This content was uploaded by our users and we assume good faith they have the permission to share this book. If you own the copyright to this book and it is wrongfully on our website, we offer a simple DMCA procedure to remove your content from our site. Start by pressing the button below!
XiXt i:v 7tÓkt, 'tGtU'tGt XGtt ev l¡6E(1t... . 105. Cf. in Crat., 103,7-15 P.: ... ~v ~tAoofXjitcxV xet)-ti ó ID.ci'twv (cf. Phédon, 61 a) ¡.¡.t"(tO"'t'T)V iJ.OUO"tX~V, ÍÍ'te a~ 'tac; .¡_,u7,.tÚc; ~fl-WV auvCÍ¡.¡.ttc; EvGtpiJ.OVLwc; Xtvtia6Gtt 1tOtoucrGtV XiXl 7tpOc; 'ta OV'tiX au~wvwc; XGtt -.ac; Xt~aEtc; 'tWv Ev rx.u-rij XUXAWV 'tE : fLqJ.Ei'tal ycip i¡ 'TWv Aóywv 1iAAY¡AotJXÍa xal avvtÍp'TT)O'tc; -TI¡v 'Twv npar¡ui-rwv aMAV'TOV 'TIÍ~IV 'TOi<; lixpotc; 'T~ (1-iaa M1t'TOWIXV th:l xai &a 'TWv (Liawv ytvW'I t7ti 'T&c; t<7'X,IÍ'Ta<; npoóOouc; -rW'I 15nwv nopttJO¡ÚVY)V; cf. ibid., V, 27, 305 P. x11i ID.w.; 'tWv cpuatXW\1 ~~~~'tW\1 atGttptatv; cf. ibid., 1, 93, 24-25 D.: ná.na 'tli cpuatxa &p-y11 x11i Y¡ xoa¡J.tx~ tvGt\l'ttwatc; ata !MtJ.~tw.; ixpÉa't'Y)Xtv. II s'agit ~. A Study of Spiritual Motion in the Philosophy of Proclus, Leiden, Brill, 1973, pp. 45 et suiv. 12. Cf. F. RoMANo, L'idée de causalité dans la «Théologie platonicienne» de Proclus, Proclus et la théologie platonicienne, Leuven, Presses Univ. - Paris, Les Belles Lettres, 2000, pp. 325-337. : V, 24,299 P.
DEUXIEME PARTIE
LA PRATIQUE MUSICALE
'
.
o
\
CHAPITREI
LE CHANTEUR, HÉRAUT DIVIN Le but ultime de la ciéation musicale consiste ainstaurer des reuvres musicales. Pour ce faire, le musicien recourt a la fois a des moyens naturels et artificiels. Les sons vocaux font partie des premiers; les instruments musicaux et les divers mécanismes y afférents, des seconds, le tout destiné aétre utilisé pour rehausser l'effet direct de l'utilisation de la matiere premiere musicale et en améliorer le rendement. Si telle est la fin poursuivie, il devient évident que, dans le cadre de l'activité musical e, technique et expression en sont deux agents complémentaires qui ne sauraient se passer l'un de l'autre. La musique est largement répandue dans l'univers, moyennant l'harmonie qui y domine et dont les sons représentent les principaux véhicules. 11 existe, certes, une musique intelligible qui en fait fi, mais seuls les esprits supérieurs sont a méme de l'appréhender par voie de contemplation; les autres sont réduits agoi1ter aux délices de l'audition et aux bienfaits moraux que la · musique procure par l'intermédiaire des sons audibles. 11 y a dans la nature un véritable univers de sons: bruissements (ruisseaux, feuilles d'arbres balancées par le vent, jeu de flammes, clapotis des vagues (q¡f..otafío<;) au bord de l'eau, gazouillements. Proclus rappelle a juste titre que, selon Platon, aucun oiseau: le rossignol, la hyppe, l'hiron~ delle 1, entre autres, n'éprouve de la peine a chanter, et cite encore d'autres animaux, telle la cigale qui ne s'active qu'a partir du début de ; 1' été et dont le «chant» n' en est pas un a proprement parler, mais un bruit «monotone» produit .par le frottement de ses ailes sur son ) corps2 • La tragédie et la comédie au ve siecle regorgent de mentions J. Et ce, en dépit du mythe de Philomele qui se rattache ason espece. Cf. ad. Hesiodi opera et dies, 275, 26 - 276, 1 G.: «'Op&yór¡» ...~ 1iN.8wv Bt« -rov 11ü6ov, ~ q¡r¡atv a.\rrr¡v M -IT¡v AÚm¡v ~Bw TI¡v clir.Ao11f,Aa.v o~aa.v 'Amx+,v. ITAá:rwv BE o\mv tiflov Aurtoú¡uvov ~&tv ?r,aív' oiia& a.uTI¡v -ri¡v x.o.Ar.oova. XI"J.t TI¡v ocr¡aóva. Xllt 'tOV tnor.a. (<
82
LA PRATIQUE MUSICALE
LE CHANTEUR, HÉRAUT DIVIN
de ce genre3 • C'est pourtant l'homme-chanteur que toutes les sources qualifient de personnage véhiculaire par .excellence des bienfaits d' Apollon et des Muses. Et Hésiode de leur offrir un trépied en recm:maissance de leur don, au lieu meme ou, d'un berger elles firent de lui un vrai chanteur4. Dans son Comrnentaire sur le premier livre des Éléments d'Euclide, Proclus mentionne l'assertion d' Aristote aux termes de laquelle des qualités, quoique peu semblables, déterminant des données d'ordre différent, ne peuvent qu'etre directement saisies comme telles: que pourrait-il y avoir de commun entre nombres, grandeurs, mouvements et sons articulés5? A y bien regarder cependant, on est en mesure d'établir des rapports entre sons, mouvements et nombres, par exemple6 , le tout dépendant d'affinités subtiles entre genres artistiques, les unes propres a des activités d'ordre plutOt gymnastique; les autres, a des activités plutót musicales7• Ainsi le mouvement n' est pas uniquement corporel s' il s' agit de gymnastique ou vocal, surtout s'il s'agit de chant; i1 est au meme titre corporel et vocal s'il s'agit de chorées.
L'essentiel, c'est d'etre capable de saisir la musique et, au-dela, l'harmonie de l'univers. L'harmonie, on l'a déja évoqué, constitue, en '\ tant qu'union et mélange des contraires9,le noyau du cosmos, de meme que le principe qui domine sa structure intime 10, sans que son caractere musical soit évident poúr autant, ainsi qu'il a été montré 11 , en raison du caractere strictement mathématique des faits rapportés en l'occurrence par Platon 12 • 11 existe indubitablement, selon lui, un aspect véritablement musical de l'harmonie, non pas le seul, certes,la conception du principe d'harmonie dépassant de beaucoup le niveau des liens de celle-ci avec la musique 13 • L'enseignement de cette demiere introduit, ne serait-ce que partiellement, ala connaissance de la réalité harmonique. Or c'est acoup sar l'enseignement complémentaire des mathématiques (et aussi de l'astronomie), mais surtout de la dialectique 14, quien assurent la bonne compréhension. C'est d'ailleurs pourquoi Platon, suivi par Proclus, juge que les gouvemants de la cité n'ont pas l'obligation de connaitre a fond les manifestations particulieres (&¡i¡J.ov(at, au pluriel) de l'harmonie sous son aspect musical. Ce souci revient aux musiciens formés a cet effet. Ce que le politique doit nécessairement savoir pour se comporter conformément a la regle ('t'o 7tpÉ7tov) 15 , lui qui est un véritable créateur, c'est l'idée de la structure harmonique qui incitera les détenteurs du pouvoir a légiférer sur l'éducation 16. La 7t<Xtoda musicale est une garantie contre toute déviation morale. A cette fin, elle utilise la parole destinée a exprimer, moyennant le chant, l'éloge des divinités et a rapprocher les gens de bien. 11 est moralement inderdit a ceux qui ont
..w
~Ott OE imo 't'l1~ 7t'ttpu~t 'tpÍ6w'Y Éau't'O'Y xal ~"'.O'Y ex¡¡É¡J.7tW'Y' oÍÍ'tw yap 11U't0'Y ~OE!'Y cp«aL Cf. E. MoUTSOPOULos, Le mythe des cigales et ses implications musicales, Philosophia, 19-20, 1989-1990, pp. 498-499. 3. Cf. IDEM, La philosophie de la musique dans la dramaturgie antique, pp. 40-44;
73-77; 121-131; 171-174. 4. Cf. ad Hes., 305, 1-2 G.: 't'O"Y 't'pÍ1tooa tyw, cpl)O't"Y (ó 'Haío&t;), ~&(h¡xa de; 't'O'Y 't'Ór;ov &tou t7tOtl)O'Ib !J.E &x 7tot¡J.É"Yot; &:otOO'Y al Moüaat. 5. Cf. in Eucl., 391, 22-27 Fried1ein: Aá"Y6áw:t oÉ, ctr,ar.. 'i\.pta't'o't'ÉA'I)c;, 't'o !Jo~ xa6ó-
1 1
1 1
83
'Aou OEtxvúc; 't'tc; Wt; xa6ó'Aou o~ 't'O e'1'vat ci"YWW¡J.OV 'tO XOt'YÓ'Y, CÍ> 7tpw't'Wc; Ú1t<Íp"'.Et 't'O O"Ú¡J.7t't'W!J.I1. 't'L yap XOtvO'Y cipt6¡J.oic; Xl1t !J.E'YÉ6tat X11t XMjO"EO"t X11t tp6ó)"YOtc;, oÍc; a1taa!'J Ú7t<Íp1.Et ..O &va~. oiJx EO"'t't'Y elm:i"Y; cf. ARISTOTE, Métaph., 12, 1054 a 1-2: t1tt 't'W'Y ct6Ó)"YW'Y a'totxdwv (1-y f,"Y 't'!X O"Y't'a apt6¡J.Ót;, xctl 't'O E'Y a'totxc.io"Y cpwvijt"Y. 6. Cf. E. MOUTSOPOULOS, Mouvement musical et psychologie dans les demiers dialogues de Platon, loc.cit. 7. Cf. in Alcib /, 223, 2-5 W.: 't'!Xc; ... t"Ytpyeíac; ho Tijc; 't't"'.'Y'I)c; (b"Yo¡J.
9. Cf. lDEM, La musique dans l'reuvre de Platon, pp. 299-302; cf. infra, pp. 203 et suiv. 10. Cf. ibid., pp. 336-337. 11. Cf. ibid., p. 373. 12. Cf. Timée, 37 a et suiv. 13. Cf. P. BONAVENTURA-MEYER, 'Ap¡J.OVta, pp. 47-48. 14. Cf. PLATON, Rép., Vll, 531 a-d. 15. Cf. M. PoHLENZ. r;pé7tov. Ein Beitrag zur Geschichte des griechischen Geistes, Gottinger Nachrichten, Phil.-hist. Klasse, 1933. Cf. infra, p. 86 et les nn. 26-28. 16. Cf. in Rempubl. l, 54, 24-27 K.: 't'~ 't'oÍwv 7tOAL'ttX~ 'to 1tpÉ1tov Cf'JI.á.nwv Ó Lwxp&:rr¡.;, éhe 1tOAL'tEtac; wv OYJtJ.!OUpyóc;, elt; MU~ li7t01tt¡J.7tEt Tl¡v 't'WV IÍp¡J.OVtWv otcixptO'tV, au'tot; -rou~ TÚ1tou~ tJ.Óvov Ú¡¡oypá9wv -.rj.; 7tpo.; r.u.toEÍav aunttvoÚO"'t¡~ IÍp!J.OVÍat;.
To
LE CHANTEUR, HÉRAUT DMN
une éducation soignée, de proférer des propos avilissants, condamnables par les institutions, et qui, Iittéralement, infectent la langue, organe du corps destiné a de nobles usages 17. L'enseignement philosophique couronne l'enseignement musical; ii conduit a la connaissance et a l'application du príncipe d'harmonie, d'apres lequel se structure non pas tant l'accord de la lyre que I'ame elle-meme. C'est de l'ame qu'émane tout éloge de la divinité. Le chanteur ne fait qu'imiter le dieu Apollon qui, luí, chante les louan-ges de son pere par des odes intellectivement per~ues, et qui soudent étemellement l'univers 18 • Au-dela de toute ressemblance et de toute imitation, 1' aspect musical de 1'harmonie rejoint 1' activité humaine. La musique contribue a la culture de !'esprit, capable, des lors, d'accomplir les exploits les plus significatifs. Le musicien, avons-nous établi, dépend directement de sa Muse inspiratrice 19• Le Diadoque souligne qu'une telle dépendance peut atteindre un degré de dictée des chants entonnés a une ame possédée, en état de transe20 ; dietée susceptible de s'adresser a tous les hommes pour les éduquer par ces chants, mais aussi pour leur révéler les reuvres musicales classiques21 • Dans le meme ordre d'idées, il soutient, avec
Platon, que poetes, musiciens et chanteurs qui, en príncipe, créent sous la dictée des Muses et des Graces, risquent. en l'absence de leurs '\ inspiratrices, de produire des reuvres privées de mélodie, d'harmonie et de rythme, a cause d'une imagination débordante qui marginaliserait la catégorie esthétique du gracieux22• Pour Platon et Proclus, les reuvres musicales, voire toutes les reuvres d'art; sont, sans nul doute, des 1 créations de l'esprit, qui initialement éinanent des Muses, mais qui, en \ passant par l'inconscient de l'artiste, sont marquées et scellées par la ) personnalité du créateur. En particulier, dans le domaine de la musique tout est censé etre imitation et représentation (am:txrxa(rx) ce que concedent artistes et auditeurs a la fois. Aussi la musique imitative, non pas, certes, celle qui imite des bruits vulgaires de la nature23, mais celle qui reproduit des sentiments beaux et généreux et qui se sert de chants propres a véhiculer, par leurs mélodies et de leurs rythmes, de tels sentiments, est une musique éducative par excellence, car elle vise moins a procurer du plaisir, qu'a illustrer et a imposer la rectitude24 de ses modeles25 . . Cette voie d'inspiration, proprement irrationnelle, n'est toutefois i, pas la seule. Une autre, plus rationnelle, s'ouvre au chanteur a partir de
17. Cf. ibid., I, 45,26-46,1 K.: 'rcX ...aicrx.p!X xcú a&a¡ux OUOE 1tFOYÉ?t:rllcu ·w~-rm~ (-roi~ tÚ 'rpwfttatv) &.vtx-rÓv· OU y~ 'Í¡yOÜV'riXI /'.P~Vat ¡.wAÚVttV -rY¡v y)ijm':I.V, O@)'tl:VOV o(;aiXV 'ti~ 6twv ÚjJ.'VC¡loío:~ x~XI ~~ 1t~ -rou~ &.ya&u~ 01JVOVO't1X~, M~ -roú ...wv #r~t~. ' 18 .•cr. ibid., I, 57, 8-16 K.: Aiyo¡uv oúv XIXt 't"f¡v tpt'Aoa~ío:v IXuTI;v tJ.trbTI¡v elviXt [J.OUCTIX"I)V (cf. Pl.ATON, Phédon, 61 a), WC11ttp )(IXt epw-rtxY¡v, ti SoÚ).!t ?liVCll 't"f¡v epw·nxw~,.:,~ ~ ' \ , , , •~ , ¡V ~[J.O~IX[J.tV"I)V OU I.'JpiXV, IX/V\ IXU'rYjV TI)V '.1.fUX"I)V TI)V 1Xp1C17T¡V IXpiJ.OVIIXV, 01' Y¡V r¡ ~uxr¡ -riX -re 1Xv6pwmviX .:ániX ouv~X-rov xoa[J.e'Lv xiXI -r&. 6eiiX -rtl.t.w~ viJ.vwetiv IXu-ov fl.~f!.ou[J.Évr¡ -rov f!.Ouar¡yhr¡v, o<; Úf!.vei [J.Év -rov 7tiX-rÉptX -riXi~ voepr1i~ 0a~r~: auvixet 'O[ "?'~ ÓAov xó;f!.OV -roic; ci'A·:rrot<; OtCTfJ.Ot~ Óf!.07tOAwv miv-riX, xiX61i:¡¡ep ó ev -;é¡J KptX-rÚAcp Aiyet ~wxpiXTI)~ (cf. PLATON, Cratyle, 405 d). Sur la soudure des rapports hannoniques grlice al'analogie, cf. infra, p. 222 et la n. 12. 19. Cf. supra, p. 50 et la n. 84. 20. Cf. Pl.ATON, Phedre, 244 d-e; cf. l. M. LINFORTH, Telestic Madness in Plato, loe. cit. 21. Cf. in Rempubl., 1, 180, 11-16 K.: 't"f¡v tv6tov 7torr¡-rtX'/¡v ev IJ!aio¡;w (ó ITM-rwv) x.av' '''l\K', , ,r ) ' , ~, 'rO~WX'fJV f!.tV 017t0 1.0UC1WV XIX! fi.IXVI!XV 1tpoO'E!pYJXEV, ti~ IX1t!X ,YjV 0e X!X! a61X':'OV 6ev olao
22. Cf. ibid., I, 186, 3-6 K.: (ó IIM-rwv) Óaúv -rtat Xlipwtv xiXl Moúaatc; -rou~ 7tOtr¡or&.~ Üyetv &Üyouatv &.mxpatvó¡uvoc; 't"f¡v EXf!.tAii XIX¡ &.v~ov XIXt axaptv cp<XV't'Q:aío:v 7tó{>?w ~ 6e:wpío:~ IXlJ'rWv ~tc¡¡xeia6at mm~ 7tpot0..~. Cf. E. Mot.rrsOPOULOS, Les structures de l'imaginaire, pp. 131-152; IDEM, Gracieux et élégant: répulsion ou attirance?, Annales d'Esthétique, 41, 2001-2002, pp. 31-33. 23. Cf. PLATON, Rép., III, 401 a-d. 24. Sur la notion de rectitude, cf. La pensée et l'erreur, pp. 37-52. 25. Cf. in Rempubl., I, 190, 16-25 K.: (ó 2\&r¡v¡xr~ ~ oú-rwai 1tw~ q:>l)<1tv) tepe:~~~: «XIXt f!.~V -roÜ-rÓ ye 1tii~ /iv Ó(.LOAoyoi 7ttpt ¡.wuatx~, O't't 1tliv-r1X -ra 7ttpt !XV~ ECT'rl 1tOI'IÍf/.IX'riX [J.i¡J.r¡ai~ 't'!: )(IXt clltEIX!XCTÍO:, XIX¡ -roirtó re ¡LWv oUx liv C1Úf1.7t1XV'rE~ ó¡¡.oAoyoiev 7tOI"I)'r!XÍ -re XIXt axpoct't'c:tt; X!Xt fUÍÑ;t», -d¡v aptX 1t01l)'t'!Xi¡V 'riXtJTI)V, OCT"I) 1ij fi.0\1• atx'ij aunÉ'riXX'riXI 1ij 7tiXtOeu-rtx'ij -rwv i¡6W'I XIXt 't'CÍc; u ~ oÚVIX-riXt xpívetv XIXt 'tOU~ pu61J.o~, dX!XCT'riX~V av 't'l<; Ev OtX~ 7tpOC1&Í7tOI XIXt OÚ't'W !1-lfl."l)'r!X'IÍV' 010 XIX! oU Tf¡v l¡oovl¡v orÉAo<; EX!:I, &.JJ..a -d¡v op6ón¡-riX 'rWV dx1Xa6Év-;wv. On sait que, par la suite, Platon reviendra sur cene conception en établissant, dans son Sophiste, 236 a-e, une distinction capitale entre art imitatif (elxiXa't'txi¡) et art imaginatif (cpav-raa-rtx~). et en associant le premier l'art du sophiste. Cf. E. Mot.rrsoPOULOS, Plato's Ontology of Art, Diotima, 2, 1974, pp. 7-17.
re~u
f'o
'
'
...
'
,...,...., '
'
'
'
f
,
t'\
avw-
!
85
LA PRATIQUE MUSICALE
84
a
87
LA PRATIQUE MUSICALE
LE CHANTEUR, HÉRAUT DIVIN
\ 1' étude des mathématiques. En effet, la science mathématique, a travers ses trois branches: arithmétique, harmonique, géométrie, est bénéfique a la vie en général sous au moins trois aspects: (a) elle contribue au perfectionnement de la personnalité conformément aux normes de la morale; (b) elle y parvient en introduisan~ dans les mreurs de chacun l'ordre propice a une vie harmonieuse; et (e) elle procure des figures adaptées (ax~¡ux-.a 7tpÉ7tov-.a)26 ala vertu, des figures de mouvement et, plus particulierement, elle propose au chanteur des formes de mélodies pertinentes qui agissent tant sur lui que sur seJI auditeurs27 • Ces figuresmodeles et ces chants appropriés aune vie vertueuse influencent l'lime pour accomplir des actes nobles. Assurément, le chanteur transmet ainsi, par son art, des dispositions avantageuses a ses auditeurs. A coup sür, ce rapport, rationnel a plus d'un égard, ne saurait se substituer entierement acelui de l'inspiration directe; il est clair néanmoins qu'il se superpose utilement a lui, qu'illui est complémentaire et qu'il permet d'en éviter certains cotés néfastes, dans la mesure oii ceux-ci existent vraiment a l'intérieur d'un processus dans lequel des divinités sont impliquées, mais oii 1' erreur humaine aurait aussi sa place. La tradition qui se réfere aux Muses dispensatrices des dons et des plaisirs artistiques est rejointe par celle des Moires, divinités qui, ainsi que leur nom collectif28 l'indique, sont préposées a l'établissement du destin individue! des hommes, et performent leur travail en chantant. Cette nouvelle tradition se serait fixée avec Hésiode. Chez Homere29 , Moira, a coté de Aisa et de Ker3°, demeure encore une puissance
surnaturelle non personnifiée. On ne saurait dire au juste si les trois Moires chantent en cómmun ou si chacune d'elles entonne un chant a \ part; il parait pourtant plus raisonnable d'opter pour un chant collectif dont les parties sont reliées les unes aux autres, suivant les occupations qui correspondent chacune d'entre elles. L'idée du chant des Moires est sans doute née du mythe qui clot le livre X de la République platonicienne, c'est-a-dire presque simultanément avec la tradition de l'harmonie des spheres31 , développée par erreur. Quoi qu'il en soit, la tradition relative au chant des Moires offre a Proclus un exemple de chant-modele qui, parallelement aux chants dictés par les Muses et a ceux inspirés par l'étude des mathématiques, suggere a l'artiste les assises de sa propre création. A ce sujet, un p~ssage du Commentaire sur le Parménide se prete fort bien a notre propre commentaire. Ce passage comprend quatre sections. Dans les trois premieres Proclus décrit le róle respectif de eh acune des Moires. Dans la quatrieme, il en appelle a 1' autorité de Platon d'apres qui chacune des Moires chante en exclusivité les événements passés, présents ou futurs3 2 • Ce partage des taches semble contredire le point de vue selon lequel les Moires chantent de concert, mais, rien n' empeche de concevoir leurs chants respectifs comme accordés a l'intérieur d'une polyphonie calquée, elle, sur uil modele d'harmonie oii les opposés se rejoignent et se lient en un tout fondu. De fait, passé, présent et avenir paraissent former un ensemble temporel continu qui n'est interrompu, sinon rompu et décomposé, que par l'intrusion du kairos, situé a }'origine d'une restructuration de la temporalité33 . La phrase finale récapitulative et, disons, conclusive du
86
26. Cf. supra, p. 83 et la n. 15. On distingue des figures ou attitudes dans la danse, dans le chant et m~me dans le syllogisme (a-x,~¡¡.a-ra -roü avMoyLO"f.LO~). Cf.IA musique dans l'reuvre de Platon, p. 97 et la n. l. . 27. Cf. in Eucl., 24,4-7 F.: 7t~ o'a3 TI¡v Y¡6Lx~v
a
part de hasard dans la constitution de chaque destin; Atropas (&--rpt7tELV «1'inflexible»),la part de !'implacable; Cl6th0 (x/..w6m, «filer» ),le mélange des destinées individuelles. 31. Cf.IA musique dans l'reuvre de Platon, pp. 375 et suiv. Sur l'apport des cercles aristotéliciens a cette théorie, cf. c. VON JAN, Die Harmonie der Sphliren, Philologus, 52, 1894, pp. 13-37. 32. Cf. in Parmen .• 1234, 14-18 Cousin: ouxl XGtt ó EV Ilo'Am~ ~Wx.pá"'')~ -.00; Molpr.t~ ovxr.pú'a6aL 'rOv "jpÓVOV (jl'I)O"L, Xt;tt TI¡v ¡.¡.iv 4ottV .. 7tr.tpEA6óV..t;t, TI¡v Of: .. 7tr.tpÓv-ra, TI¡v ot -ra ¡.¡.É)../..ov-.a; 33. Cf. E. MOUTSOPOULOS, Structure, présence et fonctions du kairos, pp. 25-31.
a
a
88
--
\
LA PRATIQUE MUSICALE
LE CHANTEUR, HÉRAUT DIVIN
passage étudié est précédée, on 1' a déja noté, de trois phrases spécialement dédiées a l'activité des Moires, suivant chacune des catégories temporelles34. La premiere phrase en appelle aux chants incessants relatifs au passé35, qui accompagnent les autres activités essentielles de ces divinités. ·On soulignera en l'occurrence, d'une part, l'einploi parallele des expressions &d tvtpyowat et &d ~oouaat: elles renvoient a une fonction active des chants qui s'averent ainsi de véritables incantations; d'autre part, que ces chants so.Pt qualifiés d'inventions (voY¡n~) et de créations (7tot~a&tc;) qui sont censées «graviten> autour du monde (7t&ptxoa¡Jlouc;). Force nous est encore de constater que la pluralité des chants ne s'opposerait pasa leur unité; et, en outre, qu'il s'agirait de chants saos modeles sensibles, done originaux. Or ne sont-ils pas dus a une inventivité divine? S'ils manquent de modele, c'est qu'ils en constituent un d'office. Les deux phrases suivantes sont plus ou moins calquées sur la premiere. L'une d'elles, la deuxieme, fait état du chant relatif aux choses présentes, et concourt a en assumer la continuité (auvÉ'X,&tv) en en contr6lant tant l'essence que la naissance (et le devenir) 36• La troisieme phrase, qui précede la proposition conclusive, se réfere au chant qui dévoile l'avenir. Il accompagne et coordonne l'activité, décidément kairique, qui coilduit a ce qui n'est pas encore a l'état d'etre et a son accomplissement37• Tout au long de ce passage, les Moires sont supposées dépasser, et de beaucoup, le nombre de trois, puisqu'elles sont plusieurs a chanter séparément des dirnensions temporelles3 8• Mais n'est-ce pas, dans ce 34. Cf. IDEM, Catégories temporelles et kairiques, Univ. d'Athenes, Annuaire Scientifique de la Fac. de Philos., 1962, pp. 412-436; Vieillissement et catégories temporelles, ibid., 1%3, pp. 400-430; Vieillissement et accomplissement de l'homme, La tena eta, Casarano, La Filanto, 1978, pp. 17-24. 35. Cf. in Parmen., 1236, 6-10 C.: 'twv Molj)Wv ai ... 7tp~ 'tO ailjJ.7tAl)poüv xcx! 'tEAEIOÜV rpxetw¡J.Évcxt )É;yOV'tCXI 'ttX 7tcxptA6óV'tCX ~OEIV, tUt ... tVtpyoVaCXI xcxt tUt ci&Juacxt \
C'
-
., ~.!...
,
.,
\
,
,
1
tCXU'tWV C¡Juw, VOT¡at~ O'.JO'CXC: XCll 7t01l)at~ ~Ef'IXQa(MOUc;, 36. Cf. ibid., 1236, 11-13 C.: ('twv Motpfilv l.iyov'tcxt 'ta 7tcxpÓv'tcx ~8etv) cxl ... 7tpbc; 'tO awé"/.,tiV 'ttX ncxpóV'tCX (rpxttwfÚvcxt)• wo~po~t ytl:p CXU'tWV ('tWv 7tcxpónwv) TI¡v ouatcxv xcxt 'tl¡v "(Évtatv (cette toumure rappelle l' expression ytvtatv de; ouatcxv; cf. PLATON, Philebe, 26 d; 53 e; 54 d; Soph., 235 e; 246 e; Rép., Vil, 534 a; 1imée, 29 e). 37. Cf. in Parmen., 1236, 13-14 C.: 'tO ytl:p ¡¡.T,~w 0v ele; oUatcxv xcx! Ele; 'tÍÑlc; U.youatv. 38. C'est Al'évidence le sens du partitif 'tWv ~lotpwv. 'tCX~
\
1 1
\ ) '
89
cas encore, une manifestation de l'habileté de Proclus de jouer avec le nombre exact des entités divines? Plus importante se profile la problématique du franchissement de la ligne de démarcation entre ne pas étre encore et étre accompli, qui fait allusion a la distinction aristotélicienne entre ~tre en puissance et etre en acte, avec recours a la notion d'entéléchle, présumée renfermer le «programme» de retre39• De ce point de vue, le chant des Moires véhicule leur puissance de créer I'avenir en meme temps qu'illa renforce. En un mot, chanteuses autant qu'élaboratrices du réel,les Moires s'enchantent de leur propre chant. Le chanteur humain, lui, se doit de reproduire les chants qui lui sont suggérés (a) par les Muses; (b) par ses prédécesseurs jugés classiques; et (e) par sa contemplation des formes intelligibles, y compris les figures géométriques et les rapports numériques qui expriment des réalités harmoniques. Si, par bonheur, son art double celui du poete, il chantera aussi, a l'instar des Moires, le passé en consultant les formes épiques; le présent en laissant son lyrisme se manifester librement; et l'avenir, qu'il ne lui appartient guere de préfigurer, mais dans lequel i1 peut situer l'objet de ses espérances40• Il embrasse ainsi }'ensemble des aspects de la condition humaine dont il est lui-meme une partie intégrante et, grfke a son art, il se fait le trait d'union entre la personne humaine, la société, le monde et, au-dela, l'univers des dieux. Les légendes se rapportant aux musiciens, notamment aux chanteurs de I'antiquité41 , font état des problemes techniques et artistiques qu'ils avaient a affronter. Le Diadoque en est plus ou moins conscient. A
39. Cf. ARIST., Phys., r1, 201 a 9-11 et, 31; 91, 251 a 9-10; 5, 257b 7-8; De an., Al, 402 a 25-26; B1 412 a 9-10 et 19-22; 2, 414 a 27-28: Cf. E. MoUTSOPOULOS, L'l!tre accompli, Les Études Philosophiques, 89, 1%5, pp. 64-71; IDEM, Aristote, Grands écrivains du monde, Paris, Nathan, 1976, pp. 197-206; L'l!tre: puissance et acte, Penser avec Aristote (éd. M.-A. Sinaceur) Paris, UNESCO • Toulouse, Éres, 1991, pp. 527· 528; La connotation génétique de la notion aristotélicienne d'entéléchie, Revue Philosophique, 118, 2003, pp. 233-237; IDEM, La connotation génétique... , loc.cit. 40. Cf. IDEM, Kairos et expectation: vers une sémantique de l'espérance d'apr~s Proclus, La notion d'espérance dans la pensée néoplatonicienne (Avant-propos de E. MOUTSOPOULOS), AtMnes, Aeadémie d' Athenes, 1998, pp. 39-44. 41. Cf. H. ABERT, Antike Musikerlegenden, Festschrift filr R. von Liliencron, Leipzig, 1910. Cf. infra, p. 90 et la n. 46.
90
LA PRATIQUE MUSICALE
LE CHANTEUR, HÉRAUT DIVIN
l'occasion de la mention de l'aede Démodokos chez Homere42, il semble distinguer divers genres de chaot, tous, et saos exception, de provenaoce divine. Quaot a l'enthousiasme de l'aede, il est communiqué a ses auditeurs par l'intermédiaire de son chanr13 • Son talent serait dü a l'amour (Eq¡íA"f)crEv) qu'une Muse ou qu' Apollon Musagete lui-meme lui aurait voué44• Ces chants, véhicules de messages de prudence et d'áutres vertus semblables, sont écoutés et suivis par les uns, rejetés par ceux qui, comme Clyternnestre, menent une vie dissolue et dépourvue de raison45 • D'une maniere générale, il convient de ne pas défier les prescriptions imposées par les Muses: Thalnyris, par exemple46, apres étre entré en conflit avec elles, pour s'étre livré ades omements mélodiques trop prononcés, daos le seul but de plaire ason public, aurait été privé de leur soutien. S'attirer la colere des Muses par le seul fait d'avoir créé des chants plus compliqués qu'elles ne le tolerent, est un appel au respect de la
mesure et du kairos daos le domaine de 1' art47 , ce qui ne signifie pas que le chanteur doit demeurer objectif face aux sentiments qu'il ressent; \ il doit au contraire en faire des vécus personnels48 , saos toutefois s'interdire, si besoin en était, quelques ajustements de la regle en vue d' aller au devaot de situations artistiques exceptionnelles: ajustements qui peuvent, avec le temps, devenir de véritables innovations, mais qui ne sont, en fait, que des commentaires de modeles préexistants49 • Proclus s'amuserait-il afaire, mutandis mutatis, allusion ases propres écrits? Les odes du chanteur traversent les couches de la hiérarchie des étres, de la nature sensible et jusqu'aux entités et hypostases supé~ rieures, puisqu'elles sont des offrandes a l'Un impertubable, et ce en reconnaissance de la création qui procede de lui. Aussi la création du chanteur est-elle fondamentalement ascendaote, en réponse ala création di vine qui, elle, est résolument descendante. Étroitement lié ala poésie, le chant véhicule des sentiments de plaisir et de souffrance tout autant que des idées de piété et de sournission ala réalité50 • ll revient que, daos ces conditions, le chanteur s'éleve de plein droit au rang de personne élue. Favorisé par le don de la voix, il rend hommage a ses divinités bienfaitrices en accomplissant sa propre finalité de héraut divin.
1
42. Cf. Odyssée, 6 43-44: 6eiov tiotOóv, ~Y)(J.ÓOoxov; 47: 6eiov tiotOóv; 99: r(Óp(J.I"'fi'O<;; 105-106: I(Óp(J.I"'(j'IX NyttaV, ~Y)¡J.oOóxou; 253: 0@"'/.."r¡-:t":'.Jt i
'1
91
47. Cf. E. MoUTSOPOULOS, Le viol des symétries et le kairos comme métron de l'art, Metrum of Art, Kraków, Jagiellonian University, 1991, pp. 134-137. 48. Cf. in Parmen., 1029, 22-27 C.: 'O •.. "l~vxoc; otL ¡J.tAorr.otoc; xal Ott rttpt 't"a é:pwttxil é:=ouoaxwc; xal íht npt~Ú't""r)c; Cw xat e:lc; to ypar(tLv tpwttxa rr.poayó¡J.tvoc; ota tov tÓvov -:oü tpwvtoc; xatoxveiv lp'YJO"L tl¡v ypa~v [v ttvt twv Éautoü (J.tAWv, ovx aor¡Aov tole; ":Wv txeívou (se. Ibycos) OtaXY)KOOaLV. 49. Cf. inAlcib.I, 292, 1-5 W.: Oioe:txtaí nwc; &v toútotc; (toic; r.tpi Eupmí&lu) ti% (J.Étpa 't"ijc; twv rtOLl)~twv -x.p+,aewc; · oün yap KIX't"IXXÓpwc; autoic; "f.PY)O"tÉov (tirr.e:tpÓ-
xa"Aov y!ip) OÜU Ele; ¡J.YjXO<; IXUta ar.OttÍVEI\1 rtpoai¡Xtl (to yap e!ooc; tYjc; 1t@OXELfLÉVYJ<; ÉpfL'I)VEÍac; é:x/..úo¡wl), ~ rr.apl¡)Ooüvtac; xai ¡J.tta~á"Movtlic; rr.wc; tr.l to Ttt~((!XvÉO"~ ttpov, oÜtw oei 1tOttia6at t1¡v fLv+,fL'YJ" IXUtWv. Cf. J. EsrtVE, Les innovations musicales dans la tragédie grecque a l'époque d'Euripide, Ntmes, 1902, p. 37. 50. C'est aussi le sens relogieux des concours musicaux. Cf. ad Hes., 304, 8-12 Gaisford: vtxljaat o& (rrcxai) &:ywvt~Ófloevov tav 'Haío&lv xal &6Aov !J.OUO"LXOv tpÍrr.ooa Aa~e'iv, xal &viX&tval 't"OÜt0\1 E\1 ti¡} 'EAtxwvt, 07t0U xal xá't"O"X_Oc; eyeyóve:t 't"IXt<; Moú~ aatc;, xal é:r.íypa¡.t.~Jo~X lnl tOÜto 6pv/..oÜ-:tL (ce que Plutarque dément). Cf. déja E. REISCH, De musicis Graecorum certaminibus, Diss., Wien, 1885.
