TERRE, PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
Responsable éditoriale : Véronique Lefebvre Graphisme : Mathilde Damour Le cherche midi - 2...
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TERRE, PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
Responsable éditoriale : Véronique Lefebvre Graphisme : Mathilde Damour Le cherche midi - 23, rue du Cherche-Midi - 75006 Paris
Vous pouvez consulter notre catalogue général et l’annonce de nos prochaines parutions sur notre site Internet : www.cherche-midi.com
TERRE, PLANÈTE MYSTÉRIEUSE Sous la direction de Christiane GRAPPIN Philippe CARDIN Bruno GOFFÉ Laurent JOLIVET Jean-Paul MONTAGNER
SOM SOMMAIRE OMMAIR OM MM TERRE, PLANÈTE MYSTÉRIEUSE PRÉFACE Claude Allègre
7
AVANT-PROPOS Dominique Le Quéau
8
INTRODUCTION Xavier Le Pichon
9
1. LES CICATRICES DE LA TERRE DYNAMIQUE DE LA LITHOSPHÈRE CONTINENTALE La tectonique des continents : failles et zones de cisaillement Paul Tapponnier
15
Comment naissent et meurent les chaînes de montagnes ? Laurent Jolivet
21
Déformation de la lithosphère : l’apport de la géodésie spatiale Christophe Vigny
27
Pourra-t-on jamais prévoir les séismes ? Raul Madariaga
35
L’érosion n’est pas anodine Christian France-Lanord
41
Au-dessous et au-dessus des volcans Claude Jaupart
49
2. LES ABYSSES DYNAMIQUE DE LA LITHOSPHÈRE OCÉANIQUE Nouveaux regards sur la formation de la croûte océanique Mathilde Cannat
59
Les subductions, zones à risques Serge Lallemand
67
Entre continents et océan : les marges continentales Sylvie Leroy
73
La Méditerranée, une mer en sursis ? Jean Mascle
79
3. SOUS LES PAYSAGES, UNE TERRE INCONNUE STRUCTURE ET DYNAMIQUE DE LA TERRE PROFONDE Le noyau de la Terre et son champ magnétique Philippe Cardin
89
L’histoire du manteau Francis Albarède et Janne Blichert-Toft
95
Imager la Terre pour mieux l’imaginer Jean-Paul Montagner
101
Une Terre en perpétuel mouvement Yanick Ricard
107
4. LE PASSÉ DE LA TERRE LA RECONSTITUTION DE L’HISTOIRE DE LA PLANÈTE La Terre avant les premiers êtres vivants Bernard Marty
115
Tectoniques des plaques, points chauds et trapps volcaniques : de la surface à l’intérieur de la Terre Jean Besse et Éléonore Stutzmann
121
La Terre en crise Vincent Courtillot et Frédéric Fluteau
125
Nouveaux regards sur l’évolution et la biodiversité passée Didier Néraudeau
129
Dater le passé de la Terre Nicolas Arnaud
139
5. LA TERRE RÉINVENTÉE EN LABORATOIRE L’APPORT DE L’EXPÉRIMENTATION ET DE LA MODÉLISATION Quand le diamant met la pression Guillaume Fiquet
145
L’apport des analyses chimiques ponctuelles Marc Chaussidon
151
De la minéralogie des hautes pressions à la modélisation des chaînes de montagnes Christian Chopin et Bruno Goffé
155
Modéliser la Terre Anne Davaille
161
TABLE DES ILLUSTRATIONS
167
TERRE, PLANÈTE MYSTÉRIEUSE Avec les contributions de Le cherche midi – Institut national des sciences de l’Univers Francis ALBARÈDE, Professeur à l’École normale supérieure de Lyon Laboratoire de sciences de la Terre (École normale supérieure de Lyon, INSU-CNRS, Université de Lyon 1) - Lyon Ouvrage collectif sous la direction de Nicolas ARNAUD, Directeur de recherche au CNRS Christiane GRAPPIN, Ingénieure de recherche Géosciences Montpellier (INSU-CNRS, Université de Montpellier 2) - Montpellier Institut national des sciences de l’Univers (CNRS) - Paris Jean BESSE, Physicien du globe Comité scientifique éditorial Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Diderot, INSU-CNRS) - Paris Philippe CARDIN, Bruno GOFFÉ, Laurent JOLIVET, Jean-Paul MONTAGNER Janne BLICHERT-TOFT, Directrice de recherche au CNRS Portraits photographiques Laboratoire de sciences de la Terre (INSU-CNRS, École normale supérieure de Lyon, Université de Lyon 1) - Lyon Jean-François DARS, Cinéaste - photographe, Mathilde CANNAT, Directrice de recherche au CNRS CNRS Images (CNRS) - Meudon Institut de physique du globe de Paris (INSU-CNRS, Université Paris Diderot) - Paris Philippe CARDIN, Directeur de recherche au CNRS Laboratoire de géophysique interne et tectonophysique (INSU-CNRS, Université Joseph-Fourier, IRD, LCPC) - Grenoble Marc CHAUSSIDON, Directeur de recherche au CNRS Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (INSU-CNRS) - Nancy Christian CHOPIN, Directeur de recherche au CNRS Directeur du Laboratoire de géologie (INSU-CNRS, École normale supérieure) - Paris Vincent COURTILLOT, Professeur à l'Université Paris Diderot, Membre de l’Institut universitaire de France Directeur de l’Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Diderot, INSU-CNRS) - Paris Anne DAVAILLE, Directrice de recherche au CNRS Institut de physique du globe de Paris (INSU-CNRS, Université Paris Diderot, INSU) - Orsay Guillaume FIQUET, Directeur de recherche au CNRS Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés (INSU-CNRS, Université Pierre et Marie Curie - Paris 6) et Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Diderot, INSU-CNRS) - Paris Frédéric FLUTEAU, Professeur à l’Institut de physique du globe de Paris Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Diderot, INSU-CNRS) - Paris Christian FRANCE-LANORD, Directeur de recherche au CNRS Directeur de la Fédération Eau, Sol, Terre (CNRS) Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (INSU-CNRS) - Nancy Bruno GOFFÉ, Directeur de recherche au CNRS Directeur adjoint scientifique de l’Institut national des sciences de l’Univers (INSU-CNRS) - Paris Claude JAUPART, Professeur à l'Université Paris Diderot, Membre de l’Institut universitaire de France Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Diderot, INSU-CNRS) - Paris Laurent JOLIVET, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie - Paris 6, Membre de l’Institut universitaire de France Laboratoire de tectonique (Université Pierre et Marie Curie – Paris 6, INSU-CNRS) - Paris Serge LALLEMAND, Directeur de recherche au CNRS Directeur du laboratoire Géosciences Montpellier (INSU-CNRS, Université de Montpellier 2) - Montpellier Sylvie LEROY, Directrice de recherche au CNRS Laboratoire de tectonique (Université Pierre et Marie Curie – Paris 6, INSU-CNRS) - Paris Raul MADARIAGA, Professeur à l’École normale supérieure de Paris Laboratoire de géologie (École normale supérieure, INSU-CNRS) - Paris Bernard MARTY, Professeur à l'École nationale supérieure de géologie, Institut national polytechnique de Lorraine Directeur du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (Nancy Université, INSU-CNRS) - Nancy Jean MASCLE, Directeur de recherche au CNRS Géosciences-Azur (INSU-CNRS, Université de Nice, Université Pierre et Marie Curie - Paris 6, IRD) - Villefranche-sur-Mer Jean-Paul MONTAGNER, Professeur à l'Université Paris Diderot Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Diderot, INSU-CNRS) - Paris Didier NÉRAUDEAU, Professeur à l’Université de Rennes 1 Géosciences Rennes (Université de Rennes 1, INSU-CNRS) - Rennes Yanick RICARD, Directeur de recherche au CNRS Laboratoire de sciences de la Terre (INSU-CNRS, École normale supérieure, Université de Lyon 1) - Lyon Éléonore STUTZMANN, Physicienne du globe Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Diderot, INSU-CNRS) - Paris Paul TAPPONNIER, Physicien du globe Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Diderot, INSU-CNRS) - Paris Christophe VIGNY, Directeur de recherche au CNRS Laboratoire de géologie (INSU-CNRS, École normale supérieure) - Paris 6
PRÉFACE Géosciences Les sciences de la Terre ont connu depuis cinquante ans un bouleversement dans leurs méthodes et leurs cadres de pensée qui dépassent en radicalité celui qui a été introduit en biologie par la biologie moléculaire. Cette révolution est due à une convergence exceptionnelle dans l’histoire des sciences pourtant riche en révolutions, qui a permis l’émergence de nouveaux paradigmes, mais plus encore de méthodes d’étude et de pensée entièrement renouvelées. Ce sont les développements de disciplines aussi diverses a priori que la géologie isotopique, le paléomagnétisme, la sismologie, l’océanographie géologique et géophysique, les techniques spatiales, la tectonique qui ont induit des combinaisons fécondes faisant émerger de nouveaux paradigmes. Le développement de la géologie isotopique après la guerre a permis de dater les roches. Les découvertes du temps absolu ont fait leur apparition en sciences de la Terre, ce qui pour une science historique n’est pas rien. La résurgence du paléomagnétisme dans l’interprétation des cartes magnétiques marines combinée avec la datation de ces dernières a permis l’émergence de la théorie de l’expansion des fonds océaniques. La consolidation de ce premier modèle par la sismologie, la géothermie (y compris la volcanologie) puis la stratigraphie et la tectonique, les deux champs d’étude traditionnels de la géologie, a conduit ce modèle à le transformer en celui de la tectonique des plaques. C’est dans ce paradigme, qui est beaucoup plus que la résurgence de la théorie de la dérive des continents de Wegener de 1912, que se situent désormais toutes les études portant sur la dynamique et l’évolution de la surface terrestre. Dans ce modèle, qui n’est pourtant qu’une cinématique, les propriétés différentes respectives des océans et des continents ont été éclairées par-delà la présence ou l’absence d’eau. Le plancher des océans constitués par du basalte est constamment renouvelé. Les océans sont toujours jeunes. En regard, les continents qui restent à la surface du globe sont donc les archives de l’histoire de la Terre et ces vestiges remontent à 4,3 milliards d’années au moins. Mais ce qui est peut-être fondamental dans la nouvelle manière de pratiquer les géosciences, c’est l’émergence de la globalité. La Terre est un système unique. L’objet des géosciences n’est pas d’étudier telle ou telle partie de cette Terre, mais celui d’étudier le tout : la planète Terre, sa structure, son fonctionnement, son histoire. L’aventure spatiale va bien sûr renforcer ce sentiment de globalité. Par deux voies. La première, c’est l’exploration des planètes, la Lune, Mars, Vénus, Mercure et les planètes géantes et leurs satellites, qui a permis de situer la Terre parmi ses sœurs et d’en faire émerger les caractères spécifiques. La seconde, c’est le développement de techniques d’observation de la Terre globale. Voir la Terre dans toute sa globalité. Dans toute cette évolution des géosciences, la communauté scientifique française a été au premier plan. Elle a été à l’origine d’avancées et de découvertes importantes et cette activité s’est traduite concrètement aussi bien par les marques de reconnaissances internationales que par les index de citations. Ce livre est une sorte d’état des lieux des sciences de la Terre. On y verra les exposés des recherches anciennes, mais plus encore des recherches actuelles et des problèmes qui restent à résoudre car les sciences de la Terre constituent un champ de recherche en plein essor. Dans un monde où les matières premières et énergétiques vont devenir des ressources rares, les géosciences vont jouer un rôle clé pour l’équilibre économique et écologique du monde. De la géothermie au stockage du CO2, de la prévision des catastrophes naturelles au problème des ressources en eau, les sciences de la Terre seront au premier plan. Pour cela, il faudra utiliser toutes les découvertes accumulées par trente ans de révolutions techniques et conceptuelles. Ce livre est écrit par la génération qui n’a pas fait la révolution, mais que la révolution a faite. Ceci lui a permis de ne pas être engluée dans les vieux concepts et l’éducation qu’elle aurait reçue. On y verra une approche résolument moderne tournée résolument vers les problèmes futurs. C’est un livre qui intéressera tous ceux qui cherchent à comprendre les chemins de la Science. Claude Allègre
Professeur émérite à l'Université Paris-Diderot 7
AVANT-PROPOS À l’occasion de l’année internationale de la planète Terre, l’Institut national des sciences de l’Univers (INSU) a voulu marquer cet événement par la publication d’un bel ouvrage relatant les avancées les plus marquantes de la recherche en sciences de la Terre durant ces vingt dernières années. Ce livre a aussi pour ambition, tout en se situant dans le cadre global de la connaissance, de rendre hommage aux contributions des équipes françaises qui dans bon nombre de domaines ont été parmi les pionnières. L’INSU en a, en effet, été un des acteurs clés pour la communauté française. Issu, en 1985, de l’INAG (Institut national d’astronomie et géophysique), l’INSU, au carrefour du CNRS, des universités et des autres établissements publics, a coordonné, soutenu et incité les très nombreux projets des chercheurs, équipes et laboratoires qui ont participé à l’aventure scientifique initiée par la découverte de la tectonique des plaques, à la fin des années 1960. En donnant accès aux données de grands équipements tels qu’observatoires géophysiques, flotte océanographique et satellites, l’INSU a favorisé l’arrivée en force de la géophysique, de la géochimie et des moyens d’analyse et de calcul quantitatifs dans un champ de connaissances qui était alors principalement dominé par des géologues naturalistes. Quarante ans plus tard, notre vision de la Terre a changé, nous connaissons mieux l’intérieur de notre planète, les sciences de la Terre voient leur domaine d’intervention s’accroître jusqu’aux confins du système solaire avec la planétologie grâce à la conquête spatiale. Conjointement, elle affronte aujourd’hui la demande croissante en ressources énergétiques et minérales renforçant ainsi le métier fondamental du géologue et s’investissant sur les questions de société depuis les risques jusqu’à l’environnement et le climat en y apportant la nécessaire expertise des temps anciens et leur expérience de la durabilité. À l’aube du XXIe siècle, les sciences de la Terre ont ainsi devant elles un univers d’aventures scientifiques à conquérir au service de la connaissance et de la société. L’INSU a l’ambition, au service de la communauté scientifique, d’en être un des acteurs majeurs au plan international. Dominique Le Quéau Directeur de l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS
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INTRODUCTION Des plaques indéformables La principale découverte de la tectonique des plaques me paraît avoir été la réalisation que les immenses déplacements horizontaux de blocs lithosphériques n’impliquent pas que ceux-ci se déforment : les blocs sont remarquablement rigides sauf sur leurs frontières. Ce fut ma principale surprise lorsque je procédai au premier calcul du mouvement des six principales plaques en 1967 : la rigidité des plaques semblait quasi parfaite puisque leur déformation interne n’était pas détectable ! Et pourtant, à cette époque, ni Jason Morgan ni Dan McKenzie, mes collègues américains de l’université de Princeton et britannique de l’université de Cambridge qui jouèrent un si grand rôle dans la mise au point de la nouvelle théorie, ne pensaient, d’après ce qu’ils m’avaient dit alors, que la rigidité des plaques était suffisante pour qu’on puisse ignorer leur déformation interne dans un modèle global. De fait, les plaques sont suffisamment découplées de leur substratum, l’asthénosphère, pour se comporter comme de véritables guides de contrainte : c’est la raison pour laquelle leur mouvement se transmet intégralement d’un bord à l’autre, par exemple au travers des 10 000 kilomètres de la plaque pacifique. Notez que cette rigidité aurait déjà dû être une conclusion implicite de la constatation faite par Alfred Wegener, au début du siècle, du parfait emboîtement des continents africain et sud-américain. Cet accord des marges continentales indiquait que celles-ci ne s’étaient aucunement déformées durant leur séparation de plus de 5 000 kilomètres. Et pourtant, cette indéformabilité n’était guère compatible avec les schémas que Wegener proposait pour la dérive, schémas dans lesquels le bord continental semblait se comporter comme de la guimauve. De fait, les mobilistes qui adoptèrent son hypothèse, à commencer par le plus célèbre d’entre eux, le géologue suisse Émile Argand, mirent l’accent sur la déformation et non sur la rigidité des blocs durant leur dérive. Durant les années post-tectonique des plaques, nombreuses furent au début les hypothèses comme celle de la tectonique des plaques accélérée qui faisaient jouer un rôle important au déplacement non permanent des plaques et à leur déformation interne. Ces hypothèses furent abandonnées lorsque la géodésie spatiale montra que la limite de la rigidité des plaques n’est pas encore détectable et que leur déplacement semble en première approximation constant puisque l’accord entre cinématique instantanée, sur quelques années, et cinématique finie, sur quelques millions d’années, reste impressionnant. Les plaques sont donc remarquablement rigides. Il n’en est que plus frappant pour moi de constater que ce magnifique ouvrage qui présente quelques-unes des avancées les plus marquantes des recherches menées sur notre planète durant les dernières décennies nous révèle une Terre qui semble n’être que déformation, dans sa partie interne bien sûr, mais aussi dans sa description de la pellicule superficielle qui se concentre quasi exclusivement sur les ceintures de déformation. Le paradoxe que nous révèle cet ouvrage est que nous, chercheurs, avons si bien intégré le concept de rigidité des plaques que nous le considérons comme une donnée implicite et nous concentrons sur les quelques pour cent de la surface terrestre en cours de déformation. Je ne serais pas surpris toutefois que dans les années à venir la caractérisation des limites de cette indéformabilité des plaques ne devienne à nouveau un sujet de recherche majeur. Xavier Le Pichon Professeur au Collège de France
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a tectonique des plaques est une formidable aventure scientifique du XX e siècle. Elle débuta en 1912, lorsque Alfred Wegener, âgé de 31 ans, exposa pour la première fois, l’idée du « déplacement horizontal des continents » devant la Société pour l’avancement des sciences naturelles à Marburg en Allemagne. Pendant plus de dix ans, l’idée fera débat, mais Wegener n’arriva pas à convaincre parce que son modèle contredisait nombre d’observations géophysiques comme l’existence de séismes profonds et parce qu’il n’avait pas trouvé le moteur capable de déplacer les continents. Son hypothèse fut rejetée massivement en 1926 à New York, lors d’un symposium qui fit date : « La théorie de la dérive des continents : un symposium ». Pourtant, entre 1923 et 1968, les pièces d’un gigantesque puzzle s’assembleront progressivement pour conduire à la victoire posthume de Wegener. Ils seront une vingtaine de géophysiciens américains, britanniques, français, japonais, russes dont le nom sera associé à l’élaboration de la « théorie des plaques », enfin admise par la majorité des géophysiciens et géologues à partir de 1970. C’est paradoxalement grâce à l’exploration des océans, jusqu’alors presque inconnus, que l’on comprendra les mécanismes de la dérive des continents. Cette théorie énonce que la surface de la Terre est constituée de six grandes plaques lithosphériques rigides et mobiles, pour partie continentales et pour partie océaniques, glissant sur une couche visqueuse du manteau, l’asthénosphère. Les mouvements des plaques par rapport à leurs voisines sont accommodés par trois types de frontières :
L
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Les dorsales oc aniques où des courants ascendants de matière chaude dans le manteau fabrique la nouvelle lithosphère océanique et s’accompagne de l’expansion des océans; une partie de ces matériaux est sous forme de magma et forme la nouvelle croûte océanique; Les zones de subduction, sismiquement très actives, bordées de fosses océaniques et de nombreux volcans, où disparaît le manteau de la lithosphère océanique anciennement formée aux dorsales ; Les failles transformantes qui sont de grandes zones de fractures, reliant dorsales ou zones de subduction, le long desquelles les plaques glissent horizontalement les unes par rapport aux autres. Par ailleurs, le volcanisme des îles comme Hawaii ou la Réunion, situées à l’intérieur des plaques et non à leurs frontières, est appelé « volcanisme de point chaud » et interprété comme la percée de panaches permanents, produits par des remontées de matière chaude venue des zones les plus profondes du manteau. L’avènement de la tectonique des plaques a été vécu comme une révolution des sciences de la Terre. Durant les décennies qui ont suivi, les spécialistes se sont attachés à en tester la validité, à réinterpréter les structures géologiques, à développer de nouvelles méthodes pour comprendre les processus à l’œuvre dans le manteau et mesurer les déplacements de la lithosphère en surface. Ce faisant, notre planète a révélé de nouveaux mystères…
NOTRE PLANÈTE DES PLAQUES EN MOUVEMENT U Grâce aux données spatiales, la mesure directe du déplacement des plaques à la surface du globe est désormais possible. Cette carte représente les plaques tectoniques et leurs mouvements par rapport à l'Eurasie fixe. Le relief en arrière-plan provient également de techniques satellitaires. Ces données récentes ont permis de redessiner le contour des frontières qui, dans certains cas, ne sont pas matérialisées par une faille mais sont diffuses. Cette nouvelle cinématique, basée uniquement sur des mesures satellitaires, s’avère proche des prédictions des « modèles géologiques » conventionnels.
u Sur cette coupe illustrée de la Terre, la lithosphère (croûte + manteau lithosphérique) est exagérée pour représenter les continents et terres émergées (Amérique du Sud, Afrique, Indonésie, Hawaii).
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LES CICATRICES DE LA TERRE DYNAMIQUE DE LA LITHOSPHÈRE CONTINENTALE La te ctoniq ue d es con t inents : fa illes et zo nes de cisaillement Paul Tapponnier
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Comment naissent et meurent les chaînes de montagnes ? Laurent Jolivet
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Déformation de la lithosphère : l’appor t de la géodésie spatiale Christophe Vigny
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Pourra-t-on jamais prévoir les séismes ? Raul Madariaga
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L’érosion n’est pas anod ine Christian France-Lanord
U Séisme survenu à Grevena en 1995 (Grèce) : Interférogramme modélisé à partir de données satellites décrivant la déformation entre novembre 1993 et octobre 1995. Chaque frange indique un déplacement de 28 mm. Ce séisme de moyenne importance (magnitude 6,6), avec une rupture petite vers la surface, a provoqué une subsidence de 30 cm au nord de la faille (grand lobe) et une surélévation de 5 cm au sud (petit lobe). Le foyer était situé entre 4 et 15 km de profondeur. Largeur de la zone affectée : environ 50 km.
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Au-dessous et au-dessus des volcans Claude Jaupart
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u La poussée de l’Inde depuis environ 50 millions d’années déforme et fracture la plaque Eurasie devant elle. Cette déformation s’accompagne de la formation des hauts reliefs de l’Himalaya et du plateau tibétain. La vitesse de l’Inde (40 mm/an) est absorbée au niveau du chevauchement himalayen et plus au nord, au niveau de failles continentales qui découpent le Tibet en blocs. Leurs mouvements, à l’origine de forts séismes, expulse le Tibet vers l’est.
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Depuis la tectonique des plaques, nous imaginons la surface de la Terre comme un puzzle dont les pièces doivent s’accommoder du mouvement et des forces internes colossales auxquelles elles sont soumises. Pour les plaques océaniques, les choses semblent assez simples, pour les continents, c’est plus complexe et des mystères subsistent. Quel est le rôle des grandes failles d’échelle continentale? Comment la lithosphère continentale, froide en surface, plus chaude en profondeur, réagit-elle aux poussées des plaques?
LA TECTO NI Q U E D ES C O N T IN E N TS : FAILL ES E T ZO N ES D E C ISA I L LE MENT Paul Tapponnier Tectonicien
a Terre est la plus dynamique des planètes. Douze grandes plaques et quelques-unes plus petites ne cessent de glisser les unes contre les autres, à des vitesses variant de 1 à 15 mètres par siècle. C’est sur leurs frontières que se produit l’essentiel de la sismicité et du volcanisme mondial. La coquille externe de la Terre (lithosphère), en moyenne épaisse d’une centaine de kilomètres, se déforme donc de manière localisée : de vastes régions, larges de quelques centaines à plusieurs milliers de kilomètres, restent stables pendant des dizaines de millions d’années alors que les déplacements se concentrent sur les zones étroites qui les séparent. Ces zones de failles, qui deviennent en profondeur des zones de cisaillement où les déformations atteignent des valeurs extrêmes, sont les ouvrières principales de la tectonique. Ce mécanisme unique dans le système solaire, qui s’est imposé dans les années 1970 sous le nom de « tectonique des plaques », n’est pas le seul apanage des plaques océaniques. Avec quelques variantes, il semble régir aussi l’évolution de la plupart des régions continentales. Trente ans de recherches impliquant de nombreuses techniques nouvelles et la coalition de nombreuses disciplines des sciences de la Terre ont été nécessaires pour avancer pas à pas vers cette conclusion, qui n’est bien sûr pas à l’abri de toute controverse. Au lendemain de l’avènement de la tectonique des plaques, les continents posaient problème. N’y observait-on pas des centaines de séismes dispersés sur des régions immenses ? De l’Afrique saharienne jusqu’au nord de l’Europe
L
à travers toute la Méditerranée, de la côte Pacifique aux Grandes Plaines de l’Amérique du Nord, sur les dix millions de killomètres carrés qui séparent l’Inde de la Sibérie, et la Caspienne des mers de Chine ? Ces tremblements de terre ne montraient-ils pas des mécanismes beaucoup plus complexes et variés que ceux typiques des dorsales ou zones de subduction ? Et les chaînes de montagnes, cibles d’étude préférées des géologues depuis au moins trois siècles, n’exposaient-elles pas le spectacle grandiose de roches tordues et bouleversées sur des centaines de kilomètres de largeur ? Un premier grand pas fut franchi grâce aux images prises par le satellite Landsat. Grâce à sa couverture globale (hors pôles) et uniformément « précise » (pixel de 80 mètres) de la planète, il devenait possible de « survoler » chaînes et bassins, de reconnaître et cartographier failles et plis, d’estimer leurs âges relatifs, leur degré d’érosion et leur interaction avec les réseaux fluviaux. Une vision synoptique et intégrée de régions immenses, avec une résolution homogène, était désormais accessible. Chacun peut aujourd’hui apprécier cette richesse sur Google Earth, mais en 1974, époque du « presque rien numérique », cela restait un travail d’explorateur isolé. On découvrit ainsi que, de l’Himalaya au Baïkal et de la mer d’Aral à Taiwan, dans la zone de collision continentale la plus active du monde, une douzaine de grandes failles seulement tenaient le devant de la scène. Leur rôle : absorber les quelque 2 000 kilomètres de pénétration de l’Inde dans l’Asie depuis leur
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40 millions d’années
30 millions d’années
u Grâce au paléomagnétisme qui permet de déterminer la position ancienne des blocs continentaux, la chronologie de la déformation de l’Eurasie sous la poussée de l’Inde a pu être reconstituée. Au cours du temps, divers blocs se sont individualisés. En particulier, la péninsule indochinoise s’est formée par le jeu de la faille du fleuve Rouge et la mer de Chine s’est ouverte.
choc initial juste au nord de l’équateur il y a environ 50 millions d’années, deux nombres déterminés principalement grâce au travail des paléomagnéticiens, dont les équipes franco-chinoises (IPG1 de Paris, et ministère de la Géologie, Pékin) des expéditions tibétaines du début des années 1980. Comment raccourcir l’intérieur du continent après la soudure de l’Inde avec l’Asie ? De 2 000 kilomètres ! Distance Paris-Marrakech ou Boston-Miami. Le premier mécanisme, le plus classique, met en jeu des failles de chevauchement qui au final doublent l’épaisseur de la croûte sous les montagnes les plus hautes : Himalaya, Karakoram, Kunlun, Tien Shan, et autres chaînes tibétaines. Le deuxième met en jeu des failles de coulissage horizontal – décrochements – qui guident l’expulsion de grands morceaux d’Asie vers le Pacifique. Leur existence s’explique par un modèle de poinçonnement et d’extrusion de blocs, développé pour l’essentiel à l’IPG de Paris. À la fois chasse-neige et bulldozer, l’Inde continue à s’enfoncer dans l’Asie, bouleversant la géographie de ses contours et bâtissant les plus hauts reliefs du monde. Divers arguments suggèrent que ces grandes failles absorbent l’essentiel de ces mouvements. Cinq d’entre elles sont plus longues que la faille de San Andreas en Californie, frontières de plaque décrochante type. Sur deux d’entre elles, on mesure des décalages qui atteignent ou dépassent 500 kilomètres. Tous les tremblements de terre de 1
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IPG : Institut de physique du globe. (IPG)
magnitude 8 connus en Asie se sont produits sur ces failles. Après les vingt ans de silence qui ont suivi le séisme de Tangshan – juillet 1976, été de la mort de Mao – les grandes failles asiatiques se sont remises à « parler ». Deux fois la faille du Kunlun a glissé sur des centaines de kilomètres, labourant la haute steppe tibétaine, sans dégâts autres que naturels (novembre 1997 et 2001). Deux fois hélas, ce sont les chevauchements des moyennes montagnes les plus peuplées qui ont cédé, au Cachemire en octobre 2005, et dans le Lungmen Shan, au Sichuan, en mai 2008, faisant 150 000 victimes. En trente ans, la révolution initiée par Landsat s’est amplifié, bouleversant la façon d’étudier et de comprendre le fonctionnement des failles actives. L’accroissement de la résolution des satellites optiques, d’un facteur 10 en 1987 avec SPOT, puis d’un autre en 2001 avec IKONOS et Quickbird, qui voient désormais des détails de dimension inférieure au mètre, a permis de développer des stratégies d’étude morphologiques efficaces pour estimer les vitesses moyennes de ces failles, puis de mesurer les variations du glissement d’un seul grand séisme le long de ruptures superficielles longues de plusieurs centaines de kilomètres. Avec de nouvelles techniques basées sur la mesure de quantités minuscules d’isotopes (10Be, 26Al, 36 cl…), résultant du bombardement des surfaces rocheuses par les rayons cosmiques, on sait aujourd’hui
Actuel
La lithosphère est la mince pellicule froide qui glisse à la surface de la planète et constitue les plaques tectoniques. Elle ne flotte pas sur le manteau, mais flue. Elle comprend la croûte et une fine couche de manteau duquel elle est solidaire. La lithosphère continentale est épaisse de 100 à 200 km, la lithosphère océanique fait environ 80 à 90 km.
déterminer leur temps d’exposition. La géomorphologie s’est enrichie de l’outil de datation qui lui manquait. Là où le couvert végétal reste modeste, on peut désormais connaître l’âge exact des dépôts alluviaux ou glaciaires, lits de rivières, versants montagneux. Le CEREGE2, près d’Aix-en-Provence, vient de se doter d’un instrument qui le place à la pointe d’une nouvelle discipline, la morphochronologie. Au gain de résolution des satellites optiques se sont associés les progrès spectaculaires de la géodésie spatiale et de la sismologie de la source. Avec la modélisation des formes d’onde on détermine aujourd’hui le mécanisme d’un grand séisme en moins de vingt-quatre heures. Grâce au GPS continu et à l’interférométrie radar, née à Toulouse, on suit les déformations millimétriques de la surface du sol pendant, après, et entre les tremblements de terre. La corrélation d’images optiques, développée au CEA, en France puis à Caltech, en Californie, permet aussi de mesurer les déplacements cosismiques depuis l’espace. Californienne d’origine, la paléosismologie, qui consiste à exhumer et décrypter – dans des tranchées – les traces des tremblements de terre anciens avec des méthodes cousines de celles de l’archéologie, fait reculer les limites d’amnésie des calendriers de sismicité historique. La combinaison de ces 2
nouvelles approches affine notre compréhension du fonctionnement sismique et intersismique des failles. On apprécie de mieux en mieux la part des déplacements et des déformations absorbés par les grandes failles ou au sein des blocs qu’elles séparent. Dans la plupart des régions continentales – moyen Himalaya, faille nord-anatolienne, Californie, Asie – il est désormais clair qu’au long terme les déplacements principaux, chiffrés en centimètres/an, sont absorbés aux limites des blocs. Les durées d’observation trop courtes des méthodes géodésiques restent l’écueil principal : comment différencier l’accumulation de charge élastique, évidemment continue, d’autres déformations transitoires irréversibles ? Les progrès dans la compréhension de la tectonique des continents ne sont pas restés confinés à la surface, et aux 20 premiers kilomètres cassants, sismogéniques. Quoique sa partie inférieure de la croûte, chaude et ductile, puisse se déformer sur de grandes surfaces, on sait désormais que des zones de cisaillement localisées, larges de 20 à 30 kilomètres, traversent et décalent le Moho (limite entre la croûte et le manteau) pour atteindre la base de la lithosphère continentale. Les expériences de tomographie télésismique passive menées au bord nord du Tibet par les équipes de Strasbourg et Grenoble ont fourni les
CEREGE : Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement. (CEREGE) 17
TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
1 - LES CIC ATRICES DE LA TERRE
u Rupture de surface associée au séisme de magnitude 7,8 qui s’est produit en 2001 le long de la faille du Kunlun, au Tibet. La rupture, large ici d’une cinquantaine de mètres, s’est propagée sur une distance d’environs 400 km, avec un déplacement horizontal moyen de 4 m, atteignant localement les 8 m. U Sur cette image satellite haute résolution, la faille de l’Altyn Tagh, au nord du Tibet, traverse comme une cicatrice le paysage horizontalement. L’échelle est donnée par la ville d’Aksai au centre de l’image. La faille (décrochante sénestre) décale vers la gauche le lit des nombreuses petites rivières, qui la traversent et coulent depuis les montagnes (en bas) vers la plaine (en haut). On note à gauche de la ville des petits plis en formation émergeant à travers les surfaces alluviales plus plates. Ils traduisent l’existence d’une composante compressive de la déformation, en plus de la composante décrochante qui domine.
U Image des variations relatives de la vitesse des ondes sismiques P (- 2 % à + 2 % respectivement en rouge et bleu), selon une coupe verticale au Tibet le long du méridien 80°E, par l’enregistrement des séismes lointains. La lithosphère du bassin du Tarim (en bleu) plonge vers le sud, sous le Tibet. Les stations sismologiques et la position des principales failles, Altyn Tagh et suture sont indiquées sur la coupe topographique simplifiée (en haut). La limite croûte-manteau (Moho) est soulignée en rouge, les hypocentres des séismes régionaux sont des cercles blancs de taille proportionnelle à leur magnitude.
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u
En 1202 et 1759, de forts séismes (magnitude 7,6 et M 7,4) ont ébranlé le Liban et détruit les temples de Jupiter puis de Bacchus à Baalbek. Afin d'étudier la fréquence des séismes dans la région, la tranchée du Kazzâb a été réalisée dans le bassin de Yammoûneh. Le mur sud de la tranchée révèle des bancs lacustres de marne calcaire, de couleur claire, recouvrant une série d'argiles plus sombres. La régularité et le caractère clairement différencié de ces couches sédimentaires ont permis de mettre en évidence 10 à 13 paléo-séismes, dont les traces de ruptures se sont propagées de bas en haut, notés S1 à S13.
plus belles images d’une telle localisation profonde, en particulier sous la faille de l’AltynTagh. Et la chaîne métamorphique étroite, qui suit le fleuve Rouge dans le Yunnan et le nord du Vietnam jusqu’au golfe du Tonkin (Ailao Shan), offre un magnifique exemple tertiaire (entre 65 et 2 millions d’années) exhumé de ces zones de cisaillement profondes. Les âges de cristallisation et refroidissement des minéraux contenus dans ces roches reflètent la durée de l’ouverture de la mer de Chine du Sud, démontrant que l’Indochine et la plateforme de la Sonde formaient à l’Oligo-Miocène (entre 34 et 5 millions d’années) une plaque créée de toute pièce par la collision Inde-Asie. La tomographie sismique continue de réduire les zones d’ombre. Qu’advientil du manteau lithosphérique continental sous les chaînes de montagne ? La chasse à la subduction continentale continue. L’anomalie de vitesse rapide qui plonge sous l’extrême ouest du Tibet, au sud des pics à 6000 mètres du Kunlun, image sans doute la lithosphère du Tarim s’enfonçant sous le haut plateau. Mais sous l’Himalaya, là où la plupart des modèles prédisent – et presque aucun géologue ou géophysicien ne met en doute – l’existence d’une subduction continentale, la sismologie reste impuissante à imager le phénomène (il faut
probablement la rechercher dans le manteau sous l’Inde plutôt que sous le Tibet. Ce qui n’est pas très surprenant puisque les anomalies de vitesse recherchées sont 5 à 10 fois plus faibles que pour les plaques océaniques qui subductent. Gageons que la sismologie permettra bientôt de démontrer qu’il existe bien une tectonique des plaques « cachée », subductions continentales comprises, sous le Tibet et les autres grands reliefs de la Terre. Évidemment, il restera toujours de petites régions très chaudes, comme l’Afar ou une partie de l’Égée, dans lesquelles la prolifération des failles est telle qu’on pourrait être tenté de les « lisser ». Mais comment espérer alors y comprendre les enchaînements de séismes ? Bien sûr aussi, la tectonique des continents n’est pas complètement identique à la tectonique des plaques océaniques « rigides ». Entre les grandes failles, les blocs continentaux se déforment un peu. C’est même nécessaire, comme l’est l’articulation des wagons d’un train qui glisse sur sa voie sans dérailler. Mais comme les rails entre le train et le sol, les grandes failles sismiques et les zones de cisaillement profondes, ouvrières incontournables de la tectonique des continents, guident le mouvement des blocs continentaux, en Anatolie, en Alaska, au Tibet ou ailleurs…
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u Des massifs emblématiques (de gauche à droite) : Le mont Viso (Hautes-Alpes franco-italiennes) témoin de matériel océanique ayant subi une subduction, puis une transformation en éclogites à forte pression à plus de 80 km de profondeur avant d’être exhumé. Cette exhumation d’anciennes roches océaniques métamorphisées conduit aux pics les plus spectaculaires des Alpes à plus de 3 700 m d’altitude. La dalle du Tibet (enneigée, quartzite et gneiss) forme les hauts sommets du Ganesh Himal (Ganesh III – 7 043 m). Au premier plan, elle surmonte en cisaillement les formations du moyen pays supérieur népalais. Sommet de l'Annapurna sud (Népal – 7 219 m). Au premier plan, les formations de la dalle du Tibet surmontées de la formation jaune des Annapurna (alternance de près de 2 000 m de lits calcaires, schisteux et gréseux à patine jaune).
u Microplis dans la chaîne himalayenne.
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Fascinantes montagnes ! Les anciens avaient noté avec curiosité la présence de coquillages dans les hauteurs alpines. Comment des restes d’animaux marins avaient-ils pu être portés aux plus hauts sommets ? Plus tard, on comprit que les roches de massifs entiers s’étaient formées à haute pression, donc à grande profondeur… Par ailleurs, les plissements étaient le signe de forces colossales ; on pouvait en déterminer la direction mais pas la cause. Les géologues savent aujourd’hui nous expliquer comment les chaînes de montagnes se forment.
COMMENT NAISSENT ET MEURENT LES CHAÎNES DE MONTAGNES ? Laurent Jolivet Tectonicien es géologues ont vite compris, dès la fin du XIXe et le début du XXe siècle, que les chaînes de montagnes étaient faites d’empilements de panneaux de croûte, les nappes de charriage, qui pouvaient se déplacer horizontalement sur des dizaines, voire des centaines de kilomètres. Pendant la première moitié du XXe siècle, la structure d’ensemble des chaînes a été élucidée grâce aux observations géologiques et géophysiques de surface. Puis, la tectonique des plaques a révélé que les montagnes, petites ou grandes, résultent de la convergence des plaques, par subduction ou collision. La collision Inde-Asie, formant l’Himalaya et le plateau du Tibet, a été un laboratoire naturel sans pareil, notamment pour les chercheurs français, pour étudier les effets ultimes de la convergence des plaques et de l’épaississement de la croûte continentale. Depuis ces avancées majeures, notre vision s’est élargie et précisée, on comprend mieux le rôle du manteau, des changements de phase minéralogiques ou des fluides pour construire les structures montagneuses, que l’on sait modéliser grâce aux ordinateurs. On peut aujourd’hui décrire une évolution progressive depuis la subduction océanique (Andes), puis continentale (Alpes) jusqu’à la collision vraie (Himalaya).
L
Tout débute par la subduction L’histoire d’une chaîne de montagnes débute souvent par une subduction océanique. Elle se traduit pour le continent qui la subit par un épaississement de la croûte (70 à 80 kilomètres) qui est accompagné, par l’enfoncement du continent (par exemple sud-américain sous la chaîne des Andes), l’apport d’unités tectoniques par accrétion, latéralement, et le placage de matériel magmatique par-dessous (sous-plaquage). On constate par ailleurs que le manteau lithosphérique est plus mince sous la chaîne que sous le craton voisin. Cet amincissement allège la lithosphère qui remonte alors et ce processus est pour une part importante dans le relief absolu de ces chaînes bordières. Pendant la subduction océanique, les roches entraînées en profondeur recristallisent sous l’effet de la pression et de la température, leur densité augmente et, sauf conditions très particulières, elles ne remontent jamais à la surface. Quand une marge continentale atteint la subduction Lorsqu’une plaque porte à la fois un continent et une lithosphère océanique en subduction, il arrive un moment où la marge continentale amincie du continent
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
1 - LES CIC ATRICES DE LA TERRE
u Sud de l'Altiplano (Argentine), la compression dans les Andes commence au Tertiaire et se manifeste par le plissement et la surrection de séries marines mésozoïques, ici par des carbonates et des grès du Crétacé redressés à la faveur de plis et de chevauchements. u Détail du pli du Vélodrome dans les molasses miocènes de la région de Barles (Alpes). u La dalle du Tibet chevauchant le moyen pays népalais.
u Le cas des Andes. La lithosphère océanique (vert et bleu) s’enfonce sous le bord continental d’une autre plaque. Les contraintes compressives entre les plaques provoquent le raccourcissement et l’épaississement de la croûte continentale (en rose) par l’intermédiaire de grands chevauchements. Une grande partie de l’altitude élevée de la chaîne des Andes s’explique de cette façon. En profondeur, la libération d’eau depuis la plaque plongeante sous l’effet des fortes pressions induit la fusion du manteau sous la chaîne de montagnes et l’apparition de volcans de type explosif (la ceinture de feu du Pacifique). De plus, la circulation sous la lithosphère entraînée par le panneau en subduction et la fusion partielle du manteau diminuent l’épaisseur de la lithosphère continentale, qui devient moins dense sous l’effet de la chaleur, et se soulève encore plus.
u Détail d’une des éclogites les plus spectaculaires au monde, trouvée en Norvège au sein de ce qui reste des Calédonides, une très grande chaîne de montagnes qui s’étendait il y a environ 400 millions d’années depuis la Baltique jusqu’aux Appalaches, bien avant que ne s’ouvre l’océan Atlantique. Des portions de croûte continentale ont été entraînées à grande profondeur, y ont été transformées en éclogites, puis sont remontées à la surface. On reconnaît le grenat rouge, un pyroxène sodique vert (l’omphacite) et un deuxième pyroxène (orthopyroxène) couleur de miel. Des témoins de coesite, un équivalent de très haute pression du quartz, trouvés dans cette roche indiquent qu’elle avait dépassé les 100 km de profondeur pendant la subduction. 22
finit par atteindre la zone de subduction. Le cas des Alpes est exemplaire. Les conséquences en sont diverses. La plaque plongeante s’infléchit sous le poids de la chaîne de montagnes et un bassin sédimentaire se forme dans l’avant-pays du continent qui entre en subduction. S’y accumulent de grandes épaisseurs de sédiments marins et/ou continentaux (flysch et molasses). Si un niveau de très faible résistance existe dans la série, les dépôts sus-jacents se plissent en un prisme d’accrétion superficiel au-dessus d’une zone de décollement, alors que les parties profondes subductent. D’abord immergé, le prisme peut finir par émerger dans l’avant-pays (plis et chevauchements du Vercors ou de Taiwan). Le socle est souvent également impliqué dans les prismes d’accrétion, comme l’ont montré des équipes françaises au Zagros ou à Taiwan. Par ailleurs, les observations géophysiques des dernières années ont révélé que les grands chevauchements localisés depuis longtemps en surface par les géologues affectent l’ensemble de la croûte. Ils localisent les gros séismes qui s’apparentent à des séismes de subduction. La déformation qui se produit entre deux séismes, mesurée par GPS, est en général compatible avec les observations géologiques sur des durées longues et les modèles simples de formation de prismes d’accrétion rendent bien compte en première approche de la topographie, du flux de chaleur, et même de la répartition des roches métamorphiques (exemple de Taiwan).
u Le cas des Alpes. La marge passive transportée par la plaque plongeante entre en subduction. Certaines portions s’enfoncent à grande profondeur, sont transformées sous l’effet de la pression et de la température puis remontent entre les deux plaques, le canal de subduction, pour former les ensembles de roches métamorphiques de type schistes bleus ou éclogites que l’on trouve en surface aujourd’hui. La croûte continentale s’épaissit donc par un mécanisme proche de la subduction. La chaîne des Alpes est de ce type.
