungala,
N defi, Salongo et Businga. 88 La reconstruction du déversoir, l'implantation du bassin d'orage, sable, le talutage et la végétalisation des versants. 89 Fédération des ONG laïques à caractère économique du Congo.
107
Likanza Kibambi,
l'implantation
de sacs de
L'érosion Kitokimosi90 à Selembao est à la base de la coupure en deux de l'avenue du 24 Novembre, l'unique et principale route qui traverse la commune de Selembao de bout en bout pour la relier à l'Université pédagogique nationale (UPN). Cette coupure isole maintenant partiellement l'hôpital général de référence de Makala91 à Selembao. C'est en 1992 que se situe la genèse de l'érosion après la destruction du caniveau par un véhicule en panne de freins. C'est donc une érosion accidentelle due à la rupture de l'ouvrage de drainage. En 1995, le génie militaire, avec 101 680 $, exécute partiellement mais en vain des travaux pour stopper l'érosion (Monsengo, 1996). Elle mesure déjà à cette époque 200 m de long, 46 m de large et 6 m de profondeur avec des crevasses à plusieurs sillons. Ces gros dégâts datent de 1999 et parmi lesquels on compte la destruction d'un centre de santé, de deux écoles, d'un marché et d'une soixantaine de maisons (Lumbuenamo, 1999). Ses bretelles sur les rues de Mitendi et de l'Hôpital menacent aussi plusieurs habitations. La tête de l'érosion ne progresse plus depuis les travaux non achevés de l'OVD et du génie militaire et la végétalisation naturelle des talus.
- Le sous-bassin-versant KivuIu
de la rivière Funa : les érosions Ngaliema,
L'érosion Ngaliema92 à Mont-Ngafula est une érosion accidentelle due à l'effondrement, lors de fortes averses, du collecteur93 non entretenu. Beaucoup d'habitants de Mont-Ngafula se rappellent à peine de cette érosion stabilisée naturellement par les ordures des ménages riverains. Une végétation luxuriante pousse maintenant dans le ravin au milieu des nombreuses épaves jetées par la population. Sa tête se trouve à une centaine de mètres de la route 'By pass'. Longue de 600 m, large de 18 m et profonde de 8 m, elle a déjà dans son répertoire une dizaine de maisons détruites en 1999 lors de sa forte progression. L'érosion de Kivulu est trop récente pour être oubliée par la population de Mont-Ngafula. C'est une érosion accidentelle due à la destruction de la chambre de chute du collecteur de la rue Kivulu suite à la déstabilisation du déversoir par la population riveraine. Elle est à la base de
beaucoup de dégâts: 16 % des ménages riverains privés d'électricité, 75 0/0 sans eau, 74 % sans toilettes, 20 boutiques, 15 moulins à manioc et maïs, 4 pharmacies, 10 habitations et 5 salons de coiffures engloutis dans un gouffre de 1000 m de longueur, 50 m de largeur et 40 m de profondeur 90Dénivellation de 90 mètres. 91 Ex-sanatorium de Makala. 92 Dénivellation de 80 mètres. 93De l'avenue Ngaliema.
108
(Mayambwedi, 2004). La construction par les riverains d'un muret à l'entrée de l'avenue Kivulu pour empêcher les eaux pluviales d'alimenter sa tête occasionne malheureusement plus loin dans le quartier un grand bassin de rétention d'eaux de marais de 2400 m3. Son débordement donne naissance aux érosions secondaires dans les rues environnantes94. Les riverains essayent de stopper, mais en vain, l'avancée de l'érosion principale en y déversant des déchets ménagers, en y plantant bambous et fausses cannes. Une association locale y exécute sans succès en 2003 des travaux de lutte antiérosive avec la technique des sacs de sable. Une entreprise locale de génie civil vient de parachever en 2005 un long collecteur sur le site pour maîtriser l'érosion et protéger les habitations riveraines.
- Le sous-bassin-versant
de la rivière Nkemi : l'érosion Livulu
L'érosion Livulu95 à Lemba se trouve à dix mètres du trottoir de l'avenue de Livulu96 à proximité de l'école catholique Elimo-Santu dans le quartier Intendance de l'université de Kinshasa. C'est aussi une érosion accidentelle due à la rupture du déversoir. Elle a trois têtes qui suivent le tracé des avenues Katanga, Kenge, Kwango, perpendiculaires à l'érosion principale, et est longue de 296 m, large de 41 m et profonde de 12 m. Elle menace de couper en deux la route de l'Intendance O'avenue de Livulu), de détruire une dizaine de maisons et d'endommager l'école et l'église ElimoSan tu. Le ravin est en sommeil depuis la fin des années 90 après la construction par le génie militaire d'un grand collecteur. Celui-ci vient à peine, une dizaine d'années après, d'être parachevé au niveau du déversoir, en 2005, par une entreprise locale de génie civil. La végétation couvre les talus. 4.3.2 Le bassin-versant
- Le sous-bassin-versant et Mbiti
de la Ndjili - rive gauche
de la rivière Kwambila : les érosions Zamba
L'érosion Zamba alias 'érosion Tata na Bibi' est une érosion verticale due au ruissellement des eaux pluviales. C'est une érosion régressive à partir de la rivière Kwambila qui draîne partiellement la commune de Kisenso. Elle remonte l'avenue Zamba, non goudronnée, perpendiculaire au cours d'eau. Les érosions secondaires se développent dans les avenues97 9-1Mbinza, Lutendele et Madimba. 95Dénivellation de 40 mètres. 96 Communément appelée route de l'Intendance. 97Révolution, Puati, Lukula.
109
transversales. La tête principale du ravin se trouve maintenant sur l'avenue Mpengi, parallèle à Zamba, à quelques mètres du tracé de la route de désenclavement. Le ravin vient d'être stabilisé par une association de jeunes du quartier avec l'implantation de drains parcellaires, de bassins d'orage, de sacs de sable et avec la végétalisation des talus, grâce à l'appui d'une agence de coopération au développement. L'érosion Mbiti se trouve sur le site du campus de l'université de Kinshasa à Lemba. C'est aussi une érosion accidentelle, née en 1992, suite à la destruction du collecteur en buse et du bassin d'orage. L'érosion cause beaucoup de dégâts et détruit les résidences du camp des professeurs de l'université. Le gouvernorat de Kinshasa intervient périodiquement avec le remblayage et des sacs de terre pour freiner l'avancée du ravin. Mais, l'érosion devient de plus en plus menaçante.
- Le sous-bassin-versant de la rivière Matete : les érosions Frontière, Mulele, Congo-Fort, etc. L'érosion Frontière ou Innocent98 à Kisenso est une érosion verticale née sur une forte pente de 12%. Elle est due au ruissellement des eaux pluviales. Les érosions se développent dans ce sous-bassin-versant au pied de la colline de Kisenso, à la frontière avec la commune de Matete. L'absence de réseau de drainage est la cause de sa naissance. Contrairement à son nom Innocent, elle est, avec ses bretelles, l'une des plus redoutables du sousbassin-versant. Son cône de déjection, couvert de sable et de limon, se situe au pied de la colline à Matete. Stabilisée en 2003 par une association communautaire de jeunes du quartier de la commune de Kisenso avec l'appui d'une agence de coopération au développement, les piétons utilisent maintenant son sillon comme sentier. Ses versants sont à présent stables et sont colonisés par une végétation herbacée et arbustive naissante. L'érosion Mulele à Kisenso est aussi une érosion verticale née sur une forte pente de 12%. Elle est due au ruissellement des eaux pluviales. C'est un ancien axe carrossable de désenclavement transformé en routecanal pendant les pluies. Elle est, avec toutes ses bretelles, la plus longue et la plus impressionnante de la commune de Kisenso. Mulele est réellement un complexe érosif qui traverse plusieurs quartiers en laissant derrière lui pleurs et désolations. Déjà en 1998, sa section en forme de V et l'un de 'ses bras' long de 1800 m et profond, par endroits, de 6 à 30 m (Elofa, 2001) ont causé beaucoup de dégâts en aval à Matete. L'érosion y déverse, à chaque pluie, d'importantes quantités de terre. Elles ensablent régulièrement non 98 Du nom du propriétaire communes
de la buvette
qui s'y trouvait à l'époque
de Matete et de Kisenso.
110
à la frontière
entre les
seulement les habitations, les rivières Matete et Ndjili, mais aussi un tronçon du chemin de fer qui sert à la fois au train urbain et au régional. En 2002, une organisation à base de jeunes du quartier la traite efficacement avec l'appui d'une agence de coopération au développement. Ces travaux conservatoires donnent un peu de répit au quartier. L'érosion Congo-Fort à Kisenso est aussi un collectif d'érosions avec plusieurs bretelles comme Congo-Fort Fepaco, Congo-Fort CBCO, CongoFort cimetière. C'est aussi un complexe érosif vertical sur les fortes pentes de 10 à 12% dû au ruissellement sauvage des eaux pluviales. Les trois érosions sont redoutables et ont comme cône de déjection la rivière Matete. CongoFort est aussi une de ces routes carrossables, en terre battue, de Kisenso, transformées peu après en route-canal pendant les pluies et plus tard en ravin. Ancien axe principal carrossable, en terre battue, d'entrée et de sortie de Kisenso au sud-est, Ngandajika est aujourd'hui détruit par Congo-Fort. Elle menace de détruire aussi de l'autre côté les écoles Kilutu et CBCO (750 élèves). Progressivement, elle ronge le vieux cimetière de l'université de Kinshasa et menace dangereusement de destruction le petit marché du quartier et les boutiques qui se sont alignées en chapelet le long de l'avenue. Partout ici, à cause de la modicité des matériaux utilisés (végétation, pneus et sacs), les résultats obtenus par les associations communautaires locales des jeunes sont maigres. Et pourtant ailleurs, avec la même technique et avec beaucoup de matériaux, elles réussissent brillamment à stopper l'érosion. Cette fois-ci, elles viennent de réussir à maîtriser les mêmes ravins en 2004 grâce à l'appui d'une agence de coopération au développement. La végétation commence à coloniser le site avec la présence de beaucoup d'herbes sauvages. L'érosion Mbuku à Kisenso est une érosion verticale (régressive) due à l'absence de système de drainage. Elle ravine l'avenue Ngafani dont le cône de déjection se situe maintenant sur l'avenue Mushie et la tête sur l'avenue
Lubuzi. Elle cause beaucoup de dégâts: 61 % des ménages privés de toilettes détruites par le ravin, 4% privés d'électricité, 66 % privés d'eau en 2004. Une organisation de jeunes du quartier vient de la traiter avec l'appui d'une agence de coopération bilatérale. 4.3.3 Le bassin-versant
de /a rivière Lukunga
Il comprend deux sous-bassins (Ikusu et Mbinza) sur lesquels sont nés à la fois quelques riches quartiers de Ngaliema et plusieurs habitats pauvres de Mont-Ngafula. Les érosions ravagent sans distinction les deux types d'habitat. Mais les plus durement touchés restent encore les quartiers où vivent les populations à faible revenu parce qu'elles habitent les sites où le système d'assainissement est totalement absent. 111
La terre emportée de ce versant envase la rivière et dépose des bancs de sable dans les vallées. L'étude de Makanzu (2002) estime à 4 036 tonnes la terre charriée entre juillet et décembre dans la rivière Lukunga. Ntombi, cité dans cette étude, l'évalue à plus de 37 000 tonnes par an. - Le sous-bassin-versant Kinsaka
de la rivière Ikusu : les érosions
Masikita et
L'érosion Masikita99 est due accidentellement à la rupture de l'ouvrage de drainage mal entretenu. Elle attire aussi l'attention des pouvoirs publics non seulement parce que située dans un quartier riche, mais aussi parce que sa tête se trouve à une centaine de mètres de la route de Matadi. Née en 1980, sur l'avenue Masikita à Ngaliema, elle a déjà à son actif plusieurs cas de destruction d'habitations: 42 dont quelques somptueuses villas englouties en 1999 dans un gouffre long de 250 m, large de 50 m et profond de 33 m. Lumbwenamo et Kasita (1999) estiment à 1 523 200 m3les terres emportées par l'érosion. Lelo Nzuzi (2003) estime à 300 000m2 l'espace rendu non urbanisable par cette érosion. Elle ne fait plus de dégâts depuis 1999 grâce au bassin d'orage d'une capacité de 10 000 m3 construit en amont par l'OVD. A présent, les pouvoirs publics assistent, impuissants malheureusement, à l'occupation anarchique, par des populations à faible revenu avec des bicoques de fortune, des talus stabilisés et végétalisés en aval. Ce qui risque de réveiller brusquement l'érosion car ces implantations sauvages fragilisent les talus. Les petites érosions comme Kinsaka ou Ngomba Kikusa, Révolution et Ngamikabi que beaucoup de Kinois, hormis les riverains, ne connaissent pas parce qu'excentrées par rapport au centre de la ville, sont nées par manque d'un système de drainage des eaux pluviales sur un site à forte pente occupé sans planification. Longue de 253 m, large de 27 m et profonde de 14 m en 1999, Kinsaka est la cause de la destruction de quatre maisons et de la rupture du réseau de distribution d'eau. Lumbwenamo et Kasita (op.cit.) évaluent à 87 500 m3 de terre emporté par Kinsaka dans la vallée de Lukunga. Cette érosion progresse difficilement maintenant parce que transformée en décharge publique. Ses sillons récoltent les eaux pluviales de ruissellement en divagation qui causent beaucoup de sinistres dans les ménages comme le mentionne le rapport ci-dessous du bureau du quartier.
99 Dénivellation
de 140 mètres.
112
Tableau 18 Dégâts des pluies du 24 et 26 mars 1998 dans le sous-bassin-versant Dégâts
Habitat Maisons détruites
46
Maisons endommagées
22
Maisons ensevelies
13
Décès
4
Source:
Rapport du bureau du quartier Bumba (2002)
Le tableau n° 18 montre les dégâts causés par les érosions lors des pluies du 24 et 26 mars 1998 dans le quartier: 22 maisons endommagées (13 par Ngamikabi et 9 par Révolution), 46 maisons détruites (19 par Révolution et 27 par Ngamikabi), 13 maisons ensevelies (6 par Révolution et 7 par Ngamikabi). Les effectifslOOde la population sinistrée par les mêmes pluies se chiffraient à près de 100 personnes abandonnées à leur triste sort.
- Le sous-bassin-versant de Mataba 1 et 2
de la rivière Mbinza : les érosions
Mataba est un complexe d'érosions à têtes multiples. Avec ses nombreuses ramifications, il est le plus connu de Kinshasa pour son énormité, l'ampleur de ses dégâts et sa menace de couper en deux la route de Matadi. Le complexe érosif de Mataba se répartit en plusieurs gros ravins qui ne sont que des anciens tracés des collecteurs des eaux pluviales de ce sous- bassin -versan t. Mataba 1 à Ngaliema est une érosion accidentelle due aux effets néfastes des eaux souterraines qui ont détruit d'abord le déversoir en 1998, ensuite le collecteur principal et enfin les collecteurs secondaires du quartier de Kimpe. Il est le plus grand, le plus redoutable et le plus dévastateur du complexe érosif. En 1999, longue de 900 m, large de 70 m et profonde de 17 m, Mataba 1 entraîna une cohorte de dégâts: 268 maisons détruites et 1 845 000 m3 de sédiments charriés. En 2000, le gouvernement finança les travaux de construction d'un bassin d'orage et d'une gigantesque glissière avec 100 000 sacs de sable. L'ouvrage céda quelques mois après lors des 10059 à Sanga Mamba, 9 à Kasa-Vubu, 7 à Elima, 1 à Mangengenge.
4 à Siasia, 6 à Promobat,
113
5 à Madimba,
8 à Ngukasa,
fortes averses de décembre. L'effondrement de ces ouvrages détruisit l'église kimbanguiste et son école de 500 élèves. C'est pour arrêter sa progression effrénée, avec la menace de couper la route de Matadi, l'unique qui dessert cette partie de la ville, que le Royaume de Belgique lOIfinança la construction d'un collecteur de 1,5 km en 2000 par une entreprise locale de génie civil avec la supervision d'une agence des Nations unies. Mal parachevé au niveau du déversoir, le collecteur s'est effondré de nouveau deux années après et a créé d'autres bretelles aussi destructrices que le ravin principal. Le site comprend aujourd'hui de grands canons. Une entreprise locale de génie civil vient d'entreprendre des travaux de construction d'un collecteur d'environ 1 km avec le remodelage des talus et leur végétalisation. A cette occasion, le gouvernement vient d'exproprier et d'indemniser les habitations qui se trouvent sur le tracé du collecteur: 220 maisons en dur, 24 hangars et 47 parcelles non construites. Mataba 2 date aussi de 1998. Sa genèse est aussi accidentelle. Elle est due à la rupture du bassin d'orage de l'avenue Mfuti (ou Ministre) fragilisé malencontreusement par les occupations anarchiques. Comme conséquence, la digue céda sous la violence des pluies diluviennes du mois d'avril. Et l'érosion s'élargit brusquement pour atteindre une longueur de 170 m, une largeur de 54 m et une profondeur de 12 m causant beaucoup de dégâts: 13 maisons détruites dans les avenues environnantesl02. Ces dégâts se sont aggravés au fil des ans entre 2001 et 2003 : 139 habitations détruites dont 69 maisonnettes, 40 maisons en semi-dur, 30 villas, plus de 500 m de tronçon de l'avenue Mfuti endommagés et plusieurs avenuesl03 perpendiculaires au ravin coupées en deux. Dans le même complexe érosif de Mataba, un autre 'bras' nommé Masiala progresse aussi après la rupture d'un collecteur non achevé par une entreprise locale de génie civil, faute de financement. Aujourd'hui, le complexe érosif Mataba ne cause que des désolations rendant le site inutile et sans valeur foncière. Mataba 2 a rendu non urbanisable un terrain d'une superficie de 301 500 m2 après quelques pluies (Lelo Nzuzi, 2003). 4.3.4 Le bassin-versant
de /a rivière Basoko
Il draine les quartiers planifiés très densément peuplés des communes comme Bandalungwa, Kintambo, Ngaliema, et quelques extensions méridionales de Ngiri-Ngiri, Bumbu et Selembao. Trois rivières drainent ces
101Coût: 1 500 000 USD. 102Bahumbu, Mfuti (OUMinistre ou Masiala). 103Kananga, Conseil, Ngangu, Bakwanga, Gemena,
114
Sanza, etc.
communes sur une longueur totale de 22 500 m: Makelele (9 500 m) et Lududi (6 000 m).
- Le sous-bassin-versant
Basoko (7 000 m),
de la Lubudi : l'érosion Bolikango
L'érosion Bolikangol04 ou Laloux se situe dans le quartier Delvaux sur l'avenue qui porte le même nom à Ngaliema. Elle est une érosion accidentelle causée par la destruction du caniveau de canalisation des eaux pluviales de l'avenue Bolikango. Le déboisement du bassin-versant pour l'implantation des habitations est aussi à la base de sa progression rapide. Elle est vieille de 37 ans mais s'est aggravée après la destruction, suite au manque de curage, du bassin d'orage de 8 000 m3 aménagé par l'OVD en 1999. Du coup, elle a dévasté le site en coupant en deux l'avenue Bolikango, détruisant 126 maisons et menaçant de détruire le centre cardiologique de Kinshasa en construction. Aujourd'hui, l'érosion est momentanément en sommeil parce que les riverains y déversent toutes sortes d'ordures ménagères et des déchets du marché de Delvaux. Des touffes d'herbes poussent sur ces talus. C'est un 'sommeil très léger' en trompe-l'œil, car l'érosion commence à se réveiller timidement: 4 villas ont été détruites pendant les pluies de mars et avril 2007. Une entreprise locale de génie civil est en train d'y mener des travaux conservatoires en construisant un bassin d'orage, une glissière en béton et des gabionnages de sacs. Et en prévision de l'exécution des travaux de l'ouvrage définitif d'assainissement sur ce site, 89 habitations seront expropriées dont 75 maisons en dur, 19 hangars et 20 parcelles non construites et 7 bandes de terre de 2 m, le long des murs de clôture, selon Omakoy (2007). Kafwata (2000) avait étudié l'impact des eaux pluviales de ruissellement sur les infrastructures situées dans le bassin de la Basoko. Il observa le déchaussement ou l'exhumation des socles de pylônes et poteaux électriques de la Société nationale d'électricité. Les résultats montrent un fort décapage du niveau du sol pendant ses études. Il varie entre 25,8 cm au minimum et 60,3 cm au maximum, soit une moyenne de 0,86 cm par an. A cette allure, les poteaux électriques risquent de tomber dans peu de temps parce que leurs socles ne sont enfouis qu'entre 1,5 et 2m sous terre. Cela causera des dégâts dans les quartiers environnants. 4.3.5 Le bassin-versant
de /a rivière Mampeza
Ce bassin-versant se trouve dans la partie nord-ouest de Kinshasa où les quartiers résidentiels peu denses (161 hab./ha) se dissimulent dans de 10-1Dénivellation
de 115 mètres.
115
beaux vergers. La superficie du bassin est de 809 ha dont 706 ha habités (IGIP, op.cit.). La rivière Mampeza coule sur 5 100 m. Le bassin est peu sujet aux érosions. L'érosion Mampeza ou Ngumal05 a des origines accidentelles résultant de la destruction d'un collecteur suite aux débordements répétés des eaux pluviales. Née en 1998 au pied du luxueux quartier collin aire de 'Mont-Fleuri', plus précisément dans le quartier résidentiel 'Ma Campagne' en face du camp des officiers militaires Luano, à quelques mètres de l'avenue Nguma, non loin du centre commercial de Kintambo Magasin, l'érosion n'est longue que de 30 m, large de 3 m et profonde de 10 m. Elle compte dans ses dégâts quatre maisons détruites. L'érosion a arrêté sa progression grâce à la rapide construction, bien qu'inachevée, de la glissière. Cette dernière canalise les eaux du bassin versant et empêche le ravin de couper en deux la seule et unique avenue du secteur: l'avenue Nguma. Les résultats sont encore visibles parce que l'érosion n'est plus menaçante. De plus, la végétation colonise tous les talus. 4.3.6 Le bassin-versant
de la riv/ëre Lukaya
- Le sous-bassin-versant
de la rivière Nzadi
L'érosion Pumbu est un complexe de grandes crevasses résultant du mauvais drainage des eaux sur un terrain très faiblement incliné sans couvert végétal. Ces crevasses, dont les grandes se situent à proximité de l'église Sainte-Rita, vont être appelées, par abus de langage, 'érosion Sainte-Rita', alias 'érosion Pumbu', du nom du quartier. La crevasse principale a détruit 3 maisons, en menaça 27, arriva à proximité non seulement de l'église SainteRita mais aussi des réseaux de distribution d'eau et d'électricité. Au même moment, d'autres 'bras' se sont dirigés dangereusement vers la route Kimwenza et le centre social du quartier. Ce sont les femmes de ce quartier, regroupées en association, qui ont fait connaître cette érosion 'inconnue' sur la place publique. Elles ont frappé à toutes les portes des officiels pour introduire leur requête et ont fini par convaincre le collectif des associations à caractère laïc et économique du Congo de remblayer le site crevassé. Enfin, le danger est aujourd'hui écarté durablement grâce à la ténacité de ces femmes du quartier Pumbu.
105 Dénivellation
de 15 mètres.
116
4.4 Les bassins-versants
et les érosions à l'est de la rivière Ndjili
Les paragraphes ci-dessous présentent ces bassins versants et les ravins qui les ont disséqués. Ce sont les bassins-versants des rivières Ndjili, Tshangu et celui du fleuve Congo. Du côté est, la rivière Ndjili traverse les communes de Kimbanseke, Ndjili, Masina et Limete. Ce sont des communes densément peuplées, étalées sur la plaine de Ndjili. Les érosions s'y développent à partir des vallées humides. 4.4. 1 Le bassin-versant
- Le sous-bassin-versant
de /a rivière Ndjili rive droIte
de la rivière Ndjili: les érosions Bassin
et Mabanza
L'érosion Bassin 106se développe à la frontière entre les quartiers 8 et 9 à Ndjili. C'est une érosion accidentelle due à la destruction du collecteur non entretenu lors d'une violente tornade du 5 au 6 mai 1991 qui va couper en deux l'avenue Marna Mobutu. Le génie militaire reconstruira le collecteur et réhabilitera la route. Mais ce collecteur mal conçu ne tiendra pas longtemps et cédera pendant une autre averse. Pour lutter contre la progression du ravin et protéger les habitations de la destruction, la population, abandonnée à elle-même, y déposera les carcasses des véhicules qu'elle achète dans les nombreux garages automobiles situés dans la commune. Maintenant, plusieurs espèces végétales colonisent ce ravin long de 465 m, large de 38 m et profond de 7 m. Mais le danger persiste car l'érosion peut se réveiller brusquement et prendre une autre direction, à l'instar de l'avenue Kiese. Quelques sillons commencent à ronger les talus avec les eaux de ruissellement. Une vingtaine d'habitations s'accrochent sur ce versant sans trop d'inquiétude alors que le ravin a 'englouti' déjà beaucoup de maisons et menace d'effondrement 9 maisons en amont avec 17 ménages et 98 habitants. L'érosion Mabanzal07 est une érosion due à la déviation de la rivière dans le quartier 8 de la commune de Ndjili. Née sur le tracé d'un ancien égout de l'avenue Mabanza, effondré au début des années 90, l'érosion reçoit toutes les eaux qui viennent du quartier 7. Comme à l'accoutumée, la population dépose dans ce ravin de 25 m de profondeur, 35 m de largeur et 60 m de longueur les déchets du quartier et les épaves des véhicules qu'elle achète entre 3$ et 5$ l'épave. Le ravin continue à ravager les talus et à engloutir les maisons. Cinq maisons sont sérieusement menacées 106 Dénivellation 107 Dénivellation
de 18 mètres. de 20 mètres.
117
d'effondrement et risquent de rendre sans-abri 8 ménages et 45 habitants. Curieusement, les populations construisent des maisons dans le cône de déjection sans mesurer les risques à court, moyen et long terme. L'érosion commence à rendre le site inaccessible. La route de desserte agricole du site maraîcher, située au pied du bassin-versant, est détruite par les eaux et les détritus du ravin. Les quantités d'eau vont vraisemblablement encore augmenter et causer des préjudices aux habitations. 4.4.2 Le bassin-versant
- Le sous-bassin-versant Kulumba
de la riv/ëre Tshangu
de la rivière Tshangu : les érosions Biyela et
La Tshangu est la rivière principale de la commune de Kimbanseke, une commune entièrement plate mais ceinturée partiellement par un cirque de collines. Autant les eaux pluviales inondent les quartiers situés dans la plaine en les traversant, autant elles érodent ceux qui se sont établis sur des sites collinaires. L'une des grandes érosions de Kimbanseke s'appelle Biyela avec ses 1050 m, hormis toutes ses ramifications. Les eaux pluviales qui alimentent la tête du ravin proviennent des rues environnantes et des nombreuses bâtisses de confessions religieuses établies dans le quartier. Biyela vient d'être stabilisée par une association de jeunes du quartier grâce à l'appui d'une agence de coopération internationale. L'érosion Kulumba 1108se situe sur l'avenue qui porte le même nom dans le quartier de Tshangu dans la commune de Masina. C'est une 'routecanal' en terre battue qui s'est transformée en un gros ravin après plusieurs pluies. La population y jette les épaves des véhicules et les ordures domestiques pour stopper l'avancée de l'érosion. Mais elle se plaint de ne pas avoir assez d'immondices pour remblayer ce ravin de 20 m de profondeur, 10m de largeur et 300 m de longueur. Son déversoir se trouve à près de 200 m de la rivière Tshangu et dans cet exutoire, 8 maisons construites avec 64 habitants et 27 ménages vivent un risque permanent d'ensablement et d'inondation. A la tête de l'érosion par contre, 10 maisons sont menacées d'effondrement avec 19 ménages et près de 140 habitants. L'érosion Kabamba se développe sur l'avenue qui porte le même nom dans le quartier de Tshangu dans la commune de Masina. C'est une 'routecanal' en terre battue qui s'est creusée en ravin après plusieurs pluies. Comme d'habitude, la population jette déjà dans ce ravin les épaves des véhicules qu'elle achète 5$ la carcasse. Elle y ajoute aussi les ordures du 108 Dénivellation
de 12 mètres.
118
quartier. Le but est de stopper l'avancée de l'érosion. Malheureusement, les habitants sont à court d'ordures pour remblayer ce ravin de 20 m de profondeur, 20 m de largeur et 100 m de longueur. Le déversoir du ravin se trouve à près de 150 m de la rivière Tshangu et là, 10 maisons, avec 113 habitants et 13 ménages, construites dans son exutoire, sont souvent sous les eaux. A l'allure où vont les choses, elles sont 'menacées' de recevoir les ordures qui viennent de l'amont pendant les pluies ou encore pendant les crues de refoulement de la rivière Tshangu.
- Le sous-bassin-versant
de la rivière Tshwenge : l'érosion Kulumba
L'érosion Kulumba 2 à Masina est une érosion verticale due à l'absence d'ouvrages de drainage. C'est donc une érosion régressive qui s'est développée à partir de la rivière Tshwenge qui draine les communes de Nsele, Kimbanseke et Masina. L'autre branche de l'érosion Kulumba se trouve sur le prolongement est de l'avenue Kulumba derrière le marché qui porte le même nom dans le quartier de Tshwenge dans la commune de Masina. C'est une route en terre battue, sur du sable blanc et fin, dotée d'une grande emprise. Là où la pente commence à descendre vers la vallée de la rivière Tshwenge à près de 200 m, la route se ravine dangereusement. L'escarpement de près de 3 mètres qui s'y développe rend cet endroit impraticable aux véhicules. La population environnante y déverse les ordures domestiques et celles en provenance du marché Kulumba qui se trouve à proximité. Mais la quantité est tellement minime qu'à chaque pluie, le ravinement prend de l'ampleur. 4.4.3 Le bassin-versant
du fleuve Congo
Deux grandes érosions dissèquent ce bassin-versant au niveau de la cité des travailleurs de la Sidérurgie de Maluku. Peu de Kinois sont au courant de l'existence de ces ravins qui se situent à 80 km du centre-ville. L'érosion Sosider a une origine accidentelle due à la rupture du principal collecteur des eaux pluviales en 1989. Elle menace de couper en deux la voirie et le drainage qui conduisent vers la polyclinique du quartier. Elle donne l'impression d'être en attente de se réveiller parce que rien n'est prévu pour la stabiliser. Long de 160 m, large de 20 m et profond de 10m, c'est un ravin en voie de stabilisation avec beaucoup de bambous plantés dans le sillon et sur les talus. L'érosion Mangengengel09 date de la même année suite aussi à la rupture accidentelle du collecteur des eaux pluviales. C'est un grand ravin avec beaucoup de sillons du fait que la destruction suit le réseau de drainage 109 Dénivellation
de 55 mètres.
119
en place et les talus s'éboulent en grands pans à chaque pluie. Ses dégâts sont énormes: sectionnement en deux de l'avenue circulaire, destruction des ouvrages de drainage, destruction de six villas de cadres de l'entreprise Sosider. L'érosion semble être en sommeil avec la végétalisation naturelle des talus. En conclusion, ces quelques érosions ne représentent qu'un échantillon d'une vingtaine de grands ravins qui détruisent la ville haute, c'est-à-dire les cités des collines (carte n° 17). Plus les pentes sont fortes, plus dévastatrices sont les érosions. Curieusement, c'est là malheureusement où les Kinois construisent leurs habitations et, dans la plupart des cas, sans aménagement préalable. Face à ces catastrophes, malgré l'état d'esprit très superstitieux de la population et loin de se laisser engloutir par les érosions, les jeunes des quartiers sinistrés essayent de s'organiser pour lutter courageusement, mains nues, contre ces érosions. Ils le font manuellement en utilisant toutes les techniques locales: primo, en contrôlant les ruissellements des eaux pluviales; secundo, en stabilisant les talus des ravins, tertio en les végétalisant. Par contre, les entreprises de génie civil mobilisent les gros moyens financiers, les engins lourds et la haute technologie pour exécuter les mêmes travaux mais durablement.
Carte n° 17
Les grandes érosions de Kinshasa
À Légende limne
de commune
Colline Erosion 1 - Masikita
2 - Kitokimosl
3 - MatabaI
4 - Mataba Il et III
5 - Kisenso 6 - Ndjili
-II-
7 -Brevede Selembao
-
8 Kinsuka 9 Uvulu 10 Ngafanll 11 Unikin 12 Nguma 13 - Nganda Maluku 14 Ngomba Kinkusa -
15- UPN 16- Pumbu 17 Ngaliema
Source:
18 Bolîkango 19 Matadi Mayo -
Echelle: 1/280.000
120
4.5 Les travaux de lutte antiérosive Il s'agit de présenter ci-dessous les différentes techniques utilisées pour traiter et maîtriser les érosions à Kinshasa: les techniques manuelles d'abord et de génie civil ensuite. Peu importe les méthodes utilisées, l'objectif majeur poursuivi par ces travaux est surtout d'empêcher à tout prix les eaux pluviales de ruisseler dans le ravin. 4.5.1 Les travaux collectIfs manuels avec des techniques rustiques
des ïngénieurs
aux mains nues'
Comme l'Office de voirie et de drainage ne remplit pas correctement sa mission par manque de subsides, les jeunes sinistrés se prennent en charge. Ils s'organisent souvent avec à peine quelques outils de fortune. Comme résultat, l'érosion évolue moins vite qu'auparavant. Parfois, ils la stabilisent après avoir maîtrisé les eaux de ruissellement et fixé le sol en plantant de la végétation. Ainsi par exemple, dans la cité collinaire de Kisenso où les jeunes mènent une lutte farouche contre les érosions, l'étude de Matondo (2004)
montre que 43,8 % des ménages utilisent la méthode des digues en sacs de sable pour la lutte antiérosive, 21 % creusent des drains parcellaires, 16,2 0/0 reboisent, 9,5 % implantent les bassins de rétention des eaux, 7,6 0/0 végétalisent le ravin et 1,9 % Yjette les épaves des voitures et des pneus. Les populations régulent aussi le cheminement piéton sur le circulation sauvage des piétons entraînant la destruction effet, ils aménagent des sentiers soit avec des barrières en digues en sacs de sable, soit avec des marches aménagées
site pour éviter une des ouvrages. A cet pneus, soit avec des en rondins de bois.
Le contrôle du ruissellement des eaux pluviales dans les parcelles et places publiques avec des drains, des andains de terre et des bassins d'infiltration Il s'effectue de plusieurs manières, soit avec des drains parcellaires, soit avec des andains de terre, ou encore avec des bassins de rétention des eaux. Les autorités communales recommandent souvent à leurs administrés de creuser et de curer régulièrement ces 'bassins'. Lorsqu'il s'agit de drains parcellaires alias puits d'infiltration, les jeunes en creusent un ou deux pour récolter les eaux tombant dans la cour y compris celles de toiture. l\1ais, lorsque ces eaux pluviales deviennent sablonneuses ou limoneuses, elles bouchent les pores. Cela ralentit l'infiltration et les eaux débordent les drains. L'étude de l\1ayambwedi (2004)
dans la commune de Mont-Ngafula montre que 55 collectent leurs eaux pluviales dans des drains parcellaires. 121
%
des ménages
C'est pourquoi les jeunes implantent aussi des andains de terre qu'ils appellent communément 'moulures'. Ils les colonisent d'une haie vive pour empêcher le débordement des eaux pluviales parcellaires chez les voisins. Cet aménagement parcellaire a donc comme objectif principal de concentrer les ruissellements dans la cour. Parfois, pour retenir les eaux pluviales dans la parcelle, la pente est même renversée manuellement. Ceci pour éviter que les eaux pluviales de la parcelle en amont ne se déversent dans l'habitation en aval, et ainsi de suite. Lorsque les eaux pluviales débordent les parcelles environnantes, les jeunes creusent encore en amont du ravin, sur les places publiques, des petits bassins d'infiltration ou un bassin de rétention des eaux. Ils sont souvent creusés sur le tracé de ruissellement des eaux pluviales qui débordent des cours des parcelles. Ce sont donc des dépressions artificielles creusées manuellement pour retenir les eaux et les infiltrer. Les jeunes renforcent leurs parois par des sacs de sable qu'ils 'végétalisent'. En 2005, un collectif d'associations communautaires a réussi à stabiliser 53 têtes d'érosion à travers la villello, avec l'appui d'une agence de coopération au développement, grâce surtout à cette technique de gestion rationnelle des eaux de ruissellement en amont (Muamba, 2007).
Le contrôle du ruissellement des eaux pluviales dans les ravins avec des 'buses' en fûts vides, des digues en sacs de sable, en pneus et des épaves de véhicules Le contrôle des eaux de ruissellement ne se limite pas seulement aux parcelles ou aux espaces publics du quartier, mais aussi dans le sillon même du ravin. Les jeunes placent aussi des fûts vides en chapelet dans les sillons de l'une des têtes du ravin afin de créer une sorte de 'buse'. C'est ce qui avait été fait à Mfuti en 1999 (bretelle de Mataba 1) pour mieux gérer et canaliser les eaux afin de préserver les habitations contre les éboulements. Mais, ces travaux provisoires peu robustes n'ont pas résisté à la violence des eaux pluviales, du fait que la section des fûts vides utilisés ne répondait pas au débit réel de ce bassin-versant. Les jeunes remplissent aussi de sable les sacs vides pour ériger des digues en les disposant perpendiculairement au sillon du ravin, c'est-à-dire parallèlement aux courbes de niveau. Avec cette disposition, les eaux pluviales, au contact de la 'barrière' de sacs de sables, ralentissent leur vitesse et déposent des sédiments. En d'autres termes, les sillons des ravins sont no Masina Mapela, Ngafani, Bangu, Okapi, Selembao, Masikita et Mbinza Maternité.
122
Mataba,
Lolo la Crevette,
Temaf
1,
'barricadés' par des 'murailles' de digues et diguettes constituées de sacs de sable pour permettre un remblayage naturel après une averse afin de reconstituer des profils stables. Avec le dépôt successif des sédiments, le niveau de la terre monte jusqu'à ce que la digue soit complètement remblayée et que les profils stables soient reconstitués. En effet, quand les digues sont remblayées, les jeunes passent à la deuxième phase qu'ils appellent 'deuxième étage', c'est-à-dire la surélévation. Le 'deuxième étage', ou encore 'le troisième étage', permet de récupérer le niveau du terrain naturel. Arrivé à ce niveau, l'érosion se stabilise. L'autoremblayage, pour arriver au niveau du terrain naturel, s'effectue après deux ou trois, voire quatre, saisons des pluies. Entre 1998 et 1999, le Programme national d'assainissement (PNA) en partenariat avec une agence de coopération au développement entreprit des travaux de lutte anti-érosive dans l'érosion de Kisangani (bretelle de Mataba 1) avec la méthode "nourriture contre travail" en impliquant les jeunes du quartier. Ils sont parvenus à stabiliser momentanément la tête principale de ce ravin grâce à la technique des sacs de sable. Il en fut de même en 2001 lorsque les Comités des pouvoirs populaires (CPP)lll reçurent un don gouvernemental de sacs pour lutter contre les érosions de Mangengenge (bretelle de Mataba 2). Bien que très répandue à Kinshasa, cette technique comprend quelques limites parce que les sacs en polypropylène s'usent quelques mois après avec les intempéries. C'est pourquoi, les riverains 'végétalisent' les sacs pour les protéger contre l'usure. Comme les fûts et les sacs coûtent cher sur le marché, les jeunes ramassent parfois des pneus usagés et les épaves de véhicules pour ériger dans les sillons des ravins des 'barrages' dans le sens de la pente. C'est une technique qu'ils utilisent dans de petits ravins peu profonds. Cette technique agit selon les mêmes principes que les seuils de pneus ou les digues en sacs de sable. Les pneus et les sacs aussi présentent des limites lorsque les travaux de talutage ne sont pas effectués concomitamment et correctement. C'est le cas de l'un des talus instables de la Drève de Selembao qui s'éboula après un orage du mois de mars 2003 et tua trois enfants d'une dizaine d'années qui jouaient dans le sillon.
III Organisations
populaires
et politiques à la base créées par feu le président
Kabila.
