Schumann
Du même auteur : ■
Nouvelles
Les Madrigaux de Bellone, éditions France Univers, 2007 ■
Traduction
Les Am...
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Schumann
Du même auteur : ■
Nouvelles
Les Madrigaux de Bellone, éditions France Univers, 2007 ■
Traduction
Les Amours de la belle Maguelonne et du comte Pierre de Provence, de Ludwig Tieck, traduit de l’allemand, éditions Alvik, 2005 Les Fils Aymon – Maguelone – Mélusine, de Ludwig Tieck, traduits de l’allemand, éditions Grèges, 2008
Chez le même éditeur : Chopin, Vie et œuvre, 2009 L’Opéra tout simplement, 2009
À paraître : Pèlerinages, poèmes préfacés et illustrés par Gabriel Bacquier, éditions France Univers
Sylvie Oussenko Préface de Françoise Tillard
Schumann
Éditions Eyrolles 61, Bd Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.editions-eyrolles.com
Mise en pages : Istria
Le code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée notamment dans les établissements d’enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de liLE PHOTOCOPILLAGE vres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres TUE LE LIVRE nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie, 20, rue des GrandsAugustins, 75006 Paris. © Groupe Eyrolles 2010 ISBN : 978-2-212-54418-3
À Gabriel Bacquier, interprète des Sirènes de Faust et de Manfred, de Schumann
Ne jamais se faire le porte-parole de ce qui n’est pas soi, mais rentrer en soi-même pour y puiser au plus profond de son être afin d’amener au jour tout ce qu’on y a découvert, que ce soit peu ou prou. Karl Philipp Moritz (1756-1793), Beiträge, 1797
Sommaire Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 Première partie : Les années d’apprentissage (1810-1830) . . . . . . . . . . . . 23 Chapitre 1 : Enfance et influences (1810-1828). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Chapitre 2 : Le choix d’une carrière musicale (1829-1830) . . . . . . . . . . . . . 33 Deuxième partie : L’avènement d’un compositeur (1830-1840) . . . . . . . . 41 Chapitre 3 : L’affirmation des principaux thèmes (1830-1834) . . . . . . . . .43 Chapitre 4 : Le cheminement vers Clara (1835-1837) . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 Chapitre 5 : La maturité créatrice (1838-1839) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69 Troisième partie : Les grandes œuvres en dépit de la folie (1840-1849) . . 81 Chapitre 6 : Des Lieder aux symphonies (1840-1841) . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Chapitre 7 : Malgré la maladie, une intense production (1842-1849). . . .95 Quatrième partie : Les dernières clartés (1850-1856) . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Chapitre 8 : Soubresauts de la folie (1850-1851) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 Chapitre 9 : La fuite dans l’éternité (1852-1856) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
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Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .165 Bibliographie sélective. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .169 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
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Préface Sylvie Oussenko a besoin de peu de mots pour aller à l’essentiel. C’est l’impression qui se dégage après la lecture de la biographie de Robert Schumann qu’elle vient de nous livrer. En cette préparation du bicentenaire du grand romantique, la plupart d’entre nous craint de ne pas être à la hauteur et d’avoir les idées brumeuses quant à ce qu’il faut savoir de cet homme, réputé fou et génial. La réponse nous arrive ici avec une série de vignettes bien ordonnées, nées d’un esprit qui se montre érudit et caustique sans perdre ses vertus artistiques ni sa simplicité. Nous allons savoir ce qu’il faut savoir !
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Schumann est en effet un sujet dangereux, dont les ambiguïtés sont difficiles à traiter. Rien n’est plus agaçant pour une musicienne que de le voir considéré, à cause de sa maladie, comme un être à la pensée inconsistante. Quelles que soient les raisons de sa maladie – syphilis ou schizophrénie, ou les deux –, le travail sur soi et les œuvres qui en sont issues nous prouvent la force de son esprit se battant contre la folie. Et c’est cette force qui nous reste en cadeau. L’être qui prend la plume et trace des notes, au moment où il le fait, a toute sa tête, selon l’expression populaire. Comment se voyait-il lui-même ? C’est la question qui se pose lorsque l’on parcourt sa vie. Il est célèbre aujourd’hui auprès du grand public par ses Lieder et son œuvre pour piano. Serait-il aussi apprécié s’il n’avait laissé que les grandes pièces à forme sonate, où sa pensée musicale est un peu moins attrayante ? Pourtant, sa femme, grande pianiste, trou-
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vait qu’il s’exprimait mieux à l’orchestre qu’au piano. Certes, l’inspiration ne lui arrivait pas sous forme de grandes phrases belliniennes avec un petit quelque chose harmonique en dessous, les phrases schumanniennes, au contraire, se chevauchent et se contredisent. Il est logique alors de penser que l’orchestre ou, au moins, la musique de chambre lui conviendrait mieux. Chose curieuse, le piano de Schumann, au lieu de s’empêtrer dans un trop plein d’inventivité, renvoie à toutes ces voix qui sont en nous, à ces rêves où nous jouons tous les rôles, et il serait bêtement matériel de confier cette nécessaire intimité à des instruments aux timbres bien différenciés. Schumann lui-même en était-il totalement conscient ?
Schumann
Il est absolument interdit de ne pas le penser comme supérieurement intelligent. Il n’aurait sûrement pas eu la force de composer ni de lutter contre l’adversité si son cerveau n’avait fonctionné comme celui de personne. C’est à son corps défendant qu’il a pu subir des fantasmes le poussant vers la sentimentalité – je pense à la poésie d’Elisabeth Kulmann… C’est avec sa tête qu’il a aimé la remarquable musicienne qu’était Clara Wieck, sa femme. Il est un homme de littérature autant que de musique, il est la preuve vivante que la musique ne renvoie pas qu’à elle-même, mais qu’elle est le signe d’une pensée très complexe.
Ce travail de journaliste et d’éditeur nous amène au tandem qu’il formait avec Felix Mendelssohn Bartholdy, personnage essentiel pour les Schumann. La communauté de pensée entre Robert Schumann et Felix Mendelssohn Bartholdy est plus profonde que ce que l’on imagine souvent. Les deux compositeurs avaient une idée haute et réformatrice de la musique. Ce n’était pas pour eux un divertissement, mais une partie intégrante de la morale et de la religion. Certes, Mendelssohn avait davantage les mains sur les manettes : il dirigeait et structurait l’orchestre du Gewandhaus, il fondait le conservatoire de Leipzig,
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Il le savait assez pour s’en faire une arme : quand il se vit en 1840 taxé d’ivrognerie par Friedrich Wieck qui cherchait tous les arguments pour empêcher son mariage avec sa fille Clara, Schumann alla demander un doctorat à l’université de Iéna, qui le lui accorda, sans thèse ni soutenance, en reconnaissance de ses travaux de compositeur, d’écrivain et de journaliste. Ce fut bref : Schumann envoya sa demande le 17 février 1840 et il reçut le diplôme le 28 du même mois…
il voyait son métier comme un sacerdoce et se comprenait, de façon archaïsante, comme un musicien d’église. À côté de lui, Schumann pouvait passer pour un individualiste, mais il n’en était rien. Son tempérament – et sa maladie – pouvaient le faire paraître plus réservé, mais lorsqu’il faisait marcher les Davidsbündler contre les philistins, c’était bien d’une victoire de l’esprit contre la bêtise, et de l’imagination contre la convention qu’il s’agissait1.
Pré fa ce
On ne regardera jamais avec trop d’intérêt le parallèle des deux duos Schumann/Mendelssohn à Leipzig et Meyerbeer/Heine à Paris. Dans les deux cas, deux compositeurs renommés, Mendelssohn et Meyerbeer, étaient assistés par deux plumes journalistiques, Schumann et Heine. Schumann aurait aussi bien pu continuer à développer ses dons d’écrivain, comme E.T.A. Hoffmann… Ces deux duos avaient des points communs et des divergences : Meyerbeer et son cadet de dix-huit ans, Mendelssohn, étaient tous deux berlinois et riches. Mais Mendelssohn, converti dans son enfance, devait prouver son désintéressement par une conduite d’une moralité irréprochable. Il n’achetait donc pas les services de la presse. Heine finira par se brouiller avec le richissime Meyerbeer pour qui l’argent n’était qu’un moyen. Mendelssohn, lui, avait été élevé dans un milieu où l’argent devait se faire oublier et où seul l’idéal avait droit de cité. C’est dans ce monde idéal qu’il rencontra et se lia d’amitié avec Robert Schumann. Ces deux musiciens se détournaient de tout ce qui était lié à la mode, à la mondanité, à la futilité. Que l’on pense à leur passion commune pour Jean-Sébastien Bach ou à la grande Symphonie en do de Schubert dont Mendelssohn fit la découverte et la création grâce à Schumann. C’est leur amour pour l’art dans sa pérennité qui les guidait, avec la conscience d’emmener leurs concitoyens dans la voie du beau. De là tous leurs soucis avec l’opéra et sa brillance passagère.
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Ce n’était pas faute d’aimer les textes, surtout dans le cas de Schumann. Il ne pouvait en être autrement, il était né au milieu des livres dans sa belle ville de Zwickau. Son rapport avec Heine n’était fait que de poésie.
1. On distinguera le peuple des Philistins, contre lequel combattit David, d’après la Bible, des philistins, dénomination donnée par les étudiants allemands à partir de 1830 aux bourgeois dépourvus de goût et d’ouverture d’esprit.
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Les Lieder qu’il écrivit sur ses textes sont plus que des chefs-d’œuvre, ils sont un monde en eux-mêmes, une échappatoire sans laquelle beaucoup d’entre nous ne sauraient vivre. Ils disent tout ce que la musique sait dire d’émotion et de fougue, mais aussi tout ce qu’elle ne sait pas toujours dire d’ironie, d’amertume et de réconciliation à travers le texte même. Heine n’était pas son seul poète. Quand on feuillette les Lieder de Schumann, on s’aperçoit de sa grande curiosité intellectuelle. Il aimait les poètes allemands, certes, Eichendorff, Chamisso, Kerner… mais il se conduisait en Européen et allait chercher un peu loin de chez lui : Andersen, Burns, et les textes espagnols transcrits par Geibel. On l’imagine chez lui, recevant tous les livres publiés à la ronde et passant autant de temps à lire qu’à écrire, que ce soit des paroles ou de la musique.
Les Schumann n’étaient pas loin de penser comme la plupart des bourgeois de l’époque, qu’une vie vagabonde ne seyait ni à une femme ni à une famille. La combinaison de Fanny Hensel, qui nous semble aujourd’hui frustrante, devait leur paraître tout à fait enviable. Si Clara voyageait, et avec son mari, c’était pour subvenir à leurs besoins. Mais Robert détestait jouer les seconds couteaux derrière sa femme, et il est vrai qu’il est difficile de bien travailler en voyage. La tournée en Russie en 1844 l’avait beaucoup fait souffrir. C’est pourquoi les Schumann se seraient probablement arrêtés à Berlin si la mort n’avait pas brutalement frappé Fanny Hensel au milieu d’une répétition d’un de ses concerts du dimanche, le 14 mai 1847. Six mois plus tard, Felix disparaissait égale-
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Schumann
Hélas, même dans le monde de l’idéal, il faut nourrir sa famille. Où habitent les Davidsbündler quand ils souhaitent concilier les impératifs de l’art et de l’estomac ? Non seulement Felix Mendelssohn Bartholdy savait manifester son amitié, mais sa sœur aînée Fanny Hensel avait attiré le couple Schumann à Berlin. Fanny Hensel avait su se créer un monde musical dans son salon berlinois à la frontière entre les mondes public et privé. En tant que femme, il n’était pas bon qu’elle consacrât son temps à tout l’aspect extérieur de la musique : les publications, les voyages… Mais son talent de musicienne était tel que les plus grands professionnels, dont Clara Schumann, venait jouer chez elle dans les concerts qu’elle organisait de façon privée, mais où têtes couronnées, lettrés et savants se précipitaient.
ment. Les Mendelssohn étaient sûrement pour Robert Schumann une source d’équilibre dont la disparition hâtait le cours dramatique de sa vie. Et à propos de Clara Schumann, justement, Sylvie Oussenko a l’intelligence de ne pas donner d’opinion là où on ne sait rien… Que s’est-il passé avec Brahms ? Vous n’y étiez pas, nous non plus. Bien sûr, nous voudrions bien savoir, non pas par curiosité, mais plutôt par affection… Que savait Schumann ? L’évocation de la fin de sa vie est très douloureuse. Je n’arrive pas à comprendre comment Clara a pu ne pas le voir pendant ses deux ans d’internement. En cela aussi, j’approuve un livre qui donne les informations sans juger.
Pré fa ce
Il est cependant également interdit de penser à un Schumann diminué intellectuellement avant les toutes dernières années. Il faut se souvenir d’une indication musicale qu’il aimait beaucoup : „Mit Humor“. Ce qui peut se comprendre de plus d’une façon : quelle humeur ? Quel personnage ambigu ! Est-il sombre, est-il jovial ? Bien sûr, Eusebius et Florestan. Florestan aime bien boire, ou est-ce Eusebius ? L’humour est-il de la bonne humeur ? Une chose est sûre : l’Humor est plein de vie. Et c’est ainsi qu’il faut faire revivre ce compositeur à qui tout musicien est attaché comme à ce qu’il a de plus sensible et de plus humain. La vie, l’intelligence, la sensibilité. Schumann n’est pas dans la tristesse, il se trouve dans les bulles de ce champagne qu’il aimait tant et que nous déboucherons en son honneur au début de l’année où nous allons plus que jamais le fêter !
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Françoise Tillard
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Introduction Les jumeaux du romantisme musical sont deux brillants jeunes gens, éternellement jeunes car la vieillesse n’en a pas voulu. Ils sont morts avant d’atteindre l’âge de la sagesse. On dit que ceux qui meurent jeunes sont « aimés des dieux » qui ne peuvent se passer d’eux et les appellent trop rapidement à l’éternité. Ces jumeaux, ce sont Frédéric Chopin et Robert Schumann, tous deux nés en 1810, tous deux voués à une fin douloureuse : l’un est emporté par la phtisie à 39 ans ; l’autre, écrasé par la folie, s’éteint à 46 ans. Ces deux hommes s’appréciaient. Si Chopin a, dans son acte créateur, privilégié le piano, Schumann a abordé tous les genres : musique de chambre, pièces orchestrales, Lieder, opéra… Tous deux se sont nourris de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), de Josef Haydn, de Wolfgang Amadeus Mozart, de Ludwig van Beethoven, de Franz Schubert.
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En revanche, un point important marque leur différence : Chopin a très peu écrit sur la musique, sa correspondance est mince, tandis que Schumann est un auteur, semblable en cela à Berlioz, à Wagner, à Debussy. Comme eux, Schumann fut aussi un grand lecteur, né dans un siècle où la littérature est en effervescence dans les pays germaniques, en France et en Angleterre : à l’Aufklärung a succédé le Sturm und Drang, courant qui donne naissance au romantisme, tissé de la magie du rêve, de l’abolition des frontières entre le visible et l’invisible, fondé sur le merveilleux.
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C’est cette Phantasie qui apparaît déjà au premier tableau de La Flûte enchantée, de Mozart, notion germanique, qui doit tout d’une part à l’imagination et d’autre part à une certaine façon d’interpréter le monde sensible, de communier avec la nature. Robert Schumann écrit dans son Album pour la jeunesse : « Rien de grand sans enthousiasme ! », c’est dire que la création ne peut s’imaginer ailleurs que sur les genoux des dieux, pour rendre au mot enthousiasme son sens premier, celui de la possession par le dieu, origine de l’inspiration.
Schumann
Qu’est-ce que l’inspiration si l’on n’en admet pas le mystère ? Un fait que l’on constate de nos yeux de chair mais qui demeure cependant rétif à toute explication. C’est le propre de l’art, la prédestination de l’artiste, que de naviguer entre deux mondes : l’immédiat et le médiat, le déterminé et l’indéterminé, le tangible et l’intangible. Noli me tangere, dit le Christ ressuscité à Marie de Magdala ; « Ne me touchez pas », dit Mélisande à Golaud dans la pièce de Maeterlinck (1862-1949), Pelléas et Mélisande, qui deviendra l’unique opéra de Claude Debussy (1862-1918). On ne peut toucher ce qui vient d’ailleurs, de même qu’on ne peut toucher la personne royale : le protocole rejoint le symbole et le symbole appartient à l’imaginaire, à ce qui anime le plus profondément le psychisme humain et lui confère une valeur universelle.
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Cet univers du merveilleux, aux lignes floues, servi par une technique d’expression parfaitement maîtrisée, tant en littérature qu’en musique, est celui de Robert Schumann (1810-1856) ; il effectua tous les rites de passage jusqu’à sa tentative de communion avec le fleuve sacré du monde germanique, le Rhin, qui le rendit au monde des vivants afin qu’il consommât sa destinée entre les anges et les démons de la folie. Un auteur français, André Fraigneau (1905-1991), tenta le même plongeon initiatique : la mansuétude du Vater Rhein (notre père, le Rhin) le rendit à ses rives afin qu’il pût accomplir son œuvre. Mais, pour Schumann, ce suicide manqué annonce la fin de l’homme et l’assoupissement de la création. Cette création avait pourtant longtemps tenu la pathologie en respect…
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Tableau de l’Allemagne littéraire (1750-1850) : de l’Aufklärung au romantisme allemand Le XVIIIe siècle, en France et dans les pays germaniques, connaît une succession de courants qui s’entremêlent. Il est impossible de définir avec précision quand ils apparaissent puis s’effilochent jusqu’à se fondre dans les brouillards du passé. Nous mettrons l’accent plus précisément sur le monde germanique, autour de notre sujet : la présentation de Robert Schumann (1810-1856), compositeur allemand et emblème du romantisme. ■
L’Aufklärung germanique
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I nt ro d uc t io n
Ce courant est comparable au Siècle des Lumières français, mais il se fonde sur deux ouvrages du philosophe allemand Gottfried Wilhelm von Leibnitz (1646-1716) : la Théodicée (1710) et la Monadologie (1714). Il y exprime une vision optimiste de l’univers qui sera raillée par Voltaire, pourtant représentant des Lumières françaises, particulièrement dans Candide (1759). À la même époque, l’aïeul du compositeur Félix Mendelssohn, le philosophe Moses Mendelssohn (1729-1786), prône la tolérance et la séparation du religieux et du politique, avec le mouvement de la Haskala, équivalent pour le judaïsme de l’Aufklärung. Gotthold Ephraïm Lessing (1729-1781) prêche la tolérance et le cosmopolitisme. L’ultime grand représentant de ce courant est le philosophe Emmanuel Kant (1724-1804) : « L’Aufklärung, c’est la sortie de l’homme de la tutelle dont il est lui-même responsable », écrit-il en 1784 dans son manifeste Qu’est-ce que les Lumières ? Sa Critique de la raison pratique paraît en 1788. Au théocentrisme des siècles précédents succède l’anthropocentrisme.
Le Sturm und Drang
Cependant, au milieu du XVIIIe siècle, un nouveau courant se fait jour qui prendra le nom de Sturm und Drang (tempêtes et impétueux désirs), en réaction à l’Aufklärung initiée par Leibnitz. Ce terme est emprunté au titre de la pièce (1776) de Friedrich Maximilian Klinger (1752-1831), dans laquelle s’exacerbent les passions. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) et surtout William Shakespeare (1564-1616) qui a tout présenté des passions
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humaines, des plus viles aux plus sublimes, sont les inspirateurs de ces auteurs qui secouent le joug de la génération qui les précède de peu, à tel point que parfois ils en sont contemporains. Ce sont Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), Friedrich von Schiller (1759-1805), Jakob Michael Reinhold Lenz (1751-1792), Johann Georg Hamann (1730-1788) qui surnommait Frédéric II de Prusse « le petit philosophe de Grand-Souci », ou encore Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803). Tous rejettent l’anthropocentrisme pour montrer la solitude de l’homme en proie à ses passions, à la violence de ses sentiments, et qui cependant demeure fidèle à lui-même et n’accepte aucun compromis. ■
Le romantisme
Le romantisme allemand se divise en trois périodes.
Schumann
³ le Frühromantik (premier romantisme), avec le Cercle de Iéna et les Berlinois (Novalis, Ludwig Tieck, August Wilhelm (1767-1845) et Friedrich (1772-1829) Schlegel, E. T. A. Hoffmann, Adalbert von Chamisso (1781-1838)…) dans la ligne de Johann Gottlieb Fichte (1762-1814), philosophe qui tente d’établir le rapport entre la conscience et le monde et d’éclaircir le concept d’intersubjectivité. Mentionnons tout spécialement Jean-Paul Richter. Cette période est contemporaine de la Révolution française. ³ le Hochromantik (romantisme triomphant), à partir de 1804, avec l’École de Heidelberg (Clemens Brentano, Joseph von Eichendorff (1788-1857), Achim (1781-1831) et Bettina von Arnim (1785-1859), Jacob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859) Grimm…). C’est, en France, l’époque du Premier Empire. ³ le Spätromantik (romantisme tardif) dont on peut fixer la durée de 1815, date de la chute de Napoléon, à 1848, année de toutes les révolutions ! Citons, entre autres, Eduard Friedrich Möricke (1804-1875) et Heinrich Heine (1797-1856).
Nous retrouverons les auteurs romantiques tout au long de la vie de Schumann : il mettra en musique leurs poèmes. Lieder, œuvres chorales,
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La Nature est au centre de ces sensibilités. L’homme est un élément de cette nature divinisée qui ouvre l’univers du fantastique, celui des choses qui sont derrière les choses.
un unique opéra, Genoveva (d’après Tieck et Hebbel), et des drames lyriques trop peu donnés, les Scènes de Faust (d’après Goethe) et Manfred (d’après George Gordon Byron), confèreront à des textes si riches en eux-mêmes cette dimension universelle de la musique qui transcende les barrières du langage. Un mot sur le courant romantique européen : l’Angleterre suivra de peu l’Allemagne (retenons l’œuvre de Byron à laquelle appartient Manfred), mais il faudra attendre le XIXe siècle pour voir fleurir ce courant en France, en Italie et en Espagne NB : toutes les traductions sont revues par l’auteur.
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I nt ro d uc t io n 21
Première partie
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Les années d’apprentissage (1810-1830)
Chapitre 1
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Enfance et influences (1810-1828)
C ha p it re 1. Enfa nce e t infl ue n ce s ( 18 1 0- 1 828 )
« On n’a jamais fini d’apprendre. » Schumann, Album pour la jeunesse (1846-1849)
Le fils d’un libraire
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Robert Schumann est le benjamin d’une couvée de cinq enfants, une fille et quatre garçons. Son père, Friedrich August Schumann, avait été employé dans une librairie pour pouvoir s’adonner impunément à la lecture et ainsi acquérir une vaste culture. Il devient libraire lui-même, à Zwickau, petite ville saxonne. Il est passionné par la traduction des romantiques anglais, particulièrement Byron et Walter Scott (1771-1832) et par l’écriture en général : il passe plus de temps à son bureau, le nez dans ses livres, la plume à la main, que dans sa librairie, connue pour son grand choix d’ouvrages. La mère de Schumann, Johanna Christina Schnabel, est la fille d’un chirurgien. Elle a épousé Friedrich August en 1795. Elle demeure en retrait de la passion littéraire de son mari dont héritera Robert. Ce dernier est attiré dès son plus jeune âge par la musique : son père l’emmène voir et entendre (rappelons que, le disque n’existant pas, seul le concert permettait alors de connaître les œuvres) le célèbre Moscheles à Carlsbad quand Robert a neuf ans, ainsi que La Flûte enchantée de Mozart à Leipzig.
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I GNAZ M OSCHELES (1794-1870) Ce pianiste et compositeur de nationalité tchèque étudie au conservatoire de Prague jusqu’en 1808, puis il gagne Vienne où il se perfectionne avec Albrechtberger et Salieri jusqu’en 1816. L’illustre Beethoven lui confie la réalisation de la réduction chant-piano de son opéra Fidelio. Organisateur de concerts à Londres de 1821 à 1843, Moscheles invite Mendelssohn avec lequel il entretient une vive amitié, Liszt, Chopin… En collaboration avec le belge François-Joseph Fétis (1784-1871), il publie une Méthode des méthodes des pianistes.
W OLFGANG A MADEUS M OZART (1756-1791)
Schumann
Ce compositeur allemand fut un enfant prodige adulé, avant de devenir un créateur bafoué. Son œuvre est immense, mais c’est avec l’opéra qu’il fait prendre un tournant à la musique. Il innove avec les grands ensembles concertants de ses trois opéras « italiens », Les Noces de Figaro, Don Giovanni, Cosi fan tutte. La création mozartienne signe la fin d’un monde à l’italianisme triomphant pour ouvrir la voie à l’opéra romantique allemand avec La Flûte enchantée. Il meurt avant d’avoir achevé la commande qui lui avait été passée d’un Requiem. Son corps est jeté dans une fosse commune et ne sera jamais identifié.
La découverte de la musique
Le jeune Robert s’essaie bientôt à la composition en mettant en musique le psaume 150, Louez l’Éternel…. Le goût pour les lettres ne l’abandonne pas pour autant : il lit avec ferveur Byron, Goethe, Schiller et surtout l’auteur le plus proche de lui, Jean-Paul Richter, qui adopte pour nom de plume, à l’image de Jean-Jacques Rousseau, son seul prénom, Jean-Paul.
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De ce jour, le jeune garçon donne à la musique une place aussi importante que celle qu’il accordait jusqu’alors à la littérature. À dix ans, il entre au « Lyceum » ; à douze ans, avec des camarades, il constitue un modeste orchestre, instruit dans l’art musical par l’organiste Kuntsch. Il manifeste des facilités étonnantes au piano : il excelle dans les pastiches, les portraits satiriques qu’il brosse sur son clavier. Il frappe par sa vivacité imaginative et un sens aigu de l’humour : cela le rapproche de Chopin dont la drôlerie égayait l’entourage.
J OHANN P AUL F RIEDRICH R ICHTER (1763-1825),
DIT
J EAN -P AUL
C ha p it re 1. Enfa nce e t infl ue n ce s ( 18 1 0- 1 828 )
Né dans une famille de musiciens et fils de pasteur, Jean-Paul vit plongé dans les livres pour s’évader des rigueurs infligées par l’enseignement traditionnel. En 1781, il s’inscrit à la faculté de théologie de Leipzig. Il souffre de sa pauvreté. Il publie des satires qui ne connaissent aucun succès, le public étant absorbé par Les Souffrances du jeune Werther (1774) de Goethe, un court roman épistolaire qui fascine une génération et engendre une vague de suicides. Jean-Paul fréquente, à Weimar, Goethe et Schiller. En 1804, il épouse la fille d’un conseiller au tribunal de Berlin, Caroline Mayer ; il voyage et laisse de cette époque un roman inachevé, Titan (1801-1804). En 1804, il expose une théorie de l’esthétique qui donne à la pédagogie allemande un souffle nouveau. Son influence s’exerce surtout en l’Allemagne. Il demeure l’auteur romantique allemand par excellence.
En 1825, Friedrich August Schumann tente une démarche auprès de Carl Maria von Weber pour lui confier Robert. Les dons du jeune homme n’ont pas échappé à l’esprit sensible de son père. Mais Weber refuse, ce qui provoque chez le jeune musicien une immense déception qui se répercutera sur son psychisme, fragile déjà. C ARL M ARIA
VON
W EBER (1786-1826)
Ce compositeur essentiel, cousin germain par alliance de Mozart, naquit dans une famille de musiciens et deviendra le créateur de l’opéra romantique allemand avec la présentation, à Berlin en 1821, de son opéra Der Freischütz2. Pianiste virtuose, il fut aussi directeur d’opéra. Son œuvre littéraire est importante : critiques, lettres et divers essais ainsi que l’ébauche d’une autobiographie.
Premiers deuils et premiers émois
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Schumann se nourrit de littérature ; il lit non seulement les romantiques allemands et anglais, mais aussi les auteurs anciens. Son bagage littéraire est immense. Mais celui que sa mère surnomme Lichter Punkt (coin de clarté) est confronté à un terrible deuil : sa sœur Émilie se suicide
2. Voir L’Opéra tout simplement du même auteur.
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en 1826. Alors que la mort de Byron et la folie de Hölderlin, réelles mais portées par la délectation morose propre à l’esprit du temps, exaltaient le jeune Schumann, il ressent cette fois les effets d’une mort violente dans sa vie immédiate. Son art de l’improvisation au piano l’aide à surmonter sa douleur, cependant ranimée par la mort de son père en cette même année.