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
CHAPITREII
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' AMES La condition du joueur d'instrument ne difiere guere de celle du elle se situe dans le prolongement de celle-ci, l'image de \ l'msn:umen!.musical q~i se situe, lui, dans le prolongement de la voix \ humame. L mstrumentiste est, certes, un véritable technicien, tout en demeurant, an'en pas douter, un artiste authentique. En fait de théorie e~pl!cative pertinente de l'existence et de l'utili!é des instruments en general selon Proclus, rien de plus édifiant que le Commentaire sur le · Cratyle, qui porte précisément, et de maniere convaincante sur cette p_;oblématique1• Or, ni plus ni moins, 1' instrument, en tant 'qu •organe (opycxV()v)2, accroit et multiplie les possibilités naturelles de }'animal et de l'homme. En revanche, les dieux n'ont en principe aucun besoin ?'organes ou meme d'instruments pour exécuter leurs volontés3, mais il 1mporte de ne pas ignorer en l'occurrence le róle joué par les attributs ~e ~h~cun d'entre.eux. n est indubitable que les attributs reniplirent a 1 ongm~ des fon~tions d'instruments, fonctions dont leur représentation symbohque ulténeure perpétue le souvenif4. Membre du corps, l'organe
a
c~anteur:
l
¡¡ d
l. Cf. E. MOUTSOPOULOS, Un instrument divin: la navette, de Platon a Proclus
Kernos, 10, 1997, pp. 241-247. ' . 2. Les deux s~n~ du terme.~incident en grec. L'organe naturel (opyavov) pouvait Slmplemen~ etre dtStingué de lmstrument factice appelé également axei«. Le double sens est déJa présent chez PHYTHAGORE, fr. B37 (D.-K: 16 I 462 5) et EMPÉDOCL f A86 (D K t6 ' ' • E, r. .- : • I, 305, 23). Le sens d'instrument musical est définitivement imposé avec 2 (D.-K. 16, 1,"421, 32 et 422, 11, respectivement). 7tP
ARCHYTAS,. fr. Al et
ov~ opyotvwv_ oeó¡uvot C1Wf14'
-.a
a"i:J.U. '<0\1 ciÉpot C1'X,l)f!4'<í'Cov-.ec; XIX'
fioVAl)a'tV. Cf. ce~ndant déja HIPPASOS, fr. Bll (ap. STOB., Ecl., l, 49, 32, p. 364, 8 W.; et ap. J~L., "!_1~om., arithm., 10, 20, Pistelli (D.-K: 16, 1, 109, 26 et 29): xpmxov xoa¡.Lovpy~v 6tov opyotvov. Surles instruments, cf. aussi infra, pp. 177-178. 4. Cf. m Crat., 25, 1-7 P.: ...Ot '<EAtC1'<1XÍ. .. "jpWV'
93
est adapté, par sa forme et par la matiere dont i1 est constitué, a la finalité de sa fonction qu'il assume de la maniere la plus parfaite ¡\Ossible. Sur ce plan, la nature procede de la meme maniere que la technique qui fabrique des instruments de plus en plus adaptés a la fonction qu' ils sont censés exercerS. · L'organe ou l'instrument est un moyen approprié destiné afaciliter un travail, une activité en général, projetée par la conscience ou incluse dans le programme meme de l'organisme vivant6• En tout état de cause, et en ce qui conceme la technique, la pensée con~oit d'abord (a) la nécessité de l'instrument, puis (b) la fonction précise qu'il doit remplir pour subvenir au besoin constant ou récemment créé et (e) le matériau et la forme adéquats a sa propre fonction avant (d) la commande de l'instrument en question au fabricant spécialisé et (e) son utilisation effective. L'idée de l'instrument précede done sa fabrication, soumise des améliorations successives. 11 en va de meme quand l'idée de l'instrument est suggérée a la pensée par une découverte ou une invention fortuite; e' est le cas des 7tflW'tOL r:Úpr:'taf1, qualification appliquée entre autres a des musiciens instrumentistes, artistes autant que techniciens fabricants d'instruments. Parmi les 1nstruments en usage dans le domaine des techniques de la production, la navette occupe une place privilégiée: don divin, elle sert adiscemer les trames sur le métier du tisserand et ales soumettre a son pouvoir discrétionnaire qui reproduit le pouvoir discrétionnaire de !'esprit dans toutes ses démarches8 • C'est ici qu'intervient la notion de critere, a savoir de 1' «instrument» servant a distinguer des catégories d'objets de l'esprit, et dont la navette représente le symbole sensible. Platon, lui, différencierait le vrai du faux selon quatre manieres, et sur
a
a_)J..wv cXVIXAo)'l.q. ~Ot XIXAoÜC1tV. 5. Cf. La connotation génétique de la notion aristotélicienne d'entéléchie, loe. cit. 6. Cf. in Crat., 23, 28-30 P.: xotl yQ:p riíc; -;:É'X.Vl)C: 7totpáoetyfl4 ~ rp&rtc; ov ~J-ÓVOV
-.o
'i:OÜ 'i:Wv opyávwv etoovc; btt¡.LtAti-rott, a"i:J.U. xotl riíc: OtXEtO't!Í'tl)c; ÜAl)c;. 7. L'intellection est l'instrument essentiel de la connaissance; cf. Théol. plat., I, 21, 55 P.
94
LA PRATIQUE MUSICALE
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' AMES
quatre plans: (a) sur le plan des ~tres et des non ~tres9 ; (b) sur le plan des passions, telle plaisir 10; (e) sur le plan de la connaissance 11 ; (d) enfin, sur le plan des raisons et des noms 12, ces derniers envisagés sous forme d'instruments de la connaissance (opyava ñjc; yvwa-ctx~c; ~w~c;), a défaut desquels on ne saurait distinguer avec précision les divers éléments qui forment le réel. Outre ces quatre plans, il existe un plan complémentaire, celui de l'action raisonnée et de la création (artistique)13 ou un critere plus ou moins rigoureux est également nécessaire 14. 11 ressort ainsi que l'instrument peut ~tre de constitution matérielle ou noétique ou encore mixte: c'est le cas du nom. Or la différence capitale entre instruments se situe ailleurs, notamment au niveau de leur existence naturelle ou positive. Dans le premier
9. Cf. Pl.ATON, Parménide, 155 e et suiv.; F. M. KoHNKE, Plato's Conception of oux.
onw, ov, Phronesis, 2, 1957, pp. 22-40; Sophiste, 254 c-d: -ro !J.~ ov Ai¡ovr.nv wc; er.mv onw' !.1.1¡ ov; cf. E. MOUTSOPOULOS, Platon, idéaliste ou réaliste?, loc.cit.; cf. PLATON, Soph., 240 d; Phil., 37 b; Timée, 51d. JO. Cf. Philebe, 36 e; 40 c-d: plaisir vrai, plaisir faux. 11. Cf. Yvon LAFRANCE, La théorie platonicienne de la doxa, Paris, Les Belles Lettres - Montréal, Bellannin, 1981; compte rendu par E. MoUTSOPOULOS, Dio tima, 12, 1984, pp. 217-219; lDEM, La notion de croyance chez Platon; ibid., 23, 1995, pp. 143151.
12. Cf. in Crat., 12, 6-16 P.: 'O ... llAihwv -rt'tpr..t'X,W<; o!oe -ci¡l ~ ii'AT¡6da.c; xa.l IJ¡E'.ÍOO~ ')'p~a611t Oi')!J.IltW¡J.Évc¡.r 1¡ ~~ Xll"Ca -cae; Ú7tcXp~&tc; au't,%c; 't'WV 7tpr..tj!J.IÍ't'WV, wc; o-ca.v 'ttl ¡¡lv OV'tW<; OV'ta. ii'AT¡6W. e!va.t Ain. -ca Ot oux OV't'W<; OV't(X IJ¡evoW.·Y, xa.-ca -ca 1tCÍ6T¡ ... , wcmep ii'AT¡~ xa.l IJ¡e~~ ote'ikv ~oovf¡v ... ·1¡ xll'ta .. ¡vwaetc;, Wc; o'ta.v otop~r¡-ra.t IJ¡tvOti<; OÓ~a.c; Xllt aA"tj6tic;· 1¡ Xtx'ta -ca op¡a.va. ~ jVWO"ttX~c; ~~<;, OlOV -co¡}c; 'Aó¡ou, X!lt ora lNÓ!J.a_-ca xa.l 'ttt O''tOt'X,Eia.· xal ¡ap tv -coú-cotc; ópq. ~ ii'A~6etav xa.l -ro IJ¡eüoo, x!X>a ~v 7tpoc; ,.,x ttpcíj!J.I1'ta. ttpr.ip¡.a.oatv x.al av!J.C?wv1a.v; Cf. ARISTOTE, Phys., 88, 263 a 17-18: 7tp0<; ... -ro -::pi¡!J.Il xal ~v ii'A~6etav; Métaph., a l, 993 b 30-31: ÉxaO'-:ov Wc; t'X,El -cov voü e!v11t, o[hw xal 't~c; MT¡6da.c;. Apartir de ces deux passages aristotéliciens THOMAS o'AQUIN semble avoir formé la théorie de la vérité en tant qu' adéquation; cf. Summa théol., l, 170 ( 1609): «conformitas intellectus cognoscentis cum re cognita»; cf. ibid., l, 16, le: «adaequatio rei et intellecuts>>. 13. Cf. PLATON, Cratyle, 387 c. 14. Cf. in Crat., 13, 28 - 14, 1 P.: "Ott -ro 7tpcí-cntv bd !J.Óvwv twv xa.-ca otávotav Evtp¡o{mwv AÉ.jt'ta.t, E7tt ot 'tWV a!Wuv 'tO 7t0ttiv· exovatv o~v xa.l
a.;
95
cas, il serait plutot question de «membre» d'un ensemble organique, telle la main, partie intégrante du corps, alors que, dans le deuxieme \cas, il s'agirait d'«instruments» a proprement parler. L'existence d'un membre du corps est indispensable ason bon fonctionnement, alors que l'existence et le maniement efficace et correct d'un instrument facilitent l'accomplissement d'un acte qui n'est pas prévu du point de vue biologique; il n'en complete, tout au plus, que la finalité naturelle. Dans ce dernier cas, il importe que l'instrument employé soit conforme et adéquat a l'idée que son inventeur s'en est fait. On saisit, des lors, l'importance de l'utilité et de la fonctionnalité d'une bride bien fabriquée, tout autant que celle d'un nom bien choisi pour ~tre appliqué a un objet ou a une notion voire a un acte 15, pour en désigner l'essence16, en plus de sa finalité17. Ces distinctions ont, sans aucun doute, pour but de souligner la signification du nom et de 1' acte de dénomination. Elles sont également applicables atous les instruments, en particulier aux instruments musicaux, extensions du pouvoir détenu par leurs utilisateurs 18 . En conséquence, tout instrument, indépendamment de son existence propre, se rétere aussi aux existences de ceux qui l'ont con~u ou fabriqué, et qui
15. Cf. PLATON, Cratyle, 388 d et suiv. 16. Cf. in Crat., 16, 12-17 P.: op¡avov ¡áp EO''t\V 0\0otO'XIltAtX.OV xa.l EXcpiXV'tOptxov 'ti¡c; 'tWv 7tpr..tj!J.CÍ'tWV O'nLot~, x.a.t EO''ttV 'tO ¡¡lv EV -ci¡l 'tOtOÚ'tc¡J Opc¡J mxpa.'Al)
96
LA PRATIQUE MUSICALE
désormais l'utilisent (existences occasionnellement réductibles a une seule). L'instrument réunit en lui l'effet de sa cause efficiente et la préfiguration de sa cause finale 19, sauf s'il est nettement le produit direct d'une génération spontaoée (a\nóyovov) et qu'il subsiste en soi (aU&.Ji;Ó!t'ta'tóc;)20, ce qui, maoifestement, ne pourrait avoir cours que daos un contexte et daos un climat sumaturels21 • Or la légende foisonne de mentions de divers instruments musicaux dont l'invention et la fabrication remonte souvent a une divinité. Aux hommes, Herrnes fait don de la lyre confectionnée par ses soins 22, au meme titre qu' Athéna fait don de la navette23. Daos un contexte différent, Produs examine, en commentant le , Timée, la notion d'instrument non plus du point de vue de l'objet \ concret, matériel, comme a propos du produit artisanal ou symbolique. \ C' est le .cas du nom, interrnéd.iaire entre 1' objet et son idée, et siginit fiant qUI, du meme coup, relie deux signifiés dont l'un est sensible; J 1' autre, intelligible. Le Diadoque procede de la meme maniere daos le Commentaire sur le Cratyle. TI faut désorrnais déftnir l'agent qui, sur le plan cosmique et métaphysique, sert a prolonger et a transmettre un état ontologique, d'un niveau hypostatique a l'autre. n s'ensuit qu'une hypostase ou entité sert d'instrument de transmission d'au moins une partie de la vitalité de l'hypostase ou entité qui lui est superposée, asa propre vitalité. Cette vitalité trouve ultérieurement daos l'hypostase ou entité directement inférieure l'instrument de sa propre retransmis-sion, et ainsi de suite. Vu l'unité extraordinaire du systeme proclusien, la fonction de l'instrument ainsi con~u complete substantiellement la fonction de l'instrument entendu comme produit de l'activité artisanale. Daos la meme optique, l'instrument musical joue un róle d'agent de transmission, voire de véhicule d'une puissaoce émanant de l'ins-
19. Cf. in Crat., 17, 9·12 P.: 7tciv y!Xp opyavov E"f.,'« xal 'tOV XPW!J.EVOV xal -;ov r.orn, \ ' , , ' ' , ., , ' J 'tl)V, xat 1tav -ro :x.pw¡uvov E"/..,Et xat -n¡v 7tOtYJ•tXYJV ~n-;tav, xat 1tciv '!O &xov TI:v r.ot"'' , , (' \ \ ' , J ., 'ttXY)V llt'ttllV U7tOUpyEt 'ttVt 7tpoc; 'tl)V EVEpyEtaV, 20. Cf. ibid., 17, 12-13 P.: iiv p.f¡ au-róyovov ~ xal aWurcóaTa-rov. 21. Cf. L. LEVY·BRUHL, Le surnaturel et la nature dans la mentalité primitive, nouv. éd., Paris, P.U.F., 1963, pp. 103-108. 22. Cf. supra, p. 26 et la n. 75. 23. Cf. Un instrument divin, loe. cit.
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
97
trumentiste et destinée a fasciner son auditoire. Il est clair qu'a partir du niveau des dieux, etjusqu'au niveau de la \nature, il y a une continuité. En vertu de la dynamique qui émane des dieux, et dont elle-meme est censée etre imbue, ne serait-ce qu'indirectement, la nature, a son tour, fait preuve de mobilité24 • Elle est la manifestation de la matiere, hypostase la moins élevée et frisant le quasi non etre. La tra:nsmission de la dynamique des entités supérieures que sont les divinités est si intense au niveau des Ames, qu'elles les attirent vers elles 25 • Ces Ames s'installent daos les corps qui pepvent mieux leur servir de véhicules 26, non par l'effet d'une co'incidence, mais par un choix délibéré dont le critere est l'affinité des rapports de l'ime et du corps 27 qu'elle anime en lui communiquant son propre mouvement et en le rendant ainsi l'instrument de sa propre activité28 • 24. Cf. in 1im., 1, 12, 21·25 D.: OtO xal opyavov AiyE'tllt (~
o
plv ta6A0c; EOuve). 28. Cf. in 1im., I, 393, 5-6 D.: T¡ 4ux~ 4uxo'i' xal ~W07tOtE'i' xal XtvEi 'tO opyavov Éau't'ijc;. Cf. Él. théol., § 195, p. 170, 11-13 Dodds: (T¡ 4ux~) ... xal -roilc; Aóywc; '!Wv tvú"Awv a'Ut.wc; xal 'tWv O"wp.a'ti.XWv aawp.á.-rwc; xal 'tiiN Otaa'tiX'tWV aor.aa-rá-rwc; t'X.EI.
98
LA PRATIQUE MUSICALE
Cela étant, les ames particulieres se laissent parfois entrafner par les corps auxquels elles se trouvent etre associées, de par la provenance diverse de ceux-ci. Leurs rapports sont alors voués a une fluctuation: tantot ce sont les ames qui dominent leurs instruments que sont les corps,. tantót ce sont les corps qui asservissent les ames débiles, victimes de la fascination que les sensations exercent sur elles, a l'exclusion du cas de l'ame du monde29 , qui ne r~oit pas ses cortnaissances de l'extérieur et n'a aucunement besoin d'instrument «épistémologique» qui luí demeurerait inférieur, au meme titre que les corps restent inférieurs aux ~mes particulieres, bien que leur procurant les sensations moyennant lesquelles elles communiquent avec la nature et, au-deHt, avec la matiere pure30. Al'instar de 1'-Un, l'~me du monde n'a cure ni d'instruments de connaissance ni de moyens pour se mouvoir. Elle n' exerce pas non plus son énergie sur quoi que ce soit et ne subit aucune influence venant d'ailleurs; repliée sur elle-meme, elle agit et p~tit seule 31 . Pour les ames particulieres, la connaissance ne nécessite pas obligatoirement l'existence d'un instrument véhiculaire de sensations; elles sont pourvues d'une faculté plus puissante que la sensation, qui leur donne le pouvoir d'appréhender les choses sensibles sans recourir a quelque instrument intermédiaire servant a corriger les défectuosités de la perception32 .
29. Cf. in Tim., n, 281, 9-12 D.: ou yap é:m:ep (lt IJ-EPIX
,,
Augustin et le symbolisme de la v~ture, Augustinus Magíster, Congres Intemat. Augustinien, t. 1, París, 1954, pp. 293-306. Cf. infra, p. 175 et la n. 44; p. 177 et la n. 57. 30. Cf. in Tim., n, [311], 16-18 D.: ou od o~ o~ \10~~1'1, éht t~w6EV ttaOÉ'X.E'rCX.t ~
"(''W':rl'/ ~ ljiu-x.~ 'tOÜ 7t
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
99
On confond bien a tort, semble-t-il, cette faculté avec l'intuition33 qui, elle, conduit ala vision directe de l'Un et prédispose a l'union de '\ l'homme avec lui. Par contre, la perception vise la connaissance du monde extérieur et se résume dans l'activité de la raison. Proclus fait état de cette faculté en l'associant l'intelligence, tout en précisant judicieusement que l'intelligence n'est nullement un instrument de la raison, done inférieure a elle, ainsi que certains le prétendent34, mais plutót la lumiere de la raison, celle qui 1' active, qui la complete, qui la rend apte as'élever et quien rehausse la puissance cognitive35 . En fait,
a
ala&i¡aewc; trtavop6ov!Jkvr¡. 33. I1 serait, bien entendu, question, en l'occurrence, de l'intuition telle qu'elle est envisagée par le néoplatonisme dans son ensemble, et qui a marqué les divers mysticismes médiévaux, a savoir la faculté d'approcher directement et de quasiment connaitre I'absolu dans un élan d'assimilation a lui en atteignant un état de grAce. Dans ces conditions, la connaissance devient un véritable vécu. De m~me, cf. KANT, Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, I, 1, «Des idées en général», A320; B377; et §t. A19; B33; cf. Prolégomenes, § 8, admet la possibilité d'une intuition des idées particulieres. Cf. E. MoUTSOPOULOS, Phénoménologie des valeurs, pp. 73-78. Pour SCHOPENHAUER, Die Welt als Wille und Vorstellung, I, §§ 12 et 15, l'intuition serait une conception sans concept de ce qui est . transcendant. Cf. E. MOUTSOPOULOs, lA dialectique de la volonté comme fondement de l'esthétique et le systeme de Schopenhauer, Athenes, 1958, p. 35. Encore moins serait-il question de rapprocher l'idée d'intuition, telle qu'elle est suggérée par Proclus, de l'acception bergsonienne du terme, relative a la réalité de la durée de l'~tre saisie d'un seul coup et directement vécue. Cf. H. BERGSON, L'évolution créatrice, chap. n, CEuvres, Éditions du Centenaire, París •. P.U.F., 1960, pp. 82-84. Sur cette différence d'optique, cf. E. MOUTSOPOULOS, [A critique du platonisme chez Bergson, 4• éd., París, Vrin, 1997, pp. 20 et 64; cf. IDEM, lntuition et raison chez Bergson, in J. WJLKE, J.-M. GABAUDE et M. VADÉE (éds.), Les chemins de la raison, XX• siecle: la France a la recherche de sa pensée, París, L'Harmattan, 1997, pp. 215-225, et Diotima, 24, 1996, pp. 156-164. 34. Notamment SÉVERE, philosophe grec platonisant du n• siecle de notre ere, penseur éclectique qui se laissa influencer par le storcisme. Parmi ses Commentaires, on signalera son Commentaire sur le Timée. Un long fragment de ses reuvres a été conservé par EUSEBE, Praepar. Evang., l. Xlll, ch. XVII, PG. t. 21, pp. 700-701, sous le titre d' Extraits des livres de Sévere le platonicien sur l'ame. 35. Cf. in Tim., I, 255, 4-9 D.: (ó "Aoyoc;) É<1v-c~ 'te: 'X.Pii-r
opyr.xvov {Jlv ~ vOY)O"tc;, -:o Be 'X.PW(L€VO\I CI.V'tÓc;, wc; OtE't
100
LA PRATIQUE MUSICALE L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
ce sont les facultés dites inférieures qui, utilisées en guise d'instruments de la connaissance, fournissent des données erronées36 que la raison a la capacité de controler37 • Grace a ce controle, l'ame opere hors du corps en tant qu'instrument noétique de puissances supérieures, afin de se purifier de l'influence nocive des données du monde sensible, qui risquent de l'induire en erreur38• Enfin, conformément a la théorie platonicienne de la rérniniscence39 , les ombres que sont les données sensibles de l'expérience comparées aux ~tres par excellence, les idées, deviennent des points de départ et tiennent m~me lieu d'instruments a l'intérieur du processus de la remémoration40• Or, mis a part les instruments de l'intelligence41 , c'est-a-dire les facultés cognitives et, sur le plan ontologique, les corps par rapport aux ames, Proclus envisage l'investissement des corps célestes par les ames qui leur sont appropriées pour en faire des instruments de la temporalité; autrement dit,
36. Cf. La pensée et l'erreur, pp. 53-76; La connaissance et la science, pp. 134-141. - 37. e~. in 7im.: 1, 255, 21-24 D.: mi 7tO'tt !J.&v (ó AÓ"yoc;) a7toOÉX.t:'tCU 't~ xptattc; 'tWV ~Eti'tt:fiWV ~UVClJUWV, 7t01:t ~ ~o.ti.É.'fl..tt 'ta a~A¡l.a'ta aihW.,, oaa ~ta ..a opyava av¡J.Eiaívet 7tOAÑiXtc; airtaic; &¡J.ap'ttlvttv; cf. Él. théol., §57, pp. 56, 9-12 D.: aXM. xai 7tp0 ~~~e; i:v9yti (ó ~~e;), ;cai & ~í~w;t ~uX~·;· ~Í~t xai voüc; ¡J.EÍ~ovwc;, xai fi.YJXÉ'l:t ~uxr¡c; tvtpyova-r¡<; V
101
des moyens de mesurer, par leurs révolutions particulieres, les révolutions du temps42 • Le développement des sciences, telle la médecine et \ses effets guérisseurs, est, assurément, l'instrument et le moyen par lequel les dieux se révelent aux mortels43 • C'est par ce biais que l'acception ontologique de la notion d'instrument dans le Commentaire sur le Timée rejoint en direct l'acception praxéologique illustrée dans le Commentaire sur le Cratyle. Proclus souligne ici l'importance de l'instrument manié par l'artisan, comme par l'artiste, dans le but d'investir l'objet confectionné de la forme la meilleure et la plus accomplie44 • Cette fabrication, qu' elle soit artisanale ou artistique45 , est, surtout sous son deuxieme aspect, une image symbolique qui renvoie a la création universelle, ontologique autant que cosmologique, et au principe d'harmonie qui régit toute instauration durable46. De l'instrument con~u en général l'instrument spécifiquement musical la distance a parcourir est intime, mais essentielle. D'une part, . l'instrument musical ne difiere guere de l'instrument tout court, puisque, / comme lui, il constitue un prolongement de la main, elle-m~me prolonge-
a
42. Cf. ibid., VI, 18, 395 P.
..
~
1
102
LA PRATIQUE MUSICALE
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
ment corporel de l'esprit47 • D'autre part, il est doté d'une puissance sumaturelle en vertu de laquelle il diffuse et transmet le message que le musicien instrumentiste re~oit de la divinité dont il est tributaire. L'instrumetit musical est porteur de qualités divines qui apparaissent sous l'aspect de qualités morales a communiquer eta imposer aux hommes. D'ou l'omnipotence d'en pratiquer le jeu. Dans une perspective semblable, Proclus se rétere plus particulierement aux instruments a cordes. Il faut sur ce point relever quelques inadéquations qui témoignent d'une information incomplete, voire erronée, du Diadoque sur certains détails musicaux d'ordre technique. En commentant Hésiode, il attribue l'invention de la cithare, instrument a cordes multiples, d'origine asiatique48, a Apollon, alors que le nom de ce dieu fut de tous temps lié a un autre instrumenta cordes, la lyre49 • 11 n'hésite pasa qualifier la cithare d'instrument a sept cordes50. Néanmoins, et malgré ces considérations, il se maintient dans la tradition classique qui veut qu' Apollon soit a la tete du chreur des Muses et préposé a ordonner et a décorer l'univers selon le príncipe d'harmonie5 1• Or le personnage divin d' Apollon se prete a dédoublement52, tant il est vrai qu'il est également préposé aux activités de guérison, de tir a l'arc53 et de mantique, chacune de ces activités
distinctes se partageant54 les attributions, souvent contradictoires, que le dieu est censé accumuler, a savoir la musique qui relie ce qui diftere, le '\ tira l'arc qui ramene l'ordre dans la nature, la mantique qui révele ce qui est occulté et la médecine qui rétablit définitivement la santé dérangée55 • Malgré leur diversité, toutes ces activités permettent de maintienir et de restituer l'ordre dans l'univers, dans les corps et dans les íimes56 • C'est, de toute évidence, ce que fait aussi la musique: «... par le rythme et l'harmonie elle introduit en tout le lien, l'amour et l'union et en écarte les contraires»57 • La légende d' Apollon et de Marsyas semble perpétuer et justifier 1' opposition historique entre instruments a cordes et instruments a ven t. Un long passage du Commentaire sur le premier Alcibiade fait état des qualités distinctives de chacun des deux groupes d'instruments. En le décomposant, on en saisira plus pertinemment le sens. Sur ce point encore, Proclus demeure fidele aux vues de Platon, obligé qu'il y est, puisqu'il commente des textes platoniciens dont l'analyse fera apparaí'tre des allusions du Diadoque a ses propres idées quand il confirme les arguments de Platon. En l'occurrence, les instruments acordes sont pour lui propices au repos durable et au calme (xa:tCXO''t"YJ(UX'ttxá)58 , alors que les . instruments a vent, incitent au mouvement (xwr¡-rtxá)59 . ¡ Le mouvement est, a coup sür, le· fondement de toutes les activités
103
.l
1
47. Cf. J. BRUN, lA main et l'esprit, París, P.U.F. 1963, pp. 63 et suiv. 48. F. J. GUILLEMJN-DucHESNE, Sur l'origine asiatique de la cithare grecque, L'Antiquité Classique, 4, 1935, pp. 117-124. Des indications sur les instruments musicaux grecs nous sont foumis par les débris de lyres (Musée d' Athenes) et d' auloi (~ritish Museum), ainsi que par la céramique et quelques textes théoriques anciens, tres d1scordants du reste. 49. Cf. supra, p. 96 et la n. 21. 50. Cf. ad Hes., 346, 27-28 G.: ~ ... i60ó¡L-r¡ (~¡ú¡n) [~ 'A1tÓAAwvoc, <Ea-rtv), , , , , A.,., f'l , ' ~ , ' r A,!.,..,.. ~ , lXV'(¡ "(Glp E'tE'X,v •¡' 0\0 XIX\ E;;:'tGl'tOVOC, ClV'tOV Y) X\""'1"", Le terrne E7t'tGl'tOVO<; suggere le terme É7t-rcix.op00<;, attribué la lyre, apres la jonction de deux tétracordes originels en un ensemble de sept cordes, moyennant un harmos, jointure, d'ou le terme dérivé d' harmonie. 51. Cf. in Crat., 98, 10-14 P. 52. Cf. in Crat., 98, 16-17 P.: &a-.tv o0v ... X!Xt ó p.oucrtxo<; x!Xl o[ a.XAot 'A1tó'AAwve:c,
54. Cf. in Crat., 98, 23-24 P.: otaxe:xpt¡J.Évw<; xal ¡Lt¡:;ta-rW<; -rae; Évtaíac; -.oü 6¡ov ovvCÍ.¡J.Et<; Xll'tiXVtt¡LI.l¡J.ivwv.
55. Cf. ibid., 98, 26-29 W.: 't'f¡v ¡.¡.tv ¡LOVatX~V XIX'tcX avvot'ttXOV <-ro> 'tOV Otarpopov¡úvov 7tA~6ov<;, 't'f¡v Ot 'tO~tX~V X!X'tcX 'rO ñj<; ihcix-rov <:(ÚO'EW<; &v<Xtp!:'ttXÓV, 't'f¡v ot ¡LI.l'l'tiX~V XIX'tcX 'tO EX<panoptxóv, 't'f¡v oE: i<X-rptX~'I Xll'tcX 'rO 'tÚ..tatOvpyóv.
ev
56. On reconnru"t ici des considérations pythagoriciennes et hippocratiques. Cf. La musique dans l'reuvre de Platon, pp. 112-118. 51. Cf. in Crat., 99, 16-18 P.: ~ oE: ¡LOVatx~ M 'rOV pv6¡LOv XIXt ñjc, cX¡:i¡J-O'Iíac;
a
ni Xllt E'l 'toi<; aMot<;. 53. Allusion a la tradition aux termes de laquelle Apollon serait ÉXY)6Ó)\O<;. Cf. HOMERE, lliade, A 96; E 54, a cOté de Éxa-.r¡6ó~. ÉXCÍ.t¡:;yo.:; et exaa-:o<; (sans doute
'
f
r
,
, .,
'
Ota¡LO'I XIX\ ~~~lXV XIX\ EVWatV EV'tt!h¡at 'rOte; OAOt<;, 'tiX ~ EVIXV'tlll 'tOV'tWV EXltO~WV XIX6ta't'r)at'l; cf. 1b1d., 99, 22-24 P. 58. On évoquera ici les ~OOVIXt Xll't<Xa't'r)¡LI.l't\XIlt d'Épicure (cf. DIOO. LAtRCE, 87; '
1
'tt
'
1
...
1
.,
'
1
n. a propos de musique; cf. WALZ,, Rhét., 5, 458, sur l'air musical
Xllt E'l
X, 136). En particulier,
paree qu'invincible); cf. HoMERE, Odyssée, y 279.
qui incite au calme, tell'air construit sur le modele du spondée. 59. Cf. in Alcib. 1, 197,17-198,1 W.: 'tWv tJ-OUatXWV ... o¡:;ycivwv ¡úv ta'tt XIX'tiXa't'r)¡Lil't'lXcX, -.eX. ~t XtV'r)-rtxCÍ., ¡Jlv a'tciae:t 7tpocn\xov-r<X ot xtvríae:t.
-ra
-ra
-ra
104
LA PRATIQUE MUSICALE
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
musicales60 • 11 n'y a néanmoins pas lieu de voir ici une contradiction quelconque; il s' agit de distinguer en tout et partout les mouvements calmes et réguliers des mouvements irréguliers et désordonnés: les ; uns apportent aux ames l'apaisement; les autres, l'excitation, l'effroi, } 1' exaspération et jusqu' a la frénésie6 1• Pour etre aptes a apaiser la nature rebelle des jeunes, a restaurer 1' ordre moral dans les conscíences et a ramener 1' esprit au calme et a la prudence, les instruments a cordes doivent etre par excellence intégrés dans un programme d'éducation musicale62 • En revanche, les instruments a vent ont le pouvoir de créer des états de surexcitation, mais aussi d'enthousiasme religieux lors des cérémonies attachées a des cultes et a des mysteres, pour qu'un état orgiaque et d'élévation vers le divin soit atteint63 • 11 semble souhaitable que, dans le cadre de la recherche et de la protection de la mesure64, il faille tenter d'apaiser les soubresauts de la partie irrationnelle de !'lime tout en incitant 1' activité de la raison65 • 11 en ressort que les instruments acordes conviennent a l'éducation, et les instruments a vent aux cérémonies religieuses66. La conclusion de ce long passage est, a l'image des précédentes, composée de deux phrases complémentaires. Aux termes de la premiere, e' est, a1' évidence, la partie irrationnelle de 1' ame quise prete a etre éduquée afin de devenir docile et obéissante a la raison. Aux termes
de la deuxieme phrase, la raison doit, a son tour, etre éduquée pour dominer l'irratioÍmel en l'engageant a se manifester lors d'occasions '\ippropriées67 • Cette demiere phrase est, a vrai dire, maladroitement formulée. On ne saurait en saisir le sens qu'en la confrontant a la précédente. En dehors de ses sources platoniciennes, Proclus peut avoir eu connaissance du Traité de la musique d' Aristide Quintilien, datant de la fin du me siecle de notre ere, ou l'auteur procede a une explication analytique des effets du jeu des instruments musicaux sur 1' ame. Quoi ~ d'étonnant, y est-il affrrmé, si I'ame se meut conformément (avyxtvet'tat) aux cordes d'une cithare ou a une colonne d'air (dans le cas d'un instrument a vent)68 ? En conséquence, la conclusion de Proclus meten lumiere le fait que ce n'est pas seulement le genre de musique jouée qui, au dire de Damon69, influe sur 1' ame, mais aussi le jeu et le timbre de l'instrument utilisé acette fin, en ce sens qu'il ne peut s'agir que d'airs adéquats confiés al'instrument choisi. De cette idée de correspondance et d'interdépendance des cordes,lors de leur vibration, et de l'effet de leur mouvement sur l'ame, il convient d'étudier un précepte relié ala pratique du maniement de l'instrument: il faut se garder d'accorder la lyre selon un registre trop haut ou trop bas, pour éviter une tension trop forte et une détente excessive qui se : répercuteront sur 1' attitude de 1' ame. Par contre, si, meme en dehors d' un ! programme d'enseignement, la musique forme les ames, il est du devoir ! de l'instrumentiste d'accorder de préférence sa lyre sur un registre moyen, pour s' épargner des exces et permettre a 1' ame de passer aisément de la tension ala détente et vice-versa70 • Devrait-on associer a ce précepte l'idée de la régulation de l'emploi des «harmonies», présente
60. Cf. E. MoUTSOPOULOS, Mouvement musical et psychologie, loc.cit. 61. Cf. surtout H. JEANMAIRE, Le traitement de la Mania... , loc.cit.; cf. EuRtPIDE, Hérackles, v. 871, oil Lyssa se propose de fasciner le héros en Iui inspirant la terreur et en le faisant danser, comme si elle I'envoOtait, en Iui jouant sans cesse des airs d'aulos: 'tá."f.l1. a' E')'W ~ "f.Optúaw X11.t X11.'t11.UA~crw ¡pÓ6cp. 62. Cf. in Alcib. l, 198, 1-4 W.: 'ta ¡J.Ev o~ X11.'tl1.cr't""l)pa'ttxa 7tpoc; 7tl1.tod,.v lcr-.iv awcrt¡uó'tl1.'t11., 1-o ~6oc; i)(J.Wv Et<; 'tiÍ~tV ayov'tl1. Xl1.i 'tO 6oputíwoec; Xl1.'t11.C1'ttAAllV'tl1. TI<; J VtO't""l)'tO<; Xl1.! 'tO XfXtvr¡¡J.tVOV tt<; 1J
\
'
,
,
f'
,
'
.,
1
1
' ')'11.p ' 7tl1.!otUO(J.tVOV ~ . 67. Cf . 1'bid ,, 198 , 9-10 w.: 'tO' (J.EV ' Í (J.tVOV Xl1.t iv6oucr~~v ó Aóyoc;. 1
105
' WI.O')'OV ~-- . ,t
'tO
68. Cf. ARIST. QuiNTILIEN, De mus., p. 107 Meibom. Cf. E. MOUTSOPOULOS, Sur la participation musicale chez Plotin, Philosophia, 1, 1971, pp. 379-389, notamment p. 384 et la n. 28. 69. Cf. lDEM, Beauté et moralité musicales. Une initiative damonienne, un idéal athénien, ibid., 34, 2004, pp., Philosophie, 34, 2004. 70. Cf. in Alcib. l, 194, 13-16 W.: OEt oE: WC17tEp EV AúpCf (J.~'tt ~ crunovhv t!Vfl,.! ¡¡.Óvr¡v (J.~'tE ...t¡v avtcrtV, a'i:Nz. ...t¡v O),r,v 11.U~V 7tp0t; É11.u~v 'Í¡p¡¡.Óa611.t lj¡u"f.~V tX 'tt t7tt'tá.crtw<; r;atOEU't!X~~ Xl1.i avtcrEW~.
106
LA PRATIQUE MUSICALE
107
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
Des considérations de Proclus relatives aux instruments et a leur maniement retenons le choix de deux catégories d' «Outils» musicaux, ' respectivement destinés, de par leur caractere; a apaiser ou a déchainer 1' ame, avec toutes les incidences et conséquences que leur action est susceptible d' entrainer pour le psychisme htimain. Dans le cas de la lyre, par exemple, cette action se prete adécomposition de la part d'un esprit analytique et critique, comme Socrate qui s'enquiert des diverses manieres de jouer (xpoúetv) de cet instrument précis, parallelement aux diverses manieres d'écrire ou encore de mener un combat de pugilat17• Ces trois disciplines orientent la conscience vers l'acquisition de la vertu politique78 , et meme au-dela, vers 1' exercice de l' art politique tel que Socrate le pratique au niveau de l'enseignement19• Cette triple activité ferait partie de l'éducation couramment adoptée a Athenes 80• Socrate tente de persuader le jeune Alcibiade qu'exceller, comme lui, dans les lettres, la musique et la lutte ne lui procure point la sagesse politique81 • L' expert en chaque matiere est du meilleur conseil82 • Or le
dans l'enseignement de Damon71 ? La question a été tranchée par R. P. Winnington-Ingram72 qui voit dans le terme d'harmonie une fa~on caractéristique d'accorder la lyre, non point d'apres une échelle d'apparence modal e, au sens ou ce terme est employé a propos de la musique médiévale, mais d'apres une formule structurale modulaire qui rappellerait des structures analogues dans les musiques orientales, tels les maqams arabes, les ragás hindous ou les tyao chinois73 • Le probleme demeure de savoir si, malgré les apparences qui militent pour le contraire, les diverses harmonies, telles que con~ues par Damon et Platon, seraient associées a des tessitures concretes, done a des tensions ou rellichements particuliers. Faut-il rappeler ici que déja Platon acceptait deux harmonies spéciales qu'il jugeait bonnes pour la formation d' ames courageuses et orientées vers les cultes religieux sérieux, a savoir les harmonies dorienne et phrygienne74 ? Proclus suit, certes, la tradition inaugurée par Damon, mais le fait-il en connaissance de cause? On est en droit d'en douter, si l'on tient compte, d'une part, de la longue période qui s'est écoulée depuis le ve siecle avant notre ere75 et l'époque a laquelle le Diadoque compose ses Commentaires; et, d'autre part, de l'imbroglio que contribuent a former les nombreux traités théoriques des ;mteurs «musicaux» de l'antiquité hellénistique et tardive76, et qui, partant de príncipes différents, aboutissent a des conclusions tout a fait opposées; imbroglio qu'il est quasiment impossible d'éclaircir. Si la rythmique grecque est connue presque a fond grace aux riches informations que nous en procure la métrique, la connaissance de la mélopée grecque nous est interdite a jamais: ignoramus, ignorabimus.