123
Laurent-Désiré
La stabilisation et la végétalisation fausses cannes et du vétiver
des talus avec des bambous,
de
Les travaux de terrassement dénudent certes les talus. C'est la raison pour laquelle les jeunes les végétalisent avec des plantes appropriées, comme par exemple les fausses cannes, les bambous, le vétiver, etc. qui sont des végétaux aux propriétés fertilisantes et fixatrices du sol. La végétalisation stabilise le sol et le protège contre le ravinement. En 2005, un collectif des associations communautaires repiqua 122 670 plantules sur une superficie de 53,4 ha pour ses travaux de végétalisation des sites érosifsl12. L'érosion de la Drève de Selembao vient d'être végétalisée avec du vétiver. L'usage du vétiver n'est pas encore très répandu parce qu'il coûte cher: un sac de 50 kg varie entre 30 $ et 50 $. Il en est de même de la fausse canne. Le jet d'ordures A défaut de toutes ces espèces végétales qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses, les ménages évacuent d'office leurs ordures dans les ravins. Comme ces ordures ménagères kinoises comprennent plus de 60% de déchets biodégradables, elles parviennent à fertiliser rapidement le sol, à le 'végétaliser' et à le stabiliser par la suite. Le couvert végétal non seulement
fixe le sol, mais y favorise aussi l'infiltration. A Kisenso, 18 % des ménages qui vivent à proximité de ravins y évacuent leurs ordures pour les mêmes raisons (Mbempongo, 2004). Cette pratique est très répandue à Kinshasa dans de quartiers collinaires érodables. C'est avec la même pratique qu'un projet pilote de ramassage des déchets ménagers de porte-à-porte dans dix communesl13 est parvenu à la fois à assainir la ville et à remblayer les érosions et les carrières désignées par les bourgmestres en y jetant des ordures. Comme résultat, environ 26 000 m3 de déchets évacués des parcelles ont été jetés dans les ravins (Lelo Nzuzi, 2007). Mais, la transformation des érosions en dépotoir a des conséquences aussi sur le plan environnemental si les sites d'accueil ne sont pas remblayés avec de la terre arable. En principe, le site érosif maîtrisé doit être interdit de constructions afin de permettre au couvert végétal de se fixer durablement. Hélas, ce n'est pas toujours le cas dans ces quartiers. Car aussitôt le site érosif traité, l'agriculture urbaine et les constructions s'implantent, fragilisent encore le
112Amukin, Bangu, Okapi, vallée de la Funa, Livulu, Pideco, Ngafani, Masina Mapela, Isalu, Masikita, Yandonge et Temaf 1. 113Financé par la Banque africaine de développement
124
pendant
six mois.
site et l'érosion redémarre avec des dégâts énormes. intervient pour financer des travaux de génie civil. 4.5.2 Les travaux mécaniques des entreprises avec les bassins d'orages et les collecteurs Les bassins
C'est alors que l'Etat
de génie civil
d'orages
Ils sont maçonnés ou pas et collectent les eaux pluviales en amont pour qu'elles n'alimentent pas les têtes du ravin. C'est le cas des travaux d'une entreprise locale de génie civil qui, dans les années 80, maçonna douze bassins d'orages pour lutter contre l'érosion Kandolo et protéger les pylônes électriques contre les effondrements dans la commune de Kisenso. Ces ouvrages tiennent encore bon jusqu'à maintenant après une vingtaine d'années. Ils sont facilement curables et il n'y a pas eu d'éboulement des façades. Les bassins d'orages deviennent très fragiles lorsqu'ils ne sont pas maçonnés ou curés régulièrement parce que le sable et l'argile qui s'y colmatent, rendent l'infiltration lente et les eaux érodent les parois par manque d'entretien. Ces bassins peuvent aussi être fragilisés par les constructions et cultures anarchiques sur les digues. Comme ces ouvrages, souvent considérés comme provisoires, ne sont pas dotés de déversoirs, leurs digues fragilisées cèdent brutalement lors de fortes pluies, causant beaucoup de dégâts en aval. C'est le cas de l'effondrement nocturne, lors de la pluie du 18 mai 2002, de la digue du bassin d'orage aménagé en amont de l'érosion de la Drève de Selembao et avec comme conséquences dix maisons détruites, une femme et ses deux enfants tués, III 652,9 $ de dégâts matériels (Lelo Nzuzi, 2003). C'est aussi le cas de l'effondrement, lors d'une grande pluie, de l'autre bassin d'orages érigé par le corps du génie militaire sur le même site et avec comme résultats: quatorze maisons en matériaux durables et 3 hangars détruits (Lelo Nzuzi, op.cit.). Réputés fragiles lorsqu'ils ne sont pas régulièrement curés, les bassins d'orages non entretenus causent des dégâts encore plus graves dans les zones à forte densité de population lorsqu'ils cèdent subitement. C'est le cas de la rupture du bassin d'orages de l'érosion Bolikango en 2001 : cinquante riverains tués, selon le rapport de l'hôtel de Ville de Kinshasa. C'est le cas aussi de la rupture de huit bassins d'orages de l'érosion Mataba érigés en 1974 par une entreprise locale en amont des avenues riverainesII4 et qui ont cédé successivement en 1979, 1985, 1992 et 2000 : une dizaine de maisons emportées en 1979 sur Kamina (Lelo Nzuzi, op.cit.). Encore à Mataba en 1J.IMfuti (3 bassins), Sankuru (3 bassins), Popokabaka
125
(1 bassin), Kamina
(1 bassin).
2002, un bassin aménagé et 'sous-dimensionné' dans l'enceinte de l'école primaire Mbinza, par un collectif des associations communautaires, avait cédé peu de temps après et creusa profondément les ravins Kinsiona et Bumbu en aval. Le seul et grand bassin d'orages non maçonné qui tient encore aujourd'hui, et qui est cité comme exemple, est celui de l'érosion Masikita aménagé par l'O\TD en 1999. Doté au départ d'une motopompe pour évacuer le trop plein d'eaux, il a une capacité de 10 000 m3 et fonctionne apparemment bien jusqu'à maintenant parce que bien dimensionné, végétalisé et implanté dans une zone de faible densité démographique. Les bassins d'orages sont des ouvrages provisoires qui précèdent la construction de collecteurs. Lorsque le collecteur est construit, les eaux sont bien canalisées et le site est assaini, les entreprises remblayent parfois le bassin d'orage pour éviter des dégâts après leur rupture. Les collecteurs L'eau de pluie a une action dévastatrice surtout lorsqu'elle tombe sur un sol sans drainage et sans végétation. Cette eau qui arrive au sol comprend deux fractions, soit qu'elle s'infiltre dans le sous-sol pour l'imbiber, soit qu'elle ruisselle en surface. Ce sont les eaux de ruissellement qui sont les plus dangereuses à cause, non seulement, de leur vitesse et quantité mais aussi de la dénivellation du terrain. Si les précautions ne sont pas prises pour la drainer, elles deviennent donc dévastatrices. Les collecteurs servent à évacuer et éloigner rapidement ces eaux pluviales en dehors du site environnant par les chemins les plus courts, à assécher le sous-sol et à mettre la plate-forme et les chaussées à l'abri des infiltrations provoquées par les eaux stagnantes. Les collecteurs de la Drève de Selembao à Ngaliema et de Kivulu à l\1ont-Ngafula sont les dernières réalisations dans la ville. Les entreprises prévoient les cheminements piétons. Et les dalots permettent aux piétons de franchir les collecteurs. Ces dalots sont de préférence le prolongement des cheminements piétons existant dans le quartier. Les pouvoirs publics dotent parfois les cités de collines planifiées de collecteurs soit pour disperser les eaux de ruissellement sur le site environnant, soit pour mettre les chaussées à l'abri des infiltrations provoquées par les eaux stagnantes. Mais ces collecteurs sont des couteaux à double tranchant: soit ils protègent la cité, soit ils la détruisent. Ils la protègent et l'assainissent lorsqu'ils sont entretenus et maintenus en bon état. Ils la détruisent lorsqu'ils sont bouchés par du sable ou des immondices.
126
C'est le cas de la destruction de plusieurs collecteurs évoqués ci-dessus et qui sont à l'origine de gigantesques ravins. Des études démontrent que les Kinois transforment consciemment les collecteurs en décharge publique car c'est à partir de ces ouvrages de drainage qu'ils évacuent leurs ordures. Ainsi, par exemple, 6,2% des ménages kinois, d'après MICS 2, évacuent leurs ordures sur la voie publique, y compris dans son système de drainage; et 13% à Lingwala et Ngaliema évacuent leurs déchets de la même manière, selon Lelo Nzuzi et Tshimanga Mbuyi (op.cit.). Et pourtant, les Kinois savent pertinemment bien que le bouchage du collecteur entraîne sa destruction et celle du quartier. Ils savent aussi que la construction ou sa réhabilitation exige souvent des déguerpissements, des expropriations et les démolitions de leurs habitations. Malgré cela, ils jettent leurs immondices dans le collecteur dans l'espoir de les voir évacuées avec les eaux pluviales.
Conclusion Kinshasa s'effondre sous le fléau de l'occupation spontanée sans équipement de réseau de drainage. Les phénomènes érosifs se manifestent à partir de pentes supérieures à 4%, avec l'apparition d'érosions régressives aux graves conséquences sur les personnes et leurs biens: destruction des maisons, dégradation des équipements, pertes de vies humaines, enclavement de vastes quartiers, inaccessibilité des véhicules, déclin des sites. L'érosion en nappe, quant à elle, fait baisser le niveau du sol et déchausse les ouvrages sur son passage par affouillement. Les conséquences de cette destruction des versants des collines sont catastrophiques et provoquent, avec les glissements des talus, des dégâts énormes: ensevelissement de l'habitat en faisant hausser rapidement le niveau du sol de plusieurs mètres en contrebas; obstruction du réseau de drainage, ensablement des rivières suivi d'inondations, développement de marécages, naissance de gîtes larvaires et prolifération de moustiques. Le trésor public dépense et gaspille d'énormes sommes d'argent à Kinshasa pour réparer les dégâts consécutifs au laxisme des pouvoirs publics et à l'insouciance des populations. Or, les pouvoirs publics devraient plutôt d'abord mettre en place une politique d'urbanisme et de l'habitat, ensuite celle de prévention des catastrophes afin de ne pas subir les malheureux événements comme c'est le cas maintenant. Une question reste à poser en ce qui concerne l'accompagnement des populations. N'est-il pas de la responsabilité des pouvoirs publics d'éduquer cette population pour qu'elle gère bien son espace et qu'elle n'incrimine pas les sorciers d'être à la base des érosions urbaines? Ne faudrait-il pas privilégier plutôt la prévention? 127
Chapitre 5
Anarchie foncière et inondations urbaines
L
E CHAPITRE
montre la chance qu'a Kinshasa d'être traversée par plusieurs
rivières mais qui malheureusement causent des inondations chaque année avec beaucoup de dégâts humains et matériels. Le chapitre passe en revue toutes les sortes d'inondations dont sont victimes les populations riveraines. Il présente enfin les méthodes utilisées par les populations pour lutter contre ces érosions. Il se structure en quatre points. Le premier décrit l'hydrographie de la ville avec toutes les rivières qui drainent Kinshasa. Le deuxième fait la typologie des inondations de Kinshasa. Le troisième présente les conséquences des inondations sur l'espace et sur les populations. Le quatrième donne le répertoire de toutes les techniques que les Kinois utilisent pour lutter contre les inondations.
5.1 . Les rivières Kinshasa gabarits mais de telles 'les veines rivières coulent décrites dans hydrographique
115Point d'impact,
est traversée par une vingtaine de rivières de différents direction généralement sud-nord, plus ou moins parallèles, et artères dans le corps d'un homme'115 (carte n° 18). Ces dans des vallées soit envasées, soit encaissées qui seront les paragraphes ci-dessous. Cet important bassin ne comporte pas que des avantages car ses rivières
bimensuel
gratuit indépendant
2007, nOlO, p. 9.
129
d'informations
générales en RDC,
10 juillet
occasionnent des inondations avec des dégâts énormes personnes et sur l'environnement.
Carte n° 18
sur les biens et les
Les grandes rivières de Kinshasa
Â
Légende ./,'\, .,'Rivière de rEst NRivière
N
de l'Ouest
Route
Echelle: 1/100.000
5. 1. 1 Les riv/ëres des vallées envasées Ndjili et Nsele sont des rivières allogènes (Flouriot et al, 1975), c'està-dire nées en dehors de Kinshasa. Toutes les deux viennent de la province voisine du Bas-Congo. Elles coulent doucement dans les vallées en auge de la plaine de l'est en charriant des sédiments importants. Comme conséquence, elles s'ensablent régulièrement et leurs lits sont peu profonds. La rivière Ndjili est le cours d'eau qui a donné son nom à la commune qu'il 'effieure' à peine. Elle coule dans une plaine alluviale de 280 m d'altitude et draine les communes de Kimbanseke, Ndjili, Kisenso, Matete, Limete et Masina. Sur sa rive gauche, elle reçoit d'abord les eaux de la Kwambila qui vient des collines du mont Amba, ensuite celles de la Mumfu et de la Matete issues des collines de Kisenso. Elle reçoit aussi un important apport d'eau de son principal affiuent sur la même rive: la Lukaya. Sur sa rive droite, elle ne reçoit que les eaux de petits cours d'eau de faible importance. Elle coule avec des méandres à travers les larges vallées en berceau, colonisées par beaucoup de sites maraîchers. Le bassin-versant de Ndjili a une superficie de 1980 km? et se jette dans le fleuve Congo par un
130
delta aux bras anastomosés à une altitude de 275 m où ses alluvions se mélangent avec celles du fleuve (de Maximy, 1975). La rivière Nsele donne aussi son nom à la commune qu'elle traverse de part et d'autre. Elle est surtout alimentée en eau à partir de sa rive droite par d'innombrables cours d'eaux de divers calibres qui dévalent le plateau des Batekes. Elle a un bassin de 6 000 km2 et coule avec beaucoup de méandres également dans une large vallée inondable de 280 à 350 m d'altitude. Elle 'trace' la limite de l'extension lointaine vers l'est de la ville actuelle. La Ndjili et la Nsele, bien qu'excentrées et peu profondes, sont les seules grandes rivières de la ville navigables en pirogue sur plusieurs kilomètres. Nsele quitte aussi son lit et cause peu de dégâts, d'autant plus qu'elle coule dans une zone très faiblement habitée. Par contre, la Ndjili occasionne beaucoup de sinistres, surtout qu'elle traverse des quartiers très densément peuplés. D'autres cours d'eaux dont les principaux sont la Tshangu, la Mangu, la Mokali et la Tshuenge 'entaillent' la plaine de l'est entre les rivières de Ndjili et de Nsele. Toutes leurs sources se trouvent aux pieds des collines de l'est dont les pentes varient entre 12 et 20% et où se développent aussi des cirques d'érosion (Pain, 1973). Tous ces cours d'eaux, hormis la Nsele, traversent des quartiers densément peuplés qui souffrent des affres de leurs inondations. La Tshangu est le plus important cours d'eau sur le site bâti et dense de Kinshasa entre la Ndjili et la Nsele. C'est pour cela qu'il a donné son nom au district administratif urbain le plus peuplé à l'est de la ville. Il est issu des collines du sud de Kimbanseke, vers le quartier 13. Son bassin est de 45 km2. (Mulumba, 1997). Il conflue aussi en aval avec le ruisseau de Nsanga et draine les quartiers de Kimbanseke, Ndjili et 1\1asina où il reçoit les eaux de la Mango116 (12 km) avant de se jeter dans le fleuve Congo. La Mangu et la Mokali reçoivent, elles aussi, les eaux de plusieurs petits ruisseaux de la contrée. Leur tracé est plein de méandres (Lukengo, 2007). La Tshwenge vient de collines de la Nsele à 340 m d'altitude. Elle draine les communes de Kimbanseke et de Masina. Elle reçoit peu de ruisseaux avant de se jeter dans les marécages du fleuve. Enfin, la Matete est le principal affiuent de la rivière Ndjili. Il draine une partie des communes de Lemba, Mont-Ngafula, Matete, Limete et Kisenso où il prend sa source. Il parcourt sur 10 600 m un bassin versant très densément habité d'environ 1276 ha avant de se jeter dans la Ndjili avec un débit de 110m3 / s. (lGIP, op.cit.). La présence de constructions anarchiques, 116Née également
à Kimbanseke.
131
de tas d'immondices, d'épaves de véhicules et de sable sur ses berges l'encombrent et réduisent sa compétence. Les digues formées par des tas d'ordures de part et d'autre de la rivière canalisent la rivière mais réduisent aussi ses capacités d'écoulement. 5. 1.2 Les rivières des vallées encaissées Ce sont des rivières dites localesll ï (Flouriot et al, op.cit.), c'est-à-dire nées sur le site de Kinshasa. Toutes ces rivières qui parcourent des vallées encaissées naissent aux pieds des collines dont les pentes sont supérieures à 20%. C'est sur ces versants raides que se développent aussi des cirques d'érosion (pain, 1973). Ces cours d'eaux causent beaucoup de dégâts à cause de leurs pentes, de l'apport de leurs affluents et de leur vitesse d'écoulement. De toutes ces rivières, la Lukunga est classée parmi les plus importantes. C'est la raison pour laquelle elle a donné son nom à l'un des districts administratifs urbains de Kinshasa. Les rivières Lukunga et Mbinza drainent des zones habitées, généralement non planifiées. Le bassin-versant de la Lukunga 'trace' naturellement la limite ouest bâtie de Kinshasa. En effet, la Lukunga prend sa source à l'ouest sur les collines de Ngomba Kikusa à 520 m d'altitude dans la commune de Ngaliema. Sa largeur moyenne ne dépasse pas 10m et sa profondeur est de moins de 2 m parce que surchargée de sédiments. Elle draine les quartiers de Ngaliema, Cité Mama Mobutu et une partie de Mont-Ngafula et sert de limite entre les communes de Ngaliema et de l\1ont-Ngafula. Elle est alimentée sur sa rive droite par deux cours d'eau: d'abord, par l'Ikusu qui prend sa source sur le même versant à 400 m d'altitude; ensuite par la Mbinza née à 480 m d'altitude sur le versant de Djelo Mbinza. Avant de se jeter sur la Lukunga, la l\1binza reçoit, elle-même, les eaux des ruisseaux Kimau et Mambome. La rivière Mbinza coule dans la vallée appelée communément 'mayi ya zelo'll8 en bas de la route de Matadi dont le tracé passe sur la crête. La Lukunga se jette dans le fleuve au niveau des chutes de Kinsuka. La rivière Lubudi prend sa source au pied du versant de Djelo Mbinza à 450 m d'altitude. Les deux bras de la rivière Makelele naissent sur les collines de Camp Luka à 400 m d'altitude et viennent jeter leurs eaux sur la rive gauche de la Lubudi au niveau de la commune de Bandalungwa. C'est en traversant cette dernière commune que la Lubudi prend le nom de Makelele. Cette dernière reçoit encore sur sa rive droite, en traversant la III
Bumbu,
Funa,
Kalamu,
Basoko,
Lubudi,
Mampenza, Yolo, Matete, etc. lIB Rivière sablonneuse en lingala, la langue locale.
132
Makelele,
Lukunga,
Mbinza,
Basoko,
commune de Kintambo, les eaux de la rivière Basoko venant des collines de Bumbu après avoir drainé Ngiri-Ngiri et Bandalungwa. La Basoko traverse une grande zone maraîchère, appelée communément 'la pépinière', avant de se jeter dans la Makelele. Ses eaux servent à arroser les légumes de cet espace maraîcher. La Basoko se jette dans le fleuve au niveau de la baie de Ngaliema. Le bassin de la Lubudi-Basoko comprend de grands collecteurs comme Maniema, Komoriko, Inongo, Bandundu, Lofoyi et qui drainent les eaux vers le fleuve en passant par ~,1akelele. Peu connue des Kinois en comparaison des deux précédentes, la rivière Mampeza est une petite rivière sans histoire à la dimension d'un ruisseau. Son cours d'eau principal et ses bras viennent du versant de La Devinière. Ils drainent le secteur nord du quartier Ngaliema, traversent la place commerciale appelée 'Kintambo Magasin' et le chantier naval de Chanic avant de se jeter dans le fleuve au niveau de la baie de Ngaliema. La rivière Bumbu (Il km) et Funa (9 km) sont des rivières nées sur les collines du sud, plus précisément sur les hauteurs de Mont-Ngafula et de Mont-Amba. La Funa a d'ailleurs donné son nom à l'un des districts administratifs urbains de Kinshasa. Les deux cours d'eaux coulent parallèlement à travers les communes de Bumbu, Mont-Ngafula, Selembao, Makala et se joignent plus loin dans la commune de Kalamu. C'est à partir de cette jonction que le cours d'eau est appelé communément la rivière Kalamu parce qu'elle traverse la commune du même nom. Cette dernière est aussi réputée pour ses nombreux sinistres lorsqu'elle traverse en inondant ladite commune. Ici, la rivière est large de 2 à 3 m et profonde de 1 à 3 m. La rivière Kalamu conflue avec la rivière Yolo avant de se jeter dans le fleuve Congo. De la source à l'embouchure, la Bumbu et la Funa parcourent près de 20 km avant de se jeter aussi dans le fleuve Congo à proximité de l'état-major des forces navales baignant dans son parcours les communes de Selembao, Bumbu, Mont-Ngafula, Lemba, Makala, Kalamu, aéroport de Ndolo et Limete, etc. La rivière Funa passe par Mont-Ngafula, Lemba, Makala, Kalamu, etc. En aval, elle est canalisée et bétonnée sur le tronçon entre les avenues Sendwe et Victoire, mais ces constructions se dégradent et commencent même à s'effondrer à cause de la vétusté. De la source à l'embouchure, la rivière traverse sur son parcours des quartiers denses où les populations la 'traitent' malheureusement comme une décharge publique. Les déchets jetés dans la rivière s'entassent plus particulièrement en amont des ponts. Ce qui réduit non seulement les capacités d'écoulement des tirants d'air des ponts qui franchissent la rivière et son débit (IGIP, op.cit.), mais aussi son lit parce que ses compétences diminuent sensiblement en saison des pluies. Son lit se sédimente régulièrement avec du sable en provenance des érosions situées en amont du bassin-versant. Le bassin de la Funa compte de grands collecteurs 133
comme Kalamu, Gombari, Kasa-Vubu, Elengesa, Shaba, Victoire, Oshwe, Permanence, Djabir et Saïdi. Ils drainent les eaux vers le fleuve en passant par Bokassa. La Yolo prend aussi sa source sur les versants du mont Amba dans la commune de Lemba et parcourt trois communes: Lembal19, Ngaba120 et Limetel21. Longue de 12 km, large de 3 à 5 m, profonde de 1 à 3 m, la Yolo est alimentée aussi par les eaux de divers petits ruisseaux et collecteurs (Bolya, 2004). Avant l'Indépendance, la rivière avait, à certains endroits, une largeur de 6 à 9 m mais elle s'est beaucoup rétrécie avec les rejets des ordures pour l'endiguer contre les inondations. La Yolo coule dans une plaine dont la pente varie de 0 à 4% (pain, 1974). La rivière est contrainte à une baisse progressive de la vitesse d'écoulement de 0,34 mis (Kimvula, 1994) parce que les riverains la considèrent comme une décharge publique. Le bassin de la Yolo (10,58 km2) compte quelques grands collecteurs comme Arwimi, Elila, Motima, Ezo, Mbuji Mayi, Itimbiri qui conduisent les eaux vers le fleuve en passant par Limete. Le débit calculé de la rivière est de 5,25 m3Is; tandis que le débit de crue de novembre et décembre 2000 était de 64,47 ml s (Bempongo, 2002). Les rivières Kalamu et Yolo sont bétonnées partiellement en aval où les eaux sont canalisées. Actuellement, ces canalisations présentent un état de dégradation très avancé par manque d'entretien. Il est important de rappeler que la Gombe et la Bitshaku Tshaku, classées abusivement comme des rivières locales, sont plutôt des collecteurs d'eaux pluviales à ciel ouvert qui se transforment en cours d'eaux, à leur embouchure, avant de se jeter dans le fleuve Congo. Contrairement aux autres rivières kinoises qui se dirigent du sud vers le nord, la Gombe est l'unique 'rivière' de la ville orientée est-ouest. Son tronçon le plus long se situe dans la commune qui porte le même nom; alors qu'elle prend sa source dans la commune de Lingwala sur l'avenue des Huileries à proximité du camp de la police Lufungula. Elle est longue de 4 300 m, profonde en moyenne de 2 m et large de 6 m par endroits. Ses principaux collecteurs sont Kabambare (300 m), Usoke (500 m), Ebeya, Province (400 m) et Itaga dans la commune de Kinshasa, et Titule, Isangi (526 m), Huileries (1048 m), Mushie, Kutu 1 et Kutu 2 dans la commune de Lingwala. En bref, Gombe draine une partie des eaux de la commune fortement urbanisée de Lingwala. L'autre grand collecteur, Bitshaku Tshaku 122,prend sa source au croisement des deux avenues Croix-Rouge et Marché et débouche dans le fleuve au lI9 Quartiers 120 Quartiers 121 Quartiers
Salongo, Echangeur, Kimpwanza et Foire. Mateba, Bulambemba, Mukulua et Mpila. Mombele, Funa, Socopao, Offitra, Dilandos,
Mvula, N zadi, Mososo et Industriel. 122Les égouts en langue locale, le lingala.
134
Paka Djuma,
Bribano,
Mfumu
niveau des installations du chantier naval Onatra à Ndolo, et ce après avoir franchi en souterrain la zone industrielle de la commune de Gombe qui borde le fleuve. Long de 3 km, profond de 2 m et large de 6 m, il collecte les eaux usées des communes de Barumbu, Kinshasa et Gombe. Ses principaux collecteurs sont DCMP, Itaga, Nyanza, Kabambare et Bakongo dans la commune de Barumbu et Kabinda, Kongolo, Kabambare, Marché, KasaVubu, Kilosa et Plateau dans la commune de Kinshasa. Ces deux collecteurs qui recueillent naturellement les eaux de pluie ne sont que partiellement aménagés, précisément en aval. La maçonnerie est détruite à certains endroits. Les eaux pluviales qui ruissellent dans les quartiers se déversent dans le collecteur grâce à un système de caniveaux non couverts et à un réseau de drainage enterré le long des voiries principales. Les ordures et divers déchets solides non ramassés sont jetés directement dans le collecteur en obstruant son lit, les passerelles et les dalots et en diminuant son débit. A Barumbu, les habitations bordent le canal. Malgré les efforts importants de curage régulier, sa compétence baisse considérablement à cause de tous ces déchets solides municipaux qui l'encombrent. La tranchée bétonnée Cabu sert en aval aussi pour drainer les eaux pluviales des communes de Lingwala, Kinshasa, Kasa-Vubu et Kalamu. Bétonnée sur l'ensemble de son tracé, elle est actuellement très fortement encombrée par les immondices et du sable et elle ne joue donc que partiellement son rôle. Comme on vient de le décrire, Kinshasa compte plusieurs rivières. Ce qui est une opportunité pour l'agriculture urbaine et l'assainissement urbain. Mais, les mêmes rivières inondent fréquemment la ville pendant la saison des pluies.
5.2. Les inondations Kinshasa est victime de plusieurs types d'inondations qui vont être analysées dans les paragraphes ci-dessous. Il s'agit des inondations dues aux crues des cours d'eau, aux ruissellements urbains et aux torrents boueux. Les causes de ces inondations sont intimement liées, soit au climat, soit au site. Les causes générales sont climatiques et peuvent être cadrées dans la circulation atmosphérique intertropicale. Cependant, les causes spécifiques sont liées au cadre physique de la ville. Tous les cours d'eaux inondent les cités des plaines pendant la saison des fortes pluies. Les archives de la Régie des voies fluviales indiquent les montées maxima des eaux à Kinshasa à 6,26 m, le 17 décembre 1961. Les observations sur le niveau des eaux dans le port de Kinshasa indiquent un rabattement de 3 m entre les saisons. La variation maximale entre le niveau 135
d'eau maximum et minimum connue est d'environ 6 m (Mbokolo, 2003). Elles indiquent aussi que les crues séculaires peuvent dépasser 5,55 m, les quinquennales 4,ï 1 m, les décennales 4,91 m, tous les 25 ans 5,08 m ; tous les demi siècles 5,25 m. Elles montrent aussi qu'il y a un risque à Kinshasa d'atteindre 2 fois par an 50 mm d'eau en 90' ; 1 fois par an 60 mm d'eau en 90' ; 1 fois tous les 5 ans, plus de 80 mm d'eau en 90' ; 1 fois tous les IOans, plus de 95 mm d'eau en 90'. Pour mieux appréhender la notion de niveau d'eau, il faut savoir que 1 mm d'eau représente Ilitre/m2 soit 10 m3/ha. Comme ces chiffres l'indiquent, les causes principales des inondations à Kinshasa ont une origine liée au climat. Les pluies torrentielles qui tombent en un temps très court dans des quartiers mal urbanisés et incapables de canaliser des grandes quantités d'eau déversées provoquent les débordements des rivières surchargées et des égouts mal entretenus. Les inondations sont considérées comme un phénomène naturel normal lorsqu'elles ne causent aucun dégât. Mais la forte pression démographique et les constructions anarchiques sur des sites inondables transforment ces inondations en calamités. Elles dévastent, endommagent, tuent, emportent biens et équipements et causent des maladies hydriques. Le nombre et la fréquence des inondations survenues ces dernières années à Kinshasa dénotent l'ampleur du phénomène. L'adage populaire qui dit 'qu'après la pluie, c'est le beau temps' ne s'applique pas tout à fait à Kinshasa car les Kinois disent plutôt 'après la pluie, c'est le bel étang' (sic). C'est une triste réalité, mais cette expression kinoise est un fait vécu. Là où les maisons sont bâties sans fondation et sur des sites non aedijicandi, les habitants prennent la précaution de ne pas dormir chez eux quand l'orage gronde. Malgré cette prudence, ils sont souvent surpris par la violence des fortes pluies et tous ces quartiers sinistrés offrent les mêmes spectacles de désolation: des dizaines de maisons emportées, des cultures détruites, des routes coupées, des murs fissurés, des meubles abîmés, des appareils électroménagers noyés, des morts, etc. Dans d'autres quartiers cependant, les mêmes scènes se répètent après l'orage: les sinistrés munis de balais et de seaux évacuent les eaux des rivières, si petites soient-elles, qui inondent leurs habitations. Kinshasa compte deux types de zones inondables (carte n° 19). Les premières se situent dans la plaine d'inondation du fleuve Congo et dans la basse terrasse des quartiers de Kingabwa et Ndolo, etc. Le site le plus vulnérable dans cette plaine est Kingabwa à cause de la remontée intempestive de la nappe phréatique, essentiellement tributaire de l'hydrologie du fleuve Congo. Les secondes sont en bordure des rivières dont les quartiers Abattoir, des l\1arais, Ndanu, Salongo, Yolo, etc. Les inondations ne se manifestent pas avec la même intensité dans toutes ces zones. Comme elles ont souvent des causes spécifiques, elles 136
dépendent de la nature des précipitations bassins-versants 123.
Carte n° 19
Les zones
et surtout des caractéristiques
inondables
des
de Kinshasa
Congo
Â
LégMde :::;:::~4Qneb~$$e(MarécageJ
IV
ROQt$
/V Rivière .
:.': Zone cfinondation Zone (finondatJoh
~
Echelle:
1...2 jours 2...3 Jours
Zone déro$ion
1183.000
5.2. 1 Les inondations
dues aux crues des cours d'eau
Le mauvais curage et le non-aménagement des cours d'eau sont à l'origine des fréquentes inondations et de leur aggravation. Les populations riveraines ignorent que la modification du tracé, l'encombrement des berges et le bouchage des tirants d'air par des tas de sable (sédiments) et des déchets solides (ordures, épaves des véhicules, troncs~ d'arbres, etc.) font obstacle à l'écoulement des eaux et provoquent des inondations (carte n020).
- Les inondations dues à la remontée lente des rivières Elles sont fréquentes dans la vallée de la Ndjili et résultent d'une succession de pluies dans la province voisine du Bas-Congo où la rivière prend sa source. C'est une inondation très particulière car la rivière quitte doucement son lit et gagne progressivement les quartiers riverains de Matete, Masina, Limete et plus particulièrement de Kisensol24. C'est vraiment une 123Taille, topographie, géologie, pédologie et aménagement. 12-/Kisenso-Gare, Dingi Dingi, N sola et Kabila.
137
inondation singulière car elle survient même lorsqu'il ne pleut pas à Kinshasa. La lenteur de la montée des eaux à environ 1 m de hauteur du niveau de la lame d'eau (Moke, 2002) donne le temps à la population de se mettre à l'abri ou de déguerpir. Les rapports de la commune de Kisenso indiquent des désastres de ce type d'inondation en avril et mai 2002 : 32 rues, 711 maisons, 5870 personnes, 1 école (Kitomesa), 1 dispensaire (Tabita), 1 ferme (Nzeza Nlandu) sinistrés. A Matete, les quartiers de MazibaI25, MalembaI26 et de Marais situés le long de la Ndjili sont souvent inondés sur une étendue de 4,4 km2 et 'sinistrent' régulièrement environ 16 441 habitants (Bolya, 2005). Il en est de même à Masina où les quartiers Abattoir (1 128 maisons) et Sans-Fil (327 maisons) souffrent des inondations de cette rivière. Limete est aussi touchée par ce type d'inondation et particulièrement les quartiers de Salongo (135 maisons) et Ndanu (235 maisons) (Bolya, op.cit.).
Carte n° 20
Les inondations de remous
Légende
Remous
:mmm:m:mmm:.
Echelle:
Rivière Marécage
1\/
Route principale
D
Lirnitedecommune
125 Localités 126 Localité
Ekwete
1/'100.000
Â
et Mozindo.
Tshiboko.
138
- Les inondations
dues à la remontée
rapide des rivières
Elles proviennent de l'ensablement du lit des rivières par des sédiments en provenance des érosions et surtout du dysfonctionnement des exutoires naturels, lesquels sont réduits à de simples décharges publiques des ordures et autres déchets solides municipaux. La rivière Funa inonde notamment à cause du débordement de son cours dont le débit augmente sans cesse du fait de l'urbanisation rapide de la zone collinaire sans que son gabarit ou que sa capacité d'évacuation ne soient surdimensionnés. La rivière Bumbu inonde notamment parce que le volume de terre emporté par l'érosion de la Drève de Selembao (700 000 m3) dans son lit (Lelo Nzuzi, 2003) ralentit l'écoulement des eaux. L'apport de terre de l'érosion Mataba 2 à Ngaliema (1 852 000 tonnes) dans le lit de la rivière Mbinza (Lelo Nzuzi, op.cil.) rend irrégulier le lit du cours d'eau. La sédimentation de la rivière Lukunga avec l'apport de terre (6 151 000 tonnes) issu de l'érosion Masikita encore à Ngaliema (Lelo Nzuzi, op.cil.) a aussi un impact sur le tracé du cours d'eau. C'est aussi le cas de plusieurs quartiers non urbanisés de Limete comme Mososo, Paka Djuma et Funa, inondés par les rivières de Funa/Kalamu et Yolo lors de la pluie du 13 février 2007 et qui sont restés sous l'eau pendant deux jours. Les sinistrés passèrent alors leur temps à évacuer la boue et les ordures charriées par les eaux de pluie. De tels cas sont fréquents dans la plaine de Kinshasa. Un quartier non urbanisé comme Uélé à Makala, avec ses 10 862 habitants, construit le long de la rivière Funa, est régulièrement victime des inondations à montée rapide de ce cours d'eau; tout comme le quartier Mukulua, avec ses 20 rues, 6 027 habitants et 389 maisons sur les 980. La rivière Kalamu inonde aussi, notamment à cause de l'obstruction de ses ouvrages par les déchets solides municipaux comme les immondices et les épaves des véhicules entraînés par les flots. Ces déchets constituent des facteurs qui ralentissent la compétence de la rivière. Ils font monter le niveau et détournent les eaux vers les anciens chenaux. Les ouvrages d'art, euxmêmes, constituent aussi souvent un obstacle à l'écoulement de ces déchets solides que les riverains jettent dans les rivières. Les ménages de Barumbu (28%) évacuent leurs ordures ménagères à Bitshaku- Tshaku. Ces déchets bouchent les ponts et les buses du collecteur en provoquant des crues (Djangi, 2002). Il en est de même des ménages de Paka-Djuma à Limete (48 %) qui déversent leurs immondices dans la rivière Yolo (Bolya, 2004) et de ceux qui sont riverains de la rivière Kalamu (35%) qui utilisent le même mode d'évacuation (Bokolo, 2004). Il en est de même des ménages riverains (59%) de la rivière Mangu à Masina qui s'y 139
débarrassent de leurs déchets ménagers (Lukengo, 2007). Aussi, les arbres et ordures jetés dans les rivières de Basoko, Kalamu, Yolo, etc. bouchent les tirants d'air des ponts et forment des retenues avec une remontée rapide des eaux. Avec un tel mode d'élimination des déchets, il n'est pas surprenant de voir les rivières quitter rapidement leur lit à la moindre pluie pour mettre les quartiers riverains sous l'eau. Plus récemment encore, Kinshasa a enterré 31 de ses fils tués par les inondations des cours d'eau lors des pluies diluviennes la nuit du 25 au 26 octobre 2007 où il est tombé 228 mm d'eau (station de Mbinza météo) à l'ouest de la ville, 77 mm (station de Ndjili aéroport) à l'est. Il faut ajouter à ces morts des dizaines d'infrastructures et maisons détruites par la violence des eaux pluviales dans les quartiers collinaires à l'ouest de Kinshasa où les trombes d'eau et les rivières débordées comme Makelele, Lubudi, Lukunga, Bumbu, etc. ont fait 3000 sinistrés. Pour bien percevoir l'ampleur de l'orage, il faut rappeler que novembre est le mois le plus pluvieux de l'année car, pendant cette période, il tombe à Kinshasa en moyenne 250 mm d'eau. Or, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2007, il est tombé à l'ouest de la ville presque autant d'eau: 228 mm.
- Les inondations dues aux crues du fleuve Congo Ce sont des inondations dues à la remontée rapide des eaux du fleuve Congo. Elles surviennent pendant la période des pluies torrentielles en amont du fleuve et aussi lorsque les eaux des rivières d'Ubangui et Kasaï12ï montent rapidement. Les inondations affectent les cités qui se situent dans la basse terrasse, le long du fleuve, comme Kingabwa, Ndolo, Masina, Kinsuka, etc. L'ancienne grande inondation à montée rapide du fleuve remonte à 1962. Elle avait atteint, au niveau de la station limnométrique du port de Kinshasa, la hauteur de 6,20 m le 25 décembre alors que la cote d'alerte est de 5,20 m (Kipoy, 2000). Cette crue toucha les communes construites dans la basse terrasse du fleuve: Limete, Gombe, Barumbu, Lingwala, Masina et Ngaliema (Mbokolo, 2003). La récente grande inondation due à la remontée rapide du fleuve date de 1999, selon la Régie des voies fluviales, avec des dégâts énormes dans les cités riveraines. Elle a amené les autorités urbaines à créer 40 sites pour héberger 65 000 sinistrés soit 13 000 familles dont plus de 70% étaient issues de Kingabwa et logées sur 34 sites avec 31 194 personnes, soit 6 239 familles.
127Les grands affluents du fleuve Congo.
140
Depuis lors, Kinshasa n'a plus cOD-nu d'inondations d'une telle ampleur. Le pire n'est pas à écarter dans les années à venir avec les perturbations climatiques observées à travers le monde. Les prévisions de Kipoy (2000) indiquent que plus de 30% de la population de Gombe, Barumbu, Lingwala, Limete, Masina, Ngaliema et Mont-Ngafula, soit 800 000 à 1 000 000 d'habitants seraient directement inondées à une cote limnométrique de 5,20 m au niveau de la station du fleuve Congo. Et c'est presque la totalité de la population (2 000 000 d'habitants) de ces communes qui seraient inondées à une cote limnométrique de 6,20 m. (Mbokolo, op.cit.). Les sites les plus régulièrement touchés actuellement par les inondations, même si le fleuve ne monte qu'à un faible niveau, sont les quartiers Kingabwa Pécheurs, Sans-Fil, Maman Zenze, Mbamu, Nzadi, GrandMonde et Bribano dans la commune de Limete ; Ndolo, Port-Baramoto, Port-Maman Ngalu, Port-Mayele, Port-Nzimbi, Orgaman et autres dans la commune de Barumbu. Ces localités sont victimes de trois types et périodes d'inondations. Elles le sont faiblement en avril et mai, moyennement en septembre et fortement entre octobre et décembre. C'est le quartier Kingabwa-Pécheurs communément appelé 'Grand Monde' qui souffre régulièrement des crues du fleuve Congo parce qu'il est construit dangereusement à 275 m d'altitude, sans aucun aménagement préalable, sur le lit majeur de tous ces cours d'eau inondables alors que déjà au niveau du chantier de Ndolo, les eaux à l'échelle d'étiage sont à 320 m. Avec les crues du fleuve Congo, Kingabwa-Pêcheurs sur 13 ha, 1030 ménages, 6080 habitants et 306 parcelles enregistrent souvent des dégâts matériels et humains importants tels que le montre partiellement le tableau ci-dessous. Il en est de même de Kingabwa-\Tillage avec ses 15 876 habitants répartis dans 2 712 ménages (Bokolo, 2004).