Schumann
En 1827, Schumann s’enthousiasme pour deux jeunes filles de Zwickau, Liddy Hempel – qui ruinera son crédit en médisant du cher Jean-Paul –, et Nanni Patsch. Puis il est séduit par Agnes Carus, la femme d’un médecin, érudite et musicienne : elle chante les Lieder de Schubert et apprécie Jean-Paul. Schumann avouera plus tard à Clara Wieck, devenue sa femme, qu’il avait aimée Agnes, car elle représentait alors son « idéal féminin ». Doté d’une vive sensibilité, le jeune Schumann semble alors chercher un sujet de vénération pour mieux y fixer ses sentiments. Inspiré par cette passion platonique, il écrit, entre 1827 et 1829, plusieurs Lieder. Lied(er) voir Glossaire
Schumann avait obtenu, en 1828, son diplôme de fin d’études. Il prétend maintenant se montrer tel qu’il est alors que sa mère décide de lui faire poursuivre des études de droit à Leipzig. Discipliné, il s’inscrit à l’université et part pour la Bavière afin de rencontrer la veuve de Jean-Paul dans sa maison de Bayreuth (qui n’est pas encore le sanctuaire d’un Wagner alors âgé de quinze ans). De passage à Augsbourg, Schumann s’éprend d’une Clara von Kurrer. À Munich, il rencontre Heinrich Heine, poète déjà célèbre, dont les propos corrosifs le déroute. Combien de fois pourtant Schumann le mettra-t-il en musique !
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De retour à Leipzig, Schumann déteste en bloc le droit et le milieu étudiant brutal et tapageur. Où sont la paisible Zwickau et la nature environnante ? Cependant, c’est à Leipzig qu’il rencontre le grand professeur de piano Friedrich Wieck flanqué de sa fille, la petite Clara, née en 1819 (elle mourra en 1896), déjà virtuose, enfant prodige formée par son père.
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F RIEDRICH W IECK (1785-1873)
C ha p it re 1. Enfa nce e t infl ue n ce s ( 18 1 0- 1 828 )
D’origine pauvre, il s’éprend de la musique sans cependant avoir le don de la création. Il se forme presque seul, avec un courage et une opiniâtreté peu courants. Il s’impose alors comme pédagogue et devient le professeur d’une des plus célèbres pianistes de tous les temps, sa propre fille, Clara. Il sera, entre autres, le professeur du brillant chef d’orchestre Hans von Bülow (1830-1894). Professeur aussi de Schumann qui l’avait rencontré dans le salon des Carus, il devint son pire ennemi lorsque Clara et Robert s’éprirent l’un de l’autre. Wieck était d’un caractère difficile et concevait la pédagogie sur le mode despotique. Il avait fait de Clara, musicienne née dont la souplesse s’était accommodée de la réelle valeur de son père, le modèle de la méthode d’enseignement qu’il avait mise au point.
Dans cette ville rôde aussi le fantôme de Jean-Sébastien Bach autour de l’église Saint-Thomas, dont Bach était le cantor. Agnes Carus, dont le mari enseigne à la faculté de médecine, tient un salon, fréquenté par les Wieck, père et fille. De nombreux concerts sont donnés au Gewandhaus. Schumann compose onze Lieder en 1827 et des polonaises pour piano à quatre mains, en 1828.
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Polonaise voir Glossaire
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Chapitre 2
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Le choix d’une carrière musicale (1829-1830)
Cha p it re 2. L e c hoix d ’ une ca r r iè re m u sicale (1 829 - 18 3 0)
« L’art doit être mon seul but. » Lettre de Schumann à sa mère, 30 juillet 1830
L’élève de Friedrich Wieck Après avoir entendu, dans le salon d’Agnes Carus, la petite Clara déjà en possession d’une sûre maîtrise du piano, Schumann demande à son père, le célèbre professeur de piano Friedrich Wieck, de l’accepter pour élève. Il venait de se mettre avec le plus grand sérieux à l’étude du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach dont l’esprit rayonnait dans sa sensibilité de jeune musicien. L E C LAVIER
BIEN TEMPÉRÉ
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Cette œuvre de Bach se présente en deux cahiers qui offrent 48 préludes et 48 fugues. Bach note en exergue de son premier recueil : « Le Clavier bien tempéré présente des préludes et des fugues dans tous les tons et demi-tons […]. Pour la pratique et le profit des jeunes musiciens désireux de s’instruire et pour la jouissance de ceux qui sont déjà rompus à cet art. » La finalité de telles pièces est à la fois théorique et didactique. Si l’œuvre de Bach était oubliée à cette époque, les deux recueils du Clavier bien tempéré étaient toujours pratiqués à des fins essentiellement pédagogiques.
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Le séjour à Heidelberg Schumann prend ses premières leçons avec Wieck, mais ne peut plus supporter les étudiants de Leipzig. Il prend la décision de s’inscrire à l’université de Heidelberg. De plus, l’enseignement rigoureux de Wieck lui pèse rapidement, bien qu’il en reconnaisse les vertus. Heidelberg semble l’appeler par la voix de son ami Rosen et par l’attrait que présente pour lui l’enseignement de deux grands professeurs, Thibaud et Mittermayer. Heidelberg se situe dans un cadre de verdure : la nature est toute proche. La vie y est paisible et raffinée. Schumann quitte Leipzig.
La découverte du Rhin
Schumann
Il entreprend le voyage pour Heidelberg à pied et découvre, sur sa route, la ville qui a vu naître Goethe, Francfort, baignée par le Main. Le poème de Goethe, Ariane à Naxos, le fascine : « […] elle jouit du dieu (Dionysos) avant même de s’être rendue à la fuite de son infidèle amant (Thésée)… ». Schumann pousse jusqu’à Coblence pour ne pas quitter un voyageur rencontré en chemin : c’est alors la confrontation avec le fleuve mythique, le Rhin, qu’il suit jusqu’à Mayence. Schumann écrit sur les rives du fleuve : « La lune d’argent brillait toujours et le flot errant du Rhin ferma tout doucement les paupières du voyageur qui s’assoupit. »
3. cité par Françoise Mallet-Joris, « L’Artiste romantique », in : Schumann, voir page 170.
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Schumann prend ensuite la chaise de poste où il bavarde avec un personnage de l’administration prussienne et un danseur ivre, puis recueille le récit de la bataille de Waterloo d’un militaire hollandais… S’il fait beau, il se met à la place du cocher et conduit l’attelage. De Mannheim, il repart à pied pour découvrir Heidelberg. Il y apprend l’italien et profite de l’été pour aller en l’Italie, passant par la Suisse ; il longe le lac Majeur et se rend à Milan. Il y entend la prodigieuse cantatrice Giuditta Pasta qui lui donne « le sentiment que Dieu était devant [lui] ».3
G IUDITTA P ASTA ,
NÉE
N EGRI (1797-1865)
Cha p it re 2. L e c hoix d ’ une ca r r iè re m u sicale (1 829 - 18 3 0)
Cette cantatrice italienne débute en 1815, à Milan, au théâtre des Filodrammatici. Elle s’impose immédiatement, plus par son tempérament et ses dons scéniques que par sa voix qui semble avoir été inégale et peu encline à respecter la justesse. Sa carrière est courte car elle connaît des difficultés vocales irréversibles dès 1833, ce qui l’amène à se retirer de la scène. Le comédien français Talma (1786-1826), admiré par Napoléon Ier, disait d’elle : « Ce qui m’aurait demandé un an d’étude, elle l’improvise, elle le devine. » Stendhal (1783-1842) lui consacre des pages dans sa Vie de Rossini (1824).
Des études de droit sans enthousiasme De retour à Heidelberg, Schumann reprend l’étude du droit et noue une relation privilégiée avec son professeur Anton Friedrich Thibaud, musicien contrarié dans sa vocation. Il est encore imprégné d’une Italie plus rêvée que réelle, pays de la musique et de la poésie. Schumann compose un Quatuor avec piano en ut mineur.
L’appel de l’art Le concert de Mannheim Schumann tente de s’intéresser à des études qui lui ménageraient un avenir matériel assuré, mais il préfère profiter de toutes les occasions pour participer à des rencontres musicales au cours desquelles il se met au piano et révèle son talent. Il joue chez Thibaud et même, à Mannheim, chez la grande-duchesse Stéphanie de Bade, curieuse d’entendre ce jeune homme dont on commence à parler. Il écrit à son frère Julius :
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« On m’a baptisé (à Heidelberg) le favori du public. Le point de départ de cette popularité fut, bien entendu, un concert où j’ai joué les Variations Alexandre de Moscheles. Les bravos et les bis n’en finissaient pas. »
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Il ne sait pas encore que ce concert de Mannheim sera le seul qu’il donnera en tant que pianiste de toute sa vie. Il révèle à Friedrich Wieck : « Il y a des moments où la musique me possède tout entier, où seuls existent pour moi les sons : j’en arrive alors à l’impossibilité d’écrire quoi que ce soit. En France, 1830
Schumann
Cette année-là voit la chute définitive de la branche aînée des Bourbons avec la révolution de Juillet : Louis-Philippe d’Orléans, fils du régicide Philippe-Égalité, monte sur le trône en se proclamant « roi des Français ». Au même moment, Alger tombe aux mains des Français, commandés par le général Bourmont (1773-1846), intriguant et opportuniste, mal aimé du pouvoir qui est opposé à cette conquête : ce personnage peu recommandable avait imaginé ce stratagème pour retrouver une crédibilité morale et politique. Ce gigantesque coup de dés le conduisit à une victoire qui enrichit la France pour plus d’un siècle ; elle dût cependant abandonner l’Algérie en 1962, après une guerre de huit ans dont les séquelles ne sont pas encore effacées. En littérature, c’est l’effervescence avec la création d’Hernani de Victor Hugo (1802-1885), au Théâtre français, tandis qu’en musique, Hector Berlioz (1803-1869) donne sa Symphonie fantastique qui bouleverse Franz Liszt mais déroute le public. Schumann écrira des pages enthousiastes inoubliables sur cette œuvre majeure de l’histoire de la musique (voir page 156).
Le jour de Pâques, Schumann assiste à un concert du virtuose italien, Niccolo Paganini. N ICCOLO P AGANINI (1782-1840)
Paganini rencontre Berlioz en Italie en 1833 et lui commande un concerto pour alto qui deviendra Harold en Italie. Il ne joua jamais l’œuvre mais fit un don important à un Berlioz au bord de la misère.
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Ce violoniste, altiste, guitariste et compositeur italien fut d’abord l’élève de son père avant de devenir un virtuose dont la notoriété ne s’est pas éteinte. Il mena sa carrière sans jamais oublier le sens des affaires. Ses Vingt-Quatre Caprices sont toujours appréciés des violonistes qui en tirent de grands succès.
Devenir musicien Schumann est impressionné par ce prodigieux interprète comme il l’avait été enfant par Moscheles. Il prend la résolution de devenir musicien et, le 30 juillet, écrit à sa mère une lettre décisive, respectueuse, mais dont le ton est cependant vif. En voici un extrait :
Cha p it re 2. L e c hoix d ’ une ca r r iè re m u sicale (1 829 - 18 3 0)
« Ma vie a été une lutte de vingt ans entre la poésie et la prose, ou, si tu veux, entre la musique et le droit. […] À Leipzig, j’ai rêvé et flâné, j’ai vécu sans règle et je n’ai pu, pour dire la vérité, atteindre à quoi que ce soit de valable. Ici, j’ai travaillé davantage, mais je me suis, comme à Leipzig, irrémédiablement senti appelé par l’art. Je suis à un carrefour, maintenant. Si je me pose la question de savoir vers quoi me tourner, cela me fait peur. Si je puis suivre mon génie, il me guidera vers l’art, donc sur le bon chemin. Cependant – ne m’en veuille pas, car je te dis cela avec un sentiment tendre – il m’est toujours apparu que tu te mettais en travers de ma route. » Christina Schumann est effondrée lorsqu’elle lit ces lignes si déterminées. Après s’être ressaisie, elle décide de demander conseil à Wieck. Wieck lui répond : « Je prends la responsabilité de monsieur votre fils, lequel, grâce à son talent et à sa personnalité, deviendra d’ici trois ans l’un des plus grands pianistes de ce temps, plus inspiré et fougueux que Moscheles, avec une technique plus parfaite que Hummel. »
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Tous les éléments sont réunis pour sceller le destin de Robert Schumann : il rejoint Leipzig en octobre et devient l’élève de Friedrich Wieck, le père de la déjà célèbre pianiste Clara. Le jeune homme avait écrit, au mois d’août précédent, à celui qui deviendra son difficile professeur :
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« Je me donne à l’art, je veux m’y consacrer, je le peux, je le dois. Je renonce à une discipline trop rébarbative pour moi. Je suis effrayé quand je mesure la longue route qui me sépare encore du but que je veux atteindre. Mais croyez-le, j’ai pris ma décision et tout m’y encourage. Je suis armé de force, de patience, de foi, d’élan pour ce travail. J’ai mis en vous toute ma confiance et je m’abandonne entre vos mains. » Schumann s’installe alors chez Wieck. Il travaille sans relâche avec une énergie folle qui le mène à des crises de désespoir ; il craint de « perdre la raison ». Lorsqu’il émet le désir de travailler avec Hummel, Wieck se met dans une colère terrible.
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Schumann
Seule, la force créatrice tient Schumann debout et il songe à écrire un opéra sur le thème de Hamlet, d’après Shakespeare. Mais il doit pour accomplir une œuvre de compositeur, une œuvre digne d’être publiée, acquérir un savoir théorique qu’il ne possède pas encore. Il compose néanmoins son premier opus, les Variations Abegg.
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Deuxième partie
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L’avènement d’un compositeur (1830-1840)
Chapitre 3
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L’affirmation des principaux thèmes (1830-1834)
Cha p it re 3. L’a ffirma t io n d e s p r inc ip a ux t h èm e s (1 830 - 18 3 4)
« Schumann entre dans “l’arène éditoriale”. » Brigitte François-Sappey, Robert Schumann
Les premières œuvres publiées En 1831, les Variations Abegg opus 1 sont publiées : Schumann est maintenant compositeur à part entière. Il écrit à ce propos à sa mère en septembre : « Je vais devenir sous peu le père d’un enfant très sain, très florissant. Dieu veuille que tu comprennes ces premiers balbutiements de la vie. »
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Les Variations Abegg Cette œuvre expose le thème A-B-E-G, suivi de variations virtuoses. Schumann invente le personnage d’une aristocrate, Pauline von Abegg, inspiratrice fictive de ces pages. En réalité, le titre des Variations fait référence à la manière dont les notes sont désignées en Allemagne : à chacune correspond une lettre de l’alphabet. Ainsi A = la, B = si bémol, E = mi, G = sol. Le nom des variations est donc une sorte de canular savant.
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Variations voir Glossaire
Cette œuvre est brillante et d’une facture que l’on ne retrouvera plus par la suite chez Schumann. Schumann lit avec joie la critique du redoutable Ludwig Rellstab (17991860), parue dans la revue Iris de Berlin, et écrit à sa mère : « Aussi fier que le Doge de Venise quand il épousait la mer, je célèbre pour la première fois mon union avec le vaste monde. »
Schumann
Cette déclaration panthéiste de Robert Schumann montre sa communion avec l’esprit du temps, certainement plus naturaliste que panthéiste. L’exemple de ces noces mystiques de l’Homme avec la Mer révèle la fusion qu’il existe entre les quatre éléments (air, terre, eau et feu) et l’homme (der Mensch). Le romantisme est à l’œuvre : l’homme n’est plus au centre de l’univers et l’idée de Dieu est une sorte de vapeur qui émane de la nature elle-même. « Ce que le poème était pour des hommes comme Novalis, Hölderlin, Brentano ou Tieck, non pas une évasion de soi, mais plutôt un enrichissement, une expansion de soi-même, la musique le fut pour Schumann : le moyen de se multiplier, de s’ouvrir plus largement aux éléments, de les incorporer à lui-même, de s’unir à eux. »4
N OVALIS (1772-1801)
4. Marcel Brion, Schumann et l’âme romantique, voir page 170.
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Novalis est le pseudonyme (du latin novalis, en jachère) de Friedrich Leopold, baron von Hardenberg, écrivain, poète, ingénieur, administrateur et une figure majeure du romantisme allemand. Il étudie la philosophie et le droit, avant d’apprendre le calcul différentiel, la chimie et la géologie. En 1795, il se fiance à Sophie von Kühn, âgée de douze ans ! Elle meurt deux ans plus tard. Ce deuil se mue en expérience mystique et Novalis relate sa vision du 13 mai 1793, à l’origine de son texte justement célèbre, Les Hymnes à la Nuit.
Il meurt de la phtisie. En 1802, ses amis Tieck et Friedrich Schlegel publient ses œuvres.
F RIEDRICH H ÖLDERLIN (1770-1843)
C ha p it re 3. L’a ffirma t io n d e s p r inc ip a ux t h èm e s (1 830 - 18 3 4)
Ce poète lyrique allemand majeur était destiné à devenir pasteur. Dans ce but, il étudie la théologie à Tübingen. Il partage avec ses condisciples Hegel (1770-1831) et Friedrich Schelling (1775-1854) son enthousiasme pour la Révolution française. Il devient précepteur. C’est cet emploi qui lui fera rencontrer, à Francfort, Susette Gontard, femme d’un riche banquier, avec laquelle il vit une grande passion amoureuse à laquelle M. Gontard met fin. Dans ses poèmes, Hölderlin pare Susette du nom de « Diotima », en référence au personnage féminin du Banquet de Platon. Les amants se voient pour la dernière fois en 1800. Hölderlin part pour Bordeaux, revient en Allemagne et apprend la mort de Susette Gontard. C’est à ce moment que sa « folie » se manifeste. Il est interné en 1806, à Tübingen et passe les dernières années de sa vie dans la demeure d’un menuisier, en cette même ville.
C LEMENS B RENTANO (1778-1842) Ce poète et romancier allemand est l’inventeur de la Lorelei, la fatale naïade du Rhin. Il recueille des contes et poésies allemandes traditionnelles qu’il publie sous le titre Le Cor merveilleux de l’enfant (Das Knaben Wunderhorn). Né protestant, il se convertit au catholicisme. Il meurt d’hydropisie, retiré dans une abbaye de Münster.
L UDWIG T IECK (1773-1853)
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Ce poète et écrivain allemand fut aussi éditeur et critique. À la mort de Goethe, il restera le seul représentant du romantisme allemand à son apogée. Il réécrit d’anciens contes souvent puisés dans le fonds médiéval français. Ses thèmes favoris sont l’enfance, le rêve, l’effroi et la « folie ».
Malgré cette reconnaissance, Schumann éprouve des moments de dépression. Mais le travail est le meilleur remède : pour combler ses lacunes théoriques, il demande des leçons de composition musicale
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à Heinrich Dorn qui dirige l’opéra de Leipzig. Schumann reconnaît les bienfaits de cet enseignement, mais est bientôt rebuté par l’aspect trop théorique de son maître : « Pour lui, écrit-il, tout n’est que fugues. » Fugue voir Glossaire
Les Papillons
Schumann
La deuxième œuvre de Schumann est bientôt publiée à son tour : Les Papillons opus 2 sont inspirés par un roman de Jean-Paul intitulé Flegeljahre (L’Âge ingrat). Une introduction annonce douze brèves pièces, rapidement brossées (voir CD offert). Deux personnages soumis au terrible poids de la gémellité, aux natures inverses, Walt, le poète doux et tendre, et Vult, le bouillant musicien, se présentent dans cette œuvre, première révélation de la double nature de Schumann. Il nommera ces deux aspects de sa personnalité, Eusebius (Walt) et Florestan (Vult), ce dernier en hommage au Fidelio de Beethoven. Eusebius et Florestan seront bientôt rejoint par un personnage qui équilibrera ces deux caractères, figure du calme et de la raison, Maître Raro.
Les thèmes centraux Eusebius et Florestan : la figure du double La figure du double habite le romantisme. En France, Alfred de Musset (1810-1857) l’illustre avec son poème La Nuit de décembre : un personnage « vêtu de noir qui me ressemblait comme un frère » revient sans cesse hanter le poète. Bien avant Musset, Goethe se plaignait d’une douloureuse tension intérieure : „Zwei Seelen wohnen, ach ! in meiner Brust“ « Mon cœur, hélas ! abrite deux âmes. » © Groupe Eyrolles
Goethe, Le Premier Faust (1786-1788)
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Il est nécessaire de faire la différence entre le double (ou Doppelgänger) et le sosie (ou ménechme) : le double représente une autre face de soimême imaginée, tandis que le sosie est un personnage en tout point semblable à soi, mais autre.
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En décembre 1831, Schumann signe un article de critique dans l’Allgemeine musikalische Zeitung (gazette musicale) pour y rendre compte de l’opus 2 de Chopin, Variations sur un thème de Mozart : « La ci darem la mano ». Il écrit : « Chapeaux bas, Messieurs ! Un génie ! ». L’article est signé des deux compères qui n’en font qu’un, Eusebius et Florestan. Dotés de caractères différents, l’un davantage tourné vers la rêverie mélancolique, l’autre tout en enthousiasme et spontanéité, ils révèlent à la fois les penchants du compositeur pour le jeu et l’absurde, et la fragilité de son équilibre intérieur. La même année, Friedrich Wieck accompagne sa fille Clara pour une tournée : Schumann souffre et sombre dans une période de dépression bien que l’absence de Wieck ne lui pèse guère, le caractère autoritaire de ce dernier lui déplaisant souverainement.
Imaginaire et fantastique Nous sommes en 1832. Schumann veut arriver à surmonter toutes les difficultés pianistiques ; de plus, il est dans un état dépressif. Il imagine un dispositif pour atteindre à l’indépendance des doigts et monte un système qui immobilise l’un des doigts de sa main droite. Il travaille jusqu’à l’épuisement, si bien que sa main se paralyse. Il court de médecin en médecin, de charlatan en charlatan, sa chambre devient une officine d’apothicaire : rien n’y fait. Il doit renoncer définitivement à une carrière de pianiste virtuose. Il finit par avouer aux siens ce qu’il en est, se résigne et écrit à sa mère en 1834 :
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« Je n’aurais pas été heureux, contraint aux tournées de virtuose ; ce métier n’était pas fait pour moi. » Malgré la parution de ses deux premiers numéros d’opus, malgré le retour des Wieck et la joie que lui donne l’interprétation des Papillons par Clara, il demeure fortement déprimé.
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Clara se rend à Zwickau pour y donner un concert. Les œuvres se succèdent quels que soient les événements : les Études d’après Paganini opus 3 et la Toccata opus 7 sont encore des pièces de grande virtuosité pour le piano. Les Intermezzi opus 4 se présentent comme une suite des Papillons. Schumann emploie pour la première fois le terme de « fantastiques » pour qualifier ces nouvelles œuvres ébouriffées, déjà hoffmaniennes Études voir Glossaire
Schumann
Cette difficile et rugueuse année voit la production du jeune Schumann s’enrichir d’œuvres nombreuses. Une Symphonie en sol mineur est esquissée. Schumann écrit très vite. Toute l’architecture musicale semble déjà conçue dans son esprit et le temps requis pour « composer » est celui de la graphie, le temps de coucher la musique sur le papier : c’était ainsi que procédait Mozart. Schumann retrouve une certaine sérénité et participe à de nombreuses réunions au Kaffeebaum, un établissement où l’on échange des idées largement arrosées de bière. La conversation est animée et maints sujets sont abordés : on y parle d’une revue musicale qui résulterait de la collaboration entre Wieck, Schumann et leurs amis Julius Knorr et Ludwig Schunke. Schumann aborde ainsi heureusement la belle saison ; Clara et lui sont de plus en plus proches. Il lui raconte des histoires et invente pour elle des contes.
Les tumultes de l’acharnement et de la mélancolie
Bientôt, Schumann se retrouve plongé dans les drames : son frère Julius et sa femme Rosalie, que Robert aimait tendrement, meurent coup sur coup ; une épidémie de choléra fait rage en Allemagne. Le jeune homme
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Dès cette époque se manifeste la bipolarité qui suivra Schumann tout au long de sa vie. Le calendrier de ses œuvres renseigne, comme en creux, sur le rythme de ses crises d’angoisse qui l’empêchent de vivre et plus encore de composer.
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est en proie à la phobie de la maladie, à des fièvres dues à des angoisses, à l’accablement dû aux deuils. Dans la nuit du 17 octobre 1833, il sent dans une bouffée délirante la folie s’emparer de lui. Il est tenté par le vide qui se présente sous sa fenêtre, il veut s’y précipiter pour fuir l’horrible spectre de la pathologie mentale. Il change de domicile pour ne plus se trouver à un étage élevé et ne supporte plus la vue des couteaux ou de tout ustensile tranchant. Il écrit à sa mère au mois de novembre : « Sache que je n’ai pas la force de partir seul pour Zwickau. Je suis pris de congestion, d’angoisses indicibles, de suffocations, de courtes pertes de connaissance, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Mais les jours s’écoulent et cela s’espace. Tu ne peux concevoir cet abattement de l’esprit, anéanti par la mélancolie, sinon tu me pardonnerais certainement de ne pas t’avoir écrit. » Robert rejoint pourtant Zwickau pour y passer tout l’hiver, comme un animal apeuré, prostré dans sa bauge. Durant cette année au cours de laquelle se révèlent des signes certains d’une tendance maniaco-dépressive (ou bipolaire, selon le vocabulaire psychiatrique actuel), Robert Schumann continue à produire des œuvres : ³ Impromptus sur une Romance de Clara opus 5, qu’il offre à Friedrich Wieck pour son anniversaire, au mois d’août. Il inaugure, dans cette œuvre, une manière différente de traiter les variations, à partir de la basse, en privilégiant la construction harmonique plutôt que la partie mélodique ; ³ Études d’après Paganini opus 10.
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Impromptu voir Glossaire
Romance voir Glossaire
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La Neue Zeitschrift für Musik (1834)
Schumann
À Paris, Berlioz et Liszt livraient des articles à La Gazette musicale. Le groupe du Kaffeebaum, composé du jeune Schumann qui accomplit ses premiers pas de compositeur, de l’antique pianiste bohème Julius Knorr, du redoutable Wieck, du beau Ludwig Schunke (1810-1834), pianiste et compositeur au bord de la tombe (il mourra dès 1834), et du peintre et musicien Lyser, décident de passer à l’action pour fonder une revue musicale. Ce sera la Neue Zeitschrift für Musik destinée à mener une guerre à outrance aux « philistins », bourgeois bon teint et conservateurs. La rédaction de Die Allgemeine Musikalische Zeitung, journal musical de référence auquel Schumann avait collaboré une fois pour saluer Chopin, avait été choquée de cet enthousiasme pour le jeune Polonais ; les directeurs sont des ignares en musique, imbus de leur plume et forts de la tribune que leur offre leur revue, le type-même de ce que haïssent les musiciens de métier : ces philistins se permettent de juger à l’aune de leur mauvais goût, de leur impossibilité à s’ouvrir à un monde sonore autre que celui des Italiens – que Schumann traite de « canaris ». Mais les philistins sont riches et tout leur appartient. Ils ont balayé d’un revers de main Bach, Beethoven, Schubert et Weber.
La Confrérie de David
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Le groupe décide donc de fonder une nouvelle revue, intitulée Die Neue Zeitschrift für Musik (Nouvelle gazette musicale). Le premier numéro paraît le 3 avril. Les rédacteurs prennent le nom de Davidsbündler (Confrérie de David), certainement en raison du récit biblique de David dansant devant l’Arche d’Alliance. L’époque aime le secret et l’on signe les articles de pseudonymes colorés : Eusebius, Florestan, Raro que nous avons déjà rencontrés, mais aussi Serpentinus, Juvenalis, Jeanquirit (Hiller, le correspondant parisien), Saint-Diamond, Estrella (Ernestine von Fricken, à laquelle Schumann se fiança brièvement), Zilia ou Chiarina (Clara Wieck), Livia (Henriette Voigt, que Schumann appelle son « âme en la mineur »), Meritis (Mendelssohn). Voici ce qu’en dira plus tard Schumann, dans un avant-propos à la publication de ses articles :
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« Cette confrérie était plus que secrète, car elle n’a jamais pris forme que dans l’esprit de son fondateur. Afin de présenter divers points de vue sur l’art, j’eus l’idée d’inventer des personnages qui fussent des artistes aux opinions diverses et contrastées. Eusebius et Florestan seraient les plus en vue, Maître Raro ayant la tâche de concilier leurs différends. » Il écrit à ce sujet à son professeur de composition, Heinrich Dorn : « La Confrérie de David n’est autre chose qu’une confrérie d’esprits romantiques ainsi que vous l’aurez remarqué depuis longtemps. Mozart, en son temps, y appartenait déjà ; aujourd’hui Berlioz et vous-même en faites partie sans qu’il soit pour autant besoin de montrer quelque patente que ce soit. » Les relations nouées autour du projet de la Neue Zeitschrift für Musik ne sont pas que d’ordre professionnel. Ainsi, Ludwig Schunke vient partager l’appartement de Schumann pour l’aider à surmonter ses angoisses, mais il meurt de la phtisie à la fin de l’année 1834. Grâce à cet ami, Schumann avait rencontré Henriette Voigt à laquelle il vouait une amitié amoureuse ; peu de temps après, il se lie par de brèves fiançailles à Ernestine von Fricken.
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Parallèlement, Schuman met en chantier le Carnaval opus 9 et compose les Études symphoniques opus 13. Cette dernière œuvre devient un modèle du classicisme romantique : Schumann atteint déjà une maturité qui confère à cette pièce une durable autorité. Wagner en faisait grand cas. Les Études symphoniques présentent une progression dramatique, sur un rythme binaire de marche, partant d’une procession lugubre pour arriver à un triomphe éclatant. Mendelssohn, son ami, admirera cette œuvre en tout point impressionnante de maîtrise et d’invention, commencée cette même année 1834.
