L’ATOME ÉCOLOGIQUE Bernard WIESENFELD
7, avenue du Hoggar Parc d’Activités de Courtabœuf, B.P. 112 9 1944 Les Ulis ced...
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L’ATOME ÉCOLOGIQUE Bernard WIESENFELD
7, avenue du Hoggar Parc d’Activités de Courtabœuf, B.P. 112 9 1944 Les Ulis cedex A, France
Nota bene Tous les tableaux ou figures reproduits dans cet ouvrage émanent de documents de l'OCDE, de l'AIEA, d'EDF et/ou du CEA. Tous droits réservés.
ISBN : 2-86883-320-9
Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective *, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite (alinéa l e r de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. (1
))
O EDP Sciences 1998
Avant-propos
Le titre de cet ouvrage peut étonner ... Mais c’est à dessein : je suis persuadé que l’énergie nucléaire est u n facteur capital du développement harmonieux de notre société, pas seulement en raison de son efficacité qui n’est guère à prouver, mais aussi parce qu’elle respecte l’environnement.
J e sais que les détracteurs seront nombreux et il m’arrive encore d’être étonné par les arguments techniques ou économiques avancés par ceux qui se disent anti-nucléaires.. . Ce qui n’est pas une raison, en tant que citoyen, pour baisser les bras sur le terrain de l’information, ou, encore moins, pour s’enfermer, au nom de l’expertise, dans une superbe condescendante... Cependant, comme le débat médiatique n’est pas toujours favorable - loin s’en faut - à l’expression de points de vue vraiment contradictoires, il m’a semblé utile de fixer quelques données par écrit, de tenter de les rendre intelligibles par le plus grand nombre, et de contribuer ainsi à une meilleure compréhension de la problématique. C’est donc, à partir d’un mouvement d‘humeur, un livre de vulgarisation destiné, je le souhaite, à favoriser un débat ouvert, rationnel et documenté.
Bernard Wiesenfeld janvier 1998
Préface La parution d’un livre sur l’énergie nucléaire est un évènement trop rare pour qu’il passe inaperçu ; l’annonce de ce livre attira d’autant plus mon attention que l’auteur est l’un de mes anciens étudiants au D.E.A de physique des réacteurs nucléaires à Saclay. Par sa formation, Bernard Wiesenfeld est donc un spécialiste de ces questions ; l’expérience universitaire et professionnelle qu’il a accumulée par la suite - a u CEA durant sa thèse de doctorat, à Technicatome, à Framatome, puis comme consultant sur les problèmes de faisabilité technique et économique concernant le nucléaire - a élargi son champ de vision par rapport aux équations que je lui ai enseignées ! Ce livre en témoigne. honnête homme ne peut plus En cette fin du XXe siècle, 1 ’ ~ ignorer les principes des réacteurs nucléaires, les atouts de cette forme d’énergie, ni les risques associés : risque d’accident de réacteur, risque de dissémination de produits radioactifs, problèmes de conditionnement des déchets - sans parler des risques de prolifération des armes nucléaires. Ce livre développe tous ces thèmes, en particulier l’aspect sûreté ». L’auteur les présente clairement, objectivement, sans masquer ses choix personnels, mais sans forcer le lecteur à le suivre dans toutes ses conclusions. On a là un dossier technique complet, bien construit, à la portée du nonspécialiste. Des inquiétudes de plus en plus vives se manifestent aujourd’hui dans notre société : gaspillage des richesses que la nature a mises à notre disposition, pollution dramatique de notre environnement. Les choix qui ont été faits devront peut-être être remis en cause : en France, par exemple, le tout nucléaire », la construction ... puis l’abandon de Superphénix, le recyclage du plutonium.. . Dans quelques années, nos centrales nucléaires existantes arriveront en fin de vie : faudra-t-il privilégier d’autres sources d’énergies ? Mais lesquelles ? Préférera-t-on rebâtir des centrales nucléaires ? Mais de quel type ? Voilà des questions sur lesquelles chacun aura à se déterminer. I1 vaut mieux que cela se fasse sur des arguments rationnels et réfléchis ! C’est pourquoi il est important que chacun puisse disposer des informations nécessaires. Saluons donc ce livre qui, sans aucun doute, contribuera à cette indispensable information. ))
((
((
Paul REUSS Professeur à l’Institut national des sciences et techniques nucléaires
SOMMAIRE AVANT-PROPOS
III
PRÉFACE
V
INTRODUCTION LE XXe SIÈCLE OU L'ÈRE NUCLÉAIRE
1
PREMIÈRE PARTIE
LE CHOIX D'UNE FILIÈRE Chapitre 1 NOTIONS DE PHYSIQUE DU NEUTRON
Structure de la matière Défaut de masse et énergie nucléaire Fission et fusion exothermiques Réactions nucléaires Section efficace et flux neutronique Réaction en chaîne Contre-réactions de réactivité Neutrons retardés Calcul de cœur Masse critique
11 11 12 14 16 23 26 29 31 32 33
Chapitre 2 CLASSIFICATION DES FILIÈRES
Centrale thermique et centrale nucléaire Choix des ingrédients d'un réacteur nucléaire Le parc électronucléaire français Description de la filière REP Description de la filière RBMK Description de la filière RNR Principe du réacteur à neutrons rapides
37 37 40 44 46 52 56 60
L'ATOME ECOLOGIQUE
Vlll
DEUXIÈME PARTIE SÛRETÉ ET ACCIDENTS NUCLÉAIRES
Chapitre 3
NOTIONS DE RADIOACTIVITÉ Particules émises Radioprotection Radioactivité dans le cycle du combustible Le réacteur fossile d'Oklo
69
70 73 89 94
Chapitre 4 CRITÈRES DE SÛRETÉ ET ORGANISATION
Approche déterministe Approche probabiliste Accidents complémentaires Sûreté intrinsèque Sécurité nucléaire Organisation de la sécurité nucléaire en France Organisation de la sûreté aux États-Unis Les institutions internationales
97
98 1O9 116 118 123 125 131 134
Chapitre 5
LA SÛRETÉ DES FILIÈRES NUCLÉAIRES Sûreté du REP Sûreté du RBMK Sûreté du RNR
135
135 136 138
IX
SOMMAIRE
Chapitre 6 LES ACCIDENTS NUCLÉAIRES
TMI et son enseignement Tchernobyl et son enseignement
145
146 153
Chapitre 7 L'ÉLIMINATION DES DÉCHETS
Classification des déchets radioactifs Les déchets produits par la fission nucléaire dans un REP Déchets à forte activité et à vie longue Le stockage géologique Le démantèlement
163 163 165 167 169 176
TROISIÈME PARTIE
LES RISQUES DE PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE
Chapitre 8 L'AFFAIRE TAMMUZ
La France et l'Irak négocient De Tammuz à la bombe
181
182 184
Chapitre 9 LE DÉMANTÈLEMENT DES ARMES NUCLÉAIRES
L'option MOX aux États-Unis Avantages de l'option MOX L'élimination du plutonium militaire dans la Fédération de Russie
197
198 201 202
L'ATOME ECOLOGIQUE
X
QUATRIÈME PARTIE
APPROCHE POLITICO-ÉCONOMIQUE Chapitre 10 LA PROBLÉMATIQUE NUCLÉAIRE
La crise pétrolière de 1973 et ses conséquences Le nucléaire controversé A-t-on encore besoin de l'énergie nucléaire ? Superphénix sur la sellette Les réacteurs nucléaires au service de l'environnement Les incidences économiques locales de l'implantation d'une centrale nucléaire L'électronucléaire à l'étranger Quelles sont les chances d'une reprise mondiale ?
205
205 207 209 213 218 227 228 237
CONCLUSION QUEL AVENIR POUR L'ATOME ÉCOLOGIQUE ?
239
ANNEXES
245
A I . Accidents
245
A2. Références
247
A3. Définitions
249
A4. Sigles et symboles
257
Introduction
LE X X e SIÈCLE ou L'IRE NUCLÉAIRE
La science a fait de nous des dieux avant même que nous méritions d'être des hommes. Jean Rostand
L
orsqu'elles évoqueront le X X e siècle, les générations futures le qualifieront sans nul doute d'ère nucléaire. En effet, bien que l'existence de l'atome fût soupçonnée dès l'antiquité, les étapes qui permirent de le mettre en évidence, puis d'exploiter les propriétés énergétiques de son noyau marquent fortement notre siècle :
1905 19 13 932 938 939 942 1945 1951
1956 1974 1991
EINSTEIN établit l'équivalence entre la masse et l'énergie. BOHR propose le l e r modèle théorique de l'atome. CHADWICK découvre l'existence du neutron. HAHN et STRASSMANN découvrent la fission des atomes lourds. JOLIOT-CURIE démontre la possibilité d'entretenir une réaction en chaîne par la fission de l'uranium. FERMI fait diverger la Irepile atomique à Chicago. Explosion de la Ire bombe expérimentale à fission (bombe A) à Alamogordo (EU). Ire production d'électricité nucléaire (100 kWe) à Arc0 (EU). 1952 Explosion de la Ire bombe expérimentale à fusion (bombe H) à Bikini (EU). Mise en service de G1, la Ire centrale nucléaire française (5 MWe) à Marcoule. Mise en service de PHENIX, l e r surgénérateur français (250 MWe) à Marcoule. l e r dégagement de puissance (2 MW pendant 2 secondes) par fusion thermonucléaire contrôlée dans le TOKAMAK JET f ) de Culham (GB). ((
En cette fin du X X e siècle, l'atome, qui symbolise le pire N pour les uns et le meilleur pour les autres, représente pour tous une réalité incontournable. ((
((
))
Côté civil, plus de 400 réacteurs en fonctionnement fournissent 17 % de la production mondiale d'électricité. Deux accidents spectaculaires ont entamé la confiance du public aux alentours des années 80 : Three Mile Island aux États-Unis et Tchernobyl en ex-URSS. Durant ces mêmes années, le paysage
(*) JET : Joint European Torus
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
4
économique s'est profondément transformé et la politique nucléaire a dû s'adapter aux changements. Côté militaire, l'homme dispose d'une puissance largement suffisante pour désintégrer la planète. Depuis Hiroshima, le spectre du conflit nucléaire entretient la logique de paix par la terreur au prix d'un contrôle strict de la prolifération de l'arme atomique et de la mise en place, par les pays qui en sont détenteurs, d'une politique de dissuasion. Mais pourrons-nous empêcher éternellement la progression des puissances en voie d'accession à la bombe ? L'avenir de l'industrie électronucléaire est tributaire de 2 facteurs principaux qui sont la confiance du public, notamment au niveau de la sûreté nucléaire et du stockage des déchets, et la justification économique. La confiance du public dépend en premier lieu de la qualité de son information. Aussi, l'un des objectifs de cet ouvrage est-il d'informer ou plus exactement de ré-informer sur la problématique nucléaire un public exposé en permanence à un flux d'informations souvent contradictoires. Les thèmes abordés ne sont pas traités exhaustivement mais sont vus à travers l'expérience de l'auteur acquise dans les différentes fonctions qu'il a occupées dans la Recherche et l'industrie nucléaire. L'objectif est donc de dégager l'essentiel à partir d'un témoignage personnel. Le parc mondial des centrales nucléaires est analysé du point de vue de la sûreté et de la rentabilité économique afin de tenter de répondre aux principales interrogations sur l'avenir de l'atome civil : - Y-a-t-il des réacteurs dangereux et d'autres sûrs ? - Faut-il poursuivre la filière des réacteurs à neutrons rapides ? - Le nucléaire est-il propre ? - Quelles sont les solutions acceptables au problème du stockage
des déchets ? - La société peut-elle se passer de l'industrie électronucléaire ? - Doit-on vendre des centrales nucléaires aux pays en voie de développement ? Les applications militaires ne sont pas abordées, afin d'éviter une trop grande dispersion, hormis les risques de prolifération nucléaire. L'ouvrage se divise en 4 parties : + Ire partie : Le choix d'une filière. + 2 e partie : Sûreté et accidents nucléaires. + 3 e partie : Les risques de prolifération nucléaire. + 4 e partie : Approche politico-économique.
INTRODUCTION
5
Afin de comprendre le fonctionnement d'un réacteur nucléaire, les concepts de sûreté et les analyses d'accidents, il est nécessaire de posséder des connaissances de base en physique nucléaire. Une présentation de physique du neutron ciblant un public large est donc faite au chapitre 1, qui exclut notamment l'usage de formules mathématiques ou de démonstrations compliquées. Les informations données sont suffisantes pour comprendre la suite de l'ouvrage, qui se veut autoportant. Sont définis dans ce chapitre les réactions nucléaires, la réaction en chaîne, le pilotage d'un réacteur, le calcul d'un cœur, la conception d'une bombe atomique... Une classification des principales filières est ensuite donnée (Chap. 2) à partir des caractéristiques des 3 composants principaux du cœur (le combustible, le réfrigérant et le modérateur), puis 3 filières sont détaillées étant donné leur importance dans le débat sur la sûreté, à savoir :
+ +
+
Le réacteur PWR (ou REP en France). Le réacteur RNR (description de SUPERPHENIX et principe de surgénération). Le réacteur RBMK (réacteur du type TCHERNOBYL).
La deuxième partie, qui traite de la sûreté et des analyses d'accidents, est le noyau de l'ouvrage dans la mesure où elle donne les critères de sûreté adoptés pour les principales filières ainsi que les moyens utilisés pour garantir le respect de ces critères. Elle se situe donc au cœur du débat relatif à l'acceptation par le public de la technologie nucléaire. Un chapitre entier est au préalable consacré à la radioactivité (rayonnement, contamination, critères et risques radiologiques), dont la connaissance est nécessaire à la compréhension des risques encourus par l'exploitation des réacteurs nucléaires. I1 se termine par la présentation du réacteur fossile d'Oklo (Gabon) qui a fonctionné naturellement il y a près de deux milliards d'années, bien avant l'apparition de l'homme. Les centrales REP exploitées en France relèvent d'une philosophie de sûreté d'origine américaine fondée sur le principe déterministe de défense en profondeur qui, bien que différent, s'apparente au principe de défense par les barrières de confinement utilisé à l'origine en France. Les conséquences limitées de l'accident de Three Mile Island (TMI) eu égard à la conjonction malheureuse de défaillances multiples, tant humaines que matérielles, démontrent l'excellente qualité du concept de sûreté américain. I1 n'en va pas de même du réacteur RBMK soviétique... ))
((
((
))
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
6
L'approche déterministe permet de prévoir tous les accidents plausibles sans devoir pour autant en connaître avec précision les scénarios. L'approche probabiliste, quant à elle, donne une évaluation quantitative des risques associés à l'exploitation des centrales nucléaires et intervient en complément de l'approche déterministe qui préside à la conception des réacteurs français actuels. Elle permet notamment de déceler d'éventuels points faibles sur des composants importants pour la sûreté, et d'y remédier. C'est en outre cette approche qui permet de comparer les risques engendrés par l'industrie nucléaire avec ceux des autres activités de l'homme ou des catastrophes naturelles. Le chapitre sur les critères de sûreté se termine par la description d u n réacteur, développé et commercialisé par un groupe suédois, qui respecte les critères de la sûreté intrinsèque. Selon ce concept, les systèmes qui interviennent pour lutter contre les accidents remplissent leur fonction grâce aux seules lois de la nature.. . Le chapitre suivant traite de la sûreté des 3 filières REP, RBMK et RNR. Les accidents de TMI et de TCHERNOBYL sont décrits et u n point est fait sur l'enseignement par retour d'expérience que les ingénieurs en ont tiré afin d'améliorer la qualité des centrales existantes. Pour terminer cette deuxième partie relative à la sûreté, un chapitre est consacré a u stockage des déchets nucléaires. Un point est fait sur les travaux de construction des laboratoires souterrains qui permettront de tester l'aptitude de certaines formations géologiques à confiner la radioactivité sur le très long terme. Le devenir des déchets radioactifs de vie longue est sans doute le problème le plus délicat posé par l'utilisation de l'électricité nucléaire car il doit être traité dans une perspective de plusieurs centaines de milliers d'années pendant lesquelles les substances radioactives que nous léguerons aux civilisations futures devront être entreposées de façon sûre. Les risques de prolifération nucléaire constituent le thème de la 3 e partie de l'ouvrage. La frontière entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire n'est pas facile à établir. Les cœurs des centrales électronucléaires fabriquent tous du plutonium en fonctionnement, qu'il est théoriquement possible de détourner à des fins militaires. Certaines filières électronucléaires se sont développées pour leur capacité à produire du plutonium de très bonne qualité. C'est le cas
7
INTRODUCTION
notamment de la filière française à Uranium Naturel-Graphite-Gaz (UNGG) et de la filière soviétique à Uranium Enrichi-Graphite-Eau (RBMK). En outre, certains réacteurs destinés à la Recherche fonctionnent avec u n uranium très enrichi et là encore, des détournements militaires sont possibles. La question se pose notamment lors de l'exportation du nucléaire civil vers un pays non-détenteur de l'arme atomique car il n'existe aucun moyen rigoureux de neutraliser le risque de détournement. La vente par la France à l'Irak du réacteur Tammuz en est une bonne illu stration. Le cheminement de la négociation entre la France et l'Irak est brièvement rappelé, en particulier l'obstination du client à vouloir investir dans une solution proliférante et son refus de la solution Caramel proposée par la France. Une description est ensuite faite des 2 réacteurs du contrat, Tammuz 1 et Tammuz 2, et des explications sont données sur la manière de transformer simplement ce type de réacteur pour assurer une production de plutonium de qualité militaire suffisante à la confection d'une bombe atomique par an. Un paragraphe est consacré aux contrôles de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) où ses forces et ses faiblesses sont mises en balance. ((
((
))
))
La dernière partie de l'ouvrage propose une approche politicoéconomique en partant de la première crise pétrolière de 1973. Vingt ans après, les données économiques ont changé et la problématique nucléaire doit être repensée. I1 n'y a pas de menace immédiate de pénurie d'uranium et la faible croissance des besoins en énergie atténue l'intérêt du plutonium. Dans ce contexte, la filière à neutrons rapides a-t-elle encore sa place ? Un point est également fait sur l'électronucléaire à l'étranger, notamment aux États-Unis et au Japon, afin de situer la France dans son environnement concurrentiel.
Enfin, la conclusion de l'ouvrage situe, à la lumière de l'information acquise dans le corps de l'ouvrage, l'industrie nucléaire par rapport aux lois de l'écologie que toute société dite civilisée devrait, selon l'auteur, s'efforcer de respecter.
Première partie
LE CHOIX D'UNE FlLlËRE
Un monde plus profond que l'astre, c'est l'atome. Victor Hugo
NOTIONS DE PHYSIQUE DU NEUTRON
L
a physique nucléaire est généralement considérée comme un
domaine théorique très fermé et réservé à la communauté limitée des seuls spécialistes. I1 est possible, en réalité, d'en donner une lecture simplifiée mais fidèle, afin de dégager les grands principes. C'est ce qui va être tenté ici.
La physique du neutron ou neutronique, est une partie de la physique nucléaire qui traite des interactions des neutrons avec l'environnement du cœur d'un réacteur nucléaire [ 1, 21. L'objectif du présent chapitre est de fournir au lecteur les informations nécessaires et suffisantes sur la neutronique pour lui permettre d'aborder sans difficulté l'ensemble de l'ouvrage, notamment les chapitres qui traitent de la sûreté des réacteurs et de l'analyse des accidents.
STRUCTURE DE LA MATIÈRE L a matière est constituée de molécules et la molécule, d'atomes. L'atome, quant à lui, est formé d'un noyau autour duquel gravitent des électrons. Le noyau se décompose en nucléons et le nucléon en quarks. Électron
MATIÈRE
MOLÉCULE
ATOME
NOYAU
Neutron (n)
NUCLÉON
Figure 1.1. Structure de la matière.
Quark down (d)
QUARK
12
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
Le proton, formé de deux quarks u et d'un quark d (p = uud), a une charge électrique égale à 1. Le neutron, formé de deux quarks d et d'un quark u (n = ddu), a une charge électrique égale à O. I1 est donc insensible au champ électromagnétique. Les entités les plus simples de la matière, appelées particules élémentaires, sont le quark u, le quark d et l'électron (voir Fig. 1.1) auquel il faut ajouter son partenaire de charge nulle, le neutrino électronique ~ ~ ( 1 ) . Ainsi, toute la matière de l'univers (galaxies, planètes, animaux, plantes, ,..) est constituée de quarks, d'électrons et de neutrinos. élémentaire correspond son Par ailleurs, à chaque particule antiparticule. Les antiparticules Ü , d , e+et Ve sont les constituants élémentaires de l'antimatière.
DÉFAUT DE MASSE ET ÉNERGIE NUCLÉAIRE Le noyau est constitué de neutrons approximativement la même masse. On le chimique X affecté de deux indices A et 2 : masse, représente le nombre de nucléons
et de protons ayant désigne par un symbole ZX. A, appelé nombre de (neutrons + protons). 2,
appelé numéro atomique, représente le nombre de protons et
détermine la nature chimique de l'élément. Deux noyaux ayant le méme numéro atomique (donc le même symbole chimique) mais des nombres de masse différents sont appelés isotopes. Par exemple,
2i;U et ;'U
sont 2 isotopes de l'uranium.
i H (deutérium) et ;H (tritium) sont 2 isotopes de l'hydrogène. Les mesures effectuées sur les masses atomiques ont révélé, contre toute attente, que la masse d'un noyau était inférieure à la masse des nucléons qui le constituent. La différence entre ces deux masses s'appelle le défaut de masse AM. I1 existe d'autres particules élémentaires que celles données ci-dessus. Cependant, elles sont instables et par conséquent ne se rencontrent pas dans la nature. En revanche, elles sont apparues dans la chaleur originelle du Big Bang et sont aujourd'hui créées artificiellement par l'homme dans les accélérateurs de particules. (1)
13
NOTIONSDE PHYSIQUE DU NEUTRON
En vertu de la célèbre formule AE = AM C 2 d'équivalence entre la masse et l'énergie, établie par Einstein en 1905, le défaut de masse AM a son équivalent énergétique, appelé énergie de liaison AE responsable de la cohésion du noyau. C représente la vitesse de la lumière (c = 3 108 m/s).
AM:Défaut de masse
Figure 1.2. Énergie de liaison dans l'hélium.
Remarque : L'énergie nucléaire, liant les nucléons dans le noyau, trouve son origine profonde dans l'existence d'une force d'interaction entre quarks appelée gluon ». Son étude relève d u domaine de la physique des particules élémentaires (ou physique des hautes énergies) que nous n'aborderons pas ici. En effet, les énergies mises en jeu dans les réacteurs nucléaires sont suffisantes pour casser le noyau de l'atome (ordre de grandeur du MeV(2)) mais trop faibles pour casser H le nucléon afin de mettre en évidence le quark. Pour y parvenir, l'homme a construit des accélérateurs de particules où sont provoquées des collisions de nucléons à des énergies supérieures a u GeV(2). ({
((
))
((
physiciens ont mesuré l'énergie moyenne de liaison par nucléon A E / A pour l'ensemble des noyaux et ont abouti aux résultats consignés sur la figure 1.3.
(2)
eV
=
1 eV
=
1 eV
=
1 MeV 1 GeV 1 TeV
= = =
électron-volt. unité d'énergie égaie à l'énergie acquise par un électron subissant une variation de potentiel de 1 volt. 1,6 101gjoules. 1 méga électron-volt (1 million d'électrons-volts). 1 giga électron-volt (1 milliard d'électrons-volts). 1 téra électron-volt (mille milliards d'électrons-volts).
14
L'ATOMEECOLOGIQUE M A (MeV)
:
Fusion
10
20
30
6p
Fission
90
120
150
180
210
A
Noyaux lourds
Noyaux légers
Figure 1.3. Énergie de liaison.
On constate à l'observation de cette figure qu'il y a augmentation du défaut de masse (c'est-à-dire dégagement d'énergie) lors de la fission (cassure) d u n noyau lourd ou bien lors de la fusion (assemblage) de deux noyaux légers. Ces réactions sont dites exothermiques. Inversement, la fission d'un noyau léger et la fusion d'un noyau lourd requièrent de l'énergie : ces réactions sont dites endothermiques.
FISSIONET FUSION EXOTHERMIQUES Dans les réactions de fission d'un noyau lourd ou de fusion d'un noyau léger, une partie de la masse s'est transformée en énergie : c'est le principe de production d'énergie nucléaire, soit par fission des noyaux d'uranium ou de plutonium dans une centrale nucléaire en fonctionnement ou dans l'explosion d'une bombe A, soit par fusion des noyaux de deutérium et de tritium dans un réacteur à fusion contrôlée ou dans l'explosion d'une bombe H. Ou encore, en notation symbolique :
Fusion deutérium-tritium ; ;H+f H
-+; He+;
n+17,6 MeV.