Tableau 19 Maisons et ménages sinistrés à Kingabwa de 1999 à 2002 Quartiers
Salongo Ndanu Nzadi
1999 maIsons détruites 1 65 50
2000 Maisons détruites
26
Source: Bureau du quartier de Kingabwa
141
2001 Maisons détruites 2
2002 Maisons détruites 1 35
Total Maisons détruites 4 100 76
Le tableau n° 19 résume les catastrophes qui ont frappé les quartiers inondables entre 1999 et 2002 : 4 maisons détruites dans le quartier de Salongo, 100 maisons détruites à Ndanu, 76 maisons inondées à Nzadi dont 32 situées le long de la 'rivière' Kwamataba, faisant ainsi 876 sinistrés. Le fleuve et la rivière Ndjili, d'octobre à décembre 2004, ont inondé
la moitié du quartier Kingabwa en touchant 56
%
des parcelles, soit 177 des
31 7 rues riveraines128 (Gbua, 2005). Les sinistrés rapportent que la fréquence de ces inondations date de 1989 après l'occupation anarchique de la concession de l'Office national de transport (Onatra) par les pêcheurs évacués lors de la construction du port privé Baramoto en 1974 (Bolya, 2005). Bapinga (op.cit.) signale d'abord la mort de 24 personnes suite aux inondations de 1999 dans les quartiers de Ndanu et Marna Nzenze, ensuite 5 morts lors des crues de 2001 dans les mêmes quartiers. Fait étonnant, les habitants de Kingabwa, à leurs risques et périls, n'attendent pas souvent le retrait des eaux pour regagner leur domicile. Ils sont d'avis que la longue absence dans le quartier peut être préjudiciable à leur habitation: toitures, biens et meubles peuvent être volés. Près de 56% des ménages (Gbua, 2005) s'accrochent à leur parcelle et n'envisagent pas de la quitter malgré les nombreuses et fréquentes catastrophes naturelles. L'inventaire de Mpay (2001) mentionne que 57% des parcelles de Kingabwa ont été inondées par le fleuve en novembre 2001 pendant la période des fortes pluies. Comme ils sont trop attachés à leur terre malgré les inondations, il arrive que ces sinistrés permanents soient évacués manu militari pour des travaux d'assainissement d'utilité publique. C'est ainsi que pour reconstruire la digue anti-inondation dans le quartier de Ndanu, les pouvoirs publics avaient décidé de créer un couloir de sécurité de 20 m. Pour ce faire, 90 maisons furent détruites en jetant dans la rue 431 ménages et 1 895 habitants. En 1999, près de 70 maisons inondées régulièrement par la rivière Kalamu au niveau du quartier Kimbangu furent aussi démolies dans un couloir de 6 à 15 mètres pour permettre aux engins lourds de procéder au curage de ce cours d'eau sur un tronçon de 3 km, de Bongolo à Mompono. Les familles expropriées lors de ce curage de Kalamu ne furent pas indemnisées comme prévu. Très révoltées, pour avoir beaucoup attendu, elles ont fini par créer un scandale en s'installant le long d'une artère principale, le boulevard Lumumba, en y créant un véritable bidonville, au sens strict du mot, sur le terrain de football situé au début de la 1re rue du quartier industriel. Elles y sont restées plusieurs mois avant d'être indemnisées et recasées à Kinkole. Un autre cas plus récent d'évacuation est 128 Mfumu Source.
Mvula,
Beka, Baruti,
Museni,
Gbiatene,
142
Baobab,
Leza, Kingabwa,
Boende,
celui de Bribano. C'est pour protéger les habitants du bidonville de Bribano, inondé dangereusement lors des pluies diluviennes de la nuit du 25 au 26 octobre 2007 que l'autorité urbaine décida de raser le quartier et de reloger les sinistrés dans la cité de l'Espoir dans la commune de Kimbanseke à 30 Km du centre-ville. Accueillis dans des mauvaises conditions à la Cité de l'espoir, certains sinistrés sont revenus assiéger l'autorité urbaine et passer la nuit à la belle étoile avec leurs familles pendant plusieurs nuits dans la concession de l'hôtel de Ville de Kinshasa. Ils viennent finalement d'être évacués et casés à proximité du camp de la police de Lemba où ils sont en train d'implanter, avec la complicité d'autres policiers sans-abri, un nouveau bidonville. Les policiers en question ont été évacués d'un immeuble du camp Lufungula réquisitionné par le gouvernement pour être transformé en hôpital général de la police.
- Les inondations dues aux remous des cours d'eau locaux Le remous dans les cours d'eau urbains et autres évacuateurs attenants au fleuve Congo lors des crues de ce dernier provoque des inondations dans la ville (carte n° 21). On sait que les égouts et les cours d'eaux de la ville débouchent sur les berges du fleuve. Comme habituellement les fortes précipitations d'octobre (249,9 mm) et d'avril (193,3 mm) ainsi que les apports des affluents Kasaï et Ubangi font monter régulièrement le niveau du fleuve, ce dernier refoule dans les égouts et cours d'eaux129, obstrue leurs embouchures, bloque leur écoulement normal et provoque des inondations (Moke, 2002). Les inondations de remous peuvent refouler jusqu'à plus de 2 km pour atteindre les cités de basse terrasse comme Gombe, Barumbu, Lingwala, Kinshasa, le chantier naval de Ndolo, Limete130 et Ndjili. Il n'y a pas longtemps en 1999, le refoulement des eaux du fleuve dans la rivière Ndjili a eu comme conséquence le sinistre de 658 familles à Kisenso, hébergées sur 2 sites à Masina et Matete. Les inondations de remous du fleuve Congo dans les rivières de Yolo et Funa/Kalamu ont lieu souvent en mars, avril, mai, novembre et décembre. Les murs des parcelles s'écroulent et les eaux inondent pendant plusieurs jours les quartiers de Socopao, Dilandos, Funa, Baramoto (1000 habitants, 140 ménages), contilift (300 habitants, 50 ménages), Paka-Djuma et Ofitra (3 ha, 4 000 habitants, 600 ménages) en emportant biens et matériels. Ces quartiers sont mal situés parce qu'ils sont construits anarchiquement à la confluence des rivières de Funa/Kalamu et Yolo. Contrairement à Kingabwa-Pêcheurs (quartier Grand-rv10nde), nombreux 129Bitsaku-Tshaku, Funa -Yolo, Lubudi-Makelele, 130Les quartiers de Ndanu et Nzenze.
143
Mapenza,
Basoko et Ndjili.
sont les habitants qui abandonnent leurs maIsons inondées quelques jours après le retrait des eaux.
5.2.2
pour revenIr
Les inondations dues au ruissellement urbain
Elles sont la conséquence de la montée des eaux à cause de la surcharge du système de canalisation, de la diminution de l'indice d'infiltration et de la remontée de la nappe phréatique incapable d'absorber toutes les eaux pluviales. Elles créent des marécages dans des communes où le réseau de drainage des eaux pluviales est absent. En effet, la construction de bâtiments et de routes sans système de drainage dans plusieurs quartiers réduit l'infiltration des eaux, de sorte que les pluies qui tombent sur une surface imperméable forment rapidement des cours d'eau artificiels. Or, il est connu que la perméabilité des sols est habituellement réduite de 30 à 40 %, en moyenne, dans les secteurs de
l'habitat individuel, de 50 à 90
%
dans les zones industrielles et de plus de
60% dans le centre-ville (Veyret et Garry, 1998). En réaction à cette imperméabilité, il se crée un ruissellement superficiel qui, en l'absence d'un réseau de drainage adéquat, entraîne l'inondation des quartiers environnants. C'est le cas du boulevard du 30 Juin en plein centre-ville et de son prolongement, l'avenue Colonel Mondjiba. Les mares qui s'y créent après les orages perturbent la circulation automobile et créent des bouchons sur plusieurs kilomètres. Il en est de même sur le boulevard Lumumba, à quelques encablures du marché de la Liberté.
- Les inondations dues aux déferlements du ruissellement urbain Le ruissellement des eaux des pluies exceptionnelles entraîne aussi régulièrement des inondations de quartiers à cause de la dégradation des ouvrages de drainage. En effet, les quelques ouvrages qui existent ont été calibrés en fonction de l'habitat des années 50 et ne répondent plus maintenant aux normes du système d'assainissement d'une mégapole comme Kinshasa. Pour preuve, 74,6% des ménages kinois ne sont pas connectés aux caniveaux d'eaux pluviales (MICS 2, 2001) et 84,7% des sections de rues kinoises sont dépourvues de système de canalisation (PNUD, 2000). C'est le cas à Lingwala où 47% des ménages, et à Ngaliema 91 %, ne sont pas branchés sur les caniveaux d'eaux pluviales (Nzuzi et Tshimanga, 2004). Les inondations qui s'ensuivent créent beaucoup de dégâts.
144
Tableau 20 Estimation des besoins actuels en voirie et réseaux divers
Désignation
Situation existan te
Défici t actuel
V oirie revêtue
568 km
2 982 km
Drainage des eaux pluviales
280 km
1 974 km
Source: Kanene (200 1)
Le tableau n020 présente le déficit actuel en matière de voirie et de drainage à Kinshasa. Ce qui est à l'origine des inondations dues aux déferlements du ruissellement urbain. Ces inondations sont donc vécues partout lorsque les eaux, ruisselant de toutes parts pendant une violente averse tropicale, surviennent brusquement en aval là où le système de drainage n'existe pas ou n'arrive pas à contenir les eaux de ruissellement. C'est le cas dans le quartier non planifié de Mombele. Lors des pluies abondantes de 2001, 23% des 3 387 parcelles ont été inondées et 14% des maisons se sont effondrées (Kakasay, 2002) par absence du système de canalisation (carte n °21 ).
145
Carte n° 21
Les inondations
de manque
de réseau
de drainage
Fleuve
Légende :,;~';;j{:'Sltéstouchés
_Réseau Route 'Rivière
pluvial
Echelle: 11100.000
/\/
Â
,
,Marécage
c::J
Limite dé commune
- Les inondations
dues à la remontée
de la nappe phréatique
Elles sont issues de la remontée de la nappe phréatique souvent saturée en saison des pluies. Cet affieurement 'est activé' par la mise en phase du temps de résidence des eaux dans les bassins interurbains et la continuité des précipitations dans lesdits bassins (Kipoy, 1999). La nappe phréatique affieure dans certaines cités de la plaine de Lemba et de Ndjili. Comme elles ont été construites sur d'anciens marais asséchés et comme la nappe phréatique ne favorise guère une bonne infiltration des eaux pluviales, la saturation est vite atteinte et les remontées capillaires provoquent des mares qui ont des conséquences néfastes sur l'habitat à Lemba, Makala, Ngaba, Ndjili, Lingwala, Kinshasa, etc. (carte n022). Certains habitants de ces communes se plaignent de constater brusquement des sources d'eau jaillir dans leur maison ou dans leur cour formant des mares. Ils se plaignent aussi de ne pas pouvoir doter leur maison d'une bonne fosse sceptique parce que la nappe phréatique affieure à 1 mètre du sous-sol. De tels cas sont légion à Kinshasa où des maisons sont abandonnées à cause des fortes remontées de la nappe phréatique: 1 % des maisons abandonnées sur les 3 387 parcelles à Mombele en 2001 (Kakasay, op.cit.). A Ngaba, Lemba, Mososo et Mombele, les eaux des nappes phréatiques et les
146
mares coulent parfois en prenant la forme de petits ruisseaux endroits, suivent le tracé des rues avant de se jeter dans la proche (Bolya, 2004). Le quartier appelé communément Matete/De Bonhomme construit sur l'ancien lit de la rivière gravement des inondations dues à la remontée de la nappe niveau de la 6<'rue jusque vers l'avenue Lumière.
Carte n° 22
qui, à certains rivière la plus 'Tchad' à Ndjili souffre phréatique au
Les inondations d'affleurement de la nappe phréatique
Légende
Source :Kipoy. N, (1999)
@*W Sites touché$
N ..
D '"
52.3
Route Rivière Mtarécage
À
Echelle: 1/100.000
Lim ite de commune
Les inondations
dues aux torrents
boueux
Ces inondations s'accentuent aussi à cause du déboisement des versants qui diminue la surface en herbe au profit des cultures maraîchères et des habitations. Comme les cultures en billons sur les collines du sud sont dans le sens de la pente, elles empêchent les eaux pluviales de s'infiltrer rapidement. L'imperméabilité accentue le ruissellement superficiel et entraîne le ravinement. L'ensablement des rivières occasionne souvent de graves inondations. Les rivières charrient du sable en provenance de ces érosions. Une fois dans la plaine, le débit du cours d'eau diminue et le sable sédimente. A cette sédimentation des rivières, il faut ajouter la diminution de leurs lits par les dépôts d'immondices. Et à la moindre pluie, la rivière quitte son lit et inonde le quartier riverain.
147
- Les inondations
dues aux coulées de boue torrentielles
Elles sont fréquentes sur les collines. Lors d'averses violentes, elles dévalent des collines en ravageant tout sur leur passage dans des quartiers situés sur les versants. Elles laissent des dépôts de boue argilo-sableuse au pied de la colline. Le cas le plus fréquent des coulées de boue est celui de Kisenso. A titre d'exemple: la coulée de boue, lors de la pluie diluvienne de la nuit du dimanche au lundi 9 avril 2006, dévasta plusieurs maisons et tua trois enfants dans le quartier de Bikanga. Le cas le plus médiatisé des coulées de boue qui laissent des dépôts argilo-sableux dans des quartiers situés aux pieds des collines est celui de Matete. Ici, les torrents boueux en provenance de Kisenso causèrent, lors des pluies du 26 mars et du 13 avril 1998, beaucoup de dégâts à Matete : les quartiers de Kinsaku, Batende et le Bloc 88 furent ensablés à une hauteur de 2 m par endroits (Elofa, 2001). En 1999, près de trois quartiers de Matete (Vivi, Totaka et Lubefu) étaient couverts de torrents boueux venant des collines de Kisenso avec comme désastres d'ensablement: 38 141 sinistrés sur 165 000 habitants et 1960 parcelles, soit 23% de la population totale de la commune (Ikwomo, 2000). Le même auteur avait évalué à 42 803 726 tonnes les terres emportées, déjà à cette époque, en amont, dans les ravins de Kisenso et déversées dans la rivière et les quartiers de Matete.
- Les inondations dues à la rupture des bassins d'orages ou des bassins de rétention d'eaux collinaires Elles touchent tous les versants de Kinshasa là où les bassins d'orages sont aménagés en amont des têtes de ravin pour recueillir les eaux de ruissellement afin d'arrêter la progression des érosions. Cette technique est efficace mais présente un danger permanent si le bassin, mal entretenu, arrive à 'péter' par manque de curage et par manque de dimensionnement. Kinshasa compte dans ses registres plusieurs catastrophes naturelles dues à la rupture de bassins d'orages. La catastrophe de triste mémoire qui a fait plusieurs morts du 20 au 21 mai 1990 était due à la rupture de deux bassins d'orage de l'hôtel Okapi à Mbinza Delvaux. Ils avaient chacun une capacité de rétention de 1 680 m3. En effet, plus de 100 mm d'eau tombèrent en 120' et ces bassins ont été vite débordés par des torrents d'une capacité de 8 750 m3 en quelques instants. Le déficit étant de 7 070 m3, il s'est ensuivi l'ensablement et les inondations des rivières Lubudi et Makelele incapables de contenir le déferlement d'un torrent de 192 m3/s (Bapinga, op.cit.) (carte n023). Les eaux ont submergé subitement six ouvrages de franchissement sur leur passage (Kondiawila, 2000). Les quartiers situés au pied des collines
148
payèrent un lourd tribut dû à leur mauvaise localisation: près d'une centaine de personnes tuées ou portées disparues par ces crues déferlantes dues à la rupture des bassins d'orages.
Carte n° 23
Les inondations dues aux ruptures des bassins d'orage
N :!!!!!!!!!!!!!!!1 Sites
Echelle:
touchés
_Retenues
collinaires
,
1/100.000
A
.
"., ,'Rivière .> Maré: cage D Lim ite de comnlUl1e
Tableau 21 Dégâts de la pluie diluvienne nocturne du 20 au 21 mai 1990 Dégâts
Décès Disparus Maisons détruites Populations sans-abri
Commune de Ngaliema 19 Il 16
Commune de Bandalungvva 09 20 29 34
29
Commune de Kintambo 13 26 25 52
Source: Rapports annuels de 1990 des communes de Ngaliema, Bandalungwa et Kintambo 149
Total
41 57 70 109
Le tableau n021 montre le degré de la catastrophe causée par cette pluie restée historique dans la mémoire collective des Kinois. Il faut noter que les 57 disparus n'ont jamais été retrouvés et ont été déclarés décédés par la suite. Deux autres ruptures mémorables de bassins d'orage ont eu lieu simultanément le 17 mai 2001 entraînant une cinquantaine de morts, selon le rapport de l'hôtel de Ville de Kinshasa: celle de Lalu à Mbinza Delvaux, déjà en état précaire, a fait déferler un torrent de 108 m3/ s dans la rivière Lubudi et celle de Mbinza Pigeon Melmeza.
5.3. Les inondations
et autres
conséquences
Les conséquences qui vont être analysées ci-dessous concernent d'abord l'espace urbain avec la destruction des rizières et ensuite la santé publique avec la recrudescence de plusieurs maladies d'origine hydrique. 5.3. 1 Les inondations
et /a destruction
des champs
de riz
Les études de Bapinga (2004) ont montré que les inondations du fleuve causent des dégâts énormes dans les rizicultures riveraines. C'est le cas de 1400 hectares des champs rizicoles à Kingabwa appartenant à 4500 riziculteurs131. Les conséquences sont énormes. Pour preuve, en temps normal, un riziculteur produit en moyenne 1600 kg de riz sur le site. De ce tonnage, il réserve 600 kg pour les semences et la consommation et vend en moyenne 1000 kg, c'est-à-dire 20 sacs de riz de 50 kg à 20 $ la pièce132. Mais en cas d'inondations, la production baisse entre 150 et 300 kg, c'est-à-dire une production individuelle moyenne de 3 à 6 sacs de riz de 50 kg. Même la Mission agricole d'une coopération au développement qui dispose de gros moyens de lutte et de protection est en proie aux inondations sur le même site: 9 000 kg de riz perdus en 1998, soit environ 180 sacs, c'est-à-dire 15% de sa production normale (Bapinga, op.cit.). Les inondations du fleuve sont un véritable cauchemar pour les riziculteurs, 'au point qu'une femme après avoir perdu toute sa production s'est pendue dans son champ' (Bapinga, op.cit.). Il est aussi regrettable d'observer le degré 'd'irresponsabilité' dans le comportement des riziculteurs. Une fois, les riziculteurs avaient été prévenus au mois de février, après la semence, de la probabilité de crues en mai et juin. Malheureusement, au lieu d'aménager des digues, environ 97,2% des riziculteurs s'en sont remis au 13190
%
des femmes.
132 Le riz asiatique
importé
se vend
au marché
à 30 $.
150
Ciel pour les protéger contre les mauvais esprits marins133 et à peine 1,4% s'était mis à 'endiguer' le site pour parer toute éventualité. (Bapinga, op.cit.). 53.2
Les inondations
et la détérioration
de la santé publique
L'étude de Gbua en 2005 dans le quartier inondable de KingabwaPêcheurs montre que de toutes les maladies dont souffrent les enfants, le paludisme bat le record avec 73% des cas. En ce qui concerne la malaria, qui constitue donc l'une des principales causes de morbidité et de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans, l'enquête MICS 2 a demandé aux 'mamans' de Kinshasa si leurs enfants de moins de 5 ans avaient 'eu de la température' au cours des deux dernières semaines avant les interviews, même si l'on sait que la poussée de fièvre n'est pas automatiquement liée au paludisme. Les résultats montrent que 294 avaient eu la fièvre sur un total de 921 enfants, soit une prévalence de 31,9%. On estime donc à 31,9% la prévalence du paludisme chez les moins de 5 ans à Kinshasa. Par ailleurs, il faut déplorer la faible utilisation des moustiquaires (27,5%) dans les ménages kinois (ministère du Plan, 2005). Etant donné que toutes les conditions d'endémies parasitaires, infectieuses et vectorielles sont réunies dans les quartiers inondables, il est fréquent que se déclarent des épidémies de choléra et de graves maladies hydriques qui succèdent aux inondations: 64 morts à Kinshasa, Barumbu, Lingwala et Kingabwa du 13 février au 26 mars 1996 sur 109 cas (Mayele, 1996). Au départ circonscrite dans les quatre communes mentionnées, l'épidémie de cette année-là s'est répandue sur toute la ville avec une morbidité cumulative de plus de 400 cas et un taux de létalité très élevé se situant autour de 17% (PNAE, 1996). Aussi, les maladies diarrhéiques à Kinshasa affichent une prévalence de l'ordre de 22% chez les moins de 5 ans (MI CS 2, 2002).
133 'Bilima
va mayÎ'
151
Tableau 22 Incidence des maladies sous surveillance à Kinshasa sur les sites des zones de santé sentinelles en 1999 Maladies Paludisme Méningite Choléra Fièvre typhoïde Diarrhée sanguinolente Rougeole
Nombre de cas 16 138 1042 803 495 193 43
Proportion en
0/0
77,3 5,0 3,8 2,4 0,9 0,2
Source: Inspection médicale urbaine, bulletin épidémiologique, Kutungulula (2001)
cité par
Le tableau n022 indique que le paludisme est la maladie la plus fréquente à Kinshasa. Ces résultats cadrent avec ceux de Bempongo (op.cit.). La méningite et le choléra sévissent aussi dans la capitale. Le choléra frappe souvent dans les zones inondables de Kinshasa, Barumbu, Lingwala et Kingabwa.
Tableau 23 Incidence des maladies dans le quartier inondable de Lemba-Foire
Proportion en 0/0 45 30 15 10
Maladies Paludisme Verminose Fièvre typhoïde Diarrhée Source:
en 2002
Bempongo (op.cit.)
152
Le tableau n023 présente le nombre de cas de maladies déclarées et soignées entre le 6 novembre et le 6 décembre 2002 dans le centre de santé 'Maison médicale de Lemba'. A Lemba dans ce centre, le paludisme touche un grand nombre de riverains de la Yolo. En conclusion, ce tableau désastreux démontre jusqu'à quel point Kinshasa est réellement confrontée au problème des inondations avec des eaux très polluées. Leur ampleur dépasse parfois tout entendement et certains Kinois restent encore convaincus des origines métaphysiques de ce phénomène. Pour preuve, les inondations de remous du fleuve dans la rivière de la Gombe et l'apparition dans ce cours d'eau en débordement d'un grand crocodile dans les années 80 ne cessent d'alimenter les croyances populaires jusqu'aujourd'hui. Plus récemment encore, la disparition d'un enfant lors des crues du 10 au Il novembre 1994 de la rivière de la Yolo entre les quartiers Paka-Djuma et Ofitra et la découverte 3 jours plus tard de son corps déchiqueté alimentent aussi ces croyances dans des phénomènes surnaturels concernant les inondations. Autrefois, les sinistrés kinois abandonnaient pour de bon leurs habitations pour fuir la furie des eaux. Maintenant, par manque d'alternatives, beaucoup parmi eux ont appris à se battre contre les inondations pour ne pas être emportés par les 'vagues'.
5.4. La lutte contre les inondations Il s'agit de présenter ci-dessous les différentes techniques utilisées pour contenir les inondations à Kinshasa: les techniques manuelles d'abord et de génie civil ensuite. Peu importe les méthodes utilisées, l'objectif poursuivi par ces travaux de lutte contre les inondations est surtout d'empêcher le débordement des crues d'atteindre les habitations. 54.1
Les travaux collectifs manuels des 'ingénieurs aux mains nues' avec des techniques rustiques
- Le remblai des marais Il consiste à assécher les marais. Cette pratique ne date pas d'aujourd'hui dans cette ville qui compte beaucoup de communes construites sur des terrains quelquefois marécageux comme Lemba, Kalamu, Matete, etc. Les difficultés de construire ces quartiers planifiés ont conduit l'administration à exécuter des travaux de remblaiement afin d'assécher les marais et d'ouvrir la circulation aux engins lourds dans les différents chantiers. 153
Plus récemment encore, l'administration urbaine a gagné de la terre ferme sur un terrain marécageux au croisement des avenues Kabinda et des Huileries devant l'école et l'église de l'Armée du Salut. La technique utilisée a été le dépôt d'ordures ménagères et leur remblaiement avec de la terre Jaune. Les habitants des quartiers fréquemment inondés par la remontée des eaux de la nappe phréatique recourent souvent à cette technique de remblai des marais. Lorsqu'ils ont des moyens, ils achètent des sacs qu'ils remplissent de sable et qu'ils superposent dans les endroits inondables et créent des passages pour les piétons.
- Les digues de sacs de sable Les jeunes des quartiers riverains usent aussi de sacs de sable pour lutter contre les inondations des rivières. Mais ils ont des difficultés pour réaliser de grands travaux d'endiguement sur de longues distances parce que les nombreux sacs qu'ils doivent acheter dépassent largement leurs capacités financières: environ 0,60 $ le sac. Souvent, ils font le siège des différents bureaux des officiels pour solliciter le financement de leur projet d'endiguement. Après avoir obtenu des sacs, ils érigent des murailles sur les berges des rivières. Il existe le long de la rivière Ndjili, sur la rive de la commune de Kisenso, une digue qui tient encore sur 4 km avec 40 000 sacs de terre 'végétalisés' et construite en 2003 par deux associations de jeunes avec l'appui technique et financier d'une agence de coopération au développement. Cette digue protège les quartiers Dingi Dingi et Nsola contre les inondations de la rivière de la Ndjili.
- Les digues de terre Cette méthode consiste à créer une sorte de 'dune de terre' pour contenir le débordement des cours d'eau. La Mission agricole d'une coopération au développement a été la première à construire de grandes digues de terre à Kingab\va pour contrer les inondations dévastatrices de la Ndjili sur des champs de riz au niveau du quartier Ndanu. Cette digue ajoué effectivement son rôle. ~1alheureusement, quelques inciviques y implantèrent plus tard leurs baraques et ces implantations fragilisèrent l'ouvrage. Maintenant, les eaux se frayent un autre chemin et inondent le terrain pourtant asséché. C'est pourquoi lors de la pluie du 10 avril 2001, 90 maisons furent détruites, 431 ménages sont devenus des sans-abri pour un total de 1895 sinistrés. Face à ce désastre, l'administration communale de Limete a dû recaser les sinistrés à l'est de la ville dans le quartier de Mpasa.
154
Pour refaire la digue détruite, plusieurs dizaines de mètres.
l'autorité
urbaine
a éloigné les maisons de
- Les digues d'ordures A la place de sacs et de terre, certains quartiers construisent des digues avec des tas d'ordures pour faire barrage aux eaux des crues. Près de
7
%
des ménages kinois usent de cette pratique pour lutter contre les
inondations
(MI CS 2, 2001). Dans la zone inondable
de la commune
de
Kinshasa, 51 % des ménages déposent leurs immondices dans la BitshakuTshaku (Zeimo, 2004). A Ngaliema et Lingvvala, 2% des ménages déposent leurs immondices sur les berges des cours d'eaux (Lelo Nzuzi et Tshimanga, 2004). A Limete, 48% des ménages riverains, régulièrement inondés, utilisent les berges de la rivière de la Yolo comme décharge publique (Bolya, 2004). A Kalamu, 35% des ménages riverains déposent leurs ordures sur les rives de la rivière qui porte le même nom (Bokolo, 2004). Dans la commune de Matete, les populations du quartier Kunda jettent les ordures sur les
berges de la rivière Matete pour lutter contre les inondations. Du 1er avril au 15 mai 2007, les pousse-pousseurs avaient jeté 1951 m3 sur les berges de cette rivière (Lelo Nzuzi, 2007). C'est aussi pour lutter contre les torrents boueux venus de Kisenso avec tous leurs dégâts au pied du versant à Matete qu'au début des années 90 les populations des quartiers \livi (10 485 habitants) 134et T otaka (21 095 habitants)135 commencèrent à construire des digues avec des ordures. Au fil du temps, la décharge s'agrandit et s'allongea sur une longueur de 730 m et une largeur de 20 m pour 'coloniser' toute l'avenue Mulele jusqu'à sa jonction avec Kiyimbi et pour traverser deux quartiers de Vivi et Totaka. C'est la fameuse décharge: Mulele à Matete étalée sur une largeur de 22 m, une longueur de 720 m et une hauteur de 6 m (Okita, 2007). Avec la même technique, les autorités urbaines ont remblayé de septembre 1997 à juillet 1998 plusieurs zones marécageuses à Kingabwa afin de lutter contre les inondations du fleuve Congo et supprimer les gîtes des anophèles. A cette occasion, Lelo Nzuzi, (1999) mentionne que 8200 m3 de déchets y ont été déposés et ont servi à remblayer le site inondable de Ma Ngalu, 5100 m3 le site Bayang, 4600 m3 le site Bia, 700 m3 le site Mongu, etc. Ensuite, lorsque les berges des rivières sont bondées d'ordures et commencent à obstruer les passages pour les piétons le long des cours d'eau, les populations ont la fâcheuse habitude de repousser carrément les ordures 13-1Localités de Kinsaku, Batende l, Batende 2. 135Localités de Ngufu, Kinda l, Kinda 2, Vitamine
155
l, Vitamine
2, Singa l, Singa 2.
dans le cours d'eau avec toutes les lourdes conséquences que cela comporte sur le plan environnemental et hydrologique. La suite est classique. Pendant les pluies, les riverains seront encore inondés. Ils lanceront des cris de détresse en direction des pouvoirs publics pour assainir le site et envers les chefs coutumiers pour organiser des cérémonies rituelles. Et comme la requête restera sans suite, les associations de jeunes du quartier 'se jetteront à l'eau' pour curer manuellement le fond des rivières.
- Les curages manuels Le travail consiste à assainir et à désencombrer les berges des rivières pour canaliser les eaux et augmenter leur compétence. Les jeunes s'organisent temporairement en brigades d'assainissement pour exécuter ces travaux de curage manuel soit sur des fonds propres avec les moyens du bord, soit avec l'appui de bailleurs locaux ou internationaux. Les rivières qui bénéficient souvent de ce type d'assainissement sont la Gombe, la BitshakuTshaku, la Kalamu et la Yolo parce qu'elles traversent des zones inondables très densément peuplées. Par contre, la rivière Ndjili n'a bénéficié d'aucun projet de curage manuel, probablement à cause de sa longueur, de sa largeur et de la quantité des sédiments. Il en est de même de la rivière Makelele qui n'a jamais été curée et pourtant, elle déborde régulièrement et fait beaucoup de dégâts. Heureusement pour ces deux rivières, elles ont été transformées en carrières de sable. En effet, tous les jours, des dizaines de jeunes gens écument le lit de ces rivières pour 'extraire' du sable destiné aux travaux de construction. Cette activité contribue systématiquement au curage manuel des rivières. Les jeunes se mobilisent facilement pour exécuter les travaux de curage lorsqu'ils sont appuyés financièrement et matériellement. Les exemples sont légion avec l'appui de la Fédération des associations laïques à caractère économique. Grâce à cet appui, les associations de jeunes ont curé en 1996 la rivière Yolo et évacué près de 2 500 m3 de déblais (Bolya, 2004). De 1997 à 1998, elles ont nettoyé manuellement 3 609 mètres linéaires (ml) des rivières Yolo et Bitshaku- Tshaku et évacué 6 436,25 m3 de déblais (Muamba, op.cit.). De 1998 à 1999, elles ont assaini 48 842 ml de collecteurs et 6 149 ml de rivières. En 2000, c'était le tour de la rivière Mango136 et elles en ont sorti 2 000 m3 de déblais et 15 m3 d'épaves (Lukengo, 2007). Entre 2000 et 2001, 67 726 ml de collecteurs et de rivières ont été curés et 86 509 m3 de déblais évacués. De 2001 à 2002, 63 428 ml de collecteurs et de rivières ont été nettoyés et 95 142 m3 déblayés. En 2005, 48 600 ml de 136Zone à faibles inondations fortes inondations
(11,17 ha), zone à moyennes
(5,88 ha).
156
inondations
(17,67 ha), zone à
caniveaux et rivières ont été déblayés et 19 907 m3 de déblais ont été évacués. La rivière Kalamu a souvent été curée manuellement par une organisation de jeunes appelée Omego grâce à l'appui financier d'agences d'aide au développement. L'exemple très récent du curage date de 2006. En effet, une agence de coopération au développement a financé le curage, par 1000 jeunes ouvriers, des collecteurs Bitshaku- Tshaku sur 3 000 ml à Barumbu et à Kinshasa, Okapi sur 1 600 ml à Masina et Isangi, Kutu 1 et Kutu 2 sur 1700 mètres, etc. Tous ces travaux de curage manuel ont permis d'évacuer 115 000 m3 qui ont été jetés sur des sites indiqués par les autorités communales pour assécher les marais. L'un des sites était la concession de la force navale à Kingabwa ou encore le centre kimbanguiste à Kasa-Vubu. Ces jeunes font du bon travail. Mais le curage des rivières et des collecteurs de Kinshasa est un éternel recommencement non seulement parce que la ville est construite sur du sable qui se dirige dans les cours d'eau, mais aussi parce que les riverains y jettent continuellement leurs immondices aussitôt après les travaux. 5.4.2 Les travaux mécaniques
des entreprises
de génie civil
- Les curages mécaniques C'est le mode d'assainissement le plus efficace avec d'énormes quantités de déblais évacués. Ce sont encore les mêmes collecteurs et les mêmes rivières, Gombe, Kalamu, Yolo, etc., qui font l'objet de ce genre de curage. Les exemples abondent: curage en 1997 de la Bitshaku- Tshaku de la source à l'embouchure pour 1,5 million $ (hôtel de Ville de Kinshasa, 1997) ; curage en 1999 de la rivière Kalamu sur 3231 ml, évacuation des 47 900 m3 de déblais, démolition de 70 maisons pour 50 000 $ (Bokolo, 2004), etc.
Conclusion Comme on vient de le voir, la configuration topographique de Kinshasa contribue beaucoup aux inondations des rivières (carte n024). Elles ne sont pas seulement dues à la tombée de grosses quantités d'eau de pluie sur des bassins-versants dénudés, mais aussi au manque et à la détérioration du système de voirie et de drainage. Ces inondations causent des dégâts énormes dans l'espace urbain. Ce qui nécessite leur curage régulier. ~'lais le curage est une activité d'assainissement dont la durabilité ne dure que le temps d'une saison parce que les riverains ont acquis cette fâcheuse habitude d'y déverser des déchets urbains aussitôt après la fin des travaux de curage.
157
De plus, ces mêmes populations sinistrées luttent contre ces crues avec les moyens du bord pour contenir les eaux dans les lits des rivières en créant encore des digues avec des ordures. Elles justifient ce mode d'évacuation par le manque de système efficace de collecte des déchets ménagers. Mais cela ne peut pas être considéré comme une excuse. Les observateurs sont d'avis que ces populations ont besoin d'être formées en éducation environnementale d'abord pour qu'elles ne condamnent plus la 'mami wata' d'être à l'origine des inondations, ensuite pour qu'elles apprennent que ce sont leurs tas d'ordures qui bouchent les tirants d'air des ponts, réduisent l'écoulement des eaux, modifient le tracé et causent des inondations lors des pluies diluviennes.
Carte n° 24
Les inondations des crues des rivières
Sit.é$ touchés
18.
RQute 1\/ .
Rivière Marècage c:::J limite de commune ,
Echelle:
158
'11'100.000
À
Chapitre 6
Déchets
solides et insalubrité
municipaux urbaine
C
E CHAPITREdémontre les faiblesses des autorités et des populations en ce qui concerne la gestion rationnelle des ordures ménagères. Il présente aussi les différents modes non hygiéniques d'évacuation des déchets. Ce qui a des conséquences néfastes sur l'espace urbain et sur la santé publique. Le chapitre se répartit en quatre points. Le premier inventorie les différents types de déchets solides municipaux. Le deuxième répertorie les différents modes d'évacuation et d'élimination des déchets solides municipaux. Le troisième présente les conséquences de l'insalubrité sur la santé de l'homme. Le quatrième émet des réserves sur le projet de la ville de créer des décharges contrôlées en périphérie urbaine.
6.1 Les types de déchets solides municipaux La typologie des déchets solides municipaux sera traitée dans les lignes qui suivent. Il s'agit de déchets issus des activités artisanales, des ménages, des marchés, des industries et des hôpitaux. Il est connu que Kinshasa est une ville qui déborde d'activités de différentes sortes et de diverses origines: activités quotidiennes des ménages et celles liées à l'urbanisation ainsi qu'à l'industrialisation. A titre d'exemple: Kinshasa, en 2004, comptait 538 300 unités de production informelles dans les secteurs marchands tels que le commerce (63,2 %), l'industrie (14,8 %), les services (12,3 %), les activités agricoles (7,5 %) et la construction (2,2 %) (ministère du Plan, 2005). Le secteur informel était donc dominant avec 70,9% des emplois. Ces 538 300 unités de production informelles ont créé
159
692 000 emplois. Et c'est le commerce, activité produisant beaucoup de déchets, qui occupait la première place, soit 56,7% des emplois créés par les entreprises privées informelles (ministère du Plan, op.cit.). Kinshasa s'est spécialisée dans deux types de commerce: le formel et l'informel; tout comme dans l'industrie. Ce secteur informel se caractérise par une grande précarité des conditions d'activité. Plus de 50 % des unités de production informelles ne disposent pas de locaux spécifiques et 36,2 % exercent leur activité à domicile. Le secteur informel est massivement constitué de microunités (ministère du Plan, op.cit.). Toutes ces activités informelles génèrent beaucoup de déchets solides de différents types qui polluent l'environnement. Ils sont de différentes sortes: déblais, gravats, décombres et débris issus des travaux publics et privés, déchets des établissements artisanaux, industriels et commerciaux, cadavres d'animaux domestiques, épaves de véhicules, carcasses d'appareils électroménagers, déchets d'abattoirs, produits d'élagage, etc. La ville en produit quotidiennement des tonnes, parfois jetés pêle-mêle à même les trottoirs. Et l'autorité urbaine éprouve d'énormes difficultés pour les évacuer. De tous ces déchets solides, les ordures ménagères sont les plus visibles et encombrantes. En 1986, la société Rexcoop a étudié la production de déchets ménagers selon les quartiers de production: résidentiels, anciens et nouveaux. Sur ces bases, IGIP (2007), dans son étude sur le plan d'action pour l'assainissement de la ville de Kinshasa, a évalué la production urbaine actuelle de déchets ménagers à environ 6 300 m3/jour, soit 6Iitres/parcelle/jour (Ngoy, 2007), contre 5 700 m3/jour en 2005 (PNA, 2005), 5000 m3/jour en 2000 (Lelo Nzuzi, 1999), 3500 m3/jour en 1986 (llunga, 1995). Ces chiffres font apparaître une production croissante des déchets urbains dans le temps. Ce qui suppose de gros moyens à mettre en place pour la propreté de la ville. 6. 1. 1 Les déchets des activités artisanales, et lieux publics
des lieux de loisirs
Ce sont des types de déchets produits non seulement là où s'exercent les activités artisanales, mais aussi où se tiennent les lieux de loisirs comme les bistrots, les stades, les divers lieux de récréation, etc. Les activités artisanales dans les kiosques, boulangeries, fabriques de chikwangues, distilleries d'alcool traditionnel, ateliers de couture, de menuiserie, etc. produisent beaucoup de déchets ordinaires et assimilés, en tassés là où cet artisanat se déroule quotidiennement.
160
Le service de coordination urbaine du ministère de l'Environnement, censé veiller sur la salubrité de ces lieux d'activités, assiste impuissant à la grave dégradation et pollution de ces endroits. Ces artisans et vendeurs pollueurs s'établissent à volonté dans des lieux publics avec la bénédiction des autorités qui leur accordent ces lieux en violant souvent les normes urbanistiques sur les autorisations d'établissements précaires. Ces activités produisent des déchets qui compliquent d'avantage leur mécanisme de gestion. Les 'nganda'137 sont parmi ces établissements précaires qui s'établissent à des carrefours, sur les espaces verts, trottoirs, berges, etc. et où la production de déchets est très importante. Ces bistrots sont très concentrés dans tous les quartiers populaires centraux comme Bandalungwa, Kalamu, Matete et périphériques de recréation comme Kinkole, Nsele, Maluku au bord du fleuve. Ces derniers quartiers sont des banlieues de fêtes hebdomadaires. Ils accueillent des milliers de Kinois en repos qui abandonnent derrière eux des tas et des tas de déchets comme les feuilles d'emballage des maboke138 et chikwangues. Les gargotières jettent ces déchets carrément sur les places publiques et dans les rues et lors des pluies, ces ordures aboutissent dans le fleuve Congo. Les infrastructures publiques sont à classer aussi parmi les lieux de grande production de déchets; et pourtant, c'est là où devrait plutôt s'exercer l'autorité de l'Etat. Les cours de ces édifices publics sont crasseuses parce que bondées d'ordures abandonnées à elles-mêmes par les gargotières. Fait curieux, les autorités semblent s'accommoder de voir leurs bâtiments publics, c'est-à-dire les symboles de l'Etat, souillés par les décharges sauvages. Ces tas d'ordures sont souvent évacués dans la précipitation à la veille d'une manifestation officielle. C'est le cas de la décharge non contrôlée sur le boulevard Triomphal, nettoyée ponctuellement et souvent nuitamment, à la veille d'un défilé ou d'autres manifestations et visites de grande portée politique. Il en est de même des tas d'immondices qui jonchent les artères principales et qui sont évacués précipitamment de la même manière.
