TIQQUN Pt"emiet"s materiaux pour llne theol"ie de la leune-Fille
Cou\'cnure de
Olivier .·ontvieme
I�I)ITIONS MILLE
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TIQQUN Pt"emiet"s materiaux pour llne theol"ie de la leune-Fille
Cou\'cnure de
Olivier .·ontvieme
I�I)ITIONS MILLE
ET
UNE
NUITS
TIQQUN TIQQUN nO 362
Premiers materiaux pour une theorie de la leune-Fille
Texte i"'�gr.l.I
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I�II"U�X
Premiers materiaux pour une theorie de la J eune-Fille
-/ did l(Ne),QU once. Hamiel
1
11
Prcliminaires
Sous les grimaces hypnotiques de la pacification officielle se livre line gucrre. Une guerre dont on ne pellt plus dire <ju'ellc SOil d'ordre simplemcm econo miquc, ni mcmc saciale ou humanitaire, a force
d'eu'c lo/nle. Tandis que chacun prcssenl bien que son
existence tend
{I dcvcnir Ie champ d'une bataille ou
nevroscs, phobics, somalisalions, depressions el angoisses sonnenl autanl de rClraitcs, nul ne parvicm a en saisir ni Ie cours ni I'enjeu. Paradoxalement, c'cst Ie caraclere total de cetle guerre, totale dans ses maycns non mains que dans ses fins, qui lui aura d'abord permis de
sc
com'rir d'une telle invisibilitc.
Aux offensives a force ouverte, l'Empire prHhe les methodes chinoises, la prevention chronique. la diffusion moleculaire de la contrainte dans Ie quoti-
•
•
PRDtI[RS MATtRIAUX POIJR IJNF. TtlEOIUF. Df.I.....J[IJM:-flI.U:
TIQQl:�
,
dien. lei, I'cndonicage \�ent adequatcmclll l'elayer Ie
vail impcrial de divcrsion, de brouillage, de polarisa
nicagc general cl I'aulo-controle individuel Ie
tion des corps sur des absences, dcs impossibilites. La
contrale social. Au bout du compte, c'est J'omnipre
ponce en est moins immediate mais aussi plus
scncc de la nouvelle police qui achcvc de la rendre
durable. Avec Ie tcmps et par tlull d'cfIets combines,
impen:cptible.
ON finit par obtenir Ie desarmcmcnt \'oulu, 110tal11mCllt
immllnitaire, des corps. citO')'t'nS SOl1t moins les vaincus de celle guerre
Les
II
que ceux qui, niant sa rcalite, se sont d'emblce rell dus : ce qu'ON leur laisse en guise d' .. cxistence ,.
L'eqjcu de la guerre en COUTS, ce SOIll les (annes-
a vie pour se rendre compa tes mitres, pour nous,
dL>..vic, c'est-a--dire, pour I'Empire, la selection, la ges
n'est plus qu'un errort
lion ct l'atlenuation de celles-ci. La main mise du
tible avec I'Empire. Mais pour
Spectacle sur ['elat d'cxplicilaLion public des desirs, Ie monopole biopolitiquc de tOllS les s.'l.voirs-pollvoirs medicaux, la contention de toute de"iance par une
(oochs el aUlrcs .. facilitateurs " bienvcillants, Ie fi(ha� esthe
armec loujours plus foumic de psychiatres,
lico-policicr de chacun a ses determinations biolo giques,
13 sUI'vcillancc sans cesse plus imperative, plus
1
chaquc geste, chaquc desir, chaque affect rencontre
a quelque distance la nccessite d'alH!antir I'Empire et ses dto),cns. Affaire de respiration et d'amplitude des passions. Dans cette \'oic criminelle, nous avons I e t c m p s ; rien ne n o u s p r c s s e de r e c h e r c h e r I'affrontement direct. Meme, c e serait faire preuve de faiblessc. Des assaUls scrom lances, ponnant, qui
rapprochee, des comportements, la proscription ple
imponeront moins que la /)osition d'ol'l ils Ie serom,
biscimire de .. la violence ", lout cela rcntre dans Ie
car nos assauts minent les forces de l'Empire tandis
projet anthropologique, ou plutot amhropoluhnique
de I' Empire, Il s'agil de pro filer des citO')'ens.
A l'cvidcnce. cnll-,wer I'expression des formes-
que notre position mine sa strategie. Ainsi, plus il lui semblera accumuler les \'ictoires, plus il s'enfoncera loin dans la dHaitc, et plus ccJle-ci sera irremediable.
vie - des fOnT'lcs-
Or la strategie imperiale consiste d'abord a organi
viendrait mouler dc l'cxtericur une matiere s."1ns ccla
ser la cecile quant aux formes-dc-vie, I'analphabe
informe, .. la vie nue ", mais au contraire commc ce
tisme quant aux differences cthiques; a rendre Ie
qui affecte chaque corps-en-situation d'un cerlain
front meconnaisable sinon invisible; et dans les cas
penchant, d'une motion intime -, ne peut rcsuiter
d'une pure politique de repression. II y a tout un tra-
les plus critiqucs, a maquiller la toutes sortes de faux conflits.
vraie gutrre par
"
T1QQUS
PR[!>I1ERS MATtRlAUX POUR UN!; TutORI£ Of. LIIjEUNE-FII.I.E
"
La reprise de I'offensive, de notre cote, exige done de rendre Ie front a nouveau manifCSlc. La figure de
d'unejigllTe polain, qui oriente Ie devenir plus qu'elle
enc�l. Certains g'en sClviront pour conSUlter Ie carae
effet compte qu'il ne peut se maintenir comme
laJcune-Fille est une machine de vision cOIH'lIe a eel
lere massif des forces d'occupation hostiles dans nos
n'y prcdomine. Au debut des annees 20, Ie capitalisme se rend en
exploitation du travail humain s'il ne colonise pas
existences; d'autres, plus \�goureux, pour delenniner
aussi tout ce qui se trouve au-dela de la sphere Slricte
chacull en fait on VOil aussi ce qu'i1 meriLe.
aussi se socialiser.
la vitesse et la direction de leur progression. A ce que
III Eillencions-nou$: Ie concept deJeune-Fille n'est e\'idemment pas un concept sexue. Le lascar de boite de IlUil ne s'y confonne pas mains que la beuretle gri mcc en porno-star. Le semillant reu-ailc de la com' qui panage ses loisirs entre la Cote d'Azur el ses bureaux parisiens
Oll il a garde un pied lui obeit au
moins antant que la single mi:tropoiilaine trap a sa carriere dans Ie consulting pour se rendrc compte qu'clle y a deja laisse quinze ans de sa vic. Et com ment rcndrait-Oll compte de la secrete cOI'respon dance qui lie I'homo branche-gonfle-pacse elu Marais a la petite-bourgeoise amcricanisee installce en ban lieue avec sa famille en plastique, s'il s'agissait d'un concept sexue? En realite, laJeune-Fille n'est que Ic cito)'en-mooele tel que la societe marchandc Ie redefinit a partir de la Premiere Cuerre mondiale, en reponse explicitea la menace revolutionnaire. En tant que teUe. il s'agit
de la production. Face au defi socialiste, il lui faut lui
II
devI'a donc creer sa culture, ses
loisirs, sa medecine, son urbanisme, son education selllimentale et ses meeurs propres, ainsi que la dis position a leur renouvellement perpetuel. Ce sera Ie compromis fordiste, I'E t
familial: Ie capitalisme social-democrdte. A la soumis sion par Ie tr.lvail, limitee puisque Ie travailleur se dis
tinguait encore de son travail, se substime a present ]'integration par la conformite subjective et existen rielle, c'est-a-dire, au fond, par la consommalion. De formelle, la domination elu Capital devient pel! a peu I'eefle. Ses meiliems soutiens, la societe mal' chande ira desormais les cherchel' panni les elements marginalises de la societe traditionnelle - femmes el jeUl�es d'abord, homosexuels et immigres ensuile.
A ceux qllijusqu'hier ctaicnt tenus en minoritc. ct
qui etaient de ce fait les plus ctrangers, les plus spon tancment hostiles a la socieLC� mal'chandc, n'ayant pas ele plies aux nonncs d'integration dominantes, celle
d pourra se donner des airs d'emancipation ... Les
jeunes gens el leurs mel'es, reconnait Stuart Ewen,
fOllrnil'em au mode de \�e oITen par la reclame les
"
"
PR[o.tlt:RS M,l.Ti.R1,1.UX POUR t;NE TlitORIE Dr I.AJEUNE.f!U,E
principcs sociaux de J'ethiquc du cansommatCLIr. ,. Lesjeunes gells parce q u e I'adolescence e s t l a " periodc de l a vie delinic par u n rapport d e pure consommation it 13 societe civile. ,.(Stuart Ewell,
Consciences SOltS influena) Les femmes parce que c'est reprotlurtio'l, sur laquelle elles
bien 13 sphere de la
regnaicnt encore, qll'il s'agissait a10rs de coloniseI'. La
Jeunesse el la FeminilC hypostasiees, abstraitcs ct rceo dees en jl!'unituck ct
Feminilllth se leauveront des lors
elc\'ees au rang d'ideaux regulateurs de l'imcgralion imperialc-citoyenne.
La figure de laJeune-Fillc reali·
sera I'unite immediate. SpOil lance et parfaitement desirable de ces dellx determinations. La ga...;onne s'imposera camme line moderniu!
ilulremcnt plus fl
Recherche. La Iyceenne fera regiler sa loi dans Ferd), rlllrke, Vne nouvelle figure de I'autorite est nee qui les declasse IQllles.
hommes. Toules les figures passees de l'aUloritc
patriareale, des hommes poli liques al� �au'� n en ,1:35, sant par Ie Oie, se trouventJeunefilliseesJlIsqu a la
dernicre, Ie pape.
A
bien des signes. on reconnail que la nouvelle
physionomic du Capital, seulemem esquissee
(�ans
['enu'e-dcux-guerres, atleilll maimcnant sa perfecuon.
�
Quand se generalise son caractc�e ficuf, I"'�n ro pomorphose" du Capital est un fait acc':'lllph. C cst , , alors que se revele Ie mystericux sortliegc grace ..
auque1 le credit gem!ralise qui regit tout echang� (du billel de banquc it la (raile. du contrat de lravall ou de mariage aux rapports �humains� et familiers, des etudes, diplomes et carrieres qui s'ensuivcnt aux pro messes de tOtile ideologie : tous les echanges som desormais echanges d'apparences dilatoires) frappe a l'image de son \ide uniforme Ie �cceur de lenebres"
de toute Mpersonnalitt:" et de toul �caractCre". C'eSl
�
ainsi que croil Ie peuple du Capital, Iii Oll sem lent , disparailre toule distinction anceslr'ale, (Oule speclfi cite de classe cl d'cl.hnie. C'est un fait qui n'en finil plus d'cmeryeiller tant d'ingenus qui en sont encore;)
IV
A I'hcure qu'it est, I'humanile reformatee
en IlH!ltant enfin leur equivalent a disposition des
"penseI''' les yeu" perdus dans Ie passe. " (Gior�io
dans Ie
Spectacle et biopoliLiquemcnt neutmlisee croit defier que1qu'un en sc prodamant« citoycnne,.. Lesjour naux feminins relablissent un lort presque centenaire
Cesarano,
Chroniqzu d'un hal masqui) L,Jeune-Fllle
apparait eomme Ie point culminant de c�tle a1tthrop() . morphO$t! rill Capital. Le processus de \�.:tIon.s..\· lI�n, ?311S la phase imperiale, n'esl. plus seulement capltahste :
IL COiNClO1:: AVEC L£ SOCIAL. L'intcgration ace proces-
T1QQUS
PRUIIUS MATERJAUX POUR UNE TlltORlt: I)E LAJEUNE·FII.U:
"
sus, qui n'est plus distinue de rintegration a la
s'achemine vel'S son terme. Et i1 faut qu'a son tour Ie
"socielt! " Imperiale et qui ne repose plus sur aucune
pani desJeunes-Filles se scinde.
base
•
objective ", exige plmot de chacun qu'il s' auto
l/(llori.y ell peroume,1C1!.
Le moment de la socialisation finale de la societe,
i'Empire, est donc aussi Ie moment oil chacun est appcle a se mpponer a soi
CQmme valeur,
c'est-a-dire sui
A mesUl"e que Ie fonnatage jellnefilliste sc genera
lise, la concurrence se durcit e t l a satisfaction liee a la
conformite decroil. Un saut qualitatif s'avere neces saire; I'urgence impose de s'eqlliper d'attribuLS neufs autanl qu'inedits : il faUl se porter dans quelque
Un desespoir hollywoodien,
"am la mediation cenU'ale d'une selie d'abstranions
espace encore vierge.
conu·olees. LaJeune-Fille sera donc cetetre qui n'aum
line conscience politique dc tclejollrnal, une vague
plus d'intimite a soi qu'en lanl que valeur, et dont toute
spiritualite a caractere neo-bouddhiste ou lin engage
i'acti\"iti, en chacun de ses details, sera finalisee a son
ment dans n'importe quelie entreprise collective de
autovalorisation.
soulagement de conscience feront bien I'affaire. runsi
A
chaque instant, eJle s'affirmcra
comme Ie sujet .!iouverainde sa reification. Tout le carac
tere inquestionnable de son pam'oir, tOllle I't'!crasante assumnce de cel i:lre-plan,
tisse de fa�on exclusive par
edut, trail a trait, [IlJeune-Fille bio.
La lultc pour la sur
vie desjeunes-Filles s'identific des lors a la neCeSSile du depassement de lajeune-Fille industriclle, a la
les convelllions, codes el representations fugiti\"ement
necessiu! du passage a la jeune-Fille bio. Contraire
en vigueur, toute \'autorite dont Ie moindre de ses
ment a son ancetre, laJeune-FilIe bio n'afliche plus
gestes s'cmpreint, tout cela est immediatement indexe
sur sa lra,.sparmu absolue a
•
la societe ".
En raison meme de son neant, chacun de ses jugements a Ie poids imperatif de I'organisation sociale tout entiere; et elle Ie saito
v La theorie de lajeune-Fille ne surgit pas de
I'elan d'lIne quelconqlle emancipation, mais I'obsa
siOlI securitaire de la CQnseroatiQTI. C'cst que l'Empire est
mine a ses fondemenLS et doit se dCfendre de J'entro pic.
....enu a la plenitude de son hegemonic, il ne Pa'
pellt plus que s'ecrouler. Lajeune-Fille bio serd donc responsable, .. solidaire ", ccologique, maternelle, mi sonnable,
«
naturelle ", respectueuse, plus auto·
controlee que faussement Hbcree, bref: hiopolitiquc en diable. Elle ne mimera plus I'ex ccs, mais au
maniere fonuite au moment oli s'acheve la genese
contraire 1a mesure, en tout.
de I'ordre imperial, et ou celui-ci commence a etre apprehende comme tel. Ce qui vient au jour
Jeune·Fille acquiert 101 force d'lIll lieu commUIl, la
Camme on Ie VOil, au moment ou I'e\�dellce de la
"
T1QQUN
Jeunc-Fille cst dej;1 dcpassec, dll mains dans son aspect primitif de production en serie grossierement sophisliquec. C'esl sur cclte cOl�onclure critique de transition que !lOllS raisons levier. VI
Sallf"" parler improprcmclll- ce qui POUI1
PRnut'RS MATtRIAUX I'OUR UNF. TH�ORIE Ilt: tAJF.UNE.fll.l.f
"
dans eel eparpillement que des chemins qui ne mcnent mille part. C'est qu'i1 s'agit mains de cOl1ver tir les Jeunes-Filles que de tracer tous les coins d'un front fract..,lise de jeunerillisation. Et de fournir les armes d'une iulte pied a pied, coup pour coup, la ou tu Ie trou\'cs.
I. La leune-Fille comme phenomene
La Jeune-Fi l l e est v i e i l l e en eec! deja qu' elle se sait jeune. Des lors, i1 n ' est j amais pour elle question que de prefiter de ce sursis, c ' est-a-dire de conunettre les quelques exces rai s o n n a b l e s , de v i v r e l e s q u e l q u e s « aventures " prevues pour son age, et c e e n vue du moment au e l 1 e devra s'assagir dans Ie neant final de 1 ' age adulte. Ainsi done , l a 10i sociale contient en elle-meme , Ie temps que jeunesse pourrisse, ses propres vio lations , qui ne sont au reste que des derogations .
La Jeune-Fille raffole de l 'authentique paree que c'est un mensonge. La leune·Pille masculine a ceci de paradoxal qu'eUe eslle produit d'une sorte« d'alienation par contagion
».
Si Ia leune-Pille feminine apparait
comme ['incarnation d'un certain imaginaire mas-
TlQQUN
culin alifhu!, i'alienation de celte incarnation n'a elle-meme rien d'imaginaire. C'est tout Ii fait
concretement qu'elle a echappe a ceux dont elle peuplait les fantasmes pour se dresser en face d'eux et les dominer.
A
mesure que la Jeune-Fille
s'emancipe, s'epanouit et puUuie, c'est un reve qui
tourne au cauchemar le plus envahissanl. Et c'eSl
alors son ancien esclave qui revient en tant que tel
tyranniser Ie maitre d'hier. Pour jinir, on assiste a
eel epilogue j,onique au Ie IC sexe masculin » est vic time et objet de son p,op,e desi, alible.
« Moi, j'ai envie que les gens soient beaux.
»
La leune·Fille est 1a figure du conSOffi mateur total et sOllverain; et c ' est comme telle qu'eUe se comporte dans tOllS les domaines de I' existence.
Lil Jeu)1 e-Fill e sait si b). en La valeur des choses. Souvent, avant de se decomposer trap visiblement, la Jeune-Fille se marie.
I'REMIERS �t,\TtIlIAUX I'OUR UN!'. TlltORU: DE L'.JEUNE-fIl.I.E
"
La leune-Fille n'est bonne qu'a consommer; du loisir ou du travail, qu'importe.
L'inllmlt� de la Jeune-Fille, se trouuant mise en �gulualence auec toute intimit�, est alnsl deuenue quelgue chose d'ano nyme, d'eKt�rieur et d'objectal.
La leune-Fille ne cree jamais rien; en tout, elle se recree.
En investissant les jeunes et les femmes d'une absurde plus-value symbolique, en faisant d'eux les porteurs exclusifs des deux nouveaux savoirs esoteriques propres a la nouvelle orga nisation sociale - celui de Ia eonsommation et celui de Ia seduction -, Ie Spectacle a done bien affranchi Ies esclaves du passe, mais i1 les a affranchis EN TANT QU'ESCLAVES.
La plus extreme banalite de la Jeune-Fille est cncorc de se payer un (e) « original(e) ». Le caractere rachitique du langage de la Jeune-Fille, s' il imp l iqu e un incontestable retrecissement du champ de i'experience, ne constitue nullement un handicap pratique, puisqu'il n'est pas fait pour par ler mais pour plaire et repeter. Bavardage, curiosil�, �quivoque, on-dit, la Jeune Fille incarne la pl�nitude de I'existence impropre, telle qu'Heidegger en a d�gag� les categories.
TIQQUN
�
La Jeune-F lle est un mensonge dont le v�sage est l'apogee.
Quand Ie Spectacle claironne que l a femme est I'avenir de I'homme, c'est naturellement de l a Jeune-Fille qu'il veut parler, et I'avenir qu'il predit rappelle seulement Ie pire esclavage cybernetique.
«
('EST CLAIR!
»
La Jeune-FiUe parvient a vivre avec, pour toute phi losophie, une dizaine de concepts inarticules qui sont immediatement des categories morales, c'est a-dire que toute l'etendue de son vocabulaire se reduit en definitive au couple Bien/Mal. II va de soi que, pour porter Ie monde a son regard, il faut Ie simplifier passablement, et pour lui permettre d'y vivre heureuse, faire beaucoup de martyrs; et d'abord elle-meme. .. Des imperfections physiques tres visibles, meme si elles n'affectent nullement I' aptitude au travail, affai blissent socialement les personnes qu'elles transfor_ ment en invalides involontaires du travail. » (Dr Julius Moses, A!a-Bundeszeitung, fevrier 1929)
PRE�II�RS MATtRlAUX POUR Ur-:E TlltORI.: UE l.A.JEUr-:£.flllE
"
Dans la Jeune-FiJle, Ie plus doux est aussi Ie plus penible, Ie plus .. naturel ,. Ie plus feint, Ie plus « humain ,. Ie plus machinique. L'adolescence est une categorie recemment creee par les exigences de la consommation de masse.
La Jeune-Fille appelle invariablement « bonheur » tout ce a quoi ON I'enchaine.
La leune-Fille n'est jamais simplement malheureuse, eUe est aussi malheureuse d'etre malheureuse. En
dernier ressort, I'ideal de la Jeune
Fille est domestique.
l(> Bloom (>� t I.J (fi�(> t1(>� �(>)(u.Jfion� cl.J��iQuP�, H 1.J J{'uM-Fi11(>, I' off(>n�iv(> PJf IdQUl'!lP IJ t1ominclfion EllM cn.Jntl{' Y clUfJ r{>pontlu,
Pas plus qu'it n'y a de chastete chez la Jeune-Fille, il n'y a chez elle de debauche. La Jeune-Fil1e vit sim plement en etrangere parmi ses desirs, dont Ie Sur moi marchand regit la coherence. L'ennui de I' abstraction coule dans ce foutre . 11 n'est rien que la Jeune-Fille ne puisse faire entrer dans I'horizon c10s de sa quotidiennete deri soire, la poesie comme I' ethnologie, Ie marxisme comme la metaphysique. .. Albertine n'est d'auctm lieu et bien elle voltige, v a, vieflf, tire de
5011
moderne en cela :
absence d'attaches
PR[�1l0S )I"TlRl"UX POlIR n,E THF.ORIE D[ I.AJEl!:
une insrabiUre,
1m
caractere imprevisible, qui lui don
nell' son poulJoi r d e liberte.