15
NOTIONS DE PHYSIQUE DU NEUTRON
Fission de l'uranium 235 :
+O n -+38
:;5U
Sr +::O
Xe + 2;n
+ 200
MeV.
Fusion deutérium-tritium LZE = 17,6 MeV Q
Neutron
O Pioton
Fission de î'uranium 235 235
wu
94
,Sr
14
,Xe
AE=UW)MeV
0 Neutron 0
hton
Figure 1.4. Fusion deutérium-tritium et fission de l'uranium 235.
Remarque : La fission d'un noyau donne toujours 2 fragments. Les noyaux Sr (strontium) et Xe (xenon) pris dans l'exemple ci-dessus sont des fragments de fission, mais il en existe beaucoup d'autres (voir Chap. 3) qui peuvent être produits par la fission avec une probabilité qui leur est propre.
Pour réaliser la réaction de fusion de 2 noyaux, qui ont tous deux une charge positive, il faut vaincre la barrière de répulsion électromagnétique afin de les rapprocher suffisamment l'un de l'autre. Une solution consiste à détruire la structure de l'atome en créant un nouvel état de la matière, appelé plasma, par augmentation de la température du milieu au-delà de cent millions de degrés. Ce quatrième état, après les états solide, liquide et gazeux, est constitué
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
16
d'électrons libres (les nuages électroniques ont été détruits par l'agitation thermique) et de noyaux qui, animés de très grandes vitesses, peuvent fusionner par collision (Fig. 1.5). À ce jour, la fusion contrôlée n'est pas maîtrisée et il est encore nécessaire de résoudre des problèmes technologiques complexes avant d'atteindre le stade du prototype industriel, qui n'est pas attendu avant plusieurs décennies.
Noyau Électron
Figure 1.5. Gaz et plasma.
À l'inverse, la réaction de fission contrôlée est relativement facile à réaliser par bombardement neutronique d'un noyau fissile car le
neutron, électriquement neutre, n'est pas dévié sur sa trajectoire par le nuage électronique (chargé négativement) qui entoure le noyau ou par le noyau cible lui-même (chargé positivement). C'est ce procédé qui est utilisé dans le cœur d'un réacteur nucléaire pour produire de l'énergie.
RÉACTIONSNUCLÉAIRES Toutes les interactions entre le neutron incident et le noyau cible ne provoquent pas la fission. Les principales réactions que l'on rencontre dans les cœurs de réacteurs nucléaires sont la diffusion élastique et inélastique, la capture radiative et la fission.
NOTIONS DE PHYSIQUE DU NEUTRON
17
La diffusion élastique (n, n) Le neutron rebondit sur le noyau cible, supposé lourd, en conservant son énergie cinétique.
n : Neutron
Figure 1.6. Diffusion élastique.
Par ailleurs, le choc de deux billes de billard est n a ttre exemple de diffusion élastique (voir Chap. 2 Choix du modérateur .). ((
La diffusion inélastique (n, n') Le neutron est absorbé par le noyau qui s'excite (2), puis est éjecté en perdant la partie de son énergie qui a servi à exciter le noyau ( 3 ) .
n : neutron d'énergie E n' : neutron d'énergie E d :
Figure 1.7. Diffusion inélastique.
La capture radiative (n, y) Le neutron est absorbé par le noyau qui, excité (2), se désintègre (3) en émettant des photons(3) :
(3)
La désintégration radioactive est traitée au chapitre 3 .
18
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
w
3 n
Y
O
O
n : Neutron y : Rayonnement électromagnétique
O
Figure 1.8. Capture radiative.
S ~ Z E
La fission (n, 9
Le neutron est absorbé par le noyau cible qui s'excite (2) puis se casse en 2 fragments (appelés produits de fission) de masses voisines avec émission de neutrons prompts ( 3 ) . Les produits de fission fortement excités se désintègrent par rayonnement y puis par désintégration p- suivie, parfois, d'une émission de neutrons dits retardés (4). ((
))
On distingue donc 2 catégories de neutrons émis lors de la fission : + Les neutrons prompts, émis instantanément au moment de la fission. + Les neutrons retardés, émis par les noyaux excités formés au cours de la désintégration p- des produits de fission. L'émission de neutrons elle-même est instantanée de sorte que le retard observé par rapport à l'émission des neutrons prompts correspond, en fait, à l'émission p- antérieure.
La proportion de neutrons retardés par rapport aux neutrons Néanmoins, nous verrons prompts est très faible (de l'ordre de 1 YO). au paragraphe Neutrons retardés que leur rôle est déterminant dans le contrôle d'un réacteur nucléaire. ((
))
L'énergie totale libérée par la fission se retrouve sous forme d'énergie cinétique dans les produits de fission, les neutrons, les rayonnements p et y, et l'antineutrino. Le tableau 1 donne le détail de l'énergie moyenne libérée dans la fission de l'uranium 235.
19
NOTIONS DE PHYSIQUE DU NEUTRON
3 n
a PF : produit de fission n ' neutron np: neuron prompt (~r : neutron retardé YP : Y prompt y : y radioactif électron
6:
F
np O
%
Figure 1.9. Fission.
Tableau 1.1. Énergie libérée dans la fission de l'uranium 235.
I Exemple de fission de l'uranium 235
I
MeV
I
Énergie cinétique des produits de fission (A = 95 et 140) Énergie cinétique des neutrons prompts et retardés (2-3 neutrons)
I Rayonnement y prompts (5rayons) I Rayonnement (7 rayons)
I I
5
1
6
1
I
8
1
I Antineutrino
I
12
I
I Rayonnement radioactif y
I
6
1
I Énergie totale libérée
I202
Cette énergie, instantanément convertie en chaleur, est évacuée à l'extérieur du cœur par le réfrigérant (ou fluide caloporteur). Elle est égale à environ 200 MeV pour la fission d'un noyau
d'uranium 235.
20
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
Remarque: À partir de l'énergie dégagée dans une fission nucléaire, on calcule que la fission complète d'un gramme d'uranium 235 dégage une énergie d'environ 1 MWj (un Mégawatt x jour) soit l'équivalent de la chaleur dégagée par 10 O00 ampoules électriques de 100 watts pendant une journée ! Le plutonium 239, autre noyau fissile, possède une capacité énergétique encore plus importante que l'uranium 235. On démontre en effet qu'un gramme de plutonium 239 équivaut énergétiquement à une tonne de pétrole. Finalement, la France a réussi, grâce à son programme nucléaire, à se doter d'un gisement virtuel qui fournirait annuellement environ 80 millions de tonnes d'un pétrole imaginaire à notre économie. Le passage au surgénérateur consommateur de plutonium rendrait ce gisement inépuisable.
La fission a un double effet sur l'environnement : + elle dégage de la chaleur ; + elle produit des substances radioactives. C'est l'objet de la Sûreté des installations nucléaires (voir Chap. 4) que de maîtriser en toute circonstance ces deux effets, d'une part en assurant l'évacuation de la chaleur du cœur du réacteur et d'autre part en garantissant le confinement des substances radioactives créées par la fission. Certaines de ces substances o n t une durée de vie très longue et
continuent de produire de la chaleur après l'arrêt du réacteur. C'est la chaleur résiduelle (voir Chap. 3 , Notions de radioactivité .). Certains noyaux peuvent fissionner quelle que soit l'énergie du neutron incident. Ces noyaux sont dits fissiles ». Citons pour exemples l'uranium 235 et le plutonium 239. D'autres noyaux requièrent une énergie minimale du neutron incident pour fissionner. On parle alors de réactions de fission à seuil (d'énergie). C'est le cas de l'uranium 238 ou du plutonium 240. La figure 1.1O décrit de façon simplifiée le processus de fission. Le noyau susceptible de fissionner est prisonnier dans u n N puits de potentiel et il lui faut u n apport d'énergie minimum (énergie d'excitation E pour surmonter la barrière de fission (énergie Eba). Or, dans un noyau fissile comme l'uranium 235, l'énergie d'excitation ( E e x c = 6 MeV) est fournie par l'énergie de liaison du neutron absorbé (7 MeV). La fission peut donc se faire même avec des neutrons ayant de très faibles vitesses (neutrons dits thermiques N, par opposition aux neutrons animés de grandes vitesses, dits rapides N). (<
((
))
...)
((
((
((
>)
21
NOTIONSDE PHYSIQUE DU NEUTRON
En revanche, dans le cas d'un noyau comme l'uranium 238, seulement 5 MeV d'énergie sont fournis à l'absorption d'un neutron aussi le noyau d'uranium 238 thermique. C'est plus faible que E., ne fissionne-t-il qu'avec des neutrons ayant une énergie supérieure à 1 MeV (Fig. 1.12).
Noyau fissile excité
Distance entre les centres
O
Figure 1.1O. Barrière de fission.
Ce sont les noyaux fissiles d'uranium 235 et de plutonium 239 qui sont utilisés comme combustibles dans les réacteurs nucléaires. Dans l'uranium extrait du minerai, on trouve seulement 0,7 YO d'uranium 235(4) et 99,3 YO d'uranium 238. Pour cette raison, il est généralement nécessaire d'augmenter la teneur en uranium 235 de l'uranium naturel pour l'utiliser comme combustible. L'opération correspondante s'appelle l'enrichissement de l'uranium naturel en isotope 235. Par exemple, l'uranium utilisé dans la majorité des centrales nucléaires françaises contient 3 YOd'uranium 235 et 97 Y d'uranium 238.
~~~~
(4)
L'enrichissement est toujours calculé en masse.
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
22
Si ces centrales fonctionnent grâce à l'uranium 235, l'uranium 238 a cependant un rôle important à jouer : + I1 contribue à la production d'énergie parce qu'il fissionne avec des neutrons rapides et, surtout, parce qu'il est fertile, c'est-àdire qu'il se transforme dans le réacteur en fonctionnement en plutonium 239 qui, lui, est fissile comme l'uranium 235. + En outre, c'est grâce à l'uranium 238 que certains réacteurs dits à neutrons rapides peuvent être surgénérateurs, c'est-à-dire produire plus de matière fissile qu'ils n'en consomment (voir Chap. 2, Principe du réacteur à neutrons rapides n). ))
((
((
Les noyaux fertiles les plus connus sont l'uranium 238 et le thorium 232. Ils génèrent dans le réacteur en fonctionnement respectivement les noyaux fissiles de plutonium 239 et d'uranium 233 par une capture radiative de neutrons (ou capture neutronique) suivie d'une double désintégration p- selon les processus suivants : hu)
238 92 + ';
'
239 g2u
P23,5min
O
-1e
-
+
239
93NP
B2 3 j
b
O
-
239
-le + 94Pu
Tous les points qui viennent d'être évoqués concernant le combustible nucléaire seront développés dans le chapitre 2.
La figure 1.11 classe les principales réactions nucléaires rencontrées dans les réacteurs. Réaction nucléaire
1 Absorption
Diffusion
I
Élastique (n. n)
Inélastique
Fission
(n, n')
(n. f)
Capture particule chargée (n, P) (n. a)
Figure 1.1 1. Classement des principales réactions nucléaires.
Capture radiative (n, Y)
23
NOTIONSDE PHYSIQUE DU NEUTRON
SECTION EFFICACE ET FLUX NEUTRONIQUE L a probabilité pour qu'un noyau interagisse avec u n neutron selon une réaction nucléaire donnée s'exprime par la section efficace(5)du noyau (O). Pour chaque élément caractéristique du cœur (uranium, plutonium, cadmium, oxygène, fer, ...), on définit, lorsqu'elles existent, les sections efficaces de diffusion élastique (oe) , de diffusion inélastique (<Ti), de capture radiative (oc)et de fission (of). Les sections efficaces d'un même noyau s'ajoutent puisqu'elles correspondent à des probabilités indépendantes. Un neutron peut être diffusé par un noyau lourd en conservant la même vitesse (diffusion élastique ( s e ) ou à une vitesse moins élevée (diffusion inélastique oi). On obtient donc la section efficace de diffusion totale (Td :
En outre, un neutron absorbé par u n noyau peut soit provoquer la fission (of)soit rester captif (oc). On a donc :
et, finalement :
La section efficace d'un noyau varie avec l'énergie du neutron incident (voir Fig. 1.12).
(5) L a section efficace est en quelque sorte la surface d7«innuence noyau, comme la toile est la surface d'influence autour de l'araignée.
))
autour du
24
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
O
of : section efficace de fission : section efficace de capture
(barn)
O,
Basses énergies
' Énergies ' intermédiaires
Hautes énergies
Figure 1.12. Sections efficaces.
On distingue 3 zones principales dans le spectre des sections efficaces : la zone des hautes énergies, la zone des résonances et la zone des basses énergies. On observe immédiatement sur la figure 1.12 que la section efficace de fission de 235U est très importante dans les basses énergies : c'est pour cette raison que l'on cherche à ralentir les neutrons issus d'une fission ( E = 2 MeV) jusqu'aux énergies thermiques ( E = 1/40 eV) dans u n réacteur à neutrons thermiques. Cette opération de ralentissement (ou de modération) s'effectue par chocs successifs sur des noyaux légers (voir Chap. 2). C'est le modérateur (exemple : l'eau dans le réacteur à eau sous pression ou encore le graphite dans le réacteur graphite-gaz) qui occupe la fonction de ralentisseur de neutrons. ((
))
On doit tenir compte des résonances (ou pic de section efficace) de la zone d'énergies intermédiaires dans la conception des cœurs. Par exemple, dans le cas de l'uranium 238, cette zone est pénalisante dans u n réacteur à eau sous pression car des neutrons vont être capturés dans leur phase de ralentissement par l'uranium 238 et n'atteindront jamais la zone des basses énergies pour fissionner
NOTIONS DE PHYSIQUE DU NEUTRON
25
l'uranium 235. On pallie cet inconvénient en séparant le combustible du modérateur (cœur hétérogène). Alors les neutrons seront ralentis dans le modérateur jusqu'aux énergies thermiques et échapperont aux trappes des résonances de l'uranium 238. Enfin, l'allure de la section efficace de fission de l'uranium 238 montre que la fission de ce noyau n'est possible qu'avec des neutrons possédant une énergie a u moins égale à 1 MeV. On est en présence, ainsi que nous l'avons déjà mentionné, d'une réaction à seuil. ))
((
Flux neutronique La population de neutrons présente dans le cœur est caractérisée par le flux de neutrons. Celui-ci peut s'exprimer en fonction de l'énergie des neutrons (étude spectrale), de la position des neutrons dans le cœur (étude spatiale) ou du temps (étude cinétique). Au cours de la fission, les neutrons sont éjectés à des énergies élevées (environ 2 MeV) et se répartissent selon le spectre de fission (voir Fig. 1.13). Les neutrons interagissent ensuite avec les différents éléments qu'ils rencontrent sur leur trajectoire. Dans u n cœur possédant un modérateur (REP ou UNGG), les neutrons se répartissent sur l'échelle d'énergie jusqu'aux très basses énergies ; le spectre de flux est dit mou ». A contrario, dans un réacteur RNR, en l'absence de modérateur, les neutrons sont beaucoup plus nombreux aux hautes énergies ; le spectre de flux est dit dur ». ((
((
- Spectre de flux dans
Flux
un réacteur REP
fI I
O
1
1
1K
I
1M
--
Spectre de fission
_____
Spectre de
Y
Énergie (eV)
Figure 1.13. Spectre de flux dans un réacteur REP.
26
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
Flux
h
I
1
O
-
I
1K
-
Spectre de flux dans le réacteur Phénix
--
Spectre de flux dans le réacteur Superphénix
I
D
1M
Énergie (eV)
Figure 1.14. Spectre de flux dans un réacteur RNR.
RÉACTION EN CHAîNE La fission provoque l'émission de neutrons prompts de haute énergie (2 MeV) et de neutrons retardés d'énergie moindre (500 keV).
Au total, 2 ou 3 neutrons sont libérés au cours d'une fission qu'un seul neutron suffit à provoquer. Ces neutrons (plus précisément certains d'entre eux) provoquent à leur tour la fission d'autres noyaux et ainsi de suite. C'est la réaction en chaîne.
Réactivité Dans la réalité du réacteur nucléaire, tous les neutrons issus d'une fission ne vont pas produire à leur tour une fission. En effet, nous savons qu'un neutron éjecté d'une fission peut interagir de différentes manières avec son environnement, par exemple par capture de l'uranium 238 dans la zone de résonances ou par d'autres réactions avec les éléments présents dans le cœur, ... ou encore sortir du cœur sans interagir (fuite du cœur).
27
NOTIONS DE PHYSIQUE DU NEUTRON
O
1 neutron
O
2 neutrons
104
I
1" génération
I \0 I \ O
2.104
iûûegénération O O Q O O ooooooo O 0 O 1030neutrons
0.01
Temps (seconde)
Figure 1.15. Réaction en chaîne.
Chaque neutron a son histoire propre et ce qui importe pour le calcul de la puissance dégagée dans le cœur, c'est le bilan statistique des interactions de la population de neutrons avec son environnement, ou encore l'histoire moyenne D d'un neutron né d'une fission. Si, en moyenne, un neutron né d'une fission donne un seul neutron à la génération suivante, et ainsi de suite, alors on peut dire qu'un neutron qui disparaît donne naissance à un nouveau neutron : le bilan est équilibré et le flux de neutrons (donc la puissance) est stabilisé. On dit que le réacteur est critique, ou encore que sa réactivité p est nulle. ((
Pilotage Dans le cœur du réacteur, la réaction en chaîne est contrôlée afin d'obtenir le dégagement de puissance désiré de façon continue. Cette
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
28
puissance étant proportionnelle a u flux de neutrons, il suffit, pour stabiliser la puissance, de stabiliser le flux c'est-à-dire de réguler les fissions qui se produisent dans le cœur. Ce sont les barres de commande du réacteur qui assurent cette fonction. Elles contiennent une substance (appelée poison neutronique) qui capture les neutrons pour les empêcher de provoquer la fission d'un noyau (exemple : bore, cadmium, ...) et sont plus ou moins enfoncées dans le cœur en fonction du degré d'empoisonnement souhaité. Supposons que l'on parte d'un état du réacteur où la puissance est constante. La réactivité du cœur est donc nulle (p = O). Si, à partir de cet état, qui correspond à la position H o des barres de commande dans le cœur, on monte ces barres d'une hauteur donnée Hi - Ho(l), le flux de neutrons va s'accroître exponentiellement. On dit qu'on a injecté de la réactivité dans le cœur (p > O). Pour stabiliser à nouveau la puissance du réacteur, il faut redescendre les barres à leur position initiale Ho (2 ). Si on veut arrêter le réacteur, on descend encore les barres d'une hauteur donnée, disons H o - H 2 ( 3 ) , d'autant plus grande que l'on veut faire décroître rapidement la puissance (3). On a cette fois-ci injecté de l'anti-réactivité (p < O) dans le cœur. Dans le cas extrême d'un arrêt d'urgence du réacteur nécessité par une défaillance affectant la sûreté de l'installation, il y a chute des barres dans le cœur afin d'arrêter la réaction en chaîne le plus vite possible. Aux paliers de flux (Dl et (D2 correspond une même position des barres de commande, ce qui prouve que la puissance d'un réacteur nucléaire peut être augmentée à loisir : c'est la capacité d'évacuation de la chaleur dégagée par le cœur qui limite la puissance d'un réacteur. Remarque : Par analogie avec l'automobile, la barre de commande joue le rôle de la pédale d'accélérateur. On pourrait théoriquement accroître la vitesse d'une voiture à l'infini en agissant s u r cette pédale mais la résistance de l'air, proportionnelle a u carré de cette vitesse, finit par annihiler la force de propulsion d u véhicule. De même, dans u n réacteur, on ne peut pas augmenter la puissance à l'infini à cause des contre-réactions (voir (1 Contre-réactions de réactivité ))) qui jouent le rôle de la résistance de l'air pour la voiture.
29
NOTIONSDE PHYSIQUE DU NEUTRON Barres de commande
H1HOH2-
!i
ft
I
Coeur
j
v
t I
Flux
c
O
L I
t
p = réactivité
Figure 1.16. Pilotage d'un réacteur.
CONTRE-RÉACTIONS DE RÉACTIVITÉ Lorsque le réacteur fonctionne à puissance constante, c'est-à-dire à réactivité nulle, il est très important de connaître l'effet d'une augmentation initiale de température du combustible, du modérateur ou du réfrigérant sur la réactivité du cœur.
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
30
En effet, si la réactivité diminue (contre-réaction négative), alors la puissance diminue entraînant une diminution de la température. Le système est stable. Le réacteur s’auto-régule. Si, au contraire, la réactivité augmente (contre-réaction positive), alors la puissance augmente et provoque à son tour une augmentation de température. Le système est instable et le réacteur s’emballe. Le rapport de la variation de la réactivité sur la variation initiale de température s’appelle coefficient de température. Pour qu’un réacteur soit contrôlable, il est donc nécessaire que ce coefficient soit toujours négatif (système stable), que la variation initiale de température provienne du combustible (contre-réaction rapide), du modérateur ou du réfrigérant (contre-réactions lentes). C’est toujours le cas dans un réacteur à eau sous pression grâce à un dimensionnement adéquat des différents éléments qui entrent en jeu. Dans un cœur de réacteur de type RBMK (semblable à celui de Tchernobyl), le coefficient de température est positif dans certaines conditions de fonctionnement. Cela provient du fait que le modérateur est constitué de graphite et non d’eau comme dans le REP. En conséquence, en cas par exemple de perte du réfrigérant provoquée par une rupture de tuyauterie, la réaction en chaîne s’emballe ! (voir Chap. 5, Sûreté du RBMK N). ((
Dans les réacteurs à neutrons rapides, les incidents de réactivité survenus peut-étre(6) sur le réacteur Phénix (Marcoule) en 1989 et 1990 (voir Chap. 5, Sûreté du RNR ). ont sensibilisé les ingénieurs aux problèmes de stabilité neutronique. Une faible variation de réactivité négative mais d’une dynamique relativement élevée a en effet été détectée par un appareillage neutronique très sensible. Cette détection a déclenché un arrêt d’urgence automatique du réacteur. ((
Certains ont avancé comme cause possible la traversée intempestive du cœur par des bulles d’argon véhiculées par le circuit primaire de sodium. Cette hypothèse est à ce jour abandonnée car la variation de réactivité mesurée n’était pas compatible avec un mouvement de bulles d’argon dans le cœur (du point de vue de la vitesse des bulles et de l’amplitude de l’effet mesuré qui était faible par rapport au dollar (voir paragraphe suivant)). Après des À ce jour, il n’est pas prouvé qu’il s’agit effectivement d’incidents de réactivité. Cela peut être, par exemple, simplement un artefact au niveau de la mesure de la puissance. (6)
31
NOTIONS DE PHYSIQUE DU NEUTRON
investigations approfondies, l'explication retenue aujourd'hui comme la plus probable est une légère déformation du réacteur qui aurait entraîné un gerbage des assemblages du cœur. Ce phénomène est effectivement susceptible d'induire une réactivité négative compatible avec la dynamique de la variation constatée. L a présence de bulles dans le réfrigérant, qui a néanmoins fait l'objet d'études détaillées, peut être assimilée à une vidange partielle de sodium. En effet, elle a les mêmes conséquences sur la réactivité qu'une dilatation due à une augmentation initiale de température, car cela se traduit dans les deux cas par une diminution initiale de la densité du sodium. Le rapport de la variation de la réactivité sur la variation initiale de la densité de sodium s'appelle, par analogie, coefficient de vide (ou vidange) sodium. Or, si le coefficient de vide sodium reste négatif dans un cœur de petite taille comme Phénix, il peut devenir positif dans un cœur plus grand du type Superphénix si les bulles viennent à traverser le cœur au voisinage du centre. L'analyse théorique du coefficient de vide sodium est faite au chapitre 5, consacré à la sûreté du RNR.
NEUTRONS RETARDÉS On démontre qu'en l'absence de neutrons retardés dans le processus de fission (voir Réactions nucléaires N), la réaction en chaine serait incontrôlable étant donné la rapidité avec laquelle les générations de neutrons issus des fissions se succèdent (At de l'ordre de 10-4 seconde). Partant de l'état d'équilibre (réactivité nulle), si on injecte dans le cœur de la réactivité, par exemple en montant légèrement une barre de commande, de manière qu'en moyenne, un neutron qui disparaît par fission donne naissance à 1,001 neutrons à la génération suivante(7),le calcul montre qu'en l'absence de neutrons retardés, la puissance augmenterait au bout d'une seconde d'un facteur 10 O00 : ((
En i'absence de neutrons retardés, un réacteur nucléaire serait très difficilement contrôlable. Remarque : Lors du pilotage d'un réacteur, il faut veiller à ne pas introduire une réactivité excessive dans le cœur car, au-delà d'une (7)
On dit que la réactivité est de 0,OO 1 ou 100 pcm (partie pour cent mille).