La croûte océanique, qui a précédé le continent dans la subduction, voit sa densité moyenne devenir plus élevée que celle du manteau. Pourquoi alors certains morceaux métamorphisés et très denses (éclogites et schistes bleus) remontentils à la surface pendant que le continent s’enfonce ? Sans doute en partie grâce à la présence d’un niveau de roches légères et peu résistantes, les serpentines, formées lors de la création de la lithosphère océanique, et qui emballe les unités de croûte océanique qu’elle transporte dans le canal de subduction. Pendant ce temps, des roches de la croûte supérieure, légères mais plus résistantes, descendent avec la lithosphère plongeante, jusqu’à 100 à 150 kilomètres de profondeur avant de remonter éventuellement vers la surface, mues par les forces d’Archimède. C’est la découverte de minéraux métamorphique de très haute pression, comme la coesite ou le diamant métamorphique, qui a révélé cette histoire à grande profondeur. Le devenir de ces roches dépend à la fois de leur densité et de leur viscosité, contrôlées par les conditions de pression et de température et la présence de fluides. Une densité élevée joue contre l’exhumation, une viscosité faible au contraire la facilite. Le métamorphisme de haute pression augmente la densité des roches en général, mais pour la croûte continentale supérieure, cette augmentation reste limitée, contrairement à la croûte océanique. Enfin, la croûte continentale inférieure peut devenir localement très dense et
u Le cas himalayen. Les deux lithosphères continentales sont au contact et se déforment toutes les deux. La croûte de la plaque plongeante se déforme pour former un prisme d’accrétion crustal (l’Himalaya) et la croûte de la plaque supérieure forme un plateau très large supporté par une croûte très épaisse (le Tibet). Localement, la lithosphère de la plaque supérieure peut à son tour s’enfoncer sous le plateau comme on l’observe sous le bord nord du Tibet.
elle disparaît en général corps et biens. Parfois, cependant, les réactions métamorphiques conduisent à une baisse de viscosité qui facilite son exhumation. Le manteau n’est pas passif Les modèles tomographiques du manteau donne une image profonde des chaînes de montagnes, et leurs relations avec les panneaux lithosphériques plongeants sont claires. Le cas de la Méditerranée est exemplaire : les Apennins, les Hellénides et les Dinarides résultent du raccourcissement de la croûte d’un bloc continental détaché de l’Afrique, l’Apulie. Les images de tomographie et les études géologiques de surface indiquent que c’est la même subduction qui a fermé la Téthys depuis au moins 200 millions d’années, puis raccourci l’Apulie et continue aujourd’hui au sud de la Crète. La croûte inférieure et le manteau lithosphérique apulien ont disparu continûment dans le manteau profond. Plus de 1 500 kilomètres de lithosphère, océanique ou continentale, ont été absorbés par cette subduction, alors que la croûte supérieure et les sédiments s’accumulaient dans un grand prisme d’accrétion en surface. Par ailleurs, la géométrie en surface des chaînes de montagnes dépend du comportement des panneaux plongeants en profondeur. Ainsi, en Méditerranée occidentale, la forme courbe des chaînes de montagnes et l’ouverture concomitante des bassins sont les conséquences de la migration de ces panneaux plongeants dans le manteau.
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1 - LES CIC ATRICES DE LA TERRE
U Schistes bleus de l’île de Syros (Cyclades). TERRE , PLANE TE MYSTERIEUSE
On reconnaît le fond bleu composé de glaucophane, des grenats rouges et des lozanges beiges correspondant à la lawsonite, un silicate riche en calcium et en eau (12 % d’eau dans ce minéral). La lawsonite est considérée comme un des vecteurs de l’eau vers les profondeurs du manteau. Il est rare de la trouver dans de telles conditions de préservation.
u Vue d’ensemble de l’îlot de Planitis, près de la côte de l’île de Tinos dans les Cyclades. On y observe un détachement extensif à faible pendage formé pendant l’extension de la mer Égée. Il sépare des roches métamorphiques qui se sont enfoncées jusqu’à plus de 60 km de profondeur et sont remontées sous ce détachement en deux temps : un première remontée jusque vers 20 km au cours de l’Eocène (vers 40 millions d’années) puis une deuxième remontée jusque dans la croûte supérieure à l’Oligocène et au Miocène. Plusieurs dizaines de kilomètres de déplacement ont été absorbés le long de cette faille normale.
u Les éclogites de l’île de Syros dans les
u Détail des failles normales recoupant des bancs granitiques intrusifs dans des ophiolites sur l’île de Tinos. Cette tectonique en extension est contemporaine du jeu du détachement.
Qu’est-ce qui caractérise la collision et la différencie de la subduction ? La poursuite de la collision conduit à la formation d’un plateau comme le Tibet. L’ensemble Himalaya-Tibet est la chaîne de collision par excellence. La croûte continentale s’y est épaissie considérablement et déformée sur une surface immense, avec un gradient géothermique très élevé sous certaines parties du plateau. Les discussions sont encore très actives sur les mécanismes de formation de tels plateaux. On oppose encore deux modèles, celui d’une croûte très peu résistante qui s’étale latéralement sous l’effet des forces de volume, et celui de la construction progressive par accrétion de blocs rigides qui bougent aujourd’hui essentiellement le long de grands décrochements. Il reste à réconcilier les observations géologiques et géophysiques qui montrent la réalité de ces grandes failles à l’échelle de la croûte, voire de la lithosphère, et les données GPS qui suggèrent au contraire une déformation active parfaitement distribuée. Ces grands plateaux, et les chaînes matures en général, posent par ailleurs le problème de la rhéologie de la croûte profonde. Il est possible qu’une bonne partie de la croûte inférieure soit fondue et que le régime tectonique soit alors plus guidé par les gradients de topographie que par les cinématiques imposées par le mouvement des plaques environnantes. Les montagnes meurent aussi… Assez paradoxalement, on peut dire que l’érosion est un processus plus important pendant la construction de la chaîne que pendant sa destruction finale.
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Cyclades. On y reconnaît des minéraux typiques des roches de haute pression et basse température : le glaucophane, une amphibole bleue riche en sodium qui forme le fond de la roche, des grenats rouges et des pyroxènes verts de type omphacite. Cette roche a vu des conditions de pression et de température de l’ordre de 20 kbar et 550 °C, témoignant d’un gradient froid (à cette pression qui correspond à 60 km de profondeur environ, on devrait avoir une température beaucoup plus élevée si la lithosphère était à l’équilibre thermique). Ce régime froid est dû à la subduction rapide de matériel froid. L’île de Syros est celle où le glaucophane a été décrit pour la première fois au XIXe siècle. On ne savait pas à cette époque que ce minéral était un des témoins les plus fréquents de la subduction dans les chaînes de montagnes.
L’érosion dans les parties hautes de la chaîne et la sédimentation dans les bassins d’avant-pays localisent la déformation à l’échelle de la croûte. La création d’un relief est initialement due aux processus tectoniques d’épaississement de la croûte et/ou d’amincissement lithosphérique, mais dès que le relief existe, il est soumis à l’érosion. Dans certaines conditions, l’érosion est compensée par une remontée isostatique et le flux de la croûte inférieure vers la chaîne, ce qui aide à la croissance du relief. Ces relations dynamiques ne sont pas encore clairement comprises et les données disponibles ne permettent pas toujours de faire la part de la tectonique et de l’érosion dans la création des reliefs. Les chaînes de montagnes disparaissent souvent parce qu’elles s’écroulent dès que les conditions des régions qui les bordent deviennent extensives (Basin and Range, mer Égée, chaîne hercynienne). Les roches profondes sont alors mises à l’affleurement par des structures extensives à l’échelle de la croûte, les détachements, et l’érosion ne joue alors qu’un rôle très mineur. Les années récentes ont résolu beaucoup de questions tout en en posant de nouvelles. S’il faut n’en retenir qu’une, je dirais que l’urgence est de comprendre ces processus en trois dimensions. On considère souvent que les problèmes sont cylindriques parce qu’il est plus facile de dessiner une coupe qu’un blocdiagramme et parce que les temps de calcul en 3D sont souvent décourageants. Il nous faut pourtant prendre en compte la complexité des structures naturelles et le passage à la 3D est pour cela indispensable.
N Plate-forme moésienne
S
Mer Egée Balkans
Fossé nord-égéen Rhodope grec et bulgare Faille Nord-Anatolienne
Cyclades
Mer de Crète
Crète
Prisme d’accrétion Ride méditerranéenne
Marge africaine
U Vie et mort d’une chaîne de montagnes, l’exemple des Hellénides selon une coupe nord-sud : nord de la Grèce, mer Égée, Crète.
Présent
Entre 45-50 millions d’années, la formation de la chaîne ressemble à celle des Alpes. La marge passive du microcontinent apulien s’enfonce vers le nord, une partie est métamorphisée et remonte à la surface. Le microcontinent subducte à son tour et sa croûte supérieure forme un prisme d’accrétion : la chaîne des Hellénides.
poursuite de la subduction et du retrait du panneau plongeant extension arrière-arc, écroulement de la chaîne de montagnes Subduction et exhumation
Arc volcanique des schistes bleus des Phyllades et du Ionien Extension arrière-arc
~ 23 Ma
À partir de 30-35 millions d’années, le régime de la subduction change : le panneau plongeant se retire vers le sud alors que l’Afrique progresse toujours vers le nord et provoque un début d’extension à l’arrière de l’arc volcanique. La lithosphère africaine continue de s’enfoncer sous la chaîne. La compression n’est alors active qu’à proximité de la zone de subduction où des chevauchements apparaissent en continu. En profondeur, des roches métamorphiques se forment puis remontent en surface. Le retrait du panneau plongeant facilite cette remontée.
subduction continentale et début de retrait rapide du panneau plongeant
~ 35-30 Ma
subduction continentale Chaîne Rhodopes-Balkans
Subduction et exhumation des schistes bleus cycladiques
Lithosphère continentale apulienne
Marge africaine
Lithosphère océanique mésogéenne
~ 45-50 Ma
manteau lithosphérique
croûte continentale supérieure
croûte continentale partiellement fondue
croûte continentale inférieure
À 23 millions d’années, l’extension est à son maximum, absorbée par de grandes failles à faible pendage. Des chevauchements anciens sont réactivés et des roches métamorphiques remontent en dômes sous ces failles. La croûte continentale, auparavant épaissie, s’étale et s’amincit. La migration de l’arc volcanique associé à la subduction et l’amincissement induisent un flux de chaleur élevé. Une partie de la croûte profonde fond alors partiellement et devient peu résistante.
croûte océanique
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1 - LES CIC ATRICES DE LA TERRE
u Séisme de Sumatra 2004 (Benda Aceh) : déplacements co-séismiques observés grâce aux stations GPS préalablement en place dans la région (flèches) et modèle de déformations associées (couleurs).
Alfred Wegener avait fait cette découverte incroyable : les continents dérivent à la surface de la Terre. Il ne fut d’ailleurs pas cru. Désormais, la dérive des continents fait partie de notre vie tout comme le fait que la Terre est ronde. À la fin du XXe siècle, grâce au développement de la géodésie spatiale qui culmine avec le GPS, la mesure directe du déplacement des plaques et de la déformation des continents est devenue possible au millimètre près, ouvrant de nouveaux domaines d’étude…
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DÉFORMATION DE LA LITHOSPHÈRE : L’APPORT DE LA GÉODÉSIE SPATIALE Christophe Vigny Géophysicien
Q
uand les satellites prennent des images radar Au cours des deux dernières décennies, les nouvelles méthodes de géodésie spatiale ont révolutionné la mesure de la déformation de l’écorce terrestre. En premier lieu, la technique d’interférométrie d’images radar acquises par satellites (INSAR). Cette technique consiste à comparer les images d’une région donnée acquises à différents intervalles de temps et permet de quantifier la déformation du sol infligée par un séisme, par exemple. La définition de ces images (des millions de pixels sur une zone de quelques dizaines de kilomètres de côté) est inégalée. Elle a permis de modéliser les ruptures d’un certain nombre de séismes, avec un détail extraordinaire : on sait maintenant où la faille a glissé, et de combien exactement, tout au long de la rupture. Le tout premier exemple est celui du séisme de Landers en Californie (28 juin 1992, magnitude 7,3) pour lequel l’interférogramme a été réalisé à l’aide d’images radar acquises par le satellite ERS-1 le 24 avril et le 7 août 1992, par Didier Massonnet et ses collègues. Dans le cas de ce séisme superficiel et extrêmement bien étudié, les observations au sol et les études sismologiques « classiques » valident les observations spatiales. Plus récemment, les interférogrammes réalisés pour le séisme d’Izmit en Turquie (17 août 1999, magnitude 7,5) ont démontré qu’un segment de faille – faille située dans une zone interdite d’accès à l’est de
l’épicentre – avait bel et bien glissé. Enfin, les images du séisme de Bam en Iran (26 décembre 2003, magnitude 6,6) ont là encore mis en évidence une rupture très complexe avec deux failles conjuguées et une rupture sensiblement plus longue qu’attendue pour un séisme de cette magnitude. On sait également utiliser cette méthode aujourd’hui pour quantifier le gonflement d’un volcan lors d’une éruption (ce qui permet de localiser la chambre magmatique en profondeur et de tenter d’évaluer son volume) ; ou pour quantifier la subsidence du sol due au pompage de l’eau dans les nappes phréatiques ou les aquifères profonds, ou encore lors de la mise en eau d’un barrage important. La prochaine génération de satellites, utilisant des longueurs d’onde plus longues, aura la capacité de traverser le couvert végétal qui empêche encore d’étudier la déformation dans beaucoup d’endroits de par le monde. Le GPS, un instruments pour la recherche En second lieu, les techniques de positionnement ultraprécis par satellite (le GPS) ont débouché sur des applications innombrables en sciences de la Terre. Parce qu’il permet un positionnement précis à quelques millimètres près et en très peu de temps, le GPS est un merveilleux outil pour la mesure des déformations de toutes natures. Des réseaux de stations fixes qui mesurent leur position 27
TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
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u Séisme de Sumatra 2004 (Benda Aceh) : ampleur des déplacements co-sismiques à l’échelle de l’ensemble du Sud-Est asiatique. U Évolution de l'altitude de l'océan Indien au bout des premières 6 000 secondes du tsunami généré par le séisme de Sumatra en 2004. Le rouge représente une vague positive et le bleu, une dé pression. Ainsi, les côtes de Thaïlande et Malaisie ont d'abord vu la mer se retirer, tandis qu'en Inde, au Sri Lanka et en Afrique, la vague est arrivée directement.
U En Asie du Sud-Est, la tectonique des plaques est rapide et compliquée. L'Inde, qui poinçonne le sud de l'Eurasie, s'est désolidarisée de l'Australie, qui continue de « monter » vers le nord. Plus à l'est, la plaque philippine converge vers l'Eurasie, poussée par la plaque Pacifique, encore plus rapide. Le nœud de cette convergence de plaque est le bloc autonome de la Sonde. Les derniers grands séismes régionaux se sont produits le long de la frontière occidentale du bloc de la Sonde (Sumatra). Ce sont deux plaques – l'Inde au nord, l'Australie au sud – qui convergent obliquement à cet endroit, à des vitesses sensiblement différentes.
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u Propagation de la rupture du séisme de Sumatra 2004 vue par GPS.
La géodésie étudie la forme de la surface de la Terre. À l’échelle du globe comme à plus petite échelle, cette forme reflète la répartition des masses plus ou moins denses à l’intérieur de la planète. Les masses denses ont tendance à imprimer des creux, ainsi vu sous un certain angle, la Terre est assez cabossée ! Depuis l’avènement des méthodes de positionnement spatial, la géodésie mesure aussi le déplacement des plaques.
vingt-quatre heures sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours par an permettent de détecter et quantifier les mouvements des plaques tectoniques, ainsi que leurs déformations. On voit ainsi la dérive des continents, comme l’accumulation de déformation élastique dans les zones de faille, ou encore les déformations cycliques dues aux surcharges océaniques lors des marées ou au passage des dépressions et anticyclones. On mesure également le rebond des continents débarrassés de leur surcharge glaciaire au fur et à mesure de la fonte des glaces. Enfin, parcourir une surface avec un GPS permettra d’en établir un relevé précis et d’étudier ses caractéristiques morphologiques comme dans le cas d’un paysage découpé par une faille. On pourra même étudier l’évolution dans le temps de cette surface en répétant la mesure à intervalle de temps régulier. Ces mesures permettront de quantifier l’érosion d’une plage de sable par exemple. Un des résultats majeurs obtenus par cet outil relativement récent (le GPS n’est pleinement opérationnel que depuis 1993) concerne la tectonique des plaques à grande échelle. Une décennie de mesures a confirmé que les vitesses instantanées actuelles (quelques centimètres par an) correspondaient très bien aux vitesses estimées sur des temps géologiques : des centaines de kilomètres en
plusieurs millions d’années. Malgré tout, pour certaines plaques comme l’Inde ou l’Arabie, des différences significatives ont pu être mises en évidence, signe probable d’un ralentissement récent, et ignoré jusqu’alors, de ces plaques. Par ailleurs, il était extrêmement difficile de déterminer la vitesse de certaines plaques qui n’ont pas de frontières océaniques avec leurs voisines. C’est le cas de l’Anatolie par exemple, ou encore de la myriade de microplaques et blocs rigides qui composent la tectonique en Asie du Sud-Est. Le GPS a permis des avancées spectaculaires dans ce domaine, révisant à la baisse ou à la hausse les vitesses attendues sur certaines failles, avec les conséquences que l’on imagine sur l’aléa sismique. Aujourd’hui, un grand nombre d’études de par le monde ont précisément pour objet de quantifier cet aléa en mesurant exactement l’accumulation de déformation élastique autour des failles. Ce champ de déformation est représentatif de la vitesse à laquelle la déformation s’accumule et de la profondeur du blocage. On peut alors utiliser ces paramètres pour estimer la taille des futurs séismes qui vont rompre la faille étudiée. Finalement, programmées pour enregistrer leur position à haute fréquence (plusieurs fois par seconde), les stations GPS permettent d’étudier le mouvement du sol lors des tremblements de terre. Elles fournissent des données (le 29
u Champ de vitesse GPS de la partie est de l’arc himalayo-alpin dans le référentiel Eurasie fixe. Les vecteurs indiquent les vitesses de déplacement en mm/an. Les ellipses représentent l'incertitude estimée à 95 % de confiance sur les vitesses. Ceci nous renseigne sur les mécanismes d'accommodation de la déformation au sein de cette zone de convergence : En Iran d’ouest en est, collision continentale (diminution progressive des vitesses vers le nord) et subduction océanique (diminution très rapide des vitesses entre l'Arabie et le sud-est iranien) se succèdent. La Turquie rentre dans l'Europe à une vitesse moyenne de 25 mm/an ! Plus à l'ouest, les îles grecques se déplacent à environ 30-35 mm/an vers le sud. Ceci crée de la convergence entre l'Afrique et l'Eurasie accommodée par la zone de subduction hellénique. Ainsi, la Turquie est à la fois poussée par l'Arabie et tirée par la subduction hellénique, il y a compétition entre les mécanismes de collision et de subduction. À l'est, la remontée de l'Inde vers le nord et sa rencontre avec l’Eurasie donnent lieu à de la déformation distribuée sur une large zone : environ 20 mm/an sont absorbés par le chevauchement qui surélève l'Himalaya, une partie de la déformation est propagée vers le nord par des décrochements moins « couteux » en énergie qui provoquent un mouvement vers l'est du plateau tibétain. Au nord du Tarim enfin, on note la surrection de la chaîne du Tien Shan, noyau dur et indéformable de plus faible altitude que ces environs.
déplacement) qui complètent idéalement les mesures des sismographes et des accéléromètres des sismologues mesurant la vitesse et l’accélération de ces déplacements. En 2001, c’est un réseau de stations permanentes sur une zone de subduction des cascades qui a permis à Herb Dragert et ses collègues de détecter un phénomène inconnu jusque-là : des déformations transitoires qui correspondent à des épisodes de glissement intermittents en profondeur sur l’interface entre les deux plaques. En 2005, c’est le réseau permanent installé en Malaisie-Thaïlande-Indonésie qui a permis à notre équipe de suivre à la trace la rupture du séisme géant de Sumatra du 25 décembre 2004. Les déplacements des stations enregistrés pendant la propagation de la rupture permettent d’estimer la vitesse de propagation de celle-ci, et de proposer un modèle original de rupture avec deux séismes de part et d’autre de la frontière entre l’Inde et l’Australie. Dans ce cas précis, la forme de la rupture permet de mieux comprendre les caractéristiques du tsunami dévastateur qui a suivi (plus de 250 000 morts). Les défis qui restent à surmonter sont nombreux. D’abord, il faut améliorer la capacité et la précision des outils employés. Plus de satellites radar donneront 30
plus d’images avec un intervalle de temps réduit entre les acquisitions ; aujourd’hui, pour un investigateur non prioritaire, il faut attendre un mois pour obtenir une image sur la subduction chilienne. Le troisième système de positionnement par satellite prévu (GALILEO, après GPS et GLONASS) augmente les capacités existantes, mais ne les révolutionne pas (toujours deux fréquences, pas d’horloges hyperprécises, pas de lien satellite-satellite, etc.). Il y a aussi des défis méthodologiques et conceptuels : comment filtrer tous les phénomènes de surface (au demeurant très intéressants), comme les variations hydrographiques ou encore la météorologie qui perturbe les mesures GPS comme INSAR ? La déformation de surface d’ailleurs, si elle reflète ce qui se passe en profondeur, est-elle toujours bien représentative et permet-elle toujours de bien comprendre ce qui se passe sur les plans de faille ? Ce sont les enjeux de la compréhension future des phénomènes de friction et de genèse des séismes. Pour finir, il ne faut pas perdre de vue que ces méthodes fonctionnent sur la terre émergée, et que les deux tiers de la surface de la planète restent donc inaccessibles à ces mesures. La géodésie sous-marine reste à inventer.
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GLPS
68
ISPA
KOUR
Amérique du Sud
Nazca
A
3
24 COPO
7
TUCU CFAG
4
1
CONZ
CORD
37
1
2
5
22
SANT
3
FORT
BRAZ
1
CHPI
PARA
1
LPGS
LHCL
Echelle 50 +- 1 mm/an
RIOG
3
1000 km
u Les vitesses des points géodésiques sont exprimées dans un référentiel « Europe stable ». Aussi les sites géodésiques situés au nord des Alpes présentent des vitesses proches de 0 et indiquent un niveau de déformation interne inférieur à 0,4 mm/an. Les flèches jaunes représentent les points mesurés, les flèches rouges, la vitesse de convergence de la plaque Afrique à une vitesse comprise entre 3 et 5 mm/an, décroissant vers l'ouest. Ces mesures indiquent : – que la Sicile, le détroit situé entre la Sicile et la Tunisie et le Maroc font partie au premier ordre de la plaque Afrique ; – le point situé au sud de la Sardaigne ne bougeant pas par rapport à l'Europe, la frontière de plaque passe donc en mer sur la côte tyrhénienne de la Sicile, puis dans les chaînes du Maghreb et peutêtre au sud de l'Espagne ; – le nord des Appenins se déplace vers le nord-est créant de l'extension le long de la chaîne des Apennins et du raccourcissement sur les chaînes de l'ancienne Yougoslavie – pour le reste de l'Europe, la géodésie n'identifie pas de déformation.
u Vitesses des déplacements à l’échelle du sous-continent américain par rapport à un repère fixe sur la plaque sud-américaine. Les points noirs localisent les stations GPS, les flèches indiquent les vitesses horizontales en mm/an. Les ellipses bleues indiquent la précision de la mesure (99 % de confiance). La plaque Nazca est en subduction sous l’Amérique du Sud.
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
1-LES CIC ATRICES DE LA TERRE
U Vue en perspective des déformations dues à une intrusion de magma dans le rift du Manda Hararo (Ethiopie) en septembre 2005. Les images du radar INSAR, prises avant et après l’événement permettent de mesurer par interférométrie le déplacement pour les déformations périphériques peu importantes : ouverture et soulèvement. Les fortes déformations centrales de l’ordre du mètre sont mesurées par l’association d’images SPOT et Envisat. La zone axiale, bordée par les failles normales du rift, s’est abaissée (verte et bleue). Le magma basaltique semble avoir migré horizontalement à partir d'un conduit d'alimentation situé au centre du rift. Par contrecoup, les chambres magmatiques des deux volcans au nord (en haut de l’image) ont subi une déflation brutale.
U Le 26 décembre 2004, un tremblement de terre de magnitude 6,6 (échelle de Richter) dévastait la ville iranienne de Bam, tuant plus de 40 000 personnes. les images radar prises par le satellite Envisat avant et après la secousse ont été comparées afin de définir le mécanisme de la faille. L'analyse des images a montré que le bloc à l'ouest de la faille de Bam a glissé horizontalement vers le nord. Le choc est localisé exactement sous la ville de Bam. Les bâtiments ont subi une accélération fulgurante voisine de celle de la pesanteur, ce qui explique l'ampleur des dégâts malgré la magnitude modérée du séisme.
u Carte interférométrique, obtenue à partir d’images radar acquises par le satellite ERS-1, du tremblement de terre de Manyi (Tibet) – 8 novembre 1997 (magnitude 7,6).
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U Le séisme d’Izmit (1999) a rompu une portion de 150 km de la faille nord-anatolienne. La rupture s'est prolongée vers l'ouest en mer de Marmara sur plus de 30 km. L’analyse des interférogrammes obtenus via le satellite ERS a permis de délimiter l’étendue et l’amplitude de la déformation dues au séisme. À droite, l’interférogramme ERS, à gauche, le modèle de déformation. L’échelle de couleur donne l’amplitude du déplacement.
u À la suite du séisme d’Izmit, des observations se sont prolongées pendant environ un mois par mesure GPS afin de suivre les déformations postsismiques. Les lobes colorés et les flèches rouges résultent d'une modélisation des données ERS alors que les flèches noires indiquent les déplacement déduits des mesures GPS dont bon nombre de stations ont été installées deux-trois jours après le séisme. La différence entre les flèches rouges et les flèches noires correspond aux mouvements postsismiques survenus au cours des deux-trois jours suivant le choc principal. 33
u Cette modélisation explique pourquoi les failles se propageant suivant des trajectoires complexes émettent plus d'énergie sismique que celles qui se propagent suivant des trajectoires lisses. À gauche, des sections du champ de vitesses autour de la faille à des instants successifs, à droite, le champ de contraintes correspondant. Chaque fois que le front de rupture change de direction de propagation, une onde est émise et la vitesse du front de rupture se ralentit. Les ondes émises par les coins de la faille sont les zones circulaires visibles dans chacune des images.
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Le grand défi imposé aux sismologues des générations futures est de capter, comprendre et modéliser avec suffisamment d’acuité les frémissements et les déformations de la Terre pour, un jour, prévoir l’occurrence des grands séismes. Relever ce défi est encore hors de portée. Pourtant, chaque année, des progrès sont faits grâce à la multiplication des capteurs sismologiques à la surface du globe, à leur plus grande sensibilité, à la possibilité de modéliser la Terre avec de supercalculateurs ainsi qu’aux nouveaux développements théoriques.
POURRA -T- ON JAMAIS PRÉVOIR LES SÉISMES ?
Raul Madariaga Sismologue
e 26 décembre 2004, à l’extrême nord de Sumatra, un tremblement de terre dévastateur a frappé la région de Banda Ace. Moins d’une heure plus tard, le tsunami engendré par ce séisme inonda les côtes de Sumatra et, quelques heures plus tard, celles de Thaïlande et du Sri Lanka. Il y eût plus de 250000 morts et d’immenses dégâts. Que s’est-il passé ? En moins de 600 secondes, une partie de la plaque indienne a glissé sous celle de la Sonde de quelques dizaines de mètres, provoquant le soulèvement du fond des océans qui, à son tour, a généré le tsunami. La communauté scientifique française et internationale s’est mobilisée. Grâce à des instruments GPS à enregistrement continu, on a pu déterminer la distribution de glissement dans la zone de rupture. Le tremblement de terre s’est produit après une longue période de calme sismique; la région était même considérée comme asismique sur certaines cartes de risque sismique. Cet événement, exceptionnel par sa brutalité et son ampleur, n’est pas rare à l’échelle géologique ; dans un passé récent, entre 1952 et 1964, au moins quatre séismes de magnitude similaire se sont produits autour du Pacifique, depuis le Kamtchatka jusqu’au Chili, provoquant des tsunamis qui ont traversé tout l’océan Pacifique. Depuis l’Antiquité, physiciens, géologues et philosophes ont cherché l’origine des tremblements de terre, mais il a fallu attendre le début du XXe siècle pour
L
qu’une relation de cause à effet soit établie entre séismes et failles actives. À la suite du séisme de San Francisco de 1906, qui s’est produit sur la faille de San Andreas en Californie du Nord, le gouvernement des États-Unis a mis en place une commission d’études. Harry Reid suggéra, dans un rapport publié en 1912, que le séisme était dû au « rebond élastique » de la croûte terrestre. Dans ce modèle, les zones profondes de la faille se déforment de façon continue, tandis que la partie superficielle, plus froide, suit ce mouvement de façon saccadée. Entre deux séismes, à mesure que le temps passe, le mouvement lent des plaques produit une déformation continue de la zone qui entoure la faille. Cette déformation entraîne une augmentation des contraintes sur la partie bloquée de la faille ; à terme, la rupture et le relâchement brutal des contraintes accumulées engendrent un tremblement de terre. Des études plus récentes de mécanique de roche, de géodésie et de sismologie ont confirmé ce modèle avec, bien entendu, des modifications pour tenir compte des complexités géométriques et des comportements des roches. Les contraintes ainsi accumulées se libèrent parfois en un seul événement catastrophique comme à Sumatra ou, d’autres fois, au cours d’une suite de séismes plus ou moins grands ; autant de détails qui rendent indispensable l’étude précise de la sismicité et de la déformation présismique.
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glissements [m]
u Propagation de la rupture lors du séisme de magnitude 7.2 survenu le 28 juillet 1992 à Landers (Californie). Ce séisme s'est produit sur une série de failles très bien connues du désert de Mojave au nord-est de la ville de Los Angeles. La figure décrit le processus de propagation de la rupture à travers ce système de failles. Chaque image représente le glissement qui s'est produit sur les failles à des instants successifs (2, 9, 16 et 23 s). Le temps de rupture total de ce séisme est de 24 s.
Observation des séismes : géométrie et cinématique Lors d’un tremblement de terre, la rupture proprement dite commence en une petite zone d’une faille, l’hypocentre, et se propage à l’intérieur de la zone de failles à des vitesses extrêmement rapides (autour de 2 à 3 kilomètres par seconde). C’est cette propagation très rapide de la rupture qui produit les ondes sismiques responsables de la destruction des immeubles, des structures et des pertes de vies humaines. L’enregistrement des ondes sismiques très loin de l’hypocentre par des centaines de stations sismologiques permet de localiser les séismes et d’en déterminer les propriétés : magnitude et « moment sismique ». Déterminer le moment sismique revient à estimer l’ampleur du glissement produit sur toute la faille par le séisme. Les observatoires sismologiques le déterminent avec une précision de plus en plus grande et l’expriment en magnitude Mw. À l’origine, la
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u Les lacunes sismiques (« gaps ») identifiées le long de la côte chilienne et péruvienne, entourées de rouge, sont des zones où aucun séisme important (de magnitude >8) ne s'est produit depuis soixante ans et où l’on redoute un futur séisme majeur. Les zones de rupture des séismes de magnitude>7.5 sont entourées de couleur blanche. Les lacunes d'Arica à la frontière entre le Chili et le Pérou et celle de Concepcion au nord de la ville du même nom, sont considérées comme les plus dangereuses. La grande zone au centre nord du Chili (régions de Coquimbo et Atacama) est difficile à classer car elle semble avoir une accumulation de déformation moins forte que la partie centrale du Chili. Les équipes françaises travaillent avec des collègues chiliens et allemands à l'étude de ces trois lacunes.
magnitude a été proposée comme une mesure de l’énergie sismique totale émise par le séisme. La déterminer s’est avéré beaucoup plus difficile que de déterminer le moment sismique. Dès que les premières mesures de moment sismique ont été réalisées, il est apparu que le glissement et la surface de la faille varient systématiquement avec une certaine longueur caractéristique du séisme. Dans la majorité des cas, cette longueur peut être assimilée à l’étendue de la zone de rupture du séisme que l’on détermine d’après l’extension de la zone des répliques sismiques (ces petites secousses qui surviennent après chaque tremblement de terre) ; la longueur de la zone fracturée en surface ; la dimension de la zone de rupture déterminée par méthodes interférométriques en comparant des images radar prises par des satellites avant et après l’événement.
u Dans les zones de faille, la croûte terrestre subit des déformations qui la mettent sous contraintes et provoquent des séismes. Après chaque séisme, les contraintes se déplacent. L'analyse des enregistrements sismiques permet de déterminer la répartition des zones soumises à des contraintes plus ou moins fortes. Cette image concerne la subduction de la plaque de Nazca sous l'Amérique du Sud dans la région centrale du Chili, vue en coupe verticale. Le pointillé bleu et les traits blancs qui le prolongent marquent la limite des plaques. En dessous, la plaque pacifique, au-dessus la plaque andine. Les flèches représentent les sens du mouvement des failles. La zone considérée est de 200 km en largeur et de 100 km de profondeur verticalement à partir de la surface en haut de la figure. Le blanc correspond aux zones où il n'y a pas de variation de contraintes, le jaune à rouge, celles où il y a une augmentation des contraintes (de Coulomb), le vert-bleu-violet, celles où il y a une réduction de celles-ci. Cette situation est celle qui résulte du séisme du 15 octobre 1997. Elle s'applique aussi au séisme de magnitude 7,8 du 14 novembre 2007 qui a engendré une forte réplique de magnitude = 6,8 à l'intérieur de la plaque de Nazca (ligne blanche presque verticale) le 16 décembre 2007.
Pour mesurer la taille d’un tremblement de terre les sismologues utilisent le moment sismique, grandeur qui dépend des propriétés physiques du milieu, de l'amplitude du glissement et de la surface de rupture sur la faille. On lui associe la magnitude de moment, quantité sans dimension, intrinsèque au séisme et qui généralise la magnitude de Richter, connue sous le nom d'échelle de Richter. Un accroissement de magnitude de 1 correspond à une multiplication par 30 de l'énergie du séisme.
enregistrés par de nombreux instruments aussi bien à proximité que loin de la Complexité de la source sismique Ce modèle simple et facilement quantifiable des tremblements de terre n’est suf- source. En recoupant ces données avec des observations tectoniques et géofisant ni pour la prédiction, ni pour le calcul du mouvement fort provoqué par un désiques, il a été possible de reconstituer en détail le processus de rupture de séisme. La raison est la complexité des séismes : chaque rupture est différente, plusieurs de ces événements. En particulier, celui du fort séisme de Kunlun produisant une distribution unique de glissements qui peut-être ne se reproduira Shan (ou Kokoxili) survenu par un mouvement décrochant (horizontal) sur la faille jamais. Cette vision de la complexité s’est imposée suite à des études détaillées du Kunlun au Tibet le 14 novembre 2001. Le Tibet (la collision Inde-Asie) est de la rupture de nombreux séismes ; elle n’est pas partagée par tous les spécia- un chantier d’études pour plusieurs équipes françaises depuis les années u Bassin Paris Cet événement ne pouvait que mobiliser leur attention. En utilisant des listes, certains pensent que les très gros séismes sont caractéristiques d’un sys- de 1980. Socle anté-trasique et topographie données sismologiques régionales, des scientifiques français ont découvert tème de faille, et qu’ils se répètent à l’identique de façon quasi périodique. actuelle : Volume de sédiments Grâce au déploiement de nouveaux instruments géodésiques (GPS par exem- que le séisme s’est propagé à une vitesse proche de celle des ondes de comple), au progrès de l’interférométrie et aux enregistrements numériques, l’étude pression (de l’ordre de 6 kilomètres par seconde) sur une grande partie de la faille. des tremblements de terre a fait un bond spectaculaire dans les quinze dernières Cette observation, confirmée depuis par plusieurs études récentes, est la plus années. Plusieurs séismes importants, de magnitude entre 6,5 et 8, ont été claire observation d’un phénomène prédit théoriquement par Andrews en 1976
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TERRE , PLANE TE MYSTERIEUSE
1 - LES CIC ATRICES DE LA TERRE
U Géométrie des segments de faille sur lesquels s'est produit le séisme de Kunlunshan (Kokoxili) du 14 novembre 2001. Ce séisme extrêmement long, près de 400 km, et superficiel, pas plus de 20 km de profondeur, s'est propagé le long de la faille de Kunlun et autres failles secondaires à une vitesse extrêmement rapide. Ici, la distribution de glissement sur les différents segments de faille déterminée à partir d'images d'interférométrie radar. Le glissement maximum calculé est de plus de 7 m dans les zones rouges du pan de faille principal. Une caractéristique importante de ce séisme est la longue partie centrale de la faille qui est très peu segmentée.
et observé pour la première fois en 1984 en Californie. Certains séismes de décrochement peuvent dépasser la vitesse des ondes S, considérée comme la vitesse limite que peut atteindre la rupture sismique (3,5 kilomètres par seconde). Les ondes de choc émises par la propagation à des vitesses aussi importantes ont été explorées théoriquement par des sismologues, mais n’ont pas encore été observées directement. Cependant, des tectoniciens ont proposé que des fentes latérales découvertes près de la faille de Kunlun auraient été générées par la propagation à très grande vitesse de la rupture de 2001. Pourquoi le séisme de Kunlun s’est-il propagé aussi rapidement ? Une explication possible est que la rupture s’est propagée à vitesse transsonique dans la partie centrale de la faille, très lisse, avec une très faible complexité géométrique. Des simulations numériques semblent confirmer cette hypothèse, mais la rugosité d’une faille est une propriété extrêmement difficile à estimer. Modélisation mécanique ou dynamique des séismes Un des séismes les mieux étudiés est celui du 28 juin 1992, près de Landers dans le désert du Mojave au nord-est de Los Angeles. Il s’est produit sur un
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système de failles décrochantes connues et bien cartographiées. L’analyse de plusieurs dizaines de sismogrammes a permis de reconstituer le processus de rupture de ce système de failles avec une grande précision. Les efforts d’équipes américaines, japonaises et européennes ont conduit au développement des techniques de simulation de la propagation de la rupture dans des conditions de plus en plus proches de la réalité. Tout d’abord, on a pu reconstituer en soi les détails du processus de propagation de la rupture puis simuler sa propagation sur un système de failles très proche de celui cartographié sur le terrain. Cette propagation, à des vitesses proches de celle des ondes de cisaillement, sautant d’un segment à l’autre, dure au totale 22 secondes. Même si tous les détails du processus de rupture ne sont pas parfaitement déterminés, cette simulation montre que le fait que les failles sont une succession de segments est un élément essentiel du processus de rupture sismique. Ce sont les segments qui contrôlent la propagation, arrêtant ou accélérant la rupture. Il reste maintenant à tirer toutes les conséquences de ce modèle, afin de comprendre comment la propagation de la rupture produit les ondes sismiques de haute fréquence, responsables des
u Le séisme de Kunlunshan s'est propagé à une vitesse supérieure à celle des ondes S (4.5 km/s) sur la partie centrale de la faille (ligne rouge issue de l'épicentre figuré par l’étoile). La figure montre des sismogrammes enregistrés dans plusieurs stations chinoises du réseau mondial large bande GEOSCOPE. En noir, les sismogrammes observés et en rouge ceux calculés pour un front de rupture se propageant à une vitesse voisine de 6 km/s. Le cadre sur la faille montre le glissement moyen estimé le long de la faille et qui coïncide très bien avec le glissement déterminé à partir de l'interférométrie radar.
u Une nouvelle méthode, dite de renversement temporel, permet, grâce au calcul numérique et à un modèle de Terre, de rétropropager les ondes sismiques enregistrées lors d’un séisme par les stations réparties à la surface du globe. On peut ainsi artificiellement les faire se concentrer à la source d’un séisme et obtenir l’image en temps et en espace de la rupture. La méthode a été appliquée pour la première fois au cas du séisme de Sumatra, du 26 décembre 2004.
haute fréquence et faible amplitude qui semble être provoqué par des glissements lents des zones actives. Seule une étude longue et approfondie de ce genre de phénomènes pourra déboucher un jour sur une prédiction utile des séismes. L’alternative est la prévention, utiliser nos connaissances sur les séismes afin Prédiction, prévention et alerte sismique Devant une catastrophe rare comme celle de 2004 à Sumatra, ou de Tangshan de mieux estimer le risque et les mouvements forts à l’origine des destrucen Chine, qui a causé la mort de près d’un demi-million de personnes en 1976, tions. Une autre voie importante est celle de l’alerte rapide : alerter les autorique peuvent faire les sismologues ? Est-il totalement impossible de prévoir ces tés, les populations et les services de gaz, électricité et autres, dès le début d’un événements extrêmes ? Chaque séisme est le produit d’un processus de rupture séisme. Afin qu’une alerte soit efficace, il faut pouvoir estimer la magnitude et singulier, résultat de la géométrie des failles mises en jeu et des variations dans la position du séisme dans les toutes premières secondes de la propagation le temps des contraintes et de la déformation qui s’ensuit. Nous n’avons trouvé de la rupture. Ceci n’est pas facile, mais de grands progrès ont été accomplis pour le moment aucune méthode qui nous permette de prévoir les séismes ; récemment, surtout dans le domaine de l’alerte aux tsunamis. L’alerte est prou Bassin Paris la seule façon utile de réduire les effets des secousses sismiques, certes, une meilleure connaissance de la sismicité nous permet de mieux esti- de bablement Socle anté-trasique et topographie à condition qu’elles soient fiables et efficaces. De ce point de vue, la France fait mer le risque sismique, mais pas de le prévoir. Nous comprenons actuellement actuelle : Volume de sédiments que les séismes sont dus à divers phénomènes de déformation de la croûte des progrès importants dans l’alerte dans le Pacifique et dans un avenir proche terrestre à plusieurs échelles d’espace et de temps. Par exemple, dans les en Méditerranée. grandes zones de subduction, des observations récentes ont mis en évidence des mouvements épisodiques associés à des trémors, un bruit sismique de destructions provoquées par les séismes. C’est un défi où plusieurs équipes françaises sont en première ligne.
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u Cône alluvial, en Chine, à la limite de la chaîne d'Altyn Tagh et du désert de Taklamakan. La partie gauche correspond à un lobe abandonné et la partie droite au lobe actif. Image Landsat 7 à 14,25 m/pixel (niveau de détail) drapée sur modèle numérique de terrain à 90 m.
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La pluie érode les montages et le quartz des granites des hautes cimes finit grain de sable sur nos plages. On pourrait croire que seul le dessin du paysage est affecté, s’adoucissant au fil des millions d’années. Mais finalement l’érosion et l’altération déplacent les montagnes dont les matériaux, devenus alluvions et sédiments, s’accumulent au fond des océans. La dynamique de l’écorce terrestre en est affectée. La composition de l’atmosphère peut l’être aussi et avec elle le climat.
L’ÉRO S IO N N ’EST PAS A NO DIN E Christian France-Lanord Géochimiste
ussi loin que remontent dans le temps les roches qui témoignent de l’histoire géologique, l’érosion est présente et façonne, depuis au moins 3,8 milliards d’années, la surface de la Terre. L’érosion regroupe les processus de désagrégation superficielle des continents et de transport des alluvions vers les océans. Elle est à la fois un formidable vecteur physique, capable d’entailler les montagnes à des vitesses de quelques millimètres par an et de transporter des dizaines de milliards de tonnes de sédiments par an, et un réacteur biochimique fondamental de l’environnement, prélevant dans les roches les éléments chimiques qui déterminent pour partie le développement de la biosphère et le cycle du carbone. Son importance est aussi déterminante pour notre environnement car sous le contrôle des changements climatiques, elle conditionne la stabilité des terrains et la qualité des sols sur lesquels reposent nos activités. Les facteurs climatiques, biologiques et géologiques se conjuguent pour faire fonctionner les moteurs de l’érosion et de l’altération terrestres. Leurs jeux complexes d’interactions sont des enjeux de recherche majeurs pour comprendre l’évolution de notre planète sur le long terme comme pour maîtriser son environnement actuel.
A
Quand l’érosion interagit avec la dynamique interne L’érosion physique intervient directement à l’interface des processus de la Terre profonde et du cycle hydrologique. S’il est clair qu’elle est largement guidée par le développement tectonique de la planète qui organise l’architecture des marges continentales et des chaînes de montagnes et modifie les climats, elle agit aussi sur les structures internes des chaînes de montagnes. Le jeu des précipitations orographiques entraîne souvent une distribution dissymétrique de l’érosion sur les reliefs montagneux. Il s’ensuit une distribution préférentielle et durable des flux d’érosion qui amplifie l’exhumation des versants les plus érodés par effet de rebond isostatique, et facilite le jeu des chevauchements et des failles normales responsables de l’exhumation. L’érosion, au premier ordre, contrôlée par la présence de reliefs, devient ainsi un facteur de développement du relief capable de transformer le style tectonique d’une chaîne de montagnes. C’est aussi à l’interface continent-océans qu’intervient l’érosion par son action sur les traits de côtes. En particulier, les grands deltas sont des zones dont l’étendue dépend directement de l’apport sédimentaire des rivières lié à l’érosion qui contrebalance la subsidence de delta sous contrôle tectonique et les variations du niveau des mers sous 41
Sédiments cénozoïques (depuis 65 millions d’années) (m)
u La chaîne himalayenne, la plaine du Gange et le delta du Bangladesh s'ouvrant sur la baie du Bengale. Cet ensemble regroupe les topographies les plus extrêmes de la Terre. Les plus hautes altitudes, les plus forts reliefs avec des vallées incisées sur 6 000 m et la plaine la plus plate avec un dénivelé du Gange de 230 m entre la sortie de l'Himalaya et le delta sur 1 400 km à vol d'oiseau. Le Gange transporte annuellement cinq à sept cents millions de tonnes de sédiments arrachés à l'Himalaya. Ce transfert de matière considérable mobilise l'énergie de transport des pluies de mousson qui déposent les sédiments sur la plate-forme deltaïque. Ils sont ensuite transférés vers le bassin profond sous l'action des orages tropicaux.