»
(Jacques Dubois,
Pour Albertine; Prousr et Ie seils du social)
Lorsqu'il s'adresse distinctivement a la leune-FiUe Ie Spectacle ne repugne pas a un peu de ba'hmolo� gie. Ainsi les boys band et les girls bQlld ont-ils pour toute signification de mettre en scene Ie fait qu'lls mettent en scene. Le mensonge consiste ici, au moyen d'une si grossiere ironie, a presenter comme un mensonge ce qui est au contraire la verite de In Jeulle-Fille.
La Jcune-fillc cst soudain prise de vcrl iges, (Il/and
Ie monde cesse de toumer aulour d'clle.
La Jeune-Fille s'apprehende comme detentrice d'un pouvoir sacre : celui de la marchandise.
«J'adore les en/ants, lIs sont �eaux, honnetes, Us sentent �on. »
La mere et la putain, au sens de Weininger, sont egalement presentes dans la leune-Fille. Mais I'une ne la rend guere plus louable que I'autre ne la rend blamable. Au cours du temps, une curieuse reversi_ bilite de I'une dans I'autre pourra meme s'observer.
"
L a leune-Fille est fascinante a l a fa�on de toutes ces choses qui expriment une cloture sur elles-memes, une autosuffisance mecanique ou une indifference a l ' observateur; ainsi d e I'insecte, du nourrisson, d e I'automate ou du pendule de Foucault. Pourquoi la Jeune-Fille doit-eUe toujours feindre quelqu'activite? Pour demeurer irn.pren.a.ble dans sa passivite. La « liberte » de la leune-Fille va rarement au-dela du culte ostentatoire des plus derisoires productions du Spectacle; eUe consiste essentiellement 11 oppo ser la greve du zele aux necessites de " alienation.
L'Avenir de La ieune Fille : nom d'un groupe de jeunes BIles « communistes )}, organisees dans la banlieue sud de Paris en 1936 pour la « distraction, !'education et la dtifense de Leurs interets
».
La leune-Fille veut Hre desiree sans amour au bien aimee sans desir. En taus cas, son malheur est sauf.
L a l e une - F i l le a d e s HISTQIRES d ' a m o ur .
..
II suffit
TlQQUN
a ventur e
»
Au regard de la figure de la Jeune-Fille, les differences d'age comme de genre sont insignifiantes. II n'y a pas d'age pour etre frappe de jeuf)i/ude, ni de sexe <Jui inter dise de s'adjoindre un zeste de feminitude. Tout comme ces journaux qu'QN lui des tine et qU'elle devore sement,
1a
vie
si douloureu_
de 1a Jeune-Fille
se
"
L'amour de la leune-Fille n'est qu'un autisme a deux,
de se souvenir de ce q u'e lle met seus Ie mot
pour se faire une idee assez juste de ce que 13 Jeun e-Fille peut craindre du possible. La vieillesse de la Jeune-Fille n'est pas mains hi deuse que sa jeunesse. D'un bout a I'autre, sa vi e n' es t qu' un pr ogressif naufrage dans I'informe, et jamais I'irruption d'un devenir. La Jeune-Fille crou pit d ans les Iimbes du temps. «
PRt:�mRS �1!.:rl'!Ru..lIx �OUR UNt: TutORI!: 1)[ l.AJEUN!:-FII.tE
Ce qu'ON appetle encore virilite n'est plus que l'infantilisme des hommes, et feminite celui des femmes. Au reste, peut-etre devrait-on parler de virHisme et de .. feminisme '", quand se mele oil l'acquisition d'une identite tant de volontarisme.
La meme opiniatrete desabusee qui caracterisait Ia femme tradition nelle, assignee a residence dans Ie
devoir d'assurer Ia survie, s'epanouit a present
dans la Jeune-FilIe, mais cette fois emancipee de la
sphere domestique, comme de tout monopole sexue. Elle s'exprimera dorenavant partout : dans son irreprochable impermeabilite affective au tra vail, dans I'extreme rationalisation qu'elle impo sera a sa
«
vie sentimentale
»,
dans son pas, si
spontanement militaire, dans la fa�on dont eUe bai
sera, se tiendra ou pianotera sur son ordinateur. Ce n'est pas autrement, aussi, qU'elle lavera sa voiture.
trouve divisee et rangee en autant de rubriques
entre
lesquelles
regne
1a
plus grande separation . La Jeune-Fille est ce qui, n'etant que cela,
obei t scrup ule usem en t a la
des roles.
distribution autoritaire
« Une inrormation que je recueille dans un grand magasin connu du Berlin est particulierement instructive: �Lorsque nous recrutons du personnel de vente et du per sonnel administratir, declare un personnage important du service du personnel, nous attachons une grande impor tance a une apparence agreable." De loin, il ressemble a l'acteur Reinhold Schiinzel dans ses vieux films. Je lui
"
TIQQllN
PII.HIIERS MATtR1AUX POllII. liNt: ,.\1'::011.11: 1)[ l.AJ[UN[·f]LL[
demande ce qu'il entend par la, s'iI s'agit d'etre piquant, ou bien joli, -Pas exactement joli, Ce qui compte, com prenez-vous, c'est plut6t un teint moralement rose . . . Je comprends en effet. Un tciot moralement rose eel assemblage de concepts edaire d'un coup un quoti dien fait de vitrines deCOH!CS, d'cmployes salaries et de journaux illustres. Sa mOTalile doit eire tdnlce de rose, son teint rose empreint de moralite. C'cst Iii ce que 50U haitent ccux qui ont en charge la selection. lis voudraient etendre sur I'existence un vernis qui en dissimule 13 realite rien moins que rose, Et gaTe, si 13 mOTalile clevait dispa raitre sous \a peau et si 13 rOSCUT n'ctait pas assez morale pour empecher I'irruption des dhirs. Les profondeurs lenebreuses d'une moralite sans fard seraient aussi mena r;antes pour I'ordre etabli qu'un rose qui s'ennammerait hors de toute moralite. On les associe etroitement, de farron a ce qu'ils se neutralisent. Le systeme qui impose les tests de selection engendre egalement ce melange aimable et gentil, et plus Ill. rationalisation progresse, plus ce maquillage couleur rose-moral gagne du terrain. On exagere a peine en affirmant qu'il s'elabore Ii Berlin un type d'employes uniforme tendanl vers Ill. coloration 50U haitee. Langage, vetements, manieres et contenance s'uni formisent, et Ie resuitat, c'est cctte apparence agreabie que Ill. photographie permet de reproduire. Selection qui s'accomplit sous Ill. pression des rapports sociaux et que I'economie renforce en eveillant les besoins correspon danls des consommateurs. Les employes y prennent part, bon gre mal gre. La Tuee vers les innomhrables instituts de beaute rcpond
"
aussi a des preoccupations existentielles, I'utilisation de produits de beaute n'est pas toujours de I'ordre du luxe. Dans Ill. crainte de se voir perimes, les femmes et les hommes se font teindre les cheveux, et les quadragenaires font du sport pour garder Ill. ligne. "Comment devenir plus beau ?", titre un magazine rccemmcnt apparu sur Ie mar che . et qui se vante dans 5a publicite de montrer com ' ment "paraitre jcune et beau maintenant et plus tard." La mode et I'economie ceuvrent main dans la main. Certes rares sont ceux qui peuvent recourir a la chirurgie esthe tiquc. La plupart tombent dans les griffes des �harlattans . ct doivcnl se contentcr de preparations aUSSI mefficaccs que bon marche. C'est dans leur interet que Ie Dr Moses, Ie depute deja nomme, lutte depuis quelques temps au . Parlement pour integrer a I'assurance maladle les soms necessites par les defauts physiques. La toute recente "Association des medecins estheticiens d'Allemagne" s'est associee a celte bien legitime proposition. ,. (Siegfried Kracauer, Les Employes, 1930)
�
La perte du sens metaphysique ne se distingue pas, dans l a leune-Fille, de Ill. « perte du sen· s i b l e. (Gehlen), en quoi se verine I'extreme modenlite de son alienation. La leune-Fille se me.llt dans I'ollbli de I' £tre, non moins que dans celui de. I'evenement.
I
l
Toute I ' i ncompressible agitation de la leune-Fille est, a I'image de cette societe en chacun
"
TIQQUN
de ses points, gouvernee par Ie deft cache de rendre effective une metaphysique fausse et derisoire dont 13 substance 13 plus immediate est 13 negation du passage du temps, com me aussi bien l'occultation de 13 finitude humaine.
LA JEUNE-FILLE RESSEMBLE A SA PHOTO.
rRt:MlfllS M!,:rtRL"UX rOUR UNE TH�ORIF.l)f L'.JEUl'>E-fLU.E
"
La Jcunc-Fillc sc plait a couvrir d'un second degre fausscmcnt provocateur Ie premier degre
economique de ses motivations. TOUle la libcrtc de circu lation domjouit la Jeune Fille ne l 'em pec hc nullement d'hre une prisQllniire, de manirester en toutes circonstances des 3utomatismes d'enrenne.
LA FACON D'mE DE LA JEUNE-FILLE EST" DE N'trRE RlEN.
En tant que son apparence epuise entierement son essence et sa representation sa realite, 13 Jeune-Fille est l'entierement dicible; comme 3ussi Ie parfaite ment predictible et \'absolument neutralise.
Parvenir a « reussir a la fois sa vie sentimentale et sa vie professionnelle It, certaines Jeunes-Filles affi chent cela comme une ambition digne de respect.
L.
mot dans le dictionnaire.
leune·Fille n'existe gu'; proportion du desir que I'ON • d'elle, et ne se con n.it que par ce que I'ON dit ell e . d' l.J Jl?uM-Fi1Ip tll>l)dfdLr comml? 1(' [lrOUOif ('t 1(' dpboucnt'
principCll UP Id formid.JlJl(' cri!ll' d'E'xcpdE'nt til' I.) modE'r
nitt> (J[litJli�t('. �11(' (1M 1" prl'Uvl' ('t 1(' �UPr>Oft UP IJ
[lour�lJil(' illimir(>(' du PfO((,!.!.u!. dp vJlori!.Jfioo qOJfld 1(' PfOC('!.!.O!. t1'JHomoIJfion 10i-m{;mE' 3'clYl?fE' limitE> (pdf 1'E'1I;i�oH(> dE' IJ pIJnprE', IJ ("JfJ3tfopl1e E>("olo�iqoE' 00 l'impl03ion do 30("idl).
L'« amour» de la Jeune-Fille n'est qu'un
La Jeune-Fille n'exige pas seulement que Valis la protegiez, eUe veut en outre pOllvoir vous eduqucr. L'ererllel retour des memes modes s uffit Ii s'en comJaincre : la leulle-Fille lie joue pas avec les appa rences, ce sone Ies apparences qui se jouene d'elle.
Plus encore que la Jeune-Fille feminine, la Jeune FiUe masculine manifeste avec sa musculature en toe
tout Ie caractere d'absurdite, c'est-a-dire de souf /rance, de ce que Foucault appelait .Ia discipline des corps It : « La discipline majore les forces du corps (en termes economiques d'utilite) et diminue ces
"
TIQQUI<.'
memes forces (en termes po]itiques d'obeissance) . D'un mot: elle dissocie Ie pouvoir du corps; elle en fait d'une part une « aptitude ", une « capacite ,. qu'elle cherche a augmenter; et elle inverse d'autre part ]'energie, la puissance qui pourrait en resulter, et elle en fait un rapport de sujetion stricte. ,. (Michel Foucault, Surveiller et punir) « Oh la jeune
fille,
ce receptacle de secrets honteux, sceile par sa propre beaute!
»
(Gombrowicz, Ferdydurke, 1937)
II n'est assurement de lieu ou I'on se sente si peniblement seu] qu'entre les bras d'une Jeune. Fille. Quand 13 Jcune-Fillc s'abandonne :l son insignifiance, clle en tire encore gloire,
c'est qu'elle« S'uilluse «
».
('est justement cela qui me seduisait en elle, cette
maturite et cette sowerainete de la jeunesse, ce style plein d'assurance. Alors que nous, la-bas, a I'ecole, nous avions des poussees d'acne et d'ideal, avec des gestes gauches et une maladresse a chaque pas, son
exterieur etait parfait.
La Jeunesse n'etait pas chez elle
un age de transition: pour une moderne, la jeunesse
representait II" seule periode veritable de I'existence
PRICMIICItS M,l.T!:RIAUX I'OUR UNf. TlitOR1E [)�: l.AJEUt-:E.FlLI.E
"
humaine. [ ... ] Sa jeunesse n'avait aucun besoin d'ideaux puisqu'elle etait en elle-meme un ideal.
•
(Gombrowicz,
Ferdyduri<.e)
La Jeune-Fille n'apprend jamais rien. Elle n'est pas Iii pour �a. La Jeune-Fille sait t ro p bien ce qu'elle veut dans k detail pou r vouloir quoi que ce soit en general. «
TOUCHE PAS A MON SAC!
»
l tire son ori&jne de L e trjomphede laJeune-File J'echecdu femjnjsme.
La Jeune-Fille ne parle pas, au contraire : elle est parlee, par Ie Spectacle. La Jeune-Fille porte Ie masque de son visage.
LA IlUNE-FIUE IA.�NE TOUTE GRANDEI. IU IMAU DE SON CUl.
La Jeune-Fil1e est un epurateur de negativite, un profileur industriel d'unilateralite. En toute chose, elle separe Ie negatif du positif, et o'en garde en general qu'un. De Iii qu'eJle De craie pas aux mots, qui n'ont en effet, dans sa bouche, aucun sens. QU'il suffise, pour s'en convaincre, de voir ce qu'eHe entend par « romantique ., et qui a si peu ii voir, en fin de compte, avec H6lderlin.
"
TlQQUN
«
Il cOIwiellt des lors d'etzvisager fa naissance
qu'on la craie sincerement. Son infantilisme, qui
de fa « jeune /iUe » comme la construction d'un objet a
n'est en fin de compte qu'un integrisme de I'en/anee,
cine a fa psychologie, de {'education physique a fa
generale.
Iaquelle concourent differenres disciplines (de fa mede
fait d'elle Ie vecteur Ie plus retors de I'infantilisation
morale, de fa physiologie a l'hygiime).»
LES SENTIMENTS LES PLUS MESQUINS ONT ENCORE POUR LA JEUNE-FILLE LE PRESTIGE DE LEUR SINCERITE.
(Jean-Claude Caron, Le corps des jeunes filIes)
La Jeune-Fille aime ses illusions
La leune-Fillc voudrait que Ie simple mot d'« amour» n' impJiquat pas Ie projet de detruire ccne
I(
comme elle aime sa reification : en les proclamant.
societe».
La Jeune·FiIle conna!t tout comme denue
HH, lE C(fUR! " Faut pas confondre Ie boulat et les sentiments!
de consequences, meme sa souffrance. Tout est drole, rien n'est grave. Tout est cool, rien n'est serieux.
»
Dans 1a vie de la leune-FilIc, les opposes inactives
La leune-Fille veut etre reconnue non pour ce
et rendus au neant se completent, mais ne se contre
qu'elle serait, mais pour Ie simple fait d'etre. El1e veut etre reconnue daliS l'absolu.
discot point.
La leune-Fille n'est pas lit pour qu'on la critique.
Le sentimentalisme et Ie materia!isme de la leune Fillc ne 50nt que deux aspects solidaires, quoiqu'en apparence opposes, de son neant central.
Quand la Jeune-Fille est parvenue a la limite d'age
La Jeune-Fille se plait it parler avec emotion de son
de I'infantilisme au il devient impossible de ne pas
enfance, pour suggerer qu'elle ne I'a pas depassee,
aj
se poser la question des fins sous peine de se trouver
d'un coup it cours de moyens (ce qui, dans cette
qu'au fond, elle est restee n "ve. Comme toutes les
canaeur. Mais
it
la diffe
societe, peut survenir fort tard), elle se reproduit.
rence de ces dernieres, elle exige qu'on la craie, et
La paternite et la maternite constituent une fao;;on
putains, elle reve de
(
"
TlQQUN
comme une autre, et non mains videe de substance que to utes les autres, de demeurer SOUS L'EMPIRE DE LA N£CESSIT£. La leune-Fille adopte sur tout Ie point de vue de 13 psychologie, sur elle-meme autant que sur Ie cours du monde. C'est ainsi qu'elle peut presen ter une certaine conscience de sa reification, conscience elle-meme reifiee, car coupee de tout geste.
La leune-Fille connait les perversions standard.
La leune-Fille a un souci de I' equilibre qui la rapproche mains du danseur, que de l'expert-comptable. Y
A AUSSI LE SQVRIRE DES T�TES-DE-MoRT.
La leune-Fille n'est pas censee vaus comprendre. lei predilection de Id Jl'une-Filie pOur Il'!o .J(tl'ur!o et le!o
d(tri(l?!' !,'pxpliqup d'dPH > !' Il'!o loi!. elpml'nfdi(('!. du
mJ�neti!.me : fdndi!. qu'il!. !oonr I'db!.ence posirive de roure qUdlirf>, Ie nPdnr qui prend toure!. Il'!. forme!., pill'
n'e!.T que I'db!oencp net;,}five de QUJlite. Aus!.i, tel !.on reflt't , I'Jefeur l'Sf Ie ml,>me que Id Jeunl'-Fi1Ie, l'f il en e!.f Id np�elfion,
lr � @ iP � l1 [f1] iP� �
LE SOURIRE N'A JAMAIS SERVI O'ARGUMENT.
1'�.:M1ERS MATt�lAUX pou� UNE TlltORJE DE l-"-JEUN[..'lL1.E
IL
L'affectivite de 1a leune-Fille n'est faite que de signes, et parfois meme de simples signaux. Partout au I'ethos fait defaut ou se decompose, 13 leune-Fille apparait comme porteur des mO"urs fugaces et incolores du Spectacle,
La Jeune-Fille con�oit J'amour comme une activite particuliere. La Jeune·Fille porte dans son rire toute la desolation des boites de nuit. La Jeune-Fille est Ie se1l1 insecte qui consente a
llentomologie des journaux jeminins,
Identique en cela au malheur, une leune-Fille ne vient jamais seule.
Or partout ou dominent les Jeunes-Filles, leur gout doit aussi dominer; et voila ce qui detennine celui de notre temps,
La leune-Fille est la forme la plus pure des rapports reifies ; elle en est done la
"
PRl�" [RS MATtRlAUX POLK USE TutORI!: I)t; l-"jEUNE.FILLE
TlQQUN
verite. L a Jeune-Fille est Ie condense anthropologique de la reificat.ion.
du vicillissement avec une tellc indignation,
comme s'il s'agissait d'un forfait commis a son endroit?
Le Spectade remunere ampiement, quoique de fa�on indirecte, 1a conformite de 13 Jeune-Fillc. DANS
L' A M O U R
PA R T O U T
PLUS
QUE
A I L L E U R S,
LA
Meme 13 au die ne cherche pas a seduire,
la Jeune-Fille agit en seductrice.
II y a QuelQue chose de professjotl nel dans tout ce
Que fait la leune-Fille,
JEUNE-FILLE S E CONDUIT EN C O M P TA B L E
QUI
TOUJOURS
Q U ' E LLE
PLUS ET
QU'ELLE
QU' ELLE
La feune-Fille n'en a pas fini de se
S O U P <;: O N N E AI M E
N' EST AIMEE, DONNE
PLUS
Q U ' E L L E N E R E <;: O I T.
II y a entre les Jeunes-Filles une Com munaute d e gestes et d ' expressions qui n'est pas emouvante. La Jcune·Filie est ontologiqucment vierge,
vicrgc de toule experience. La Jeune-Fillc peut fsire preuve de sollicitude, pourvu que l'on soit vraiment malheureux ; e'est Iii un aspect de son ressentiment. La Jeune-Fille ne con�oit pas l' ecoulement du temps, tout au plus s'l-meut-cUe de ses II" conse quences » . Comment pourrait-elle, sinon, parler
"
1
,
flatter d'avoir Ie
«
Sens Pratique
».
Dans la leune-Fille, c'est aussi Ie plus plat des mora Iismes qui prend des airs de fiUe de joie. La Jeune-Fille a la severite de i'economie. Et pourtnnt, la Jeune-Fille n'ignore rien tant que I'abandon. La Jeune-Fille est toute la realite des codes abstraits du Spectacle. La leune-Fille occupe Ie noeud central du present systeme des desirs. Chague experience de la leune-Fille se retire inces
samment dans la representation prealable gu'elle s'ea faisait. Tout Ie debordement de la concretude,
toute la part vivante de \'ecoulement du temps et
"
..