77. Cf. in Alcib. 1, 204, 8-10 W.: Óp~c; Ó7twc; aw &:arpa.'N:lif (ó I!wxpcitr¡c;) rtpociyet 't"ac; epw~etc;• «1t~» yilp «aV», C('t]at, «ypciq;ottv» xa.l «m:pl xpou¡uhwv EV XÚf4» XClt
oii
ia
71. Cf. DAMON, fr. 8 Lasserre; cf. PLATON, Rép., III, 398 d et suiv. 72. Cf. R.P. WINNINGTON-lNGRAM, Mode inAncient-GreekMusic, Cambridge, Univ. Press, 1936, et IDEM, Greek Music (Ancient), Grove's Dictionary of Music and Musicians, 5th ed. by Eric Blorn, London, Macrnillan, 1954, t. 3, pp. 700-701. 73. Nous y avons associé les &:m¡'X,~(Ul't"Cl annon~rant les échoi de la rnusique byzantine. Cf. La musique, pp. 69-70. 74. Cf. Rép., III, 399 a: OW(tnÍ. .. xa.l rppuyta·d; cf. Lois, VII, 816 b oit, li propos des dan ses, seules deux d' entre elles sont retenues: une guerriere; 1' autre, religieuse. 75. L'Aréopagitique de Damon date de l'an 443. 76. Cf. J. CHAJLLEY, Le rnythe des rnodes grecs, loc.cit.; IDEM, L'hexatonique grec d'apres Nicornaque, Revue des Études Grecques, 69, 1956, pp. 73-100.
,
·a'·:_ · "
,
,
,~
1
~
,
-
108
jeune homme est ignorant dans de nombreuses disciplines8 3 . Lyre et cithare, on l' a déja évoqué84, conviennent al' éducation, par le pouvoir qu'elles ont d'apaiser les esprits et de les rendre aptes apenser correctement. Les instruments a vent, quant a eux, par les mouvements extrémement intenses, voire désordonnés; qu'ils suscitent, s'adressent a la partie irrationnelle de l'fune, qu'ils renforcent au détriment de la raison. Ces instruments sont done automatiquement exclus du domaine de 1' éducation et leur emploi se voit confiner au seul domaine religieux, et non sans certaines restrictions. Des instruments a venfs Proclus ne mentionne que l'aulos qui, muni d'un chalumeau, a l'instar du hautbois modeme, émettait des sons d'un timbre nasillard convenant ades états orgiaques85 • Il y avait done lieu de bannir l'aulos et l'aulétique de la pratique de l'éducation, et c'est ce que les cités bien gouvemées auraient décidé. A n'en pas douter, l'expression au"A~-rwaav 8·r¡~~iwv 7tatoe:t;, qui exprimait le dédain des Athéniens pour l'aulos autant que pour les citoyens de Thebes 86 , mérite attention. La vraie raison de cette attitude négative nous est clairement indiquée par Proclus: par des manipulations convenables, l'aulete pouvait faire émettre de chaque orifice de son instrument trois sons différents. · Pronomos de lnebes, aulete réputé du temps de Platon, serait parvenu a inventer un systeme de virales mobiles facilitant ces manipulations87 • Ce qui, en vérité,
83. Cf. ibid., 200, 14-16 W.: ..a. (Jkv X(Xt oioEV ó ~Axt~tá.01J~ ){(Xt Ott'r(Xt "(t"¡"'WT/.EI\1, Wa7ttp ..a. ypá~'t(X ){(Xt >O xtO(Xpt~ttV X(Xt >O 1trlAat&tV, ..a. o& OU'tt o!oEV OU'\"t Olt";:Zt "fi"(VWaXttV, Wa1ttp OtXOOp(J.tXY¡v X(Xt (J.(XVt'tXl¡v X(Xt t(X'rptX~v ... ; cf. ibid., 273, 6-lOW.: rXJa 1tw~ 1tpÓnpov (ó ~'Axt~táor¡~) EAa~EV lht fi-ÓV(X 'r(XÜ'l"(X E(J.(XOt, «ypá¡J.(J.(X-ra xcxi xtOcx;í~m X(Xt lt(XAaÍttV», vüv o& xcxi >O «'O(J.~pou» 1t~t01Jxtv; ~ éht 1ttpi 'rE"X.\IW\1 X(Xt Em'J'77;¡J-WV Üywv d~ •pía 'r(XÜt'a -rl¡v h.rroü yvmtv &.id¡yayEV, ov 1ttpi ypafl(J.á-rwv 1ttxÑJ.twv. 84. Cf. supra, pp. 103 et suiv., et les notes 58 et suiv. 85. Pour une description historique et fonctionnelle complete des divers modeles de l'aulos, cf. K. SCHLESINGER, op.cit., pp. 23 et suiv. On est toutefois forcé de s'opposer au principe xa-r' &.ptO(J.ov xai bo(J.E-rp~v (au lieu de: "f&W(J.t-rpíav); cf. ARISTOTE, fr. 43, 1483 a 8: C(CXt\lt'r(Xt . . . -ril f!Ép1J avTij~ <se. Tijc; áp(J.Ov~c;> xa-r' &.pt6~v xai LaO!J-E-rp~v), que l'auteur applique ~ la mesure des orifices tout au long du corps de l'instrument, et qui faussent !'ensemble de son interprétation. 86. Cf. inAlcib. 1, 197,9-10 W.: xá.AN.ov oi: Üym Ot't aí opOai ltOAt'rttCXt t"l¡v a~),r¡
'\"tXl¡v a1ttat'p!Í.cp1Jaav.
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' ÁMES
LA PRATIQUE MUSICALE
109
parait géner le Diadoque qui, sur ce point, ne tient assurément pas ses connaissances de Platon lequel n'aborde pas la question et se retranche ~erriere un certain mutisme88 , c'est l'imprécision des sons ainsi émis par l'aulos; mieux, la possibilité de falsifier les harmonies pures en les mélangeant. La mode de l'aulos, devenu tout-puissant, aurait gagné jusqu' aux joueurs de lyre, mais surtout les citharistes qui, par émulation et par imitation, se seraient fait fabriquer des instruments a cardes tres compliqués produisant des effets similaires89 • En adoptant l'opinion de Platon, qu'en matiere d'esthétique musicale le critere du plaisir ressenti n'est pas l'oreille, mais, avant tout, la raison, ce qui risque d'éliminer d'emblée tout progres musical (et artistique en généra1)90, Proclus reconnait qu' Alcibiade est ignorant ~n matiere d' aulétique91 • L'histoire de l'évolution des instruments musicaux recouvre toute l'histoire de l'évolution des techniques musicales et celle de l'activité
87. Cf. P.-M. SCHUHL, Platon et la rnusique de son temps,loc.cit.; cf. inAlcib., 197, 13-16 W.: Exlia-rov yilp -rpÚ1t1J(J.(X -rwv av'AWII -rpti~ ~Oóyyouc;, Wc; cpaat, -rovM.xta-rov &.cpt1Jat'l, tl o& xai ..a. 1tap«tpu1t"Í¡fl(X'r« &.vmx0d1J, ltA&Íou~. OEt oi: ov 1t
o
au'Aoü üyw, xai -rl¡v 'rE'X.\11)\1 -rl¡v "X.PWfi-ÉV1JV CXVt'tfl &.1tÉcp1JV& C(EUX'r'rj\1' XCXt ya.p «'rCX lttxvap(J.Óvta» xai ~ ltOA!J'X.Opoía «(J.t(J.~(J.(X'rCX 'rWV CXVAW'I ea-rtv». 90. Lo musique, pp. 264-265. . 91. Cf. in Alcib., 1, 197. 1-9 W.: 'rOV o& CXVAOV XCXt'tOtt\1 a~W'I Ot' ~\1 ahlav ó ~Axt ~t!Í.01JC: ov 1tpo~xa-ro, xaÍ't'ot xai ~ au'A1J-rtxl¡ ¡J.ouatx~ -rí~ ecmv (le ton dédaigneux accompagne ici le ton réprobateur). 1)01) fi-E\1 ouv t'tvt~ ttp1)Xtxatv o-rt, XCXI\/\WTWr'rT¡c; wv o~-r~ EX 1ttxt0ó~. oV 1tpo~'A6t Tij aVAl)Ttxlj, ..l¡v EV -rtf¡ 1tpoaw7tC,t> xai -rtf¡ ~ lt(Xv;l aW(J.CX'l"t C(&Ú"(W\1 &.ax1J!J.oaúvr¡V EX Tijc; 'rW\1 av'AWv Efl1t\I&Úatw.;. aax1Jfi-O\I ya.p 'rO 'X.P~!"' r" !fo tt (J.EV0\1 C(CXt\lt'rCXt 'rO\~ 'rOWUt'ot~ Op"fCX'IOt<;, Ea'rt <>E 1J CX1too00t~ CXUTIJ XCXt c.t/V\W~ r.por.t •'l;'' t'OÜ ~Axt~UÍ:oou Xat"txlj¡1)cpt~Ofi.ÉV1J ..l¡v 1ttpt -rolx; xa):}w¡m'J'(J.OV<; lt'rO~V XCXt 'rO XOt\IOV ovx ópma Tijc; ó'Al)c; ttJyEVdar; q¡u'Aa-r-rofi-ÉV1J<; -rov a.u'AOv. C'est done pour des raisons également extra musicales, mais non anesthétiques, que le banissement de l'aulos est .,
1
décrété.
...
,
,
,
\
.,
,.
'
"'
tf
"\"\__
'~"\"\..
'
"'
~
110
LA PRATIQUE MUSICALE
L'INSTRUMENTISTE, CHARMEUR D' AMES
des instrumentistes qui y ont contribué. L'instrumentiste domine son instrument, mais il est, en revanche, dominé a son tour, jusqu'a un certain point, par les limitations de celui-ci, n'ayant de cesse que de les dépasser en inventant de nouveaux moyens de mettre a profit les qualités virtuelles qu'il renferme. L'adjonction d'une quatrieme corde aux trois cordes initiales de la lyre, la nete, la mese et l'hypate, fut le premier pas vérs 1' assemblage de deux tétracordes contigus de part et d'autre de l'harmos. 11 fallut, en outre, que l'aulete fit preuve d'une inventivité extreme a la suite d'un accident, sans doute fortuit, survenu lors d'une défectuosité qui obstrua un orífice de son aulos, produisant ainsi l'émission d'un son pen;u comme faux de prime abord, puis considéré, une fois le modele du doigté .généralisé, comme élargissant l'éventail des sons émis par l'instrument, ce qui engendra tout un systeme de production de sons et d'intervalles chromatiques et enharmoniques92. 11 n'existe pas encore d'instrument «enchanté». Ce genre d'objet n'apparaitra que plus tard, dans la mythologie médiévale. Pour l'heure, Proclus attribue encore l'enchantement de la nature animale et inanimée non a la lyre d'Orphée, mais a Orphée en personne. Chanteur autant qu'instrumentiste, le joueur de lyre et le citharede entonnent des hymnes dont ils soulignent la forme et le contenu par des accords convenables qui en prolongent l'effet ou bien par des cantilenes qui remplissent le silence entre deux strophes consécutives. Ce jeu s'avere hautement gracieux. 11 suffit de suivre le mouvement des bras et des doigts de nos harpistes.contemporains pour s'en convaincre. Par contre, on l'a constaté précédemment, Proclus est ostensiblement rebuté par la défiguration que le jeu de l' aulos impose a qui s' en sert, a tel point qu'il conseille d'éviter la laideur qu'engendre sa pratique. Et que
'1
111
dire du double aulas, né de la tentation d'imiter les dispositions des instruments a cordes qui, eux, pouvaient émettre simultanément au moins .{ieux sons soit concordants soit passagers, produits, dans ce demier cas, d'un mouvement double rappelant le príncipe de la polyphonie la plus na"ive? Le double aulos suppose, effectivement, la pratique d'une certaine hétérophonie; mais le masque en cuir que l'aulete est alors obligé de porter le défigure et le défavorise encore davantage. Fait curieux, Proclus ne se rétere pas aux instruments musicaux de son temps. 11 en existait pourtant a coup sur. Le philosophe se garde cependant, et par príncipe, en commentateur authentique de Platon, de \. commettre quelque anachronisme, se contentant de ne souligner que le role joué dans la pratique de la musique par le facteur humain. Seuls entrent en ligne de compte l'instrumentiste, le chanteur, leur auditoire. ) e· est a travers eux, instruments directs des divinités musicales, que la ' musique exerce son pouvoir sur la conscience autant que sur 1' inconscient. Il est incontestable que, compte tenu des caracteres inhérents a la musique, l'éducation sérieuse se doit de mettre au point des méthodes appropriées en matiere d'enseignement musical, par exemple celle qui sert a inculquer aux ames des. jeunes, par la théorie et la pratique, l'eurythmie et l'harmonie bien construites, qui, au dire de Platon, sont nécessaires tout au long de la vi e humaine93 .
92. Par opposition au genre diatonique qui symbolise la simplicité (relative) qui convient ¡¡ l'fune. Cf. in 1im., m, 254, 13-18 D.: IJ;vx~ tO"'nv OUO"t~ [J.Éo--r¡ -rijc; ov-rwc; O~O"'lj~ ouo-~c; x.~l yEVÉo-Ewc;, &x. 'tWV plawv au¡..<pa6tia~ ")'EVWv x.~t de; apt6¡J-OV cSt~tpE eE¡O"il ouo-tWBr¡ x.~l awBE6E¡O"il mio-~tc; 't~ic; ¡J-EaÓn¡o-t x.~l áp¡J-oo-6Eio-a Bi~ovtx.~ ~Wo-á -rE ¡J-tilv ~wY¡v xal BmA~v x~l yvwa-r:tx.-1¡ ¡wv~xwc; -rE x~l Btx~; cf. ibid., m, 253, 25 254, 2 D. Cf. PLATON, Rép., ITI, 401 d: -r:e: pu6¡J-oc; x.~l ~ &p¡J-Ov~ ... tppw¡J-EVÉa-r~-r:~ ar;-rE"rilt i:tu't"fic; ('t"fic; ~vx~d.
o
93. Cf. in 1im. 1, 41, 10-11 D.: •..¡¡.ouatx.l¡v "(wác;. Cf. Pl.ATON, Protag., 326 d.
1
u ... &v~¡wvtouc; a7tO'tEAOÜ0"(1V ":"00;
LE MANIEUR DE TONS ET DE TEMPS
CHAPITRElll
LE MANIEUR DE TONS ET DE TEMPS Il n'est d'activité humaine qui ne prenne sa souree a un niveaú surhumain. En toute circonstance, des puissances sumaturelles et divines président a diverses initiatives au niveau de l'homme, si elles ne 1'~ incitent. Apollon et l~s Muses, on l'a évoqué aplusieurs reprisesi, ~en~nt chants et danses. Des monts qui prolongent l'Olympe, les P1~nde~ transhument au Mont Hélicon2, prete~ asoutenir leurs adeptes. N oubhons pas que dans le livre X de la République Platon présente les révolutions célestes sous l'aspect de cercles concentriques dont chacun est animé par une Sirene émettant un son particulier compatible et concordant avec les autres 3. Si a !'origine de la constitution de la
l. Cf., par ex., supra, p. 15 et la n. 10. 2. Cf. les noms TittpÍot<;, 'EAixwvtá&c;, attribués aux Muses. , ~· Cf. ~ép.,,x, 6!7 a-e; 6,17 b; ~x 1trmb1v... ¡¡.lav áp¡¡.ovlav O"JfL?W'Itiv, cf. 617 e: u¡¡.vm 7tpoc; Tt¡V 'tWV :Ettp'l)vwv ~¡¡.ovlav. Cf. P.-M. SCHUHI.., Autour du fuseau d' Ananké, loe. cit., publié aussi in IDEM, Études sur la fabulation p/atonicienne, París, P:U.F., ~947, PP: 83;88, notamment p. 88: «Ainsi, alors qu'on tend Areconnaitre A plus d u~ ~~ du réc1t d Er un caractere oriental, il se trouve que le symbole du fuseau, par qum. s opere ,dans la République le passage de la science au mythe se trouve etre préc1sément 1 un de ceux qui posent le plus nettement, des une époque fort ancienne, le probleme des rapports de la Grece et de l'Orient». Cf. infra, pp. 201 et suiv. Cf. in R~mpubl., IT, 237, 23-25 K.: hac; :Ettp)ivac;) É~¡¡.
alto
113
mythologie grecque les Sirenes furent considérées comme des oiseaux de la mort4, le passage de cette acception a celle qui fait d'elles '\des divinités musicales enchanteresses autant que maléfiques, et qui remonte a Homere5, ne saurait done trop étonner. Il demeure qu' elles sont indissolublement liées al'entrain musical dont elles marquent le modele et le point de départ de la manifestation. «La double présence de l'Harmonie et des Sirenes dans le mythe d'Er conduit directement aux Pythagoriciens. D'apres la tradition antique, 1' oracle de Delphes serait lié a ces deux notions dans la formule du catéchisme des akousmatiques si souvent citée»6. Il est indubitable que, «selon certaines interprétations7 , les Pythagoriciens, par respect envers le· Maitre, employaient le nom symbolique de la tetraktys, définie comme harmonie» 8• Dans ce contexte, les Sirenes seraient «les rapports harmoniques résidant dans les accords» 9... et «leur passage de l'état d'etres marins al'état d'etres célestes pourrait s'expliquer par le fait que
envisagée comme contenant des rapports consonants dont Proclus donne les éléments numériques. Conformément au systeme ontologique du philosophe, l'harmonie 811i 1taaWv (de huit sons) convient aux Ames divines, l'harmo-nie de cinq sons, aux démons; et celle de quatre, aux limes particulieres, Toutes ces harmonies contribuent a former l'harmonie de l'univers dans laquelle elles s'integrent. Cf ibid., JI, 49, 25-50,7 K. 4. Cf. P. BoYAN<:a, Le culte des Muses, p. 100. Cf. supra, p. 30 et la n. 103. Pour l'étymologie du nom, cf. F. BADER, L'astronomie de l'Iliade et la météorologie des funérailles de Patrocle, lA météorologie dans l'antiquité: entre science et croyance, Saint-Étienne, Publ. de l'Univ., 2003, pp. 97-150, notamment pp. 125-126; EADEM, Les Sirenes et la poésie, in D. CoNso et al. (éds.), Mélanges Fr. Kerlouégan, Besan~on, 1994,pp.l7-42. 5. Cf. Odyssée, ¡¡. 158-200. Selon une tradition, elles seraient les filies de la Muse Calliope ou Melpomene, d'ou leur rapprochement des Muses, au niveau musical. Une autre tradition les rapprocherait des Érinyes-Euménides. 6. E. MOUTSOPOULOS, lA musique ... , pp. 377-378. Cf. JAMBUQUE, Vit. Pyth., 82-86; fr. e 4 (D.-K16 J, 464, 7): 'tÍ ta'tl 'tO &v ÁtÑpoi<; fL!1V'ttiov; 'tE'tpait'tÚc;· 07ttp Ea'ttV Y¡ áp¡¡.ovta, ev ~ cxi :Etlpljvtc;. Cf. P. BoYANCÉ, Le culte des Muses, pp. 116; 133; 172, 179; IDEM, Les Muses et l'harmonie des spberes, Mélanges dédiés ala mémoire de F. Grat, París, Mme Pecqueur-Grat, 1946, t. l, pp. 1-16. 7. Cf. W. SCHULTZ, Ilullayópac;, Archiv für Geschichte der Philosophie, 21, 1908, pp. 246 et 251. 8. Cf.IA musique ... , p. 378. 9. Cf. ibid.
LA PRATIQUE MUSICALE
LE MANIEUR DE TONS ET DE TEMPS
dans l'au-dela pytliagoricien l'espace ou les ames s'élancent apres la mort est assimilé a l'Océan» 10• Les Sirenes auraient eté, déja assez tót, remplacées dans leur fonction musicale par les Muses qui, a leur tour, auraient donné leurs noms aux cordes de la lyre, chacune a la corde dont elle était tutélaire. D'ailleurs ce genre de dériomination fut courant a une certaine époque. On cite, par exemple, comme divinité tutélaire de la corde hypate, le dieu Cronos; de la nete, la Lune 11 • Ces diverses personnifications indiquent le caractere sacré attribué aux instruments musicaux autant qu'a la musique elle-meme, art par excellence. Par 1' entremise de son instrument, le musicien serait en contact permanent avec la divinité que son art est censé révéler. A l'encontre des enseignements de la musicologie modeme, la tradition musicale antique que Proclus perpétue privilégie mélodie et harmonie en comparaison avec le rythme. Moires, Sirenes et Muses se relaient dans leurs fonctions musicales, les unes se consacrant au chant, les autres se partageant la responsabilité de veiller respectivement sur les accords et les mesures rythmiques 12, alors qu'a chacune échoit une fonction spéciale 13 • Le rythme, notamment, impose que soit établie et maintenue 1' existence d'une continuité dans la discontinuité, créée al'intérieur du temps 14, ce qui
revient a confier a la musique la tAche de rétablir la primauté du temps mesuré sur le kairos, d'aspect souvent irrationneJI 5 malgré la fonction de mesure qu'il est supposé remplir16• Orphée, Thamyris et autres musiciens légendaires seraient des réincarnations d'ames «musicales», c'est-a-dire dominées par la musique, musicalement formées, célebres entre toutes et, en conséquence, souvent mentionnées a titre d'exemples. Ces Ames sont présumées convenir a des animaux «musicaux» 17, cygnes ou rossignols, autant qu'a des musiciens réputés 18, a cause de la variété 19 de leurs manieres de chanter. Cette variété est reflétée dans les diverses «hanrlonies» par lesquelles s'expriment leur musicalité autant que leurs états d'ame20• A vrai dire, la multiplicité des manieres d'accorder la lyre et d'en jouer selon son état d'ame, lui aussi variable, s'oppose a l'unité ~e la condition harmonique en soi, qui qualifie l'invariabilité existentielle de la divinité21• 11 en ressort qu'a travers les sons fuyants de sa voix ou de son instrument, le musicien reproduit ne serait-ce que l'image imparfaite de l'harmonie transcendante qui, dans son unité, contient virtuellement toutes les harmonies particulieres possibles22•
114
10. Cf. ibid., Cf. P. BOYANCÉ, Les Muses et l'harmonie des spheres, loc.cit., p. 3. 11. Cf. NICOMAQUE, Hann., m, p. 242 éd. Jan, Scriptores musid graeci; C.VON JAN, art. Saiteninstrumente, in A. BAUMEISTER, Denlclmuler des klassíschen Altertums, München-Leipzig, 1884. 12. Cf. in Rempubl., 11, 250, 10-20 K.:
'tOÜ'tO Xi1'tcX AÓ"'(O'I ta'ttV, 7tO"Mí¡J 7t(JÓ'tEpoV tv 'ti¡> 7ti1V'ti 'tOÜ'tO Xl1'tcX IPÚaiV. Oti 'tOtW'I xai 'taic; ú¡.r.vl¡at:al 'tWv MolpWv &m:a6al -.cXc; &p¡.r.ovíac; 'tWV :Eetp~vwv· ot 01' t7ttxpvlj¡lv E!J-7ti1At'l cXT.EIP~'Ia'tO -.cXc; Motp11c; ÚJJ.vtiv 7tpOc; -IT¡v &p¡.r.ovíav 'tW'I :Ee~vwv, oux. wc; Ér;o¡.r.ivr¡v tX&ÍV1) 7tpO'tÉp«Y o&-av, a/iJ...' Wl; opov autij xai ¡.r.i-.pov t7tÓ."'(00011V. 13. Cf. ibid., 11, 252, 2-7 K.: Éxe:ivo ... a~1ov ¡.r.~ 7tap110pa¡.r.Eiv, O'tl (ó IINi-.wv) xai -IT¡v K/..w6w x11i -IT¡v "A'tpor;ov x1veiv
o
\
1
f /
, \ )
115
15. Cf. Structure, présence etfonctions du kairos, pp. 21-22. 16. Cf. Le viol des symétries, loc.cit. 17. Cf. PLAT., Rép., X, 620 a: xai ci/iJ...a. ~i¡>l1 ¡.r.ova1x&.. 18. Cf. in RempubL, ll, 314,9-24 K: ev-.aü6a (ó I.Thitwv) ... -.cXc; ¡.r.ova1xc%c; (ljivx.cXc;)
&v-ri -.wv ó¡¡.oíwv &v -.i¡J 7tavt! ¡.r.ova1xéiw lj!vx.éiw (mx.pttAl)rptv), tac; i:yvwa(Jiv11c; &v-ri twv ayvwa'tWv, 'tc%c; a7ta6e:ic; av-ri 'tW'I i:¡.r.r;a6wv. wc; e:1 aa9Wc; EAtyEV Oaa atvtaaE't11! ot« tOÚ· 'tW'I, «toeiv av» EC7ttv «Ota'l -IT¡v ·o~w;;, ol'av -IT¡v 811(LÚpov ljivx.~v» M o~ 't"11t!Í6oc; e&; xúxvovt; xai cXl)Oóvac; e:lam¡oroaav. M o~ 'ti ¡.r.iaoc; Ele; xúxvov Y¡ e.ljivx.~ CíJ'X.t'tO xal ¡.r.ovalx~c; E'X.OOOa ovaa1ta"JiJ...áx-.wc; xai 'tO av6pW7tEIOV i:xx"Atvovaa "'(Évo~. xai ó 811(lúpac; ot ¡.r.oua1xóc;, a/iJ...c% M -IT¡v r;p{¡c; -.e%~ Moúaac; ~PINnl¡.r.ía'l m¡pOc; yevó¡.r.e:voc;· cl/iJ...wc; oOv ~ M 'tOÚ'tov 07)/..ov(JiVl) o/tl'X.~· ¡.r.ova1x~ ¡.r.iv, 7ttpa ot -.oü ¡.r.i-.pov t:pi).Ó'ti(J-Oc;, tr.&opa¡.r.e: -.aic; &7JoÓa1v «aí.' n 6a¡.r.c% 'tpW7tWaiV ~" 7tOAVl)'X.ta rpw~v» (Odyssée, -. 521) xal ~vaat VÚ%1111 o:_a-.e:Aoüat xcx/iJ...wm~Ó¡.r.tval 'taic; Éav'twv 7t01XtAalc; xai EVap(J-0\/tOII; rp
ar.o
116
LA PRATIQUE MUSICALE
C'est ici qu'intervient le probleme de la structure harmoniqué de 1' ame humaine composée de trois parties23• Or cette structure oscille entre le modele immuable de l'harmonie qui répond au príncipe d'unicité et le modele de l'harmonie variable qui convient a la vie terrestre et entraine les fluctuations propres al'áme appelée ase scinder de fa~on dramatique entre lafascination qu'exerce sur elle le monde de la matiere et sa destinée qu'est son retour vers l'harmonie unitaire du divin24 . Effectivement, telle 1' ame du monde, 1' ame humaine est composée de Meme et d'Autre; elle contient done, elle aussi, une part d'etre et une part de non etre, d'oii son effort de se maintenir daos un devenir25 continu, non saos tendance a se supérer, ce qui revient a dire qu' elle désire quitter un état harmonique défaillaot et précaire paree que pluriforme, au profit d'un état harmonique ferme et durable en vertu de son unité harmonique, partaot de son unicité26• Les rapports harmoniques s'expriment par des nombres, des figures géométriques, des formes musicales, des mouvements astronomiques et des analyses dialectiques 27 . C' est dire combien tous ces modes d' expression sont homologues, et meme de valeur équivalente voire interchaogeables. Proclus se hasarde done a avaocer ici une idée que
.
li
!~
23. Cf. R¿p., IV, 443 d; Phedre, 246 a et suiv. 24. Cf. in Rempubl., Il, 66, 25 - 67, 4 K.: éht Bi: xiX¡ -cwv oúo áp(J.OvtWv 't'l¡v OI.IXVOtJ.~V op&i¡v 7;ET;Ot~¡ulliX, ¡uillot¡uv &v EWO-/¡o-IXV'"CE~' o;;~ XIX¡ E'l cJliXÍOptp '"CO'I ~r;OXIX'"CIXa"CIX '"CtXOV apt(}¡J.ov Ó :Ewxp~Í:n¡~ i.É.ywv -coü-cov t!7ttv t!viXt -cov [J-Úpt11. oY¡Aov o~ 0-ct omij<; -rij~ ~(J.OvÍCX~ oVal¡~ XIX¡ n¡~ ~¡uivo~ a1Xcpw~ dpT¡¡dvr¡~ d~ -cl¡v ~7tOXIX'"CCÍ.a-ciXatv -ceivttv -cij~ ·.Jur.Y¡~. ~ Aom~ &v Etlj rtviatt
LE MANIEUR DE TONS ET DE TEMPS
117
Platon n'aurait vraisemblablement pas partagée daos son ensemble28. Il s'empresse toutefois d'en lirniter la portée en émettaot, indirectement, '\ un sou~on de doute sur l' équivalence complete de la musique a l'intérieur de ce systeme d'équivalences: e:l ouvti¡J.e:6a. En effet, daos ce contexte, la musique est la seule discipline qui renvoie a des rapports intelligibles instituaot l'harmonie, mais aussi a.des rapports sensibles entre sons, formant de vraies structures harmoniques caractéristiques. La distinction, capitale en l'occurrence, provient de la différence entre harmonie con~ue en tant que príncipe et harmonies qui, par leur éthos ou caractere spécifique, désignent des états d'ame qu'elles sont ameme d'extérioriser ou de créer. Le musicien averti est, quant a lui, capable de jongler avec les harmonies,' selon qu'illui est perrnis ou défendu d'y avoir recours, pour des raisons, entre autres, psychologiques et pédagogiques, soit paree qu'elles se rattachent a des sentiments et a des mreurs individuelles qui leur sont homologues 29, soit paree qu'elles concourent a fa~onner des mentalités qui leur sont conformes. Au dire de Damon, il existerait des harmonies porteuses de sentiments et de valeurs viriles; d'autres, de sentiments et de valeurs qui siéent aux efféminés, les unes et les autres agissant selon leur nature sur les Ames et contribuant a qualifier de tendues ou de relAchées les mreurs30 des individus qu;elles influencent. Proclus va plus loin en évoquant une tradition3 1 qui meten cause des observations astronorniques, notamment en attribuant a Zeus la distinction, puis 1' opposition, voire la combinaison de deux harmonies virtuelles en une harmonie unique. L'harmonie virile serait représentée par le nombre dix rnille; celle jugée efférninée, par le nombre sept rnille cinq cents. Leur rapport (au second degré) présiderait a l'union des males et des femelles. Les nombres cités sont, en tout état de cause,
28. Cf. La musique... , pp. 373-374. 29. Cf. J. CHAJLLEY, Le mythe des modes grecs, loc.cit.; R. P. WINNINGTON-lNORAM, Mode in Ancient Greek Music, pp. 27 et suiv. 30. Cf. DAMON, fr. 8 et 13 Lasserre; Pi.ATON, R¿p,, ID, 398 d; 399 e; IV, 4Í4 e; ARIST., Polit., A 3, 1290 a 19 et suiv.; 5, 1340 b 7 et suiv. 31. D'origine manifestement pythagoricienne, dans le mesure oii elle met en présence la paire des contraires: mAle-femelle. Cf. infra, p. 118, n. 33; p. 212, n. 42.
e
118
LA PRATIQUE MUSICALE
réductibles au rapport 4:3 lequel, dans le systeme musical pythagoricien, désigne l'intervalle de quarte32 . Ce demier, combiné a l'intervalle de quinte, qui lui est superposé al'intérieur de !'octave divisée, suggere la médiété harmonique33 , distincte des médiétés arithmétique et géométrique34. On ne peut omettre de rapprocher respectivement l'harmonie mrue et l'harmonie femelle, des modeles désignés dans le Timée comme Meme · et comme Autre35 . A juste titre, il est tres instructif de constater que les conséquences biologiques bénéfiques d'un accouplement heureux sont prises en considération par Proclus qui, des lors, se révele encore un commentateur pertinent. Dans le meme ordre d'idées, qui visiblement remonte ala constitution de la liste des couples d'opposés, dressée par les Pythagoriciens, il existerait meme diverses figures géométriques irréelles consonantes (tel le triangle a nombre de cotés pair) ou dissonantes (tel le carré a nombre de cotés impair)36 . Au niveau du mélange des genres de vie dans le cadre du devenir, deux qualités d'harmonies se combinent: parfaites si elles sont semblables au Meme, imparfaites si elles sont établies sur le modele de l' Autre37 . Le résultat final de leur union dépend de l'harmonie qui aura prévalu. Pour le bien-
32. Les autres intervalles essentiels sont celui de !'octave (2:1), de la quinte (3:2), de la quarte (4:3) et du ton (9:8). 33. Cf. in RempubL, Il, 23, 6-13 K.: Kpóvto<; '<~<;oVo áp¡.wv~<; ~xoÚtt, xrx-.~ ¡Uv -.o apptv '<0'1 ¡J.Úpvx, X~~ OE '<0 OijAu '<0'1 .~q¡· xrxt q¡r¡a(v, ¡;.., od xai '<0 apptv -.f¡1 &í¡kt au~úyvuaOat xa'l'~ 't'OV 't'OÚ't'w'l Myov xal 'l'l¡v <jlu"X,T,v "ÍÍ> a~'tt... <wc;> apptvoc; 7tpoc; !hjf..u· xat ~ E!J-¡J.EAT¡c; "COÚ"CW'I xaxdvw'l aúvoooc; (E¡J.¡J.EAT¡c; OE wc; X~~ AÓ'(O'I oOarx ¡J-0\JO'IXÓv) ttryOV~V 7t01t't, ~ OE Ex~T¡c; aq¡op~'l xat 7tatOac; a¡J.OÚaouc;. Cf. infra, p. 212 et la n. 42. 34. Celle-ci étant située a la jointure de la quarte superposée a la quinte. Cf., entre autres, A. RlVAUD, Notice a1'édition du Timée, París, Les Belles Lettres, 1925, p. 43. 35. Sur leur mélange, cf. PLATON, Timée, 35 a. 36. Cf. in Rempubl., Il, 57, 19-22K.: 't'WV O"X,T¡¡uhwv ~ (J.Év EO''t'IV aÚ¡J.q¡Wva xrxi ota 't'OÜ't'O Ó¡J.OIOÜV't'a xrxUt't'al, .. ~ OE aaú¡J.q¡wva xat Ot~ 't'OÜ"CO aVO¡J.OIOÜV't'a· '1'~ ¡Uv yap 't'p(ywva aú¡J.tpwva, '~'~ Oi: 'tt'l'páywva aav¡J.q¡wva. 37. Cf. ibid., II, 52, 11-15 K.: !J-I'(Vu(Úvwv ... 't'wv dowv ~e; ~w-rjc; ... ev ...¡j 'fEVÉatl xat
LE MANIEUR DE TONS ET DE TEMPS
119
etre biologique de la société, ses membres sont enclins aopter, lors de leurs unions, pour l'harmonie la meilleure, afin de respecter la Provi'\dence qui gouveme l'univers38 , ce qui assure, certes, une harmonie dans l'accouplement, mais aussi une harmonie dans la vie corporelle et psychique de la descendance39 • Cet état traduitune nature tempérée tant sur le plan cosmique40 que sur le plan des relations humaines, telle l'amitié: si l'harmonie dans l'amitié est détruite, sa manifestation, la relation amicale, se voit anéantie également4 1• Enfin, les ames particulieres décrivent toujours des cercles quasiment identiques (c'est d'ailleurs la raison pour laquelle elles sont aussi appelées harmonies), ne serait-ce que perturbés, autour de l'Intellect et des intelligibles sans pour autant négliger la matiere, sujette, elle, a génération et a corruption. Elles y parviennent en y sacrifiant leur unité souhaitable et en acceptant une condition dramatique de division inteme42 .
38. Cf. ibid., Il, 63, 22-28 K.: (oí q¡úf..rxxtc;) 'l'l¡v &.no 't'WV tL¡J.ap¡J.Évwv x1v~atwv T.OLr¡atv yvwp~oüa1v E7tt 7tÜov xal opaa't'IXW't'Épav heKp~Xvoüa1v 'tij ~e; 7tpovo(a~ tr.ta't'aa~, ... 't'ouc; ~e; ~¡J.EÍvovoc; áp¡J.Ov~c; .bti'I'T¡poÜv't't~ ~16¡J.ouc; 'twv 't'OÜ xÓa¡J.OU XIV'Í¡atwv 7tp0 't'Wv ~e; "X,EÍpovoc; ... 39. Cf. ibid., II, 63, 9-14 K.: ou y~p (o¡ q¡ÚArxxtc;) e6tA~aoua1v ex 't(;r.l !J-OVOtltW'I 7tOitt0'6al 'l'l¡v O'Úvtp~IV, ... a'/..A'tvap¡J.OVLW<; au~uyv1Íva1 't'a 'l'l¡v ¡J.taÓ't'T¡'t'a 7trxpÉ~ona xai tv '!'ate; aw¡J.a'l'~xatc; tuxprxa(alc; xat b 'tate; ofiJ'X,IXa'ic; ~wrx'tc;. 40. Le contemplateur des mouvements des corps y lit, comme sur une inscription, la manifestation des puissances des nombres et leur quasi-consonance harmonique, ainsi que les buts vers lesquels ces puissances portent les corps en question... Cf. in Rempubl., Il, 64,2-4 K.: ('l'wv cX7to '1'-rjc; e:l¡J.ap(J.É'Il)<; x1vou(Úvwv a7tArxvW'I xal 7tM'IW(Úvwv, hlt>wv n xal a't'OI'X,tLwv) ó 6twp0c; W0"7ttp ev y~a1 ypaq¡o¡úvo1c; ~ 't~ 'I'Wv ~16¡¡.wv ouvá¡J.tlc;, xat fuv dal'l ola't'txat Ota '1'-rjc; 7tpoc; '1'0 7tiiV au't'WV 0'\J¡J.tpWV~. .. 41. Cf. PROCLUS, trad. lBN AT-TAYYIB, Commentary on the Pythagorean Golden Verses, Arabic Text and Translation by Neil LINLEY, Buffalo, Dept. of Classics, State Univ. of New York, 1984, (Arethusa Monographs, n• 10), p. 31, ll. 2-4 (Linley): «friendship is a harmony like musical harmony, and a concord: if the harmony is destroyed, the friendship is destroyed». Sur les arguments militant pour l'authenticité du texte grec perdu, cf. ibid., Introd., pp. VI et X. 42. Cf. in Rempubl., ll, 53, 13-19 K.: Ol't'~c; oÜV oi'm¡c; ... ~e; 1ttp1ó0ou 't'wv ~J-EplxW'I
120
LA PRATIQUE MUSICALE
A cóté de ces aspects théoriques, distinctifs de l'harmonie, et dont il sera question lors de 1' examen des traits généraux qui qualifient l'harmonie envisagée dans son universalité4 3, on disceme des aspects qui dénotent des pratiques d'utilisation de la puissance que la musique recele (sous ses divers modeles, dénommés «harmonies». particulieres,et selon lesquels la lyre peut étre accordée), ainsi que leurs effets. Le tecours a ces pratiques remonte assurément au m~sicien légendaire Mélampous qui utilisa certaines structures harmoniqués musicales ades fins curatives, mais il fut indubitablement systématisé par les Pythagoriciens qui tentaient d' apaiser les appétits dépassant les exigences de la nature et de la loi, par le choix d' «harmonies» mélancoliques, dans le but d'éliminer de l'imagination des patients tout contenu susceptible de déranger leur sommeil44• La théorisation de ce cisque éventuel S' est perpétuée jusqu' a1' époque de Psellos45. Ce que le manieur d'harmonies tache d'accomplir, c'est, avant tout, de choisir une structure harmonique précise qui corresponde ason propre état d'fune ainsi qu'a l'état d'fune qu'il veut créer chez ses auditeurs. A cet effet, il dispose, en principe, d'un éventail de structures assez large pour que son choix puisse étre conséquent et délibéré. Par contre, ce choix est limité a!'extreme si l'artiste libre qu'il prétend etre se trouve inféodé a un systeme d'éducation qui, pour des raisons d'obéissance a des normes 1 L établies par une autorité étatique, par exemple, se voit obligé de s'y 43. Cf. infra, pp. 208-209 et suiv. 44. Cf. Commentary on the Pythagorean Golden Verses, 41, 10-14 Un1ey: «The Pythagoreans used to employ melancholy music to subdue these appetites (appetites which neither law nor nature require); they did this particularly when it was time for sleep, so as to ensure that there remained in the imagination no impressions which might disturb their sleep». 45. Cf. M. PSELLOS, De omnifaria doctrina, n• LXVII, p. 760 Westerink: cX1t~tpov ev &mípcp -rÓ7tc¡> e¡.upav-ra~ó¡uvov; ibid., n• LXXV, p. 740 W.: q¡anaaÍIX~ 'N%Go~; cf. Ce que les Grecs pensent des démons, P.G., t. 122, p. 880 (éd. Boissonade, p. 40): u"'wÑJ. ... t1owÑxa q¡~v-ráap.a-ra ... yor¡-rtÍIX -rix.'llJ ... q¡av-raatoxo7toüaa -roi~; btó7t-ra~~; ... -roic; 6twpoi~ ... ~ap.aat xai t7t4ap.aatv; cf. E. MOUTSOPOULOS, Les fonctions de l'irnaginaire chez Psellos, Diotima, 8, 1980, pp. 81-90, notarnment p. 89. Le glissement sémantique de la notion de démon ~ partir de «divinité inférieure», interprétation pourtant valable encore chez Proclus, jusqu' ~ «esprit malfaisant» est déj~ constaté chez les Peres du III• si~cle, et consacrée par le pseudo-Denys qui cependant s'inspire directement de Proclus.