6. 1.2 Les déchets ménagers Ce sont les débris des végétaux, les tessons de bouteilles, les restes de cuisine, les cendres, les feuilles mortes, les chiffons, les plastiques, les cartons et autres emballages, etc. que les ménages produisent quotidiennement.
/37 Buvettes ou bistrots en plein air. /38 Poissons cuisinés traditionnellement
dans des feuillages.
161
C'est dans les quartiers densément peuplés que les déchets s'entassent en monticules et restent dans cet état pendant plusieurs jours, voire plusieurs mois. Les décharges ainsi créées constituent des lieux de prédilection pour la multiplication des vecteurs de maladies et pour la fréquentation des animaux domestiques (chats, chiens, chèvres, moutons, etc.), rongeurs et vermines. En attendant leur évacuation, les enfants jouent au football sur ces tas d'ordures par manque d'espaces de jeux. Et les parents ne se soucient guère de voir leurs enfants exposés à l'insalubrité, donc aux blessures et aux maladies comme le tétanos, les maladies respiratoires et des mains sales. D'après Muamba (op.cit.), les déchets ménagers kinois sont composés en général de matières organiques (62,2 °/0), de matières plastiques (22,2 °/0), de textiles (7, Il °/0), de boîtes de conserve (5,8°/0), de verre (1,42 °/0), de chaussures (0,77°/0), d'autres déchets (0,48°/0), etc. Cette composition ne change pas beaucoup selon les sources. Ces statistiques ressemblent à celles d'autres études spécifiques menées dans les communes proches du marché central139 et dont les résultats sont presque semblables. Elles indiquent que les déchets ménagers sont composés de détritus organiques, de végétaux et de matières putrescibles (65,5°/0), de plastiques (20 °/0), de poussières et divers (4 °/0), de métaux (4 °/0), d'autres déchets (3 °/0), de papier et de carton (1,5 °/0), de verre (1 °/0), de textiles (1 °/0), etc. (Lelo Nzuzi, 1999). Il en est de même des recherches de Biey (2005), cité par Ekula (2007), qui présente cette composition de la manière suivante: matières organiques (66°/0), plastiques (13,2°/0), textiles (7,1 °/0), papiers (6 °/0), métaux (5°1o),verre (1,4°10),chiffons (0,8°/0), autres (0,5°/0). Pour le Programme national d'assainissement (PNA), cité par Kimuha (2005), le poids volumétrique des ordures "sèches" dans une poubelle ménagère est d'environ 200 g/l et atteint 350 g/l avec le tassement du transport. Il peut passer à 500 g/l dans le cas de déchets humides, comme les résidus de cuisine qui représentent la grosse part des ordures dans les décharges publiques. Certes, Kinshasa produit des grosses quantités de déchets ménagers, mais cette production n'est pas répartie de la même manière dans tous les quartiers. Les études d'IGIP (op.cit.) montrent d'ailleurs que la quantité de déchets ménagers est proportionnelle au rang social du quartier.
139Lingwala, Kinshasa,
Barumbu,
Gombe.
162
Tableau 24 Quantités de déchets produits par type de quartier Type du quartier
Production spécifique de déchets solides ménagers kg/hab./j Non tassés Tassés l/hab. / j l/hab. /j 3,5 2,0 0,7 0,5 2,5 1,43 1,5 0,3 0,86 1,1 2,0
Quartiers résiden tiels Quartiers anciens populaires Quartiers nouveaux populaires Valeur moyenne
Source:
IGIP (2005)
Le tableau n024 indique que la production de déchets varie selon le type de quartier. Le quartier le plus aisé, c'est-à-dire résidentiel, produit beaucoup plus de déchets (0,7 kg/hab./jour) que les quartiers anciens populaires (0,5 kg/hab./jour) et les quartiers nouveaux populaires (0,3 kg/hab./jour). Et pourtant, ces derniers sont très peuplés mais très marqués par la pauvreté grandissante. Dans ces nouveaux quartiers populaires périphériques, ce n'est pas tous les jours que les ménages font bouillir la marmite, comme le démontre le tableau ci-après.
Tableau 25 Nombre de repas par jour dans les quartiers de Kinshasa Nombre de repas par Jour
1 repas 2 repas 3 repas
Commune périphérique de Kimbanseke en 2000 39,8% 55,2% 5,0%
Autres communes périphériques en 2004 17% 72% Il %
Commune centrale de Lingwala en 2004 17,3% 71,4% 11.2°/0
Commune périphérique de Ngaliema en 2004 39,8% 58,2% 2%
Commune périphérique de Kisenso en 2004 25% 72% 3%
Source: Coopération technique belge/Fonds social urbain, rapport annuel 2006, Lelo Nzuzi et Tshimanga Mbuyi (op.cit.)
163
Le tableau n025 illustre que peu de ménages ont trois repas par jour. Ce qui influe sur la quantité de déchets produits par ménage dans ces communes pauvres de Kinshasa. Mais les études n'ont pas précisé la quantité de repas pour les ménages qui mangent trois fois par jour. Néanmoins, les résultats de ces enquêtes ont été confirmés par ceux de l'Inspection provinciale de la santé (2003) qui ont montré que 10,9% en 2000 et 12,4% en 2002 des ménages kinois ne mangeaient qu'une fois par jour. Si les quantités de déchets produits varient en fonction du rang social du quartier, il y a lieu de faire remarquer qu'elles diffèrent aussi selon le site topographique de la ville. En effet, selon le PNA, au début des années 2000, les cités des collines (1 625 000 habitants) produisaient quotidiennement près de 1 500 m3 de déchets par jour alors que les cités des plaines (4 375 000, d'habitants), quant à elles, produisaient 3 500 m3 par jour (Lelo Nzuzi, 1999). Quel que soit le type de quartier ou du site, les déchets ménagers sont d'habitude stockés dans des poubelles domestiques constituées de petits seaux ou demi-fûts usagés sans couvercle et souvent posés dans l'arrière-cour au coin de la parcelle à l'air libre. Ces récipients ouverts dans lesquels les Kinois stockent les ordures ne protègent pas contre les maladies car les déchets entrent rapidement en putréfaction en contact avec l'humidité. C'est pourquoi, ils s'en débarrassent le plus rapidement possible à cause des odeurs nauséabondes qui s'y dégagent pendant la putréfaction. Comme la collecte parcellaire systématique n'est pas organisée, ils les jettent dans des décharges non contrôlées situées, dans la plupart des cas, dans les marchés.
6. 1.3 Les déchets des marchés Le zando140 et les wenze141 en général sont des 'hauts lieux' de production de déchets urbains. Le 'zando' de Kinshasa prévu pour 2000 vendeurs en abrite aujourd'hui près de 10 000. Ce marché central de Kinshasa produit à présent près de 45 m3 de déchets par jour (pNA, 2005) composés de matières organiques (60,0%), plastiques (15%), de papiers et de cartons (10%), de cendres et de terre (4%), de verre et de poteries (4%), de bois et de branchages (3%), de chiffons et de tissus (2%), de métaux (2%). Il faut ajouter à cela les 15 m3 de déchets que les ménages environnants jettent chaque soir dans une décharge sauvage créée anarchiquement dans les environs de ce 'zando'. Ceci fait au total 60 m3 de déchets qu'il faut évacuer à tout prix quotidiennement.
1-10Grand marché ou marché central (marché urbain). l-ll Marché communal ou municipal.
164
A côté du 'zan do', il existe plusieurs 'wenze' éparpillés dans les communes et qui ont une aire d'influence parfois extra-communale. Une commune en compte au minimum quatre 142. La présence d'un marché entraîne d'office la naissance d'une décharge non contrôlée. A Kinshasa, l'équation est simple. A côté d'un marché, il y a toujours un dépotoir.
Tableau 26 Effectifs des vendeurs et nombre d'étals des principaux
marchés municipaux
Commune
Nom du marché
Création
Bandalungwa Barumbu Bumbu
Lumumba Libulu 24 Novembre ou Libération Wangata Marché central Kapela Gambela ou Anciens Combattants Ngandu Somba Zigida Kintambo Kisenso Gare Lemba Lalo Lufungula ou Marché des essuie-mains Zola Menkao Kilumba
Gombe Gombe Kalamu Kasa-Vubu
Kimbanseke Kinshasa Kintambo Kisenso Lemba Limete Lin~ala
Makala Maluku Masina 1-122 principaux
et 2 secondaires.
165
Nombre d'étals
1957 1934
Nombre de vendeurs 1270 529
1961 1983 1925 1962
1460 285 16 440 2235
1480 285 20 000 2 325
1946
5 704
10610
1948 1946 1964 1961 1971
1965 396 300 300 1748 550
1945 390 300 300 2408 585
1950
870
1 084
1969 2002 1960
810 300 2500
1235 300 2500
2420 897
Matete Mont- N gafula Ndjili Ngaba Ngaliema Nsele Ngiri-Ngiri Selembao
1961 1979 1969 1971 1964
l\1atete Ngafani Sainte- Thérèse Rond-Point Mataba Kinkole Bayaka Kitokimosi
1945 1967
3 100 290 1970 2800 1955 240 2 292 465
3 700 680 1990 840 1955 240 2000 100
Source: Hôtel de \lille de Kinshasa (1997), Alazie (1997)
Le tableau n026 donne un aperçu général du nombre important d'étals, de vendeurs et de marchés municipaux: 92 marchés (Alazie, 1997) pendant la décennie 90, donc autant de décharges non contrôlées. A présent, ce chiffre doit être revu à la hausse parce que plusieurs nouveaux marchés sont nés depuis le début de la décennie 2000. C'est le cas de la naissance de récents marchés comme 'La Liberté' (3500 vendeurs) à Masina et Menkao (350 vendeurs) à Maluku qui datent de 2002. Tous ces marchés produisent quotidiennement des déchets qu'il faut évacuer régulièrement. Le marché de Matete, par exemple, a produit 1500 m3 en 1997 et 1478 m3 en 1998 (Nzofo, 1999). Le PNA mentionne dans ses rapports avoir évacué 3024 m3 de déchets au marché Gambela en 1997(Nkoso, 2001). Les 'petits wenze'143 qui s'établissent le long des grands axes routiers entraînent du coup la création de dépotoirs, des encombrements et des risques élevés d'accidents le long des trottoirs. Eux aussi produisent de grandes quantités de déchets. C'est le cas des marchés Bitabe à Masina, Gambela à Kasa-Vubu, Djakarta et Mariano à Kalamu, Rond-Point Ngaba et Kianza à Ngaba, Pascal à Masina, Kingasani ya Suka à Kimbanseke, etc. qui se sont implantés le long des routes et ont étalé dangereusement leurs ordures sur les trottoirs publics. Malheureusement, ces tas d'immondices jonchent les trottoirs pendant plusieurs mois avant d'être évacués par les pouvoirs publics, habituellement après les attaques acerbes de la presse ou de la population. A côté des décharges liées à la présence des marchés, il y a celles qui sont nées carrément dans des lieux de forte fréquentation. Ainsi, par exemple, Lelo Nzuzi (2000) indique avoir dénombré la présence de 80 dépotoirs anarchiques implantés aux carrefours et dans les gares routièresl44, 1-/3Autrement
appelés
l'avenue. 1-1-1 Rond-point
'wenze ya coin' : Petits marchés
Ngaba, Bongolo et Maviokele, Kimbondo
166
du quartier
ou marché
à Bandalungwa,
du coin de
UPN à Ngaliema.
arrière-cours des édifices publicsI45, emprises ferroviairesI46, routièresI4i, berges de cours d'eauI48, industries, etc. 6. 1.4 Les déchets
emprIses
industriels
Ils sont difficiles à voir et à quantifier parce qu'ils se trouvent dans des concessions industrielles inaccessibles à toute personne étrangère. Néanmoins, il est connu que Kinshasa produit aussi ses quelques déchets industriels même si les activités des usines tournent au ralenti dans la ville. En effet, Kinshasa a vu beaucoup de ses fabriques fermer après les pillages du début des années 90. Les brasseries et les fabriques de produits agroalimentaires, cosmétiques, textiles, de matériaux de construction, de déchets recyclés (plastique, papier , verre), etc. sont les seules restées en activité malgré la baisse de leur production liée à la crise économique et à la concurrence mondiale. Elles produisent aussi régulièrement des déchets qui proviennent des matières premières, des produits finis ou semi-finis. Ces déchets sont soit ordinaires et inertes, soit dangereux et toxiques. Les déchets de matières premières et des produits finis sont déversés en vrac dans des décharges non contrôlées. C'est le cas des sachets d'emballage, des tessons de bouteilles, des copeaux de bois, de la mitraille, etc. Ces déchets industriels restent un danger permanent à Kinshasa. Malgré leur toxicité, les populations restent indifférentes. Les services étatiques, de leur côté, ne parviennent pas à évaluer le degré de pollution de ces fabriques qui, afin d'échapper au contrôle, ont la fâcheuse habitude de maquiller leurs statistiques. Au stade actuel, il est difficile de connaître les quantités exactes de la production de déchets industriels alors qu'ils sont biologiques, chimiques, physiques, inflammables, radioactifs, etc. donc dangereux pour la santé publique et pour l'environnement. L'une des rares estimations récentes vient du PNA (2006) qui évalue la production de déchets solides dans les unités industrielles et commerciales à environ 62 697 tonnes par an, mais ne précise ni leur nature, ni leur origine. En 1989, selon CNAEA (1990), la production annuelle de déchets industriels et commerciaux était évaluée à 42 000 tonnes.
J./5 Maison communale de Màtete. J./6Gares de Matete et de Kisenso, pont Matete et Bikanga à Kisenso. J./7Saïo, Itaga, pépinière de Bandalungua. J./8 Marché du pont Kasa- Vubu.
167
6. 1.5 Les déchets
biomédicaux
Ce sont des déchets produits par les centres de santé. Ils augmentent proportionnellement aux effectifs des centres de santé. Si au début des années 70, selon Flouriot (1973), Kinshasa avait 16 établissements hospitaliers et maternités comptant au total 3000 lits, vingt ans plus tard, les effectifs avaient beaucoup évolué. D'après le ministère de la Santé, cité par Lapika (2006), Kinshasa comptait 23 hôpitaux et 6900 lits en 1997, tandis qu'en 1999, le nombre était de 58 institutions hospitalières avec 7398 lits. Et en 2000, selon le Plan d'action national pour l'habitat, la ville avait 78 établissements hospitaliers et maternités comptant au total 8 796 lits. Ceci donnait un taux d'environ Ilit pour 470 habitants149. En 2004, le nombre d'établissements hospitaliers avait encore augmenté. En effet, selon l'Inspection médicale provinciale de la santé, la ville comptait environ 2101 structures médicales officielles, toutes catégories confondues, dont 82,8% des formations médicosanitaires appartenant aux confessions religieuses, 5,8% au secteur public et 3,3% aux entreprises (Kande, 2004). Mais le ministère de la Santé, en fonction de ses critères liés aux capacités et aux performances des structures hospitalières, ne reconnaît que 52 établissements ayant le statut d'hôpital à Kinshasa comptant au total 7 812 lits, soit 1,5 lit pour 1000 habitants (ministère de la Santé, op.cit.). Pour ne citer que les grandes institutions par exemple, les cliniques universitaires de Kinshasa ont une capacité de 547 lits et un taux
d'occupation moyen de 50 à 70 %. L'hôpital général de Kinshasa a une capacité de 2000 lits réels et un taux d'occupation de 52 %, et un taux de fréquentation de 92 %. L'hôpital général de référence de Ndjili a une capacité de 150 lits et un taux d'occupation de 40 %, et un taux de fréquentation de 30 %. La clinique Bondeko a une capacité d'accueil de 300 lits (Kiyombo, op.cit.). Les critères de sélection des hôpitaux importent peu, tous ces établissements médico-sanitaires, petits et grands, produisent des déchets dangereux, contaminés, dont l'élimination pose de sérieux problèmes. Biey (2007) évalue la production des déchets hospitaliers à 300 m3 par jour.
1-19Les normes de l'OMS sont de 1 lit pour 100 habitants.
168
Tableau 27 Production
de déchets biomédicaux
dans quelques hôpitaux
Catégories des hôpitaux
Quantité (m3/semaine)
Quantité totale (m3/ an)
Cliniques universitaires de Kinshasa Hôpital général de Kinshasa Clinique Bondeko Hôpital général de référence de N~jili
0,3
15,6
5 0,2 0,1
260 10,4 5,2
Source: Kiyombo (2003)
Le tableau n027 montre que cet échantillon de quatre hôpitaux génère des déchets biomédicaux constitués essentiellement d'éléments utilisés au cours des soins curatifs et préventifs. Ils sont liquidesl50 mais surtout solidesl51. Leur taux de toxicité dépend de leur nature, des modes de collecte, d'évacuation, de traitement et d'élimination. Très souvent, les évacuations s'effectuent sans précautions et ces déchets deviennent la cause de toutes sortes de pollutions de l'environnement biophysique et humain.
6.2 Les modes d'évacuation municipaux
et d'élimination
des déchets
solides
Ils sont de toutes sortes et seront analysés ci-dessous tels que le mode de collecte et de transport des déchets, le mode de recyclage des déchets, le mode d'élimination des déchets solides municipaux, la dégradation de l'environnement suite à la prolifération des décharges non contrôlées et les maladies de l'insalubrité. La gestion des déchets solides à Kinshasa s'effectue suicant sa manière et ne suit pas formellement la logique TRIV AC, c'est-à-dire Trier, Recycler, Incinérer, Valoriser, Communiquer comme cela se fait sous
150Sang, liquide de dialyse, pus, liquide d'épanchement, etc. 151Matériel médical, membres amputés, placenta, restes de biopsie, fœtus, bistouris, etc.
169
d'autres cieux. Le cycle de gestion des déchets solides munICIpaux à Kinshasa se présente de la manière dont la figure nOlle présente ci-dessous.
Figure n01 Le cycle de gestion de déchets solides municipaux
Recyclage
Valorisation biologique (artisanale) des déchets biodégradables
Déchets Ménagers
à Kinshasa
Recyclage
Valorisation physicochimique (industrielle) des déchets bio et non biodégradables
Q) OJ) Cd
U
>-. C,) Q) ~ Q)
"'C rJJ Cd ~
Papiers hygiéniques, bouteilles, barres de fer, objets plastiques.
Compost (Fumier)
Décharge non contrôlée (vallées, espaces publics, ravins, cours d'eau, terrains vagues. . .)
La figure nOI montre que le Kinois vide rapidement sa poubelle parcellaire dans une décharge non contrôlée à cause de la putréfaction rapide de ses déchets biodégradables. C'est par manque d'un système organisé de gestion des déchets qu'il ne choisit pas où évacuer les ordures. Si ces déchets sont récupérés par les chiffonniers, ils suivent la filière du
170
recyclage soit biologique pour fabriquer artisanalement des engrais verts, soit physico-chimique pour fabriquer industriellement des bouteilles, des papiers recyclés, des obj ets en plastique, etc. Le rapport annuel de 2005 du PNAl52 faisait mention de la faible capacité de la ville de monter des stratégies de gestion des déchets. Il indique qu'en 1960, Kinshasa, avec une population de 476 819 habitants et un taux de production d'ordures ménagères estimé de 15 %, avait un taux d'évacuation de plus de 70 %. Curieusement en 2000, avec une population de plus de 6 millions d'habitants et un taux de production de déchets ménagers estimé à plus de 70 %, la ville a une capacité d'évacuation de moins de 15 %. Cette faillite est à la base de la multiplication, à travers la ville, de décharges non contrôlées qui affectent dangereusement la santé publique. Des statistiques récentes sur le mode d'évacuation des ordures ménagères montrent qu'en 1989, Kinshasa était déjà confrontée aux problèmes de gestion des immondices. Si 1/3 des ménages enfouissait ses déchets dans la cour soit 113 000 tonnes par an, les deux tiers restants, qui les évacuaient sans normes, en produisaient 287 000 tonnes par an. Au total, selon le CNAEA (op.cit.), cité par Kamena (op.cit.), l'évacuation se présentait de la manière suivante en 1989 : 1% par les entreprises privées, 8% par le service public, 25% par les pousse-pousse et 66% abandonnés dans les décharges sauvages. Aussi, l'enquête nationale sur la situation des enfants et des femmes en RD Congo (MICS 2) en 2001 démontre que le Kinois se débarrasse de ses ordures de la manière suivante: services organisés publics ou privés (29,1%), incinération/brûlage (6,4%), enfouissement (14,6%), compost/fumier (11,6 %), voie publique (6,2 %), cours d'eau (6,6 %), décharge non contrôlée (21,6 %), autres (3,9 %). Depuis des années, les modes d'évacuation n'évoluent presque pas. Le Kinois, en général, jette ses ordures à l'air libre dans la rue (51%), dans le cours d'eau (10 %), les incinère (Il %), les enfouit (28%), etc. (Muamba, op.cit.) Mêmes les études spécifiques dans les communes font apparaître les mêmes comportements vis-à-vis des déchets. Ainsi, par exemple, l'étude spécifique de Lelo Nzuzi et Tshimanga en 2004 dans les communes de Lingwala et Ngaliema donne des résultats presque similaires: recours à un service organisé avec 41 % à Lingwala et 7% à Ngaliema, incinération/brûlage avec 16% à Lingwala et 5% à Ngaliema, enfouissement avec 34% à Ngaliema et 14% à Lingwala, compostage avec 26% à Ngaliema 152Rapport
du PNA (février 2005), service chargé de la gestion des déchets solides et division
de planification
des opérations.
171
et 4% à Lingvvala ; et enfin dans les deux communes, le jet d'ordures dans les artères (13%), dans les rivières (2%), dans les dépotoirs sauvages (9%) et dans les érosions (2%). Si cette dernière étude indique que 73% des ménages utilisent des modes d'évacuation d'ordures ménagères considérés comme hygiéniques (services organisés, incinération/brûlage, enfouissement, compost ou fumier), soit 75% à Lingvvala et 72% à Ngaliema ; la même enquête révèle que 27% des ménages de ces deux communes recourent à des modes non hygiéniques, tels que le jet d'ordures dans les artères (13%), dans les rivières (2%), dans les dépotoirs sauvages (9%) et dans les ravins (2%). L'autre étude spécifique dans la commune de Lemba confirme les faits. Sur la base d'une enquête menée par la Croix-Rouge du Congo, à travers le projet Compostière de Lemba, 80% des ménages évacuent leurs déchets dans des dépotoirs sauvages, 10% dans des cours d'eau, 2% dans les potagers, 1% dans les caniveaux et 7% dans divers endroits (Ekula, 2007). Toutes ces enquêtes indiquent que les ménages kinois transportent les ordures ménagères à travers un service organisé public ou privé. Et ils les évacuent par incinération/brûlage ou enfouissement, par jet sur la voie publique, dans le cours d'eau, dans la décharge non contrôlée ou les transforment en compost ou fumier. Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rappeler que les déchets ménagers ne suivent pas la filière normale jusqu'à la décharge finale, c'est-àdire la collecte, le transport, l'évacuation, la valorisation et l'élimination. Toutes ces étapes ne sont pas respectées dans tous les cas.
6.2. 1 Le mode de collecte et de transport des déchets Les pouvoirs publics ne parviennent pas jusqu'à présent à organiser un système planifié de ramassage parcellaire des ordures. Il existe des initiatives sporadiques et éphémères de quelques associations locales qui, à la mesure de leurs moyens, collectent les déchets urbains avec des chariots dans les quartiers populaires. Par contre, dans les quartiers riches, ce sont plutôt les privés qui lancent, faute de mieux, quelques initiatives très limitées de ramassage, à petite échelle et à peine efficaces. Ceux qui ne sont pas abonnés aux chariots ni aux véhicules déposent carrément leurs déchets dans des décharges anarchiques qui seront évacuées plus tard par l'hôtel de \'ille dans l'une de ses traditionnelles et improvisées opérations appelées communément 'Kin Bopeto'153.
153Traduction
littérale en lingala, la langue locale:
172
'Kin-propre'.
- Les services
privés
de collecte
et de transport
des déchets
Depuis les années 80, seules deux entreprises privées nommées Transvoirie et Arômel54 collectent vaille que vaille les ordures dans les résidences de leurs abonnés, hôtels et entreprises situés uniquement à la Gombe. Plusieurs sociétés ont tenté l'aventure comme Stavacom, Sitraco et d'autres mais elles ont arrêté pour des raisons de non-rentabilité: personnel à payer, matériel à acquérir et à renouveler, taxes à payer, décharges contrôlées inexistantes, etc. Active en 1988, Arôme n'est plus opérationnelle auprès de ses clients à Limete et à Mont-Ngafula à cause notamment de la crise économique, de la non-solvabilité de la clientèle et de l'inaccessibilité de ses sites dégradés par les érosions. Elle vient de recentrer ses activités à Ngaliema et à la Gombe. Elle approvisionne les espaces maraîchers et les ravins en déchets à la demande générale des bénéficiaires. Il lui arrive aussi, sur demande de sa clientèle, d'évacuer les gravats. Tout cela se réalise sans normes environnementales. Transvoirie est la plus vieille puisqu'elle date des années 60. Elle a travaillé en partenariat avec l'hôtel de Ville, de 1968 à 1980, pour la propreté urbaine, après la faillite des sociétés Jacquemot Vanputer et Cie et de la ferme de Bouc (1926-1968). Depuis la fin de son partenariat avec la Ville de Kinshasa, elle a concentré ses activités uniquement à la Gombe pour les mêmes raisons évoquées ci-dessus. A présent, Transvoirie et Arôme fonctionnent à la limite de leurs moyens. Les clients payent directement leurs prestations et le coût, apparemment, n'est pas à la portée des bourses des ménages des quartiers populaires. Beaucoup de Kinois les ignorent d'ailleurs parce que leurs actions, circonscrites uniquement au centre-ville, passent inaperçues. Dans les quartiers populaires, ce sont plutôt les pousse-pousse organisés individuellement ou à travers les organisations non gouvernementales de développement qui assurent le ramassage domestique. - Les associations des déchets
communautaires
de collecte
et de transport
Ce sont des associations appelées communément 'communautés de base' qui œuvrent sporadiquement dans le secteur de l'assainissement soit en utilisant les pousse-pousse (chariots), soit en organisant ponctuellement des campagnes de salubrité publique grâce aux travaux collectifs.
15-1L'Agence
de ramassage des ordures ménagères.
173
En ce qui concerne les chariots, IGIP (op.cit.) a dénombré 15 000 pousse-pousse qui, avec leurs deux roues, assurent la collecte et le transport de biens et de marchandises dans des quartiers accessibles. Parmi eux, certains sont indépendants et d'autres appartiennent à des associations communautaires. Les indépendants jouent un rôle important dans la collecte domestique des déchets. Ils sont payés à la tâche. Les coûts des prestations des services varient selon le nombre de rotations à effectuer et le volume d'ordures à évacuer. Ils vendent les déchets en vrac aux maraîchers du quartier. Dans le cas contraire, ils les déposent malheureusement soit dans les dépotoirs temporaires, soit dans les collecteurs et cours d'eau. Il n'existe pas beaucoup d'associations communautaires spécialisées dans le ramassage domestique des déchets parce que l'activité serait, semblet-il, moins rentable. Pour preuve, le Conseil national des ONG en 1996 avait
inventorié 342 ONG à Kinshasa dont 2,7
%
spécialisées dans le secteur de
%
dans le secteur de l'environnement en l'eau et de l'assainissement et 4,3 général. La situation ne s'est toujours pas améliorée depuis la fin des années 90. En effet, en 2002 sur 4 587 ASBL que le ministère du Plan et de la Reconstruction avait répertoriées, 31 seulement œuvraient dans le secteur de l'environnement en général. Les ONG qui naissent pour œuvrer dans la propreté urbaine disparaissent quelque temps après par manque de financement ou par
mauvaise gestion. Quelques organisations non gouvernementales émergent de façon satisfaisante parce qu'elles sont appuyées par les bailleurs. La première est la Fédération des organisations laïques à vocation économique du Congo qui mène des actions visibles sur le terrain depuis 1991, date à laquelle elle a été créée avec un budget de 260 520 $ par an (llunga, 1995). En 2005, elle avait un programme de collecte parcellaire auprès de 860 abonnés à Limete et 690 à Ngiri-Ngiri, Mombele et Kalamu. Les résultats sont globalement probants: 2 307, 98 m3 de déchets évacués avec les pousse-pousse et déposés dans les dépotoirs de transit où se trouvaient les bacs à ordures du PNA (Muamba, op.cit.).
174
Tableau 28 Quantité
d'immondices
évacuées par la Foleco de 1998 à 2001
Année
Quantité prévue
Quantité évacuée
1998
1 191 m3
1 208,56 m3
1999
1 742,40 m3
1 349,96 m3
2000
2 338,94 m3
1 893,52 m3
2001
1 408,64 m3
1 139,98 m3
Source: Foleco (2002), cité par Mutima (op.cit.)
Le tableau n028 montre que la Foleco contribue aussi à l'assainissement de la ville avec la collecte des déchets par les pousse-pousse dans la ville. La Foleco est la seule association qui est restée presque permanente dans quelques communes de Kinshasa. La deuxième est l'Association des propriétaires de chariots de Kimbanseke qui est routinière dans la fabrication de chariots spéciaux pour la collecte et le transport des ordures ménagères, la collecte primaire de porte-à-porte, la lutte contre les érosions au moyen de déchets récoltés, la formation de charretiers et d'éboueurs. Son rayon d'action reste toujours la commune de Kimbanseke. Cette association ne fait plus parler d'elle depuis que son bailleur principal a réduit son appui. La troisième est l'Association des conducteurs de chariots du Congo (ACCCO). Elle compte 739 membres. Elle travaille régulièrement avec l'appui des bailleurs internationaux dans l'assainissement urbain. Cette association est active souvent lorsqu'elle reçoit des subsides. Néanmoins, lorsque ses pousse-pousse s'engagent dans un programme officiel et signent des contrats de prestations de services pour la propreté urbaine, ils prennent soin de ne plus jeter leurs ordures anarchiquement parce que les décharges sont officiellement désignées et le travail contrôlé.
- Le service public de collecte et de transport de déchets Kinshasa n'a pas son propre service public d'assainissement. Après l'échec cuisant de l'Office des routes et de l'Institut congolais pour la conservation de la nature au début des années 70 pour relayer Transvoirie
175
qui venait de rompre son contrat de partenariat avec l'hôtel de Ville, Kinshasa fut abandonnée à elle-même jusqu'à la création du PNA, car le service de nettoyage de la ville créé par la suite en 1975 ne donnait pas une entière satisfaction. Kinshasa ne s'appuie maintenant que sur les prestations du PNA qui est un service technique du ministère de l'Environnement et qui a pour mission, notamment, de mener la lutte antivectorielle, d'évacuer les ordures et les eaux usées. Le PNA fournit ses prestations sans subsides étatiques mais bénéficie parfois des dons de quelques bailleurs dont le plus important de son histoire est un équipement complet d'assainissement, en 1988, avec des engins lourds d'une valeur de 700 000 000 de yens, don d'un pays asiatique, mais pillé malheureusement en 1991 et 1993. En 1992, le PNA bénéficiera d'un financement de 400 000 $ d'une organisation internationale des Nations unies, via le ministère de l'environnement, pour la réhabilitation du charroi automobile et pour évacuer les immondices afin de protéger les enfants contre l'insalubrité et les maladies. Mais la campagne récoltera des résultats mitigés suite au pillage, à l'arrêt de la coopération structurelle et à la crise économique qui s'est ensuivie pendant de longues années. Depuis lors, les activités du PNA tournent au ralenti par manq\Ie de subsides et de matérie}155. Ses capacités d'évacuation journalière s'amenuisent au fil des ans, passant de 2800 m3 en moyenne par jour à 600 m3 sur les 5700 m3 que produisait Kinshasa quotidiennement au début de l'an 2000. Tableau 29 Nombre d'engins du PNA en bon état en 1989 et 1999 Engins
Nombre d'engins en 1989
Pelle chargeuse Camions bennes (8m3) Camions bennes basculantes Camions compresseurs (5m3) 155
3 15 8
Nombre d'engins en bon état en 1999 1 3 3
Nombre d'engins à réhabili ter en 1999 1 2 2
15
3
10
1 vieille pelle de 2m3, 2 camions porte-containers,
et rouillés.
176
2 camions bennes,
160 bacs abandonnés
Camions vidangeurs Camions porte-bacs (5m3) Camion laboratoire Camion atelier Dumpers (2m3) Bacs156 Jeeps
5 15
2 3
1 3
1 1 8 170 6
1 0 2 100 0
0 1 2 70 0
Source: PNA (2000), cité par Kutungulula
(2001)
Le tableau n029 présente l'état de dégradation du charroi automobile du PNA en 1999. Ce parc des engins s'est encore dégradé par manque de subsides alors que la population kinoise continue de croître et la production de déchets monte en flèche. Aujourd'hui, le PNA vit 'sous perfusion' grâce aux divers projets d'assainissement appuyés par les bailleurs internationaux, mais cela ne lui permet pas de renouveler son charroi. Il en est de même de ses bacs à ordures abandonnés et disparus dans la nature par manque de camions porte-bacs pour les ramener à l'entrepôt.
Tableau 30 Nombre de bacs du PNA abandonnés Secteur Secteur Est Secteur Centre Secteur Ouest
Nature des déchets Déchets hospitaliers Déchets industriels Déchets domestiques Déchets hospitaliers Déchets industriels Déchets domestiques Déchets hospitaliers Déchets industriels Déchets domestiques
Total Source:
PNA (2001), cité par Kutungulula
156La récupération coûte 2700$.
Nombre de bacs 2 1 18 3 12 14 4 3 30 77
Poubelles 1
4
5
(2001)
par le PNA d' 1 bac rouillé abandonné
177
dans la ville
à travers la ville et sa réparation
lui
Le tableau n030 recense le nombre de bacs abandonnés par-ci par-là dans la ville dans les concessions hospitalières, industrielles et d'habitations. Par manque de camions porte-bacs, le PNA ne passe plus pour les récupérer. Certains bacs ne sont plus récupérables parce que pourris et enfouis dans des montagnes d'immondices. De temps en temps, à l'occasion d'une fête nationale ou de l'investiture des nouvelles autorités dans la ville, l'hôtel de Ville, s'appuyant entre autres sur les quelques vieux engins du PNA, lance ponctuellement l'une de ses traditionnelles opérations 'Kin-Bopeto' qui s'arrête brusquement, comme elle est née, quelques semaines après par manque de moyens et de stratégies.
Tableau 31 Évacuation
des déchets par le PNA (1995-2005) à Kinshasa
An
1995
1996
1997
1998
1999
2000
m3
14604
35829
27797
55885
41717
21669
An
2001
2002
2003
2004
2005
m3
8515
13232
8608
7842
7167
Source: PNA (2005)
Le tableau n031 présente les prestations décennales du PNA. Les statistiques indiquent sa bonne prestation entre 1996 et 2000. Cette période correspond aux années fastes de l'hôtel de \1'ille de Kinshasa engagé manifestement dans une campagne de grande envergure de propreté urbaine, avec la création de son service de salubrité doté de 1200 cantonniers, de matériel de cantonnage et d'engins lourds d'assainissement. C'est en mars 1998 que la ville bénéficie d'un appui budgétaire gouvernemental de 230 769 $ qui lui permit de lancer l'opération 'KinBopeto' et d'éliminer, grâce aux engins du PNA, les grandes décharges anarchiques15ï à travers la ville, notamment celles situées sur le boulevard
157Sur le terrain public de l'avenue communale
du 24 Novembre
de Lingwala et sur l'avenue du Flambeau
178
à l'actuel
emplacement
en face de l'aéroport
de la maison
militaire de Ndola.
Triomphal avant son asphaltage. C'est cette année-là que le PNA est parvenu à évacuer 55 885 m3. C'est aussi grâce aux bailleurs internationaux que depuis 2007, le PNA conduit, en régie, une action pilote de gestion des déchets solides dans 10 communes, en partenariat avec l'ACCC0158, pendant 22 mois, pour une enveloppe totale de 1 596 067 $. Le projet comprend trois volets: primo, éliminer en 4 mois la grande décharge non contrôlée de Banunu au niveau du pont Matete ; secundo, éliminer en 6 mois, dans la commune de Matete, la grande décharge non contrôlée de l'avenue Mulele (environ 70 000 m3) ; tertio, collecter de porte-à-porte et évacuer pendant un semestre les déchets ménagers dans dix communes de la ville de Kinshasa159 avec 590 chariots. Outre ces activités, le projet comprend également le volet de location d'engins lourds pour l'exécution de travaux. Les déchets sont à déposer dans des décharges relais désignées par les bourgmestres des communes concernées, soit dans des zones marécageuses à Matete, soit dans des anciennes carrières de sable à Kimbanseke, soit dans des ravins à Ndjili, soit dans des bacs PNA à Lingwala et à Barumbu. Les résultats sont visibles. Environ 26 000 m3 de déchets ont été évacués entre avril et mai 2007 (Lelo Nzuzi, 2007). L'ACCCO y installera des équipes de trois personnes par dépôt relais pour trier et exploiter les broyeurs. Le compost récupéré par les équipes de l'ACCCO après broyage sera livré aux maraîchers. Les rebuts seront évacués à partir de ces dépotoirs par les camions du PNA pour les acheminer vers les décharges finales en dehors de la ville. Comme on le constate, l'évacuation de déchets par le PNA n'est possible que lorsqu'il obtient des subsides parce qu'il n'est pas un service générateur de recettes. D'ailleurs, ses quelques engins fonctionnent encore grâce à la débrouillardise, à l'ingéniosité de son personnel et à quelques recettes récoltées après une prestation chez les privés dont le coût fixe est de l'ordre de 35 $ par 5-8 m3 de déchets solides évacués (IGIP, op.cit.).
6.2.2 Le mode de recyclage des déchets Le recyclage se fait de deux manières, soit artisanalement pour fabriquer le compost, soit industriellement pour recycler les métaux, papiers, objets plastiques, etc. Et la matière première, c'est-à-dire les déchets, est fournie par les chiffonniers. C'est un des nouveaux métiers, à Kinshasa, nés de la crise économique et de la crise d'emploi. Ce métier de chiffonnier est donc très récent à Kinshasa. Il est lié à la profonde crise socioéconomique 158L'Association d'appui aux conducteurs de chariots du Congo. 159Matete, Kisenso, Ndjili, Kimbanseke, Barumbu, Kinshasa, Lingwala, Kasa-Vubu, et Masina.
179
Kalamu
qui frappe Kinshasa depuis les pillages de 1991 et 1993 et qui a supprimé 100 000 emplois (Lelo Nzuzi et Tshimanga, 2004). Ces activités de récupération qui alimentent le lot des petits métiers de Kinshasa attirent de nombreux jeunes désœuvrés, les enfants des rues et les « sans emploi fixe ». La filière recyclage regroupe deux types d'activités distincts: le ramassage et le recyclage. Les ramasseurs collectent les déchets qu'ils revendent aux recycleurs. Ces derniers valorisent ces déchets qu'ils revendent à leur tour sur le marché urbain. La collecte, le transport, l'évacuation, la valorisation et l'élimination se réalisen t vaille que vaille sans normes ni évaluation d'impact environnemental et social. Les déchets récupérés dans les décharges de la ville sont les verres, les objets en plastique, les papiers, les métaux, etc.
Tableau 32 Consommation
industrielle
de quelques produits de récupération Déchets
Entreprise
en 1989
Quantité consommée
en Verres Plastiques Plastiques Papiers Papiers Aluminium
Boukin Sizaplast Plastica Carto-ZaÏre Zapac Alukin
%
du total 35 18 15 68 12 5
Source: Lubuimi (1989), cité par Mutima (2002)
Le tableau n032 montre bien le rôle que jouent certaines fabriques de Kinshasa dans la récupération et le recyclage des déchets solides municipaux. C'est le recyclage des papiers qui bat tous les records parce que les papiers hygiéniques, les papiers journaux et les papiers d'emballage fabriqués localement sont très consommés sur le marché urbain.