I'RBUEII.S MATblAUX POUR UNE TlltORIE DE I.AJEUSE·F!I.I.E
des choses ne sont coonus d'clle qu'au titre d'imper fections, d'alteration d'uR modele abstrait.
« !;tre amoureux : un dopant qui reduit Ie stress »
La Jeune-Fille n'a de cesse de Ie repeter : elle veut etre aimee pour elle-meme, c'est-a-dire pour Ie non etre qu'elle est.
Jeune- F i l l e est I e ressentiment qui sourit.
La
L a Jeun e - F ille es t I ' i n t r o j e c t i o n vivante et continuelle de toutes les repressions.
II y a des ctres qui donnent Ie desir de maurir leote ment clevant leurs yeux, mais la Jeune-Fille n'excite que l'envie de la vainere et de jouir d'clle. LA JEUNE-FILLE NE S' ACCOUPLE PAS ' EN UN TRANSPORT VERS L AUTRE,
MAIS POUR FUIR SON INTENABLE N£ANT.
La pretendue liberation des femmes n'a pas consiste dans leur emancipation de la sphere domestique, mais plutot dans I'extension de cctte sphere a l a societe tout entiere. Devant toute personne qui pretend la faire penser, la leune-Fille ne tardera jamais a se
piquer de rea lismc.
Dans 1a mesure au ce qU'cHe cache n'est pas son secret, mais sa hOllte, 1 a leune-Fille deteste I'imprevu, surtout guand il n'est pas programme.
Le « moi » de 1a leunc-Fillc est epais comme un magazine.
[
Rien, dans 1a conduite de 1a Jeune-Fille, n'a en soi sa raison; tout s'ordonne ii la definition dominante du bonheur. L'etrangete ii soi de la Jeune-Fille confine a la mythomanie. En dernier ressort, la Jeune-Fille fetichise « !'amour », pour ne pas avoir ii s'elever a 1a conscience de 1a nature integralement conditionnee de ses desirs.
fibre, tant que je suis heureuse !
«
I'm 'en faus d'etre
»
« LA CHIMIE DE LA PA S S I O N : Aujourd 'hui. tout s'explique. meme Ie fait de tomber amoureux ! Adieu Ie roman-
PR.:�IIERS MIITtRIAUX POUR UNE THtOKlf.l)E I.AJF.UNE.rn.I.E
T1QQUN
stantialite, au rON est sur que ce qui unit ne fait
tisme, puisque ce "phenomene" ne serait qu' une serie de reactions chimjques. » Dans leur divorce, I'amour et Ie cui de la Jeune-Fille sont devenus deux abstra ctions vides. « L'exemple du heros de cinema vient s'interposer cornme un spectre lorsque des adolescents s'etreignent ou que des adultes commettent un adultere. » (HorkheimerlAdorno, La Dialectique de /a raison) La Jeune-Fille baigne dans Ie deja-vu. Chez eUe, la premiere fois vecue est toujours une seconde fois de la representation. NatureUement, il n'y a nulle part eu de « liberation sexuelle ,. - cet oxymore � -, mais seulement l a pul verisation de tout ce qui faisait obstacle a une mobi lisation totale du desir en vue de l a production marchande. La � tyrannie du plaisir ,. n'incrimine pas Ie plaisir, mais la tyrannie.
que separcr.
La leune-Fille est optimiste, ravie,positive. conten te, enthousiaste, heureuse�
t
!
La leune-Fille sait faire la part des sentiments.
Dans Ie monde des Jeunes-Filles, Ie co·it apparait comme 1a sanction logigue de toute experience. La Jeune-Fille est « satisfaite de vivre ., du moins c'est ce gu'eUe dit. La Jeune-Fille n'etablit de rapports que sur la base de la plus stricte reincation et de la mauvaise sub-
"
t
d' autre, terme"
elle souffre.
La Jeune-Fille se produit partout ou Ie nihilisme commence a parler de bonheur .
La Jeune-FiUe n'a rien de special, c'est en cela que consiste sa « beaute ». La Jeune-Fille est une illusion d'optique. De loin, eUe est I'ange et de pres, elle est la bete. LA JEUNE-FILLE NE VIEILLIT PAS, ELLES E DECOMPOSE. On sait, d'une fa<;on generale, ce que la Jeune-Fille pense du souci. L 'education de la Jeune-Fille suit Ie cours inverse de toutes les autres formes d'educa tion : la perfection immediate, innee de la jeunesse d'abord, puis les efforts pour se maintenir a la hauteur de cette nuBite pre miere e t finalement l a debacle, devant I'impossibilite de revenir en-dec;a du temps.
rRUUERS MATtRlAUX fOUR UNE THtORIE 1)[ lAJWNE·F!LLE
TlQQUN
que ce soit - sont integres et recuperes comme "mythe d'emancipation", On donne a eonsommer de la Femme aux femmes, des Jeunes aux jeunes, et, dans eette eman cipation formelle et narcissique, on reussit ii conjurer leur liberation reelle. » (Jean-Trissotin Baudrillard, La Societe de cOllsommarion)
Vu de loin, Ie Ilt�ant de la leune-Fille parait relati vement habitable, et par moments, meme, confor table.
«
AMOUR, IRAVAIL, SANTE »
•
La leune-Fi1le Dffre un modele non-equivoque de I'ethos metropolitain : une conscjence refri�eree vivant en exil dans un corps plastjHt;:.
La " beaute » de la leune-Fille n'est jamais une beaute particuliere, au qui lui serait propre. Elle est au contraire une beaute sans contenu, une beaute absolue et libre de toute personnalite. La • beaute » de la leune-Fille n'est que la forme du neant, la forme d'apparition attachee a la leune-Fille. Et c'est pourquoi celle-ci peut sans s'etouffer parler de « la »
beaute, car 1a sienne n'est jamais I'expression d'une singularite substantielle, mais une pure et fantoma tique objectivite. « L a confusion ideologique fondamentale entre l a femme et l a sexualite ( . . . ] prend aujourd'hui seulement toute son ampleur, puisque la femme, jadis asservie en tant que sexe, est aujourd'hui « LJBt:Rt:E • en tant que sexe ( ... ] . Les femmes, les jeunes, Ie corps, dont J'emer genee apres des millenaires de servitude et d'ouhli eonsti tue en effet la virtualite la plus revolutionnaire, et done Ie risque Ie plus fondamental pour quelque ordre etahH
I
[ •
f
l
" Trop cool ! ! ! " Au lieu de dire " Ires ",
la Jeune-Fille d it " trop ", et de fait, dIe est si peu.
PIlEMIt'RS MATtRIAUX POUR UNE THtORIF. UF. I.AJEUNE.flI.I.E
II. La J�une-Fille comme technique de soi
p ( a ifir, quoi? » II n'est rien, dans la vie de 1a leune-Fille, et jusque dans les zones les plus recuiees de son intimite, qui
echappe Ii 1a reflexivite alienee, it la codification et au regard du Spectacle. Cette intimite parsemee de marchandises est tout entiere livree a 1a publicitt':, tout entiere sociaiisee, mais socialisee
qu'intimite,
en rant
c'esN\-dire qu'e\le est de part en part
soumise a un commun factice qui ne lui permet pas
Chez. la Jeune-Fille, le pills secret est aussi Ie plus public.
de se dire.
Son corps encombre l a leune-Fille il est son monde et i1 est sa prison. LA PHYSIOl.OGIE DE LA JEUNE-FILLE EST LE GLACIS OFFENSIF DE SA MAUVAISE SUBSTANTlALrrt.
La Jeune-Fille
d�5ire la Jeune-Fille. La Jeune-Fllle
est l'ld�al de la Jeune-Fllle.
47
«
FAT I G U E E D E S M A C H O S , P O U R Q U O I N E PAS ESSA YER U N HOMME-OBJET . . . »
La rhetorique de la guerre des sexes, et donc pour l'heure de fa rellanche des femmes, opere comme fa ruse ultime par quoi fa logique virile aura lIaincu les femmes a leur itlsu : etl les en/ermant, au prix d'u" simple renlJersemetlt des roles, dans l'altematille soumis sion/domination, a l'exclusion de toute autre chose. If
Qu'exige la mortification du corps ? Que nous
nourrlsslons envers notre corps une haine sainte et Implacable.
»
(Instructions spirituel/es
pour les sawrs de SaintMVincent-de-Paul, 1884)
La Jeune-Fille tache d'exprimer la cloture auto referentielle sur soi et I'ignorance systematique du
manque.
C'est pourquoi elle est sans defaut,
de la meme fas:on qu'elle est sans perfection. Dans la prehistoire assez recente ou il n'y avait de magazines feminins que pour les femmes, une rumeur courut Ie temps d'une saison que ceux-ci avaient sur leurs lectrices un effet deprimant. On entendit dire s:a e t l a , s'autorisant c o m m e I e moindre ragot de I'epoque d'une « etude scienti-
T1QQUN
fique americaine ., que lorsqu'une femme refermait un de ces magazines elle €:tait sensiblement plus triste qu'avant de l'ouvrir - elle produisait moins de serotonine, certainement, Et il est vrai, pour qui s'est essaye a surprendre une Jeune-Fille dans pareil exercice, qu'il y a la un air concerne, un serieux angoisse et une espece de hate a tourner les pages comme on egrenerait Ie chapelet d'une religion mal aimee. II semble que I ' acte de contrition, dans la religion biopolitique de l'Empire, se soit bel et bien survecu, devenant seulement plus immanent.
A dooze ans, j'al decide d'litre belle. II
tient a ce qU'elle ne regarde aucune alterite, mais seulement sa representation ideale. C'est ainsi qU'elle rejette son destinataire allegue dans une marge terrible, meme s'il lui est libre de croire sot tement qu'elle lui est adressee. La Jeune-Fille ins taure donc un espace de
pouvoir tel qu'il n'est, en
fin de compte, pas moyen de I'approcher. a
une sexualite dans la mesure
exacte au toute sensualite lui cst etrangere.
La leune-Fil1e reinvestit methodiquement tout ce dont elle a ete liberee en pure servitude (il serait bon, par exemple, de se demander ce que
femme actuelle, qui est une espece assez ter
rible de Jeune-Fille, a fait de la " liberte
II
La nature tautologique de la beaute de la leune-Fille
La Jeune·FilIe
J'fais c'que j'veux, avec mes cheveux ! »
«
1a
..
»
que
les combats du feminisme lui ont gagnee ?).
La Jeune-Fille est un attribut de son propre programme, OU tout do it s' ordonner.
" En consequence, fa biologisation du sexe en particu lier et du corps en general va eriger le corps de fa jeune fille en laboratoire ideal du regard medical. » (Jean-Claude Caron, Le Corps des jeunes filles) jpunp��p » pt I. « f�minit� » dp I. lpunp-Fillp, �. jpunitudp pt �. feminitudp pn f.it, �ont CP Pdf quoi Ip controlp dp� .pPdfPncp� �'.pprofondit pn disciplinp dp� corp�.
l.
«
Le cui de l a Jeune-Fille suffit a fonder son sentiment d'une incom municable singularite.
TlQQUN
La Jeune·Fille est si psychologue . . . Elle
a
reussi a se
rendre aussi plate que I'objet de la psychologie.
La Jeune-Fille est celui p our qui il y va de son etre me me de reduire Ie fait meta physique de l a finitude 11 une simple question d'ordre tech nique : quelle est la plus efficace des cremes anti-rides ? Le caractere Ie plus emouvant de la Jeune-Fille est s a n s doute cet effort m a n i a q u e d'atteindre, dans I'ap p arence, a une impermeabilite definitive au temps comme 11 I ' e s p a ce, a son m i l i e u comme a I'histoire, d'Nre partout et toujours impeccable, L'ethique protestante, dechue comme principe
general du fonctionnement de la societe aussl bien que com me norme de comportement avec la fin de la .. morale des producteurs
>t,
s'est trouvee dans
Ie meme temps, et de maniere acceleree depuis la Seconde Guerre mondiale, enti�rement reinvestie
a I'echelle Individuelle : elle gouverne depuis lors
de manh�re massive Ie rapport que les hommes entretiennent avec leur corps, avec leurs passions, avec leur vie, qu'Us economisent.
"
Certainement parce que I'erotisme se presente a la Jeune·Fille dans toute I'inquestionnable positivite qui s'attache inevitablement a la sexualite et que la transgression elle-meme s'est changee en une norme tranquille, isolable et chiffree, Ie COlt n'est pas de ces choses qui, dans les rapports que I'on entretient avec la Jeune-Fille, permettent d'avancer hors d'une certaine exteriorite, mais au contraire de celles qui vous solidifient dans cette exteriorite. «
D e fl O u v e a ux f e i fl f p o u r M e f 1 B a fl f » C'III un .lln Imer p r h l l l q U I
CIIII II Ilunllll II d l n l l l SPIClaCl1 a l I a l l l 1 6 II J I U A I - F I I I I . C I I C I II I « l a u n l s s l II l S I CI q u I . I n c l S S l m mIDI.
se p e r d ,
Ce qui vit n'a pas besoin de se dire en surcroit. Ce qui se meurt dissipe en tapage I'evidence de sa fin proche. C'est bien de l'agonie des sexuations classiques, c'esHl-dire de leur base mathielle, que temoigne dans la Jeune-Fille I'affirmation a outrance de sa sexuation. Le spectre de I'Homme
TIQQU�'
et de la Femme hante les rues de la metropole. Ses muscles sortent de Gymnase Club et ses seins sont en silicone.
E n t r e I a J e u n e - Fi l l e e t I e rn o n d e , i l y a u n e v i trine. R i e n n e t o u c h e Ia J e u n e Fille, Ia Jeune-Fille ne touche a nen.
De I'identite de la leune-FilIe, rien ne lui appar tient en propre, sa « jeunesse • moins encore que sa « feminite •. Ce n'est pas elle qui possede des attri buts, mais ses attributs qui la possedent et qU'ON lui a genereusement pretes.
La
Jeune-Fille
apres
court
l a sante comme
s ' ag i s s a i t du
s a lut .
s ' il
Le sentiment de soi comme VIANDE, comme tas d'organes diversement truffe d'ovules ou flanque de couilles, est Ie fond sur lequel se detache I ' aspira tion puis I'echec de la leune-FiUe a se donner forme, ou tout au moins a en simuler une. Ce sentiment n'est pas seulement une consequence vecue des aberrations de la meta physique occidentale - qui voudrait que I ' informe precede la forme, a lui apportee de /'extbieur -, il est aussi ce que la domi-
rRi!Mlf.RS M"TtRIAUX l'OUR UNE TlltORlt: l)E l-"jEU�·f...FILLE
"
nation marchande doit a tout prix perpetuer; et qu'eJle produit en permanence par la mise en equi valence de tous les corps, par la denegation des formes-de-vie, par l ' exercice continuel d ' u n brouillage indifferenciant. La perte de contact avec soi-me:me, I'ecrasement de toute intimite a soi qui determinent Ie sentiment de soi comme VIANDE, for ment la condition sine qua non de l'adoption renou velee des techniques de soi que l'Empire offre a la consommation. L 'indice de penetration de toute /a
paconlle marchande se lit dans l'imensite du sentiment de soi comme VIANDE.
I!I!! lIMN
.. fII.NiM
Le sentiment de la contradiction entre son exis tence en tant Qu'etre social et son existence en tant qu'etre singulier, qui dechire Ie Bloom, ne traverse pas 10 Jeune-Fille, Qui n'a pas plus d'existence sin guliere que de sentiments en general. Moi & mes seins, man nombril, mes fesses, mes jambes : LE JOURNAL DE MaN CORPS »
«
La Te u ne-Fille est Ie geolier d'elle me e. prisonniere d ' u n corps fait signe dans un langage fait de corps.
m
« Oh ce culte, cette obeissance, cette servitude de la jeune fille devant I' image de la Iyceenne et J'image de la moderne! [ . . . J Oh eet esclavage du
TIQQUN
style pousse jusqu'ii l ' autodestruction ' oh cette docilite de la jeune fille ! • (Gombrowicz, Ferdydurke) « L'instinct profondement enracine chez les femmes qui les pousse a utiliser des parfums est la manifes tation d'une loi de la biologie. Le premier devoir d' ime femme, c'est d'etre attiranfe . . . Peu importe votre degre d'intelligence ou d'independance, si vous ne parvenez pas a influencer les hommes que vous rencontrez, consciemment ou pas, vous ne remplissez pas votre devoir fondamental de femme • (Reclame pour un parfum, dans les annees 20, aux t:tats-Unis) ...
La Jeun�-Fille con�oit sa propre eXistence cornrne un problerne de gestion qui attend d 'elle sa resolution.
Avant que de designer un rapport a I' autre, un rapport social au une forme d'integration sym bolique, la Jeune-FilJe desjgne un rapport a soi ' c'est-a-dire au temps. Contre toute apparence, la Jeune-Fille ne se soucie pas d'elle-meme. Elle n'est pas, a proprement par ler, egolste, nj meme egocentrique, et ce pour cette raison centrale que son « moi • est aussi bien un autre. Ce a quai elle consacre taus les soins d'une piete intransigeante lui est en fait une realite exte rieure : son « corps • .
I JEUNE.FII.I.E YRHIIP.RS M...Tf'.RI.....JX fOUR UNE Tl!tORIE D[ ....
L ' ap p l i c a t i o n
a
cap i t a l capital soleil ,
de
s a nt e ,
capital
etc.
,
la
toute
et
de
capital
fagon
au
fie
mediation
la
totalite s ' est
c o rp s ,
sociale
i n t r o du i t e
r ap p o r t s par
-
sympathi e ,
s ingul i e r e que
f o rme
cho s e
plus signi par
la
alienee dans
j u s qu e - I a
des
regis
l ' imme d i a t e t e .
Dans 1a Jeune-Fille. la tension entre convention et nature s'est apparemment resorbee dans I' aneantis sement du sens de chacun de ces termes, a telle enseigne que I'un n'y parait jamais faire violence a I'autre.
La leune-Fille est comme Ie capita lisme, les dome.sti'l ue $ et les protp , z q aires : � IIe salt,s adapter, et de
plus, elle s 'en !latte.
A rebours de ce qui a cours dans les societes tradi
tionnelles, qui reconnaissent I'existence des chases ab;ectes et les exposent en rant que telles, la Jeune Fille nie leur existence, et les dissimuie.
TrQQUN
L' aRparence de la Jeune-Fille est la Jeune- Fille elle-meme ; entre les deux, il n'y a rien,
Comme tous les esciaves, La leul1e-Fille se croit beau coup plus surveilllie q u 'elle l1e l'est en rf!alite.
«
L'absence a soi de la Jeune-Fille n'est dementie par aucun des soins )} qu'elle semble se p orter .
LA JEUNE-FILLE N'EST JAMAIS ASSEZ PLASTIQUE A SON GO OT, La Jeune-Fille n'aime pas les rides ; les rides ne sont pas conformes; les rides sont l 'ecriture de la vie; la vie n'est pas conforme. La Jeune-Fille redoute les rides comme au reste toute EXPRESSION veritable. En guise de conscience de soi, la Jeune-Fille n'a qu un vague sentiment de la vie. '
P O U R l A J IE U N IE � f l l l lE , lA VIlE NUIE fAllT IENCORIE fONC1'llON D' HABI'f.
PREMIERS MATERIAUX POUIl UNE TlIP_OIlI� DE I.AJEUNf>Fll.l.E
La Jeune-Fille vit sequestree dans sa propre « beaute ».
La Jeune·Fille n'aime pas, elle s'aime aimant. «
Zen, speed, bio
:
3 regimes modes de vie »
La leune-Fille ne va pas jusqu'a exiger que les conventions fugitives aux queUes elle se soumet aient un
sens.
La Jeune-Fille comprend toute relation sur Ie modele du contrat. et plus precisfmeot d'un contrat revocable a chague instant au �re des inten�ts des Cootractaots. C'est un marchandaie portant sur la valeur differeotielle de chacuo sur Ie marche de Ia seduction au il faut bien pour Bnir.Que
« tTES-VOUS OK AVEC VOTRE CORPS? Votre jeune carcasse paree de randeurs gracieuses est elle bien entretenue? La charpente est-elle solide? Les revetements soyeux? Bref, €ltes-vaus en bon etat? »
L a J e u n e - F i l l e se p r o d u i t quo tidien nement en taot q u e t e l l e , p a r la r e p r o d u c t i o n m a n i a q u e d e I ' ethos d o m i n a n t .
Comment gagner dix ans avec Ie bon mode de vie »
«
TlQQUN
"
Une multinationale des cosmdiques lanr;ait recem ment a grand renfort de redames une creme anti ride repondant au nom d'lthique. Par la, elle signifiait dans un fieme mouvement qu'il n'est rien de si erhiqlle que de s'enduire de merde au reveil pour se conformer a I'imperatif categorique de jell nitude, et qu'il ne saurait y avoir d'autre ethos que eelui de la leune-Fille. La
«
beaute ,. est Ie mode de devoilement
propre a 1a leune-Fille dans Ie Spectacle.
C'est pourquoi elle est aussi un produit gene
rique, qui porte en lui toute \'abstraction de ce qui se trouve dans l'obligation de s'adres ser a un certain segment du marche sexuel au sein duquel tout se ressemble.