L'ATOMEECOLOGIQUE
32
certaine limite, appelée u dollar le réacteur se comporte comme s'il n'existait pas de neutrons retardés. On dit alors que le réacteur diverge par neutrons prompts. Au cours d'une fission, la proportion de neutrons retardés par rapport aux neutrons prompts étant plus faible pour le plutonium que pour l'uranium, la valeur du dollar est plus faible dans un réacteur au plutonium que dans u n réacteur à l'uranium : )),
REP : RNR (Phénix):
p limite (l$)= 650pcm p limite (l$)= 360pcm
La réaction au plutonium (exemple: RNR, REP-MOX) est donc de ce point de vue plus délicat à piloter que le REP à l'uranium (c'est l'inverse si 1,011 se place du point de vue des contre-réactions mécaniques et Doppler).
Calculer un cœur de réacteur consiste à calculer le flux de neutrons dans l'espace et le temps afin de dresser une carte de la densité de puissance en tout point du cœur et d'en connaître sa dynamique. La population de neutrons est traitée, nous l'avons vu, par une méthode statistique. C'est la statistique de Boltzmann(8) qui est utilisée. Dans cette statistique, la population de neutrons est identifiée à un gaz parfait, c'est-à-dire un gaz dont les particules n'interagissent pas entre elles. Par contre, les neutrons peuvent interagir avec les différents composants du cœur selon une réaction nucléaire donnée (diffusion, capture, fission) ou peuvent s'échapper du cœur sans interagir (fuite) On exprime alors le bilan de production/ disparition dans u n élément de volume du cœur pendant u n laps de temps infinitésimal : C'est la célèbre équation de Boltzmann qui régit tous les phénomènes neutroniques se produisant dans u n réacteur. La complexité de cette équation N intégro-différentielle interdit toute résolution mathématique rigoureuse. Néanmoins, des méthodes de calcul approchées peuvent aboutir à des résultats très précis sur les paramètres intégraux (agrégats) comme les taux de réaction (nombre de réactions par unité de temps et de volume) ou la puissance. ))
((
))
L. Boltzmann : Physicien allemand mort en 1906, soit 26 ans avant la découverte du neutron par J. Chadwick en 1932 !
(8)
33
NOTIONSDE PHYSIQUE DU NEUTRON
Cette facilité apparente d'appréhender avec précision le comportement nucléaire d'un réacteur tient à la spécificité les lois de la physique impliquées. Nous en avons déjà vu plusieurs exemples : validité du modèle du g a z parfait pour le calcul du flux neutronique, présence de neutrons retardés dans le processus de fission, effets de contre-réactions, etc. Ainsi, grâce à un coup de pouce de la nature, le neutronicien échappe au syndrome du météorologue confronté à l'impossibilité de prévoir le temps au-delà d'une période courte (de l'ordre de la semaine) à cause de la sensibilité extrême aux données initiales des équations de la dynamique des fluides utilisées dans les modèles atmosphériques. ((
))
Si u n fumeur de pipe à Tokyo peut provoquer par son acte apparemment anodin un cyclone à Atlanta dans les mois qui suivent, aucune cause non identifiable ne peut induire une excursion de puissance (c'est-à-dire une injection importante de réactivité) dans u n réacteur nucléaire.
L'équation de Boltzmann, qui traduit le bilan production/ disparition des neutrons peut s'exprimer, en régime stationnaire (puissance constante), par la formule symbolique suivante : PRODUCTION = FUITE + ABSORPTION.
Le cœur est dit critique. La masse du combustible est appelée masse critique. En cas de déséquilibre du bilan, il y a 2 possibilités : W
PRODUCTION z FUITE + ABSORPTION.
(1)
Le cœur est dit surcritique. La puissance croît exponentiellement. Pour rétablir l'équilibre, on peut par exemple augmenter la proportion de matière absorbante dans le cœur en enfonçant une barre de commande. PRODUCTION < FUITE + ABSORPTION.
(2)
Le cœur est dit sous-critique. La puissance décroît exponentiellement. Pour rétablir l'équilibre, on peut par exemple diminuer la proportion de matière absorbante en retirant partiellement une barre de commande du cœur.
34
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
Dans les deux exemples précédents, on a agi sur la matière pour modifier les termes du bilan. On peut également agir sur la géométrie car la proportion des neutrons qui s'échappent du cœur est très liée à sa géométrie. Plus précisément, la production de neutrons dans le cœur est proportionnelle au volume du cœur et la disparition des neutrons par fuite du cœur est proportionnelle à la surface du cœur. Finalement, si on cherche à atteindre la criticité avec une masse de combustible minimale (c'est le cas de la bombe atomique), on choisit la forme géométrique qui a le plus grand rapport volume/ surface, c'est-à-dire la sphère. Le calcul montre que dans le cas d'une bombe atomique sphérique, la masse critique est d'environ 22 kg si le combustible est de l'uranium enrichi ù 90 % d'uranium 235 (uranium dit de qualité militaire ou propre ))) et de 6 kg si le combustible est du plutonium 239. ((
Le principe de la bombe atomique a fission (bombe A)(9)
Deux fragments de matière fissile peuvent constituer, lorsqu'ils sont éloignés l'un de l'autre, un système sous-critique qui devient surcritique lorsque ces deux fragments sont projetés l'un contre l'autre. C'est le principe de base de la bombe A (voir Fig. 1.17). On utilise alors un explosif conventionnel pour rassembler les deux fragments. Les 2 exemples historiquement célèbres de bombe A sont celles qui ont explosé & Hiroshima (6 août 1945, 114 O00 victimes) et à Nagasaki (9 août 1945, 86 O00 victimes)(lo), surnommées Little Boy et Fat Man par les scientifiques responsables du projet Manhattan en référence respectivement à Franklin D. Roosevelt et Winston Churchill. ((
))
((
((
))
))
(") La bombe à fusion (bombe H) n'est pas abordée ici. (lo) I1 s'agit des victimes décédées immédiatement ou dans les premiers mois, soit au total 200 O00 victimes pour les 2 villes sur une population de 600 000 personnes.
NOTIONSDE PHYSIQUE DU NEUTRON
35
n = neutron Système sous-critique
Système surcritique
Figure 1.17. Principe de la bombe A.
Explosif
Fragments sous-critiques d'uranium
Masse surcritique d'uranium
Little Boy (Hiroshima).
Longueur : 3 mètres : 0,7 mètre Diamètre Poids : 4 tonnes Puissance : 20 O00 tonnes TNT(11) (ou 20 kilotonnes) Explosif nucléaire consommé : environ 1 kg d'uranium 235. Little Boy est une bombe à uranium 235 : les 2 fragments souscritiques d'uranium 235 , violemment rassemblés par l'explosion d'une charge conventionnelle, deviennent surcritiques.
(11)
TNT : Trinitrotoluene
36
L‘ATOME ÉCOLOGIQUE
Explosif
Masse de plutonium sous-critique
Masse de plutonium surcritique
Fat Man (Nagasaki).
Longueur : 3,5 mètres Diamètre : 1,5 mètres Poids : 4,5 tonnes Puissance : 20 O00 tonnes TNT (ou 20 kilotonnes) Explosif nucléaire consommé : environ 1 kg de plutonium 239. Fat M a n est une bombe au plutonium 239, fondée sur le principe d’implosion : l’explosion de charges situées en périphérie provoque la compression du plutonium 239 initialement sous-critique. Remarque 1 : Un accident de réactivité (appelé c( excursion de puissance 11) s u r u n réacteur nucléaire ne peut en aucun cas conduire à une explosion atomique à cause de la contre-réaction de réactivité stabilisante d u combustible jamais très enrichi (effet Doppler) et de la dispersion prématurée de la matière fissile qui redevient très vite sous-critique. Remarque 2 : Avec l’apparition de la bombe à hydrogène (H), fondée s u r le principe de fusion nucléaire, la puissance s’exprime désormais en mégatonnes (Mt, million de tonnes de TNT). Dans ce saut d’échelle de la kilotonne à la mégatonne (facteur lOOO), les effets mécaniques générés par l’explosion sont seulement multipliés par 10. En revanche, les effets thermiques augmentent proportionnellement à la puissance de la bombe. À titre d’illustration, une bombe H de 10 M t explosant à 30 km d’altitude incendierait une dizaine de milliers de km2. En conséquence, quelques bombes de cette puissance suffiraient à ravager les grandes agglomérations de notre planète.
CLASSIFICATION DES FILIÈRES
CENTRALE THERMIQUE ET CENTRALE NUCLÉAIRE
U
ne centrale nucléaire a de grandes similitudes avec une centrale thermique classique fonctionnant au charbon, au fuel ou au gaz [31.
Le principe de fonctionnement est en effet le même : le fluide primaire (le réfrigérant), s'échauffe à la traversée de la chaudière. La chaleur emmagasinée est ensuite transmise au circuit secondaire dont l'eau est vaporisée à la traversée du générateur de vapeur. Cette vapeur fournit de l'électricité en se détendant dans le turboalternateur jusqu'à la pression du condenseur où elle est refroidie par le circuit tertiaire en contact avec la source froide (la mer ou un cours d'eau) avant de retourner dans le génlérateur de vapeur pour y être à nouveau vaporisée. Les trois différences principales entre les 2 procédés sont : + le mode de production de la chaleur dans la chaudière. Les centrales thermiques utilisent un combustible fossile (charbon, fuel ou gaz) qui produit de la chaleur par combustion dans l'air, alors que la production de chaleur dans les chaudières nucléaires provient de la fission d'atomes lourds (uranium ou plutonium) ; + le facteur de pollution en fonctionnement. Les centrales thermiques, qui utilisent un combustible fossile, rejettent dans l'atmosphère des gaz de combustion, principalement les oxydes de carbone, d'azote et de soufre, qui sont des polluants atmosphériques (voir Effet de serre et pollution atmosphérique .). Les centrales nucléaires, quant à elles, ne dégagent, pour certaines d'entre elles, que de la vapeur d'eau du circuit tertiaire, par l'intermédiaire d'un réfrigérant atmosphérique (circuit tertiaire fermé). Les autres peuvent s'en dispenser (circuit ((
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
38
tertiaire ouvert), lorsque les capacités d’évacuation de la chaleur à la source froide sont suffisantes (mer ou cours d’eau au débit important), et ne font que rejeter de l’eau tertiaire propre mais chaude(1) (voir Fig. 2.2). Ces dernières sont donc responsables d’une pollution thermique du cours d’eau consécutive à une augmentation de sa température de quelques degrés. Des mesures sont prises pour que les conséquences écologiques soient acceptables ;
cha
_ .
Air source froide
Eau
source froide
Figure 2.1. Centrale thermique et centrale nucléaire (REP).
( I ) Le réfrigérant atmosphérique étant moins efficace que le cours d’eau en générai plus froid que l’air ambiant, une centrale à circuit tertiaire fermé a un moins bon rendement thermique qu’une centrale à circuit tertiaire ouvert.
39
CLASSIFICATION DES FILIÈRES
Condenseur
C i u i t ouvert d'eau de refroidissement
Réfrigérant atmosphérique
Condenseur
Circuit fermé d'eau de refroidissement
Figure 2.2. Types de circuit tertiaire de refroidissement.
+
le rendement thermique. Le rendement thermique d'une turbine à vapeur est égal a u pourcentage de l'énergie thermique de la vapeur qui est transformée en énergie mécanique dans la
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
40
turbine. Cette énergie sera ensuite transformée en énergie électrique par l'alternateur. Dans la chaudière thermique, la chaleur est transférée a u fluide primaire par le rayonnement des flammes de combustion portées à environ 1500 OC. I1 en résulte que la température de la vapeur accédant à la turbine dépasse 500 OC. Dans la chaudière nucléaire à eau, la température maximale a u centre du combustible étant d'environ 1300 "C seulement, la chaleur transmise à l'eau primaire par conduction thermique ne l'échauffe pas au-delà de 330 O C en sortie de cuve, ce qui produit une vapeur de moins de 300 "C à la turbine. En conséquence, le rendement thermique, égal à l'écart relatif de température entre la source chaude et la source froide (principe de Carnot), sera meilleur pour une chaudière thermique (45 %) que pour une chaudière nucléaire à eau (33%). En contrepartie, 12 % de l'énergie produite par combustion dans une chaudière classique sont perdus à la cheminée alors que rien ne s'échappe d'une chaudière nucléaire a u niveau du circuit primaire.
CHOIX DES INGRÉDIENTS D'UN RÉACTEUR NUCLÉAIRE Le premier chapitre a mis en évidence le rôle du combustible, du modérateur et du réfrigérant dans la conception du cœur d'un réacteur nucléaire.
La diversité des choix possibles pour ces trois ingrédients conduit, par combinaison, à u n nombre important de types différents de réacteurs, en fonction du domaine d'application souhaité : Réacteurs de recherche, destinés à la production de neutrons pour des expériences de physique fondamentale (ex. : conception TECHNICATOME). Réacteurs de production de matières nucléaires spéciales (plutonium, tritium) pour les applications militaires (ex. : conception C.E.A.). Réacteurs électrogènes de propulsion navale (ex. : conception TECHNICATOME). Réacteurs de centrales électronucléaires (ex. : conception FRAMATOME).
41
CLASSIFICATION DES FILIERES
Au total, on ne dénombre pas moins de 200 O00 types théoriques de réacteurs différents ! Ce sont les exigences industrielles et la faisabilité technique qui limitent en pratique ce nombre à quelques unités.
Choix du combustible Le combustible est constitué, on l'a vu, d'éléments dont la proportion de noyaux fissiles par rapport aux autres isotopes caractérise l'enrichissement (exemple : combustible d'uranium enrichi à 3 % en 235U; de plutonium enrichi à 15 YOen 239Pu, ...). I1 se présente à l'état solide, quelquefois sous forme de sels fondus. On rencontre plusieurs compositions chimiques possibles : + Métal (exemple : U) + Alliage (exemple : UA1, U3Si2) + Oxyde (exemple : UOZ) + Oxyde mixte (exemple : UOZ-PUOZ) + Carbure (exemple : UC, UC-PuC). Bouchon
r supérieur
Pastille d'UOn
inférieur
\\ /
/
du crayon : 0,95 cm Gaine de zircaloy
Figure 2.3. Crayon combustible d'un réacteur REP.
Choix du modérateur Le modérateur ralentit les neutrons depuis leur énergie d'émission lors d'une fission (2 MeV) jusqu'à l'énergie de thermalisation (1/40 eV, énergie résultant de l'agitation thermique due à la température ambiante).
42
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
Le ralentissement des neutrons s'effectue par chocs successifs sur les noyaux du modérateur. C'est une partie de billard. Le ralentissement est d'autant plus efficace que les noyaux du modérateur sont légers(2)et peu absorbants de neutrons. Les noyaux généralement utilisés sont : + l'hydrogène de l'eau légère ; + le deutérium de l'eau lourde ; + le carbone du graphite.
0
e
Neutron
Noyau modérateur
Figure 2.4. Processus de ralentissement des neutrons dans le modérateur.
Le nombre moyen de chocs nécessaires pour amener par ralentissement le neutron de fission à l'énergie de thermalisation est de 19 pour l'eau, 35 pour l'eau lourde et 115 pour le graphite. Cependant, parce qu'elle est moins absorbante que l'eau légère, l'eau lourde est le meilleur modérateur.
( 2 ) Nous avons vu au chapitre 1 ((( Réactions nucléaires )I) que lors dune diffusion élastique par un noyau lourd, le neutron conserve son énergie cinétique, donc n'est pas ralenti. Un noyau lourd est donc un mauvais modérateur.
43
CLASSIFICATION DES FILIÈRES
Choix du réfrigérant I1 peut être u n liquide ou u n gaz. Du point de vue du transfert de chaleur, les liquides sont généralement plus efficaces que les gaz, même comprimés à de fortes pressions. Par contre, ces derniers permettent d'atteindre plus facilement de hautes températures et, par conséquent, de meilleurs rendements thermodynamiques. Les liquides, quant à eux, sont limités par la température d'ébullition qui peut, néanmoins, être rehaussée par augmentation de la pression. C'est notamment le cas des réacteurs de la filière REP où la pression du circuit de refroidissement primaire est maintenue, gràce à u n pressuriseur (voir Description de la filière REP n) à une pression de 155 atmosphères. Cela permet d'obtenir à la sortie du cœur une température d'eau de 325°C. Notons également l'utilisation des métaux liquides, qui réunissent les qualités d'un excellent réfrigérant (conductibilité thermique exceptionnelle, large plage de température à l'état liquide sous la pression atmosphérique). Ils posent cependant des problèmes à haute température car ils peuvent se combiner chimiquement avec leur environnement. C'est notamment le cas du sodium à l'état liquide, qui réagit violemment en présence d'eau et d'air (voir Sûreté du RNR n). Finalement, les liquides sélectionnés sont, principalement, l'eau légère, l'eau lourde et le sodium liquide. Côté gaz, citons le gaz carbonique, l'hélium et la vapeur d'eau. Parmi des différents choix possibles de combustible, modérateur et réfrigérant, certaines combinaisons ont été privilégiées par les industriels pour la conception des centrales électronucléaires. Le tableau 2.1 regroupe les principales combinaisons retenues, appelées filières électronucléaires. ((
((
Seules les 3 filières REP (ou PWR), RBMK (type Tchernobyl) et RNR (type Superphénix) sont détaillées dans ce qui suit étant donné leur importance dans la deuxième partie de l'ouvrage consacrée à la sûreté nucléaire et à l'analyse des accidents. Les descriptions faites se limitent au strict nécessaire pour comprendre les principes de fonctionnement normal et accidentel, et pour suivre sans difficulté les films des accidents de Three Mile Island (TMI) et Tchernobyl déroulés au chapitre 6.
L'ATOME ECOLOGIQUE
44
Tableau 2.1. Les principales filières électronucléaires.
Modérateur
Blière
Réfrigérant CO2
Graphite
?éacteur
Combustible
1
U naturel
Application
I I
UNGG
mEal
Fournisseur
I
GB, France
CO2
U enrichi
UOÎ
AGR
GB
He
U enrichi (90 %) + Th
UOZ ou UC
HTR
GB, Allemagne
HzO liquide et vapeur
U enrichi (1,8%)
UOî
RBMK
ex-URSS
Dz0
U naturel
UOZ
HWR CANDU
Canada, Suède, Allemagne
i
ieutrons hermiques Eau lourde
CO2
1
UFghi
I I UOz
HWR
France
Eau sous pression
U enrichi Pu
UOZ MOX
PWR (ou REP) VVER
EU, France, ex-URSS, Japon
Eau bouillante
U enrichi ( 3 %)
UOî
BWR
EU, Suède Japon
Sodium liquide
UetPu Enrichi
UOZ/ PUOZ
RNR
France, Japon, EU, ex-URSS
Eau légëre
?éacteur à 'ieutrons -apides
I
UNGG: Uranium Naturel Graphite G a z ; AGR: Advanced Gaz Cooled Reactor; HTR: High Temperature Reactor ; HWR : Heavy Water Reactor ; PWR : Pressurized Water Reactor ; REP : Rëacteur à eau sous pression ; BWR : Boiled Water Reactor ; RNR : Réacteur à neutrons rapides ; CANDU : Canada Deuterium Uranium.
LE PARC ÉLECTRONUCLÉAIRE FRANÇAIS Le parc électronucléaire comprend (31 décembre 1996) 55 réacteurs sous pression (REP) et 2 surgénérateurs (Phénix et Superphénix). Soit, au total, 57 réacteurs installés qui assurent plus de 77 O/O de la production électrique nationale. I1 faut ajouter 3 réacteurs en construction (1 à Chooz et 2 à Civaux).
à eau
45
CLASSIFICATION DES FILIERES
La production d’électricité d‘origine nucléaire a été, en 1996, de 378 TWh, en augmentation de 5,4 YOpar rapport à 1995.
En 1996, la disponibilité de ce parc a dépassé 82 YO,ce qui représente, compte-tenu des arrêts programmés pour déchargement/rechargement du combustible et maintenance, une performance très satisfaisante (la disponibilité du parc était de 71 YO en 1992). Cette performance est due principalement à une meilleure maîtrise des arrêts programmés (réduction des prolongations d’arrêt et amélioration de la qualité des interventions (voir Fig. 2.5)). Les dernières tranches de 1450 MWe du palier N4 sont en cours d’achèvement à Civaux : la première unité devrait être raccordée au réseau fin 1997 et la seconde, u n an plus tard. La livraison du combustible destiné à la première tranche a débuté le 5 décembre 1996. Après les deux unités de Chooz, dont l’une a été couplée au réseau électrique en 1996 avec un fonctionnement jusqu’à 30 YO de sa puissance nominale, l’autre étant en cours de finition, Civaux constitue la dernière centrale programmée. L’abandon du site du Carnet prévu initialement pour la mise en route d’un premier réacteur en 20 10, repousse sensiblement la date de programmation de nouvelles centrales nucléaires.
100 %-
Essais
____
0,7 %
Visites et travaux
____
13 %
Prolongation d’arrêts programmés
----
1.3 %
- Programmée -
-It Indisponibilité
Non
- programmée
-Indisponibilité - _ _ -
Figure 2.5. Répartition des indisponibilités en 1996.
3%
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
46
Enfin, Superphénix(3) a fonctionné de façon très satisfaisante en 1996 : le réacteur a montré une disponibilité de 95 '/O, hors arrêts programmés, ce qui représente 250 jours de couplage au réseau EDF et une production de 3,5 TWh. Un arrêt programmé a débuté le 24 décembre 1996 et le réacteur n'a, à ce jour, pas redémarré, suite à l'annonce faite par le gouvernement d7abandonner Superphénix (19/6/97). Au total, depuis la mise en service en 1977 de Fessenheim 1, le premier réacteur REP, la France accumule à ce jour une expérience d'exploitation de plus de 700 années x réacteurs. La figure 2.6 donne la carte des sites électronucléaires en France au 31/ 12/96 en détaillant les tranches installées, en construction et déclassées (arrêtées définitivement). Fin 1998, il n'y aura plus de site en construction en France.
DESCRIPTION DE LA FILIÈRE REP L'ambition de ce paragraphe n'est pas de décrire la totalité des circuits d'une centrale REP. Ceux-ci sont consignés dans les Dossiers de Systèmes Élémentaires qui remplissent des armoires entières chez Framatome ou EDF. ((
))
La présentation qui suit a pour objet de donner les bases nécessaires à la compréhension des chapitres consacrés à la sûreté nucléaire et aux analyses des accidents.
Le réacteur (900 MWe) Le combustible utilisé est de l'oxyde d'uranium enrichi à environ 3 YO (gestion standard annuelle par 1 / 3 du cœur. Les nouvelles gestions à cycle long requièrent un enrichissement de 3,7 à 4 YO).L'eau ordinaire sert à la fois de modérateur et de réfrigérant. Le bloc réacteur est constitué d'une cuve de 12 m de haut de plus de 300 tonnes dans laquelle se trouve le cœur, d'une hauteur active de 4 m et d u n diamètre de 3 m. ( 3 ) Superphénix est la propriété de la société NERSA dont EDF détient 51 YOdes parts aux côtés de l'italie (33 YO), ainsi que l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni réunis au sein du consortium SBK (16 YO).
47
CLASSIFICATION DES FILIÈRES
0 (a:
UNGG Gaz-eau lourde
0
Surgénérateur
fl 0
-
-
REP900MWe REP 1300 MWe REPN4
0
57 unités Installées En constructio,n/ 3 unités ordre d'exécution donné Déclassées 11 unités
A
REP, refroidissement circuit fermé
REP, refroidissement circuit ouvert
GRAVELINES
CATENOM
NOGENT
FESSENHEIM
BELLEVILLE
SAINT-ALBAN
GOLFECH ," 1
2
MARCOULE G1 G2
G3 PHENM
* TRICASTIN
.-
CRUAS
- - "
S ?
?- f
Figure 2.6. Sites électronocléaires en France au 31/12/96.
Le cœur est constitué de dizaines de milliers de crayons d'oxyde d'uranium (U02) répartis dans des assemblages.
La figure 2.7 donne la coupe transversale d'un cœur de 900 MWe et quelques chiffres caractérisant les cœurs de 900 et 1300 MWe sont consignés dans le tableau 2.2.