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F ELIX M ENDELSSOHN B ARTHOLDY (1809-1847) Né dans une famille d’origine juive convertie au protestantisme, ce chef d’orchestre et compositeur allemand est le petit-fils du philosophe Moses Mendelssohn (voir page 19). Son père est banquier. Felix et sa sœur aînée Fanny, exceptionnellement doués pour la musique, sont considérés comme des enfants prodiges. À quinze ans, Felix dirige son premier opéra ; à seize ans, il a déjà écrit douze symphonies. Il reçoit une éducation soignée d’un précepteur, s’inscrit à l’université de Berlin et achève ses études en 1829, année où il dirige La Passion selon saint Matthieu de Bach, oubliée depuis la disparition du cantor. En 1835, il prend la direction du Gewandhaus de Leipzig ; en 1840, le roi de Prusse l’appelle à Berlin pour y organiser la vie musicale. Il est alors le compositeur le plus célèbre d’Europe, particulièrement adulé en Angleterre.
Schumann
Une critique novatrice et virulente Nous empruntons à l’excellent ouvrage d’André Boucourechliev des extraits de cette revue qui se charge « d’abattre mortellement les philistins de la musique et d’autres disciplines… ». Wieck, sous le pseudonyme de Maître Raro, engage la Confrérie de David au combat en ces termes : « Ô jeunesse, la route sera longue et difficile pour parvenir à tes fins ! Une lueur inconnue luit au firmament ; est-ce l’aube ou le crépuscule ? Œuvre, jeunesse, dans la lumière ! »
« Nous devons pouvoir présenter des œuvres à chacun selon son niveau de culture. L’hypocrisie, la laideur devraient être éliminées de la sphère artistique alors qu’elles se parent de tous les atours de la séduction. Ces polygraphes dont la production n’est qu’affaire d’argent (il en est d’illustres parmi eux), ces galvaudeurs, ces
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Schumann entend cet appel et proclame dans ses écrits l’acte de foi du romantisme, mouvement nullement éthéré mais combatif et fort de ses convictions. Voyons plutôt :
pauvres faiseurs qui revêtent leur indigence d’oripeaux clinquants, ce sont eux contre lesquels nous devons rassembler nos forces pour les combattre. »
C ha p it re 3. L’a ffirma t io n d e s p r inc ip a ux t h èm e s (1 830 - 18 3 4)
Lorsque Czerny (1791-1857) présente sa trois centième œuvre, Schumann écrit : « Quelque diligence que fasse la critique, il lui est impossible de rattraper M. Czerny. Si j’avais des ennemis et que je voulusse les écraser, je les condamnerais à n’entendre que cette musique. » Des œuvres du virtuose Sigismund Thalberg (1812-1871), pianiste et compositeur autrichien, il fait le portrait suivant : « Les ouvrages de Thalberg ont toujours été sévèrement jugés dans cette revue, parce que nous discernons en lui un talent de compositeur que la vanité du virtuose menace de destruction. Aujourd’hui, il nous désarme. Son œuvre ne vaut même pas la peine d’être soumise à notre analyse. » Rappelons que Schumann rejoint ici l’avis de Chopin et Clara Wieck qui dénoncent le jeu superficiel de Thalberg, destiné à satisfaire le goût du public pour la pure virtuosité. Quant aux Huguenots de Meyerbeer (1791-1864), compositeur d’opéras très en vogue à l’époque, ils inspirent à Schumann les lignes suivantes :
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« Stupéfier et chatouiller, telle est la devise de Meyerbeer : il y réussit fort bien auprès de la canaille. Il élucubre le creux, il est à la fois superficiel et profond […] On sait aussi qu’il possède tout un arsenal dont il use pour faire des citations… »
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De l’opéra du même auteur, Le Prophète, Schumann ne fait aucun compte-rendu, sinon une annonce nécrologique en date du 2 février 1850 ! Ces différents aperçus révèlent la nouvelle définition que Schumann veut développer de la critique musicale : « Pour nous [la Confrérie de David], la meilleure critique est celle qui produit une impression comparable à celle de l’œuvre originale. »
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Schumann
La Neue Zeitschrift für Musik connaît un rapide succès. C’est une tâche harassante pour Schumann qui se retrouve bientôt seul à la direction d’une telle entreprise. Il a beaucoup de collaborateurs, certes, mais c’est à lui que revient la rédaction de la plupart des articles.
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Chapitre 4
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Le cheminement vers Clara (1835-1837)
C ha p it re 4. L e c hem ine m e nt ve rs Cla ra ( 18 3 5- 1 837 )
« Enfin, je dis “oui”. » Clara Wieck à Robert Schumann (16 août 1837)
Clara Wieck Schumann tombe sous le charme de la petite virtuose, fille de son maître Friedrich Wieck, dès qu’il la rencontre, en 1830. Les années passent et Clara, née le 13 septembre 1819, arrive à l’âge de femme. Nous avons vu Robert Schumann compter fleurette à quelques jeunes filles et jeunes femmes qui ont participé à son évolution, esthétique plus que physique, semble-t-il : ses récentes amours se sont manifestées plus ou moins officiellement par des fiançailles avec Ernestine von Fricken. Cela ne résistera pas aux aveux que Robert et Clara se font durant l’année 1835.
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Une grande pianiste La petite fille prodige du piano est très célèbre et fait des tournées prestigieuses, les foules sont à ses pieds. Elle séduit Goethe (il meurt en 1832) qui a atteint l’âge des prophètes : « Elle a plus de force que six garçons réunis », dit-il. Elle demeure malgré cela spontanée, avec le naturel de son âge. Néanmoins la maturité de l’artiste se manifeste. Le peintre Johan Peter Lyser (1803-1870) la décrit de cette façon en 1832, dans la revue Cœcilia : 59
« À voir Clara en famille, ingénue et puérile avec les siens, on pourrait penser rencontrer une charmante jeune fille de treize ans. Si on l’observe avec plus d’attention, on découvre un petit visage fin et joli ; les yeux possèdent un caractère exotique, la bouche plaisante a quelque chose de sentimental, parfois crispée dans la conversation, avec un rien de railleur ou de douloureux. Ses gestes manifestent un abandon plein de grâce, très naturel, mais au-dessus de son âge. Cet ensemble, je l’avoue, m’a inspiré un sentiment très particulier lorsque je l’ai vue. C’est comme si cette enfant pouvait raconter une longue histoire de bonheur et de malheur : pourtant que connaît-elle ? Rien, sinon la musique ! »
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Sa longue relation d’enfant avec Schumann est faite d’admiration réciproque. Robert lui raconte des histoires, fondées le plus souvent sur la présence du Doppelgänger mystérieux et suicidaire (déjà !) ; Clara inspire une adoration quasi mystique à Schumann qui écrit : « Clara joue divinement ». Rappelons que la femme-enfant est un idéal du romantisme : nous avons vu les fiançailles de Novalis avec une Sophie von Kühn de douze ans, morte à quinze. C’est à la fois la nostalgie de l’enfance et l’envol vers l’Ewigweibliche (éternel féminin) du Second Faust (1831) de Goethe, œuvre testamentaire de ce prolifique et éclectique auteur. À propos de Clara, Schumann écrit à sa mère en 1833 une lettre prophétique sur ce que sera sa vie avec elle :
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« C’est une joie de voir tous ses dons de cœur et d’esprit s’épanouir de plus en plus. Il y a peu, nous revenions de Connewitz et je l’entendis, se parlant haut à elle-même : « Oh ! que je suis heureuse, que je suis heureuse ! » Qui pourrait résister à des mots si simples ? Sur les bas-côtés de la route, se trouvaient des pierres éparses. Quand je parle, j’ai pour habitude de lever les yeux plutôt que de regarder où je mets les pieds ; alors Clara marche derrière moi et, à chaque pierre, me tire doucement par ma veste
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pour m’empêcher de tomber. Ainsi parfois c’est elle qui chute à cause de la pierre qu’elle m’a permis d’éviter… »
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Clara donne de nombreux concerts dans les grandes villes d’Europe ; elle est très proche de Pauline Garcia-Viardot, grande cantatrice qui passionne l’époque. Toutes deux mènent une carrière de premier plan. La modestie de Clara se manifeste dans ses lettres à Schumann auquel elle écrit de Dresde, le 30 juillet 1838 (nous anticipons pour illustrer ce trait de son caractère) : « Pauline [Garcia] est une artiste telle qu’elle aurait pu me décourager au point de me faire renoncer à mon art si mon père ne m’avait raisonnée. » Cet esprit, peu commun chez un enfant prodige adulé depuis son enfance, qui s’exprime sous la plume d’une jeune fille de dix-neuf ans ayant le monde musical à ses pieds, est certainement la meilleure illustration de la force de caractère que Goethe avait décelée chez elle. P AULINE G ARCIA -V IARDOT (1821-1910) Fille de Manuel Garcia et sœur de la célèbre Maria Malibran (18081836), elle donne son premier récital à seize ans et obtient rapidement un succès prodigieux. Sur le conseil de George Sand, elle épouse le journaliste Louis Viardot. Elle séduit l’auteur russe Tourguéniev (1818-1883) lorsqu’il la rencontre en 1844 : il habitera désormais à Bougival une datcha bâtie sur la propriété des Garcia-Viardot. La voix de Pauline Viardot se détériore rapidement : elle compose alors, donne des conseils à de jeunes compositeurs (Gounod) et devient une personnalité très écoutée du monde musical.
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Les aveux, 25 novembre 1835 En 1835, Clara a seize ans ; elle revient de Paris en avril. C’est alors que Schumann comprend la nature de ses errements sentimentaux, sincères certainement mais superficiels, et s’avoue à lui-même son amour pour Clara. Il se déclare, rompt ses fiançailles avec Ernestine von Fricken. À
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partir du mois de novembre, Robert Schumann et Clara Wieck unissent leurs destinées et vont lutter cinq ans avant de pouvoir enfin se marier, en septembre 1840.
Les affinités Au début de cette même année, Schumann se lie d’amitié avec le directeur du Gewandhaus (littéralement, la halle des drapiers), la salle de concert prestigieuse de Leipzig, le compositeur et virtuose Félix Mendelssohn (voir page 54). Ce sera une rencontre décisive fondée sur l’entente esthétique et la sympathie personnelle, partagées par Clara. Schumann rencontre enfin Chopin dont il avait salué l’une des premières œuvres par ce vif article qui avait déplu aux philistins de Leipzig.
Schumann
Des compositions entre burlesque et passion Carnaval 1835 est l’année d’achèvement du Carnaval opus 9 qui porte en soustitre « Scènes mignonnes sur quatre notes » : encore une énigme chère à Schumann qui utilise le nom allemand des notes ASCH (la, mi bémol, do, si), lettres qui sont empruntées à son propre nom et à la ville d’Ernestine von Fricken. L’œuvre, dédiée au violoniste Karl (ou plutôt Karol) Lipinski (1790-1861) est composée de vingt-deux pièces qui portent chacune un titre, évoquant l’esprit et les personnes qui constituent la Confrérie de David : Préambule, Pierrot, Arlequin, Valse noble, Eusebius, Florestan, Coquette, Réplique, Sphinx, Papillons, Lettres dansantes, Chiarina, Chopin, Estrella, Reconnaissance, Pantalon et Colombine, Valse allemande, Intermezzo : Paganini, Aveu, Promenade, Pause, Marche de la Confrérie de David contre les philistins.
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Intermezzo voir Glossaire
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C’est un jeu de masques, un défilé où se mêlent tous les sentiments de la Phantasie, cette imagination à la fois burlesque et mélancolique qui appartient en propre au romantisme allemand. La présence de Jean-Paul s’y manifeste, mais aussi la Commedia dell’arte : tout y est masques et mascarade, réminiscence, évocations diverses, portraits de personnages tant imaginés que familiers. Tous sont mêlés dans la même farandole, dans ce fantastique qu’offre la vie sous son apparence de banalité : c’est à ce trait que l’on perçoit le monde de Jean-Paul. Schumann écrit au sujet de cette œuvre à Moscheles, le 22 septembre 1837 : « L’ensemble n’a foncièrement aucune valeur artistique : ce sont les différents états d’âme, pris isolément, qui présentent de l’intérêt. »
Études symphoniques Les Études symphoniques opus 13, dédiées au compositeur anglais Bennett, voient le jour cette même année, à partir d’un thème donné à Schumann par le père d’Ernestine von Fricken, flûtiste amateur éclairé. L’œuvre est d’une grande difficulté d’exécution et possède une unité certaine malgré le déferlement d’images contrastées.
Sonate en fa dièse mineur
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La Sonate en fa dièse mineur opus 11 est dédiée à Clara par Eusebius et Florestan, les « doubles » de Schumann. L’œuvre tient plus de l’improvisation que du genre austère de la sonate. Elle se découpe en une Introduction passionnée, un Allegro Vivace dansant, une Aria sans paroles, un Scherzo aux éclairages contrastés, un Intermède alla burla (burlesque) et un Finale redoutablement long, épreuve d’endurance pour le pianiste le plus rompu à son art. Mais, malgré son jeune âge, Clara Wieck appartient à cette race marathonienne d’artistes infatigables.
Sonate voir Glossaire
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Allegro voir Glossaire
Scherzo voir Glossaire
Intermède voir Glossaire
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L’année suivante, Schumann commence à composer sa Fantaisie opus 17, mais c’est la Sonate en fa mineur opus 14, qui est vraiment l’œuvre de l’année 1836. Elle porte en sous-titre la mention « Concert sans orchestre », imposée par l’éditeur Haslinger (Vienne). Cette pièce se compose de trois mouvements. Schumann exploite un thème dû à Clara Wieck, « sous toutes les formes possibles » écrit-il à cette dernière. Fantaisie voir Glossaire
À peine se sont-ils avoué leurs sentiments que Robert et Clara sont séparés : l’hostilité de Friedrich Wieck se manifeste contre Schumann qu’il avait traité comme un fils auparavant. D’où vient cette jalousie ? Il existe certainement un fondement affectif à cette haine qui éclate tout à coup. Wieck nourrit pour sa fille prodige un sentiment de possession, car elle est sa chose, son œuvre ; elle représente aussi un revenu non négligeable et une publicité vivante pour la qualité de son enseignement. Le père craint que sa fille, si belle et si célèbre artiste, sombre dans les tâches domestiques et perde tout intérêt pour sa carrière. Il exige que Schumann, ou tout autre mari potentiel, ait des revenus substantiels pour, dit-il, permettre à Clara de vivre selon ses habitudes de luxe. Or Clara avouera dans une de ses lettres à Schumann, peu avant leur mariage, que ses parents (son père et la seconde femme de celui-ci) ne lui ont jamais rien offert et qu’ayant gagné de l’argent très jeune, elle
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La vindicte d’un beau-père et la mort d’une mère
a toujours subvenu à tous ses besoins. Wieck avait « fabriqué » Clara, telle l’automate Olympia, dans l’œuvre d’E. T. A. Hoffmann. E RNST T HEODOR A MADEUS H OFFMANN (1776-1822)
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Celui que Gérard de Nerval considérait comme « un génie fraternel » mena parallèlement des carrières de juriste, d’écrivain, de compositeur, de dessinateur et peintre. Il composa des symphonies, des opéras, des messes, des œuvres de musique vocale et de musique de chambre. Dès 1809, il se lance dans la littérature qui appartiendra toujours au genre du fantastique : Le Chevalier Gluck est sa première œuvre, fondée sur la substitution de l’identité originelle d’un personnage qui endosse celle du compositeur autrichien Gluck (1714-1787). En 1813, il publie Don Juan, en 1814 les Fantaisies dans la manière de Callot. Il crée son alter ego, le personnage du musicien fantasque, Johannes Kreisler, qui influencera tout le romantisme et particulièrement Schumann. Il dirige les théâtres de Bamberg puis de Dresde ; en 1816, il obtient une position importante à la Cour suprême de Berlin et écrit Les Élixirs du diable qui exploitent le phénomène du Doppelgänger. Les Contes nocturnes, en 1817, dont Offenbach tirera son opéra Les Contes d’Hoffmann, précèdent Le Chat Murr, son écrit testamentaire (1820-1821).
Wieck fait si bien qu’il emmène Clara à Dresde pour la séparer de Schumann, éberlué de ce qu’il croit être une lubie.
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Au mois de février 1836, la mère de Schumann meurt. Toutes les facultés affectives du jeune homme se reportent sur Clara. Il manifeste pour elle un réel amour, mais cherche aussi chez cette jeune fille de neuf ans sa cadette une protection maternelle, une tendresse qu’elle saura lui donner jusqu’à sa mort. Désemparé, Schumann rejoint Clara à Dresde. Wieck impose une séparation complète, interdit tout échange de lettres, répand toutes les calomnies possibles sur le jeune compositeur : celui-ci serait débauché et ivrogne, éviterait de parler de Clara dans la Nouvelle Gazette musicale car il aimerait une autre femme. Wieck fabrique des lettres anonymes – véritable corbeau qui empoisonne toute une société pour arriver à ses fins : la séparation des deux artistes ! Il mise sur la jeunesse de Clara qui se lassera de ce fiancé « loin des yeux », lui fait rencontrer des prétendants qu’il estime dignes d’elle. Elle les repousse tous, reste fidèle à la
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parole donnée à Robert, accomplit ses tournées qui lui apportent succès et argent, mais dans des conditions difficiles de déplacement, de logement, et toujours dans l’incertitude des gains, subordonnés au nombre des spectateurs présents à ses concerts. Durant quinze mois, Robert et Clara vont être séparés. Schumann noie sa douleur dans un travail forcené. Il rédige quasiment seul la revue que Wieck a désertée, abandonnant le rôle du « modéré » Maître Raro pour celui d’un jaloux morbide. Personne, surtout pas Schumann, petit compositeur débutant, ne doit lui voler sa fille. Il est vrai que Schumann boit plus que de raison et fume sans retenue, ce qui donne des armes à son ennemi et alimente les calomnies. Le fiancé sans fiancée, durement affecté, se réfugie auprès de sa bellesœur Thérèse.
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Au cours de ces mêmes années, la Confrérie de David est endeuillée : le pianiste Schunke meurt, veillé par Henriette Voigt qui sera emportée par la phtisie, elle aussi, en 1839. Schumann se console en improvisant au piano. Il se remet à jouer à cette occasion pour se réconforter.
Trois longues années de fiançailles Des fiançailles épistolaires Les échanges de lettres reprennent. Clara revient de ses tournées en août 1837. Schumann lui écrit le 13 : « Êtes-vous toujours fidèle et forte ? Si inébranlable que soit ma foi en vous, si grand que puisse être mon courage, j’éprouve un grand désarroi à ne rien savoir de ce que j’ai de plus cher au monde ! […]
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Écrivez un simple « oui », si vous le voulez bien, et le jour de votre anniversaire, le 13 septembre, donnez ma lettre à votre père.
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Il me semble, en ce moment, bien disposé à mon égard et peut-être ne me repoussera-t-il pas si vous insistez comme vous savez le faire… » Clara répond, le 16 août :
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« Vous voulez que je dise ce petit mot tout simple : « oui », ce tout petit mot [Wörtlein] ! Mais un cœur comme le mien, tellement rempli d’amour, peut-il ne pas dire ce « oui » si prodigieusement important alors que mon âme le proclame. Du fond de moi-même, je vous dis « oui » à l’oreille et pour l’éternité […] Je démontrerai à mon père qu’un jeune cœur peut aussi être fidèle… » Mais Wieck reste sur ses positions de haine et de refus quant au mariage de Robert et Clara. La jeune virtuose part à nouveau pour une tournée à Prague, Vienne, Dresde… Commencent alors trois longues années de fiançailles. Cette période difficile, marquée par une douloureuse séparation, toutes sortes de ruses pour correspondre en dépit de l’opposition de Wieck, mais aussi de nombreuses lettres et projets d’avenir entre les deux fiancés, se reflète dans les compositions de Schumann. Ainsi, les Davidsbündlertänze (Danses de la Confrérie de David) opus 6 que Schumann conçoit « comme une veillée de mariage » : dans l’émotion du « oui » de Clara, le compositeur les définit ainsi : « Les Davidsbündlertänze sont au Carnaval ce que les visages sont aux masques. »
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Des œuvres nourries par un sentiment d’absurde Schumann délaisse l’inspiration due à Jean-Paul, le fantastique aimable dans le domestique presque « pantouflard », pour le monde d’E. T. A. Hoffmann, vif, imaginatif, fondé sur l’irréel, plus réel que le réel luimême. Ainsi, le personnage de Giuletta qui use de son charme pour voler le reflet des hommes qu’elle croise semble se profiler aux confins du monde des vivants et des enfers. Nous sommes dans cette Phantasie,
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déjà rencontrée, dont la violence éclate au bord de la pathologie : ce n’est pas pour rien que la psychanalyse se réfèrera aux œuvres de Hoffmann lors des explorations du psychisme par Freud (1856-1939) et Jung (1875-1961), pères ennemis – ou complémentaires – de la discipline. « L’univers fantastique de Hoffmann est en contact constant avec la réalité. Il cherche dans le prosaïque des justifications au surnaturel qui le hante. Cette combinaison des deux mondes est aussi très schumannienne. Cela est particulièrement sensible dans le cycle des Phantasiestücke (Fantaisies, opus 12) qui emprunte son titre à l’un des recueils les plus fiévreux de l’écrivain. »5
Schumann
Freud qui n’était pourtant pas du tout musicien, mais observateur clinique avant tout, voyait dans ces Fantaisies opus 12 l’expression de cette « inquiétante étrangeté » (das Unheimliche) qu’il trouvera chez certains patients et dont il édifie le concept en 1919 : cet état d’irruption du fantastique dans le réel, mis en scène dans L’Homme au sable de Hoffmann, fait que le patient ne fait plus la différence entre un objet inanimé et un être doué de vie. L’automate Olympia est le paradigme idéal de cette confusion vécue par le poète, ivre de douleur et de vin. De même, l’œuvre de Schumann se présente comme un cycle composé de huit pièces où prévaut l’univers du fantastique : Soir, Essor, Pourquoi ?, Caprices, Dans la nuit, Fable, Rêves confus, Fin de la chanson.
5. Claude Rostand, « Le Poète du Clavier » in ; Schumann, voir page 169.
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Les Études symphoniques opus 13 sont éditées la même année.
Chapitre 5
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La maturité créatrice (1838-1839)
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« Schumann est un poète plein de sensibilité et un grand musicien. » Lettre de Liszt à Berlioz
Les tournées triomphales de Clara Clara part pour Vienne, Budapest, Graz… à la fin du mois de novembre 1837 et ne reviendra à Leipzig qu’au mois de mai 1838. Le 1er janvier 1838, Robert lui écrit : « Quel matin merveilleux ! Toutes les cloches sonnent. Le ciel est d’or et bleu et pur ! J’ai ta lettre [du 22 ou du 26 décembre 1837] sous les yeux. Mon premier baiser de l’année est pour toi – ma chère âme – ma bien-aimée. »
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L’esprit de ces quelques lignes est encore tout imprégné de Tieck et de ses extases devant la Nature. La correspondance entre les fiancés devient abondante : Clara relate ses succès… et ses doutes. Robert échafaude de grands projets pour elle, et donc pour leur futur ménage. Ils envisagent d’aller s’installer à Vienne. Robert écrit le 11 janvier 1838 :
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« […] Je n’ai pu t’entendre que deux fois en deux ans : il m’est apparu que tu étais ce qu’il y a de plus achevé dans ton art. Jamais je n’oublierai la façon dont tu as joué mes Études lorsque tu les as magistralement créées. Le public est incapable de comprendre et d’apprécier ce que tu en as fait, mais il y avait quelqu’un, assis là, dont le cœur se brisait et qui s’inclinait profondément devant l’artiste que tu es. Qu’on te juge à ta juste valeur ou non, cela t’indiffère, je le sais : c’est le propre du grand artiste. Mais cette fois, tu as battu tous les records, chaque article que je lis m’en convainc. Qu’on te reconnaisse pour ce que tu es enfin me remplit de bonheur. »
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Ces précieuses lettres suivent, tout au long de cette séparation, la tournée de Clara, ses triomphes, son chagrin dû à l’éloignement de l’homme qu’elle aime. Robert attend et compose énormément des œuvres-clefs de sa production. Enfin, Clara est de retour à Leipzig et écrit à Robert, le 2 juin 1838 : « Je suis seule pendant une minute. Je l’utilise bien vite pour te dire combien j’ai été ravie de tes dernières lettres. Je tiens à te dire une seule chose. Tu sais que j’aspire à être en 40 [en 1840, Clara aura 21 ans] pour vivre auprès de toi. Ne pense surtout pas que je puisse changer d’avis. Oh ! non ! Tu ne peux penser cela si tu m’aimes. Quand je doute de toi, ce n’est je t’assure que par humilité. Je me dis souvent : “Comment oses-tu prétendre à un tel bonheur ?” Mais je vis et lutte, malgré tout, uniquement pour que s’accomplisse mon plus cher désir. Alors, mon chéri, en 40 je serai auprès de toi.
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[…]
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Le jugement que tu portes sur mon père dans ta dernière lettre est sévère. Mais il est vrai que je fais tout pour arriver à l’aimer et qu’il s’emploie à me détacher de lui… » Robert part, sur le conseil de Clara, à la fin de l’année pour Vienne afin d’essayer d’y implanter la Neue Zeitschrift für Musik.
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Une intense activité créatrice Schumann est déprimé par les deuils qui frappent la Confrérie de David, par l’attitude haineuse de Wieck, par l’absence de Clara. Cependant sa production est intense.
Fantaisie La Fantaisie opus 17 a connu ses premières ébauches en 1836. Achevée en 1838, elle sera dédiée à Liszt et publiée en 1839. Claude Rostand remarque : « Schumann s’y livre en direct. Le règne de Jean-Paul est terminé, et celui de Hoffmann n’est pas encore commencé. […]
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De toutes les compositions de Schumann, la Fantaisie est celle qui a le plus le caractère d’un journal intime […] Le problème de la confidence est particulièrement évident ici, confirmé qu’il est par l’auteur lui-même. Si la chose est évidente pour les premier et troisième mouvements, elle l’est peut-être moins pour l’héroïque pièce centrale (Trophées). Mais après le cri passionné et désespéré du premier morceau (Ruines), et avant la grande rêverie pleine d’espoir et de paix qui constitue le Finale (Palmes), cet héroïsme médian correspond sans
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doute à un de ces élans d’affirmation, de conquête et de virilité beethovéniennes qui reviennent périodiquement chez Schumann comme phénomènes cycliques propres à tous les dépressifs. » Cette longue citation explique et donne à penser sur cette pièce, unique dans la littérature pianistique. Trois personnes sont évoquées et mêlées avec la même admiration dans cette œuvre hors du commun : Clara Wieck, Franz Liszt et Ludwig van Beethoven. En effet, à cette époque, Liszt collecte des fonds pour l’érection d’une statue de Beethoven à Bonn, ville natale du compositeur. Schumann à propos de Ruines écrit à Clara : « Le premier mouvement est une longue plainte vers toi » ; il ajoutera plus tard : « Florestan et Eusebius voudraient participer à la statue de Beethoven. »
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L UDWIG
VAN
B EETHOVEN (1770-1827)
Né à Bonn et mort à Vienne, Beethoven joue un rôle de passeur entre le classicisme (Gluck, Josef Haydn, Mozart) et le romantisme. Il fait évoluer le genre de la musique de chambre, en particulier avec ses derniers quatuors à cordes, ses dernières sonates pour le piano. Moins heureux dans la musique vocale, c’est dans le domaine de la symphonie qu’il excelle jusqu’à en faire éclater la structure pour arriver à un gigantisme qu’exploiteront ses successeurs sans cesser de se réclamer de lui. L’homme fut difficile, enfermé tôt dans sa surdité et malmené dans sa vie amoureuse. Il demeure une référence absolue pour tous les compositeurs.
Schumann cite en exergue de sa Fantaisie des vers de Friedrich Schlegel : « Grâce à toutes ces harmonies, Rêve terrestre bigarré, Murmure un chant intime
Les trois mouvements portent des indications destinées à l’interprète.
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Que seule perçoit une âme élue. »
³ Ruines : « Toujours dans la Phantasie avec un sentiment douloureux » ; ³ Trophées : « Modéré, mais avec énergie » ; ³ Palmes : « Lentement et toujours suave ».
Scènes d’enfants opus 15 C ha p it re 5. L a m a t urit é c ré a t r i ce (18 3 8- 1 839 )
Les Scènes d’enfants opus 15 se présentent comme treize courtes pièces, bien antérieures à l’arrivée des huit enfants de Robert et de Clara. Il s’agit de l’enfance telle que se la représente Schumann, sur un mode idéal, et non de descriptions au premier degré de l’enfance objective.