U
Reconstitution des bassins sédimentaires qui entourent l'Himalaya et le Tibet. Le fort relief en milieu tropical a engendré depuis la collision entre l'Inde et l'Asie un flux sédimentaire considérable. Ce transfert modifie la morphologie continentale et agit également sur le cycle bio-géochimique global.
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u Crue de mousson sur la Kali Gandaki au Népal central. Le flux de la rivière dépasse 1 000 m3 par seconde. Durant la saison de mousson la capacité de transport de sédiments est en moyenne de 2 à 5 tonnes par seconde. Ce flux d'eau et de particules est fortement érosif et entraîne l'incision des vallées himalayennes.
contrôle climatique. Ces deltas sont les aires les plus fortement peuplées de la planète et dépendent de manière critique de l’érosion. La compréhension de ces mécanismes d’interactions entre le climat et la tectonique progresse à travers un ensemble de nouvelles méthodes de mesure des mécanismes naturels et de modélisation reconstituant l’évolution des chaînes de montagnes sur des échelles de temps géologiques. C’est en premier lieu l’observation de la Terre qui apporte une révolution par la qualité et la finesse des données désormais disponibles pour modéliser la géodynamique externe. La topographie actuelle est maintenant déterminée grâce aux techniques d’observation spatiale avec une précision métrique ou centimétrique, à partir de systèmes aéroportés. Les variations de la topographie et les mouvements tectoniques peuvent être suivis au centimètre près par l’observation GPS. Les progrès des méthodes géochimiques de mesure du temps apportent également un ensemble d’informations sans équivalent pour quantifier l’érosion. De nouveaux thermo-chronomètres isotopiques (traces de fission ou uranium-thorium/hélium ((U-Th)/He), sur apatite ou zircon) se déclenchant à des températures de l’ordre de 200 à 70 °C retracent les stades terminaux de l’exhumation et de l’érosion des formations
u Échantillons de sédiments du Gange prélevés le 23 juillet 2005 à différentes profondeurs. Chaque coupelle représente les sédiments extraits de 5 litres d'eau, ce qui indique des concentrations qui augmentent avec la profondeur de 1,3 à 6,5 g/l. Le dernier échantillon correspond au sédiment de fond prélevé à la drague. À droite, sont représentées les mesures de granulométie des échantillons. Elles montrent une nette augmentation granulométrique vers la profondeur.
géologiques. La mesure des concentrations en isotopes cosmogéniques (le béryllium 10, par exemple), formés par interaction entre certains éléments constitutifs des roches et les rayonnements cosmiques, permet de mesurer les temps d’exposition des surfaces géomorphologiques. Toutes ces méthodes concourent à l’émergence d’une nouvelle géomorphologie quantitative qui peut être efficacement intégrée aux démarches de modélisation. Comprendre les processus physiques de l’érosion est également un enjeu pour développer des modèles mécaniques réalistes. Ce sont les processus mêmes de l’incision et du transport mis en œuvre par les glaciers, les glissements de terrain et les rivières qui sont étudiés in situ ou à travers des expériences analogiques en laboratoire. Leurs dépendances au climat, à la lithologie, au relief ou à la végétation sont autant de facteurs nécessitant d’élaborer des lois d’érosion pertinentes. Quand l’érosion interagit avec la biosphère et le climat Accompagnant étroitement les processus physiques, l’érosion agit également en tant que réacteur chimique, transformant les roches et libérant les éléments constitutifs du cycle biogéochimique. Là encore, l’érosion agit sur
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u Banc sableux (Chor) du Brahmapoutre au Bangladesh. L'érosion des berges en période de mousson découvre les figures de dépôt. Ces bancs sont fréquemment cultivés en période de basses eaux mais subissent des migrations de plusieurs dizaines de mètres par an à chaque mousson.
une interface complexe entre climat, biologie et géologie. L’altération des roches au niveau de cette zone critique que constituent les sols est étroitement liée à l’activité biologique. La respiration des plantes, leur dégradation et l’activité bactérienne concentrent et délivrent les acides nécessaires pour attaquer les minéraux. Ces minéraux se transforment, recristallisent sous forme d’argiles et libèrent des éléments dissous dans les rivières, puis dans les océans. Ils alimentent la vie continentale et marine et participent à l’équilibre chimique des océans. L’altération est étudiée sur des gammes d’échelles spatiales et temporelles variant sur plus de quinze ordres de grandeur (du nanomètre à 1 000 kilomètres et de 1 mois à 1 milliard d’années). Les techniques spectroscopiques permettent d’explorer le détail des processus physico-chimiques mis en jeu à l’interface des minéraux, jusqu’à des échelles subatomiques. Ceux-ci conditionnent l’altérabilité des minéraux et la mobilité des éléments libérés par l’altération. La simulation expérimentale de l’altération documente les paramètres thermodynamiques (température, pression, acidité, etc.) nécessaires à sa modélisation. Celle-ci intègre maintenant des réactions complexes avec des agents biologiques ou des processus de transferts réactifs. Sur le terrain, le suivi de l’érosion sur des parcelles ou des petits bassins versants détermine des facteurs de contrôle propres aux sites
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choisis. Cette observation à méso-échelle (100 mètres à 10 kilomètres) est fondamentale, en particulier pour maîtriser les processus de transfert des éléments dans l’environnement, qu’il s’agisse des nutriments nécessaires à la croissance végétale ou d’éléments plus ou moins toxiques issus des roches ou dispersés par l’activité anthropique. Enfin, les grands bassins fluviatiles tels que l’Amazone intègrent des surfaces continentales entières permettant de quantifier assez simplement l’ampleur de l’érosion chimique (supérieur à 3 milliards de tonnes par an). Les bilans géochimiques et le traçage isotopique de l’altération à l’échelle des bassins quantifient les transferts biogéochimiques de surface et les flux vers les océans. Ils permettent de dériver des lois d’érosion empiriques en fonction des divers facteurs de contrôle que sont l’intensité des précipitations, la nature des minéraux et des roches, l’érosion physique, ou encore la température. L’action de l’érosion sur les équilibres chimiques des océans est telle que les compositions isotopiques de l’eau de mer fossilisées par les microorganismes marins enregistrent les variations du flux d’érosion global. Elles témoignent de variations des processus d’érosion en fonction des changements climatiques ou tectoniques de la planète.
u La période sèche découvre le lit du Gange qui est restreint à 1 ou 2 km de large juste avant la mousson. En quelques jours au mois de juin la montée des eaux de 4 à 8 mètres recouvrira totalement ces étendues pendant trois mois.
u Détail des bancs sableux du Brahmapoutre déposés au cours du temps.
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TERRE , PLANE TE MYSTERIEUSE
1 - LES CIC ATRICES DE LA TERRE
u Chenaux en tresse de la Kali Gandaki à Johmosom au Népal.
U Rivière en tresse produite par le code Eros pour un écoulement d'eau (en bleu) sur une pente à topographie érodable. En cas de surrection, la mobilité latérale des chenaux est réduite et inhibe la formation des tresses. Ces simulations permettent d’étudier les conditions d'apparition des instabilités géomorphologiques, et de comprendre les mécanismes physiques sous-jacents.
U Expérience numérique d'un système fluviatile soumis à une surrection faible. Dans les premiers stades, la rivière érode la partie amont de l'expérience et relargue une grande partie des sédiments dans la partie centrale. Il se forme un delta interne avec l'apparition de multiples chenaux. Dans les stades ultérieurs, l'incision liée à la surrection conduit à une sélection d'un seul chenal. Les déséquilibres érosion/sédimentation ont un rôle clé dans la réponse hydro-sédimentaire.
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U Mesure de la vitesse d'écoulement sur une section de l'Amazone à Obidos. Le flux intégré atteint 200 000 m3 par seconde.
L’érosion et le cycle du carbone L’érosion est aussi l’un des principaux acteurs du cycle du carbone. Les roches sont altérées par des acides dérivés du CO2 de l’atmosphère, apportant ainsi à l’océan le calcium et le bicarbonate nécessaires aux micro-organismes marins pour former les calcaires. Parallèlement, une petite partie de la biomasse végétale issue de la photosynthèse à partir de CO2 atmosphérique est entraînée avec le flux particulaire des rivières pour s’accumuler dans les sédiments océaniques. Ces deux processus sont les seuls à contrebalancer l’apport continu de CO2 à l’atmosphère qui accompagne le volcanisme terrestre. En interaction étroite avec la biosphère, ils stabilisent la pression de CO2 atmosphérique et maintiennent ainsi des conditions climatiques compatibles avec le développement de la vie depuis plusieurs milliards d’années. Les fluctuations d’intensité de l’érosion continentale au cours des cycles orogéniques sont ainsi susceptibles d’avoir modifié l’équilibre entre apport et consommation de CO2 atmosphérique, induisant des fluctuations climatiques à très longue échelle de temps.
À l’interface entre les évolutions lentes de la Terre interne qui induisent la surrection du relief et la distribution des continents, et la Terre externe soumise aux changements rapides de la biosphère et des climats, l’érosion est un paramètre clé pour comprendre le développement de la vie et la qualité environnementale. Elle représente un enjeu majeur de recherche tant pour l’évolution géologique de la planète que pour maîtriser les futures évolutions de l’environnement. Depuis une quinzaine d’années, les équipes françaises ont apporté des contributions importantes dans différents domaines : évolution des reliefs comme l’Himalaya et le Tibet, bilans d’érosion et d’altération des grands fleuves à l’échelle continentale (Congo, Amazonie, sous-continent indien), développement d’outils de modélisation de l’érosion et de l’altération et de mesure du relief et de l’exhumation (GPS, spectromètre à accélérateur du CEREGE).
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u L'éruption récente du Mount Redoubt en Alaska montre un phénomène rare : une coulée pyroclastique alimente une colonne atmosphérique secondaire à distance du conduit éruptif. Pendant l'écoulement, les fragments magmatiques les plus gros portés par la coulée sédimentent, laissant un volume important de gaz et de cendres volcaniques chaudes qui s'élève par poussée d'Archimède.
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Qu’est-ce qui détermine le fait qu’une éruption volcanique est effusive ou explosive ? Pourquoi un même volcan peut-il présenter des éruptions de types différents ? Pourquoi les cendres et les gaz tantôt dévalent les pentes, tantôt s’élèvent jusque dans la haute atmosphère ? Que se passe-t-il dans les profondeurs, sous les volcans ? La volcanologie moderne, une discipline jeune, commence à répondre à ces questions.
AU-DESSOUS ET AU-DESSUS DES VOLCANS Claude Jaupart Géophysicien
e n’est qu’à la fin des années 1970 qu’une une approche physique et globale des phénomènes volcaniques a vu le jour. Quarante ans après, nous butons encore sur deux questions fondamentales, la géométrie des structures volcaniques en profondeur et leurs changements dans le temps. Le volcanologue moderne doit jongler avec le travail de terrain, la physique et le nécessaire aller et retour entre théorie et observations naturelles. La valeur d’une théorie ne réside pas uniquement dans son côté quantitatif, mais aussi dans sa capacité à orienter les stratégies de mesure sur le terrain. Sans observations, la théorie ne peut que tracer quelques principes généraux.
C
Le volcanisme et les mouvements internes d’une planète Sans fusion des roches du manteau, il n’y aurait pas de volcanisme, et si la Terre était inerte, il n’y aurait pas de fusion. En effet, à une centaine de kilomètres de profondeur, sous la pellicule rigide qui recouvre notre planète, la tempéra-
ture (1 300 °C environ) n’est pas suffisante pour fondre les roches. Dans la Terre, la fusion est un changement d'état de la matière principalement dû aux variations importantes de température, de pression et de la teneur en eau. L’augmentation de pression avec la profondeur élève la température de fusion, tandis que l’augmentation de la teneur en eau la diminue. C’est la pression qui change le plus lors de la montée et la descente des roches entraînées par les courants de convection qui animent notre planète. À une profondeur de 100 kilomètres, la pression est 30 000 fois plus élevée qu’en surface. Le mécanisme de production de magma le plus important est la décompression associée à trois phénomènes bien précis : l’expansion des fonds océaniques et les courants ascendants sous les dorsales océaniques ; les mouvements ascendants localisés, à l’origine des grands volcans comme le Kilauea, ou le Piton de la Fournaise; et l’extension qui amincit la lithosphère, dont le plus bel exemple est le rift estafricain, qui s'étend sur 3700 kilomètres, du Mozambique jusqu'à l'Ethiopie, et
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u Etna, éruption de 1971. En examinant le volume de chaque éruption, on a pu observer que le débit du volcan est resté constant pendant trois cents ans et qu’il semble s’accélérer depuis une cinquantaine d’années.
U Les deux principaux régimes
Colonne plinienne
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Coulée pyroslastique
« explosifs » des éruptions volcaniques. À gauche : le jet volcanique parvient à incorporer une grande quantité d’air et devient plus léger que l’atmosphère. Il se développe en colonne atmosphérique de haute altitude qui s’étale latéralement et est dispersée par les vents. C’est le régime plinien. À droite : le jet volcanique ne parvient pas à s’alléger suffisamment et retombe vers le sol, alimentant des coulées denses qui dévalent les pentes du volcan. C’est le régime des coulées pyroclastiques (analogue à celui des nuées ardentes engendrées par l’explosion d’un dôme de lave).
u Coulée pyroclastique dévalant les pentes du volcan Soufrière Hills de l’île de Montserrat. On peut remarquer la netteté des bords de la coulée, faite d’un mélange de gaz et de fragments volcaniques. Ce sont des coulées de ce type qui sont responsables des plus grands dégâts.
comprend le célèbre Kilimandjaro en Tanzanie. La vallée encaissée du Rhin est un exemple plus proche avec des volcans semblables, tous inactifs mais probablement pas éteints. Le plus remarquable est que la convection terrestre produit aussi des magmas à la descente par hydratation! En effet, un courant convectif descendant transporte des roches hydratées en surface. Comme l’addition de 1 % seulement d’eau (en poids) abaisse le point de fusion d’une roche d’environ 100 °C, la courbe de fusion peut être croisée à relativement basse température. Un système volcanique est un réseau de conduits qui relie une source profonde à des bouches de surface en passant par un réservoir situé à profondeur intermédiaire. Le débit est régulé par les mouvements convectifs de grandes dimensions et ne varie pas à l’échelle de quelques milliers d’années. Le débit du Piton de la Fournaise est en effet de 0,01 km3/an depuis plus de trente ans, et celui de l’Etna s’est maintenu à environ 0,007 km3/an pendant trois cents ans ! Ces chiffres servent d’outil de prédiction. Plus l’éruption tarde, plus son volume sera grand et plus importants seront les effets sur les alentours.
Les différents types d’éruptions volcaniques Les magmas terrestres, plus légers que les roches de l’écorce terrestre, sont propulsés vers le haut par la poussée d’Archimède. Si la proportion de gaz présent dans le magma est inférieure à environ 70 % en volume, c’est une coulée de lave qui s’épanche du volcan. Si elle est supérieure à cette valeur, c’est une éruption explosive qui s’ensuit. Pour une concentration de 1 % en masse (valeur courante), les gaz volcaniques représentent 99 % du volume de la lave qui s’échappe à la surface. Lorsque le volume de gaz est faible, le gaz est sous forme de bulles dispersées dans le magma et c’est une mousse magmatique qui s’épanche. Lorsque la proportion de gaz est trop importante, c’est un jet de gaz portant des gouttes de magma qui sort du conduit éruptif. Le mélange de gaz et de magma est dominé en masse par le magma, mais en volume par le gaz. Sa densité moyenne est bien plus élevée que celle d’un gaz et que celle de l’atmosphère, mais son comportement est celui d’un gaz.
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TERRE , PLANE TE MYSTERIEUSE
1 - LES CIC ATRICES DE LA TERRE
u Schéma représentant les conditions de l’ascension et de la décompression d’un magma riche en éléments volatils (de l’eau essentiellement). Les éléments volatils sont dissous dans le magma à forte pression et forment des bulles lorsque le magma remonte vers la surface. Lorque les bulles occupent un volume important, elles explosent et le mélange magmatique change radicalement d’état : il passe d’une mousse portant les bulles en suspension à un jet de gaz portant des fragments de magma.
u Zoom sur la zone de fragmentation dans le conduit volcanique. Lorsque toutes les bulles du magma éclatent, le gaz est libéré, les fragments sont petits : il y a formation de cendres. Au contraire, les gros fragments piègent une quantité de gaz importante et deviennent des pierres ponces. Plus le mélange éruptif est riche en gaz « libre », plus l'altitude atteinte par le jet volcanique est importante. Le régime de l'éruption, en colonne plinienne ou en coulée pyroclastique, dépend des proportions relatives des deux types de fragments.
Colonne plinienne et coulée pyroclastique La colonne plinienne est un mélange de gaz et de fragments de magma formant un panache atmosphérique qui s’élève à plusieurs dizaines de kilomètres dans l’atmosphère et qui est dispersé sur de très grandes surfaces par les vents stratosphériques. Au sol, la conséquence est une pluie de cendres nocive mais non mortelle. La coulée pyroclastique est un mélange de gaz et de cendres qui ne monte qu’à quelques kilomètres au-dessus de la bouche éruptive et retombe sur le sol, alimentant des coulées denses qui dévalent les pentes et dévastent tout sur leur passage. Ces deux régimes sont instables et alternent souvent. À la sortie de la bouche éruptive, des tourbillons se mélangent à la colonne éruptive. Au contact des fragments de magma chauds, l’air incorporé se réchauffe. Le mélange de gaz et d’air devient de plus en plus léger au fur et à mesure qu’il s’élève. S’il reste tout le temps plus dense que
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l’atmosphère, il finit par retomber vers le sol en une coulée pyroclastique. S’il devient plus léger, une colonne plinienne se développe, pouvant atteindre une vingtaine de kilomètres (éruption de 1991 du mont Pinatubo aux Philippines). Beaucoup d’éruptions ont montré des débuts en régime plinien et l’apparition de coulées pyroclastiques ensuite. Dans la majorité des cas, elles coexistent dans les phases finales. Les phases de pures coulées pyroclastiques sont rares. Pour ces éruptions, le gaz magmatique se partage en une phase continue, le jet volcanique, portant les fragments, et une phase piégée dans les fragments eux-mêmes. Seule la phase continue de gaz détermine le comportement du jet et l’intensité du mélange avec l’air ambiant. Le développement de la colonne atmosphérique en panache plinien ou en coulée pyroclastique dépend des
u Le squelette d’une ponce basaltique du volcan Kilauea, Hawaii. Dans ce cas extrême, la proportion de gaz dans le fragment atteint 99 % et les bulles se déforment au contact de leurs voisines. Le magma occupe des films fins dans les zones de contact étroit (dont certains sont visibles à gauche) et des tubules. L’échantillon est figé en verre lors de l’éruption dans l’atmosphère.
proportions respectives de gaz du jet et de gaz piégé dans les fragments volcaniques. Partant d’une mousse de magma, la seule manière de libérer tout le gaz est de pulvériser l’ensemble en faisant éclater toutes les bulles. Les fragments ont alors une taille voisine de celle des bulles et deviennent des cendres. Il subsiste aussi de gros fragments pleins de bulles qui deviennent des pierres ponces. Plus la proportion de cendres est grande, plus la quantité de gaz « libre » est importante. Les dépôts des éruptions pliniennes sont systématiquement plus riches en cendres que ceux des coulées pyroclastiques. C’est que la fraction de gaz libérée est plus importante pour les premières que pour les secondes. On voit ici le lien étroit entre l’écoulement atmosphérique, qui se développe sur plusieurs dizaines de kilomètres d’altitude, et les tout petits fragments qu’il transporte, dont la plupart ne dépassent pas quelques centimètres.
Le caractère instable des éruptions volcaniques Les éruptions peuvent subir des changements de régime très brusques, qui ne peuvent être compris que par une approche physique fine. Un volcan peut passer d’une phase explosive à l’émission d'une coulée de lave, ou vice versa, montrant que la quantité de gaz à la sortie du conduit peut changer rapidement. Dans le conduit, le magma est au contact de roches fracturées et laisse échapper une partie de son gaz. Si le magma monte très vite, les fuites de gaz sont négligeables. Si, au contraire, la vitesse est faible, les fuites de gaz sont importantes. La vitesse de montée elle-même dépend du volume de gaz et d’infimes variations de la pression du réservoir induisent des variations de vitesse et du débit des fumerolles, et peuvent faire passer le volcan d’une phase explosive à une coulée de lave. La prédiction est donc que le volcan doit passer d’un régime explosif à un régime effusif lorsque
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U La peau d’un dyke : fissure ouverte sur les flancs du volcan Nyiragongo (Congo) lors de sa dernière éruption. On y voit la croûte qui s’est formée au sommet du magma après s’être frayé un chemin vers la surface. Dans ce cas précis, la pression magmatique n’était pas tout à fait suffisante pour qu’une éruption se produise et le magma n’est pas sorti de sa fissure.
Dans les profondeurs de la Terre, des variations de températures, de pression, de teneur en eau, peuvent provoquer la fusion des roches et l’apparition de magma, matière chaude, fondue, souvent riche en gaz. La fusion étant partielle et évolutive avec les variations de la température, la composition du magma ne correspond pas exactement à celle de la roche d’origine qui s’en trouve alors, également, modifiée par recristallisation des minéraux.
l’éruption ralentit : c’est bien ce qui a été constaté au mont Saint Helens par exemple. Le système de conduits souterrains d’un volcan Si les basaltes peuvent arriver jusqu’à la surface terrestre, comment peuventils aussi s’arrêter en profondeur et s’accumuler dans un réservoir ? Pourquoi s’échappent-ils d’abord dans la zone centrale puis en périphérie ? Pourquoi les plus gros volumes de lave continuent-ils de monter à l’axe du système et passer par le sommet du volcan, qui s’élève progressivement avec le temps, plutôt que de se dévier vers les zones périphériques ? Au début du système volcanique, la pression du basalte permet d’ouvrir une fracture jusqu’à la surface. L’édifice volcanique grandit, jusqu’à peser sur l’écorce terrestre, au point de fermer les fissures à faible profondeur lorsqu’il atteint une certaine taille. Le
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basalte s’accumule alors sous l’édifice, un réservoir se forme et le magma y évolue. Le réservoir s’agrandit et finit par dépasser les dimensions de l’édifice. Le basalte peut alors de nouveau arriver jusqu’à la surface, mais en périphérie, où la charge de l’édifice est faible. Dans un réservoir de grandes dimensions, la charge de l’édifice déforme le toit qui cède préférentiellement et les éruptions peuvent se perpétuer dans la zone axiale et construire les édifices imposants qui nous fascinent. C’est à partir des caractéristiques des édifices, faciles d’accès et parfois mis à nu par des glissements de terrain, qu’il est possible de déterminer les caractéristiques des réservoirs. Une autre conséquence est que la destruction de l’édifice modifie considérablement les conditions du transport de magma et doit être suivie par l’émission de magmas plus « primitifs ». C’est d’ailleurs ce qui a été observé au mont Saint Helens sur un certain nombre d’éruptions anciennes.
u Dyke d'Arizona : photographie du conduit volcanique fossile de Ship Rock mis à nu par l'érosion au Nouveau-Mexique. On y voit une intrusion volumineuse qui se prolonge en une très longue fissure remplie de magma. L'érosion a dégagé les roches sédimentaires fragiles et laisse le magma solidifié. Le mot de dyke provient de l'anglais qui signifie « rempart ».
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LES ABYSSES DYNAMIQUE DE LA LITHOSPHÈRE OCÉANIQUE Nouveaux regards sur la formation de la croûte océanique Mathilde Cannat
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Les subductions, zones à risques Serge Lallemand
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Entre continents et océan : les marges continentales Sylvie Leroy
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La Méditerranée, une mer en sursis ? Jean Mascle
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U Delta sous-marin profond du Nil. 57
u Carte topographique des fonds océaniques obtenue par altimétrie spatiale. On y distingue les structures majeures : dorsales océaniques, failles transformantes, grandes fosses, plaines abyssales, volcans sous-marins.
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Invisibles, les dorsales océaniques forment une immense chaîne de hauts-reliefs qui rivalise avec nos montagnes par l’altitude et les surpasse par la longueur, environ 60 000 kilomètres, Elles sont le pouls de la Terre : du magma y jaillit en permanence, des oasis de vie y apparaissent. Pourtant difficiles d’accès, elles ont été draguées, forées, photographiées, sondées. Pour mieux en comprendre les mécanismes, les recherches se poursuivent avec des observatoires du fond des mers.
NOUV E AU X R EG A R D S S U R LA FO R M ATIO N D E L A C R O Û TE O CÉANIQUE Mathilde Cannat Spécialiste des géosciences marines
’accrétion océanique, c’est-à-dire la formation de nouvelle croûte à l’axe des dorsales océaniques, n’a été découverte qu’au début des années 1960. C’est par ce mécanisme fondamental, qui conduit par exemple l’océan Atlantique à s’élargir chaque année de 2 à 3 centimètres, que s’accomplit la tectonique des plaques. Proposée dès 1912 par Alfred Wegener, la théorie de la dérive des continents n’a été véritablement confirmée qu’en 1963 avec la découverte d’anomalies magnétiques symétriques de part et d’autre des dorsales océaniques. Ces anomalies ont permis de dater les fonds marins, de constater qu’ils sont d’autant plus jeunes que l’on se rapproche de la dorsale, et de calculer leurs vitesses d’expansion, c’est-à-dire les vitesses d’écartement des plaques dues à la formation de nouvelle croûte. Cette découverte majeure date de moins de cinquante ans. Elle a ouvert aux sciences de la Terre un nouveau chantier d’études… Chantier difficile d’accès puisque situé, en moyenne, près de 3000 mètres sous le niveau de la mer. Cette difficulté d’accès est la cause du lien étroit entre progrès technologiques et avancées scientifiques en géosciences marines : ce sont en grande partie les avancées technologiques réalisées pour cartographier et observer les domaines marins profonds, qui ont fixé le rythme des principales découvertes. À l’inverse, ces avancées technologiques ont été largement motivées par le désir des chercheurs d’avoir accès à des informations plus précises. La découverte, en 1978, de sources hydrothermales sur la dorsale des Galápa-
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gos n’aurait ainsi pas été possible sans la mise en œuvre, entre 1964 et 1969, des premiers submersibles habités permettant d’atteindre les grandes profondeurs : Alvin (USA), puis Cyana (France). Ces sources hydrothermales, mises en évidence depuis le long des autres dorsales du globe, permettent l’extraction de quantités énormes de chaleur, transférée à l’océan. On estime ainsi que plus de 20 % des pertes de chaleur de la Terre s’effectuent via ces fluides hydrothermaux de dorsales. Ces fluides sont par ailleurs corrosifs et lessivent les roches qu’ils traversent, entraînant des flux chimiques importants, en particulier de métaux (cuivre, fer, manganèse, zinc, etc.). Ces métaux précipitent près des sources et forment des amas de sulfures métalliques qui représentent des ressources minérales potentielles. Les implications de la découverte des sources hydrothermales ont rapidement dépassé le domaine des géosciences. L’énergie chimique contenue dans les fluides hydrothermaux permet en effet le développement d’une intense activité microbienne et de communautés animales originales. Ces « oasis sous la mer » sont aujourd’hui des chantiers d’étude très actifs, à la frontière entre sciences des minéraux et sciences de la vie. L’observation directe des grands fonds par submersible ne permet de couvrir que quelques kilomètres carrés pendant une campagne océanographique (qui dure typiquement quelques semaines). En effet, dans l’obscurité complète des profondeurs, l’œil de l’observateur ne porte, grâce aux
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Il existe au fond des océans une longue chaîne de hauts-reliefs d’origine volcanique. Invisible à nos yeux, elle est révélée par les satellites comme une immense épine dorsale que l’on peut suivre autour du globe sur plus de 60 000 kilomètres. C’est à l’axe de ces dorsales qu’une activité volcanique continue et incessante produit la croûte et la lithosphère océaniques.
U Détail de la dorsale océanique sud-ouest indienne, à 55 ° Est. On distingue verticalement la vallée axiale étroite et profonde, de part et d’autre de laquelle se fait l’expansion océanique à la vitesse de 14 mm/an. Les plus hauts reliefs sont à 600 m (rouge) de profondeur, les plus profonds à 5 400 m (violet). Ce tronçon est constitué de deux segments décalés d’environ 50 km de large (largeur environ 250 km).
projecteurs du submersible, que sur une vingtaine de mètres. Cela signifie qu’il est impossible d’observer directement les formations rocheuses à l’échelle d’un paysage, comme le fait le géologue à terre. Il est également impossible, à cause de la colonne d’eau, d’obtenir du fond des images directes à l’échelle régionale, comme on peut le faire pour les surfaces continentales par photographie aérienne et imagerie satellitaire. En mer, le géologue doit donc user de méthodes indirectes pour replacer ce qu’il a vu à l’échelle de chaque affleurement de roche, dans un cadre plus régional, et en proposer une interprétation. Ces méthodes indirectes reposent au premier chef sur la cartographie du relief : la topographie du fond est utilisée pour cartographier les escarpements de failles, distinguer le contour circulaire des volcans et identifier des cibles pour l’exploration par submersible ou pour l’échantillonnage ponctuel par dragage. Il a fallu attendre la fin des années 1970 pour disposer de sondeurs multifaisceaux capables de réaliser de telles cartes, puis le début des années 1990 pour disposer de sondeurs capables de cartographier les fonds sur plusieurs kilomètres de part et d’autre du navire, avec une précision verticale de quelques mètres, mais une résolution de l’ordre de 50 mètres seulement. Les années 1990 ont également vu la publication des premières cartes de topo-
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graphie des fonds océaniques calculées à partir des données d’altimétrie satellitaire. Ces cartes ont une faible précision verticale et une résolution de plusieurs kilomètres seulement. Disponibles pour l’ensemble des océans, elles offrent cependant une vision globale des quelque 60 000 kilomètres de dorsales (dont la cartographie réelle par sondeur serait une entreprise pharaonique en termes de temps et de coût). Enfin, les années 2000 sont marquées par l’accès à des outils de cartographie plus précis que les sondeurs multifaisceaux installés sur les navires. Ces nouveaux outils sont tractés près du fond ou portés par des robots (ROV, Remotely Operated Vehicles, et AUV, Autonomous Underwater Vehicles). Les plus récents permettent de cartographier des surfaces réduites (quelques kilomètres carrés), avec une précision verticale de quelques centimètres et une résolution de quelques décimètres. Tous ces outils, couplés à l’observation géologique, à la mesure des anomalies gravimétriques et magnétiques, et à l’utilisation de méthodes de sismique marine adaptées de l’exploration pétrolière, ont conduit, dès le début des années 1990, à faire émerger une vision de l’accrétion océanique qui s’écarte assez radicalement des modèles proposés auparavant. Les deux nouveautés principales sont la reconnaissance du rôle joué par la lithosphère
u Le plateau volcanique de Saint Paul et Amsterdam (océan Indien) montre les interactions entre un point chaud à l'origine des volcans sous-marins et de l'essentiel du plateau, et la dorsale sud-est indienne (fines structures linéaires parallèlles entre elles), qui s'ouvre dans cette région à une vitesse de 7 cm/an et sépare le plateau volcanique en deux. Ce large édifice volcanique est limité abruptement par les zones de fracture d'Amsterdam et de Saint Paul (en haut à gauche et en bas à droite). Les édifices les plus récents, générés par le point chaud, se trouveraient sur la plaque antarctique (à gauche de l'image).
u Évolution de l’océan Indien depuis 52 millions d’années à la jonction des plaques Afrique, Inde et Antarctique, du fait de l’expansion océanique de part et d’autres des dorsales centrale indienne, ouest- indienne et est-indienne indiquées en trait noir. Les tiretés noirs marquent les dorsales fossiles ou les limites de plaques imprécises, les traits fins, la limite du domaine océanique formé par la dorsale ouest indienne. Sur la carte de l'océan Indien actuel, sont en noir l'isochrone de 33 millions d’années et en rouge celle datée de 52 millions d’années. Les dorsales actives sont marquées par leur plus haute topographie et la vallée axiale, leur taux d’expansion varie de 0,8 à 3 cm/an.
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U Image bathymétrique d’un secteur de dorsale est-pacifique. La dorsale (trait orangé) marque une ligne de plus haut relief. Les points bruns sont des volcans sous-marins apparus hors de l’axe de la dorsale. Il s’agit d’une dorsale rapide au taux d’expansion de 10 à 15 cm/an.
fossé axial (localement) collines abyssales
graben latéral
coulées récentes
0
coulées
lentille de
u Schéma de la dorsale est-pacifique. Le relief est peu marqué, sans vallée axiale profonde. Les zones orangées situent les zones chaudes composées en partie de magma. Ce magma alimente les éruptions sous-marines et forme la croûte oéanique. En noir sur la coupe, le magma fluide, en noir à la surface, les coulées récentes. Le Moho est la limite entre la croûte océanique (au-dessus) et le manteau (en dessous).
bouillie 10-20%
gabbros
cristalline de liquide
800°C
sills Zone à faible vitesse
Zone à faible vitesse
4 km
Moho
lentille de magma basale
manteau asthénosphérique (convection)
0
62
dykes
magma
1
2
3
4
5 km
u La circulation d'eau de mer dans des laves récemment mises en place permet le refroidissement de ces roches et induit localement la résurgence de fluides chauds, riches en substances minérales, à l’axe de la dorsale est-pacifique. Des bactéries vivant en symbiose au sein de macro-organismes permettent la transformation de certaines de ces substances en énergie et favorisent l’apparition de véritables oasis de vie, inattendues à ces profondeurs en l'absence de lumière.
axiale, et l’importance accordée aux interactions et à la variabilité spatiale et temporelle des différents processus. Dans les tout premiers modèles de dorsales, on imaginait simplement l’axe comme une ligne séparant deux plaques distinctes qui s’écartent l’une de l’autre, l’espace ainsi créé étant comblé au fur et à mesure par du magma. Dans ces modèles, on supposait donc que la croûte océanique était uniquement formée de roches magmatiques, et que la lithosphère axiale était d’épaisseur nulle. La découverte, à la fin des années 1980, d’une chambre magmatique continue à moins de 2 kilomètres sous le plancher océanique de la dorsale est-pacifique est assez cohérente avec ces modèles. En revanche, l’axe de la dorsale médio-atlantique ne présente pas cette chambre magmatique continue, et subit des séismes dont la source atteint 8 kilomètres de profondeur, ce qui indique que la lithosphère fragile y a au moins cette épaisseur. Ce qui distingue ces deux dorsales, c’est la vitesse d’expansion : rapide pour la dorsale
est-pacifique (de 9 à 16 centimètres par an), lente pour l’Atlantique (2 à 3 centimètres par an). On peut comprendre cet effet de la façon suivante : une bande de terrain de largeur donnée à l’axe d’une dorsale lente a un âge moyen plus vieux qu’à l’axe d’une dorsale rapide. Elle a donc eu plus de temps pour perdre de la chaleur au contact de l’eau de mer, et correspond à une lithosphère plus épaisse. Les effets de cette lithosphère épaisse sur l’amplitude des déformations axiales des dorsales lentes sont considérables. La dorsale atlantique correspond à un graben (fossé) large de 5 à 20 kilomètres et découpé en segments de 50 kilomètres environ. Ce graben est encadré de murs dont le dénivelé est très variable et dépasse localement 2000 mètres. Cette topographie, analogue par son échelle à des reliefs alpins, est produite par le jeu de failles normales majeures, appelées aussi détachements, et que les cartes les plus récentes révèlent de façon spectaculaire. Ces détachements remontent jusqu’à l’affleurement des roches d’origine profonde, et permettent en particulier l’incorporation à la croûte océanique de volumes impor-
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À l’axe des dorsales océaniques, du magma remonte du manteau et vient accroître la croûte et la lithosphère océaniques en refroidissant et se solidifiant. Cette croûte nouvelle est emportée de part et d’autre des dorsales, entraînée par des mouvements profonds. C’est l’accrétion, ou encore l’accrétion océanique.
U Site hydrothermal de la dorsale atlantique.
confirmée par certains forages de l’Ocean Drilling Program (programme international de forages océaniques), diffère du modèle ancien de croûte océanique magmatique, et a des conséquences notables en termes de flux hydrothermaux. En effet, les minéraux des péridotites (olivine et pyroxènes) réagissent avec l’eau de mer et avec les fluides hydrothermaux pour former de la serpentine, un silicate magnésien riche en eau. Le fer contenu dans les olivines et les pyroxènes est pour l’essentiel libéré. Une partie s’échappe dans le panache hydrothermal, le reste forme de la magnétite, un oxyde de fer dont la cristallisation s’accompagne d’un fort dégagement d’hydrogène, lui-même partiellement combiné au carbone dissous dans le fluide pour former du méthane. Enfin, ces toutes dernières années ont vu l’émergence de systèmes d’observation permettant d’enregistrer les manifestations de l’activité tectonique, magmatique, hydrothermale et biologique des dorsales pendant plusieurs années. Ces observatoires à implanter sur les fonds océaniques dits « observatoires fond
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de mer », encore à l’état de prototypes, sont attendus depuis de nombreuses années par diverses communautés scientifiques et font partie des défis du XXIe siècle au même titre que les projets d’exploration planétaire. Pour la communauté des géophysiciens et des sismologues, ils permettront de scruter l’intérieur du globe et de combler le manque de stations sismologiques dans les océans. Pour l’étude des dorsales, les observatoires « fond de mer » visent à caractériser la variabilité des processus de l’accrétion, et leurs interactions, sur un petit nombre de sites sélectionnés. Les séismes modifient-ils les flux hydrothermaux ? Peut-on suivre les déplacements du magma dans la croûte ? Comment l’écosystème des sources hydrothermales réagit-il aux événements géologiques ? L’approche est comparable à celle des observatoires volcanologiques à terre, mais avec un monde de contraintes supplémentaires liées aux quelques milliers de mètres d’eau, et au caractère corrosif des fluides hydrothermaux.
mètres
u Vue en perspective de la dorsale atlantique avec au centre le volcan
-200
Lucky Strike. Ce site a été étudié lors des campagnes FARA-SIGMA.
-700
U
Détail de la dorsale atlantique vers 37° N, au sud des Açores, dans une zone d’interaction entre un point chaud et la dorsale, lieu de nombreuses études. La dorsale est en relief par rapport aux plaines abyssales, sa vallée axiale est bien marquée et segmentée en plusieurs tronçons soulignés par les traits blancs. Un plateau volcanique plus ancien a été coupé en deux par le fonctionnement de la dorsale. Plusieurs gros volcans apparaissent clairement sur cette carte. bathymétrique réalisée par les sondeurs multifaisceaux embarqués sur les navires océanographiques.
-1 200 -1 700
-2 200
U
-2 700
Une campagne océanographique d'imagerie sismique au travers de la ride médio-atlantique au large des Açores, sur la zone du volcan sous-marin Lucky Strike a permis d'identifier pour la première fois une chambre magmatique sous la dorsale (la lentille en rose plus intense).
-3 200 -3 700
Vallée axiale E
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9500
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11500
Volcan
3.0
4.0
18.75 km
65
TERRE , PLANE TE MYSTERIEUSE
2- LES ABYSSES
H
u Vue en 3D de l'interaction entre les plaques Eurasie et Philippine près de Taiwan. On remarque grâce aux deux coupes que la plaque en subduction est eurasienne au sud de l'île de Taiwan et philippine à l'est. L'île de Taiwan a surgi en réponse à l'enfoncement de la marge continentale chinoise (5) sous la plaque Philippine il y a quelques millions d'années seulement. Une carte bathymétrique précise a pu être levée lors de la campagne ACT du N/O L'Atalante de l’Ifremer en 1996. L'étoile rouge sur l'île indique l'épicentre du séisme de Chichi de magnitude 7,6 en 1999 (2 500 morts). (1) Fosse de Manille, (2) Mer de Chine du Sud, (3) Bassin ouest-philippin, (4) arc volcanique de Luçon, (6) arc non volcanique des Ryukyus.
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Les populations qui vivent sur le pourtour du Pacifique, aux Antilles, en Méditerranée, ressentent fréquemment les vibrations de la Terre. Elles assistent, plus rarement, à des éruptions volcaniques qui peuvent devenir meurtrières. Dans ces régions, zones de subduction pour les spécialistes, la dynamique terrestre manifeste, plus que partout ailleurs, sa toute-puissance. Mais il ne s’agit pas seulement de risques, c’est aussi là que germent les montagnes, que les roches du manteau se renouvellent.
LES SU B D U CT I O N S , ZO NES À R ISQUES Serge Lallemand Géodynamicien
n sait aujourd’hui que la subduction est un processus terrestre qui entraîne en profondeur des plaques lithosphériques et compense l’expansion des fonds océaniques. La surface de notre planète reste ainsi constante. Il a fallu attendre la fin des années 1960 pour que la moisson d’observations géophysiques du fond des océans témoigne de la naissance de la croûte océanique aux dorsales. À partir de là, tout est allé très vite. Les plaques océaniques créées aux dorsales devaient forcément plonger quelque part ! Le lien fut fait avec la découverte trente ans plus tôt, par le Japonais Wadati, de séismes profonds à la périphérie des océans. La théorie de la « tectonique des plaques » était née, révolutionnant notre approche de la dynamique terrestre ! Au premier modèle global de Xavier Le Pichon en 1968, décrivant le mouvement des plaques à la surface du globe, a succédé une frénésie salutaire d’exploration océanographique. Américains, Soviétiques et Européens ont rapidement dessiné les grandes lignes des marges actives, ainsi nommées à cause de l’intense activité sismique qui les caractérise. Depuis une trentaine d’années, d’autres nations sont entrées dans la course, dont le Japon, qui dispose aujourd’hui des outils d’exploration les plus performants. La France aussi qui, la première, conçut un submersible pour descendre à plus de 6 000 mètres et dont les premières plongées eurent lieu dans la fosse de Porto Rico en 1984. Dans les années 1980, les questions que l’on se posait au sujet des zones de subduction portaient sur leurs structures profondes, la manière dont étaient générés les séismes et le rôle des fluides, ce qu’il advenait des sédiments engouf-
O
frés dans les grandes fosses et l’importance du recyclage de matière dans le manteau dû à la subduction, la profondeur atteinte par les plaques lithosphériques, ou encore la source du magma des volcans typiques de ces régions. Traquer les plaques enfouies À l’échelle du globe, les ondes émises par les séismes lointains permettent de cartographier des anomalies de vitesse dans le manteau – on parle de tomographie sismique – qui nous renseignent sur le devenir des plaques plongeantes. Ainsi, certaines atteignent la base du manteau, tandis que d’autres semblent stagner entre 400 et 600 kilomètres. S’agissant des subductions, voir profond revient à remonter dans le temps, un peu à la manière des astronomes avec leurs télescopes sauf que ceux des géophysiciens sont tournés vers l’intérieur de la Terre et s’appellent des sismomètres. Les vingt dernières années ont ainsi livré une moisson d’images permettant de reconstituer le ballet des plaques. Risque sismique majeur Parallèlement et plus près de la surface, les scientifiques scrutent dans le moindre détail les zones de subduction à l’origine des séismes les plus destructeurs. Celui de Sumatra, en décembre 2004, combiné à un gigantesque tsunami, a coûté la vie à plus de 220 000 personnes. Il faut savoir que plus de 90 % de l’énergie sismique est dissipée le long des frontières de plaques en subduction. 67
TERRE , PLANE TE MYSTERIEUSE
2 - LES ABYSSES
U Cette image sous-marine de la fosse de Sumatra prise lors de la campagne SumatraAftershocks en 2005 montre bien à gauche (couleur verdâtre) le prisme de sédiments plissés sur le fond océanique par l'enfoncement de la plaque indienne sous l'Indonésie. On comprend, à voir ce paysage tourmenté, que nos montagnes puissent présenter des plis, des fractures.
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u Vue sous-marine du flanc ouest de l'île Siberut. Les traits rouges signalent les failles chevauchantes associées à la subduction de la plaque indienne sous l'Indonésie. Les traits noirs avec barbules délimitent les zones de glissements de terrain dus au séisme de Sumatra (2004).