48
L'ATOMEÉCOLOGIQUE Tableau 2.2. Caractéristiques des cœurs 900 et 1300 MWe.
Quantité d'UOz (tonne) Nombre d'assemblages Nombre de crayons par assemblage Poids d'un assemblage (kg) Taux de combustion (MWj/t) Vitesse de l'eau dans le cœur (m/s) Puissance thermique de la chaudière (MWth) Enveloppe du coeur
900 MWe
1300 MWe
82 157 264 666 33 800 43 2785
118 193 264 780 32 200 52 3817
Écran thermique
ibles Faible enrichissement (1,s %, 1"' coeur)
O
Enrichissement moyen (2,4 %, 1" coeur)
.q Assemblages combustibles
Enrichissement élevé (3,l %, 1" coeur)
Figure 2.7. Le cœur du REP 900 M We.
49
CLASSIFICATION DES FILIERES
Importance du plutonium dans le bilan énergétique d'un REP Le combustible d'un REP contient de l'uranium 238 (97 YO)et de l'uranium 235 (3YO). Or nous savons que l'uranium 238, élément fertile, produit par capture radiative de neutrons du plutonium, élément fissile. Ainsi, l'énergie produite dans un réacteur REP provient à la fois des fissions de l'uranium 235 présent a u départ, et des fissions du plutonium 239 obtenu en fonctionnement par transformation de l'uranium 238. Plus précisément, chaque fois que 100 noyaux d'uranium fissionnent, 55 noyaux d'uranium 238 se transforment en p l u t ~ n i u m ( ~Autrement ). dit, pour 100 noyaux fissiles consommés par fission, 55 sont fabriqués, qui vont à leur tour fissionner et produire de l'énergie. Tout se passe comme si, dans une voiture, chaque fois qu'on consommait 1O litres d'essence, on en refabriquait simultanément 5,5. Le combustible reste 3 ans en réacteur et est déchargé par tiers tous les ans(5). De plus, à l'issue des 3 années de séjour, sur 100 kg d'uranium enrichi à 3 Y en uranium 235, 2 kg d'uranium 235 auront fissionné et 2 kg d'uranium 238 se seront transformés en plutonium dont la moitié, soit 1 kg, aura fissionné. Remarque : Contrairement à la voiture, le réacteur nucléaire ne peut malheureusement pas brûler tout le carburant.
Finalement, on constate que le plutonium aura fourni un tiers de l'énergie produite, soit l'équivalent d'une année de fonctionnement ! Remarque : N o u s verrons plus loin (voir Description de la filière RNR ). que le plutonium joue également u n rôle essentiel dans le RNR, puisqu'il est à l'origine du phénomène de surgénération, c'est-à-dire de la faculté qu'a le RNR de fabriquer en fonc((
tionnement plus de matière fissile qu'il n'en consomme.
(4) Nous verrons plus loin dans ce chapitre (Principe du réacteur à neutrons rapides) que le RNR fait encore mieux II ! (5) La tendance d'EDF est d'allonger la durée d'irradiation à 4 ans (avec renouvellement par tiers ou par quart), voire davantage. 11
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
50
Les circuits principaux Le circuit primaire (RCP) comprend 3 ou 4 boucles selon qu'il s'agit d'un réacteur de 900 ou 1300 MWe. Chaque boucle comprend un générateur de vapeur et une pompe (voir Fig. 2.8). Une seule boucle est dotée d'un pressuriseur sur sa branche chaude, qui permet de maintenir la pression dans le circuit (155 atmosphères). Le circuit secondaire (ARE) comprend principalement une turbine à vapeur, un condenseur, des pompes d'extraction qui acheminent l'eau secondaire vers les générateurs de vapeur pour y être vaporisée. PP Pompe primaire GV Générateur de vapeur P Pressuriseur
GV
Figure 2.8. Les 4 boucles du circuit primaire du réacteur REP de 1300 MWe.
51
CLASSIFICATION DES FILIÈRES
Le schéma de principe de la figure 2.9 donne une représentation simplifiée de la centrale nucléaire REP avec le bâtiment réacteur et le bâtiment conventionnel des machines. Une seule boucle est représentée au circuit primaire par souci de simplification.
Bâtiment réacteur
Salle des machines
RCP : Circuit primaire ARE : Circuit secondaire
Turbo alternateur
Circuit tertiaire
Figure 2.9. Schéma de principe d'une centrale REP.
La montée en puissance du réacteur se fait en retirant progressivement les barres de commande, qui contiennent u n absorbant de neutrons en alliage d'indium, argent et cadmium, jusqu'à l'équilibre de la réaction en chaine. Un système de régulation agit sur les paramètres de fonctionnement (flux, débit, température et pression) pour les maintenir à l'intérieur de leur plage de fonctionnement normal. En cas d'incident ou d'accident, les paramètres de fonctionnement sortent de leur plage de fonctionnement normal. I1 faut arrêter d'urgence le réacteur en étouffant la réaction en chaîne. L'arrêt d'urgence du réacteur est déclenché automatiquement par le système de protection de la chaudière qui commande la chute des barres de sécurité dans le cœur. L'arrêt d'urgence n'est généralement
52
L'ATOME ECOLOGIQUE
pas suffisant, en cas d'accident, pour assurer un retour à u n état sûr du réacteur. Par exemple, en cas de rupture d'une tuyauterie du circuit primaire, la cuve risque de se vider et le cœur, de se dénoyer puis de fondre. Pour éviter la fusion du cœur, qui provoquerait la contamination radioactive du bâtiment réacteur, u n système d'injection d'eau dans le circuit primaire est sollicité. C'est un système de sauvegarde. Nous verrons au chapitre 4 ((( Approche déterministe que les systèmes de sauvegarde, qui n'interviennent qu'en cas d'accident, sont conçus avec un soin particulier et bénéficient, notamment, d'une redondance de leurs organes mécaniques et électriques. )))
Les principaux systèmes de sauvegarde sont : 6 le circuit d'injection de sécurité (FUS)qui intervient en cas de brèche pour éviter le dénoyage du cœur ; + le système d'aspersion de l'enceinte (EAS)qui, en cas de brèche du circuit primaire ou d'une tuyauterie vapeur, entre automatiquement en service en pulvérisant uniformément de l'eau boriquée (pour absorber les neutrons) dans l'enceinte étanche ; + le circuit d'eau d'alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG)qui permet de maintenir le niveau d'eau secondaire dans les générateurs en toutes circonstances, même en cas de perte de l'alimentation électrique normale. Les systèmes de régulation, de protection et de sauvegarde forment des défenses successives contre les accidents. C'est le principe de défense en profondeur qui est le fondement de la sûreté, dite déterministe, de nos réacteurs à eau sous pression. Le concept de sûreté déterministe est développé au paragraphe Approche déterministe du chapitre 4. ((
((
))
))
DESCRIPTION DE LA FILIÈRE RBMK La filière Les réacteurs RBMK (Reaktor Bolchoï Mochtnosti Kanalnyi) constituent une des deux principales filières de réacteurs construits en ex-URSS. Leur ancêtre fut construit à Obninsk en 1954, suivi par le réacteur de Beloyarsk. Le premier réacteur RBMK de 1000 MWe fut couplé en 1973 à la centrale de Saint-Pétersbourg.
53
CLASSIFICATION DES FILIERES
12 réacteurs RBMK de 1000 MWe fonctionnent actuellement à Saint-Pétersbourg, Kursk, Smolensk et Tchernobyl ; 2 autres d'une taille plus importante (1500 MWe) fonctionnent à Ignalina (Lituanie). Tableau 2.3. Le parc RBMK de l'ex-URSS.
Centrale
Tchernobyl (Ukraine) Ignalina (Lituanie) Kursk (Russie) Smolensk (Russie) Saint-Pétersbourg (Russie) Total
Nombre de tranches puissance en MWe 1 x 1000 x 1500
2 4 3 4
x
1000 1000
x
1000
x
14 t r a n c h e s RBMK
Le site de Tchernobyl, situé à une centaine de km de Kiev (Ukraine),comprend 4 réacteurs RBMK d'une puissance unitaire de 1000 MWe dont u n seul fonctionne aujourd'hui. Ces réacteurs sont de type bouillant à tubes de force refroidis par de l'eau légère et modérés a u graphite.
Le réacteur Le bloc réacteur est constitué d'un empilement de graphite d'environ 12 m de diamètre et de 7 m de haut, traversé verticalement par 1700 tubes de force en alliage zirconium-niobium, contenant le combustible et parcourus par une circulation d'eau légère. Le cœur contient 180 tonnes d'uranium enrichi à 2,4 % en Uranium 235(6), sous forme d'oxyde. L'ensemble de l'empilement de graphite est contenu dans une enveloppe remplie d'un mélange d'hélium et d'azote afin d'éviter toute oxydation avec l'air ambiant. La température moyenne du graphite est d'environ 500 O C . Au-dessus du réacteur, une machine permet le chargementdéchargement en marche du combustible de chaque tube de force. Elle comporte un circuit de refroidissement particulier.
( 6 ) Au moment de l'accident, le cœur de la tranche no 4 de Tchernobyl contenait de l'uranium enrichi à 1,8YO. Cet enrichissement est monté depuis à 2,4 % pour améliorer le coefficient de vide.
54
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
Après accostage sur la tête d'un canal, deux assemblages superposés d'un canal sont retirés puis, par rotation d'un barillet, deux assemblages neufs sont descendus dans le canal qui est ensuite refermé. La machine va ensuite déposer les assemblages irradiés dans une piscine de désactivation. Le contrôle de la puissance est assuré par 200 barres absorbantes en carbure de bore occupant 200 tubes de force identiques aux précédents. La figure 2.10 donne une coupe verticale du bâtiment réacteur RBMK de la centrale de Tchernobyl.
Protection biologique latérale
!
Dalle du réacteur
Figure 2.10. Coupe du bâtiment réacteur de la centrale de Tchernobyl.
55
CLASSIFICATIONDES FILIERES
Le refroidissement du réacteur s'effectue par 2 boucles évacuant chacune l'énergie produite par la moitié du cœur. Chaque boucle comprend 2 ballons sécheurs-séparateurs de vapeur et 4 pompes primaires (dont une en back-up). L'eau entrant dans le cœur est réchauffée sur 2,50 m de hauteur et bout dans la partie supérieure (pression 70 bars, température 285 OC).Le mélange d'eau et de vapeur sortant de chaque tube de force arrive par une tuyauterie dans l'un des 2 ballons séparateurs de 30 m de long et de 2,3 m de diamètre dans lequel l'eau et la vapeur sont séparés. L'eau primaire retourne enfin au cœur via les pompes primaires de recirculation. Chaque boucle alimente u n groupe turbo-alternateur de 500 MWe. Un circuit de refroidissement de secours est mis en œuvre en cas de brèche sur le circuit primaire.
I1 existe une piscine de suppression de pression sous le bloc pile pour évacuer la vapeur produite accidentellement dans le bâtiment réacteur. La figure 2.11 donne le diagramme de refroidissement du réacteur.
Circuit secondaire
:ernatem
Réservoir d'eau de refroidissement de secours basse
Figure 2.1 1. Diagramme de refroidissement du réacteur de Tchernobyl.
56
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
DESCRIPTION DE LA FILIÈRE RNR Le réacteur et les circuits de sodium à l'exception des générateurs de vapeur sont enfermés dans u n bâtiment réacteur de 60 m de diamètre et 80 m de hauteur. La conception du circuit primaire de Superphénix est du type piscine n. L'ensemble du cœur, des pompes primaires et des échangeurs intermédiaires est enfermé dans une cuve principale en acier inoxydable enfermée elle-même dans la cuve de sécurité (voir Fig. 2.12). L'espace entre les deux cuves est visitable par introduction d'une machine d'inspection télécommandée. ((
Echangeur intermédiaire sodium-sodium ~ô~~ en I
\
Pompe à sodium pnmaire Circuit pnmaire desodium ' Coeur
Dalle de fermeture
/
,
Cuve pnncipaie Cuvedesécunté
I
Pompe à sodium secondaire
Sodium
Bâtiment réacteur
(vers le Rhône) Bâtiment générateur de vapeur
Salle des machines
Figure 2.12. Schéma de principe de Superphénix (1200 MWe).
57
CLASSIFICATION DES FILERES
L a cuve interne sépare le sodium froid du sodium chaud et évite le contournement du cœur. Ainsi sont constitués 3 volumes pour le sodium : + au-dessus du cœur et à l'intérieur de la cuve interne, le volume du sodium chaud (550 O C ) sortant du cœur et alimentant les échangeurs intermédiaires ; + sous la cuve interne, à l'extérieur du platelage, u n volume de reprise de sodium froid (400 O C ) sortant des échangeurs et allant à l'aspiration des pompes ; + dans le sommier sous le cœur, un volume d'alimentation du cœur en sodium froid, relié par canaux aux pompes primaires.
La cuve contient 3 500 tonnes de sodium. La température du sodium, en sortie du cœur, est de 550 O C . Or, la température d'ébullition de ce métal est de 880 O C à la pression atmosphérique. Par conséquent, le circuit primaire n'a pas besoin d'être mis sous pression comme dans le cas des REP ce qui, du point de vue de la sûreté, est un avantage considérable.
Le cœur de Superphénix Le cœur de Superphénix, de section hexagonale, se décompose en 4 zones concentriques occupées par des assemblages de section également hexagonale : 193 21 171 233 197
assemblages combustibles, zone 1 (enrichissement(7)=12 Y ) barres de commande principales au carbure de bore assemblages combustibles, zone 2 (enrichissement = 18 YO) assemblages fertiles (couverture d'uranium 238) assemblages d'acier (couverture neutronique).
L a matière formant le cœur est constituée d'oxyde mixte d'uranium et de plutonium (U02 - PuO2) sous forme de pastilles empilées dans des tubes d'acier formant la gaine des aiguilles combustibles. On compte près de 100 O00 aiguilles dans la partie cœur et 20 O00 dans la partie couverture, dont le rôle est, rappelons-le : + de réfléchir les neutrons vers le cœur en les empêchant de fuir ; + de produire du plutonium par capture de l'uranium 238, responsable de la surgénération ; + de contribuer à la production d'énergie (10 % de l'énergie totale). ((
(7)
))
L'enrichissement E en plutonium 239 dans le combustible d'oxyde mixte UOZse définit ainsi : E = masse de 239Pu/(masse de 239Pu + masse de 238U).
P u 0 2
L'ATOMEECOLOGIQUE
58
Le cœur de Superphénix contient l'équivalent de 4,8 tonnes de plutonium 239. Le gain de régénération global atteint 0,24 et le temps de doublement, 28 ans (voir N Principe du réacteur à neutrons rapides ))). Le flux neutronique maximal est considérable : plus de 1015 neutrons/cm2/ s, ce qui conduit à une puissance linéique maximale de 470 W/cm.
Coeur 1 combustible : 193 assemblages au plutonium Coeur 2 combustible : 171 assemblages au plutonium Couverture fertile : 233 assemblages d'uranium 238 Couverture neutronique : 197 assemblages d'acier
Assemblage hexagonal comprenant 271 aiguilles combustibles
i
Figure 2.13. Cœur de Superphénix.
59
CLASSIFICATION DES FILERES
Les assemblages combustibles restent deux ans dans le réacteur et sont renouvelés tous les ans par moitié. Après déchargement, ils sont envoyés à l'usine de retraitement de la Hague où le plutonium et l'uranium sont séparés des déchets radioactifs en vue de leur réutilisation.
Le circuit secondaire de sodium Le circuit secondaire de sodium permet de transférer la chaleur des échangeurs intermédiaires à 4 générateurs de vapeur situés autour du bâtiment réacteur. On compte ainsi 4 boucles de sodium secondaire indépendantes, comprenant chacune 2 échangeurs intermédiaires : les 2 échangeurs intermédiaires situés de part et d'autre d'une même pompe primaire, ainsi que le générateur de vapeur associé, appartiennent à la même boucle secondaire (voir Fig. 2.14). Sas
/
Échangeurs intermédiaires
Bâtiment générateur de vapeur
\>
Salle des machines
Bâtiment réacteur
Figure 2.14. Les 4 boucles du circuit de sodium secondaire de réacteur RNR.
60
L'ATOME ECOLOGIQUE
Deux tuyauteries amènent le sodium chaud, à 530 O C , dans le générateur de vapeur où il vaporise l'eau d'un circuit tertiaire. I1 ressort à 350 "C par une tuyauterie unique qui rejoint la pompe secondaire : le sodium est ensuite refoulé vers les échangeurs intermédiaires. Le sodium parcourt le générateur de vapeur de haut en bas en transmettant la chaleur à des faisceaux de tubes enroulés en hélice, en couches successives, autour d'un noyau central. Les tubes, l'une longueur de 90 m chacun, sont au nombre de 360. L'eau arrive par le bas, s'échauffe et se vaporise dans les tubes qui baignent dans le sodium secondaire, pour ressortir sous forme de vapeur à environ 180 bar et 490 O C .
Le circuit tertiaire eau-vapeur et le circuit quaternaire de refroidissement Le troisième circuit de la centrale est le circuit eau-vapeur : deux tuyauteries conduisent la vapeur issue des 4 générateurs de vapeur jusqu'à la salle des machines pour faire tourner deux groupes turboalternateurs de 600 MWe chacun. La vapeur est ensuite condensée dans le condenseur et l'eau recueillie est renvoyée vers les générateurs de vapeur. Le circuit quaternaire de refroidissement utilise l'eau du Rhône comme source froide. L'eau dérivée en amont de la centrale arrive sous la salle des machines jusqu'aux condenseurs, pour être rejetée en aval à une température légèrement plus élevée.
La haute température de la source chaude du surgénérateur, comparée à celle du REP, confère à Superphénix un rendement élevé, 40 %, proche de celui, 45 YO,d'une centrale thermique classique (voir Centrale thermique et centrale nucléaire ))), alors qu'il est, rappelons-le, seulement de 33 YO pour un réacteur à eau sous pression. ((
PRINCIPE DU RÉACTEUR À NEUTRONS RAPIDES La voie logique pour produire de l'énergie par fission consiste à utiliser les neutrons dès leur expulsion des noyaux fissionnés pour fissionner à leur tour d'autres noyaux (ces neutrons sont dits rapides), et non, comme c'est le cas dans le cœur des REP, une fois thermalisés, c'est-à-dire à des vitesses lentes (voir Choix des ingrédients d'un réacteur nucléaire D). Étant donné que les probabilités de fission de l'uranium 235 et du plutonium 239 sont ((
61
CLASSIFICATION DES FILIERES
plus faibles aux hautes énergies qu'aux basses énergies (voir Section efficace et flux neutronique n), on doit compenser la mauvaise qualité H par la quantité en augmentant la teneur en uranium 235 et/ou en plutonium 239 afin de se dispenser de modérateur. Le fluide caloporteur est le sodium liquide. Pourquoi ce choix ? Les premières expériences de surgénération, Clémentine aux ÉtatsUnis, BR1 en ex-URSS utilisèrent le mercure(8).Plus récemment, le réacteur américain EBRl et le réacteur anglais DFR utilisaient un mélange de sodium et de potassium (NaK). En France, le sodium a été choisi dès l'origine pour les réacteurs de la filière à neutrons rapides. (( ((
((
))
Aujourd'hui, tous les réacteurs surgénérateurs en fonctionnement dans le monde utilisent le sodium. Celui-ci constitue en effet le meilleur compromis parmi les critères de choix d'un caloporteur performant. Ses principales qualités sont : + non modérateur ; + faible capture neutronique ; + conductibilité thermique exceptionnelle ; + facilité de pompage ; + large plage d'utilisation à l'état liquide (entre 100 "C et 880 "C à la pression atmosphérique) ; + bon comportement aux radiations (problèmes de radiolyse et d'activation) ; + peu corrosif ; + peu nocif; + abondant industriellement. Nous verrons a u chapitre 5 (voir Sûreté du RNR que le sodium pose malheureusement des problèmes de sûreté car d'une part il réagit violemment au contact de l'air et de l'eau, d'autre part le circuit primaire est contaminé par l'irradiation du sodium qui donne deux isotopes instables : 22Na, d'une période(9) de 2,6 ans et 24Na d'une période de 15 heures. )))
((
Qu'est-ce que la surgénération ? Le combustible d'un réacteur à neutrons rapides est principalement constitué de plutonium 239 (matière fissile) et d'uranium 238 Les Russes essayèrent également le plomb, qui est aujourd'hui reconsidéré dans le réacteur révolutionnaire hybride Amplificateur d'Energie (vow Quelles sont les chances d'une repnse mondiale ? (9) Période : temps au bout duquel la masse d'un échantillon d'élément aura décrue de moitié. ((
1)).
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
62
(matière fertile). Lorsque le réacteur fonctionne, de la matière fissile est ((consommée par fission et capture neutronique et, dans le même temps, de la matière fissile est fabriquée par capture neutronique de l'uranium 238 qui donne du plutonium 239 selon la réaction déjà connue suivante (voir Réactions nucléaires : ))
)))
((
C'est le nombre moyen de neutrons émis à la suite d'une fission, pour un neutron absorbé, qui détermine la possibilité de fabriquer plus de matière fissile qu'on en a consommé, c'est-à-dire d'obtenir la surgénération. Ce nombre est égal à 2,4 pour le plutonium 239 en neutrons rapides(lo), c'est-à-dire qu'en moyenne, 1 neutron émis servira à entretenir la réaction en chaîne et 1,4 neutron émis pourra, entre autres interactions possibles avec l'environnement, être capturé par l'uranium 238 pour fabriquer du plutonium 239 (voir Fig. 2.15).
@
@
Matière fissile fabriquée par capture neutronique de l'uranium 238
L'uranium 238 capture un neutron issu de la fission et donne du plutonium après 2
O Neutron incident
"RI
fissionnant
239pu
Matière fissile consommée par fission pour entretenir la réaction en chaîne
fissionnant
Figure 2.15. Principe de la surgénération.
(lo) I1 n'est que de l'ordre de 2 , l pour l'uranium et pour le plutonium en neutrons thermiques, d'où la quasi-impossibilité de concevoir un réacteur à neutrons thermiques surgénérateur.
63
CLASSIFICATION DES FILIÈRES
La capacité d'un réacteur à surgénérer se mesure par son gain de régénération (GR). I1 est positif quand il y a surgénération, il est négatif quand il y a sous-génération. Le gain de régénération se définit dans chaque zone ( i ) du réacteur de la manière suivante : GRi =
(Matière fissile formée - Matière fissile détruite) i Matière détruite par fission dans tout le réacteur
Le gain de régénération est une caractéristique réacteur.
((
intégrale
)b
du
Un rapprochement peut être fait avec une automobile fonctionnant à l'essence qui, au cours d'un trajet, fabriquerait, à partir d'un liquide X abondant sur le marché et peu onéreux, une quantité Q 2 d'essence supérieure à la quantité QI qu'elle a consommée. Une telle voiture réutiliserait la quantité Q I d'essence ainsi fabriquée pour ses propres besoins, en se passant désormais d'un approvisionnement extérieur, la seule dépense consistant à se ravitailler en liquide X. En outre, le surplus d'essence fabriqué 9 2 QI pourrait servir à l'approvisionnement d'une autre voiture (voir Fig. 2.16). Ainsi, le processus une fois amorcé, le liquide X remplacerait totalement l'essence qu'il ne serait plus nécessaire d'acheter. Dans cet exemple, l'essence joue le rôle du plutonium 239 et le liquide X, celui de l'uranium 238. Le tableau 2.4 donne les gains de régénération dans les zones cœurs et couvertures des 2 surgénérateurs Phénix et Superphénix.
Tableau 2.4. Gain de régénération de Phénix et Superphénix.
PHENIX 250 MWe E = 25 Yo GR (zone cœur) GR (zone couverture)
GR global (GRG)
-
0,46
SUPERPHENIX 1200 MWe E = 15 Yo
0,58
0,16 0,40
0,12
0,24
-
L'ATOME ECOLOGIQUE
64 Autre voiture
j Arrivée
Départ
Figure 2.16. La voiture N surgénéra trice ».