Novellettes Les Novellettes réunissent les motifs qui ont inspiré les œuvres précédentes. Au nombre de huit, dont la lecture ésotérique représente le signe de l’infini à la verticale, elles constituent une synthèse de l’œuvre schumannien en 1838. C’est un univers où déborde l’imagination stimulée par la personne de Clara. Il lui écrit, le 6 février 1838 : « […] c’est la musique qui traduit le plus fidèlement notre vie intérieure. Aussi est-ce la raison pour laquelle j’ai tant composé pour toi depuis ces trois dernières semaines : Spartacus, l’Histoire d’Egmont, Scènes familiales avec fête…, Un mariage, tout cela est gai et amusant ; les Novellettes devraient être des Wieckettes, mais la sonorité ne convenant pas, j’ai changé… »
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Rappelons que le titre Novellettes est choisi d’après le nom d’une chanteuse, Clara Novello : on remarque la similitude des prénoms. La troisième Novellette portait à l’origine, en épigraphe, deux vers du Macbeth de Shakespeare. Ces vers évoqués par le pianiste Alfred Cortot (1877-1962) ont disparu des éditions modernes. Les voici tels qu’ils sortent de la bouche des sorcières, sinistres annonciatrices du destin de Macbeth :
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“When shall we three meet again In thunder, lightning or in rain?” « Toutes trois, quand nous retrouverons-nous À la lueur de l’éclair, dans la tempête, le tonnerre ? »
Humoresque L’Humoresque opus 20 est une œuvre typiquement romantique. Citons Marcel Brion :
Schumann
« L’Humoresque, opus 20 reflète le plus complètement les passions qui l’agitent [Schumann]. Passions contradictoires qui se succèdent dans son cœur avec la rapidité violente dont cette pièce célèbre porte le témoignage, et qui apparaît, en cela aussi, comme un des exemples les plus saisissants de cette émotivité romantique dont Schumann est, probablement, le représentant le plus curieux. Dans L’Humoresque, en effet, les sentiments ne s’associent pas, ne se fondent pas les uns dans les autres, n’aboutissent pas à une tonalité affective générale. Ils restent séparés, dissociés. Ils ne s’interpénètrent pas : ils se juxtaposent. »
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Le mot Humor en allemand traduit à la fois les mots français « humeur » et « humour » : cela permet de comprendre cette « juxtaposition » de sentiments et d’états de conscience que Schumann dépeint en musique. C’est la musique qui permet – encore mieux que les mots des poètes – ces oppositions de couleurs, ces contrastes dynamiques, c’est elle qui exprime le mieux l’âme dite romantique, à la fois passionnée et mélancolique, violente et suicidaire. Nous voyons poindre ici les deux pôles de la pathologie, celle de la psychose maniaco-dépressive (ou bipolaire) qui atteindra Robert.
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Sonate en sol mineur La Sonate en sol mineur opus 22 que l’éditeur Haslinger sous-titre Concerto sans orchestre, est une œuvre très capricieuse où s’animent les personnages de la Commedia dell’arte, avec des masques et des danses. Le Finale a été banni de l’édition par Schumann lui-même : on retrouvera la partition de ce dernier mouvement après sa mort.
Cha p it re 5. L a m a t urit é c ré a t r i ce (18 3 8- 1 839 )
Concerto voir Glossaire
Kreisleriana Les Kreisleriana opus 16 entrent de plain-pied dans le monde de Hoffmann. Ce sont huit pièces, dédiées à Chopin, que Schumann compose en quatre jours. L’œuvre porte en sous-titre Phantasien, une indication que nous avons maintenant souvent rencontrée. Nous sommes renvoyés à un Hoffmann traité de façon impressionniste, comme l’ont été les Scènes d’Enfant, non pas avec la volonté d’objectiver les Fantaisies dans la manière de Callot, ni le Conte du Chat Murr. Ces huit pièces présentent un Schumann déjà hanté par la peur de la folie, angoissé, tantôt maniaque, tantôt dépressif, inspirées par un personnage hoffmannien, double de l’auteur, le Kapellmeister Johannes Kreisler. On trouve des citations de Bach dans cet enchaînement de morceaux. Les numéros impairs de la partition traduisent une excitation maniaque tandis que les numéros pairs expriment un caractère dépressif.
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Une expérience viennoise décevante Décidé à implanter la Neue Zeitschrift für Musik dans la capitale autrichienne où Clara venait de remporter de grands succès, Robert s’y rend avec enthousiasme. Il attend de ce voyage un poste qui lui permettra de trouver une assise financière et une sécurité sur laquelle fonder sa vie avec Clara. Il est rapidement déçu : les Viennois ont oublié Mozart, Beethoven, Schubert et ne jurent que par la bête noire de Schumann, Rossini, et par Johann Strauss. Pour reprendre le titre d’une opérette
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contemporaine de Jack Ledru (né en 1922) : Vienne chante et danse. La médiocrité règne en maîtresse dans cette ville que l’on a toujours considérée comme la capitale mondiale de la musique. De Mozart à Gustav Mahler (1860-1911), elle a toujours su détruire ses idoles, au profit de la légèreté, des bals et des intrigues de cour. Schumann rencontre néanmoins le fils de Mozart, Franz Xaver (17911844), compositeur de talent certainement étouffé par la gloire posthume de son père, qui lui révèle une symphonie inconnue de Schubert que Robert idolâtre : la Symphonie en ut majeur. F RANZ S CHUBERT (1797-1828)
Schumann
Ce compositeur majeur est né et mort à Vienne. Méconnu de son temps, il fut compris par les grands maîtres du romantisme musical. Auteur de symphonies, d’opéras, d’œuvres de musique de chambre, il est surtout considéré comme le maître du Lied. Parmi ses compositions les plus célèbres comptent le cycle de La Belle Meunière, Le Voyage d’hiver et des poèmes de Goethe comme Le Roi des Aulnes et Marguerite au rouet…
Désemparé, Schumann a l’impression que l’inspiration l’abandonne. Mais il se ressaisira et 1839 verra fleurir de nouvelles œuvres. Symphonie voir Glossaire
En mars, Robert Schumann est de retour à Leipzig. En avril, c’est la mort de son frère Édouard qu’il aime tendrement. La femme de ce dernier, Thérèse, suit son mari dans la tombe quelques mois plus tard. L’espoir renaît pour Schumann lorsqu’il se rend sur la tombe de Beethoven : il y trouve, posée sur la pierre, une plume de métal, symbole pour lui de la nécessité de sa création dictée par le maître de Bonn.
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Pendant ce temps, Clara est à Paris, qu’elle n’aime guère ; elle y restera presque dix mois, sans son père qui a refusé de l’accompagner. Heureusement, elle est proche de son amie Pauline Garcia-Viardot et trouve des personnes solides sur lesquelles elle peut compter durant cette année si difficile de fiançailles sans fin.
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L’échange de lettres avec Clara, dont le séjour à Paris se prolonge, est parfois pénible sous la pression des événements et du travail de sape, inlassablement conduit pas Wieck.
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Les jeunes gens sont tellement à bout qu’ils décident d’entamer une procédure à l’encontre de Wieck pour pouvoir se marier. Ils ont le soutien de la mère de Clara, remariée à un certain M. Bargiel ; elle vit à Berlin et les héberge dès le retour de Clara en Allemagne. Mais Wieck refuse de se rendre au tribunal lors de l’audience et multiplie ses actes de diffamation à l’encontre de Robert et de Clara.
Entre enthousiasme et désespoir Malgré tous ces déplacements, ces obstacles et ces deuils qui ébranlent son âme, toujours entre enthousiasme et dépression, Robert Schumann compose.
Nachtstücke Les Nachtstücke opus 23 sont directement inspirés par les contes du même nom de Hoffmann. Ces quatre pièces traduisent les impressions produites sur le musicien par les Contes nocturnes de Hoffmann : pensées macabres et sombres visions.
Trois Romances Les Trois Romances opus 28 accompagnent l’Arabesque opus 18 presque dérisoire, production viennoise au goût du jour, superficiel et désabusé, avec le fantomatique Blumenstücke opus 19.
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Facéties du carnaval de Vienne En revanche, le temps du carnaval à Vienne rappelle à Schumann son goût des masques. Il écrit une grande Sonate en si bémol majeur ou Facéties du Carnaval de Vienne, tableaux de fantaisie opus 26. Cette fois, le masque de la mort se mêle aux autres créatures imaginées par lui ; on y
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Schumann
reconnaît des bribes d’un thème qui sera familier à Schumann, celui de la Marseillaise, symbole de l’héroïsme et de la sédition. Ce déchaînement populaire contient en lui-même sa propre perte, explosion de toutes les barrières pour en construire, une fois la liesse passée, d’autres, plus infranchissables encore. Nous verrons que la tentative de suicide de Schumann, en 1854, s’effectuera un jour de carnaval (27 février). Le carême-prenant (c’est-à-dire les trois jours qui précèdent le Mercredi des Cendres, marquant l’entrée en carême) se passe toujours sur le mode de l’effervescence incontrôlée, des brèves rencontres et des drames sousjacents : rappelons à ce propos le magnifique film de Marcel Camus (19121982), Orfeu Negro (1959), qui dépeint tous les excès, du rire de la fête aux sanglots de la mort. Ces épreuves minent le psychisme fragile de Robert Schumann. Les œuvres traduisent cette pathologie en marche malgré l’espoir du prochain dénouement heureux des longues fiançailles avec Clara. Enfin, une nouvelle page s’ouvre devant Schumann,une autre vie l’attend, celle qu’il va partager avec Clara, à partir de 1840. C’est l’année qui verra éclore un autre genre musical dans lequel il excellera : le Lied.
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Troisième partie
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Les grandes œuvres en dépit de la folie (1840-1849)
Chapitre 6
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Des Lieder aux symphonies (1840-1841)
Cha p it re 6. Des L ie d e r a ux sy m p h on i es (18 4 0- 1 841 )
« De mes pires maux, je fais des chansonnettes. » Heinrich Heine
Les Lieder : une explosion poétique On s’étonne que Schumann, pétri de littérature depuis son enfance, de poésie, et auteur lui-même, ait attendu d’avoir trente ans pour connaître cette explosion de Lieder composés en 1840. Les essais sans lendemain de ses dix-sept ans sont loin. Le 1er février 1840, il se jette dans ce genre, poésie dite en musique, dans le style propre au monde germanique, le Lied. Avant d’aller plus avant, rappelons les mots de Roland Barthes : « La musique renforce la signifiance du texte. »
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Un genre typiquement germanique Schumann admirait ses illustres prédécesseurs : Weber, Schubert, Beethoven. Bien que ce dernier ne connaisse pas avec la musique vocale (est-ce dû à la surdité ?) le même bonheur qu’avec les œuvres instrumentales, demeure son cycle An die ferne Geliebte (À la bien-aimée lointaine, 1816), le premier cycle de Lieder de l’histoire de la musique.
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Les poèmes sont de Alois Jeitteles (1794-1858) et prennent un caractère autobiographique pour Beethoven, épris de l’inaccessible « Immortelle Bien-Aimée ». Schubert impose le principe du cycle (der Kreis) de Lieder avec deux ensembles de pièces vocales, sur des poèmes de Wilhelm Müller (1794-1827) : Die schöne Müllerin (La Belle Meunière, 1823) et Die Winterreise (Le Voyage d’Hiver, 1827).
Schumann
Schumann reprend le même principe, sans y ajouter d’autre touche que son style propre d’interprétation des textes (car, avant les interprètes, chanteur et pianiste, le premier interprète du texte est le compositeur) dont il est depuis longtemps pénétré. Sa méthode de composition diffère de celle adoptée pour les pièces instrumentales dont l’inspiration est directe. D’après ce qu’il écrit à Clara, Schumann, pour s’imprégner des poèmes, marche de long en large et écrit debout, sans se mettre au piano. Il ne se sent plus enchaîné à l’instrument, il est porté par le texte dont la prosodie impose la ligne mélodique, le rythme et la suite des accords, simultanément. Cette même année, Schumann reçoit le titre de docteur de l’université de Iéna. Il est persuadé que cette distinction va aider à fléchir Wieck.
Les grands cycles de Lieder Le Liederkreis (cycle de mélodies) opus 24 rassemble neuf Lieder composés sur des poèmes de Heinrich Heine qui ne démentent jamais le caractère douloureux de ce début d’année pourtant pleine d’espoir. L’admiration de Schumann pour le poète n’avait été que passagèrement refroidie par la rencontre de Munich en 1828. Il lui envoie l’opus 24 avec ces mots :
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« En écrivant ces lignes, je satisfais à un désir ancien et toujours durable, celui de me rapprocher quelque peu de vous ; vous avez dû oublier la visite que je vous fis à Munich, il y a bien longtemps, lorsque je n’étais qu’un tout jeune homme. Puisse la musique que j’ai composée sur vos vers vous convenir !… »
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Heine ne répondit pas à Schumann, pour se plaindre plus tard qu’aucun musicien ne se fût jamais penché sur ses poèmes. Ingratitude ou distraction du génie…
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Avec Myrthen (Myrthes) opus 25 Schumann réunit cette fois vingt-six Lieder dus à des poètes de langue allemande et à des poètes anglais traduits en allemand : Rückert (1788-1866), Goethe, Mosen (1803-1867), Burns (1759-1796), Heine, Byron, Moore (1478-1530). Il offrira cette floraison romantique à Clara pour leurs noces. Le Liederkreis opus 39 sur des poèmes de Eichendorff, est composé de douze Lieder. Le monde de Eichendorff est celui de la Nature souveraine et de l’inspiration due à la musique populaire. Natif de Silésie, le poète appartient tout entier à ce pays mystérieux, couvert de vastes forêts, qui engendre poètes, mystiques, voyants. Citons Marcel Brion : « Dans la nature, dans les rêves de la solitude des forêts, de même que dans le labyrinthe du cœur de l’homme, sommeille, depuis les origines, un chant merveilleux et éternel, une beauté ensorcelée qu’il est réservé au poète de délivrer. » Eichendorff est tout entier dans ces phrases d’un des auteurs français qui connaissaient le mieux « l’âme romantique ».
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Les affinités entre Eichendorff et Schumann se traduisent par l’alliance des deux voix, celle du chant et celle du piano : jamais le mot « accompagnement » n’est plus faussement employé (or il l’est toujours lorsqu’il s’agit de musique de chambre !) pour évoquer le dialogue entre la voix et l’instrument. L’opus 39 est une suite de pièces suspendues entre le temps et l’espace, l’un et l’autre hors des mesures humaines, comme l’est le phénomène de la création en général. Frauenliebe und Leben (La Vie et l’amour d’une femme) opus 42 sur les vers bien pâles de Chamisso, est une œuvre dont la réputation est immense mais l’intérêt mineur. Les poèmes sont convenus et le poète prête à son héroïne une dimension attendue. Il est étrange que Schumann ait choisi ces textes si peu en rapport avec la nature de Clara. La musique s’en ressent et l’ennui s’installe jusqu’au moment du dernier Lied, d’une grande noblesse dans la douleur, et le postlude du cycle nous remettent
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sur le chemin de la création schumannienne avec une fermeté de plume retrouvée. Postlude voir Glossaire
Dichterliebe (Les Amours du poète) opus 48 sur les poèmes de Heine, est une suite de seize Lieder au cours de laquelle jamais Schumann ne faiblit. Heine est « son » poète, habité lui-même par l’obsession du Doppelgänger. Voici une lettre de Schumann à son ami Heinrich von Kurrer décrivant son entrevue avec Heine, à Munich, déjà mentionnée :
Ce cycle de Schumann est l’un des plus accomplis, aux côtés de l’opus 39 et de celui dit de Marie Stuart qui sera composé en 1852 et dont nous reparlerons. Les Amours du poète présentent cette particularité que la partie chantée semble décrire ce que le piano raconte. Le domaine du Lied est par essence l’ostension du double : deux interprètes (chanteur et instrumentiste) pour traduire le même texte, auxquels on peut ajouter le « binôme » poète-compositeur, somme de « doubles » à laquelle s’ajoute les deux principes de la composition musicale : l’harmonie (lecture verticale) et la ligne mélodique (lecture horizontale) – trinité de « doubles » pour accomplir l’unité d’une œuvre, ou encore Stimmung, que l’on ne peut traduire qu’imparfaitement par le mot « atmosphère » ou « disposition d’esprit ». La Stimmung de l’opus 48 est contrastée, l’unité venant de ce récit vocal, sorte de « voix off » pour prendre des
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« Je m’attendais à rencontrer un homme triste, peu sociable, se considérant comme un être tellement supérieur au monde en général et à ses contemporains en particulier, qu’il ne pouvait s’adapter à leurs manières. Mais combien il était différent de cette image ! […] Ses lèvres, disons-le, se crispaient en un sourire ironique – sauf quand il s’agissait des trivialités de la vie et qu’il exprimait sa moquerie pour les personnes à l’esprit étroit. C’était alors l’esprit mordant, évident dans les Reisebilder [récits de voyage], sorte de rancune profonde contre la vie qui lui avait brisé le cœur, et ses propos devenaient fascinants… »
termes propres au cinéma, qui se tait pour laisser le piano seul s’exprimer dans l’ultime page au caractère testamentaire (Schumann vivra encore seize ans) de cette œuvre-clef (voir CD offert).
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Aux 140 Lieder que compose Schumann en 1840, s’ajoute le Recueil opus 35 qui rassemble douze poèmes de Justinus Kerner (1786-1862) d’une sombre tristesse, et le Recueil opus 36 soit six Lieder sur des textes de Reinick (1805-1852). L’œuvre vocal s’enrichit des opus 45, 49 et 53 qui portent le titre Romances et Ballades. Heine y règne, non pas en seul maître, mais en inspirateur privilégié. Ballade voir Glossaire
Les Gedichte, Gesänge et Lieder (poèmes, chants et Lieder) forment les opus 30, 31 et 40 qui ne se départissent jamais d’un ton tragique, même si parfois une lueur peut apparaître dans ce ciel éternellement couvert. Au mois de février 1840, Schumann rencontre Liszt de passage à Leipzig : il est fasciné par ce personnage hors du commun, dans lequel il discerne cependant une certaine fatuité. Mais la sympathie et les affinités l’emportent et ils resteront amis. F RANZ L ISZT (1811-1886) Ce pianiste, compositeur, directeur de théâtre, adulé comme virtuose du piano, mit le monde à ses pieds. Il fut d’une grande générosité et aida nombre de ses confrères compositeurs : Berlioz, Wagner (qui deviendra son gendre), etc… Il entrera, à la fin de sa vie, dans les ordres et laissera un héritage uniquement musical, ne possédant, à sa mort, qu’une demi-douzaine de mouchoirs alors qu’il avait, par son art, gagné des sommes fabuleuses.
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Le mariage de Robert et Clara Au mois d’août, le procès intenté par Robert et Clara au père de cette dernière prend fin avec un jugement rendu en faveur des jeunes gens. Le 12 septembre 1840, ils se marient.
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Un Journal à quatre mains Aussitôt mariés, Robert et Clara décident de tenir, semaine après semaine, alternativement, un Journal intime qui sera vite interrompu (1844). Schumann parfait la culture de Clara en l’initiant aux œuvres de Bach, à la musique de chambre de Haydn et de Mozart, aux œuvres de Beethoven. J OSEF H AYDN (1739-1809) Ce compositeur autrichien est considéré comme la référence du classicisme, avec Mozart et Beethoven. Il est connu pour ses nombreuses symphonies, œuvres vocales diverses, musique de chambre et religieuse.
Schumann
Le journal que Robert et Clara tiennent alternativement s’écrit sur un même cahier, une semaine l’un, une semaine l’autre, et porte la devise : « travail, économie, fidélité ». Il est riche en confidences, agacements mutuels parfois, réflexions musicales aussi. Bien souvent, Clara est seule à tenir ce journal des semaines durant. Clara continue ses tournées triomphales ; Robert souffre de n’être que « le mari de la virtuose ». Lorsque Robert compose au piano, Clara se voit réduite à ne plus pouvoir travailler son instrument et cela la préoccupe, car ses concerts apportent un confort financier au ménage.
Les enfants Schumann
Enceinte de son premier enfant (Marie), Clara participe au concert, dirigé par Mendelssohn, au cours duquel sera créée la Première Symphonie dite Le Printemps opus 38, en si bémol majeur, de Robert Schumann. En août, à la veille d’accoucher, elle assure la création, au cours d’une audition privée au Gewandhaus, de la Phantasie qui deviendra le premier mouvement du Concerto pour piano et orchestre opus 54 (voir CD offert). En décembre, elle joue avec Liszt lors de la création de la Quatrième
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L’exceptionnel tempérament de Clara, sa santé, firent en sorte qu’elle mit au monde huit enfants entre le 1er septembre 1841 et le 11 juin 1854. Seuls trois lui survivront : Marie, Élise et Eugénie.
Symphonie opus 120, en ré mineur. Cette symphonie enchaîne les quatre mouvements sous la forme cyclique. Ouverture, Scherzo et Finale en mi mineur/mi majeur, forme un ensemble homogène, une Sinfonietta ainsi que le précise Schumann, sans mouvement lent. Lors de ce concert particulièrement brillant, la virtuose éclipse le compositeur qui se sent humilié.
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Le compositeur et la pianiste Une œuvre écrite en collaboration avec Clara, un duo (soprano et ténor) sur un poème de Rückert, Liebesfrühling (Amour printanier) opus 37, ouvre une collaboration qui tournera court. Clara observe elle-même qu’elle connaît l’écriture musicale mais ne possède pas la veine créatrice qui anime Robert. Elle écrit dans le Journal : « Maintes fois j’ai tenté de mettre en musique les poèmes de Rückert que Robert m’a indiqués, mais cela ne marche pas du tout ; décidément, je n’ai aucun talent pour la composition. » Encore un trait de caractère de cette femme solide qui connaît ses limites, dont l’intelligence et le talent se conjuguent pour arriver à une parfaite critique de soi-même : pianiste, oui, mais compositeur, non ! Ne forçons pas notre talent. Pendant ce temps, Schumann compose Tragédie opus 64, œuvre tragique sur des textes de Heinrich Heine, presque autobiographique. Deux amoureux s’enfuient, bravant l’interdit paternel contre leur mariage et en seront châtiés…
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Le souffle de la symphonie Reprenons encore une fois les écrits d’André Boucourechliev pour comprendre comment le monde de la symphonie apparaît au jeune compositeur de trente et un ans. Il brûle d’aborder l’écriture orchestrale, il est tenté « d’écraser son piano » (sic) qui lui semble trop étroit. Clara
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le pousse vers les formes les plus grandes de la composition musicale : opéras, symphonies, concerto, oratorios, etc… Schumann écrit : « Lorsqu’un Allemand parle de symphonie, il parle de Beethoven : ces deux mots sont pour lui inséparables et synonymes – ils sont sa joie et sa fierté. »
Le genre suprême de la musique instrumentale
Schumann
Schumann aborde le genre suprême de la musique instrumentale. C’est un engagement moral qu’il prend de défendre cette symphonie dont Beethoven n’est pas l’inventeur (Mozart et Haydn ont composé de nombreuses symphonies) mais à laquelle il a conféré le statut d’emblème national germanique. Schumann avait ferraillé contre les imitateurs de Beethoven dont les symphonies n’avaient été que de pâles imitations du grand maître allemand, maintenant statufié à Bonn, sa ville natale, dont la tombe se trouve à Vienne aux côtés de la croix commémorative élevée pour honorer un certain Mozart… On peut imiter un style, c’est alors un pastiche, mais que devient l’âme de l’œuvre ? Elle est vide comme un violon auquel on aurait retiré cette pièce essentielle de la lutherie, l’ « âme » justement. Empruntons la définition de cette « âme » à Marc Honegger : « Petite tige cylindrique en bois de pin placée à l’intérieur des instruments à cordes et à archet […] Son rôle est de soutenir la table […] et de transmettre au fond de la caisse la vibration des cordes… »
Cependant, Schumann ne poussera pas la symphonie jusqu’à en faire de la musique « à programme » (bien qu’il en connût la tentation) à laquelle les grands novateurs du genre, Berlioz, Liszt (et non Mendelssohn, plus « classique » que « romantique ») n’hésiteront pas à attacher leur nom. L’illustration de la symphonie romantique est la Fantastique
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Si Beethoven a fait évoluer la symphonie en la dégageant du carcan des formes anciennes, Schumann pousse cette expérience vers une conception cyclique, peut-être due à l’expérience étonnante qu’il vient d’accomplir avec ses cycles de Lieder, au cours de l’année précédente.
(1830) de Berlioz ou encore la Faust Symphonie de Liszt (composée en 1857, l’année qui suit la mort de Schumann). Musique à programme voir Glossaire
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L’héritier de Beethoven La Symphonie n°1, Le Printemps, opus 38 en si bémol majeur, demande à Schumann un temps de composition de quelques jours seulement : il est dans une phase d’explosion créatrice, tout imprégné de l’esprit de Beethoven dont il se présente comme l’héritier spirituel. L’inspiration apparaît comme moins riche que dans les pièces plus confidentielles de la période précédente. Nous avons déjà rencontré les grands novateurs du genre, Berlioz et Liszt, que Schumann nomme dans un de ses articles « les romantiques diaboliques », tout en leur vouant une immense admiration (il a écrit des pages inoubliables sur La Symphonie fantastique de Berlioz, en 1835, voir page 156). Schumann se situe en face de Berlioz et Liszt, si l’on ose une comparaison littéraire, de la même façon que Jean-Paul Richter en face de Heinrich von Kleist, auteur à la fois plus passionné et plus déchiré. H EINRICH
VON
K LEIST (1777-1811)
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Cet écrivain allemand est l’auteur de pièces de théâtre universellement célèbres : La Cruche cassée (1803), La Marquise d’O… (1805), portée au cinéma par Éric Rohmer en 1976, Penthésilée (1805-1807) qui donnera un opéra sous la plume du compositeur suisse Othmar Schoeck (1886-1957), L’Ordalie ou la petite Catherine de Heilbronn (1808), Le Prince de Hombourg (1811) porté au cinéma par Mario Bellocchio en 1997, sont les plus connues. Il se suicide, au bord du Wannsee, en 1811, en compagnie d’Henriette Vogel qui l’aimait. Sur sa tombe est gravée une phrase extraite du Prince de Hombourg : « Ô Immortalité, tu es maintenant toute mienne ! »
Liszt remarque que Schumann a tenté de « concilier son sentiment profondément romantique […] avec la forme classique. » L’émule de Beethoven l’est plus en pensée qu’en création, l’hommage est davantage perceptible dans l’intention que dans l’effet produit, malgré l’apport certain de la forme cyclique dans la symphonie. 93
Chapitre 7
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Malgré la maladie, une intense production (1842-1849)
C ha p it re 7. M a l gré l a ma l a d ie , une inte n se pro d uc t i on (18 4 2- 18 49)
« Je me sens misérable et mélancolique. » Robert Schumann, 1844
De tournées en voyages Au cours des premières années de leur mariage, les Schumann mènent une vie largement itinérante, au gré des concerts donnés par Clara et des efforts de Robert pour trouver une position stable et subvenir ainsi aux besoins de sa famille.
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Les succès de Clara Clara renonce à cette composition qui lui coûte tant malgré sa grande connaissance de la théorie musicale. En février 1842, elle part en tournée : Brême, Hambourg. Dans cette dernière ville, Robert la quitte et la laisse en compagnie d’une amie, ne supportant pas cette situation d’éternel second ! Il retourne à Leipzig, pour s’occuper de leur petite fille et composer. Dans le Journal, il clame son désarroi tout en relatant les diverses étapes du voyage : Clara est reçue dans les cours de cette Allemagne faites de multiples petits états, repaire de princesses à marier (l’une d’elles, Sophie de Saxe-Anhalt, n’est-elle pas devenue impératrice de Russie sous le nom de Catherine II, née en 1729, morte en 1796 ?) ;
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pendant ce temps-là, Robert l’attend. Il déserte cette situation, mais souffre de cette désertion. Puis Clara continue sa tournée vers Copenhague. Le retour à Leipzig est difficile : Robert est dépressif. Au mois d’août, pour tenter de retrouver un équilibre après cette période enivrante pour Clara qui connaît de grands succès, terrifiante pour Robert dans sa solitude, les jeunes gens décident de faire un voyage en Bohême. La pathologie mentale fait son chemin, mais elle est tenue en échec par la création musicale. Robert inaugure une nouvelle part de son œuvre : la musique de chambre. Musique de chambre voir Glossaire
Schumann
Le voyage en Bohême se passe en général sans heurts, malgré les moments difficiles que ne voile pas le Journal. Ils passent par Marienbad et apprennent que Metternich se trouve à Königswart. K LEMENS
VON
M ETTERNICH (1773-1859)
Ce chancelier et ministre autrichien eut une influence considérable. Il mena les travaux du Congrès de Vienne pour réorganiser l’Europe après la chute de Napoléon Ier (1815). À sa mort, s’amorce le déclin de l’empire austro-hongrois et de la famille impériale des Habsbourg.