LE MANIEUR DE TONS ET DE TEMPS
121
conformer en restreignant son champ d'action a une ou deux harmonies. 11 sera tenu désormais, s'il veut affirmer sa liberté, de se soumettre aux .\ regles qui lui sont imposées tout en revendiquant le droit d'altérer asa guise, tant soit peu, son jeu apparemment réglementaire, mais qui, en réalité, cesse ·d'etre réglementé. A l'intérieur de la marge restreinte de liberté d'action qui lui échoit illui sera permis de jouer de sa lyre, de sa cithare ou de son aulos de fa~on créative, en débordant les limites des formes traditionnelles ou simplement agréées. 11 importe de souligner que, sur ce point, les conceptions de Proclus dévient sensiblement de celles de ses prédécesseurs et de Damascius, son successeur46. En effet, a commencer par Platon47, avant de rejoindre, par l'intermédiaire de Plotin48 , la pensée de Damascius, l'esthétique du continuum platonico-néoplatonicien est principalement axée sur l'idée de beauté. Or rien de tel (ou presque) chez Proclus pour qui l'esthétique semble reposer essentiellement sur l'idée d'harmonie, dont dépendent les «harmonies» particulieres techniquement eon~ues et utilisées, et ce au meme titre que, a l'intérieur du systeme ontologique proclusien, les ames particulieres dépendent de 1' Ame universelle dont elles sont issues49 •
+
46. Cf. Th. PÉL&iRINIS, La notion de beauté chez Damascius, Ath~nes, 1977, pp. 15 et suiv. (these d' habilitation soutenue sous notre direction). 47. Banquet, 201 a; 210 b-e; Phedre, 250 b; 238 b-e; Rép., V, 479 a; VI, 509 a: a~~ x.avov xáAA.o~; Philebe, 64 e. Cf. infra, et la n. 49. 48. Cf. Enn., III, 2, 3; 1, 6, 6; 1, 6, 7: -roü-ro (-ro &y~6ov) ... au-rb ¡uiAta-ra xáAA.o~ O'J; II1 5, 2: -ro txEi xáAA.oc; (cf. II1 6, 2); V, 8, 8; VI 6, 7: -ro -roü voü xá:'AAoc;· cf. E. MoUTSOPOULOS, Le probleme de l'imaginaire chez Plotin, pp. 13 et 92. 49. La beauté est con~ue par Proclus uniquement en parall~le avec la ressemblance,le repos et l'identité. Cf. ÉL théol., § 63, p. 60, 16-19 Dodds: 'tO xá:'X>« XGtt Y¡ ÍI¡J.otÓ't'Y¡(; xai Y¡ a-ráatc; xai Y¡ -rau-ró-rr¡c;, &¡ú6EX-ra lív-ra, ímó 'tE 'tWv &ti ¡u-r~ÓV-rwv (.l.t'ttX,E'tGtt xai Úr.o 'tWv 7tO'tt OEU'ttp~ xa-ra -.Y¡v au..-l¡v 't~tv; cf. in Tzm., 1, 332, 29 D.: 'tOÜ xá'AAo~ otaxop-Y¡c; (ou: otáxopoc;). Par contre, c'est I'harmonie qui est con~ue par le Diadoque, sur le plan ontologique, comme reliant le produit ~ son producteur. Cf. Él. théol., § 28, p. 32, 10-ll et 25-28, D.: 7tciv -ro 7tapcX)'OV -ra é)¡u¡!Gt 7tpbc; éau-ro 7tp0 'tWv avo¡J.OtwV Ú
122
LA PRATIQUE MUSICALE
L'idée d'hannonie s'était vue concrétisée, d~s !'origine, dans le domaine de la pratique musicale, sous la forme des divers mod~les structuraux d'accord de la lyre et (surtout apr~s Pronomos de Thebes) de l'aulos. Toute tentative de rapprocher les hannonies grecques des modes médiévaux ne peut aboutir qu' ades conclusions erronées, dans la mesure oules données respectives ne sont nullement comparables: les hannonies grecques résultant de la fusion des deux tétracordes de la lyre sont des structures; les modes médiévaux sont con~us comme des échelles. On trouverait, a la rigueur, des éléments communs de part et d'autre en comparant, par exemple, les degrés de jinalis et de repercussa du systeme modal aux cordes principales de la lyre, la nete et la mese et 1' hypate, ce qui conduit encore, d'un point de vue analytique et fonctionnel, a une conception structurale du systeme modal. En conséquence, il est inconcevable d'identifier, par exemple, l'hannonie dorienne avec l'échelle médiévale qui, en termes modemes, simplifiés a1' extreme, est comprise entre deux ré, et dont auraient dérivé les tonalités mineures, fixées au xvme siecle50, ou encore de suivre les calculs savants de certains interpretes de la nature de 1' Áme du monde telle qu'elle est décrite dans le 1imée platonicien. Ces interpretes concluent soit en réhabilitant anachroniquement l'intervalle de la tierce, qui était d'ailleurs per~u comme dissonant dans l'antiqui~5 2, soit en identifiant la série des nombres cités par Platon avec l'échelle d'un autre «mode» dorien s'étalant cette fois entre deux mi53 •
a1to
Tijc; ~w% ('to n-¡vLxóv), aoLt.Ícp(lopov ov, Tijc; rc.viaEW(, (.1-E'tÉ"¡&L 'tLvO(, xt.ÍMov~:,· ÍÍ7tov Xl'l.t (J.ÉX,PL aW(UX'tO(, ~X&L 'tO Xt:iJJN· p.Óvt¡ "(Ctp l'l.lax¡¡a ~ 1lAlJ, otÓ'tL av&Ío&Oc;. Cf. supra, p. 121 et les nn. 46-48. Cf. in 1im., n, 266, 7-8 D., ou xt.ÍMoc; est associé a "~Lf:.. Cf.
"(&
infra, p. 156 et la n. 152. Cf. ARISTOTE, qui associe le beau aussi bien a l'ordre ('t~LI:.) qu'a l'importance ((J.Éye6oc;); Politique, H4, 1326 a 33-34; Poétique, 1, 1450 b 36-37. 50. Cf. J. CHAILLEY, Le rnythe des modes grecs, loc.cit., Sur les cordes nete, mese et hypate, cf. in Rempubl., ll, 4, 17-18 K. 51. Cf. Pi..ATON, Timée, 35 a et suiv. 52. Un tel anachronisrne est cornrnis par A. Am.VERs, Zahl und Klang bei Platon. lnterpretationsversuche zur Hochzeit im «Staat» und zu den Tonleiter und den regularen Polyedem im «1imiios», Bern, Haupt, 1952, pp. 55 et suiv., qui, de plus, rnentionne également des «échelles». 53. Cf~ A. BOECKH,. Über die Bildung der Weltseele irn «Tirniios» des Platon, in IDEM, Studien, hrsg. von Carl Daub und Fr. Creuzer, t. 3, Frankfurt und Heidelberg, Mohr, (1805) 1811. Publié aussi in IDEM, Kleine Schriften, t. 3.; cf. A. R.IVAUD, ~tudes
LE MANIEUR DE TONS ET DE TEMPS
123
Le probleme demeure néanmoins de bien résoudre 1' énigme de la signi-
fication exacte des termes qui, chez Platon54, indiquent des harmonies -v>récises, termes qui, on le sait, furent empruntés aDamon55 • On a également tenté, entre autres, de mettre en valeur les appellations topiques de ces harmonies56, en y décelant des régions de provenance particuli~rés, · telles qu' on en trouve de nos jours encore, apropos de danses57 • G' est ici qu'intervient la notion d'éthos, autrement dit de la qualité morale d'une harmonie, qui la relie al'expression ou a la création d'un état d'Ame58• 11 existerait des harmonies adaptées aux lamentations, comme la lydienne «mixte» et la lydienne «aigue»59, ou meme des hannonies «lliches» (xa'Aapat) qui conviendraient aux beuveries, comme l'ionienne et la lydienne (normale)60• Les états d'fune propices aux lamentations et aux rellichements festifs sont qualifiés de «féminins», tandis que les états qualifiés de «males» seraient ceux du courage (hannonie dorienne) et de l'enthousiasme religieux (harmonie phrygienne)61 • Ces qualifications ne platoniciennes, II: Platon et la rnusique, Revue d'Histoire de la Philosophie, 8, 1929, pp. 1-30; cf. E. MOUTSOPOULOS, La musique dans ['(]!uvre de Platon, pp. 368-375. 54. Cf. Rép., m, ~98 d et suiv. 55. Cf. DAMON, fr. 8 Lasserre. 56. Cf. M. DABo-PERANJé, Recherches sur les harmonies grecques, these de doctorat d'univ., Paris, 1959, (Bibliotheque de la Sorbonne). Sur les termes tvap¡J.ÓVLO(,, twxp(J.Ovíwc;, ht.ípp.oaLc;, et avvapp.ot;;'tLX0c; chez Proclus, cf. in Rempubl., I, 121, 20; 131, 10-11;. 142, 18; Il, 53, 17; 63, 12; 65, 9; 120, 28; 121, 2; 216, 13-15 K. Le traité d'ALYPIUS, devancier de Proclus, /ntroduction a la musique (Scriptores musici graeci, éd. C. von Jan), censé poser les fondements d'une transcription authentique des quelques soixante morceaux anciens que nous possédons, est plut6t propre a induire en erreur. 57. Cf., entre autres, L. LÉoussi, Histoire de la musique grecque, Athenes, Ancyra, 2003, p. 167. 58. Cf. O. J. COMBOS!, Tonarten und Stimmungen ..., loc.cit., 59. Cf. Rép., m, 398 e (cf. DAMON, fr. 8 Lasserre), trad. Émile Chambry, éd. de 1~ République, Paris, Les Belles Lettres, 1947; aÚV'tOVO(,, appliqué a une harrnonie, signifierait intense plut6t qu' aigui!, adjectif qui renvoie plut6t A une conception de hauteur rnusicale. Cf. in Rempubl., I, 62, 3; 64, 2; 64, 11; 64, 12 K. 60. Cf. ibid., III, 398 e- 399 a. Comparé a"¡l'l.'/..a.pÓc;, l'adjectif aúV'tovoc; acquiert un sens tout autre que celui d'aigu. Cf. A.-G. WERSIGNER, op.cit., notarnment pp. 14-16. 61. Cf. ibid., III, 399 a-e; in Rempubl., 1, 61, 23; 25; 62, 3; 84, 20 K. cf. ARISTOTE, Politique, d3, 1290 a 19 et suiv.; 85, 1340 a 40 et suiv., qui rapproche avno-.Mnpo~:, de OEa7tO'tLXW't&pl'l.L, ce qui déterrnine le premier de ces deux adjectifs comrne signifUIJit les harrnonies «les plus strictes».
124
sont énumérées qu'a titre d'exemples et l'on ne saurait en aucun cas les considérer comme le produit d'une énumération exhaustive, ainsi que l'exigera, plus tard,la méthode employée dans le Philebé2• Dans ce meme esprit, qui favorise la sobriété, sont mentionnés les instruments musicaux a retenir et a rejeter63• saos aucun doute pour des raisons identiques. Lejoueur d'instrument d9it etre incité a s'en servir sobrement, preuve que ce style de jeu n'était pas habituel et que les instrumentistes, se délectant a mélanger les harmonies, se complaisaient, sur un plan technique, et de plus en plus fréquemment, a cette pratique, au grand plaisir de leurs auditeurs, d' ou 1' attitude de Platon qui fulmine contre la théíitrocratie de son temps63 . A ce genre de prescriptions on rattachera celles qui décrivent les rythmes auxquels on devra avoir exclusivement recours. Platon, qui suit Damon en la matiere, en · distingue trois especes, selon les états d'íime qu'ils servent a «imiter», autant dire a exprimer64, et selon lesquels les pas de la danse s'organisent65 . Quoi done de plus fondé que d'éliminer tout rythme qui donne libre cours a la superbe, ala fureur et aux autres vices? Et Platon de mentionner, a cette occasion, encore a titre d'exemple et pele-mele le rythme énople66 a cóté du dactyle, de l'héroi"que, de l'iambe et du trochée. On est frappé par l'inconsistance du passage: alors que sont annoncées trois catégories de rythmes, aucune d'elles n'est énoncée explicitement et, par la suite, pieds et rythmes sont cités sans souci de cohérence. Platon laisse entendre qu'il en a déja trop dit, a moins de donner raison a ceux qui prétendent que ses connaissances sur ce point
62. Cette méthode recourt au déncmbrement exhaustif et a la qualification. Cf. P. KucHARSKI, La musique et la conception du réel dans le «Philebe», Revue Philosophique, 15, 1951, pp. 39 et suiv. Cf. Philebe, 19 b: Ó1tÓa' &a-rl XIXI émo'LIX. 63. Cf. lA musique dcms l'auvre de Platon, pp. 290-295. Sur le 7t1XV!Xp¡J.Óvtov, instrument qui se prete au jeu de toutes les harmonies, cf. in Rempubl., 1, 63, 6 K. 64. Cf. H. KOI.LER, Die Mimesis in der Antike. Nachahmung, Darstellung, Ausdruck, Bem, Francke, 1954, pp. 17 et suiv. 65. Cf. Rép. m. 399 e et suiv. Cf. DAMON, fr. 16 Lasserre: &~ ciJv IXÍ llciatt~ 7tÜxov't1Xt; cf. ibid.: 7.:pÉ7tovaiXt Gciat~ et Gáat~ 7tiXV'toOIX7tá~. 66. Cf. Rép., m, 400 b: rn7tAtov. Cf. É. CHAMBRY, ad.loc., (éd. de la Rép., t. 1) p. 113, n. l: «L'énople n'est p_as un pied proprement dit, c'est un rythme prosodique ou de marche, composé (~Úv6t-rov) d'un ionique majeur et d'un choriambe: ü-<- u u-<- u u-<-».
125
LE MANIEUR DE TONS ET DE TEMPS
LA PRATIQUE MUSICALE
étaient manifestement pauvres. 11 est pourtant difficile de se rendre a un tel avis quand on sait que le philosophe s'était voué aux Muses jusqu'au ·jour de sa rencontre avec Socrate par qui il fut émerveillé au point d'abandonner sa vocation premiere67. On ne peut tenir rigueur aProclus de n'~jouter68 aucun commentaire a ce sujet et d' accepter de faire remontér toutes ces considérations a Damon69, ce qui ne 1' empeche pas de maintenir ses réserves sur 1•élimination du droit du musicien instrumentiste a essayer les diverses possibilités techniques de son instrument et de contester les prohi~itions qui lui sont imposées surtout au niveau institutionnel. L'instru~entist~ est un jongleur en puissance avant d'etre un citoyen loyal. Les mventions techniques, sources de prouesses musicales, lui sont, elles aussi, inspirées par les Muses, protectrices de son art, indifféremment des lois artistiques hypothétiquement promulguées par des institutions étatiques cens_ées véhiculer un instinct collectif de conservation d'un modele de soctété jugé, de son cóté, insuffisamment stabilisé; par conséquent, aisément réversible7o. C'est la voie ouverte par Damon que Platon suit fidelement dans la République, ainsi qu'on l'a déja constaté, avant de s'en éloigner dans les Lois ou il passe d'une conception quasiment dogmatique a une conception résolument positiviste et pragmatiste71 . L'instrumentiste, a plus forte raison s'il est doublé d'un chanteur, 'détient le pouvoir de cornmuniquer a la nature qui l'entoure, ainsi qu'a ( ses concitoyens, l'enchantement musical qui l'envahit quand il exerce '1 son art, mais aussi le plaisir qu'il ressent en innovant de maniere } créative par rapport aux formes et aux techniques établies. Proclus se
67. Cf. in Rempubl., I, 242, 21; 251, 16 K.: ¡J.Ovatxtúta61Xt. ARISTOTE se contente ~e répéter dans le meme désordre les propos de Platon; cf. Politique, 5, 1340, b 7 et SUJV•. 68. Cf. in Rempubl., 1, 61, 2; 8; 22 K. 69. Cf. ibid., 1, 42, 27; 54, 5; 56, 9; 62, 15 K. 70. Cf. E. MoursoPOULOS, De quelques interprétations de l'idée artistique d'interprétation, Diotima, 18, 1990, pp. 81-86. . 71. Cf. IoEM, L'idée le kalokagathia et sa fonction éthique et esthéttque en Occident, Les enjeux actuels de l'éthique, Tokyo, ·centre Interna!. pour I'Étude Comparée de la Philosophie et de I'Esthétique, 1995, pp. 21-34. Cf. supra, p. 105 et la
e
n. 69.
126
LA PRATIQUE MUSICALE
garde bien de contredire ouvertement Platon a ce propos72, sans reconnaitre expressément les lheses platoniciennes pour autant. Son époque, on ne le soulignera jamais assez, n'est que trop éloignée de celle du fondateur de 1' Académie pour que lui-meme n'ait, sans aucun doute, conscience de la distance énorme qui le sépare de son émule et, par conséquent, des problemes esthétiques; plus particulierement, des problemes d'esthétique musicale, auxquels le ve siecle (comme le IVe), devait faire face. La réglementation en matiere de musique instrumentale notamment n'appartient déja plus aux théoriciens politologues ou meme aux institutions de l'état, mais a une institution nouvelle, l'Église, qui, elle, s'est empressée d'interdire l'usage des instruments musicaux qui rappelaient, de pres ou de loin, la culture paYenne dans le cadre du culte chrétien73 • Pour Proclus, l'instrumentiste demeure un magicien du vieux temps.
,'i
:'·
72. Cf. Lois, lll, 700 a et suiv. 73. Cf. L. LÉOUSSI, op.cit., p. 119.
TROISIEME PARTIE
,
LA CREATION MUSICALE
CHAPITREI
L'IMITATION L'étude de la notion d'imitation chez Proclus mériterait, ajuste titre, une monographie a part. On ne saurait néanmoins passer la question sous silence, .au cours de cette enquete sur la conception proclusienne de la musique. Elle remonte aPlaton, mais fut généralisée chez le Diadoque. Aux termes de l'esthétique platonicienne, l'artiste (en tant que véritable créateur), n'est qu'un imitateur1• Cette qualification ne fait aucune allusion a un jugement de valeur négatif quelconque, excepté !'estima· tion que le résultat de l'activité de l'artiste est éloigné de trois degrés de la vérité, confondue, pour la cause, avec la réalitél. Proclus adopte la these de Platon pour l'appliquer sur le plan de l'ontologie. Selon lui, la dérivation des hypostases et des entités intermédiaires qui meublent son systeme et contribuent ay établir une continuité dans la discontinuité se fait par imitation, au sens ou les produits sont de nature propre arappeler celle de leurs modeles, adéfaut de quoi il n'existerait point chez eux de désir de remonter aleur source3• Ce processus est, effectivement, le plus adéquatement et le plus sobrement formulé a plusieurs reprises dans les Éléments de théologie. Le principe dominant dans le processus de dérivation, qui se solde par la création d'une entité nouvelle, semblable, mais non identique, al'entité imitée, est énoncé de la maniere suivante: «le produit est inégal par rapport a ce qui le produit, et ne saurait jamais l'égaleD> 4 • Ce principe est valable quasiment a tous les niveaux de l'ontologie proclusienne, carla dérivation s'accomplit sans que le dérivé
l. Cf. Rép. X, 595 e- 596 a. Cf. H. Koll.ER, Die Mimesis in der Antike... , pp. 37-39. 2. Cf. Rép., X, 597 e- 598 d. Le premier degré de la réalité serait celui de l'idée; cf. E. MOUTSOPOULOS, Platon, réaliste OU idéaliste?, loc.cit.
3. Cf. IDEM, D' Aristote aProclus. Mouvement et désir de !'Un dans la «Théologie platonicienne», Diotima, 28,2000, pp. 70-74. 4. Cf. Él. théol., § 7, p. 8, 12-13 Dodds: (-¡o -;o:~yó¡uvov) !Xvtaov, xcti ouxi-r' av taov etr¡ -ri¡J cxu'to 7tapáyov..t.
·~ ~
,¡
!1
n ·¡ '!
130
LA CRÉATION MUSICALE
soit privé de son essence. Au niveau le plus haut, celui de l'Un, autrement dit du Bien, la dérivation est due a la surabondance de celui-ci et n'affecte en rien sa nature. Par contre, le produit de cette dérivation est marqué par une carence relative qui, sans l'emp&het: de produire désormais des entités qui lui sont, a leur tour, subalternes, l'oblige adésirer de s'unir a ce dont i1 est dérivé: des lors, c'est le principe de conversion qui est mis en application5• Et Proclus de décrire ce nouveau principe de la maniere suivante qui, en fait, justifie la formulation du principe précédent: ~<si ntre produit est identique a quelque etre, a supposer que celui-ci est identique au bien, alors ce m8me 8tre dérivé ne saurait jamais désirer le bien, paree qu'il est le bien lui-m8me»6• n y a done lieu; plus, i1 est obligatoire que le dérivé soit inférieur a ce dont i1 dérive. Dans le cas contraire, la phase de conversion, qui complete celle de procession et anime l'ensemble du systeme, s'avérerait superflue et inutile. Quant au produit, i1 est une entité en devenir et, en conséquence ne saurait etre accomplF, mais se trouverait sans ces se en plein développement jusqu'a ce qu'il acquiere son aspect définitif8, sans toutefois cesser de désirer son modele. Cette relation quasi amoureuse suppose que toute hypostase {ou entité) est participable .et, de ce fait, également partid- . pée par son dérivé. Une seule hypostase, l'Un, est imparticipable. ll n'empeche que le désir dont les autres entités sont animées, et dont l'objectif demeure d'atteindre l'Un, ne saurait etre envisagé qu'en tant que facteur fondé ne serait-ce que sur un semblant de participabilité de
5. Cf. supra, p. 129 et la n. 3. 6. Cf. Él. théol., § 8, p. 8, 32-34 D.: e:1 ycl¡l 'tiXU'tÓ..¡ 'ttvt 'tWv ov'twv, ... 'tiXU'tÓv ea'ttv
ov )((J.t 'tciy~Xeóv, )((J.¡ 'tOÜ'tO 'tO Ov ouxÉ'tt av EtptÉ!J.EVOV e:'t'r¡ 'tOÜ ciyiX6oü, (J.U'tO 'tciyiX6ov Ú7trXp'X,OV. 7. Cf. E. MoUTSOPOULOS, L'etre accompli, Les Études Philosophiques, 89, 1965, pp. 64-71; L' etre: puissance et acte, Penser avec Aristote, Paris, UNESCO - Toulouse, Éres, pp. 527-528; L'accomplissement ontologique de l'homme, Memorias del Xlll Congreso Internacional de Filosofia, t. 2, Univ. National Autónoma, Mexico, 1963, pp. 271-273. 8. Cf. Él. théol., § 85, p. 78, 15-18 D.: T.IXUaiX¡J.ivr¡c; Ot 't"ijc; 'tOÜ yíve:a61Xt ouvá¡u;wc; 7t(J.Úaat't0 av )((J.t ... 'tO )((J.'t' au"t""i¡v ytVÓ!J.E"ov, xal OU)(t't' IXv cid ytvó¡u;vov e:'t'r¡. 1iJJ..a. (J.~V cid Úr.Óxe:t't(J.t )'tVÓ(J.EVOV" ihe:tpOV ~ t'X,Et "t""i¡v 'tOÜ )'tVEa{)IXt OúVIX(J.tV.
L'IMITATION
131
l'hypostase supreme a travers les hénades9• Cette dépendance se poursuit, par dérivation directe, a tous les niveaux ontologiques 10, a "\ celui de l'Intellect et de 1' Áme 11 , comme a celui des etres vivants12. C'est dans cette optique que Proclus con~oit dérivation et imitation. Le dérivé est censé hériter d'au moins une partie des qualités de ce dont i1 dérive, a commencer par son mouvement13. Cet héritage fait figure d'imitation pure et simple, voire de reproduction d'un modele sur un mode mineur14 , qui se solde par l'instauration d'un Btre xa'taoeÉa'tepov 15. Le dérivé tente de mettre, tant soit peu, en valeur sa ressemblance avec sa
9. Cf. ibid., § 116, p. 102. 13-16 D.: 1tac; 6e:oc; ¡i.e:ee:x'tóc; ea'tt, rc"A~v 'toü évóc;. o'tt ~ yap, exe"tv? ci¡J.te~x"?"· o~Aov:.. 'i'va !J.~ ~nxó¡u;vo~ x~! 'tt~r:, M ,.~¡¡,.o ye:vó¡u'10" !J.l)XE'tt 7tanwv O¡J.Otwc; ~ 'tWV n 7tpoonwv XIXt 'twv onwv at'ttov. Cf. E.
MOUTSOPOULOS, The Participability of the One Through the Henads in Proclus' «Platonic Theology», Elementa, (Amsterdam - Atlanta Ga), 69, 1997, Henologische Perspektiven ll, zu Ehren Egil A. ~llers, hrsg. v. Tore Frost, pp. 83-93. Néanmoins, ici encore, la situation se complique du fait que les hénades ne sont pas des hypostases a proprement parler, mais bien des entités intermédiaires, con~es uniquement pour rendre possible une certaine participabilité de J'Un imparticipable. Cf. Él. théol., § 114, p. 100, 25-27 D.: e:1 o& ~" évac; ¡J.tv oux au'tO'ttA~c; oé:, ~ IXU'tO'ttA~ ¡J.tv ~ Ú7tóa'taatr:, OUXÉ'tt o& évcic;, e:lc; É'ttpiXV av ha't'tE'tO 't~tv M ~" 't"ijc; 1BtÓ'tl)'tQc; E~a'AMyY¡v; Théol. plat., 1, 12,114 P.
132
L'IMITATION
LA CRÉATION MUSICALE
propre source en affichant, en vertu d'une participation directe, en tout ou en partie, une ressemblance avec elle 16 . 11 va de soi que plus le dérivé est éloigné de sa source indirecte et moins ii lui ressemble, sans pour autant s'en différencier radicalement, des lors qu'il en est l'effet, ne serait-ce que médiatisé 17• Ce rapport de cause a effet qui, vu d'un certain angle, est aussi un rapport de modele a réplique; se perpétue tout au long de l'échelle hiérarchique du systeme proclusien. L'fune particuliere est done constituée et se comporte a l'image del' Ame divine et, au-dela, de l'Un qu'elle tente, de rejoindre 18 . Les corps, «Véhicules» des funes 19, n'agis- ~ sent pas différemment: chacun se conforme au genre de vie du príncipe qui l'anime tout en se mouvant du meme mouvement que lui 20, et en
&W fi.~V O'tt 'ta axpa úrcb tAa't'tÓVWV 7t1lpá'(E't1lt, O~AO'I' OtÓ'tt 'ta avw't"Épw xal apx.t-
'tat 7tp0 'tWV xa'taOEEa'tÉpwv xal Ímtptx'tEÍVE'tat au'tW'I tcp' eX !l~ 7tpÓttatv txii"va Ot' Ücptatv ovvá¡J-Ewc;; ibid., § 36, p. 40, 3 D.: ex()Aaa'ttXVOV'ta; ibid., § 64, p. 60, 23-25 D. Cf. in Parmen., 737, 19-25 Cousin: a! ... 't"WV ÚIJ!lJÁo'tÉpwv xal ytVtXW'tÉpwv Bvvá¡J-Etc; t7tt 7tAÉov exnÍvo'l'tat 'twv xa'taoeta'tÉpwv xal '
1
,
1
' ' \ " \ ..'..
'
"'
,.
...
,
t'\
1
-
'('
1
1
1
\
'
1
.,
,
\
'
133
suivant son mouvement gravitationnel autour de sa propre source21 • C'est pourquoi le systeme proclusien ressemble a un immense univers ou tout '\ existe et se meut en fonction de ce qui lui est supérieur, et dont l'unité interne est garantie par la sauvegarde du príncipe de participation appliqué aux rappórts entre entités prOductrices et entités dérivées. C'est ce qui, en dépit des diiférenciations inévitables, assure au systeme une unité, une mobilité et une vitalité incomparables. Ces considérations seront reprises en détail dans les pages qui suivent. Notons que Proclus n'emploie que tres rarement le substantif !J.L!J.YJ· atc; 22 pour désigner un comportement précis, se contentant, le plus souvent, de recourir aux diverses formes du verbe (J.t(J.éia6txt. On sou~onnerait, de prime abord, qu'en évitant d'utiliser le substantif il manifeste quelque difficulté a en foumir une définition précise. Rien n'est moins vrai cependant, car l'emploi fréquent des diverses formes verbales respectives appliquées a des situations tres variées perrnet d'en tirer aposteriori une définition valable. A partir de cette évaluation il ressort que, pour le philosophe, le terme d'imitation désigne un état de ressemblance, nullement naturel, mais voulu, d'une entité a une autre entité qui lui est antérieure et qui lui sert de modele (ou de paradigme). Par «ressemblance voulue» on ne saurait entendre une identité parfaite, mais plutót une tentative d'identification due au désir, ressenti par l'entité imitante, de participer pleinement de l'entité imitée, ce qui ne 1 · peut en aucun cas se réaliser, puisque la premiere demeurera toujours inférieure a la seconde laquelle lui sert de modele23 • D'une maniere
,
21. Cf. Él. théol., § 209, p. 182, 24-28 D.: ..11 ... ox.~¡J.a'
LA CRÉATION MUSICALE
L'IMITATION
générale, trois catégories principales (ou champs d'application) de l'idée de mimésis, au sens d'imitation ou de tentative de ressemblance, sont a distinguer daos l'reuvre du Diadoque, asavoir des catégories qui correspondent (i) au domaine ontologique auquel se rattache le domaine cosmologique; (ii) aux domaines de l'épistémologie, de la logique et de. la dialeáique réunis; et (iii) au domaine de la création artistique avec ses prolongements éthiques, qui implique le comportement du musicien en tant qu'imitateur. Cet ordre sera respecté daos ce qui suit, afinque soient établies les conditions daos lesquelles le musicien est appelé a créer ses reuvres.
haut29 , celui de l'Un qui représente l'hypostase supreme et qui, ne dépendaot d'aucune autre hypostase, s'imite soi-meme30 en se manifestant par '\ sa surabondaoce31 , et en s'affumant comme la cause de toute imitation32. L'imitant ressemble communément a un décalque de l'imité; mais a un décalque en train · de se colistituer, done en mouvement continu, a l'encontre du mouvement immobile de l'Un, modele des modeles 33 • Tout imitant imite son propre modele au point de souffrir d'etre décalqué ason tour, et ce de moins en moins parfaitement, au fur et amesure que l'on s'éloigne (7toppw-.Épw) 34 du niveau de la perfection35 • Le systeme proclusien admet l'existence de degrés ontologiques réels, certes, mais, pour ainsi dire, imperceptibles qui, d'échelon en échelon, composent, justement en- fonction du príncipe d'imitation qui domine et unifie }'ensemble, un univers continu qui accuse une intense mobilité interne.
134
(i) Du point de vue ontologique, l'observation montre que les entités xa'taoe:Éa-.epat24 sont toujours celles qui imitent les entités qui leur sont supérieures (ímÉp-.epat)25 • Cette relation hiérachique est ailleurs énoncée sous forme de relation de priorité, le supérieur étant qualifié de premier; l'inférieur, de demier26• Toute imitation exprime un désir de ressemblance qui, est, en vérité, un désir de participer du Bien, source de tous les biens; d'ou la créativité des autres hypostases et entités qui imitent la créativité de cette source27 • L'imitation comporte dans son ensemble deux phases distinctes: celle d'engendrement et celle d'élaboration28• 11 s'agit d'une attitude qui suit un processus en série lequel remonte au niveau le plus 24. Cf. supra, pp. 131-132 et la n. 15. 25. Cf. in Parmen., 1038, 17-19 C.: -rrov 6erov al oeú-re~t -;~etc; ... imo0&-x.ov•11.t -;~ -rrov Íntep-rÉpwv xa6o'Atx!Xc; vol¡o-e:tc; ... A propos de npóvota, cf. in Tim., m, 176, 1-4 D.:
' 'IJ' ('/ ?' ( (' ' :y_ ti (' • o(' ¡u:v ouv opoc; ou-roc; se. 1J(' opta-rtX'YJ 1:povota xat -ro nep11.c; ~~t~,<.t "'Y'JV unap~tv ex11.a-rou, xa6' ~v xal oat(J-Ovec; xal 6eol xal ljiu-x.al xal aw(J-Cl'ta ~.m-x.e-rat, xal évo7:0I.Et -;:i (J-t!J-OÚ(J-&Va TI¡v (J-tav évcí8a -rwv ó'Awv. 26. Cf. in Parmen., 922, 20-21 C.: 1tWc; ... -ro ea-x.a-rov ¡J.Óvov (J-ttJ.Ei'tat -ro n¡:w-rov; Le tenne (J-Óvov souligne ici une imitation asens unique. 27. Cf. ibid., 845, 21-24 c.: -.!X or¡!J-tou¡:ytxa eto'YJ M -;o &y!Xllov 7totEi-rcXl TI¡v ác; -::i OeÚ-re¡:a 1tpóo0ov, (J-t(J-OÚ(J-EVIX 't"'¡v 'rWV aya6rov 7tCÍVTWV ~ 1tMIX<:; ÚnÉa"'YJ<:iE 'r~ 6dac; ota-rCÍ~etc; M 't"'¡v éau-rijc; &.ya6ó"'Y]-r1X ... 28. Cf. in Tim. m, 240, 1-3 D.: xal ot!X {Jlv ñjc; &.nepyaa~ [lt(J-OÜr.at TI¡v or.wo"J¡:yt~tT¡v oÚVIX(J-I.V, M oE: ñjc; yevvf¡aewc; 't"'¡v 7t1X-rptx~v. Cf. infra, p. 139 et la n. 51, fnjine. 29. Cf. Théol. plat., VI, 15, 388 P.
)
'
'
1
,
1t1J*•
135
-rpti'c; &.rp' Éau-roü 1tapcíyet otaxóa(J-ouc; 6twv. 30. Cf. ibid., VI, 8, 361 P.