Remarque 1 : Le calcul montre que le Gain de Régénération d'une zone fissile à combustible d'oxyde mixte est toujours négatif étant donné la présence, dans cette zone, d'une quantité insuffisante d'uranium 238 pour compenser la disparition de plutonium et qu'il évolue dans le sens inverse de l'enrichissement. En revanche, le GR est positif dans les zones couvertures des réacteurs de la filière RNR puisqu'il n'y a que de la production de plutonium 239 par capture de l'uranium 238 (la disparition par absorption du plutonium 239 ainsi formé est faible). En conséquence, les réacteurs à neutrons rapides ne sont surgénérateurs que grâce à la présence des couvertures d'uranium 238. Remarque 2 : Phénix possède une plus petite puissance et un plus grand enrichissement en 2 3 9 h que Superphénix. Ceci s'explique car l'augmentation de puissance au passage de Phénix à Superphénix oblige à augmenter la taille du réacteur afin de pouvoir évacuer correctement la chaleur produite dans le réacteur. On doit alors diminuer l'enrichissement pour compenser la baisse des fuites du réacteur due à l'augmentation de la taille (voir Masse critique au Chap. 1). ((
))
65
CLASSIFICATION DES FILIERES
Cela entraîne, d'après la première remarque, une augmentation du gain de régénération dans la zone cœur au passage de Phénix (- 0,46) à Superphénix (- 0,16). C'est l'inverse qui se produit dans les couvertures car les fuites du cœur, plus importantes dans le cœur de Phénix, plus petit, favorisent la production de plutonium dans la couverture et entraînent par conséquent une augmentation du gain de régénération dans le passage de Superphénix (0,40) à Phénix (0,58). Le gain de régénération du réacteur RNR peut être amélioré en ajoutant aux couvertures externes des couvertures internes au cœur disposées de façon concentrique. Ces réacteurs dits hétérogènes constituent la 2" génération des surgénérateurs, qui auraient déjà succédé à la génération de Superphénix si la conjoncture économique avait été plus favorable à l'exploitation industrielle du plutonium (voir Le nucléaire controversé au Chap. 10). ))
((
((
))
Temps de doublement Si le gain de régénération global (GRG) d'un réacteur RNR est positif, le bilan production-disparition de matière fissile est positif, le réacteur peut donc par la suite s'auto-alimenter (cela suppose bien sûr le retraitement du plutonium) et le surplus de matière fissile peut être utilisé pour alimenter un autre réacteur. On définit le temps de doublement (TD) comme le temps au bout duquel un surgénérateur a produit le plutonium nécessaire à l'alimentation d'un autre réacteur. Le calcul a donné les résultats consignés dans le tableau 2.5. Tableau 2.5. Gain de régénérationet temps de doublement.
Superphénix (1200 MWe) Réacteur hétérogène (1200 MWe)
GRG
TD (an)
0,24 0,28
28 20
On obtient alors la possibilité de produire, une fois le processus amorcé, de l'électricité avec un parc de surgénérateurs qui, une fois l'équilibre atteint(ll), s'auto-alimenteraient en plutonium, seul l'approvisionnement en uranium 238, abondant sur le marché et peu ( 1 1 ) I1 faut cependant noter qu'étant donné le temps nécessaire pour réutiliser le plutonium fabriqué (environ 10 ans en cumulant le temps de séjour en pile, le stockage pour refroidissement et le retraitement), l'état d'équilibre ne s'obtient qu'au bout d'un siècle environ !
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
66
onéreux, étant alors nécessaire. Les réserves en combustible deviennent alors quasi inépuisables et la garantie d'un approvisionnement à la fois sûr et pérenne est ainsi obtenue. Tel était le rêve caressé dans les années 70 par nos gouvernants lorsque l'on prévoyait l'épuisement des réserves d'uranium vers 2020 et qu'on recherchait une solution à la dépendance énergétique vis-à-vis des pays du Moyen-Orient. Mais 20 ans après, les données économiques ont sensiblement changé.. . (voir quatrième partie).
Qu'est-ce que la sous-génération ? Grâce à sa souplesse, le réacteur RNR peut également être configuré en mode sous-générateur, moyennant certaines transformations, dans le but d'une part de consommer le plutonium présent dans le réacteur et d'autre part de faire disparaître par fission certaines substances radioactives fabriquées dans les réacteurs : les actinides mineurs (mode incinérateur). Les transuraniens les plus encombrants vis-à-vis des problèmes de stockage des déchets à long terme sont, mis à part le plutonium, le neptunium 237 (période de 2 millions d'années), l'americium 241 (période de 432 ans) l'americium 243 (période de 7400 ans) ainsi que le curium 244 (période de 18 ans) qui, bien que de vie courte, donne par filiation du plutonium 240 d'une période de 6500 ans (voir Tab. 3.8). Ces isotopes, appelés actinides mineurs, sont peu ou pas fissiles dans le domaine thermique. Par contre, leurs sections efficaces de fission dans le domaine rapide sont significatives. De plus, étant donné le flux important qui existe dans les réacteurs à neutrons rapides, leur période de disparition par absorption (de l'ordre de 2 ans), est nettement inférieure à leur période radioactive (disparition naturelle). Le recyclage de ces éléments dans des réacteurs à neutrons rapides configurés en sous-générateurs permet ainsi de transformer par fission une quantité importante de ces noyaux lourds de durées de vie longues en produits de fission de durées de vie nettement plus courtes et donc plus facilement stockables.
Cependant, ce procédé ne permet pas de brûler la totalité des transuraniens de vie longue puisqu'il en restera toujours au déchargement. On peut alors imaginer d'autres dispositifs complémentaires comme par exemple u n accélérateur de particules visant à casser ces noyaux encombrants par collision.. .
Deuxième partie
SÛRETÉ ET ACCIDENTS NUCLÉAIRES
Expliquer l'histoire par des incidents est aussi faux que de l'expliquer par des principes purement philosophiques. Les deux explications doivent se soutenir e t se compléter l'une e t l'autre.
Ernest Renan
NOTIONS DE RADIOACTIVIT~
L
a plupart des noyaux que l'on trouve dans la nature sont stables,
c'est-à-dire qu'ils restent indéfiniment identiques à eux-mêmes. Cependant, certains d'entre eux, comme les noyaux d'uranium, sont instables : après être restés u n certain temps sans se modifier, ils se transforment spontanément en u n autre noyau, on dit qu'ils se désintègrent en émettant u n rayonnement. C'est le phénomène de radioactivité. La radioactivité peut être soit naturelle, soit provoquée artificiellement, par exemple dans le cœur d'un réacteur nucléaire au cours de la fission.
La stabilité des noyaux dépend du rapport entre le nombre des protons ( 2 ) et le nombre des neutrons ( N ) qu'ils contiennent. Les noyaux légers sont stables lorsqu'ils contiennent des protons et des neutrons en nombre à peu près égal. La stabilité des noyaux lourds exige par contre u n excès de neutrons par rapport aux protons comme indiqué sur la figure 3.1.
I5O
i [
Produits de fission instables
7
:x
fissionnant Noyau
:&-- Zone
de stabilité
Figure 3.1. Zone de stabilité des noyaux.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
70
Tout noyau qui se trouve à l'extérieur de la zone de stabilité est instable, c'est-à-dire radioactif. C'est notamment le cas des produits qui sont localisés sur la de fission (issus de la fission du noyau )," droite (d) joignant ce noyau à l'origine (les produits de fission conservent le même rapport neutrons sur protons que le noyau qui leur a donné naissance en fissionnant) et donc extérieure à la zone de stabilité (voir Fig. 3.1).
PARTICULES ÉMISES On distingue trois types de radioactivité, selon la nature des particules émises :
+ + +
Noyau d'hélium (;He ) : radioactivité a Électron (e-) : radioactivité p- ou positon (e') radioactivité p' Photon (rayonnement électromagnétique) : radioactivité y.
Dans u n échantillon contenant des noyaux radioactifs de même espèce, il est impossible de prévoir à quel moment u n noyau va se désintégrer. L'espérance de vie d'un noyau radioactif est indépendante de son âge. Par contre, si u n échantillon contient u n grand nombre de noyaux radioactifs, il est possible de prévoir combien d'entre eux vont se désintégrer sur un laps de temps donné. La population restante de cet échantillon tend donc à diminuer et ce, selon une loi parfaitement définie et caractéristique de l'échantillon. L à réside la puissance des théories statistiques qui permettent de prévoir le comportement d'une population d'objets sans se préoccuper du devenir de chaque objet pris séparément. On a vu au chapitre 1 que la statistique de Boltzmann, qui conduit à l'équation fondamentale de la neutronique, procède de la même démarche : elle appréhende le comportement d'une population de neutrons (le flux neutronique) en éludant leur histoire individuelle. Le nombre de noyaux radioactifs se désintégrant par seconde représente l'activité de l'échantillon. L'unité d'activité est le becquerel (1 Bq = 1 désintégration par seconde). On utilise également le curie (1 Ci = 3,7 10'0 désintégrations par seconde). On définit la demi-vie (ou période) d u n élément, comme le temps
au bout duquel la masse d'un échantillon constitué par cet élément aura décru de moitié.
71
NOTIONSDE RADIOACTIVITÉ I/Noyau d'hélium (:He)
=radioactivité 4
Exemple :
226
,,Radium
-L
4
2/ Électron (e-) : radioactivité
222
+
,,Radon
:Hélium
p-ou positon (e+) : radioactivité B'
Exemples :
43 :Tritium
-b
B-
:Hélium
+
:Electron
O
:Bore
B'
:Beryllium
+
:Positon
3/ Photon (rayonnement électromagnétique) : radioactivité b Exemple :
222
,,Radon
a
222
,,Radon
+
Figure 3.2.Radioactivité a, /3 et y.
b
72
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
Demi-vie de quelques radioéléments : Thorium 232 14 milliards d'années Uranium 238 4,5 milliards d'années Potassium 40
1,3 milliards d'années
Uranium 235
0,7 milliards d'années
Plutonium 239
24 O00 ans
Américium 243
7650 ans
Carbone 14
5730 ans
Radium 226
1620 ans
Tritium
12,3 ans
Cobalt 60
5,4 ans
Iode 131 Oxygène 15
8 jours 24 secondes
Les noyaux naturellement radioactifs ont généralement une activité très faible car, formés avec le système solaire il y a 5 milliards d'années, il a fallu que leur période soit suffisamment longue pour qu'ils demeurent observables aujourd'hui. Par exemple, l'uranium 238 et le plutonium 239 ont respectivement une demi-vie de 4,5 milliards d'années et 24 O00 ans. Le premier se trouve dans la nature, donc fait partie des éléments radioactifs naturels. Le second a disparu depuis longtemps de la nature. Par contre il peut être fabriqué, par exemple dans un réacteur nucléaire. Le plutonium 239 est un élément radioactif artificiel.
Remarque : On trouve cependant des éléments naturellement radioactifs de période relativement faible qui ont pu se reconstituer par filiation radioactive. Citons l'exemple du radium 226 (période de 1620 ans) qui dérive de l'uranium 238 (voir Fig. 3.3). Enfin, des éléments radioactifs sont créés naturellement par l'action des rayons cosmiques s u r les noyaux de l'atmosphère. Tel est le cas du carbone 14 (période de 5730 ans) ou du tritium (période de 12,3 ans).
73
NOTIONS DE RADIOACTIVITE
j I
Plomb Bismuth Polonium Astate Radon Francium Radium Actinium Thorium Protactinium Uranium
Figure 3.3. Filiation de l'uranium 238.
RADIOPROTECTION Définitions de base La radioprotection est l'ensemble des dispositions qui sont prises pour prévenir les risques liés à la radioactivité, les éliminer ou les limiter, afin que les conséquences de son utilisation restent conformes aux normes prévues par la législation et les règlements en vigueur.
Les rayonnements radioactifs ont la particularité d'être invisibles et de se déplacer à des vitesses très élevées. Ils pénètrent tous la matière et, notamment, les tissus organiques, à des profondeurs différentes selon leur nature et leur énergie (voir Fig. 3.4). Leur
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
74
action sur la matière se traduit notamment par le phénomène d'ionisation, qui résulte de la formation d'atomes ionisés (ions), positifs ou négatifs, lorsque des électrons sont arrachés du nuage électronique des atomes.
+
+ +
Les particules a transfèrent beaucoup d'énergie à chaque choc. Elles sont arrêtées par une feuille de papier, par l'épiderme ou encore par quelques centimètres d'air. Toute leur énergie est déposée dans u n petit volume autour de l'impact. Ce sont des particules très ionisantes. Les particules p transfèrent peu d'énergie à chaque choc. I1 faut beaucoup de chocs pour les arrêter. Elles sont arrêtées par environ un centimètre d'aluminium ou encore un mètre d'air. Ce sont des particules peu ionisantes. Les rayonnements y sont encore moins ionisants que les particules p. I1 faut plusieurs centimètres de plomb ou plusieurs dizaines de centimètres de béton pour les arrêter.
\ \
Feuille de papier
Plaque d'aluminium
Bloc de béton
Figure 3.4. Pénétration des rayonnements a , pet y
Grandeurs utilisées en radioprotection Nous avons déjà introduit l'activité d'un élément radioactif.
Dose absorbée Lorsque le rayonnement est absorbé par un obstacle (un tissu organique par exemple), une quantité d'énergie est transférée, qui dépend de l'énergie de la particule radioactive émise et de l'intensité du rayonnement (nombre de particules émises par unité de temps).
NOTIONSDE RADIOACTIVITÉ
75
La dose absorbée, mesurée en rads ou en grays (unité légale), traduit l’énergie déposée par le rayonnement dans une unité de matière cible (joule/kg).
Dose équivalente Les dégâts sur u n tissu organique donné ne dépendent pas seulement de l’énergie déposée dans ce tissu par le rayonnement, mais également de la nature du rayonnement. On comprend aisément que les dégâts seront plus importants, à énergie égale, pour u n rayonnement a que pour u n rayonnement y car l’énergie absorbée sera plus concentrée dans le tissu atteint. On définit la dose équivalente pour caractériser la nocivité potentielle du rayonnement. Mesurée en rem ou en sievert (unité légale), elle est égale au produit de la dose absorbée par le facteur de pondération du rayonnement W, : dose équivalente = W, x dose absorbée. Le tableau 3.1 donne le facteur Wr pour les principales particules que l’on rencontre dans le réacteur nucléaire. Tableau 3.1. Facteur de pondération du rayonnement.
Rayonnement
W.
XI Y, P Neutron ( E < 10 KeV) Neutron (1O 0 KeV < E < 2 MeV) E > 20 MeV CI, produit de fission Proton
1 5 20
5 20 5
Dose efficace En outre, une même dose équivalente ne donne pas le même effet sur 2 tissus irradiés différents. Ainsi, sur une population corps identiquement irradiée de façon homogène (irradiation entier n), certains cancers seront plus fréquents que d’autres. On définit le facteur de pondération tissulaire Wt pour tenir compte de la sensibilité différente de chaque tissu ou organe à l’irradiation. ((
76
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
Le tableau 3.2 donne les facteurs de pondération tissulaires pour quelques organes. Tableau 3.2. Facteur de pondération tissulaire.
w t
Tissu
0,20 0,12 0,12 0,12 0,12
Gonades Moelle osseuse Colon Poumon Estomac Seins CEsophage Thyroïde Peau
0,05 0,05 0,05
0,o 1
La dose finalement obtenue, appelée dose efficace, est donc une grandeur doublement pondérée par le facteur de pondération du rayonnement et le facteur de pondération tissulaire. Elle est mesurée en rem ou en sievert (unité légale) et peut s’exprimer de la façon suivante : dose efficace = W, W, x dose absorbée. Autrement dit, les dégâts occasionnés par un rayonnement sur un organe dépendent de l’énergie déposée, de la nature du rayonnement et de la sensibilité de l’organe au rayonnement. En résumé, le tableau 3.3 donne les principales grandeurs utilisées en radioprotection avec leurs unités. Tableau 3.3. Unités de radioprotection.
Grandeur Activité Dose absorbée Dose efficace
Anciennes unités (jusqu’au 31/12/85) curie (Ci) rad (rd) rem
3,7 x 1010 dés/s) 1/ 100 J / k g matière
1 rad
x
Wr x Wt
Nouvelles unités (unités légales) becquerel (Bq) gray (Gy) 1 Gy = 100 rd sievert (Sv) 1 Sv = 100 rem
1 dés/s 1 J/kg 1 J/kg
77
NOTIONS DE RADIOACTIVITÉ
Dose engagée L a radioactivité provoque sur les tissus organiques des effets, soit directement par irradiation externe, soit indirectement par contamination, si l'émetteur radioactif est inhalé ou ingéré. I1 y a alors dans ce cas irradiation interne.
Irradiation
Contamination
Figure 3.5. Irradiation et contamination.
En cas d'irradiation externe, les a sont arrêtés par la peau, les 0 ne pénètrent que l'épiderme et le derme, les y traversent le corps entier. Pour les fortes doses, plus la dose et la durée d'exposition sont importantes et plus les lésions seront significatives (voir Tab. 3.4). Tableau 3.4. Effets biologiques de l'irradiation.
Irradiation totale (Sv)
Conséquences
0,25 - 1
Anomalies sanguines
1 - 2,5
Atteinte digestive
2.5 - 5
Atteinte de la moelle osseuse, chute des cheveux.. .
5 - 10
Brûlures cutanées, hémorragies digestives, coma...
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
78
Les éléments inhalés ou ingérés sont actifs s’ils se fixent sur des organes particuliers et ne peuvent, par conséquent, être évacués rapidement. I1 y a irradiation interne. Le tableau 3.5 montre les organes sur lesquels se fixent quelques éléments radioactifs. Tableau 3.5. Effets biologiques de la contamination.
Radionucléide Tritium
Cobalt 60 Strontium 90 Iode 131 Césium 137 Radium 226 Plutonium 239
Organe critique
Période effective
Corps entier Corps entier
12 jours 1O jours 18 ans 8 jours 70 jours(*) 44 ans 50 ans 1O00 jours 20 ans
os
Thyroïde Foie, rate, muscle os os Poumon Foie
(*) Cette valeur peut atteindre 120 jours en fonction de l’âge et du poids de la personne contaminée.
Si l’irradiation externe s’arrête lorsque la personne irradiée n’est plus exposée, l’irradiation interne continue tant que le radioélément n’est pas éliminé. Dans ce cas, on calcule une dose engagée, qui tient compte du temps de séjour du radioélément dans l’organisme. L’élimination de l’organisme suit une loi exponentielle décroissante. I1 lui correspond une période effective qui tient compte de l’effet de désintégration naturelle et de l’effet d’élimination biologique (voir Tab. 3.5). Par exemple, dans le cas du tritium qui est éliminé rapidement (12 jours), on se limitera dans le calcul de la dose à l’année de contamination. En revanche, le plutonium se fixe dans les os avec une période d’élimination de 50 ans. La dose efficace engagée sera l’intégrale, sur la durée de vie restante de la personne contaminée, du débit de dose efficace. Les émetteurs CI, à densité d‘ionisation élevée, sont les radioéléments les plus toxiques lorsqu’ils se fixent dans le corps humain, alors qu’étant arrêtés par l’épiderme, ils ne présentent pas de danger en irradiation externe. Par exemple, la dose mortelle minimale est atteinte avec la furation dans l’organisme de 50 millionièmes de gramme de plutonium et seulement d’un millionième de gramme de radium.
NOTIONS DE RADIOACTIVITE
79
Le cas tristement célèbre de la contamination par le radium survenue dans une usine américaine de fabrication de montres radioluminescentes est éloquent. L'événement remonte aux années 20, à une époque où les effets nocifs de la radioactivité étaient encore mal connus. Dans cette usine, les ouvrières avaient coutume d'épointer par succion leurs pinceaux imprégnés d'une peinture à base de radium, ce qui provoqua, par ingestion, la fixation dans l'organisme de cet émetteur a particulièrement redoutable. Les conséquences furent désastreuses : dans les dix années qui suivirent le début de la contamination, on dénombra une trentaine de décès consécutifs aux lésions provoquées par le radium.
Ordre de grandeur des doses reçues Les mesures de quelques sources radioactives sont données sur la figure 3.6.
0 Rayons cosmiques
Téléviseur 10 mrem /an (0.1 mSv/an)
30mrem /ai
(0,s mSv/an)
i Radioactivité naturelle du corps humain /,25 25 mrem ;Sv/an,/an
\
Ceniraie nucléaire 1 mrem /an (0.0 1mSv/an)
50 mrem /an (0,5 mSvlan)
n Examen radioscopique 50 mrem (0.5 mSv)
Cadran lumineux 2 mrem /an (0,02mSv/an)
Figure 3.6. Les sources radioactives.
80
L‘ATOME ÉCOLOGIQUE
En moyenne, l’irradiation naturelle par habitant est, en France, voisine de 250 mrem/an (2’5 mSv/an). Le tableau 3.6 donne u n ordre de grandeur des niveaux d’irradiation naturelle. Tableau 3.6. Niveaux d’irradiation naturelle.
Source
Dose (mSv/an)
Externe cosmique matériaux Interne potassium 40 radon et descendants Total
2,5
En conséquence, la dose cumulée par u n individu a u cours de sa vie en raison de la radioactivité naturelle est de l’ordre de 20 rem (0,2 Sv). À titre de comparaison, la dose létale (50 % de morts dans les 2 mois qui suivent l’exposition supposée instantanée, sans thérapeutique adaptée) est de 500 rad (5 Gy)(l),soit encore 500 rem (5 Sv) en irradiation y corps entier.
Par ailleurs, le critère radiologique en vigueur en France pour le public (dose maximale admissible, voir Philosophie du risque acceptable D) est de 0’5 rem (5 mSv) d’irradiation corps entier et 1,5 rem (15 mSv) de contamination de la thyroïde. Cette limite de dose est très basse eu égard à la radioactivité naturelle : la figure 3.6 indique que l’effet des rayons cosmiques a u sol est de 50 mrem/an (0’5 mSv). Cette dose augmentant avec l’altitude en doublant tous les 1500 mètres, on obtient 0,4 rem (4 mSv) à 4500 mètres, soit pratiquement la limite admissible. En conséquence, les habitants d’une ville comme La Paz en Bolivie (3658 m) ou Lhassa au Tibet (3600 m) reçoivent naturellement plus de la moitié de la dose ((
( I ) C’est l’énergie absorbée qui intervient dans la définition (nombre de grays), sans prise en compte de la nocivité de l’irradiation (nombre de sieverts).
81
NOTIONSDE RADIOACTIVITE
maximale admissible par le seul effet des rayons cosmiques. Que dire des stewards ou des hôtesses de l'air qui naviguent régulièrement à près de 10 O00 mètres au-dessus du niveau de la mer ...