« Après avoir attendu un quart d’heure dans les jardins, nous fûmes introduits dans le salon du prince […] Bientôt, le prince parut devant nous […] Il se montra fort gracieux avec Clara presque amical et familier même, et il me questionna également avec intérêt ; en sorte qu’à lui seul, il fit presque tous les frais de la conversation. Il mit l’entretien sur Donizetti ; celui-ci vient de leur donner un brillant opéra et l’empereur l’a nommé Maître
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Robert et Clara rencontrent le prestigieux homme politique. Robert Schumann relate cette entrevue dans le Journal, à la date du 13 août 1842 :
de Chapelle, car il est sujet autrichien, bergamasque […] … notre interlocuteur s’enquit de la situation de la musique à Leipzig…
C ha p it re 7. M a l gré l a ma l a d ie , une inte n se pro d uc t i on (18 4 2- 18 49)
[…] La bienveillance des grands fait mieux comprendre à celui qui en bénéficie le lien étroit qui unit tous les hommes. On se sent réconforté, plein d’une activité ardente pour s’élever jusqu’à l’élite… »
Un équilibre précaire Tandis que Schumann compose, Clara tente de maintenir une vie équilibrée entre ses vies d’artiste, de mère et de maîtresse de maison. Cependant, en novembre, elle note dans le Journal : « Depuis quelques jours, une inexprimable tristesse pèse sur moi. Je pense que tu [Robert] ne m’aimes plus comme autrefois ; je sens parfois si clairement que je ne peux te suffire ; et, si tu m’accordes quelque marque de tendresse, j’ai l’impression de la devoir à la bonté de ton cœur qui ne veut pas me faire de mal. Ce chagrin s’accompagne de sombres pensées sur l’avenir ; parfois, elles m’obsèdent tout le jour et je ne réussis pas à les chasser ; c’est pourquoi j’ai tant besoin de ton indulgence… » Clara est à bout et Robert, surmené par sa création, passe un hiver 18421843 assombri par la dépression. Ils ne sont mariés que depuis deux ans lorsque la pathologie s’installe de façon inquiétante, par crises qui se résolvent cependant sans laisser trop de traces apparentes.
Les premières œuvres de musique de chambre
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Schumann mène à bien des ouvrages de musique de chambre, essentiellement des quatuors. Trois Quatuors à cordes opus 41 voient le jour : « trois enfants à peine nés, déjà achevés et beaux », écrit Schumann.
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Deux autres pièces permettent au piano, donc à Clara, d’être honoré : le Quintette avec piano opus 44 et le Quatuor avec piano opus 47 en mi bémol majeur, pièces que Clara pourra interpréter sans trop s’éloigner, espère Robert, de la région de Leipzig. Quintette voir Glossaire
Le genre de ces œuvres est confidentiel, en réponse, semble-t-il, à la flambée orchestrale de l’année précédente. Les poètes sont absents de cette année-là.
Rencontres artistiques et difficultés matérielles Schumann
Hector Berlioz à Leipzig Schumann avait écrit, en 1835, un long et bel article sur la Symphonie fantastique opus 14 du compositeur français. Il analyse minutieusement l’œuvre qui le fascine et le révulse parfois ; nous ne sommes pas sans ressentir tout au long de ses pages une sorte d’envie devant l’audace d’avoir osé une œuvre composite, effrayante parfois, aux thèmes enchevêtrés, à l’obsession suicidaire. Voici quelques extraits : « L’homme est pris d’une crainte instinctive devant les laboratoires du génie : il ne veut absolument rien savoir des causes, des outils et des secrets de la création, de même que la nature manifeste une certaine délicatesse quand elle recouvre de terre ses racines. Que l’artiste s’enferme donc quand il est en travail d’une œuvre ; nous apprendrions d’effroyables choses si nous pouvions, quelle que soit l’œuvre, en connaître la genèse…
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L’œil une fois fixé sur un point, l’oreille ne juge plus avec indépendance… »
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Et Schumann conclut :
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« Si ces lignes pouvaient contribuer à amener Berlioz sur la voie de la modération pour tempérer quelque peu sa démesure, à faire connaître sa Symphonie non comme l’œuvre d’un maître, mais comme celle d’un esprit que son originalité distingue de tout ce qui l’entoure, enfin à encourager les artistes allemands auxquels il a tendu sa robuste main pour faire alliance commune contre la médiocrité dépourvue de tout talent, alors le but de leur publication serait pleinement atteint. » Cette profession de foi d’un jeune compositeur de vingt-cinq ans révèle la force des convictions de Schumann qui n’a pourtant pas encore entendu la Symphonie fantastique de Berlioz (créée en 1830) et ne la connaît que par une réduction pour le piano. L’intuition re-créatrice l’habite et il reconstitue en partie l’orchestration flamboyante de l’œuvre. H ECTOR B ERLIOZ (1803-1869)
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L’œuvre littéraire de ce compositeur et musicien français est immense, entre ses critiques, sa correspondance et ses Mémoires (1870, publication posthume) qui constituent à eux seuls une somme de l’esprit romantique. Ce passionné, toujours entre enthousiasme et dépression, connut une existence difficile. Il est considéré comme « le compositeur romantique français » alors qu’il se réclame du classicisme, mais d’un classicisme selon les règles du XVIe siècle, faisant fi des apports plus récents. Il écrit l’inégalé Grand Traité d’Instrumentation et d’Orchestration (1844, 1860), référence technique mondiale de l’écriture musicale dès sa parution. Ses œuvres musicales sont très nombreuses : citons La Damnation de Faust (d’après le Premier Faust de Goethe et la traduction française de Gérard de Nerval (1808-1855)) et Les Troyens (1856-1858), d’après Virgile, dont il est le librettiste. Notons que Berlioz ne vit jamais cette dernière œuvre représentée dans son intégralité.
Berlioz donne, en février 1843, deux concerts à Leipzig, avec grand succès. C’est à cette occasion que Schumann le rencontre (Clara l’avait connu lors de sa tournée à Paris.)
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Le conservatoire de Leipzig Au mois d’avril, c’est l’inauguration du conservatoire de Leipzig, dirigé par Mendelssohn. Schumann prend la classe de composition, mais il est tout absorbé par une œuvre de Thomas Moore, Lalla Rookh : la poésie le possède à nouveau et il veut mettre ce texte en musique. T HOMAS M OORE (1779-1852)
Schumann
Cet écrivain irlandais fut très prisé en son temps. On lui doit les Irish Melodies en 1805. Berlioz fut séduit par cet auteur et adopta le terme de « mélodie » qui s’impose depuis pour remplacer celui de « romance » qui était admis jusque là. Épris d’anciennes légendes celtiques, il exploite aussi la veine de l’orientalisme fantastique avec Lalla Rookh (1817). Thomas Moore, miné par les dettes dues à sa trop grande confiance en un escroc, meurt dans la folie et la solitude. Ce destin dramatique épouse celui de Lord Byron, dont il fut l’ami et le biographe. Il fut aussi proche de l’écrivain écossais Walter Scott (1771-1832).
Ce même mois d’avril, une statue est édifiée en l’honneur de Jean-Sébastien Bach, à Leipzig, à proximité de l’église Saint-Thomas. À la fin de ce mois riche en événements divers, Clara accouche de sa deuxième fille, Élise.
Un oratorio profane Schumann donne, en décembre 1843, la première audition de son oratorio profane, Le Paradis et la Péri, qui est accueilli, à Leipzig, triomphalement. Ce succès se renouvelle à Dresde, lieu de résidence de Wieck. Devant un tel résultat, Wieck entreprend de se réconcilier avec Clara et Robert. Schumann est dorénavant un compositeur célèbre qui a abordé tous les genres hormis l’opéra.
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Oratorio voir Glossaire
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Opéra voir Glossaire
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Le Paradis et la Péri opus 50, d’après Thomas Moore sur un livret de l’ami « jean-paulien » Emil Fleschig et du compositeur, est un oratorio profane teinté d’angélisme, fondée sur la cosmogonie iranienne. L’œuvre, pour soli, chœur et orchestre, est reçue triomphalement, mais Schumann en ressent les limites et la difficulté de compréhension de ce romantisme orientaliste. Rappelons que, dans la tradition orientale, une Péri est un ange déchu qui doit trouver une rédemption sur la terre. La larme d’un criminel touché par la prière d’un enfant rendra à cet être sa lumière originelle pour qu’elle puisse regagner le ciel. Le sujet est épouvantablement moral et manque de la chair dont se nourrit toute expression artistique. Parallèlement, l’Andante et Variations, opus 46, présente une formation de musique de chambre peu courante : deux pianos, deux violoncelles et un cor en mi bémol. Andante voir Glossaire
Hallucinations, solitude et compositions
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À partir de 1844, le Journal tenu alternativement par Clara et Robert s’effiloche. Robert Schumann abandonne la Neue Zeitschrift für Musik. Quant à Clara, encouragée par Mendelssohn, elle entreprend une tournée en Russie où se couvrent de gloire Pauline Garcia-Viardot et Franz Liszt. Robert est contrarié par cette décision pourtant des plus réalistes. Il accompagne sa femme de mauvaise grâce ; tout au long du voyage, dont on peut imaginer l’inconfort de l’époque, il va de malaise en malaise. Il est frappé de totale stérilité musicale durant ce périple qui mène les jeunes gens de Berlin, à Tilsitt, Riga, Saint-Pétersbourg, Moscou. Il est séduit par le Kremlin, mais sa faiblesse nerveuse est éprouvée. Il songe à une nouvelle vie et à une nouvelle œuvre en se plongeant dans le Second Faust de Goethe, œuvre testamentaire du poète. Au mois de mai, les Schumann sont de retour à Leipzig. Mendelssohn quitte cette ville pour d’autres fonctions mais Schumann n’obtient pas
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le poste de chef d’orchestre du Gewandhaus qui lui aurait permis de succéder à son ami : on lui préfère un Danois, Niels Gade (1817-1890). Schumann ne supporte pas cette humiliation, il se met à haïr Leipzig. Il est pris d’hallucinations et ne supporte plus d’entendre une note de musique. Son médecin lui conseille un nouvel établissement.
La rencontre avec Wagner La famille Schumann quitte Leipzig à la fin de l’été pour s’établir à Dresde, le fief de Richard Wagner. R ICHARD W AGNER (1813-1883)
Schumann
Compositeur et écrivain allemand, il est l’apôtre d’un nouveau théâtre, l’œuvre totale, qu’il tend à mener à bien avec ses opéras dont il est lui-même le librettiste. Il fonde, après bien des tribulations et grâce à la générosité du roi de Bavière Louis II (1845-1886), le Festival de Bayreuth consacré à la représentation de ses œuvres. Citons celles de la maturité : Lohengrin (1850), Tristan et Isolde (1857-1865), Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg (1862-1867), la Tétralogie (18461876), Parsifal (1877-1882). Il accomplit, à la suite de Berlioz et de Liszt, une révolution dans l’écriture musicale en utilisant largement les ressources du chromatisme.
Schumann se plonge, hanté par l’opéra, dans l’écriture d’une pièce nouvelle qui se refuse à prendre la forme lyrique. Il met en musique des Scènes de Faust, extraites de cette pièce fantasmagorique composée par Goethe au soir de sa vie.
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Schumann et Wagner se rencontrent. Le premier trouve que le second est « un gaillard intelligent, mais plein d’idées folles ». Deux aspects du romantisme sont incarnés par ces deux hommes : si Schumann est tout d’intériorité, Wagner est d’une extraversion conquérante, encombrante et logorrhéique, et d’une intransigeance redoutable. Ainsi, il fait peu de cas de Mendelssohn, ce qui irrite profondément Schumann. Les deux hommes ne trouveront aucun terrain d’entente et jamais ils ne s’uniront pour faire face à la médiocrité du goût musical d’une ville sommeillante.
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Un cercle d’amis et de musiciens
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D’autres personnalités se lient d’amitié avec les Schumann, surtout des peintres et des sculpteurs autour du musicien Hiller. Des artistes en tournée s’arrêtent à Dresde : un pianiste, premier mari de Cosima, la fille de Liszt, Hans von Bülow (1830-1894), les cantatrices Jenny Lind (1820-1887) et Wilhelmine Schroeder-Devrient (1804-1860), auteur présumée d’un classique de la littérature érotique Les Mémoires d’une cantatrice allemande et surtout, et plus sûrement, la créatrice du rôle de Fidelio, dans l’opéra de Beethoven du même nom. Ces artistes chantent les Lieder de Schumann. Liszt se rend aussi à Dresde, ce qui permet de ne pas perdre des liens d’amitié déjà anciens. Malgré ces amitiés et la naissance de son troisième enfant, Julie, Schumann sombre dans une terrible dépression. L’année suivante, au cours de laquelle naît un quatrième enfant, Emil, mort en bas âge, est marquée par une dépression profonde, accompagnée d’hallucinations auditives.
Vaine tentative pour s’établir à Vienne En 1847, Schumann accepte de suivre Clara en tournée à Vienne et Prague, la ville qui avait compris Mozart et son Don Giovanni, en 1787. Cette tournée commence avec de grands succès et l’espoir de s’établir un jour dans la capitale autrichienne. Mais les Viennois se lassent vite de l’austérité schumannienne pour lui préférer les « cocottes » des chanteuses à la mode. Le retour à Dresde est difficile. Robert sombre dans de nouvelles crises, malgré la naissance de son cinquième enfant, Ludwig, et la fondation de sa propre société chorale, le Chorgesang Verein, dont il dirige le premier concert en pleine insurrection, le 26 mars 1848. Au même moment, il se dispute et se brouille avec Liszt.
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Des œuvres marquées par les progrès de la maladie Le Concerto pour piano opus 54, en la mineur, voit le jour en cette année 1845, si oppressante pour le compositeur, avec l’ensemble de ses trois mouvements. Schumann ne parie pas sur la virtuosité, mais il écrit une
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œuvre d’une vraie densité musicale et expressive, pleine d’émotion et toute intérieure (voir CD offert). Les Études pour piano-pédalier opus 56 et les Fugues pour orgue opus 60 complètent la production de cette pénible année 1845, année de lutte contre la maladie mentale, sorte de combat de Jacob avec l’ange (Genèse 32, verset 25-33) ! Les années suivantes apportent aussi des œuvres où s’exprime la difficulté de vivre pour Schumann. Ainsi, en 1846, La Deuxième Symphonie opus 61, en ut majeur, est un témoignage qui porte en lui-même la marque de la maladie. L’œuvre tend vers l’objectivité, la recherche de la perfection formelle, comme si Schumann en avait fait un rempart contre la pathologie, un bouclier pour le protéger de ses angoisses et des sons hallucinatoires qui l’assaillent.
Schumann
L’année 1847 commence sous de meilleurs auspices, avec une rétrospective de l’œuvre de Schumann dans sa ville natale, Zwickau. Puis il succède à son ami Hiller à la tête d’une société chorale, le Liedertafel. Cette responsabilité le stimule. Mais au mois de novembre, il apprend la mort subite de son cher Felix Mendelssohn. Schumann est terrassé par la douleur. Cependant, il se relève, fait front, séduit par le conte, extrait du fonds médiéval, de Ludwig Tieck, Genoveva, dont il entreprend de faire un « opéra allemand » dans la tradition de ceux de Weber. Le Trio n°1 et le Trio n°2 renouent avec la musique de chambre, sorte de réminiscences de Bach et de Beethoven, entre rigueur et monumentalisme. Trio voir Glossaire
La maladie s’installe. De plus en plus présentes sont les hallucinations auditives. Les rangs s’éclaircissent autour de Schumann : meurent son frère Carl et Chopin.
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1849, un foisonnement d’œuvres nouvelles
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C’est l’insurrection à Dresde, où l’on voit Wagner faire le coup de feu avec Bakounine (1814-1876), un révolutionnaire anarchiste russe ; le musicien l’appréciait car il voulait tout détruire hormis la Neuvième Symphonie de Beethoven ! Les Schumann quittent Dresde et se réfugient dans la campagne proche pour que Robert ne soit pas réquisitionné. Clara est enceinte de leur sixième enfant, Ferdinand, ce qui ne l’empêche pas de se conduire héroïquement pour protéger les siens. Le « libéralisme » de Robert ne se manifeste pas dans ses actes ! Les Schumann se sont réconciliés avec Liszt qui dirige le théâtre dont Goethe avait été responsable à Weimar. On sait que Liszt a toujours eu une attitude ouverte aux autres compositeurs et que de nombreuses œuvres ont été créées, grâce à lui. Schumann donne à Weimar la troisième partie, la première composée, des Scènes de Faust d’après Goethe. L’œuvre est encore très proche de l’esthétique de Mendelssohn : elle offre une large part au chœur d’une écriture assez convenue mais fort adroite. Cette même année, Schumann aborde un genre nouveau : l’opéra.
L’unique opéra de Schumann : Genoveva En 1842, Schumann écrivait à un ami que « l’opéra allemand était sa prière du matin et sa prière du soir ». Les compositeurs germaniques sont hantés par cette forme, unissant drame et musique, depuis Mozart (La Flûte enchantée, 1791), Beethoven (Fidelio, 1814) et surtout Weber (Der Freischütz, 1821).
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Dans sa prime jeunesse, Schumann est tenté par Hamlet de Shakespeare, par Doge et Dogaresse de Hoffmann, par L’Odyssée d’Homère, par des sujets inspirés de Goethe, de Calderón (1600-1681), par l’histoire d’Abélard et d’Héloïse, et même par des écrits de Cicéron (106-43 av.J.-C.). C’est sur la personne de Geneviève de Brabant que Schumann jette son dévolu. Il dispose de deux textes sur ce personnage illustre venu du fonds médiéval français, l’un de Hebbel (1813-1863), l’autre de Ludwig Tieck. Le compositeur demande à son ami Reinick (1805-1852) de construire le livret de son opéra. Les deux hommes ne s’entendent pas et c’est finalement Schumann qui en sera l’auteur.
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Le livret : l’histoire est édifiante et conte la tragique histoire de la comtesse Geneviève, épouse du comte de Brabant, Siegfried, confiée durant le temps que durera la guerre, à l’intendant Golo qui est amoureux d’elle. Comme la jeune femme refuse ses avances, Golo la dénonce par lettre à Siegfried comme adultère ; Geneviève est condamnée à mort, en est sauvée in extremis. Au retour de Siegfried, la vérité éclate et Golo s’enfonce seul dans la forêt, sans ordalie, abandonné des hommes sinon de Dieu.
La musique : composée en pleine dépression (1847-1848), la partition, achevée en 1849, ne concentre pas un sujet qui se veut (trop) littéraire. Schumann avait mal reçu les conseils d’un Wagner, lui aussi encore à la recherche de « sa patte ». En résultent des morceaux, dont certains
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Schumann
Le thème : si Geneviève représente la vertu et vit en odeur de sainteté, si l’on peut dire, Siegfried le mari est juste mais, dramatiquement, attendu. C’est le personnage de Golo, curieusement attribué à un ténor, qui suscite le plus d’intérêt. Il vit une passion amoureuse contrariée par de multiples facteurs : le fossé de la naissance qui le sépare de Geneviève, jeune fille de noble naissance parée de toutes les vertus, sans aucune zone obscure (contrairement à la « Mélisande » de Maeterlinck (voir page 18), ajoute à son amertume ; la façon dont Geneviève le repousse l’humilie (« Arrière, bâtard sans honneur !… »), la trahison envers son suzerain (son « second père »), son bienfaiteur, le glace : il se fait horreur à lui-même. Golo n’est pas un prince (comme le Golaud de Maeterlinck-Debussy), c’est un vassal, un « sujet ». Il appartient à la race des perdants. Étrangement, Siegfried ne le juge pas, ne le soumet pas à un tribunal : Golo part, semblable au Caïn de Victor Hugo, seul avec sa conscience pour vivre le remords, le pire des châtiments. Lorsqu’il pense en avoir fini avec Geneviève en la livrant à ses bourreaux, il lance cet adieu : « […] Je m’en vais !… Écoutez bien : si je ne rentre pas au château cette nuit, ne me recherchez pas et dites à tous qu’à cheval, le faucon sur le poing, je me suis perdu en plein galop dans ces contrées. » Se suicidera-t-il comme Judas ? Sera-t-il de ces âmes en peine, errantes et fantomatiques, appréciées du romantisme ? Il se perd, en tout cas, dans l’épaisseur secrète de la forêt, de ces « grandes forêts sans lumière » qu’évoquera Maeterlinck, lui aussi fasciné par ces frondaisons qui retiennent les brumes du nord.
admirables, par trop éparpillés quant à leur conception : l’œuvre est intéressante mais manque de fermeté de plume. Schumann cherche un style qu’il ne trouve pas.
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Genoveva sera créé à Leipzig en 1850 après une longue attente tandis qu’est donné l’opéra du compositeur à la mode, l’inévitable Meyerbeer, Le Prophète. Genoveva obtient un succès dit d’estime mais est rapidement retirée de l’affiche. Ce sera le seul opéra achevé de Schumann. Il tentera des incursions sur des sujets divers qui demeureront à l’état d’ébauches : la Fiancée de Messine (Schiller), Jules César (Shakespeare), Hermann et Dorothée (Goethe). L’opéra n’est pas un genre qui convient à Schumann : Dieu n’exaucera pas ses prières, ni celles du soir ni celles du matin. Il n’apporte pas sa pierre à l’édifice qu’est l’opéra allemand. Son confrère de Dresde, Richard Wagner, s’en chargera, doué d’une santé et d’une persévérance rares, surmontant toutes les difficultés jusqu’à l’arrivée du mécène passionné, le roi Louis II de Bavière. Le destin « romantique » de ce dernier n’est pas sans rappeler celui de Robert Schumann : la folie et le suicide (réussi) par noyade.
L’étonnante composition d’une œuvre atypique : Manfred Schumann connaissait ce texte depuis l’enfance ; rappelons-nous que son père était un traducteur de Byron.
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G EORGE G ORDON B YRON (1788-1824) Cet auteur anglais qui commit de nombreuses œuvres bien que sa vie fût brève, séducteur impénitent, vécut sans tenir compte de tous les préjugés de son temps ni de son aristocratique milieu. Il meurt au siège de Missolonghi, en Grèce, victime des fièvres, certes, mais plus encore de saignées abusives. Retenons quelques titres de son œuvre : Childe Harold’s Pilgrimage (1812-1818), Le Corsaire (1814), Mélodies hébraïques (1815), Le Siège de Corinthe et Parisina d’Este (1816), Manfred (1817), Mazeppa (1819), Marino Faliero et Les Deux Foscari (1821), Don Juan (1819-1824). Les compositeurs du temps
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(Rossini, Bellini, Donizetti) s’emparèrent souvent de ses œuvres, se montrant plus soucieux de la mode que du respect dû à leur auteur. C’est ainsi que les textes de Byron sont fréquemment devenus de simples prétextes pour livrets d’opéras médiocres.
Schumann avait ainsi apprécié Manfred, de Byron, lors de sa première lecture, à dix-neuf ans : « Manfred – effroyable ». Cette fascination pour « l’effroyable » appartient au romantisme et à la littérature dite fantastique : révélation des tréfonds de l’inconscient (Unbewusst), ce goût de l’esprit humain pour l’horreur révèle-t-il l’instinct de mort (Thanatos) qui nous possède au même titre, que son parèdre, l’Erôs ? Byron, comme Œdipe, est marqué dans son corps, au talon, d’une infirmité congénitale. C’est le lieu de la faiblesse des héros : Achille, dit « au pied léger », n’y a pas échappé. Semblable aux héros de l’Antiquité, le poète connaît un destin passionné et tragique.
De même que Manfred est seul après la mort d’Astarté, sœur et mère à la fois, source de son être, devenue lumière froide des ténèbres, Schumann est confronté malgré le sain amour de Clara, à la solitude du malade affrontant ses démons. Le compositeur veut créer une œuvre injouable, « un poème dramatique avec musique », écrit-il à Liszt. On chante peu dans le Manfred de Schumann ; c’est, au contraire, l’apologie
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Byron qualifie Manfred de « sorte de poème dialogué en vers blancs ou de drame… mais d’un genre très sauvage, métaphysique et inexplicable ». Voilà qui, d’emblée, se refuse à l’analyse. La lecture de l’œuvre laisse pantois ; elle révèle cependant une grandeur qui n’est pas seulement due à la manifestation du surnaturel. Certainement inspiré du Premier Faust de Goethe, Manfred n’en est pas moins l’éloge non voilé, traduit en termes métaphysiques, de l’inceste consommé entre Byron et sa demi-sœur Augusta, mal mariée à un certain Leigh. La relation incestueuse, prohibée dans toutes les sociétés mais accordée aux seuls êtres assimilés à des dieux, obsède le romantisme qui en exploite la puissance tout en en mesurant l’interdit. La passion amoureuse, même si elle n’est pas incestueuse, ne se réfère-t-elle pas à l’inceste avec le concept d’âme-sœur ? Lorsque l’éternel masculin rencontre l’éternel féminin, ces concepts eux-mêmes abolissent toutes les barrières puisqu’ils introduisent les heureux ( ?) élus dans la sphère de l’absolu.
de la parole, ponctuée par la musique, un récit qui a tourné le dos au récitatif, un chant avorté plus qu’un « mélodrame », une immense scène de « la Gorge-au-Loup » du Freischütz de Weber, paroxystique.
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Seize fragments de l’œuvre de Byron composent le Manfred de Schumann, fragments éclatés, d’une personnalité qui est en train d’exploser en éléments disparates. Ce « poème dramatique », hormis l’Ouverture, magnifique page symphonique de Schumann qui n’annonce pas le chaos, le cataclysme qui va suivre, n’est plus guère donné : il offre certainement trop à voir de ce qui doit demeurer caché du psychisme humain. Manfred est une œuvre cathartique, certes, qui révèle la gémellité avec l’être aimé (voir le premier acte de La Walkyrie, de Wagner), Dioscures de sexe différent à la recherche de l’unité originelle. C’est la jouissance de la complémentarité, de la fusion salvatrice dans la différence transcendée. Cette approche d’une œuvre unique ne peut faire l’économie de considérations philosophiques qui fondent aussi bien le drame de Byron que la conception qu’en livre Schumann. Cela résiste à toute simplification, à tout détour par la facilité : on doit admettre qu’il existe en art des œuvres qui se méritent (voir CD offert).
L’hommage à Goethe D’autres œuvres émaillent cette année dite « année féconde ». Le temps dévolu à Byron ne fait pas oublier Goethe, dont on fête le centenaire de la naissance, à un Schumann en pleine phase créatrice : les neuf Lieder de Wilhelm Meister, le Requiem pour Mignon ; de nombreuses œuvres pour musique de chambre, des pièces pour chœur, le Concertstück opus 92, pour piano et orchestre, qui, quant à lui, ne sera jamais prisé du public, confèrent à cette « année féconde » une sorte d’irréalité créatrice. C’est une effusion de tous les genres, de l’Album pour la Jeunesse opus 79 aux Scènes de la forêt opus 82.
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Requiem voir Glossaire
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Schumann écrit des Conseils aux jeunes musiciens, compose de nouveau pour quatre mains, Images d’Orient et Six Impromptus opus 66, inspirés par Rückert, Douze Pièces pour petits et grands enfants opus 85. Il écrit pour les musiciens solistes de l’orchestre de Dresde. Ajoutons les neuf chansons espagnoles, traduites par Geibel (1815-1884), du Spanisches Liederspiel opus 74, d’une conception hétéroclite où se succèdent solos, duos et quatuor.
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Schumann
Pourtant Schumann n’obtient pas le poste de chef d’orchestre de l’Opéra laissé vacant par un Wagner contraint à l’exil. Les Schumann n’ont qu’un objectif : quitter Dresde.
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Quatrième partie
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Les dernières clartés (1850-1856)
Chapitre 8
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Les soubresauts de la folie (1850-1851)
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« Ma tête m’a tant fait souffrir tous ces derniers temps, qu’il m’a été impossible non seulement de travailler, mais même de penser. […] Il faut bien travailler tant qu’il est jour. » Robert Schumann, Lettre à Hiller, 1849
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Après une nouvelle tournée de Clara, accompagnée de Robert, un changement de milieu s’impose aux Schumann tant Dresde leur devient insupportable. Clara écrit : « Nous ne resterons à Dresde pour rien au monde ». Ils pensent à Leipzig ou Vienne, mais c’est Düsseldorf qui s’offre à eux, la place de directeur de la musique étant libérée par Hiller appelé à d’autres fonctions. La Rhénanie a bonne réputation pour son goût musical ; le public est ouvert aux nouveautés, contrairement à Dresde, la somnolente. À l’automne 1850, la famille Schumann s’installe sur les rives du Vater Rhein. Clara note dans son Journal : « [La situation de directeur de la musique à Düsseldorf] est un lourd travail. Dix concerts par an, quatre concerts de musique d’église, chaque semaine une séance de la société chorale qui compte cent trente personnes. C’est le directeur seul qui choisit les œuvres. Cela rapporte sept cents thalers, ce n’est pas beaucoup, mais comme il s’agit d’un revenu fixe, ce n’est pas à dédaigner. »
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Seule ombre au tableau : Schumann apprend que Düsseldorf compte trois couvents de femmes et un asile de fous. Il écrit à Hiller : « Les premiers m’importent peu, mais le dernier m’a troublé. » Schumann est hanté par la phobie de cette folie qu’il sent prendre possession de lui.