1
\
t'
,
"
\
-
,
'
,
136
LA CRÉATION MUSICALE
L'IMITATION
Le ton de cette mobilité est, a coup sfir, donné par la mobilité immobile qui qualifie l'Un en dépit de sa nature imperturbable, et qui alimente sa surabondance grace a laquelle il déborde avec les innombrables conséquences que ce débordement entraine. Situé au-dela de 1' etre CEd36 XEtva Tij~ o\xr(cx~) , il influence ce demier qui imite tant son repos que 37 son mouvement . Meme l'altéríté imite, en tant que príncipe, l'exceptionnalité et la pureté de l'Un. En revanche, c'est a cause de ce méme príncipe, mais inversé, que l'identité imite l'altérité38 • Par extension, la pluralité la plus proche de l'unité luí est quantitativement plus ressemblante39. Cette pluralité qui fróle l'Un est, en réalité, une dualité: Ses
deux éléments constitutifs opposés sont unís par leur provenance et par imitation de leur source, suivis en ceci par leurs propres dérívés40• On serait porté a croire que les hénades, entités intermédiaires intro'\Juites dans la hiérarchie ontologique proclusienne pour justifier la participabilité de l'Un imparticipable, seraient mentionnées comme participant au mouvement imitatif qui anime le systeme. Or Proclus garde le silence a ce sujet, et 1' on est simplement autorísé a présumer que tel serait effectivement leur role. Par contre, il introduit nombre de divinités indirectement dérívées de l'Un qui, toute proportion gardée, en imitent toujours l'activité. Elles sont elles-memes censées se plier a une hiérarchie aux degrés, d'ailleurs, tres vaguement délimités: il existe des dieux «absolus», puis des dieux. «hégémoniques» qui imitent les précédents tout en étant eux-memes imités par des dieux «intramondains» (EyxÓaf1-tot)42• Ailleurs, ces derniers sont supposés imiter une divinité «hégémonique» précise, le «Pere», souvent, sinon exclusivement, confondu avec Zeus43 , la seule condition préalable a cet effet étant d'en saisir la volonté propre44 • L'idée de rapprochement de la pensée et de la volonté chez 1' etre supreme remonte a Platon pour qui il suffit au créateur de l'univers de le concevoir pour le réaliser simultanément45 • A ces divinités imitatrices s' ajoutent des
36. Cf. Pl.ATON, Rép., VI, 509 b. 37. Cf. in Pannen., 1169, 33-38 C.: t,ó .., yap ... oiJx. ta':"r,xt -:o fv, xtxtw,-ra' -:o ;v, xal o'Ó"' ou x'vti-ra' ('to tv) taTY¡Xt ('to ov)· !Jo'"!J.&i'ta' yap (-:o Óv) -ré¡J filv tav-ro~ a-:a, , , ( ' ' ) ., , ~l ., ~ , t \ ' CH!Jo(¡) 'tO' &XE,VOV 'tOV- EVO<; IXX'VYJ'tOV, 't(¡)- w; &IXV""COV- opaa-;-r.¡;«o 'tO EXE,VOV 'J7:tp 7t:V a-ráa,v xal TI¡v Eopav TI¡v &v aÚ'tw. Cf. supra, p. 135 et la n. 35. Ó. in Pannen., 1166, 3'1 - 1167,4 C.: (ó II'Nhwv) ar.o Tij.; xwi¡atw.; M.f>W'I 'ta<; -rpti; ¡uvf.at'<; (-rf¡v a)J,fJtWO"tV, TI¡v r.tptrpopáv, TI¡v tUOurpopav) xal &cp' éxáa't'l'J<; (xtvi¡atw:;) a-JI:J.oy,aá~Jo&Vo~ w:; --~ XtVti'tat XIX""Ca ""CIXÚ't:Y¡V -ro Ev ... Xal -d¡v amxpt6!J-YJC7'V (sur l' expression, Ó7tOOIX X!Xl Ó<:fJtiX, Phitebe, 19 b, qui exprime la méthode du dénombrement exhaustif chez Platon, cf. P. KUCHARSKI, Les ehemins du savoir dans les derniers dialogues de Platon, Paris, P.U.F., 1949, pp. 47 et suiv.; IDEM, La musique et la conception du réel dans le «Phil~be», Revue Philosophique, 75, 1951, pp. 39 et suiv.) dhax-rov r.o,~aCÍ!Jo&VO:; ... Ña i:Tuvci~ -.o -.D.o.; Tij &px_~ xal !Joq.t"Í¡aY¡-ra' 'tOv xúx"Aov 't:Ov votpóv, xmvbv tnTrrrJ.")'t a>Ju.r.Épaa!Jo!X 'xa6fJ!JXov ébtaatv, lht xa1:a r.iiaav xtw,atv axtw,tov 'tO fv (cf. Pl.ATON, Parm., 139 a). Cf. in Pannen., 776, 17-23 C.: xal ¡¡.~v xal ~ -r~c.; Tij.; ar.ap,6¡.¡.i¡a~ (dans le dialogue Pannénide) !Jo!!J-Et't!Xt -r+¡v avvÉX.ttav xal -r+¡v fvwatv au'twv (•W'I d~v) .•. ~uvf.mat r/;v oixdw.; ~ filv Ó!Joo'Ó't'l'J'tt xal aVO!J-OtÓ'tY¡'tt -ro r.'A~&.;, -ri¡J o& hl f, ~t&mc;. 38. Cf. ibid., 1184, 30- 34 C.: !Joq.t&t'tat ... -ro i:~-qpYJ!J.Évov i:;-.e\wv (-roü &voc;) xrJ.! -.o &.!Joty&.; hoü Évoc;) T¡ ÉnpÓ't:Y¡.;, xa6ár.tp (!Jo'"!J.&Í-rat) -r+¡v htpó7t¡-.a ... T¡ -ra~-.Ó7tj~· (toutefois), .i'Mw.; i:xtivo ('to E'~) xex.wpta-rat 'twv ID.wv xai ci'AAw.; i> €-.to6-.r:' 1" 'Y' " , ' 2"\'"'1.. :'1. _ • • t , , "J ' x.wpt...,., 'ta ov-ra a1t fMIAT¡NJJV. Cf. 1bld., 1184, 3-5 C.: Y¡ ... -.:~:v-;o7tj<; ota 'tY¡c; O"'.JVO"ti<; ti '· 1 XIX' 't:Y¡<; XOtVWV!IX<; 'tWV O'l'tWV !J-UJ.tt'tiXL 't'l'JV IX1t0 'tOU EVO<; E?'t:)((iVO"IXV tVWC7tV' ibid 1193, 7-13 C.: 7tpÓttO't filv T¡ acpo~OtW'ttX~ ~,.; &.r.o rr.~ lr;¡¡.toupytx~.; ~~~~: !Jot!J-Et-rat 8& TI¡v !Jlv i:x&t (se. Év ~ tJ-ovritc) 't<Xu'tÓ't'l'J'tiX 8,a -r1¡:; ó¡.¡.mÓ't:Y¡-ro.;, ... TI:v o& É'ttpÓ't:Y¡'riX (se. i:v ~ !J-OVCÍOt) TI¡v OTj!JotOvpytx~v Ota Tij.; aw¡.¡.otÓ7tj70<;. ¡ 39. Cf. ibid., 1174,5-13 C. 40. Cf. ibid., 740, 40-741, 3 C.: !Jot!J-Y¡!J-IX cpÉpt' 'tWV oúo ¡¡.d: 'tO E'l ap"WV i &vav'"'l'"'l..'"\__ ~ , ".f' ~t., "rtWat<;, XIXt W0"1ttp EXttVIXt T¡VW'I'riX' Gt/V\Y¡NJ:t<;, OVTW XIXt\ 'tiX' t'l 701~ Ett>tC7tV EVIXV"i:'IX oca Tijc; txdvwv !J-E-roxljc; !Jot!J-Et'i:at TI¡v exdvwv t~'()PT)!J.ÉVYJV EVW~tv. On serait tenté d'y voir un índice de plus confmnant l'influence que Proclus aurait exercé sur Hegel, mais qui, chez ce demier, fonctionnerait en sens inverse: les opposés ne s'uniraient plus en vertu 1
,
,
00.
1
\
-
,
-
,
-
\
,
00
,
\
"
,
-
ti
o
'
-
C'
\
,
1
..
j 1
"\
137
de Jeur provenance, mais en se supérant par la dynamique de leur opposition. Sur l'idée de devenir, cf. Él. théol., § 55, p. 52, 27-29 D.: Att7:E"i:IX' .ipa 't:O ad )'tVÓ¡¡.tVOV eivat 'tO ¡J.Éaov a¡¡.cpotv, 'té¡J rUV ""(tVti:T8at auvci1t't0'1 'rOÍ<; x_EÍ¡:
8,o
000
LA CRÉATION MUSICALE
L'IMITATION
entités inférieures, les «démons»46, et ainsi de suite. Plus on descend les degrés de la hiérarchie divine et plus l'imita-tion des divinités supérieures s'avere imparfaite, puisque le domaine de l'immortalité dégénere pour devenir celui ou s'introduit la mortalité (6vr,-:o&to~c;)47 • Il en. resulte alors une fusion entre divinités, intelligences divines, figures célestes et formes intellectives dont les unes sónt, a vrai dire, des imitations des autres. On peut a la rigueur supposer qu'a l'inté-rieur de ce domaine l'activité imitative concourt a un rapprochement plus prononcé de ces entités,48 • Par ailleurs, et dans une perspective tem-porelle, ce rapprochement intensifié souligne le passage d'une génération a une corruption49• En d'autres termes, c'est par I'imitation de ce qui demeure immobile que ce qui se meut est ramené a1'ordre50 • Désireux de justifier le nombre indéterminé des divinités qu'il mobilise, Proclus se pose la question (plus ou moins rhétorique) de connaitre la raison de cette profusion, pour y répondre immédiatement: les divinités en question seraient intellectives (vo&pwv 6&wv); c'est-a-dire des apports de l'intellection, et se classeraient par hebdomades (groupes de sept), tout en participant de l'unité grAce a leur groupement, afin de former la sphere intellective qui, pour sa part, imite le domaine intelligible. L'unité qui assure la cohérence des groupements assure en meme temps leur division51 •
Quant aux dieux intracosmiques, ils imitent les qualités des dieux supérieurs: l'intelligence de Cronos et la créativité de Zeus52, sans \compter que l'existence de ces entités intermédiaires n'est légitimée, du point de vue de l'imitation, que paree que l'Un est inimitable en soi53• La progression atteint .des limites si éloignées et la spécificité des degrés si · finement marqués, que les Ames sont autorisées a imiter, au choix, des divinités nirues ou femelles54. Enfin, l'Ame particuliere imite sa propre intellection, et c'est en harmonie avec ce modele que le corps imite son propre mouvement55 • 11 devient évident qu'un mouvement interne des hypostases et entités, qui double le mouvement externe, est censé animer ) la fonctionnalité, partant l'architectonique, de !'ensemble du systeme. Revenons aux niveaux pour ainsi dire supérieurs ou le principe d'imitation s'affirme. Il est entendu qu'a l'intérieur du cosmos les corps célestes disposent, eux aussi, d'un corps et d'une Ame: 1' Áme se meut d'un mouvement double, s'inspirant de l'intellect dont elle est tributaire ainsi que l'est son activité propre; il en va de meme des corps célestes qui
138
46. Cf. in Tun., m, 219,7-8 D. Cf. Chr. TEREZIS, Proclus on Henads and Plato on Forros. AComparison, Diotima, 32,2004, pp. 157-166. 47. Cf. in 1im., m. 237, 22-24 D.: 7tav ¡Uv o"!.rv b(ci"Vo a61ÍWX'tOV, ¡¡ )(!X't'Ct ¡ií¡.t.y¡atv €xouat 't'Wv ó'Nvv, ~ ti: 7t~xr¡ 'tlj.; 8tu't'Épcx<; (par «second» ou «segonds» Proclus désigne souvent les entités inférieures) ta't't 6vy¡'t'ottt+,.;. 48. Cf. ibid., 1, 106, 18-21 D.: 't'CXÜ't'!X ti: ¡.t.t¡.t."lj¡.ur.!i: ta't'l 't'Wv vo~ar.wv 't'Wv 6dwv, a! o!: VO~El<; E~V!Xl 't'Wv VOE@W\1 daN dowv, EXEilkv ti: 't'O [lhvl(.l.OV Erpljxr.t )(Gtt ~ ovvoXT) (nous soulignons) 't'o~ E-yxoa¡.t.Íot<; r.ior.at yíyvcrcxt. 49. Cf. ibid., l., 106, 17 D.: EX 't'WV cÑpavíwv axr.tui't'wv ~ rp6opa xcx! ~ yéveatc;; ibid., 1, 106, 21-23 D.: 't'cX 11'X,f,'¡JIJ;'t'ct 't'cX E¡.t.q¡GtvTj a~ 't'OÜ r.ioou.; xa! rp6ap't'txcX 't'WV ¡.t.r.pwv Ea't't, OÉOV't'o<; 'toic; ev ypó"Y!p yr.vo(.l.Évo¡.; ev ypó"Y!p xa! 't'Y¡v 'Awtv 7ttpt'X,wpr.iv. 50. Cf. ibid., 1, 124, 14-16 D.: (al 't'T)p~r.t.;) -roú~ ... Myou.; ¡.t.t¡.t.oÜV't"Gtl 'tlj<; rpúar.wc;, ot' ÓJv &.xtv"lj't'wv (.l.E'IÓnwv xa! 't'oic; (.l.E't'Gt~cx'Mo¡J.é~ ~ 't'~t.; emyíyvr.-.at. Cf. PLATON, 1im., 30 a: r.ic; 't"Ó:~tv au'to T¡yaytv EX -ñjc; &:'ta~Íac;; ibid., 85 e; Lois, VI, 782 a; Epin. 982 a. Cf. E. MoUTSOPOULOS, Mouvement musical et psycbologie dans les demiers dialogues de Platon, loc.cit. Cf. Lois, II, 665 a: -rf¡ . . . 'tljc; xtv"ljar.~ -.á~r.t pu6¡.t.oc; OVO(.l.Gt r.t'tj; ibid., II, 653 e: 't"WV Ev 't"Gt~ Xt~r.at 't'~EWV. 51. Cf. Théol. plat., V, 2, 250- 251 P.
apt6¡.t.Oc; ... 'rWV votpwv 6r.W'I; ... O~AoV wc; ~ ... 7tpw't"Ía't'tj xcx! 't"WV or.u't"Épwv &~Oo¡.t.á. OwV ahía xet! ¡.t.ováoo.; 'Aóyov F.xouaa 1tpb<; etu-.ac; É~oo¡.t.ác;, ~v ... acpaipav voepav t7tovo(.l.IÍ,O(.l.EV, xa-.~ 't"O vor¡'tov \méa't'T) 7tÑÍ'toc;, ¡.t.t¡.t.ou(.l.Év'tj ... -.o ¡Uv ncx'tptxov (se. 't'OÜ -) \ ... 1' , , , \ , \ f'' , , , , VOT)'t"OU ... 'rO en; 't'T)t; OUV!X¡.t.EWc; !XtWV~0\1 otGt 't'T)<; ... 't!XU't"O't'T)'tQ<;, 't"O oE E7t ti1'X,!X't"WV 7tA~6oc; &.varpavev M -ñjc; 'twv ID.wv otGttpe't'tx~.; ¡.t.ováooc;; cf. De dec. dub., 65, 9 Boese <65, 12 Isaac>: «(angeli et demones et beroes) imitantur deos»; cf. ibid., 54, 3-4 B. <54, 3-4 1.>: «Quid enim utiqve fiet hominibus maius dei imitatione?»; cf. Th¿ol. plat., V, 9, 262 P.
y
139
~
140
se trouvent en rotation autour de leur axe tout en progressant, a l'image des ames qui les vivifient56• L'ame est une médiété: elle participe des indivisibles autant que des divisibles par l'imitation des uns et la préfiguration des autres selon des criteres adéquats 57 . Elle accomplit ses fonctions en calquant tout ensemble l'Un, les ·príncipes binaires, le masculin et le férninin divin, les groupes triadiques intelligibles et intellectifs et, finalement, 1' hebdonuule, indivisible sauf par elle-meme: caractere quila rapproche de l'Un58 . Les puissances intellectives, divinit~s «hégémoniques», sont, a leur tour, imitées par les ames dans leur comportement créateur59. D'oii, on le verra60, l'irnitation plus ou moins ) fidele n'est que la premiere étape de la création61 et toute génération ou
141
L'IMITATION
LA CRÉATION MUSICALE
2
création n'est qu'imitation de la perfection (relative) du créateur6 • L' Ame du monde, qui en est la structure, déterrnine les deux manieres '\dont elle est imitée par celui-ci: par référence asa procession, I'univers acquiert une qnalité matérielle, le volume; par référence a sa conversion, une qualité intelligible, la forme63. Cet univers est voué d'une part ~un reeyclage (&vaxuxAet'tiXt); d'autre part, a une dégénérescence (rp(}tatv) qu'il renferme en son etre64 • De son coté, le ciel, qui fait partie de I'univers, imite l'Intellect par son mouvement65 • Le meme modele est reproduit au niveau de l'fune particuliere66 qui s'efforce de ressembler a 1' Ame universelle et a l'Intellect, imitée en ceci par la nature, le tout se mouvant circulairement (tuxux'Aov), par irnitation de la sphéricité de l'univers67. C'est a ce propos que Proclus se demande ce que signifie l'expression «selon la nature», pour anssitot lui reconnaitre trois sens
r.
56. Cf. in nm., m. 120, 13-19 D.: '\'E{¡~ ljlux.~ '"Vd'\'GtL OI'X,W~ xcxi '\'0 O'W(LCX lttpt '\'E '\'O Éav-roü xtv':f'J'I ;:e¡¡uiyt'tat ¡¡.q¡.oV¡w¡ov ~ lo1av tv&pyttav ñjc; Éau-roü ljlvx.~c; xai 'tOv Éau'\'oÜ voÜV X:ti -:T;1 Etc; 'tO 7tpÓ0'6tv yÉpt-rat C(Opl%v ñjc; a7tAavoÜc;, !J-t¡J.OÚ!J.EVOV ~V ñjc; lj¡ux.~c; 7tpoc; 'r'{;l ~l.h-:T¡-ra ~ Écxv~c; O"J'IEpyÍav xcxl -roü Ev av-rij voü ~v de; -rov ÓMv Evt· opvatv; cf. ibid., m, 121,22-26 D.: f¡ Éx~nou 7W'I aa'l'pwv o/vx~ xai ¡¡.q¡.ou¡Jlvr¡ Xt'IEL'\'at de; 'to Éauñ¡c; ;:tl.dltv, o1ttp ta'\'t ..0 onwc;
•i,
62. cr. ibid., 1. 294, 20-21 D.:~ xcx'ta ~v ouaícxv yiveatc; &el iv 'tt'Ar.t tO'-rl, (MIWV· ¡Jlvr¡ nv uAr.tÓ't'qt'a 'tOÜ 7tOtOÜ'I'tOc;. Cf. infra, p. 154 et la n. 149. 63. Cf. in Trm., 11, 114, 23-25 D.: xcx-r' !xdvr¡v (~v 4v'X¡Y¡v) yap Ú7ttO''t'l] 'to 1tav, ~V ¡J.Ev 1tp000ov ®~e; Ola 'tOÜ 0¡-xov !J-L!J.lJO'~?V· -rf¡v ot t':ta-rprxp~v M ~oü ax~~ ¡¡.atoe;. Cf. ibid., Il, 73, 3-6 D.: WO'Tttp ... xa-.a n¡v p.ovWO't'l cx7t&txovt~'l'att -r,o VOY)'I'OV 1tav, o1J-.w xcxl xa:ca 'tO O"rpattpottotc; tJ.L!J.EL'tatt ~v &v !xeívrp 'tWV OA
;vep-
n.
143
LA CRÉATION MUSICALE
L'IMITATION
différents: (a) irnitation de la nature des choses; (b) jouissance de tout ce qui est nécessaire; et (e) produit prernier de l'essence68 • Doté de son Ame, l'univers imite l'Intellect pour en devenir le prernier produit quasiment artistique, vu qu'il procure du plaisir a etre contemplé69. A partir de ce stade, le príncipe d'irnitation entre en jeu tout au long de la hiérarchie ontologique70. Au niveau de l'fune particuliere, la sensation aussi fonctionne en approvisionnant sa partie intellective en accord avec l'activité de l'Intellect dont l'fune est indirectement issue71 • Chaque intelligible procédant de l'Intellect rejoint les intellectifs qui, en tant que ses dérivés, peuvent etre con~us par l'intelligence humaine72 tout en se référant, daos la mesure du possible, al'hypostase supreme73 . Des entités intermédiaires74 s' interposent entre l' infelligible et 1' intellectif. Quelques-unes d' entre elles demeurent inconnaissables75 , mais demeurent pratiquement, elles aussi, des modeles qui se pretent a l imitation76 . Incapable de développer en elle l'intellection unique, simple et étemelle de l'Intellect, l'fune pensante reproduit, a contrario, par son activité, par sa variété et par sa propre divisibilité, l'indivisibilité et \ l'unicité de celui-ci77• L'Intellect participé par 1' Áme divine (universelle) maintient son unité en respectant son statut d'Intellect impartid-
pable7s. N'y a-t-il pas, ici encore, un nouveau dédoublement d'une hypostase, supérieure celle-la, a l'intérieur du systeme proclusien? De \naniere symétrique autant que dramatique, l'Ame se scinde pour contempler le divin et pour se pencher sur le corps79, al'image de la providence divineso. En recherchant stabilité et permanence81 , la vie humaine prolonge l'énergie du divin. En calquant la vie végétative, elle tombe dans la confusion82 •
142
1
68. Cf. in 1im., L338, 19-22 D.:,.¡ -to Xa't'!i cpÚO'IV; ~ 't'O !MtuNIWIO" -IT¡v 't'W'\1 1tpa"f"' ¡uhwv cpÚaiV, ~ 't'O ;::iv -;o Oy.ttAÓ¡wK>v httA"tJcp&;. ~ 't'O EX 't'W'\1 Xll't' 0 ouaíav 1tpW'tov 7tpOLOv. Cf. supra, p. 138 et la n. SO. 69. Cf. in 1im., ll. 285, 11-12 D.: 8t' av't'i¡v ('t'i¡v o/ux.~v) ylip 't'O 1tiiv voüv ¡.¡.t¡ut't'at, ¡;pw-:ov ayaA¡.t.a 't'OÜ \l()'j "(t'\\Ó¡J.t''lv; cf. ibid., m. 27, 18-24 D. 70. Cf. Théol. plat., IV, 3, 185-186 P.
<Exdvou) €'11 -.i¡J votiv; Cf. ibid., 808, 17-23 C.: txtivo ¡.¡.Ev (J'Un) &v ¡.¡.óvov &a-ri mi 1tp0 voY¡atwc;· ó te voüc; wc; E'\1 1ttX'II'tll VOEL, ~ OE o/ux.~ xa6' E'\1 1ttX'II't'll ó~. T!lÚ~ (-ñj o/u'X.r.> 't'Ot'\IU'\1 1t~XEt -;o OtatpEL'\1 7tpw't'wc;, ~'t't<;, -ñjc; t'\1 Évi xai a6póac; 1ttX'\I't'W'\I hoAtt1tO¡¡.ÉVl) voTy:rtwc;, ~" x1:16' tv 1ttÍv-ra VÓl)atv 'D.u.x.t, 't'i¡J ¡Uv 1ttXV'tll (votiv) !Lt¡.LOu¡.¡.É'IIl) '
!ÚVO'~·
., '
t
,
t
,
'
-
,
78. Cf. in Parmen., 776, 3-9 C.; 628, 10-13 C.: au't'oc; (o ¡.¡.t-rtx.o¡uvoc; u1to 'L"Y)c; 6ttac; IJ!ux.lic; voüc;) a1tO 't'OÜ 1tA~6ouc; áp¡tti~t'\1 éau-rbv t1tEL"(E't'll! 1tpoc; 't'O EV ~v. (M¡.LOÚ¡.LEVOc; -tov 1tp0 ali't'oü xal tlc; 0.., cl.vllcpipe;t -IT¡v &au-toü nA&iwa1v (au'Aov xal ci¡¡l6tx-rov voüv). 79. Cf. P.-M. SCHUHL, La descente de !'Ame... , loc.cit.; N.-Ch. BANACOUCARAOOUNI, Observations sur la descente des Ames, loc.cit. 80. Cf. in 1im., m, 324,5-7 D.: ~l)'L"YJ't:Éov ... otli 'tÍ xántatv tlc; -ra ahl¡.¡.a~a ~ o/UX.~· O't't fíoÚU'tll! !Lt¡ui'a6111 '1:0 1tpOVOl)'t'tXO'II 'tWv 6twv, xai otli 'tOÜ'tO 1tpóttat'll ttc; -rT¡v ')'Évtatv licpti'aa -IT¡v 6twpi!lv. On est ici en présence d'un renversement de l'idée directrice de Plotin, a savoir que la contemplation est supérieure al'action. Cf. PLonN, Enn., ID. 8, 4; cf. ibid.: t1td xai av6pw7tOt, O't'(X'\1 aa6~awat'\l tlc; 't'O 6twpe:iv, axtliv 6e:wpíac; xai "J.Jryou -IT¡v 1tpiiew 1totoiiv't'at. H. BEROSON, (La perception du changement ¡
144
LA CRÉATION MUSICALE
' ,.
L'IMITATION
'·.,
145
f
Pour généraliser cette pensée, disons que l'imitation révele une activité a travers laquelle le subalterne tente de pallier a son imperfection en empruntant a son créateur une partie ne serait-ce que relative de sa perfection83 . Ce príncipe est valable jusqu'au niveau de la matiere. Ce~es, la distinction entre sensibles et intelligibles est censée reprodurre un~ réalité indéniable84. Ainsi peut-on expliquer l'animisme des «anciens» qui faisaient remonter les puissances naturelles a des puis. · ss . A ctes et paroles ne sont que les reproductions d'actes sanees d1vmes et de paroles antéríeurs86 . Parallelement aux activités de procession et de conversion, Proclus atténue ce dualisme, héríté de Platon, en établissant, a l'intéríeur du systeme, une quasi-continuité qui le rapproche tant soit peu des monismes classiques. Ce sont précisément cette ambigui"té et cette ambivalence qui en font la vigueur et en multiplient les potentialités inhérentes. Quittons le domaine ontologique pour le domaine cosmologique. Force nous est alors de constater que la notion de mimésis conserve chez Proclus tout son dynamisme. Habité par des divinités87 qui se le partagent, chacune régissant le domaine qui lui est échuss, l'univers se tient également ala disposition des divinités qui se situent au-dessus l
¡
i
,¡
de lui89 . Al'image de son modele90, il contient cependant des genres et des especes en nombre indétenniné91 . Il agit selon sa nature, conforme '\au plan du démiurge92, et y répond tant qu'elle s'active adéquatement93 . Fonné de parties et comportant, outre un corps94, une fune et un intellect sur lesquels il impose son ordre, ilimite l'union supreme. Il demeure un vérítable vivant95 dont la nature est associéeau príncipe d'automobilité ('to a.u'tox(vr¡'tov) 96, lui-meme émergeant de la réalité hypostatique de l'Intellect et de 1' Áme97 . L' ordre du monde est durable, mais non inaltérable98 • Composé de parties, l'univers ne saurait etre une divinité 89. Cf. ibid., 1, 8, 17 P.
E'ttpa 't<XU'ta vo¡.L(~t, 'tcX 8t. 't<XU'tcX 7tMtv E'ttpa. Sur 1' erreur selon Proclus, cf. E. MOUTSOPOULOS, L'~yss.ée de la conscience, loc.cit., et Les structures de l'imaginaire, pp. 131-151. La notion d Ame végétative remonte ~ ARisTOTE, Éth. aNicom A 13 1102 a 32-33; 't~Ü U.Aóyou ... 'tO ¡WJ lotxe xotvi¡) xal
D. 92. Cf. Théol. plat. 1, 14, 34 P.
6dac; E')J-a¡.a.7tÓ¡.L&VO\I, ou ¡.LÓvov apa 't'O 7tii\l 1iAJ..U. xal EX<Xa't0\1 "CW\1 liioúov Ev au'ti¡) ¡.L&piilv &¡.a.ljiuxóv ta'tt xal &vvouv, Ó¡.LOtoÚ¡¡..evov 'ti¡) 7tav'tl xa'ta oÚvGt¡.Ltv; ibid., III, 18, 150 P.
88. Cf. Théol. plat., 1, 4, 8 P.
)
l
..
0,, )};'
e
;~
.~··
LA CRÉATION MUSICALE
L'IMITATION
bienheureuse99, malgré le modele de perfection qu'il imite 100• MBme ses révolutions périodiques sont compatibles a des nombres parfaits 101 qui favorisent l'émergence de kairoi, moments favorables ou défavorables par excellence102• Vunivers eni.prunte, en quelque sorte le modele de sa composition en se conduisant en tant que multiple unifié 103 • Le soleil est comparé im bien: il régit le tout sensible comme le bien produit les intelligibles selon le principe d'imitation 104 • A. l'intérieur de la hiérarchie cosmique, la
tetraktys occupe une place intermédiaire: elle établit un modele complexe
146
xcxO' OO'OV ~'tOV ad Xpil'tOUIJ-ÉV'I¡V &M.'X.& -IT¡v EV cxih¡¡., 't~IV' 1iM' Of=<; E7ttt O'w¡J.a'tOe:to~c; ta'tt, fLE'tcxEio)\'ijc; a¡¡.otpoc; oux ea~tv; cf. ibid., 1, 17, 44 P.
d'imitation 105 • Le tout cosmique suit un cours périodique qui implique un \ mouvement cycliqueHl6. Des lors, le probleme se pose d'expliquer le mouvement de l'univers, censé imiter l'Un immobile 107 • Or Proclus a déja envisagé ~ ce propos une solution qui tient compte de la hiérarchie ontologique vouée a la danse cyclique 108: l'imitation de l'Un par les entités inférieures exprime leur désir dont il est 1' objet, et se manifeste par leur danse autour de lui 109 • L'ordre qui regne dans l'univers n'est que l'imitation de la raison inhérente a l'Intellect, des lors érigé en constructeur et en modele du monde. Zeus demeure le garant de cet
oe
oe
oe
oe
oe
'tGtt ~ ~<; 'Exá't"l')c; ap'X.~· XCX'ta oe -IT¡v ¡¡.Éar¡v OÚVGt¡¡.tV xcxl "(EVVY)'ttX~V 'tWV OAwv ~ lj¡u'X.tX~, XGt'ta of: -IT¡v votpav Eitt!7'tpoCjl~V ~ ~<; apt~c; ... Év 'tOle; Ú7ttpxoa¡¡.totc; ~ KÓplJ -IT¡v 'tpt7tAY¡v ... 7tpo'ttÍve:t ... 'T:Wv Oe:W\1 otcxxóa¡¡.r¡ow ... 105. Cf. in Tim., 1, 155, 7- 10 D.:~ n'tpax'tut; t'X.Et ¡¡.tv -IT¡v 'tpt't"l')V 't~tv xa'ta -IT¡v ele; 'tptcx 'tWV "(EVWv 'tO¡L~V, O&U't'Épcx Ú7to 't'OÜ IT'Aá'twvoc; ~ptO¡LY)'t'Gtt .. , Ívcx XGtt ot& 'tOV't'OU fLI¡L~!7Y)'tGtt 't'O miv ÓAóyot; ... éf. PLATON, Timée, 31 e - 32 e; P. KUCHARSKI, Étude sur la doctrine pythagoricienne de la Tétrade, Paris, Les Belles Lettres, 1952, pp. 32 et suiv. 106. Cf. in Tim., 1, 192, 9·10 D.: xcxl ¡¡.~v xcxl ó xúx'Aoc; 'twv e:uepye:atwv ¡¡.t¡u:i'tat 'tOv t"(XÓO"¡¡.tov xúx'Aov. Cf. supra, pp. 69-73; cf. Théol. plat., VI, 4, 351 P.
oe
oe
oe
147
!¡_.
oe
·;;.
oe
148
LA CRÉATION MUSICALE
L'IMITATION
ordre 111 auquel sont soumis les éléments les plus divers112, A l'intérieur du cosmos en révolution permanente, la fonction du temps demeure a la fois essentielle et expressive. Le temps préside aux mouvements cosmiques et représente, par son aspect cycliquem, l'éternel retour d'apres lequell'extrémité se confond avec le point de départll4. Génération et corruption s'accomplissent par l'imitation des cycles des dieux intellectifs, qui se produisent dans le temps 115 • De plus, le temps permet l' imitation de 1'etre intelligible («était»), de 1' éternité («fut») et de l'Un, «éternel en tout premier lieu» («devenait»)ll6. On pourrait néanmoins objecter sur ce point que le critere utilisé par Proclus dans chacun des cas qu'il envisage n'appartient pas a la meme catégorie. Le philosophe se serait-il d'aventure mépris, se voyant dans l'impossibilité d'établir une distinction valable entre «éternité» et «étemel», l'Un se situant audela de l'éternité? Plus correcte semble se dessiner la distinction entre les catégories temporelles du passé (~v) et du.futur (&a-rat). La catégorie du présent est alors remplacée par la structure kairique, située, elle, au croisement du «pas-encore» et du «jamais-plus»m. Par ses révolutions répétées, le temps imite le cycle parfait qu'est l'éternité. En fait, celle-ci ne décrit pas de cercle; mais il convient de l'envisager elle-meme en tant que cercle (ou une sphere) entourant
l'Un 118• Le temps imite l'éternité qui contient la totalité des étants et préside aleur mouvement, aleur évolution et aleur accomplissement119• n divise le devenir en passé, présent et avenir al'image du principe de trinité 120. Les funes, elles, sont qualifiées d'apres leur puissance. Ou temps, elle imitent toutes le caractere cohésif, accomplissant mi révélateur121. Plus précisément, le présent n' est pas seulement compressible en
1ll. Cf. ibid., 93, 15-16 P.: -TI¡v ycip ;;a'tplx~v ahíav 'TOÜ XOOfLOV xai ~ fLY)'tptx~ Évoet8~ ~vt"f.p ó Ze:úc;; cf. ibid., 101, 18-22 P.: «'To o'th:t 'TWv Go"AWv tyxpa-rij» 'TOv Y ' I ovvaa-ce:tav ~ ' ' I na'l'ta ' Y~.!..-· 'ta' EV t EO'I 'TOV'TOV (Apo11on) &1'1111 'TY)' llV'' TOV- 'TY)' xa'tayw'll""l""vr¡v 'Ti¡J XOO¡M¡l 8Eixvva¡v· avw6e:v ycip ~ Ú7ttpovpavíov 'TtX~EW<; Olcta7ttíptl 'ToVc; O"f._E'TOuc; 'ToÜ AtOe; xal 'Ta~ &mivac; bd nána 'TOv xÓO"fLOV; cf. ibid., 87, 16-18 P.: ó ~v voüc; &v, ÉxiÍaTI,J 'T,wv Ov'TWV 'tp!IÍot avve:Aícrae:t Éav'TOv Ele; 'TO ov xal ~ na'tptx~v ahíav, xuxAov fLI!J.OVfLEVoc;. Cf. supra, p. 137 et la n. 43. 112. Cf. in Crat., 24, 1·ll P.; cf. supra p. 138 et lan. 50. 113. Cf. Structure, présence etfonctions du kairos chez Proclus, Pf· 67-83. 114. Cf. supra, p. 147 et la n. 106; cf. in nm., 1, 136, 5-8 D.: 'taÜ'T' ouv ('Ta fLE'Té'X.ov'Ta) n~ oux.l 6aVfLM'TWc; (LqJ.Ei'Tal -rae; OY)!LIOupytMc; OUVtXfLE!<;, al xai au'tal 'Toic; npo llU'TWv &víopvv'tat xal 'Ta fLEll' éau't&c; yevvW<:rí n xai tma'tpér¡ovo-r;v e:ic; 't&c; Éav'TW'I ahíac;; 115. Cf. ibid., 1, 106, 16-23 D. 116. Cf. in Parmen., 1237, 11-14 C.: fLIII-~fLil'tll xat 'taÜ'ta 'twv \IOY)"'CWV, -ro ¡Uv «~V» 'TOÜ 15v'toc;, 'TO Oi «yÉyovt» 'TOÜ alW'ioc;, 'TO BE «tyÍ"(VE'TO» 'TOÜ npÓYCwc; aiwvíov. , 11_7. Cf. i? nm., ,m: 4~ 31-33, D.: -co ~v» xai «ta'tat» ... 'X.IlpaX'TY)p~'tat 'TO fLEV -ccp «fLY)Xt'Tt», 'tO o& 'ti.¡) «(.1-Y)OÉnw». Cf. Structure ... du Kairos..., pp. 22, n. 26; 25,
e'
-
ano
w
n. 34; 31, n. 67.
'
149
118. Cf. in nm., Ill, 20,6-10 D.: Wc; "fclp taV'TOv avacpép&L <& "f.RÓvoc;) npbc; ~ 'TOÜ aiwvoc; ÓfLOÍwatv -roü nepté-x,ov-roc; xal (.1-t'tpoÜv'toc; 't&c; 7tapaOti'YfLil'TIX&c; ahíac;, o/hw xa\ 'Ta Ú
ano
ano
150
instant, mais se prete également a dilatation, pour répondre a l'ensemble des catégories temporelles 122. D'une maniere générale, a l'encontre de l'Un qui est au-dela du mouvement et du repos, l'éternité demeure immobile; le temps l'imite non point a travers une immobilité qui lui serait propre, mais, par opposition, c'est-a-dire a travers son mouvement123. 11 existe un temps mesuréqui imite le tempsmesurable 124 , tout en partageant completement avec lui sa dépendance du nombre 125.
(ii) En quittant le secteur ontologique et cosmologique pour aborder le secteur épistémologique on s'accordera pour reconnaitre que Proclus se réfere désormais a une imitation consciente, au second degré, des autres modeles d'imitation rencontrés précédemment, dorénavant au niveau cosmique. On constate, plus précisément, une continuité, imperturbable dans des conditions normales, entre les facultés de l'ame particuliere 126, allant jusqu'au domaine de l'expression linguistique. La pensée imite la
122. Cf. Catégories temporelles et kairiques, loc.cit.; cf. in Parmen., 1238, 6-9 C.:
-;¡ana"f,pÜ ... a! ¡Jlv -;¡p&.a1 ¡¡.ová8Ec; Ú7táp~ewc; Etr:m (passé), a! 8t ¡¡.Éaa1 owá¡¡.Ewc; ó'Ar¡c; ouar¡c; xaL aOpóac; (présent), al OE -.phal Tijc; Xr1.'t'rt -;¡txp
ea-.wc; ...
125. Cf. ibid., m, 73, 17-19 D.; cf. ibid., I, 88, 1 D.: o! apdl¡J.oL xóa¡¡.ou (j)Époua1 aú¡¡.(,o'Aov. Le symbole serait une espece d'imitation, un signifiant simple dérivant de son signifié complexe, a1' opposé de ce qui se passe dans la réalité cosmique; cf. apropos de géométrie, ibid., I, 146,24-26 D.: xptL'-.-.ov ... ~v -.o ot' <ÍnAoua'ttpac; ~wijc; fl.I¡¡.Eta0(1.1 'to xpEi't"tOV Y¡ 8~ auv0E'tW"ttpac;· fJ.-;¡)..QÚa-.epov Ot "tOÜ xú(,ou 'tO 'tE"t~"(WVOV. 126. Cf. H. J. BLUMENTHAL, Plutarch 's Exposition of the De anima and the Psychology of Proclus, De Jamblique a Proclus. Entretiens sur l'Antiquité classique (1974), t. 23, Vandreuvres- Geneve, Fondation Hardt, 1975, pp. 137-141; IDEM, Proclus on Perception, Bulletin ofthe lnstitute ofClassical Studies, Univ. ofLondon, 29, 1982, pp. 1-11.