Il y a deux raisons à cela : le frottement de deux plaques « froides » et l’extension de la surface de contact. Mettons de côté les séismes « profonds » ou « intermédiaires » d’un type bien particulier. Pour qu’il y ait séisme à l’interface entre les plaques, il doit y avoir frottement, et pour cela, la température des roches ne doit pas excéder 350 à 450 °C, parce que, au-delà, elles deviennent ductiles. Par ailleurs, la magnitude d’un séisme dépend de l’extension de la rupture et de la quantité de glissement. Les zones de subduction offrent à la fois la continuité nécessaire à la propagation de la rupture – 1 600 kilomètres depuis Sumatra jusqu’en Birmanie le 26 décembre 2004 – et la bonne gamme de températures grâce aux plaques qui, en s’enfonçant, refroidissent l’interface et augmentent ainsi la surface de frottement. La communauté internationale et les équipes françaises se sont mobilisées après ce séisme historique. Le mouvement cosismique (pendant le séisme) et postsismique (après le séisme) a pu être décrit précisément grâce aux stations GPS installées dans la région avant l’événement. La structure de la marge a été cartographiée jusqu’à des profondeurs de 30, voire 40 kilomètres, alimentant ainsi des modèles de déformation confrontés ensuite aux temps d’arrivée et aux amplitudes du tsunami. L’intégration de toutes les observations permet de reproduire la séquence d’événements à l’origine de la catastrophe et donc de mieux se préparer à la suivante. Confrontés aux 67 000 kilomètres de zones de subduction, les chercheurs concentrent leurs investigations sur les marges actives présentant les plus
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grands risques : le Japon, le Chili, etc. L’objet de leur attention est l’interface de frottement entre les plaques : la « zone sismogène ». Cette interface complexe présente des zones « d’aspérités » où le glissement est instable et générateur de séismes, d’autres zones stables glissant sans séisme, d’autres enfin qui peuvent passer d’un mode à un autre. On pense que les séismes se déclenchent à partir des aspérités et se propagent le long des zones de glissement stable. C’est pourquoi il est important d’établir une carte précise de leur distribution, comme c’est le cas par exemple au Japon. Les progrès de l’imagerie géophysique indiquent que les reliefs océaniques (failles, édifices volcaniques, plateaux) jouent un rôle essentiel dans le couplage et la localisation des séismes de subduction. Ils peuvent tout à la fois servir d’aspérités qui concentrent des contraintes pouvant déclencher un séisme, et de barrière à la propagation de la rupture. Des missions de forages océaniques profonds en travers de la marge sud du Japon ont démarré à l’automne 2007, avec la participation des équipes françaises. L’objectif est d’atteindre, grâce aux capacités exceptionnelles du navire japonais Chikyu, la zone sismogène à une profondeur de 6 kilomètres sous le fond de l’océan. Les informations attendues seront précieuses pour la compréhension des mécanismes de rupture dans les zones de subduction. Comme si cela ne suffisait pas, la population se concentre au-dessus de ces zones, le plus souvent côtières, à forte activité économique et touristique, où, au risque sismique, s’ajoute le risque volcanique. En effet, les plaques en
Aceh Bassin avant arc
u Image bathymétrique sous-marine de la faille de Sumatra et du volcan sous-marin au nord-ouest de Banda Ace obtenue en 2005 durant la campagne Sumatra-Aftershocks. À 4 000 m de profondeur un bassin (pull-apart) s’est formé le long de la faille de Sumatra, le volcan qu’il abrite appartient à l’arc volcanique.
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Faille de Sumatra Arc volcanique
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u Une campagne océanographique a permis de déterminer en 2006 la structure profonde de la subduction dans la région du séisme survenu à Sumatra en 2004. Des sismomètres placés en fond de mer pendant plusieurs semaines ont enregistré les séismes régionaux. Les plus profonds sont situés dans la croûte océanique en subduction entre 30 et 65 km de profondeur.
Sédiments accrétés
Croûte océani
NE
60 50km
M 1 2 3 4 5 69
TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
2- LES ABYSSES
U Le Japon est soumis à un risque (ou aléa) sismique permanent qui fait partie de la culture japonaise. Depuis une trentaine d’années, des chercheurs français et japonais étudient la subduction sous le Japon dans le but de mieux comprendre les processus à la frontière des plaques qui déclenchent des séismes. Le programme Nantroseize, dirigé par des chercheurs américains, japonais, français dans le cadre du programme international IODP, prévoit de forer la zone sismogène de la subduction japonaise dans les années à venir. Cette image sismique montre la subduction avec la plaque plongeante, le prisme sédimentaire (plissé) en dessus, les sites de forage prévus.
subduction sont riches en eau ; lorsqu’elles s’enfoncent, l’augmentation de la pression et de la température induit une migration des fluides vers la surface qui provoque la fusion partielle du manteau et produit en surface un volcanisme très explosif, typique des zones de subduction. Dans certaines régions, ce volcanisme finit par construire des îles en forme d’arcs (arcs insulaires). Ainsi, la subduction des plaques océaniques s’accompagne d’une ceinture volcanique représentant un aléa supplémentaire pour des populations déjà menacées par un littoral susceptible d’être inondé lors d’un tsunami, ou la secousse d’un séisme. Ceci est vrai sur le pourtour du Pacifique, en Indonésie, en Méditerranée ou encore dans les Antilles. La « machine » subduction Par ailleurs, les zones de subduction sont des lieux privilégiés de transfert de matériel fluide ou rocheux. On l’a vu, les fluides contenus dans la plaque en subduction favorisent la génèse des magmas d’arcs. Grâce aux isotopes cosmogéniques comme le béryllium 10, on sait que des éléments de la plaque plongeante
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migrent et remontent vers la surface au travers des laves des volcans d’arc. Des volumes de matière beaucoup plus importants encore sont échangés au voisinage de la zone de contact entre les plaques. On a longtemps considéré que le rebord des plaques, sous lesquelles plongeaient d’autres plaques, croissait au cours du temps par incorporation d’unités sédimentaires raclées dans les fosses océaniques par la subduction. Ce phénomène existe bel et bien, mais il ne concerne que la moitié des marges actives à une époque donnée. Nous avons en effet démontré, grâce à une meilleure imagerie sismique des marges et aux données de forages océaniques profonds, qu’un processus opposé « rabotait » en de nombreux endroits ce même rebord de plaque, l’érodait de l’intérieur. Ainsi, plusieurs kilomètres cubes de roches sont incorporés chaque année aux marges des Antilles, en Alaska ou au Pakistan, où en sont au contraire arrachés comme dans les Mariannes, les Tonga, l’Amérique centrale ou le nord des Andes. Ces différents processus de production magmatique, d’abrasion ou d’accrétion aux marges doivent être pris en compte dans le bilan de la « machine » subduction.
u Les processus à l'œuvre dans les zones de subduction sont encore mal connus. Pour comprendre comment les deux plaques interagissent, comment se fait l'enfouissement des roches de la lithopshère océanique et des sédiments qui la recouvrent ; à quelles conditions de pression et de températures elles sont soumises, des chercheurs élaborent des modèles numériques de subduction de plus en plus élaborés. Ici, on peut suivre sur une période de temps correspondant à 23 millions d'années l'évolution de la morphologie et de la densité d'une plaque océanique qui entre en subduction.
u Il est possible de simuler par ordinateur l'évolution d'une plaque océanique entrant en subduction dans le manteau en tenant compte des interactions complexes de type pression, température, vitesse de déformation, libération d'eau depuis la plaque plongeante vers le manteau sus-jacent... Les couleurs représentent la température et les flèches les mouvements à un instant donné. Les simulations rendent très bien compte de l'évolution d'une subduction avec extension à l’arrière de l’arc volcanique et recul de la fosse (Myr = Millions d’années).
La subduction d’une plaque océanique a de multiples conséquences. L’une d’elles est la production de magma particulier qui remonte à la surface. Lorsque la subduction s’initie au milieu de l’océan, les coulées de lave s’épanchent d’abord sous l’eau, s’empilent les unes sur les autres jusqu’à finir par émerger sous la forme d’une guirlande d’îles volcaniques. Ces guirlandes ont généralement une forme typique d’arc. On parle alors d’arc insulaire, ou d’arc volcanique.
Les modèles Si la tectonique des plaques a permis de quantifier les mouvements relatifs entre les plaques, ce n’est que ces dernières années que nous avons mesuré l’importance des couplages et interactions chimiques, thermiques ou mécaniques entre la lithosphère et le manteau sous-jacent. Prenons le cas des Mariannes où l’arc présente une distension et où la plaque pacifique plonge verticalement. On explique classiquement cette configuration par l’âge qui rend le poids du panneau plongeant, lui-même entraîné par le manteau qui s’écoulerait vers l’est, élevé. Pourquoi alors, dans un contexte en apparence similaire, la même plaque pacifique plonge-t-elle sous le Japon avec un angle faible générant de la compression dans l’arc ? La réponse est que notre premier raisonnement était essentiellement statique et mécanique, or, nous disposons à présent d’outils numériques de nouvelle génération permettant d’aborder ces problèmes d’un point de vue dynamique, en faisant le lien entre les différentes enveloppes de la Terre, les conditions cinématiques, chimiques et thermiques locales et la réponse évolutive de la marge à ces sollicitations.
De telles simulations nécessitent l’obtention de données denses sur des zones cibles bien identifiées. Les Américains concentrent leurs efforts sur la région des Cascades, les Mariannes ou l’Amérique centrale, les Allemands multiplient les reconnaissances dans le Pacifique ou en Indonésie. La France dispose d’atouts sur son territoire où les Petites Antilles font l’objet d’une attention particulière. Un grand nombre de sismomètres « fond de mer » ont été déployés en 2007 au large de la Martinique pour étudier le séisme de magnitude 7,3 survenu le 29 novembre. D’autres équipes françaises développent des coopérations avec le Japon, le Chili, Taiwan ou le Maghreb, là où la fréquence des catastrophes naturelles reflète directement l’intensité de la déformation. Nous disposons aujourd’hui d’outils de modélisation performants qui se nourrissent de séries temporelles d’observation du milieu. Nous devons impérativement développer l’exploration et installer des observatoires permanents si nous ambitionnons de comprendre la « machine » subduction.
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u Entre la Somalie et l’Arabie, le golfe d’Aden (rectangle blanc) offre un exemple remarquable d’espace océanique jeune en train de s’ouvrir avec des marges continentales récentes, encore proches, et une dorsale océanique en plein développement. Depuis de nombreuses années, cette région intéresse les chercheurs français qui ont étudié, lors des campagnes Encens-Sheba et Encens, les mécanismes d’ouverture océanique et de formation des marges. En violet, les fonds de l’océan Indien. Les points noirs sont les foyers des séismes.
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Les continents n’ont pas toujours existé tels que nous les connaissons. Dans un passé lointain, l’Europe et l’Amérique du Nord ne faisaient qu’un. De nos jours, l’Arabie s’écarte de l’Afrique et certains pensent que le lac Baïkal deviendra un océan. Que se passe-t-il lors de la déchirure ? Les marges des continents en gardent les cicatrices, les décrypter, c’est comprendre un autre mystère de notre planète.
ENTRE CONTINENTS E T OCÉAN : LES MARGES CONTINENTALES Sylvie Leroy Géophysicienne
Modèle précédent
Nouveau modèle sédiments post-rift sédiments syn-rift sédiments pré-rift
Croûte océanique Croûte continentale
u Schéma de principe de rupture continentale suivie d’ouverture océanique par une mise en extension du fait de la tectonique des plaques. En haut, le stade initial, suivi des deux interprétations ancienne et récente.
es marges continentales passives bordent la majorité des océans. Elles sont le résultat de l’étirement puis de la rupture de la lithosphère lors de la séparation des continents, avant la formation d’une nouvelle croûte océanique à l’axe d’une dorsale océanique. Telle une cicatrice, les marges préservent les structures créées lors de la déchirure continentale et nous informent sur les mécanismes de formation d’une nouvelle frontière de plaques. Les marges enregistrent, grâce aux sédiments (appelés syn-rift), la déformation qui se produit pendant l’ouverture du rift. Dès que la première croûte océanique se forme, après la rupture continentale, les sédiments appelés post-rift la fossilisent et enregistrent à leur tour la déformation survenant après la déchirure continentale. Depuis l’avènement de la tectonique des plaques, de nombreux efforts ont été fournis pour comprendre les frontières de plaques dites actives du fait de leur activité volcanique ou sismique, telles que les dorsales océaniques et les zones de subduction. Pour les marges passives, la plupart des recherches effectuées jusqu’à maintenant se sont focalisées soit sur la compréhension de la formation des bassins sédimentaires des rifts continentaux (fossés d’effondrement), soit sur la mise en évidence des mécanismes de formation de la croûte océanique. Il s’agissait, par exemple, de savoir si les rifts sont symétriques ou asymétriques, et ainsi d’appréhender la géométrie des failles responsables de l’étire-
L
ment puis de la rupture continentale. Le modèle traditionnel était, jusqu’au début des années 1980, celui d’une ouverture symétrique avec amincissement homogène de la lithosphère continentale. Puis, fut découverte dans l’ouest des États-Unis une grande faille normale unique à faible pendage1 traversant l’ensemble de la lithosphère et donnant une géométrie totalement asymétrique. Aussi, par la suite, des modèles intermédiaires furent proposés, dans lesquels la croûte est déformée de façon asymétrique et le manteau de façon symétrique, les failles s’arrêtant dans la croûte. Tous ces modèles sont fondés sur des observations partielles faites soit sur des rifts plus ou moins anciens, soit sur des marges maintenant séparées par des milliers de kilomètres, qu’il est parfois difficile de remettre dans leur position d’origine. Les ressources pétrolières s’amenuisant, la recherche de nouvelles réserves s’est portée vers les grands fonds océaniques. Ce renouveau d’intérêt industriel a relancé les études des marges profondes et notamment de la transition océan-continent. Pendant longtemps, les chercheurs ont pensé que cette transition était une simple continuation, vers la croûte océanique nouvellement créée, de la partie continentale étirée. On imaginait alors que la croûte continentale amincie était simplement juxtaposée de façon abrupte à la croûte océanique. Cette vision simpliste était le résultat de l’utilisation de modèles conceptuels développés de façon
1 Une faille délimite deux blocs. En situation d’extension, un bloc descend par rapport à l’autre, on parle de faille normale. L’inclinaison de la faille – son pendage – peut être plus ou moins importante. Si le pendage est fort, la faille est presque verticale ; s’il est faible, elle se rapproche de l’horizontale.
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2- LES ABYSSES
TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
u Ouverture progressive depuis le Crétacé supérieur (il y a environ 100 millions d’années) du golfe d’Aden. La dorsale Sheba se met progressivement en place, on en voit un détail sur la page de droite, située entre la côte de l'Oman et du Yemen et la pointe de la Somalie. En vert, en haut de la carte, la côte d'Oman. En bas, l'île de Socotra. La dorsale, de couleur rouge orangé, est orientée est-ouest. En bleu à droite, les fonds de l'océan Indien.
La tectonique des plaques exerce des forces colossales à la surface de la Terre mettant certaines régions en extension pendant des dizaines de millions d’années. Ainsi étirée à l’extrême, la croûte continentale ne peut résister. Elle se fracture, s’amincit. Une dépression, aussi appelée rift, se forme, bordée de failles qui découpent le relief en gradins. Le rift d’Asal en est un exemple contemporain magnifique. La dépression, comme une déchirure, se propage jusqu’à l’ultime séparation des blocs, le rifting est alors achevé.
indépendante, les uns pour expliquer de façon simple la formation des marges profondes, les autres, celle de la première croûte océanique adjacente aux marges. La réalité est bien plus complexe. Ce sont les images géophysiques, bathymétriques et surtout sismiques de la croûte terrestre qui ont permis de visualiser les structures tectoniques et sédimentaires des parties les plus profondes des marges avec une meilleure résolution, et donc de déceler de nouvelles structures. Un des problèmes soulevés était que la quantité d’extension suggérée par les failles visibles était tout à fait insuffisante pour expliquer l’amincissement de la croûte. En parallèle, des forages profonds du programme international Ocean Drilling Program ont permis de découvrir la présence de manteau altéré (serpentinisé) à l’affleurement dans la zone de transition océan-continent. On parlait alors de croûte océanique « du troisième type ». Ce manteau était mis à l’affleurement par de grandes failles normales traversant toute la lithosphère. Aujourd’hui, les modèles les plus récents combinent un réseau de failles normales à faible pendage et de failles à concavité vers le bas qui amincissent la croûte sans grandes déformations visibles. Des concepts considérés comme établis sont donc aujourd’hui remis en question par les observations récentes de la transition océan-continent. Ainsi, dans la partie profonde, la plus immergée, la croûte continentale est amincie à l’extrême sans failles apparentes, suggérant une déformation ductile (sans cassure). De plus, des sédiments lacustres ou marins déposés sous une faible profondeur d’eau ont été découverts sur le manteau exhumé et la croûte continentale étirée à l’extrême. Dans les Alpes et les Pyrénées, des « fragments » d’anciennes marges profondes sont présents et les roches du manteau sont aussi directement recouvertes par des sédiments peu profonds. Ces observations sont surprenantes, et tout à fait en désaccord avec les modèles classiques qui proposent tous un approfondissement de cette région lors de sa formation. 74
L’étude des marges continentales dans des contextes géologiques variés a montré qu’il existait de grandes différences entre elles. Certaines sont accompagnées d’un volcanisme très peu actif pendant le rifting et le manteau est porté à l’affleurement, d’autres, dites « marges volcaniques », présentent une grande quantité de produits volcaniques émis pendant l’extension. L’existence de domaines magmatiques et volcaniques pérennes, à différents stades de l’évolution d’une marge, en dehors de la proximité de toute dorsale, pose également la question du comportement du manteau depuis les stades initiaux de l’ouverture (rifting) jusqu’à un stade évolué de l’histoire de la marge. À l’échelle d’un océan comme l’Atlantique, on se pose la question du rôle des points chauds sur la localisation de la rupture. Les points chauds pourraient affaiblir la lithosphère en la réchauffant et initier les futurs rifts. De même, il est possible que les structures d’échelle lithosphérique, comme des zones de sutures, héritées d’épisodes tectoniques anciens, favorisent l’apparition des rifts et des futurs océans. Ainsi, les marges continentales apparaissent aujourd’hui comme des objets géodynamiques complexes résultant du couplage entre les processus internes, se produisant dans le manteau de la Terre, et les processus superficiels et externes. Les projets actuels se focalisent sur l’étude des mécanismes de l’étirement et de l’amincissement extrême de la lithosphère, sur l’héritage des événements tectoniques antérieurs, l’évolution de la déformation et de la thermicité des marges pendant et après le rifting, le rôle des processus magmatiques, ainsi que le rôle du manteau et de la croûte inférieure. Par ailleurs, l’analyse fine des architectures sédimentaires visibles sur l’imagerie sismique permet de décrypter, à différentes échelles de temps et d’espace, les interactions entre climat, érosion, sédimentation et dynamique des mouvements verticaux sur ces marges.
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2 - LES ABYSSES
TERRE , PLANE TE MYSTERIEUSE
U La campagne océanographique EncensSheba (2000) a permis de réaliser un profil de sismique réflexion des deux marges du golfe d’Aden et d’en déterminer la structure profonde avec : des blocs basculés, le domaine de la croûte océanique recouverte de sédiments postérieurs à l’ouverture du golfe (rift), une zone de transition et la croûte continentale recouvertes de sédiments déposés durant l’ouverture (syn-rift) et après l’ouverture (post-rift). Des structures analogues sont visibles à pied sec sur l’île de Socotra. (page de droite).
Dans ces mêmes régions, ont été identifiés les plus vastes pièges d’hydrates de gaz, zones d’échappement de fluide associées à des organismes vivants, dont on se demande s’ils pourront être exploités dans l’avenir. Les marges sont, de ce fait, des zones clés pour la compréhension des puits de carbone. Les sources des fluides, les flux sédimentaires et les structures à l’origine de la migration et l’échappement de ces fluides, ainsi que les conséquences de leur transfert vers les ressources et l’environnement sont encore à explorer et à paramétrer pour être intégrés aux bilans globaux. Parmi les chantiers très étudiés actuellement, le golfe d’Aden fait l’objet d’un effort particulier. Depuis 2000, il a mobilisé notre intérêt, en coopération avec nos collègues anglais, omanais et yéménites. Situé entre la mer Rouge et l’océan Indien, il possède des marges jeunes. Le rifting a commencé il y a 35 millions d’années, et la première croûte océanique date seulement d’environ 18 millions d’années. Les marges sont encore proches l’une de l’autre (200 kilomètres à l’ouest et 300 kilomètres à l’est du golfe), ce qui permet une bonne corrélation des structures de part et d’autre, exercice très difficile dans le cas d’un très grand et ancien océan comme l’Atlantique (200 millions d’années). Les affleurements à terre au sultanat d’Oman et au Yémen permettent une étude intégrée terremer. De plus, la faible sédimentation postérieure à la formation de la marge permet d’atteindre plus facilement les structures profondes avec les méthodes sismiques. En effet, la plupart des marges sont trop vieilles pour appréhender toute la complexité des mécanismes de leur formation : l’érosion et la sédimentation y ont effacé une partie des informations de surface, et le refroidissement du manteau une partie de l’information profonde, comme la structure du manteau lithosphérique au moment du rifting. Seules les marges jeunes sont susceptibles de fournir les observations sur les stades précoces, depuis le début de l’ouverture jusqu’à l’apparition d’une croûte océanique. Parmi elles, les marges conjuguées du golfe d’Aden représentent un exemple archéty76
pique pour l’ensemble des marges continentales, puisqu’elles sont à la fois volcaniques à l’ouest (Yémen) et non volcaniques à l’est (sultanat d’Oman), et évoluent de marges divergentes à des marges coulissantes (dites transformantes) vers l’est (sultanat d’Oman). Les nombreuses données acquises montrent une grande variabilité des structures d’ouest en est. Cette variabilité concerne aussi bien la morphologie que les sédiments ; la croûte que la lithosphère. L’héritage de l’histoire tectonique antérieure de la région est pour partie responsable de l’asymétrie des marges du golfe d’Aden. Le nouvel océan se forme sur les bordures d’anciens rifts (Protérozoïque à Crétacé) et non au centre de vieux bassins. Le flux de chaleur (énergie libérée par la Terre) s’avère aussi élevé dans la zone de transition océan-continent que dans la croûte océanique de même âge. Les découvertes surprenantes d’une anomalie de vitesse sismique lente, située à 170 kilomètres de profondeur sous la marge qui affleure en Oman, reliée à une anomalie thermique et d’un volcan subactif dans la partie la plus profonde de la marge, montrent l’importance du volcanisme sur les marges, même après la déchirure continentale. Plus proche de nous, la Méditerranée occidentale est parfaitement adaptée à l’étude des processus sédimentaires actuels et passés mais aussi à l’étude des mécanismes de formation et d’évolution des marges. Même si les bassins cénozoïques (35 millions d’années) méditerranéens se sont ouverts dans un contexte un peu particulier, en arrière de zones de subduction, les mécanismes de rifting semblent assez proches de ceux qui sont étudiés sur les marges des grands océans. On y retrouve la croûte continentale très amincie dans la transition océan-continent et se pose le problème de la faible profondeur de dépôts des premiers sédiments dans cette zone très amincie. La Méditerranée, un exemple encore à explorer.
Le continent ne s’arrête pas au littoral. Il se prolonge en mer bien au-delà du plateau continental, parfois sur plusieurs centaines de kilomètres. Ainsi, les marges sont une frange encore mal connue entre continents émergés et fonds océaniques faits de roches magmatiques. Certaines sont le lieu d’une activité sismique et volcanique intense, on les appelle marges actives, les autres sont les
marges passives.
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
2 - LES ABYSSES
u Delta profond du Var au large de Nice.
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Au fond de la Méditerranée un chapitre de l’histoire de la Terre se joue. L’océan Téthys achève de disparaître, l’Afrique et l’Eurasie sont au bord de la collision, une nouvelle chaîne de montagnes naît peut-être… Tremblements de terre, éruptions volcaniques en sont les manifestations tangibles. Pendant ce temps, l’érosion fait son œuvre. Le Nil, le Rhône déposent leurs alluvions riches en matière organique et préparent l’avenir des êtres vivants du futur.
LA MÉDITERRANÉE , UNE MER EN SURSIS ? Jean Mascle Géologue marin
éditerranée, étymologiquement la « mer au milieu des terres », mais aussi, quand on observe une carte, la mer au sein des chaînes de montagnes ! Ce petit espace marin, dont les rivages ont vu se développer la plupart des civilisations à l’origine de notre monde occidental, apparaît de dimensions bien modestes comparé à son grand voisin l’océan Atlantique ! Coincée entre l’Afrique et l’Europe, la Méditerranée est, au plan géologique, un véritable puzzle où coexistent des pièces très anciennes : les bassins ionien et levantin constituant l’actuelle Méditerranée orientale, et des éléments beaucoup plus récents, les trois régions profondes que sont la mer d’Alboran, le bassin algéroprovençal et la mer Tyrrhénienne, formant l’actuelle Méditerranée occidentale. Mais l’histoire de la Méditerranée n’est pas achevée, elle disparaîtra un jour ; l’Afrique et Europe seront alors en contact, seulement séparées par une nouvelle chaîne de montagnes d’une dimension vraisemblablement comparable à celle des Alpes actuels.
M
Une mosaïque de bassins océaniques Située à la frontière entre deux grandes plaques, l’Afrique et l’Europe en convergence l’une vers l’autre depuis près de 200 millions d’années, la mer Méditerranée correspond à une région où coexistent les reliques de très grands espaces océaniques (caractérisés par des fonds basaltiques), créés voici plus de 150 millions d’années, maintenant presque entièrement disparus (la Méditerranée orientale), et de petits bassins océaniques beaucoup plus récents (le bassin algéro-provençal ou la mer Tyrrhénienne par exemple). Ces derniers,
encore en voie de création pour certains, résultent de la subduction de l’Afrique sous l’Europe. La bordure continentale de l’Europe, localement fracturée et amincie par un réchauffement induit par la subduction, a en effet donné naissance à de petits « océans » situés en arrière des subductions souvent de forme arquée et que les spécialistes nomment « bassins arrière-arcs ». Ces bassins résultent en grande partie du recul de la zone de subduction, mouvement lui-même induit par le recul de la lithosphère en subduction, cette dernière s’enfonçant dans le manteau terrestre sous son propre poids. En Méditerranée, ce dernier mouvement est plus rapide que la convergence Afrique-Eurasie. La quantité de matière lithosphérique qui disparaît dans le manteau est donc proportionnelle à la somme de la convergence et du retrait de la subduction. Depuis environ 30 millions d’années, ce phénomène a entraîné en Méditerranée une tectonique essentiellement en extension. Antérieurement, les subductions méditerranéennes étaient surtout de type compressif et ont donné naissance à des chaînes de montagnes plutôt qu’à des bassins. Ce sont ces divers épisodes de subduction et de collision, actifs au cours des 100 derniers millions d’années, qui sont à l’origine de la plupart des chaînes de montagnes périméditerranéennes (Alpes et leurs divers prolongements à travers les Balkans, la Grèce, jusqu’au sud de la Turquie ; Apennins, chaînes d’Afrique du Nord et du sud de l’Espagne). De nos jours, la subduction de la plaque Afrique sous l’Europe se poursuit avec des vitesses (convergence et retrait) variables, allant de moins d’un centimètre par an, à 3 ou 4 centimètres par an au sud de la mer Égée (arc hellénique), voire à plus de 10 centimètres par 79
Carte bathymétrique de la Méditerranée avec au moins une mesure par maille de 500 m de côté.
TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
2- LES ABYSSES
u Vue 3D des plis déformant la ride méditerranéenne au sud de la Crète.
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an dans le sud de la Calabre (arc calabrais), et ce depuis les 3 à 4 derniers millions d’années. C’est cette subduction qui est d’ailleurs responsable d’une bonne part de l’activité sismique et de la majeure partie des grands volcans actifs de la région. Alors que les spécialistes estiment que les deux bassins reliques, ionien et levantin, de la Méditerranée orientale ont été créés vers le début de l’ère secondaire, on sait que ceux de la Méditerranée occidentale résultent de plusieurs épisodes récents. Le bassin algéro-provençal, et vraisemblablement une partie de la mer d’Alboran (au sud de l’Espagne), proviennent d’un amincissement, puis d’une rupture continentale (rifting) active entre 30 et 10 millions d’années avant l’actuel ; ce mouvement s’est traduit par une rotation antihoraire du bloc Corse-Sardaigne, antérieurement soudé à la bordure méridionale de l’Europe. La mer Tyrrhénienne, individualisée ente l’Italie, l’ensemble Corse-Sardaigne et la Sicile, a, quant à elle, commencé à se créer également par rifting vers – 8 millions d’années. De nos jours, ce petit bassin, contemporain, ou presque, de l’apparition des ancêtres de l’homme, est toujours en voie de création et d’extension, comme en atteste, dans son secteur le plus méridional, la présence d’une chaîne plus ou moins linéaire de gros volcans sous-marins et fonctionnant comme une minidorsale océanique. La convergence Europe-Afrique et la géodynamique particulière qu’elle a générée au cours du temps sont toujours actives. Cette activité est à l’origine d’événements « catastrophiques », qu’ils soient sismiques, volcaniques ou liés à des instabilités sédimentaires de grande ampleur. La succession temporelle
u Relief sous-marin de la baie de Cadix, à l'ouest de Gibraltar obtenue dans le cadre d'un projet européen. Dans cette région, un pan de la plaque africaine plonge en subduction dans le manteau sous la Méditerranée. Cette situation aurait engendré le tragique séisme de Lisbonne (1er novembre 1755, magnitude 8,5 et 9 sur l'échelle de Richter), suivi d'un tsunami qui a détruit les ports du golfe de Cadix. On observe de beaux canyons profonds près du Portugal, la zone rugueuse en orangé, vert, bleu (prisme d'accrétion) est une accumulation de sédiments liée à la probable subduction. Le rose correspond à une profondeur supérieure à 5 000 mètres.
de tels événements est enregistrée au sein des dépôts sédimentaires et constitue le principal des archives géologiques. Pour les géologues travaillant à terre, analyser les sédiments pour en extraire, décrypter, dater la signature et l’enregistrement de la déformation ou de l’activité volcanique, est relativement aisé. En mer, la couche d’eau, qui peut aller jusqu’à – 5 177 mètres de profondeur au large du Péloponnèse, empêche, ou presque, toute observation et analyse directes. Depuis près de quatre décennies, ce sont surtout les outils de la géophysique marine, exceptionnellement associés à de rares observations in situ par des submersibles et à des prélèvements par forages encore plus rares, qui ont permis de pallier cette difficulté. Parmi ces techniques indirectes, mais performantes et novatrices, la bathymétrie dite « multifaisceaux1 », utilisée de façon systématique, a non seulement permis d’obtenir des images précises de la morphologie des fonds marins, mais aussi d’évaluer l’impact des différents mécanismes géologiques actifs en fond de mer, tels que les processus sédimentaires, tectoniques, magmatiques ou encore d’origine géochimique, sans compter l’archivage des paléoclimats. L’érosion qui, à terre, tend à effacer, souvent très vite, les effets de la déformation, ou de tout autre phénomène actif d’origine interne ou externe, est en effet quasi inopérante en mer profonde. De ce fait, le décryptage de la morphologie renseigne directement le géologue marin sur l’origine, l’importance et l’interaction des différents processus qui façonnent le fond de mer. Cette approche s’est révélée particulièrement fructueuse en Méditerranée et a véritablement révolutionné notre connaissance de ce monde,
qui demeure souvent plus mystérieux que les planètes qui nous entourent. La récente carte de synthèse des fonds de la Méditerranée est le résultat de dix années de mesures de bathymétrie multifaisceaux, obtenues en grande partie lors de campagnes océanographiques françaises conduites par des équipes universitaires et du CNRS, le plus souvent en étroite coopération avec des chercheurs et ingénieurs de l’Ifremer. Cette carte illustre, en dépit du travail qui reste à faire (les régions apparaissant dans une teinte légèrement différente), le fort potentiel scientifique de la donnée morpho-bathymétrique, qui permet d’obtenir des modèles numériques de terrain à mailles serrées et régulières, pouvant atteindre, localement, en utilisant des outils autonomes ou tractés près du fond, des précisions inférieures au mètre ! La Méditerranée occidentale Un simple examen de la carte de la Méditerranée illustre bien les différences entre ses deux grands bassins, occidental et oriental. Les bordures, ou marges, continentales de la Méditerranée occidentale sont en majorité très étroites et entaillées de nombreux canyons sous-marins, héritiers probables d’une grande phase d’abaissement du niveau moyen de l’eau (entre 5 à 6 millions d’années avant notre ère), qui se situait alors vers – 1 200 mètres par rapport au niveau actuel ! Durant cette période, connue sous le nom de Messinien, pendant laquelle le détroit de Gibraltar était fermé, privant ainsi la Méditerranée d’un renouvellement d’eau moins salée par l’Atlantique, d’épaisses couches de sel et de gypse se sont peu à peu déposées par évaporation
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Les navires océanographiques disposent de systèmes permettant de dresser la carte bathymétrique d’une bande de fond marin au fur et à mesure de leur progression : plusieurs faisceaux d’ondes acoustiques sont émis par le navire et réfléchis par le fond plus ou moins rapidement selon la profondeur.
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u Sortie de fluides et de saumures par – 3 000 mètres de profondeur au large de l'Égypte.
u Topographie du volcan de boue Amon, par – 1 200 mètres de profondeur, au large de l'Égypte.
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u Le contour des continents est reporté sur l’image satellite ainsi que les principales structures chevauchantes en noir. La figure du bas montre la forme de la lithosphère dans cette région avec les différentes zones de subduction.
répétitive de l’eau de mer et ceci dans la plupart des grands bassins profonds de la Méditerranée, dont le bassin algéro-provençal. Ce dernier, profond d’environ 2 500 mètres, est de nos jours pratiquement plat, alors que le fond de la mer Tyrrhénienne (qui atteint 3 500 mètres) offre au contraire une topographie plus rugueuse. Une telle différence s’explique aisément par l’âge de ces deux domaines. Le plus ancien, le bassin algéro-provençal, a été, pendant une période beaucoup plus longue, le réceptacle des produits de l’érosion des continents voisins ; l’autre, nettement plus récent, offre encore les détails des reliefs volcaniques qui ont accompagné et accompagnent toujours son ouverture au cours des 3 derniers millions d’années. La Méditerranée orientale La Méditerranée orientale se caractérise par une morphologie globalement très différente. Ses marges continentales africaines sont larges, du fait à la fois d’un âge de création beaucoup plus ancien (vers – 150 millions d’années) et d’une forte sédimentation. Le bassin profond est parcouru, suivant un axe sensiblement ouest-est, par un relief arqué, la ride méditerranéenne, haute en moyenne de 2 500 mètres et où l’on peut remarquer des plis, des chevauchements, des failles, qui sont les signatures morphologiques d’une forte déformation tectonique toujours active. Çà et là, de nombreux petits reliefs subcirculaires signalent l’échappement, en fond de mer, d’importantes quantités
de fluides, de saumures et de boues. Comme l’ont démontré très récemment des études in situ par sous-marins scientifiques et robots téléguidés, des émissions de fluides caractérisent d’autres provinces de ce bassin, en particulier l’immense delta profond construit au cours des 5 derniers millions d’années par les apports sédimentaires du plus long fleuve du monde, le Nil. Là, il semble que ce soit surtout la surcharge sédimentaire qui ait été le principal moteur de ces échappements de fluides en fond de mer. La ride méditerranéenne se prolonge à la fois vers l’est, jusqu’au sud de l’île de Chypre, et vers l’ouest, jusqu’à proximité de la Calabre, par deux ensembles morphologiques très comparables. Cette ride correspond en fait à une énorme accumulation de sédiments – on parle de « prisme d’accrétion » – résultant de la convergence Afrique-Europe, et dont on évalue l’épaisseur à plus de 10 kilomètres. Fortement déformé et perdant ses fluides sous l’effet de la compression, ce prisme résulte de l’empilement et de la déformation d’unités sédimentaires qui restent en partie coincées entre les marges africaine et européenne et qui ne passent pas dans la subduction. Dans quelques millions d’années, quand la subduction aura cessé et que l’Afrique et l’Europe seront engagées dans une collision généralisée, il est fort probable que la ride méditerranéenne constituera le cœur de la dernière et grande chaîne de montagnes (plusieurs milliers de kilomètres) qui manque encore à la périphérie de la Méditerranée ! 85
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SOUS LES PAYSAGES, UNE TERRE INCONNUE STRUCTURE ET DYNAMIQUE DE LA TERRE PROFONDE
Le noyau de la Terre et son champ magnétique Philippe Cardin
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L’histoire du manteau Francis Albarède et Janne Blichert-Toft
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Imager la Terre pour mieux l’imaginer Jean-Paul Montagner
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Une Terre en perpétuel mouvement Yanick Ricard
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U Ce minéral, la pérovskite (MgSiO3), stable dans le manteau terrestre entre 700 et 2 900 km de profondeur, est inaccessible. Il représente environ la moitié de la masse de la Terre. Il a été synthétisé dans une presse multienclumes. 87
u Simulation numérique de la dynamo terrestre. Le métal liquide conducteur en mouvement est situé entre la graine (au centre en vert) et le manteau (sphère externe transparente). Les lignes blanches représentent les lignes du champ magnétique à l'intérieur du noyau terrestre. Elles sont tordues et étirées par l'écoulement du métal liquide. À gauche, vue du pôle Nord, à droite, vue à partir du plan équatorial. Les petites sphères représentent le champ magnétique à la surface de la Terre.
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Bien mystérieux noyau de la Terre… Quelles preuves avons-nous de son existence en dehors du déplacement des aiguilles de la boussole, de la beauté des aurores boréales ? Pourtant, il est là, planète dans la planète, boule de métal chaud, bouillonnant, déposant une pluie de particules métalliques sur une graine solide. De quoi est-il fait, quels sont ses mouvements, pourquoi le champ magnétique peut-il basculer, s’inverser ? Les spécialistes enquêtent pour nous.
LE NOYAU D E L A T E R R E E T SO N C H A M P M AG N É T IQ U E
Philippe Cardin Géophysicien
e noyau de la Terre constitue le cœur de notre planète. C’est une grosse boule de fer d’un rayon de 3480 kilomètres (soit à peu près la moitié du rayon terrestre) à l’intérieur du manteau terrestre solide. Lors de sa formation, la Terre a partiellement fondu et le fer, liquide et dense, s’est accumulé en son centre pour y former le noyau. Les géochimistes permettent d’accréditer ces scénarios en étudiant la composition des météorites dont certaines reflètent les matériaux de base de la formation de la Terre, alors que d’autres apparaissent comme des échantillons de fragments éjectés dans l’espace lors d’un impact avec une planète en formation. La comparaison entre les matériaux terrestres connus et les météorites permet de connaître la composition du noyau et d’imaginer des scénarios pour sa formation. Par exemple, malgré quelques controverses récentes, les géochimistes, par l’analyse de certains isotopes, s’accordent sur le fait que le noyau s’est formé dans les 10 à 100 millions d’années initiales de notre planète. Depuis sa formation, et malgré la chaleur radioactive produite en son sein, la Terre et son noyau refroidissent. Le noyau liquide cristallise, laissant apparaître peu à peu une graine de fer solide au centre, qui a aujourd’hui un rayon de 1 220 kilomètres. Ce refroidissement par la surface conduit à une situation où une matière chaude au centre est entourée d’une matière plus froide, et
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donc plus lourde, à la périphérie. Cette situation est instable, si bien que la matière chaude s’élève des profondeurs du noyau pour venir se refroidir au contact de la base du manteau terrestre, avant de redescendre froide et lourde vers la graine. La structure actuelle nous est connue par l’étude du trajet des ondes sismiques engendrées par les tremblements de terre et qui se réfléchissent à chaque interface. Leur temps de parcours dans chaque couche nous indique la densité du milieu traversé. Nous connaissons ainsi la géométrie et la structure du noyau liquide et de la graine. Par exemple, les géophysiciens ont remarqué que la graine présentait une particularité, toujours inexpliquée ; les ondes sismiques la traversent plus lentement le long de son axe de rotation. La densité de la graine, déduite des observations sismologiques, est très proche de celle du fer dans les conditions extrêmes de pression et de température qui règnent au centre de la Terre (6 000 °K1 et 350 GPa2). La connaissance du fer (et de sa densité) dans ces conditions n’est pas chose simple et mobilise la créativité de nombreux chercheurs. Certains tentent de reproduire les conditions du noyau dans des expériences où la matière est écrasée entre deux mâchoires de diamant et chauffée par rayon laser. Ainsi, en utilisant les rayonnements puissants des synchrotrons, de nouvelles phases du fer ont été découvertes et la température à la surface de la graine se voit contrainte. D’autres chercheurs
1. 6000 °K = 5 727 °C. / 2. Gpa = gigapascal, soit un milliard de pascals (le pascal étant l’unité de mesure de la pression). 89
3-SOUS LES PAYSAGES, UNE TERRE INCONNUE
U Simulation numérique de la dynamo TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
terrestre. La convection met le métal liquide en mouvement sous forme de tourbillons parallèles à l'axe de rotation (tubes en bleu), véritables usines à créer du champ magnétique (ligne de champ en blanc) qui émerge à la surface du noyau (surface colorée).
u Modélisation expérimentale du noyau liquide (eau + paillettes) enfermé dans la cavité ellipsoïdale du manteau en précession (Plexiglas). Un écoulement cylindrique en rotation différentielle (révélé par l’alignement des paillettes) se met en place dans le liquide. L’axe de ces cylindres ne s’aligne pas avec le petit axe de la cavité et présente des oscillations. Cet écoulement dû à la précession du manteau par rapport au noyau liquide peut-il engendrer une dynamo dans un noyau planétaire ?
utilisent les moyens numériques pour résoudre l’équation fondamentale de la mécanique quantique pour décrire l’état et les propriétés de la matière sous haute pression. Finalement, la densité du fer dans les conditions du noyau liquide est plus élevée que celle observée sismologiquement. Le noyau liquide est donc un alliage de fer avec des éléments plus légers. Conformément aux modèles géochimiques de Terre, le silicium, le soufre et/ou l’oxygène jouent ce rôle d’éléments légers. Lors de la solidification de l’alliage liquide sur la graine, ces éléments légers sont rejetés à la surface de la graine. Légère, cette matière monte dans le noyau liquide, engendrant des mouvements convectifs. Ces mouvements, associés à ceux qui assurent le refroidissement, sont la source d’un phénomène étonnant : la production du champ magnétique qui englobe notre planète. Le champ magnétique terrestre ressemble à celui d’un aimant dipôle, les lignes de champ magnétique ont tendance à s’accumuler en deux régions antipodales, non loin des pôles géographiques. Ce champ magnétique, permettant l’utilisation de la boussole, varie rapidement en intensité et en direction comme l’atteste sa mesure dans les observatoires magnétiques depuis plus de trois cent cinquante ans. L’étude de ces variations spectaculaires du champ magnétique interne, non seulement réfute l’hypothèse ancienne selon laquelle notre globe serait un immense aimant, mais permettent de mieux décrire ce qui se passe à l’interface entre le noyau et le manteau. Ainsi, la couverture et la précision des mesures satellitaires actuelles permettent de dessiner des mouvements de matière à la surface du noyau, responsables de cette variation séculaire sans que l’on puisse dire encore comment ses mouvements sont reliés à la production du champ magnétique lui-même.
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Il y a plus de cent ans, Bernard Brunhes découvrait que certaines coulées volcaniques du Massif central présentaient une aimantation inverse à celle du champ magnétique actuel. Cette découverte, longtemps oubliée, montrait que certaines roches acquièrent une aimantation reliée au champ magnétique dans lequel elles baignent lors de leur formation, et que le champ magnétique de la Terre s’est inversé au cours de son histoire. C’est d’ailleurs cette propriété qui a permis de comprendre l’expansion des fonds océaniques, élément fondateur de la tectonique des plaques. À l’aide d’outils de plus en plus perfectionnés, les paléomagnéticiens reconstruisent aujourd’hui l’histoire magnétique de la Terre. Le champ magnétique existe depuis au moins 3 milliards d’années et son intensité a peu varié (moins d’un facteur 10). Il s’est inversé très souvent, de manière irrégulière, avec de grands intervalles sans inversion (> 40 millions d’années), et des périodes plus instables avec des inversions erratiques tous les 100 000 ans. Une inversion est un épisode bref au sens géologique (< 5 000 ans) et de faible intensité. Pour autant, les axes magnétique et de rotation ne semblent jamais bien éloignés en dehors des périodes d’inversion ; la rotation de notre planète est donc intrinsèquement liée à la génération du champ magnétique. Peu à peu, l’hypothèse d’un effet dynamo pour produire le champ magnétique global s’est imposée comme seule explication possible. Le champ magnétique est produit par le mouvement d’un métal conducteur d’électricité. À la différence d’un alternateur électrique (comme une dynamo de bicyclette), où des aimants sont mis en mouvement pour produire des courants électriques, dans une dynamo, il n’y a pas d’aimant permanent et le champ magnétique responsable
L’effet dynamo désigne la production de champ magnétique par un milieu conducteur (d’électricité) en mouvement. C’est le cas du noyau liquide de la Terre composé de métal en fusion.
u Simulation numérique des mouvements de convection thermique développée dans le noyau liquide. Les tourbillons convectifs sont perpendiculaires au plan de la figure et les couleurs donnent leur section dans le plan équatorial. En rouge, les cyclones (qui tournent dans le même sens que la Terre), en bleu, les anticyclones. Les forts anticyclones autour de la graine jouent un rôle important dans l'effet dynamo.
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U Simulation numérique du seuil de la convection thermique dans le noyau. Différentes vues des colonnes convectives. Les lignes correspondent aux mouvements du fluide et les couleurs à sa température. Les parties chaudes dans le plan équatorial engendrent un mouvement de montée dans le noyau qui provoquent des tourbillons parallèles à l'axe de rotation sur l'ensemble du noyau. Des mouvements de succion sont présents dans chaque tourbillon. 92
u Vue de la composante radiale du champ magnétique à la surface du noyau. Valeurs moyennes de l’année 1990 issues des données spatiales Magsat et Oersted (les valeurs s’échelonnent entre – 1,032 et – 908 microteslas).
de la production de courants électriques provient des courants électriques eux-mêmes. La difficulté tient à sa mise en œuvre dans un volume de métalliquide homogène en court-circuit. Pendant longtemps, ce problème a résisté à la pugnacité des chercheurs. Mais, dernièrement, à Riga, à Karlsruhe puis à Cadarache, des expériences en laboratoire réalisées avec du sodium liquide ont pu mettre en évidence qu’un mouvement rapide d’un liquide conducteur d’électricité peut démarrer une dynamo. Pour autant, ces expériences sont loin de simuler ce qui se passe dans les noyaux planétaires de par leur géométrie, leurs conditions aux limites et les équilibres dynamiques mis en jeu. Malgré les tentatives de notre équipe à Grenoble et aux États-Unis, aucune expérience n’a encore réussi en géométrie sphérique, avec une rotation d’ensemble et/ou des mouvements de convection comme ceux attendus dans le noyau terrestre. La modélisation numérique de l’effet dynamo, quant à elle, permet de prendre en compte ces trois effets. Elle consiste à programmer les équations qui régissent les évolutions temporelles des mouvements, des anomalies de densité et du champ magnétique pour un fluide conducteur d’électricité compris entre deux sphères concentriques. Grâce aux moyens numériques les plus sophistiqués, des solutions de dynamo ont pu être calculées d’abord aux ÉtatsUnis, puis maintenant au Japon, en Allemagne et en France. Décrivons tout d’abord les mouvements convectifs dans le noyau terrestre. La matière légère à la surface de la graine monte dans le champ de gravité terrestre.