Les progrès de la maladie Empruntons à l’étude que nous a communiquée le docteur Jacqueline Verdeau-Paillès, développée sous le titre général de Génie musical et psychopathologie, la description de ce qu’il advint de Schumann au cours des années 1850-1854 :
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« Toutes ces années verront une aggravation de son état. Les périodes dépressives sont plus graves, plus longues et plus rapprochées. Elles sont cependant entrecoupées de périodes d’amélioration et de fécondité qui étonnent Clara, comme ce fut le cas pour l’année 1851. Robert Schumann […] a pris son poste au cours d’une période dépressive ; il était de nouveau envahi par la peur de devenir fou et de plus en plus gêné par ses acouphènes et par des tremblements. Pour pouvoir diriger, il en était arrivé à attacher sa baguette à son poignet (Philippe André, Schumann, Les chants de l’ombre). Au bout de trois ans, il se sentit obligé de donner sa démission. » Parmi les œuvres nombreuses et magnifiques composées de 1850 à 1853 figurent Les Chants de l’aube, bouleversant dont la tonalité affective parfois joyeuse laisse rapidement place à la souffrance.
À cette époque, le spiritisme et les tables tournantes connaissaient une vogue considérable (cf. Jacques Fabry). Schumann s’adonne à l’occultisme pour y trouver à la fois une explication et un apaisement. Dans une lettre du 5 avril 1853, il explique à l’un de ses amis qu’il a « demandé
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À partir de 1853, les troubles psychiques s’aggravent : l’anxiété et les hallucinations auditives s’intensifient. La nuit est peuplée de cauchemars, du galop de chevaux-fantômes, de menaces de démons, de la mort qui rôde. À ces voix effrayantes se superposent encore les voix de la rédemption et des musiques sublimes qui lui semblent dictées par les anges. Mais, de plus en plus, c’est une « musique intérieure effrayante » qu’il entend, sous l’influence persécutrice de démons.
à la table de lui indiquer le tempo d’un mouvement de sa symphonie, mais que ce tempo lui paraissant trop lent, la table a accepté de le modifier ». Alors, reconnaissant, il a voulu remercier la table en lui offrant un tapis.
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Clara se désole de ne rien pouvoir faire pour atténuer sa souffrance. Robert entend en permanence cette musique obsédante qu’il essaie en vain de noter : il la subit, elle l’envahit, elle se déverse en de merveilleuses compositions mais sa souffrance est décuplée parce qu’elle lui échappe, vivant de sa vie propre. Février 1854 est une période terrible où aux hallucinations auditives vont s’ajouter des hallucinations visuelles. « Pendant la nuit du 17 février, écrit Clara, Robert se releva pour écrire un thème que, disait-il, les anges lui dictaient ». Il les voyait voler autour de lui. Ce sont les Variations fantômes, sa dernière œuvre. […] Aux musiques célestes vont succéder des cris « d’hommes rouges », des visions et des hurlements de bêtes fauves et les vociférations des démons, annonciatrices de la damnation prochaine. Du 18 au 27 février alternent de brefs moments d’accalmie avec la reprise des angoisses, des phobies, des hallucinations. La culpabilité l’envahit. Il se sent abandonné par les puissances célestes, il répète que, sous l’influence des démons, il est devenu un criminel, qu’il ne doit pas cesser de lire la Bible, et il supplie Clara de le quitter. » Restons-en là pour le moment. Nous avons brossé, grâce à cette étude autorisée en psychiatrie, un large tableau de l’évolution de la pathologie schumannienne. Nous y reviendrons lorsque nous en serons à l’année 1854.
La permanence des thèmes romantiques
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Malgré les progrès de la maladie, Schumann ne cesse de composer. Avant de quitter Dresde, il a mis en musique des poèmes de Lenau (opus 90) dont il apprend la mort peu de temps après.
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L ENAU (1802-1850) Lenau, de son vrai nom Nikolaus Franz Niembsch, comte de Strehlenau, est un écrivain autrichien. Il chante l’ennui et le désespoir, avec des touches tziganes parfois. Il meurt fou. Ses poèmes ont inspiré les compositeurs (Liszt, Schumann, Fanny Mendelssohn-Hensel…). Il s’emploie à des transcriptions libres plutôt qu’à de vraies créations d’œuvres originales en utilisant les légendes (Faust, 1836) ou les mythes (Don Juan, 1844).
L’opus 90b met en musique un texte catholique attribué à Héloïse qui porte le titre de Requiem. A BÉLARD (1079-1142)
ET
H ÉLOÏSE (1101-1164)
Schumann
Ces deux personnages historiques incarnent la passion amoureuse paroxystique. Ils furent chantés par François Villon dans La Ballade des dames du temps jadis (« … Où est la très sage Héloïse / Pour qui fut châtré et puis moine / Pierre Abélard à Saint-Denis, / Pour son amour eut cet essoyne… ») et reposent maintenant côte à côte au cimetière du Père Lachaise, à Paris. Abélard, savant théologien fut chargé par la noble famille d’Héloïse de compléter l’éducation de la jeune fille qui, à quinze ans, connaissait déjà « tous les arts ». Il fut son précepteur, mais bientôt ils furent pris l’un pour l’autre d’une immense passion. Il eurent un enfant, se marièrent, mais la famille d’Héloïse n’admit pas cela, s’empara d’Abélard et le fit châtrer. Les amants, à la demande d’Abélard, blessé dans sa chair et humilié dans son esprit, se séparèrent. Héloïse, dont la flamme amoureuse ne s’éteignit jamais, dut prendre le voile et, bien qu’elle n’ait pas de vocation religieuse, devint la prieure de son couvent qu’elle rendit prospère.
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À Düsseldorf, Schumann compose son Concerto pour violoncelle opus 129 et la Symphonie n°3, dite Rhénane, opus 97 (voir CD offert). Cette dernière est inspirée par l’intronisation du nouvel archevêque de Cologne et par la présence tutélaire du Rhin retrouvé. Les symphonies de Schumann (au nombre de quatre) montrent comment son esprit lutte contre les errances de l’âme en peine : c’est la recherche permanente de l’unité dans les brouillards troubles d’une raison à la dérive.
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Les Scènes de Faust : la mort du héros
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Marcel Brion remarque que du triptyque des héros romantiques, formé de Manfred, Faust et Don Juan, Schumann a omis ce dernier, « personnification même de l’insatisfaction, de l’inassouvissement, des appétits perpétuellement déçus parce que rassasiés. » Et pourtant Don Juan est un homme de défi, à l’image de Manfred et Faust. Est-il trop catholique pour être un sujet qui attire un Schumann protestant ? Après Manfred, héros torturé aux cimes des Alpes, Schumann va en finir avec Faust, préférant donner des scènes non destinées à la représentation théâtrale, mais au concert. Cette œuvre concentre des pièces qui seraient certainement amollies par les feux de la rampe. Schumann commence par la fin en traitant tout d’abord ce qui conclut le Second Faust de Goethe, la Transfiguration du héros, aspiré par l’éternel féminin. Ce sont de larges pièces chorales qui seront données dans trois villes lors de la commémoration du centenaire de la naissance de Goethe (1849) : à Dresde (dirigé par Schumann), Leipzig (dirigé par Rietz) et Weimar (dirigé par Liszt).
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Encouragé par cette synergie, Schumann s’emploie à composer deux autres parties, dans l’ordre, cette fois. Il emprunte au Premier Faust (Urfaust) une première partie, dédiée au personnage de Marguerite (soprano) : scène du jardin, scène devant l’image de la mater dolorosa, scène de l’église. La deuxième partie emprunte au Second Faust : Ariel (ténor) chante le lever du soleil, bientôt rejoint par Faust (baryton). Puis vient minuit, avec l’entrée des quatre vieilles femmes, la Misère, le Péché, le Souci, le Chagrin, qui prédisent l’arrivée de leur sœur, la Mort – laquelle( der Tod est masculin en allemand) est en fait un « frère ». Entre Faust, pris d’une vision d’un monde idéal qu’il pense voir se matérialiser. Il meurt dans cette sorte d’extase au moment même où les puissances du mal, les Lémures, creusent frénétiquement sa tombe. Méphistophélès paraît alors, constate que le vieillard gît sur le sable et prononce l’ultime parole christique à l’instant de la mort sur la croix : « Tout est consommé ». Cette mort de Faust adoucit celle que rapporte la légende originale : dans cette première version, Faust est déchiré par les Lémures, tant et
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tant que plus rien ne subsiste de lui, si ce ne sont ses yeux, restés collés sur le sol. Schumann composera une ouverture pour ces admirables Scènes de Faust, en 1853, la dernière année où il sera encore en possession de ses moyens (voir CD offert).
L’enfance retrouvée : Elisabeth Kulmann Schumann a-il jamais perdu cette forme enfantine, pour ne pas dire infantile, de l’esprit ? En 1851, Clara accouche de son septième enfant, Eugénie. Elle mène la nef en péril de cette lourde famille dont le chef est certainement le plus enfant de tous. Il déclare que l’on n’a jamais assez d’enfants, mais, de cette façon, ne parle-t-il pas de lui ?
Schumann
Tout devient enfantin en 1851. Schumann retrouve les accents qu’avait développés le premier romantisme, donnant d’une façon si charmante un sens symbolique, marqué par la nostalgie de la première innocence, aux premières années de la vie. À la fin du siècle, Sigmund Freud verra dans l’enfant, au cours de son exploration de l’inconscient dans ses premières psychanalyses, un « pervers polymorphe », soumis à toute sorte de pulsions et déjà aux terribles jumeaux Erôs et Thanatos, l’amour-passion et l’instinct de mort. La mise au jour de la notion de « complexe d’Œdipe » donne l’estocade finale à l’innocence présumée de nos jeunes années. Un poète en avait déjà dit long, énumérant les perversions de l’enfance pour conclure : « ce sont déjà des hommes » ; c’était Jean de La Fontaine (1621-1695), l’auteur de fables morales et de contes immoraux.
Néanmoins, un voyage en Allemagne du Sud et en Suisse illumine quelques semaines de cette année-là. Une tournée mène les Schumann à
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Regardons Schumann achever son cycle de vie en s’accrochant à une telle régression infantile qu’il en arrive à s’illusionner sur son œuvre : les opus 79, 85, 109 et 130 ont perdu la densité et la sûreté de plume de la décennie précédente. Ces pièces, destinées à l’enfance, demandent des qualités techniques professionnelles ; cependant le peu d’intérêt musical qu’elles présentent n’offrent pas à un interprète la possibilité de rendre justice au grand Schumann des années 1840-1850.
Bruxelles, Anvers, La Haye, où ils sont accueillis et fêtés par le public. Schumann note :
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« À ma grande surprise, j’ai constaté que ma musique était chez elle en Hollande, beaucoup plus que dans mon propre pays. On a donné partout des exécutions excellentes de mes symphonies […] et, à La Haye, Le Pèlerinage de la rose. » Cette même année, Schumann découvre la poésie laissée par une jeune fille de Saint-Pétersbourg, Elisabeth Kulmann (1808-1825). Cette très jeune femme éminemment douée connaissait les lettres et les sciences, un nombre impressionnant de langues (russe, allemand, français, italien, anglais, espagnol, portugais et grec moderne, le latin et le grec ancien, ainsi que le slavon). Elle traduisit Anacréon, Alfieri, Oserow dans divers idiomes. Elle entretenait une correspondance avec Goethe et Jean-Paul. Sur sa tombe, on grava l’épitaphe suivante : « Elle fut la première Russe à connaître le grec, elle connaissait onze langues, en parlait huit : cette jeune fille fut aussi un grand poète. » Schumann s’entiche des poèmes de ce personnage singulier et météorique. Empruntons à Rémy Stricker les lignes qu’il consacre à ce phénomène : « En 1851, Schumann s’éprend d’une enfant poète, morte en 1825 lorsqu’elle avait dix-sept ans. “J’ai surtout découvert [écrit Schumann à son ami Wasielewski] un livre remarquable : les poésies complètes d’Elisabeth Kulmann qui m’occupent depuis deux semaines. Tâchez de vous les procurer. Je ne puis rien dire d’autre que c’est un miracle qui se montre ici à nous”. »
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Le compositeur emprunte sept poèmes à ce recueil pour en construite le cycle opus 104. Citons encore Rémy Stricker : « L’ensemble s’ouvre sur une dédicace – car l’œuvre est composée “en souvenir de la poétesse” – (…) consternante de la part du musicien de Heine et de Goethe, de Eichendorff et d’Andersen ! “Ces modestes Lieder sont dédiés à la mémoire d’une jeune fille qui, depuis longtemps déjà, ne s’attarde plus parmi nous et dont bien peu de personnes se rappellent
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encore le nom. Et pourtant, elle était peut-être un de ces êtres privilégiés, tels que bien rarement il en apparaît sur terre. Un enseignement d’une haute sagesse s’exprime ici avec la perfection poétique d’un maître et vient de la bouche d’un enfant, à l’image de sa vie obscure, suivie d’une grande détresse, s’élève vers les plus grandes béatitudes. […]”
Schumann
La musique de Schumann est hélas aussi puérile que les poèmes de son enfant vénérée, aussi insignifiante et lénifiante que les paroles dont il la fait procéder. Quatre duos opus 103 Mädchenlieder (Chants de jeunes filles), sur d’autres textes de l’enfant-miracle, reprennent les mêmes clichés en nuances aussi fades. J’apprends encore que Schumann avait accroché au-dessus de sa table de travail un portrait d’Elisabeth Kulmann, couronné de lauriers, et qu’il le vénérait comme celui d’une sainte. Bien avant d’entrer à l’asile, il était donc “retombé en enfance ?” »
Le Pèlerinage de la rose : l’idéalisme
Le sujet, selon la manière de le lire, apparaît mièvre ou sublime. La disparition de Rosa possède quelque chose de commun avec la mort de la Mélisande de Maeterlinck qui meurt après avoir donné le jour à une petite fille dont elle semble être « la grande sœur » ; le vieil Arkel
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Robert ne cesse d’aspirer au symbole de l’enfance. Il écrit à Clara des lignes qui vont toutes dans le sens d’un retour à l’enfance, nostalgique et plaintif. Il se tourne vers un texte de Heinrich Moritz Horn (1814-1874), Die Pilgerfahrt der Rose, paru en cette même année 1851. Cet opus 112 est qualifié par Brigitte François-Sappey de « cantate profane édifiante » : une rose rêve de devenir une jeune fille ; son vœu est exaucé, elle devient Rosa mais a toujours l’obligation de tenir en main la rose dont elle est issue. Un meunier qui vient de perdre sa fille la recueille, frappé par la ressemblance des jeunes femmes (est-ce une image de la réincarnation ?). Elle se marie avec le fils du forestier qui l’avait conduite auprès du meunier, met au monde une petite fille sur le berceau de laquelle elle dépose sa rose, déterminée à renoncer à sa courte vie humaine.
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conclut : « C’est au tour de la pauvre petite ! » La vie humaine est-elle une aspiration légitime pour un être venu d’ailleurs ? Cette transformation n’apporte à ceux qui y ont aspiré que misère et trahison la plupart du temps. Si la mièvrerie du texte se rapproche de Chamisso (voir page 87), la lecture symbolique, osons dire ésotérique, de cette œuvre nous amène à considérer les travaux des théosophes allemands les plus sérieux de ce milieu du siècle. Le bel ouvrage de Jacques Fabry, Le Théosophe de Francfort Johann Friedrich Meyer (1772-1849) et l’Ésotérisme en Allemagne au XIXe siècle, nous convie à une lecture telle que devait la faire les hommes du temps. La rose est considérée comme la plus belle des fleurs, capable d’enfanter « une œuvre simple et belle qui n’est pas sans rapport avec l’art hermétique (…). » L’œuvre manque de densité. À vouloir être trop transparent, le symbole se dissout mais l’ouvrage est reçu cependant avec succès devant un public plus averti que nous ne le sommes dans le domaine du spiritisme, des transfigurations et de l’ésotérisme... Schumann utilise beaucoup d’éléments du folklore allemand. Brigitte François-Sappey remarque combien cela correspond au côté charmant et un peu mou d’Eusebius perdu dans ses rêves. Cela dit, Schumann note :
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« La gradation : rose, jeune fille, ange me paraît non seulement poétique, mais encore révélatrice de cette idée qui nous est chère selon laquelle les êtres subissent des métamorphoses grâce auxquelles ils s’élèvent par degrés vers la perfection. » La vision du créateur est claire : cette oeuvre, malgré sa mollesse d’inspiration, décrit un parcours initiatique à l’issue duquel le personnage initial s’anéantit pour renaître dans sa dimension glorieuse. Schumann n’était pas franc-maçon, contrairement à Mozart ou Goethe, de plainpied avec cette optique. Mais cette vision ne rejoint-elle pas l’idée d’un « parcours » que nous devons tous effectuer, initiés ou non, pour nous révéler à nous-mêmes ? (Ainsi, Trivium, dernière partie des Madrigaux de Bellone, retrace-t-il le parcours de l’amour fou, voir Sylvie Oussenko, éditions France Univers).
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Œuvre inégale, le Pèlerinage de la Rose révèle des beautés que souligne Sandrine Blondet, évoquant la mort de Rosa « où la voix plane dans une immatérialité bienheureuse ».
Schumann, chef d’orchestre À Düsseldorf, Schumann a succèdé au pupitre à Mendelssohn et à Hiller qui ont conféré à l’orchestre une grande qualité. Mais Robert n’a guère l’expérience de chef d’orchestre ; il a surtout dirigé des choeurs jusqu’ici. Il écrit en 1850 :
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« Je suis très satisfait de ma position actuelle et si j’étais sûr de pouvoir compter sur mes forces physiques, car diriger est très fatigant, je ne souhaiterais pas autre chose. » Après la tournée de 1850, qui lui permet de renouer avec le succès de ses compositions, dirigées par d’autres, Schumann est de retour à Düsseldorf, il y retrouve son bel orchestre, mais cette responsabilité qui demande autorité et concentration ne correspond pas à ses possibilités. Son expérience est trop récente : plus habitué à la création qu’à la direction, il suit sa propre pensée plutôt que la partition ouverte sur son pupitre. L’orchestre sans chef perd de sa qualité et, dès la première saison, Schumann est attaqué par la critique. Son poste tant attendu vacille…
L’année suivante, Schumann offre des ouvertures à de grandes oeuvres dramatiques, sorte de commentaires annonciateurs du drame qui va se jouer sans que la musique intervienne. Ce sont l’Ouverture de la Fiancée de Messine (Schiller), l’Ouverture de Jules César (Shakespeare), l’Ouverture de Hermann et Dorothée (Goethe). 126
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Et pourtant, en février, lors de la création de la Symphonie rhénane, le chef et le compositeur, confondus, remporte un grand succès. Fort du modèle que fut Mendelssohn, il monte aussi des oratorios : des œuvres de Haendel (1685-1759), Le Messie, Israël en Egypte, Josué ; de Bach, la Passion selon Saint Jean et La Passion selon Saint-Mathieu ; de Haydn, les Saisons. Il y ajoute la Neuvième Symphonie de Beethoven.
Schumann sert encore la musique de chambre avec le Trio n°3, les Sonates n°1 et n°2 pour violon et piano. Pour le piano seul, il écrit Phantasiestücke opus 111.
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Les Lieder fleurissent encore sur des poèmes de Lenau, Quatre chants de hussards opus 117. Ils répondent avec leur fierté, digne de Florestan aux diaphanes couleurs offertes par Elisabeth Kulmann à Schumann – l’inverse pouvant aussi se vérifier.
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Chapitre 9
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La fuite dans l’éternité (1852-1856)
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« Et ne rien pouvoir faire, hélas ! pour le soulager ! » Clara Schumann, Journal, 1854
À Düsseldorf, la situation devient de plus en plus difficile. Wasielewski observe : « Il devenait évident que se développait un état maladif qui lui [Schumann] enlevait la possibilité de poursuivre désormais ce qu’il avait accompli par le passé. » Schumann s’absorbe de plus en plus souvent et de façon de plus en plus profonde en lui-même, en une sorte d’introversion créatrice qui le mène loin des réalités que doit affronter un chef d’orchestre. De plus, il lui devient impossible de se déplacer : troubles phobiques et apathie se sont déjà emparés de lui comme les lémures des Scènes de Faust affairés à creuser la tombe de ce dernier. Les crises s’aggravent, Schumann est envahi par l’hallucination auditive de la note la (celle qui sert de référence lorsque l’orchestre s’accorde), assailli par les « entités » qui le bercent ou le déchirent. Il rencontre des difficultés à s’exprimer et s’abîme dans un silence morbide.
Les dernières œuvres
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Schumann compose néanmoins encore quelques œuvres. Ce sont les dernières années de production : nous pouvons les considérer comme testamentaires.
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Un retour à la musique vocale Les églises catholiques de Düsseldorf lui demandent des œuvres liturgiques nouvelles. Schumann, protestant habitué à s’exprimer en langue vulgaire (entendons par là la langue couramment utilisée par la population) même pour s’adresser à Dieu, aborde le texte de l’office catholique en latin. Une Messe opus 147, Missa sacra, « peu difficile à monter » dit le compositeur, œuvre essentiellement chorale, en ut mineur-ut majeur, hommage à la Messe en ut de Beethoven, est renvoyée par les autorités ecclésiastiques à son auteur ! Messe voir Glossaire
Schumann
Le Requiem opus 148, hommage à la fois à Mozart, Cherubini et Berlioz, n’est pas mieux reçu. La veine schumannienne ne convient pas aux bons prêtres et Robert ne s’inscrit pas au panthéon des compositeurs de musique religieuse lui qui, pourtant, voue un culte à Palestrina et Bach. G IOVANNI P IERLUIGI
DA
P ALESTRINA (1525
OU
1526-1594)
Schumann compose aussi Quatre Ballades pour soli, choeur et orchestre dont deux seront créées de son vivant, la dimension orchestrale en rendant l’exécution difficile. Le compositeur a largement puisé dans « l’élément germanique profond », dit-il, pour utiliser un matériau qui se situe entre l’opéra et le concert, ce qui fait dire à Wasielewski que Schumann confond de façon « arbitraire les deux éléments lyrique et dramatique », réflexion assez énigmatique. En effet, « les deux éléments » en
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Ce chanteur, organiste et compositeur italien offre toutes les facettes de l’école polyphonique de la Renaissance. Il fut successivement directeur musical de Saint-Pierre de Rome, puis de Saint-Paul de Latran, de Sainte-Marie-Majeure, avant de revenir, de 1571 à sa mort, à Saint-Pierre de Rome. Il est aussi l’auteur d’œuvres profanes, mais surtout, avec cent quatre messes, des motets et diverses pièces sacrées, il est l’image même, avec Jean-Sébastien Bach un siècle plus tard, du compositeur de musique sacrée.
question font bon ménage lorsqu’ils sont habilement imbriqués à des fins expressives ! Mozart n’avait pas craint d’utiliser cette alliance. S’y ajoutent d’autres Ballades : l’opus 116, Le Fils du roi, sur un texte de Uhland, revu par Horn, La Malédiction du chanteur opus 139 sur un texte de Uhland, L’Histoire du page et de la fille du roi opus 140, sur un texte de Geibel. Une dernière Ballade opus 143 de Schumann est écrite sur un texte de Uhland, Le Bonheur de Edenhall.
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Un grand cycle : les Cinq poèmes de Marie Stuart Le personnage historique de Marie Stuart (1542-1587), reine de France puis reine d’Écosse, décapitée sur les ordres imprécis de la reine d’Angleterre Elizabeth Ire, porte tout le destin tragique de l’âme romantique. Reine d’Écosse dès sa naissance, elle devient reine de France par son mariage avec François II, fils aîné d’Henri II et de Catherine de Médicis, à la mort accidentelle du roi Henri en 1559. Mais François II meurt un an après ; elle doit laisser le trône à son beau-frère Charles IX et retourner en Écosse. Elle trouve le pays déchiré entre les guerres religieuses et les luttes entre les clans. Elle se marie , en 1565, avec Lord Darnley, son cousin, dont elle a un fils (Jacques Stuart), participe à l’attentat contre son mari dirigé par le comte de Bothwell qu’elle épouse aussitôt qu’elle est veuve, en 1567. L’aristocratie protestante écossaise se révolte contre elle. Elle abdique en faveur de son fils et demande l’asile, en 1568, à sa cousine Tudor, Elizabeth (qu’elle ne rencontra jamais) dont elle avait pourtant nié la légitimité. Mais Elizabeth la fait emprisonner et elle est exécutée en 1587 pour crime de haute trahison. En effet, Marie Stuart n’était pas sans avoir des prétentions légitimes au trône d’Angleterre. Schumann avait eu la possibilité de lire ces poèmes dans un recueil de poésies anglaises et écossaises. Les récentes études musicologiques et historiques (J. Draheim) semblent indiquer que les poèmes n° 3 (en italien) et n° 4 (en français) sont de la main de Marie, les trois autres dont le n° 2 en anglais et le n° 5 en latin étant apocryphes. Voici la succession des titres qui constituent ce cycle : © Groupe Eyrolles
³ Adieu à la France ; ³ À la naissance de son fils ;
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³ À la reine Elizabeth ; ³ Adieu au monde ; ³ Prière. Cela résume l’existence de cette souveraine, française par sa mère, née Guise, farouchement catholique et amoureuse passionnée, fière de sa légitimité en face de la « bâtarde d’Anne Boleyn ». Alexandre Dumas en brosse un tragique portrait dans ses Crimes célèbres, Schiller lui consacre une fascinante œuvre théâtrale ; quant aux historiens, elle ne cesse de les séduire. La femme était belle, finement lettrée, d’une intelligence plus poétique que politique.
Schumann
Le cycle de Schumann épouse étroitement le ton tragique de ces cinq Lieder, de l’Adieu à la France à la dernière Prière, écrite, selon la tradition, par la reine déchue juste au moment d’être conduite à son lieu de supplice. Elle avait alors revêtu ce jupon rouge, soucieuse que le sang n’apparaisse pas sur une lingerie d’autre couleur, ce jupon d’où sortira, juste après l’office du bourreau, son petit chien, resté fidèle à sa maîtresse par-delà la mort. Cette œuvre est à la fois bouleversante et pudique, sa retenue dans la douleur exprimant dans sa grandeur la haute naissance du personnage. Quelle épreuve ce dût être pour Schumann, épris de la féminité absolue chantée par Goethe et par lui-même dans le Second Faust, d’écrire une œuvre telle que celle-là. Y voyait-il une parenté avec son propre calvaire ? Celle des destins brisés… Il offre les Marie Stuart à Clara pour Noël.
En 1853, Schumann conçoit encore une Ouverture pour les Scènes de Faust, un Allegro, opus 134 pour piano et orchestre, un Concerto pour violon dédié à Joachim (voir ci-dessous), les Märchenererzählungen (Contes de fées) opus 132 pour piano, clarinette et violon alto, la Sonate F.A.E. (Frei aber Einsam [Libre mais seul], devise de Joachim) pour violon et piano, fondée sur les notes fa-la-mi dans leur acception allemande (F-A-E), n° 3.
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Les œuvres testamentaires
Les Gesänge der Frühe (Chants de l’aube) opus 133, pour piano, sont dédiés à la poétesse Bettina Brentano, l’amie de Goethe. Ce sont les dernières pages d’un Schumann qui brille encore de mille feux lors des brèves rémissions que lui laisse la maladie. Il ajoutera un autre titre à cette œuvre : An Diotima (à Diotima), l’héroïne du poète lui aussi passé de l’autre côté du miroir, Hölderlin.
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Une dernière œuvre, les Variations en mi bémol majeur pour piano (qu’il nomme les Variations fantômes) répondent à la première œuvre, les Variations Abegg : si ces dernières étaient pleines d’espoir, les variations fantômes traduisent le naufrage de cette âme blessée à jamais.
L’amitié de Joachim et Brahms Au printemps de 1853, lors du festival du Bas-Rhin, Schumann rencontre le violoniste virtuose Josef Joachim (1831-1907) venu interpréter à Düsseldorf le Concerto pour Violon de Beethoven. Il séduit les Schumann par son art et par ses qualités humaines. Joachim écrit à propos de Robert : « C’est le seul compositeur de notre temps traversé du même torrent musical que Beethoven et Schubert. » Joachim redonne à Schumann le goût de vivre. Mais le grand malade qu’est désormais le compositeur se confie plus aux tables tournantes qu’aux hommes, fussent-il d’une trempe rare. Les crises phobiques s’accentuent.
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Mais un autre jeune homme le transporte : Johannes Brahms venu de Hambourg, lumineux de sa blonde beauté. Schumann note à son propos : « […] Je crois que Johannes est le véritable apôtre qui, lui aussi, écrira une Apocalypse6 que des multitudes de pharisiens durant les siècles des siècles seront incapables de déchiffrer. »
6. Allusion à l’Apocalypse de saint Jean l’Évangéliste.
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J OHANNES B RAHMS (1833-1897) Ce compositeur allemand, pianiste et chef d’orchestre, est né à Hambourg et mort à Vienne. Contrairement à ses contemporains, il n’a jamais composé d’opéras. Il s’opposait vivement à l’esthétique wagnérienne. Féru de littérature, il a lu tous les grands auteurs de Sophocle à Schiller et de Dante à Goethe. Il est l’auteur de quatre symphonies, de concertos, de pièces de musique de chambre et de nombreux Lieder. Notons son opus 33, Romances de Maguelone, sur des poèmes de Tieck, et son cycle des Quatre Chants sérieux de 1896, sorte de testament musical écrit un an avant sa mort sur des textes de l’Écriture Sainte. Il eut pour Clara Schumann un tendre attachement.