151
L'IMITATION
LA CRÉATION MUSICALE
réalité; elle s'y adapte et exprime cette adaptation par le langage 127. L'imitation devient une reconstitution, ne serait-ce que sur un plan \ différent de ceux des ordres cosmique et intellectif128 • L'intellection surtout, par le recours aux méthodes apodictique, dialectique et analytique, aussi bien qu'a la définition, donne Iieu a la formation des sciences, par imitation des processus de dérivation et de conversion129• Plus la pensée imite les structures ontologiques et cosmologiques établies par les divinités et plus elle s'avere conforme leur statut, sinon parfait, du moins supérieur 130. Et que dire du cas ou la pensée, ignorante de la réalité, est incapable de se comporter correctement131? 11 arrive que Platon examine une a une les trois especes de mouvement: l'altemation, la gravitation et la marche rectiligne, pour définir l'action de l'Un (xívt¡cnc; &xÍvt¡'t~). 11 opte, en vue d'établir une méthode de démonstration, pour l'imitation du cercle (ou la fin rejoint le début) 132, a l'instar du «mouvement immobile» de la discursivité logique qui correspond a l'Un
a
127. Cf. in 7im., I, 204, 10-12 D.: 'tvcx XIXt o! Aóyo1 (1-1(1-Yj'tiXL -.wv 7tpa"(¡¡.á'twv cimv, fuv da1 aY¡¡J.I1V'tiXOt; cf. ibid., I, 194, 2-6 D.: XetL ¡¡.~v Xr1.L 'to 7tpOc; tetu'tov ava'Aa6óv-.a · At"(EIV (1-I¡¡.Ei'tal (llv xrll 'ti¡v 'l:WV AÓ"(WV 'l:WV OlJ(liOUp"(txWv 7tpoc; tiXU'tO\x; t7tta'tpoy'Íjv, evodxvu-rcx1 o[ xctl 'ti¡v &¡¡.r:ppova Tij~; 4ux.Yjc; t(j)' Éau'ti¡v tma-.pcxp~v, xctO' ~v h Éau-.i¡ Oea-.cxl -.01ic; -.wv ov-.wv 'Aórouc;. • 128. Cf. Théol. plat., IV, 27, 220-221 P.
u
152
153
L'IMITATION
LA CRÉATION MUSICALE
/tour, imite l'exemple de Zénon, éleve de Parménid~ 139 • D'a~~ la~
lequel imite, par la conclusion et par le retour au point de départ, «l'etre qui est dans l'autre» 133 • Afin de respecter la réalité, la· pensée peut (et doit) imiter les fonnes réelles 134. Le personnage de Parménide dans le dialogue homonyme de Platon ne s' empresse pas de passer du niveau intellectif de la simplicité au niveau de la pluralité des paroles; il n'y consent que pour commettre un acte de bienfaisance envers la foule et se souinettre aux exigences du bien. Ce passage se fait a 1' exemple des bienfaits des dieux envers les humains. L'imitation sur le plan épistémologique suit ici le modele d'une imitation déja rencontrée sur le plan ontologique 135. Pour exposf(r sa propre pensée, Platon procede par imitation des propos présumés de Zénon, ressemblants a ceux de Parménide136 qui, lui, imite le comportement ludique des dieux 137. Par imitation de la condescendance des etres supérieurs, Parménide choisit d'instruire le jeune Socrate13B qui, a son Parm., 139 a). Cf. S. GERSCH, Klvr¡qt~ dxívr¡ro~. A Study of Spiritual Motion in the Philosophy of Proclus, Leiden, Brill, 1973, pp. 25 et suiv. 1~3. Cf. in Parmen., 1152, 12-14 C.: ('to ev) !J.I!J-&t'tatt ••. ¡¡kv 't"ij¡; Ñ>ylxijc; 8tt~Ó8ou 'tO ~. Écxv-ci¡) (e~vcxt). M o& 'tOÜ !1V¡J.m:páa¡J.CX't0<; xcxl 'tijc; btl "ti¡v ~x-~Jv avcxxá¡J.-\jitwc; 'to tv ~ (etvcxt). ; 134. Cf. ibid., 845, 1-8 C.; cf. ARISTOTE, Phys., 88, 263 a 17-18: 1tpOc; -co 7tpy¡Ux xcxl "ti¡v &:"A#lttcxv; Métaph., al, 993 b 30-31: tXM'tO'I Wc; t"X,Et -coü voü etvcxt, o~-cw xcxl 'tijc; &:"Ar¡6e:íac;; cf. THOMAS o' AQUIN, Summa théol., l, 170 (1609): «<:<>nf~rmitas intellectus cognoscentia cum re cognita»; cf. ibid., I, 16, 1 e: «adaequatio re~ et mtellectu~». Cf. in Parmen., 689, 32-33 C.: ¡J.t¡J.OÚ¡.w.roc; 'ti¡v -c~v &xeívr¡v "ti¡v 7tCX\I'tCX OtcxXOc¡¡Ll)C1CXC1CX'I. 135. Cf. ibid., 1030, 22-28 C.: ó Ilcxp¡.w.rt8-r¡c; .. xcx-coxve:i 7tp0c; -co 7tA"ij6oc; xcx-ctivcxÍ 'tWv M¡wv tX7tO 'tOÜ votpoü xcxl &7tAoÜ 't"ij¡; tvepydac; e:iOovc;. X<Í'tEIC11 a· O¡¡.wc; 'tOÜ aycxllc:ü tvE~ t1t' e:úepyt11Íif -cwv otv'tépwv· ~ ytip x_<Í;ptc; cx~n¡ !J.Í~Y¡CTÍc; tl1'tt 't"ij¡; 7tpovoícxc; -cwv lle:wv; cf. ibid., 1023, 29-32 C.:
\ chesse de ses procédés et de son adéquation ala réalité, la v01e dialecti\ que imite l'intellect dont elle suit les principes 140. L'enseignement de Parménide (revu par Platon) est ingénieux pour autant qu'il imite la complexion et la division des etres141. . . .. . . Les raisons universelles sont également inhérentes anotre propre intelligence; d'ou notre capacité de l'adapter ala structure de la nature avant 142 d'imiter ~elle de l'univers intelligible qui lui est homologue . Par leur ambigtiité et leux caractere occulte, les paroles de Parménide et de Zénon sont assez proches des oracles de la Pythie143. Quant aSocrate, il s'imite soi-meme. Disons que son comportement (dialectique) demeure constant144. Chez Platon, l'a.tne intelligente procede par imitation: elle suppose d'abord le vrai, puis s'en empare, avant de rejoindre de la meme mani145 ere le stade suivant. Platon semble imiter cette démarche ; sa dialectique utiliserait trois sortes d'objections: (a) par imitation, complétée par l'adjonction d'un terme absent de la proposition imitée; (b) par opposition (ou 146 les termes sont inversés); (e) par imitation et opposition a la fois .
ota
)
f'
1,.
139. Cf. ibid., 1019, 40- 1020, S C.; 1021, 7-16 C.; 838, 34- 839, 6 C. 140. Cf. ibid., 988, 30-35 C.: 7tpo-.dVe:t ... (ó II~o-r¡c;) .•. "ti¡v óaOv "ti¡v M 'tijc; otcxAe:x-ctxijc; W"c; h-c1Xt!1'tO'I xal aV'.nt¡J.W-c
\
\
,
\
'
154
LA CRÉATION MUSICALE
L'IMITATION
L'inteliect humain s'active a la fa~on d'une sphere modelée au tour 147. Platon part de l'autre pour accéder a l'autre, comme du m!me pour accéder au meme, par reproduction du cycle de l'activité intellective qui procede aussi directement que brievement148• En tout état de cause, la pensée phitonicienne rappelle la méthode géométrique, car (a) en émettant la proposition (théoreme), elle imite l'activité riche et continue de l'intellect; (b) par la démonstration, elle imite la procession qui se développe dans la foule des intelligences; et par la formulation de la conclusion, la démarche circulaire de l'intellect vers son point de départ, ainsi que la perfection unique de toute activité intellective (voepac;) 149. La référence constante au déploiement de la pensée platonicienne dans le Parménide n'est pas exclusive. Elle est valable pour !'ensemble des reuvres du philosophe. Le Parménide constitue un texte exemplaire ou l'imitation logique et épistémologique dans la philosophie de Platon peut etre suivie, au meme titre que cette philosophie, dans son ensemble, est, par sa rigueur, un modele asuivre.
d'imitation, on rejoint le vrai domaine de l'esthétique. L'irnitation 1 musicale s'y manifeste par excellence, sinon exclusivement. Le schéma \ qui se presente alors est identique au schéma rencontré précédemment. \ Il y a adaptation de l'activité instaurative musicale a l'activité fonc) tionnelle du réel. Un texte caractéristique marque la transition entre l'aspect épistémologique et l'aspect artistique de l'imitation: «chez Orphée, ... Adrastée surveille le dérniurge universel, puis, ayant saisi ses cymbales de bronze et son tambourin 150, elle les fait résonner si fott qu'elle attire meme les dieux. Socrate" ... imite cette résonance qui s'étend a ce que le mythe mentionne quand, a la maniere d'une proclamation solennelle
(iii) Nous pouvons maintenant envisager le plan artistique ou ces príncipes relatifs a l'imitation sont également applicables. Apres un détour nécessaire pour la compréhension du sens attribuable a la notion
147. Cf. ibid., 1161, 10-12 C.: xal ó 1\&r¡vaw1; ~Évo1; tv Nó¡J-oLc; (cf. Lois, X, 898 b) acpa~ EV'tÓpvou ¡J-qJ.:rj¡urtL -IT¡v evépytr.av &ndxaat -roü voü; cf. AlusTOTE, De ca!lo, B 4, 287 b 25: xrn' &x;;f~tr.av lvtopVO!; (le JllQnde); cf. E. MoUTSOPOULOS, Sorne Consideration Concerning Aristot1e's Attitude Towards Cosmic Space, Diotima, 21, 1993,pp. 1~103,noturunentp. 102,n.24. 148. Cf. in Pannen., 1189,41- 1190, 4 C: (ó IDá-rwv) Y¡p~IX'tÓ yt cbto 'tOÜ hépou xiXI xiX'tÉA1J~tv tK -ro &-.epov, oJJ: ñj1; auv-r~ xl.ll M ñjc; &:1to -toü IXimü 1tpbc; ..¿ IXu-ro XIX'tiXA~~twc; tJ-LtJ-OÚjuvO!; -:;av xúx"Aov ñjc; vot~ tVtpytÍIXc;. 149. Cf. ibid., 1151,38- 1152,8 C.; cf. in 1im., I, 294,20-21 D.; cf. supra, p. 141 et la n. 62; cf. in Pannen., 1125, 18-22 C.: tJ-LtJ-EI'tiXI ..• ~ ¡J-Ev -roü O"U¡J-7tt¡:>áap.a-to!; 1t~ÓA1) !J¡tc; -IT¡v &:6pÓIXv EmboAl¡v 'tOÜ voü, ~ oe OLIZ 'rWV O"UAAo"(LO"tJ-WV &:ywyl¡ (¡J-L¡J.tL'tiXL) -IT¡v ñjc; tma~tJ-~ &:vé"AL~tv -IT¡v &:1to -toü voü 7tpotf>XOtJ-Év'rJV. Dans une certaine mesure, le principe d'imitation est également applicable au comportement pratique et social. Cf. in Ti m., I, 156, 4- 5 D.: (-;:o ¡J-(ÍX,t¡J-Ov yÉvoc; -ñ,i 7tÓAtL) ;;t¡.a()á:MEL -IT¡v &:q¡' ÉIXu-roü q¡poupá:v, tJ-ttJ-OÚtJ-EVov -IT¡v q¡poup'rJ-:tX~v 't~tv; cf. ibid., I, 186, 12-14 D.: M ¡J-év ... ñjc; tu!Jiux.úzc; tJ-t¡J.OÜV'tiXL 'tO q¡r.Aóaoq¡ov ...• ot&: ce 'rWV 1tOAttJ-tXWV 'rt"X,VWv 'tO <prAoltÓAttJ-OV; ad Hes., 87. 27-28 G.: fU¡J-tta61XL -roUc; -tÓn &:v6pC.:mouc; ho x.puaoüv yÉv01;) v-aA"Aov XIXL tJ-~ 'touc; tJ-1:"&: 'tiXÜ'tiX ytvvw¡J-Évou.;.
¡'
155
150. Cf. la note suivante et, ad loe., TMol. plat., t. IY, Paris, Les Belles Lettres, 1981 (Saffrey-Westerink), Notes compl., note 6, pp. 155-156, ou parmi d'autres lectures et corrections de -rÚ7tiXvov IXr"('r)xec;, figure celle de Wilamowitz (ap. Orph. fr., 152 Kem) qui corrige en AL"fÚ'rJ'X.Ec;, «au son clair, aigu».151. Cf. Théol. plat., IV, 17, 206 P.
156
LA CRÉATION MUSICALE
beauté musicale ou, pour le moins, a l'agrément auditif. Ces qualités accompagnent les formes inspirées de modeles supérieurs fixes ou ordre et beauté coexistent, alors qu'elles sont quasiment absentes, ne serait-ce qu'en partie, des formes inspirées de modeles subalternes soumis au mouvement et au changement; des formes qui échappent néanmoins a la laideur absolue paree qu'elles se réterent au beau, meme par négation 152. A l'évidence, la teneur surnaturelle des reuvres est fonction de la puissance tant ontologique et cosmologique, qu' esthétique, des réalités qu'elles imitent. Une gradation tres détaillée, suivant laquelle l'imitation contere a la forme imitante les attributs, aptitudes et vertus de l'imité, pourrait etre établie. L'imitation artistique défie pourtant 1' ordre onto1ogique et cosmique. En effet, 1' ordre universe1 défend tout passage pur et simple d'un état incorpore} aun état corpore1 ou d'un état immortel a un état mortel et vice-versa 153 • Or c'est précisément ce qui advient au niveau de rart, quand, l'imitation aidant, des réalités intelligibles sont exprimées de maniere sensible. Dans une optique semblable, l'ordre (..li~t<;. rufrr¡¡.waúv-r¡) régnant au cours des festivités a l'image de l'ordre qui regne dans l'univers, est obtenu gr§.ce al'art, ala musique en particulier154. Les analogies imitatives peuvent etre renversées du point de vue des qualifications auxquelles elles se réterent. C'est ainsi qu'Héphaistos, dieu-forgeron, est regardé comme travaillant l'airain al'imitation du ciel visible, lui-meme qualifié de ciel d'airain, imitation, pour sa part, du ciel
L'IMITATION
157
155 intelligible, dont le créateur est, lui aussi, qualifié de forgeron . On se doit de rappeler que Platon associe, dans le mythe du Protagoras, les '\ activités d' Athéna et d'Héphaistos 156. La déesse dispose d'un art de la sagesse, alors que l'art du dieu nécessite le feu. Or Héphaistos, amoureux d'Athéria, en imite l'activité asa maniere. Son art n'est done pas dépourvu de sagesse1S 7 • Le couple divin donateur ainsi formé prodigue ses bienfaits aux hommes qui, privés d'autres ressources, apprennent, a travers les arts, a imiter l'intellect par le truchement de Ieurs ameslss, apres avoir hérité de la créativité d'Héphaistos et de l'inventivité d' Athéna159 dans le champ de leurs propres activités, artistiques autant que politiques160, Au-dela de l'imitation des divinités . d'' . ti' 161 fondatrices des arts, les humains, dotés de mémoue et tmagma on , sont également portés aimiter l'activité inventive d'Hermes, inventeur, entre autres, de la lyre et connu pour «avoir des tours dans son sac», qu'il transmet, par délégation, aux artistes 162. L'imitation artistique
155. Cf. íbíd., 1, 143, 7-11 D.: M -tcxü-tcx yllp xcxl fmo -tWv 6EOAbyw'l Üyt"tcxt r.cx"A; x&Ú&t'l (ó "H!(-ttO""toc;), Wc; O"Up&Wv xcxi a'l'tt"tÚ7tW'I Epyá:n¡c;, xcxl ?tÓ"tt r.á.f.:xEoc; o ovpcx'ibc; wc; ¡J.Í!J.r¡¡ux W'l 'tOÜ 'IO"r)"tOÜ xcxi ó 'tOÜ 0Vpi1'10Ü 7tOtr¡TI¡c; r.cxf.:xtuc;. • 156. Cf. Pl.ATON, Protagoras, 321 d-e. Cf; E. MOUTSOPOULOS, La créatton de I'homme (Platon, Protagoras, 320 d), Les origines de l'homme, Univ. de Nice Sophia: Antipolis, 1998 (Pub!. de la Fac. des Lettres n. s., n° 46). Athé~a est tout p~ culierement imitée par la communauté athénienne pour sa pureté (cxr.pcx'l-tOv). Cf. m 1im., I, 157, 12-15 D. Par ailleurs, Homere et Phidias auraient produit respectivement, chacun asa maniere, une image de la déesse digne de celle qui aurait résulté de sa vue directe; cf. in Parmen., 851, 32- 852, 7 ~- , , ~ , " , , _ _ 157. Cf. in 1im., 1, 144, 10-12 D.: cxtt ¡LEV ow o Hq¡ata-toc; xat OAwc; E{Xf "tr¡c; 'A6r¡~ -.b 'IO&pO'I cxv-IT¡c; -.o(c; cxia6r¡"totc; tpyotc; ¡J.t¡LoV¡.i.Evoc;., , . _ 158. Cf. Théol. plat., V, 24,297 P.
-.o
158
LA CRÉATION MUSJCALE
comprend, de fait, deux imitations: celle du modele imité et celle de la voie a emprunter pour réussir 163 • Opinion et imagination (cette demiere a un degré moindre, vu ses défaillances) contribuent aprocurer les éléments qui forment le cadre épistémologique gr~ce auquel l'enthousiasme qui prévaut au cours de l'imitation artistique devient · effectif164• Les éléments d'imitation proposés par les dieux sont avant tout de vrais symboles identifiables a partir desquels l' artiste imitateur introduit le contemplateur dans le domaine de ce qui luí est encare inconnu 165. Cette fonction ambigue de l'imitateur, tel qu'envisagé sous l'aspect du poete, le rend pour Platon a la fois condamnable et sympathique 166. Outre les arts musicaux 167 , Apollon préside, on l'a vu 168, aux arts de la guérison et de la divination, les uns et les autres étant, chacun a sa maniere, des arts cathartiques 169 • Dans le domaine du culte divin, l'imitation du comportement pratique du dieu se réalise par des sacrifices; et celle de son comportement contemplatif, par des hymnes 170• Rire et sourire sont des expressions psycho-somatiques d'une imitation
163. Cf. in Crat., 8, 24-25 P. 164. Cf. ibid., 29, 6-12 P.: O'rt 'rWV oVOJUhwv (lt¡J.'YjfUÍ'rwv ov-rwv 'tWV TCpay¡.uhwv Ti¡~ ouaíac; XIX¡ ttOWi.wv XIX¡ C71JO''rOÍX,WV '\"0~ ¡.r.t¡J.'Yj'rOic;, elxÓ'l"wc; Ó :Ewxpán¡c; ap.qmÉ· pwv ¡W¡ ... 7tOtehat ¡.r.vl¡¡.r.Yjv, a)J..Q. 'l"Wv ¡Uv TI¡v SÓXY)at\1 i:.).$.rx.wv xal '\"0 XevOV Ti¡~ q¡anaalac;, ... ~ S& '\"Ov Eveeaa¡.r.Ov i:.xcpalvwv xal 'r"i¡v 7tepl 'l"Wv ~'Yj'l"Ov¡.r.ivwv evSe:~tv, ~\1 7tpo'l"tL\IOVGtV '\"Otc; a'JYOpaV owa¡.r.évotc; i:.v6ovatci~vuc;. Sur la faculté de awopav, cf. ARIST. Métapli., 8 6, 1048 a 37; Rhét., A4, 1359 b 31; Des vertus et des vices, 4, 1250 a 33: a'J'Itoeiv 'l"oUc; x~Úc;. Cf. KwoN CHANG- UN, La ovv6(xxo~ inductive d'apres Aristote, these, Athenes, 1985, pp. 9 et suiv. 165. Cf. in Crat., 31, 3-4; 27-28 P.; ibid., 40, 23 - 41, 1 P.: -ra ¡.r.&v AÉ'ye'l"at xa'\"a ¡.r.l¡.r.'Y)Gtv .•• 'l"a o& xa;!i &:vaq¡opav TI¡v 1tpOc; iupov. 166. Cf. PLAT., Rép., m, 398 a: i:.pícp a'l"ÉIJ¡av;ec;; cf. in Crat., 29, 15-20 P.: ota -rl ó IlÑhwv, -roUc; 7ttpt nÜ¡.r.Y)pov 7tOtYj-r&:c; wc; (lt¡J.'Y)'rac; i:.xEíáM.wv -ri¡c; éav-roü 7tOAr.-rt:íac;, vüv (Rép., m, 391 d) Wc; Év6Éovc; IXU'\"Ouc; eiaáyet xa&t¡ye¡.r.Óvac; 'rW\1 ovo¡.r.á-rwv ñ¡c; op6ó'r'Yj'l"Oc; ... ~ i:.xei ¡W¡ &:volxetov ~v -ro 7tOtxtAov Tijc; ¡J.t¡J.i¡aewc; ~6eatv áTC'Ao~ xal aota· (1'\"~tc;, E\1'\"IXOOIX O& xat 7tiXV'riXX,OÜ '\"0 ev6ovv IXU'rW\1 ayaTe~ xal &:a7tá~t-rat; 167. Par l'intennédiaire des Muses; cf. in Crat., 91, 16-17 P.: ta'l"ptx~c; ... !J-IXV-rtx~c; ... 'l"~tx~c; ... ¡J.Ovatx~v; 103, 20-23; 105,6-7 P.: x.op'Y)yov ... i:.vap¡.r.ovlov ~~e;. 168. Cf. supra, p. 26 et la n. 76. 169. Cf. in Crat., 100, 11-20 P. ¡170. Cf. in 1im., l, 197, 8-10 D.: M ¡Uv Tijc; 6vaíac; ¡J.t¡J.oÚ¡J.e6a 'r"i¡v 7tpcxx-rtx~v au-ri¡c; (-ri¡c; "f\.6-t¡vac;) i:.vÉpyetiXV, Ota ot '\"OÜ Ü¡.r.vov 'r"i¡v 6ewp'Y)'l"tx~V. ll en est de meme
L'JMITATION
159
déguisée de l'activité divine, qui interviennent dans le domaine esthétique171. '\ Pour ce qui est de l'imitation artistique, la question se pose de préciser si l'artiste s'inspirera des intelligibles (informes) 172 pour les revetir directement d'une forme imaginative ou d'uile apparence sensible au niveau de la nature173 • Tous les connaisseurs, plus que le commun des mortels, sont capables d'imiter correctement; mais les imiter, eux, est chose extremement pénible: tout revient a une question de savoir-faire 174Al importe toutefois de remarquer que les connaisseurs peuvent imiter tout le monde. Comme des paroles, il en est de meme des sculptures. n s'agit toujours de l'imitation d'une imitation, et { ainsi de suite. A partir des réalités naturelles, et a travers les réalités artistiques, on remonte aux réalités vécues par l'ame, et meme au-dela, 11 aux réalités intelligibles. L'reuvre d'art s'avere une occasion et un point de départ approprié vers une telle remontée 175 • Quant au domaine de la J
l
des pratiques théurgiques; cf. Théol. plat., V, 8, 262 P.
160
161
LA CRÉATION MUSICALE
I.:IMITATION
dramaturgie, commun a la poésie et a la musique, il est propice aux m~mes agencements, malgré les réticences de Platon176• Chaque art possede ses secrets que tous ne peuvent partager a la fois; il en ressort (a) la nécessité d'une spécialisation des artistes; et (b) que le mélange des arts est contre-indiqué177. Au cours du processus d'imitation, partie du processus général de création, 1' artiste met 1' ensemble de ses facultés mentales au service de son activité. La prudence qui, d'apres Platon, fait partie de la quadruple racine de la raison pratique 178 et se trouve associée a la recherche du kairos et de la mesure 179 lors de toute entreprise humaine, est au m~me titre nécessaire lors de l'activité artistique, si l'artiste désire éviter de
pécher par exces ou par carence. La mesure est étroitement associée a la pensée et au savoir-faire de l'artiste, a défaut de quoi l'ceuvre en ·\ instance d'instauration risque d'~tre g~chée 180 . Cette constatation, qui met en présence les notions de mesure, de prudence et de kairos sur le plan de· l'imitation artistique, semble contredire l'affmnatíon aux termes de laquelle la prudence est étrangere au domaine artistique181 . Or Proclus prend soin d'expliquer que cet avis est émis par Porphyre et qu'il n'en assume en aucun cas la paternité. En conséquence,les deux passages, surtout si l'on inverse la signification du second d'entre eux, ne sont aucunement incompatibles a ses yeux. 11 serait d' ailleurs curieux que l'affirmation (négative) attribuée a Porphyre pilt convenir a Proclus qui se range ouvertement du coté de Platon et d' Aristote pour ce qui est de la notion de médiété. ( Mesure et kairos sont done les criteres essentiels de l'imitation ) réussiei8 2 qui marque l'issue d'une lutte dialectique 183. L'art contribue non seulement a imiter un modele donné, mais aussi a en préciser davantage les caracteresl84, m~me si le résultat final ne peut jamais dépasser l'objet intelligible imité 185. En revanche, on trouvera des imitations normales d'intelligibles au niveau de la nature. Au niveau de 1' art, 1' imitation peut ~tre tant soit peu faussée par rapport aux idées imitéesi86, paree que l'imitation artistique est soumise ades impératifs formels qui excedent les normes valables au niveau de la nature. Ce que
ouaícxtc; 'rWv dowv únóa-taaw ... ~ 01: E'tt xcxl 1tp0 -tcxún¡c; -rl¡v Ele; -=~ o/.rt.O:c; &vw6ev r.po~J.6oüaav 't"ij; OlJfJ-touprícxc; r.oPttAícxv -rwv eloW'I •.. ~ Oi re r.?w-;ían¡ -r+¡v t'l ex u-rote; 't'oic; ov-rwc; ouat -rwv elowv otcxxóa¡J.r¡atv; in 1im., I, 263, 4-6 D.: -;oÜ't'o 01: (-ro "(t"(''Ó(Jot'IO'I (JotX'tO'I) 'tOÜ'tO 01: 01tOU ¡.¡lv ta't't 6tóc;, OltOU 01: voüc;, OT.O'J ai: 9~~. 07t0U oi: C(':mc;, Ór.ou 01: 't'ÍX,'I'r) -rtc; (Jot¡J.ou¡.¡lvr¡ -rY¡v cp\¡atv. Cf. E. MOUTSOPOULOS, Ellcá(&rv ... , loc.cit.; On comprend mieux le statut de l'reuvre sculpturale en le comparant ll celui, tout ll fait analogue, de 1' reuvre picturale. Cf. in 1im., l, 60, 11-15 D.: e1 Oi: xcxl cxu-rT¡v TI¡v elxóvcx axontt'l E7ttX,ttpoÍr¡c;, -rO: ¡J.i:v xriM. ~ciJa -rO: -ri¡) xcí)Jift r:~).iy.r:ov't'CX or¡Aot, -ca 01: E:x rp~X(p'ijc; elprcxa¡.¡lvcx ~ xcxl ~W'I-rcx &J.r¡6tvWc; -rO: xcxl aW(JoCX'tPt~ eixóvcxc; tntoetx'VÚfJ-tvcx xcxl ~w&c; &J.r¡6tvac; 7tpO 't'oÚ'rwv -rwv fJ-'fJ-lJfJ-CÍ'rwv; cf. ibid., I, 66, 29-32 D.: 7tpOatí6r¡at 01: ó IIopcpúptoc;, O't't wanep 't'Oi<; ~pácpotc; oU 1tCÍV'tiX fJoi!L'Ij't'CÍ, otov 't'O (Jot6r¡fJ-tpwov cpWc;, oÜ-rwc; ouOI: -rote; r.otr¡-rcxtc; ~ ~~ 'tl¡c; &pían¡c; 7toh-;cLa:; ~rcepaípouacx -rY¡v oÚVcx¡J.tv a\i't'wv. n apparait que l'reuvre d'art, aussi esthétiquement réussie soit-elle, ne peut rendre absolument la réalité pour la raison supplémentaire qu'elle en est em¡>echée par manque (provisoire) de moyens techniques. 176. Cf. in Rempubl., I 50, 29- 51, S K.: oúo 't'OtW'I 't'cxÜ't'cx 7tE7tOÍT¡-;at -;ov II'Nhwvcx (Jo+, 1tpoaÉa6cxt 't'piX"(C¡.JOÍCXV xcxl XW(J-C¡.JOtav ele; -rY¡v op~v 7tOAI't'EtaV w~ o#cxc; o~cxc; anouOijc; -rote; vÉotc;, &v ¡J.i:v 't'O 1tOPtíAov ... 't'W'I E:v 't'CXÚ-rextc; ¡J.r.¡L~aewv, &-;~v 01: 't'O 't'WV r.a6wv a(Ú't'pwc; Xt'l'r)'ttXÓV, a 6oÚAE't'CXt aua-rtAAet'l xcx-r& OÚ'IcxfJ-''1. Cf. H. KoLI.ER, Die Mimesis in der Antikeoo., pp. 39 et suiv.; E. MOUTSOPOULOS, lA philosophie de la musique dans la dramaturgie antique, pp. 174 - 175; lDEM, D'une application de la catégorie esthétique du risible: la catégorie esthétique du comique d'apres Aristote in D. KoUTRAS (éd.), Aristotle's Poetics and Rhetoric, Athens, «The Lycelllii», 2004, pp. 193201. Cf. ARISTOTE, Rhét., r18, 1419 b 3-9. 177. Cf. in Tzm., 1, 155, 20-21 D.: r.cívnc; "(ap o~ao'l't'cxt 7tCÍV'tW'I -.é¡J (Jo~ EXCXa't'O'I r.oAAO:c; (Jot'tttvcxt 't't"X,VCX<;; cf. ibid., l, 263,4-6 D. Cf. supra, et la n. 175. 178. Cf. E. MoUTSOPOULOS, De la quadruple racine de la raison pratique chez Platon, Athéna, 69, 1%5, pp. 12-16; Structure, présence et fonctions du kairos, pp. 150-157. 179. Cf. IDEM, Le vio! des symétries, loe. cit.
ano
180. Cf. in 1im., I, 320, 17-21 D.: &AA' EO:v (Jo~ rnxp'ij 't'tx:;r¡ xcxl voüc; lcx-rptxOc; &~rÍ ~wv -ro (J-É't'pov ... (ó or¡fJo~oupyóc;) cp6dptt -ro éíAov OO.· ou yap aX,E -roü yt'¡"'IOJbou 't'O aOcx;. f 181. Cf. ibid., I, 159, 11-12 D.: ou reir ta't'tv cxu'ti¡c; (ñjc; cppo~ewc;) 't'o JOcx; 't~"X,VPtÓ'I, wc; cpr¡at IIopcpÚptoc;, ~ 7tpbc; 't'ÉX,VCl<; tmTI¡oetO'I. 182. Cf. H. JoNES, Le kairos mene-t-i! au pragmatisme?, Diotima, 16 1988, pp. 100-105. .J-. 183. Cf. in 1im., I, 21, 12-13 D.: oo• oU7tw <0'> am¡}.)a"((J.ÉVl)c; 'ti¡c; p.áxr¡c; xcxi 'tWv · &ywvwv -rW'I otaA&x-rtxwv. 184. Cf. ibid., I, 401, 6 D.: 7tOAAa "(ap ~ 'tt"X,'I'r) ¡¡4AAov axpt6oi; cf. ibid., II. 132, 30 - 33 D.: 't'OÚ't'W'I "(cXp O&ta6cxí cpr¡cm cxu-.Oc; 't'0:c; OTJ¡.t.IOUp"(tXO:c; 't'ÉX,vcx<; ~ 1taaWv ~ 't't'IW'I ~cxt a~EU -roú-rwv (Jo~_lx.ew 't. &xpt6Éc;. lxt 01: npac; r.áacxc; '
ou
o
'ta
1 1 l'artiste s'efforce d'atteindre, c'est la fmalité («saos fin», daos le cas des
\ beaux arts, par opposition aux créations de la technique) 187. L'imitation des modeles ne vise pas essentiellement leur ensemble, mais peut en tout cas n'en etre qu'une imitation partielle 188. Tout en étant pluridimensionnels, rayonnant · dans plusieurs directions, ces modeles ne sauraient etre saisis esthétiquement que sous une forme ·précise autant que particuliere189. L' opinion de Proclus diverge de celles de Xénophane et de Platon quant al'estimation du fondement de la pratique des poetes; s'il est osé, de la part de ces derniers, de dégrader les dieux au point de leur attribuer des vices propres aux hommes, il est, par contre, utile de recourir aux poemes homériques pour y rencontrer des exemples de vertu, cette vertu que Socrate se donne la peine d'enseigner au jeune Alcibiade 190, et qu'il est plus facile d'évoquer que de pratiquer191 . A
f
r:;)
L'IMITATION
LA CRÉATION MUSICALE
162
1tp0~ ';0 VO'Y)'t0\1 EtxGta6t\l'tGt 'tQ:
a
o.;
propos de poétique, au seos de création artistique, il est moins difficile d'imiter que de se faire imiter192. Socrate, lui, donne l'exemple de \ l'imitation correcte des modeles de conduite civique, tout en créant des modeles de comportement que d'autres imiteront, et qui sont autant d'hymnes en l'honnetir de la cité d' Athe~es 1 93 • Solon et Critias auraient de meme illustré, par leurs propres paroles .· et · actes, leur activité imitative 194. Pour etre sérieuse, une imitation de paroles doit respecter : les rapports réels qui existent entre l'imité et l'reuvre imitante 195. il en i résulte que l'reuvre d'art sera toujours inférieure ason modele, quel que \ soit le niveau ontologique de celui-ci 196. / 11 ressort nettement de ces analyses que 1' activité musicale est, au meme titre que les autres activités artistiques, un effort imitatif qui obéit, exactement comme ces autres activités, acertains principes et suit nécessairement certaines regles. Le premier de ces principes est celui de dérivation, analogue, mais non identique acelui de procession, au seos que la procession désigne une naissance directe, alors que la dérivation s' entend comme une création grace ala médiation de 1' artiste ou, daos le cas des produits de la technique, de l'artisanl97. Le deuxieme principe est celui de particularisation: le résultat de l'imitation est toujours d'une envergure moindre que celle de son modele, d'ou son importance réduite. Un troisieme principe, associé au précédent, est celui de concrétisation, en vertu duquell'reuvre d'art est un etre esthétique qui ne souffre pas d'etre répété, au cisque de devenir un produit d'artisarial Unique et irrépétible, il porte le sceau de la personnalité de son créateur. Les regles arespecter par ce dernier sont (a) l'imitation de modeles qui
a
d'un rappel des formes d'imitation aux niveaux ontologique et cosmologique. 190. Cf. ibid., 1, 64, 2-3 D.: 7tpO<; 't0:.; XGt't' &pe:~v 7t~Et.; &pxoüaá. ta·m Y¡ 7tGtp' 'OfL'Í¡pt¡J ~Í~'Y)at~. Cf. XÉNOPHANB, fr. B 11 et 16 (Vors., D.-K. 16, 1, pp. 132,2-4 et 133,67; cf. PLAToN, Rép.• m. 391 a-e; cf. in 1im.,I, 58, 10-11 D.: (aí 'ti).; ')'tvtaEW<; auvá.¡J.Etc;) &vcx).oyoüat 'tOt~ 7tOtTJ'tGtt~ 'tOt<; ~ú6ouc; 7tÑi't'tOUat XGtt ¡J.t~TJ'tGttc;; ibid., 1, 67, 17-20 D.: t
,.
'
t
\.,
'"\ 1
-
.,
'
"L
1
,
1
'rtVE<; OU\1 ttat 7tpOO'TJXO\I'tE<; tJ.!~TJ'tGtt Ep"¡'W\1 XGtt AO')'W\1 't'Y)<; Gtptan¡t:; 7t0ru'tt~, tt tJ.'Y)'tE Ot r.Ot'Y)'tGtt tJ.~'tE OÍ aotpta'tGtt; OU'tOt a~ tLat\1 ... 7tOAt'ttXOt XGtt tptMaocpot. . ..1_ 191., Cf. ibid., 1, ~5, ~-?D.: ~oxt~ lilp e:(~Gtt ~pq.ov ,tJ.t¡J.Eia6~t -t,ou.; ~-y~.; ~ 'ta t,PyGt. y aQ?tO"tEUOVat ')'OW OUX Oru')'Ot (J.E'X,Pt NJ'YW\1 t7tt<>EtXW(J.E\/Ot 't'Y)\1 Gtpt't'Y)\1, tp'{IP a• GtU~
1tGtV'tá.7tGtat\l a7tcpXta¡livot. 192. Cf. ibid., 1, 65,9-17 D.; cf. ibid., 1, 89, 22-25 D. Cf. supra, p. 162 et la n. 188,
apropos de la particularité des irnitations artistiques.
.
.
193. Cf. in 1im.,I, 71, 27-72,4 D.; ibid., 1, 72, 27- 73, 1 D.: dxÓ'tW~ oW xGti ó :Ewxpá.'t'Y).; ~ nounÍGtv ... &v11Aatiwv XGti 7tpW'twc; M 'tGtÚ't'Y)c; ¡u~-r¡aá.(J.EVo.; -to nciv GtU'rO~ tJ.&v t7tt ~e; ofov ouaÍGtc; rapuatv tGtu-.óv, &ve:-yttpEt ai: XGtt IDou~ d.; 't0\1 M-yov, ói ~v aúvGt¡J.'Y)V ÚfL'I'Í¡crouat ~.; 'tOtGtÚ't'Y)<; r.ókwc; ... 194. Cf. ibid., 1, 91,21-26 D. 195. Cf. ibid., 1, 65, 27-28 D.: Y¡ ~.; t\1 'toi.; 'f..D-yot.; ~~fL~crEWt; aVO¡J.OtÓ't'Y)<; Xc.t'taytÑia'tOU<; a1totpctÍVtt 'to!J.; ~t¡J.'Y)'tá..;. 196. Cf. supra, pp. 159-160, et la n. 175. 197. D'oill'opposition des termes r.otlJ~c; et 'tt'X,VÍ't'Y)c; au terme 7tGt~p.
164
LA CRÉATION MUSICALE
a
incitent la vertu; (b) la considération de la dialectique entre servitude et liberté d'expression artistique; et (e) la garantie de la continuité des diverses manifestations dans le secteur de l'art. . Si telle est la situation des arts envisagés dans leur totalité et si telle s'avere la responsabilité de tous les artistes soucieux d'engendrer des reuvres valables et durables, force nous est de reconnaftre la situation exceptionnelle de la musique et l'importance de la responsabilité du musicien qui crée en imitant, compte tenu de l'effet de la musique tant sur son ime que sur les limes des auditeurs. Le respect des príncipes et des regles de l'imitation devient pour le musicien une obligation maje~re. Proclus ne foumit pas de plus amples détails ace sujet, mais i1 ne fatt pas de doute qu'il accepte, en l'occurrence, les conceptions de Pl~ton qu~ affiche des con~idérations précises sur ce que doit etre pour lUI, du pomt de vue esthét1que, la «bonne musique» 198. Produit, a plus d'un égard, merveilleux, d'un processus imitatif, l'reuvre musicale est, a la différence des produits des autres arts, un etre esthétique a la fois p~ssager et ~~r~ble, une donation au concitoyen autant qu'un hommage drrect a la d1V1Dité, par le respect de l'harmonie cosmique et universelle qu'elle reflete et dont elle peut témoigner par sa propre individualité. Aboutissement d'un processus dialectique descendant, a partir d'une entité intelligible informelle dotée, en cours de route, d'une forme qui lui est octroyée grAce a l'intervention de l'imagination 199, elle devient, en meme temps, le point de départ d'un processus dialectique ascendant qui, par son irradiation esthétique, entrafne les Ames jusqu'a l'univers des réalités par excellence200.