LE CAPITALISME A VERITABLEMENT CREE DES RICHESSES, CAR IL EN A TROuvt IJ.. OU L'ON N'EN VOYAIT PAS. C'EST AINSI QU'IL A, PAR EXEMPLE, CREE LA BEAUTE, LA SANTE OU LA JEUNESSE EN TANT QUE RICHESSES, C'EST-A-DIRE EN TANT QUE QUALITES QUI VOUS POSSEDENT.
PRF.MI[RS MATtRtAUX POt'R UNF. TutORI[ l)t: L'.JF.U:-:t:'fIl.l.F
"
La Jeune-Fille n'est jamais satisfaite de sa soumis sian a la metaphysique marchande, de la docilite de tout son etre, et visiblement de tout son corps, au" normes du Spectacle. C'est pourquoi elle eprouve Ie besoin de l'exhiber. « 115 m'ont bless" dans ce que j'a i de plus
cher : mon image. )) (Silvio Berlu s con i)
lJ Jeune-Fille vit toujour;-dejd en (D u p le JV(I( �on imJ�(,. La leune-Fille confirme La ponee physiologique de la semiocrarie marchande. .. Cambien avez-vous en beaute ? Non, la
besuM n'est pas une appreciation subjective.
A
la difference du charme, notion bien trap
floue, la beaute se calcule en centimetres,
S8
a
la
dlvise en fractions,
S8
pese, s'examine
loupe, s'evalue en mille details sournols. Ces sez donc de vous abriter derriere des principes baba-cool genre "Ia beaut� intitrieure, c'est 'ia qui compte", "mol j'ai mon style", et osez vous mesurer dans la cour des grandes ! ! ! ..
La beaute de la Jeune-Fille est produite. Elle ne n!pugne pas elle-meme a Ie dire : « la beaute ne tombe pas du del ", c'est-a-dire qu'elle est Ie fruit d'un travail.
T1QQU�'
'"
L'auto-controle et I'auto-contrainte de la leune-Fille sont obtenus par l'introjection de deux « necessites . inquestionnables : celle de 13 reputatioll et ceJle de 1a same. « Aujourd'hui, ne pas souffrir n'est plus un iuxe, c'est un droit. » Officiellement, Ja Jeune·Fille a prefere devenir une chose qui sent,
plutot qu'un Bloom qui souf'fre. LA JEUNE-FILLE POURSUIT LA PERFECfION PLAS TIQUE SOUS TOUTES SES FORMES, NOTAMMENT LA SIENNE.
De la musculation aux cremes anti ridles en passan t par l a liJPIosucdon, c'est partout chez la Jeune-Fille Ie meme acharnement a faire abstraction de son corps, et a faire de son corps une abstraction. «
Tout ce qu'on peut faire pour se reconcilier avec son image.
»
Quelqu'etendu que soit son narcissisme, la Jeune Fille ne s'aime pas soi ; ce qu'elle aime, c'est " son »
"
PRHtlF.RS MATfRIAUX I'OUR UN.: Tllf,ORIF. IJF. I.AJF.UNF.-FII.I.F.
image, c'est-a-dire quelque chose qui ne lui est pas
seulement etranger et exterieur, mais qui au plein sens du terme, 1a possede. La Jeune-Fille vit sous 1a tyrannie de ce maitre ingrat.
La leune-Fille est d' abord un point de vue sur Ie passage du temps,
mais un point de vue qui s est mcarne. ,
.
,
III. La Jeune-Fille comme rapport social
L'impuissance ou 1a frigidite de la leune-Fille mani feste concretement que sa propre puissance eratique s'est detachee d'clle et s'est autonomisee jusqu'a 1a dominer,
La leune-Fille est Ie rapport social e1l-mentaire, la fanne centrale du desir du desir, dans Ie Spectacle.
'
ET E N T R E - T E M PS, L A M O U R S ' EST ABtME DANS LE PLUS INFECT D E S JEUX DE ROLES S P E CTAC U L A I R E S . La leune-Fille n e se donne jamais elle-me-me ; eUe
ne donne que ce qu'elle a, c'est-a.-dire I'ensemble des '
qualites gU ON lui prete. C'est pourquoi, aussi, i1 n'est pas possible d'aimer 1a leune-fille, mais seule ment de la consommer.
« Faut pas qu ' j e m ' a t tache , tu compre nds .
QUdnd id )punp-Fille �iOU55e, ellp trdvdillp pncore.
La ri!ification de la leune-Fillc prend si bien place dans Ie monde de la marchandise autoritaire qu'eUe doit etre consideree comme sa competence profes sionnelle fondamentale. La sexualite est d'autant plus centrale pour l a Jeune-Fille que chacun de ses co'its est insignifiant.
Et ils sont realistes jusque dans I'amour.
La Jeune-Pille ne se contente pas de croire que l a sexualite existe, elle jure qu'elle \'a rencontree. dieux nouveaux, superstitions nouvelles.
»
La seduction est un aspect du travail social, celui de 13 Jeune-Fillc.
(( Cesl �uoi u� DO� COu� ( ))
A
..
TtQQUN
N ' oub lie j amais que la Jeune-Pille qui t ' aime t ' a aussi choi si .
« L e s c h a g r i n s d ' a m o u r , c a p e r m e t d e p e r d r e r o i s k i r 0 S . »
P O ll
r
I "
J e ll n e - F i f / e ,
8 � d ll C l i o ll li e p r e ll d c ' e . t - a - d i r e f i ll , J e u ll e - F i l l e
l a
p r e rl (f
I "
J O Ill (l i s
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II e
f i ll
I "
(I v e e
s e d u c t i Q n .
Toute relation avec 1a leune-Fille consiste it €=trc cboisi it chaque instant a nouveau. C'est iei comme dans Ie travail 1a meme precarite contractuelle qui s'impose. La leune-Fille n'aime personne, ,'est-a-dire qu'elle n'aime que I'impersonnalitc. du ON. Elle parvient a deceler Ie Spectacle partaut au iI est, et 13 oil clle Ie trouve, clle I'adore. Car C'
dans
est
qui
jusqu' a
vient
1e "
Spec t a c l e ,
l ' union charnelle
opportunement accroitre
separation . «
CROIRE A LA BEAUlE
»
»
1a
P!t£.loUEIlS t-IATtRJAUX POUR UNE THEOIut: DE LAjEUN£.FIl.U!
"
La « dictature de la beaute • est aussi bien la dicta ture de 1a laideur. Elle ne signifie pas I'hegemonie violente d'un certain paradigme de la beaute, mais de fa�on autrement plus radicale \'hegemonie du simulacre physique comme forme d'objectivite des etres. Comprise comme telle, on voit que rien n'interdit a. une telle dictature de s'etendre a tous, beaux, laids, indifferents. L"lJeune-FilIe ne n'!pugne pas, .;a et la, a mime!" la soumission : car elle sail qu. 'elll! domine. Quelque �hose, en ccla, la rapproche du masochisme longtemps cnseigne aux femmes, et qui leur faisait ceder aux hommes les signes du pouvoir pour recllperer interieurement la certitude d'en detenir la riatite.
La sexualite n 'existe pas.
C 'est une abstraction, un moment slipaT/i, hypostasili et devenu Jantoma tique des rapports entre les erres.
La Jeune-Fille n'est chez die que dans les rapports de pure exteriorite. La Jeune-Fille est production et facteur de produc tion, c'est-a.-dire qu'elle est Ie consommateur, Ie producteur, Ie consommateur de producteurs et Ie producteur de consommateurs.
"
"
T1QQUN
Dans les yeux de la Jeulle-Fille, c'est Ie Spectacle qui IIOUS regarde.
La « faminite » de la Jeune-Fille ne designe que Ie fait que Ie Spectacle a retourne la legendaire intimite d e II
la Femme .. avec l a nature e n intimite absolue avec
la .. seconde nature .. speclaculaire. «
CUSTOMISEZ VOTRE COUPLE !
» L E COUPLE : PETRIFIER TOUTE L'INCONTROLABLE FLUIOITE DES DISTANCES ENTRE LES CORPS EN Y DicOUPANT UN TER" RITOIRE APPROPRIABLE DE L'INTlM'TE.
La Jeune-Fille prete au mot « desir .. un sens bien singulier. Que I'on ne s' y trompe pas, dans sa bouche, il ne designe pas I' inclination qu'un etre mortel pourrait eprouver pour un autre etre mortel ou pour quoi que ce soit, mais seuiement, sur Ie plan impersonnel de 1a valeur, u"e difference de porellriel. II n'est pas la tension de eet etre vers son objet, mais une tension au sens platement elecrrique d'une inegalite motrice.
La seduction cst originairement non I e rapport spontane entre hommes et femmes, mais Ie rapport dominant des hommes entre eux. La seduction eut done toujours la « sexualite » pour centre vide, mais celui-ci fut n!pulsif avant que son effet ne s'inverse. L'inavouable et I'exhibition sont les deux poles opposes d'une identique fiction.
l. po"ur� exi�t�ntiell� de I. J�une-fille n ' d pd� tdrde .l iff.dier d.n� tou� le� (h.mp� de " dctivifi? numdine, Ddn� l'cHcnifecfure, celd �'.ppell� Ie fdfdd;sme, Pdf exemple. La Jeune-Fille a sa realite hors d'elle-meme, dans Ie Spectacle, dans toutes les representations frelatees de I'ideal qu'il trafique, dans toutes les fugitives conventions qu'il decn��te, dans les mceurs dont iI commande Ie mimetisme. Elle n'est que la concre tion insubstantielle de toutes ces abstractions, qui la precedent et qu'elle suit. En d'autres termes, elle est une creature purement ideologique.
L a cereb r a l e controlee, I e p a s sionne froid, la £erformante toni que, I'instable creahf, la tonique contro lee, I'affectif sociable, I'inhibee sen sible, la volontaire affective. QUI «
�TES-VOUS VRAIMENT?
»
l'e��ence ae la leune·fille e� tarinomi�ue,
rRF.�Il[RS MATtR1AUX POUR UNE THl\ORJE [)E LAJEUN[.flU.t:
T1QQUN
II Y a un chantage au couple qui
La seduction est Ie rapport Ie plus
s ' enonce de plus en plus comme chantage a la sexualite . Mais cette mise en demeure a son tour se dedouble : la Jeune-Fille ne se laisse vraiment approcher que de ces II meilleur ( e ) s ami ( e ) s 1) en qui toute latence sexuelle fut prealablement eteinte ; et nul ne sera tenu par elle a distance plus definitive que celui qU'elle a admis dans son lit. C ' est l ' experience de cette distance qui substitua a l ' amant ( e ) Ie partenaire .
conforme it leur essence Que des m o n a d e s p u l s s e n t a v o l r entre
elles. La completude et I'lmper meablllte des deux partis en sont I ' hypothese fondamentale. Cette Impermeabilite
it
ce
"
Q u 'elle
embrasse pourtant, la Jeune-Fille I'appelle l e « respect ».
La ruague est Ie domaine Ie plus evident du fonc tionnement mecanique des rapports marchands.
Tous les comportements de la leune-Fille trahissent I'obsession du calcul.
La mode est en propre Ie terrain de jeu des indivi dus qui manquent interieurement d'autonomie et ont besoin de points d'appui, mais qui ont cepen dant besoin qu'on les distingue, qu'on leur prete attention et qu'on les mette a part. [ . . . ] La mode eleve I'insignifiant en en faisant Ie representant d'une totalite, I'incarnation particuliere d'un esprit commun. Elle a en propre de rendre possible une obeissance sociale qui est en meme temps differen ciation individuelle. [ . . . ] C'est Ie melange de la sou mission et du sentiment de la domination qui exerce ici son action. � (Georg Simmei, Philosophie de la moden/ite) «
Si elle Hait a moi, elle ne serait jamais seule ment a moi, ni ne devrait l'etre. La beaute est la pour les yeux de tous : c'est une institution publique. » (Carlo Dossi, Amours, 1887).
«
A sa maniere, la leune-Fille vise Ie « zero defaut » . C'est ainsi qu'elle etend d'abord a soi meme Ie regime en vigueur dans la production des chases. Son imperialisme n'est pas etranger a cette intention de servir d'exemple pour Ie reste des Bloom. Toute ['activite que depioie fa Jeune-Fille, au profit de laquelle elle a abdique toute libene et dans /aquelle eUe
J
"
TIQQt;N
»'en /init plus de se perdre, est de nature cosmetique. C'esl par fa aussi qu'elfe s'apparente Ii ['ensemble de cette societe, qui met tallt de soillS a ravaler sa fafade.
PRBUE:RS "'AThIAUX I'Ot:R UNE: TutORIE I).: I.AJEUN£.flllE
"
La Jeune-Fille est une forme du .. lien sOcial ., au sens premier de ce qui vous lie a cette societe.
Le R a p p o rt Sexuel Parfait ne s ' l m p r o v i s e pas : II s e de cide, s'organlse, se p lanlfle I c
L a J e une·Fil le a pris I ' habitude d ' a pp e l e r I'ensemb le reifie d e ses iimites s a « personn a. lite ». Elle peut ainsi faire valoir son droit a 1a nuJ[ite, comme droit it « etre elle-mem e " e'est-a.-d ire a n ' etre q u e eela ; droit q u i se conquie rt et se defend. Pour que la sexualitc PUiS5C diffuser dans toutes les spheres de I'existence humainc, iI a d'abord fallll qU'ON la di5socie fantasmatiquement comme un moment separe du Teste de In vie. Le corps de 1a leune-Fillc n'est qu'une concession gU'ON lui a faite de fao:;on plus ou mains durable, ce qui eclaircit les raisons de 13 haine qu'elle Illi porte. II n'est qu'une residence de location, quelque chose dont elle ne detient que I'llsufruit, dont I'usage seul est libre, et encore, puisque les murs, sa corporeite projetee en capital, facteur de production et de consommation, sont detenus par la totalite sociale autonomisee.
En tant qu'identites insubstantielles, la .. virilite ,. et la .. feminite ,. ne sont que des olltils commodes dans Ja gestion spec.taculaire des rapports sociaux. Ce sont des fetiches necessaires a la circulation et la consommation des autres fetiches. Le Spectacle s'aime, se mire et s'admire dans la Jeune·Fille, dont iI est Ie Pygmalion. Prise en elle-meme, la Jeune-fille n'exprime rien, elle est un signe dont Ie sens est ailleurs.
M a i s p o u r q u i i l se prend, celui·la ! ? »
La Jeune-Fille est Ie point maximal de la socialisa· tion alienee, ou Ie plus socialise est aussi Ie plus aso cial.
«
•
Les amours de la leune-Fille sont un travail, et comme tout travail, elles sont devenues precaires.
La Jeune-Fille est un engin Ii degra der en Jeune-Fille tout ce qui entre en contact avec elle. « Vivre ensemble et chacun pour soi »
T1QQUN
Dans la sexualite comme dans I' argent, c'est Ie rapport qui s'autono mise de ce qu'il met en relation.
en
C'est pn!cisement conferant a son corps, mais plus generalement a tout son etre Ie caractere de capifal qU'ON en a depossede I leune-FiUe. La sexualite est dispositif de separation. En elle, ON a fait admettre socialement la fiction d'une sphere de verite de tous les rapports et de tous les etres ou la distance de soi a soi comme de soi a I'autre serait abolie, OU se recomposerait une pure co·incidence. La fiction de la sexualite pose I'alternative verite/apparence, sincerite/mensonge, de telle fa�on que tout ce qui n'est pas elle se trouve rejete dans Ie mensonge. Elle sape ainsi preventive ment toute possibilite d'eilaborarioll des relations entre les corps. L'art des distances dans lequel s'experimente la sortie de la separation se construit contre Ie dispositif . sexualite » et son chantage binaire. LA lEUNE-fILl.E EST AUSSI UN ELEMENT OU O£COR UN PAN BRANLANT DES CONDITIONS . MOOERNES » O'EXISTENCE.
�
un
ennn
,
PRDIlERS MATtR1AUX POUR UN" TlitOR1E llE l-"JEUNE·F1llE
Meme e n amour, la leune-Fille parle Ie langage de I'.conomie politique et de la e s t 0 n g Tout Ie monde du Spectacle est qui renvoie a la leune-Fille
un miroir
I'image assimilable de son ideal. A u s e i n d u m o n d e d l e u n e - F i l l e , J ' e x i g e n c I i, b e r t e r e v e t l a f o r m J ' e
e e e i o
1 a d e d e n .
i�nje�nde:Fil�: �;tt I'afJecdote du 111onde, et la domination du monde de l'anecdote. x i
«
Job. Vous entrez dans une periode de
forte construction qui vous propulse dans l'avenir avec energie. Tout est au rendez vous : chance, creativite, popularite. Amour. Votre seduction vous apporte beau
coup de feed-back positif.
)}
Pour la Jeune-Fille, Ie langage des horo scopes est aussi Ie reelle )).
«
langage de la vie
T1QQUN
La Jeune-Fille presente une faculte proprement magique de convertir les « qualites :. les plus hetero genes (fortune, beaute, intelligence, generosite, humour, �ngine sociale, ethnique, etc.) en une seule .. valeur sociale :. qui commande son choix relationnel. Le Spectacle pretend pouvoir eveiller en chacun la Jeune-Fille qui y sommeille. C'est la I'uniformite dont il poursuit Ie fantasme. Le meosoni:e du pornoestdepreteodre representer I'obscene donner ayoir Ie point d'eyanouissement de toute representation. En realjte. n'irnporte Que! reras de farnille. n'jmpo[tequeUe reunion de mana iers est plus obsceneQu'yne scene d'ejaculation faciak I I n ' y a pas la place pour deux, dans Ie corps de la Jeune-F i l l e .
L'aspiration de la Jeune-FiUe it se convertir en signe ne dit que son desir d' appanellir colite que colite a la societe de la non-appartenance. Elle signifie un effort cotlSfallt pour demeurer en adequation avec son etre-visible. La gageure explique Ie fanatisme.
L'amour est impossible, dans les condi tions modernes de production. Au sein du mode de devoilement marchand Ie don ap parait soit comme une faibl�sse absurde, soit comme prenant place dans
·flU[ PR[Mlt.Il.S MATfRlAUX POVR I,;Nt: TlltORIE 1)[ l.Aj[I,;N[
"
un flux d'autres echanges et alors gou verne par un « calcul de desinteresse ment ». L'homme etant suppose n'avoir d'intimite qu' avec ses interets, dans la mesure ou ceux-ci n'apparaissent pas a nu, Ie mensonge et la simulation seuls sont plausibles. La regne donc une sus picion paranotaque quant aux intentions et aux motivations reelles de I' autre ; Ie don y est si suspect qu'i1 faudra desor mais payer pour donner. La Jeune-Fille Ie sait mieux que tout autre.
LE SALEJEU DE LA SEDU CTION
de Quand la propri�t� priv�e se vide , e toute substance m�taphysique propr elle ne meurt pas immediatement . Elle se survit , mais son contenu n ' est plus que negatif : Ie droit de prive r les autre s de l ' usage de nos bien s. Quand Ie coit s ' af franchit de toute signi lipro a fication immanente, il se met
"
TlQQUN
fere r.
Mais
comp te,
que
l ' em p l o i I ' autre .
i1 n ' est plus , I e mono pole
des
organes
en fin de fugi tif
de
g e n i t aux
de
Chez 13 leune-Fille, la superficialite de tous les rapports est cause de la superficialite de J'etre.
IV. La leune-Fille comme marchandise La leune-Fille ne 5e soucie pas tant de posseder I'equivalent de ce QU'elie vallt sur Ie marche du desir que de s'assurer de sa valeur qu'eUe veut connaitre avec certitude et precision, au travers de ces mille signes qu'il lui reste a convertir dans ce gu'elle appellera son « potentiel de seduction JO, comprenez : son mana. « Telle trouve a se vendre qui n'aurait pas trollve a se donner. »(Stendhal) «
Comment avoir du chien sans pc;ls ser pour une cnlenne »
La valeur de la leune-Fille ne repose sur aucun sol interieUf, ou juste intrinseque ; son fondement reside uniquement dans son echangeabilite. La valeur de la leune-Fille n'apparait que dans son rap port Ii une autre leune-Fille. C'est pourquoi elle ne va jamais seule. En faisant de I'autre leune-Fille son egale en tant que valeur, celle-ci se met en rapport avec elle-meme en rant que valeur. En se mettant en rapport avec soi-meme en tant que valeur, elle se differencie en meme temps de soi-meme en tant
TlQQU"
qu'etre singulier. « Se representant ainsi comme quelque chose de differencie en soi-meme, elle commence a se representer reellement comme mar chandise • (Marx) La leune·fille est l a marchandise qui exige a chaque instant d'ctre consommee, car a chaque ins tant e1le se perime. La Jeune-Fille ne renferme pas en elle-meme ce pour quoi elle est desiree : sa Publicite. LA lEUNE-FILLE EST UN ABSOLU : ON L'ACH£TE PARCE QU'ELLE A DE LA VALEUR, ELLE A DE LA VALEUR PARCE QU' ON L'ACH£TE. TAl.ITOLOGIE DE LA MARCHANOISE. La leune-Fille est celui qui a prefere devenir lui meme une marchandise, plutot que d'en subir sim plement la tyrannie. Dans I ' amour comme dans I e reste de cette « societe ., nul n'est plus cellse ignorer sa valeur. L a leune·Fille est I e lieu au la marchandise et I'humain coexistent de fao;on apparemment non contradictoire. Le monde de la leune-Fille temoigne d'une singu Here sophistication au la reification a progresse d'un degre supplementaire : en lui, ce SOllf des rapports humains qui masquellt des rapports marchands qui masqllellf des rapports humains. .