La force de Coriolis, associée à la rotation du globe terrestre, influence fortement ce mouvement : plutôt que de monter droit comme un panache de fumée, la matière s’enroule en immenses tourbillons comme les vents dans l’atmosphère. Ces tourbillons s’alignent avec l’axe de rotation de la Terre. Le champ magnétique est fabriqué par ces tourbillons dans les dynamos numériques. Ils tournent suffisamment vite pour tordre le champ magnétique, induisant en conséquence un courant électrique, qui produit lui-même un champ magnétique. Ce champ participe à un processus équivalent, si bien que de proche en proche le champ magnétique initial est renforcé. Pour certains paramètres, les dynamos numériques reproduisent un champ magnétique dipolaire (voire qui s’inverse !), ressemblant au champ terrestre. Il n’en reste pas moins que pour simuler une dynamo, il a fallu tricher sur les paramètres physiques du fluide conducteur d’électricité, que nous pensons bien connaître grâce aux observations géophysiques ou par l’étude du fer dans les conditions du noyau terrestre. Par exemple, dans les dynamos numériques, le fluide est 1 million de fois plus visqueux qu’un métal liquide, ou encore, la Terre ne fait qu’un tour sur elle-même en 10 millions d’années… Nous sommes donc encore loin de rendre compte de la réalité géophysique, mais les chercheurs viennent de franchir une étape fondamentale, à la fois numériquement et expérimentalement ; les mouvements vigoureux du fer liquide dans le noyau sont bien à l’origine du champ magnétique terrestre !
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u Les inclusions vitreuses (en sombre) dans les minéraux des basaltes permettent d'étudier comment les magmas sortent du manteau.
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Au XXe siècle, les dorsales atlantique, pacifique, indienne, les volcans d’Hawaii, de la Réunion ont livré des milliers d’échantillons de basaltes. Les chercheurs les ont analysés, comparés, ils ont interprété leurs similitudes, leurs différences. Il fallait comprendre la chimie du manteau ! Pour doser des traces infimes d’éléments caractéristiques de processus particuliers, des appareils ultrasophistiqués ont été inventés. Le manteau finit par livrer ses mystères.
L’HISTO I R E D U M A N T E AU
Francis Albarède et Janne Blichert-Toft Géochimistes
ombien de promeneurs, de navigateurs du dimanche, de randonneurs des sommets alpins imaginent les lents déplacements de la Terre sous leurs pieds ? Ce qui nous est familier de notre belle planète, sa fine peau de sol et d’eau, enveloppe un objet incroyablement complexe et mouvant au fil d’un temps qui ne lui est guère compté. Nous vivons sur une surface en oubliant le volume qui la porte et des siècles de vie humaine ne sont pas plus qu’un instant dans l’histoire d’une ancêtre vieille de 4,5 milliards d’années. Par rapport à la composition moyenne de la Terre et des planètes, le noyau métallique concentre le fer et le nickel, le manteau concentre le magnésium (la roche type est la péridotite) et la croûte continentale concentre le silicium, l’aluminium, le sodium et le potassium (la roche type est le granite). Le basalte est la roche typique issue de la fusion du manteau. L’intérieur de la Terre est en mouvement parce que certains éléments radioactifs (uranium, thorium, potassium) produisent de la chaleur et que la planète se refroidit de l’extérieur. En l’absence de mouvement, le manteau profond serait plus chaud et moins dense que le manteau plus superficiel. L’inversion de densité, le léger sous le lourd, produit un déséquilibre engendrant un mouvement généralisé du manteau, la convection, qui rétablit un profil de densité plus homogène. Ce mouvement est amplifié par l’effondrement continu de l’enveloppe externe rigide, froide et dense; c’est la tectonique des plaques. Comme une lourde nappe qui glisserait au bord d’une table, les plaques lithosphériques plient sous leur propre poids et s’enfoncent dans les zones de subduction ; elles refroidissent ainsi les couches profondes du manteau chauffées par la radioactivité. Le phénomène des
C
panaches se superpose à ces mécanismes : la chaleur dissipée par les mouvements du noyau liquide chauffe la base du manteau et déclenche la remontée de matière chaude, des panaches (ou plumes) qui forment en surface les alignements volcaniques des points chauds d’Hawaii, de la Réunion, ou les énormes ensembles volcaniques d’Islande ou du Deccan. Les mouvements du manteau sont très affectés par une transformation minéralogique que les sismologues observent à 660 kilomètres de profondeur, sous la forme d’un réflecteur des ondes sismiques très particulier, dû à la stabilisation d’un minéral silicaté de très haute pression baptisé pérovskite, accompagnée d’un litage1 persistant, séparant le manteau inférieur du manteau supérieur. Une vision d’un manteau séparé en deux couches superposées qui convectent chacune pour son propre compte, renforcée par des observations géochimiques de poids, a dominé la science des années 1980-1990. D’abord, les basaltes de points chauds contiennent des gaz rares (hélium et néon) dont les abondances isotopiques indiquent qu’ils sont séquestrés dans le manteau profond depuis l’origine de la Terre. De plus, le bilan de l’argon formé par la désintégration radioactive du potassium semble exiger que le manteau profond n’ait pas perdu ses gaz primordiaux. Ces deux idées accréditaient l’idée que le manteau profond ne s’était jamais rapproché de la surface. La sismologie des années 1990 a bouleversé cette vision en fournissant pour la première fois des images de tomographie sismique montrant sans ambiguïté des plaques froides qui traversent la discontinuité à 660 kilomètres et s’enfoncent jusqu’à la base du manteau. Certes, d’autres plaques, en particulier sous 1
Un litage est une superposition de fines couches rocheuses. 95
u Éruption au Piton de la Fournaise (île de la Réunion), un volcan de point chaud. Les laves proviennent de la fusion du manteau. Elles offrent un moyen de décrypter les processus chimiques et dynamiques qui se produisent dans le manteau. La présence de caractères chimiques et isotopiques spécifiques des sédiments marins démontre que la subduction entraîne des roches océaniques de surface très profondément dans le manteau.
le Japon et la Chine, s’aplatissent sur la discontinuité et s’y attardent quelques dizaines de millions d’années. On ne peut cependant parquer en ce lieu de nombreuses plaques pendant de longues durées sans rapidement accumuler de gigantesques quantités de matériel anormal qui n’échapperaient pas au regard aigu des sismologues. La discontinuité à 660 kilomètres est donc une frontière très poreuse, et si elle laisse passer du matériel dans le sens de l’enfoncement, elle doit forcément le laisser passer dans le sens de la remontée. La plupart des simulations numériques de convection du manteau retrouvent ce comportement en reproduisant une discontinuité à gros « trous ». Elles prédisent également un comportement épisodique, avec des superplumes et des avalanches qui semblent bien reproduire les grands événements géologiques ayant donné naissance aux grands plateaux volcaniques, tels que ceux du Deccan ou du Karoo sur les continents, ou le plateau d’Ontong-Java en mer.
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Un principe géochimique de base est que la diversité des roches profondes est créée par la fusion du manteau et la séparation des liquides basaltiques produits, alors que cette diversité est détruite par le brassage du manteau dû à la convection. Les basaltes émis par les rides médio-océaniques ou par les grands volcans d’Hawaii, des Galápagos ou d’Islande sont nos meilleures sondes chimiques de l’intérieur de la Terre. Leur abondance en isotopes « radiogéniques », issus de la désintégration radioactive (strontium 87, néodyme 143, hafnium 176, osmium 187, plomb 207), ou en isotopes « stables », comme l’oxygène 18, sont en accord avec les images de tomographie sismique. Le manteau est modelé par deux grands processus géodynamiques. Par le premier, les magmas basaltiques extraits sous les rides médio-océaniques produisent la croûte qui couronne les plaques océaniques, croûte sur laquelle se déposent les sédiments des grands fonds. En moyenne, croûte et plaques océaniques survivent
u Carte des flux de matières à 300 km de profondeur établie par l'analyse de la composition isotopique des basaltes des rides médio-océaniques et des points chauds du globe. Un panache situé sous l'Afar, enraciné à la limite noyau-manteau, se répand radialement, contaminant les dorsales indiennes. Il n'atteint la ride sud-atlantique qu'après avoir érodé les racines des cratons africains, qui s'enfoncent jusqu'à plus de 300 km de profondeur. Ce mécanisme est cohérent avec les données de la sismologie. Les ombres grises sont les panaches, les zones tramées des continents, les racines profondes.
60 millions d’années à la surface avant d’être entraînées à nouveau dans le manteau. Le deuxième processus accompagne le retour aux abysses : la croûte océanique altérée se déshydrate, libérant des fluides qui envahissent des zones du manteau et provoque une fusion responsable du volcanisme qui ourle les zones de subduction (montagne Pelée, mont Pinatubo, Krakatoa) et produit la croûte continentale. La géochimie des gaz rares des volcans des points chauds, messagers du manteau profond, nous indique l’existence de très vastes provinces géochimiques, comme l’océan Indien (caractérisée par une anomalie des isotopes du plomb, du strontium et du néodyme, « anomalie DUPAL »), et montre clairement la trace et le caractère général du recyclage en profondeur de tous les matériaux se formant en surface. Le point chaud le mieux étudié est Hawaii. Les abondances des isotopes radiogéniques y révèlent la remontée, après un long
voyage dans le manteau profond, de tous les constituants de la croûte océanique et de son revêtement sédimentaire, et leur participation aux liquides magmatiques. Plus illustrative encore est la variabilité des abondances de l’oxygène 18 dans les laves d’Hawaii, qui ne peut s’expliquer que par la présence de roches altérées à basse température dans le manteau profond alimentant les volcans : c’est-à-dire que le manteau profond, celui-là même que l’hélium et le néon nous désignaient comme non dégazé et primordial, contient en fait des roches altérées au fond de l’océan. Ce paradoxe n’est qu’apparent. La convection du manteau agit comme un malaxeur industriel, tel que ceux qui fabriquent berlingots et sucres d’orge, étirant et repliant encore et encore des roches d’histoires très différentes, juxtaposant certaines, relativement primitives, formées au fond du globe dans un lointain passé, à d’autres, prélevées dans le « cimetière des plaques » où ont
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température
composition
H Expérience numérique de convection thermochimique du manteau terrestre. Une couche de composition différente au sommet représente la lithosphère océanique. Le manteau est chauffé à la base, refroidi au sommet. Ici trois couples températures, composition à des temps successifs. La fusion partielle du manteau, près de la surface, est prise en compte : le manteau (en jaune dans les encarts marqués « composition ») se différencie en une croûte basaltique (bleue) et une lithosphère appauvrie (rouge). La dynamique de la convection est affectée par la présence de variations compositionnelles, en particulier, la croûte océanique basaltique (bleue) peut s'accumuler sur la frontière avec le noyau. Le premier couple montre l’apparition de panaches chauds (rouge), le second couple celle de zones froides (bleu) plongeant plus ou moins profondément, évoquant bien les zones de subductions, et de panaches chauds en rouge remontant de la base à un équivalent de 300 millions d'années. Le couple d'images du bas, montre à quel point la composition du « manteau » (dans l'expérience) a évolué du fait du brassage intensif de la convection à un équivalent de 1,5 millards d'années.
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Les atomes sont constitués de protons et de neutrons. Ils peuvent avoir le même nombre de protons et des nombres de neutrons différents. Il s’agit alors d’isotopes et portent le même nom. Ils peuvent exister naturellement, ce sont des isotopes naturels, ou provenir de la désintégration radioactive d’un autre élément, ils sont alors radiogéniques.
fini, au fil des âges géologiques, les débris divers de roches de surface qui ont sombré. Ces bandes s’observent très bien dans la variabilité isotopique des basaltes émis le long des rides médio-océaniques. L’absence de matériel indubitablement primitif que l’on pourrait dater de la différenciation primordiale de la planète reste une énigme : il peut simplement avoir disparu ou, au contraire, être tellement dilué par le matériel recyclé que ses empreintes géochimiques ne sont plus perceptibles dans les basaltes. La composition et les propriétés physiques du manteau sont très certainement variables avec la profondeur et ont varié dans le temps. La cause principale est l’extraction de la croûte continentale au cours des âges géologiques. En raison de leur faible densité, les roches volcaniques émises au-dessus des zones de subduction ne retournent que très difficilement au manteau (même les sédiments marins sont, dans leur grande majorité, rabotés contre la limite des continents). Ces laves, leurs produits d’altération, et les roches qui prennent part à la formation des chaînes de montagnes (roches métamorphiques et granites) restent presque indéfiniment stockés dans la croûte continentale. En contrepartie, le manteau, et particulièrement le manteau supérieur, perd peu à peu les éléments qui passent le plus facilement dans les magmas et de là dans la croûte continentale ou l’océan (on parle d’éléments incompatibles). Les éléments radioactifs (uranium, thorium et potassium) et l’eau suivent ce chemin. Au cours du temps, le manteau supérieur est devenu très appauvri en ces éléments et en sources de chaleur radioactive, il est donc particulièrement réfractaire et en même temps très sec et difficile à déformer. Qu’en est-il du manteau inférieur ? Sa composition n’est pas très bien connue, faute d’échantillons indubitables, mais on sait que si l’on remélangeait la croûte continentale au manteau supérieur, la composition du mélange serait très différente de celle des
matériaux planétaires bien connus, notamment les météorites de type chondritique, (de type rocheux). Ce qu’indique sans ambiguïté la géochimie des isotopes radiogéniques, c’est que le manteau supérieur, source des basaltes de rides médio-océaniques, est clairement plus appauvri en élément incompatibles que le manteau profond remonté sous les grands volcans des points chauds océaniques. La lente évolution des abondances des isotopes radiogéniques nous montre que le début de la tectonique des plaques et ses corollaires probables, la formation des continents et l’émergence de la vie, ont suivi de peu la fin de l’épisode originel de l’océan magmatique, dont il reste peut-être quelques vestiges à la base du manteau, et datent des premières centaines de millions d’années de l’histoire de notre planète. Les traces géochimiques les plus visibles de la différenciation primordiale de la planète ont disparu après un à deux milliards d’années, avec la fin des archaïsmes rocheux que sont les laves de très hautes températures (komatiites) et les familles de roches granitiques connues sous le nom de TTG (tonalite, trondjhémite, granodiorite). Les continents se sont peu à peu développés par accroissement latéral au cours d’épisodes géologiquement brefs et séparés de périodes calmes d’à peu près 300 millions d’années. Ces événements gigantesques, datés pour les plus importants à 3400, 3000, 2700, 2100, 1800, 1100, 600 millions d’années, ont, en une centaine de millions d’années, extrait du manteau de la nouvelle croûte sur des surfaces équivalentes à celle de l’Europe. Ils sont très analogues à ceux qui produisent occasionnellement les très grands épanchements volcaniques du Deccan ou d’Ontong-Java. Malgré la lenteur de ses mouvements, le manteau terrestre semble donc prédisposé à évoluer en crises spectaculaires plutôt que de façon monotone. 99
TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
3-SOUS LES PAYSAGES, UNE TERRE INCONNUE
u Une onde sismique est accélérée en traversant une zone plus froide que le milieu ambiant (temps de parcours raccourci) ou, au contraire, ralentie par une zone plus chaude (temps de parcours allongé). Ce principe permet aux sismologues de cartographier les régions plus froides (en bleu) ou plus chaudes (en jaune/rouge) à l’intérieur du globle ci-dessus. Ce type de carte (coupe bi-dimensionnelle dans un modèle tri-dimensionnel) est appelé tomographie sismique.
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Entraînée par les mouvements profonds du manteau, la croûte terrestre bouge, craque, se rompt. Chaque jour, des milliers de séismes, souvent imperceptibles, parfois destructeurs, émettent des ondes qui traversent et parcourent la Terre. Tout comme le photographe capte la lumière pour mettre en relief la nature des objets, les sismologues décodent les bruits de la Terre, les ondes sismiques, pour nous dévoiler l’intérieur de notre planète. Une nouvelle géographie de la Terre profonde se dessine.
IMAGER LA TERRE POUR MIEUX L’IMAGINER U Des milliers d’ondes sismiques sont
Jean-Paul Montagner Sismologue
’homme perçoit bien que les causes réelles de la dynamique de la Terre qui façonne les paysages, secoue sa surface de violents tremblements de terre et provoque des éruptions volcaniques spectaculaires sont à chercher en profondeur. La cartographie géographique et géologique, depuis le XIXe siècle, projette sur un plan les structures visibles en surface et sert de base à l’exploration de la troisième dimension invisible. En 1889, grâce aux premiers enregistrements d’ondes sismiques, par Ernst von Rebeur-Paschwitz, à Potsdam – ondes émises par un tremblement de terre au Japon distant de plusieurs milliers de kilomètres –, l’homme comprend qu’il peut commencer à sonder l’intérieur de notre planète : la Terre est transparente aux ondes sismiques.
L
Une Terre invisible à la lumière mais transparente aux ondes sismiques La plus grande partie du XXe siècle sera consacrée à l’identification des différentes couches de la Terre, la croûte, le manteau, puis le noyau à 2 900 kilomètres sous nos pieds, et la graine solide, petite planète de 1 200 kilomètres de rayon, au cœur de notre planète. De nombreux raffinements sont apportés jusqu’aux années 1980, en subdivisant le manteau en manteau supérieur (jusqu’à 660 kilomètres de profondeur) et manteau inférieur, et en identifiant une interface entre le manteau et le noyau : la mystérieuse couche D’’. Cependant, ce modèle en pelures d’oignon ne permet pas de comprendre la dynamique de la Terre, et il faudra attendre la tectonique des plaques, dans les années 1960, pour imaginer l’ampleur gigantesque des mouvements de matière à l’intérieur du globe, à l’échelle de plusieurs milliers de kilomètres, dont les plaques ne sont que la manifestation de surface. Leurs différentes frontières,
nécessaires pour réaliser une tomographie. Actuellement, plusieurs centaines de stations sismologiques de grande qualité de différents pays écoutent la Terre en réseau. Les premières stations ont été installées en divers points du globe par le réseau français GEOSCOPE dans les années 1980. Grâce à l’accroissement du nombre d’enregistrements, aux progrès théoriques et de puissance de calcul, la précision des tomographies s’améliore d’année en année.
où se concentrent les activités sismique et volcanique, ont forcément un enracinement profond qui doit se traduire par des variations latérales de vitesses sismiques. Les sismologues partent alors à la quête des structures profondes de la Terre associées à cette dynamique. La révolution de la sismologie large bande et de la tomographie sismique C’est alors que la sismologie connaît une révolution instrumentale sans précédent, avec le développement de la sismologie « large bande ». De nouveaux sismomètres permettent d’enregistrer de façon très précise les mouvements du sol dans une large bande de périodes entre 0,1 seconde et 10 000 secondes, grâce aux progrès en électronique, micromécanique, informatique, et à l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs. Une coopération internationale exemplaire permet alors de créer un réseau mondial, et les terres émergées se couvrent dans les années 1980 de stations sismiques de ce nouveau genre. La France, avec le programme GEOSCOPE, joue un rôle pionnier dans cette révolution instrumentale. Grâce au développement d’Internet, les sismologues du monde entier ont accès librement aux données sismiques enregistrées par les stations, transmises et archivées dans des centres de données. En 1984, apparaissent les premiers modèles tridimensionnels dits « tomographiques » de la Terre. Le principe de la tomographie sismique est simple. Le temps de propagation des ondes entre la source sismique (le tremblement de terre) et la station dépend du milieu traversé. Quand les ondes sismiques traversent une région chaude, leur vitesse diminue et donc les ondes sont retardées, alors qu’en
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
3-SOUS LES PAYSAGES, UNE TERRE INCONNUE
u Les forts séismes émettent des ondes qui se propagent à
u Lorsque le milieu est anisotrope (dépendant de l'angle sous
l'intérieur du globe. Certaines guidées par la surface peuvent en faire plusieurs fois le tour, tandis que d’autres le traversent, se réfléchissant à de multiples reprises sur les différentes interfaces. Cette simulation numérique permet de mieux imaginer la propagation des ondes de cisaillement et leurs réflexions multiples. Ces ondes ne se propageant pas dans le milieu liquide ont permis aux sismologues de comprendre que le noyau de la Terre comporte une partie liquide, le noyau externe (gris foncé).
lequel on l'étudie), la propagation des ondes sismiques l’est aussi. En particulier, les ondes se propagent plus facilement dans le sens d’allongement de l’olivine, le minéral prépondérant du manteau supérieur. Ce minéral ayant tendance à s’orienter parallèlement aux flux de matière dans le manteau, l’anisotropie sismique est un bon indicateur de ces courants. On constate qu’à faible profondeur, les flux de matière dans le manteau supérieur correspondent à la direction du mouvement des plaques.
traversant une région froide, la vitesse augmente, les ondes sont accélérées. En utilisant des milliers d’enregistrements d’ondes sismiques du réseau global, produites par les séismes survenus sur l’ensemble des frontières de plaques, et grâce à des ordinateurs de plus en plus puissants, les sismologues réussissent à localiser et à cartographier précisément les zones rapides et les zones lentes à l’intérieur du globe. Au tout début, ces modèles étaient très peu précis, avec une résolution latérale de plusieurs milliers de kilomètres, mais depuis, les sismologues sont capables de cartographier la structure tridimensionnelle de la Terre, depuis la surface jusqu’au centre, à l’échelle du millier de kilomètres avec une résolution radiale d’environ 100 kilomètres. Au niveau régional, on arrive même à imager des objets géologiques de la taille de quelques centaines de kilomètres.
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De nouvelles images, une nouvelle géographie, une vision renouvelée de l’intérieur de la Terre La tomographie sismique montre qu’à 100 kilomètres de profondeur, on retrouve sans surprise la structure déduite de la tectonique des plaques : des zones chaudes sous les dorsales océaniques, froides sous les vieux continents et sous les zones de subduction. Mais elle prend toute sa valeur à grande profondeur, où une nouvelle géographie se dessine, avec de nouvelles cartes, des codes de couleur variés, qui peuvent laisser libre cours à l’imagination des chercheurs, d’autant que la tomographie sismique ne fournit qu’une image instantanée de la structure profonde de la Terre et ne nous renseigne ni sur son passé, ni encore moins sur son futur. Cependant, plusieurs points forts émergent de ces images nouvelles. En particulier, la tomographie sismique a résolu un des problèmes majeurs de la dynamique interne et du couplage entre
U Tomographie parallèle à la surface montrant à 100 km de profondeur la concordance entre les zones chaudes (marron) et les dorsales océaniques et les points chauds (cercles), et entre les zones froides (en bleu) et les boucliers précambriens.
u Cette coupe tomographique en profondeur du manteau, calculées selon l’équateur sur la sphère de gauche révèlent la forte hétérogénéité du manteau en profondeur. Les flèches indiquent l’anisotropie calculée et donc le sens des flux de matière. Sur la coupe, des roches plus froides et denses (en bleu) semblent être reliées à des zones de subduction près de la surface.
lithosphère, manteau et noyau. La majeure partie des plaques plongeantes a été cartographiée. Certaines vont mourir dans ce cimetière que pourrait constituer la couche D’’, d’autres sont recyclées entre 400 et 800 kilomètres de profondeur (dans la zone dite de transition). D’autres encore ont même probablement un comportement intermédiaire, où la plaque subduite stagne pendant des millions d’années dans la zone de transition, puis décide soudainement de faire le grand plongeon dans le manteau inférieur. Ceci révèle sans ambiguïté qu’il n’y a pas de barrière infranchissable entre le manteau supérieur et le manteau inférieur. La même complexité apparaît pour les courants montants du manteau inférieur. La tectonique des plaques ne peut pas expliquer les volcans qui émergent au beau milieu des plaques (Hawaii, la Réunion, etc.) et qui résulteraient de la présence de courants ascendants très localisés et encore assez hypothétiques,
appelés panaches mantelliques originaires de la couche D’’. En fait, là encore, la nature a choisi la complexité et il semblerait qu’il existe plusieurs types de panaches. Certains, les « bébés panaches », seraient originaires de la base de la lithosphère, d’autres pourraient provenir de la zone de transition et enfin quelques-uns peu nombreux viendraient de la base du manteau. Une véritable guerre de religion est engagée entre les partisans et les adversaires des panaches mantelliques d’origine très profonde. En fait, la tomographie sismique ne peut encore apporter de réponse définitive. L’imagerie sismique ne concerne pas seulement le manteau profond. La lithosphère et la croûte font aussi l’objet d’investigations tomographiques. Deux types de méthode existent. La première, depuis longtemps en usage dans l’industrie pétrolière pour obtenir des images fines des réservoirs, utilise les ondes sismiques émises par des camions vibreurs ou des explosifs. 1 03
TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
3-SOUS LES PAYSAGES, UNE TERRE INCONNUE
u La subduction affecte l’ensemble du Pacifique est et de la côte ouest américaine. Toutefois, le comportement dans le manteau de la plaque océanique plongeant depuis plus de 100 millions d’années diffère du nord au sud. Ces coupes tomographiques obtenues en analysant les ondes de cisaillement, S, permettent de visualiser l’étendue du trajet suivi par la lithosphère océanique (bleu) ayant plongé dans le manteau. Sous l’Amérique du Nord, et l’Amérique centrale, la subduction semble avoir atteint la base du manteau. Elle s’avance plus à l’est au nord, et repart vers l’ouest en Amérique centrale. Sous l’Amérique du Sud, elle semble glisser horizontalement. La figure montre également la position des côtes au cours du temps, et les directions et vitesse estimées de la subduction.
Lorsqu’on jette un caillou dans de l’eau immobile, l’onde, matérialisée par des cercles, se propage à l’infini de façon identique dans toutes les directions. Dans les roches du manteau, une même onde sismique peut se déplacer à des vitesses différentes selon la direction : il y a anisotropie sismique.
u La tomographie régionale de l’Afrique de l’Est (cadre de droite) met bien en évidence deux types de panaches : deux panaches superficiels à l’ouest, un panache plus important et plus profond sous le plateau éthiopien et le rift d’Asal dont on pense qu’il est peut-etre connecté à la base du manteau comme l’indique la tomographie continentale (cadre de gauche).
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U De novembre 2000 à avril 2001, une cinquantaine de stations sismologiques ont été déployées du golfe Persique au centre de l’Iran pour enregistrer les ondes des séismes lointains qui remontent vers la surface en traversant le manteau supérieur et la croûte. Il s’agissait de déterminer la structure lithosphérique du Zagros, jeune chaîne de collision, née de l’affrontement des plaques Arabie et Eurasie. Le Moho nettement visible marque un épaississement de la croûte de 45 à 65 km sur une largeur d’environ 150 km au nord-est de la suture entre les deux plaques.
Une autre méthode (passive cette fois) consiste à écouter pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, les ondes venues de séismes lointains (téléséismes) pour obtenir des images de la croûte profonde et de la lithosphère. En utilisant cet arsenal d’outils, on sait que les failles peuvent atteindre le manteau lithosphérique et on connaît bien la structure profonde de chaînes comme les Alpes (notamment grâce au programme ECORS en France) mais aussi le Tibet et le Zagros (grâce au programme Lithoscope). Des modèles tomographiques de plus en plus sophistiqués utilisant différents types de données Pour aller plus loin, les sismologues essaient d’utiliser toute la richesse du signal sismique, qui comprend plusieurs types d’ondes, celles pénétrant au cœur de la Terre (ondes de volume), celles guidées par la surface de la Terre (ondes de surface) ou encore celles qui mettent toute la Terre en vibration comme une immense cloche (modes propres) et maintiennent le bruit de fond sismique. Ils sont capables de cartographier d’autres paramètres physiques que la vitesse des ondes, en mesurant leur caractère atténuant et anisotrope (lorsque leur vitesse dépend de la direction de propagation). Les sismologues tomographes ne peuvent plus se contenter de présenter des zones rouges ou bleues correspondant grossièrement aux courants de matière montants ou descendants, faisant l’hypothèse que le matériau constitutif du manteau est isotrope, c’està-dire identique localement quelle que soit la direction d’observation. Le manteau est constitué de cristaux fortement anisotropes vis-à-vis de la propagation des ondes sismiques : l'olivine, minéral silicaté le plus abondant du manteau terrestre, présente des différences de vitesse sismique de 20 % entre deux axes perpendiculaires. De plus, placé dans des courants de convection où
règne une déformation intense, l’axe rapide de l’olivine a tendance à s'orienter de façon préférentielle, parallèlement à la direction principale du flux de matière. En cartographiant les directions de propagation rapide des ondes sismiques, c’est l’orientation des minéraux et la complexité des courants de convection dans le manteau que l’on révèle. Grâce à l’anisotropie sismique, la racine des continents peut être détectée. La forte anisotropie de la graine, au centre de la Terre, permet d’étudier sa rotation et de savoir, un jour, si elle tourne à une vitesse différente du reste de la planète. La tomographie nous offre donc une nouvelle géographie de la Terre, en cartographiant non seulement les zones lentes et rapides mais aussi les chemins que la matière emprunte. Plus récemment, des équipes françaises ont commencé à utiliser ce qui était considéré jusqu’alors comme du bruit de fond, le signal qui résulte de l’interaction entre la Terre fluide (océan, atmosphère) et la Terre solide, ouvrant la porte à une utilisation massive de nouvelles données pour faire de l’imagerie de la croûte terrestre et faire un suivi temporel des failles et des volcans. Enfin, une autre révolution est en marche avec l’incursion des méthodes purement numériques utilisant les supercalculateurs, qui permettent maintenant de synthétiser complètement la propagation du champ d’onde total dans la Terre. Les tomographies et images sismiques ne fournissent qu’une vision instantanée de la Terre. Seules, elles ne peuvent apporter de réponses définitives aux grands défis des géosciences puisqu’elles ne peuvent intégrer la dimension temporelle. Cependant, grâce à leur pouvoir d’illumination de l’intérieur du globe et de ses processus en cours, les ondes sismiques sont devenues indispensables à la compréhension de notre planète. Sans imagerie, il serait impossible de faire travailler l’imagination des chercheurs, d’étudier les couplages entre toutes les couches du globe, de réfuter ou de conforter les théories en compétition sur l’origine et l’évolution de la Terre.
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u La figure montre des simulations de convection dans des boîtes parallélépipédiques chauffées par en dessous. La vigueur du chauffage augmente d’une boîte à l’autre, de gauche à droite dans la rangée du bas. Le chauffage le plus fort est pour l’image du haut. Même dans le cas du chauffage le plus modéré (en bas à gauche), une telle simulation à trois dimensions n’aurait pas été possible il y a seulement vingt ans. La vigueur de la convection dans l'image du haut pourrait correspondre à celle du manteau si l'on omet d'autres complexités comme l'existence de plaques tectoniques en surface ou la sphéricité.
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Il faudrait pouvoir regarder à travers la matière, disposer d’une machine à remonter le temps, l’accélérer pour visionner le film de la circulation du manteau depuis les origines. À défaut, les géophysiciens la simulent. Des puissances colossales de mémoires de calcul sont nécessaires. En quelques minutes, des milliards d’années sont simulées pour une Terre simplifiée. Les résultats sont fascinants et renouvellent la manière de penser le manteau terrestre. Il devient extraordinairement mobile.
UNE T ER R E EN P E R P É T U E L MOU V E M E NT
Yanick Ricard Géophysicien
usque dans les années 1980, la dynamique du manteau était une science très spéculative. Nous savions comment la surface de la Terre bougeait, nous pouvions expliquer pourquoi le plancher océanique s’enfonçait après s’être formé aux dorsales, ou pourquoi le manteau terrestre était animé de mouvements de convection à l’état solide. Mais la sismologie ne détectait pas encore les variations latérales de densité et de pression dont dépendait essentiellement la dynamique interne de la Terre. Les ondulations du champ de gravité, qui étaient de mieux en mieux cartographiées grâce aux études des trajectoires des satellites, fournissaient une vision intégrée de la structure de notre planète, mais celleci ne semblait n’avoir aucune relation simple avec la tectonique des plaques dans sa géométrie actuelle. Nous avions donc un modèle descriptif des mouvements horizontaux en surface par la tectonique des plaques et un cadre théorique de la dynamique interne grâce aux équations de la convection, mais finalement très peu de connexion entre les deux. Les paramètres nécessaires aux simulations numériques de la dynamique interne du manteau, comme les densités ou les viscosités des roches à haute température et haute pression,
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étaient peu accessibles à l’expérimentation et les mémoires des ordinateurs étaient bien loin de ce qu’il aurait fallu pour simuler de façon réaliste la vigueur de la convection du manteau. Les années 1980-1990 ont été extrêmement fécondes pour la géodynamique car plusieurs barrières sont tombées simultanément. La sismologie a commencé à produire des images tridimensionnelles de l’intérieur de la Terre (des tomographies), les moyens expérimentaux de la physique des hautes pressions ont permis de mesurer les propriétés des roches, et les moyens de calcul des ordinateurs ont pu atteindre les résolutions nécessaires pour modéliser le tout. La vision qui en découlait, assez simpliste par rapport à ce que nous savons maintenant, raccrochait de façon cohérente la géologie à la physique, la tectonique des plaques à la convection. La structure tomographique du manteau suggérait que les variations latérales de la vitesse de propagation des ondes sismiques observées étaient principalement dues à des variations thermiques, ce qui permettait de relier des mesures minéralogiques à des observations sismologiques. Ces variations 1 07
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3-SOUS LES PAYSAGES, UNE TERRE INCONNUE
u Cette simulation numérique de la convection thermique du manteau a été la première réalisée avec cette géométrie. Le calcul est fait pour la moitié de la figure et reproduit par symétrie. Des panaches chauds (rouge) de diverses formes apparaissent et remontent depuis la base du manteau, tandis que des lames froides sombrent depuis la surface. Cette simulation a mis en évidence la possibilité d’instabilités « avalanches » et l’extraordinaire mobilité simulée du manteau.
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u Expérience numérique de convection avec continent et tectonique des plaques évoluant au cours du temps. La figure de droite représente des isocontours de la température vue en 3D au même stade que la figure de gauche qui montre la température à une profondeur de 200 km avec le champ de vitesse en surface (vecteurs blancs) et la position du continent délimité par un rectangle gris. Au centre de la figure de gauche, une dorsale apparaît très clairement (bande rouge verticale).
thermiques étaient essentiellement dues à la subduction de la lithosphère océanique et le manteau profond devenait, alors, un fossile de la tectonique des derniers 200 millions d’années, le cimetière des subductions datant de la Pangée, le résultat ou la preuve des évolutions paléogéographiques. Enfin, nous avons montré, avec un collègue américain, comment la mécanique des fluides permettait de relier de façon assez simple et quantitative cette structure thermique, les densités associées et le champ de gravité terrestre. Le manteau et sa dynamique profonde devenaient conséquence et origine de la tectonique des plaques. Bien sûr, suivant le cours habituel de la recherche, de nouvelles observations sont venues rapidement complexifier ce modèle, d’abord marginalement et depuis ces dernières années plus notablement. Le fait que la sismicité des zones de subduction disparaissait vers 670 kilomètres de profondeur (on n’observe pas de séismes au-delà de cette profondeur) était maintenant vu comme la conséquence d’un changement de phase des silicates de la plaque plongeante (reproduit et observé en laboratoire) qui, en modifiant leur structure, relâchait leurs tensions élastiques sans empêcher leur pénétration dans le manteau profond. Le rôle de ce changement de phase a été étudié à Toulouse, par Philippe Machetel et ses collègues, qui ont montré comment la dynamique du manteau en était affectée. Ils ont suggéré que l’écoulement vers le manteau profond pouvait se produire de façon intermittente, par des événements qu’ils ont appelé « avalanches ».
Ce modèle, s’il réconciliait la dynamique profonde et superficielle du manteau, n’était pas en accord avec la géochimie. Les géochimistes, par l’étude des éléments en traces et de couples radioactifs, avaient observé que les laves émises par les volcans des dorsales océaniques étaient subtilement différents des volcans de points chauds comme Hawaii, la Réunion ou Sainte-Hélène qui surgissaient loin des frontières de plaques et semblaient relativement stables par rapport aux plaques lithosphériques en mouvement. Leur stabilité suggérait que leurs sources étaient profondes et cela semblait indiquer une différence chimique entre le manteau supérieur et le manteau inférieur qui n’aurait pu se maintenir si les zones de subduction venaient continûment se déverser dans le manteau profond. Sur ce sujet, les chercheurs ont toujours repéré avec autorité la paille dans les publications de leurs collègues, mais si les problèmes ne sont toujours pas résolus, ils ont bien évolué dans leur formulation. Tout d’abord, les géochimistes ont abandonné l’idée de réservoirs totalement isolés : au contraire, les preuves de recyclage se sont multipliées, des indices d’ancienne croûte océanique ou d’ancienne lithosphère ont été trouvés dans les laves des volcans de points chauds qui étaient censés échantillonner le matériel profond le plus primitif. Les géophysiciens de l’Institut de physique du globe de Paris, Anne Davaille et son équipe, ou ceux de Lyon, se sont aussi penchés sur le problème de la composition du manteau, réalisant que les modèles de convection purement thermiques étaient dépassés. Ils se sont intéressés à la convec1 09
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Tout milieu plus chaud à sa base qu’au sommet se met spontanément en mouvement. Les zones chaudes, plus légères, remontent tandis que les parties froides, denses, sombrent : il y a convection. Il en va ainsi de l’air, de l’eau… et du manteau de la Terre pourtant constitué de roches solides.
tion thermochimique où des grumeaux de compositions différentes pouvaient être entraînés, étirés, repliés, ségrégés par la convection. Les rôles de la croûte et de la lithosphère océanique comme sources d’hétérogénéités ont été étudiés. Si des pistes et des ponts ont été établis, il n’y a pas encore de solutions acceptées par tous, mais la vision d’un manteau rubané ou marbré comme un gâteau au chocolat a remplacé en grande partie celle d’un manteau constitué de réservoirs stratifiés et homogènes. Pourtant, si la façon dont la problématique est abordée a fortement progressé, de nouvelles observations doivent maintenant être prises en compte. La sismologie a amélioré sa description des hétérogénéités du manteau de grandes dimensions et il est devenu difficile de leur attribuer une origine uniquement thermique. L’étude simultanée des propagations d’ondes de compression et de cisaillement émises par les grands séismes montre l’existence de variations qui ne peuvent pas être d’origine thermique mais qui sont liées à la composition du milieu. L’anisotropie sismique est maintenant bien cartographiée dans le manteau proche de la surface. L’étude de la frontière entre le noyau et le manteau ne cesse de mettre en évidence de nouvelles bizarreries : des interfaces continues ou discontinues, de nombreuses hétérogénéités, de l’anisotropie, de la fusion partielle, etc. Le manteau inférieur, que l’on considérait comme minéralogiquement homogène, se révèle soudain comme possédant au moins deux transitions de phase, l’une liée à la présence du fer, découverte par James Badro, à Paris, l’autre à la structure générale des silicates. Nous voilà donc soudainement, par un de ces allers-retours habituels de la recherche, avec un grand nombre d’observations nouvelles provenant de différents domaines, géochimie, minéralogie, sismologie, et des difficultés à disposer l’ensemble de ces observations dans un cadre cohérent. Les deux pierres d’achoppement sont probablement la difficulté d’estimer précisément les incertitudes sur les amplitudes des modèles de tomographie sismique ; en effet, la sismologie est précise pour cartographier la géométrie des hétérogé-
néités, mais plus incertaine quant à leurs amplitudes. La seconde concerne la difficulté à comprendre les processus de fusion partielle qui brouillent le signal géochimique : quel magma est-il produit lors de la fusion d’un manteau hétérogène et comment ce magma est-il extrait ? Si l’effort principal de la physique du manteau a porté sur l’intégration des complexités de la minéralogie et de la géochimie, un autre domaine a aussi été très actif, avec des progrès remarquables. Il s’agit de la compréhension des propriétés mécaniques qui permettent de générer des plaques tectoniques d’une façon autocohérente, et, plus pratiquement, la manière de prendre en compte ces propriétés dans les simulations numériques. Cet aspect de la recherche a deux volets. Le premier est empirique : quels ingrédients sont-ils nécessaires pour que la convection s’organise en plaques ? Ce challenge numérique est pratiquement gagné. Depuis quelques années, des codes numériques peuvent simuler, en trois dimensions, la création de frontières de plaques ou leur cicatrisation. Le deuxième volet est plus fondamental et cherche à comprendre quels sont les mécanismes microscopiques d’endommagement – étudiables en laboratoire – qui conduisent aux propriétés macroscopiques de la lithosphère terrestre. Le chemin est encore long et nous ne savons pas si la localisation de la déformation aux frontières des plaques est due à de l’échauffement, à un changement de la taille des grains des minéraux, à la présence de minéraux hydratés particulièrement déformables… ou à cela tout ensemble. Les progrès des dernières années sont considérables, les équipes françaises y ont participé activement. Pourtant, il paraît toujours surprenant, alors que les missions Voyager atteignent les limites de la bulle hélioshérique1 à plus de 10 milliards de kilomètres, alors que le catalogue des planètes extrasolaires s’allonge chaque jour, que le passé de notre planète reste si difficile à révéler, caché dans l’obscurité lente du manteau terrestre.
1. Le soleil émet en permanence des particules : le vent solaire. Son domaine d’influence délimité par la rencontre avec le milieu interstellaire évoque une bulle, la bulle héliophérique. 110
u Cette carte représente les anomalies de hauteur du géoïde en mètres par rapport à un ellipsoïde de reference (modèle EGM 2008). Il s'agit de la surface équipotentielle du champ de gravité qui représenterait la surface d'une Terre couverte d'eau : elle passe par le niveau de la mer au repos (sans vague, ni courant) et sous la topographie des continents. Les grandes anomalies traduisent la répartition en densité des masses à l'intérieur de la Terre. Les creux correspondent à des régions de roches mantelliques plus denses, probablement plus froides, les bosses à des régions de roches moins denses, probablement plus chaudes. Grâce aux dernières missions de gravimétrie spatiale (GRACE), il est maintenant possible de modéliser la forme du géoïde au centimètre près pour une résolution de 200 km ou à mieux que le millimètre pour une résolution de 400 km À cette échelle, les variations hydrologiques deviennent quantifiables depuis l'espace. 1 11
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE 4. LE PASSÉ DE LA TERRE
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LE PASSÉ DE LA TERRE LA RECONSTITUTION DE L’HISTOIRE DE LA PLANÈTE
La Terre avant les premiers êtres vivants Bernard Marty
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Tectonique des plaques, points chauds et trapps volcaniques : de la surface à l’intérieur de la Terre Jean Besse et Éléonore Stutzmann
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La Terre en crise Vincent Courtillot et Frédéric Fluteau
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Nouveaux regards sur l’évolution et la biodiversité passée Didier Néraudeau
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Dater le passé de la Terre Nicolas Arnaud
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U Âge des fonds océaniques. Les plus récents (rouge) sont situés au milieu des océans, les plus anciens (bleu) près des côtes, avec une symétrie par rapport à l’axe des dorsales où se forme la lithosphère océanique avant d’être emportée de part et d’autre par la tectonique des plaques. L’océan s’ouvre beaucoup plus rapidement entre l’Antarctique et l’Australie, qu’entre l’Antarctique et l’Afrique. 1 13
u Ce paysage de la région de North Pole au nordouest de l’Australie (formation de Dresser du Craton des Pilbaras) représente sans doute l'environnement le plus ancien, le mieux préservé à la surface de la Terre. Les collines sont formées de dépôts volcano-sédimentaires, recoupés par des filons hydrothermaux datés à 3,45 millions d'années. Il s'agissait probablement du bord d'une caldera, dans un système de volcanisme d'arc soumis à une sédimentation peu profonde et à un hydrothermalisme actif.
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Les matériaux terrestres datent d’une histoire lointaine, du début du système solaire, il y a plus de 4,5 milliards d’années. De chocs en chocs, de collisions en collisions, des poussières, des blocs, puis des micro planètes se sont soudés, entrechoqués, ressoudés, grossissant, grossissant jusqu’à former notre Terre. Le chaos finit par se calmer, la vie à apparaître. En analysant les météorites et les roches les plus vieilles, les géochimistes nous racontent la naissance de notre planète.
LA TE R R E AVA N T LES P R E M IE R S Ê T R ES V I VA NTS Bernard Marty Géochimiste
ous vivons sur une planète bien mystérieuse, dont l’une des particularités est d’abriter une certaine forme d’organisation de la matière capable de se reproduire : la vie. Jusqu’à présent, aucune autre forme d’activité biologique n’a été identifiée dans le système solaire ni au-delà, démontrant la rareté des conditions nécessaires dans cet univers immense et froid. Quelle est donc la particularité de la planète Terre qui a permis ce développement ? Quand les premiers indices de vie sont-ils apparus ? Qu’est-ce qui a permis à la vie de se développer et de perdurer ? Comprendre comment l’environnement optimal pour le développement de la vie est apparu et la persistance de celui-ci sur des échelles de temps géologique pose des problèmes tout aussi difficiles à résoudre que l’origine de la vie elle-même. Plusieurs approches sont possibles : la recherche de planètes de type Terre dans les systèmes extrasolaires ; l’exploration d’autres planètes du système solaire comme analogues de la Terre jeune ; et la recherche du passé très lointain de la Terre grâce aux archives géologiques. Ces archives remontent à plus de 4 milliards d’années, quand la Terre était jeune et sans doute très différente de l’actuelle. Certaines des roches les plus anciennes sont sédimentaires et ont enregistré les environnements contemporains au développement de la vie. Leur décryptage ne fait que commencer.