180
- Le recyclage des déchets ménagers en compost Des études sur le mode d'évacuation des ordures ménagères à Kinshasa montrent que certains ménages kinois transforment leurs déchets en fumier pour leurs potagers: Il,6°/0 d'après MICS 2 (2001), 15,4% selon Lelo Nzuzi et Tshimanga (op.cit.). Ce mode de recyclage rustique s'effectue à domicile parce que la ville n'a pas une usine de compostage industrielle, hormis la petite compostière eXpérimentale de Lemba. Cette compostière a été créée en 1996 à l'initiative de la Société nationale de la Croix-Rouge en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des autorités communales de Lemba. Dix ans après, elle fonctionne encore telle une compostière-pilote. Sept jeunes secouristes de la Croix-Rouge assurent la collecte des déchets des ménages de la commune et trois employés s'occupent du compostage sur le site. Le compost se vend à 2 $ le sac de 50 kg et la moyenne de la production annuelle est de 24 tonnes par an (Kasulu, 2007) car le rendement trimestriel en compost est de plus ou moins 6,75 tonnes, soit une production de 135 sacs (Ekula, op.cit.). Le compost produit se vend difficilement à cause de son coût exorbitant par rapport aux revenus des maraîchers, horticulteurs et arboriculteurs qui doivent acheter et transporter eux-mêmes les sacs de compost jusqu'aux sites de culture. C'est à cause de cela qu'à la place du compost, les maraîchers utilisent les ordures ménagères biodégradables que les pousse-pousse leur livrent en vrac sur le site et à meilleur marché. Pour preuve, 58% des maraîchers de la pépinière de Bandalun~a s'approvisionnaient de la sorte. Les pousse-pousse leur vendaient sur le site une cargaison de 0,5 m3, l'équivalent de la capacité d'un chariot, des déchets triés à 1 $ et non triés à 0,25 $ (Makangu, 1998). C'est bien ce prix d'achat dérisoire et cette politique de livraison du produit sur le site du maraîchage qui ont cassé le marché du compost fini de la compostière de Lemba. C'est comme cela que les maraîchers récupèrent par jour près de 400 m3 de déchets ménagers pour le compostage artisanal, selon le PNA (op.cit.). Aujourd'hui, à Kinshasa, les espaces maraîchers cohabitent avec les dépotoirs anarchiques, véritables réservoirs de déchets biodégradables, c'està-dire d'engrais verts pour les maraîchers. Et pourtant, les maraîchers ont tout intérêt à fertiliser leurs champs avec du compost puisque la fertilité du sol qu'ils utilisent depuis des années diminue progressivement. Les estimations du ministère du Développement rural indiquent qu'un hectare de culture maraîchère a besoin de 40 tonnes de compost par an. Et il est connu que 1 m3 de déchets organiques après tri produit 350 kg de compost fini. Les besoins en compost, en 1986, étaient évalués à 2500 m3 par jour
181
pour tous les grands espaces maraîchers de la ville qUI ne comptaient qu'environ 600 ha160 à cette époque-là (Ilunga, op.cit.). Pour toutes les raisons évoquées plus haut, la compostière de Lemba rencontre des difficultés énormes parce que le compost fini ne trouve pas de débouchés. Pour preuve, calculant le coût de production du compost entre octobre et décembre 2006 dans la compostière, Ekula (op.cit.) a trouvé que les dépenses engagées par le projet (375,02 $) étaient largement supérieures aux recettes obtenues (165,09 $), soit une perte de 139,93 $. Il en est de même pour le premier trimestre de 2007 avec un déficit de 159,41 $ avec des gains récoltés (259,7 $) qui sont inférieurs par rapport aux frais engagés (419, Il $). Au total, le recyclage des déchets en compost ne récolte pas de succès à Kinshasa pour des raisons économiques. Une autre expérience de compostière tentée à Barumbu, par une association locale spécialisée dans le curage des caniveaux, l'assainissement des latrines publiques et la collecte des déchets, a été abandonnée après sept ans de pilotage. Ainsi, par exemple, de mars à juin 2001, l'association avait collecté 106 m3 d'ordures et transformé 51 m3 de déchets biodégradables avec environ 18 tonnes de compost qu'elle avait difficilement vendues sur le marché. (Mutima, 2002). Très récemment, ont été identifiées à Kinshasa des initiatives volontaristes dans le domaine du traitement des déchets solides ménagers. C'est le cas de la mise au point d'un type de broyeur testé et en commande de 31 pièces par une institution bancaire internationale africaine auprès d'un artisan local. Ces broyeurs son en train d'être montés dans les ateliers des Travaux publics sur financement de l'hôtel de \'ïlle. Ils ont l'avantage de diminuer le temps de compostage. Ainsi, par exemple, le recyclage des déchets bruts en compost dure 3 à 4 mois et 2 à 4 semaines seulement avec les déchets broyés. Ce broyeur est donc un outil très important en appui à la production du compost rapide, en 1 mois au lieu de quatre (Ngoy, op.cit.).
Le recyclage de cartons et papiers usés en papier hygiénique, papier journal, etc. Le recyclage de cartons et papiers ne date pas de maintenant, mais les informations sur cette activité sont rares parce que les fabriques se livrent à une concurrence déloyale. L'une des rares études connues est celle de Mataba (1996) sur l'Izap161 qui, avec ses deux camions, ramassait les papiers et cartons usés dans les imprimeries et cartonneries de la place pour les 160 Centre Ndjili (56 ha), Kimbanseke (44 ha), Tadi (39 ha), Manzanza (50 ha), Ndjili Cecomaf (3 ha), Lemba-Imbu (108 ha), Funa (81 ha), Echangeur (8 ha), Lingwala Huileries (15 ha), Bandalungwa (20 ha), Masina Mission chinoise (8 ha), Tshanga (44 ha), Tshwenge (32 ha), Mango (54 ha), Mekori Bono (120 ha). 161Industrie zaïroise du papier.
182
recycler dans ses installations. L'lzap travaillait avec des ramasseurs indépendants et recrutait des jeunes chiffonniers à qui elle fournissait des chariots. Elle achetait, en 1996, les cartons usés à 0,10 $ par kg et les papiers à 0,06 $ par kg (Makangu, op.cit.). Ses achats annuels étaient montés jusqu'à 813 034 kg en 1995 dont 731 730,6 kg pour les cartons (43 903,836 $) et 81 303,4 kg pour les papiers (8 130,34 $). Au total, l'Izap achetait jadis pour environ 50 000 $ par an de cartons et papiers usés pour le recyclage.
Tableau 33 Production
en kg de cartons et papiers recyclés par l'Izap
Variétés Simili kraft Papier hygiénique Papier blanc journal Total
1993 560 075 305 518 52 720 918 313
1994 755 414 280 885 39 990 1 076 289
1995 739 553 398 160
1 137 713
Source: Mataba (1999)
Le tableau n033 montre que la fabrique Izap travaillait essentiellement dans le simili kraft et dans les papiers hygiéniques. D'autres sources montrent que l'Icop (ex-Izap) a recyclé 510 974 kg de papiers en 2000 qui se répartissaient de la manière suivante: 226 294 kg de cartons et 284 680 kg de divers (Mutima, op.cit.). Le recyclage des cartons donne lieu aux emballages appelés 'simili kraft', tandis que les 'divers' qui contiennent tous les autres papiers donnent des papiers hygiéniques. A présent, à côté de l'Icop, il existe quelques recycleurs de papiers et cartons mais ils travaillent presque dans l'anonymat, sans publicité, pour des raisons de fisc et de concurrence. Les kinois observent seulement des chariots remplis de cartons, tirés par des jeunes, en route pour la commune de Limete où se situent ces usines de recyclage. Ces jeunes chiffonniers viennent même de créer anarchiquement en plein air, au croisement des avenues de l'Université et Lumumba à Limete industriel et à l'angle des avenues Luambo Makiadi et Sendwe à Kalamu, un dépôt relais où ils stockent des tas et des tas de cartons usés. Ils sont destinés à ces fabriques162 qui les recyclent pour fabriquer principalement du papier hygiénique parce que le marché du /62
ICOP, Carton Congo Pegal, Zapak, etc.
183
papier journal n'est plus bénéfique à cause de la concurrence étrangère. Le constat fait est que la récupération de cartons usés ne draine pas des centaines de jeunes chiffonniers parce que le métier est mal rémunéré. Le chariot de 0,5 m3 bondé de cartons ne coûte tout au plus que 5 $, c'est-à-dire 1 m3 = 0,1 $. Et comme ils vivent au jour le jour dans la précarité., les fabriques de recyclage profitent de leur état de pauvreté pour leur imposer à vil prix l'achat des cartons et papiers. Cela démotive ces jeunes chiffonniers qui travaillent péniblement sous un soleil ardent pour ne récolter que des miettes après tant d'efforts fournis dans le ramassage et le transport des cartons usés.
- Le recyclage des déchets plastiques en granulés Kinshasa en produit et en consomme des quantités énormes chaque jour. Les sachets en plastique ont plusieurs usages à Kinshasa. Ils servent de panier de la ménagère, d'emballage non seulement de produits mais aussi de déchets contaminants et même de selles pour certaines familles qui vivent dans des parcelles dépourvues de latrines. Ce ne sont pas en tout cas les déchets plastiques qui manquent à Kinshasa. Certains Kinois ironisent en disant que les 'sachets plastiques usagés ont valablement pris la place du gazon'. Effectivement, les sachets en plastique couvrent le sol à perte de vue sur de vastes étendues: le long des trottoirs, dans les caniveaux, dans les espaces publics, etc. créant ainsi une couche imperméable aux eaux pluviales. Donc, pendant les pluies, les eaux de ruissellement, ne pouvant s'infiltrer, stagnent sur les routes. La ville souffre donc du phénomène de 'sachetisation' ou du 'péril sachet' produit officiellement par dix-sept fabriques dont le personnel varie entre 20 et 30 personnes. Début 2005, le gouverneur de la ville essaya, mais sans succès, de sensibiliser les Kinois dans une campagne nommée les 'communes sans sachets'. Il osa même interdire par un arrêté la production de sachets dans la ville: un jour à trois mois de prison avec des amendes de 1 à 10 000 $, selon l'importance de l'industrie, suivies de la saisie des équipements en cas de récidive. Mais cet arrêté se trouva encore confronté à la problématique de son application. Il est en souffrance maintenant dans les tiroirs faute vraisemblablement de mesures d'encadrement appropriées. Pour atténuer les conséquences du 'péril sachet', quelques initiatives locales d'associations communautaires naissent actuellement. Elles recyclent des sachets plastiques en divers objets d'usage quotidien comme des sacs à main, des chapeaux, etc. Le succès de cette activité reste mitigé parce que ces activités restent de faible capacité et de petite échelle. De plus, les populations sont peu 'friandes' de ces produits à base de sachets parce que les plastiques 'chauffent' sous le soleil ardent de Kinshasa. 184
Parmi les initiatives locales, il y a celle de Cerplast. Il regroupe deux associations bien structuréesI63 d'assainissement. Il appuie et accompagne, depuis 2005, le développement d'une filière de recyclage de déchets plastiques dans la commune de Lemba. Il recycle les déchets plastiques et vend aux fabriques des résines récupérées (triées, broyées, lavées) à un prix plus économique que les produits importés (Maisin, 2006). Avec cette activité, le Cerplast poursuit un double objectif: l'assainissement de Kinshasa et le développement d'une activité économique créatrice d'emplois. Il emploie 16 personnes fixes. Du ramassage à la production, la filière est bien organisée. Près d'une soixantaine de jeunes dont une trentaine d'enfants des rues et une dizaine de pousse-pousse ramassent régulièrement les déchets plastiques. Le recyclage concerne, pour le moment, uniquement les plastiques (bouteilles, bassines, pièces de voitures, téléviseurs, etc.). Le prix d'achat varie entre 0,12 et 0,23 $/kg, parfois 0,15 = /kg, selon le degré de tri effectué par les collecteurs/vendeurs. La quantité moyenne achetée entre novembre et décembre 2005 se chiffre à 3,3 tonnes/mois (Maisin, op.cit.). En 2006, le Cerplast a acheté 40 449 kg et a livré 40 tonnes de plastiques broyés vers les fabriques de plastiques à 0,42 = /kg (Tsimba, 2007). De 2005 à 2006, le Cerplast a déjà acheté environ 3 200 kg de déchets plastiques. Il espère atteindre une vitesse de croisière, en 2007, avec une production de 250 kg/jour soit 6,5 tonnes par mois (Tsimba, op.cit.). Les plastiques que le Cerplast vend à ses principaux clientsI64 servent à la fabrication de produits finis comme des seaux, bassines, entonnoirs, tuyaux de grainage de câbles, matériel électronique (boîtes de dérivation). Malgré la présence de ces deux associations spécialisées dans le recyclage, l'activité ne crée pas d'émules auprès des jeunes chiffonniers parce que ce métier de ramassage de plastiques, à l'instar de celui de cartons, ne nourrit pas son homme. Il n'y a pas que les chiffonniers qui sont 'démotivés' parce qu'ils ne vivent pas de leur métier. Les vendeurs de plastiques broyés le sont également. Eux aussi éprouvent les mêmes difficultés. En effet, malgré le gain économique qu'elles tirent en utilisant des produits secondaires issus de déchets plastiques, les fabriques de recyclage de déchets en plastique rabattent le prix d'achat des flocons de plastiques broyés et payent les vendeurs plusieurs jours après livraison. Cela paralyse la filière. Depuis 2007, deux nouvelles associations partenairesI65 sont venues 'révolutionner' la filière après leur expérience-pilote à Makala et à NgabaI66. !63Vie montante et Ingénieurs sans frontières. !6-1Comme les fabriques Kern Piast et Congo Piast. !65Umoja et Ingénieurs sans frontières. !66 Texte tiré de Nzela ya Lobi,journal de la Coopération nOl,juillet-août 2007, p. 11.
185
technique
belge à l'est de Kinshasa,
La chaîne de production s'organise dans une filière en trois étapes. D'abord, un groupe de plus de quarante jeunes filles et garçons ou d'enfants des rues majoritairement issus de familles pauvres ramasse en moyenne 300 kg par semaine de sachets plastiques qu'ils vendent à un collecteur dans son guichet d'achat-vente. Ensuite, le collecteur les centralise, les trie, les prépare et les vend aux deux associations partenaires. Enfin, ces deux associations partenaires collectent, trient, broient, déchiquètent, lavent, sèchent, régénèrent, et transforment les plastiques en granulés qu'elles vendent aux entreprises de recyclage. Apparemment, cette 'innovation' dans le secteur commence à porter ses fruits puisque ces deux associations partenaires qui viennent de s'installer dans la vaste commune de Kimbanseke projettent, au second semestre de 2007, de fournir mensuellement aux industries plastiques de Kinshasa plus de 6 tonnes de matières premières.
- Le recyclage des déchets ferreux en barres de fer de construction Le ramassage de la mitraille est une activité très récente et lucrative à Kinshasa. C'est à la fin de l'année 2005 qu'elle voit le jour et ce commerce prend vraiment de l'ampleur. Elle emploie des jeunes robustes qui font désormais la chasse à toute mitraille qui traîne dans la rue. Cette activité fait suite à la naissance récente dans la ville de sociétés de rachat et de recyclage de mitrailles. Certaines fonderies les recyclent localement en matériaux ferreux de construction. Elles fondent les mitrailles dans des fours de fusion, ensuite les laminent pour produire des fers ronds de différents diamètres, des cornières de différentes dimensions, c'est-à-dire, de la ferraille pour les constructions. Une tonne de mitrailles permet de fabriquer 211 barres de 8 (Bayoli, 2007). Sur le marché de Kinshasa, une barre de fer de 12 m de long et de 6 mm de diamètre revient à environ 4 celle de 8 mm à 7 $, de 10 mm à 6,5 $, de 12 mm à 8 $, etc. D'autres acheteurs, par contre, exportent ces déchets ferreux à l'état brut vers l'Asie du Sud-Est. Une fonderie qui vient d'ouvrir ses portes à Limete a une capacité de production de 2000 tonnes par mois de barres de fer de béton mais n'en produit que 200 tonnes à cause de coupures fréquentes d'électricité (Mwarabu, 2007). Kinshasa est en train d'être vidée en partie des mitrailles constituées principalement des épaves de véhicules. Comme les déchets ferreux commencent à se raréfier, les jeunes ramasseurs parcourent les rues ou écument les rivières de la ville pour racheter ou ramasser de la ferraille rouillée. Certains arrivent à déterrer la mitraille enfouie jadis dans les ravins pour lutter contre les érosions. Ce qui malheureusement déstabilise les talus et réveille ces érosions qui mettent en danger des quartiers en tiers.
186
Déjà vers les petites heures du matin, profitant de la faible circulation matinale, des colonnes de chariots 'à la queue leu leu' et 'bourrés' de déchets ferreux encombrent l'avenue des Poids lourds et le boulevard Lumumba en direction des entreprises de recyclage à Limete. Comme il est difficile de rassembler une tonne de mitraille et de tirer la charrette tout seul jusqu'à Limete, ces jeunes se regroupent à plusieurs pour atteindre les points de vente. Après avoir écoulé la mitraille, le groupe se partage l'argent gagné en fonction de la contribution de chacun. Mais ces énergies et efforts physiques dépensés pour ramasser et tirer ces charrettes ne rapportent que des miettes. Les recycleurs rachètent la mitraille à 30 $ la tonne pour être revendue FOB à Matadi à 170 $ et à 300$ en Asie du Sud-Est. Depuis février 2007, la tonne se négocie de 100 $ à 150 $ et autour de 600 $ en Asie. Malgré le fait positif sur l'assainissement de la ville, l'exportation de la mitraille brute constituerait un manque à gagner important pour la Sidérurgie de Maluku fermée depuis 1988. Des initiatives officielles existent pour redynamiser cette sidérurgie, notamment les différents arrêtés des gouverneurs de Kinshasa de 1998, de 2002 et 2007 relatifs à la fermeture des garages et à l'évacuation des déchets ferreux sur les servitudes publiques ainsi que la décision du ministre de l'Industrie de 2007 concernant l'interdiction de l'exportation des mitrailles. Toutes ces décisions avaient notamment pour but d'approvisionner la sidérurgie en voie de réouverture en matières premières telles que les déchets ferreux. La sidérurgie aura besoin bientôt de 29 515 tonnes de mitrailles pour produire 2 300 tonnes de produits finis ferreux (Bayoli, op.cit.). Mais cette relance de la sidérurgie tarde encore à prendre forme. C'est la raison pour laquelle le commerce des mitrailles prend de l'ampleur parce que Kinshasa a cette réputation d'être un vaste entrepôt de véhicules et engins déclassés. En 1999, dans le cadre du programme 'food for work', l'Office de voirie et de drainage avait évacué 487,5 tonnes de mitraille (Mutima, op.cit.). Mais à cette époque-là, les fonderies de Kinshasa n'existaient pas encore. Probablement, les Kinois les avaient rachetées pour les déverser dans les ravins dans le cadre de la lutte antiérosive. - Le recyclage
de tessons
de verre en bouteilles
L'artisanat du recyclage de verres n'existe pas. Boukin 167est la seule usine qui fabrique des bouteilles à Kinshasa depuis 1948. Au début des années 90, sa production s'élevait à 45 tonnes de bouteilles par jour dont 15 à 20% des matières premières provenaient de la récupération des verres à l'intérieur de l'usine et 5 à 10% étaient ramassées à l'extérieur (Ilunga, op.cit.). 167La bouteillerie
de Kinshasa.
187
Si, en 1998, l'usine rachetait les tessons de bouteille à environ 0,40 $ le kg, elle le fait maintenant à 24 $ le m3 auprès des chiffonniers, payables une semaine après livraison. Ces derniers sont généralement installés à proximité des usines brassicoles, le long de l'avenue des Poids lourds, pour ramasser les bouteilles cassées. Ils les récupèrent aussi dans les décharges publiques situées le long du fleuve à Kingabwa. C'est une activité qui passe presque inaperçue parce qu'elle est circonscrite au centre-ville et très concentrée sur la route des Poids lourds dans le quartier industriel. Comme on vient de le voir, malgré la présence de tonnes de déchets recyclables dans les cités, la filière recyclage ne connaît pas un succès réel, hormis la nouvelle qui concerne les déchets ferreux. Les jeunes chiffonniers rencontrent beaucoup de difficultés pour développer leur activité: manque de moyens de locomotion, prix d'achat dérisoire, paye aléatoire, etc. Pis encore, les industries de recyclage profitent de l'état de pauvreté des chiffonniers pour rabattre les prix. C'est la raison pour laquelle, dans plusieurs cas, les ménages producteurs de déchets jettent carrément leurs ordures n'importe où avec toutes les conséquences que cela entraîne sur l' environnemen t. 6.2.3 Le mode de/imination
des déchets
sa/Ides municipaux
Le colmatage des anciennes carrières de sable et des ravins Le colmatage des ravins et des carrières est un mode d'évacuation et d'élimination des déchets connu de tous les Kinois et pratiqué dans toutes les cités collinaires. D'après Mayambwedi (op.cit.), 50% des ménages de MontNgafula et selon Matondo (op.cit.), 58% des ménages de Kisenso jettent leurs déchets dans le ravin pour colmater le fond des érosions. A Ndjili, sur la demande des autorités communales, les ravins Mabanza et 'Bassin', avec leurs capacités d'accueil respectives de 164 000 m3 et 270 000 m\ viennent de recevoir des tas d'immondices avec le projet PNA-ACCCO : le premier, 278,50 m3 et le second, 51,50 m3 entre avril et mai 2007. Il en est de même des ravins Kulumba- Tswenge et KulumbaTshangu avec des capacités d'accueil respectives de 7 200 m3 et 78 750 m3 qui viennent de recevoir, grâce au même projet, respectivement 1513,50 m3 et 1164 m3, chacun pendant la même période (Lelo Nzuzi, 2007). Dans la commune de Kimbanseke, sur la demande aussi des autorités municipales, les pousse-pousse du projet PNA-ACCCO enfouissent les immondices dans d'anciennes carrières de sable jadis remplies d'eaux pluviales et transformées en gros étangs. La carrière de \7unda a une capacité d'accueil de 30 000 m3 et entre avril et mai 2007, elle a été remblayée avec 903 m\ tandis que celle de Toyeye, avecses34 200 m\ a 188
accueilli 1085 m3 (Lelo Nzuzi, op.cit.). Ce colmatage est en train de supprimer les gîtes larvaires et les marécages dont l'assèchement ne présente pas de gros risques sur le plan environnemental. Le remblai
des zones
marécageuses
Comme les déchets solides municipaux kinois posent d'énormes problèmes de gestion, une partie de ces immondices est jetée dans les marais pour colmater le fond des zones marécageuses et pour gagner de la terre ferme. Dans les années 70, le caractère marécageux de la zone inondable de Kingabwa-pêcheur a conduit les habitants à la remblayer avec des déchets et du sable pour aménager un terre-plein sur les marais. Les travaux de Gbua (2005) montrent que 29% des ménages de Kingabwa jettent leurs déchets dans les zones marécageuses. Dans les années 90, le remblai réalisé à l'aide des ordures ménagères et du sable, au croisement des avenues Kabinda et Huileries, a permis de récupérer près de 1000 m2 de terre sur les marécages. Le site est affecté maintenant à la cour d'une école. Plus récemment, l'ancien lit inondable de la rivière Matete a reçu près de 6 000 m3 de déchets grâce au projet PNA-ACCCO pour gagner de la terre ferme sur les marécages (Lelo Nzuzi, op.cit.). Le rejet
dans
les cours
d'eau
Certains ménages kinois jettent directement leurs ordures dans la rivière comme c'est le cas dans la commune de Limete dans quartier de Mombele (14%) (Nsia, op.cit.), 8% dans quartier de Bribano à Kingabwa (Mawete, op.cit.), 35% des riverains de Yolo (Bolya, op.cit.), 59% des riverains
de Mango/Mokali (Lukengo, op.cit.). Dans plusieurs cas, ces dépôts de déchets servent de digues contre les crues. C'est comme cela qu'en déposant les ordures le long des berges de la rivière Matete, les habitants du quartier de Kunda contiennent les crues de ce cours d'eau. L'incinération
de déchets
A Kinshasa, à l'époque coloniale, le caractère biodégradable des déchets des marchés communaux et les difficultés de les évacuer quotidiennement tous les après-midi, après chaque fermeture, avaient conduit les autorités communales à implanter de petits fours incinérateurs168 168Appelés
communément
fours.
189
sur le site pour brûler les immondices. A cette époque, les déchets n'étaient pas composés de grandes quantités de matières en plastique. Aujourd'hui, cette pratique polluerait probablement davantage l'air avec l'incinération de sachets plastiques qui produisent des gaz à effet de serre. Cette pratique n'existe plus. La seule et l'unique expérience postcoloniale d'implantation d'un four incinérateur public date de 1999 avec I'hôtel de Ville de Kinshasa. Il était en briques réfractaires avec une capacité de 8 m3. L'hôtel de Ville l'avait construit à proximité de l'espace maraîcher du pont Kiyimbi, à Matete, avec pour objectif de brûler les rebus des déchets ménagers déposés auprès des maraîchers. Pendant les essais, cette pratique d'élimination gêna davantage la population avec des rejets toxiques dus au mauvais brûlage. Du coup, elle s'affola de la pollution et l'expérimentation s'arrêta. Abandonné, le four sera démoli quelques années après par des lotisseurs anarchiques venus implanter des magasins sur le site. Seuls les hôpitaux continuent tant bien que mal à incinérer. Mais il est surprenant de voir la manière dont ces déchets biomédicaux sont évacués sans précautions dans certains hôpitaux. Leur stockage se fait pêle-mêle dans des poubelles métalliques, des seaux en plastique et des cartons. Dans certains cas, leur transport se fait manuellement ou dans une brouette vers ces incinérateurs artisanaux de faible capacité par rapport à l'expansion de la clinique. En cas de manque, les déchets biomédicaux sont brûlés à l'air libre ou dans une fosse située dans la cour arrière, vers la morgue. Il est regrettable de constater que, suite à la complaisance des services étatiques, plusieurs centres de santé ne se soucient pas de se doter d'incinérateurs appropriés. Certains centres de santé osent même brûler leurs déchets biomédicaux dans les décharges sauvages du quartier. Et pourtant, lorsque les résidus des hôpitaux sont jetés dans les décharges et sont mélangés avec les déchets ménagers, ces derniers sont directement déclarés déchets spéciaux qu'il faudra incinérer. Ce qui ne se fait pas souvent et malheureusement, c'est là où les chiffonniers courent le risque d'être contaminés par des seringues souillées lorsqu'ils y vont pour ramasser toutes sortes d'emballages jetés. En ce qui concerne les ménages et les vendeurs de rue, ils incinèrent régulièrement leurs déchets après les travaux de salongo, alias travaux collectifs de salubrité. Le salongo appartient à l'histoire. Institué dans les années 70 par le gouvernement, le salongo obligeait tout Congolais à accorder la demi-journée du samedi à l'Etat pour la salubrité publique: débroussaillage, curage de caniveaux, abattage de vieux arbres, etc. et incinération. Depuis les années 80, le salongo obligatoire n'existe plus (Kamena, 1999). Mais, les habitudes sont restées. Tous les travaux collectifs sont désormais désignés par le vocable 'salongo'. Dans le quartier de 190
Mombele, dans la commune de Limete, 18,7% des ménages l'incinération comme mode d'évacuation des ordures (Nsia, op.cit.). L'enfouissement
de déchets
utilisent
ménagers
Lorsque la ville avait encore, en 1989, près de 3,5 millions d'habitants, le rapport du CNAEA (1990), cité par Kamena (1999), avait mentionné que près de 30% des Kinois enfouissaient leurs ordures ménagères dans la cour. Ce qui représentait environ 113 000 tonnes par an. Les rapports du PNA en 1996 indiquaient que 1,5 million d'habitants enfouissaient leurs déchets ménagers. Ce qui représentait environ 168 000 tonnes par an. Si ces chiffres représentent la situation en général pour toute la ville, il y a aussi des études spécifiques qui confirment les faits. A Makala par exemple, 44% des ménages enfouissaient leurs déchets (Monsengo, 1996) dans la cour. Dans le bidonville de Bribano à Kingabwa, 83% des ménages les enfouissent dans la parcelle et à Masina, ils sont 7% à les éliminer de la même manière. Et plus tard, après leur décomposition, la décharge parcellaire cède sa place au potager. Comme l'impose la tradition du jardin de case, les ménages kinois, pauvres et riches, se dotent de jardins et élevages parcellaires lorsqu'ils ont de l'espace. Ils plantent des légumes à l'ancien emplacement du trou à ordures. A Ngaliema, 91% des ménages ont un jardin parcellaire (Lelo Nzuzi et Thsimanga Mbuyi, 2004).
L'enfouissement des déchets spéciaux et dangereux Il n'existe pas d'études connues qui décrivent ce mode d'évacuation parce que les services de l'Etat eux-mêmes ne réussissent pas à obtenir les autorisations des entreprises pour inspecter leurs installations. Dans les rares cas où ils les obtiennent, leurs analyses ne reflètent pas la réalité du terrain. Les quelques bribes d'informations qui circulent portent sur une entreprise locale qui produit, par mois, près de 80 m3 de plaques de fibrociment. Cette entreprise évacue ses déchets d'amiante, en pâte boueuse, en les donnant volontiers aux Kinois sinistrés, sur leur demande, pour les enfouir dans les érosions naissantes. Il est aussi connu que ces mêmes déchets sont très prisés par les enfants qui fabriquent des statuettes de jeu avec cette pâte blanche. Aujourd'hui, certains travailleurs retraités de l'usine sont en procès avec le patronat parce qu'ils ont développé des maladies incurables. Il est étonnant qu'aucune réglementation contraignante n'existe pour inquiéter les producteurs d'amiante et de ses dérivés dans le pays, quand bien même la production de plaques en eternit pour les faux plafonds et autoportants de couverture de toitures n'existent pratiquement plus à Kinshasa.
191
Certains déchets spéciaux et dangereux sont issus des métaux lourds utilisés dans la fabrication des billets de banque. Cet autre désastre environnemental n'attire pas non plus l'attention des services de l'environnement. Ce sont ces déchets produits par les institutions qui 'battent la monnaie' et qui 'impriment' des gadgets comme les macarons, les récépissés, etc. qui sont très dangereux et qu'il faudra éliminer par des méthodes spéciales. Or, la 'radio trottoir'169 raconte que ces déchets seraient enfouis à une centaine de kilomètres de Kinshasa, sur le plateau de Bateke, sans normes environnementales et avec comme risque encouru, la pollution chimique de la nappe phréatique. 6.2.4
La dégradation de l'environnement urbain suite à la prolifération des décharges non contrôlées
L'évacuation des déchets solides municipaux à Kinshasa s'effectue généralement sans normes hygiéniques, avec des conséquences néfastes sur l'environnement. En effet, au sens strict du terme, la gestion rationnelle des déchets urbains consiste à évacuer les ordures en dehors de la ville car leur dépôt dans des zones habitées pollue l'environnement et détériore la qualité de la vie. Dans les années 60, lorsque Kinshasa n'était pas encore millionnaire, l'élimination des déchets urbains ne posait pas de problème parce que la ville était dotée d'abord de décharges de transit équipées de bacs à ordures, ensuite de décharges finales (comme la ferme de Bouc) le long du fleuve, à l'actuel emplacement du quartier général des forces navales. Or, Aujourd'hui à Kinshasa, les transporteurs de déchets n'ont plus de sites appropriés pour éliminer leurs immondices en bonne et due forme. Même les sites qui abritaient jadis les décharges de transit ont été lotis anarchiquement par les autorités municipales. Comme conséquence, les ménages qui ont du mal à payer un pousse-pousse pour évacuer des ordures, déversent leurs cargaisons à l'air libre (48% des ménages à Mombele, d'après Nsia, 2001), dans les cours d'eau (19,4% des ménages à Kimbangu, d'après Makangu, 1999), etc. De leur côté, les camionneurs et pousse-pousse affichent les mêmes comportements lorsqu'ils ne trouvent pas de preneurs d'ordures. Ils vident leurs contenus dans les décharges non contrôlées situées soit dans la ville, soit à quelque distance de l'agglomération. Et, comme le métier de chiffonnier ne fait pas vivre son homme, les déchets s'entassent scandaleusement dans des décharges non contrôlées
/69 Rumeurs.
192
pendant des mois, voire des années, avant d'être évacués par une sporadique opération 'Kin-Bopeto'. Le PNUD, selon ses critères de sélection, avait dénombré à Kinshasa 47 gros dépotoirs anarchiques (Kimuha, op.cit.), non liés à la présence de marchés. Parmi ceux-ci, il y a les décharges de la force navale, de Kingabwa et Salongo dans la commune de Limete, Delvaux et Ozone à Mont-Ngafula, Congo-Gulf et Masikita à Ngaliema, Cecomaf et Camping à Ndjili, prison de Makala à Selembao, etc. En effet, Kinshasa en compte plusieurs sans niveau de contrôle de récupération, ni de contrôle de feu, sans matériau de couverture, sans compactage mécanique ni nivelage de déchets. Ici, les déchets sont carrément abandonnés à eux-mêmes: les eaux superficielles et de la nappe phréatique sont contaminées, les sols sont pollués, les insectes prolifèrent, les rongeurs et les animaux errent, des odeurs nauséabondes se dégagent, des germes pathogènes se développent, les fumées sont permanentes, etc. A long terme, l'entassement de déchets dans ces décharges provoque des échappements de gaz méthane CH4 (biogaz) qui, de par leur odeur et leur taux d'inflammabilité, sont dangereux. Leur minéralisation dans le sol provoque des cavernes souterraines qui sont de grands risques pour la ville. La biométhanisation ou la fermentation anaérobie de la fraction organique des déchets produit le biogaz (mélange CH4 et C02) et un composé humique. Ce dernier est issu de déchets biodégradables faciles à éliminer car ils fermentent, se minéralisent et recyclent l'écosystème. Mais les nonbiodégradables constitués des emballages de métal, de verre ou de matière plastique, comme les tonnes de sachets en plastique, ne se détruisent pas de la sorte. Ils s'accumulent dans la nature et forment des tas d'ordures qui défertilisen t le sol. Certaines décharges non contrôlées ont soit des sites profonds supérieurs ou égaux à 5 m de profondeur. C'est le cas de la décharge de Banunu près du pont Matete qui vient d'être assainie ou encore de Kingabwa Funa et Kingabwa Bayang. En effet, cette décharge de Kingabwa Funa se situe dans une ancienne zone marécageuse dans la commune de Limete, à 5 km du centreville, le long de la rivière Kalamu, à 100 m de l'aérodrome de Ndolo. Elle accumule 50 000 m3 d'ordures. Elle date de 1951 et c'est depuis 1980 qu'elle est investie par les sans-abri qui y ont créé un bidonville: le quartier de PakaDjuma. La décharge de Bayang, quant à elle, se trouve aussi dans une ancienne zone marécageuse à proximité de la zone industrielle de Limete, à 10 km du centre-ville, à 50 m du fleuve Congo. Elle entasse 400 000 m3 d'ordures. Elle date de 1950. Depuis les années 1970, elle est aussi investie par les sans-abri qui y ont établi également deux bidonvilles: Grand-Monde et Bribano. L'autre secteur de la décharge reste encore opérationnel. Les 193
populations environnantes courent de gros risques de maladies parce qu'elles sont exposées à toutes sortes d'intempéries.
6.3 Les maladies
de l'insalubrité
Comme on le voit, Kinshasa a perdu en quelques années seulement son éclat de Kin-la-belle des années 50 à cause de son insalubrité indescriptible. Les médecins sont d'avis que beaucoup de maladies peuvent être évitées si la ville se dote d'une bonne politique de salubrité. Comme ce n'est pas le cas, les vecteurs de maladies de l'insalubrité comme les rats, les cancrelats, les moustiques, les larves, les puces, etc. côtoient au quotidien les Kinois qui vivent dans une crasse épouvantable.
Tableau Maladies liées à la dégradation Maladies
Paludisme Verminose Maladies respiratoires Dysenterie amibienne Bilharziose Filariose Total
34 de l'environnement
du total
en 1989
de cas
Nombre des cas
des cas (64 334)
28 873 18 793 2628
45,0 29,3 4,1
1 175
1,8
2,8
95 52 51616
0,1 0,1 80,4
0,2 0,1 100
0/0
0/0
environnementaux (51 616) 55,9 36,4 5,1
Source: Yuma (1999)
Le tableau n034 présente les statistiques du bulletin épidémiologique du ministère de la Santé, en 1989, quand la ville avait près de 6 000 000 d'habitants. Les résultats montrent que 80,4% des cas de maladie étaient déjà liés, à l'époque, à la dégradation de l'environnement, notamment à l'insalubrité.
194
Aujourd'hui encore, la conséquence immédiate de l'insalubrité sur la santé publique n'est plus à démontrer. Les dernières statistiques montrent que 89% des pathologies à Kinshasa sont provoquées par les vecteurs de la malaria, la méningite, le choléra, la typhoïde, la diarrhée gastroentérite (Baku, 2007). Et les enfants sont les premières victimes des agents vecteurs. L'hôtel de Ville de Kinshasa (op.cit.) évalue à 88% les maladies à Kinshasa qui ont pour origine l'insalubrité Oe paludisme, la fièvre typhoïde, les infections respiratoires aiguës, les maladies diarrhéiques, etc.) Ainsi, la faible protection des enfants de moins de 5 ans contre les maladies de l'enfance (rougeole, tétanos, poliomyélite et autres infections respiratoires aigues) affiche une prévalence de l'ordre de 3,6% (ministère du Plan, 2005). Les données recueillies dans les insti tu tions hospitalières sont parlantes. D'après une étude de Mbula et al., en 1993, sur le suivi des cas 1980, la fièvre typhoïde entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre % représentait 1 des admissions chez les moins de 30 ans dans le département de médecine interne des cliniques universitaires de Kinshasa. Les patients, dont 4,8% sont morts suite à certaines complications en relation avec la durée de la maladie (Mbula et al. 1993), venaient principalement de trois communes: Lemba (22,1%), Matete (14,9%), Ndjili (12%) dont 18,4% de ménagères, 12% d'élèves, 10,6% d'étudiants, etc. La même maladie a touché une bonne partie de la population de Kimbanseke, une commune d'autoconstruction, plus récemment encore. En effet, en 2004, la péritonite, une complication de la fièvre typhoïde, a sévi au second semestre de l'année à Kimbanseke à cause des très mauvaises conditions sanitaires et de la consommation d'eau insalubre: 13 400 cas signalés au 13 décembre 2004, 615 cas graves avec ou sans perforation entre le 1er et le 10 décembre; 53% de cas de décès, soit 55 des 98 patients enregistrés à l'hôpital général de Kinshasa. Ainsi donc, six quartiers de Kimbanseke touchés par l'épidémie ont été approvisionnés pendant deux mois avec six réservoirs d'eau potable de 15 000 litres chacun acheminés sur les sites par des camions-citernes (Ben-Clet, 2005). Même les communes planifiées ne sont pas épargnées par l'insalubrité et par ce genre de maladies. En effet, à Lemba (219 000 habitants), la clinique Saint-Raphaël, à elle seule, a traité en 2006 près de 4136 cas de paludisme, 1081 cas de fièvre typhoïde, 1403 cas de diarrhée simple et 2167 cas de diarrhée amibienne (Ekula, op.cil.). Kalamu est également frappé par la même problématique. En effet, en menant l'étude de faisabilité d'un projet de salubrité dans la commune de Kalamu, Kimuha (op.cit.) avait présenté les statistiques du bureau de la zone de santé de cette commune qui avait dénombré 629 cas de paludisme et 534 cas de fièvre
195
typhoïde déclarés et soignés sur environ 300 000 habitants entre le 17 juin et le 2 août 2005. Si les enfants sont les plus touchés par le paludisme, ils le sont aussi par des parasites intestinaux car lorsqu'ils sont bébés, ils j ouen t avec des objets sales et lorsqu'ils commencent à marcher, ils s'amusent dans les rues au milieu des déchets chargés de nombreux microbes. Pour preuve, l'enquête de 2005 sur la prévalence de l'anémie en RD Congo a étudié la distribution par province de parasitoses intestinales chez l'enfant de moins de 3 ans et les résultats sur Kinshasa interpellent: ascaris (36,2%), ankylostomes (16,5%), trichocéphales (9,4%), anguillules (2,0%), amibes (8,3%), oxyures (100%), (ministère de la Santé, 2004).