Tu merites mieux que ce type/cette meuf. » «
PRUIlt:IlS MATtI!.lAUX POUIl UNf. TlitORIE Dt: I.AJEUNE.nu.f.
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La leune-Fille est dans Ie Spectacle, comme la femme dans Ie monde primitif, un objet de Publicite. Mais la leune-Fille est en outre sujet de la Publicite, qui s'echange elle-meme. Cette scission dans la leune-Fille est son alienation fondamentale. A cela s'ajoute ce drame : alors que I'exogamie maintient effectivement des rap ports permanents entre les tribus, le mana de I a . . Jeune-Fille lui coule entre les dOlgts, sa Pubh cite echoue, et c'est elle-meme qui en essuie les consequences. , . Elle n est La leune-Fille s'est resorbee dans son pnx. plus que cela, et elLe a mal au ventre. . Ld hOMe pOUf Id )eune-Fille ne (On�l�tP pd� cld n � Ie f d i t d ' p tce d C h e t p e , m d l � .d U (ontcdife ddn� (elui d e n Wre pas dchetee. lile ne tire p d � � e u l e f1)f nt �I?ire de �d VJleUf, mdi5 encore de � etre ml�e d pnx.
Rien n'est moins personnel que l� valeur personnelle » de la Jeune-Fllle. 11 n'est pas rare que, par un abus de langag: deve . nant lentement un abus de realite, les propnetalres d'un objet unique ou preci�ux se prennen� d'affec tion pour une chose, et flOalement pretendent I'. aimer » et meme I'. aimer beaucoup ». De la meme fa� �n, certains . aiment » une � eune.Fil1e. Bien sur si c'Hait veritablement Ie cas, lis en creve raient d� malheur. «
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TIQQliN
La levne-fllle met en reuyce l'autornarcbandjsatioo du Doo-marchand I'autoestimatioo deI'inesti-
Illilhk.
(( EUh" , non, �a� Ie �remier �oir. ))
- La « valeur personnelle » de 13 leune-Fille n'est que Ie c prix » pour lequel elle accepte de s'echan get; et c'est pourquoi elte s'echange, en fin de compte, si peu - pour accroitre sa valeur. La leune-FilJe vend son existence comme une prestation particuliere.
L" NCALCULABLE QUE LA JEUNE-FILLE DONNE' ELLE LE COMPTE ENCORE. Dans l'ec�allge qu'instaure La lelllle-Fille, e'est Ie per somzel qUI se rroque contre Ie personnel sur Ie terrain de l'impersonnalite marchande. L� leune-Fille, que I'amour par nature derange, De se laLsse approcher que conditionnellement, en conclu sion ou en vue d'UD marche. Meme lorsqu'elle semble s'abandonner compietement, die n'abandonne en fait que la partie d'elle-meme qui est sous contrat, preser vant ou reservant la liberte qu'elle n'aliene pas. Car Ie contrat ne peut jamais assujettir toute la personne qui se vend, une partie d'elle devant toujours rester h�rs du contrat, precisement pour pouvoir contracter. On ne peut s'expJiquer de fa�on plus claire et plus vrai-
PRrMIERS MATtRIAUX POUR UNE THEORIE DE I.AJt:US['FlLI.E
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semblable Ie caractere abject de \'. amour ,. dans sa version presente. « D'oll I'on pourrait conclure que, des I'origine, I'absolu des rapports a He perverti et que, dans une societe marchande, il y a certes com merce entre les etres mais jamais une « communaute .. veritable, jamais une connaissance qui soit plus qu'un echange de. bons .. precedes, fussent-i1s aussi extremes qu'on puisse les concevoir. Rapports de force Oll c'est celui qui paye ou qui entretient qui est domine, frustre par son pouvoir meme, lequel ne mesure que son impUi '"
,
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F ut"sfac"trocne'r
i'l"jUabi,)
La Jeune-Fille reste a tout moment farouchement rietaire de son corps. e!op HLE EST SERVWR, MANNE �UIN, PUBUCI TAIRE, CADRE OU AGENT D ANIMATION. LA JWNE-FILLE VEND AUJOURD 'HUI SA « FORCE DE S£DUCTION » COMME JAOIS ON VENDAIT SA « FORCE DE TRAVAIL ». Toute reussite en matiere de seduction est essentiellement un echec, car de meme que ce n'est pas nous qui achetons une marchandise, mais une marchandise qui lIeur etre achetee, de meme ce n'est pas une Jeune-Fille que nous seduisons, mais une Jeune-Fille qui veu! etre seduite. Courtier d'une espece un peu singuliere de tran· saction, la Jeune·Fille tend tOllS ses efforts vers la realisation du bon coup.
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T1QQUN
La diversite des contraintes sociale s, geographiques ou morpholo giques pesant sur chacun des lots d ' organes humains que rencontre la Jeune- Fille ne suffit pas a expliquer son positionnement differentiel parmi les produits concurrents . Leur valeur d ' echange ne peut reposer sur aucune expression singuliere oi sur aucune determination substantie l l e , qui ne sauraient etre adequatement mises en equival ence, meme par la puis sante mediation du Spectac l e . Cette valeur n ' est done pas determinee par de chi meriques facteur s naturel s , mais au contraire par la somme de travail fournie par chacun pour 5e rendre reconna issable aux yeux vitreux du Specta cle, c ' est-a-dire pour se pro duire comme signe des qualite s recon nues par la Publici te alienee , et qui ne sont jamais , en definit ive, que des synonymes de la soumiss ion.
La premiere competence de laJeune·FilIe : organiser sa propre rarete.
Le rcpos, pour la Jeune-Fille, consiste 11 savoir
exactement ce qU'elle vaul,
(( Quel affront! Repoussee par un vieux! »
rllHlIERS MATtill,\UX POUR U:-"E TlltORIF. 1lF. I..A JEUKE.fII.U;
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La Jeune-Fille ne s'inquide jamais d'elle-meme, mais seulement de sa valeur. Ainsi, quand elle ren c�ntre la haine, eUe est saisie de doutes : sa cote aurait-elle baisse?
ll?� Jeunl?�-fille� dirJieM, �i plll?� JVJil?�t intef�t d pclrll?r : « Notrp VJIl?lIf d , lI�J�l' pl?ut bum . , int(>fl?��ef I'homllll? ; pOllr OOUS" I?O fJnt QlI obJl?t�, nOlls, nou� pn mOQlIon� bil?O, ('p QlIi nous, fl?�Jrdl? C'I?�t noffl? VJIl?ur. NOHI? rdppoff I?nrrl? oou� comml? chos,e� de vl?nte I?I d dchJt II? prouvp, NOlls, ne nou� envis,J�l?ons, Ips, unps, Ips, Jufrl?� QlIl? comml? vJlpur� d'echJn�I?, )) (MJfX, I e (JpitJ�
Seduire utile. Ne vous fatiguez pas a allumer n'importe quoi » «
La Jeune-Fille se rapporte a soi sur Ie meme mode qu'a toutes les marchandises dont eUe s'entoure. «
Faut pas se devaloriser comme <;a 1
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II s'agit d'abord, pour la Jeune-Fille, de se faire va/oir. De meme que I'objet qu'a acquis une certaine somme d'argent est derisoire au regard des vir tualites inf'inies que cette somme contenait, de meme I'objet sexuel effectivement possede par la Jeune-fille n'est qu'une cristallisation dece vante de son « potentiel de seduction _, et son co'it actuel qu'une pauvre objectivation de tous les coits qu'e\le pourrait aussi bien s'offrir. Cette derision de toute chose dans les yeux de la Jeune-Fille est la marque d'une intuition reli gieuse qui a verse dans Ie mauvais inf'ini.
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l'RI(MlERS MAThlAU)( POUR Ut-:[ Tltt':OIm: 1)[ l.Aj[1JN[·rl1.1.F.
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normes d'un certain type d'echange. Et la forme d'apparition de la Jeune-Fille, qui est aussi celie de la marchandise, se caracterise par \'occultation, au du mains I'oubli volontaire, de ce travail concret. Dans les c amours » de la Jeune-Fille, c'est un rap port entre choses qui prend Ia forme fantasmago rique d'un rapport entre etres singuliers.
La leune-Fillc cst 13 marchandise 13 plus autoritaire du mande de la marchandise autoritaire, celie que n �l ne peut tout a fait posscdcr, mais qui VOllS fhque et peut a tout instant VOllS clre retiree.
La leune-Fille est 13 marchandise qui pretend desi gner souverainement son acquereur.
La J e u n e-Fi((e \li+ en fa �i((e " a r�i (es � a rc h a n tJ ises, q u i son+ ses s
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Le tr.io .p�e absol}l de 1a Jeure-filte revel � que ,
la socia Ite est desormalS 1a marchan djse a plus precieuse et la plus pri see.
Ce qui caracterise J'epoque imperiale, celie du Spectacle et du Biopouvoir, c'est que son propre corps prend pour 1a Jeune-Fille meme 13 forme d'une marchandise lui appartenant. if D'autre pa�t, c'est a ce moment seulement que se gene raltse la forme marchande des etres humains . » (M",), . II faut s'expliquer I'aspect vitrifie de la physiono mie de la leune-Fille par ceci qu'en tant que mar chandise, elle est 1a cristallisation d'une certaine quantite de travail depensee a se mettre aux
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AVEC LA JEUNE-PILLE, CE N'EST PAS SEULEMENT QUE LA MARCHANDISE S'EMPARE DE LA SUBJECTIVIT£ HUMA1NE, C'EST 0 ' ABORD LA SUBJECTIVrr£ HUMA1NE QUI SE R£v£LE COMME INT£RIORISATION DE LA MAR CHANDISE.
I
II faut croire que Marx ne pensait pas a la leune Fille lorsqu'i1 ecrivait que « les marchandises ne peuvent point aller elles-memes au marche, ni s'echanger elles-memes entre elles. » «
Man mec est un paete.
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L'. originalite » fait partie du systeme de banalite de la leune-Fille. C'est ce concept qui lui permet de mettre en equivalence toutes les singularites, en tant que singularites vides. Dans ses yeux, toute non-conformite vient prendre place dans une sorte de conformisme du non-conforme.
Ii est roujours surprenant de voir comme la rhiorie des avantages comperilijs developpee par Ricardo se verifie plus pieinemenr dans Ie commerce des Jeunes Filles que dans celui des biens inertes.
C'EST SEULEMENT DANS L'£CHANGE QUE LA JEUNE FILLE R£.1.LlSE SA VALEUR.
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TIQQU:-i
De province, de banlieue ou des beaux quartiers, en tant que Jeunes-Filles, toutes les Jeunes-Filles sont equivalentes. La marchandise est la materialisation d'un rapport la Jeune-Fille en est i'inctlnlatiOlI. La leune-Fille est de nos jaurs 1a marchandise la plus demandee ; la marchandise humaine. Au sein du mode de devoilement marchand ou la • beaute » oe devoile rien de prapre, i'apparence s'y etant autonomisee de toute essence la Jeune ' F��l e oe peut quoi qu'elle fasse, que se donner a !
La leune-Fille est un aspect central de ce que les negristes appellent la • mise au travail du desir et des affects ., eterncllement eblouis qu'ils sont par ce monde de la marchandise auque\ ils ne trouvent toujours rien a reprocher.
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11
tmpone qUI.
Bah, elle ou une autre . . .
Les Ie lois du marche la Jeune-Fille.
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se sont illdividualisees dans
Ce Clue I'ON a pdle encore amour" n'est �
plus (Iue Ie felichisme aHacht a line marchan
disc parlieuliere ; I.. marchandise humainc.
L'ceil de la leune-Fille porte en lui la mise en equi valence effective de taus les lieux, de toutes les choses et de taus les Ctres. Ainsi la leune-Fille peut elle consciencieusement ramener tout ce qui entre dans son champ de perception a quelque chose de deja c�nnu dans la Publicite alienee. C'est cela que tradUit son langage, qui deborde de • genre . . . •, • style. . . • et autres . fa<;on . . . •.
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rRIC.\IIUS .\IATtRtAUX POUR UNt TlltORtE Of. Ul.JtUNf.·fll.l.f.
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• SEDUCTION , APP�ENEZ lE MA�KETlNG AMOUREUX I Vous rivez d. lui, II vous Ignore. Accrochez·l. guiu aUI lob du marketing. Aucun homme ne sauralt resister Q un plan de camp agne bien con�u. Surtout sI c'est vous Ie prodult. •
La ou n!gne Ie Spectacle, la valeur de la leune-Fille est immediatement effective; sa beaute elle-meme s'entend comme un poul/oir exeCl.llij. La leune-Fille, pour conserver s a . valeur de rarete ., doit se vendre au prix fort, ce qui signifie qu'eUe doit Ie plus souvent renonter a se vendre. Aussi, comme on Ie voit, la leune-FiUe est opportu niste jusque dans I'abstinence. c
...
Parce que Je Ie vaux bien I
»
Dans les lermes de I'economie classique, il faut considerer que la leune-Fille est un « bien de Gif fen ., ou . bien giffenien ., c'est-a-dire un objet qui, a rebours de ce qui se produit . d'ordinaire ., est d'autant plus demande qu'il est plus onereux. C'est a cette categoric que ressortissent les mar chanclises de luxe, dont la leune-Fille est certaine ment la plus vulgaire.
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TIQQUN
PREMIERS MATERIAUX POUR UN!: TfI�ORIE DE L'.JEUNE.FILl.E
o,�aTc����rf:' �:��t E�S �n� o utl de traval1. ,.
La Jeune-Fillc ne se laisse jamais posseder camme Jeune-Fille de la meme fal;on que la marchandise ne se laisse jamais posseder camme marchandise, mais seulement camme chose.
L'infect n'est pas que la Jeune-Fille soit fondamentalement une putain, mais qU'elle refuse de s'apprehender comme telle. Car la putain, n'etant pas seulement celie que l'on achete, mais aussi celle qui se vend est une figure maximaliste de I'autonomie, sur Ie terrain de la marchandise. La Jeune·
«
On peut etre jolie, entouree , harce lee de� ropositlons indecentes et SEULE AU FOND. »
La Jeune-Fille n'existe comme Jeune-Fillc gu'au scin du systeme d'equivaJcnce general et de son gigan tesque mouvement circulatoire. Elle n'est jamais possedee pour la meme raison qu'elle est desiree. Au moment rneme OU l'on s'cn fait J'acquereur, on la retire de la circulation, un mirage s'estompe, elle se depouille de I'aura magiquc, de 1a transcendance qui la nimbait. Elle est conne et cUe pue.
« Le monde moderne n ' est pas univer sellement prostitutionnel par luxure. 11 en serait bien incapable . II est universellement prostitutionnel parce qu ' il est universellement interchan geable. » (peguy, Note conjointe)
La Jeune-Fille est Ie legataire universel de toute la pseudo-concretude de ce monde, et d'abord de Ja pseudo-objectivite du coi't.
La leune-Fille voudrait etre une chose, mais n'etre pas traitee comme une chose. Tout son desarroi decoule de ce que, non seulement elle est traitee comme une chose, mais que de surcroit elle ne par vient meme pas Ii etre veritablement une chose.
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FilJe est une chose dans la mesure exacte au eUe se tient pour Ull ctre humain; clle est un etre humain dans la mesure cxacte oi l cUe se tient pour une chose.
La putain est 1a saintete la plus haute que puisse concevoir Ie monde de la marchandise. «
Soyez VOUS-meme ! (9a paye)
»
U n e ruse de la raison marchande veut
I!
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q u e ce so i t p r e c i s e m e n t ce q u ' e l l e contlent d e non-marchand, d'ce authen tique )) , d e
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bien
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q u i determine la
valeur de la ..Jeune-fille.
La leune-Fille est une crise de coherence qui secoue les intestins de la societe marchande Ii son dernier quartier. Elle repond Ii I'imperatif d'une marchandisation totale de I'existence dans tous ses aspects, Ii 1a necessite de faire que rien ne reste plus en dehors de la forme-marchandise dans ce que I'on appelle encore, de fa�on euphemique, les « rapports humains ».
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TIQQ.UN
v. La leune-Fille comme
La Jeune-Fille a re<;u pour mis sion de reenchanter un mande de 1a marchandise partout sinistre, de proroger Ie desastre dans 1a j oie et l ' insouciance . En e 1 1 e 5 ' amorce une forme d e consomrna tion au second degre : 1a conSOffi mation de consommateurs . Si l ' on se fiait aux apparen c e s , ce qui en bien des cas est devenu legi time , on devrait dire que 1a mar chandise e s t parvenue , avec 1 a Jeune-Fille, a totalement annexer Ie non-marchand.
Le cui de 1a leune-Fille represente Ie dernier bas tion de l'ilIusion d'une valeur d'usage, qui a si manifestement disparu de 1a surface de \'existant. L'ironie, bien SUf, c'est que cette valeur est encore elle-meme 1m echange. Au scin du Spectacle, on pcut dire de 13 Jcuue-Fille ce que Marx remarque de I'argent : qu'iI est « une marchandise speciale qui est mise a part par un acte commun des autres marchandises et sert a exposer leur valeur reciproque • .
monnaie vivante
La Jeune-Fille se demonetise des qu'elle sort de 1a circulation. Et quand elle perd la possibilite de se remettre sur Ie marche, elle commence a pourrir. LA JEUNE-FILLE EST LA MARCHANDISE SP£ CIALEMENT pREpOS£E A LA CIRCULATION DES AFFECTS STANDARDS.
I
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La m�nnaie vivante represente la reponse ultime de la societe marchande a I'impuissance de I'argent a equivaloir, et done a acheter, les production s humaines les plus hautes, eeUes qui sont a la fois les plus precieuses et les plus communes. Car a mesure que I'empire de I'argent s'est etendu aux extremi tes du monde et ii. I'expression de toute l a vie humaine, il a perdu toute valeur propre, il est devenu aussi impersonnel que son concept, et par consequent si derisoire que son equivalence avec quoi que ce soit de personnel en a de rendue forte ment problematique. C'est cette absolue inegalite entre lui et la vie humaine qui est toujours apparue dans I'impossible retribution de la prostitution .
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TlQQUN
Avec la monnaie vivante, 1a domination marchancle est parvenue a J'annulation de ces deux impuis sances - I'une a acheter 1a vie humaine en tant que telle, c'est-a.-dire La puissance, I'autre a acheter ses plus hautes productions - en les multipliant entre elles. La monnaie vivante parvient a mettre en equi valence I'incommensurable des productions person nelles des hommes - entre-temps de venues preponderantes - et I'incommensurable de 13 vie t: humaine. D SORMAIS, LE SPECfACLE E5TIME L'INESTIMABLE PAR L' INESTIMABLE EN VALEURS • OBJECfIVES ., « "Monnaie vivante", l'esclave industrielle vaut a 1a fois pour un signe garant de richesse et cette richesse meme. En tant que signe eHe vallt pour toutes sortes d'autres richesses materieUes, en tant que richesse elle exclut cependant toute autre demande, si ce n'est la demande dont elle represente la satisfaction. Mais la satisfaction proprement dite, sa qualite de signe I'exclut egalement. • (KIossowski, La Monnaie viuante)
IIs'attache iI laleune-Eille.en tantque marchan djse. un caractere d'exclusjon He au faitgy'elle est aussi et de fa�onjrreductibl eyn etre bymajn. c'est-il-dire Qyelgye cboseQyiest, toyt comme \'or, a lui-meme sa propre fin, Et ,'est en yertu de ceUe situation d'exceDtiotl Que lui revjentIe role d'eQujvaleot eeoeral.
rRHUERS �MTtRIAUX POUR UNE TutORIE O[ I.AJElJN['flU.[
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La monnaie vivante, et nommcmeot la leune-Eille, forme une solution assez vraiscmblable a la crise de la valeur, devenue incapable de mcsurcr ct . . . n!mUnerer les productions Ics plus caracterlstlques de cette societe, celles qui sont !iees au general intellect.
La conservation de conventions sociales minimales est conditionnee par ce fait qu'un exces de monnaie vivante la devaloriserait et la rendrait incapable de constituer une contrepartie serieuse a I'inestimable qu'elle est destioee a acheter. Dans Ie meme temps, eo rendant I'inestimable lui-meme estimable, elle sape ses propres fondements. Le spectre de I'infla tion haote Ie moode des leunes-Filles. La leuoe-Eille est la cause finale de I'economie spectaculaire son premier moteur, immobile. Le cui de la feune-Eille o'est pas porteur d'une valeur nouvelle, mais seulement de la devalorisa tion ioedite de toutes celles qui I'ont precedee. La puissance devastatrice de la leuoe-Fille aura . . consiste a Iiquider toutes les productIOns qUI oe sont pas convertibles en mon�aie vivante : Au sein du nihiHsme accompli, toute ootlon de grandeur ou de prestige aurait depuis longtemps disparu, s'ils n'avaient ete immediatemeot conver tibles eo leunes-FiUes. LA lEUl'.'E-FtW 1\'"[ MANQUE JMWS lINE OCCASION POUR ITALER LA V1Cl'OIRE DE LA MOl\'NAIE VIVANTF. SUR LE VIL ARGENT'; AL�SI EXIGE·T-EU,E EN ECHANGE D'Eu..E
M£ME UN CONTREOON INFINl,
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L'argent a cesse d'etre Ie terme ultime de I'eco nomie. Son triomphe l'a deprecie. Roi nu qu'a deserte tout contenu metaphysique, il a aussi perdu toute valeur. Nul nc lui temoigne plus de respect, dans Ie troupeau biopolilique. La monnaic vivante est ce qui vient prendre 13 place de I'argent (omme equivalent general, ce ell vue de quoi il vaut. Elle est sa valeur et sa concnhude. Le pouvoir d'achat de la monnaie vivante, et a fortiori de la Jeune-Fille, n'a pas de limite; iI s'etend a 13 totalite de j'cxistant, car en elle la richesse jouit de soi doublement : comme signe et comme fait. Le haUl niveau d'. indivi dualisation _ des hommes et de leurs productions qui avail Tendu I'argent inapte a servir de mediateur dans les rapports purcment personnels sc retourne en condition de la diffusion de la monnaie vivante.