Effets biologiques des rayonnements La radioactivité provoque des phénomènes d'ionisation dans les tissus organiques qui se traduisent par des lésions. Un atome ionisé peut donner naissance à une transformation chimique de la molécule dont il est l'élément constitutif. I1 peut également créer dans les tissus des radicaux libres très actifs qui prolongent l'action du rayonnement à d'autres molécules. La radiobiologie a pour objectif l'étude des effets des rayonnement sur la matière organique, tandis que la radiothérapie met à profit ces effets dans le traitement de certaines maladies. L'acide désoxyribonucléique (ADN) est, dans chaque cellule, le support biochimique de l'hérédité. C'est une macromolécule constituée de 2 brins enroulés en hélice (voir Fig. 3.7) qui regroupe plusieurs millions de nucléotides. Sous l'effet d'une irradiation, un brin d'ADN peut subir une lésion, que la cellule va tenter de réparer par duplication de l'autre brin. Cependant, la duplication peut ne pas être conforme à l'original, ce qui provoque une modification de l'information génétique appelée mutation génétique. I1 peut en résulter des effets héréditaires qui n'apparaîtront que plusieurs générations plus tard chez des êtres vivants qui deviendront des mutants radioinduits ». ((
-i!
c3
c3
Rayonnement
Molécule d'ADN
Lésion d u n brin d'ADN
Tentative de réparation par duplication
Figure 3.7.Effet du rayonnement sur une molécule d'ADN.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
82
Des effets héréditaires de mutations génétiques d'origine nucléaire ont été provoquées en laboratoire chez l'animal (mouche drosophile, souris...), mais à ce jour, aucun effet de ce type n'a pu être constaté chez l'homme. Une des banques de données les plus fiables est constituée par le suivi sanitaire des rescapés des explosions d'Hiroshima et Nagasaki et de leurs descendants de première et deuxième génération. Une fondation américano-nippone, la RERF (Radiation Effects Research Commission), qui emploie quelques 400 personnes et bénéficie de subventions importantes (budget annuel en 1990 : 20 millions de dollars), effectue des bilans réguliers sur les populations japonaises irradiées (environ 100 O00 personnes) qui, de leur côté, font preuve d'une grande assiduité aux examens médicaux. Si aucun trouble héréditaire n'a encore été constaté dans les descendances d'irradiés, il faut se garder de conclure hâtivement car la première génération est encore relativement jeune. En revanche, une augmentation significative de la mortalité par cancer et leucémie en fonction de la dose absorbée a été mise en évidence. En ce qui concerne le cancer, la probabilité d'occurrence de cette maladie augmentant avec l'âge de l'individu, le suivi épidémiologique des prochaines décennies sera déterminant pour la formulation d'un diagnostic fiable. Les risques encourus seront néanmoins difficiles à quantifier à cause des nombreux biais d'interprétation. Par exemple, les bilans de santé réguliers constituent une prévention efficace contre les maladies qu'ils sont supposés détecter. Ce biais peut être comparé a u problème générique rencontré en sciences expérimentales où l'instrument de rnesure, qui interfère avec le milieu observé, ne peut en donner qu'une représentation déformée. Par ailleurs, l'évaluation du risque associé aux très faibles doses se heurte à l'existence du bruit de fond des cancers naturels qu'il est difficile de différencier. Un résumé des études épidémiologiques les plus récentes sur les survivants de Hiroshima et Nagasaki est présenté au paragraphe Classement des effets biologiques des rayonnements ». ((
Une autre source de renseignements, nettement moins scientifiquement exploitables (doses et exposition non connues), est fournie par l'examen des populations exposées à la pollution nucléaire perpétrée de façon délibérée par le pouvoir communiste de l'ex-URSS pendant plus de 40 a n s (déchets radioactifs stockés en surface sans précaution dans des décharges banalisées, ou dans des lacs peu profonds d'accès au public, ...). Enfin, les explosions atomiques expérimentales effectuées à ciel ouvert à partir de 1949 dans les steppes du Kazakhstan (région de
83
NOTIONS DE RADIOACTIVITÉ
Semipalatinsk) ont provoqué la contamination de populations dans un rayon de plus de 400 kilomètres. Tel est le cas du village de Talmenka où, depuis plusieurs années naissent des enfants qui seraient, selon certains médecins locaux, atteints de troubles génétiques affectant le système nerveux et les organes vitaux, et dont l'origine radioactive serait démontrée. Parmi les 500 O00 personnes contaminées, un cinquième souffrirait de cancers osseux ou sanguin et l'espérance de vie ne dépasserait guère 48 ans (AFP du 16/9/97). Cependant, il faut accueillir ces affirmations avec la plus grande prudence. Aucune enquête sérieuse n'a été faite pour valider u n tel diagnostic et il est impératif que la communauté internationale se mobilise en créant, à l'instar de ce qui a été fait a u Japon, une infrastructure susceptible de conduire à des résultats fiables. Dans le cas contraire, une grande partie des informations encore accessibles sera perdue, comme cela s'est produit à la suite de l'accident de Tchernobyl (voir Tchernobyl et son enseignement n). ((
Philosophie du risque acceptable La réglementation française est issue des recommandations de la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique). Selon cette commission, Toute modification du milieu dans lequel l'homme s'est développé peut entraîner l'apparition d'effets nocifs ». Aussi considère-t-on qu'une exposition prolongée à des rayonnements ionisants, venant s'ajouter à l'irradiation naturelle, implique des risques. Cela est évident pour les fortes doses. I1 est beaucoup plus difficile de mesurer précisément les effets des très faibles doses. ((
La Commission a tranché en considérant que la dose de rayonnement doit être limitée, de sorte que le risque créé par l'installation nucléaire soit acceptable pour l'individu et la société.
C'est la dose maximale admissible (DMA). Elle est égale à 5 rem (50 mSv) cumulés dans l'année pour le travailleur exposé aux rayonnements et 10 fois moins, soit 0,5 rem (5 mSv), pour le public.
L’ATOMEÉCOLOGIQUE
84
Remarque : Le Conseil de l’Union Européenne a approuvé en mai 1996 une directive(2) qui modifie les normes actuelles. I1 s’agit d’un texte complexe dont la transposition a u droit français suppose que des dispositions particulières de nature législative, réglementaire et administrative soient prises avant sa date d’application (13/5/2000). Pour le travailleur, la limite de dose passe de 50 mSv par a n à 100 mSv pour 5 ans, mais s a n s dépasser 50 mSv au cours d’une année. Pour le public, la limite de dose passe de 5 mSv à 1 mSv annuel. Par rapport à la réglementation actuelle, la nouvelle directive prend e n compte u n e augmentation d’un facteur 2,s à 5 d u risque cancérigène imputable à une même dose d’exposition aux rayonnements ionisants. L a France a rappelé sa position s u r ce point d a n s u n rapport de l’Académie des Sciences qui émet des réserves s u r la validité d’une remise en cause de l’évaluation actuelle d u risque pour les faibles doses. Ce problème, qui constitue u n obstacle majeur à l’acceptation d u nucléaire civil par le public, ne peut actuellement être tranché de manière définitive. I1 est donc impératif de se donner les moyens d’accéder au plus vite à une meilleure connaissance des effets des faibles doses. Dans ce qui suit, nous prendrons en compte la réglementation s u r les limites de dose e n vigueur actuellement.
Cette valeur de DMA correspond à u n fonctionnement normal d’une centrale nucléaire. Nous verrons a u chapitre 4 que d’autres limites sont établies en cas d’accidents, la DMA ayant une valeur croissante en fonction de la gravité de l’accident. L‘existence d’une DMA ne signifie pas qu’en deçà de cette valeur, le risque biologique est nul. Cela signifie que le risque associé aux très faibles doses est considéré par les autorités compétentes (CIPR) comme acceptable. Ces dernières reconnaissent a u demeurant que l’état actuel des connaissances permet mal l’estimation des risques effectivement encourus par les faibles doses, comme nous allons le voir au paragraphe suivant.
Classement des effets biologiques des rayonnements On distingue deux types d’effets sur les organes humains : les effets déterministes (ou non stochastiques) et les effets probabilistes (ou stochastiques) (voir Fig. 3.8).
~
~
~
~
(2) Directive 96/29 Euratom du Conseil du 13 mai 1996, fiant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants ( J O L159 du 29/6/96).
85
NOTIONS DE RADIOACTIVITÉ
Effets déterministes
A
Dose létale
5 GY
Seuil déteministe
1 GY
Dose minimale associée à un effet significatif
50 mSv
Dose Maximale Admissible pour le public
5 mSv
Pas
d'effet Radioactivité naturelle dose annuelle
2,5 mSv
prouvé à ce jour
I
DOSE
I
EFFETS
Fjgure 3.8. Effets sanitaires des rayonnements ionisants. Les effets déterministes se produisent généralement dans un délai relativement court (quelques heures à quelques semaines). Ils ne peuvent exister que pour des forts débits de dose, au-dessus d'une dose-seuil de l'ordre du gray, et ils sont d'autant plus graves que la dose est importante.
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
86
Au-dessous de cette dose-seuil peuvent apparaître des effets biologiques, dits probabilistes, dont la probabilité d’apparition augmente avec la dose reçue mais dont la gravité en est indépendante. On trouve dans cette catégorie les cancers, les leucémies ou encore les mutations génétiques. Ces effets apparaissent de façon aléatoire dans une population exposée, après un délai assez long de l’ordre d’une dizaine d’années ou plus pour les cancers radio-induits. Les délais sont plus courts pour les leucémies aiguës (apparition à partir de 2 ou 3 ans après l’exposition avec un maximum 6 à 8 ans après) et les mutations génétiques sont immédiates. L’étude épidémiologique des rescapés d’Hiroshima et Nagasaki (août 1945) fournit encore aujourd’hui une source d’information privilégiée, étant donné l’ampleur des populations touchées, la diversité des doses reçues et la qualité du suivi des survivants [4]. Les principales études épidémiologiques entreprises par la ABCC (Atomic Bomb Casualties Commission) de 1945 à 1975 et la RERF (Radiation Effects Research Commission) à partir de 1975 sont relatives à la durée de vie (Life Span Study (LSS)), à la santé des adultes (Adult Health Study (AHS)), aux effets de l’exposition in utero, à la santé des enfants nés des survivants irradiés, aux mutations génétiques, au cancer et à certains autres effets (cardiovasculaire, vieillissement.. .). La reconstitution des expositions et des doses reçues lors des explosions de Hiroshima et Nagasaki a abouti aux ordres de grandeur suivants : les individus non abrités ont reçu au moins la dose létale (5 Gy) dans un rayon de 1 km de l‘hypocentre à Hiroshima et de 1,3 km de l’hypocentre à Nagasaki (il faut réduire les distances de 300 m pour les individus abrités). À 3 km de distance, les doses ne représentaient plus que 0 , O l Gy. Des estimations de dose ont été établies pour environ 80 O00 survivants des 2 villes bombardées. L’étude sur la durée de vie (LSS) s’appuie sur le suivi épidémiologique d’une cohorte de plus de 100 O00 survivants comprenant des personnes exposées et des personnes non exposées. Les analyses LSS de la RERF les plus récentes [5] ont mesuré les taux de mortalité par cancer et leucémie en fonction de la dose reçue sur une période de 40 ans (1950-1990). Elles ont abouti aux principaux résultats suivants :
Cancers solides La mortalité par cancer solide augmente sensiblement avec la dose reçue pour les sites suivants : poumon, estomac, côlon, œsophage,
87
NOTIONS DE RADIOACTIVITE
vessie, sein et ovaire. La relation dose-effet (excès de risque en fonction de la dose) a une forme linéaire.
Leucémies Le risque de décès augmente avec la dose reçue mais la relation dose-effet n’est pas linéaire. Remarque : Certaines précautions doivent être prises dans la transposition des estimations des risques à d’autres populations qui seraient irradiées dans des circonstances différentes. En effet, les expositions de Hiroshima et Nagasaki ont été très brèves (de l’ordre de quelques secondes) et l’incidence spontanée de certains cancers est très différente entre la population japonaise et une population européenne ou américaine (incidence plus forte d u cancer de l’estomac et plus faible du cancer d u sein).
Doses minimales associées à un effet significatif Le niveau de dose le plus faible pour lequel une pente significative (un effet est dit significatif lorsque son apparition n’est probablement pas due au hasard) de la relation dose-effet est observée est de 50 mSv, soit la dose de radioactivité naturelle cumulée par un individu pendant une vingtaine d’années ! Les analyses de mortalité de la LSS sont faites à intervalles réguliers (tous les 5 ans). À chaque analyse correspond une augmentation de la puissance statistique par rapport à l’analyse précédente du fait de l’augmentation de la durée de suivi et du vieillissement des populations. Ainsi, entre les 2 dernières analyses (périodes 1950-85 et 1950-90)’ la dose minimale associée à un effet significatif est passée de 200 à 50 mSv. I1 est donc probable que cette dernière valeur baissera encore lors des prochaines analyses. D’une manière générale, les études épidémiologiques ne permettent pas de mettre en évidence l’existence d’un effet significatif des très faibles doses (de O à quelques dizaines de millisieverts), c’est-à-dire des doses inférieures ou égales aux doses naturellement reçues par l‘homme au cours de son existence. Cela ne prouve pas que les très faibles doses n’ont rigoureusement aucun effet biologique. En d’autres termes, l’état actuel des connaissances ne nous permet pas de savoir s’il existe une dose-seuil en deçà de laquelle il n’y aurait plus aucun effet. Par souci de conservatisme, les normes réglementaires de radioprotection sont définies en supposant, de façon pessimiste, qu’il n’y a pas de seuil et que toute
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
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dose reçue, aussi faible soit elle, engendre u n risque biologique proportionnel à cette dose. En conséquence, la réglementation française (décrets no 86-1103 du 2/10/86 et no 88-662 du 6/5/88) impose aux travailleurs le respect du principe ALARA (As Low A s Reasonably Achievable) selon lequel il faut maintenir les expositions aux rayonnements ionisants aussi bas que raisonnablement possible compte tenu des contraintes économiques et sociales. Le principe ALARA est scrupuleusement appliqué dans les grandes entreprises nucléaires françaises (CEA, Framatome, Technicatome, EDF, Cogema...). Le risque biologique (probabilité d'occurrence de l'effet biologique) a été calculé à partir des banques de données disponibles sur les études épidémiologiques de populations irradiées (victimes d'accidents nucléaires ou personnels exposés aux rayonnements (ouvriers, médecins, chercheurs. ..)). Conformément aux règles classiques de la sûreté nucléaire (voir Chap. 4, Critères de sûreté et organisation n), le calcul a pris en compte des marges de conservatisme importantes (par exemple prise en compte d'un facteur de pondération pessimiste dans la transposition de l'effet d u n e dose reçue quasi instantanément, comme c'est le cas lors d'un accident nucléaire, à l'effet d'une dose de même valeur mais diluée dans le temps). ((
Par cette démarche, le coefficient de risque de décès par cancer radio-induit (excès de risque absolu(") par unité de dose reçue) a été évalué à 5 YOpar sievert cumulé (c'est le cas très improbable d'un travailleur qui aurait reçu la limite de dose admissible (50 mSv) chaque année pendant 20 a n s d'activité). Pour fixer les idées, le taux de décès par cancer (risque absolu) étant d'environ 25 YO dans une population standard(4), un individu recevant une dose de 0 , l Sv (c'est le cas d'un habitant moyen d'Ukraine à la suite de la catastrophe de Tchernobyl ou d'un survivant de Hiroshima situé au moment de l'explosion à un peu moins de 3 km de l'hypocentre), aura 25,5 YO de chance de succomber à cette maladie. En conséquence, il faut sans doute relativiser les conséquences sanitaires à long terme de Tchernobyl et Hiroshima.
(3) L'excès de risque absolu est la différence entre le taux de décès par cancer observé dans la population exposée et la valeur de ce taux attendu dans cette population en l'absence d'exposition. (4) Le cancer est la '2 cause de décès après les maladies de l'appareil circulatoire.
89
NOTIONS DE RADIOACTIVITE
RADIOACTIVITÉ DANS LE CYCLE DU COMBUSTIBLE L‘utilisation de l’énergie nucléaire dans les réacteurs suppose plusieurs étapes successives qui constituent le cycle du combustible », depuis l’extraction de la mine jusqu’au stockage définitif, schématisé sur la figure 3.9. ((
L‘uranium est extrait du minerai (1)’ purifié et concentré sous forme de ((yellow cake N (uranate de magnésie ou diuranate d’ammonium) sur le site même de la mine, puis transformé en hexafluorure d’uranium gazeux (UF6) a u cours de l’opération de conversion (2). Cette opération est réalisée, en France, par les établissements Comurhex de Malvési (Aude) et de Pierrelatte (Drôme). À l’étape suivante d’enrichissement (3)’l’hexafluorure d’uranium est séparé par un procédé de diffusion gazeuse dans l’usine Eurodif du Tricastin, d’une part en un produit riche en uranium 235 (environ 3 YO)utilisé pour la fabrication du combustible UO2 des REP, et d’autre part en un résidu pauvre en uranium 235 (0’2 Y ) utilisé en partie pour la fabrication du combustible des couvertures fertiles des surgénérateurs et pour la fabrication du combustible MOX (voir Chap. 10, Les réacteurs nucléaires a u service de l’environnement D) à l’atelier ATPu de Cadarache ou dans l’usine Melox de Marcoule. La plus grande partie de ce résidu est néanmoins entreposée comme déchet (8). ((
Puis vient la phase de fabrication des éléments combustibles, dans les usines de FBFC où l’hexafluorure d’uranium enrichi est transformé en oxyde d’uranium (4)’ qui sont ensuite chargés dans le cœur du réacteur pour y produire l’énergie nucléaire (5). Le combustible usé par 3 ou 4 années de présence en pile (cas du REP) est alors déchargé, stocké en piscine sur site pendant au moins 6 mois (2 ans pour le combustible MOX) avant d’être transporté vers l’usine de retraitement Cogema de la Hague (6).Dans cette usine, l’uranium faiblement enrichi (0’8YOd’uranium 235) et le plutonium issus du combustible déchargé du réacteur sont séparés des produits de fission et des autres actinides (actinides mineurs).
Figure 3.9. Le cycle du combustible.
(8) Entreposage rnO
U appauvri
O
c rn
(2
(1)
Concentration
Extraction Uranium naturel (0,7%)
Mine
UF6 Conversion
U enrichi (3%)
n
Fabrication du combustible
(4)
Combustible neuf (UOz. iJOz/PuOz et MOX)
Réacteur
Combustible irradié
4
Déchets
Stockage définitif
Retraitement
(7)
(6)
91
NOTIONSDE RADIOACTIVITÉ
L’uranium et le plutonium sont conditionnés en vue de leur entreposage provisoire pour une réutilisation ultérieure : + le plutonium pourra être réutilisé pour la fabrication du combustible des surgénérateurs (U02/ PUOZ)ou du combustible MOX des REP (4) ; + l’uranium à 0’8 YO d’uranium 235 pourra être recyclé vers le poste de conversion (2) où il sera transformé en hexafluorure d’uranium afin d’être ensuite enrichi par diffusion gazeuse (3). Le reste du combustible usé (produits de fission et actinides mineurs) constitue u n déchet nucléaire qu’il faut stocker de manière définitive en surface ou en profondeur (7). Les problèmes de sûreté posés aux différentes étapes du cycle du combustible sont proches de ceux rencontrés dans la phase de transit dans le cœur du réacteur, à savoir le confinement de la radioactivité et l’évacuation de la chaleur dégagée. Seule l’étape terminale de stockage définitif pose des problèmes de sûreté spécifiques qui seront analysés au chapitre 7. Deux classes principales de déchets sont créées dans le réacteur : + les produits de fission ; + les transuraniens.
Les produits de fission Nous savons (Chap. 1) que les noyaux lourds fissionnent en deux fragments de masses voisines. Les principaux noyaux fissiles que l’on rencontre dans les cœurs de réacteur, l’uranium 233, l’uranium 235 et le plutonium 239 donnent des produits de fission dont la probabilité de création est donnée par la courbe en dos de chameau représentée sur la figure 3.10. %
Figure 3.10. Probabilité d’obtenir un produit de fission de masse A lors d’une fission par neutron thermique de 233U,235Uet 239P0.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
92
Les principaux produits de fission résultants figurent dans le tableau 3.7. Ils sont émetteurs P. Tableau 3.7. Les produits de fission.
Radionucléide Krypton 85 Strontium 90 Zirconium 9 5 Ruthénium 106 Iode 129 Iode 131 Xénon 133 Césium 137 Cérium 144 Prométhium 14'7 Technétium 99
Symbole
Période
85Kr 9oSr
10,7 ans 28 ans 65 jours 1 an 1,6 x 107 ans 8 jours 5,2 jours 30 ans 285 jours 2,6 ans 2 , l x 105 ans
9521-
losRn 1291 1311
133Xe 137cs
144Ce 147Pm 99Tc
Les transuraniens L'uranium ne subit pas systématiquement la fission par bombardement neutronique et d'autres réactions nucléaires sont possibles avec une probabilité donnée (section efficace, voir Chap. 1). Certaines de ces réactions nucléaires donnent, par désintégrations successives, des éléments, instables, plus lourds que l'uranium. Ces éléments sont appelés transuraniens. L a figure 3.11 donne la filiation des transuraniens, à partir de l'uranium 235 et 238. On peut par exemple extraire de la figure 3.11 le tableau 3.8 regroupant les transuraniens émetteurs a qui posent du fait de leur longue période (ou de leur transmutation en u n noyau de période longue) des problèmes de stockage à long terme. Tableau 3.8. Les transuraniens de période longue.
Transuranien Plutonium 238 Plutonium 239 Plutonium 240 Plutonium 242 Américium 24 1 Américium 243 Curium 244 Neptunium 237
Symbole
Période (année)
238pU
87 24 O00 6 500 370 000 432 7 400 18 2 x 106
239pU
240pU 242pU
241Am 243Am 244Cm 237Np
93
NOTIONSDE RADIOACTIVITÉ ____l___ll
_ _ _ _ _ ~
I
Plutonium Américium 94 95 .................................................................
---.-
I
..
Curium 96 .............................
I
! 240 i
i2441 4
I..
1
l
.............I........................................................
Figure 3.11. Les transuraniens.
Après l'arrêt du réacteur, il n'y a plus de réaction GI fission en chaîne mais les produits de fission et les transuraniens créés continuent à dégager de la chaleur par émission de rayonnement : c'est la chaleur résiduelle. Le tableau 3.9 donne la puissance résiduelle fournie par un cœur de réacteur REP de 900 MWe. I1 est intéressant de constater que 10 ans après son arrêt, le réacteur dégage encore 1 MW thermique, c'est-à-dire la chaleur de 10 O00 ampoules de 100 watts !
94
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
Tableau 3.9. Puissance résiduelle (REP 900 MWe).
Temps après arrêt
puissance nominale
Puissance résiduelle (MWth)
10 6
300 180 45 15
Oh
10 secondes 1 minute 1 heure 1 jour 1 mois 1 an 10 ans
1,5 0,5 O, 15 0,06
4
2 1
0,03
I1 faut donc en permanence, y compris pendant l'arrêt du réacteur (arrêt programmé ou arrêt accidentel), assurer les fonctions de refroidissement et de confinement : Rayonnement+
Barrières de confinement
Fission Chaleur
+ Source froide
Nous verrons a u chapitre suivant quels sont les critères de sûreté à respecter en matière de rejets radiologiques en fonctionnement normal et en situations incidentelles ou accidentelles.
LE RÉACTEUR FOSSILE D'OKLO Grâce aux bonnes dispositions de la nature, nous savons que le principe de fonctionnement d'un réacteur nucléaire, fondé sur le processus de réaction en chaîne contrôlée, est relativement simple à mettre en œuvre.
95
NOTIONS DE RADIOACTIVITE
I1 y a 2 milliards d'années, le taux d'uranium 235 présent dans l'uranium naturel était de 3,6 YO, donc beaucoup plus important qu'aujourd'hui (0,7 YO) du fait que la période de l'isotope 235 (7,l 108ans) est plus courte que celle de l'isotope 238 (4,5 109 ans). Par conséquent, l'uranium naturel pouvait servir de combustible à u n réacteur modéré à l'eau légère. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, les conditions nécessaires pour atteindre la criticité (enrichissement ad hoc, forte concentration de l'uranium dans le minerai, présence d'eau en quantité suffisante, absence d'éléments trop absorbants) furent effectivement réunies il y a 1950 millions d'années sur le site d'Oklo au Gabon, où plusieurs réacteurs naturels ont pu fonctionner spontanément durant plusieurs milliers d'années en dégageant de la puissance (quelques dizaines de kW) par fission comme le font les centrales nucléaires conçues par l'homme ! L'observation d'une légère anomalie de teneur isotopique d'un échantillon d'uranium naturel (teneur 0,4 YOtrop faible par rapport à la normale) au cours d'une analyse de routine effectuée à l'usine d'enrichissement de Pierrelatte en juin 1972 est à l'origine de la découverte du phénomène d'Oklo. L'enquête qui fut aussitôt menée permit de remonter le cycle du combustible jusqu'à l'extraction du minerai effectuée par la Compagnie des mines d'uranium de Franceville (COMUF) qui exploitait au Gabon les 2 sites uranifères de Oklo et Mounana. C'est alors qu'on découvrit par forage carotté du site d'Oklo, des échantillons de minerai d'uranium dont la teneur en uranium 235, étonnement basse, pouvait atteindre 0,4 YOau lieu de 0,7 % ! Les spéculations fusèrent tous azimuts pour tenter d'expliquer ce phénomène singulier : certains avancèrent l'hypothèse d'une contamination du terrain par de l'uranium en provenance d'une centrale nucléaire, ou encore la possibilité de fractionnement de la teneur isotopique de l'uranium. D'autres évoquèrent l'éventualité d'un impact de fragments d'antimatière. Des esprits imaginatifs avancèrent même que cette découverte apportait la preuve irréfutable de la venue sur notre planète de voyageurs extraterrestres.. . En fait l'hypothèse de réactions en chaîne au sein du gisement d'uranium d'Oklo à une époque très ancienne fut très vite validée par les chercheurs chargés du dossier, qui mirent notamment en évidence l'existence de produits de fission qui, bien que disparus depuis longtemps étant donné leurs courtes périodes radioactives (voir Tab. 3.7), avaient laissé l'empreinte de leur passage à travers le témoignage de leurs descendants stables.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
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Le phénomène d'Oklo a pu être observé grâce à la conjonction de circonstances incroyablement favorables : les zones de réaction sont en effet restées confinées en profondeur (plusieurs centaines de mètres) dans une région qui n'a connu aucun bouleversement géologique important en 2 milliards d'années, et ce n'est qu'à une époque très récente que des phénomènes d'érosion ont amené les réacteurs a u voisinage de la surface, permettant alors leur découverte par l'homme. Par ailleurs, les conditions nécessaires à l'entretien de la réaction en chaîne n'avaient qu'une très faible probabilité d'être réunies simultanément. En effet, la période pendant laquelle la réaction en chaîne avait une chance de s'amorcer spontanément s'étendait sur une plage étroite allant de 1500 millions à 2200 millions d'années avant notre ère : en deçà de cette plage, la teneur en uranium 235 était trop faible pour atteindre la criticité et au-delà, les eaux superficielles n'étaient pas assez oxydantes pour entraîner l'uranium et le concentrer ensuite dans des pièges réducteurs. En outre, à cette méme époque, l'ouverture des structures tectoniques a permis l'écoulement d'une quantité suffisante d'eau dans les concentrations d'uranium déjà constituées. Plus précisément, la bonne irrigation du minerai par l'eau d'infiltration, qui a pu ainsi jouer le rôle de modérateur, provenait de la très grande porosité des terrains (30 à 40 %, alors que la porosité naturelle des roches est de l'ordre de 1 a 5 %O) provoquée par la désilicification du grès(5). C'est également cette réaction chimique du grès en présence d'eau qui fut à l'origine de la concentration de l'uranium par disparition de la substance diluante (la silice) et qui, par conséquent, fut responsable du déclenchement de la réaction en chaîne. Finalement, les réacteurs du site d'Oklo se sont créés par euxmêmes en concentrant l'uranium de proche en proche par désilicification. Les éléments chimiques résultant de la fission des réacteurs du site d'Oklo soit ont été retenus sur place, soit ont migré hors du site d'origine. I1 est intéressant de noter à ce sujet que le plutonium est resté intégralement dans l'uranium qui lui a donné naissance, jusqu'à sa disparition complète par désintégration a (période : 24 O 0 0 ans) vers l'uranium 235 qui s'est ainsi en partie reconstitué (période : 0,7 milliards d'années).