Tableau 35 Soins médicaux pour les maladies des mains sales Coût des soins médicaux 5 $ à 10 $ 4$ 10 $ 4$ 10 $ 15 $
Maladies Paludisme Verminose Typhoïde Diarrhée sanguinolente Bilharziose Choléra Source:
Inspection médicale de la santé (2007)
Le tableau n035 démontre que ces maladies des mains sales ont des conséquences sur le budget ménager, d'après l'Inspection médicale de santé de Kinshasa. Dans une ville où la pauvreté est manifeste et où près de 50 000 personnes reçoivent déjà une aide alimentaire sous forme de maïs local grâce à une agence de coopération au développement, on peut s'imaginer les difficultés des ménages de faire face à ces coûts. L'insalubrité de la ville de Kinshasa et ses conséquences sur la santé publique interpellent les pouvoirs publics. C'est la raison pour laquelle ils sont en train de projeter de créer des décharges contrôlées afin d'éliminer les multiples dépotoirs anarchiques qui prolifèrent dans la ville.
196
6.4 Les limites de la création urbaine
de décharges
contrôlées
en périphérie
Kinshasa se développe rapidement et produit beaucoup de déchets sans créer ce qu'on appelle une décharge contrôlée. Les autorités urbaines qui se succèdent à la tête de la ville ont du mal à en créer parce qu'elle exige des moyens matériels importants que le budget municipal ne saura supporter. Le coût d'exploitation d'une décharge contrôlée coûterait 1,5 million $ en 2008 ; 2,2 millions $ en 2015, et 2,9 millions $ en 2020, selon les études de IGIP (2005), cité par Ngoy (op.cit.). Ces coûts exorbitants n'ont pas empêché l'hôtel de Ville, en 2006, malgré ses maigres moyens, d'en projeter la création en périphérie urbaine. L'équipe d'expertslïO pour prospecter et proposer des zones futures de dépotoirs de transit et finaux a retenu plusieurs sites. Les plus importants sont le site Mandrandele, au nord, à Kingabwa pour la décharge de transit, le site Lau, à l'est, à Mpasa 4, le site Mitendi, au sud-ouest, à Mont-Ngafula pour les décharges contrôlées. Le site de la décharge de Lau devra être délocalisé à près de 3 km du lieu initialement prévu parce que le gouvernement commence à construire sur le site des maisons d'habitation. Malheureusement, le site de Mitendi à MontNgafula, pourtant retenu en priorité pour tous les avantages qu'il comporte, vient d'être vendu à des particuliers. Ces pistes de solutions présentent quelques faiblesses parce qu'elles ne précisent pas le mécanisme de fonctionnement et ne prennent pas en compte les grandes distances très embouteillées entre les zones de production de déchets et les sites sélectionnés des décharges finales. Pour éviter les bouchons, les autorités urbaines proposent d'assainir la ville nuitamment. Et pourtant, elles savent bien que la ville est plongée dans le noir dès la tombée de la nuit, soit à cause des délestages, soit à cause des pannes techniques. Les risques d'accidents sont grands en travaillant dans ces conditions et dans l'obscurité la plus totale. Les propositions d'IGIP en 2005 contiennent aussi des limites. Il propose sept sites dont le plus proche se situe à 13 km, à Ngaliema, à l'ouest du centre-ville et les plus éloignés se trouvent à 22 km, à l'est du centre ville, plus précisément au nord-est, au sud et à l'est de l'aéroport de Ncljili. Lorsqu'on sait que le centre-ville est relié à l'aéroport de Ndjili par la seule et unique artère, le boulevard Lumumba, très achalandé et embouteillé, il y a de quoi se poser des questions sur l'efficacité des opérations de transport de déchets vers ces décharges proposées. D'autres pistes proposent plutôt de réhabiliter le réseau ferroviaire urbain et de le 170 L'hôtel de Ville, la présidence de la République, les ministères de l'Environnement, des Travaux publics, des Affaires foncières, le Programme national d'assainissement, le Bureau d'études d'aménagement et d'urbanisme.
197
mettre à profit pour évacuer les déchets par des voies rapides sur 'site propre'. Dans ce cas, il y a la crainte de transformer les gares ferroviaires en décharges de transit. De plus, aucun de ces sites n'a fait l'objet d'une véritable étude d'impact environnemental et social. De plus, toutes ces contraintes illustrent à suffisance l'impasse dans laquelle la ville se trouve actuellement en ce qui concerne la gestion des déchets urbains. En conclusion, au vu de tout ce qui vient d'être présenté comme un tableau sombre relatif à l'insalubrité de Kinshasa, les statistiques contredisent totalement l'adage qui affirme que 'les Noirs ne meurent pas de microbes'. Les Kinois commencent à se rendre compte qu'ils sont aussi vulnérables aux microbes, surtout leurs enfants qui s'absentent souvent de l'école parce que fréquemment malades. Mais les pouvoirs publics ne mènent pas convenablement une sensibilisation tous azimuts sur cette vulnérabilité face aux microbes. S'ils ont réussi en 2000 leur campagne de journée nationale de vaccination contre la poliomyélite 1ïl, ils continuent à accumuler des échecs, par exemple en ce qui concerne l'utilisation des moustiquaires imprégnées, c'est-à-dire traitées à l'insecticide. En effet, l'étude de Save the children (2000) sur la situation sanitaire des enfants âgés de 0 à 18 ans dans les zones de santé de Biyela et Kimbanseke démontre que peu d'habitations utilisent des moustiquaires.
Tableau 36 Protection de l'habitation
contre les moustiques % 4,7% 6,1% 4,6% 3,7%
Source: Save the children fund (2000)
Le tableau n036 donne des résultats sur la protection des habitations contre les moustiques. Les enquêtes montrent que peu de ménages utilisent les moustiquaires: 4,6% des ménages font dormir leurs enfants sous des moustiquaires et 3,7°jo des ménages les utilisent pour les autres membres 17163,5% d'enfants vaccinés, selon MICS 2.
198
(Save, 2000). Ces résultats ont été confirmés par les enquêtes de MICS 2 sur les enfants de moins de 5 ans qui dorment avec des moustiquaires imprégnées. A peine 4,5% des enfants se couchent sous les moustiquaires. Ceci illustre bien que l'utilisation de la moustiquaire imprégnée n'est pas encore vulgarisée à grande échelle à Kinshasa: cause notamment de beaucoup de cas de paludisme.
Conclusion La mauvaise gestion des déchets de Kinshasa préoccupe maintenant tous les Kinois. La presse dénonce l'encombrement des lieux publics par les ordures. L'insalubrité qui en résulte et que tous les Kinois condamnent est source de maladies. Depuis près d'une dizaine d'années, les actions sur la salubrité se sont multipliées et les remèdes pour l'hygiène du milieu font recette. Malgré ces bonnes intentions, les coûts exorbitants pour la salubrité ne permettent pas à la ville d'exceller en la matière. Entre-temps, les populations se débrouillent pour éliminer leurs déchets urbains. Dans beaucoup de cas, leurs modes d'évacuation des déchets ne sont pas hygiéniques. Face à cette problématique, les Kinois ont vu défiler à la télévision plusieurs investisseurs dans ce domaine. Jusque-là-rien de concret n'est fait parce que, probablement, ces bailleurs se rendent compte que I'investissemen t ne serait pas rentable dans cette ville où les producteurs de déchets seront incapables de financer les programmes d'assainissement. Les autorités urbaines ne l'entendent pas de cette oreille. Elles multiplient les appels pour trouver des financements afin d'assainir durablement la ville.
199
Chapitre 7
Eaux usées et nuisance
urbaine
C
E CHAPITREanalyse la consommation et la production de déchets liquides, décrit le péril fécal qui menace non seulement l'espace urbain mais aussi la santé des populations. Il passe en revue les différentes pollutions par les déchets liquides dont les rejets industriels. Illes traite en trois points. Le premier fait un état des lieux sur la production des eaux usées industrielles, ménagères et excrétas. Le deuxième répertorie différents modes d'évacuation et d'élimination des déchets liquides. Le troisième présente les conséquences du rejet anarchique des eaux usées sur la santé publique.
7.1 La production des eaux usées industrielles, ménagères et excrétas Les eaux usées ménagères et assimilées, les excrétas, les eaux usées hospitalières et les eaux usées industrielles représentent les différents types de déchets liquides qui seront traités ci-dessous. Il est reconnu que Kinshasa déborde d'activités de différents types qui produisent quotidiennement des eaux usées en grande quantité. A titre d'exemple, au troisième trimestre de l'année 2004, selon l'enquête 1-2-3, Kinshasa comptait 538 300 unités de production informelles dans les branches marchandes dont 63,2% des unités de production dans le commerce, 14,8% dans l'industrie, 12,3% dans les services, 7,5% dans les activités agricoles et 2,2% dans la construction. Les effiuents liquides dont il va être question ci-dessous sont soit les eaux usées ménagères et assimilées issues des ménages, marchés, hôtels, bars, restaurants, bâtiments publics, grandes surfaces, soit hospitalières provenant 201
des hôpitaux, cliniques, dispensaires, pharmacies, laboratoires, soit artisanales en provenance des petites activités informelles (artisanat, agriculture, petit commerce et abattoirs), soit industrielles, etc. A cela, il faut ajouter les excrétas. Ces déchets liquides, d'origines diverses, sont mal gérés parce qu'ils sont évacués souvent sur les chaussées et les places publiques et ils polluent l'environnement. Etudiant la production de déchets liquides ménagers à Kinshasa, IGIP (2005) avait évalué à 5,2 t de matières solides en suspension et à 0,43 t de charge organique (DB05) déversées chaque jour et entraînant des nuisances importantes au niveau du cadre et de la qualité de vie. De tous ces déchets liquides, les eaux usées ménagères et les excrétas sont les plus présentes et nuisibles.
7 1. 1 Les eaux usées ménagères et assimilées Il n'existe pas encore d'études spécifiques sur la production des eaux usées à Kinshasa. Les chercheurs ne se contentent que des estimations qui donnent un lien de cause à effet entre la quantité d'eau consommée et celle qui est rejetée parce qu'usée. En 1999, la Regideso produisait 380 000 m3 par jour172 pour des besoins estimés à 526 100 m3 par jour173. Si ces estimations se révèlent exactes, cela laisse croire que les 380 000 m3 d'eau consommés correspondent aux mêmes quantités rejetées, c'est-à-dire 380 000 m3 d'eaux usées. L'hôtel de Ville de Kinshasa (op.cit.)estime aujourd'hui à 760 000 m3 les besoins quotidiens en eau dans la ville alors que la Regideso n'en fournit que 360 000 m3 par jour actuellement. Dans l'hypothèse que toute eau consommée se transforme après en déchet liquide, on peut conclure que Kinshasa produit à peu près 360 000 m3 par jour d'eaux usées, d'autant plus qu'elle en consomme la même quantité. L'hôtel de Ville de Kinshasa (op.cit.) évalue à 45% les ménages kinois qui ont accès à une eau salubre et à 25% ceux qui parcourent près d' 1 km chaque jour pour s'approvisionner. Selon le Plan d'action national pour l'habitat (op.cit.), les quartiers résidentiels de haut niveau consomment 155 litres/hab./jour, le centre des affaires, 100 litres/hab./jour, les cités planifiées, 50 litres/hab./jour, les autres cités, 30 litres/hab./jour et les cités d'extension périphériques, 10 litres/hab./jour. En conclusion, la desserte en eau est faible parce que la consommation moyenne est en deçà de 100 litres/hab./jour selon les normes. C'est donc la
172 Les stations de Ndjili (260 000 m3/j), de Ngaliema (86 000 m3/j), de Lukunga (31 000 m3/j), de Maluku (3 000 m3/j). 173Besoins des industries et commerces (70 000 m3/j), des semees (66 100 m3/j), domestiques (390 000 m3/j).
202
corvée quotidienne d'eau dans les quartiers populeux périphériques. Dans la commune périphérique de Kimbanseke, plus précisément dans les quartiers de Biyela et de Kikimi, 61,2% des ménages s'approvisionnent en eau dans les puits, 14,9% dans la rivière, 30,6% avec l'eau de pluieli4. Malgré la faible desserte, les 570 364 ménages kinois (Kanene, op.cil.) consomment et gaspillent énormément d'eau. Ils produisent tous les jours les rejets liquides des cuisines qui contiennent des matières organiques et grasses; celles de buanderie et de douche qui ont des éléments minéraux en suspension et du savon; celles des toilettes (\tVC + urinoirs) qui comprennent des matières organiques, azote, phosphore et bactéries, etc. Ceci illustre bien que les eaux usées ménagères contiennent aussi des matières nocives, inertes et toxiques pour les milieux récepteurs. Ces productions sont donc régulières avec des variations de débit et des quantités qui varient selon le rang social des quartiers. Dans les casernes des militaires, les camps de police et les bâtiments publicsli5 par exemple, le gaspillage d'eau est manifeste. La consommation et la production d'effiuents liquides dans ces infrastructures ne sont pas exactement connues parce qu'elles ne payent pas les factures. Mais on sait qu'elles consomment beaucoup d'eau et produisent de grandes quantités de déchets liquides dans la ville. Dans ces lieux, les robinets, les tuyauteries et les pompes défectueux font couler de l'eau sans arrêt pendant plusieurs jours alors qu'il suffit d'un peu de bonne volonté et d'organisation pour les changer et stopper le gaspillage. C'est le cas aussi dans beaucoup de quartiers où les systèmes d'adduction sont défectueux et les fréquentes fuites parviennent à créer un étang sur le site. Dans d'autres quartiers par contre, la pression d'eau est basse, les eaux sales s'infiltrent dans les conduites et contaminent des populations entières. Malheureusement, les gros consommateurs et gaspilleurs d'eau ne payent pas les factures à Kinshasa. En 1999, la perte enregistrée par la Regideso pour non-payement des factures, toutes catégories confondues, était colossale: près de 10 250 000 $ sur les 250 000 abonnés ménagers, industriels, commerciaux et de services. Cette enveloppe, selon la Regideso, était répartie de la manière suivante: 6 500 000 $ à Kinshasa-Nord (Gombe, Kinshasa, Lingwala, Limete, Bandalungwa, Ngiri-Ngiri, Kasa-Vubu), 1 000 000 $ à Kinshasa-Sud (Lemba, Matete, Kalamu, Kisenso, MontNgafula), 1 250 000 $ à Kinshasa-Est (Ndjili, Kimbanseke, Maluku, Masina, Nsele), 1 500 000 $ à Kinshasa-Ouest (Selembao, Bandalungwa, Bumbu, Kintambo).
IN Save the children fund (2000). 175Hôpitaux, écoles, marchés, stades, etc.
203
7 1.2 Les excrétas La production d'excrétas est énorme et sa gestion pose problème dans cette ville multimillionnaire. Malheureusement, il n'existe pas de statistiques sur le volume d'excrétas produits quotidiennement à Kinshasa et qui polluent l'environnement. D'ailleurs, beaucoup de ménages n'ont pas de latrines. A titre d'exemple, examinant les types de latrines utilisées et le système sanitaire pour le traitement des excréments des petits enfants, beaucoup d'études montrent que certains Kinois ne possèdent pas de
toilettes: 1,1% des ménages kinois font leur besoins dans la brousse (MICS 2, op.cit.), 4% des ménages du quartier Paka-Djuma (Kingabwa) défèquent dans la rivière Yolo (Molha, op.cit.), 2% des ménages de Kisenso dans les érosions (Matondo, op.cit.) et 60% des ménages de Mont-Ngafula, dont les latrines furent détruites par l'érosion Kivulu, font leurs besoins dans ce ravin (Mayambwedi, op.cit.), etc. Or, le non-accès à une latrine améliorée est considéré à présent comme un indicateur de pauvreté. Ceci confirme la pauvreté urbaine à Kinshasa. Même les types d'installations sanitaires que les Kinois utilisent ne sont pas hygiéniques. En effet, s'intéressant aux types de latrines à Kinshasa, l'enquête MICS 2 (op.cit.) a donné les résultats suivants: 50% des ménages utilisent des latrines à évacuation, 15,9% des latrines traditionnelles non couvertes, 13,9% des latrines traditionnelles couvertes, 9,8% des trous ouverts, ï ,4% des toilettes avec chasse d'eau et raccordées à l'égout, 1,4% des latrines améliorées à
ventilation, 1,1% pas de toilette, brousse ou champ et 0,1% autres. D'autres enquêtes comme celles de Lelo Nzuzi et Tshimanga Mbuyi (op.cit.) dans les communes de Lingwala et Ngaliema confirment
les faits. Elles montrent
que
41 % des ménages enquêtés utilisent des latrines avec fosse couverte, 38% ont des latrines avec fosse septique, 14% possèdent des latrines avec couverte, etc. Ces études mentionnent qu'en général, les latrines dites couverte sont en réalité 'non couvertes' parce que ce couvercle souvent dans un état défectueux. Ainsi, concluent-ils, en réalité, ménages utilisent des latrines non hygiéniques.
204
fosse non avec fosse se trouve 55% des
Tableau 37 Types de latrines à Biyela et Kikimi dans la commune Type de latrines
de Kimbanseke °/0 5,8%
Latrines avec fosses septiques et chasse Latrines avec fosse septiques sans chasse
23,3°/0
Latrines à fosses arabes couvertes Latrines à fosses arabes non couvertes Latrines reliées à un caniveau Autres
22,1°/0 43,4°/0 0,8°10 1,0°/0
Source:
Save the Children fund (2000)
Le tableau n° 37 confirme que la latrine ordinaire, c'est-à-dire à fosse arabe, est très répandue dans les communes non planifiées d'autoconstruction. Cette latrine est d'habitude construite dans la cour arrière, au coin de la parcelle, pour préserver la stricte intimité du lieu d'aisance. Derrière la maison, il y a donc ce trou creusé qui sert de WC et une douche démontable. La latrine ne dure pas plus d'une année parce qu'elle n'est pas 'blindée' et est exposée aux effondrements pendant la saison des pluies. Et elle est souvent mal entretenue et peu hygiénique. La technique locale de construction de cette fosse arabe est très répandue. Elle consiste à enfouir un fût vide sans fond qui maintient une fosse sèche. Même dans les communes planifiées, beaucoup de ménages se dotent à présent soit de grandes fosses septiques conventionnelles ou de simples fosses à eau (de 6 à 10m3), soit de fosses à eau de petites dimensions (3 m3) parce que le réseau d'assainissement d'antan ne fonctionne plus. Ces dimensions varient souvent en fonction du rang social du ménage. Selon Mimpu (2003), 57°10 des ménages du quartier ImmoCongo, une cité pourtant planifiée, utilisent des fosses septiques, c'est-à-dire des infrastructures sanitaires autonomes. Bientôt les communes résidentielles comme la Gombe et Ngaliema vont être confrontées au même problème à cause de la vétusté du réseau. D'ailleurs, l'enquête d'IGIP (op.cit.)sur 235 300 ménages kinois montre que 164 700 ménages (70 °/0) utilisent de grandes fosses de 9 m3 et 70 600 ménages (30 °/0) ont de petites fosses de 3 m3. La grande fosse nécessite une vidange tous les 8 ans et la petite tous les 3 ans, avec un taux de remplissage maximum de 85°/0 lorsqu'il s'agit d'un ménage de 15 personnes, selon IGIP (op.cit.).
205
Tableau 38 Répartition
Gambe
des fosses dans les ménages à Kinshasa en 2005
Population
Fasses sèches
Fosses septiques
Fosses étanches
40.000
-
900
-
Limete
266.000
5.800
5.203
14.997
Ngaliema
588.000
29.800
22.074
7.726
Barumbu
97.000
550
2.744
4.356
Kinshasa
93.000
1.760
80.000
6.000 3.400
4.170
Kintambo
3.012
1.988
Lingwala
64.000
3.400
2.076
1.324
Kalamu KasaVubu
171.000
6.000
7.916
6.184
80.000
2.800
4.800
1.800
N giri -N giri
110.000
6.200
4.000
2.200 2.700
Bandalungwa
145.000
4.200
8.100
Lemba
223.000
15.120
3.701
1.299
Matete
196.000
4.335
9.750
N' djili
332.000
37.000
29.600
3.250 7.400
Bumbu
276.000
17.800
10.980
920
Makala
180.000
18.300
734
266
Ngaba
117.000
8.010
4.262
1.078
Selembao
223.000
19.800
4.351
609
Kimbanseke
683.000
59.100
9.494
5.306
Kisenso
271.000
25.300
1.680
1.120
Masina
399.000
59.100
6.400
8.400
Maluku
242.000
24.603
875
1.626
Mont-Ngafula
226.000
22.977
1.902
2.874
Nsele
158.000
16.063
2.559
4.756
Total
5.260.000
395.658
151.282
83.939
Source: IGIP (op.cit.)
206
Le tableau n038 montre la présence de 83 939 fosses étanches, 151 282 fosses septiques et 395 658 fosses sèches dites fosses arabes à
Kinshasa. Cela illustre que 97
%
de la population se sont équipés au total
d'environ
631 000 installations sanitaires autonomes (lGIP, op.cit.). Elles sont autonomes mais posent presque partout les mêmes problèmes. C'est dans les quartiers pauvres que les latrines sont ordinaires avec fosse arabe. Elles s'inondent souvent pendant la saison des pluies et refoulent les matières fécales qui ruissellent mélangées avec les eaux pluviales. Ces équipements sont le plus souvent très rudimentaires et n'offrent pas de garantie d'hygiène. Dans les quartiers collinaires pauvres, ces fosses menacent la santé des ménages utilisateurs qui sous-estiment les risques sanitaires associés parce que les excrétas dans les latrines arrivent par gravitation à polluer la nappe phréatique. C'est dans les quartiers riches par contre que les ménages s'équipent de fosses septiques conventionnelles. A côté des problèmes posés par les installations sanitaires autonomes des ménages, il y a aussi ceux liés à la gestion des excrétas dans les infrastructures publiques où les latrines sont mal entretenues et défectueuses dans la plupart des cas. Ainsi par exemple, dans les résidences des étudiants de l'université de Kinshasa, le taux de latrinisation en 1996 était d'une latrine pour 400 étudiants. Il était de 1 pour 600 personnes au marché central de Kinshasa (pNAE, 1996). Ce taux de latrinisation faible contraint certains Kinois à évacuer leurs excrétas souvent dans un sachet en plastique qu'ils jettent sur des places publiques. Le péril fécal n'est pas un phénomène récent, ni isolé, à Kinshasa.
7 1.3 Les eaux usées hospitalières Les hôpitaux, cliniques, dispensaires, pharmacies, laboratoires, etc. sont les infrastructures médicales qui produisent des déchets liquides dangereux et contaminés. Ce sont des eaux utilisées pour les soins curatifs et préventifs. Malheureusement, comme il n'existe aucune réglementation rigoureuse sur leur gestion, ces eaux usées hospitalières deviennent la cause de toutes sortes de pollutions de l'environnement humain et physique. Dans certains centres, les eaux usées sont évacuées dans des fosses septiques et dans d'autres vers les cours d'eaux et caniveaux. Le problème d'évacuation devient sérieux lorsqu'on a affaire à un petit dispensaire situé dans un quartier non urbanisé. C'est là que les eaux usées sont évacuées dans la cour ou dans un puits perdu.
207
71.4 Les eaux usées industrielles Elles regroupent les eaux usées de l'artisanat et celles des grandes fabriques. Les activités industrielles représentent une véritable source de production d'eaux usées: 1300 m3 par jour selon IGIP (op.cit.). Les activités artisanales (teintureries, boulangeries, briqueteries, etc.) produisent des effiuents liquides qui sont souvent évacués dans la nature. Les garages automobiles et toutes leurs dépendances, comme les installations de lavage de véhicules dégradent quotidiennement l'environnement parce qu'elles produisent aussi de grandes quantités d'eaux usées mal canalisées. Kinshasa compte peu de grandes fabriques de dimension internationale et la quantité évacuée des effiuents liquides se fait de diverses manières qui dépendent souvent de la taille de l'industrie. Les fabriques de produits chimiques comme les insecticides, les cosmétiques, les médicaments, la peinture à Kingabwa produisent des déchets liquides pleins d'éléments minéraux qui peuvent entraîner plusieurs sortes de pollution. Les entreprises de recyclage de papier à Kingabwa encore engendrent d'importants rejets hydriques car la fabrication de la pâte à papier et du papier se fait à partir de la cellulose ou de la pâte faite à partir de vieux papiers. Après, la pâte est lavée pour éliminer les matières en suspension. Ces opérations engendrent d'importants rejets hydriques. Les industries agroalimentaires à Kingabwa aussi, comme les boulangeries, laiteries, huileries, biscuiteries, abattoirs, etc. produisent des eaux usées très chargées en matières organiques. La pollution agroalimentaire comprend des matières en suspension (sable, verre, déchets solides) et des matières organiques solubles ou colloïdales (sucres, matières azotées, huiles, graisses.. .). Toutes ces industries consomment beaucoup d'eau et la quantité de liquide consommée et le degré de pollution varient selon le gabarit de l'industrie et la technologie de production. Les eaux de nettoyage des machines industrielles contiennent aussi d'importantes quantités d'éléments chimiques: soude caustique, acide nitrique, détergents, etc.
7.2 Les modes d'évacuation
et d'élimination
des déchets
liquides
Ils varient selon qu'il s'agit des eaux usées ménagères, des excrétas ou des effiuents industriels. Ces modes feront l'objet des paragraphes à venir. Ils sont donc simples pour les eaux ménagères, délicats pour les excrétas et fastidieux pour les industries.
208
72. 1 Les eaux usées ménagères Les rivières Makelele, Basoko, Matete, Ndjili, Kalamu et Yolo traversent ces cités où existaient jadis un réseau superficiel de drainage et un réseau enterré pour les eaux usées. Les deux types de réseaux sont maintenant très dégradés et sont devenus inopérationnels. Les réseaux secondaires comprenaient en grande partie les égouts en béton enterrés ou couverts de dalles et quelques canalisations à ciel ouvert ainsi que des caniveaux en béton desservant la plupart des avenues revêtues. Tout ce réseau de drainage est enfoui dans du sable et ne fonctionne plus. De temps en temps, les cantonniers de l'hôtel de Ville essayent, mais en vain, de les déboucher pour rétablir l'assainissement. Jamais ils n'ont réussi à 'exhumer' ces conduites parfois vieilles de 50 ans enfouies sous quelques mètres de sable. L'étude sur le mode d'évacuation des eaux usées à Kinshasa est arrivée à la conclusion que les Kinois les évacuent de plusieurs manières: les égouts (7,5%), les caniveaux d'eaux pluviales (25,4%), les puits perdus (1,5 %), les trous dans la parcelle et dans la rue (17,4%), à la volée dans la parcelle et dans la rue (45,2%), etc. En bref, 34,4% seulement des ménages kinois utilisent des modes hygiéniques d'évacuation des eaux usées (MICS 2, op.cit.). Evacuation
par les égouts
et caniveaux
d'eaux
pluviales
Au sens strict du terme, la gestion planifiée des déchets liquides consiste à évacuer les eaux usées en dehors de la ville d'autant plus que leur stagnation pollue l'environnement, entraîne de mauvaises odeurs, des épidémies, des érosions, des inondations, des marécages et enfin détériore la qualité de la vie, etc. Malheureusement, la situation de l'assainissement à Kinshasa devient préoccupante même dans les quartiers dits planifiés dotés pourtant d'un réseau d'assainissement qui s'étendait jadis sur environ 250 km. La situation est par contre catastrophique dans les quartiers populeux anarchiques qui se sont développés sans réseaux d'égouts. Dans ces quartiers, le problème d'assainissement se pose avec acuité parce que les eaux usées se déversent dans la nature et divaguent par-ci par-là en polluant l'environnement et en menaçant la santé publique. Dans ces quartiers populeux anarchiques, 95,2% des sections de rues sont dépourvues de caniveaux (TP ATUH, 2000). En conclusion, Kinshasa est confrontée à un problème sérieux d'insalubrité du milieu parce que les ouvrages d'assainissement, hérités il y a plus d'une cinquantaine d'années, sont dans un état de délabrement très 209
avancé. La mauvaise évacuation des eaux usées et surtout des excrétas détériore le cadre et la qualité de la vie. Et pourtant, l'assainissement par réseau d'égouts représente le mode le plus couramment utilisé dans presque toutes les communes kinoises nées avant 1960. Les premiers réseaux d'égouts existants à Kinshasa datent de la création de la ville, vers le début du XXe siècle, dans les quartiers européens de la Gombe. Ici, le système était conçu pour fonctionner de manière relativement unitaire. Au milieu du XXe siècle, l'implantation du réseau d'égouts se propage dans les cités planifiées indigènes. A Bandalungwa, Lemba, Matete, Kalamu, ce sont les ingénieurs belges qui installent les premiers réseaux des communes pour Mricains. Le système d'assainissement par réseau secondaire gagne donc Kinshasa dans les années 50, à la fin de la colonisation, alors qu'il se développe rapidement dans d'autres quartiers pour Européens comme dans la commune résidentielle de Limete et dans la commune de Ngaliema. Ici aussi, c'est la même administration qui l'introduit au milieu et à la fin de la colonisation pour équiper les villas qu'elle était en train de construire pour loger les Européens. Ainsi, par exemple, pour presque toutes les cités de l'époque 1960, elle élabora des schémas directeurs d'assainissement, du moins pour la ville européenne et africaine, sur la base du modèle du réseau. Dans sa forme classique, le dispositif matériel se présentait en un réseau de galeries souterraines construit sous les voies publiques. Il avait pour objectif de recueillir les eaux usées domestiques (eaux ménagères de vaisselle, de lessive, de toilette corporelle, eaux vannes des WC). Tous ces effiuents liquides coulaient par gravitation dans des canalisations aux sections croissantes et rejoignaient directement l'exutoire qui avait été conçu pour évacuer avec rapidité les eaux usées domestiques hors de la ville à travers les cours d'eaux: les rivières et le fleuve. En 1960, toutes les communes urbanisées de Kinshasa étaient connectées au système d'assainissement: 626 km de drains en profondeur et 15 km d'égout. Et en 1965, la ville bénéficia de 1,4 km de drains en profondeur et 8,9 km d'égouts (Lelo Nzuzi et Tshimanga Mbuyi, op.cit.). Ce réseau de drainage des eaux usées dans les quartiers planifiés est hors de service maintenant par absence totale d'entretien. Par endroits, il est complètement ensablé ou bouché par les immondices. Par absence de réseau d'assainissement, l'évacuation des eaux usées ménagères s'effectue maintenant en grande partie au niveau des parcelles. Il s'agit le plus généralement d'un assainissement autonome. Aujourd'hui, les ménages canalisent ces eaux soit dans un puits perdu creusé dans la parcelle, soit carrément dans la cour, soit à la volée dans la parcelle et dans la rue. Ce comportement dégrade l'environnement dans des zones à forte concentration d'habitat où se créent des marécages, de gros gîtes larvaires. 210
Evacuation
dans
les trous
parcellaires
La solution traditionnelle à Kinshasa pour évacuer les eaux usées ménagères est leur enfouissement dans les puits perdus non maçonnés. Ces trous parcellaires servent à récolter les eaux usées en divagation dans la cour. Les drains parcellaires offrent donc, pour les habitations individuelles, une solution satisfaisante à l'assainissement à condition que les puits restent éloignés les uns des autres afin de ne pas saturer le sous-sol. A Makala par exemple, 14% des ménages évacuent leurs eaux usées dans des puits perdus (Mosengo, op.cit.), 13% à Lingwala et Ngaliema (Lelo Nzuzi et Tshimanga Mbuyi, op.cit.), 30% à Lemba et à Ngaba (Kilu, op.cit.), 83% à Kisenso (Bempongo, 2004), etc. Ces chiffres montrent que les eaux usées sont évacuées principalement dans un trou. Dans le cas contraire, elles sont jetées à la volée dans la rue. Le rejet
à la volée
dans
la parcelle
et dans
la rue
Dans la ville, 45,2% des ménages évacuent leurs eaux à la volée dans la parcelle (MICS 2, op.cit.). Dans certaines habitations, les eaux vannes sont toujours répandues dans la parcelle: 38% dans le quartier Marna Yemo à Mont-Ngafula (Mayambwedi, op.cit.). Dans le cas contraire, certains ménages les canalisent avec un tuyau carrément dans la rue malgré l'existence d'une réglementation très restrictive en la matière. Heureusement qu'il s'ensuit quelquefois de vives réactions de la part de la population environnante et des autorités municipales. A Lemba et à Ngaba par exemple, Il % des ménages évacuent leurs eaux usées dans la rue (Kilu, op.cit.). Il arrive que ces eaux usées soient canalisées directement dans la chaussée. Ce qui entraîne la détérioration à terme du bitume. Les avenues de l'OUA à Kintambo, de l'Université à Ngaba et Bokassa à Barumbu se détériorent souvent avec les eaux vannes que les habitations riveraines rejettent sur la chaussée. Celles qui sont proches de cours d'eaux ne se posent pas de questions, si ce n'est de canaliser leurs eaux usées ménagères dans la rivière. Le rejet
dans
les rivières
A défaut de la chaussée, les ménages riverains des cours d'eaux ont l'habitude d'y évacuer directement aussi leurs eaux usées. La proximité de la rivière les épargne de creuser des trous parcellaires. A Kingabwa, Bokolo (2004) a répertorié 17% de ménages qui déversent leurs eaux usées dans la rivière Kalamu. Dans le même secteur, Bolya (2004) a inventorié 71 % de ménages qui évacuent leurs eaux de douche dans la rivière Yolo. A Masina,
211
82% des ménages riverains évacuent leurs eaux usées dans la rivière Mango (Lukengo, op.cit.). Molha (2004) a recensé 16% des ménages de Paka-Djuma à Kingabwa qui déversent leurs eaux usées dans la rivière Yolo. Ce mode d'évacuation contribue à la pollution des cours d'eau. Il est étonnant de voir les mêmes populations utiliser les eaux de ces cours d'eau pour divers besoins: 3% des ménages de Kingabwa utilisent l'eau de la rivière Kalamu pour la lessive et la vaisselle et 2% pour la douche corporelle (Bokolo, op.cit.) Cela entraîne de graves ennuis de santé au niveau de l'organisme. 72.2
Les excrétas
Le péril fécal a refait surface depuis quelques années suite à la dégradation généralisée des systèmes sanitaires et au mauvais état du peu d'égouts encore fonctionnels. Hygiéniquement, Kinshasa devrait évacuer les excrétas en dehors des limites de la ville ou hors de sa surface parce qu'ils sont porteurs de germes susceptibles d'infecter les milieux récepteurs. Ce qui n'est pas le cas malheureusement. Aujourd'hui, l'évacuation des excrétas est probablement l'aspect le plus problématique au niveau domestique à Kinshasa. Pour faire face à l'absence d'égouts, les ménages kinois ont développé un autre mode d'évacuation d'excrétas, soit par vidange mécanique à travers un service public ou privé, soit par vidange manuelle avec des artisans. Dans le cas contraire, ils les éliminent par incinération, par enfouissement, par jet dans un cours d'eau ou abandon dans la cour. Ainsi, par exemple, analysant les modes de traitement par les ménages des excréments de leurs enfants de 3 ans, l'enquête ~1ICS 2 a trouvé que 1,6% des ménages les jettent en dehors de la cour, 5,2% les enterrent dans la cour et 0,1% les abandonnent dans la cour avec toutes les conséquences qu'un tel type de comportement pourra entraîner comme conséquences sur l' environnemen t. Comme l'évacuation des excrétas devient de plus en plus préoccupante parce que les réseaux d'assainissement sont désuets, le Kinois élimine maintenant ses excrétas à travers des dispositifs individuels sur place ou à distance. L'évacuation sur place consiste à vider les latrines situées soit dans une fosse sèche (fosse arabe), soit dans une fosse septique.
212
Tableau 39 Quantité quotidienne
d'excrétas de vidange V olume journalier de matières de vidange (m3(j)
Les cités résidentielles Gombe Limete Ngaliema Les anciennes cités indigènes Barumbu Kinshasa Kintambo Lingwala Les nouvelles cités Kalamu Kasa-Vubu Ngiri-Ngiri Les cités planifiées Bandalungwa Lemba Matete N qjili Les cités de l'extension Sud Bumbu Makala Ngaba Selembao Les cités de l'extension Est Kimbanseke Kisenso Masina Les cités excentriques Maluku Mon t-N gafula Nsele Total Source: IGIP (op.cil.)
6,1 31,4 44,7 13,7 7,0 7,2 4,9 18,2 8,5 8,4 15,9 8,4 22,3 25,2 16,8 1,4 7,1 6,8 20,8 4,1 12,2 0,4 0,7 1,1 293
213
Le tableau n039 montre que le volume journalier de matières vidangées en 2005 n'était que de 293 m3/j. Cette quantité ne représente qu'une infime partie des excrétas qui devraient en principe être évacués. Les vidanges
mécaniques
des fosses
septiques
Les ménages, situés dans les quartiers accessibles aux véhicules, recourent aux services des camions vidangeurs publics et privés lorsque leurs fosses septiques sont pleines. Le service public qui assure cette vidange est le PNA. Il n'a qu'un seul camion vidangeur de 10m3 et qui se trouve dans un piteux état. Le coût de location de ses services diffère en fonction des distances: 40 $ à Kalamu, 50 $ à Ngiri-Ngiri, 70 $ à Masina et 120 $ sur les hauteurs de Ngaliema (IGIP, op.cit.). Ces prix sont abordables par rapport à ce que les privés facturent dans la ville. Le PNA, en 1995, rapporte avoir évacué 37 440 m3 d'excrétas, moyennant paiement, provenant des fosses septiques des particuliers (PNAE, op.cit.). Malheureusement, cet unique et seul camion du PNA est à présent trop sollicité tant par la population que par les pouvoirs publics. Le PNA n'arrive plus à rendre service correctement. Son camion vidangeur travaille sans repos et tombe souvent en panne pendant plusieurs semaines. C'est à cause de cela qu'en 1995, dans le cadre du programme 'nourriture contre travail', le PNA n'avait vidé que 530 m3 des excrétas dans les fosses septiques publiques. Ce qui est insignifiant vu l'ampleur du travail à faire. Pris de cours par les faibles performances du PNA, certains ménages louent carrément les services de l'une des quatre entreprises privées de la place; leur prix varie entre 100 et 200 $. Ces entreprises offrent de loyaux services à la ville mais leur parc automobile est insuffisant par rapport aux besoins de la ville. Les Kinois déplorent le fait que ces camions vidangeurs déversent tous les jours leurs excrétas à la confluence de la rivière Kalamu et Yolo, dans le quartier Kingabwa à quelques centaines de mètres du fleuve en amont du bidonville Bribano. Non seulement ce rejet pollue l'environnement avec le dégagement du CH4, mais aussi, cette pratique est une véritable source de nuisance pour la rivière où les enfants du bidonville, Bribano viennent se baigner régulièrement. Pour preuve, étudiant l'assainissement de ce bidonville Bribano, Mawete (op.cit.)a relevé des faits inquiétants: 89,9% des enfants ont eu la diarrhée au cours des 4 dernières semaines avant ses enquêtes. Les vidanges
manuelles
des fosses
septiques
Les ménages les plus démunis recourent au service de jeunes artisans professionnels pour la vidange manuelle de leurs fosses septiques. Le prix moyen varie entre 20 et 50 $ en fonction des quantités d'excrétas à vidanger. 214
Les enquêtes de Nsia (2001) sur le mode de vidange des latrines dans le quartier Mombele, dans la commune de Limete, montre que 63,8% des ménages vident manuellement leurs fosses septiques. Les excrétas vidangés sont ensuite enfouis dans la cour. Et à cet endroit, les arbres fruitiers ou les légumes seront plantés, comme c'est le cas à Mombele dans près de 7,2% des ménages (Nsia, op.cit.). Dans le même quartier, 57,6% vident leurs fosses le jour et 42,4% la nuit. D'autres ménages par contre, qui ne peuvent pas se payer les services des vidangeurs, profitent malheureusement de la tombée des grosses pluies pour vider leurs fosses septiques, mélangeant par conséquent les excrétas évacués avec les eaux pluviales. Ces déchets liquides ruissellent enfin vers les vallées. Certains Kinois décrient, sans succès, ce mode d'évacuation qui s'effectue souvent lors des averses nocturnes à l'abri des témoins gênants.
Le rejet libre dans les cours d'eaux Beaucoup d'études sur l'assainissement des quartiers riverains révèlent que certains ménages, par manque d'une réglementation restrictive, dirigent leur conduite vers les cours d'eaux pour évacuer leurs excrétas. A Kingabwa, dans le quartier Grand-Monde, 13% évacuent leurs eaux usées directement dans le fleuve (Gbua. op.cit.). Bolya (op.cit.)a répertorié 82 % de ménages qui utilisent la rivière Yolo comme déversoir de leurs excrétas. Les travaux de Bokolo (op.cit.)à Kalamu montrent que Il % des ménages riverains qui n'ont pas de toilettes utilisent la rivière comme latrines. Les enquêtes de Lukengo (op.cit.) montrent que 84% des riverains de la rivière Mangu y évacuent les eaux des latrines et 49% des ménages utilisent cette rivière comme latrines. Les enquêtes de Nsia (op.cit.) montrent que 14,4% des riverains de la Yolo Y évacuent leurs excrétas. Ces quelques exemples ne représentent que la pointe de l'iceberg. De tels cas sont nombreux à Kinshasa. Comme la réglementation est floue en la matière, les riverains ne sont pas inquiétés alors que ce mode d'évacuation des excrétas est une source de maladies hydriques.