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Dans le système solaire, seule notre planète a apparemment été capable de fabriquer un environnement adéquat. Pour cela, il fallait de l’eau liquide, du carbone en abondance, de l’énergie, une protection efficace contre le rayonnement cosmique et les colères du Soleil, et beaucoup, beaucoup de temps. Il fallait donc commencer très tôt. La Terre est née dans un enfer de roches et de métal en fusion peu après la naissance du Soleil, lors de collisions entre corps de tailles variables, voici 4,55 milliards d’années. L’une de ces collisions s’est faite avec un corps de la taille de Mars, créant la Lune lors d’un choc cataclysmique et volatilisant une grande partie de la proto-Terre. Aucune espèce chimique nécessaire à la vie n’a pu survivre à cet événement. Les collisions les plus importantes induisirent le développement d’océans de magma, permettant au fer et à ses compagnons chimiques de migrer vers le centre pour créer le noyau. Ces épisodes étaient géologiquement brefs et peut-être géographiquement limités, et la surface terrestre se solidifiait à nouveau, servant de réceptacle à une contribution ininterrompue de poussière fine, vestige des collisions entre petites planètes, et de corps de tailles et de compositions variables. Certains de ces objets provenaient des régions éloignées du Soleil où les éléments nécessaires à la vie comme le carbone, l’azote, l’eau, le soufre avaient pu se condenser sous forme de glace ou s’incorporer dans de la matière organique primitive.
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
4. LE PASSÉ DE LA TERRE
L’Hadéen débute avec la formation de la Terre voici 4,5 milliards et s’achève avec l’apparition de la vie et des premiers sédiments il y a environ 3,8 à 4 milliards d’années.
UPour comprendre la manière dont les différentes enveloppes de la Terre (croûte, manteau, noyau) se sont individualisées, les scientifiques ont recours à des expériences numériques. Celle-ci simule (à gauche) un stade de l’évolution de la Terre où le noyau a commencé à s’individualiser par percolation de gouttes de liquide riche en fer (marron). Le manteau solide (gris) se développe vers le haut et vers le bas (à droite), par refroidissement et cristallisation d’un océan de magma (jaune). À un stade ultérieur tout le manteau est solidifié, il ne reste plus qu’un vestige de l’océan magmatique primordial à la limite noyau-manteau.
Quand la vie est-elle apparue sur Terre ? Nous ne le savons pas exactement, mais nous avons peut-être des indices géologiques dès 3,8 milliards d’années. C’est en effet l’âge des roches sédimentaires (qui par nature se forment par érosion et dépôt en milieu aqueux) les plus anciennes au Groenland et au Canada et, si la vie existait à cette époque, son témoignage est à chercher dans de tels échantillons. Certains pensent l’avoir trouvé, sur la base de la présence de carbone fossile ayant une signature isotopique compatible avec une origine vitale. Les roches de 3,8 milliards d’années ont malheureusement été très perturbées lors de leur enfouissement ultérieur, atteignant des températures supérieures à 600 °C qui effacèrent les indices. En revanche, des terrains volcano-sédimentaires âgés de 3,5 milliards d’années en Australie de l’Ouest, qui ont été peu chauffés (moins de 200 °C), abritent des structures semblables à celles qui sont fabriquées par des algues unicellulaires tout au long de l’histoire géologique, les stromatolites. On peut raisonnablement penser que l’apparition de la vie est antérieure à 3,5 milliards d’années, même si les premières preuves indiscutables sont dans des unités âgées de 2,7 milliards d’années. La période appelée Hadéen, comprise entre la naissance de la Terre voici 4,5 mil-
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liards d’années et l’âge des roches sédimentaires les plus anciennes (3,8-4 milliards d’années), a été cruciale pour l’évolution de notre planète, car elle a vu le passage du chaos à un environnement sans doute pas très différent de l’actuel. Les processus et mécanismes en jeu sont cependant mal compris car les témoins géologiques sont très rares. La Terre a en effet une surface très active, constamment détruite et remodelée par la tectonique des plaques qui a détruit les roches antérieures à 4 milliards d’années, ne laissant que quelques rares minéraux isolés dans des terrains plus récents – quelques zircons (des silicates de zirconium) – pour raconter cette histoire. Ces reliques nous fournissent cependant des informations capitales. Ainsi, la croûte terrestre était déjà largement développée à l’Hadéen et l’eau liquide, nécessaire à la formation de la croûte, circulait déjà il y a 4,3 milliards d’années, soit environ 200 millions d’années après le début de la formation terrestre. Le manteau était beaucoup plus actif qu’actuellement et cette activité, stimulée par une température terrestre plus élevée – conséquence de l’accrétion récente et d’une radioactivité trois à quatre fois supérieure à l’actuel –, induisait des crises volcaniques majeures. Les corps extraterrestres continuaient de pleuvoir, pour culminer avec un bombardement intense il y a 3,8 milliards d’années, encore inscrit
uCertaines météorites appelées chondrites sont constituées de sphérules silicatées de taille millimétrique, d'origine ignée, et d'une matrice formée à plus basse température. Elles proviennent de corps primitifs trop petits pour avoir fondu et évolué vers des planètes de type Terre, et représentent vraisemblablement le meilleur analogue que nous ayions pour la composition initiale de la Terre.
dans la surface lunaire. Ce dernier épisode fut peut-être le résultat d’une perturbation gigantesque du système solaire lointain, qui vit le réarrangement des planètes géantes (Uranus et Neptune ont peut-être échangé leurs orbites !) et l’envoi de matière riche en gaz vers l’intérieur du système solaire. Le système solaire semble s’être calmé depuis cette époque, même si des bolides capables de stériliser partiellement la Terre ont continué de la frapper. La Terre était-elle un enfer permanent durant cette période clé qu’est l’Hadéen? Ce n’est pas sûr, et il est même possible que la surface de notre planète ait été périodiquement glacée. En effet, la température environnementale d’une planète dépend de l’effet de serre joué par son atmosphère, et le Soleil jeune fonctionnait à cette époque à 75 % de sa luminosité actuelle, permettant des conditions de surface plus froides. En contrepartie, l’atmosphère primitive était sans doute beaucoup plus massive et ressemblait peut-être à celle de Vénus (100 bars et 450 °C au sol). Contrairement au cas de Vénus cependant, notre atmosphère s’est ensuite raréfiée en se dissipant dans l’espace durant environ 200 millions d’années. Le CO2, gaz à effet de serre important, a peut-être également été séquestré par enfouissement dans le manteau, et la température est descendue jusqu’à permettre la formation des océans lors d’un déluge gigan-
tesque. Mars a dû avoir également des conditions clémentes dans sa jeunesse qui permirent à l’eau liquide d’exister, mais son atmosphère et hydrosphère se sont ensuite raréfiées jusqu’à disparaître presque complètement. Qu’est-ce qui a rendu la Terre si spéciale comparé à ses sœurs ? Apparemment, la Terre se trouvait au bon moment et au bon endroit, mais les mécanismes en jeu restent à découvrir. Le bombardement des surfaces planétaires par des corps plus ou moins riches en éléments volatils – qui comporte par essence un caractère aléatoire –, la distance au Soleil et l’activité de ce dernier sont certainement des mécanismes capables d’avoir modulé l’atmosphère terrestre de l’époque. Si la vie s’est effectivement développée durant l’Hadéen, elle a dû résister à plusieurs processus stérilisateurs, comme le rayonnement cosmique et solaire, et les impacts. Elle devait donc être protégée, sans doute sous une épaisseur d’eau chaude, assurant à la fois un écran efficace contre le rayonnement et un milieu propice au développement d’une chimie organique complexe. La vie devait aussi résister au bombardement par des corps massifs, les mêmes qui ont, sur la Lune, créé des cratères d’impact de plusieurs centaines de kilomètres. D’après l’enregistrement lunaire cependant, l’intervalle de temps entre deux impacts majeurs a pu être de quelques dizaines de millions d’années
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u Section en lame mince de silex (formation Jixian, Chine) ayant 1,4 milliard d'années, observée au microscope optique polarisant, montrant la structure de la silice à l'échelle micrométrique avec l'association de quartz radiaire et de quartz microcristallin. Ce dernier préserve la mémoire isotopique des conditions de formation de ces roches. Son analyse a contribué à la détermination de la température de l’océan au cours du temps. Vers 3 milliards d’années, il était bien plus chaud qu’actuellement : 60 à 80 °C.
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u Les roches claires (à gauche) ont un âge supérieur à 3,8 milliards d'années, soit seulement 700 millions d'années après le début du système solaire. Elles représentent probablement le plus vieil ensemble sédimentaire au monde. Lors de mouvements tectoniques postérieurs à leur formation, ces roches ont été portées à haute température et haute pression et ont en partie perdu le message originel sur leurs milieux de dépôt. Leur origine sédimentaire a été établie grâce à des signatures isotopiques particulières. Elles contiennent, dans certains minéraux, des inclusions microscopiques riches en carbone qui pourraient représenter des formes de vie actives à cette époque. (Les roches sombres à droite sont d'origine magmatique.)
u Cette lave d’Isua (Groenland), datée à 3,8 milliards d'années, a la forme en coussin typique d’éruptions sous-marines. L'analyse fine de certains isotopes a montré qu’à cette époque, le manteau terrestre échantillonné par cette lave n'était plus du tout primitif, et ce depuis longtemps. Ce manteau archéen avait en effet été affecté très largement par l'extraction des continents, dans les premiers 150 millions d'années après le début du système solaire. U Cette météorite (pallasite d'Esquel, Argentine) est supposée représenter l'interface noyau-manteau d'astéroïdes. Les compositions isotopiques du fer mesurées sur les olivines (grains de couleur verte) et le métal de ces météorites permettent d'étudier la différenciation du matériau originel des planètes telluriques en noyau et manteau.
(c’est par exemple l’intervalle de temps qui nous sépare des dinosaures), et il est possible qu’une biosphère naissante ait pu survivre, pour peu qu’une niche vitale ait échappé au cataclysme. À quoi pouvait bien ressembler la Terre à cette époque ? On peut essayer d’en faire le tableau à la lumière des informations ténues que nous avons. La Lune était énorme dans le ciel car dix fois plus proche, et son attraction provoquait des marées de plusieurs centaines de mètres d’amplitude. Les océans étaient chauds, avec peut-être des températures proches de l’ébullition comme le suggère l’analyse de la silice précipitée à cette époque au fond des mers d’alors. La surface terrestre était moins protégée du rayonnement spatial stérilisateur car le champ magnétique terrestre, conséquence de la dynamo créée par le noyau en se refroidissant, était encore faible, voire absent. Il s’ensuivait de magnifiques aurores boréales tout autour de notre planète, mais également une photochimie complexe dans l’atmosphère et à la surface de l’époque. L’atmosphère riche en CO, CO2, azote et espèces soufrées ne comportait pas encore
d’oxygène libre, mais avec l’oxygène commença une autre histoire, dominée cette fois par l’expansion de la biosphère qui, peu à peu, sculpta son propre environnement. Que faire pour progresser dans notre connaissance du premier milliard d’années de la Terre ? L’échantillonnage de sédiments très anciens, notamment par des forages dédiés en Australie et, bientôt, en Afrique du Sud, permet d’avoir un accès croissant à des échantillons peu altérés uniques. Une moisson d’information nous vient de l’espace. Les missions de retour d’échantillons extraterrestres, notamment de matière lunaire, solaire, cométaire et, un jour, martienne, nous permettent peu à peu de reconstituer le puzzle des filiations précoces. Et l’observation de plus en plus précise de systèmes planétaires extrasolaires nous permettra peut-être de répondre un jour à une question somme toute agaçante : sommes-nous seuls dans l’Univers ?
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4. LE PASSÉ DE LA TERRE
u Tomographie sismique du manteau à 2 900 km, à la limite noyau-manteau. Les zones orangées représentent les zones où les ondes sismiques se propagent relativement plus lentement, on considère qu’elles indiquent des courants ascendants de matière chaude dans le manteau. Les zones bleues localisent les zones où les ondes sismiques se propagent au contraire relativement plus rapidement et situent des régions plus froides. Les points et les étoiles localisent le volcanisme des points chauds actuels, les étoiles marquant les points chauds responsables des trapps.
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Wegener mourut tragiquement sans savoir qu’il avait inspiré des générations de géologues et géophysiciens. Non seulement les continents dérivent, comme il l’avait observé, mais ils se cassent et se ressoudent au gré des cataclysmes volcaniques et des mouvements profonds du manteau de la Terre.
TECTONIQUE DES PLAQUES, POINTS CHAUDS ET TRAPPS VOLCANIQUES : DE LA SURFACE À L’INTÉRIEUR DE LA TERRE Jean Besse et Éléonore Stutzmann Paléomagnéticien et sismologue
Le météorologue allemand Alfred Wegener découvrit dès 1912 que la répartition des continents, il y a plus de 200 millions d’années, était très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Il proposa une théorie nouvelle stipulant qu’il existait jadis un continent gigantesque baptisé Pangée, qui s’est ensuite fragmenté pour donner naissance aux continents actuels. Les arguments climatiques, géologiques et paléontologiques, plutôt convaincants de Wegener, furent jugés insuffisants par la communauté des géophysiciens, qui se demandait quel moteur interne inconnu était à l’origine des déplacements immenses que cette théorie impliquait. Il fallut attendre cinquante années supplémentaires pour aboutir à une nouvelle théorie, la tectonique des plaques. Elle émergea de progrès observationnels considérables liés à l’exploration massive et systématique des océans à partir de la Seconde Guerre mondiale, et à l’idée que les mouvements horizontaux de l’écorce terrestre pouvaient être liés à la convection thermique du manteau. L’exploitation des propriétés du champ magnétique terrestre a joué un rôle capital dans cette découverte en permettant tout d’abord au paléomagnétisme qui utilise le champ magnétique fossile enregistré par les roches de démontrer la dérive des continents dès la fin des années 1950 ; et ensuite d’étudier les mécanismes et la géométrie fine de l’ouverture des océans au cours des temps géologiques, grâce à l’interprétation des inversions du champ magnétique fossilisés dans le plancher océanique. Il existe dans l’océan des frontières divergentes, les dorsales, qui sont le lieu de création des plaques océaniques et le siège majeur du volcanisme sur Terre. La création de plaques nouvelles est compensée dans les zones de subduction, où des plaques océaniques plongent dans les profondeurs du man-
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teau. On trouve à l’intérieur des plaques continentales ou océaniques un autre type de volcanisme, le volcanisme de « point chaud » (comme actuellement Hawaii, la Réunion, ou le Tibesti) lié à la remontée des profondeurs du manteau de matériel très chaud, les « panaches », dont quelques-uns ont probablement leur origine à la limite noyau-manteau, à 2 900 kilomètres de profondeur. Ce volcanisme, bien moins abondant que celui des rides, est néanmoins passionnant car il donne lieu de temps en temps à des éruptions remarquables par leur durée très courte à l’échelle des temps géologiques et par leur superficie. Très souvent situé sur les futures grandes zones de rupture continentales, il constitue de véritables provinces volcaniques appelées trapps, et est sans doute également responsable des grandes extinctions (voir le chapitre de V. Courtillot dans ce volume). La possibilité de confronter les données d’observation de la dynamique interne de la Terre à celles de la dérive des continents est récente. Éruptions, ruptures et dérives continentales Notre reconstruction à 250 millions d’années montre la présence de deux gigantesques trapps, l’un en Sibérie, l’autre en Chine. À cette époque, il existait un seul continent, la Pangée (celle de Wegener) partiellement coupé en deux par l’océan Téthys. Une guirlande de petits blocs qui constitue aujourd’hui une partie de l’Indochine, la Chine et l’Asie centrale ferme cet océan à l’est. Un autre trapp, nommé CAMP (Central Atlantic Magmatic Province) par les géologues, se met en place vers 200 millions d’années entre Afrique et Amérique du Nord. Il est suivi par un épisode d’étirement du continent, le rifting, qui conduira à la naissance de l’océan Atlantique central. Pendant ce temps,
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250 Ma
4. LE PASSÉ DE LA TERRE
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Basaltes Emeishan (258 Ma)
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> Marges Atlantique central (200 Ma)
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
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continents de 250 à 30 millions d’années (Pangée). Les cercles localisent les grandes crises volcaniques associées à des ouvertures océaniques, certaines ayant construit d’immenses plateaux basaltiques (trapps). Les zones de subduction où le plancher océanique s’enfonce sous les continents sont également shématisées. Les barbules indiquent la direction du plongement et les flèches la direction du mouvement des plaques océaniques.
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u Reconstitution de la position des
> > Groënland (59-60 Ma)
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zone de subduction
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au sud, des blocs arrachés du Gondwana dérivent vers le nord. Cette remontée crée une vaste zone de subduction au sud de la Sibérie, avec laquelle ils rentreront en collision vers 130 millions d’années. Le Gondwana commence sa dispersion, d’abord par l’ouverture du bassin de Somalie (trapps du Karoo vers 190 millions d’années) puis explose littéralement en créant les océans que nous connaissons aujourd’hui, l’Atlantique Sud, précédé par les trapps de Paraná-Etendeka (130 millions d'années) et l’océan Indien, précédé par ceux de Kerguelen-Rajmahal vers 118 millions d’années, puis de Madagascar vers 88 millions d’années. Peu avant 80 millions d’années, l’Inde se détache de Madagascar et monte vers le nord à une vitesse record, de 170 kilomètres par million d’années, vers une nouvelle zone de subduction au sud de l’Asie et laisse derrière elle la région des Seychelles après l’éruption cataclysmique des trapps du Deccan vers 65 millions d’années. L’Inde poursuit sa montée et entre en collision avec l’Asie, donnant alors naissance à l’Himalaya vers 50 millions d’années. Le front de collision est généralisé du Pacifique à l’Atlantique et les derniers vestiges de la Téthys disparaissent. De cette époque date également l’ouverture de la mer Rouge vers 30 millions d’années également ponctuée par les trapps d’Éthiopie. En ce qui concerne l’océan Pacifique, nous n’avons que peu d’informations précises avant 130 millions d’années. Son expansion est sans doute permanente, et les zones de subduction forment un continuum sur son pourtour, des Amériques aux Aléoutiennes, puis de l’est de l’Asie à l’Australie.
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80–130 Ma
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Que se passe-t-il en profondeur ? A-t-on une idée de l’origine des trapps ? Que deviennent ensuite les plaques à l’intérieur de la Terre, dans le manteau ? La tomographie sismique est l’outil dont nous avons besoin à ce stade. Les images des structures à grande échelle de la planète et du manteau produites par les sismologues révèlent des zones de matériel froid et dense qui plongent tandis que d’autres zones correspondent à du matériel plus chaud, moins dense qui remonte et dont on peut dans certains cas retrouver les traces sous forme de volcanisme à la surface de la Terre. Mais la tomographie donne accès uniquement à la position actuelle des grandes structures du manteau et pour comprendre la localisation et la morphologie des plaques plongeantes et des panaches il faut également considérer leur histoire temporelle. Celle-ci est accessible en considérant les observations géologiques de surface et le mouvement des plaques. Examinons le cas des trapps, puis de la subduction sur la côte ouest des Amériques. Les cartes issues des modèles tomographiques globaux montrent à 2900 kilomètres de profondeur, juste à la limite du manteau et du noyau, une large anomalie de vitesse lente signalant du matériau chaud (en rouge orangé sur nos cartes) de forme allongée entre le nord de l’Islande et le sud-ouest de l’océan Indien, en passant sous l’Atlantique Est et une grande partie de l’Afrique. Une anomalie lente, en gros symétrique, se trouve également dans le Pacifique. Sur la figure qui représente la situation actuelle, les principaux points chauds volcaniques se trouvent tous au-dessus ou à la périphérie de
Groënland (59-60Ma)
Trapps si bériens (250Ma)
BTIP Marges Atlantique central (200Ma) Trapps Parana-Etendeka (133-131Ma)
Trapps éthiopiens (30Ma) Trapps Karoo (184Ma)
Volcanisme Ferrar (184Ma)
Il existe à la surface de la Terre, comme en Inde, en Sibérie ou au Brésil, d’immenses plateaux couvrant 200 000 à 1 500 000 km2, constitués uniquement par l’accumulation de coulées de laves basaltiques. Ces trapps atteignent des épaisseurs de plusieurs kilomètres.
cette anomalie, établissant un lien fort entre volcanisme en surface et zones chaudes très profondes de l’intérieur de la Terre, bien que les mécanismes précis de transfert et le caractère épisodique de leur existence soient encore débattus par la communauté scientifique. La reconstruction de la position initiale des trapps anciens au moment de leur formation montre que tous, sans exception, se trouvaient également au-dessus ou à la périphérie de la zone chaude actuelle à 2 900 kilomètres. Si nous regardons avec attention la figure montrant la position des points chauds actuels, nous nous apercevons que l’on retrouve les plus importants d’entre eux (figure avec les étoiles, page 120) non loin de la verticale des trapps reconstruits. Il semble donc qu’il existe une pérennité des instabilités qui génèrent certains de ces points chauds sur des temps très longs (bien que leur activité puisse être périodique), ainsi que la persistance à l’échelle des temps géologiques de grandes cellules chaudes avec une géométrie similaire à celle de l’actuelle. Mais à quoi correspondent les grandes zones bleues (associées à des vitesses rapides et des matériaux froids) que l’on voit sur ces images de tomographie globale du manteau inférieur autour du Pacifique et dans la Téthys? On les interprète comme des fragments de plaques océaniques qui auraient sombré, dans le passé, par subduction dans le manteau. Ainsi, les zones de subduction ont bougé au cours des 250 derniers millions d’années, mais elles sont restées situées, pour la plupart, autour du Pacifique et dans la Téthys. La coupe tomographique de la Terre montre la plaque pacifique qui sombre dans
Trapps Deccan (65Ma)
Basaltes Emeishan (258Ma)
Rajmahal
u La position des anciennes zones d’ouverture océanique et des grands épanchements volcaniques de type trapps a été reportée sur la tomographique sismique de la limite manteaunoyau. On constate que ce volcanisme en surface correspond à la périphérie des régions du globe les plus chaudes en profondeur (orange) interprétées comme des courants ascendants chauds de matière dans le manteau. U Cette figure montre en haut une tomographie du manteau de la Terre, avec un agrandissement au niveau de la subduction du Pacifique sous l’Amérique. Les matériaux froids (bleu) semblent être entraînés jusqu’au bas du manteau. En retour, des panaches chauds (orange) remontent de la limite manteau noyau vers la surface.
le manteau, jusqu’à atteindre la surface extérieure du noyau ! Sur la même image, on voit également des courants chauds, ascendants (en orangé), plus diffus, donnant naissance aux panaches qui construisent en surface les volcans actuels du Cap-Vert et de Crozet. Ils pourraient comme nous l’avons vu précédemment être en fait les successeurs des anciens points chauds qui ont produit respectivement les trapps du CAMP à 200 millions d’années et les trapps de Rajmahal vers 120 millions d’années. Ainsi, la tomographie sismique nous fournit les images des structures du manteau profond. Les anomalies de vitesse sismique rapide correspondent aux plaques froides qui plongent tandis que les anomalies de vitesse lente sont associées aux courants chauds montants. La résolution des modèles tomographiques s’améliore progressivement grâce à l’apport de nouvelles données et aux progrès théoriques. L’analyse conjointe de ces nouveaux modèles et de la cinématique des plaques va permettre de localiser dans le manteau des frontières de plaques qui ont disparu de la surface de la Terre, de comparer différentes plaques en subduction ou encore de déterminer les paramètres qui contrôlent la descente des plaques dans le manteau. Cette approche permettra également d’identifier les courants chauds ascendants dans le manteau. Pour l’instant, ceux-ci restent difficiles à identifier et les résultats sont encore polémiques. Les progrès viendront de l’amélioration des modèles et des études pluridisciplinaires.
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u Paysage des trapps du Deccan, Inde.
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Il faut admettre la disparition de la civilisation minoenne par l’explosion de l’île Santorin et le tsunami qui suivit, faire appel à notre imaginaire face aux squelettes gigantesques des dinosaures, pour penser une Terre globalement en crise. Pourtant, elle le fut bien, à plusieurs reprises de son histoire, tantôt recouverte de glace, tantôt subissant des éruptions cataclysmiques.
LA TERRE EN CRISE Vincent Courtillot et Frédéric Fluteau Géophysiciens
nos échelles, des événements brusques et parfois dangereux affectent la vie sur Terre, et notamment celle de notre espèce. Certains sont les conséquences des caprices de l’atmosphère, d’autres de la puissante dynamique interne de notre planète, d’autres enfin des interactions entre processus externes et moteurs internes (inondations, glissements de terrain, tsunamis). La distribution dans l’espace et dans le temps de ces événements suit les logiques de la circulation atmosphérique et de la tectonique des plaques. On s’intéresse davantage aux événements les plus puissants, qui sont généralement les plus rares et c’est le travail de l’historien puis du géologue de remonter de plus en plus profondément dans le temps et d’enquêter sur l’intensité des crises plus anciennes. Pour imaginer ce que la Terre est capable d’engendrer de plus fort, il faut plonger dans les millions d’années. On doit aux paléontologues d’avoir mis en évidence le fait que la biodiversité fluctuait, même si elle tend à augmenter de manière générale, mais très irrégulièrement. À plusieurs périodes de l’histoire de la Terre, les populations s’effondrent et de nombreuses espèces disparaissent en un temps géologiquement court. Ce sont les « extinctions en masse ». Bien que certains biologistes aient proposé que de telles extinctions aient pu se produire sous le simple effet des relations entre espèces, la plupart des scientifiques cherchent d’autres pistes et des causes externes aux processus de la vie elle-même. Nous nous intéressons ici à ces événements d’une ampleur exceptionnelle, dont l’espèce humaine ne peut avoir l’expérience directe puisque le plus récent date d’une trentaine de millions d’années. Nous ne disposons de fossiles suffisamment nombreux que depuis environ 570 millions d’années, époque où la vie a inventé le squelette minéral. Au cours
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du Phanérozoïque1, une dizaine d’extinctions en masse se sont produites. Des datations soigneuses montrent que la plupart durent environ un million d’années. La plus célèbre de ces crises, la crise Crétacé-Tertiaire2 (ou limite KT), marque la fin de l’ère secondaire3 et le début de l’ère tertiaire4. En fait, on estime que sans doute 65 % de toutes les espèces qui peuplaient la Terre ont alors disparu. Depuis 1980, des centaines de chercheurs ont tenté d’élucider les causes de cette dernière grande crise de la Terre. C’est l’équipe de Luis Alvarez et son fils Walter (géologue à Berkeley) qui a relancé le débat, en identifiant dans les sédiments de la limite KT de nombreuses anomalies, dont des concentrations inhabituelles d’iridium (un métal rare dans les roches de la croûte terrestre) et des minéraux ayant subi des chocs d’une intensité inouïe. En 1980, ils ont proposé que l’impact d’une météorite de 10 kilomètres de diamètre était responsable de l’extinction en masse. Dix ans après, était découvert et daté un cratère de plus de 100 kilomètres de diamètre enterré sous les sédiments de la péninsule du Yucatan, au Mexique. Il ne semble plus faire de doute qu’un impact a bien eu lieu et que son âge coïncide avec celui de l’extinction en masse. L’affaire était-elle réglée? Beaucoup le pensaient et nombreux sont ceux, notamment aux États-Unis, qui le pensent encore. Mais au milieu des années 1980, plusieurs équipes commencent à trouver des insuffisances dans la théorie de la météorite. Certains paléontologues sont persuadés que les extinctions ont commencé avant l’impact et qu’il y a donc une autre cause. Notre équipe découvrit en 1986 qu’une énorme étendue de laves basaltiques, les « trapps du Deccan », en Inde, s’était épanchée en très peu de temps, assez précisément au moment de l’extinction Crétacé-Tertiaire. Après vingt ans de travaux complémentaires, cette découverte a été confirmée et précisée.
1. Qui signifie période pendant laquelle les traces de vie sont apparentes dans les roches. / 2. Ou KT il y a 65 millions d’années. 3. Ou Mésozoïque, âge de la « vie moyenne ». / 4. Le Cénozoïque, âge de la « vie récente ». 125
U Les expériences de laboratoire et les simulations numériques donnent une idée du mécanisme de formation des panaches du manteau qui seraient à l’origine de l’éruption de ces immenses plateaux basaltiques. Une source de chaleur ponctuelle (point chaud) génère un panache qui se développe comme un champignon. Lorsque la tête arrive en surface, il se produit des éruptions répétées et abondantes. Une fois la tête du panache purgée, succède un volcanisme plus ordinaire, alimenté par la queue du panache. On explique ainsi la formation du plateau du Deccan, il y a 65 millions d’années, par l’émergence de la tête d’un panache. Les îles Chagos, Laquedives et Maldives sont l’expression de surface de la queue, dont le point d’émergence actuel est à l’île de la Réunion.
Le volcanisme géant pouvait-il être causé par l’impact de la météorite ? L’observation en Inde de l’anomalie chimique d’iridium au-dessus des premières coulées volcaniques, donc postérieure, démontre très simplement que ce ne fut pas le cas. Plusieurs équipes ont alors étudié les autres extinctions, et notamment la plus violente de tous les temps fossilifères, celle qui au Permo-Trias marque la fin de l’ère primaire5 et le début de l’ère secondaire. 95 % des espèces et sans doute 99 % de tous les individus vivant sur Terre ont alors disparu. La vie est passée à 1 % de l’extinction complète, et nous sommes tous les descendants des survivants de la séquence de toutes ces catastrophes! Le trapp volcanique responsable de cette extinction est en Sibérie, mais aucune trace convaincante de l’impact d’un astéroïde. Une synthèse parue en 2003 indique que chaque extinction en masse a désormais un trapp associé. Presque tous les trapps correspondent à une crise majeure dans l’histoire de la Terre. Aucune crise, autre que la KT, ne semble associée de manière convaincante à un impact. Par ailleurs, de très grands cratères d’impact ne sont associés à aucune crise biologique. Bien que le débat ne soit pas clos, il semble que ce soient de gigantesques éruptions volcaniques (celles des trapps du Deccan recouvriraient de lave une surface comme la France sur 4 kilomètres d’épaisseur!) qui ont été le responsable premier de toutes les extinctions en masse. À la limite KT, un impact est venu ajouter son stress au stress volcanique préexistant et a encore amplifié la crise. Nous avons essayé de comprendre comment le volcanisme de masse induit les modifications du climat et de l’environnement responsables des crises biologiques. La cause semble être le dioxyde de soufre associé au volcanisme. Injecté
U Cette figure montre la correspondance chronologique entre les grandes éruptions volcaniques et épisodes d’extinction biologique ou d’anoxie de l’océan, qui ont été à la base de la définition de l’échelle stratigraphique.
dans la stratosphère (entre 20 et 50 km d’altitude), il produit des masses considérables d’aérosols d’acide sulfurique qui arrêtent une partie des radiations solaires, causant un refroidissement de la surface de la Terre. Les éruptions récentes du Chichón (982), du Pinatubo (1991) et surtout celle du Laki en Islande (1783) nous ont révélé l’importance du soufre volcanique dans les modifications climatiques. Certaines coulées du Deccan, gigantesques (peut-être 10000 kilomètres cubes), se sont mises en place en moins d’un siècle! Ainsi, les conséquences climatiques des deux types de catastrophe naturelle (impact et éruption) se jouent sur les mêmes échelles de temps! En conséquence, les géologues ont sans doute de précieuses informations à fournir aux spécialistes de la modélisation et de la prédiction climatique, et les crises de la Terre doivent être comparées aux fluctuations actuelles, naturelles ou anthropiques, du climat. La Terre est le lieu d’autres crises majestueuses qui se mesurent en dizaines de millions d’années : déchirure des continents et ouverture de nouveaux océans, collision de continents et fermeture d’anciens océans. Y a-t-il un lien entre les crises que nous venons de décrire et les lents processus de la tectonique des plaques? Peut-être. Certains pensent que les trapps marquent l’émergence à la surface de la Terre d’énormes « bulles » de matériau chaud et léger provenant peut-être de la base du manteau, près de la frontière du noyau, à 2900 kilomètres de profondeur (on parle de panaches). Les éruptions des trapps coïncident très souvent avec la déchirure des continents sous lesquels ils émergent et déclenchent, peut-être indirectement, l’ouverture de nouveaux océans. Ainsi, l’océan Atlantique garde la mémoire de trois grands événements : l’ouverture de l’Atlantique central il y a 200 millions d’années avec les trapps de la province centre-atlantique (que l’on 5. Ou Paléozoïque, âge de la « vie ancienne ».
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u Carte des trapps et de leurs âges, avec indication des points chauds associés le cas échéant. NB : CFB = Columbia Flood Basalt ; CAMP = Central Atlantic Magmatic Province. retrouve du New Jersey au Maroc et de la Guyane à l’Afrique de l’Ouest et au Maroc), associés à la crise Trias-Jurassique ; l’ouverture de l’Atlantique sud il y a 135 millions d’années avec les trapps du Paranà au Brésil et d’Etendeka en Namibie; et enfin l’ouverture, il y a 55 millions d’années, de l’Atlantique nord marquée par les trapps du Groenland. Une autre forme de crise climatique de la Terre correspond aux rares périodes de glaciation. La plupart du temps (géologique), les pôles sont dénués de glaces permanentes et la Terre est chaude. Les glaciations qui affectent la Terre, depuis quelques millions à dizaines de millions d’années, sont géologiquement assez récentes. Des épisodes de glaciation ont marqué le Carbonifère6 et l’Ordovicien7. Auparavant, en quelques périodes également rares, la Terre aurait subi des glaciations quasi complètes : on parle de la Terre « boule de neige » ou snowball Earth. Les dernières sont datées entre 720 et 670 millions d’années8, et entre 670 et 630 millions d’années9. Leurs causes sont encore débattues, mais Joe Kirchvink, du Caltech, a proposé en 1992 l’idée que la répartition tropicale des continents aurait intensifié l’altération continentale et piégé suffisamment de CO2 pour réduire l’effet de serre et permettre l’entrée en glaciation, scénario étayé par des chercheurs de Harvard grâce à des observations géologiques nouvelles. Récemment, des climatologues et géochimistes de Gif-sur-Yvette et de Toulouse ont montré que la fragmentation de l’ancien super-continent de Rodinia a pu également conduire à une hausse du degré d’altération chimique des continents et à une baisse importante de la teneur de l’atmosphère en CO2. Mais ce mécanisme astucieux ne suffit pas. L’altération du basalte frais des trapps consomme une telle quantité de dioxyde de carbone qu’un million d’années après l’éruption d’un
trapp, son altération en aurait consommé plus qu’il n’en avait émis, laissant l’atmosphère refroidie par rapport à la période antérieure. L’altération d’un énorme trapp émis lors de la fragmentation de Rodinia aurait entraîné la baisse de la teneur en CO2 en dessous d’un seuil fatidique d’englacement total de la Terre (ou presque). C’est ce qui semble s’être produit lors de la glaciation sturtienne. Mais le volcanisme aurait continué imperturbablement en traversant bien sûr la glace. L’atmosphère se serait rechargée en CO2 jusqu’à ce que l’effet de serre devienne suffisant pour refondre la glace et sortir la Terre de cette phase réfrigérée. Ce scénario est actuellement le plus convaincant, même s’il ne peut pas encore expliquer la glaciation marinoenne. On a récemment remarqué que les plus grandes extinctions suivent de quelques millions d’années de longues périodes (dizaines de millions d’années) au cours desquelles le champ magnétique terrestre a cessé de s’inverser 10. Cette observation permet de faire un lien entre le noyau liquide où se construit la dynamo terrestre et les trapps : le lien, qui va de la base au sommet du manteau et traverse la croûte, ce sont les panaches rapidement évoqués plus haut. Les trapps résultant de la fusion de matériel du manteau terrestre remonté dans des « panaches » profonds semblent donc être des agents importants, voire primordiaux, des crises de la Terre depuis au moins un milliard d’années. Ainsi, la jeunesse de la Terre est l’âge des « crises d’impact », sa période récente celui des « crises de trapps ». Le dernier, survenu en Éthiopie, Somalie et au Yémen, date de 30 millions d’années. Il y a en moyenne un grand trapp tous les 30 millions d’années (mais soyons honnêtes, de manière très irrégulière et imprédictible). Alors, à quand le prochain ?
6. 300 à 350 millions d’années. / 7. 440 millions d’années. / 8. Glaciation « Sturtienne ». / 9. Glaciation « Marinoenne ». / 10. On parle de « superchrons ». 127
u Petite guêpe parasite (Hymenoptère platygastridae de 1,9 mm de long) trouvée dans l’ambre du Crétacé inférieur (100 millions d’années) de CharenteMaritime. Parfaitement préservé dans ses moindres détails, malgré son grand âge, cet insecte a été englué dans la résine en gardant une posture extraordinaire, donnant l’impression qu’il a été figé en plein vol ! Une telle qualité de préservation des insectes fossiles permet d’analyser leur morphologie comme s’il s’agissait d’espèces actuelles ; cela rend particulièrement précis, et plausible, leur interprétation en termes d’évolution et de reconstitution des paléoenvironnements.
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Le temps permet le récit, la reconstitution de l’histoire individuelle ou collective, celle de l’évolution que les paléontologues nous ont léguée. Depuis le XVIIIe siècle, ils observent les fossiles, les décrivent, les classent pour comprendre leur chronologie, leurs relations, leur mode de vie, le milieu des espèces disparues. Tout n’est pas encore découvert, compris. De nouveaux gisements, de nouvelles techniques nous révèlent des chapitres méconnus de l’histoire de la biodiversité depuis les origines.
NOUV E AU X R EG A R D S SUR L’É VO LU TI O N E T LA BI O D IV E R S I T É PAS S ÉE Didier Néraudeau Paléontologue
es paléontologues complètent sans cesse l’inventaire des biodiversités passées et le décryptage de leur évolution. Au cours des vingt dernières années, ils ont ainsi revisité nos connaissances, nos certitudes et nos schémas évolutifs, de l’origine des métazoaires jusqu’à l’émergence de l’homme. La préservation de cellules à l’état fossile est un phénomène très exceptionnel. Les modalités de passage des organismes unicellulaires eucaryotes1 aux formes plus évoluées présentant différents types de cellules paraissaient ainsi inaccessibles au regard des paléontologues. Pourtant, au cours des années 1990, d’extraordinaires gisements de phosphates fossilifères, datant de 600 millions d’années, ont été découverts en Chine (région de Guizhou). Ils contiennent des fossiles d’œufs et d’embryons d’invertébrés aux premiers stades de division cellulaire. Des embryons présentent des « bourgeons » au bout des cellules en voie de division, des structures qui donnent des cellules filles aux fonctions spécifiques. Ces fossiles extraordinaires documentent pour la première fois le passage évolutif entre unicellulaires et métazoaires. La découverte, au début du XXe siècle, du gisement canadien de Burgess avait considérablement fait progresser notre connaissance de l’origine et de la diver-
L
sification des métazoaires au cours de la radiation du Cambrien (520 millions d’années). En 1984, fut découvert en Chine, à Chengjiang, un autre gisement fossilifère exceptionnel, un peu plus ancien (530 millions d’années) que Burgess et plus riche. Ce site, de plus en plus étudié au cours des années 1990, est devenu le gisement de référence pour toute discussion sur la radiation cambrienne. Les nombreuses similitudes entre les faunes de Burgess et de Chengjiang ont révélé la stabilité évolutive de ces écosystèmes primitifs, une stabilité contrastant avec la rapidité de leur apparition et de leur différenciation au début du Phanérozoïque (542 millions d’années). L’écosystème cambrien de Chengjiang comportait déjà tous les plans d’organisation des métazoaires à la base de notre biodiversité moderne, l’évolution ayant par la suite procédé plus par décimation ou par modification morphologique de groupes mineurs que par innovations structurelles spectaculaires. Dans le cadre des découvertes fondamentales réalisées dans le Cambrien de Chine (– 530 millions d’années), fut également mis à jour, dans la région du Yunnan, le plus ancien ancêtre connu des vertébrés, Haikouichthys. Jusqu’alors documentés par les poissons cuirassés sans mâchoire de l’Ordovicien (450 millions 1. Dont la cellule possède un noyau. 129
u Les vers sont nombreux dans l'écosystème marin de Chengjiang. Ce sont essentiellement des priapuliens comme Acosmia ou Maotianshania (photo) et des siponculiens, deux groupes de vers non segmentés existant encore dans la nature bien que très minoritaires. Les priapuliens étaient prédateurs, on en trouve de nombreuses traces fossiles. Leur activité a modifié considérablement l'environnement sédimentaire des fonds marins. U La préservation des fossiles de Chengjiang est exceptionnelle. Certains arthropodes comme Naraoia ont un système digestif parfaitement conservé avec parfois des contenus stomacaux identifiables. Autant de preuves directes pour reconstituer la chaîne alimentaire cambrienne. L'estomac très ramifié de Naraoia servait au stockage et à la digestion des aliments. Des systèmes comparables existent chez la limule et certains crustacés actuels. 130
u L’Haikouichthys, du Cambrien inférieur de Chine (– 530 millions d’années) est considéré comme l’ancêtre des vertébrés. Cet animal de petite taille (environ 25 mm de long) présente en effet des structures musculaires (« chevrons » visibles à droite) et branchiales (six arcs branchiaux en bas à gauche) typiques des premiers vertébrés pisciformes qui possèdent, dès la fin du Cambrien, des ossifications plus marquées. L’image de gauche est un grossissement de la tête de l’animal.
d’années), les plus anciens fossiles de vertébrés primitifs apparaissaient très dérivés par rapport à leurs ancêtres supposés, des chordés, rares dans les couches du Paléozoïque inférieur. Les Haikouichthys du Cambrien inférieur de Chine témoignent des formes de transition entre les chordés primitifs et des formes plus modernes, telles les lamproies. Dans le débat sur la causalité entre organe et fonction, les découvertes récentes sur l’origine des tétrapodes ont bouleversé les schémas préétablis. Il semblait en effet acquis que l’apparition chez les vertébrés de membres articulés, terminés par des doigts, était concomitante de leur sortie des eaux. La notion de tétrapode primitif était ainsi indissociable de l’apparition des pattes. Pourtant, les découvertes d’amphibiens dévoniens (320 millions d’années) réalisées ces dernières années (exemple : Acanthostega) ont révélé qu’il s’agissait de tétrapodes aquatiques et non terrestres. Les pattes primitives, utilisées vraisemblablement pour fouir dans la vase, rechercher la nourriture ou dégager un passage dans la végétation aquatique côtière, n’ont donc pas, initialement, servi à marcher sur la terre ferme. Ce phénomène de « récupération » des pattes pour la marche, alors que ce n’était pas leur fonction initiale, illustre la notion « d’exaptation », par opposition à la notion d’adaptation où organe et fonction sont univoquement liés. Dans le même ordre d’idées, alors qu’au début du XXe siècle, le seul animal reptilien primitif connu pour avoir porté des plumes était le fameux Archaeopteryx, du Jurassique de Bavière (– 150 millions d’années), la dernière décennie a
u Hallucigenia est un lobopode comme
u La faune de Chengjiang (environ
son cousin chinois Microdictyon. Ces petits organismes avaient un corps segmenté tubulaire et une allure de tardigrade. Ils possédaient une série de pattes marcheuses très simples et étaient armés d'épines ou de plaques circulaires. Ils pourraient représenter un stade très précoce dans l'évolution des arthropodes, et ne seraient donc pas aussi énigmatiques qu'on le pensait.