(7
Le minerai dOklo est constitué d u n grès dont le ciment contient des phyllosicicates et de la silice secondaire.
CRITÈRES DE SÛRETÉ ET ORGANISATION
L
'objet de ce chapitre est de donner u n aperçu des différentes approches qui président à la conception des centrales nucléaires, en mettant en évidence les deux écoles - l'école déterministe et l'école probabiliste - dont la démarche adoptée en France en matière de sûreté nucléaire constitue la synthèse [6].
La sûreté nucléaire est l'ensemble des dispositions qui sont prises a u stade de la conception, de la construction et de l'exploitation pour assurer le fonctionnement normal, prévenir les incidents et les accidents et en limiter les effets, tant pour les travailleurs des installations elles-mêmes que pour l'environnement. Elle s'intègre dans le domaine plus vaste de la sécurité nucléaire qui couvre également la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les rayonnements ionisants (radioprotection), les problèmes posés par les rejets d'effluents, la surveillance et le contrôle des matières sensibles (production, transport, stockage, ...). Les objectifs fondamentaux de la sûreté se déduisent de sa définition :
+ + +
maîtrise de la réactivité (ou de la puissance) du cœur ; évacuation de l'énergie produite dans le cœur ; confinement de la radioactivité (irradiation et contamination).
À l'origine, les centrales nucléaires ont été conçues sur des critères de fonctionnement auxquels se sont greffés des critères de sûreté qui ont abouti, à mesure que l'expérience d'exploitation progressait, à la mise en place de dispositifs supplémentaires destinés à mieux combattre les accidents. En d'autres termes, on s'est d'abord préoccupé du bon fonctionnement des centrales, dont la finalité est, faut-il le rappeler, la production d'électricité, et ensuite
L'ATOME ÉCOLOGIQUÈ
98
de leur bon niveau de sûreté. On parle alors de sûreté extrinsèque »,par opposition à la sûreté intrinsèque qui sera abordée au paragraphe Sûreté intrinsèque ». ((
((
))
((
APPROCHEDÉTERMINISTE Les principes de la sûreté déterministe, d'origine américaine, ont été incorporés dès 1967 dans le Code of Federal Regulations livre 10, paragraphe 50 (10 CFR 50), qui fixe les exigences en matière de sûreté et impose un certain nombre de démonstrations à apporter par le propriétaire de la centrale à l'autorité de sûreté. ((
Depuis 30 ans, le modifications.
)),
10 CFR 50 n'a subi que de faibles
Qu'il soit ici rendu hommage à ses auteurs, qui ont construit, à l'aube du développement de l'industrie nucléaire, le cadre d'une réglementation qui a résisté comme le béton à l'épreuve du temps.
Concept de défense en profondeur La sûreté déterministe est fondée sur le concept de défense en profondeur. L'objectif est de concevoir des niveaux (on en dénombre 3 à l'origine) successifs de défense contre les accidents afin de les prévenir et, s'ils surviennent malgré les dispositions prises au niveau de la prévention, d'en limiter les conséquences à u n niveau acceptable. Les 3 niveaux de défense en profondeur destinés à combattre les accidents sont :
+
1"' niveau: prévention des incidents. Une résistance intrinsèque maximale de l'installation à ses propres défaillances est mise en place, résultant d'une conception conservative (c'està-dire prenant en compte des marges de sécurité importantes) et d'un niveau de qualité élevé dans la réalisation de l'installation. À titre d'exemple, une panne sûre, u n élément de sûreté passive (voir Sûreté intrinsèque n) sont des dispositions du 1"' niveau de défense en profondeur. 2" niveau : prise en compte d'incidents(1).On suppose, malgré les précautions prises au l e r niveau, l'occurrence d'incidents. On conçoit alors, pour limiter leurs effets, un système de protection ((
+
(I)
Un incident est un accident de gravité moindre.
99
4
CRITÈRESDE SÛRETÉ ET ORGANISATION constitué d'un système de détection des événements anormaux et d'un système d'arrêt d'urgence qui déclenche automatiquement la chute des barres de commande pour interrompre promptement la réaction en chaîne. 3" niveau: prise en compte d'accidents hypothétiques. On suppose, malgré les précautions prises a u 2 e niveau, l'occurrence d'accidents mettant en cause l'intégrité du confinement des produits de fission. On conçoit, pour limiter leurs effets, des systèmes spécifiques qui ne sont mis en œuvre que pour combattre les accidents contre lesquels ils ont été créés. Ces systèmes sont appelés systèmes de sauvegarde.
La sûreté est dite déterministe car les accidents pris en compte dans le concept de défense en profondeur sont prédéterminés. Ils correspondent non pas à des accidents réels, comme c'est le cas dans l'approche probabiliste (voir Approche probabiliste .), mais à des accidents théoriques supposés envelopper tous les cas d'accidents plausibles sans pour autant nécessiter d'en connaître précisément les scénarios. ((
conditions de Ces accidents théoriques sont appelés fonctionnement accidentelles qui correspondent aux états dans lesquels peut se trouver l'installation à la suite d'un événement anormal (événement initiateur de l'accident). Par exemple, à l'événement initiateur Rupture de tuyauterie primaire correspond la condition de fonctionnement accidentelle Perte de réfrigérant primaire I I . ((
))
))
((
((
Les conditions de fonctionnement accidentelles sont au nombre de 28 (voir liste en annexe A l ) et sont réparties en 3 catégories en fonction de leurs fréquences d'occurrence et de la gravité de leurs conséquences radiologiques.
Tableau 4.1. Les catégories des conditions de fonctionnement.
Condition de fonctionnement
Fonctionnement normal (catégorie 1) Incident de catégorie 2 Accident de catégorie 3 Accident de catégorie 4
Fréquence d'apparition (par an e t par réacteur) 1
10-2 < f< 1
10-4 < f < 10-2 10-6 < j - <1 0 - 4
L'ATOMEECOLOGIQUE
1O0
Remarque : La présence de probabilités dans le tableau 4.1 traduit
la connotation probabiliste de la sûreté déterministe. Dans le tableau 4.1, les conditions de fonctionnement sont classées par ordre croissant de gravité, eu égard à leurs conséquences radiologiques. Plus précisément, la réglementation donne les critères radiologiques à respecter, en fonction des différentes catégories d'accidents : ci-après sont données les valeurs, pour les personnes du public, des limites acceptables.
Conditions de catégories 1 et 2 Les rejets doivent respecter les niveaux de dose du décret 66-450 du 20/ 06/66, qui correspondent aux doses annuelles maximales en limite de site, c'est-à-dire à environ 500 m du bâtiment réacteur : Corps entier (1) : 0,5 rem (5 mSv) Thyroïde (2) : 1,5 rem (15 mSv) ( 1) caractérise l'irradiation tous rayonnements confondus (2) caractérise la contamination par l'iode 131.
Ces valeurs doivent être multipliées par 10 pour les travailleurs exposés aux rayonnements.
Conditions de catégories 3 et 4 Les doses intégrées en 2 heures après l'accident ne doivent pas dépasser, en limite de site, les valeurs suivantes :
Catégorie 3 Corps entier : 0,5 rem (5 mSv) Thyroïde : 1,5 rem (15 mSv). Catégorie 4 Corps entier : 15 rem (150 mSv) Thyroïde : 30 à 45 rem (300 à 450 mSv). En résumé, l'installation est dimensionnée de manière que les rejets consécutifs aux différents accidents pris en compte dans les études de sûreté soient inférieurs à une limite de dose (la dose maximale admissible, ou DMA) qui dépend de la gravité de l'accident (voir Tab. 4.2).
1O1
CRITÈRESDE SÛRETÉ ET ORGANISATION Tableau 4.2. Les doses maximales admissibles. DMA (msv)
Catégorie d'accidents
1et2
3 4
Corps entier
Thyroïde
5 (1) 5 (2) 150 (2)
15 (1) 15 ( 2 ) 300 à 450 (2)
Si l'on compare les couples (probabilité d'occurrenceconséquences radiologiques) des différentes catégories d'accidents, on constate que les centrales sont conçues de manière que les accidents les plus graves aient les plus faibles fréquences d'occurrence Ainsi, quel que soit l'accident réel qui survient dans la centrale, il sera enveloppé par u n de ces 28 accidents théoriques (voir annexe A l ) et, par conséquent, sa parade aura été prise en compte dans la conception de la centrale. C'est ce concept extrêmement puissant qui fait la force de l'approche d'origine américaine de la sûreté nucléaire. ((
))
Nous verrons a u chapitre 6 (MTMI et son enseignement D) que l'analyse de l'accident de Three Mile Island confirme l'efficacité de cette approche. L'accident le plus grave pris en compte dans la liste des conditions de fonctionnement est l'accident par perte de réfrigérant primaire (APRP). Le système d'injection de secours (qui est u n système de sauvegarde) est sollicité pour éviter le dénoyage, puis la fusion du cœur. La vapeur d'eau qui s'échappe alors dans l'enceinte du réacteur en fait monter la pression. L'enceinte est donc dimensionnée pour résister à cette surpression. De même, chaque condition de fonctionnement dimensionne un équipement critique de l'installation afin de garantir que les limites radiologiques acceptables définies pour cette condition n'auront pas été dépassées. En outre, dans les calculs de dimensionnement, on augmente volontairement la gravité des scénarios accidentels en prenant en compte des marges de conservatisme pénalisantes. Par exemple, on supposera simultanément une défaillance aléatoire supplémentaire (voir Critère de défaillance unique ))), la barre de commande la plus ((
L'ATOMEECOLOGIQUE
102
antiréactive coincée en position haute, la non prise en compte des effets bénéfiques des régulations, une puissance de fonctionnement a u début de l'accident supérieure à sa valeur nominale, etc. C'est en ce sens que ces conditions de fonctionnement sont des accidents enveloppes v des accidents plausibles. I1 est en effet impossible qu'en situation réelle autant de circonstances aggravantes (dont certaines sont même irréalistes) interviennent simultanément. ((
En résumé, les 4 catégories de conditions de fonctionnement peuvent se définir comme suit :
Condition de catégorie 1 : fonctionnement normal et transitoires courants d'exploitation. Les paramètres physiques de fonctionnement (pression, température, débit, réactivité) restent à l'intérieur de leur plage normale de fonctionnement. Seul le système de régulation est sollicité. On se situe a u stade de la prévention, c'est-à-dire au premier niveau de défense en profondeur. Condition de catégorie 2 : incidents courants de fonctionnement. Les paramètres physiques franchissent les seuils de déclenchement des actions de protection du deuxième niveau de défense en profondeur. I1 n'y a pas de dommage grave sur le matériel Conditions de catégories 3 et 4 : accidents hypothétiques. Les systèmes de protection et de sauvegarde, définis au troisième niveau de défense en profondeur, sont sollicités. Les dommages peuvent être importants. Échelle internationale de gravité La sécurité nucléaire concerne l'ensemble de la planète : si quelques pays seulement exploitent des centrales nucléaires, les rejets radioactifs peuvent, à la suite d'un accident majeur sur une centrale, atteindre n'importe quel point du globe. Le tableau 4.3 donne la répartition des activités nucléaires civiles dans le monde.
L'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) propose, depuis 1990, une échelle internationale de gravité, dite INES (international nuclear event scale), des incidents et accidents nucléaires. Celle-ci, bien que comportant plus de niveaux (7 au lieu de 4) recoupe assez bien le modèle français décrit précédemment (voir Tab. 4.4).
103
CRITERES DE SÛRETE ET ORGANISATION
Tableau 4.3. L‘activité nucléaire dans le monde (1990).
Pays
YO
États-Unis France ex-URSS Japon ex-RFA 1/ 3 monde UK Europe de l’Est Autres
31,l 16,3 10,8 92 6,9 5,5 4,3 3,3 12,6
Total
1O 0
Tableau 4.4. Échelle internationale de gravité INES.
O Écart
Aucune importance du point de vue de la sûreté
1 Anomalie
Petits écarts par rapport a u fonctionnement autorisé
2 Incident
Incident ayant des conséquences potentielles s u r la sécurité
3 Incident grave
Contamination majeure s u r le site entraînant des rejets très faibles à l’extérieur
4 Accident s u r
Rejets extérieurs voisins des limites annuelles autorisées. Pas de conséquence sanitaire s u r le public
l’installation
Application partielle des plans d’urgence 5 Accident entraînant des risques hors du site locaux. Rejets notables 6 Accident grave
Application intégrale des plans d’urgence locaux. Rejets importants
7 Accident majeur
Application intégrale des plans d’urgence locaux. Rejets majeurs
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
104
Conformément au souhait exprimé par le CSSIN (Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaire) dans sa séance du 23 septembre 1993, l'échelle INES a été appliquée à toutes les installations nucléaires de base civiles (INB) à compter du 4 avril 1994. Tous les événements survenant sur une centrale nucléaire sont enregistrés et analysés par les spécialistes. C'est le retour d'expérience. Par souci de transparence, les informations relatives a u fonctionnement des 55 réacteurs du parc national sont disponibles en temps réel sur Minitel a u 36.14 MAGNUC. En outre, u n numéro vert (08.00.02.01.77) renseigne sur les activités spécifiques de Superphénix. Au total, l'écrasante majorité des événements observés en France est de degré O sur l'échelle internationale de gravité et sur une centrale donnée, il survient en moyenne 1 événement de degré 1 tous les ans et 1 événement de degré 2 tous les 10 ans. Depuis le démarrage de la première centrale nucléaire de puissance en France (1977), on a constaté sur l'ensemble du parc seulement 2 événements de degré 3 et aucun événement d'un degré supérieur à 3.
Critère de défaillance unique (CDU) On dit que la conception d'un système respecte le critère de défaillance unique (CDU)pour une mission donnée quand le système reste capable d'accomplir cette mission malgré la prise en compte d'une défaillance supplémentaire unique qui affectera u n équipement de ce système de façon aléatoire. Cette défaillance unique peut être électrique ou mécanique.
Le CDU s'applique, dans les calculs d'accidents, aux systèmes de protection et de sauvegarde : on prend en compte l'événement initiateur de l'accident et ses conséquences sur l'installation. En outre, comme il a été dit plus haut, des hypothèses de calcul très pénalisantes sont introduites, ainsi qu'une défaillance aléatoire unique sur les systèmes de protection et de sauvegarde sollicités pour combattre l'accident. Conformément au critère de défaillance unique, ces systèmes devront assurer leur fonction quelle que soit la défaillance aléatoire unique les affectant, c'est à dire être redondants. En d'autres termes, leurs circuits électriques et fluides seront au moins doublés. Pour fixer les idées, voyons quelques applications pratiques : prenons le cas d'une ligne fluide d'un système de sauvegarde équipée
105
CRITÈRESDE SÛRETÉ ET ORGANISATION
de vannes motorisées. Ces vannes s'ouvrent ou se ferment sur un ordre électrique. Par conséquent, une défaillance unique a u sens du CDU affectera soit la partie électrique de la vanne, soit sa partie mécanique, rendant la vanne inutilisable. Une telle ligne sera dite sûre à la fermeture (respectivement à l'ouverture) si la fonction de fermeture (respectivement d'ouverture) demeure assurée malgré la défaillance postulée.
+
+
+
Cas no 1. Circuit fluide sûr à la fermeture mais pas à l'ouverture : 2 vannes disposées en série (Fig. 4.la). Supposons que les vannes V 1 et V2 soient ouvertes et que l'on veuille fermer la ligne fluide. En cas de défaillance (électrique ou mécanique) sur l'une des deux vannes, l'autre pourra assurer la fermeture. Le système est donc sûr à la fermeture. Par contre, supposons que les deux vannes soient fermées et que l'on veuille ouvrir la ligne fluide. En cas de défaillance sur l'une des deux vannes, la ligne fluide restera fermée. Le système n'est donc pas sûr à l'ouverture. Cas no 2. Circuit fluide sûr à l'ouverture mais pas à la fermeture : 2 vannes disposées en parallèle (voir Fig. 4.lb). Supposons que les vannes V1 et V2 soient fermées et que l'on veuille ouvrir la ligne fluide. En cas de défaillance (électrique ou mécanique) sur l'une des 2 vannes, l'autre pourra assurer l'ouverture. Le système est donc sûr à l'ouverture. Par contre, supposons que les 2 vannes soient ouvertes et que l'on veuille fermer la ligne fluide. En cas de défaillance sur l'une des 2 vannes, la ligne fluide restera ouverte. Le système n'est donc pas sûr à la fermeture. Cas no3. Circuit fluide sûr à la fois à l'ouverture et à la fermeture: 3 lignes fluides équipées chacune de 2 vannes en série (voir Fig. 4 . 1 ~ )Pour . avoir un circuit fluide sûr à la fois à l'ouverture et la fermeture, il faut passer à une redondance d'ordre supérieur (ordre a), c'est-à-dire 3 lignes fluides et 3 lignes électriques A, B et C : le lecteur peut aisément vérifier que ce système garantit bien à la fois l'ouverture et la fermeture sûres.
Cependant, la redondance d'ordre 2 n'étant pas retenue en France pour l'instant, on aura recours, lorsque l'ouverture et la fermeture sûres seront requises sur un système de sauvegarde, à un palliatif consistant à intervenir manuellement sur des vannes normalement fermées en cas de nécessité (voir Fig. 4.1d). Plus précisément, si le train électrique A défaille à l'ouverture, on ouvrira manuellement la vanne V6 et si c'est le train électrique B qui défaille,
106
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
on ouvrira manuellement la vanne V3. Par ailleurs, les vannes V3 et V6 étant normalement fermées, le système est sûr à la fermeture car on est ramené au cas no 1.
O&
W H
Vanne motofiçée Vanne manuelle
Vanne ouverte Vanne fermée
A
B
A. B, C Trains électriques indépendants
V6
v5
c) Fermeture et ouverture sûres avec 3 trains
B
A
--&----093-v1
v2
A
B
a) fermeture sûre
v2 V6
b) ouverture sûre
d) Fermeture et ouverture sûres avec 2 trains
Figure 4.1. Critère de défaillance unique et redondance.
Les exigences de la sûreté compliquent considérablement la conception des systèmes. Prenons par exemple le cas du système de décharge du pressuriseur. Ce système possède deux fonctions de sûreté distinctes :
+ +
il limite les surpressions dans le circuit primaire ; il intervient dans le confinement du circuit primaire.
En fonctionnement normal, le pressuriseur, constitué d'un ballon d'eau comprimée par un matelas de vapeur, assure a u circuit primaire la pression souhaitée grâce â un système de chaufferettes (permettant d'augmenter la pression) et d'aspersion d'eau froide (permettant de diminuer la pression (voir Fig. 4.2)). En cas de surpression dans le circuit primaire, le système de régulation est d'abord sollicité ( l e r niveau de défense en profondeur) : les vannes de décharge du pressuriseur s'ouvrent et de la vapeur
107
CRITÈRES DE SÛRETE ET ORGANISATION
d’eau primaire s’échappe vers le réservoir de décharge. Ces vannes, qui font partie en outre du système de confinement du circuit primaire, doivent être doublées en série pour garantir la fermeture sûre en cas de nécessité. En cas de surpression plus importante, c‘est le système de protection qui est sollicité (2e niveau de défense en profondeur) : les soupapes de sécurité, tarées à u n seuil de pression plus élevé que les vannes de décharge, s’ouvrent à leur tour. Des exigences supplémentaires de la sûreté (arrêté du 26 février 1974) conduisent en pratique à ne pas dépasser 120 YO de la pression de calcul(2)avec une soupape défaillante. Finalement, l’environnement du pressuriseur a l’allure indiquée sur la figure 4.2. Réservoir de décharge du pressuriseur
I Soupapes de sécurité
Vannes de décharge Aspersion
fc‘ A
Pressuriseur Chaufiereiies Circuit primaire
I
Figure 4.2. Système de décharge du pressuriseur.
Le niveau de sûreté d’une centrale nucléaire, bien qu’initialement très bon, continue de s’améliorer en fonction du retour d’expérience et du progrès technologique. Cette évolution continue est en partie responsable de l’augmentation du coût d’investissement d’une centrale nucléaire.
Concept de défense par barrières de confinement Propre à la démarche française initiale (filière UNGG) de sûreté nucléaire, ce concept prend en compte non pas des ((niveaux de La pression de calcul est la pression maximale du circuit primaire lorsqu’il est soumis à des incidents courants de fonctionnement.
(2)
108
L'ATOME ECOLOGIQUE
défense en profondeur caractéristiques de la démarche américaine, barrières de confinement qui s'opposent aux mais des relâchements des substances radioactives créées dans les cœurs de centrales nucléaires. ))
((
))
En fait, les deux approches sont voisines car l'approche par niveaux de défense en profondeur suppose l'existence des barrières de confinement ; inversement, l'approche par barrière de confinement suppose l'existence de niveau de défense pour combattre les accidents. On dénombre 3 barrières (filière REP) qui s'interposent entre la source radioactive et l'environnement, à savoir :
+ + +
Ire barrière : la gaine du combustible ; 2" barrière : l'enveloppe du circuit primaire ; 3 e barrière : l'enceinte de confinement. Bâtiment réacteur
Générateur ,,,A'
Première barrière : Gaine du combustible Deuxième barrière :
,,'Circuit primaire
Troisième barrière : Bâtiment réacteur
RCP : Circuit primaire
Figure 4.3. Les 3 barrières de confinement du REP.
Pour chaque barrière, on analyse les 3 étapes successives qui sont la prévention, la surveillance et les actions de sécurité.
1O9
CRITÈRES DE SÛRETE ET ORGANISATION
Prévention Elle s'apparente au l e r niveau de défense en profondeur : conception conservative de l'installation et qualité apportée à sa réalisation afin de dégager les limites technologiques et la marge séparant les conditions de fonctionnement normal de ces limites.
Surveillance Information de l'opérateur sur le dépassement des limites de fonctionnement normal (occurrence d'incidents) et déclenchement des dispositifs visant à ramener l'installation à l'intérieur de ces limites.
Actions de sécurité En cas de franchissement des limites technologiques, les actions de sécurité s'opposent à la détérioration des autres barrières afin de sauvegarder le confinement.
APPROCHEPROBABILISTE L'approche probabiliste met en œuvre des techniques historiques (ou prédictives) pour établir une évaluation du risque associé à un événement, avec sa probabilité d'occurrence et ses conséquences. L'approche probabiliste de sûreté est complémentaire de l'approche déterministe qui préside à la conception des réacteurs nucléaires. Elle permet de déceler les éventuels points faibles de composants importants pour la sûreté et d'y remédier. La méthode probabiliste repose sur un critère de risque acceptable (voir Philosophie du risque acceptable n), proposé en 1967 par F.R. Farmer [7]. L'appréciation du risque lié à l'utilisation du réacteur comporte d'une part la probabilité d'occurrence de l'accident et d'autre part l'évaluation des conséquences de ces accidents (rejets radiologiques dans l'environnement). ((
))
((
110
L'ATOMEÉCOLOGIQUE P Zone de risque inacceptable
Zone de risque acceptable
10
10'
C
P : probabilité d'occurrencede l'accident (par année et par réacteur) C : conséquences radiologiques de l'accident (curies d'iode 131 relâchés)
Figure 4.4. Le diagramme de Farmer.