72.3 Les eaux usées industrielles En ce qui concerne l'évacuation des eaux usées d'origine industrielle, aucune statistique précise n'est tenue à ce jour; et en l'absence de réglementation spécifique, la tendance est au laxisme généralisé. Quelques cas de traitement des rejets d'origine industrielle sont connus, mais il s'agit le plus souvent du recyclage des eaux. Il n'existe pas à ce jour d'étude exhaustive sur le mode d'évacuation des eaux usées industrielles, hormis l'analyse récente sur quatre entreprises dont les résultats sont présentés ci-dessous. 215
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Le tableau n040 montre que ces industries engendrent d'importants rejets hydriques, soit 2 800 000 m3 par an, parce que la fabrication de la boisson, de la margarine, du savon, etc. consomme beaucoup d'eau, soit 3 500 000 m3 par an. Et la pollution de ces industries agroalimentaires comprend des matières en suspension (sable, verre, déchets solides) et organiques solubles ou colloïdales (sucres, matières azotées, huiles, graisses, etc.). Les eaux de nettoyage et de refroidissement des machines contiennent aussi d'importantes quantités d'éléments chimiques comme la soude caustique, l'acide nitrique, les détergents, etc. Selon IGIP (op.cit.), cette pollution industrielle, en termes de débits et de charges polluantes, représente seulement une petite fraction des rejets totaux de Kinshasa évaluée à moins de 10%. Les trois industries Bralima, Bracongo et Congotex sont considérées comme de véritables sources de pollution industrielle avec 70 à 80% de la charge polluante industrielle. En effet, les études d'IGIP (op.cit.) le prouvent. A titre d'exemple, la Bracongo consomme environ 600 000 m3 d'eau par an et rejette annuellement, sans traitement, dans le fleuve Congo, près de 500 000 m3 d'eaux usées chargées de soude caustique, de colle, de levure et hydrocarbures. L'autre brasserie de la ville en fait autant. La Bralima, quant à elle, consomme environ 650 000 m3 d'eau annuellement et rejette environ 500 000 m3 d'eaux usées par an chargées des mêmes effiuents que la première brasserie. La seule différence est qu'après les opérations de décantation, ses effiuents liquides sont rejetés avec les eaux pluviales, avec ou sans traitement, dans le collecteur Bitshaku-Tshaku. Enfin, l'usine Congotextile consomme plus de 1 000 000 de m3 d'eau par an et rejette annuellement, sans traitement, dans le fleuve Congo, à peu près 950 000 m3 d'eaux usées chargées de soude caustique, de détergents, de colorants et d'hydrocarbures. Au total, les activités industrielles dans les usines étudiées représentent une véritable source de nuisance parce qu'elles rejettent leurs effiuents liquides acides et chargés de beaucoup d'éléments minéraux dans le fleuve Congo. Malgré cela, leur toxicité ne pose pas de problème majeur, semble-t-il, et il n'y aurait donc pas de risque grave, ni pour la pollution des cours d'eau ni pour la production d'eau potable par la Regideso, tel que l'affirme IGIP (op.cit.). Cela n'est pas vérifiable parce qu'aucune contre-étude n'a été faite dans le fleuve sur ce sujet. Malgré cela, le risque de pollution du fleuve Congo est permanent car plus d'une trentaine de ports et d'usines de tous calibres, comme les brasseries, savonneries, usines textiles, scieries, chantiers navals, tanneries et autres complexes industriels spécialisés se sont alignés en chapelet sur la rive gauche de ce cours d'eau, de Maluku à Kinsuka, et y rejettent quotidiennement des effiuents liquides non traités.
217
7.3 Le rejet des eaux usées et les problèmes de santé publique La mauvaise qualité de l'environnement a un impact sur la santé publique. Les risques associés aux rejets des eaux usées sans traitement sont de trois ordres. Les premiers risques pour la santé du Kinois sont les maladies hydriques par contamination virale (poliomyélite et hépatite A), par contamination bactérienne (salmonelloses, shigelloses, leptospiroses) et par contamination de vers parasites intestinaux. Les affections dues aux verminoses intestinales sont un bon indicateur de la pollution fécale de l'environnement. Ainsi, par exemple, les résultats des enquêtes effectuées en 1966 par Van Hees et en 1969 par Gatti et Krubwa, cités par PNAE (op.cit.)avaient montré jadis que 95% des écoliers des quartiers périurbains étaient infectés par des vers intestinaux. La plupart des enfants à Kinshasa sont donc porteurs de nématodes intestinaux. Les études de Muyembe Tanfum à Kimwenza l'ont aussi confirmé. Elles avaient montré en 1969 que 71,6% des enfants souffraient d'ascaris, 78,6% d'ankylostomes, 29,9% de strongyloïdes, 48% de trichuris. L'hôtel de Ville de Kinshasa (2007) évalue à 85% le pourcentage d'enfants âgés de 6 à 10 ans, dans les quartiers périphériques, qui sont en permanence porteurs de plusieurs parasites (ascaris, trichocéphal, ankylostomes). Le deuxième risque, ce sont les maladies liées à la présence d'éléments toxiques avec des micropolluants organiques (détergents, pesticides, composés cycliques d'huiles lourdes ou goudron...) et avec des substances minérales (plomb, cadmium, mercure.. .). Comme on le voit, les eaux usées des industries kinoises se déversent sans aucun prétraitement dans le fleuve. Même si le pouvoir d'assimilation du fleuve et ses capacités de diluer ces polluants sont très élevés, il y a un fort risque de dégradation des écosystèmes aquatiques et de modification de certains paramètres. A titre d'exemple, à Ngaliema, la baie du fleuve est polluée par plusieurs usines de la ville qui y déversent des rejets industriels non traités. Par conséquent, le poisson qui y est pêché sent le mazout parce que la baie reçoit quotidiennement les rejets des hydrocarbures (huiles lourdes/lubrifiants) de ces usines implantées au bord du fleuve. Le troisième risque de dégradation des écosystèmes aquatiques c'est la modification de certains paramètres physiques (température, matières en suspension), physico-chimiquess (vitesse de dissolution de l'oxygène), chimiques (azotes et phosphores), etc. Les analyses des quelques paramètres physico-chimique de l'eau de la rivière Kalamu que la population riveraine utilise pour l'arrosage de ses potagers, le baignage, la vaisselle et la lessive ont donné des résultats inquiétants. En effet, l'eau de la rivière Kalamu est insalubre parce que son pH est de 8,8 alors que l'eau potable doit avoir un pH légèrement alcalin c'est-à-dire 6,5 - 8,5 selon les normes internationales 218
de l'OMS (Bokolo, op.cit.). Par ailleurs, la même eau de la rivière Kalamu est encore plus qu'infestée parce que les mesures des substances dissoutes liées à la conductivité donne une valeur de 715 ppm pendant que les normes de l'OMS prévoient une cotation inférieure à 500 ppm (Bokolo, op.cit.). La même étude a trouvé sur Kalamu, après les analyses microbiologiques, la présence d'entérobactéries et de streptocoques fécaux, agents pathogènes de la dysenterie amibienne, choléra, bilharziose, fièvre typhoïde, etc. Les analyses physico-chimiques de l'eau de la rivière Mango à Masina ont indiqué la présence d'indices de phosphate qui probablement proviennent des eaux ménagères qui contiennent du savon et des eaux d'infiltration dans les' espaces maraîchers fertilisés avec les engrais (Lukengo, op.cit.).
Tableau 41 Analyse physico-chimique
de la rivière Yolo à Kingabwa
PARAMETRES
MES en mg/I Turbidité en FTU
Rivière Yolo à Kingabwa 6,5 à 8,9 27 45 15
Dureté totale en méq/I (CaC03) Co2 libre en mg/I
0,5 5,0
-
Fer mg/l + NH 4 en mg/I Calcium en mg/I 02 dissous en mg/I Nitrate mg/I Nitrine mg/I DCa mg/l DB05 mg/l
1,5 3,5
0,5 0,5
6,5 5,5 8,5 1,5 240 160
< 1 10 1 < 60
pH TO (OC)
Légende:
Source:
DCO : Demande Chimique en Oxygène DB05 : Demande Biologique en Oxygène. Bolya (op.cit.)
219
Normes de l'OMS 6,5 à 8,5
15
-
-
-
Le tableau n041 montre les résultats de l'analyse en laboratoire de 14 paramètres physico-chimiques de l'eau de la rivière Yolo à Kingabwa. Le pH de la rivière est de 8,9 - 9. Il Y aussi une baisse de la transparence due à la quantité élevée de matières en suspension. On y décèle aussi un arrêt du processus d'épuration naturelle de la rivière dû à la forte concentration de la charge polluante et au non-renouvellement de l'oxygène dissous. Les analyses montrent aussi une forte pollution organique due à la teneur élevée de l'azote. On y observe aussi la présence nombreuse de bacterustotales, coliformes totaux et champignons après des analyses microbiologiques. Les travaux de Gbua en 2005 dans le quartier riverain de
Kingabwa-Pêcheurs montrent que la diarrhée touche les enfants dans 61 % des cas, suivie de la fièvre typhoïde (43%), de l'amibiase (43%) et de la dermatose (22%). L'étude bactériologique de Luamba Lua Nsembo (2007) révèle également que la rivière Funa est l'un des foyers du schistosome, agent pathogène de la bilharziosel76. Les analyses bactériologiques de l'eau de la rivière Mango à Masina ont montré que le cours d'eau est contaminé par les coliformes fécaux avec une valeur de 22 par 1000 ml d'eau (Lukengo, op.cit.). Selon l'hôtel de \lille de Kinshasa (op.cit.) deux enfants sur trois de moins de 2 ans sont hospitalisés dans les différents services de pédiatrie de Kinshasa pour des cas de diarrhée-déshydratation. D'après MICS 2 (op.cit.), le taux de prévalence des maladies diarrhéiques chez les enfants de moins de 5 ans est de 22%. Ces chiffres ne reflètent qu'une partie de la réalité parce que la situation est beaucoup plus dramatique qu'on ne le pense. Pour preuve, le taux de mortalité infanto-juvénile est de 133 pour mille, et infantile de 83 pour mille, selon MICS 2.
Conclusion La pollution de Kinshasa par les déchets liquides n'est plus à démontrer. Les nuisances proviennent de plusieurs sources. Mais les plus dangereuses restent les excrétas et les effiuents industriels qui menacent la santé publique. Si les populations jeunes se prennent en charge pour assainir elles-mêmes leurs fosses septiques, cela n'est pas le cas du côté des pouvoirs publics pour ce qui est des eaux usées ménagères et industrielles. La tendance au sein du ministère ayant dans ses attributions ce volet est au laxisme généralisé, soit par manque de volonté politique, soit par complicité. Or, il est connu que les eaux usées, peu importe leurs origines, tuent les enfants dans les quartiers pauvres. Face à cette situation d'insouciance de la 176La rivière Funa, "un foyer central" de la bilharziose mardi 10 juillet 2007, p. 13.
220
à Kinshasa,
injournal
Point d'Impact du
population en général et du laxisme des pouvoirs publics en particulier, la presse engagée alerte souvent les autorités pour assainir l'environnement urbain d'abord et abandonner d'ambitieux projets d'éléphants blancs' sur Kinshasa. Jusque-là, rien de concret n'a été fait en termes d'infrastructures, qui sont encore moins réglementaires qu'avant.
221
Chapitre 8
Air insalubre
et pollution urbaine
C
E CHAPITREdonne les exemples les plus illustratifs de la pollution de l'air urbain à Kinshasa concernant l'émanation de déchets gazeux due à l'exploitation des carrières de grès et à la circulation automobile. Il décrit aussi les différentes maladies liées à cette pollution dont souffrent les populations en deux points essentiels: les nuisances par la poussière des carrières de grès et par les gaz d'échappement des véhicules. A travers Kinshasa, il n'y a plus de quartier qui échappe au problème de la pollution de l'air. Et pourtant, à l'époque, les cités des collines étaient réputées pour la pureté de leur atmosphère et pour la brise vespérale qui les rafraîchissaient la nuit. Aujourd'hui, elles sont autant polluées que les cités des plaines, avec des conséquences néfastes sur la santé publique. Plusieurs déchets gazeux de natures et de sources diverses sont à l'origine de cette pollution. Et son intensité varie en fonction de la distance qui sépare le quartier de la source de pollution. Ces sources abondent dans la ville. Il y a, par exemple, les émanations de gaz provenant de l'incinération des ordures et des pneus, des déchets gazeux issus des boulangeries à bois de chauffe, des groupes électrogènes, des feux de brousse, de l'exploitation des carrières de grès, du trafic automobile, des décharges non contrôlées, etc. Dans les cités où la circulation automobile est dense, c'est-à-dire le long des grandes artères principales, les gaz d'échappement des véhicules comme le monoxyde d'azote, le monoxyde de carbone, le plomb, etc. polluent l'air. Ces gaz sont permanents à Kinshasa à cause du fort trafic automobile et de l'absence de routes périphériques.
223
De même, les décharges non contrôlées caractérisées par leurs fumées permanentes sont des grandes sources de pollution de l'air à Kinshasa lorsqu'on sait qu'elles émettent non seulement du C02, mais aussi du CH4 (méthane) dans la ville. La pollution occasionnelle, néanmoins très nocive, a lieu lorsque les jeunes brûlent des centaines de pneus à l'occasion des veillées funèbres ou de troubles politiques, lesquels se sont multipliés et rapprochés depuis le vent de la démocratisation en 1990. Le feu de brousse en saison sèche ou au début des cultures saisonnières sur brûlis, pratiqué en périphérie urbaine, est aussi source de pollution. Les exemples les plus illustratifs de pollution de l'air urbain à Kinshasa concernent l'émanation de déchets gazeux du à l'exploitation des carrières de grès et à la circulation automobile. Kinshasa regorge de beaucoup de carrières de grès en périphérie urbaine mais la plus importante reste celle située à l'ouest de la ville, plus précisément à Kinsuka-Pêcheurs. Toutes ces carrières ont aujourd'hui le malheur de se retrouver au milieu des habitations avec tous les dangers que cela comporte. Il faut faire remarquer que ce sont des établissements humains qui sont venus envahir les concessions industrielles de ces carrières sans pour autant mesurer les dangers encourus.
8.1 Les nuisances
par la poussière
des carrières
de grès
Les particules en suspension de la silice émise par les carrières de grès polluent certaines cités de Kinshasa. Ces particules peuvent passer, en quelques heures après les pluies, de l'état gazeux à l'état solide. Kinshasa compte quelques carrières de grès artisanales et industrielles. La plus importante et problématique se situe à Kinsuka, à l'ouest de Kinshasa. Implantée dès 1953 dans une zone périurbaine à 10 km du centre ville et au bord du fleuve Congo, la carrière de grès de Kinshasa produit du moellon, de la caillasse et des graviers de toutes dimensions issus du dynamitage et du concassage des bancs de grès rouge. Friables ou très durs, les grès sont utilisés comme meules, pavés, matériaux de construction. La composition minéralogique de ces grès se présente de la manière suivante, selon Kalala (1990) : le quartz, les feldspaths qui sont composés à leur tour d'orthose, d'anorthite, le pyroxène formé de diopside, la calcite, le calcaire, la dolomite, le phosphate, la muscovite. A part le chargement des moellons, caillasses et graviers dans les camions, l'opération la plus génératrice de poussières est le concassage et l'entreposage. Le concassage est une opération de broyage des moellons qui produit aussi de la poussière dans l'usine et ses environs immédiats. 224
L'entreposage donne aussi lieu à des émanations de poussières qui envahissent l'usine et ses alentours puisqu'il n'existe pas de système d'aspiration dans l'usine. Il est fréquent d'observer dans la contrée une nuée de poussière brunâtre dans l'air lors de ces opérations quotidiennes de concassage et d'entreposage. Comme les vents dominants souillent du nord vers le sud et de l'est vers l'ouest, en fonction des saisons (Pain, 1973), l'usine émet toute l'année la poussière qui tombe dans les quartiers environnants de KinsukaPêcheurs. C'est un quartier de 17 965 habitants qui a pour activité principale la pêche artisanale, l'agriculture et le concassage artisanal des roches. Les habitations se dispersent autour de l'usine dans les localités de Kamba, Mangungu, Mbemba, Mboto, Mbenga, Misenga, Monganza, Molende, Mpoka et Punga. Elles sont non seulement empoussiérées avec de la silice, mais aussi subissent des secousses avec toutes sortes de nuisances comme les fissurations et les destructions de maisons dues aux vibrations du sol et au dynamitage des roches. A cela, il faut ajouter la menace sur la santé des populations environnantes avec des maladies des voies respiratoires comme les statistiques de Tungu et Ikwomo (2007) le confirment (carte n025).
Carte n° 25
La pollution de l'air par la poussière au quartier Kinsuka-Pêcheurs
-
Degré
de pollution
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Source:
Tnguetlkv
Ech eHe :1/150.000
225
La pollution de l'air est donc une réalité à Kinsuka-Pêcheurs parce que la quantité de poussière prélevée sur le terrain le confirme totalement. Les prélèvements ont été effectués pendant la fluctuante petite saison sèche c'est-à-dire au mois de février. Il faut souligner que les travaux de construction atteignent leur fort taux d'exécution pendant la petite et la grande saison sèche lorsqu'il ne pleut pas. En effet, il a plu 125,3 mm seulement (station de Mbinza Méteo) en février lors de la prise des échantillons, selon le rapport mensuel de Metelsat de février 2007. C'est à cette période que Carrigrès tourne à plein régime. Mais, contrairement aux attentes des populations, il a plu aussi pendant cette 'petite saison sèche'.
Tableau 42 Quantité
Durée (nombre de jours) 7
de la poussière prélevée sur le terrain en grammes
Capteurs surface (cm2) 25 cm2
Moyenne
Kamba
CIl
C2
20
I 26 23 g
Mbemba
Mpunga
CIl C2 8 I9 8,5 g
CIl C2 CIl C2 2 I 2,6 1 I 0,6 2,3 g 0,8 g
Molende
Source: Tungu et Ikvvomo (2007)
Le tableau n042 montre qu'il tombe en moyenne 23g de poussière sur une surface de 25 cm2 pendant 7 jours dans la localité de Kamba et 8,5g à Mbemba, 2,3g à Mpunga et 0,8g à Molende. Et cette poussière contient des silices. La quantité de poussière diminue au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la carrière de Carrigrès. Il y a donc un rapport entre la situation géographique du quartier et la quantité de poussière qui tombe sur le terrain. Ainsi, Kamba reçoit beaucoup plus de poussière que les autres localités.
226
Tableau 43 L'analyse granulométrique de la quantité de poussière par semaine Grains Dimension
Kamba Qté/g
Mpunga
Mbemba 0/0
Qté/g
Molende
0/0
Qté/ g
0/0
Qté/ g
0/0
-
-
-
(<1»
-
-
-
0,7
3
0,05
0,6
=250flm = 125flm
-
3,4 6
15 26
0,1 0,2
1,2 2,3
-
-
-
-
0,1
4,35
-
-
= 100flm
0,8
3,5
0,35
4,1
0,1
4,35
0,1
12,5
= 63flm = 50flm
3,2
14 6,5
1,6
18,8
0,4
17,4
0,2
25
1,1
13
0,4
17,4
0,1
12,5
= 20flm
7,4
32
5,1
60
1,3
56,5
0,4
50
Total
23
100
8,5
100
2,3
100
0,8
100
=8mm
= Imm = 500flm
-
1,5
Source: Tungu et Ikwomo (2007)
Le tableau n043 montre que la localité de Kamba est la plus polluée avec des quantités de grains de toutes dimensions parce qu'elle est proche de l'usine, suivie respectivement de la localité de Mbemba, Mpunga et Molende. Il faut noter que la poussière diminue en quantité et en granulométrie au fur et à mesure qu'on s'éloigne de la source de production, c'est-à-dire de l'usine. C'est comme cela qu'à Molende les grains de poussière diminuent sensiblement. A Kinsuka-Pêcheurs, il serait illusoire de chercher à lutter contre la pollution par la poussière de grès si on ne prend pas suffisamment en compte toutes les autres formes de pollution dont les conséquences morbides pourraient dépasser celles dues au concassage. Ce n'est pas seulement l'air de Kinsuka qui est pollué par l'usine, il y a aussi l'eau des puits traditionnels artisanaux. Il est connu que la distribution insuffisante de l'eau à Kinsuka est un problème quotidien. En ce qui concerne cette dernière pollution, il y a lieu d'affirmer sans aucune analyse microbiologique de ces eaux, sur simple observation de leur aspect rougeâtre et trouble, qu'elles sont loin d'être utilisables pour la vaisselle et
227
pour la lessive. Ceci s'explique par le fait que la plupart des puits traditionnels artisanaux de ces localités sont superficiels et se trouvent à peine à 1 ou 2 mètres du sol. Ces puits contiennent donc des eaux naturellement superficielles et chargées de tous les éléments minéralogiques du grès. Malheureusement, dans certains cas, lors des fréquentes interruptions de fourniture d'eau de la Regideso, ces puits d'eau deviennent les seules sources d'approvisionnement de la population de Kinsuka. C'est pourquoi les populations environnantes souffrent de maladies d'origine hydrique: diarrhées, vomissements, maux de ventre, gastrites (Tungu et Ikwomo, op.cit.).
Tableau 44 Le pH de l'eau de pluie qui tombe par localité n°
Locali tés
pH
1
Kamba
6,37
2
Mbemba
6,40
3
Mpunga
6,68
4
Molende
7,07
Moyenne
6,63
Source: Laboratoire pédologique des sciences agronomiques,
Unikin (2007)
Le tableau n044 montre que le pH moyen des eaux de pluie recueillies dans l'ensemble des localités est de 6,63. Ce qui laisse croire que ce micro-espace serait pollué par la poussière qui aurait modifié le pH (potentiel d'Hydrogène). Le pH de la localité Molende est de 7,07 parce qu'elle est éloignée de l'usine. Peu importe la qualité de l'eau de pluie, mais il est vrai que la qualité de l'air est insalubre à Kinsuka car les maladies dont souffrent les populations confirment cet état de pollution. Les effets indésirables de la pollution de l'air sur la santé de l'homme sont connus et affectent les poumons, la peau, les yeux, etc. En physiopathologie, les particules de diamètre aérodynamique compris entre 5 et 20J.lm peuvent atteindre la zone de conduction de la 228
trachée à la bronchiole terminale. Ces particules fines sont assez petites et pénètrent jusqu'au fond des poumons. Elles sont à la base de maladies pulmonaires (pneumoconiose et silicose) résultant de l'inhalation de particules de poussière minérale ou organique. Les données statistiques]77 en 2004 du centre de santé]78 du quartier Kinsuka-Pêcheurs construit en 1964 à proximité de l'usine, confirment des cas de maladies liées à cette pollution de l'air.
Tableau 45 Pathologies déclarées et soignées au centre de santé de Lukunga Pathologies déclarées et soignées Toux, bronchite, rhume, fièvre, céphalée Stomatite, inflammation de la bouche (angine) Diarrhées, vomissements, mal de ventre, gastrites Maladie de la peau (Démangeaisons, gale, mycose) Rougeole TBC (Tuberculose) Douleurs bas-ventre, menace d'avortement Autres Total
Fréquence 791
Pourcentage 69.0
60
5.2
65
5.7
57
5.0
36 39 50
3.1 3.4 4.4
48 1146
4.2 100.0
Source: Tungu et Ikwomo (2004)
Le tableau n° 45 présente les pathologies déclarées et soignées au centre de santé de Lukunga. Il montre que sur 1146 patients enregistrés, 69 °/0 souffraient de toux, bronchite, fièvre, céphalée et de rhume. Les mêmes statistiques mentionnent 5,2°/0 de cas d'angine, 5,7°10 de cas de maladies d'origine hydrique (diarrhées, vomissements, mal de ventre, gastrites) ; 5°1ode cas de maladies de la peau (démangeaisons, gale, mycose) ; 177 Tungu 178 Centre
et Ikwomo de santé
(2005). de Lukunga
(confession
catholique).
229
3,1
%
de cas de rougeole; 3,4% de cas de tuberculose; 4,4
%
de cas de
menace d'avortement, etc. Ces chiffres n'étonnent guère parce qu'il est bien connu que les affections des voies respiratoires comme le cancer broncho-pulmonaire, la tuberculose, l'asthme, la silicose, la toux, la bronchite, le rhume, la maladie de la peau, etc. sont dues soit au contact avec la silice, soit à l'inhalation de sa poussière. Ces particules rougeâtres en suspension sont souvent désignées simplement par le terme de fumée et de suie. Les statistiques répartissent aussi les malades en fonction de la localisation géographique. Elles montrent le rapport entre la situation géographique du quartier, la localisation du site de concassage et la fréquence des affections. Ces résultats confirment que la direction du vent et la proximité du site de concassage ont des conséquences sur la pollution par la poussière et par conséquent sur la santé publique. Ces poussières fines sont assez petites et pénètrent jusqu'au fond des poumons. Les données illustrent bien que la présence de la poussière augmente donc au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'usine. Les localités les plus touchées par des affections, selon les statistiques du centre de santé de Lukunga sont Mpoka (22,3%) et Kamba (18,6%) parce qu'elles sont proches de l'usine, suivies de Mbemba (13,5%), Mbenga (12,6%), Monganza (8,7%), Misenga (6%), Mangungu (3,8%), Molende (3,6%), ~1punga (7,4%), Mboto (3,5%). En conclusion, les localités qui se trouvent éloignées de l'usine sont moins polluées et envoient par conséquent moins de malades dans le centre de santé de Lukunga.
Les enquêtes montrent aussi que les adolescents
«
20 ans sur les
1146 patients enregistrés) sont aussi affectés (53,4%) par des maladies dues à la pollution de l'air. C'est probablement dû à leur métier de casseurs de pierres. En effet, nombreux parmi eux, scolarisés ou pas, exercent, à cet âge déj à, le métier de casseurs de pierres dans les différentes carrières artisanales disséminées à travers le quartier. Dans ce cas précis, la proximité de la maison à côté de l'usine n'est pas le seul facteur explicatif des affections de ces adolescents; c'est aussi leur fréquence dans la carrière. Mais l'étude ne s'était pas intéressée à cette variable. Hormis les maladies que cause la pollution de l'air et de l'eau, il y a également des nuisances qui sont dues à la pollution sonore. Le dynamitage des bancs de grès et surtout le concassage des blocs obtenus selon les dimensions des moellons, des caillasses et des graviers sont à l'origine de cette pollution sonore. Malheureusement, l'étude sur la pollution sonore n'a pas été faite faute d'un appareil de mesure de décibels. Et il est connu que ce dernier type de pollution a des effets néfastes sur le système nerveux et auditif. Il provoque la surdité, la perte provisoire de l'audition, l'insomnie, les fatigues prolongées, la nervosité, le stress, l'hypertension artérielle, etc. et peut avoir des conséquences néfastes sur le comportement humain. 230
A la fin des années 90, la ville avait assisté à un conflit qui opposa l'entreprise à la population de Kinsuka-Pêcheurs. En effet, l'entreprise accusa la population d'avoir construit illégalement dans sa concession. Elle n'a pas eu gain de cause et la population, bien qu'exposée aux fortes nuisances environnementales, continue à braver le danger permanent: la présence de projectile des moellons et de poussière de silice.
8.2 Les nuisances
par les gaz d'échappement
des véhicules
Il existe aussi des types de pollution de l'air à Kinshasa qui sont imputés aux gaz d'échappement des automobiles. Il est connu que la circulation automobile pollue avec le plomb, le monoxyde de carbone et le monoxyde d'azote. Plusieurs facteurs expliquent cette pollution de l'air à Kinshasa par le trafic automobile: l'usage de l'essence plombée, le trafic automobile intense, la cohorte d'embouteillages, le manque d'entretien des véhicules, l'absence d'une réglementation sur l'usage obligatoire du pot catalytique, l'absence d'une législation sur l'importation des véhicules d'occasion, le manque de routes goudronnées, etc. Pour ce qui est du dernier facteur, il est utile de rappeler que la ville n'a que 548 km de routes goudronnées, soit 9,4% des routes urbaines, sur un total de 5109 km 179. Et, ce réseau routier se répartit inégalement dans l'espace de la manière suivante: la voirie primaire (174 km), la voirie secondaire (143 km), la voirie tertiaire (98 km), la voirie locale (133 km). Par ailleurs, sur près de ces 10% de routes urbaines revêtues, une seule artère seulement fait la boucle nord-estlSO et les six autres sont orientées sudnordlsl. Comme on le constate, l'absence de voies transversales est-ouest et mêmes périphériques contraint les véhicules à franchir les passages obligéslS2 qui sont des carrefours très embouteillés aux heures de pointe. Ce qui entraîne des bouchons monstrueux à ces heures cruciales et des longues files d'attente avec pour conséquences des difficultés de transport. A titre de rappel, Kinshasa est aux prises avec la crise du transport urbain depuis plusieurs décennies. En 1999, la ville n'avait que deux compagnies formelles de transports publics, Gesac et New Trans. Ils assuraient 333 000 déplacements par jour. D'ailleurs, New-Trans accusait un manque à gagner journalier de 23 000 $ parce qu'il transportait des 179Hormis la voirie privée (intérieur des cours d'usines,
des camps, des cités universitaires
des concessions résidentielles). 180L'avenue Kasa-Vubu : 12,5 km. 181Les avenues 24 novembre (16 km), Université (6,5 km), Lumumba (19 km), Poids-Lourds (11,7 km), By Pass (14,5 km), route Matadi (15,2 km). 182Carrefours: rond-point Ngaba, Pont Kasa-Vubu, rond-point victoire, gare centrale.
231
et
voyageurs qui ne payaient pas leurs tickets les journalistes, les handicapés physiques, seul, assurait 37 000 déplacements par informel rassemblait un parc automobile
Il
%
comme les policiers, les militaires, etc. Le transport informel, à lui jour. Le transport formel et de 1121 bus et ne couvrait que
de la demande de transport, alors qu'en 1986, la desserte avait atteint
45%. En 2002, la ville n'avait que 60 gros bus (privés et publics) de 100 places assises pour 67 000 voyageurs et 2600 taxis et taxis-bus pour 17 000 voyageurs par jour (ministère du Plan, op.cil.). Ce parc d'autobus était considérablement insuffisant pour une ville de 6 000 000 d'habitants. Ce déficit est comblé par des véhicules de mauvaise qualité (bus, taxis, etc.) qui fument comme des 'cheminées' et qui assurent le transport public dans la ville. Depuis 2006, avec une croissance économique post-conflit évaluée à près de 6%, le nombre de gros bus est en train d'augmenter visiblement. Mais il n'existe pas de statistiques fiables pour compter le parc automobile dans son entièreté à travers la ville. Les seuls chiffres qui existent sont ceux de l'hôtel de \lille de Kinshasa (op.cil.) qui évalue le parc automobile à plus ou moins 160 000 véhicules de transport public dont près de 60% seraient vieux d'au moins une vingtaine d'années. Ces automobiles circuleraient dans 2800 km de routes goudronnées et en terre battue de la ville et transporteraient 2 000 000 de Kinois par jour. Les bus appartenant à l'hôtel de Ville assureraient le transport maximum de 67 000 voyageurs par jour. La majorité du transport (95,8%) serait assurée par les particuliers avec des véhicules en très mauvais état mécanique. Seules les sociétés publiques et privées de transports urbains comme STUC et City Train et des compagnies privées comme Urbaco, Tshatu Trans, Socogetra, MB sprl, Congo mon plaisir, etc. ont de gros bus de 100 places chacun. Tous les jours, les 160 000 véhicules kinois déplacent des milliers de gens qui qui tten t les cités-dortoirs pour venir travailler au cen treville en passant par des passages obligés pour occasionner ainsi des embouteillages monstrueux et par conséquent polluer l'air.
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Le tableau n046 présente le flux routier journalier à Kinshasa entre 6h et 18h en 2006. Le décompte final par jour est évalué à 360 575 véhicules dont 63% de voitures particulières et de taxis, 30% de bus de transports en commun, 4% de véhicules de marchandises et d'entreprises et 3% d'autres. Les déplacements motorisés sont estimés, par jour, à 3 368 790 voyageurs
dont 23% se déplacent en voiture particulière et en taxi, Il
%
en véhicule de
service et 66% en transports en commun. L'étude a mis dans le même lot le véhicule particulier et le taxi parce qu'il arrive souvent à Kinshasa que la voiture personnelle fasse aussi le taxi clandestin. Il faut faire remarquer que tous ces déplacements de véhicules ne s'effectuent, en grande partie, que sur près de 546 km de routes urbaines. Ce qui entraîne de gros embouteillages et, comme conséquence, de graves pollutions de l'atmosphère urbaine. En 2004, Mubenga avait étudié la densité journalière du trafic routier aux grands carrefours183 et la situation était déjà chaotique dans ces lieux.
Tableau 47 Densité journalière Sites
Moyenne / heure
Source:
du trafic routier aux carrefours routiers
Rondpoint Ngaba
Rondpoin t Victoire
Rondpoint Mandela
Carrefour Masina/ Quartier 1
708
1529
2301
2617
Rond-point Kintambo Magasin 1565
Mubenga (2004)
Le tableau n047 indique une valeur élevée de la densité du trafic routier au carrefour du quartier I-Masina avec 2 617 véhicules en moyenne par heurel84, suivi du rond-point Mandela et du rond-point Kintambo Magasin. Cet échantillonnage indique que le flux de véhicules sur les routes principales est très intense.
183 Rond-point Ngaba, rond-point Victoire, Quartier 1, rond-point Kintambo Magasin. 18-1De 6 h à 7 h, 12 h à 13 h, 17 h à 18 h.
234
rond-point
Mandela,
Carrefour
Masina
Fait étonnant, c'est le long de ces artères principales et à leurs carrefours que les activités de commerce informel naissent comme des champignons au su et au vu des autorités urbaines. Et pourtant, ce sont des zones de pollution à risques à cause de tous ces véhicules kinois en très mauvais état et qui utilisent de l'essence plombée. Cette situation est vécue avec une relative passivité par les pouvoirs publics. Pour répondre à certaines critiques de la presse sur son laxisme, l'autorité urbaine improvise parfois des opérations musclées d'évacuation de ces vendeurs de rue qui échouent lamentablement par manque de suivi et les vendeurs reviennent aussitôt après 'l'ouragan'. Ces vendeurs de rue ne sont pas convaincus du danger qu'ils courent en inhalant les fumées des gaz d'échappement, ni non plus les 'sportifs' qui s'exercent la journée sur les boulevards au milieu de deux rangées de véhicules embouteillés. C'est à cause de cette ignorance que le nombre des 'marchés de rue' ne cesse d'augmenter le long des artères principales, tout comme les 'marathoniens' des boulevards. Et pourtant, ils sont grandement exposés à la contamination avec les gaz des tuyaux d'échappement. A présent, beaucoup de quartiers situés le long des grandes artères principales, comme l'avenue de l'Université, n'échappent plus au fléau de la pollution de l'air avec le monoxyde de carbone et d'azote. Il est certain que les riverains inhalent un air dont la qualité est à la limite de l'insalubrité. La pollution de l'air menace fortement la santé des vendeurs de trottoir, surtout ceux qui sont exposés aux plus fortes pollutions, parce qu'ils 'commercent' toute la journée au milieu des gaz d'échappement des véhicules chargés de plomb. La pollution par le trafic automobile est invisible, mais tout aussi mortelle. Sur des avenues où le trafic automobile est dense, les gaz d'échappement des véhicules Oe monoxyde de carbone et le monoxyde d'azote) peuvent avoir des conséquences sanitaires graves, aujourd'hui connues, sur les populations résidant à proximité: affection des poumons, de la peau, des yeux, angine de poitrine, douleurs d'estomac, relâchement des muscles, etc. L'OMS, d'après Moore (1995), a découvert qu'une femme enceinte exposée au monoxyde de carbone peut connaître une baisse de poids du fœtus, une hausse de la mortalité périnatale ainsi que des lésions cérébrales. Les témoignages abondent dans ce sens. Kinshasa enregistre de plus en plus de cas de décès d'agents qui réglementent le trafic automobile par des cancers de la gorge, des enfants mort-nés et atteints de malformations monstrueuses dont les images font le tour de toutes les chaînes de télévision de la capitale mais que la population attribue curieusement à la sorcellerie. Ce comportement influe sur la non-tenue des statistiques dans les centres de santé pour de tels cas considérés comme métaphysiques.
235
Les Kinois sont de plus en plus nombreux à souffrir fréquemment des maladies dues à la respiration de l'air vicié parce que la ville connaît aujourd'hui un accroissement des taux de monoxyde de carbone à cause de l'augmentation du nombre de véhicules et de l'intensification de la circulation embouteillée. Très souvent pendant et après les pluies, lorsque les agents de la brigade routière ne réglementent plus le trafic, des milliers de véhicules roulent aux heures de pointe pare-chocs contre pare-chocs, embouteillés pendant de longues heures. Les scientifiques utilisent une technique classique qui consiste à prélever le sang humain pour étudier le niveau de pollution de l'air dans la ville et le danger sur la santé humaine. Pour étudier ce niveau, Mata (2004) a prélevé du sang veineux sur 45 KinoisI85 qui exercent leurs activités quotidiennes dans trois zones à intense trafic automobile, notamment le marché-rue du carrefour routier appelé communément rond-point Ngaba, la place Monseigneur Gillon sur l'avenue de l'Université et le croisement des avenues Lukala et Université. Ces études préliminaires ont donné les résultats ci-après.
Tableau 48 Teneur moyenne en plomb (J..tg/l)dans le sang humain Carrefours
Marché rond-point Ngaba sur l'avenue By- Pass Place Monseigneur Gillon sur l'avenue de 1'lTniversité Croisement des avenues Lukala et lTniversité
Densité moyenne horaire du trafic routier (nombre de véhicules/heure/ carrefour) 6hOO-7hOO 12h00-13h00 17h 0018h00 623 653 890
de 15 personnes
189
490
524
632
99
236
389
360
76
Source: Mata (2004) 185 A raison
Plombémie moyenne (f.1g/l)
par site.
236
Le tableau n048 montre que le trafic routier est plus intense au rondpoint Ngaba, grand carrefour routier, que sur les autres sites. Ce qui a un impact aussi sur la pollution du sang humain.
Tableau 49 Plombémie moyenne (J.tg/l) sur les trois sites Carrefours Marché rond-point Ngaba sur l'avenue By-Pass Place Monseigneur Gillon sur l'avenue de l'Université Croisement des avenues Lukala et Université
Moyenne 189,13 :t 43,89 99, 27 :t 18,26 76,27:t 27,79
Source: Mata (op.cit.)
Le tableau n049 indique que le site du marché rond-point Ngaba occupe la première place dans la pollution des personnes qui le fréquentent régulièrement car les analyses montrent une teneur très élevée en plomb dans le sang des sujets observés. En conclusion, les personnes les plus exposées à la pollution des gaz d'échappement des véhicules mal entretenus et non soumis au contrôle technique obligatoire sont celles qui exercent leurs activités commerciales quotidiennes le long des artères principales. Et pourtant, il est connu que le plomb diminue l'intelligence, retarde la croissance, réduit l'audition et la capacité de percevoir le langage et entraîne une baisse de l'attention (Moore, 1995). Si les résidents souffrent de la pollution automobile, les plantes aussi. Les plantes sont souvent utilisées comme bio-indicateur de l'environnement urbain. Kalau (2002), étudiant le degré de pollution des plantes par le plomb dans une zone à forte et à faible circulation automobile, démontre que la végétation est un bon indicateur de la qualité de l'air urbain. Les résultats préliminaires sont résumés dans le tableau ci-dessous.
237
Tableau 50 Concentration
de plomb en f.!g/ 100 ml
dans les arbres le long des routes Espèce
Zone à forte circulation
Zone à faible circulation
I'lT niversi té
Boulevard Lumumba
Campus universi taire
67,2 62
82 36,8
70,4 43,2
35 3,5
6,4 3,5
64,4
64,4
42
28
1,87
Avocatier
77
36,8
59,6
1,6
1,4
Badamier
54
50
61,2
40,4
5,6
Route By-Pass
Acacias Eucalyptus Manguier
Avenue de
Forêt du Prieuré Notre-Dame D'Assomption
Source: Kalau (2002)
Le tableau n050 montre que les végétations qui se situent à proximité des routes à forte circulation, comme By-Pass, l'avenue de l'Université et le boulevard Lumumba, sont fortement polluées. La concentration en plomb dans la forêt du Prieuré Notre-Dame d'Assomption est très faible parce qu'elle se situe dans une zone de très faible circulation automobile. Il existe également des études qui décrivent la contamination au plomb des légumes cultivés le long des routes à intense trafic motorisé à travers la ville. Ce sont des études faites sur des échantillons d'amarante, du sol et de l'eau d'arrosage dans des espaces maraîchers situés à l'intérieur de l'espace urbain et le long des grandes artères de la ville.