L'argent ne rentre nullement en contradiction avec Ia monnaie vivante, il en est un moment depasse que celle-ci conserve, avec toute sa comptabilite qui ne mesure plus rien.
La traduction en argent de la vie humaine hautement differenciee etant devenue impossible) ON inventa la Jeune-Fille, q ui restltua sa valeur a I'argent devalorise. Mais dans Ie mou vement meme OU elle a declasse I'argent ou elle en a fait un facteur second : la Jeune-Fille I'a regEmere, elle lui a restitue une substance. Et c'est par cette ruse que, desormais, il se survit.
IL SEMBLE QUE T()UTE I,A CONCRITUDE DU MONDE SE SOIT REFUGIEE DANS LE CUI DE LA JEUNE -flUE. De meme que I'organisation de la misere sociale a ete rendue necessaire apres 68 pour rendre ii la marchandise son honneur perdu, de meme la misere sexuelle est necessaire au maintien de la tyrannie de la Jeune-Fille, de la monnaie vivante. Mais la misere qui se revele Iii n'est plus rien de conjoncturel, c'est au contraire la misere essen tielJe de la « sexualite :I, qui apparait ennn. «
En matiere. de bien s meu bles . possession vaut titre. »
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L'impersonnalite de la Jeune-Fille a la meme sub stance ideale, impeccable et lustrale que I'argent. La Jeune-Fille elle-meme n 'a pas d'odeur. Tout comme la « valeur d'usage » est sans rapport avec sa valeur d'echange, I'emotion que procure la monnaie vivante n'est pas susceptible de compta bilite, elle n'est commensurable avec aucune chose. Mais aussi peu que la valeur d'usage existe inde pendamment de la valeur d'echange, aussi peu I'emotion que procure la monnaie vivante existe en dehors du systeme OU celle-ci s'echange. On ne jouit pas plus de la Jeune-Fille que de I'or, mais seulement de leur inutilite et de leur rarete. L'indifference et I'insensibilite du Bloom etaient un prealable necessaire ii 1a formation concrete de l'iIlusion d'une telle emotion, et de son objectivite.
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rllf.M[£RS MATtRIAUX POUR UNE TII�OIlI£ OF. L\J£UN£.FlLL£
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lors.qup Mdfl< sotJtiPnt que I" vdlpur cJ'ec",:In�e cris. tclllis.e JI? tpmps. de trdvJil qu\'1 ne-Cl?s,s.ir(> Id produc rion de J'objpt, il dffirml? s,(>uJpml'nr que )03 vdleur n'pst en fin de compt!? formee qUI? PM ld vip qui s'pst dnnuli?1? d.ms, Id chos!?, c'l'sf-J-dirl? quP 1<1 monndi!? Vivdntl' est prf'mierp J tout numefJire,
« D � s que l � p rese.n c e c o r p o relle de I esclave Illdustnel le rentre abso l u m e n t dans l a compositi on du r e n d e m e n l eval u a b l e d e ce g u ' e l l e pellt produire - sa physiono mie Ctant 'f!separ�ble de, S�)Il travail -, c'est une dlstlOCtiOn specleuse que celie de l a personne el de s o n activit€:. La pre sence c o r p o r e l l e est deja marcli.an disc, independa mment et en plus de la m a r c !'t a n d ! s e q u e . c c t t e p,r e s e n c.e con lnbue a p r o d U i re . Et d e s o r m al s l ' esclave industrie lle o u bien ctablit une relation etroite entre sa presence c o r p o r el l e e t I ' a r g e n t q u ' e l l e rap porte , ou bien elle se substitue a la fonetion de I'argent, ctant elle-meme I : a r g e n t : a I� lo i s I ' c 5=l u ivp.l e n t d e nchesse e t l a flehesse elle-meme . ), (Klossowski, La Monnaie vivante) En fran�ais, Ie verbe
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\'homme ne peut atteindre a une activite libre, /outre se presente comme I'equivalent general abs trait, Ie degre zero de toutes les activites. II a faUu attendre I'apparition de la Jeune-Fille pour que I'on puisse eprouver concretement ce que c'est que de • baiser _, c'est-a-dire de baiser quelqu'un sans baiser quelqu'un de singulier. Car foutre un etre si reellement abstrait, si effectivement interchan geable, c'est foutre dans I'absolu. Si J'argcllt cst Ie roi des marchandiscs, alors la Jcunc·Fille en cst la reine.
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preiere les porno-stars silen cleuses, mUhques sans dlscours; non parce que ce qu'erles ont a dire sera it ms¥Pportable,.ou excessivement cru, malS au contraue parce que lorsgu'elles padent, ce qu'eiIes disent d'elles-memes n'est que la verite de toute !eulle-Fille. « !e prellds des vita mines p'0Llr avair de beaux cheveux; les soins physiques sant un travail quatidien. C'est /lormal, it faut travail/er il son appa renee, a I'image qu'on a de so; », confesse l'une d'elles. Dans 1a phase finale du Spectacle, tout est sexuelle ment medie, c'est-a-dire que Ie COlt s'est substitue comme leur fin ultime a I'utilite des chases particu lieres. C'est vers lui que tend desormais exclusive ment I'existence du monde de la marchandise.
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TIQQUN
.. Tant que I'amour libre De se generalisera pas, il faudra toujours un certain nombre de jeunes filles pour remplir 1a fooetion des actuelles prostitutes. » (Georg Simmel, Philosophie de ('amour) Les Jeunes-Filles du tertiaire, du marketing, des magasins et des services sociaux. Dans un avenir proche et previsible, Toute 13 pius-value du regime capitaliste sera produite par les Jeunes·Filles. Ce qui se monnaie, dans Ie co'it, c'est I'estime de soi. Chaque Jeune·FilIc se prescote comIDe un convertis seliT automatique et standard de I'existence en valeur marchande. Laleune·Fjllc a'est en fait oj sujet oj objet d'fme· tjoo. majsprelate. On De joy;t pasde13Jeuae Fille ojdesajQujssance majs de joujr d'eUe. Un pari s'ayereoecessajre. Dans maintes cultures traditionnelles, 1a monnaie sert de metaphore it la femme, it la fertilite. Au temps de la Jeune�Fille, c'est 1a femme qui devient la metaphore de la monnaie. Comme I'.",ent, I. Jeune·Filie esl tqulv.lente a elle-mime, ftC se r.pporle qu" elle-mime.
La Jeune-Fille est l ' or veritable, le numeraire absolu.
C'est un point de vue unilateral�fetichiste que celul qui affirme que « l'objet vivant source d'emo� tion, du point de vue de l'echange, vaut son cmit d'entretien » (Klossowski, La Mo"naie lIivanre).
I'RUUfRS M}'TtRIAUX POUR UNf: TutORI£ M: l .... jf.UNf:-flU.E
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Le temps libere par Ie perfectionnement et l'effica cite accrue des instruments de production ne s'est pas solde par une quelconque diminution du temps de .. travail ", mais par I'extension de la sphere du .. travail .. it la totalite de la vie, et surtout par la constitution et l'entretien d'une masse suffisante de monnaie vivante, de Bloom et de Jeunes-Filles dis ponibles, pour donner naissance a un marche sexuel p arallele et deja regule. LE CARACTERE FANTOMATIQUE DE LA JEUNE-FILLE REPETE LE CARACTERE FANTOMATIQUE DE LA PARTICIPATION A CETTE SOCIETE, DO NT LA JEUNE-FILLE EST AUSSI LA REMUNERATION.
La monnaie vivante reveIe enfin la verite de l'echange marchand, c'est a-dire son mensonge : l' impossibilite de mettre en equivalence I' incommensu rable de la vie humaine (classiquement coagulee en « temps de travail ») et de I ' inerte, de I ' argent au de n ' importe quelle autre chose, quelle qu 'en soit la quantite. Car Ie mensonge d e la societe marchande n ' a ura finalement ete que de faire passer pour un echange reg Ie ce qui est toujours un SACRIFICE, et d' ainsi pretendre apurer une DETIE INFINIE.
PRt:�m:RS Mi\TtRli\UX I'OUR UN!: TutORIE DE L-I.JEUNE-FILLE
VI. La leune-Fille comme dispositif politique compact Plus distinctement, mais non mains fondamentale ment, que toute marchandise, 13 Jeune-Fille consti tue un disposiri! de neutralisation offensive.
Comment Ie capitalisme serait parvenu a mobiliser les affects, a moleculariscr son pouvoir jusqu'a coloniser nos sentiments ct nos emotions, si 13 Jeune-Fille lIe s'ctait offerte en relais.
LA J EUNEFILLE CROIT NOUS TENIR PAR L'INFRASTRUCTURE. Pareille en eela fa l'economie,
« Prenez 1a vie du bon cote ,., puisque ]'histoire avance par Ie mauvais. Le Biopouvoir est aussi disponible en cremes, pilules et vaporisateurs. LA
SEDUCTION
MASSES. SANS JOIE .
ELLE
LIBERTE ,
EST EST LA
LE LA
NOUVEL LIBERTI:
,JOIE
0 ' UN
OPIUM
0 ' UN
MONOE
DES
MONDE SANS
L'exemple terrible, dans Ie passe, de quelques femmes libres a suffi a convaincre la domination de I'opportunite de conjurer toute liberte feminine. Par Iesentiment,par la pbysjolo&je.par la famille, par la « sjncCrite» par la «sante ».par I' envje par
lOt
I'obejssance a tous les determinismes sociaux,par tous les moyens. l a J e u n e · Eil l e s e d e fe n d c o n t re l a Ijb e r t e . Sous I'apparence d'une pouffante neutralite, c'est dans 1a leune-Fille Ie plus redoutable des dispositifs poli tique:s d'oppression qui s'offre a notre vue. « Etes-vous sexuellement normale ? »
La leune-Fille s'avance comme un engin vivant dirige par et se dirigeant en direction du Spectacle.
La domination a decouvert la un biais autrement plus puissant que Ie simple pouvoir de contrainte
:
l'arrracriOll dingee.
LA JEUNE·FILLE EST L'INDlVlDUAUrt BIOPOLITIQUE
£L£MENTAIRE.
Historiquement, la leune-Fille apparait dans son extreme affinit¢ avec Ie Biopouvoir comme Ie desti nataire spontane de loute biopolitique; celui a qui I'ON s'adresse.
« Se nourrir mal est un luxe, un signe d'oisivete. Le mepris d u corps est une relation a soi parfaitement complai sante. La travailleuse est dans l'entre tien de son capital corporel (gym piscine), alors que pour I'etualanie. c'est I'esthetique qui prime (danse) o u la depense Rhysique usante par excel lence : la boite de nuit. »
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TIQQUN
La faoction de la leune-Fille est de transformer la promesse de liberte contenue dans I'achevement de 1a civilisation occidentale en surplus d'alienation, en approfondissement de J'ordre marchand, en servi tudes nouvelles, en statu quo politique. La Jeune-FiUe vit dans Ie meme horizon que la Tech nique : celui d'une spiritualisation fonnelle du mande. Au sein de la domination marchande, la seduction se presente d'emblee comme I'exercice d ' un pouvoir. La Jeune-Fille n'a oi avis oi positions propres. Elle s'abrite des qU'elle Ie peut a J'ombre des vainqueurs. Le type du travail « moderne » au ce n'est plus une certaine quantite de force de travail qui est mise a profit, mais \'exercice docile de certaines « qualites humaines It convient admirablement aux compe tences mimetiques de la Jeune-Fille. La leune-Fille est la pierre angulaire du systeme de maintien de I'ordre marchand, se met d'clle meme au service de toutes les restaurations. Car fa leune-Fille veut la paix du loutre.
La Jeune-Fille est Ie collaborateur ideal. La Jeune-Fille con�oit la liberte comme la possibi lite de choisir entre mille insignifiances.
L a J El}lI,le- :pille ne veut pas dhlstolre.
a La r�gLemen tatl.on de tous les sens.
La Jeune-Fille vise
PRf.MltRS �IATtRIAUX POUR UNE TII£ORIE IlE uJt:um:'FII,I,E
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Dans Ie monde de la marchandise autoritaire, tous les eloges na'ifs du desir sont immediatement des eloges de la servitude. Nul n'est esclave de la semiocratie qui n'en tire aussi un certain pouvoir, de jugement, de blame, d'opi. nion. La Jeune-Fille materialise la fa�on dont Ie capita lisme a reinvesti toutes les necessites dont il a degage les hommes en un ajustement inlassable du monde humain aux normes abstraites du Spectacle, et en rehaussement de ces normes. Tous deux par tagent I'obsession morbide de rester, au prix d'une activite effrenee, identiques a eux-memes. L'etroit contrale et la sollicitude excessive dont cette societe fait montre it J'egard des femmes n'exprime que son souci de se reproduire a I'iden tique, et de MAITRISER sa perpetuation. «
L' A c a d e m i e a m e r i c a i n e d e s sciences p olitiques et sodales, dans une pub fication portant sur Ie role d e s fem m e s d a n s I ' A m e r i q u e concluait que 1a moderne eonsommation de masse a fait de 1a "menagere moderne [ . . . J beaueoup moins une ouvriere specialisee q u ' u n entrepreneur en m o de d e v i e " . }) Stuart Ewen, Consciences
(19291.
l
sous influence)
...
T1QQU:.I
Le programme du Biopouvoir prend d'abord 1a forme d'un processus de soumission des hommes a et par leur propre corps. Le Spectacle conjure Ie corps dans !'exces de son evocation, tout com me la religion l'evoquait par l'exces de sa conjuration. La leune-Fille prise 13 « sincerite ., Ie « bon coeur », la « gentillesse ., la « simplicite », 1a « franchise ., 13 " modestie ., et d'une fac;on generale toutes les vertus qui, considerees unilateralement, sont synonymes de servitude. La Jeune-Fille vit dans I'illusion que 1a Iiberte se trcuve au bout d'une soumission totale a la « PubH· cite » marchande. Mais au bout de cette servitude, iI n'y a que 13 vieillesse, et la mort.
La li berte, <;a n' existe pas » , dit l a Jeune-Fille, et e l l e entre dans la pharmacie. «
La leune-Fille veut etre « independante It , c'est-a dire, clans son esprit, dependante du seul ON.
Toutp �rontlpur qui ne �proit po� pn mt>mp tpmp� un �i�np d' o��{>rvi��ement ou mondp de 10 mM (t'londi�p Jutofiroire p�t PM 1.1 memp voup .I 10 dE>te�totion ob�olup de 10 J Punp-Fill p, qui np (fJint po� olor� de pMler d'(( orro�on(e I), dp « �uffi�on(p )) pt memp de (( m{>pri� II,
l'IlEMlt:JtS MAT[RIAUX POUR UNE Tflf.OR1E DE '......JEUNr.nllE
..,
La leune-Fille est I'article central de la consomma tion permissive et des loisirs marchancls. L'acces Ii la liberte, dans Ie Spectacle, n'est que I'acces a 1a consommation marginale du marche du desir, qui en constitue Ie coeur symbolique. La preponderance du marchi du divertissement et du desir est un mome1lt de l'ellrreprise de pacification sociale, au seill de /aquelle if a reyu fa fOlicrio)J de recou vrir defaVl" provisoire les collrradictiolls vivalltes qui traverse1lt chaque point du tissu biopo/itique imperial. Les privileges symboliques que Ie Spectacle accorde a la Jeune-Fille lui reviennent comme contrepartie de I'absorption et de la diffusion des codes ephemeres, des modes d'emploi renouveles, de 13 senuologie gene rale que J'ON a dO. disposer pour rendre poutiquement inoffensif Ie temps libre degage par les c; progres It de I'organisation sociale du travail. La leune-HUe comme pivot central du c; dressage permissifIt.
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Je\)I�e-Fille CQrll1)e a ent amblanc et d anl na 10 d ans a gestion ictatoria e es 0isirs.
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La leune-Fille a, au fond d'elle-meme, un caractere de tampon; elle est ainsi porteuse de toute I'indif ference convenable, de toute la necessaire froideur qu'exigent les conditions de la vie metropolitaine. 11 importe peu au Spectaclegue 13 seduction soit parlout hale,pouryu Que les hornmes ne paryien nentpas a se mire I'ideed'une plenitudeQui 1a diDassemit,
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TlQQIJN
Quand Ie Spectacle s'essaie a I'. eJoge de 13 femi " ou caostate plus platement 13 c feminisation du mande ., il oe faut s'attendre gu'a 13 promotion sournoise de toutes les servitudes et de la constella tion des .. valeurs .. que les esc!aves font toujours mine d'avoir. nite
ma is t'es degueulasse f « ,A h ,
»
La Jeune-Fille represente d'ares et deja Ie plus per formant des agents de cootro1e des comportements. Avec elle, 13 domination s'est introduite jusqu'aux dernieres extremites de la vie de chacun. La violence avec laquelle 13 feminitude est admi nistree dans Ie mande de 1a marchandise autori taire rappelle comme la domination se sent libre de malmener ses esclaves, quand bien meme elle aurait besoin d'eux pour assurer sa reproduction.
La J e u n e-FiUe est (e p o uvoir c o ntre (eq ue( j( est f> a r f> a re, in d ecent et "'e"'e c a rre"'ent tota(itaire d e se ref>e((er.
Dans Ie monde de la marchandise autoritaire, les vivants reconnaissent dans leurs desirs alienes une demonstration de puissance faite en eux par I'ennemi.
VII. La leune-Fille comme machine de guerre La leune-Fille presente un assentiment spontane :i to ut ce qui peut signifier I 'asservissement ii une nc.cessite quel le qu'elle soit - Ia « vie », l a « so ciete », Ie « travail It, I'ed ucation d'un enfant, une autre leune-Fille. Mais cet assentiment est lui-mcme determine de fac;on exdusivement negative, il ne va ii ces choses que dans la mesure oil eUes font barre :i loute expression singuliere.
Le sourire vitrifie de la Jeune-Fille cache toujours une colonie penitentiaire. legitimite que celle d'autre connait ne La Jeune-Fille du Spectacle. Autant Ia Jeune-Fille est docile a J'arbitraire du ON, autant elle est tyrannique Ii i'egard des vivants. Sa soumission a l'impersonnalite du Spectacle lui acquiert Ie droit d'y soumettre qui conque. Dans Ie foutre comme dans taus les autres secteurs de son existence, la Jeune-Fille agit comme un for midable mecanisme d'annulation de la negativite. Car la Jeune-Fille est la presence vivante de tout ce qui humainement veut notre mort, elle n'est pas seulement Ie plus pur praduit du Spectacle : elle est la preuve plastique de I'amour que nous
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TlQQUN
lui vouo� s. Elle est ce par quai nous poursuivons nous·memes notre propre perte.
Tout ce QU'e lle a reussi a neutraIiser vient prendre place dans Ie monde de la leune-Fille au titre d'ACCESSOIRE.
La seduc tion comm e guerr e. ON parle d'un .. canon .. en une metaphore qui emprunte de mains en m.oins au registre de ]'esthetique, et de plus en plus a celm. de 1a balistique.
!
Lc� Jcu��)- I lIc� ronncll l'il1ranl ric des .roupes d'occll alion � � p . IC. 1a . (Ie 18 vls,b.I, pU�I;ullc de I actuelle diclaturc (1e I app..renee.
La Jeune-Filte se trouve dans un rapport d'imme diatete et d'affinite avec tout ce qui concourt au reformatage de j'humanite. Chaq�e Jeune-Fille COllstitue a sa maniere un poste avance dans ]'imperialisme de I'insignifiance. SOllS I'angle du territoire, 1a Jeune-Fille apparait comme Ie plus puissant vecteur de Ia tyrannie de la servitude. Qui peut savoir dans quelle fureur la transporte toute manifestation d'insoumission ? En ce sens, un certain type de social-democratie tota litaire lui convient a merveille. a
La violence de la leune-Fille est proportion de sa fragile vacuite.
C'est notamment par la leune-Fille que Ie capitalisme a pu etendre son hegemonie a la totalite de la vie sociale.
PREMIERS Mo\.TtRIAVX POVR Ul'f TlttORIE DE U.j[UN[.F1U.E
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Elle est Ie pion Ie plus coriace de la domination mar chande dans u ne guerre dont l'enjeu reste un contr6le total de la vie quotidicnnc comme du temps de la « pro duction ...