– 530 millions d’années) est largement dominée par les arthropodes. Environ 40 % des espèces décrites appartiennent à ce groupe. Nombreux étaient prédateurs ou nécrophages. Quelques formes nageuses pouvaient migrer dans la colonne d'eau, mais dans leur grande majorité ils se déplaçaient à l'interface eau-sédiment. Ici : Alalcomenaeus. Malgré des ressemblances superficielles avec les crustacés actuels, il s’agit d’un chélicérate primitif, lointain ancêtre des scorpions et araignées.
progressivement « banalisé » l’existence et la diversité des dinosaures à plumes au Crétacé (145-65 millions d’années). Désormais, la différence fondamentale entre oiseaux et dinosaures à plumes est si ténue qu’il est préférable de définir les oiseaux comme des dinosaures un peu particuliers et non pas comme un groupe à part. Bien des dinosaures ont porté du duvet ou des plumes, sans pour autant être directement apparentés aux formes aviennes, et c’est l’origine même des plumes et du vol qui apparaît multiple. Les plumes sont apparues chez des reptiles terrestres, indépendamment de l’aptitude au vol, et ont vraisemblablement joué chez les reptiles un rôle initial comparable à celui des poils chez les mammifères, en liaison avec l’isolation et la régulation thermique du corps. Tout comme les pattes pour la marche, la « récupération » des plumes dans l’évolution, pour une fonction autre que la fonction initiale, est un phénomène d’exaptation. Le Crétacé a constitué pour la végétation terrestre une « profonde révolution ». Les plantes à graine nue, ou gymnospermes (exemple : les conifères), développées sur Terre depuis le milieu de l’ère primaire, ont alors été supplantées par les plantes à fleur, les angiospermes, dont la graine est protégée par un fruit. La diversification et l’extension mondiales des angiospermes furent rapides, les principales familles actuelles étant présentes dès la fin du Crétacé, tant en Europe, aux Amériques, et en Asie qu’en Antarctique. L’analyse de gisements particulièrement riches (Espagne, France) a montré que, dès le milieu du Crétacé (100 millions d’années), les plantes à fleur occupaient des environnements très variés, 1 31
u L’écologie des premières plantes à fleur (angiospermes) fait l’objet d’une controverse : étaient-elles aquatiques ou terrestres ? Monsechia est l’une des toutes premières angiospermes aquatiques d’Europe, qui vivaient il y a 130-125 millions d’années. Elle a été préservée dans des calcaires du Barrémien (Crétacé inférieur) de Las Hoyas, en Espagne, et soutiendrait plutôt l’hypothèse aquatique.
u Cette feuille platanoïde fait partie du plus ancien gisement d’angiospermes de France (Cénomanien de Charente-Maritime, 98 millions d’années) qui comprend des espèces d’aspects très modernes par leurs diversités spécifiques et écologiques. Les fortes similitudes entre ces formes crétacées contemporaines des dinosaures et des angiospermes actuelles relativise l’impact de la crise Crétacé-Tertiaire sur les écosystèmes terrestres.
mais toujours à proximité de milieux aquatiques ou humides (lacs, cours d’eau, plaines d’inondation, zones côtières). Quant à l’origine des angiospermes, même si elle n’est pas encore totalement comprise, elle a été revisitée au cours des dernières années. Alors que dans les années 1990, on imaginait les premières angiospermes comme des magnoliales herbacées, depuis 2004, on les voit plutôt soit comme des buissons ou des lianes se développant dans des sous-bois au sol encombré de branches, soit comme des plantes aquatiques proches des nénuphars. L’évolution des plantes à fleur est indissociable de l’évolution des insectes. Mais cette coévolution est restée longtemps difficile à appréhender compte tenu de la rareté des insectes dans le registre fossile. Au cours des années 1990, cette lacune de matériel a été progressivement comblée par la découverte de gisements d’ambre insectifère dans le Crétacé d’Espagne, de France et du Liban. Parfaitement préservés dans ces résines fossiles, les insectes crétacés sont apparus très similaires aux formes actuelles, tant dans leur morphologie que dans leur diversité, ce qui remet en cause l’impact de la crise Crétacé-Tertiaire sur les écosystèmes terrestres. Diverses relations de parasitisme, de folivorie, de xylophagie, de pollinisation entre insectes et angiospermes étaient déjà en place au Crétacé, ainsi que la socialisation de certains groupes, telles les plus
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anciennes fourmis, trouvées en France. Sur le plan méthodologique, la mise au point de scanneurs de résolution croissante a optimisé la recherche des insectes dans l’ambre, dont certaines formes opaques sont inaccessibles aux observations optiques classiques. La même technique a été appliquée à d’autres fossiles « invisibles », tels les embryons de dinosaures dans les œufs fossilisés. La radiation des mammifères modernes s’est révélée, ces dernières années, beaucoup plus précoce que prévue, après la découverte en Chine de fossiles attestant l’existence conjointe, il y a 120 millions d’années, de placentaires et de marsupiaux. Mais c’est l’origine des cétacés qui a été la mieux documentée depuis la fin des années 1990, avec la découverte au Pakistan de fossiles d’archéocètes datant de l’Éocène (45 millions d’années). L’évolution graduelle de « ces baleines marcheuses » illustre la réduction progressive des membres et du bassin et l’augmentation de l’hydrodynamisme qui ont participé à la reconquête du milieu aquatique par les mammifères. Prédite par la biologie moléculaire, l’étroite parenté entre les cétacés, les artiodactyles et tout particulièrement les hippopotames, a été confirmée par la découverte dans les chevilles des archéocètes Rhodocetus et Pakicetus d’astragales en forme de double poulie, os typiques des mammifères artiodactyles. Enfin, la quête des origines de l’homme s’est trouvée profondément stimulée
U Les cétacés actuels dérivent de mammifères terrestres retournés progressivement à la vie aquatique au début de l’ère tertiaire (à l’Eocène, entre 55 et 35 millions d’années). Ces formes de transition, ou archéocètes, comme ce Dorudon, possèdent encore deux paires de membres. Leur morphologie générale est très hydrodynamique et leur squelette déjà bien différent de celui de leurs ancêtres terrestres avec les pattes postérieures atrophiées, les vertèbres lombaires dissociées. Il n’existe plus de sacrum ni de véritable bassin, tandis que le crâne est allongé avec des orbites positionnées très en arrière.
Lorsque, au cours de l’évolution biologique, une espèce trouve un nouvel usage pour un organe ou un ornement dont elle dispose, qui lui permet de mieux s’adapter à son environnement, il y a alors exaptation.
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
4. LE PASSÉ DE LA TERRE
U Ce cloporte littoral, ou ligie, a été trouvé dans un ambre crétacé totalement opaque. Repéré par microradiographie dans une résine fossile de conifère a priori stérile, puis reconstitué en trois dimensions après une imagerie microtomographique (scanner 3D) au Synchrotron de Grenoble, ce crustacé âgé de près de 100 millions d’années apparaît quasi identique à son descendant actuel, abondant sur les côtes rocheuses de France. Sa présence marque assez précisément l’emplacement du littoral de l’ouest de la France, au niveau des Charentes, au milieu du Crétacé. u L’application de la microradiographie et de la microtomographie à de grandes quantités d’ambre opaque permet de déceler puis de visualiser en 3D une remarquable diversité d’organismes (coléoptère en bas et guêpe à droite) inaccessibles aux moyens optiques classiques (loupe binoculaire, microscope) et impossibles à extraire.
U Ce petit œuf fossile de la taille d’un œuf de mésange, découvert par une équipe paléontologique franco-thaïlandaise au nord-est de la Thaïlande, date d’environ 130 millions d’années. Sa coquille montre des tubercules rappelant les œufs de dinosaures, mais sa microstructure avec trois couches calcitiques distinctes rappelle les œufs d’oiseaux. La technique microtomographie utilisant le Synchrotron révèle les minuscules ossements (colorés arbitrairement) de l’embryon en position fœtale : en haut, une série de vertèbres du cou ; plus bas, des côtes (minces baguettes osseuses) et des os des membres plus robustes. Le grand os coloré en rouge, en position oblique, est une partie de la mâchoire inférieure (les embryons ont une très grosse tête par rapport au reste du corps). Il s’agit d’une forme appartenant à la transition entre dinosaures et oiseaux qui permettra de mieux comprendre cette importante étape évolutive au niveau du développement embryonnaire. L’œuf est artificiellement ouvert.
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u L’ambre est réputé pour préserver parfaitement les inclusions animales, insectes ou araignées, ou les restes végétaux, fleurs, pollen, fragments de feuille. Le développement de techniques d’observation de plus en plus précises révèle désormais un micromonde fossilisé dans l’ambre d’une richesse et d’une qualité exceptionnelles. On y trouve ainsi des champignons microscopiques, comme Metacapnodium (en bas) ou des amibes Silicofilocea (en haut) datant de plusieurs dizaines de millions d’années (ici ambre charentais, 100 millions d’années). C’est un pas important vers la connaissance de l’origine et de l’évolution de nombreux groupes de micro-organismes, très peu connus à l’état fossile.
u Microplumes primitives de dinosaure avien du Crétacé moyen (environ 100 millions d’années) des Charentes. Chacune ne mesure qu’un millimètre de long, mais possède une structure comparable à celles des plumes d’oiseaux modernes, avec un axe médian (le rachis) et des filaments implantés de part et d’autres (les barbes). À la différence des plumes modernes, le rachis n’est pas rigide et bien différencié des barbes et ces dernières ne sont ni accrochées les unes aux autres par des barbules, ni disposées dans un plan parfait. Ces plumes primitives constituent le chaînon évolutif intermédiaire entre les plumes modernes des oiseaux et les duvets filamenteux rencontrés chez certains dinosaures, chaque duvet étant un bouquet de filaments dont la base est commune. À ce stade évolutif, les micro-protoplumes jouaient un rôle d’isolant thermique, comme les poils chez les mammifères, et ne fournissaient aucune aptitude au vol.
U Ce type de cryptes stomatiques, ici chez un conifère (Glenrosa) du Cénomanien des Charentes (environ 98 millions d’années). Les fossiles de végétaux se résument bien souvent à des empreintes, plus ou moins rehaussées d’un film carboné. Dans certaines roches argileuses, les parois « exosquelettiques » des plantes fossiles peuvent être préservées avec l’intégralité des microstructures du végétal d’origine et notamment la morphologie et l’architecture cellulaire. Les caractéristiques (densité, taille, anatomie) de ces stomates, impliqués dans les échanges gazeux, renseignent sur le climat auquel était soumis la plante de son vivant, notamment en termes d’humidité et de température (pression de CO2) du milieu.
par les découvertes en 2000 et 2001 de deux nouveaux venus dans la famille des hominidés. Orrorin (6 millions d’années) et Toumaï (7 millions d’années) ont ainsi chamboulé les schémas classiques de l’hominisation. Ils ont doublé l’ancienneté de nos ancêtres par rapport à Lucy et ses cousins australopithèques (3,5 millions d’années), et ont fait émerger un nouveau stade évolutif dans l’histoire des hominidés. Le palier représenté par ces deux espèces s’ajoute ainsi au « stade australopithèque » et au « stade humain ». L’origine tchadienne de Toumaï a remis en cause l’hypothèse de « l’East Side Story » selon laquelle l’origine de l’homme était est-africaine et corrélée avec l’évolution tectonique et climatique de la partie orientale du rift. Plus récemment, la découverte de l’homme de Flores dans le Quaternaire ancien d’Indonésie a fait tom-
ber d’autres principes évolutifs entérinés depuis la moitié du XXe siècle. Cette espèce insulaire naine, contemporaine des hominidés modernes ouesteuropéens, possédait un cerveau pas plus gros que celui d’un grand singe, ce qui nuance le principe selon lequel la taille du cerveau avait progressivement augmenté au cours de l’évolution de l’homme. Malgré ces découvertes majeures, notre connaissance de l’évolution reste très imparfaite et de nombreuses questions restent en suspens. Il nous reste, par exemple, à déterminer les processus de diversification des métazoaires au Précambrien (avant 550 millions d’années) ou les modalités de séparation des hominidés et des grands singes (avant Toumaï).
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U La femelle de l’oursin marsupial Temnotrema bigoti, du Pliocène de Vendée possède une ou plusieurs poches qui, après la fécondation des œufs, abritent les juvéniles pendant les premiers stades de leur développement. Chaque femelle ne porte qu’un petit nombre de bébés, mais leur assure une protection qui optimise leur survie. Chez les oursins classiques, des milliers d’œufs fécondés sont libérés dans le milieu aquatique et seul un petit nombre survit aux aléas physiques et biologiques du milieu. Actuellement, l’oursin marsupial (on dit aussi « oursin incubant ») est très développé dans les eaux froides antarctiques, mais rare par ailleurs. Il y a environ 5 millions d’années, des espèces fossiles très comparables aux formes australes actuelles vivaient sur les côtes de Bretagne, signant ainsi la présence d’un courant marin froid.
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u Gastéropodes fossiles de l’Eocène du bassin de Paris (Cryptoconus glabratus, à droite, et Athleta lyra, à gauche). Habituellement, les coquilles fossiles de gastéropodes marins sont « blanchies par les âges ». Une technique simple, utilisant une exposition aux rayons ultra-violets, permet de révéler les couleurs et les motifs géométriques de ces coquilles fossiles. Cette restauration des couleurs et des décorations est une aide précieuse à la connaissance des espèces fossiles et de leur variabilité.
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Le temps géologique n’est pas le temps des hommes. Notre histoire se raconte en années, siècles, millénaires, celle de la Terre en millions et milliards d’années. Mais quelle horloge utiliser pour dater les événements géologiques ? L’évolution a d’abord servi d’échelle de temps relative. Il a fallu attendre les découvertes sur l’atome et la radioactivité pour enfin disposer de chronomètres absolus.
U Le zircon, avec ses zones de croissance, est le minéral par excellence pour déterminer l’âge des roches les plus anciennes grâce à le présence d’uranium et de thorium, dans son réseau cristallin en remplacement du zirconium. Éléments qui par leur période de désintégration très longues permettent de dater des événements vieux de plusieurs milliards d’années.
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DATE R L E PASS É D E LA T ERR E Nicolas Arnaud Géologue et géochronologue
omprendre la succession des grands processus de genèse et d’évolution de notre globe, mais aussi la physique au cœur de ces processus, impose d’en maîtriser la durée et donc de savoir mesurer le temps. Beaucoup d’échelles de temps relatives permettent de caler les événements géologiques les uns par rapport aux autres, et donc d’établir une chronologie. Il en va ainsi du magnétisme des roches enregistrant la succession des inversions du champ magnétique, ou de la variation de la quantité d’oxygène 18 des océans ou des glaces, qui permet d’estimer par comparaison avec une courbe étalon la position relative d’événements d’âge inconnu. C’est aussi fondamentalement la nature de l’enregistrement paléontologique, qui réalise une chronologie de référence basée sur l’évolution des êtres vivants, fondement de l’échelle stratigraphique. Mais ces échelles relatives ne permettent ni de dater ces événements, ni de calculer leur durée. Le géologue étant en quête d’âges absolus, seule la radioactivité des roches, véritable horloge naturelle, les lui fournit : c’est la géochronologie. La radioactivité naturelle est en effet un mécanisme régulier qui dépend du temps, par la transformation régulière des éléments radioactifs « pères » en éléments « fils », tout comme un sablier laisse filer son sable du haut vers le bas. De nombreux éléments sont naturellement radioactifs : l’uranium se désintègre en plomb (U/Pb), le rubidium en strontium (Rb/Sr), le samarium en néodyme (Sm/Nd), le potassium en argon (K/Ar). Ces couples constituent autant de sabliers naturels contenus dans les roches et les minéraux, et diffèrent essentiellement par la vitesse à laquelle ils marquent le passage du temps, une caractéristique de l’élément « père ». Ainsi, les systèmes U/Pb, ou Sm/Nd, se désintègrent si lentement (plus de 100 milliards d’années sont nécessaires pour que la moitié de l’U ou du Sm se soit désintégrée) qu’ils constituent des systèmes de choix pour « caler » dans le passé les premiers instants de notre système
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solaire. Les équipes françaises s’illustrent depuis vingt-cinq ans par le développement de méthodes chimiques et physiques permettant l’extraction et la mesure d’une quantité toujours plus infime de ces éléments chimiques, en particulier dans les météorites, livrant des âges de 4 570 millions d’années qui demeurent à ce jour les âges les plus anciens mesurés dans notre système solaire. Quel est donc l’âge de la Terre dans ce système solaire ? La réponse n’a pas plus de quarante ans et s’affine constamment. L’Antiquité, puis le Moyen Âge ont vu se succéder des estimations basées sur les textes religieux ou des concepts physiques simples. Dès la découverte de la radioactivité en 1896 par Becquerel, Rutherford donna à la Terre un âge d’un million d’années, déterminé par l’analyse du couple uranium-hélium (U/He). La recherche de l’âge de la Terre n’est pas une tâche aisée : le jeu des processus géologiques a en effet remodelé sa surface tant de fois que les plus anciennes roches terrestres ont été depuis longtemps recyclées en profondeur. Toutefois, cette très ancienne mémoire radioactive est conservée dans des minéraux, les zircons par exemple, qui ont été maintes fois recyclés sans être détruits. Mais analyser le minéral en entier ne suffit pas car sa mémoire est la somme de toute sa longue histoire. Il faut remonter aux souvenirs d’enfance du minéral, quand la Terre était jeune, conservés à l’abri dans de très petites zones protégées, qu’il convient de sonder. On le fait, « ponctuellement », avec des appareils ultra-sophistiqués qui le bombardent d’un faisceau laser ou ionique. Le développement récent de ces « sondes », combiné à l’amélioration des techniques d’analyses isotopiques, notamment spectrométriques, a permis de dater ces témoins géochronologiques des premiers âges de la Terre. Ainsi, les zircons des roches de Jack Hill (Afrique du Sud), datés à 4,4 milliards d’années, sont les témoins actuels les plus anciens de la formation de notre planète. 139
TERRE , PLANE TE MYSTERIEUSE
4. LE PASSÉ DE LA TERRE
La géochronologie est la branche de la géologie consacrée à la datation des roches et des événements géologiques. D’abord basée sur la stratigraphie et la paléontologie qui permettait des datations relatives, elle utilise désormais les propriétés radioactives de certains atomes pour obtenir des âges absolus.
Depuis ces premiers âges, notre vieille Terre a connu une histoire très mouvementée, avec des crises majeures, notamment ces épanchements volcaniques cataclysmiques à l’origine des grands plateaux de basaltes du Deccan en Inde ou de Sibérie, au volume considérable, couvrant des surfaces équivalentes à la France ou plus. Leur datation, possible grâce à la méthode potassium-argon (K/Ar), qui allie versatilité (car le potassium est abondant dans la plupart des roches et minéraux) et précision, a montré la brièveté de ces éruptions massives et leur simultanéité avec l’extinction d’une majorité d’espèces, notamment à la limite entre le Permien et le Trias il y a 245 millions d’années (Sibérie), et à la fin du Crétacé il y a environ 65 millions d’années (Inde), lors de la disparition des dinosaures. Les enveloppes plus superficielles de la Terre ne sont pas en reste : répondant aux forces internes, la lithosphère peut plonger en profondeur, se déformer, resurgir, produisant des montagnes qui ont tôt fait de s’éroder, jusqu’à mettre à nu des roches remontées en surface après un voyage à plus de 120 kilomètres de profondeur, à des vitesses vertigineuses de plusieurs dizaines de kilomètres par million d’années, impliquant des processus géologiques jusque-là insoupçonnés. La vie et la mort des montagnes sont ainsi suivies par les géologues qui traquent dans les roches métamorphisées et déformées l’âge des divers épisodes de cette histoire, et notamment la façon dont l’érosion abrase les montagnes et modèle les paysages. On utilise pour cela le fait que la plupart des chronomètres deviennent « amnésiques » au-dessus d’une certaine température. La chaleur libère les « éléments fils » issus des désintégrations radioactives qui s’échappent, remettant à zéro le chronomètre. Cette amnésie dépendant de la température, chaque géochronomètre est aussi potentiellement un thermomètre-chronomètre. Lorsque l’érosion agit, creuse les vallées, exhume les parties profondes de la lithosphère, elle provoque le refroidissement des roches. Ce refroidissement est enregistré dans les thermochronomètres naturels les plus sensibles, en particulier le système uranium-thorium-hélium (UTh/He). On peut ainsi, en certaines occasions, déterminer l’âge de formation des paysages sur plusieurs dizaines de milliers d’années et y lire les couplages très complexes entre tectonique et climat. La déformation de la surface de la Terre, elle-même, est aussi une mesure de ces processus géologiques. Si on peut estimer l’âge de la surface, on en déduit celui de la déformation qui l’affecte et donc la vitesse de cette déformation. Le bombardement incessant de particules de haute énergie, venues de l’espace proche ou lointain, et sa cascade dans l’atmosphère provoquent la transmutation des noyaux des atomes des roches exposées en surface. Ces transmutations aboutissent à la formation d’éléments comme le béryllium 10 (10Be), l’aluminium 26 (26Al) ou le chlore 36 (36Cl), dont la production dépend du flux 14 0
u Datation des séries sédimentaires lacustres de la zone fossilifère de Toros-Menalla (désert de Djurab, Tchad septentrional) d’où ont été extraits les restes de Toumaï. La datation systématique par le béryllium 10 de ces séries sédimentaires permet de proposer un âge de 7,04 ±0,18 millions d’années pour l’unité à Anthracothères qui contient spécifiquement les restes de Toumaï. Cette datation qui recoupe les estimations paléontologiques faites à partir des restes de la faune de mammifères associés constitue la première datation absolue de cette unité, confirmant l’âge très ancien de ce lointain ancêtre.
de particules initiales, de l’altitude et de la latitude de la surface, ainsi que du temps pendant lequel la surface est restée exposée à ce bombardement. Il est donc possible d’extraire de cette abondance isotopique le temps d’exposition de la surface terrestre. La mesure de ces isotopes dans les surfaces exposées est difficile. Elle a nécessité la conception d’analyseurs basés sur des accélérateurs de particules, et le développement rapide de ces méthodes date seulement d’une quinzaine d’années. La France est à la pointe de ces développements, notamment avec la construction récente d’un grand accélérateur dédié à ces applications. Selon les cas, ce temps d’exposition permet de dater soit la formation de la surface, soit sa mise à nu (dénudation) par des processus tectoniques ou érosifs. Lorsque la déformation des surfaces est due au mouvement de failles actives, la datation des surfaces dénudées donne accès à l’âge des failles, à leurs mouvements récents, à leur vitesse et donc au risque de futurs mouvements sismiques. On date également la formation des moraines glaciaires afin d’apprécier la vitesse de retrait des glaciers au cours du dernier million d’années et de remettre ainsi les changements climatiques récents dans une perspective beaucoup plus longue. Le cas échéant, des phénomènes brutaux sont mis en lumière, dont l’origine ne serait plus uniquement planétaire mais aussi anthropique. C’est aussi grâce à ces méthodes qu’ont été datés les sédiments lacustres contenant les restes pré-humains de Toumaï au Tchad, dont la datation au 10Be semble en faire actuellement notre ancêtre potentiel le plus ancien, vers 7 millions d’années. Sa découverte et sa datation sont le fruit du travail d’équipes internationales mais largement françaises. La datation absolue concerne aussi l’art préhistorique : le couple uraniumthorium date les dépôts de calcite recouvrant les peintures pariétales d’une fine couche minérale, le carbone 14 date les charbons de bois utilisés comme fusain par nos ancêtres. Ainsi, à plus de 15 000 ans d’intervalle, ces artistes ont peint avec une égale habileté à Lascaux (15 000 à 18 000 ans) et à la grotte Chauvet (27 000 à 32 000 ans), démontrant le risque de l’utilisation systématique de la qualité de l’art comme unique échelle chronologique. Lire le passé pour prévoir l’avenir, c’est enfin une démarche essentielle dans l’étude du risque volcanique. L’île de La Réunion ou les Antilles françaises sont des volcans en activité presque constante. En métropole, les volcans de la chaîne des puys ont été actifs il n’y a pas si longtemps. Les produits les plus récents des puys ont été datés de 6 800 ans : ce sont ceux du lac Pavin. Le puy de Dôme a 12 000 ans. À l’échelle de la vie d’un volcan, tout cela est bien jeune. Le savoir, c’est pouvoir prendre les mesures de surveillance qui s’imposent, dans un souci d’équilibre entre vie quotidienne et sécurité des personnes et des biens.
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TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
5- LA TERRE RÉINVENTÉE EN LABORATO IRE
u Lorsqu’on introduit dans un modèle de convection globale, la présence de plaques tectoniques à la surface, l'organisation de la convection change. Les courants froids descendant se rassemblent en une ligne continue (bleu) et ouverte qui serpente le long de limites de plaques. Celles-ci deviennent des zones de fermeture, là où les courants descendant se sont installés, et des zones de cisaillement et d'ouverture ailleurs, entraînant une remontée passive du manteau jusqu'à la surface. Ainsi, les dorsales apparaissent naturellement dans les modèles avec plaques et restent des structures passives liées à aucune structure thermique particulière. Cette approche montre que la tectonique des plaques est plus que l'expression de surface de la dynamique du manteau terrestre, elle en est un des éléments constitutifs.
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LA TERRE RÉINVENTÉE EN LABORATOIRE L’APPORT DE L’EXPÉRIMENTATION ET DE LA MODÉLISATION
Quand le diamant met la pression Guillaume Fiquet
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L’apport des analyses chimiques ponctuelles Marc Chaussidon
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De la minéralogie des hautes pressions à la modélisation des chaînes de montagnes Christian Chopin et Bruno Goffé
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Modéliser la Terre Anne Davaille
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u Aux pressions et températures du manteau inférieur, les oxydes de magnésium, de fer et de silicium de l’intérieur de la Terre adoptent la structure pérovskite. Pour les composés ferromagnésiens du manteau, cette structure très compacte ne peut cependant être observée que sur des échantillons synthétisés en laboratoire. Cet échantillon, synthétisé dans une cellule à enclumes de diamant, est observé en microscopie électronique en transmission. On y voit le minéral le plus abondant, et peut-être le plus important de la Terre, la pérovskite (pv) avec une inclusion au centre (blanc) d’un autre minéral du manteau, la magnésiowüstite (mw, oxyde ferromagnésien).
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L’impossible, l’inaccessible n’arrêtent ni la pensée, ni l’imagination. Jamais l’homme ne pourra atteindre la base du manteau terrestre. Alors, il en synthétise les minéraux en laboratoire, essayant d’atteindre les plus hautes pressions, les plus hautes températures. Serré entre deux diamants taillés, chauffé par un rayon laser, un minuscule fragment de verre devient minéral du manteau profond. On peut alors l’analyser, l’observer.
QUAN D L E D IA M A N T ME T LA P R ES S I O N Guillaume Fiquet Minéralogiste
omment sonder l’intérieur de notre planète? Si le voyage au centre de la Terre reste un rêve inaccessible, l’exploration des profondeurs a pris un tour nouveau depuis une trentaine d’années. Reproduire en laboratoire les conditions de pression et de température qui règnent à quelques milliers de kilomètres sous nos pieds pour découvrir la nature des matériaux qui s’y trouvent est désormais le défi des minéralogistes expérimentateurs. Bien sûr, de nombreux projets visant à atteindre physiquement le cœur de la planète ont été échafaudés, jusqu’aux plus farfelus… d’inspiration parfois hollywoodienne. Mais force est de constater que l’accès direct aux profondeurs terrestres reste mission presque impossible. Le forage le plus profond, réalisé sur la presqu’île de Kola, dans le nord-ouest de la Russie, atteint seulement 12 kilomètres. Aussi instructif soitil, c’est peu au regard des 6 400 kilomètres à explorer ! Quelques échantillons de minéraux profonds, ramenés en surface lors d’éruptions volcaniques, nous renseignent sur la nature des roches formées jusqu’à quelques centaines de kilomètres de profondeur. Il existe également des témoins plus profonds, mais plus rares encore, à l’état d’inclusions dans des diamants naturels. Mais le tout ne suffit pas à nous révéler dans les moindres détails la nature minéralogique de l’intérieur de la Terre. Comment la découvrir ? Les premières sources d’informations sur la structure interne de la planète sont les tremblements de terre. Les ondes qu’ils émettent traversent la Terre et la vitesse à laquelle elles se propagent nous donnent une idée de la densité des matériaux rencontrés.
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Ce sont ces données sismologiques qui ont progressivement conduit à un modèle de Terre toujours de mise. À savoir, un noyau central enveloppé d’un manteau, que surplombe une mince croûte. Les enregistrements sismologiques ont en effet mis en évidence l’existence de limites exhibant de forts contrastes de densité et de vitesse. Ainsi, à 2 900 kilomètres de profondeur, la discontinuité la plus violente sépare le manteau du noyau terrestre. On passe en effet brutalement d’un milieu où le son se propage à quelque 14 kilomètres/seconde à un matériau où cette vitesse chute à 8,5 kilomètres/seconde. La densité, elle, passe de 5 à 10. À 5 100 kilomètres de profondeur, un nouveau saut de vitesse et de densité marque une autre transition : le passage au cœur solide central, la graine terrestre, dont la densité avoisine 13. Mais de quels matériaux s’agit-il précisément et comment expliquer de telles discontinuités ? C’est là qu’entrent en scène les expériences. Le premier à avoir établi le lien entre propriétés physiques des matériaux et les tout premiers modèles de Terre sismologiques est l’Américain Francis Birch, dans les années 1950. Au vu des données expérimentales disponibles à l’époque, vitesse du son et densité pour quelques éléments chimiques simples, il a montré que le fer était le seul qui, porté à haute pression, pouvait avoir la densité du noyau tout en ayant une vitesse du son comparable avec les mesures sismologiques. Il proposa donc un noyau de fer métallique, avec une partie interne solide, la graine, et une partie externe liquide. Le même raisonnement appliqué au manteau 145
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5- LA TERRE RÉINVENTÉE EN LABORATO IRE
terrestre indiqua vite qu’il était constitué d’oxydes de magnésium, de fer et de silicium, ou silicates. Les bases de ce qui allait devenir un champ disciplinaire à part entière étaient jetées. L’idée ? Tester expérimentalement en laboratoire, dans les conditions indiquées par les modèles sismologiques, les propriétés des minéraux candidats. Depuis les années 1970, structure, densité, vitesse du son, conductivité électrique ou thermique sont autant de paramètres que l’on cherche à déterminer sur des échantillons et à comparer avec d’autres observations globales de la Terre. Toutefois, reproduire l’ambiance du centre de la Terre relève du défi technologique : il y règne des pressions de plus de 3,6 millions de fois la pression atmosphérique (ou 360 gigapascals ou GPa) et des températures avoisinant les 6 000 K (degrés Kelvin). Pour créer de fortes pressions, le principe est simple, il suffit d’appliquer une force importante sur une très petite surface. Plus la surface est petite, plus la pression obtenue est grande. Nous utilisons donc à cet effet un outil particulier : la cellule à enclume de diamant. Les échantillons, maintenus dans une petite chambre de pression, y sont comprimés entre les pointes microscopiques de deux diamants gemmes. La dureté du diamant permet d’atteindre des pressions de plus de 5 millions d’atmosphères, et la transparence des enclumes de réaliser des mesures sur les échantillons comprimés. L’inconvénient est que ces très hautes pressions ne peuvent être obtenues que sur des échantillons de quelques dizaines de micromètres tout au plus. Seuls des faisceaux laser, qui transmettent leur énergie au travers des fenêtres en diamant à ces minuscules cristaux, permettent ensuite de les porter à plusieurs milliers de degrés. En soumettant à un tel traitement l’olivine, un oxyde de silicium, de magnésium et de fer qui occupe près de 60 % du manteau supérieur, les chercheurs ont découvert qu’elle se transformait en édifices cristallins de plus en plus denses. On a alors montré qu’à chaque transformation correspondait un saut de vitesse et de densité. À 24 GPa et quelque 1 800 ou 1 900 K, soit à la limite entre le manteau supérieur et inférieur à 660 kilomètres de profondeur, cette même olivine se décompose en un mélange encore plus dense de perovskite (un autre oxyde de magnésium, de fer et de silicium) et d’un oxyde ferromagnésien. La structure perovskite mérite qu’on s’y attarde. À l’origine, elle désigne un titanate de calcium, CaTiO3. Mais celle dont parlent les géophysiciens correspond au minéral silicaté du manteau terrestre (Mg, Fe) SiO3, de même structure, qui n’est ni plus ni moins que le minéral le plus abondant de la Terre. Mais depuis plusieurs années, les nanotechnologies et les grands instruments bouleversent nos expériences. Pour observer ces échantillons, l’expérimentateur utilise maintenant de puissantes sources de rayons X, les sources Synchrotron. Ces installations particulières ne sont pas légion et les temps d’utilisation sont comptés, quelques semaines par an tout au plus, où nous travaillons jour et nuit. Mais quelle révolution ! Nous pouvons aujourd’hui suivre 1 46
u Les minéralogistes s’intéressent également au noyau terrestre et se tournent vers l’étude d’alliages métalliques. Cette image de microscopie électronique à balayage met ici en valeur des domaines de compositions chimiques légèrement différentes dans un alliage de fer, de nickel et de silicium susceptible de constituer l’essentiel de la graine solide. Le champ d’observation est ici d’une dizaine de micromètres.
u Cette photo pourrait être une photo de « terrain » du manteau terrestre où pérovskite (pv) et magnésiowüstite (mw) sont en parfait équilibre. Équilibre éphémère, puisque qu’un tel échantillon n’a jamais été retrouvé affleurant à la surface de la Terre.
u Réseau cristallin de la structure pérovskite MgSiO3. Un réseau d’octaèdres est formé par les atomes d’oxygène (en rouge), les atomes de silicium étant situés au centre de chacun de ces octaèdres. Ce réseau héberge les atomes de magnésium (ici en vert), mais également du fer et de l’aluminium. Cette structure tire son nom du minéral pérovskite, un oxyde de titane et de calcium naturel.
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u Au-delà de 10 GPa, la silice change de structure pour atteindre une structure très dense, la stishovite. La stishovite se forme dans la nature sous l’impact de météorites. Ici, des études de déformations en laboratoire de ce minéral synthétique : à gauche, exemple de cristal déformé afin de déterminer ses propriétés mécaniques, des lamelles (mâcles) sont apparues témoignant de la déformations, dans le cas de droite, sur un autre échantillon, l’étude porte sur la fracturation.
toutes ces transformations en direct, voir les structures minérales se modifier sous nos yeux en fonction de la pression ou de la température, tout en étant capables d’évaluer les changements de vitesse des ondes sonores pour chacun des minéraux pertinents ou de mesurer les températures de fusion de tel ou tel alliage, le tout à un ou deux millions de fois la pression atmosphérique et plusieurs milliers de degrés ! Grâce à ces avancées, les minéralogistes expérimentateurs apportent de nouveaux éléments de réponse à toute une série de questions sur le fonctionnement interne de la Terre. Quelle est la dynamique du manteau terrestre ? Existe-t-il des échanges chimiques entre manteau et noyau ? Quelle est l’ampleur des échanges thermiques entre ces deux enveloppes ? Ou encore, quelle est la composition exacte du noyau ? Autant d’interrogations qui font l’objet de débats.
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Au sujet de la composition du noyau, une discussion lancée dès les années 1960 reste toujours aussi vive : contient-il des éléments légers ? Un noyau de fer pur apparaît en effet trop dense par rapport aux données sismologiques. Cet excès de densité va de quelques pour cent pour la graine terrestre à une dizaine de pour cent pour le noyau liquide externe. L’un des résultats expérimentaux marquants de ces dernières années éclaire ce débat d’un jour nouveau. Des mesures des vitesses du son dans des alliages métalliques à très haute pression, menées par des chercheurs français sur une installation Synchrotron à Grenoble (ESRF), ont été combinées à des mesures de densité pour le fer pur dans les conditions du noyau. Résultat, le silicium et éventuellement le carbone sont les meilleurs candidats pour non seulement abaisser la densité de l’alliage, mais aussi se solubiliser dans le fer lors de la formation du noyau. Le silicium et surtout l’oxygène, quant à eux, expliqueraient
u Cette expérience de laboratoire a révélé qu'une gouttelette de liquide magmatique en inclusion dans un cristal d'olivine (minéral prépondérant des roches du manteau supérieur), soumis à un gradient de température, migre à l’extérieur de la cavité vers le point chaud, à la vitesse de quelques nanomètres par seconde, alors que les fluides ne le peuvent pas. Lors de la migration, la forme des inclusions évolue vers une morphologie à facettes, contrôlée par la cristallographie du minéral hôte. Les bulles de gaz se séparent progressivement du liquide et demeurent fixes. Ce type d’expérience nous aide à imaginer la migration du magma dans les roches du manteau.
À la limite entre le manteau inférieur et le noyau, une fine couche d’une centaine de kilomètres d’épaisseur perturbe les ondes sismiques qui y décèlent des hétérogénéités. Est-ce une simple zone d’interaction entre le manteau et le noyau ? Une zone où s’accumulent des fragments de plaques lithosphériques arrivées jusque-là ? Marque-t-elle un changement de phase des minéraux profonds ? Énigmatique elle porte un nom de code D’’.
au mieux la différence de densité entre le fer pur et le noyau liquide externe. Quant au manteau, ces dernières années ont été tout aussi fructueuses. En 2004, nous avons mis en évidence à très haute pression des changements de la structure électronique du fer au sein de la perovskite, ainsi que dans l’oxyde ferromagnésien. On s’attend à ce que ces changements modifient la manière dont le fer est distribué entre ces deux minéraux au sein du manteau terrestre. Reste maintenant à savoir s’ils sont également capables de modifier la manière dont ces minéraux transportent la chaleur et par conséquent d’agir sur les courants de convection qui animent la partie inférieure du manteau. Une autre zone, plus profonde encore, mais désormais à portée expérimentale, focalise maintenant l’attention de nombreuses équipes : l’énigmatique région appelée D”. Elle est localisée à quelques centaines de kilomètres audessus de la limite noyau-manteau et les vitesses sismiques y subissent
d’importantes et brutales variations, que l’on cherche à expliquer. Or, toujours en 2004, une équipe d’expérimentateurs japonais a découvert une nouvelle structure minéralogique. Ils ont montré qu’à des profondeurs qui coïncident exactement à cette fameuse couche D”, la perovskite se transforme en une nouvelle structure plus dense, baptisée « post-perovskite ». Cette découverte a provoqué une effervescence bien au-delà du cercle des minéralogistes : les géodynamiciens et les sismologues s’en sont emparés… La nouvelle structure semble en effet expliquer bon nombre d’observations sismiques. Mais pas toutes, loin de là… Ces résultats et leur lot d’interrogations montrent bien que nous n’avons pas fini de soumettre nos microscopiques échantillons à des conditions « infernales ».
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u Foraminifère avec points d’analyse par sonde ionique.
Pour comprendre notre planète, les géologues ont d’abord arpenté la Terre, notant sur des carnets leurs observations, examinant les roches sous la lumière polarisée des microscopes. Ils ont ensuite inventé des méthodes d’analyse chimique, broyant, fondant, dissolvant les roches pour en déterminer la composition et les comparer les unes aux autres. De nos jours, les géochimistes cherchent la connaissance dans l’infiniment petit car les grands événements profonds de la planète affectent les minéraux à l’échelle microscopique. Avec les instruments les plus modernes, ils observent les minéraux et les analysent tout à la fois, au micromètre près, à la recherche d‘indices datant parfois de plusieurs milliards d’années.
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L’AP P O RT D ES A N A LY S ES C H IM I QUES PON CT U E L LES
Marc Chaussidon géochimiste
i l’on avait fait un sondage, il y a une vingtaine d’années, dans un congrès international de géochimistes, certainement bien peu d’entre eux auraient imaginé que l’on pourrait un jour analyser avec une grande précision la composition isotopique des roches à l’échelle du micromètre. C’est pourtant bien ce qui s’est passé avec le développement des sondes ioniques ces dernières années. Le principe de l’analyse des ions secondaires semble assez simple en théorie, mais sa mise en œuvre a demandé des années d’effort aux physiciens qui l’ont inventé. Les géochimistes ont ensuite adapté l’utilisation des sondes ioniques à leurs besoins et ont développé les procédures analytiques et les méthodes de standardisation qui permettent d’avoir des analyses précises, reproductibles, comparables d’un laboratoire à l’autre.
S
Un certain nombre de questions scientifiques très simples ont motivé ces développements. L’une d’entre elles, qui nous écarte à première vue de la Terre, était d’étudier les phases porteuses des grandes anomalies isotopiques observées dans les météorites primitives. Cela a conduit à la découverte d’une grande variété de grains présolaires, dont l’extrême variabilité de composition isotopique indique qu’ils se sont très probablement condensés dans des enveloppes d’étoiles en fin de vie, bien avant que le système solaire ne se forme. Leurs compositions isotopiques mesurées par sonde ionique sont maintenant utilisées par les astrophysiciens pour faire progresser les modèles d’évolution des étoiles. Une autre question centrale de l’évolution précoce du système solaire est de comprendre la chronologie des processus qui ont permis de pas-
ser du gaz aux premiers grains dans le disque d’accrétion (là où les poussières et les grains réagissent entre eux pour former des objets de plus en plus gros). Les témoins de ces processus sont, entre autres, les inclusions réfractaires (stables à haute température) riches en calcium et aluminium, qui sont les plus anciennes roches connues du système solaire, même si elles sont de taille millimétrique. L’analyse isotopique à l’échelle du micromètre de ces inclusions réfractaires a révélé qu’elles contenaient les traces de la désintégration in situ d’isotopes radioactifs à courte période (comme entre autres l’aluminium 26, le béryllium 10 ou même le béryllium 7 dont la demi-vie n’est que de cinquantetrois jours). Les variations des concentrations de ces radioactivités, éteintes au moment de la formation des inclusions réfractaires et des autres composants des météorites primitives, indiquent que les processus de condensation et de formation des premiers solides et des premières petites planètes se sont produits très rapidement, certainement en moins de 2 millions d’années et à proximité du Soleil. Pour revenir sur Terre, la question scientifique la plus emblématique qui a motivé le développement de l’analyse isotopique in situ a été la quête des roches et des minéraux les plus anciens sur Terre. Si la présence de roches archéennes (plus anciennes que 2,5 milliards d’années) au cœur des grands cratons était connue, on aurait pu croire qu’il ne subsistait pas à la surface de la Terre de trace de roches plus anciennes que 3,8 milliards d’années. Soit ces roches n’avaient jamais existé, et les premiers continents ne s’étaient stabilisés que tardivement après un épisode long d’océan magmatique, soit ils avaient
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U Grain de métal d’un sol lunaire de la mission Apollo analysé par sonde ionique pour trouver la composition isotopique de l’oxygène du vent solaire. u Hypothétique bactérie fossile dans un sédiment siliceux vieux de 3,5 milliards d'années (localité : Warravoona-Australie). Les images des éléments chimiques carbone (C), azote (N), soufre (S), oxygène (O) et silicium (Si) ont été obtenues à la sonde NanoSims. Le regroupement en chapelet de ces objets carbonés, l'association du carbone et de l'azote caractéristique de l'activité biologique, la forme circulaire et la dimension des images chimiques font penser à des bactéries. Si c'est le cas, nous sommes en présence de la plus vieille manifestation de la vie sur la Terre.
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Le zircon est un silicate de zirconium ZrSiO4. Ce minéral se forme dans des roches magmatiques comme les granites abondants dans la croûte continentale. Les zircons sont très résistants à l’altération chimique et sont les principaux témoins des roches les plus anciennes que l’on puisse dater grâce à la présence d’uranium, de thorium et de plomb dans leur réseau cristallin en remplacement du zirconium.
été totalement détruits lors du grand bombardement tardif, qui d’après l’âgedes cratères lunaires, a dû remodeler très profondément la Terre vers 3,9 milliards d’années. C’est grâce au développement, il y a une vingtaine d’années, de la datation de zircons par le système uranium/plomb, avec la sonde ionique SHRIMP de l’Australian National University de Canberra, que nous sommes sûrs maintenant qu’une croûte s’est formée très tôt à la surface de la Terre. Certains zircons ont en effet en leur cœur des zones cristallisées, il y a 4,38 milliards d’années, soit 200 millions d’années après le début de la formation du système solaire. Ces zircons sont les seuls échantillons datant de plus de 4 milliards d’années que nous ayons entre nos mains, ou plus précisément que nous soyons pour l’instant capables de reconnaître car c’est le seul type de minéral pour lequel, actuellement, une datation à l’échelle du micromètre est possible. Un autre indice important que nous fournissent ces zircons vient de leur composition isotopique en oxygène, qui montre aussi dans les cœurs de ces grains des valeurs particulières. Un enrichissement en isotope lourd de l’oxygène (oxygène 18) a en effet été observé dans certains de ces zircons, ce qui suggère que leur source ait été enrichie en cet isotope. La seule manière connue pour faire cet enrichissement est l’interaction à basse température (quelques centaines de degrés au plus) entre l’eau de mer et le manteau, que ce soit par hydrothermalisme ou à travers le cycle sédimentaire. Les enrichissements en oxygène 18 des zircons hadéens (plus vieux que 3,8 milliards d’années) sont donc un argument en faveur de l’existence d’eau liquide sur Terre à cette époque. Les témoins préservés des premiers océans terrestres sont des roches sédimentaires, les silex archéens, dont les plus anciens sont vieux de 3,5 milliards d’années. Si l’on étudie à l’échelle du micromètre leur composition isotopique, on peut mettre en évidence des variations de composition isotopique de l’oxygène et du silicium qui indiqueraient une formation dans des océans ayant une température de l’ordre de 50 °C plus chaude qu’aujourd’hui. Ce sont les mêmes échantillons qui, regardés avec une sonde ionique Nanosims, montrent des structures correspondant très probablement à des bactéries archéennes fossilisées. Comment procède-t-on ? Un échantillon solide est bombardé par un faisceau d’ions de haute énergie. Sous l’effet du bombardement de ce faisceau primaire, l’échantillon est pulvérisé couche atomique après couche atomique et ses éléments constitutifs sont ionisés (ions secondaires), accélérés et analysés dans un spectromètre de masse à haute résolution avant d’être comptés un par un sur les détecteurs.