\
CHAPITRE 11
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL L' emploi du terme de paradigme au sens d' exemple est assez fréquent chez Platon 1, mais l'est davantage encare au sens de modele2• C'est dans cette acception que le terme est repris par Proclus, surtout a partir du Commentaire sur le Parménide 3• En tant qu'exemple, le para·
l. Cf. PLAtoN, Théét., 154 e: a¡.ux¡¡Ov ).a~& 7ta¡¡áotL"(IJ4; Soph., 251 a: 7ta¡¡áotL"{!J4 th:é; Polit., 277 c-d: xaf..rrr.i:N ... (L~ 7ta¡¡@tÍ"((LQ.aL "X.PW(LtVOV íxav~ tvotÍxwaflai 'tL; Phedre, 262 e: ovx E"f.OV'tt¡; íxava [email protected]Í"f!J4'ta; Po/it., 277 d: 7trJ.fXXOtÍ"f!J4'to~ ... xal ,;o 7ta?á&L"((LQ. au,;o o&Ob¡xtv. Pour une définition de cette acception et de l'utilité du paradigme ainsi con~. cf. Po/itique, 277 d-e: xai.E.rtov ... (L~ 7tapaOtÍ"(!J4aL 'X.P~v Íxavw~ ev&íxwa6aí 'tL 'tW\1 (LtL~ ... (Lesjeunes) 'tW\1 a'tOL"f.tÍwv é!xaa,;ov E\1 'tCXi~ ~pa. ')'.:r:ci'tcxL~ xal P4a'tcxLt; 'tWv au/J.a.~(;)v íxa~ OLCXL?'Oávov,;cxt, xcxl 't!iA't)6Tj ~pá~LV 7ttpt EXtivcx OWCX'tot "{t"(VVV'tllL ... ; ibid., 278 a-e: 'tCXU'ta Oé "(t 'tCXÜ'ta ... a~L"(VVOW'tt~ 7ttXAL\I Oóq¡ 'tt ~tuoonru xai ).úy!p. La méthode pour y remédier consiste a&:v!irtLv nrW'tov t7t' bttivcx, EV oÍ¡; 'tCXU'ta 'tllÜ'tCX op6~ &Oó~a~ov, aVCX"(CX"(Ov't~ o& 'tt!ltvcxL 1ta¡la ,;a rT¡7tw "{L"(\\WT.tÓ(LtVCX, xal 7tClpa.~AAcm~ tvOtLXWVCXL ..Y¡v cxu..Y¡v Ó¡.wLÓTI¡'ta xai
o'l,
wt;
"a
198. Cf. La musique ... , chap. La bonne musique, pp. 309- 315. 199. Cf. Lesfonctions de l'imaginaire..., pp. 243 et suiv. 200. Cf. Platon, idéaliste ou réaliste?, loc.cit.
166
A-
'(
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL
d!gme intéresse a peine 1' ontologie, tout au plus 1' épistémologie proclu· s1enne. Par contre l'idée du paradigme-modele se trouve au creur meme du systeme. Le principe auquell'existence de tout paradigme obéit est celui .d'une relation nécessaire entre une forme authentique et son propre subst1tut, son dérivé, sa réplique, son reflet, son simulacre qui, lui, n'existe qu'en vertl,l d'une tolérance exprimée en tant'que flexibilité4. I1 ne f~ut j~ais perdre de vue que, dans le systeme de Proclus, chaque entlté existe par la volonté de celle quila précede et qu'elle imite par son comportement en gravitant autour5 d'elle, a commencer par les hénades qui comblent le vide entre l'Un et l'Intellect6, et ainsi de suite jusqu'au niveau de la nature sensible, limite extreme du processus e~ cause. L'Un n'est done que le paradigme virtuel de toutes les hypostases quise_ suive~t a la chaine, mais ne crée pasa proprement parler, puisqu'il prodmt par Simple surabondance et demeure, quoi qu'il en soit, transcen· dant et, avant tout, imparticipabl'e. Ce sont les dieux, supérieurs mais aussi inférieurs, ceux-la memes qui s'intercalent d'une part entre les hénades et l'Intellect, d'autre part entre l'Intellect et l'univers, qui assum~~t la production du Tout lequel, a s~n tour, bien qu'étant corporel, participe néanmoins de l'Intellect et de 1' Ame7• D'ailleurs,les dieux euxmemes sont con~us comme des paradigmes, a cóté des intelligibles, et il en est de meme tout au long de la hiérarchie des etress. Enfin, Proclus
s'insurge contre ceux des «platoniciens» (ainsi les qualifie-t-il) qui vont jusqu'a prétendre qu'au niveau du monde sensible les choses naturelles, '\ mais aussi celles qui existeraient contre nature, disposeraient de modeles intelligibles9• ll se rend pourtant a l'avis de Platon selon qui, Al'intérieur de l'univers, l'homme forme un véritable microcosme qui possede en particulier ce que l'univers possec;le en totalité 10• Dans cet ordre d'idées, tout dérive d'un paradigme producteur dont il est l'imitation destinée, elle aussi, a produire des imitations d'imitations. Or chaque production remonte au paradigme supreme que le produit imite directement ou indirectement 11 • Aussi le paradigme s'affirmet-il comme la cause meme de son dérivé. Le régine des causes qui interviennent dans le cadre du systeme proclusien est extramement compliqué: bien qu'admettant leur classement en catégories, les di~ verses causes sont de meme strictement hiérarchisées; elles reuvrent toutefois chacune indépendamment des autres, et selon leur maniere propre12 • En fait, non seulement elles-sont disposées en fonction les · unes des autres, mais il leur arrive aussi de s'en détacher pour se ) comporter librement. On rencontre encore, ace propos, 1' un des parado-
l .·.!
167
LA CRÉATION MUSICALE
~'tÉov¡ Rép.•., VI, 484 e: o[ ... 'toii ov't~ Éxáa"tou ea'ttpr¡(.LÉvot rijc; yvwaewc;, xal (.L'r)OEV e:vapyec; ... t"X,ovnc; 7tapiÍoety(.LCX; ibid., VI, 500 e: o{ 'ti¡J 6d~¡> 7tapaotÍYf.LCX'tt 'X.PW(.LEVOt ~wypiÍtfOt; cf. ibid., VII, 540 a et Théét., 176 e. 4. Cf. E. MOUTSOPOULOS, Thlérance et équité, Diotima, 27, 1999, pp. 159-161. 5. Cf. supra, p. 70 et les nn. 61-63. 6. Cf. L.M. GRUNDIJS, L' Áme, le Noíis et les Hénades dans la théologie de Proclus Mededelingen van de K. Nederlandse A!wd. van Wetenschapen, Alterkunde (n.s.), 23: 1~012, PP·. 2942; Cf. E. MOUTSOPOULOS, L'Un et la fonction architectonique et éplstémol~g¡que des hénades dans le systeme de Proclus, Diotima, 28, 2000 pp. 75-76. 7.,Cf.l,n Trm., 1, 217, 19-22 D.: &m) 6e:wv 7tapiÍj'E'tCXI 'tO miv, t7ttt xal 7tO)J.o.'X,Wc; av 'ttc:; -rc:v xoa!Lo,v, 6e:wf~cr;te:v, ~.~a-ra.. -ro O"~f.LCX;oe:tOÉc;, ~ xa6' ooov ~U'X,Wv I.I.E'tÉ"X,tt (.LEp!.XWV 'tE XCXI o"'Arx.wv, 'r) Xa6 OO'OV EWOu<; EO''tiV. ~·.e~. ibid., I, 437, 2-7 D.: E:m:to~ yap -ro 7tapiÍottYf.LCX 'toü 1tav-roc; &a-rt (.LEv aeóc; (cf. au~Slibul.: n._ 133: ~-25 ,0·2• la:1 ~ xal vo~-.ó,v, t~TI OE xal ~wljc:; 'X,Opr¡yóv, &cm o¿ xa! vouc;, xa-.a (.LEV\ -ro e:v \ CXUTI¡) 6e:tov eva 7tOIEt -.ov xoorLov xa-.a O& -.o E... xal -ro \IOYI'to'v ,....A-.... , ~\ " \ \ ' \ í" ' •J atv_v•¡'tov: xa-ra ,"e, TO e:! ~al -ro vor¡-rov xat ~v ~v t(.L~U'X,OV xal ~v, xa-.a o¿ 'tCXU'tCl 7tClV'tCX XCll -.ov \IOUV EWOUV.
9. Cf. ibid., 1, 435, 7-10 D.: -.ó ye: 11-~v xa..a q¡úatv 7tpÓO'xe:t'tat 1tiÍvu 6auf.LCXO"tWc;, tVOtr.xVÚ(.I.tvov, lht 'tWV ev -ri¡J XOO(.LI¡) 'ta vor¡-ra 7tapa&ÍY(.LCX'tiÍ tO'TI 'rWV XClTtX
-.a
-.a
+
a
¡
j1.
i¡
ii.~·
1
.· .
;
m·
168
f.
LA CRÉATION MUSICALE
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL
xes de l'ontologie de Proclus lequel reconnait aux diverses entités qu'il distingue, des statuts et des fonctions a la fois unitaires et multiples. Cene multiplicité perturbe peut-etre l'agencement rigoureux du systeme, mais lui contere, par contre, souplesse et subtilité qui le rendent, on ne !'aura jamais trop répété, apte a permettre la solution de problemes autrement insolubles. D'ou l'essor du néoplatonisme, dans son ensemble, et le respect dont les philosophies ultérieures ont témoigné a son égard 13• Dans un long passage 14 Ie Diadoque pose une série de questions sur la notion de paradigme, appliquée a la réalité cosmique et interprétée sous cet aspect successivement par quatre penseurs «platonisants». Plus précisément, Atticus 15 se demande dans quelle mesur~ le démiurge du Timée est inhérent au vivant intelligible créé: dans l'affmnative, il serait imparfait; dans la négative (conjecture qu'il retient), ce meme démiurge, entité parfaite, serait placé au-dessus du vivant en soi. Porphyre, pour sa part, réserverait au démiurge un rang inférieur a celui que lui reconnait Atticus, exactement au meme niveau que sa création 16. Jamblique, lui, aurait suivi une voie moyenne en admettant l'identité du démiurge et du paradigme de la création 17 • Enfin, Amélius, le grand rival de Porphyre, distinguerait deux catégories de démiurges tres inégalement répartis: aux
premiers d'entre eux il assimilerait les intelligibles; aux autres, les etres. A ces considérations, tant soit peu divergentes, qu'il s'abstient \ de critiquer ouvertement, Proclus oppose simplement sa propre vision d' apres laquelle le vivant en soi existerait déja avant le démiurge, en lui et apres lui 18 • Cette vision synthétique mérite d'etre analysée. En effet, le vivant en soi ne saurait présenter la meme modalité d'etre au cours des trois phases successives de son existence par rapport au démiurge, ce qui, pour l'un comme pour l'autre, supposerait un cadre de temporalité, alors qu'on se trouve encore en pleine éternité, sauf en ce qui concerne la troisieme phase. Cette succession d'états ne peut, des lors, etre envisagée que sous l'aspect du kairos 19• Le fait central du processus se situe inconstestablement au niveau du «stade intermédiaire» (qui n'en est pas un a proprement parler) de l'inclusion non plus du démiurge dans le vivant, hypothese qu' Atticus lui-meme aurait rejetée20, mais du vivant dans le démiurge, a tel point qu'il suscite son «éjection»21 • Il n'est pas question, a vrai dire, d'une expulsion, puisque le vivant n'est pas mauvais en soi, bien au contraire, mais d'une sortie, d'une «mise au monde». Jusque-la, le vivant existait, disons en puissance. Sa naissance marque le passage d'une volonté (a travers une conception qui, a un moment précis, s'identifie avec cette volonté) a une action a partir de
13. A commencer par le pseudo-Denys et, a travers lui, Jean Scot Érigene; cf. F. ROMANO, Proclo e l'Eriugena. Giomale di studio con Jean Trouillard, Unione e amicizia, Omaggio aF. Romano, Catania, GUECM, 2002, p. 20. 14. Cf. in Tim., I, 431, 14-30 D. Cf. A.-J. FEsrooffiRE, Proclus, Commentaire sur le «Timée», ,tl, livre 1, Paris, Vrin, 1966, p. 309. 15. A ne pas confondre avec le «Sophiste» Tibere Claude Hérode Atticus, son contemporain (Ir siecle de notre ere) et l'épicurien Titus Pomponius Atticus, contemporain et ami de Cicéron (1" siecle avant notre ere) .. L' Atticus en question, commentateur de Platon (Timée) fulminait contre Aristote qu'il accusait d'avoir intentionnellement déformé l'eriseignement de son maftre, mais interprétait lui-meme la cosmogonie du Timée en y introduisant l'idée du temps. Des fragments de ses écrits sont conservés chez EUSEBE, Praeparatio evangelica, XI, e, 1; XV, e, IV, VI. Cf. E. DES PLACES, Atticus, Fragments, Paris, 1977. 16. A un moment donné, Porphyre considéra 1' Áme hypercosmique comme le démiurge de l'univers autant que comme son paradigme. Cf. A. F'RANCK, Dictionnaire des sciences philosophiques, Paris, Hachette, 1875, p. 1366 a. Cf. PORF1R!O, Commentario su/ 11meo (jrammenti), éd. Sadano, Napoli, 1965. 17. Cf. Jamblichi chalcidensis in Platonis dialogas commentarium fragmenta, éd.
J.M. Dillon, The Hague, 1973. 18. Cf. in 11m., 1, 431, 28-30 D.: ó ~¡ú't'tpo¡:; ),óyo¡:; t!wtL ¡úv cpY)O'L 't'O IXU't'O~'I XIXt 1tp0 't'OÜ Ol)fl.tOUp)'oV XIXt i'J 't'i¡J OlJfi.LOUp)'i¡J XIXt fi.E't'a 't'Ov 01Jf1.t0Up)'ÓV. Cf. infra, p. 186 et la n. 24. 19. Cf. Structure, présence et fonctions du kairos chez Proclus, chap. «Kairos et univers créé», pp. 67-83. Cf. Él. théol., § 131, p. 116,21-22 Dodds: 'tO ot r:AT¡pt<; IXV't'tXpxe<; p.6vov, oi»tw (nous soulignons) oé, ti<; fi.E'táOootv E'tOtfi.O\I; cf. ibid., § 114, p. 100, 25-27 D.: d ot i¡v Évac; tJlv oux airtO'tEA~c; ~ IXU'tO't&A~<; tJlv Y¡ tntÓO"tiXO"tc; ouxÉ't't Évá<;, de; É'tÉpav av há't'tE'tO 'tá~tv M 't'i¡v ñjc; lotÓTI)'tO<; E~riJJ.n:yr¡v. 20. Cf. supra, p. 168 et la n. 15. 21. Cf. G. GALLAVOTII, L'estetica greca ne1 ultimo suo cultore, Memorie de/la Reale Academia de/le Scienze di Torino, 2, 67, 1930, notamment pp. 26 et suiv.; cf. le compte rendu de W. SCHMIDT, Gnomon, 1, 1931, pp. 251-256, notamment p. 253: «Die interessante Benutzung der aristotelischen KáO~:tpat<;·lehre bei Prok1os ... a7tÉpaat<; ... ». Cf. notre Nausée et «catharsis des passions>>, Diotima, 1O, 1982, pp. 76-78, et les n. 20 et 21. Cf. Él. théol., § 138, p. 122, 17-18 D.: 'tO yap ouváf!.Et ov, oi»tw (nous soulignons) ot ov (c.a.d.la copie), EV EO''tt XIX'ta 't'i¡v ÉIXU'tOÜ crúo-tV' XIXt 'tO fi.E'ta 'tOÜ'tO l\olJ EVtpyt~ ov.
169
oe
oe
oe
170
LA CRÉATION MUSICALE
laquelle le vivant atteint un stade d' existence en acre, quasi autonome. Ce n'est done que sous l'aspect d'une kairicité, indépendante de toute temporalité, que la vision proclusienne peut etre valablement concevable et interprétée de maniere consistante. La référence du Diadoque a ses devanciers sur la double relation entre cause, paradigme et objet créé, sous le signe du kairos, momentou-jamais unique et irrépétible situé a l'intersection des axes dupasencore et dujamais-plus, offre par conséquent la possibilité d'envisager sa théorie sous un jour nouveau. Dans un premier temps, on constate " que sa formule se rapproche davantage de ceBe d' Atticus, seule valable entre les deux hypotheses émises par ce dernier, apres le rejet de la premiere comme absurde22. En effet, le vivant en soi, tant qu'il existe en puissance, réside dans l'intellect du démiurge jusqu'au moment kairique ou il en surgit en acte sous forme d'univers réel. Or, on sait qu' il est calqué sur un paradigme sur lequel le démiurge est supposé avoir sans cesse le regard fixé23 • 11 découle de cette confrontation que le statut du paradigme dont le vivant s'avere le calque et la réplique, est et demeure celui d'une réalité unique tant que ce double n'existe qu'en puissance. 11 y a done deux vivants en soi dont l'un ne cessera d'etre le paradigme conformément auquel 1' autre a été confectionné et mené a l'existence réelle, ce qui ne porte nullement atteinte a la réalité constante et indéfectible du précédent. N'est-ce d'ailleurs pas la un comportement identique a celui de l'Un imparticipable? Ce n'est que sous cette lumiere que la triple affmnation de Proclus acquiert un sens. lndépendamment du personnage du démiurge, le paradigme du vivant en soi existe de toute éternité; mais, concu par lui, il existe désormais en lui et ce n'est que par projection que son calque prend naissance. Par son dynamisme, le paradigme est la véritable cause de la réalisation de
22. Cf. Les structures de l'imaginaire, pp. 167-175, notamment p. 172 et la n. 20, ou le statut de l'absurde se révele !tre celui d'un «!tre non étant ... présent dans la pensée au niveau de l'opinion, et prét d'étre écarté ... au niveau de la science». 23. Cf. PLATON, Timée, 28 a: Ót-r¡(Moupy~ 1t~ -ro Xet'ta -retina r:y,_ov bJJ:1twv cXtÍ; cf. in Tim., I, 3, 16-23; 5, 23-25; 9, 16-17; 12, 16-19; 13, 3; 22, 21-25; 121, 15-24; 134, 1722; 161, 10-12; 218, 8-11; 219, 4-8; 267, 6-8; 271, 11-15; 273, 18-24; 276,31-277,16; 335, 1-8 et 19-25; 335,28-336, 5 D.
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL
\
171
ce qui jusque-la n'existait (déja), grace a lui, qu'en puissance. La cause que represente le démiurge est une cause nécessaire a plus d'un égard, et qui, par sa présence et son activité, marque le caractere kairique de la cosmogonie. _ 11 s'ensuit que paradigme, caique et réplique, meme s'ils coYncident, ne peuvent etre identiques. 11 y aura toujours entre eux une différence de qualité et d'intensité, l'un s'affmnant, a la rigueur, comme une paJe image de 1' autre. Ce theme revient comme une rangaine, comme un leitmotiv, tout au long, ou presque, de l'exposé des Éléments de théologie. En fait, le dérivé s'accroche toujours asa source qu'il imite et dont il participe en lui ressemblant. Chaque divinité est done participable, sauf, bien entendu, l'Un qui n'est pas meme une entité, puisqu'il se situe au-dela de l'essence24 • Uniquement par analogie, la vie intellective se refuse a toute participation de la part de la vie corporelle, mais non de la part du vivant qu'elle anime. En outre, l'analogie de l'imparticipabilité passe par les niveaux intermédiaires de l'ame25 , de l'Intellect et des hénades elles-memes, dans les cas ou certaines conditions ne sont pas remplies26. En regle générale, la dérivation d'hypostases ou d'entités attire la déchéance (Ücptat~) du dérivé a 1' égard du principe dont il dérive27 • Il en est ainsi, par analogie, de la reproduction comparée au
24. Cf. Él. théol., § 116, p. 102, 13-16 D.: 1t~ Otoc; !J.EOtx-róc; ta-r1, 1tAT¡v -roü tvóc;. lb ¡.Uv yap EXE¡vo &¡Li6tx-rov, t~"Aov, t'va ¡t.~ !J.E'tE'X,Ó!JoEVOV xat -r1vOc; M -roü-ro yt'lquvov
¡.t.ljxÉ'tl1tlXv'tW'I Ó¡.t.oÍwc; ~ 'tWv 'tE 1tpOOV'tWV XCtt 'tWV OV'tWV al'-rr.ov; ibid., § 5, p. 4, 23-24 D.: XCtt tiÓ'tl 'tO (JoE'tt'X,OV 'tOÜ évoc; )(Ctt ev Ea'tiV a¡.t.a )(Ctt OU'X. &v, oii7tw t'ímÉan¡ iv, 'tOÜ 1t?W'tOU 7tA~6ouc; ov-roc;; ibid., § 25, p. 28, 21-28 D.: 1tav -ro -rÉAEIOV de; cX7toy&VV'Ijatlc; r;?ÓEIO"tv fuv tÚ'ICt'tetl 1tet¡¡áyttv, etÜ-ro (M(.t.OÚ¡.t.EVOV ...t¡v ¡.t.Íetv 'tWv ÓAwv cXp~V .•• lj 'tE yap -.E"At,ón¡¡; -r&ya6oü ¡.t.Oip¡i -ríe; ta-r1 xat -ro -ré"Atwv, "1) -rÉAEr.ov, ¡.t.I{U¡'tetL -r&.yaOóv. 25. Cf. ibid., § 188, p. 164, 10-19 D.: UXA' d ¡.t.Ev ~wv ¡.t.évov, ouxÉ-rl tE~~. la-ra1 Ex ~~ XCtt ¡.t.T¡ ~W~" oUX ~Ct ytvWaXEI É.etu-r+.v OUtt t"ltla'tpÉ
172
LA CRÉATION MUSICALE
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL
paradigme, lui-meme reproduit, qui, en l'occurrence, se comporte corome une cause28 . Le processus de reproduction est répétible a presque tous les niveaux ontologiques. TI occasionne non seulement la dégénérescence du produit, comparé a sa source, sa cause et son paradigme, mais aussi l'apparition d'une multiplicité de plus en plus ample au furet a mesure que 1' on suit le cours de la phase de procession a 1' intérieur du systeme29 . Plus on s'éloigne de l'Un et plus son absence se fait sentir3o. Mais, a !'instar de l'Un, ce qui frole l'éternité le fait dans sa totalité, meme s'il crée des entités dérivées, et ce sans etre privé de quoi que ce 31 soit • De plus, toute fune se conforme sur le modele de 1' Áme divine32 alors que les véhicules des funes particulieres reglent Ieur vie selon les' vies de celles-ci33.
v~va1~ li7to _.. wv ai.. íwv 'ta 7tapcx'"(Ó(J.tVa, xat \Kpéae1~ eiat 7t~ 'ta 7tpw'ta 'tWv ~tv'tépwv, 'ta fi-EV T.?W'ta 7tpot'A6óna avvij1t't<XI ~A'Aov 'tOt~ ahí01~, h' aU'tWv tXttvwv ex~ÑJ. a'tá.vona, 'tcX al: OEÚ'ttpa 7toppw-r:Épw 'tWv ai'ttWV e•nÍ, xat É~ Ó¡J.otw~ Sur la fonction
173
Diminution, déclin, décroissance, décadence, abaissement, déché~ ance, voire chute par rapport asa cause paradigmatique, font de l'entité "\ dérivée une réalité a peine autonome et nécessitant l'assistance de l'entité quila engendrée. Certes, cette nécessité diminue, a son tour, des que le dérivé imite son modele en engendrant ses propres dérivés34• n se crée, ici encare, une marge a l'intérieur de laquelle joue le degré de similitude atteint chez le dérivé en regard de son modele auquel il tend, par ailleurs, a s'unir: plus il luí ressemble et plus la distance qui le sépare de lui diminue35 . Ces détails essentiels marquent la qialectique interne qui qualifie la phase de procession au cours de laquelle le dérivé exerce une sorte de rétention sur sa source dont il a du mal a se séparer. 11 s'en détache toutefois en en imitant le comportement génératew-36. Le rayonnement du paradigme atteint le dérivé qui, de son coté, tendait ale rejoindre. C' est précisément ce qui assure la continuité ontologique dans la déchéance que la dérivation représente pour le dérivé37 . A peine ce líen rétentionnel est-il brisé, que la déchéance s'affirme38 .
o
du terme 7toppw'tÉpw, cf. E. MOUTSOPOULOS, L'idée de multiplicité croíssante dans la «Théo~pgie platonicienne» de Proclus, Néoplatonisme et philosophie médiévale, Louvam, Brepols, 1997, pp. 59-65. Sur l'idée de déchéance, cf. aussi Él. théol., § 59, p. 56• 33- 36 D ••. IXMO. ·~~ _,_ ¡.t.Yj\1 ' O'tl .. 't<X' IXXp<X " ' ' Et~a't'tO\IW\1 ·~- • • ' -:a' avw, V7t0 r;apcx"'(t'tat, OlJA0\1" 010":1
'tÉ?W Xat lip"X.E't<XI 7tp0 'tWV XIX'tiXOtEO"'tÉpwv (inférieurs) xat tmtptX'tEÍVE'tiXI aU'tWv tcp'
a
¡.t.~ 1tpÓti'J"IV txtiva 01' Ü<(EO"IV ouvá¡.tEw~. 28. Cf. ibid., § 64, p. 60, 23-25 0.: ei yap xa6' Ü((EaiV ~ 1tpóo&<; M 'tWv oixdwv
'tOt~ Ú7toa'ttx'tlxoi~ ahío1~, xat &no 'tWv 7t<XV'tEAEtwv 'ta 'tÉAtta xat ou% 'tOÚ'twv ul.awv 'ta linAlj 7tpÓtlal\l EU't!ÍX'tw~; cf. ibid., § 97, p. 86, 8-10 D.;§ 125, pp. 110,33-112, 7 D. 29. Cf. ibid., § 128, p.114, 5-7 0.: -:a Oi ot' ücpt:al\1 xal TI¡v E~ 7tAljfkx; tx-¡~·m a-Mwv OEt'tC7.1 'tWV ~~ov l¡vw¡.t.É~~ ~~(7. ¡.t.E't_á.a-x.~ 'tWv (XU'tOMOwv OUO"Wv,li'AA' ou-x. +,vw¡.t.ivwv. 0 ,'
30. Cf. L 1dée de multiphclté cr01ssante, loe. cit. 31. Cf. Él. théol., § 52, p. 50, 7-11 D.: 1tav 'tO aic.óv1ov ó'Aov
• V.,
,
., '
t~.
tt
....
.,
,
.,
,
&¡ux !mív· EttE ~~~ .,
,
,
.,
t
UO"Ia E"f.EI ¡.t.oV0\1 IXIW\IIOV, OAlJV IX¡.t.a r;apovaav <XV't"Yj\1 t"X.OV, XIXI OU 'tO fi-EV av..ri~ U7tO' ., !: ' to' ' -o. t J. "'lo"\' t , ,. ~, O"TIXV lJ<>lJ, TO ot EIO"IXUvtc; U7t00't"Y¡O"Ofi-EVOV, O (.llJ7tW tO"'tl\l, W\1\ 01";00"0\1 tt\ICXI O\JVC7.'t<XI toaoü-r:ov ó'Aov T¡or¡ XEX't"Y¡¡.t.Évov !lvt/.a.nc.ó-r:~ xai &vem-r:á.-r:w~. ' 32. Cf. ibid., § 204, pp. 178, 31 - 180, 1 D.: (r;d xai ÉxiÍa't"Y¡ lj;u-x.~ 'tWv lid Oto~ É7to¡.t.Évwv 1tAt1Óvwv l¡yei-r:a1 ¡.tEptxwv lj;v-x.wv, ¡.t.l¡.t.ou¡.t.ivr¡ ~ Odav lj;v-x.~v, x~i r;'Attou~ avÉAxEI ~U"X.cX~ ~¡~ ~\1 7tpw-r:oupyilv ¡ováoa ~ ó?,r¡~ attpcic;. Cf. ibid., § 125, p. 112, ~-7 D.: ,wa'"': 'tO ó'Ao,v -r:au-r:ÓV 1tW~ EIVal, xcxi t-r:tpov 'tO 7tpóiilv 'ti¡J ¡.tivov-r:1, M ¡Uv ~ U<(ECTtV IXAAOIOV
t\
,
,
,
1
1
-
'
-
,
C'
De musica, p. 107M.
xal T¡ 'tWv Otwv Ü1t~1~ &v 'ti¡J ~vWaOa1 -r:W'I onwv ~A'Aov ÚcpÉa't"Y¡Xt. 36. Cf. ibid., § 29, p. 34, 8-9 D.: ~ 1tpÓO~ tv 'tij úcpéae1 aw~1 'to 'taU'tOv 'tOÜ ytvVlJOÉv'to~ 1tp~ -r:o yEVvijaav; ibid., § 59, p. 56, 33-36 D.: &AM. ~-~-~ O-r1 'tcX lixpa ímo EM't-r:ovwv 7tap!Íynal, o~'Aov· o1Ó't1 'tcX !lvw-r:Épw xai lip-x.t-r:a1 7tpo 'tW\1 xa-r:aaua'T:épwv
xai Ú7ttptXTEt\lt'tiXI au'tWv Ecp. a~-~-~ 7tpÓttal\l EXtiva 01' Ücptcnv Ouv!ÍIJ-E~ 37. Cf. ibid., § 70, p. 66, 14-20 D.: xai yap lip"X.t't<XI 7tpo 'toÜ fi-E'"'' au'to ~ &vepyda~ 'tlj~ de; TcX otÚ'ttpa, xal CTU\1 'tij Extt\IOU 7tcxpouaÍCf 7t1Íptt:r'tl, xat exdvou ¡.t.r¡xb evtpyoÜV'tO~ t'tl 1t1Ípta-r:1 xai tvtpyti 'tO a.htc.ó..epov· xal oux tv ota~o~ ¡.t.Óvov ímoxel¡.t.Évol~, ?J.XM. xal &v ÉxiÍa'tiP -r:wv 7tO'tt fi-ET&"X.Óv-r:wv. oti yap (d .. ú-x_o1) yEVÉa6a11tpw-r:ov Ov, eha tcf>ov, tha ?J.v6pw7tOV" xal av6?Wí.O<; OUXÉ-r:l ECT'tl\1 &'ltoAmoúar¡~ 'tljc; 'Aoytxljc; ouvá¡.t.tw~. tcf>ov 01: ECTTIV E¡.t.7tVÉO\I xai aiaOavÓ(.I.Evov. 38. Cf. ibid., § 84, p. 78, 9-11 D.: ho'Atr;oÜO"a 01: (T¡ XO.'tcX TO t!val ovva¡.t.~) xal 'tO e(val 'tOÜ E"X.OV'tO~ au~v cX7tOAí7tOI xal OUx.É't. av lid 0\1 Ú7t~Ípxol. OEL lipa ~\1 -r:oü &ti ov'toc; oúva¡.t.lv, ~v auvé-x.ouaav aiJ'to xa-r:a ~v oooíav, am:1p0v e1'vcx1; ibid., § 85, p. 78, o
174
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL
LA CRÉATION MUSICALE
C'est dans le meme esprit que Proclus esquisse, dans le Commentaire sur le 1imée, la dialectique de la dérivation, animée par l'activité du démiurge39 • En tant que cause et que source de création, le paradigme peut etre aussi bien visible que dissimulé; dans ce cas, la dérívation est de qualité supérieure40• Toute dérivation s'accomplit dans le mouvement du dérivé autant que de la source, A l'exception de ce qui se produit au niveau de la dérívation A partir de l'Un dont les dérívés, directs ou indirects, naissent, eux aussi, dans le mouvement, alors que l'Un demeure imperturbable, puisque son mouvement n'est qu'inteme, une sorte de bouillonnement'n qui n'est pas un mouvement A proprement parler, mais la manifestation du dynamisme de l'Un et de sa créativité. Le príncipe d' analogie ne domine pas uniquement et spécifiquement la conception proclusienne de l'harmonie, ce qui sera constaté dans la demiere partie de notre recherche42; elle domine aussi la structure
15-18 D.: 7tllUallp.ivr¡c; o!: Tijc; "tOÜ yívea6at ouvti¡.u:wc; 7tll001ll"t0 iXv XllL "tO ytvO¡.u:vov -ro xa-r' airrY¡v ytvó¡.u:vov, xal ouxt-r' iXv &el ywó¡.u:vov etr¡. &W fL~V el&! Ú7tÓXmllt ytvó¡.u:vov. a7t&t¡XJV ~ ex.et TI¡v "tOÜ yívea61lt OÚV!lfLtv 39. Cf. in 1im., lll, 2, 1-9 D.: or¡)..o"t 0!: xal Ó EV"tllü61l Or¡¡J.tOVp"(oc; wv efe; xal -roic; ¡.u:-r' aU"tbv vtotc; OY¡fLtovpyotc; ÓfLOÜ ~v TI¡v &q¡OfJ-otW"ttx~v OúvllfLtV E'tl'>t6dc;, O"tllV au-rotc; 7tllp!lXEAtÚ'Y)"tllt fJ.tfLEia6at TI¡v tllv-roü oÚVIlfl.tv 7ttpl TI¡v au-rwv ytve:atv, ÓfLOÜ 0!: -r~v ')'tw'Y)"tiX~v, i¡víx' iXv xtvij ~i¡>llau-rovc; cX7ttp"(tX~ta61lt Xllt yewav, ÓfLOÜ oe "ti¡v &vilx'Ar¡-rtx~v, Ó7tÓ-rav au-rotc; xe)\E'j~ -r& oaveta6Év-ra fJ.Óptll cX7tO -rwv ó'Awv a-rotx.dwv ?~Jt vónwv -rwv cX7t' au-riiJv ava-rtiv-rwv o&x.ea6at 7tMtv ele; -r& ííAa &vaxllÑJVfLÉ"otc;. 40. Cf. ibid., lll, 36, 17-21 D.: xal ou 'Atyw Xll"ttX -rT¡v t¡upllvij fLÓvOv OlJfJ.tOVpyill'tl (-roú-rwv y&p "tWv fL&-rpwv Xllt ó q¡lltvó¡.u:voc; ~Atoe; ai-rtoc;), &W xa! Xll"ttX TI¡v cX(jlllvij (cf. HéRACLITE, fr. 854, D.-K. 16, 1, 162, 10: cXpfLOVÍr¡ &~e; q¡llV&pljc; xpt:Í-r-rwv) xal E7tllVIlEi&Gr¡xv'illv ÓcXAlJ6Éa-ce:poc; 7íAtoc; avflofLE'tptt -ri¡J X,PÓ'tlcp -r& 7ttXV"tll. 41. Cf. S. GERSCH, Kívr¡cw; axívr¡r~. loe. cit.,; cf. Él. théol., § 26, p. 30, 12-21 D.: ei y&p fLtfLEt'tllt -ro EV, tXttvo 0!: &.xt~-rwc; úq¡ía-rr¡at -r& ¡.u:-r' au-ró, xal 1tiv -ro 1t!lptiyov waaú-rwc; EX,Et TI¡v 'tOÜ 7t!lptiyttv ahÍilv. bXJJJ. fl.~" Xllt 'tO ev clxl~"twc; íxpía-rr¡atv. d y&p ol& Xt~ewc;, ~ EV llU"ti¡J T¡ XÍVl]atc;, Xllt Xtvoú¡.u:vov OUOE e., E"tl Ea'tlll, fl-E"tllEiWov EX 'tOÜ Ev' ~ El fl-E"t' llU'tO T¡ XÍVl]atc;, Xllt au"ti¡ EX 't'OÜ évOc; ta'tllt, XllL ~ t7t' antt¡XJV, l¡ cixt~-rwc; 1t~et -ro tv. xal 1tav 't'O 1t!lptiyov fJ.tfL~&'tllt -ro ev xa:l "ti¡v 7t(Xp!ll
'
o
175
entiere du systeme, A commencer par son aspect ontologique A partir duquel tous ses autres aspects sont fa~onnés. A ce príncipe échapperaient, en partie seulement, les termes extremes de l'Un et de la matiere: l'Un, en tant que situé sur l'échelle hiérarchique des etres, mais au-delA de 1' ette; et la matiere qui, a 1' encontre de son évaluation, par Plotin, comme non etre, est ici un quasi-non-etre, situé el)-d~a du vérítable néant: deux termes dont l'un désigne l'illimité positif; l'autre, la limite extreme de l'essence. A l'intéríeur de ce cadre architectonique43, ce qui, en quelque sorte, participe de l'illimité, de l'infini, participe aussi de l'étemité et de l'immortalité; en revanche, ce qui participe de la limite entraine, au meme degré (et par application du príncipe d'analogie, cette fois sur ce plan particulier), son eiltrée dans le domaine de la temporalité, de la corruption, voire dans l'antichambre de la mort«. L'analogie appelle nécessairement la ressemblance, et celle-ci, l'imitation qui, Ason tour, présuppose l'existence d'un modele aimiter, un paradigme. Ce paradigme n'est pas uniquement statique. I1 peut également se présenter sous un aspect dynamique; tant et si bien que son comportement se prete Aimitation: il est patemel par son pouvoir d'engehdrer, créateur par son pouvoir d'élaborer45 • A l'image de son propre paradigme, qui est aussi sa cause et sa source, chaque entité se comporte en entité créatrice, Acondition d' avoir mis en valeur la part de volonté et d'intelligence dans son activité créatrice. I1 va de soi que, plus on s'éloigne du niveau ontologique le plus élevé ou volonté et intelligence se manifestent simultanément, et plus leur manifestation se 43. Cf. L'Un et la fonction architectonique et é~istémologique des hénades, loc.cit. 44. Cf. in 7im., lll, 237, 22-24 D.: 1tav ~v ow &xe:'tvo a6<Í.VIl'tov, xa-r& tJ-Íil.lJatv &x.ovat 'tWv O'Awv,i¡ o& 7tpo~Xl] Tijc; OtU'ttpllc; ta-rl 6vl]-rottO~. ILexiste toutefois des nuances daits ce domaine, comme dans tous les autres domaines. La mort n'est pas la m!me ll tous les niveaux ontologiques. Cf. in 7im., III, 219,7-13 D.:~ ytXp Ó6<Í.VIlToc; 'tWv Xll"ttX aX,tatv AeyofJ.ÉVWV OatfJ-ÓVWV, aAAo~ Ó'tWv fLEPLXWV IJ¡uX,Wv, ~ Ó'tWv
o
~
! :¡.
1t··
1~
t.