C'est precisement parce qU'elle figure une totale acculturation du moi, parce qu'e!le se definit soi meme dans des termes fixes par un jugement etranger, que la Jeune-Fille constitue Ie porteur Ie plus avance de I'ethos spectaculaire, et de ses normes abstraites de comportement. Nil ,...tIIl cri" II ."••,,,'" id.cl/III""-I,,. SIr I. ","I. cl/lll, II .."" rll"l, SII' I"•• f. c,,,,, f. "",11 Ii lIS '''�..s ,,,,,••,,1,,,, SII, 1'6,ld. de I.mmes c,m,i"."" lIS .",Irs " lIS S1cre" II II vi. mina,ire. » L'insignifiance de la Jeune-Fille reflete bien une situation de minorite et d'oppression, mais en meme temps eUe a un caractere imperialiste et triomphant. C'est que la Jeune-Fille combat pour l'Empire, son maitre. A I'inverse des jeunes filles de Babylone qui, d'apres Straban, reversaient au temple Ie revenu de leur prostitution, c'est a son insu que celie de la Jeune Fille profite au Spectacle.
(( En plus, et e'est iei que eommencait Ie vrai pandemonium de la lyceenne, il y avait une masse de lettres confidentielles envoyees par des juges, avoeats et proeureurs, des pharma-
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TlQQUN
ciens, des commercants, des notables urbains ou ruraux, des docteurs etc., par ces gens remarquables et britlants qui m'en avaient lou jours tant impose I Je ne pouvais revenir de rna surprise [. . . ]. Done eux aussi, malgre les appa rences, elaien! en relations avec la Iyeeenne? - IncroyabJe, me repIHais-je, c'est incroyable. Done cette Malurile leur pesa;1 teUemenl que, en cachette de leur femme et de leurs enfants ils envoyaient de tongues leUres a une Iyceenn moderne de 1�re? [ ... ] 11 avail fallu ces retires pour me reveler pleinemen! loute la puissance de la mod erne Iyceenne. OU ne dominait-elle pas? » (Gombrowicz, Ferdydurke)
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La leune-Fille est un procede de sequestration metaphysique, c'est-fa-dire que ce n'est jamais d'elle que I'on est prisonnier, mais toujours en elle. La leune-Fille est une sommation faite a chacun de se maintenir a la hauteur des images du Spectacle. La leune-Fillc est lIll instrumcnt au service d'unc politique genera Ie d'extcrmination des etres capables d·amour. Identique en cela a la totaHte sociaIe alienee la leune-Fille deteste Ie malheur, car ce maJhe�r la condamne, comme if condal1H1e cette societe. LA lE ONE-FILLE ffiUVRE A PROPAGER UNE CERTAINE TERREUR DU DIVERTISSEMENT. - Combien de compagnies de CRS faut-il pour permettre a la leune-Fille de sourire avec infanti lisme?
PRnllERSMATtR1AUX POUR USE TlltORIf. DE J.... JEUSE-I'lU.f.
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- Enmee plu" ENCORE PLUS, ENCORE PLUS . . . Le vocabulaire propre a la leune-rille est aussi celui de la Mobilisation Totale. «
ERET. » LA FIDELlT£. Y A INTpolic e des
La leune-Fille appartient a la nouvelle mCEurs, qui veille a ce que chacun remplisse sa elle. La fonction, et s'en tienne exclusivement a ct avec conta en is leune-Fille ne rentre ainsi jama quali de ble ensem un avec un etre singulier, mais une ou e nnag perso un role, un dans s tes objectivee r confo se situation sociale a laquelle on est cense qui avec celui i Ains mer en toutes circonstances. u elle partage sa petite quotidiennete alienee deme /I ce type .. au itive, defin en urs, toujo rera-t-il « cette nana .I. plein La leune-Fille couye la marchandise d'un CEil re -a-di c'est ele. mod son elle en t i o y e d'envjecar ell e C arfait, Qui la meme chosequ'eUe. majsen plusp lui reste d'humanjte n'est passeulement cequi lui fajt deCautsous Ie rapport de 1a perfection mar souffrance, sa e tout de cause la si s u a c'est cbande. C'est donecela. aussj qu'il luiCaut eradjQuer. leune C'est avec une amertume non-feinte que la eur haut la a pas e n'Ctr de te reali la a Fille reproche du Spectacle. LA JEUNE-FILLE SE L'IGNORANCE 00 O DE PIERRE ANGU LE TIENT DE SON R T SYST£ME DE LA SEN PR£ LE S LAIRE DAN
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TIQQUN
DOMINATION FAIT ENCORE PARTIE DE CE ROLE. La Jeune-Fille est un pion dans 13 guerre a Dutrance que 13 domination a engagee en vue de " eradication de toute alterite. La Jeune-Fille Ie declare d'ailleurs sans ambage : eUe a « horreur du negatif •. Et quand elle dit eeIa, eUe est, comme 13 pierre de Spinoza, persuadee que c'est elle-meme qui parle. La leune-Fille porte un masque, et quand elle Ie confesse, c'est invariablement pour suggerer qu'eHe aurait aussi un .. vrai visage » qu'elle ne montrerait pas, ou ne pourrait pas montrer. Mais ce II vrai visage » est encore un masque, un masque effroyable : Ie vrai visage de 13 domination. Et de fait, lorsque 13 Jeune-Fille « fait tomber Ie masque ., c'est I'Empire qui vljlus parle en dire q «
et sl on eUmlnalt les mecs de 10. R lanete ? POllrAIlol essayer de falre 11 nellf ave� dit vlellx ? -y en a marre es mecs, aUez ollste, dll balal l D'aUlellr s InlltUe de s'enerv, r hlsto rl q llement genetlQll ement, I'homme a Jalt son l emps. II se pOllsse tOllt selll vers la sortie . •
�
...
Chaque leune-Fille est en elle-meme une modeste entreprise d'epuration. Prises dans leur ensemble, les leunes-Filles consti tuent Ie corps franc Ie plus redoutable que ['ON ait it ce jour manceuvre contre toute heterogeneite,
PRt:\IIUS MATtRlAlJ:>': POI,;k LNt TlllOR!!: [)f I.AJt.L'....f._FII.U;
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contre toute velleite de desertion. Paralleiement, dies marquent a chague instant Ie poste Ie plus avance du Biopouvoir, de son infecte sollicitude et de 1a pacification cybernHique de tout. Dans le regard culinaire de 1a Jeune-Fille, toute chose et tout etre,
organique ou inor
ganique,
apparait comme s ' il pouvait etre
possede,
ou tout au moins cons�.
qU'elle voit,
elle Ie voit,
transforme en marchandise.
Tout ce
et donc Ie C ' est en ce sens
aussi qU'elle constitue un poste avance dans l' offensive infinie du Spectacle.
La leune-Fille est Ie neant que I'ON manie pour refouler la pregnanee du Neant.
LA JEUNE-FILLE N ' AIME PAS LA GUERRE, ELLE LA FAIT.
La Jeune-Fille est I'esclavage ultime par lequel ON a obtenu Ie silence des esclaves. 11 ne suffit de eonstater que la Jeune-Fille parle Ie Jangage du Spectacle, il hut encore remarquer que c'est 13 Ie seul qU'elle puisse entendre, et qu'elle contraint done tout ceux qui ne \'execrent pas a Ie parler. Les autorites semiocratiques, qui exigent de plus en plus pesamrnent un assentiment esthetique a leur monde, se flattent de pouvoir desormais fa ire passer pour .. beau . cc qu'elles veulcnt. Mais ce « beau .·Ia n'est que Ie desirable socialement contrale.
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T1QQt:S
" MARRE D E S MECS ? P R E N E Z U N C H I E N ! Vous avez quoi ! ? 1 8 , 20 ans? Vous entreprenez des etudes qui s'annoncent longues at ardues? Croyez·vous que ce soit Ie moment de ralentir ce bel envoi en cherchant desesp€m�ment de I'affec tion chez un garcon qui finalement n'a rien a don ner ? Pire ! Vous affu bler d'un compagnan, lui mltme pas tout a fait fini, pas Ires gentil et pas tou jours bien propre . . . » La Jeune-Fille vehicule la conformite a tcutes les normes fugitives du Spectacle, et !'exemple d' une
telle conformite.
Com me tout ce qui est parvenu a une hegemonie symbolique, 13 Jeune-Fille condamne comme bar bare toute violence physique dirigee contre son ambition d'une pacification tatale de la socil!!H... Elle partage avec 13 domination I'obsession de la secu rite. le CJ(dCft're ve mr
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Ce n'est pas de leurs « pulsions instinc s dans Ie tives » que les hommes sont prisonnier ' ON leur qU le ab r i des du Spectacle, mais des lois . r hai c la e mem inscrites a La Jeune-Fille a declare la guerre aux microbes.
La Jeune-Fille a declare la guerre au hasard. La Jeune-Fille a declare la guerre aux passions. La Jeune-Fille a declare la guerre au temps. La Jeune-Fille a declare la guerre au gras. La Jeune-Fille a declare la guerre a I'obscur. La Jeune-Fille a declare la guerre au saud. La Jeune-Fille a declare la guerre au silence. La Jeune-Fille a declare la guerre au politique.
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a la Et pour finir, la Jeune-Fille a declare 1a guerre guerre.
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VIII. La Jeune-Fille contre Ie communisme La leune-Fille privalise taut ce qu'elle apprO!hende. Alnsi, pour elle, un phila soph e "'est pas un philosophe, mais un objet erotique extravagant; de m�me, pour elle, un revolutionnaire n'est pas un revolutionnOire, mais un bijou fan taisie.
La leune-Fille est un article de consommation, un dispositif de maintien de \'ordre. un producteur de marchandises sopnistiquees, un propagateur inedit des codes spectaculaires, une avant-garde de I'alie nation, elle est aussi un divertissement. LE OUi QUE LA JEUNE-FILLE DIT A LA VIE N'EXPRIME QUE SA SOUROE BAINE vis-A-VIS DE CE QUI EST SUPERIEUR AU TEMI'S.
Quand Ja leune-Fille parle de communaute, c'est toujours en clernier ressort a celie de I'espece, voire du vivant tout entier, qU'elle pense. Jamais a une communaute determinee : elle en serait necessaire ment exclue,
Meme quand elle croil engager lout son « moi
»
dans
une relation, la Jeune-Fille se trompe, car elle manque
a 'j engager aussi son Nean!. 0'00 son insalisfaclion, 0'00 ses « ami(e)s .,
Parce qu'elle dc.couvre Ie monde avec les yeux de la
merchandise, la Jeune·Fille ne voit dans les etres que ce qu'ils ont de semblable. Inversem�nt, die considerc comme Ie plus personnel ce qUi CII elle est Ie plus generique : I� cO'it" . La leune-Fille veut etre almee ?Uf elle meme c' est-a-dire pour ce qUI, lsole, C'est ourquoi elle maintient toujours, et ' , 'usqu au fond de son cuI, Ia distance de 'evaluation, La Jeune-Fille resume a eUe seule Ie neant, Ie para doxe et la tragedie de la visibilite, La Jeune-Fllle est Ie ve hlc ule p rlvUe gie du darwinlsme soc.tal-marcnand. La poursuite continuelle du COlt est un� ��mfest� tion de la mauvaise substantialite, Sa vente ne dOlt pas etre cherchee dans le « plaisir ., 1'« hedonisme ., I'" instinct sexuel . au un que1conque de ces conte nus existentiels que Ie Bloom a si definitivement vides de sens mais plutot dans la recherche force nee d'un lie,,' quelconque avec une totalite sociale devenue inaccessible, 1I s'agit ici de se donner un sentiment de participatiOlI, par I'exercice de I'acti vite la plus generique qui soit, celie qui est Bee d,e plus pres a la reproduction de I'espece, C'est la rai son pour laquelle 1a Jeune-Fille est I'objet Ie plus courant et Ie plus couru de cette poursu�te, car el1� , a est \'illcanlatioll du. Spectacle, ou du moms aspire ce titre, A entendre la Jeune·Fille, la question des fitl.s ultimes serait superflue,
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TIQQUN
D'une fat;on generale, toutes les mauvaises substan tialites ant spontanement la faveur de la Jeune.Fille. Certaines, cependant, ont sa preference. AiDSi de toutes les pseudo-identites qui peuveDt se prevaloir d'yne tcoeur .. bioiogique ,. (I'age, Ie sexe, la taille, la race, les mensurations, 1a sante, etc.). La Jeune-FillcRostule voeirrevocab le intimiti: avec tout ce QuipartUesapbysjo!oiie, Sa (oDction est ajnsj d'entretenjr la Oammemouraote de toutes les d illusioos d'jmml: iatetesur lesQuelles Ie BjopouvQir jeotpar 13 suiteprendreappuL y La Jeune-Fille est 1a termite du .. mate riel ., 1a marathonienne du « quotidien .'to La domi nation a fait d'elle la porteuse privilegiee de I'ideologic du « coneret •. La Jeune-Fille ne se co?tente pas de raffoler du « pas complique », du « sImple .. et du « vecu » ; eUe juge en outre que 1'« abstrait .., le « prise de tete .. sont des maux qu'il serait judicieux d'eradiquer. Mais ce qu'elte appelle Ie « concret ,. est lui-meme, dans son unila teralite farouche, la chose la plus abstraite. lJ est �lut6t Ie bouclier de fleurs fanees derriere lequel s avance ce pour quoi elte a ete conc;ue : la nega . . tl?n vlOlente du metaphysique. Contre ce qui la depasse, la Jeune-Fille n'a pas seulement une dent' mais une bouche entiere de canines enragees. Sa haine envers tout ce qui est grand, envers tout ce qui n'est pas a portee de consommateur est sans mesure.
rl\t:�uVRS MATtlll"UX fOUR UN!: THtOR1� D� l.A.Jf.UNf..F1Ll.E
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LA JEUNE-FILLE A LE« CONCRET " POUR NE PAS SUCCOM BER AU SENTIMENT MtrAI'HVS1QUE DE SON N£Al\.'T.
.. Lc mal est ce 'l ui distrait.
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(Kafka)
L ' " amour de 1a vie ,. dont 1a Jeune Fille se fait une telle g10ire n ' est en verite que sa haine du dange r . Par lao e11e ne professe que sa determina tion a entretenir un rapport d ' imme diatete avec ce qu ' e11e appe11e « la vie >I , et qui, faut-il Ie preciser , designe s e u l ement « l a vie dans Ie Spectacle D _
O'entre toutes les apories dont I'amoncellement pretentieux forme la metaphysique occidentale, la plus durable semble etre la constitution par repu diation d'une sphere de la « vie nue ». II y aurait, en dec;a de I'existence humaine qualifiee, politique, presentable, toute une sphere abjecte, indistincte, inqualifiable de la « vie nue ,. ; la reproduction, I'economie domestique, \'entretien des facultes vitales, l'accouplemelll heterosexuel au encore I'ali mentation, toutes choses que I'ON a autant que possible associees a I'. identite feminine ", conflue raient dans ce marecage. Les Jeunes-Filles n'ont fait que retourner les signes d'une operation qu'eJles ant laissee inchangee. C'est ainsi qu'eHes se sont forge une espece tres curieuse de commun que l'ON
1�\1
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TlQQI.!N
devrait appeler I'etre-pour-Ia-vie si I'ON savait que Ie commun de la metaphysique occidentale fut tar divement identine a I'etre-pour-Ia-mort. Tant et si bien que les Jeunes-Filles se sont persuadees d'etre unies au plus profond d'elles-memes par la physio I �gie� la quotidiennete, la psycho logie, les ragots d alcove et Ie ON. L'echec repete de leurs amours comme de leurs amities ne semble pas de nature a leur dessiller les yeux, ni a leur faire voir que c'est cela, pre,Fisement, qui les separe. A (a fi�itu de, (a Jeune-FiUe
oppore (e,grouiHeMent de rer organer. A (a rolitu de, (a conti nuite du vivant. Et a (a tragedie de ('exporition, qu'i( ert �on d'etre reMarque.
De meme que les etres qui en sont les termes les relations qui se nouent dans Ie Spectacle sont' pri vees de contenu comme de sens - si encore Ie defaut de sens si constatable dans toute I'etendue de la vie de la Jeune-Fille la rendait insensee mais non, il ne fait que la laisser dans son etat d'absur dite definitive. Leur etablissement n'est pas dicte par un quelconque usage reel - Ies Jeunes-Filles n'ont a proprement parler rien a jaire ensemble ' ou par un gout, fUt-il unilateral, de I'un pour I'autre - meme leurs gouts ne sont pas a elles mais par la seule utilite symbolique, qui fait de chaque partenaire un signe du bOllheur de I'autre,
comple:tude paradisiaque qu� Ie Spectacle a pour mission de sans cesse redefiOir. C'eSlla.l lllurellemlnl qU'ln devanlnl un 111IU mell .a ll Moblllsallan TOIIII, II s6••cllln a prls Il lorme .1 \'Inlllllln d'embluchl II \'11 amour II d'unl sartI d'lmplol mUlual al prlv6, • dur61 1ndBIarmln6a pour las mlaul loll5.
«
Te prends pas la tete !
»
II n'y a de trahison que 1a Jeune-Fille soit decidee a punir plus severement que celie de la leune-Fille qui deserte Ie Corps des Jeunes-FiUes, ou pretend s'en affranchir. L'activite essentielle de la Jeune-Fille ne consiste pas seulement a separer Ie " professionnei » du " person nel », Ie " social )I du • prive )I, Ie « sentimental )I de I'. utilitaire »,Ie« raisonnable . du . dclire », le « quo tidien • de 1'« exceptionnel », etc., mais surtout :1 incarner dans sa " vie . cene separation.
La Jeune-Fille �ut bien parler de la mort,
eUe conclura invariablement qu'apres tout, « c'est la vie ». La Jeune-Fille • ajme la vie •.ce parQuoi jl faut entendreQu'elle hait toute (oone·de-vie, le est comm e tout ce qui parle e-Fil La Jeun d'« amour It dans une societe qui fait tout pour Ie
'"
TIQQUN
r�ndre deflnitivement impossible : elle ment au ser vice de la domination.
� fI jeu�esse ,. de la leune-Fille ne designe qu'un cer tam ente tement dans 13 denegation de 13 finitude.
IX. La leune-Fille contre elle-meme : la leune-Fille comme impossibilite
l� rul d�. I� )PU np- Fijlp �5t un VI Id�P �Iobd .
quand elle parle de, " paix » et de • bonheur ., Ie vlsa�e d� !a leune-Fllle est celui de la mort. Elle a Ja negatlvlte non de I'esprit, mais de I'jnerte. La Jeune-Fille dispose d'une singu!iere connexion avec la , nue, 5011S toutes ses formes. vIe La Je.une-F�lle a entierement fet!crit ]'intituie des peches capltaux. A la premiere ligoe , elle a mlgnonnement calhgraphie . « solitude » L�. Jeune- Fil le nage en La apn ee dan s 1 urunanenc e .
Que Ie Spectacle auraH finalement r�ali� I'absurde conception mlHaphysique selon laquelle toute chose procederait de son Idee et non Ie contraire, cela est une vue superficielle. Dans la Jeune-FilIe, nous voyons bien comment ON obtient une realite telle qu'elle semble n'etre que la materialisation de son concept : ON I'ampute de tout ce qui la rend singuliere jusqu a la rendre sembiable ell indigence ill une idee.
'
C'est I'etrangete humaine au monde de la marchandise qui poursuit sans relache la Jeune Fille et constitue pour elle la menace supreme, .. menace qui n'a, factivement, rien d'incompatible avec une complete securite et une complete absence de besoin dans I'ordre de la preoccupation quotidienne. » (Heidegger) Cette angoisse, qui est Ie mode d'etre tondamental de celui qui ne par vient plus a habiter son monde, est la verite cen trale, universelle et mchee des temps de la Jeune-Fille, comme de la Jeune-Fille elle-meme ; cachee, parce que c'est Ie plus sauvent calfeutree
'"
TIQQUN
chez elle, loin de tous les regards, que sans fin elle san gI ote. Pallr celie que range Ie neant, cette . angOlsse est I , autre nom de cette solitude de ce s�lence et de cette dissimulation, qui sont' sa condi . tion metaphysique, a Iaquelle elle a finalement tant de mal a se faire. Chez la Jeu,:,e-Fille com.me chez taus les autres Bloom,.Ia fnngole de dIvertissements prend ses racmes dons I,angoisse. Tantot 13 Jeune-Fille est 1a vie oue et tantot la mort habillee. En fait, elle est ce u i les tient toutes deux constamment ensemble La Jeu n e�FiUe est clo se fur e((e"'�e l\'le ' eel s la�cj,.e d� a l>o rd , et I'ui s eel a c o �: !\'Ienee a p o u rr",. L'anorexie s'interprete comme un tisme du �e�ach�ment qui, clevant I'imposibilitefana de tOute par ticipatIOn metaphysique au monde de la marchan_ dise, c�erche I'acces d'une particip ation physique a . celul-CI, et qui bien Sur echoue.
q
«
LA SP IRI TU AL ITE NO TR E NO UV EA U BE SO IN ? En ch ac un df3 no us , un my sti qu e qu i s ign ore ? »
L ' interet n ' est que Ie motif apparent de la conduite de la Jeune-Fi lle . Da�s l ' act e de se ven dre , c ' est en fa�t d ' e lle -meme q U ' e l l e voudrait
PRt:�1I!:RS MATfRIAUX POt:R UNf THt.ORIE DF.I.AJF.L·St:'fII.U
s ' acquitter , ou du moins qU ' ON l ' acquittat. Mais cela ne survient j amais .