La taille du faisceau primaire, qui peut être ajustée entre quelques centaines de nanomètres et quelques dizaines de micromètres, détermine la résolution spatiale de l’analyse. La sensibilité et la précision des analyses sont quant à elles fonction essentiellement du nombre d’ions secondaires analysés (ce qui n’est pas indépendant du volume pulvérisé sur l’échantillon), de la résolution des interférences éventuelles grâce aux hautes résolutions de masse que permet le spectromètre et enfin de la stabilité des fractionnements isotopiques créés par l’analyse elle-même. Les performances des instruments actuels se rapprochent des limites intrinsèques à l’analyse : il y a par exemple de l’ordre de 200 millions d’atomes d’oxygène 17 (l’isotope le moins abondant de l’oxygène) dans un cratère d’analyse de 10 micromètres de diamètre et de 0,1 micromètre de profondeur. En supposant une transmission de 10 % dans l’instrument, la meilleure statistique de comptage qui peut être espérée pour l’oxygène 17 est donc de 0,2 ‰. Ce type de précision est maintenant atteint en semiroutine avec les sondes ioniques à grand rayon du type de celle (Cameca ims 1270) qui est installée au Centre de recherches pétrographique et géochimique de Nancy depuis 1996. La Cameca Nanosims récemment installée (en 2006) au Muséum national d’histoire naturelle de Paris permet quant à elle d’atteindre en routine des résolutions spatiales de l’ordre de la dizaine à la centaine de nanomètres et son champ d’excellence est l’imagerie isotopique à haute résolution. Les sondes ioniques offrent en effet des capacités d’imagerie car en plus d’être des spectromètres de masse, ce sont aussi des microscopes ioniques qui donnent la possibilité au géologue d’associer aux mêmes échelles les observations minéralogiques, chimiques et isotopiques. Toutes ces avancées instrumentales ne se sont pas faites juste pour la recherche de l’exploit technique, mais bien pour répondre à un certain nombre de questions fondamentales en sciences de la Terre et de l’Univers. En fait, il semble assez évident que pour comprendre le détail des processus géologiques, il faille aller chercher l’information à une échelle la plus proche possible de celle à laquelle la matière s’organise, c’est-à-dire celle des liaisons chimiques. C’est donc bien aux échelles de nanomètre et du micromètre que sont enregistrés les stades précoces de l’évolution du système solaire et de la Terre. Le développement assez extraordinaire des techniques d’analyse isotopique in situ durant ces dernières années est allé de pair avec une même révolution dans la caractérisation chimique et minéralogique, à travers notamment le développement des spectroscopies in situ sous rayonnement Synchrotron. La géologie d’aujourd’hui et de demain ne peut faire l’impasse sur aucune de ces techniques, même si le coût de ces instruments atteint quelques millions d’euros.
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u Inclusions de coesite partiellement transformée en quartz dans un cristal de grenat pyrope (fond rose, craquelé). Les inclusions sont surtout constituées de quartz (blanc) dans lequel des reliques de grains plus réfringents, corrodés, sont des reliques de coesite. La transformation de coesite (forme de haute pression, dense, de la silice) en quartz (forme de basse pression, de plus fort volume molaire) se produit lors de la décompression de la roche avec une expansion qui fracture le minéral hôte autour des inclusions. D’où les grandes fractures qui rayonnent autour des inclusions et les connectent. C’est dans cet échantillon de roche du massif de Dora-Maira (Alpes italiennes) que la coesite d’origine métamorphique a été décrite pour la première fois – Microphotographie en lumière polarisée non analysée. Longueur du cliché : environ 2 mm.
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Les roches métamorphiques des montagnes ont été enfouies avant de surgir et d’atteindre de hautes cimes. Mais enfouies jusqu’à quelle profondeur ? Cette question en tête, ces pétrographes ont recherché, dans des sédiments peu métamorphisés du massif de la Vanoise, des minéraux formés à grande profondeur qu’ils n’auraient pas dû contenir. Ils y étaient bien. Au laboratoire, les analyses ont révélé des profondeurs exceptionnelles. La Vanoise était-elle un cas unique ?
DE LA MINÉRALOGIE DES HAUTES PRESSIONS À LA MODÉLISATION DES CHAÎNES DE MONTAGNES
Christian Chopin et Bruno Goffé Pétrographes
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951, dans la jungle de l’île des Célèbes ; 1973, dans les parois vertigineuses d’un sommet de la Vanoise ; deux découvertes minéralogiques discrètes qui en entraînent une troisième plus médiatique en 1984, dans les Alpes italiennes, suivie par une série de descriptions de nouveaux minéraux et de leurs assemblages. Ces découvertes, auxquelles nous avons eu la chance de participer, ont révolutionné la perception du métamorphisme par la communauté des géologues et des géophysiciens, et entraîné la remise en cause de principes apparemment bien établis. Il s’agit de la présence de deux silicates, connus pour être stables à haute pression, la ferrocarpholite et la magnésiocarpholite, dans des sédiments métamorphisés (métasédiments), et de celle de la coesite, polymorphe de haute pression du quartz, dans les gneiss de la croûte continentale alpine. Mais quel rapport entre ces carpholites, la coesite les métasédiments et la croûte continentale, et quel principe physique était en cause ? Au début des années 1970, la vision globale apportée par la tectonique des plaques pénétrait rapidement dans tous les domaines de la géologie. Une idée forte soutenue par les géophysiciens était que la croûte continentale, peu dense, en grande partie constituée de granites, ne pouvait, pour des raisons
de flottabilité, entrer en subduction et ne pouvait donc pas être métamorphisée à grande profondeur, dans des conditions de haute pression. Seule la lithosphère océanique, plus dense, composée de basaltes – ou gabbros – transformés en schistes bleus – ou éclogites –, pouvait être subduite et transformée à des pressions élevées. C’est d’ailleurs dans ces roches que l’on connaissait les associations minérales de plus haute pression, dont les conditions maximales étaient alors estimées autour de 11 à 13 kilobars (correspondant à des profondeurs de formation de 40 à 50 kilomètres). Une première brèche avait été ouverte en 1979 par Tim Holland : appliquant ses travaux expérimentaux sur la stabilité du mica sodique à l’étude d’éclogites à disthène dans les Alpes orientales, il avait conclu pour la première fois à des pressions de formation proches de 19 kilobars. La découverte de la coesite en 1984 venait pratiquement doubler les pressions connues pour le métamorphisme et donc doubler les profondeurs admises pour l’enfouissement de la croûte continentale. En effet, les conditions de stabilité de ce polymorphe de haute pression du quartz étaient déjà expérimentalement très bien connues à cette époque ; elles imposent des pressions supérieures à 25 kilobars, et donc des enfouissements de l’ordre de 100 kilomètres. Le principe 155
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t ~ 1 Ma
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u Simulation numérique d’une subduction avec évolution des matériaux entrant dans le prisme d’accrétion et le chenal de subduction (rectangle en rouge). Les trois figures, à dominante bleue, sont des zooms du rectangle rouge, la lithosphère plongeante est indiquée par le double trait noir et la flèche associée. Deux types de mouvement sont révélés : des matériaux sont définitivement enfouis et ne reviendront jamais en surface (flèche grise) ; d’autres matériaux (dans l’ellipse rouge) remontent vers la surface en 10 millions d’années.
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U Cristal millimétrique d’ellenbergerite (violet), silicate hydraté d’aluminium, magnésium et titane, inclus dans un cristal de grenat pyrope (fond clair craquelé). Ce minéral dédié à François Ellenberger, géologue français et observateur hors pair, n’est connu que dans les roches métamorphiques de très haute pression des Alpes occidentales. Il a pu être synthétisé à des pressions supérieures à 3 GPa. Les petits grains brun sombre inclus dans l’ellenbergerite sont du rutile (TiO2). Les variations de couleur du prisme d’ellenbergerite sont dues à la variation des proportions de titane et zirconium dans ce minéral. Massif Dora-Maira, Alpes italiennes. Lumière polarisée non analysée. Longueur du cliché : environ 4 mm.
de la croûte continentale insubmersible avait vécu, avec à la clé une suite de problèmes géologiques et géodynamiques passionnants : comment enfouir cette croûte légère à de telles profondeurs ? Comment, une fois transformée en profondeur, peut-elle être exhumée ? À quelle vitesse, par quels mécanismes ? La découverte de la coesite fut publiée en 1984, annoncée en 1983, mais résulte d’une campagne d’échantillonnage conduite en 1982 dans le sud des Alpes. William M. Murphy du Central Prediction Laboratory de l’université de Californie à Berkeley nous accompagnait ; cette expédition associait donc déjà, de manière très symptomatique, deux pétrographes à la fois minéralogistes de terrain mais familiers du travail expérimental à haute pression, et un modélisateur thermodynamicien. Elle avait pour objectif principal de l’extension du domaine où la carpholite était présente, minéral dont on soupçonnait alors, sur la base d’observations de terrain et des expériences de synthèse à haute pression, qu’il était un marqueur de conditions de haute pression et très basse température dans des roches alors considérées comme superficielles, peu ou non métamorphiques. Nous avions compris que le système chimique simple nécessaire à la formation de ce minéral (silicium, aluminium, magnésium, fer, oxygène, hydrogène) avait la capacité d’enregistrer continûment l’évolution vers des pressions de plus en plus fortes. Il nous fallait trouver des roches suffisamment riches en magnésium. Or, de telles roches avaient bien été décrites, dans le massif alpin
U Un exemple de réaction minérale saisie « sur le vif » : un cristal de bearthite (en bleu vif ; aluminophosphate de calcium dédié à Peter Bearth, pionnier suisse de la pétrologie alpine) se décompose sur sa bordure en un mélange d’apatite (phosphate de calcium, en gris) et de monazite (phosphate de terres rares, vermicules plus clairs), le tout dans une matrice de mica blanc (lamelles violettes et bleu pâle). Microphotographie d’une lame mince d’un schiste de très haute pression (massif de Dora-Maira, Alpes italiennes) en lumière polarisée. Longueur du cliché : 0,5 mm.
de Dora-Maira par Pierre Vialon en 1964, à quelques kilomètres à vol d’oiseau du domaine à carpholite. Le saut d’idée et de distance était alors, en 1982, facile à exécuter. Il nous permit d’y confirmer la présence de pyrope (grenat purement magnésien) signalée par Vialon – et qui nous étonnait, tant étaient élevées les conditions de pression et température révélées entre-temps par la pétrologie expérimentale pour la stabilité de ce minéral. Mais l’identification de la coesite en inclusion dans ces grenats allait bien au-delà ; ce fut une surprise colossale. Ces découvertes et les questions afférentes ont entraîné une floraison de travaux dans la pétrologie des hautes pressions, en particulier la minéralogie des métasédiments. Ces roches se révélaient, à haute pression, d’excellents indicateurs des conditions qu’elles avaient subies par la succession d’associations minérales variées, comme c’était le cas à basse pression, mais avec des minéraux peu connus ou inconnus jusqu’alors. En deux décennies, l’inventaire en était fait : avec en particulier ellenbergerite et saliotite pour les nouvelles phases minérales, et des associations rares de minéraux par ailleurs communs, telles que disthène-talc-mica blanc, talc-grenat ou talc-chloritoïde. Mais en 1992, la découverte au Kazakhstan par Nikolaï Sobolev de microdiamants d’origine indubitablement métamorphique, impliquant des enfouissements de l’ordre de 150 kilomètres, relance la course vers les très hautes pressions, par 157
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un travail de détective minéralogiste à travers la plupart des chaînes de montagnes du monde, actives ou fossiles. Cette quête conduit à la découverte de coesite, de diamant et d’autres indices de très hautes pressions dans de nombreuses chaînes de montagnes, de la Norvège au Groenland et à l’Antarctique, du Brésil à l’Indonésie et à la Chine, des Alpes à l’Himalaya. Ces recherches établissent la généralité du phénomène de subduction continentale dans les zones de collision, au moins depuis les 600 derniers millions d’années. De plus, elles démontrent par des datations que l’exhumation de lambeaux de croûte continentale depuis ces profondeurs jusqu’alors insoupçonnées (au moins 100 à 150 kilomètres) se produit en quelques millions d’années à peine, donc à des vitesses de plusieurs centimètres par an. Il s’agit bien de vitesses de déplacement de plaques, supérieures d’un ordre de grandeur aux vitesses d’érosion, impliquant donc des mouvements tectoniques profonds, dans le chenal de subduction. Pendant ce temps, directement nourrie par ces observations pétrologiques, une activité expérimentale intense dans des laboratoires comme ceux de Bochum, Bayreuth, Chicago, Paris, synthétisait ces phases nouvelles et établissait leur domaine de stabilité, permettant l’obtention de leurs propriétés thermodynamiques. Rétrospectivement, il est clair que tous ces développements, ce saut de connaissances, ont été portés par deux avancées techniques indépendantes : l’accès facile à partir des années 1970 à des méthodes de microanalyse chimique grâce la microsonde électronique, alors dite de Castaing, et l’arrivée en masse de micro-ordinateurs dans les laboratoires à la décennie suivante. En effet, en 1988, Berman et Brown ont publié et distribué une méthode, une base de données thermodynamiques et un outil informatique de calcul pour déterminer à toute pression et température la stabilité des principales phases minérales 158
dans le domaine du métamorphisme. Il devint alors possible de prédire le contenu minéral de tout type de roches dans toutes les conditions et ainsi d’aborder, à des niveaux de précision compatibles avec la géologie, la modélisation de l’évolution des densités des sédiments, de la croûte continentale et de la croûte océanique entraînées dans la subduction et dans le prisme orogénique qui constitue la chaîne de montagnes. La minéralogie rejoignait enfin la géophysique et en 1997, les premiers modèles de chaînes de montagnes intégrant des variations de densité étaient publiés par des équipes françaises associant minéralogistes et géophysiciens. Encore plus récemment, les progrès de l’imagerie chimique à l’échelle micro et nanométrique, associés à la puissance des traitements de données, poussent cette démarche à ses limites en transformant la roche en un objet virtuel numérique qui peut être exprimé à volonté sous forme d’images visualisant l’histoire en température ou en pression, comme l’ont fait des chercheurs de Grenoble en 2006, ou intégré dans des modèles globaux de la Terre. N’y aurait-il plus rien à trouver dans les domaines de la minéralogie de haute pression ? La boucle est-elle bouclée ? Certainement pas ! Mais la quête s’est déplacée vers la Terre ultraprofonde dont les témoins à la surface sont quasiment inexistants : quelques micro-inclusions préservées dans de rares diamants formés de 400 à 600 kilomètres de profondeur. Bien plus souvent, l’objet est créé à travers l’expérimentation à ultra-hautes pression et température, et analysé par les technologies des nanosciences et de la physique des particules, ou bien reste virtuel, modélisé par la physique quantique. Mais c’est une autre histoire, loin du terrain et de ses aventures humaines.
u De nouvelles méthodes permettent de procéder automatiquement aux calculs de pression, température, fugacité d’oxygène et déformation des roches à partir de lames minces. Les minéraux sont d’abord identifiés. Puis des cartes de compositions chimiques quantitatives sont établies en identifiant automatiquement les différents minéraux par leur couleur (orange pour la chlorite, blanc pour la phengite). Le domaine de pression et de température est alors calculé pour chaque pixel, les équilibres possibles pression-températures sont indiqués par des lignes (8-12 kbar, 420-480 °C lignes jaunes ou 2-8 kbar 250-350 °C lignes rouges). La combinaison de tous les résultats permet de tracer automatiquement une carte P-T-fO2déformation.
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u Expériences de laboratoire pour l’étude de la convection dans le manteau terrestre. La base de la cuve est plus chaude que le haut. Le fluide utilisé est un sirop de glucose, dont la viscosité augmente fortement lorsque la température décroît, de manière analogue aux roches du manteau. Les lignes brillantes sont des isothermes. Des panaches ascendants chauds en forme de champignon apparaissent, formant des « points chauds », source du volcanisme intra-plaque terrestre, tandis que des lames froides tombent à l’image de la lithosphère dans les zones de subduction (photo du bas). Développement d’un panache chaud (photos du haut).
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Les processus terrestres sont d'une telle complexité, interagissant les uns sur les autres, qu'il est difficile d'en établir la chaîne des causes et des effets. Comment relier la fracture d'un minéral à la tectonique des plaques, l'ouverture d'un bassin, des éruptions volcaniques aux mouvements du manteau ? Comment imaginer des phénomènes qui durent des dizaines ou centaines de millions d'années ? C'est en simplifiant à l'extrême, par des expériences de laboratoire ou des modélisations numériques, que la complexité de la Terre s'éclaircit.
MODÉ LI SE R LA T E R R E
Anne Davaille Géophysicienne
bserver, mesurer, comprendre, prévoir… Telles sont les missions de la communauté scientifique. Mais toute étude des phénomènes naturels doit jongler avec une gamme d’échelles imbriquées de temps et d’espace : un tremblement de terre se produit en quelques secondes, un tsunami en quelques heures ; une éruption volcanique survient en quelques années ; un réseau hydrographique se construit en centaines, voire milliers d’années, un édifice volcanique en centaines de milliers d’années ; la dérive des continents œuvre des centaines de millions d’années, et l’évolution de la Terre se compte en milliards d’années… Comprendre et prévoir l’évolution de ce système terrestre muti-échelles représente donc un défi pour le géophysicien, d’une part, parce que les phénomènes entrant en jeu ne sont pas tous identifiés et que d’autre part, les données disponibles, bien que très diverses, ne permettent pas de l’imager précisément. C’est pourquoi le progrès en géodynamique nécessite deux approches complémentaires : la compréhension physique et le respect des observations de tout genre. En effet, pour évaluer la plausibilité d’un modèle, ou représentation simplifiée de la Terre, il est nécessaire de comprendre les mécanismes qui le régulent, et donc de commencer l'étude des phénomènes au niveau fondamental, en utilisant des modèles choisis de manière à en dégager les prin-
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cipes physiques. Par ailleurs, une des forces de la géophysique est la possibilité de faire appel, dans l’étude d’un seul et même problème, à des observations très différentes comme : les anomalies de topographie, de gravité, de géoïde, de flux de chaleur et de magnétisme ; les vitesses sismiques, leur atténuation, et leur anisotropie ; les données pétrologiques et géochimiques. La dynamique est donc guidée et corrigée par les observations pour devenir géodynamique. Et la modélisation cherche à expliquer dans un même cadre les observations venant de domaines différents, pour mener à la compréhension quantitative et prédictive de la dynamique terrestre. Cette modélisation se nourrit actuellement de trois approches complémentaires : théorie, simulations numériques, et expériences de laboratoire. Les deux premières nécessitent de poser les équations mathématiques qui régissent le phénomène étudié. La troisième laisse à la Nature le soin de les trouver et de les résoudre en explorant une nouvelle physique, ou en résolvant des équations trop complexes pour l’être théoriquement ou numériquement. D’un autre côté, simulations numériques et expériences de laboratoire servent à construire des bases de données bien contrôlées sur lesquelles tester la théorie.
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u Convection « à petite échelle » (panaches froids) pouvant se développer sous la lithosphère océanique ou continentale. U Modélisation des chambres magmatiques. Convection thermique dans une cire refroidie et donc cristallisant par le dessus (à gauche). Volcan en miniature : en refroidissant dans la chambre magmatique, les volatils contenus dans les laves forment de petites bulles, qui s’élèvent et coalescent au toit de la chambre. Les grosses bulles ainsi générées s’échappent par la cheminée du volcan pour provoquer les types d’éruptions rencontrées à Hawaii ou au Stromboli (à droite).
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u La tectonique dépend fortement des propriétés de la lithosphère (croûte et manteau lithosphérique). Cette expérience numérique étudie son comportement 2D dans des conditions d’étirement à différentes températures. De haut en bas : forte résistance de la lithosphère, la déformation entre la croûte et le manteau est fortement couplée entraînant la formation de failles lithosphériques ; moindre résistance de la lithosphère, la croûte profonde est très déformée entraînant un découplage entre croûte et manteau ; faible résistance de la lithosphère, la déformation est distribuée.
Construire des modèles Un modèle se veut une représentation simplifiée mais fidèle d’un phénomène ou d’un ensemble de phénomènes. Du fait de la complexité des systèmes naturels, il faut en général développer une série de modèles de complexité croissante. À cet égard, théorie et expériences de laboratoire seront plus efficaces pour étudier un phénomène isolé (exemple : convection thermique ; effet dynamo) où le couplage entre deux phénomènes (exemple : couplage tectonique/érosion). Tandis que les simulations numériques permettent d’étudier des phénomènes hors de portée des expériences de laboratoire (par exemple, la convection en présence de changements de phase solide/solide ; la propagation d’onde dans une Terre sphérique hétérogène ; la géodynamo), ou bien le couplage d’un plus grand nombre de phénomènes (exemple : modèles de climat ou de paléo-climat). Intéressons-nous tout d’abord aux modèles de laboratoire, encore appelés « modèles analogiques ». Leur but n’est pas seulement d’explorer un phénomène, mais de déterminer des « lois d’échelle », c’est-à-dire les fonctions reliant certaines données observables aux différents paramètres du problème. Ceci, afin de prédire le comportement d’autres systèmes similaires, tel que le
manteau terrestre en géodynamique. Il n’est pas question de construire une Terre complète en miniature dans le laboratoire. Un modèle simplifié est construit, faisant intervenir un nombre limité de paramètres et d’observables, qui varient de façon contrôlée et mesurable. Pour construire ces modèles réduits, une géométrie similaire ne suffit pas à assurer des mécanique ou dynamique similaires. Galilée est sans doute le premier à avoir soulevé cette question dans ses Dialogues sur l’Arsenal de Venise. Il y remarque en effet que la résistance de deux bateaux, ou de deux échafaudages, bien que de géométrie semblable, ne varie pas linéairement avec leur taille. En fait, une même dynamique nécessite non seulement des conditions aux limites (géométrie, thermique, mécanique) similaires, mais des matériaux dont les lois de comportements (exemple : fluage) le sont aussi, et des équilibres semblables entre les forces agissant sur le système. Dans le cas de la convection thermique par exemple : une goutte de fluide se dilate sous l'effet de la chaleur, devient plus légère et s’élève sous l’effet de la poussée d’Archimède. En revanche, en s’élevant, elle se heurte à la résistance du fluide (les frottements visqueux) et perd de la chaleur par diffusion, ce qui réduit la poussée d’Archimède et le moteur de la convection. Pour qu’il y ait convection, la force d’Archimède doit contrebalancer ces deux effets. C’est donc le rapport entre le moteur de la convection et les deux effets diffusifs (le
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u Cette expérience avec de la plastiscine, un TERRE , PLANÈTE MYSTÉRIEUSE
5 - LA TERRE RÉINVENTÉE EN LABORATO IRE
poinçon dur la pénétrant poussé par un vérin, tout en étant bloqué sur la gauche par une paroi, alors que le bord droit est libre, a montré l’analogie du poinçonnement de l’Inde avec l’Asie et la formation de grandes failles qui permettent l’expulsion de blocs vers le bord libre.
U Expérience analogique de formation et d’érosion des chaînes de montagnes. Des poudres de différentes couleurs sont placées dans un bac et simulent des sédiments. En rapprochant un bord du bac vers son opposé, on comprime le système, des plis, des failles chevauchantes apparaissent. On étudie ainsi la formation des chaînes de montagnes. Dans cette expérience, le relief est érodé au fur et à mesure qu’il se forme. On a constaté que la structure de la chaîne en profondeur est différente de celle d’une chaîne sans érosion. U Modélisation expérimentale analogique d'un bassin salifère (de type « pull-apart ») : exemple de la mer Morte. Le comportement mécanique des roches fragiles et ductiles est respectivement simulé par du sable et de la silicone. Photographie et dessin du bassin après déformation et agencement des plis et failles au-dessus du niveau de « sel » en fonction de la déformation interne au bassin.
célèbre nombre de Rayleigh) qui caractérise le phénomène. Ainsi, tous les systèmes ayant le même nombre de Rayleigh se comporteront de la même manière, quelle que soit leur taille. En revanche, les constantes de temps et les dimensions sur lesquelles se déroulera le phénomène dépendront de la taille du système. Grâce à cela, la convection en laboratoire d’un sirop de sucre dans un aquarium, sur une échelle de quelques heures, peut être un bon analogue de la convection dans le manteau terrestre solide à l’échelle des temps géologiques ; tout comme la compression de couches de sable et de silicone permet de simuler la formation de chaînes de montagnes. Les modèles théoriques ou numériques utilisent aussi ce même concept de similarité. Si la modélisation passe par la compréhension physique, et encore souvent en sciences de la Terre par le développement d’une nouvelle physique, elle nécessite aussi des développements en instrumentation pour les modèles analogiques, en mathématiques appliquées et en informatique pour les modèles théorique et numérique. Il est ainsi maintenant possible de déterminer in situ les champs tridimensionnels de température et de vitesse à l’intérieur d’une cellule convective, ce qui était réservé aux simulations numériques jusqu’à ces dernières années. De même, les progrès constants en puissance et mémoire des
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ordinateurs permettent la résolution fine de phénomènes de plus en plus complexes. Ces développement permettent des comparaisons riches d’enseignement entre expériences de laboratoire, théorie et simulations numériques. Les études couplées se multiplient, les différentes approches étant comparées et validées sur un certain domaine de paramètres. On peut alors poursuivre l’étude en utilisant la méthode la plus performante pour étendre le domaine des paramètres. Succès récents et défis de demain Les équipes françaises se sont illustrées grâce aux observations et à la modélisation, par des avancées dans la compréhension de la dynamique de la Terre profonde, des systèmes volcaniques, de la tectonique ou de l’érosion. À chaque fois, la compréhension du système total, complexe, est passé par l’identification des processus importants pour sa dynamique globale, l’étude des phénomènes un par un, puis l’étude des couplages entre phénomènes. C’est ainsi qu’apparaît maintenant une vision hybride de la convection dans le manteau terrestre : du fait du comportement mécanique des roches mantelliques, cassantes en surface, fluant en profondeur (bien que très visqueuses
u Expérience de modélisation analogique consacrée à l'étude de l'évolution dynamique des reliefs d'une chaîne de montagnes. L'objectif de ce type d'expérience est de mieux comprendre les interactions qui existent entre l'activité géologique, responsable de la surrection des reliefs et les processus d'érosion/sédimentation qui les façonnent. L’ éclairage laser et les franges d’interférométrie permettent d’avoir une mesure précise de l’évolution du relief.
lorsqu’elles sont froides et beaucoup moins à plus haute température), courants froids et courants chauds n’ont pas la même morphologie. Le manteau est ainsi divisé en grandes cellules par les panneaux plongeants froids de subduction, tandis qu’à l’intérieur de chaque cellule se développent plusieurs courants ascendants chauds tridimensionnels (exemple : panaches), responsables du volcanisme de point chaud. De plus, comme le manteau est hétérogène en composition et en densité, la mécanique des fluides prédit qu’il existe plusieurs types de points chauds, en accord avec les observations. À plus petite échelle, de nombreux processus ont pu être étudiés tels que la formation des prismes d’accrétion ou des chaînes de montagnes, l’exhumation des roches de haute pression dans les zones de subduction, les interactions entre tectonique et sédimentation lors de la formation des prismes orogéniques, ou encore l’évolution des réseaux fluviatiles en réponse à la tectonique.
le noyau terrestre en rotation, mais pour des gammes de paramètres qui restent encore éloignées de la réalité terrestre, le principal problème vient de l’impossibilité de résoudre à la fois les très petites et les très grandes échelles. C’est là encore qu’interviennent les expériences de laboratoire (par exemple celle du groupe grenoblois) qui permettent de regarder l’influence de la turbulence à petite échelle sur les écoulements en rotation et le champ magnétique. Une voie prometteuse s’ouvre d’ailleurs maintenant avec la puissance des calculateurs « petaflop » et la possibilité d’assimiler les données d’observation dans les simulations numériques. Déjà utilisée pour la prévision du climat, cette technique se révèle très intéressante pour les phénomènes à courte constante de temps, comme par exemple les fluctuations du champs magnétique.
u Bassin deQue Paris nous faut-il maintenant de plus pour comprendre et prévoir la Terre? La liste Socle anté-trasique et topographie des problèmes L’étude de la génération du champ magnétique est aussi exemplaire :actuelle confir-: Volume de sédimentsnon résolus est longue : on peut citer, outre la géodynamo, les mant la théorie, les expériences de laboratoire ont prouvé que le mouvement phénomènes de couplage entre phases ou enveloppes (fluides/roches, terre de liquide conducteur pouvait générer un champ magnétique auto-entretenu interne/océan-atmosphère), la fusion partielle, la génération des trembleet des inversions de ce champ (encore récemment à Cadarache). Les simula- ments de terre, ou encore le mélange et la génération de la tectonique des tions numériques ont montré la possibilité de générer ce type de champ dans plaques dans un manteau constitué de « matière molle ». 165
L’INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES DE L’UNIVERS L’Univers, la Terre enveloppée d’océans et d’une atmosphère sont des objets d’étude singuliers. Immenses, complexes, évoluant depuis des temps qui se comptent en milliards d’années, mais subissant des événements aussi brusques qu’imprévus, ils nécessitent de la part des astronomes et astrophysiciens et de tous les spécialistes des géosciences prises dans le sens le plus large des méthodes d’analyse et moyens d’observation particuliers. Observatoires, satellites, navires océanographiques, accélérateurs de particules, supercalculateurs, pérennes des décennies, sont parmi les instruments collectifs nécessaires aux sciences de l’Univers. L’Institut des sciences de l’Univers, crée par décret en 1985, au sein du CNRS, a pour mission d’élaborer, développer, coordonner ces recherches d’ampleurs nationale et internationale sur la planète et l’Univers. http://www.insu.cnrs.fr/
REMERCIEMENTS Nous remercions les nombreux chercheurs dont les contributions nous ont permis d’illustrer ce livre et tous ceux qui nous ont aidé par leur réflexion et leur soutien.
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CNRS/Paris Diderot), J.Aubert et al. / P 90 : LGIT (INSU-CNRS/Univ. J. Fourier), P. Cardin / P 91 : LGIT (INSUCNRS/Univ. J.Fourier), N. Gillet et al. / P 92 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), E. Dormy / P 93 : IPGP (INSUCNRS/Paris Diderot) & Danish Space Research Institut, G. Hulot et al.
TABLE DES ILLUSTRATIONS NOTRE PLANÈTE LES PLAQUES EN MOUVEMENT
L’HISTOIRE DU MANTE AU P 94 : Magma et volcans (INSU-CNRS/UBP/IRD), P. Schiano / P 96 : IPGP (INSU-CNRS/Univ. de la Réunion), T. Staudacher / P 97 : Sciences de la Terre (ENS Lyon), IPGP (Paris Diderot), IPGS(Univ. Louis Pasteur), INSU-CNRS, J. Blichert-Toft et al. / P 98 : Sciences de la Terre (INSU-CNRS/ENS Lyon), d’après J Schmalzl et Y. Ricard
P 10 : CCGM, CNRS-ENS-GeoSubsight / P 11 : d’après CNRS-MNHN
1. LES CICATRICES DE LA TERRE DYNAMIQUE DE LA LITHOSPHÈRE CONTINENTALE P 12 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot) – CNES, B. MEYER et al.
LA TECTONIQUE DES CONTINENTS : FAILLES ET ZONES DE CISAILLEMENT P 14 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), P. Tapponnier et al. / P 16, 17 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot, A. Replumaz et al. / P 18 haut et centre : © IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), Y. Klinger / P 18 bas : IPGS (INSU-CNRS/Strasbourg 1), G. Wittlinger et al. / P 19 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), M. Daeron et al.
COMMENT NAISSENT ET MEURENT LES CHAÎNES DE MONTAGNES ? P 20 : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/UPMC-P6), L. Jolivet / P 20, 21 centre, droite, bas CEA/DASE/LDG, L. Bollinger, / P 22 gauche : Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2), Y. Lagabrielle / P 23 centre : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/UPMC-P6), L. Jolivet / P 23 droite CEA/DASE/LDG, L. Bollinger, / P 23 – 23 schémas : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/ UPMC-P6), L. Jolivet / P 22 bas : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/ UPMC-P6), L. Jolivet / P 24-25 : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/ UPMC-P6), L. Jolivet
IMAGER LA TERRE POUR MIEUX L’IMAGINER P 100 haut : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), Gaboret et al. / P 100 bas : Petit schéma P de gauche, en bas, domaine public, / P 101 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), / P 102 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), d'après Chaljub et A. Tarantola / P 102 droite : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), J.P. Montagner P 103 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), Gaboret et al., / P 103 droite : IPGS (INSU-CNRS/Strasbourg 1), E. Debayle et al. / P 104 haut : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), Ren et al. / P 104 bas gauche et droite : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), Ren et al, J.P. Montagner et al. & A. Davaille et al. / P 105 : LGIT (INSUCNRS/Univ. J. Fourier), A. Paul et al. UNE TERRE EN PERPÉTUEL MOUVEMENT P 106 : Sciences de la Terre (ENS Lyon/INSU-CNRS), F. Dubuffet) / P 108 : Dynamique terrestre et planétaire (INSU-CNRS/Univ Toulouse 3), P. Machetel et al. / P 109 : Sciences de la Terre (ENS Lyon/INSUCNRS), C. Grigne / P 111 : CNES. GRGS. CNRS. Dynamique terrestre et planétaire.
4. LE PASSE DE LA TERRE : LA RECONSTRUCTION DE L’HISTOIRE DE LA PLANÈTE P 112 : Domaine Océanique (INSU-CNRS/UBO), J.Y. Royer et al.
DÉFORMATION DE LA LITHOSPHÈRE : L’APPORT DE LA GÉODÉSIE SPATIALE P 26 : Géologie (ENS/INSU-CNRS), C. Vigny / P 28 haut droite, milieu, bas : Géologie (ENS/INSU-CNRS), C. Vigny et al. / P 28 haut gauche : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot) – DUT, A. Socquet et J. Pietrzack P 30 : Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2), Vernant et al. / P 31 gauche : REGALGeoscience azur (INSU-CNRS/UPMC-P6), J.M. Nocquet et al. / P 31 droite : Géologie (ENS/INSU-CNRS), C. Vigny / P 32 haut : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), R.Grandin et A. Socquet / P 32 bas gauche : Dynamique terrestre et planétaire (INSU-CNRS/Univ Toulouse 3), K.Feigl et al. / P 32 droite : JPL, IPGP (INSUCNRS/Paris Diderot),D. Peltzer et al. / P 33 : ITU - IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), JPL, Z. Cakir, J.B. De Chabalier et al. POURRA-T-ON JAMAIS PRÉVOIR LES SÉISMES ? P 34 : Géologie (ENS/INSU-CNRS) - ETH-Zürich, R. Madariaga et al. / P 36 gauche : BRGM, IPGP (INSUCNRS/Paris Diderot) - Géologie (ENS/INSU-CNRS), H. Aochi et al. / P 36 droite : Géologie (ENS/INSUCNRS), C. Vigny / P 37 : Géologie (ENS/INSU-CNRS) - DGF (Univ. du Chili), Gardi et al. / P 38 : Géologie (ENS/INSU-CNRS), C. Lasserre. / P 39 gauche : LGIT (INSU-CNRS-UJF-IRD-LPEC) - OCA (INSU-CNRS/IRD). Bouchon et Vallée / P 39 droite : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), C. Larmat et al.
L’ÉROSION N’EST PAS ANODINE P 40 : LMTG (INSU-CNRS/Toulouse 3/IRD) - CNRS Photothèque/F. Christophoul / P 42 haut : SeaWiFS Project, NASA/Goddard Space Flight Center, and ORBIMAGE / P 42 bas : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), F. Métivier / P 43 gauche : CRPG (INSU-CNRS) C. France-Lanord / P 43 droite : CRPG (INSU-CNRS), V. Galy et B. Lartiges / P 44 - 45 : CRPG (INSU-CNRS) C. France-Lanord (gauche, droite, bas) / P 46 colonne gauche : Géosciences Rennes (INSU-CNRS/Univ. Rennes 1), P.Davy / P 46 droite : CRPG (INSUCNRS) C. France-Lanord (droite) / P 47 droite : LMTG (INSU-CNRS/Toulouse 3/IRD) AU-DESSOUS ET AU-DESSUS DES VOLCANS P 48 : Photo J. Warren, April 21, 1990 (tdr) / P 50 haut : Cnrs Photothèque J.L. Cheminée / P 50 bas : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), C. Jaupart / P 51 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), JC Tanguy / P 52 – 53 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), C. Jaupart / P 54 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), JC Komorowski. / P 55 : Paul Delaney (United States Geological Survey) (TDR)
2. LES ABYSSES DYNAMIQUE DE LA LITHOSPHÈRE OCÉANIQUE P 56 : Geosciences Azur (Univ. Nice/Univ. UPMC-P6/IRD), Sardou & J.Mascle NOUVEAUX REGARDS SUR LA FORMATION DE LA CROÛTE OCÉANIQUE P 58 : Legos (INSU-CNRS/Toulouse 3)-CNES/IRD, M. Berge-Nguyen et al. / P 60 : IPGS (INSU-CNRS/ Univ Strasbourg I), V. Mendel et al. / P 61 gauche : Domaine Océanique (INSU-CNRS/UBO) - campagne 2006 - MD157 du N.O. Marion Dufresne, M. Maia / P 61 droite : IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), J. Dyment et al. / P 62 : TDR / P 62 droite : Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2), Y. Lagabrielle / P 63 : Ifremer - IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), / P 64 : Ifremer - IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), / P 65 haut : IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), campagnes FARA-SIGMA, J. Escartin et al. / P 65 bas gauche : IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), / P 65 bas droite : IPGP (INSUCNRS/ Univ. Paris Diderot), S. Singh et Crawford.
LA TERRE AVANT LES PREMIERS ÊTRES VIVANTS P 114 : CRPG (INSU-CNRS), B.Marty / P 116 : Sciences de la Terre (ENS/INSU-CNRS/Univ. Lyon I), S.Labrosse & al. / P 117 : Nano-Analyse (INSU-CNRS/MNHN), Photothèque/Raguet / P 118 : CRPG (INSU-CNRS) - CNRS Photothèque, M. Chaussidon / P 119 gauche : LMTG (INSU-CNRS/ Univ. Paul Sabatier), CNRS Photothèque/Poitrasson / P 119 haut droite : CRPG (INSU-CNRS), B.Marty / P 119 bas droite : Sciences de la Terre (ENS/INSU-CNRS/Univ. Lyon I) - CNRS Photothèque/Boyet-Caro TECTONIQUE DES PLAQUES, POINTS CHAUDS ET TRAPPS VOLCANIQUES : DE LA SURFACE À L’INTÉRIEUR DE LA TERRE P 120 : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot), E. Stutzmann / P 122 : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot), J. Besse / P 123 : haut et bas : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot), E. Stutzmann LA TERRE EN CRISE P 124 : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot), V. Courtillot / P 126 gauche : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot), / P 126 droite : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot), V. Courtillot / P 127 : IPGP (INSUCNRS/Univ. Paris Diderot), V. Courtillot & P. Renne NOUVEAUX REGARDS SUR L’ÉVOLUTION ET LA BIODIVERSITÉ PASSÉE P 128 : Géosciences Rennes (Univ. de Rennes/INSU-CNRS), V. Perrichot & D. Néraudeau / P 130 haut : dessins de D.-Y. Huang, cliché J.Vannier (Paléoenvironnements & Paléobiosphère INSU-CNRS/Univ. Lyon) / P 130 bas : Paléoenvironnements & Paléobiosphère (INSU-CNRS/Univ. Lyon), J.Vannier / P 131 haut : Photo : Prof. D. Shu , Northwest University of P.R. China & Paléobiodiversité et paléoenvironnements (MNHN/Univ Pierre et Marie Curie/INSU-CNRS), P. Janvier / P 131 bas gauche : Collections J.-Y. Chen, cliché J.Vannier (Paléoenvironnements & Paléobiosphère INSU-CNRS/Univ. Lyon) / P 131 bas droite : Collections J.-Y. Chen, cliché J.Vannier (Paléoenvironnements & Paléobiosphère INSU-CNRS/Univ. Lyon) / P 132 gauche : Paléoenvironnements et paléobiosphère (INSU-CNRS/Univ. Lyon), B. Gomez / P 132 droit : Paléoenvironnements et paléobiosphère (INSU-CNRS/Univ. Lyon I), D. Delmail & B. Gomez, / P 133 : Paléobiodiversité et paléoenvironnements (MNHN/Univ Pierre et Marie Curie/INSU-CNRS), P.D. Gingerich / P 134 : Géosciences Rennes (Univ. de Rennes/INSU-CNRS) et ESRF-Grenoble, Malvina Lak , Didier Néraudeau, Paul Tafforeau / P 134 bas droite : Laboratoire de Géologie (ENS/INSU-CNRS), ESRF-Grenoble, E. Buffeteau, P. Tafforeau et al. / P 135 gauche haut et milieu : Géosciences Rennes (Univ. de Rennes/INSU-CNRS), V. Girard et D. Néraudeau / P 135 droite : Géosciences Rennes (Univ. de Rennes/INSU-CNRS), V. Perrichot & D. Néraudeau / P 135 bas : Paléoenvironnements et paléobiosphère (INSU-CNRS/Univ. Lyon), B. Gomez / P 136 –137 : Paléobiodiversité et paléoenvironnements (MNHN/Univ Pierre et Marie Curie/CNRS), D. Merle / P 136 bas : Géosciences Rennes (Univ. de Rennes/INSU-CNRS), J-C. Dudicourt & D. Néraudeau DATER LE PASSÉ DE LA TERRE P 138 : Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2), J. P. Respaut / P 141 : CEREGE (INSUCNRS/Univ. Aix Marseille 3) - Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2) – IPHEP, A. Lebatard, D. Bourles
5. LA TERRE REINVENTEE EN LABORATOIRE : L’APPORT DE L’EXPÉRIMENTATION ET DE LA MODÉLISATION P 142 : Dynamique terrestre et planétaire (INSU-CNRS/Univ. Toulouse 3), M. Monnereau
LES SUBDUCTIONS, ZONES À RISQUE P 66 : Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2), J. Malavieille. / P 68 gauche : IFREMER, IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), Campagne Sumatra-Aftershocks, J.C. Sibuet et al. / P 68 droite : IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), LIPI (Indonesia), S. Singh et al. / P 69 haute : IFREMER, IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), J.C. Sibuet et S. Singh / P 69 bas : IPGP (INSU-CNRS/ Univ. Paris Diderot), IFREMER, Domaine Océanique (INSU-CNRS/UBO), S.Singh et al. P 70 : Programme Nantroseize, IODP-ECORD / P 71 gauche : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/ UPMCP6), P. Yamato / P 71 droite : Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2), D. Arcay et al. ENTRE CONTINENTS ET OCÉANS : LES MARGES CONTINENTALES P 72 : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/ UPMC-P6), Sylvie Leroy et al. / P 73 : IPGS (INSU-CNRS/ Univ Strasbourg I), G. Péron-Pinvidic & G. Manatschal / P 74-75 : Laboratoire de tectonique (INSUCNRS/ UPMC-P6), E. Acremont et al. / P 76-77 : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/ UPMC-P6), Sylvie Leroy et al. LA MÉDITERRANÉE, UNE MER EN SURSIS P 78 : Geosciences Azur (INSU-CNRS/OCA/Univ. de Nice), O.Sardou / P 80-81 : Geosciences Azur L. Brosolo & J. Mascle / P 82 : Geosciences Azur (INSU-CNRS/OCA/Univ. de Nice), L. Brosolo & J. Mascle / P 83 : Equipe SWIM/ESF / P 84 haut : Ifremer, Campagne Medeco / P 84 bas : Geosciences Azur (INSUCNRS/OCA/ Univ. de Nice) et Ifremer, Buffet / P 85 : Laboratoire de tectonique (INSU-CNRS/UPMC-P6), L. Jolivet
3. SOUS LES PAYSAGES, UNE TERRE INCONNUE STRUCTURE ET DYNAMIQUE DE LA TERRE PROFONDE P 86 : Laboratoire de structure et propriété de l’état solide (CNRS/USTL), P. Cordier et al. LE NOYAU DE LA TERRE ET SON CHAMP MAGNÉTIQUE P 88 : IPGP (INSU-CNRS/Paris Diderot), J.Aubert / P 90 : LGIT (INSU-CNRS/Univ. J. Fourier) & IPGP (INSU-
QUAND LE DIAMANT MET LA PRESSION p. 144 : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot), I. Martinez et al. / P 147 : IMPMC - IPGP (INSU-CNRS/Université Pierre et Marie Curie/ Univ. Paris Diderot), G. Fiquet / P 148 – 149 gauche : Laboratoire de structure et propriété de l’état solide (CNRS/USTL), P. Cordier et al. / P 149 : Magma et volcans (INSUCNRS/UBP/IRD) P. Schiano L’APPORT DES ANALYSES CHIMIQUES PONCTUELLES P 150 : CRPG (INSU-CNRS), M. Chaussidon / P 152 : LEME (MNHN/INSU-CNRS), D. Oehler et al. P 152 bas droite : CRPG (INSU-CNRS), (photo K. Hashizucordierme) DE LA MINÉRALOGIE DES HAUTES PRESSIONS À LA MODÉLISATION DES CHAÎNES DE MONTAGNES P 154 : Laboratoire de Géologie (ENS/INSU-CNRS), C. Chopin / P 156 : Laboratoire de tectonique (INSUCNRS/ UPMC-P6), P. Yamato / P 157 gauche : Laboratoire de Géologie (ENS/INSU-CNRS), C. Chopin et al. / P 157 droite : Laboratoire de Géologie (ENS/INSU-CNRS), Chopin C. et al. / P 158-159 : LGCA (INSUCNRS/Univ. Grenoble1), O. Vidal MODÉLISER LA TERRE P 160 haut : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot) Judith Vatteville et al. / P 160 bas : IPGP (INSUCNRS/Univ. Paris Diderot) Anne Davaille et Angela Limare / P 162 haut : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot) Anne Davaille et Claude Jaupart / P 162 bas gauche : Geneviève Brandeis, IPGP / P 162 bas droite : Sylvie Vergniolle et Claude Jaupart, IPGP. / P 163 bas droite : Géosciences Rennes (Univ. de Rennes/INSU-CNRS), Gueydan et al. / P 164 haut : IPGP (INSU-CNRS/Univ. Paris Diderot), P. Tapponnier et al. / P 164 bas gauche : Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2) C. Bonnet & J. Malavieille / P 164 bas droite : Géosciences Rennes (Univ. de Rennes/INSU-CNRS), J. Smit et al. / P 165 : Géosciences Montpellier (INSU-CNRS/Univ. Montpellier 2) S. Dominguez, photo CNRS Photothèque / E. PERRIN
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