Schumann
Les souffrances s’apaisent, un festival Schumann, organisé par les deux jeunes musiciens, à Hanovre, fait connaître un triomphe ultime au maître qui surgira des ténèbres pour composer ses dernières œuvres. Néanmoins, Schumann est contraint par le comité directeur d’abandonner ses fonctions de chef d’orchestre, en octobre 1853. Quelques mois plus tard, au moment du carnaval de 1854, Schumann quitte sa demeure, après des crises particulièrement violentes, et va se jeter dans le Rhin. On le sort de là. Il demande alors à être interné. Le 4 mars, Schumann entre à l’asile d’Endenich, près de Bonn. Il oublie tout. Une visite de Brahms apporte une légère amélioration de son état. Schumann s’occupe à quelques transcriptions et écrit à Clara qui accouchera bientôt de son huitième et dernier enfant, Félix.
Une longue agonie Schumann restera plus de deux ans à l’asile d’Endenich. Il oublie les dates de naissance de ses enfants et tient des propos incohérents. Il est agité de tremblements, il est faible et présente des crises de prurit. Il ne parle plus, il bredouille, ce qui terrifie Brahms.
Le 23 juillet 1856, Clara reçut du Dr Richartz un télégramme alarmant. Elle arriva à Endenich le 27 juillet ; elle écrit dans son journal intime : « Il
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Citons de nouveau l’étude de Jacqueline Verdeau-Paillès qui a l’autorité du médecin neuro-psychiatre : « Son état général se dégrade. Il refuse de s’alimenter. »
me sourit, et, d’un grand effort, me serra dans ses bras ; je ne donnerai pas cette étreinte pour tout l’or du monde ». Le 28 juillet, il demanda un portrait de Clara et fit un paquet de ses lettres. Tous ses papiers étaient en ordre… Avant de mourir, ses dernières paroles furent : « Ma Clara… je sais ». il eut encore quelques heures de souffrances, et le 29 juillet, il mourut dans son sommeil.
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À l’heure des bilans, on hésite entre une « paralysie générale » d’origine syphilitique et une « psychose maniaco-dépressive ». Le diagnostic qui rend le mieux compte de la pathologie de Schumann serait, dit le médecin, celui de « psychose périodique à forme essentiellement dépressive aggravée par l’alcoolisme ». Jacqueline Verdeau-Paillès ajoute : « C’est un aspect de la pathologie de Robert Schumann qui a été nié ou passé volontairement sous silence par sa famille, ses amis, ses contemporains et ses historiens. Ce sont les recherches du grand baryton allemand, Dietrich Fischer-Dieskau (né en 1925), qui ont permis de mettre en évidence la permanence et l’importance des addictions au tabac et surtout à l’alcool pendant toute sa vie. »
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C’est cet interprète entre autres, des Lieder de Schumann, qui s’est livré à ce travail devant lequel les médecins s’inclinent. Est-ce en raison de l’intuition de l’artiste qui épouse les élans et les hésitations du créateur au point, par une sorte d’empathie, d’en révéler les mystères ?
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Conclusion Peut-on encore ajouter un mot sur le destin tragique des grands créateurs, musiciens, peintres, auteurs ? Tout a déjà été dit. La vie et l’œuvre de Schumann n’échappent pas à cette constante tragique, illustrée par le propos de Beethoven au sujet de sa Cinquième Symphonie : « C’est le destin qui frappe à la porte ». Le destin a frappé très tôt à la porte de Schumann : l’enchaînement des deuils, son orientation maladroite due à une mère justement inquiète, son mariage avec Clara, retardé par la jalousie intéressée de Frédéric Wieck, l’apparition précoce de la maladie mentale.
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Mais l’année 1840 suspend le chapelet des malheurs : année de son mariage avec Clara, c’est aussi celle qui révèle ses affinités avec le Lied. L’idée de la gémellité avec Chopin s’impose dans la mesure où 1840 est pour ce monomane du piano l’année où il adopte un langage qui lui est tout à fait propre et se tourne vers l’avenir. 1840 est l’année où Schumann trouve sa voie avec l’efflorescence de ces Lieder qui le révèlent encore plus que son œuvre instrumental. Il est vrai que cette forme de la musique de chambre – dialogue d’un chanteur et un pianiste ou tout autre instrument – traduit bien la figure du double que nous avons si souvent évoquée ici : c’est le parcours incessant et simultané entre rêve et réalité, si tant est que l’on peut trancher entre l’un et l’autre de façon drastique. Verbe et musique s’interpénètrent, s’éloignent, se répondent, s’unissent à nouveau pour suivre chacun son chemin, si complémentaires dans leur différence, à l’image de l’éter-
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nel masculin et de l’éternel féminin. On découvre l’altérité à soi-même par les yeux de l’autre, ainsi on peut accepter son propre mystère, l’approfondir et en découvrir l’infinie et l’inatteignable clarté-obscurité. La notion du double est consubstantielle à l’homme. Que dire des phases de manie et de dépression, des accès de création et de la plongée dans le noir pays de l’apathie ? Restons muet sur ce point : l’œuvre est là pour répondre à toute question, de l’opus 39 aux Scènes de Faust, du Concerto pour piano à Manfred, des Papillons aux Poèmes de Marie Stuart.
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Schumann
L’ « âme romantique », incarnée par Robert Schumann, exploite les ressources de l’inconscient et précède les explorations de la psychanalyse.
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Annexes
Cahier de correspondance de Robert et Clara Schumann Extraits de Robert et Clara Schumann, Lettres d’amour, traduction de Jean et Marguerite Alley, Éditions Buchet-Chastel, Paris, 2008
Robert à Clara, 22 mai 1833 Chère bonne Clara, Vivez-vous et comment vivez-vous ? Je veux le savoir. Vous ne trouverez rien d’autre dans ma lettre. C’est à peine si je souhaite que vous vous souveniez de moi tant je me dessèche visiblement – je ne suis plus qu’une branche sans feuille. Le docteur me défend de tant me languir de vous – parce que cela m’atteint trop, dit-il.
A nnexe s
Mais aujourd’hui, j’ai banni mes tourments, j’ai ri au nez du docteur. Il ne voulait pas que je vous écrive. Alors je l’ai menacé, lui disant que je serai pris d’un accès de fièvre qui serait contagieux pour lui, et alors il m’a accordé ce que je lui demandais. Je ne voulais pas vous parler de tout ce que je viens de vous dire mais de tout autre chose. Voilà. Je vous fais une prière que vous devez exaucer. En ce moment nous n’avons aucun point lumineux auquel nous puissions nous raccrocher. Alors voici un projet sympathique : Je joue demain à 11 heures précises l’adagio des Variations de Chopin, et, pendant que je les jouerais, je penserai à vous d’une manière intense – uniquement à vous. Ma prière est que vous fassiez de même de votre côté pour que nos esprits se retrouvent. Le point de rencontre serait le Thomaspförtchen, là où nos Doppelgänger se virent pour la première fois. Si nous étions en période de pleine lune, je me servirais de cette lune pour cacheter ma lettre. Je compte bien sur une réponse.
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Si je n’en obtiens pas… gare ! Je suis de tout cœur. R. S. 143
Clara à Robert, 13 juillet 1833 Cher monsieur Schumann, Avec beaucoup de mal et grâce à ma mère, j’ai enfin pu arriver à déchiffrer votre lettre, et immédiatement je m’installe pour vous répondre. Je vous plains beaucoup d’avoir constamment de la fièvre et d’en souffrir autant. De plus, j’ai appris qu’on vous avait défendu la bière de Munich et j’imagine qu’il ne vous sera pas facile d’obéir. Vous voulez savoir si je vis, mais comment ne vous en êtesvous pas rendu compte puisque voilà plusieurs fois déjà que je vous fais envoyer mes amitiés.
Schumann
Peut-être ne s’est-on pas chargé de la commission ? J’espère que si mais je n’en sais rien. Comment je vis ? Vous pouvez vous en douter. Comment vivre quand vous ne venez plus nous voir ? Je me trouverai demain, selon votre désir, à 11 heures sur le Thomaspförtchen. J’ai terminé mon Doppelgängerchor – et ajouté une troisième partie. J’aurais aimé vous écrire plus longuement mais je n’en ai, hélas !, pas le temps. Répondez-moi, je vous en prie. Je vous souhaite un prompt rétablissement. Clara Wieck P.S. : Je vous prie instamment de m’envoyer le deuxième volume des Papillons.
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[…]
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Wieck à Clara, 1833 Ma fille, Il est l’heure pour toi de devenir indépendante – cela me paraît d’une haute importance. J’ai consacré à ton instruction et à toi-même dix années de ma vie. Reconnais donc tes obligations vis-à-vis de moi. Tâche d’incliner ton esprit vers des actions nobles et désintéressées, acquiers le plus d’humanité possible, et ne manque aucune occasion d’appliquer la vertu – qui est la seule vraie religion. Il importe peu que tu soies méconnue, calomniée, enviée. Il s’agit surtout de ne pas te laisser détourner de tes principes. Il y a là une lutte très dure, mais de cette lutte même naît la véritable vertu.
A nnexe s
Je demeure ton conseiller et ton ami qui ne demande qu’à t’aider.
Clara à Robert, Vienne, le 21 novembre 1837 Aujourd’hui, j’ai donné mon second concert et ce fut un triomphe. De tous les concerts donnés ces jours-ci, c’est au mien que fut réservé le meilleur accueil. Tu me demandes si j’ai joué de ma propre initiative cette Fugue de Bach. Bien entendu, je la joue partout et elle contente ceux qui connaissent bien la musique et aussi ceux qui ne la connaissent pas.
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Je ne dis pas pour cela que, moi, j’en sois contente, ça c’est une autre question. Ne me crois pas assez imbécile pour ne pas me rendre compte de certaines erreurs faites à ce concert ; mais le public, lui, l’ignore, et il est inutile qu’il en soit instruit. Dis-toi bien que je n’aurais pas joué ce que j’ai joué si je trouvais ici aussi peu d’adeptes qu’à Leipzig. D’ailleurs, après être venue ici, on n’a aucune envie de retourner dans les pays
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du Nord où règne une insensibilité absolue. (Bien entendu, tu es l’exception.) Ici, après la Fugue de Bach et les Variations de Henselt, j’obtiens un tonnerre d’applaudissements et toujours des bis… Il n’y a pas d’impression plus réconfortante que de sentir le public réellement content. J’ai eu cette impression. Maintenant, parlons de toi. Le passage de la lettre où tu me dis : « Et ainsi nous regagnâmes notre petite maison chargés de trésors ! » Ah ! Mon Dieu, cher Robert, à quoi penses-tu ? On ne peut plus acquérir de trésors dans les carrières de musique instrumentale. Que d’efforts il nous faut faire pour obtenir et garder quelques francs d’un passage dans une ville.
Schumann
Si, à 10 heures du soir, tu es assis chez Kappe, ou que tu rentres chez toi, je dois, pauvre de moi, m’en aller dans le monde jouer du piano pour m’entendre dire quelques mots agréables et boire une tasse d’eau chaude ! Entre 11 heures et minuit, je rentre morte de fatigue à la maison, je bois une gorgée d’eau, je me couche, et je me dis : « Qu’est-ce qu’un artiste ? pas beaucoup plus qu’un mendiant ! » Et cependant quel miracle d’avoir un beau don. Y a-t-il rien de plus divin que d’arriver à transposer ses sentiments en musique ? Y a-t-il un sentiment plus noble que celui d’être assez profondément attaché à son art pour lui consacrer sa vie ? Voilà ce que j’ai tâché de faire aujourd’hui, et encore davantage ; aussi je me couche contente et heureuse. Oui, je suis heureuse, mais je ne le serai complètement que quand je serai serrée contre toi et que je pourrai te dire : « Maintenant je suis à toi pour toujours – je t’appartiens avec tout mon amour et aussi l’amour de la musique. » © Groupe Eyrolles
Clara
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Robert à Clara, 8 juin 1839 Je crois que je ne pourrai jamais oublier de toute ma vie la journée d’hier. Si je pouvais seulement te la décrire et aussi toutes les solennités liées à ce jour. Écoute-moi, écoute ton vieil ami te raconter les contes de fées ! Je me réveillai de bonne heure et j’entendis en moi sonner les cloches ! Ma première pensée s’envola vers toi et le premier discours solennel c’est le soleil qui vint me le faire dans ma petite chambre. Le matin était tel qu’on aurait aimé s’élancer dans les airs. La matinée se passa à donner quelques audiences, et je proposais à mes pensées quelques projets.
A nnexe s
Vers dix heures seulement on admit quelques gens du monde. Les artistes m’envoyèrent parmi leurs disciples le plus digne d’entre eux comme délégué [Tieck]. Il portait un habit et devait prononcer un discours. Mais, pensais-je en moi-même, les solennités les plus importantes doivent être en plein air et dans la verdure. Aussi, fier comme un roi, j’allai avec le petit Schmidt [professeur de musique et disciple de Schumann] jusqu’à Sonnewitz. J’avais comme satellites les papillons et les alouettes qui volaient autour de moi, saluant le jour de mon anniversaire ! Les champs de blé s’inclinaient en guise de vœux de bonheur, et il n’y avait pas le moindre petit nuage au ciel capable de suggérer une pensée attristante.
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J’avais le cœur joyeux et pensais beaucoup à ma souveraine réfugiée en de lointains pays. Ensuite, à Sonnewitz, ma résidence d’été, on déjeuna d’une manière simple et modeste. Après le déjeuner, le page (je suis le souverain) proposa une excursion dans le voisinage. Et, tandis que les rossignols nous accompagnaient, nous regardions à droite, à gauche, la nature qui resplendissait de jeunesse ; je me sentais fier dans mon royaume. Sous mon grand arbre bien vert, on fit la sieste, et les insectes de toute espèce bourdonnaient autour de nous mais on
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leur avait interdit de déranger pendant son sommeil celui dont on fêtait l’anniversaire et de l’approcher mais de ne pas même l’effleurer d’une aile. À peine réveillé, j’aperçois, traversant les champs, au pas d’un courrier, un nouveau délégué ; parce que les provinces environnantes ne voulaient pas rester à l’écart de la fête, et on avait élu Verhulst qui soudain se trouva devant moi. Il s’exprima en termes corrects et souligna particulièrement son espoir de me voir bientôt uni à ma reine qu’un père à gant de fer tenait sous sa garde. Le roi, lui, était toujours plus silencieux et plus heureux.
Schumann
Quatre heures de l’après-midi approchaient, c’était le moment où il attendait un message de son élue. Revenu à son palais, il ne trouve rien. Quelques nuages de tristesse se posèrent légèrement sur son front. Comment ne recevaient-ils pas de nouvelles le jour de son vingt-neuvième anniversaire, se dit le fiancé plein de bon sens. Le temps passa et soudain entra un délégué de l’État en jaune avec une lettre de ma royale fiancée et bientôt ensuite, mon ami très cher, le Dr Reuter, avec une couronne de myrte et sagement dissimulés des cadeaux de ma bien-aimée. Puis, quand je remis la tasse en place et que je vis ton portrait, le portrait de ma fiancée, je l’embrassai, je l’embrassai encore, je n’eus plus d’égards pour rien, ni pour ma souveraineté, ni pour mon entourage et le reste, tu peux te l’imaginer. Ce portrait est le meilleur portrait qu’on ait fait de toi. Que tu m’as rendu heureux en me l’envoyant.
Clara à Robert, Juin 1939
Mon père imaginait me coincer ; il espérait que je serais bouleversée au point de signer dans la minute même tout ce qu’il me demanderait ; mais, moi aussi, j’ai perdu patience maintenant et ne me soumettrai à rien qui puisse entacher mon honneur.
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La dernière lettre de mon père avec ses nouvelles exigences est conçue de manière si blessante que j’en suis horrifiée au point de me demander s’il est possible que mon père en soit arrivé là.
Aussi voilà de quelle manière je lui ai répondu : “J’ai reçu ta dernière lettre, à laquelle je ne puis guère te répondre étant donné qu’il est inutile d’essayer de nous convaincre. Nos opinions sont diamétralement opposées. Tu es trop persuadé que Schumann est un homme abominable, moi du contraire, et moi je pense qu’il est le seul qui puisse me rendre heureuse. Je veux encore te répondre en ce qui concerne les nouvelles conditions que tu me poses : je ne les accepterai jamais et je ne signerai jamais de pareilles exigences. Comment pouvais-tu imaginer que je signerais un papier où l’homme que j’aime est complètement déprécié. Ce n’était pas sérieux de ta part, dis-toi bien que tu n’obtiendras jamais que j’en arrive là.”
Clara à Robert, Paris, juillet 1839 A nnexe s
[…] J’ai reçu hier seulement ta magnifique Fantaisie [Fantaisie en ut, dédiée à Liszt]. J’en suis encore malade d’admiration. Je la joue d’un bout à l’autre et puis, involontairement, j’allais jusqu’à la fenêtre et, à la vue des fleurs printanières, j’eus une envie furieuse de les serrer toutes dans mes bras. Pendant que je jouais ta Fantaisie, je rêvais un joli rêve ! La marche est un enchantement et les mesures de 8 à 16 – page 15. Ah ! je n’en reviens pas ! Dis-moi à quoi pensais-tu quand tu as écris ça ? Jamais encore je n’avais eu une impression pareille. J’entendais tout un orchestre ; je ne peux pas exprimer ce qui se passait en moi ! Quelques jours plus tard.
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La marche de ta Fantaisie, j’en raffole. Ah ! je voudrais l’entendre exécuter par un grand orchestre ! Quand je la joue, j’ai chaud et froid ; quelle âme, quel génie !
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Quand je vivrai auprès de toi, je ne penserai plus jamais à composer – il faudrait que je sois folle. D’ailleurs, j’ai toujours de la gêne à te montrer mes compositions. Quelques jours plus tard. Quand je joue ta Fantaisie, certaines images se présentent à mes yeux. Concordent-elles avec celles que tu as imaginées ? La marche m’apparaît comme une marche guerrière, victorieuse après une dure bataille – et au moment du la bémol majeur, je vois les jeunes filles du village habillées de blanc, chacune une couronne à la main, s’agenouillant devant le guerrier vainqueur et le couronnant – et puis encore bien d’autres choses que tu sais déjà…
Schumann
Et puis, je pense aussi que j’aime joliment le compositeur et, au moment où l’on passe en dièse, je me vois parmi les jeunes filles qui t’entourent et je couronne mon guerrier et mon conquérant et puis, et puis…
Robert à Clara, Juin (Juillet ?) 1839 Chère fiancée, dans les Novelettes tu apparais de tant de manières différentes et aussi avec tes côtés irascibles. Oui, regarde-moi. Je décrète qu’un seul a pu les écrire, ces Novelettes, un qui a connu des yeux comme les tiens et qui a effleuré des lèvres comme les tiennes ! En un mot, on peut faire mieux, mais rien de semblable, en tous cas ! Robert.
Mon cher Robert, grand merci pour les Lieder ; ils m’ont surprise, ils sont vraiment très singuliers et nécessitent de bons chanteurs et un esprit susceptible de les comprendre.
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Clara à Robert, Berlin, 14 mars 1840
Ton jugement dans l’article de la S.F.M. sur la Symphonie de Schubert me paraît excellent.7 Ah ! si seulement il était encore là ! Comme il est douloureux qu’il soit mort avant que son talent ait été reconnu. Quel sentiment bizarre que celui que j’ai devant sa tombe et celle de Beethoven. Quels amis vous auriez dû être ! Si seulement je pouvais entendre cette symphonie… Je ne peux pas composer, et quelquefois cela me rend malheureuse, mais vraiment je ne peux pas, je ne suis pas douée pour ça. Ne crois pas que ce soit de la paresse. Et un Lied par-dessus le marché, je ne saurais absolument pas. Composer un Lied sur un texte, avoir une conception de tout cela, mon esprit n’y suffit pas ! […]
A nnexe s
Robert à Clara, Leipzig, mars 1840 Ce matin, j’aurais bien souhaité que tu fusses chez Liszt. Il est vraiment extraordinaire ! Il a joué les Novelettes, une partie de la Fantaisie, la Sonate ; j’en étais vraiment ému ! Il les a jouées tout autrement que je ne l’imaginais, mais toujours génial et avec, à la fois, une audace et une délicatesse de sentiment même exceptionnelle pour lui. Il n’y avait que Becker qui était là ; je crois qu’il avait les larmes aux yeux.
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C’est surtout la deuxième Novelette en ré majeur qui m’a fait le plus grand plaisir. Il agit sur vous incroyablement ! Il la jouera à son troisième concert. Il est difficile d’imaginer le brouhaha qui se fait ici. Il n’a pas donné son deuxième concert ; il s’est couché sous prétexte qu’il était malade, et il n’a prévenu que deux heures avant le concert. C’est vrai qu’il était épuisé, mais c’était tout de même une maladie diplomatique – je ne peux pas te raconter les détails. Ce qui m’a été très agréable, c’est que j’ai été toute la journée auprès de lui pendant qu’il était couché, et 7. Voir page 155
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personne sauf Mendelssohn, Hiller et Becker, personne n’avait le droit de le voir ! Si seulement tu avais été là ce matin, tu aurais fait comme Becker – tu aurais pleuré. Pour son concert, il a eu un piano de chez Härtel qu’il n’avait même jamais vu ni touché auparavant. Ça me plaît cette confiance qu’il a en ses dix doigts. Ne prends pas exemple sur lui, ma Clara Wieck, garde ta manière à toi. Personne ne peut se comparer à toi et dans ton jeu, je retrouve la profondeur de ton cœur – tu entends, ma vieille ! Dans quatre semaines aujourd’hui je serai auprès de toi, si Dieu le veut, ma fille chérie, appuyée contre mon cœur, tu sera heureuse et contente, n’est-ce pas ? Clara, ne veux-tu pas organiser un petit concert bien secrètement pour ton fiancé ?
Schumann
J’aimerais entendre la Sonate (la grande) en si bémol majeur, en entier, et puis un Lied de moi, que tu joueras et chanteras (ce qui est le plus important, c’est que ta diction soit claire) et puis ton nouveau Scherzo et, pour finir, la Fugue de Bach en ut dièse mineur du second cahier. Je ne demande pas ce concert en échange de rien, non, je m’attablerai sérieusement. Et puis, nous nous récompenserons réciproquement, tu sais bien comment ? Je me réjouis beaucoup de ce concert des fiancés. Ô toi ! la meilleure et la plus adorable de tous. Quand je vais te revoir pour la première fois, je t’étoufferai de bonheur ! Maintenant il faut se séparer. Liszt seul ajoute quelques lignes à ma lettre. Robert
Lettre de Franz Liszt [en français]
Combien ne regrettai-je de ne pas vous trouver à Leipzig ! Si seulement le temps me permettait d’aller vous serrer amicale-
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Permettez-moi aussi, mon grand artiste, de me rappeler affectueusement à votre gracieux souvenir.
ment la main à Berlin ! Mais, malheureusement, cela ne me sera guère possible. Veuillez donc recevoir ainsi à distance mes vœux les plus empressés pour votre bonheur et votre gloire – et disposez entièrement de moi si par un heureux hasard je pourrai le moins du monde vous être bon à quelque chose. Vous savez que je vous suis entièrement dévoué. F. Liszt
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Extraits de la Neue Zeitschrift für Musik Ces critiques sont extraites de Robert Schumann, Écrits sur la musique et les musiciens, traduction d’Henri de Curzon, Éditeur Claude Tchou pour la Bibliothèque des Introuvables, Paris, 2005 Tous ces textes sont parus dans la Neue Zeitschrift für Musik entre 1835 et 1840.
Beethoven Les quatre ouvertures de Fidelio
Schumann
1840 – Il faudrait graver en lettres d’or le programme que l’orchestre de Leipzig a exécuté jeudi dernier : toutes les quatre ouvertures de Fidelio l’une après l’autre. Merci à vous, Viennois de 1805, à qui la première n’a pas plu, car c’est ce qui conduisit Beethoven, dans une rage concentrée toute divine, à les tirer ainsi, reforgées l’une après l’autre, du creuset. Si jamais il m’est apparu dans sa force, c’est bien ce soir-là où nous avons pu mieux que jamais le surprendre au travail dans son atelier – composant, rejetant, modifiant, toujours brûlant et ardent.
Tel est ce grand œuvre des quatre ouvertures : semblable aux créations de la nature, nous y voyons d’abord l’entrelacs des racines d’où s’élance ensuite la tige gigantesque qui, étendant
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C’est bien à son second assaut qu’il s’est montré le plus colossal. La première ouverture n’avait pas plu : un moment ! pense-t-il ; il faut qu’à la seconde l’idée leur en passe ! Et il s’est rassis au travail, et il fait défiler de nouveau devant lui le drame émouvant, et il a chanté une fois encore les grandes souffrances et les grandes joies de ses amoureux. Elle est diabolique, cette seconde ouverture, et en plusieurs endroits bien plus hardie encore que la troisième, la grande ouverture dite en ut majeur… Car celle-là non plus ne le satisfit pas, puisqu’il la mit aussi de côté, pour n’en retenir que quelques passages, dont, plus calme déjà et plus artiste, il forma cette troisième. Enfin, plus tard, il fit suivre encore de cette plus facile et toute populaire ouverture en mi majeur que l’on donne d’habitude au théâtre.
ses branches à droite et à gauche, aboutit finalement à un délicat buisson de fleurs.
Franz Schubert Sur la Symphonie en ut majeur
A nnexe s
1840 – Ici, outre la magistrale technique musicale de la composition, c’est la vie dans toutes les fibres, le coloris jusque dans la plus subtile nuance, toutes choses mises en valeur, l’expression la plus pénétrante de chaque détail, et répandu pardessus tout enfin, ce romantique qu’on connaît d’ailleurs déjà si bien chez Franz Schubert. C’est cette ampleur toute divine de la symphonie, pareille à un fort roman en quatre tomes, une œuvre de Jean-Paul, par exemple, qui ne peut non plus jamais finir, et pour les meilleures raisons, à vrai dire, c’est pour laisser aussi le lecteur imaginer la suite ! Comme cela rafraîchit, ce sentiment de richesse partout, tandis que chez d’autres il faut toujours craindre la fin, où l’on est si souvent désolé de s’être fait illusion ! On ne pourrait concevoir où Schubert aurait puisé du premier coup cette maîtrise, cette supériorité rayonnante et qui se joue dans le maniement de l’orchestre, si justement l’on ne savait que cette symphonie était précédée de six autres et qu’il l’écrivit dans la mûre force de l’âge. En tous cas, il faut toujours regarder comme la preuve d’un talent extraordinaire que lui, qui a si peu dans sa vie entendu exécuter des œuvres instrumentales, ait atteint un aussi original maniement des instruments, soit en particulier, soit dans la masse de l’orchestre, où il semble souvent qu’on entende des voix humaines et des chœurs se mêler et se répondre les uns aux autres.
Berlioz
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Sur la Symphonie fantastique Virtuose-né sur l’orchestre, Berlioz demande sans doute des choses excessives à chaque instrument isolé comme à l’ensemble – plus que Beethoven, plus que tous les autres. Mais ce n’est pas une trop grande habileté technique qu’il exige des exécu-
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tants : c’est de l’intérêt pour leur tâche, du goût, de l’amour. L’individu doit s’effacer, pour servir simplement à la totalité, qui doit à son tour se soumettre docilement à la volonté du chef. […]
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Schumann
À la vérité, Berlioz ne dédaigne absolument rien de ce qui, d’une façon quelconque, s’appelle son, résonance, bruit et timbre, on le voit employer les timbales en sons étouffés, les harpes, les cors en sourdine, le cor anglais et même les cloches. Florestan a même déclaré avoir le ferme espoir que Berlioz commanderait un jour à tous ses musiciens de siffler en tutti, bien qu’à vrai dire il pût alors aussi bien inscrire des pauses, attendu qu’on serait bien en peine d’empêcher sa bouche d’éclater de rire ; il ajouta encore qu’il avait le ferme espoir (lui, Florestan) de voir inscrits dans les partitions futures des chants de rossignols et des orages inopinés. Mais suffit, ici il faut entendre.
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Catalogue d’œuvres Cette liste rassemble les œuvres majeures de Robert Schumann, répertoriées par numéro d’opus. Les œuvres qui figurent en gras correspondent aux morceaux dont le CD ci-joint offre des extraits.