L'anorexie exprime chez les remmes la meme aporie qui se manireste chez les hommes sous la rorme d'une pour
suite du pouvoir : la volante de maltrise. $eulemcnt, du rait d'une codification culturelle patriarcale plus severe pour les remmes. I'anorexique reporte sur son corps 1a volonte de maitrise qu'ellc ne peut porter sur Ie restc du monde. Une pandemie semblablc
a celie que nous
constatons de nos jours parmi les Jeunes-Filles survin! au cctur du
A Moyen- ge parmi
les saintcs. Tout comme
la Jeune-Fillc anorexique opposc au monde qui voudrait la reduire it son corps sa souverainete par rapport
a
celuj.ci, la sainte opposait a l a mediation palriarcale du clerge sa communication direcle avcc Dieu, it In depen
dance ou rON voulail la lenir son independance radi cale par rapport au monde. Dans I'anorexie saintc, «
/'tflimillotioll de,{ exigences physiques et des sensa
tiolls vi/ales - la [atigue, les pulsiolls sexi/elles, 1(/[aim, la dOl/lellr - permet
(/11
corps de realiser de.� exploits
heroi'qlles, et ( ; I 'dme de cOII//lII.III ;qller avec Dietl.
»
(Rudolph Bell, L'wlQrexie s(lillte) De nos jours, ou Ie
corps medical n remplace Ie c lerge dans l'ordre patriar cal comme au chevet de la Jeune-FitJe anorexique. les taux de guerison de ce que I'ON nomme rapidement « l'a norex ie mentale » sonl encore exceptionnellement bas. en depit d'un achamement Iherapcutique ici comme
ailleurs plutot consequent ; et Ie taux de mortalite tombe dans de rares pays en dessous de 15%. C'est que la mort
'"
TlQQCN
de I'anorexique. qu'cJle soit sainte Oll « mentale ,., ne fait
que
sanctionner la victoire finale
de cclle-ci sur son
corps, sur Ie monde. Comme dans I'ivresse d'une greve de In faim
pou ssee ?i son
(crmc, la Jeune-Fille IrOLIve
dans la mon I'affimlation ultime de de
sa puretc .
«
son detachement el
Les llnorexiques {ultent COnlre Ie/air
d'elre ritluits en eSc/lImge, eXf,[oires. el de lie pas mener la vie de feur choix. lis prijerent se prh'er de lIourriture p/Illor que de continuer line vie de COIIIIJrOm;s. All cOllrs de celte recherche (/I'eugle de leur identire el till semi melll d'ellx·memes. ils lI'acceptem rjen de ce q!le fellrs parents ou Ie montle autour d'ellx peuvem leur offrir. . . [dansl l'anorexie mel/Tale l/m/relllique 011 typique, ce que
les malades I'eu/en' principafemenl c 'esr flitter pour
acquirir la mairrise d'eux-memes, leur identiri, devenir COmfJerenrS el efficaces. «
»
(Bruch, us Yeux el le Ventre)
Ell /ail, condut l a postface
a L 'Anorexie sainte, l'0I1O
rexiqlle pOllrrairfigllrer une caricalllre rragique de la femme affranchie, all/onome, lIIais incapable d 'illlimite, proplilsie par I ' idee du POllI'oir et de la domillm/on . ..
II y a bien une objectivite de la Jeune-Fille, mais c'est une objectivite fictive. La Jeune-Fille n'est qu'une contradiction qui s'est figee dans une immobilite tombale. Quai qu'elle en dise, ce n'est pas Ie droit au bon
heur qui est dlmie a la Jeune-Fille, mais Ie droit au malheur,
Quel que soit Ie bonheur de la Jeune-Fille en chacun des aspects separes de son existence (travail, amour, sexe,
10isirs, sante, etc.), elle doit demeurer essentiellement
I..' JEl:l'OE-FIU-E POl'R t;SE TlttORIE DE I'RHUfRS \IATtRIALX
'"
sont f parce qua cas aspects malheureuse preciseman de a'e ent dam est la tonalite fo� separes. Le mal heu r r heu mal Le . bien est Fille. Gela l'existence de la Jeunefait consommer.
i!, e��es, a, Ia La souffrance et Ie malheur intr �ltte d une quel slbl Jeune-Fille demontrent l'impos hommes se les au s n e s conque fin de I'Histoire au d�s nte llige inte s plu la contenteraient d'etre nce scie con te tou a ant on,): ren es, es eces animal t exer tOli e, n is a di cursive, tout desir de reconn . �� �, en un mot, llte slb! pos cice de leur negativite ; l'im de I' american way 0/ Ii/e. , e-hlle negativit(:, la Jcun de ler par end cnt Qland cUe a du reste loule sorle appeHe SOil psychologue. me . metaphyslquc quan(1 de mols pour ne pas parler de faire cntendrc trop cdlc-ci a ie ma uva is goUt dc se uc . cst l'un d 'e�x . diSlinctemcnt : . psydlOsomatiq . ln j a Ull e a fore�m Com me Ie mannequin qu 'eU enl dev f, a beune moment ou a un autre, reve de ale, � lIle a selle� tot FiUe vise une i n ex pressi vite en s, IIlcarn.ant, e ille sou se extatique mais I'image exprimer le\nea�t, Ie la Jeune-Fille ne parvient qu'a sui nt an t , e ne an , nea nt viv ant , gro ut\ \ an, e' en� UN ssem i hurnide ; et ee, jusqu'au vom " OD�' l M et e rem sup e stad Le cyborg commc e. . FICIENT de 13 Jeune·FilI qu'el� voud;� e�:: c par e, rim dep e Fill � neLa Jeu e est-a- Ire co une chose com me les aulres, c
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.
A
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TIQQUN
autres vus de l'exterieur, et qu'elle n'y parvient pas ; parce qu'elle vouclrait etre un signe, et eireu ler sans heurt au sein du gigantesque metaholisme semiocratiq ue. Toute 13 vic: de la Jeune-Fille coi'llcide avec ce qu'el le veut oublier.
L'apparente souverainete de 13 Jeune-Fille est aussi bien I'absolue vulnerabilite de I'individu sepan! 1a faiblesse et I'isolement qui ne trouvent nulle par:: oi l'ahri, oi la securite, ni la protection qu'ils semblent partout chercher. C'est que 1a Jeune-FilIc vit sans cesse « a ses pro)?res trousses ., soit : dans 1a peur.
La Jeun e-F, lIe nous tend I'aut hen tique enigme de la servitude heu !eusf!, au q uel "OUS ne parvenons pas a crOir e. Mystere de )'esclave radieux.
La poursuite du bonheur resume, comme son effet mais aussi comme sa cause, Ie mnlheur de la Jeune Fille. La frenesie d'apparence de la Jeune-Fille mnnifeste une soif de substance qui ne trouve nulle part au s'epancher. Toute l 61 egan ce de 10 Je une Fille n e paryient jamais a faire oubl ier son '
indetrOnable yulgarit6.
«
TOU S BEA UX, TOU S B I O !
»
La Jeune-Fille veut Ie meilleur des mondes, malheu reusement Ie . meilleur des mondes » n'est pas pos sible.
rRHlIt:ltS MATtIU,\UX POUR UNE THf.ORlt� Of. I-"Jt:UNf..f!lI.E
129
La Jeune-Fille [eve d'un corps qui serait une pure transparence nux lumieres du Spectacle. En tout, elle souhaiterait n'etre rien de plus que I'idee que I'ON se fait d'elle. La frigidite est la verite de l a nymphamanie, I'impuissance du don juanisme, l'anorexie de la bou limie.
Car dans Ie Spectacle, OU l'apparenc·e du bonheur fonctionne lussi comme condition si,u 'I". no1'l de celui-ct, Ie devoir de simuler I, fflicit� constitue II foftllule de toute souf h,nce.
L'inexistence translucide de la Jeune-Fille temoigne de la fausse transcendance qu'elle incarne. Ce que dcmontre 13 Jeune-FilIe, c'est qu'il n'y a pas de belle surface sans une terrible profondeur. La Jeune-Fille est I'embleme d'une angoisse exis tentielle qui s'exprime dans Ie sentiment sans motif d'une insecurite permanente.
le Spectacle consent it parler de la mls�re sexuelle, pour stlgmatlser l'lncapacll! des hommes a s'!changer comm. de parfaites marchandlses. II est ural que l'lmperfectlon obstln�e du marcM de la �ductlon a de quol prHccuper.
L'anorexique meprise les chases de ce monde de la seule far;on qui puisse la rendre plus meprisable qu'elles. Camme tant d'autres de nos malheureux contemporains laJeune-Fille a pris la metapbysiQue occidentale au pied de ses aporjes. Et c'est en
'"
T1QQUN
vain Qu'elle cbercbera a se donner(owe en tant Quevie nue. L ' e t e ndue culine . encore
de de
extreme
de
I ' impuissance mas
1a l'rlg1dlte 1&
des
l el'lUlle S
ou
secheresse vaginale
s ' interpretent
Immedlatement
contradictions
du
comme
des
capltal1sme .
L'anorexie exprime sur Ie terrain meme de la marchandise Ie degout Ie plus incontinent a I'egard de celle-d, comme de 13 vulgarite de toute richesse. Dans tautes ses manifestations corporelles, la Jeune-Fille signifie la rage impa tieate d'abolir la matiere et Ie temps. Elle est un corps sans arne qui se reve arne sans corps. I( L 'anorexia de Catherine de Sienne fut una consequence de sa volante de maitriser les exi gances de son corps qu'eJ/e voyait comme une entrave abjecte a sa saintet�. }) (Rudolph Bell, L'Anorexie sainte) Dans I'anorexie, il faut voir bien plus qu'une pathologie a la mode : Ie desir de s'affranchir d'un corps entierement colonise par la symbolique mar· chande, de reduire en poussiere une objectivite physique dont la Jeune·Filie a ete entierement depossedee. Mais cela n'aboutit finalement qu'a se faire un nouveau corps de la negation du corps. Dans la Jeune-Fille anorexique comme dans I'ideal ascetique, cette haine de la chair, et Ie fantasme de
PRP.�tlP.R.S MATtRlAUX POUR
.... JI::U!"F..FIU.[ u:-;t· TlIf:ORIF. Ill; I
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se resoudre tendanciellement au physique pur : Ie squelette.
La .leune·Filie est attr.inte de ce que I' on pour rait itp�elr.r Ie. « r.omplr..e de range » : elle Vilr. une p:uFe.ction qui I:Onsistr.rait ... etrr. 5an5 corp5. L:unilate.r
'"
(( Comment �Inaoil er DiD ( )) La Jeune-FilJe est l'ultime tentative de la marchan disc pour se depasser elle-meme, et qui echoue lamentablement.
X. Finir la leune-Fille La leune-Fille est une realite aussi massive et friable que Ie Spectacle. Comme toutes les formes transitoires, la Jeune Fille est un oxymore. Elle est ainsi Ie premier cas d'ascetisme sans ideal, de penitence materialiste.
LAchement devoues aux volontes de la Jeune-Fille, nous avons appris a la mepriser en lui obeissant.
la mlsire sexuelle prisente ne ressemble en rlen • celie du passi, car ce sont disormals des corps sans dislrs qUI brOlent de ne pas pouvolr les assounr. Au cours de son developpement metastatique, la seduction a perdu en intensite ce qU'elle gagnait en extension. Jamais Ie discours amoureux n'a ete auss; pauvre qu'au moment au tout Ie mande s'est mis en devoir de I'entonner, et de Ie commenter. La Jeune-Fille n'a pas Ie visage d'une marte, comme on pourrait se iaisser aller a Ie croire a la lecture des journaux feminins d'avant-garde, mais de la mort elle-meme. Chacun cherche a se vendre, n u l n'y parvient de fa�on convaincante.
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TIQQUN
Contrairement a ce qui pourrait sembler au pre mier coup d'ceil, Ie violeur n'est pas aux prises avec une femme, ou un homme, mais avec la sexualire elle-meme, en tant qu'instance de contrale.
A son irruption, Ie corps au de I. Icuae-fillc a pu
produlr. un sentiment de veriti. On recherche cn .ain, dClormals, un tel pouvolr dans des corps pourtant de plul en plus jeuncl.
Les charmes que naus ne trouvons plus a la Jeune Fille donnent 1a mesure exacte de ce que naus par venons deja a liquider en elie. La question n'est pas celie de I'emancipation de 1a leune-Fille, mais bien de I'emancipation par rapport a la leune-Fille.
'.n ClrIIIIS CIS Irtrtmll, II "em II J....-fIU. relll,.I' I, ••••• '11 1'..,"111 coatre le m.... ..11" 1,.••111 " I,I. l, .1' "11• •1 u 10r.I, SI ,rol••1I1 hllUlhi il ll" C•••1 lsi II c••lllllallr,.I I. blocs 1••laslls dl ni.,U,lli. II lul llullllr.
rl..g.r lOll c• ••I I'I.I,.rl. l'ill.dl. llllillnl..1 .ull.1 IIlalll•• lIII'I.lirl'rlti �rOllrl llll ridllr, ••,1" , ..Iailia
nll.lr. iI ••• ilil' lIilOlllI••. '''''l-m,' ''' .,.t" II ''''.11 I, ."", ,.Iltllt I. SIICI, IIIIr.llr III 1IIIIIIsiI
11Iue. 11••11.,1 I"" 1,1 c.IH, fanlllll-lilcllil Clltr. I. ,,.III-••c S.,.•.
, Pour la Jcune-Fillc COIIIIIIC IJOur ) holllllle de Ilollvoir, (lui uu reste !Ie correspondent truil 8 trail (Iuand i1s lie cOincident I,as, la desubjecli\'a lion lie I)eut fuirc )'economic d'un cffolltlrcmenl,
J'REM!f.IlS MATtlUAUX POUR UNE TlltORU:
OF. UJEUN[.fIU.F.
'"
d'ul! effondrement ell ,oi�meme. Lc dcnivele de la clmle ne fera CJue mesurl'r Ie goufTre creuse enlre I'amplitude de I'elre social et Ie rachitisme extreme de I'elre singulier ; soit, finalement, la IIlUlvrete de la relation ii soi. Mais aussi bien, iI y II dans I'indigence de I'ull toute la ,millff/IICe qui fait tlHuul a I'achevelllclit de !'autre.
« Mais il me fallait oter Ie nimbe dont I'homme cherche a aureoler cette autre figure feminine qu'est la jeune fille apparemment immaterielle et depouillee de toute sensualite, en faisant voir qu'eJle est precise ment Ie type meme de la mere, et que la virginite lui est par definition aussi etrangere qu'a la courtisane. Et aussi bien, I'analyse montre qu'a I'amour matemel lui-meme n'est attache aucun mente moral. » (Otto Weininger, Sexe er caraaere)
Rarement une epoque ne rut si violemment agitee de desirs, mais rarement aussi Ie desir ne fut si vide. La leune-Fille fait songer a la monumentalite des architectures platoniciennes dont ce temps s'est couvert, et qui ne donnent qu'une idee bien passa gere de I'eternite, puisque deja eUes se fissurent. II arrive aussi qU'elle fasse penser a autre chose, mais c'est alors invariablement a un taudis.
« Je pouvais detruire I e modernisme d e la l y c e e nne en lui introduisant de s elements e trange rs , he t e -
'"
TIQQU:->
rogene s , e n la melangeant ' avec n importe quo i . » ( Gomb rowi c z , Ferdydurke ) Sous I'apparent desordre des desirs de Caserne-Babylone regne souverainement l'ordre de l'interer. Mais l'ordre de I'interet lui-meme n'est qu'une rcalite seconde qui n'a pas sa raison en elle rneme, mais dans Ie desir du desir qui se trouve au fondement de toute vie manqwk Les mutations au sein de la figure de la leune-Fille suivent de fa�on symetrique les evolutions du mode de production capitaliste. Ainsi, oaus sommes peu Ii peu passes, dans les trente dernieres annees, d'une seduction de type fordiste, avec ses lieux et ses moments designes, sa forme-couple statique et proto-bourgeoise, a une seduction de type postfor diste, diffuse, flexible, precaire et deritualisee, qui a etendu l'usine a couples a la totalite du corps et de I'espace-temps social. A ce stade particuliere ment avance de la Mobilisation Totale, chacun est appele a entretenir sa « force de seduction _, qui s'est substituee a la « force de travail ...., de telle far;on qu'il puisse etre a tout instant licencie, et a tout ins tant reembauche sur Ie marche sexueL La Jeune-Fille mortifle son corps pour se venger du Biopouvoir et des violences symboliques auxquelles Ie Spectacle Ie soumet, Les troubles qu'elte presente de plus en plus massivement revelent, sous son aspect passe
d'inebranlable positivite, la jouissance sexue Jle comme la plus mHaphysique des jouissances physiques. .
Certains fabriquen\ des magazines soph istiq ues, branch<:,s l ' « .tendance » . Nous nous avon s rea Ise un mag a zine sain frais , oxyg ene, con�telle de ciels bleu s et de cham ps blO, un mag azin e plus vral que natu re. » «
La Jeune-nUc cst cntitrCll1cnl con51ru� tc, c'cst paur
('est dans la souffrance seule ment qu'elle est aimable, la Jeune-Fille. II Y a, a I'evidence, une puissance subversive du trauma. . . ' Le succcs de la logique minH!tique qUI a porte I� leune-Fillc a son triomphe present comporte a�ssl la necessitc de son extinction. Et finalement, c est I'inflation de leunes-Filles qui aum Ie plus surement entame l'efficace de chacllne d'entre elles, , La theorie de la leune-Fille participe de la forma�l�n d'un regard qui sache hai'r Ie S� e�ta,cle partout au 11 se cache, c'est-a-dire partout ou II s expose,
Qui, hOTs des derniers nigauds, peut encore seTieuseme�t . s'emouvoir devant « la ruse, I'astuce avec laqueJle II salt
'"
T1QQUN
s'insinuer dans Ie CceUf de 13 leune-FiIlc, !'empire qu'i\ sait prendre sur die, bref, Ie caractere fascinant, calcule et ffiethodique de la seduction .. (Kierkegaard) ?
PARTOUT OU LA.. MARCHANDISE EST MAL-AIMEt LA JEUNE FILLE L'ES 1 AUS-Sl. La diffusion du rapport de seduction dans I'ensemble des activites sodales signe 3ussi 13 mort de ce qui restait en lui de vivant. La generalisation de la simulation est aussi ce qui la rend de plus en plus manifestement impossible. e'est alars Ie moment du plus grand malheur au les rues se rem plissent de jouisseurs sans cceur, de seclucteufs en deuil de toute seduction, de cadavres de desirs dont on ne sait que faire. Ce serait un phenomene physique comme une perte d'aura. Comme si i'eiectrisation des corps gu'une intense separation avait engendree se met tait fa se communiqucr jusqu'fa disparaitre. Une nouvelle proximite en sortirait, et de nouvelles dis tances. Un epuisement total du desir signifierait 1a fin de la societe marchande, comme au reste de toute
SQciete.
Ie pavsage d'UD eros ravage
PREMIERS MAT fRL\UX POUR USE TH�ORIE [IE I.AJUJNErflLLE
'"
En these generale, les progres sociaux et les changements de periodes s'operent en raison des progres des femmes vers la liherte. • (Fo�rier) . .
«
Quand la Jeune-Fille a epuise taus les artifices, II lui en reste un dernier, et c'est de renoncer aux artifices. Mais celui-Ia, c'est vraiment Ie dernier.
En se faisant Ie cheval de Troie d'une domi nation planetaire, Ie desir s'est depouille de tout ce . qui Ie flanquait de domestlqu� , . de calfeut� e, de . prive. Le prealable fa la redefinitIOn totahtatre du desirable fut en effet son autonomisation de tout objet reel, de tout contenu particulier. En �ppre�ant fa se porter sur des essences, il est devenu a son IOSU . un desir absolu un desir d'absolu que nen de ter restre ne peut �lus assouvir. eet in�ssouvissement est Ie levier central de la consommatlOn, comme de sa subversion. Une communisation des corps est a prt':voir.
L'o cc urr en ce qu oti die nn e de la Je un e-F ille va-t- ell e en co re de so i ?
llilh' " ( lUI/' 'mils p......OO>4' tI... , ("lId.-(I'..."...'(- [lOur I... l"'IIIP� .... II'",... iu"oltlni(" .. ,fuu\' IItT..."If'_ (rUU '·o� llg La
Petite OJileditm
(extrait!ill
romlogue) 316.
Octave MIRSE.Al',
3 7.lules VER.�E, 1. 1ilmuiAdam. 318.jules Rb"ARI), Crillit' 1..11Fol/l>. [ de Vlllagt. 31g. Br.lm SToKER. fA Coupt df' rriJlal. 320. Edgar Allan POE, 1..l! Mlsl hr Iff' Man, IWgti. 325. Cou.y.cnr, Altmli oll (IU , ,., 326. Walt WHITMAN, u 1'01:1, amiricaill. 327. Emmanuel KA.
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