238
Tableau 51 Teneur en plomb dans les légumes cultivés le long des routes en mg/kg Distance de la route
Pépinière de Bandalungwa (avenue Kasa-Vubu)
Pépinière de l'Echangeur (boulevard Lumumba)
Pépinière de Camp Kabila (route By-Pass)
Sm 10m 20m 30m
192 185 163 162
165 137 113 180
Moyenne par site
176
149
Pépinière de la vallée de la Funa (route de Kimwenza)
Valeur moyerme
150 135 120 90
Pépinière de la Régie des Vales aériennes (route Mokali) 95 95 90 65
6, 7 6,6 6,3 6, 1
122 112 98 101
124
86
6
Source: Musibono et al. (2005)
Le tableau n05I montre qu'en étudiant les échantillons d'amarante (amarantushibridis L.) des 5 sites maraîchersl86, en s'éloignant progressivement de la route de 5, 10, 20 et 30 mètres, Musibono et al. (2005) ont démontré que les légumes cultivés entre 5 et 10 mètres de la route contenaient beaucoup plus de plomb que ceux qui se situent plus loin, à 20 et 30 mètres. Aussi, les chiffres montrent que les légumes cultivés dans la vallée de la Funa sont consommables parce que les risques d'intoxication sont quasi nuls. C'est le résultat non seulement de la bonne localisation de l'espace maraîcher qui se situe en dehors des grandes artères principales mais aussi de la végétation qui sert d'écran aux dépôts de plomb sur les légumes. Les analyses de Kilensele (2002) sur les échantillons du sol, le pH et de capacité d'échange cationique sur les mêmes espaces maraîchers confirment les faits.
186Sites maraîchers de l'Echangeur,
de Camp Kabila, RV A, de la pépinière
de la vallée de la Funa.
239
de Bandalungwa,
de la pépinière
Tableau 52 Teneur en plomb dans le sol en fonction de la distance par rapport à la route principale,
de la capacité d'échange
cationique et du pH du sol
Sites
Distances
pH
C.E.C. en m éq/ 100g de terre
Concen tration de Pb en mg/kg
Pépinière de la vallée de la Funa
Om
6,7
17
155
10m 20m 30m
5,3 6,9 7,1
16 15 14
153 141 130
Om
6,9
48
410
10m 20m 30m
6,8 7 4,8
47 35 36
320 250 260
Om
7
46
300
10m 20m 30m
5,4 6,9 6,5
34 29 43
230 195 199
Om
7
32
350
10m 20m 30m
6,8 6,6 6,9
26 24 21
250 200 135
Om
6,9
37
360
7 6,8 6,9
36 34 28
280 250 240
Pépinière de Bandalungwa
Pépinière de l'Echangeur
Pépinière de la Régie des voies aériennes
Pépinière de Camp Kabila
10m 20m 30m Source: Kilensele (2002)
240
Le tableau n° 52 établit les corrélations entre les distances et la teneur du plomb dans le sol, son pH et la capacité d'échange cationique. En effet, en se référant à la concentration recommandée en ppm de plomb dans le sol, selon la capacité d'échange cationique, on peut retenir que la concentration admissible est de 70mg/kg de plomb pour un sol dont la CEC est supérieure à 15 milliéquivallent par 1DOg, et la concentration admissible est de 35mg/kg de plomb pour un sol dont la CEC est inférieure à 15 milliéquivallent par 100g (Kilensele, op.cit.). L'auteur a observé que tous les échantillons des pépinières ont une CEC supérieure à 15 milliéquivallent (m éq) par 1DOg. En conclusion, les sols de ces espaces maraîchers sont pollués parce que les concentrations de plomb sont supérieures à 70 mg par kg. Les chiffres indiquent que le sol de la pépinière de Bandalungvva est beaucoup plus pollué parce que les échantillons prélevés le long de l'avenue Kasa-Vubu ont une valeur 5 fois plus élevée que la normale. Ailleurs, les échantillons prélevés le long de la route sur les sites de l'Echangeur, de la RV A et de Camp Kabila présentent aussi des taux de pollution élevés et ont des valeurs presque trois fois supérieures à la normale. Par contre, le sol de la vallée de la Funa a une capacité d'échange cationique proche de 15, ce qui justifie la faible concentration de plomb observée dans les analyses. (Kilensele, op.cit.). Au total, les analyses des échantillons montrent que la concentration de plomb dans les légumes et dans le sol diminue au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la grande circulation routière.
Conclusion Autant la pollution par les carrières est nuisible, autant celle causée par le trafic automobile reste redoutable. La réglementation sur la pollution industrielle pourrait contribuer à assainir l'air, malheureusement elle n'existe pas encore. Pour ce qui est de la pollution automobile, l'abandon progressif dans la ville de l'essence au plomb dans certaines stations commence à contribuer à la commercialisation d'une nouvelle génération de carburants verts. Si les pouvoirs publics exigent l'importation de carburant sans plomb, comme dans d'autres pays, la presse ne parlera plus des légumes 'plombés' à Kinshasa. Mais la pollution des quartiers excentriques de l'ouest de la ville par de la poussière industrielle passe inaperçue auprès de l'opinion publique. Et pourtant, cette pollution est beaucoup plus perceptible que celle causée par les gaz d'échappement des véhicules.
241
Conclusion
générale
L S'AGIT ICI à la fois d'une conclusion et d'une vision sur les perspectives pour un développement urbain durable. C'est l'objectif majeur de I d'avenir tout le livre: un appel à la mobilisation pour une éducation environnementale et un urbanisme participatif. Les différents chapitres de l'ouvrage ont mis l'accent sur l'inaccessibilité des Kinois aux services de base. Ces citadins marginalisés croient qu'ils vivent en ville alors qu'en réalité ils sont des exclus. Ce sont donc des pauvres qui vivent réellement la pauvreté urbaine. Mais les concernés eux-mêmes ne s'en rendent pas compte. Ils se complaisent à vivre dans cet état de précarité et de vulnérabilité. Ils affirment qu'ils y vivent heureux. Ils ont raison de l'affirmer parce qu'ils n'ont pas d'autre référence que les quartiers spontanés où ils vivent. Ils ne sont pas conscients de leur état. Malheureusement, les chercheurs en développement urbain jouent le jeu de ces citadins marginalisés. Ils sont tombés dans leur piège. Eux aussi se complaisent à affirmer que ces citadins exclus sont heureux de vivre là où ils sont, dans des bidonvilles. Les chercheurs en développement urbain les maintiennent, sans le savoir, dans cet état d'ignorance. Et pourtant, ils ont les connaissances et ont donc l'obligation d'aider, d'accompagner ces populations pour renforcer leurs capacités afin qu'elles améliorent leurs conditions de vie et leur environnement immédiat. Le comble est que certains de ces citadins marginalisés sont fortement influencés par les croyances populaires. Une question reste à poser. Est-ce qu'au nom du respect de la culture, les chercheurs en développement urbain doivent laisser ces populations continuer à vivre dans l'ignorance et s'enfoncer dans la pauvreté? Ce travail n'a pas la prétention d'avoir clos définitivement le débat relatif à l'influence de la pauvreté et des croyances populaires sur l'environnement. Au contraire, il a contribué à le relancer de nouveau.
243
En effet, la pauvreté de l'Etat congolais et celle de la population ont contraint les pouvoirs publics au laxisme et les citadins à la débrouillardise. Les Kinois ont développé des stratégies de survie dans tout le domaine, même en matière d'accès à l'habitat. Ainsi par exemple, l'absence d'une politique nationale de l'habitat a poussé la population à développer ses propres stratégies d'accès au logement parce que, culturellement, la propriété immobilière a une importance capitale dans la société. Ce comportement est à l'origine, malencontreusement, de l'étalement démesuré de la ville avec le développement rapide des quartiers spontanés qui vivent dans des conditions environnementales précaires: déboisements, érosions, inondations, nuisances par les eaux et par l'air insalubre. Malheureusement, les victimes des catastrophes naturelles dues à la dégradation de l'environnement pensent que leur malheur provient de la sorcellerie, c'est-à-dire de phénomènes métaphysiques. Leur démobilisation est donc presque totale devant les méfaits des forces de la nature qu'ils croient impossibles à maîtriser. C'est ici que se pose l'épineux problème de l'assainissement de Kinshasa. D'un côté, l'Etat, avec ses moyens limités, ne parvient pas à assainir rationnellement la ville. De l'autre, les citadins de l'ancienne génération et fortement influencés par les croyances populaires se sentent impuissants pour affronter la nature. Par contre, les autres citadins de la nouvelle génération, c'est-à-dire les jeunes Kinois, se démarquent, se détachent de plus en plus de ces croyances populaires pour les bénéfices économiques qu'ils tirent en assainissant la ville. Kinshasa vit donc maintenant un conflit de générations sur le comportement qu'il faut adopter face à l'assainissement. Deux courants d'idées divisent deux générations: celle qui croit encore aux sorciers qui détruisent l'environnement et celle qui y accorde moins d'intérêt parce que l'assainissement de la ville leur procure un emploi. Ces jeunes ont donc développé une logique économique parce que l'assainissement du milieu, à leur propre initiative, leur apporte un gain pécuniaire. C'est eux qui assainissent la ville. Ils sont éboueurs, chiffonniers, vidangeurs, bûcherons, forgerons, cureurs, etc. et gagnent leur pain en vendant leurs produits de déblayage, de curage, de défrichage, de vidange, d'élagage, de sarclage, de nettoyage, etc. La vieille génération, par contre, a développé un comportement attentiste. A la moindre catastrophe, elle tend la main aux pouvoirs publics pour une intervention étatique et sporadique. Elle compte beaucoup sur l'Etat providence qui est lui-même déjà trop faible et presque en faillite. Les pouvoirs publics, quant à eux, ont développé malheureusement un comportement laxiste et passif. Ils n'arrivent pas à anticiper les événements parce qu'ils n'ont pas une politique de prévention et de gestion des catastrophes naturelles urbaines. Ils subissent les événements 244
et sont plutôt spécialistes du curatif. Ils passent leur temps à réparer les dégâts, à colmater les brèches, à replâtrer les casses. Et cela coûte trop cher au trésor public. A titre d'exemple, une agence de coopération bilatérale, dans son programme de développement communautaire à Kisenso, a construit avec 30 000 $18ï une école de 300 m2, soit six salles de classe de 36 m2 chacune avec 15 bancs, deux bureaux administratifs de 6 m2 chacun avec mobilier, des latrines scolaires de 12 m2 avec six portes. A la même période, une entreprise a construit avec 1 500 000 $ un collecteur maçonné de 1 km à Ngaliema pour traiter une érosion. Ce budget qui a été investi dans 'le curatif pour réparer les dégâts d'une érosion aurait servi à construire 50 écoles à Kinshasa et scolariser, dans de bonnes conditions, 18 000 élèves dans des établissements scolaires à double vacation, comme c'est le cas souvent dans la ville. Le même montant aurait aussi servi à doter les écoles de 30 000 bancs, car un banc revient à 50 $ la pièce. Trente mille bancs auraient servi aussi pour 60 000 élèves à Kinshasa. Les exemples d'un tel gâchis sont légion. Ailleurs dans le secteur des transports et des communications, une entreprise locale a réhabilité dans la ville une artère principale détruite par les eaux pluviales mal canalisées en facturant 1 million $ le kilomètre; alors qu'en curant les caniveaux, la route aurait été préservée dans son entièreté et cette enveloppe aurait servi à aménager soit 400 sources d'eau pour 100 000 habitants, soit 200 puits avec pompes manuelles pour 50 000 habitants dans les quartiers périphériques dépourvus du précieux liquide. Afin de stopper ce gâchis, il serait urgent de s'orienter vers le 'préventif en éduquant les Kinois et les autorités publiques sur l'environnement, c'est-à-dire en renforçant leurs capacités en matière d'éducation mésologique. Comme on l'a vu à travers les huit chapitres, l'environnement de la ville de Kinshasa se dégrade rapidement parce que les pouvoirs publics et les populations ont une perception divergente de la gestion de l'espace. Les deux interprètent d'ailleurs différemment la loi foncière et les réglementations de l'urbanisme. Dans cette confusion, il faut ajouter les chefs coutumiers qui contribuent à l'anarchie urbaine en spéculant sur le foncier. Tous ces acteurs sous-estiment les conséquences de la mauvaise gestion de l'espace sur l'habitat et l'environnement parce qu'ils n'ont pas de connaissances mésologiques. C'est comme cela qu'ils ne développent pas de méthodes préven tives de gestion de l'espace.
187 Entre
2002
et 2006.
245
Il y a lieu donc de lancer le plus rapidement possible le processus d'acquisition des connaissances environnementales auprès des utilisateurs188 Oes communautés) et gestionnaires189 Oes administrations) de l'espace. Ainsi donc, l'appui institutionnel dans la gouvernance environnementale s'avère nécessaire auprès des autorités politico-administratives et coutumières qui lotissent les lopins de terre, des services techniques municipaux qui délivrent des autorisations d'occupation parcellaire sans respect des normes administratives et des chefs coutumiers qui violent systématiquement la loi foncière.
1. Approche pour l'éducation environnementale L'objectif principal de l'éducation environnementale est double: d'abord, comprendre la façon dont les habitants perçoivent les problèmes qui se posent dans leurs quartiers respectifs et comment ils souhaitent y répondre; ensuite, évaluer la qualité des services rendus par l'administration communale à la population et vice-versa. Cette approche comprend quatre phases: la préparation, la formation, l'interface population-services municipaux et l'accompagnement. L'objectif spécifique serait d'impliquer l'administration et la population dans un processus de sensibilisation afin de définir les meilleures stratégies pour un développement urbain durable, d'apprendre le notions de loi foncière et des normes d'urbanisme, d'évaluer les risques environnementaux dans une occupation anarchique, de développer des méthodes préventives de gestion durable de l'espace, de clarifier les rôles à jouer par les parties prenantes (administration et population) en vue d'une appropriation de l'espace, d'harmoniser la perception de chaque groupe (administration et population) dans un processus de bonne gouvernance environnementale. 1. 1 La première
phase
Elle se limite à la préParationde la formation consiste à :
.
répertorier
d'abord,
au cours d'une réunion
dans la commune.
d'explication
Elle
avec les
autorités municipales, les services communaux qui sont étroitement liés à la gestion de l'espace et de l'environnement (par exemple, les 188La population, la société civile, les chefs coutumiers. 189Les chefs des quartiers, les semees de l'urbanisme et de l'habitat, des travaux publics, des affaires foncières, de l'environnement, de l'agriculture, du développement rural.
246
.
.
services de l'urbanisme et de l'habitat, des travaux publics, affaires foncières, de l'environnement, de l'agriculture, développement rural, de l'énergie, des mines, etc.) ;
des du
recenser ensuite, au cours d'une réunion d'explication avec la population, les leaders dans la communauté (par exemple, les chefs coutumiers, les notables, les dirigeants des associations, les responsables des confessions religieuses, les enseignants et les catégories de personnes qui ont comme activité principale l'usage des ressources naturelles (agricul teurs, éleveurs, charbonniers, bûcherons, menuisiers, etc.) ; s'assurer de la large participation de toutes les composantes communauté et des services communaux.
de la
1.2 La deux/ëme phase Elle concerne la Jolmation sur l'environnement. Elle consiste à :
la gestion
de
l'espace
et
de
.
former concomitamment dans des salles différentes pendant 3 jours (1 module par jour) les services municipaux identifiés (25 élèves) et les leaders des populations recensées (25 élèves) ;
.
former les bénéficiaires d'abord sur les principes de base de la loi foncière et des normes d'urbanisme, ensuite sur la mauvaise gestion de l'espace et l'impact environnemental, enfin sur les méthodes préventives d'assainissement urbain;
.
récolter les perceptions des populations sur l'utilisation des services municipaux sur la gestion de l'espace;
.
demander aux bénéficiaires de proposer des solutions pour améliorer l'utilisation et la gestion de l'espace et de l'environnement après avoir acquis des connaissances;
.
sélectionner les indicateurs d'évaluation des services municipaux par les populations afin d'élaborer la carte des points sur la gestion de l'espace et vice-versa, c'est-à-dire sélectionner les indicateurs d'évaluation des populations par les services municipaux sur l'utilisation;
247
de l'espace et
.
prévoir le volet communication et éducation pour le changement comportements qui va concerner les enseignants.
Fig. n02 Processus de formation et de récolte des perceptions
Formation: services communaux (3 modules)
Formation: populations (3 modules)
Récolte des perceptions des services communaux sur les populations dans la gestion de l'espace et des indicateurs
Récolte des perceptions des populations sur les services communaux dans la gestion de l'espace et des indicateurs d'évaluation
248
des
1.3 La troisième
phase
La troisième phase est liée à l'inteiface dans une même salle entre les bénéficiaires, c'est-à-dire entre la population d'un côté et les services municipaux de l'autre. Elle sert à :
.
sensibiliser les populations et les services communaux, participent proportionnellement des deux côtés, au sujet sentiments et des contraintes de l'autre partie;
qui des
.
s'assurer que la rétroaction de la communauté est prise en compte et que des mesures concrètes sont prises afin de corriger les erreurs de gestion et utilisation de l'espace;
.
s'assurer que le dialogue ne s'exprime pas entre adversaires mais qu'il s'agit plutôt d'un rapport d'arrangement mutuel établi entre l'usager / utilisateur et le gestionnaire de l'espace;
.
faire participer aussi d'autres parties (2 à 5 élus locaux par exemple), comme les parlementaires locaux et les hauts fonctionnaires de l'administration, à la réunion en tant que modérateurs de l'interface afin de lui donner un grand crédit;
.
regrouper les participants en fOcus groups sur la base des activités socio-économiques de la population, en tenant compte du genre et de l'âge, collées à chaque aspect du service administratif de l'Etat. Ainsi, par exemple, les agriculteurs et éleveurs formeront un fOcus group avec le personnel du service communal de l'agriculture; les bûcherons et menuisiers formeront un fOcus group avec le personnel du service communal de l'environnement, etc;
.
inviter chaque fOcus group à définir des critères de performance pour évaluer le service communal en question sur la base d'indicateurs observables et mesurables ;
. .
faciliter le dialogue entre la population et les services communaux et les aider à fournir une liste de changements concrets qu'ils peuvent mettre en application immédiatement; faire approuver les réformes par les leaders politiques, les élus locaux et les hauts fonctionnaires de l'Etat présents;
249
.
permettre d'abord à la population de savoir ses droits et devoirs; aux services municipaux leurs engagements;
.
finaliser et prioriser l'ensemble des indicateurs produits et s'assurer de ne pas dépasser le nombre de 5 au maximum;
.
donner des points relatifs pour chaque indicateur, après avoir défini les critères d'exécution par consensus ou par vote à main levée, selon une échelle de 1 à 10 ou de 10 à 100 dont les plus élevés sont considérés comme les meilleurs;
.
programmer l'organisation de l'enquête soit par un bureau d'étude spécialisé soit par des équipes universitaires de recherche.
et
Tableau 53 Exemple d'une carte des points qui pourrait être établie par un ficus group pour que la population
évalue les services rendus par les Affaires foncières
Points interface 100
Indicateurs
Tracasseries administratives 1) lors de la demande d'une fiche parcellaire Objectivité dans le règlement 2) des conflits parcellaires
15
Passivité de la commune face 3) aux chefs coutumiers qui lotissent des lopins de terre
30
10
15 5) Tenue de plan cadastral
250
Points après 6 m.ois
Points après 12 m.ois
Tableau 54 Exemple d'une carte des points qui pourrait être établie par un ficus group pour que la population
évalue les services rendus
par l'Urbanisme
Indicateurs
et l'Habitat
Points interface 100
Octroi abusif de titres 1) d'occupation dans des espaces publics Tenue du plan d'urbanisme 2)
30
Octroi d'autorisations de bâtir 3) dans des zones non aedificandi
40
10
10 4) Tenue de fiches parcellaires 10 5) Règlement des conflits locatifs
251
Points après 6 mois
Points après 12 mois
Tableau 55 Un autre exemple de la manière dont une carte des points qui pourrait être établie par unfocus group pour que le service municipal de l'environnement
puisse évaluer les actions préventives
de la population
Indicateurs
1)
2)
3) 4)
5)
dans la lutte an tiérosive
Points interface 100
Implantation dans les parcelles de puisards ou de drains parcellaires
30
Implantation de 'dos d'ânes de terre' dans les limites parcellaires
10
V égétalisation des versants Implantation de 'bassins d'orage' dans les espaces publics Agriculture sur les versants stabilisés
10 30
20
252
Points après 6 mois
Points après 12 mois
1.4 La quatrième La quatrième
.
organiser
phase phase concerne l'évaluation semestrielle. Elle consiste à :
six mois plus tard une enquête
sur les indicateurs
de
performance de chaque service communal concerné par l'évaluation et transmettre les résultats à l'exécutif et au Conseil communal;
.
assurer une large diffusion des résultats d'enquêtes dans le public par l'intermédiaire de médias tels que la radio communautaire, la presse et la télévision;
.
prévoir une réunion interface d'évaluation pour discuter des résultats d'enquêtes et proposer des recommandations à l'exécutif et au Conseil communal;
253
Figure 3 Organigramme
des étapes du processus complet
de la formation et accompagnement Phase 1 : La préparation de la formation sur le terrain Organiser deux réunions explicatives: l'une avec l'administration communale pour recruter les services communaux concernés; l'autre avec et les couches des populations pour recruter les couches les plus représentatives Constituer l'équipe d'animateurs constituée de juriste, géographe, urbaniste, aménagiste, sociologue, anthropologue, communicateur.
Phase
C
Population
2 : La formation
des groupes
C
~
cibles
Services
~
Perception
Identifier les indicateurs
Phase 3 : Interface
254
Phase 4 : 'évaluation' ~(}ouvernance~
~
~ <participatiOn>
~
/
Services rendus Développement urbain
2. De l'éducation
environnementale
à l'urbanisme
de participation
L'objectif majeur de l'urbanisme participatif est de faire participer activement les administrés Qes habitants) et les administrateurs (services communaux) à l'identification des problèmes, à l'analyse, à la recherche de solutions et la conception d'un plan de développement, de résumer les renseignements relatifs à l'identification des quartiers, ensuite d'identifier les problèmes des quartiers, de dégager les priorités d'intervention, de rassembler les informations pour l'élaboration d'un plan communal de développemen t. Sur le plan pratique, cette approche de l'aménagement urbain participatif offre beaucoup d'avantages: susciter une prise de conscience de la population pour l'autoprise en charge, jeter les bases pour une collaboration étroite entre l'administration municipale et la population pour un développement urbain durable, améliorer la qualité des services rendus par l'administration communale Qes producteurs de services) à la population Qes consommateurs de services), etc. Comme on le voit, l'approche proposée de l'éducation mésologique est un apprentissage manifeste de l'urbanisme de participation ou de dialogue qui privilégie plutôt les aspirations de l'usager et conduit à l'appropriation de l'espace par les habitants.
255
Il est malheureux de rappeler la faiblesse de beaucoup de plans communaux de développement qui ne correspondent pas aux desiderata de la population parce qu'ils ont des modèles stéréotypés conçus dans des bureaux par des experts qui ignorent l'idée que se font les habitants euxmêmes de leur quartier. Souvent, pendant l'élaboration de ces plans communaux, les habitants sont soit marginalisés, soit insérés mais sans responsabilité réelle dans la conception et l'exécution du plan; et pourtant, les décideurs et les aménagistes n'appréhendent pas toujours facilement ce qui constitue les aspirations de la population. Ces plans "parachutés" échouent souvent soit parce que la population a été exclue, soit parce qu'elle n'a pas adhéré. Il est également malheureux de rappeler aussi que la jeunesse, nombreuse et ingénieuse, est marginalisée et est livrée à toutes sortes de problèmes, notamment le chômage. Et sa faible participation à la gestion urbaine exacerbe le problème. Aussi, le niveau de participation des jeunes dans les projets de développement des quartiers se limite aux petites tâches. Dans plusieurs cas, les perceptions des jeunes sur les questions qui concernent leur environnement urbain sont prises avec beaucoup de recul, ignorées ou tout simplement réprimées. C'est comme cela que les stratégies, conçues sans leur participation, sont continuellement en contradiction avec leurs attentes et leurs perceptions. Le conflit de génération entre la jeunesse (véritables Kinois) et la vieillesse (migrants ruraux et néo-Kinois) fait que les aspirations des jeunes sont perçues comme marginales, hors culture et hors normes parce que les valeurs sont conçues et validées par les adultes. Une telle approche conduit inévitablement à la conception de politiques discriminatoires de développement urbain et opposées aux logiques et aux besoins de cette majorité de la population urbaine qu'est la jeunesse. La pauvreté et la violence urbaine des jeunes sont parmi les conséquences de cette marginalisation. Comme les autorités urbaines se retrouvent débordées devant la croissance rapide de la ville et n'arrivent plus à l'accompagner dans son développement et dans son contexte général d'urbanisation avec une population de plus en plus jeune, elles ont tout intérêt à compter sur cette jeunesse et à se tourner vers elle parce qu'en temps de paix ou de guerre, ces jeunes ont toujours défendu leur capitale. Les désirs des jeunes Kinois par rapport à leur ville se traduisent par l'optimisme dans leur vécu quotidien. De manière générale, les jeunes Kinois veulent voir leur ville changée et son environnement assaini. Pour ce faire, ils comptent d'abord sur leur effort personnel, exprimé par le vocable" effoperso 190" dans le langage kinois, avant de compter sur les autres. /90 Effort
personnel.
256
Or, très souvent, les aménagistes mettent les habitants dans une situation de consommateurs de commodités urbaines conçues sans eux et plus souvent loin d'eux. On a affaire ici à un aménagement octroyé et peu propice à l'appropriation de l'espace urbain par les habitants. D'habitude, cet urbanisme est perçu comme une friction. Il provoque et intensifie les réactions de rejet des habitants. C'est le cas des Kinois qui ont quitté leurs maisons construites dans les cités planifiées indigènes par l'Office des cités africaines pour habiter loin, dans de grandes parcelles de la commune de Ndjili qui venait d'être construite vers la fin des années 50. Voilà pourquoi l'urbanisme est opportun pour le développement urbain durable de Kinshasa.
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272
Liste des tableaux
Tableau 1 Coûts d'indemnisation des arbres fruitiers et cultures vivrières lors des expropriations à Kinshasa Tableau 2 Valeur immobilière à Matete avant et après l'évacuation de la décharge de l\.1ulele Tableau 3 Les communes peuplées et moins peuplées de Kinshasa de 1967 à 2004 Tableau 4 Populations et densités des communes du district de Tshangu Tableau 5 Populations et densités des communes du district de Lukunga Tableau 6 Populations et densités des communes du district de Funa Tableau 7 Populations et densités des communes du district de Mon t-Am b a Tableau 8 Progression annuelle de l'habitat Tableau 9 Occupation du sol dans le district urbain Tableau 10 Approvisionnement en sacs de braise par site Tableau Il Filière de commercialisation du sac de 50 kg de charbon de bois en 2002 Tableau 12 Coût des différentes sources énergétiques en 2005 Tableau 13 Répartition des centres maraîchers par commune en 1996 Tableau 14 Nombre de parcelles à Kinshasa jusqu'en 1989 Tableau 15 Le nombre de sites maraîchers par commune Tableau 16 Précipitations (en mm) de la ville de Kinshasa de 1995 à 200 1 Tableau 17 Les communes et les degrés des pentes Tableau 18 Dégâts des pluies du 24 et 26 mars 1998 dans le sous-bassin-versant Tableau 19 Maisons et ménages sinistrés à Kingabwa de 1999 à 2002 Tableau 20 Estimation des besoins actuels en voirie et réseaux divers Tableau 21 Dégâts de la pluie diluvienne nocturne du 20 au 21 mai 1990
273
25 51 63 ...65 ...66 67 68 74 84 87 89 89 90 93 94 102 103 113 141 145 149
Tableau 22 Incidence des maladies sous surveillance à Kinshasa sur les sites des zones de santé sentinelles en 1999 152 Tableau 23 Incidence des maladies dans le quartier inondable de Lemba-Foire en 2002 152 Tableau 24 Quantités de déchets produits par type de quartier 163 Tableau 25 Nombre de repas parjour dans les quartiers de Kinshasa 163 Tableau 26 Effectifs des vendeurs et nombre d'étals des principaux marchés municipaux 165 Tableau 27 Production de déchets biomédicaux dans quelques hôpitaux .169 Tableau 28 Quantité d'immondices évacuées par la Foleco de 1998 à 200 1 175 Tableau 29 Nombre d'engins du PNA en bon état en 1989 et 1999 176 Tableau 30 Nombre de bacs du PNA abandonnés dans la ville 177 Tableau 31 Évacuation des déchets par le PNA (1995-2005) à Kinshasa ..178 Tableau 32 Consommation industrielle de quelques produits de récupération en 1989 180 Tableau 33 Production en kg de cartons et papiers recyclés par l'lzap 183 Tableau 34 Maladies liées à la dégradation de l'environnement en 1989..194 Tableau 35 Soins médicaux pour les maladies des mains sales 196 Tableau 36 Protection de l'habitation contre les moustiques 198 Tableau 37 Types de latrines à Biyela et Kikimi dans la commune de
Ki
m
ban
s eke.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 05
Tableau 38 Répartition des fosses dans les ménages à Kinshasa en 2005..206 Tableau 39 Quantité quotidienne d'excrétas de vidange 213 Tableau 40 Consommation en eau et rejets industriels à Kinshasa 216 Tableau 41 Analyse physico-chimique de la rivière Yolo à Kingabwa 219 Tableau 42 Quantité de la poussière prélevée sur le terrain en grammes..226 Tableau 43 L'analyse granulométrique de la quantité de poussière pal' semaine 227 Tableau 44 Le pH de l'eau de pluie qui tombe par localité 228 Tableau 45 Pathologies déclarées et soignées au centre de santé deL ukun ga 229 Tableau 46 Comptage des véhicules et estimation moyenne journalière des voyageurs en 2006 233 Tableau 47 Densité journalière du trafic routier aux carrefours routiers...234 Tableau 48 Teneur moyenne en plomb (J.tg/l) dans le sang humain 236 Tableau 49 Plombémie moyenne (J.tg/l) sur les trois sites 237 Tableau 50 Concentration de plomb en f.!g/ 100 ml dans les arbres le
long
des
l~OU
tes..
. . . . . . . . . . . . . .. . . . . . .. . . . . . . .. . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . .. . . . . . . . . . . .. . . . . . . . ... .. . . . . . . . . . 238
Tableau 51 Teneur en plomb dans les légumes cultivés le long des l'OUtes en mg/kg
274
239
Tableau 52 Teneur en plomb dans le sol en fonction de la distance par rapport à la route principale, de la capacité d'échange cationique et du pH du sol Tableau 53 Exemple d'une carte des points qui pourrait être établie par unfocus group pour que la population évalue les services rendus pa11les Affai11esfoncières Tableau 54 Exemple d'une carte des points qui pourrait être établie par un focus group pour que la population évalue les services rendus par l'Urbanisme et l'Habitat Tableau 55 Un autre exemple de la manière dont une carte des points qui pourrait être établie par unfocus group pour que le service municipal de l'environnement puisse évaluer les actions préventives de la population dans la lutte antiérosive
275
240
250
251
252
Liste des cartes
Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Ki
n01 : Kinshasa vue par Stanley en 1881 n02 : Le relief de Kinshasa n03 : La ville de Kinshasa en 1997 n04 : Catégorie des communes de Kinshasa n05 : Les districts administratifs de Kinshasa n06 : Les densités démographiques à Kinshasa n07 : La trame viaire du secteur Nord de Kinshasa en 1960 n08 : La zone urbanisée de Kinshasa en 1969 n °9 : L'extension de Kinshasa en 1969 n° 10 : L'état de la déforestation de Kinshasa en 1960 nOli: L'état de la déforestation de Kinshasa en 1962 n° 12 : L'état de la déforestation de Kinshasa en 1987 n° 13 : Le taux d'abonnement d'électricité par commune n° 14 : Les espaces agricoles de Kinshasa n° 15 : Les espaces maraîchères et rizicoles de Kinshasa n° 16 : Les bassins versants des rivières de Kinshasa n° 17 : Les grandes érosions de Kinshasa n018 : Les grandes rivières de Kinshasa n° 19 : Les zones inondables de Kinshasa n020 : Les inondations de remous n021 : Les inondations de manque de réseau de drainage n022 : Les inondations d'affieurement de la nappe phréatique n023 : Les inondations dues aux ruptures des bassins d'orage n024 : Les inondations des crues des rivières n025 : La pollution de l'air par la poussière au quartier
n s u ka
- P ê che
u rs.
34 35 50 64 65 70 76 78 79 80 82 83 86 91 92 105 120 130 137 138 146 147 149 158
....................................................................................... 2 2 5
277
Table des matières
Rem.erciem.ents Avant-propos.
Préface.
... .
... ....
... ...
..
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
Introduction...
Chapitre
7
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
..
. .. .. .. ... ..
...
.. . ... ... . .. .. ..
9 Il
13
1
Lespréliminaires
17
1.1Kinshasa: ville fascinante aux multiples noms 1.2Dégradation de l'environnementetcroyancespopulaires 1.2.1La propriété immobilièreriflète la réussitesociale 1.2.2De laJorêt protégéeau village,au déboisementabusijen ville
1ï 20 21
22
1.2.3Dieu, le diable et les érosionsurbaines 1.2. 4 La sirène, les monstresmarins et les inondationsurbaines 1.2.5 Les 'Noirs ne meurentpas de microbes'ou de l'insalubrité 1.3 Participation des jeunes Kinois 'ingénieurs aux mains nues'
26 2ï 28
à l'assainissement
29
de I'environnement.
1.3.1'Kinya ba Nka' : Kinshasa desjeunes 1.3.2 Jeunesse et assainissementde l'environnementurbain Con
cI usi
on.
29 29
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Chapitre 2 Site topographique
et dynamique
urbaine
2.1. Le site urbain: atouts et contraintes 2.1.1. Les cités desplaines: la ville 'basse'
279
33 34 36
2.1.2. Les citésdes collines: la ville 'haute' 2.2. Les districts urbains administratifs: une subdivision géographique déséquilibrée 2.3. Une urbanisation géographiquement déséquilibrée entre la ville 'hau te' et 'basse' Conclusion Chapitre 3 Croissance spatiale
et déboisement
urbain..
3.1. L'urbanisation et le déboisement urbain 3.2. Le manque d'électricité et le recul de la forêt urbaine 3.3. L'agriculture urbaine et le déboisement de l'espace 3.4. Le taux du déboisement urbain 3.5. Le reboisement péri urbain ... 3.5.1 Les exPériencesde Kinzono et de Mampu 3.5.2 Le puits de carbonedans le villaged'Ibi à Mbankana sur leplateau des Bateke 3.6. Une reforestation géographiquement déséquilibrée Con
el
il si 0 n
64 68 70
73 73 85 90 95 95 95 99 99
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 1 00
Chapitre 4 Occupation spontanée
et érosions
urbaines..
4.1. Les pluies torrentielles et les trombes d'eaux 4.2. La genèse des érosions de Kinshasa 4.3. Les bassins-versants et les érosions à l'ouest de la rivière Ndjili 4.3.1 Le bassin-versantde la rivièrede Funa 4.3.2 Le bassin-versantde la Ndjili - rivegauche 4.3.3 Le bassin-versantde la rivièreLukunga 4.3.4 Le bassin-versantde la rivièreBasoko 4.3.5 Le bassin-versantde la rivièreMampeza 4.3.6 Le bassin-versantde la rivièreLukaya 4.4 Les bassins-versants et les érosions à l'est de la rivière Ndjili 4.4.1 Le bassin-versantde la rivièreNdjili rive droite 4.4.2 Le bassin-versantde la rivièreTshangu 4.4.3 Le bassin-versantdufleuve Congo 4.5 Les travaux de lutte antiérosive 4.5.1 Les travaux collectifsmanuels des 'ingénieursaux mains nues' avec des techniquesrustiques 4.5.2
..
.58
Les travaux mécaniques
101 101 104 105 106 109 111 114 ..115 116 117 117 .118 119 121 .121
des entreprises de génie civil
avec les bassins d'orageset les collecteurs Conclusion 280
125 127
Chapitre Anarchie
5 foncière
et inondations
urbaines
129
5.1. Les rivières 5.1.1 Les rivièresdes valléesenvasées 5.1.2 Les rivièresdes valléesencaissées 5 . 2.
Le
sin
0 n dati
129 130 132
0 n s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 1 3 5
5.2.1 Les inondationsdues aux cruesdes coursd'eau 5.2.2 Les inondationsdues au ruissellementurbain 5.2.3 Les inondationsdues aux torrentsboueux 5.3. Les inondations et autres conséquences 5.3.1 Les inondationset la destructiondes champs de riz 5.3.2 Les inondationset la détériorationde la santépublique 5.4. La lutte contre les inondations 5.4.1 Les travaux collectifsmanuels des 'ingénieursaux mains nues' avecdes techniquesrustiques 5.4.2 Les travaux mécaniquesdes entreprisesdegénie civil Conclusion.
et insalubrité
urbaine
6.1 Les types de déchets solides municipaux 6.1.1
Les déchets des activités artisanales,
6.1. 5 Les déchets
biomédicaux...
6.2 Les modes d'évacuation ci p aux.
bai
ne.
159 159 160 161 164 167
. . . . . .. .. .. . . ... . .. .. .. . . . .. . . . .. . . .. . .. . . . . . . . ..
et d'élimination
. . .. . .. 168
des déchets solides
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 169
6.2.1 Le mode de collecteet de transportdes déchets 6.2.2 Le mode de reryclagedes déchets 6.2.3 Le mode d'élimination des déchetssolidesmunicipaux 6.2.4 La dégradationde l'environnementurbain suite à la proliférationdes déchargesnon contrôlées 6.3 Les maladies de l'insalubrité 6.4 Les limites de la création de décharges contrôlées en périphérie ur
7
des lieux de loisirs
et lieuxpublics 6.1.2 Les déchetsménage'rs 6.1.3 Les déchetsdes marchés 6.1. 4 Les déchetsindustriels
uni
153 157
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 15
Chapitre 6 Déchets solides municipaux
m
137 144 147 150 150 151 .153
l 72 179 188 192 194
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 1 9 7
Conclusion
199
281
Chapitre 7 Eaux usées et nuisance
urbaine
201
7.1 La production des eaux usées industrielles, ménagères et excrétas... 7.1.1 Les eaux uséesménagèreset assimilées 7.1.2 Les excrétas 7.1.3 Les eaux uséeshospitalières 7.1.4 Les eaux uséesindustrielles 7.2 Les modes d'évacuation et d'élimination des déchets liquides 7.2.1 Les eaux uséesménagères 7.2.2 Les excrétas 7.2.3 Les eaux uséesindustrielles 7.3 Le rejet des eaux usées et les problèmes de santé publique Concl
usi
on..
. . .. ... . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . .. . . . ... .. . . . .. . .. . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . .. ... .. . . .. . . . . . 220
Chapitre 8 Air insalubre
et pollution
urbaine
223
8.1 Les nuisances par la poussière des carrières de grès 8.2 Les nuisances par les gaz d'échappement des véhicules Con
el usi
on.
Conclusion 1.
w
générale
deuxième
p hase.
1
243 environnementale
246 246
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
1.3 ~ troisièmephase 1. 4 w quatl-Ïèmephase 2. De l'éducation environnementale Bibliographie
224 23l
.. . . . . . . . . . . .. . . . . . . .. . . . . . . . . .. . . .. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . ... . . . . .. .. . . . . . . .. . . . . . . . ... . . . . . . . .. 24
Approche pour l'éducation 1.1 w premièrephase 1. 2
20 1 202 204 207 208 208 209 2 12 215 218
à l'urbanisme
de participation
249 253 255 259
L.HARMATTAN.ITALIA Via Degli Artisti 15 ~ 10124 Torino L'HARMATTAN HONGRIE Konyvesbolt ~Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L'HARMATTAN BURKINA FASO Rue 15.167 Route du Pô Patte d'oie 12 BP 226 Ouagadougou 12 (00226) 50 37 54 36 ESPACE L'HARMATTAN KINSHASA Faculté des Sciences Sociales, Pol itiques et Administratives BP243, KIN XI ~Université de Kinshasa L'HARMATTAN GUINÉE Almamya Rue KA 028 En face du restaurant le cèdre OKB agency BP 3470 Conakry (00224) 60 20 85 08
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