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Œuvres pour piano seul Variations Abegg
opus 1
1829-1830
Les Papillons
opus 2
1829-1831
6 Études sur les Caprices de Paganini
opus 3
1832
6 Intermezzi
opus 4
1832
Impromptus sur un thème de Clara Wieck opus 5
1833
Davidbündlertänze
opus 6
1837
Toccata
opus 7
1829-1832
Allegro
opus 8
1831
Carnaval
opus 9
1833-1835
6 Études de concert sur les Caprices de Paganini
opus 10
1833
Sonate en fa dièse mineur
opus 11
1832
Fantasiestücke pour piano
opus 12
1837
Sonate en fa mineur
opus 14
1835-1836
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opus 15
1838
Kreisleriana
opus 16
1838
Fantaisie en do
opus 17
1836-1838
Arabesque
opus 18
1838
Blumenstücke
opus 19
1839
Humoreske
opus 20
1838
8 Novelettes
opus 21
1838
Sonate en sol mineur
opus 22
1838
Nachtstücke
opus 23
1839
Scherzo, Gigue, Romanza et Fuguetta
opus 32
1838-1839
Andante et Variations pour deux pianos
opus 46
1843
Ouverture, Scherzo et Finale
opus 52
1841-1845
Études pour piano à pédalier
opus 56
1845
4 Esquisses pour piano à pédalier
opus 58
1845
6 Fugues sur le nom de Bach
opus 60
1845
Bilder aus Osten (Images d’Orient) pour piano à quatre mains
opus 66
1848
Album pour la jeunesse
opus 68
1848
4 Fugues pour piano
opus 72
1845
Sonate en si bémol majeur ou Faschingeschwank aus Wien
opus 26
1839-1840
4 Marches pour piano
opus 76
1849
Ballscenen pour piano à quatre mains
opus 109
1853
7 Pièces en forme de fugue pour piano
opus 126
1853
12 Duos pour piano
opus 85
1849
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Schumann
Scènes d’enfants
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Œuvres vocales
Liederkreis
opus 24
1840
Myrthen
opus 25
1840
Lieder und Gesänge
opus 27
1840
3 Lieder sur des textes de Geibel
opus 30
1840
12 Lieder sur des poèmes de Kerner
opus 35
1840
6 Lieder sur des poèmes de Reinick
opus 36
1840
12 Lieder sur Liebesfrühling de Rückert
opus 37
1840
Liederkreis sur des poèmes de Eichendorff opus 39
1840
5 Lieder
opus 40
1840
Frauenliebe und Leben sur des poèmes de Chamisso
opus 42
1840
3 Lieder à deux voix
opus 43
1840
Dichterliebe sur des poèmes de Heine
opus 48
1840
5 Lieder
opus 51
1840-1846
Belsatzar sur un poème de Heine
opus 57
1840
4 Lieder pour chœur
opus 59
1846
Adventlied
opus 71
1848
Spanisches Liederspiel pour quatuor vocal opus 74
1849
5 Lieder
opus 77
1840
Album de lieder pour la jeunesse
opus 79
1849
3 Lieder
opus 83
1850
6 Lieder
opus 89
1850
7 Lieder
opus 90
1850
3 Lieder hébraïques sur des poèmes de Lord Byron
opus 95
1849
5 Lieder
opus 96
1850
A nnexe s
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Lieder
159
Schumann
9 Lieder sur des poèmes du Wilhelm Meister de Goethe opus 98a
1849
Mädchenlieder pour deux voix
opus103
1851
7 Lieder
opus 104
1851
6 Lieder
opus 107
1851-1852
Nachtlied pour chœur
opus 108
1849
3 Lieder pour chœur de femmes
opus 114
1851
Quatre Husarenlieder
opus 117
1851
3 Lieder
opus 119
1851
5 Lieder
opus 125
1850-1851
5 Lieder
opus 127
1828-1840
4 Lieder pour double chœur
opus 141
1849
4 Lieder
opus 142
1840
Spanische Liebeslieder
opus 138
1849
opus 50
1843
opus 81
1847-1849
Messe
opus 147
1852-1853
Requiem
opus 148
1852
3 Romances
opus 28
1839
3 Poèmes de Geibel
opus 29
1840
3 Chants sur des textes de Chamisso
opus 31
1840
Oratorio Le Paradis et la Péri
Opéra Genoveva
Musique religieuse
160
© Groupe Eyrolles
Autres œuvres vocales
© Groupe Eyrolles
opus 33
1840
4 Duos pour soprano et ténor
opus 34
1840
3 Romanzen und Balladen
opus 45
1840
3 Romanzen und Balladen
opus 49
1840
3 Romanzen und Balladen
opus 53
1840
5 Pièces pour chœur sur des poèmes de Robert Burns
opus 55
1846
3 Pièces pour chœur d’hommes
opus 62
1847
3 Romanzen und Balladen
opus 64
1841-1847
Ritornellen pour chœur d’hommes
opus 65
1847
5 Romanzen und Balladen pour chœur
opus 67
1849
6 Romances pour chœur de femmes
opus 69
1849
5 Romanzen und Balladen pour chœur
opus 75
1849
4 Duos pour soprano et ténor
opus 78
1849
« Chant d’adieu » pour chœur
opus 84
1847
Ballade « Der Handschuh »
opus 87
1850
6 Romances pour chœur de femmes
opus 91
1849
« Verzweifle nicht » pour double chœur
opus 93
1849-1852
« Le Pèlerinage de la rose »
opus 112
1851
« Le Fils du roi », ballade pour soli, chœur et orchestre opus 116
1851
2 Ballades de forme mélodrame
opus 122
1852-1853
5 Romanzen und Balladen
opus 145
1849-1851
5 Romanzen und Balladen
opus 146
1849-1851
5 Poèmes de la reine Marie Stuart
opus 135
1852
5 Chansons de chasse pour chœur d’hommes et quatre cors
opus 137
1849
« Histoire du page et de la fille du roi » sur quatre poèmes de Geibel
opus 140
1849-1850
A nnexe s
6 Chants à quatre voix
161
Œuvres pour orchestre Études symphoniques
opus 13
1837
Symphonie en si bémol majeur, « Le Printemps » (Symphonie n°1)
opus 38
1841
Concerto pour piano et orchestre
opus 54
1841-1845
Symphonie en ut majeur (Symphonie n°2) opus 61
1845-1846
Symphonie « Rhénane » en mi bémol majeur (Symphonie n°3)
1850
opus 97
Symphonie en ré mineur (Symphonie n°4) opus 120
1853
Fantaisie pour violon et orchestre
opus 131
1853
3 Quatuor à cordes (la mineur, fa majeur, la majeur)
opus 41
1842
Quintette pour piano et cordes
opus 44
1842
Quatuor pour piano et cordes en mi bémol majeur
opus 47
1842
Trio pour piano et cordes en ré mineur
opus 63
1847
Adagio et Allegro pour piano et cor ou violoncelle ou violon
opus 70
1849
3 Fantasiestücke pour piano et clarinette ou violon ou violoncelle opus 73
1849
Trio pour piano et cordes en fa majeur
opus 80
1849
4 Fantasiestücke pour piano, violon et violoncelle
opus 88
1849
3 Romances pour piano et hautbois ou violon ou violoncelle
opus 94
1849
Sonate pour violon et piano en la mineur opus 105
1851
Trio pour piano et cordes en sol mineur
1851
162
opus 110
© Groupe Eyrolles
Schumann
Musique de chambre
« Märchenbilder » pour piano et alto ou violon
opus 113
1851
Sonate pour violon et piano en ré mineur opus121
1851
Concerto pour violoncelle
opus 129
1850
opus 100
1850-1851
Musique de scène Ouverture de La Fiancée de Messine de Schiller
Manfred, musique de scène pour le drame de Byron opus 115
1848-1849
Ouverture de Rheinweinlied
opus 123
1852-1853
Ouverture de Jules César
opus 128
1851
Ouverture de Hermann et Dorothée
opus 136
1851
sans numéro d’opus
1843-1853
A nnexe s
Scènes de Faust
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Autres œuvres Waldszenen (Scènes de la forêt)
opus 82
1848-1849
Concertstück pour quatre cors
opus 86
1849
Introduction et Allegro appassionato
opus 92
1849
« Requiem pour Mignon » d’après le Wilhelm Meister de Goethe opus 98b
1849
Bunte Blätter
opus 99
1852
Minnespiel
opus 101
1840
5 Pièces dans le goût populaire
opus 102
1849
« Schön Hedwig » de forme mélodrame
opus 106
1851
3 Fantasiestücke
opus 111
1851
3 Sonates pour la jeunesse
opus 118
1853
Albumblätter
opus 124
1854
Kinderball
opus 130
1853
163
opus 132
1853
Gesänge der Frühe
opus 133
1853
Allegro de concert avec introduction
opus 134
1853
« La Malédiction du chanteur »
opus 139
1852
« Le Bonheur de Edenhall »
opus 143
1853
« Chant du nouvel an »
opus 144
1853
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Schumann
« Märchenerzählungen » pour piano et clarinette ou violon et alto
164
Glossaire Allegro : mouvement rapide. Andante : mot italien signifiant littéralement « allant », mais souvent interprété comme un mouvement peu rapide. Ballade : forme poétique, appliquée par extension à la musique. Canon : forme musicale composée de l’exposition d’un thème repris successivement par plusieurs voix. Concerto : forme symphonique qui « accompagne » un instrument soliste. Esquisses : appartient au vocabulaire pictural pour nommer les approches successives du dessinateur ou du peintre avant d’en arriver à l’œuvre achevée. Par extension, ce mot est utilisé par les musiciens dans le même sens. Études : à l’origine, pièces musicales destinées à parfaire la virtuosité de l’instrumentiste ou du chanteur (pour lequel on parle de « vocaliseétude »). Fantaisie : forme musicale d’un caractère apparemment libre.
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Fugue : forme apparentée au « canon » mais aux recherches plus savantes, appelée « fugue » car les différentes voix semblent se courir les unes après les autres. Impromptu : forme musicale qui joue sur son caractère de spontanéité, mais reste toujours canalisée par les lois de la composition.
165
Intermezzo : à l’origine, ce terme italien désigne un interlude musical, un mouvement de liaison. Mais, comme cela est courant en musique, les genres s’interpénètrent et les titres donnés aux œuvres indiquent plus une atmosphère qu’une réalité précise. Lied (au pluriel, Lieder) : ce genre est typiquement allemand. Il s’agit de poèmes mis en musique. On peut le rapprocher (comme le fait Gabriel Bacquier, né en 1924) du song, caractéristique du monde anglo-saxon et fondé sur les mêmes éléments, ou encore de la mélodie, héritière de la romance, en France. Messe : mise en musique de l’office catholique qui retrace l’anamnèse, à savoir l’institution de l’eucharistie par Jésus-Christ, le Jeudi saint, veille de sa passion. La messe est un repas sacré.
Schumann
Musique à programme : pièce musicale censée décrire un récit imaginé par le compositeur. On l’oppose à la « musique pure »… comme s’il existait des musiques impures ! Musique de chambre : pièces musicales écrites pour de petites formations, prévues à l’origine pour être jouées dans un salon et non dans une salle importante. Opéra : forme théâtrale musicale au cours de laquelle le texte est chanté et non parlé, le chant étant soutenu par un orchestre. Oratorio : texte poétique, religieux ou non, chanté, soutenu par un orchestre. Polonaise : forme musicale qui s’est développée, à partir du XVIIIe siècle, à partir d’une danse populaire venant de Pologne. Postlude : moment musical qui conclut une œuvre. Prélude : moment musical destiné à présenter une œuvre. Ce terme s’est étendu à un genre qui existe pour lui-même, comme cela est fréquent en musique. Quintette : ensemble de cinq instrumentiste ou chanteurs.
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Requiem : « Messe des Morts » dans l’office catholique, qui commence par ces mots : « Requiem aeternam dona eis, Domine » soit : « Seigneur, donne-leur le repos éternel. »
166
Romances : courtes pièces vocales, lesquelles, par extension, vont arriver à décrire plus une atmosphère générale qu’un genre particulier. Sonate : forme musicale qui intéresse la musique de chambre instrumentale pour un ou deux instruments. Désigne aussi une forme de composition qui s’applique à la symphonie. Symphonie : pièce orchestrale composée de plusieurs mouvements qui expose deux thèmes, l’un mélodique, l’autre rythmique. Toccata : forme musicale de caractère improvisé. Trio : ensemble de trois instrumentistes ou chanteurs. Variations : à partir d’un thème simple, art de le traiter de toutes les manières possible sans jamais perdre de vue sa forme originelle.
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G lo ssa ire 167
Bibliographie sélective Dictionnaire de la musique, Marc Honegger (dir.), Bordas, Paris, 1970 (2 volumes). Dictionnaire de la musique, Les compositeurs, Encyclopædia universalis, Albin Michel, Paris, 1998. Guide de la mélodie et du Lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel (dir.), Fayard, collection « Les indispensables de la musique », Paris, 1994. Histoire de la musique occidentale, Jean et Brigitte Massin (dir.), Fayard, collection « Les indispensables de la musique », Paris, 1983-1985. Littérature allemande, Fernand Mossé (dir.), Aubier-Montaigne, Paris, 1970. Musiques, une encyclopédie pour le XXIe siècle, Jean-Jacques Nattiez (dir.), Actes Sud / Cité de la musique, Arles, 2004 (5 volumes). Schumann, ouvrage collectif (Marcel Brion, André Boucourechliev, Emmanuel Buenzod, Christian David, Maurice Fleuret, Françoise Mallet-Joris, Carl de Nys, Claude Rostand), collection « Génies et réalités », Hachette et Société d’études et de publications économiques, Paris, 1970. Science de la musique, Marc Honegger (dir.), Bordas, Paris, 1977 (2 volumes). © Groupe Eyrolles
***
169
André Philippe, Schumann, Les Chants de l’ombre, Lattes, Paris, 1982 Béguin Albert, L’Âme romantique et le Rêve, José Corti, Paris, 1939. Blondet Sandrine, Schumann, Éd. Jean-Paul Gisserot, Paris, 1999. Boucourechliev André, Schumann, Seuil, collection « Solfèges », Paris, 19561995. Brion Marcel, Schumann et l’Âme romantique, Albin Michel, Paris, 1954. Lord Byron, George Gordon, Manfred, poème dramatique, traduit de l’anglais par Florence Guilhot et Jean-Louis Paul, Ressouvenances, Cœuvres et Valsery, 1985-1993. Darras Gilles, L’Âme suspecte, le corps complice, Connaissances et savoirs, Paris, 2005. Dumas Alexandre, Les Crimes célèbres, Phébus, Paris, 2002 (3 volumes).
Schumann
Fabry Jacques, Le Théosophe de Francfort, Johann Friedrich von Meyer (17721849) et l’Ésotérisme en Allemagne au XIXe siècle, Peter Lang, Berne, 1989 (2 volumes). Fabry Jacques, Kosmologie und Pneumatologie bei Jung-Stilling, JungStilling-Gesellschaft, Siegen, 2006. Fabry Jacques, Visions de l’au-delà et Tables tournantes, Presses universitaires de Vincennes, collection « La Philosophie hors de soi », Saint-Denis, 2009. François-Sappey Brigitte, Robert Schumann, Fayard/Mirare, Paris, 2003. Goethe Johann Wolfgang, Théâtre complet, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, 1951. Hoffmann Ernst Theodor Amadeus, Fantaisies dans la manière de Callot, traduit de l’allemand par Henri de Curzon, Phébus, collection « Verso », Paris, 1979.
Klinger Friedrich Maximilian, Sturm und Drang, Reclam, Stuttgart, 19701998.
170
© Groupe Eyrolles
Hoffmann Ernst Theodor Amadeus, Le Chat Murr, traduit de l’allemand par Madeleine Laval, Phébus, collection « Verso », Paris, 1988.
Oussenko Sylvie, Chopin, vie et œuvre, Eyrolles, Paris, 2009. Oussenko Sylvie, Les Madrigaux de Bellone, Nouvelles,France Univers, 2007. Oussenko Sylvie, L’Opéra tout simplement, Eyrolles, Paris, 2009. Philonenko Alexis, L’œuvre de Fichte, Librairie philosophique Vrin, collection « À la recherche de la vérité », Paris, 1984. Savino Alberto, La Boîte à musique, traduit de l’italien par René de Ceccatty, Fayard, Paris, 1989. Schlegel Friedrich, Fragments, traduit de l’allemand par Charles Le Blanc, José Corti, collection « En lisant, en écrivant », Paris, 1996.
Bib l io gra p hie sé le c t ive
Schneider Michel, La Tombée du jour, Schumann, Seuil, collection « Essais », Paris, 1989. Schneider Michel, Schumann, Les voix intérieures, Gallimard, collection « Arts », Paris, 2005. Schubert Gotthilf Heinrich, La Symbolique du rêve, traduit de l’allemand par Patrick Valette, Albin Michel, collection « Bibliothèque de l’hermétisme », Paris, 1982. Schumann Robert, Écrits sur la musique et les musiciens, traduit de l’allemand par Henri de Curzon, Claude Tchou, collection « Bibliothèque des introuvables », Paris, 2005. Schumann Robert et Clara, Journal intime, traduit de l’allemand par Yves Hucher, Buchet-Chastel, collection « Bibliothèque du club de la femme », Paris, 1967-1969. Schumann Robert et Clara, Lettres d’amour, traduit de l’allemand par Jean et Marguerite Alley, Buchet-Chastel, Paris, 2008. Stricker Rémy, Robert Schumann, Le musicien et la folie, Gallimard, collection « Tel », Paris, 1984.
© Groupe Eyrolles
Tieck Ludwig, Les Fils Aymon – Les amours de la belle Maguelone et de Pierre de Provence – Mélusine, trois contes traduits de l’allemand par Sylvie Oussenko, Grèges, Montpellier, 2008. Tillard Françoise, Fanny Hensel née Mendelssohn Bartholdy, Symétrie, Lyon, 2007.
171
Verdeau-Paillès Jacqueline, Robert Schumann, Génie musical et psychopathologie, in : La Revue de musicothérapie, volume XXVII, n°2, juin 2007.
Discographie sélective Œuvres pour piano seul, par Claudio Arrau (Philips) Lieder de 1840, par Bernard Kruysen, ténor, Danielle Galland, soprano, et Noël Lee, piano (Auvidis-Valois). Lieder, par Dietrich Fischer-Dieskau, baryton, et Christoph Eschenbach, piano (Deutsche Grammophon). Les 4 Symphonies, Ouvertures, Scherzo et Finale, Staatskapelle de Dresde, dir. Wolfgang Sawallisch (EMI Classics)
Schumann
Symphonie n°1 Le Printemps et symphonie n°2, New York Philharmonic, dir. Leonard Bernstein (Sony) Symphonie n°3 « rhénane » et symphonie n°4, New York Philharmonic, dir. Leonard Bernstein (Sony) Scènes du Faust de Goethe, par Dietrich Fischer-Dieskau, baryton, Elizabeth Harwood, soprano, Peter Pears, ténor (Polygram Records)
Pièces du CD offert
© Groupe Eyrolles
Les papillons, opus 2 (1829-1831) interprété par Romain hervé, date de l’enregistrement : 29.04.2007, 14 mn 40 RSR - Espace 2
172
Dichterliebe, Op.48 (Texts : Heinrich Heine) BIS-CD-92 Im wunderschönen Monat Mai, 1 mn53 Aus meinen Tränen sprießen, 53 s Ich will meine Seele tauchen, 53 s Die alten, bösen Lieder, 4 mn 26 Robert Schumann (p) & © Bis Records Avec l’aimable autorisation de Universal Publishing Production Music France Concerto pour piano et orchestre, opus 54 ( 1844-1845), premier mouvement, interprété par Dinu Lipatti au piano et l’orchestre philharmonique de Londres, dirigé par Herbert Von Karajan, 1948, 14 mn 34.
Piè ce s d u C D o ffe rt
Symphony No.3 in E flat major (‘Rhenish’), Op.97, 11 mn 07 BIS-SACD-1619 Robert Schumann (p) & © Bis Records Avec l’aimable autorisation de Universal Publishing Production Music France Overture to ‘Manfred’, Op.115, 8 mn 26 BIS-SACD-1619 Robert Schumann (p) & © Bis Records Avec l’aimable autorisation de Universal Publishing Production Music France
© Groupe Eyrolles
Overture to ‘Scenes from Goethe’s Faust’, 7 mn 38 BIS-SACD-1519 Robert Schumann (p) & © Bis Records Avec l’aimable autorisation de Universal Publishing Production Music France
173
Index Les nombres en gras renvoient aux pages des notices biographiques.
B Bach, Jean-Sébastien 13, 17, 54, 77, 90, 102, 106, 126, 132, 146 Bacquier, Gabriel 166 Beethoven, Ludwig van 17, 28, 48, 53, 74, 77, 78, 85, 90, 92, 93, 105, 106, 107, 126, 132, 135, 139, 151, 156 Berlioz, Hector 17, 38, 39, 52, 53, 71, 89, 92, 93, 100, 101, 102, 104, 132 Brahms, Johannes 15, 135, 136 Brentano, Clemens 20, 46, 47, 135 Byron, George Gordon 21, 27, 28, 30, 87, 102, 109, 110, 111
C
© Groupe Eyrolles
Chamisso, Adalbert von 14, 20, 87, 125 Cherubini, Luigi 132 Chopin, Frédéric 17, 28, 49, 52, 56, 62, 77, 106, 139, 143 Czerny, Carl 55
D Debussy, Claude 17, 18, 108
Dorn, Heinrich 48, 53
E Eichendorff, Josef von 14, 20, 87, 123
F Fischer-Dieskau, Dietrich 137 Fricken, Ernestine von 53, 54, 59, 62, 63
G Garcia-Viardot, Pauline 61, 78, 103 Goethe, Johann Wolfgang von 20, 21, 28, 29, 48, 49, 59, 60, 61, 78, 87, 101, 103, 104, 107, 109, 110, 111, 121, 123, 125, 126, 134, 135, 136
H Haydn, Josef 17, 74, 90, 92, 126 Hebbel, Friedrich 21, 107 Heine, Heinrich 13, 14, 20, 30, 85, 86, 87, 88, 89, 91, 123 Hensel, Fanny 14, 120 Hiller, Ferdinand 53, 105, 106, 117, 118, 126 175
Hoffmann, Ernst Theodor Amadeus 13, 20, 65, 68, 73, 77, 79, 107 Hölderlin, Friedrich 30, 46, 47, 135 Horn, Heinrich Moritz 124, 133
J
Pasta, Giuditta 37 Pierluigi da Palestrina, Giovanni 132
R Reinick, Robert 89, 107 Richter, Jean-Paul 20, 28, 29, 93
Joachim, Josef 134, 135
S K Kerner, Justinus 14, 89 Kleist, Heinrich von 93 Knorr, Julius 51, 52 Kulmann, Elisabeth 12, 122, 123, 124, 127
Schiller, Friedrich von 20, 28, 29, 109, 126, 134, 136 Schlegel, August Wilhelm 20 Schlegel, Friedrich 20, 47, 74 Schubert, Franz 13, 17, 30, 53, 77, 78, 85, 135, 151 Schunke, Ludwig 51, 52, 53, 66
Lenan 119, 120 Liszt, Franz 28, 38, 52, 71, 73, 74, 89, 90, 92, 93, 103, 104, 105, 107, 110, 120, 121, 151
T
M
V
Mendelssohn Bartholdy, Félix 12, 13, 14, 54, 90, 102, 104, 106, 126 Mendelssohn, Moses 19, 54 Metternich, Klemens von 98 Meyerbeer, Giacomo (Jacob Liebman Beer, dit) 13, 56, 109 Moore, Thomas 87, 102, 103 Moscheles, Ignaz 27, 28, 39, 40, 63 Mozart, Wolfgang Amadeus 17, 18, 27, 28, 29, 49, 53, 74, 77, 90, 92, 105, 107, 125, 132
Voigt, Henriette 53, 54, 66
N Novalis, Friedrich Leopold von Hardenberg dit 20, 46, 47, 60
P Paganini, Niccolo 38, 39, 50, 52, 63 176
Thalbert, Sigismond 55 Tieck, Ludwig 20, 21, 46, 47, 48, 71, 106, 107, 136, 147
W Wagner, Richard 17, 30, 54, 89, 104, 107, 108, 109, 111, 112 Weber, Carl Maria von 29, 53, 85, 106, 107, 111 Wieck, Clara 12, 14, 15, 30, 31, 40, 49, 50, 51, 52, 53, 56, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 71, 72, 73, 74, 75, 77, 78, 79, 80, 86, 87, 89, 90, 91, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 105, 107, 110, 117, 118, 119, 122, 124, 131, 134, 136, 137, 139, 143 Wieck, Friedrich 12, 31, 39, 49, 51, 52, 54, 64, 65, 67, 79, 102, 139, 145
© Groupe Eyrolles
Schumann
L
Table des matières Sommaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 Tableau de l’Allemagne littéraire (1750-1850) : de l’Aufklärung au romantisme allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Première partie : Les années d’apprentissage (1810-1830) . . . . . . . . . . . . 23 Chapitre 1 : Enfance et influences (1810-1828). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Le fils d’un libraire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 La découverte de la musique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Premiers deuils et premiers émois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Chapitre 2 : Le choix d’une carrière musicale (1829-1830) . . . . . . . . . . . . . 33 L’élève de Friedrich Wieck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Le séjour à Heidelberg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 La découverte du Rhin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36 Des études de droit sans enthousiasme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37
© Groupe Eyrolles
L’appel de l’art. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Le concert de Mannheim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37 Devenir musicien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39 Deuxième partie : L’avènement d’un compositeur (1830-1840) . . . . . . . . 41
177
Chapitre 3 : L’affirmation des principaux thèmes(1830-1834) . . . . . . . . .43 Les premières œuvres publiées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Les Variations Abegg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Les Papillons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Les thèmes centraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Eusebius et Florestan : la figure du double . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Imaginaire et fantastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Les tumultes de l’acharnement et de la mélancolie . . . . . . . . . . . . . . 50 La Neue Zeitschrift für Musik (1834) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 La Confrérie de David . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .52 Une critique novatrice et virulente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Chapitre 4 : Le cheminement vers Clara (1835-1837) . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Schumann
Clara Wieck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Une grande pianiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59 Les aveux, 25 novembre 1835 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Les affinités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62 Des compositions entre burlesque et passion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 Carnaval . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62 Études symphoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63 Sonate en fa dièse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63 La vindicte d’un beau-père et la mort d’une mère . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Trois longues années de fiançailles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 Des fiançailles épistolaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 Des œuvres nourries par un sentiment d’absurde . . . . . . . . . . . . . . . . .67 Chapitre 5 : La maturité créatrice (1838-1839) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69
Une intense activité créatrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 Fantaisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73 Scènes d’enfants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75 Novellettes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75 Humoresque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .76 Sonate en sol mineur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .77 Kreisleriana . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .77
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Les tournées triomphales de Clara . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71
Une expérience viennoise décevante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 Entre enthousiasme et désespoir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 Nachtstücke . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79 Trois Romances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79 Facéties du carnaval de Vienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79 Troisième partie : Les grandes œuvres en dépit de la folie (1840-1849) . . 81 Chapitre 6 : Des Lieder aux symphonies (1840-1841) . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Les Lieder : une explosion poétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 Un genre typiquement germanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .85 Les grands cycles de Lieder . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
Ta b le d e s m a t iè re s
Le mariage de Robert et Clara . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 Un Journal à quatre mains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 Les enfants Schumann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 Le compositeur et la pianiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 Le souffle de la symphonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .91 Le genre suprême de la musique instrumentale . . . . . . . . . . . . . . . . . .92 L’héritier de Beethoven . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .93 Chapitre 7 : Malgré la maladie, une intense production (1842-1849). . . .95 De tournées en voyages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 Les succès de Clara . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .97 Un équilibre précaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Les premières œuvres de musique de chambre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Rencontres artistiques et difficultés matérielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 Hector Berlioz à Leipzig . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .100 Le conservatoire de Leipzig . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 Un oratorio profane. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
© Groupe Eyrolles
Hallucinations, solitude et compositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .103 La rencontre avec Wagner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .104 Un cercle d’amis et de musiciens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Vaine tentative pour s’établir à Vienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Des œuvres marquées par les progrès de la maladie . . . . . . . . . . . . . . 105 1849, un foisonnement d’œuvres nouvelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
179
L’unique opéra de Schumann : Genoveva . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 L’étonnante composition d’une œuvre atypique : Manfred . . . . . . . .109 L’hommage à Goethe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .111 Quatrième partie : Les dernières clartés (1850-1856) . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Chapitre 8 : Les soubresauts de la folie (1850-1851) . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 Les progrès de la maladie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 La permanence des thèmes romantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Les Scènes de Faust : la mort du héros . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 L’enfance retrouvée : Elisabeth Kulmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 Le Pèlerinage de la rose : l’idéalisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Schumann, chef d’orchestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .126 Chapitre 9 : La fuite dans l’éternité (1852-1856) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
Schumann
Les dernières œuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Un retour à la musique vocale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 Un grand cycle : les Cinq Poèmes de Marie Stuart . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Les œuvres testamentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 L’amitié de Joachim et Brahms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Une longue agonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .136 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .139 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Cahier de correspondance de Robert et Clara Schumann . . . . . . . . . . . . .143 Extraits de la Neue Zeitschrift für Musik . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .154
Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .165
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Catalogue d’œuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 Œuvres pour piano seul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 Œuvres vocales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159 Œuvres pour orchestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 Musique de chambre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 Musique de scène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Autres œuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
Bibliographie sélective. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .169 Discographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 Pièces du CD offert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
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