(cf. supra, p. 98 et la n. 29; J. PÉPIN, loc.cit. Sur le processus inverse, cf. infra, p. 177 et la n. 55), o!: fi-E't'tX avfL7ta:6eíac; Tijc; 1tpbc; -ro yevr¡Tov 7t'tWatc; wv de; a:u-ro Tijc; IJ!vx.ljc;,
o o0!: OttXAUO'Lt; wv aW¡.¡.a:Toc; xallj¡vx.~c; a7t' ii'M~'Awv, o0!: a-cipr¡au; Tijc; E:v V7tOXEtp.ivcp
OUalJc; -ri¡J aWfJ.Il'tl ~ljc;. · 45. Cf. ibid., m, 276, 20-22 D.: xal ol& !Jh Tijc; cX7tEP"fa:aÍilc; (élabóration) !Mfi.OÜV"tllt ~v OlJfLtOVpytx~ Oúvap.tv, M 8!: Tijc; y~ewc; ~ 7ta:-rptxi¡v.
176
LA CRÉATION MUSICALE
différencie pour s'affirmer en deux séquences de plus en plus distantes l'une de I'autre au fur et a mesure que l'on descend l'échelle ontologique46, au niveau de l'fune et du corps par exemple47 . Si l'fune se Iaisse diviser dans une (relative) scission dramatique, c'est pour qu'une partie d'elle meme soit destinée a la providence envers son «véhicule»48 qu' est le corps49. A cet effet, elle n' hésite pas achoisir une forme de vi e inférieure, «végétative»50, encore que propice al'erreurSI. En tout état de cause, et quelle que soit l'application de l'homme a reproduire l'existence divine en tentant de s'y assirniler, il ne réussit que partiellement et dans une faible mesure a en irniter le caractere constant, l'activité et les accomplissements52. Indépendamment des instruments dont l'fune particuliere (a l'encontre de 1' Ame universelle) se sert pour parvenir, au-dela de ses fins biologiques53 et épistémologi-
46. Cf. ibid., m. 221,5-7 D.: houc; E"(XW¡.t.Íovc; 6wuc;) bOÚAE'tCU ¡.¡.a&'Lv 1tfiW'tOV X.<Xt volj~<Xt TI¡v boÚAl)
-.au-.a
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL
177
ques54, a ses fins artistiques, elle utilise, de plus, en guise d'instrument, . le paradigme a l'imitation duquel elle est censée procéder. Des lors, le '\ . paradigme remplit une double fonction: (i) il est la source et la cause de l'instauration artistique; et (ii) il fait partie, dans l'ame de l'artiste, du continuum intellectif qui assure le caractere persistant de cette instauraJ .· tion •. malgré les instants kairiques dont elle est cadencée55 . La présence d'un tel instrument supérieur dans l'fune de l'artiste, notamment du musicien, rappelle, par analogie, la présence de 1' ame dans son ox:r¡p.cx56• L'ame du musicien appeHe d'elle-meme, pour s'en invesfu57, les paradigmes qui lui conviennent le rnieux et qui lui inspireront les reuvres les plus belles. Toujours par anologie, les ames rejettent tout ce qui leur est nuisible58 . La recherche de l'instrument paradigmatique se poursuit jusqu'aux domaines lointains qui abritent de tels instruments et qui sont, par ailleurs, des sources d'inspiration59 . Cette ambiguYté séman-
cXxfi<X't&¡c; yívov't<Xt 'tWv oixdwv bpyávwv, oíhw X<Xt ~ -.oü 1t<XV'tÓ~; cf., inversement, ibid., m, 306, 1-2 D.: x.at &~-.t1táv-.a (-.&. ozf¡¡.t.at<X tcliv lj¡vzcliv) opy<XV~ -¡.;óvov. 54. Cf. ibid., n, m. 16-18 D.: ou ot'L t~ o0v VO(L~'v ot1 ~wee:v El~Oi;:.e-.at ~" "(\/Wal\1 ~ lj¡vxiJ 'tOÜ 1t<XV't0c; 'tWv o.la6y¡-.cliv, ouo' éht opycivwv O&¡'t:l.t ;;poc; ~V X.<X'tcXA'Yjlj¡tv <X'J'<Wv; cf. cependant, ibid., lll, 196; 14-16 D.: ouBEv y&.p oüvov xo.-.&. 't'ijc; ú?,r¡t; vi¡J X<Xt *~~&1 OÚV<X't<XI OIOIX&¡V Ouot xup(wc; EO''tt 1t017)'ttXOV ahtov, &!J.' opy<X\10\1 hipov tt\/Óc;. 55. Cf. Structure, présence etfonctions du kairos..., pp. 133- 149. Cf. in 1im., 1, 266, 16-20 D.: 'tO y&.p 1tp0c; 'tEXVtx.OV Aóyov ÚltOO'tOCv ou 1tpoc; alwvto\1 út-i~'tY¡XEV e!&c;, erne:p ¡.t.~ e~'tt 1t<Xfi<XO&Í"((L<X't<X &v ví¡J xat -.cliv nzvy¡-.wv· Bto oux. EO''ttv Ó:•.Aclic; x.<XAóv, ou (J.~V ouot <Xl~Óv, wc; ÓAwc; K<X'tOC Aóyov ÚltW'tcXV. 56. Cf. J. TRouiLLARD, Réflexions sur l'ozy¡¡.t.a ... , loe. cit.; cf. in 1im., 1, 51,20-24 D.: X.O.'t ~Í<X\1 y& t!v<Xt ~V 'tW\1 iipycivwv OI<XVO(L~V' ou y&.p de; 'tcX 't'f'J,ÓV't<X opyava <XI lj¡vzat ;;ii~at tl~otxí~v-.at, &.»..' Éxá~'tY¡ tltt -.o É<Xv...¡j 1tpooljx.ov. &~la ¡.t.iv, ?r.crtv "O¡.t.r¡poc; (cf. /l., S 382); cf. in 1im., 1, 393, 5-6 D.:~ '}ux~ ljivx.o'i xat ~cpo;;ote:¡ x<Xl xtve¡ -.o lípyavov Éav't'ijc;. 57. Cf. ibid., I, 113,7-15 D.: 6<XU(L<X~'t0\l BE ouOEv 'tOCI; lj¡uza~ X!X'tiOOO<Xc; X<Xt ~AAov
178
LA CRÉATION MUSICALE
tique60 du terme d'instrument (op¡'ctvov), provenant de la conception bidirectionnelle de l'intentionnalité de l'artiste qui contemple simultanément paradigme et projet de l'reuvre a réaliser, reflete la situation, difficile par excellence, de son Ame, hypostase dramatique par sa nature s'il en est, tout au long de la création61 • Ce faisant, l'Ame suit le processus de remémoration décrit dans le Phedre platonicien62 • L'reuvre d'art n'est que l'aboutissement d'une instauration. En , tant qu'objet sensible, elle differe radicalement du processus instauratif dont elle résulte; elle appartient au monae sensible tout en se \, distinguant nettement de l'activité intellective quien précede l'existence définitive63 et qui, tout en étant liée a la prudence qui suggere kairos 1 et métron en matiere de création artistique64, n'en est en aucune 1 maniere dépendante pour autant65 • Une continuité s'instaure entre les divers niveaux de cette création, et dont résulte la qualité mixte de opyá.votc; &:vcxm~7tM¡.¡.E6cx 7tOMoV "rOV dxo·roc;, xcxl ot!X "rCXV"rCX XCXt E7t' &xdvwv "rO &'Y')'I¡c; &:ycx7tY¡"rO'I Y¡~iv, 7toppw xcx..cpxtatdvotc; t'l "ri¡J 7tu6tdvt, cpcxat, "rOV 1tcxv..k 60. Cf. Les structures de l'imaginaire... , pp. 15-28. 61. Cf. in Tim., II, 79, 24-27 D.: "ro oe~cxt "ro 7tav oV..e yvwa"rtXWv oná.vwv ou"re Xt'IY)"rtXWv ¡.¡.Epta"rWv oeo~O'I ovoE: ele; u:AN:t. 7t0t0V'I OU"rt \m' u:Mwv r.!z.axov, liM' ele; tCXU"rO XCXt Ótp' tCXU"rOV opwv xat 7tCÍtr¡._O'I. Sur les instruments, cf. déjii supra. pp. 95 et suiv. 62. Cf. Phedre, 248 d et suiv.; cf. E. MoUTSOPOULOS, lntimité ou refoulement? Sur quelques aspects ontologiques, épistémologiques et méthodologiques de la théorie platonicienne de la réminiscence, Diotima, 23; 1995, pp. 148-151; cf. in Tlm., Ili, 150, 24-27 D.: wc; y!Xp ho "rW'I ~oe opyá.vwv xcxt ,..¿w a>ttwv de; apx:1Jv xcx6tná.¡.¡.E6a 'tijc; "rW'I ovpa'ltWV XCX..CX'IO~aewc;, OÜ"rW o~ XCXt a7t' EXet'IW'I &:ve~t~vr¡axo¡.¡.dh "rWv atpcx'IW'I 7ttpmoA~aewv. Cf. cependant ibid., 1, 344,5-9 D.: t"rt oE: x&:xeivo tv6u¡¡.r¡~ov, lht vw Ó ITM..wv 7ttpt "rWv tpuatxwv elx6vwv otcxAÉyt"rcxt (cf. E. MOUTSOPOULOS, Plato's Ontology of Art, Diotima, 2, 1974, pp. 7-17) xcxl ot!l "rOV"rO xcxl "rouc; AOyouc; Ot%~ otetk· "rcX ycip 7tp0<; "rO vor¡"ro'l tlxcxcrllÉv..cx "rcX tpÚatt ea"rt'l, liM' ov "rcX "rÉ%Vl,j" ov y&:p xcx"rCÍ "rtvcxc; loÉac; ó nx.vhr¡c; 1totei & 7tOtei. Cf. toutefois infra, p. 179 et la n. 72. 63. Cf. in Tim., 1, 10, 23-24 D.: xcxl yap "o "rt:%'1Y)"ov aAAo 1tapi1 -d¡v "rÉ%'11)'1" xcxt aAAo ljiux.~ voepa XCXt aAAo tpÚO"tc;; cf. ibid., 1, 12, 19-21 D.: Y¡ o!: voe:pa o/J"f..l¡ "rÉ%'11) tdv, &:"JJ.lx. tdvouacx éX¡.t.cx xcxt 7tpatovacx· Y¡ tpúatc; 7tpot:A6ovacx ~ovov. 64. Cf. Le vio! des symétries, loc.cit. 65. Cf. in Tim., I, 159, 11-12 D.: oiJ yáp ta"rtv cxv'tijc; ('tijc; tppovf¡-7twc;) "o e!ooc; nx.vtxóv ... ~ ~poc; ..r.x.vac; t~t~oetov; cf. ibid.• 1, 320, 17-21 D.: ?iFJ.' iav ~~ r.cxp~ "rt"X.'IY) XCXt vovc; lcx"rptxoc; ~p~v "rO td"rpov ... (ó OY)¡J.IOUpyoc;) 1plldpet -.o OAoV •.• ou "(cXp e!x.e "rov ytyvotdvou "rO ttooc;. Cf. E. MOUTSOPOULOS, Sur le caractere kairique de l'reuvre d'art, Actes du V' Congres Internar. d'Esthétique, Amsterdam, 1964, pp. 115-118.
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL
179
l'reuvre66• A coup sür, aucune beauté artistique n'égalerajamais celle de son paradigme direct67 • Symétriquement au probleme, déja esquissé, des \ deux instruments: intelligible ét sensible, dont l'artiste se sert, Proclus con~oit une double imitation artistique a partir de modeles intelligibles autant que sensibles, naturels ou artistiquement produits68 • Ces derniers sont précisément les formes artistiques qualifiées de classiques et dignes par excellence de faire l'objet d'imitations. Mises a part les correspondances qui qualifient les divers arts et les processus instauratifs les concernant69, la spécialisation des artistes est inéluctable70• Al'instar de \ la création artistique qui reflete la création divine, la cité, elle aussi, se trouve en pleine création continue, en vertu du désir collectif des citoyens de lui fairé acquérir une configuration fonctionnelle et sem) blable, autant que possible, au paradigme de la cité la meilleure (ap(a'tY¡ 7tOAt't"e:tcx)71 • Enfin, la richesse d'un paradigme intelligible se reflete dans la diversité et la divergence de ses images créées par les dieux et les humains 72 a la meme enseigne que les formes artistiques classiques d'apres lesquelles sont modelées les reuvres ultérieures. Proclus ne procede pas, aproprement parler, a des observations musi-
66. Cf. ín nm., I, 263,4-6 D.: "rOV"rO o!: ("ro "(t~'l tJ.tX..OV) 07tOU tdv EC1'tt 6eoc;, 07tOU OE vovc;, ÍÍ1tou OE ljiux.~, ÍÍ1tou ot tpÚO"tc;, 07tOU ot "rt%'11) "rt<; ~~~outdvr¡ ~V <jlOOt'l. 67. Cf. ibid., 1, 266, 11-14 D.: XCXt oocx o~ o!N "rt"X.'IY)C: ta"rtV txyova xá.XAr¡, xcx! ..cxü"cx ou xa."Aá. &attv Wc; 7tpoc; "o xá.AAoc; &xe:ivcx 7tpo~aAAO¡.¡.EVCX "o ho "rou cxlwvíou 7tapaOet~"roc; ttpT¡xov "rOic; cxb6l)"rotc; Ó¡¡.ot<Ó¡J.cxat. 68. Cf. ibid., I, 268, 18-22 D.: ti o!: Y¡ "rt"X.'IY) ~t¡J-ti"rcxt ~v tpúatv, oei 1tot::Ai¡J 7tpO"rt:jOV xcxl ..Y¡v tpÚatv E'/.Et'l "rW'I Ó7t, cxv'tijc; ytyv~vwv "Aoyouc;. el 01: Y¡ tpÚatc;, 7t06ev CXU"Y) XtVEi"rCXt tr¡~a~ XW r.06ev "rt:AttoV"rCXt" lí).uyor. yá.p ta"rt. XCXt oÜtW<; avtOV"rEc; t'l "ri¡J vi¡J "r!Xc; 7tCÍV"rWV cxhícxc; ~ao~. 69. Cf. Ét. SoURIAU, La correspondance des arts, Paris, Flammarion, 1947, pp. 187 et suiv.; cf. E. MoUTSOPOULOS, Vers une phénoménologie de la création, loc.cit. Cf. ¡? n~n;. I, 155, 20-21 D.: 7ttÍ:vnc; yap 0~0'/"rCXt 7tCÍV..W'I ..¡p ~~ excxa..ov 7tOWc; !J-E"rteVCXt "rE%'1CX<;. 71. Cf. ibid., 1, 60, 5-9 D.: xcxl ~ 7tOAt"rttcx XGt6 ~oíwatv &:vcxyÉypcx7t"rCXt "rWv 6t!wv, xcxl x.á.ptv "rWv ovo¡¡.á:"rwv elx6vcx tpÉpt:t'l 'tijc; Ó1to "rOV or¡~toupyov "rOte; ovpavtotc; tv0o6etar¡c; x.á.pt"roc;, xcxl ... &.r.etXovt"(ea-6cxt ..Y¡v 6etcxv 7tOtl)atv ... ; cf. ARISTOTE, Éth. Nicom., ElO, 1135 a 5; Polit., .ll, 1288 b 22-39 etc. Cf. E. MOUTSOPOULOS, Les cítés humaines, loe. cit. 72. Cf. ibid., I, 95, 26-27 D.: tv elx6at "rWv &.v6pw1tt'IW'I Y¡ ,..c;w 6dwv or¡~tovpytwv E¡J-1pCXV"rCÍ"(e"rcxt OtcxtpOpO"Y)c;.
1?.
180
cologiques relatives aux formes musicales classiques censées représenter des paradigmes sensibles a partir desquels les musiciens sont appelés a créer leurs propres reuvres, et qu'ils choisissent d'illustrer chacun a sa maniere. Or ces paradigmes sensibles different, quant a leur nature, des paradigmes intelligibles en ce qu'a l'encontre de ces derniers, qui ne sauraient etre égalés, ilsinspirent des créations susceptibles de les surclasser pour devenir classiques a leur tour. D'reuvres musicales classiques i1 n'est pas encore question dans les poemes homériques, a l'exclusion des allusions faites a des formes de chant religieux, tel le péan13. Ce n'est qu'avec Terpandre et Sapho qu'une forme monodique rudimentaire, la strophe, vraisemblablement héritée de formules magiques, s'irnpose a la tradition musicale, presque simultanément avec des formes chorodiques, particulierement écloses en pays dorien, d'ou l'utilisation d'un style plus ou moins inspiré du dialecte dorien jusque dans les parties chorales de la tragédie, forme théatrale autant que musicale, épanouie a Athenes. Les paradigmes musicaux classiques les plus rigoureusement et quasi respectueusement suivis auraient été les nomes, ainsi que leur nom meme !'indique. Leur nombre, assez élevé, indique la richesse et la flexibilité de leurs formes respectives qui, apres avoir été définitivement arretées, faisaient littéralement loF4 • Nous en ignorons la structure et, selon toute
ir 1
LE RAYONNEMENT DU PARADIGME MUSICAL
LA CRÉATION MUSICALE
73. Sur les fonctions variées d' Apollon, cf. supra, pp. 36-37 et la n. 17. 74. Cf. H. GRIESER, Nomos. Ein Beitrag zur griechischen Musikgeschichte, Heidelberg, Bilabel, 1938, pp. 19 et suiv. F. LASSERRE, op.cit., pp. 22-27; Cf. La musique dans l'reuvre de Platon, pp. 266-278. Des nomes, on ne connatt que des noms épars cités par diverses sources. On ne peut en dresser qu'une liste incomplete, meme si l'on procMe de la meme maniere que pour constituer la liste complete, elle, des catégories aristotéliciennes de l'etre, citées lt plusieurs occasions par le Stagirite (cf. Top., H1, 152 a 3839; Phys., A2, 185 a 31; 7, 190 a 33-35; Méthaph., E2, 1026 a 36- b1; Z4, 1029 b 23-25; Z7, 1032 a 14-15; K9, 1065 b 7-9: Éth. aNicom., A4, 1096 a 23-27; Éth. aEudeme, AS, 1217 b 26-29; Rhét., B7, 1385 b 5-6 etc.). Ainsi des noms de nomes tels qu'Apothétos, Areios, Élégos, Harmoteios, Hiérax, Hippothoros, ou bien Kephion et Onhios, originaires de Sparte, ou encore Kldeios, Pythios et Trlméles nous ont-ils été transmis sans mention relativ~ lt leur forme précise ou lt leur fonction rigoureuse. Une ébauche de réglementation (-ru~!l(OV~ c~ncemant l'usage des formes de musique religieuse chrétienne devait déjlt av01r été mstltuée du temps de Proclus qui ne semb1e absolument pas s'y etre intéressé. On rappellera enfin l'insinuation d'ARISTOTE, Problemes, XIX, 919 a 38, aux termes de laqu~lle, avant 1'invention de l'écriture on chantait les lois pour les mémoriser, et qui exphque, du moins en partie, !'origine de 1'appellation générale des nomes musicaux.
\
181
probabilité, Proclus n'en savait pas plus que nous a leur sujet. Ils étaient, a tout le moins, issus de pratiques religieuses qui leur conféraient une inaltérabilité certaine, mais qui causerent aussi leur décadence et, finalement, leur éclipse au profit de formes musicales nouvelles, ne seraient-ce qu'éphémeres, Cette succession de nouveautés faisaient fulminer Damon dont l'ampleur et l'importance de la théorie dépassait indubitablement, et de loin, la thématique de ses quelques fragments conservés surtout pat Platon75 . Le véritable probleme que le Diadoque évite, d'ailleurs, de poser est bien celui de savoir dans quelle mesure.· l'application d'une dialectique en matiere d'innovation musicale est i possible. Certes, les deux volets de cette meme dialectique concernent, i respectivement, la déférence de tous les compositeurs pour .}es formes \ classiques et leur tendance a innover en en déviant tant soit peu, ce qui i garantit un renouvellement artistique valable, condition nécessaire de la vitalité de l'art. Tenir compte de la mesure, dans cecas comme partout ailleurs, s'avere ainsi nécessaire et salutaire pour le musicien respectueux du passé, tout comme pour le développement normal de la musique ellememe. Éviter toute extravagance devient la regle d'or pour l'imitateur qui mérite la qualification de véritable créateur. Sensibilité et prudence, elles, s' affirment comme les termes extremes entre lesquels oscille la déontologie musicale76.
75. Cf. ibid., pp. 74-79. Cf. E. MoUTSOPOULOS, Beauté et moralité musicales. Une initiative damonienne, un idéal athénien; lDEM, La vérité dans l'art, Diogene, n° 132, 1985/4, pp. 111-119 et Les formes actuelles du vrai, /./.P., Entretiens de Palerme (1985), Palermo, Enchiridion, 1988, pp. 177-183; lDEM, L'idée de kalokagathia et sa fonction éthique en Occident, Les enjeux actuels de l'éthique, 1./.P., Entretiens de Kyoto (1994), Tokyo, Centre Intemational pour l'Étude Comparée de l'Éthique et de l'Esthétique, 1995, pp. 21-34. 76. Cf. La musique ... , pp. 305-319, notamment pp. 316-318.
L'ÉLAN CRÉATEUR
dont chacune consiste en une reproduction d'une autre reproduction située un niveau supérieur de la hiérarchie ontologique. La création artistique, elle, oscille entre les niveaux de l'intelligible et du sensible qui y sont impliqués. Elle occupe done une place moyenne dans le systeme fortement hiérarchisé des créations. Dans ce coritexte, l'élan créateur de l'ame désigne non seulement son désir, mais encore sa volonté de se rapprocher de son propre paradigme intelligible en s'interposant entre celui-ci et son image créée par elle. On a affaire ici aun processus littéralement paradigmatique utilisé a diverses reprises par le démiurge divin, par exemple dans le cas de la création du temps, mouvement imitant le repos qui qualifie l'étemité laquelle, son tour, est adéquate la nature de l'Un, mouvement immobile2 • Cette appellation, contradictoire de prime abord, se précise dans la mesure ou elle est censée contenir sous forme synthétique ce qui, par la suite, sera analysé en deux catégories distinctes lors de l'instauration de la réalité temporelle3• Le processus de la création est l'actualisation d'une puissance qui cherche a s'exprimer en tant qu'élan créateur, dérivé du désir de se rapprocher de l'entité supérieure par 1'entrernise de 1' entité inférieure créée4 • Or, sur le plan de la création musicale, qui est l'un des aspects de création artistique, l'image de la réalité intelligible imitée est carrément sensible. Cette transmutation5 s'effectue, cela va sans dire, non seulement dans le domaine de la
a
CHAPITRE III
L'ÉLAN CRÉATEUR Entré projet et produit de l'irnitation se développe toute une marge ; d'activité al'intérieur de laquelle se manifeste l'élan créateur de l'ame, qui n'est autre que le désir d'irniter l'activité du .!Jémiurge divin en . procédant de la meme maniere que lui. On dénote sur ce point une dynamique égale celle qui parcourt le systeme de Proclus se rappor) tant a la danse des dieux 1• 11 s'agirait, en fait, d'une chaine d'imitations
¡
a
l. Cf. supra, pp. 69-72. Cf. Théol. plat., V, 6, 259 P.
ce
o
183
a
a
2. Cf. S. GERscH, Kí'VI'/(]L~ axlvrrr~.... pp. 17-19. L'Un serait au-dela du repos autant que du mouvement, tout comme il est au-dela de l'étre. Cf. Théol. plat., IV, 27, 221 P.
184
création musicale, masi encore dans les domaines des autres arts, ceux de la représentation6, par exemple en poésie7, en politique aussi, pour recréer sans cesse, par imitation, sur le plan de la cité, l'ordre céleste établi par la divinité cosmiques. La nature et la structure de la création ne se voiept pas modifiées pour autant lors du passage du niveau de la création divine, directe ou indirecte9 , a ceux de la création cosmique et de la créativité du Noíis et de 1' Áme, sans parler de la création artistique 10 qui s'accomplit sur le modele de la création cosmique, création par e~cellence du réel, toujours selon un modele intelligible préexistantll. La qualité de la · réalité créée porte tout naturellement le sceau de la qualité de l'entité j qui crée, qualité qui preexiste par rapport a la création, puisqu'elle est / déja inhérente a l'élan qui porte le créateur a agir 12• Celui-ci est la cause
'tWv <7W(.A.chwv tpÚaw oiín 'ttl <7W(J4't11 ñ¡c; ÉI1U'tWV ouatcxc; E~t<7'tl1'tl11 7tpoc; -r+,v &m¡¡¡uz'tOV Í11tÓ<7'ti1<71V' xa6, ~V X11L 'ttl &n¡ ...!l !J.ÍVEI &n¡...!l X!XL aaáv!1-ra OIIXIWVtWc; E-:nl)XE'I CXvtXAEI7t'tl1, X11L aí otácpopo1 'tCÍ~t~c; 11U'tWV t'X,OUO"I 7tpoÜCflt<7'tW<711c; E:v 'tOtc; OAotc; -rile; 7tapaOEI"ffUX'tlxac; aht~Xc;. Sans ~tre aboli, cet ordre d'immutabilité est cependant transformé grdce a1' art. 6:cr. ibid., 1, 60, 11-15 D.: El ot X11L auTI¡v TI¡v E:lxÓ\111 GX07tEtV E:mxer.poh¡c;, ¡Uv XtXM "~ 'ti¡J XciAA&I 7tpoÑÍ¡J.7tOV'tl1 orj)..oi, 'ttl ot EX ypctqrijc; Eipyaa¡Jlwz l¡ XI1L "WV't11 aA:r¡OivWc; . . . X11t <7W(J4't1XW: elxÓVI1c; t7ti0EIXV1Í¡J.Evl1 X11t ~ aAl)Oivilc; 7tp0 'tOÚ'tWV 'tWV (.LIJJ.l)(.l.ci'twv. 7. Cf. ibid., 1, 58, 10-11 D.: (aí ñ¡c; yEVtaewc; ouvCÍJJ.Eic;) aVI1Aoyoüa1 'totc; 7tOil)'tl1~ -rcñc; JJ.ú6ouc; 7tM't'tOU<71 X11t JJ.I(.Ll)'tl1~. 8. Cf. ibid., 1, 54, 28-31 D.: 1tiiv -ro e:!ooc; ñ¡c; 7tOAt'ttÍI1c; auvexttpi1Miwarno oeóv-rwc; Ó ~wxpCÍ't'l)c; ele; 'tl¡v voepav a¡J.Íptti1V avaOpct!J.!Óv, iva JJ.I(.L~<1l)'tl11 'tOv 6eov -rov ouxxo<7JJ.~<711V'tl1 TI¡v oupGÍvtoV 7t0At'tttcxV VOl)'tWc; XI1L 7t11'tp1XWc;. 9. Cf. Théol. plat., 1, 5, 13 P.
'ta
'ta
185
L'ÉLAN CRÉATEUR
LA CRÉATION MUSICALE
'ta
directe de ce qu'il crée, alors que sa propre cause se transforme, par contrecoup, en paradigme éloigné de la réalité ainsi créée 13• Au niveau le plus haut de la divinité on remarque 1' aspect de résidence en soi, puis celui de vivification de l'univers et enfm celui de créativité. A ces aspects font pendant respectivement ceux de pureté permanente, de procession impeccable et de création parfaite 14 • Le créateur de l'univers, le démiurge, Zeus 15 de son nom, est qualifié de «troisieme pere», du fait qu'il tire sa puissance de son commanditaire, le Bien, et du paradigme supreme du monde, qu'il contemple 16• Tous les «peres
13. cr. ibid., IV, 12, 199 p,
'ta
aq¡.
186
LA CRÉATION MUSICALE
créateurs» tui sont subordonnés 17 . L'ordre qui regne dans l'univers est homologue a l'ordre qui regne aux niveaux supracéleste, sublunaire et terrestre 18. Les divinités créatrices, elles, se distinguent en divinités génératrices et vivifiantes qui obéissent aux deux príncipes fondamentaux: la limite et l'illimité19. Génération et vivification sont les deux aspects complémentaires de la création20• Proclus pese le pour et le contre de l'existence d'un ou de plusieurs paradigmes disponibles a 1' adresse du créateur et opte finalement pour l'unicité du paradigme en invoquant que le paradigme est aussi la cause premiere de la création, et que cette cause ne saurait etre multipte2 1• Quant a·la question de savoir si le paradigme existe avant, apres ou simultanément avec le créateur et se confond avec luí, Proclus opte pour la premiere éventualité, en rappelant l'avis de Platon22 et en s·opposant que le paradigme ne saurait exister apres le créateur: dans ce cas, il ' se situerait apres la création. ll ne saurait non plus s'identifier avec le créateur, car celui-ci se scinderait alors en deux causes distinctes. Reste la premiere hypothese, seule valable, a laquelle Platon souscrit déja. Cette position fait l'objet d'une longue argumentation au cours de laquelle Proclus procede a des démonstrations par l'absurde23 , afin d'éliminer tour a tour les hypotheses qu'il juge erronées24. Ces diverses considérations n'empechent aucunement le DiadÓque d'assurei qu'a partir du démiurge unique on peut concevoir une multiplicité de démiurges chargés de créer et de confrrmer des réalités détaillées conformes au paradigme et au démiurge uniques quant a leurs propres fonctions
17. Cf. ibid., V, 12,269 P.
L'ÉLAN CRÉATEUR
\
187
particulieres25 . Le démiurge platonicien se distingue par sa bonté, sa volonté et sa puissance qui qualifient respectivement les trois stades de sa démarche créatrice: la conception, la décision et le complexe qui va de la mise en marche de la création ala finition 26. Créateur et création forment un ensemble continu qui, par le truchement des hénades, est i:eliéa l'Un d'ou tout procede27 , mais se différencient, car le créateur s'interpose entre le paradigme et l'univers créé quien est l'image28 . Le démiurge agit en tant que cause, ne serait-ce qu'intermédiaire (cette demiere reserve rappelant l'activité du musicien, énergumene de la Muse) et transmet également son essence a l'objet de sa création, en soulignant, qui plus est, sa paternité, qualité obtenue en vertu du degré de sa participation de l'Un29 • Dans ses détails, l'univers produit de l'activité des dieux subalternes, se réclame de 1' activité créatrice du créateur supreme qui est aussi la source dont l'univers émane30• Unité et pluralité coexistent tout 25. Cf. ibid., V, 18, 286 P.
188
au long de l'activité créatrice31 . Elles déterminent la création universelle dans }'ensemble de ses niveaux, malgré la différenciation de leurs rapports au fur et amesure que l'on progresse du supérieur al'inférieur32• Si différenciation il y a en l'occurrence, elle est due au principe d'altérité qui réside dans la dualité et qui joue aux niveaux distincts de I'.univers33. Quoi qu'il en soit, chaque partie de l'univers créée séparément est indissolublement liée a l'individualité de son dieu créateur3'i. Zeus demeure néanmoins le démiurge supreme unique: il a scellé l'univers de son image, selon Platon35., et ne cesse de le gouvemer, tel un capitaine son vaisseau36, moyennant barre et gouvemail qui sont des symboles de la création, difficiles a comprendre par les humains, mais, parfaitement compréhensibles et clairs pour les dieux37 . Gouvemer signifie principalement exercer une providence, et c'est a l'évidence ce a quoi le démiurge se livre, tout en transmettant son pouvoir aux entités et puissances inférieures a travers lesquelles il préserve l'unité du monde et la continuité de sa création38 . Le líen qui
31. Cf. ibid., V, 40, 335 P.
189
L'ÉLAN CRÉATEUR
LA CRÉATION MUSICALE
'\
les <,:onsolide39 et quien garantit la perpétuité presente les qualités d'une harmonie40 qui parcourt !'ensemble des parties de l'univers~ c'est encore Iui qui le rend semblable ason paradigme intelligible et, a coup sfir, une réalité valable en soi41 . Plus concretement, la structure du monde sensible est une copie exá.cte du monde intelligible. dans sa
aw¡JJX'« O"J''Éxt<(J.t, x«l Éw7totel 't'a !J.I!J.OÚ!J.&V« -IT¡v !J.ÍClv &vciOC% 't'wv éíAwv. Le dérniurge ne se dégrade pas en créant les lmes particulieres et les corps qu' elles investissent I1 concede son pouvoir d'abord ~ l'Intellect créateur, puis, ~ travers lui, ~ d'autres puissances créatrices, selon le cas. Cf. in Crat., 50, 21-23 P.: ó 't'a aw¡ux't'« 1tcina 'toic; 'tE axr¡{UXO'I, l((lt 't'Oic; apt(}p.oic; 01(1XOO'IJ.Wv xcxl ¡¡kv EVWO'IV X«i rpW«v CIV'tolc; ~'OOV x«l otO"!J.OV tv't16dc; o~•óc; tO"'t'IV. Cf. Proclo. Lezioni su/ «Cratilo» di Platone, trad. e comm. di F. Romano, Catania- Roma, 1989, p. 50, 21-23. Cf. in Tim., 11, 17, 22-23 D.: oux EO'
t
'
, -
1
_,
,
190
LA CRÉATION MUSICALE
L'ÉLAN CRÉATEUR
totalité et dans ses parties42. Le lien harmonique qui protege l'unité de l'univers n'est pas un lien statique; au contraire, au dire de Platon43, il comporte le principe du mouvement ordonné, jugé supérieur au mouvement désordonné. Pour Proclus, le mouvement cyclique serait le modele du mouvement ordonné, pilisqu'il entraine le retour périodique de chacune des parties de l'univers a son point de départ44. C'est justement acela que visent gouvernement et providence du démiurge45. ; En raison du lien qui le parcourt, l'univers demeure unique, a l'image ') de son créateur (OY¡(ltoupytxov ru't'tov), lui aussi unique46 et veillant au maintien du fondement de sa création, au meme titre que ses propres imitateurs, dans leurs créations particulieres47. La pluralité des parties du monde n'est qu'apparente, car l'activité des puissances soustraitantes dont ces parties émanent est directement soumise a celle
42. Cf. ibid., 11, 26, 24-29 D.: !J.L!Ut-.aL y!Xp ... -.ov vor.-:ov xóqJ.ov ó a1a6mó~. xal 1."\"\, ') ~ W0'7tep ev exeL\I<¡J 1ta\I'L'a E\1 7taO'LV EO''¡LV, a.J\A OLXeLW~ EV EXacr'L'<¡J, VO'r)'L'W~ !U\1 e\1 'L'i¡> VOl)-.i¡>, VOep~ 8t t\1 'L'i¡> vi¡>, XO:t Ó).LJ<~ ~ ~ 'L'Ot~ OAo~, !J.EPLX~ 8t t\1 'L'Otc:; ¡J.EpLXOtc; \ , ' , \ ~ '....A- \ , , , ,' -tov au-.ov -rpo7tov xaL o aLvv • 1-.o~ xocr¡J.Oc:; r.av-.a E"t.,eL x~:&-:a r.aaac:; taU'L'OU -.ac:; ¡J.otpac;. 43. Cf. PLATON, 1imée, 30 a. Cf. Mouvement musical et psychologie, loc.cit. Cf. Théol. piar., V, 24, 299 P.
'}
'J
1
1
')
-
1
'J
1
'}
1
1
...,
C'
-
{
\
,
'
'
191
du démiurge supreme qu' aplusieurs reprises le Diadoque identifie avec Zeus48 • '\ En partant de celui-ci, et par divinités et hypostases interposées, l'élan créateur pénetre jusqu'aux dernieres couches de la réalité49 avant de se inanifester en seos inverse en tant qu'élan de conversion, non ·)', point en ligne droite mais plutot sous forme de retour cyclique intégré dans le tourbillon hiérarchique des etres50 . L'élan créateur parcourt le~ différents degrés du réel, et ce dans les deux seos, se confondant respectivement avec les mouvements de procession et de conversion. Le démiurge impose a tous ses «CODCessionnaireS» les conditions a respecter au cours de leur propre activité créatrice qui explicite leurs ' providences individuelles51 • Providence en matiere de création et i gouvernement de l'univers des etres et des choses sont indubitablement, 1 on l'a déja évoqué, les deux aspects nécessairement complémentaires · de l'activité du démiurge et de ses émules; aspects qui soulignent la i responsabilité constante52 des divinités, comparable acelle du navigaJ teur et du politique53 . Dans le meme ordre d'idées, le créateur de l'univers est l'unique donateur de vie al'objet de sa création54 dont il confirme les trois modalités d'etre: intellective, animée et corporelle, la pre1
48. Cf. supra, p. 185 et la n. l. 49. Cf. Théol. plat., V, 18,283-284 P.
193
L'ÉLAN CRÉATEUR
LA CRÉATION MUSICALE
192
miere étant purement indivisible; la derniere, divisible; et la moyenne, mixte, paree qu'elle participe des deux autres qualités55 . Il s'ensuit que les cités humaines sont instaurées a!'instar de la création cosmique56• Cette hiérarchie de niveaux, de modalités et de structures dont les unes sont 1' image des au tres en fonction du priricipe de ressemblance par homologie, estparcourue d'un esprit unitaire ·quien assure l'unicité et la fonctionnalité dans le but ultime de garantir la communication perpétuelle des niveaux les plus bas avec les niveaux supérieurs et, en fin de compte, avec les niveaux divins, mondains autant que supramondains57. Adire vrai, cette fonctionnalité rend possible l'existence d'une 58 vie al'intérieur de l'univers; elle justifie sa qualification de «vivant» , a condition d'etre conforme au «vivant en soi» (au-ro~cf>ov, 7tiXV't&AE~ ~é¡>ov) qu'est son modele supreme59• L'intelligibilité, qualité essentielle de ce modele, est en partie transmise a son image, l'univers créé, spécialement a ses niveaux constitutifs supérieurs60• Cette hiérarchie reflete la hiérarchie des divinités créatrices habilitées par le démiurge principal a jouer un role dans la création cosmique61 • Le démiurge
a
1
principal est créateur et pere ala fois; il est aussi le modele de tout autre créateur qui, d'ailleurs, ne saurait engendrer, comme lui62 , des créations étemelles63 • L' élan créateur procede du principe créateur. Proclus pose le probleme de l'unicité ou de la pluralité de ce principe apres avoir constaté que certaines créatures sont immortelles, contrairement ad'autres, mortelles, · et se demande si des effets différents peuvent remonter ala mame cause ou au meme principe. En ce sens, ou bien (a) le principe créateur est unique; ou bien (b) il existe plusieurs principes; ou encore (e) il s'agit d'un principe unique et pluriel ala fois. Finalement, le Diadoque penche en faveur de la troisieme hypothese a savoir que le principe unique dont toute création d' etres immortels dépend, procede, lui aussi, par délégation et procuration, ce qui explique la création d'etres mortels64• 11
\
1
l 1
•wv 6twv &v•tü6tv &noytw; V, 11,266-267 P.