Le risque est égal a u produit de la probabilité d'occurrence d ' u n accident par les conséquences radiologiques de cet accident, d'où le diagramme de Farmer exprimant la probabilité d'occurrence ( P) en fonction des conséquences radiologiques ( C ). Le risque acceptable limite étant supposé être la constante R, la fonction P = R / C est représentée, en coordonnées logarithmiques, par la droite de pente négative (- 1) :
Y=a-X avec Y = log P
a = log R
x = log c. Sur la figure 4.4, l'accident A représente u n risque inacceptable car il est situé au-dessus de la droite d u risque acceptable limite. I1 faut alors améliorer la qualité de l'installation pour abaisser la probabilité d'occurrence de cet accident (translation verticale (1) d u point A de la Fig. 4.4), ou en réduire les conséquences radiologiques (translation horizontale (2) d u point A).
111
CRITÈRES DE SÛRETÉ ET ORGANISATION
La notion de risque est très générale. Par exemple, le risque généré par la conduite d'une automobile est égal à la probabilité de collision multipliée par les conséquences corporelles de la collision. Pour limiter ce risque, on peut imposer une limitation de vitesse, sachant que plus on roule vite, plus les conséquences d'une collision sont sévères. Reste à prouver que la probabilité de collision augmente (ou plus précisément ne diminue pas) avec la vitesse ! Cela dépend, à l'évidence, du modèle et de l'état du véhicule. En toute logique, la limite de vitesse autorisée devrait donc varier en fonction du modèle et de l'état du véhicule, mais ceci est un autre débat ...
Calcul du risque On utilise des techniques d'analyse fondées sur la logique binaire où un composant fonctionne ou ne fonctionne pas (analyse par arbre de défaillance) et où u n événement se produit ou ne se produit pas (analyse par arbre d'événement).
Analyse par arbre de défaillance On établit, en remontant le temps, les différentes manières dont une panne peut survenir, en affectant à chacune de ces possibilités une probabilité donnée, afin de calculer la probabilité d'ensemble pour que cette défaillance se produise. On utilise la technique des arbres de défaillance pour étudier la fiabilité des systèmes.
Analyse par arbre d'événements Les conséquences d'un accident dépendent non seulement de l'événement initiateur mais aussi de la disponibilité des systèmes de sauvegarde sollicités. Ainsi, dans l'analyse par arbre d'événements, on part de l'événement initiateur d'un accident, à partir duquel différents scénarios sont envisagés, selon que les dispositifs mis en œuvre pour combattre l'accident ont fonctionné ou non. Prenons pour exemple l'accident par perte du réfrigérant primaire (APRP). Sur la figure 4.5, la branche la plus haute suppose que tous les systèmes de sauvegarde sollicités ont fonctionné. Les conséquences de l'accident seront donc minimes (accident maîtrisé). La probabilité d'occurrence de cette branche est :
P = Pi (1 - P2) (1 - P3) (1 - P4)
112
L'ATOMEECOLOGIQUE
ou encore P=
PI
car les systèmes de sauvegarde sont conçus de manière que leur probabilité de défaillance soit très faible, soit : 1 - P i # 1. ;onséquences
Accident maîtrisé
Fusion du cœur
Figure 4.5. L'arbre d'événements de l'accident de perte de réfrigérant primaire (simplifié).
À l'opposé, en cas de perte totale des alimentations électriques
(alimentation normale et alimentation de secours), aucun système de sauvegarde ne peut fonctionner. C'est la branche la plus basse de la figure 4.5, qui conduit aux conséquences radiologiques les plus graves (fusion du cœur). Sa probabilité d'occurrence est P = Pl x PL. L'arbre d'événements permet ainsi d'évaluer l'ensemble des risques découlant de l'événement initiateur considéré par le calcul du couple (probabilité d'occurrence, conséquences radiologiques).
Le rapport Rasmussen Le professeur Rasmussen (MIT) publia en 1975 [ 8 ] ,à la demande de l'autorité de sûreté américaine, la NRC (Nuclear Regulatory
113
CRITERES DE SÛRETÉ ET ORGANISATION
Commission), u n rapport d'évaluation des risques encourus par la population à la suite d'un accident nucléaire. Ce rapport, fondé sur la méthode de sûreté probabiliste, donna une évaluation quantitative des risques générés par l'industrie nucléaire en les comparant à ceux des autres activités de l'homme et des catastrophes naturelles. La figure 4.6 consigne quelques uns des résultats du rapport. P
10
1
1/10
1/100
1/1000
1/10.000
1/100.000
1/1.000.000
1/10.000.000
10
100
1000
10.000 100.000
1.000.000
Figure 4.6. Évaluation des risques selon le rapport Rasmussen.
On constate à l'observation de la figure 4.6 que les centrales nucléaires font courir à la population un risque comparable à celui induit par la chute d'une météorite, c'est-à-dire un risque nettement inférieur à celui dû aux accidents non nucléaires provoqués par l'homme.
114
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
Selon le Pr. Rasmussen, le seul type d'accident nucléaire présentant des risques graves est la fusion du cœur, à la suite d'une rupture de tuyauterie primaire (APRP). Le rapport donne sa probabilité d'occurrence : 1/20 O00 par réacteur et par an (c'est bien u n accident de catégorie 4, voir Tab. 4.1). Sur le parc actuel de réacteurs PWR (environ 300 unités dans le monde), cela signifie qu'il se produit en moyenne théorique une fusion de cœur tous les 67 ans. Nous avons vu, au paragraphe consacré à la sûreté déterministe, quelles sont les mesures qui sont prises pour limiter les conséquences d'un tel accident à un niveau acceptable. Depuis, plus de 50 études de ce type ont été réalisées dans le monde. Les autorités de sûreté ont longtemps dénigré certaines analyses du rapport Rasmussen consacrées, notamment, à des accidents ayant pour cause la défaillance humaine, les jugeant irréalistes. Elles ont revu leur position à la suite de l'accident de Three Mile Island (voir Chap. 6, Les accidents nucléaires ))) qui a clairement mis en évidence l'importance du facteur humain dans l'évolution d'un accident (voir TMI et son enseignement ))). ((
((
D'une manière générale, on peut toujours discuter la validité des résultats de ce rapport dès lors qu'ils relèvent de calculs de probabilité qui, transposés à la réalité, se chargent inévitablement d'incertitudes parfois difficiles à quantifier. Néanmoins, sans s'attarder sur le détail, il faut retenir les ordres de grandeur. En outre, le travail de Rasmussen recèle une richesse méthodologique incontestable.
Comportement face au risque Le tableau 4.5, qui figure dans le rapport Rasmussen, donne les statistiques d'accidents ayant entraîné la mort aux États-Unis a u cours de l'année 1969. Les accidents autres que nucléaires sont réellement survenus ; les accidents de réacteurs, quant à eux, sont issus de calculs probabilistes.
I1 est difficile d'observer des accidents mortels dont le risque est supérieur à l / 1000 par personne et par an. Ce niveau de risque est évidemment inacceptable et par conséquent des actions immédiates viennent le diminuer, en agissant soit sur la probabilité d'occurrence de l'accident soit sur ses conséquences. Aux niveaux 1/10 O00 et 1/100 000, des mesures préventives sont prises : baignade interdite », danger ! ligne haute tension etc. ((
((
)),
115
CRITÈRES DE SÛRETÉ ET ORGANISATION
Tableau 4.5. Risque de mort aux États-Unis en 1969 (d'après le rapport Rasmussen).
mortel
Nombre total annuel
Risque individuel par année
I Véhicules à moteur Chutes Incendies, brûlures Noyades Voyages aériens Éiectrocutions Foudre Accidents nucléaires
55 791 17 827 7 451 6 181 1 778 1148
160 O
1/3000 1/10 O 0 0 1/25 O 0 0 1/30 O 0 0 1/100 O 0 0 1/170 O00 1/2 O 0 0 O00 1/300000000
En deçà du niveau l / l O00 000, l'homme ne se sent généralement pas concerné par les accidents de cette catégorie car, bien que conscient de leur existence et de leurs conséquences, qui peuvent être dramatiques, il n'en ressent pas de menace directe : ces accidents sont dus à la fatalité, pense-t-il, ou encore à une imprudence folle qu'il ne peut commettre. Le risque nucléaire appartient à cette catégorie de risques puisque égal, selon Rasmussen, à 1/300 O00 O00 par personne et par an. I1 devrait par conséquent, selon le raisonnement ci-dessus, être largement accepté par la société. Pourquoi n'en est-il pas ainsi ? En fait, deux autres arguments doivent être pris en compte :
+
En premier lieu, le risque individuel doit être traité différemment du risque collectif : un individu isolé peut accepter, par exemple sous l'emprise d'une passion ou d'une vocation, un niveau de risque que la société rejette collectivement (sport automobile, armée de métier, ...). I1 peut également consentir un risque, même considérable, sachant qu'il dispose de divers moyens pour l'atténuer. Par exemple, beaucoup d'accidents attribués à la fatalité peuvent être évités moyennant des précautions élémentaires (ne pas se mettre sous un arbre en cas d'orage, s'abstenir de naviguer par grand vent, ...). L'automobile entre dans cette catégorie des risques élevés librement acceptés par l'individu. Ce dernier se croit en effet protégé de l'accident fatal qui n'« arrive qu'aux autres en pensant pouvoir agir pour l'empêcher. L'industrie nucléaire, quant à elle, fait courir à un ))
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
116
individu isolé un risque imposé qu'il ne peut atténuer par des mesures personnelles. D'où la réticence.
+
En second lieu, la société tolère plus facilement une multitude d'accidents isolés qu'un accident unique conduisant pourtant aux même conséquences : le crash d'un avion de ligne crée u n choc psychologique plus intense qu'un week-end meurtrier sur le réseau routier. Là encore l'industrie nucléaire est sur la sellette car, en cas d'accident majeur, les conséquences sur la population environnante peuvent être considérables.
D'une façon générale, l'homme perçoit avec moins de réticence le risque individuel et volontaire que le risque collectif et involontaire. Enfin, l'industrie nucléaire traîne comme u n boulet les spectres d'Hiroshima (explosion apocalyptique) et de Tchernobyl (contamination et irradiation mortelles) qui bloquent les prises de position totalement objectives.
I1 apparaît clairement que l'attitude face au nucléaire est dominée par des considérations d'ordre psychologique, qui selon nous ne manquent pas d'être exploitées politiquement par certains groupes de pression ou financièrement par d'autres qui profitent du débat passionné pour s'enrichir de façon discutable (publication d'articles à sensation provoquant l'inquiétude, vente d'expertises indépendantes attisant la polémique, ...). L'information objective et l'éducation jouent donc à ce niveau u n rôle essentiel afin de ramener le débat à sa composante rationnelle. C'est l'un des objectifs majeurs de ce livre. Remarque : Le risque individuel engendré par un accident nucléaire étant incomparablement plus faible que celui associé à une autre activité de l'homme, condamner le nucléaire civil pour des raisons de sécurité devrait conduire, dans une démarche rationnelle, à renoncer aux transports aériens, aux baignades, et, avant tout, à l'usage de la voiture puisque le risque y est 100 O00 fois plus important (voir Tab. 4.5) !
ACCIDENTS COMPLÉMENTAIRES À l'occasion de la création des tranches REP de 1300 MWe, dans les
années 80, l'autorité de sûreté française demanda que soient
117
CRITERES DE SÛRETÉ ET ORGANISATION
définies, avant tout début de réalisation, les mesures les plus adaptées aux divers soucis de sûreté posés par la filière REP. Certains de ces soucis mettaient en cause les limites de l'approche déterministe définie dans la réglementation américaine, qui servait de base à la conception française des chaudières nucléaires. C'est ainsi que l'autorité de sûreté demanda d'aller plus loin dans l'analyse de sûreté par rapport à l'analyse classique, en prenant en compte des accidents dont la probabilité d'occurrence descend jusqu'à 10-7 par an et par centrale, c'est-à-dire un accident tous les dix millions d'années ! Ces accidents hautement hypothétiques étaient dits hors dimensionnement car ils n'avaient pas été prévus dans les études initiales de conception (le Tab. 4.1 indique que les études de conception ne prennent pas en compte les accidents qui ont une probabilité d'occurrence inférieure à 10-6). Entrés depuis dans le dimensionnement, on les appelle maintenant accidents complémentaires ». ))
((
((
Les études correspondantes se différencient des études de dimensionnement classiques par des marges moindres de conservatisme (modèles et hypothèses réalistes) et, pour certaines d'entre elles, par une approche probabiliste (voir Approche probabiliste N) explicite (étude du couple probabilité d'occurrenceconséquences radiologiques). Des mesures doivent être prises dès la conception pour limiter les conséquences de ces accidents par la mise en place de parades (dispositifs adéquats et procédures associées) à appliquer en cas d'accidents. ((
La liste de ces accidents complémentaires figure en annexe A l Les dispositions nécessaires pour limiter les conséquences de ces accidents sont intégrées dans la conception des réacteurs français actuels. Elles ont été créées et se sont développées, conformément à l'esprit de la démarche entreprise dans le domaine ((hors dimensionnement »,non pour pallier une mauvaise conception, mais pour la compléter efficacement, afin de donner u n niveau de sûreté amélioré à l'ensemble du réacteur. Prenons pour exemple l'accident complémentaire de défaillance totale des circuits d'alimentation en eau des générateurs de vapeur (ARE et ASG). Compte tenu de la défaillance totale des circuits d'alimentations normale et de secours des GV (on est donc en présence d'un accident par perte d'un système redondant), la partie secondaire de ces GV s'assèche progressivement et l'échange primaire-secondaire finit par s'annuler. L'augmentation de la pression et de la température primaire entraîne l'ouverture des ((
))
118
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
vannes de décharge du pressuriseur par lesquelles la puissance résiduelle du cœur est évacuée. I1 s'ensuit la vidange progressive du circuit primaire qui aboutit au dénoyage du cœur, puis à la fusion du combustible. L'étude de cet accident a permis d'identifier une parade pour éviter l'endommagement du cœur, qui consiste à gaver le circuit primaire par le circuit d'injection de sécurité (RIS) et ouvrir les organes de décharge du pressuriseur aux moments opportuns. C'est la procédure HZ connue des anglo-saxons sous le nom de feed and bleed ». ((
Par ailleurs, l'autorité de sûreté a demandé d'aller encore plus loin en examinant les accidents dont la probabilité de conduire à des conséquences radiologiques inacceptables est inférieure à 10-7. Ces accidents doivent en effet être examinés afin de définir les parades (procédures U) & mettre en œuvre pour limiter les conséquences radiologiques à l'extérieur du site à un niveau tel que les autorités civiles responsables puissent déclencher le plan d'évacuation des populations (Plan Particulier d'Intervention (PPI)). En résumé, la prise en compte des accidents complémentaires peut se traduire par l'introduction de 2 niveaux de défense en profondeur supplémentaires :
+ +
4e niveau : limitation des conséquences accidentelles résultant de la perte des systèmes redondants en évitant la dégradation du cœur grâce à la mise en place de parades. 5 e niveau : tentatives ultimes pour limiter les conséquences d'états très dégradés du cœur (procédures U) pour des accidents dont la probabilité de conduire à des conséquences inacceptables est inférieure, par réacteur et par an, à 1 chance sur 10 O 0 0 000.
On comprend alors pourquoi, grâce aux exigences extrêmement contraignantes de notre autorité de sûreté, les centrales nucléaires de conception française sont parmi les plus sûres du monde.
SÛRETÉ INTRINSÈQUE Dans les réacteurs classiques, on a été amené à ajouter aux systèmes de fonctionnement existant des systèmes supplémentaires, de protection et de sauvegarde, pour combattre les accidents. O n parle de sûreté extrinsèque (voir introduction du Chap. 4).
119
CRITÈRESDE SÛRETÉ ET ORGANISATION
A contrario, la sûreté intrinsèque suppose la prise en compte, a u stade de la conception et de la construction d'un réacteur, de dispositions visant à limiter les conséquences des accidents grâce aux seules lois de la nature (thermohydraulique, neutronique, gravitationnelle, ...).
Les systèmes conformes à ces dispositions sont dits passifs car ils ne contiennent aucun organe actif du type pompe, vanne ou clapet susceptibles de défaillir. ((
))
On peut trouver, dans différents domaines de l'activité humaine, des éléments de sûreté passive. Par exemple, lorsque l'on navigue en remontant le vent au plus près »,il peut arriver qu'en cas de forte rafale, le voilier gîte dangereusement a u point de menacer de chavirer. Un équipage peu expérimenté, ne sachant plus comment rétablir l'équilibre, pourra, dans un instant de panique, lâcher les commandes du bateau. Ce dernier se redressera alors promptement et viendra s'immobiliser dans le lit du vent toutes voiles faseyantes. Ce retour à un état sûr s'est produit grâce aux seules lois de la mécanique des fluides. Le voilier possède donc, à ce niveau, un élément de sûreté passive. ((
Nous avons vu, au chapitre 1, que des éléments de sûreté passive existent dans les réacteurs nucléaires à eau sous pression : coefficient de température négatif, existence de neutrons retardés dans le processus de fission, etc. Dans un réacteur intrinsèquement sûr, le fonctionnement n'est assuré que par des systèmes passifs. Les lois de la nature étant immuables, le processus de déclenchement des actions de sauvegarde d'un réacteur intrinsèquement sûr est donc inéluctable. Pour ce réacteur, le risque est théoriquement nul. Le concept de sûreté intrinsèque n'intervient pas a u niveau du débat pour ou contre le nucléaire mais au niveau du choix du moyen le plus sûr de produire de l'électricité nucléaire, c'est-à-dire celui permettant de se placer avec la plus grande probabilité de succès au-dessous du seuil acceptable de rejets radiologiques. ((
))
((
))
Les entreprises qui ont investi dans ce concept y ont vu de nombreux avantages : 4
simplifier la conception de la centrale nucléaire en éliminant certains systèmes devenus surabondants ;
L'ATOMEECOLOGIQUE
+
+
+
120
améliorer la sûreté de l'installation afin d'alléger les procédures administratives d'autorisation et de favoriser ainsi la pénétration du nucléaire à l'étranger, notamment dans les pays en voie de développement économique ; réaliser u n réacteur de faible puissance à un prix de revient relativement bas ; conquérir la confiance du public en proposant une sûreté fondée sur des lois inéluctables de la nature plutôt que sur l'élaboration de systèmes complexes pour combattre les accidents dont la fiabilité, bien que très grande, est limitée.
Un exemple de projet de réacteur intrinsèquement sûr est décrit ci-après. I1 s'agit du réacteur PIUS (Process Inherent Ultimate Safety) proposé par le groupe suédois ASEA-ATOM.
La conception du réacteur PIUS repose sur les 2 critères de sûreté suivants, dont .Le respect assure, en toutes circonstances, une protection naturelle du réacteur contre les risques d'endommagement du cœur, et par conséquent contre les risques de dispersion de substances radioactives consécutive à une fusion du cœur :
+ +
Critère 1 : Le cœur doit rester immergé dans l'eau (critère de non dénoyage du cœur). Critère 2 : La puissance du cœur ne doit pas dépasser un niveau tel que le cœur ne puisse plus être refroidi correctement (critère de non assèchement local du cœur).
Critère no 1 En l'absence de systèmes actifs, la chaleur résiduelle qui se dégage du réacteur à l'arrêt, est évacuée par évaporation. La cuve est dimensionnée pour une autonomie d'une semaine, c'est-à-dire qu'en cas d'accident, le cœur restera recouvert d'eau, donc refroidi, pendant au moins une semaine en l'absence d'intervention extérieure. Cela donne aux opérateurs un délai confortable pour identifier l'origine de l'accident et prendre les mesures nécessaires pour en limiter les conséquences.
La solution retenue est une cuve de 3000 m3 en béton précontraint, dotée d'une double peau pour assurer l'étanchéité de la paroi de la cuve. En outre, la cuve contient u n poison neutronique (le bore) pour empêcher l'évaporation rapide par surcriticité.
121
CRITÈRESDE SÛRETÉ ET ORGANISATION
Les principes de fonctionnement du réacteur qui se déduisent du critère sont :
+
+ + +
introduction d'une structure autour du cœur visant à créer un courant de circulation naturelle ; mise en place d'un procédé destiné à produire de la vapeur (l'objectif de fonctionnement est de produire de l'énergie électrique à l'aide d'un turbo-alternateur ; contrôle de la densité aux interfaces circuit primaire-piscine ; l'équilibre des températures (par stratification) aux interfaces est contrôlé par des capteurs de température qui commandent la régulation en vitesse de la pompe primaire.
Critère no 2 En situation post-accidentelle, l'eau du circuit cœur s'échauffe jusqu'à l'ébullition. L a formation de bulles de vapeur augmente le débit ascendant dans la cheminée. Lorsque la vitesse de la pompe primaire, qui augmente avec la température du réfrigérant, arrive en butée haute, l'introduction passive de l'eau boriquée de la piscine par aspiration provoque l'arrêt du réacteur. C'est le principe de l'autoprotection thermodynamique. Par ailleurs, on peut noter les caractéristiques de fonctionnement suivantes : + le contrôle de la puissance se fait par le bore et la température du réfrigérant qui régule la vitesse de la pompe primaire ; + il n'y a pas de barre de commande ; + la présence d'absorbants a u gadolinium garantit u n coefficient de température du modérateur très négatif ; + les faibles conditions de température et de pression du circuit entraînent u n rendement thermique inférieur de 3 YOà celui d'un PWR. En terme de coût du combustible, cela est partiellement compensé par une économie de neutrons due à la faible densité de puissance du réacteur PIUS. En résumé, u n certain niveau de sûreté intrinsèque dans PIUS est incontestable. Le réacteur semble néanmoins poser u n problème de fonctionnement, donc de disponibilité, car on peut craindre, notamment, des arrêts intempestifs fréquents. En outre, les difficultés d'accès aux équipements de la piscine rendent délicates les opérations de maintenance. I1 semble que, d'une manière générale, sûreté intrinsèque et fonctionnement soient antinomiques. I1 faut donc choisir entre un réacteur qui fonctionne mais dont le risque n'est pas nul (sûreté
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
122
extrinsèque) et un réacteur dont la risque est théoriquement nul mais qui ne fonctionne pas de façon fiable (sûreté intrinsèque). Ce dilemme se rencontre dans d'autres domaines d'activité de l'homme : u n avion au risque nul n'est-il pas u n avion qui ne vole pas ? Soupape de décharge Bulle du pressunseur
Eau de la piscine Générateur de vapeur
Pompe primaire Coeur Béton précontraint
Figure 4.7. Schéma de principe d'un réacteur intrinsèquement sûr (PIUS).
Enfin il peut arriver que l'excès de sûreté soit nuisible à la sûreté. Prenons un exemple: supposons que nous devions transporter un nombre donné de colis contenant de la matière fissile. Afin de nous premunir contre le risque de criticité, nous pouvons être tentés de prendre des marges de conservatisme très pénalisantes dans les calculs qui auront pour conséquence de limiter le nombre de colis par transport et donc d'augmenter le nombre de transport. Dans ces conditions, il est probable que le risque soit plus élevé en augmentant le nombre de trajets qu'en réduisant les marges sur le calcul de criticité.
En conclusion, la sûreté totale est un mythe. La sûreté extrinsèque est parfois plus sûre que la sûreté intrinsèque.
123
CRITÈRES DE SÛRETE ET ORGANISATION
SÉCURITÉ NUCLÉAIRE Les conditions d'une bonne sécurité nucléaire, telle que pratiquée en France, peuvent se résumer de la façon très simplifiée suivante :
Conception-construction
+ +
Fixer de façon stricte les limites radiologiques à ne pas dépasser, pour les travailleurs et pour les populations en fonction des différentes conditions de fonctionnement de la chaudière nucléaire. Dimensionner les matériels intervenant dans la sûreté sur la base des critères de la sûreté déterministe, en considérant successivement les 3 barrières de confinement.
Des études d'accidents correspondant à chacune des 3 barrières sont intégrées dans les dossiers réclamés à l'exploitant par l'autorité de sûreté :
+ +
2e
+
primaire ; 3"barrière : dossier de conception de l'enceinte de confinement.
lre
barrière : dossier d'accidents du Rapport de Sûreté ; barrière : dossier d'analyse des contraintes sur le circuit
I1 faut ajouter à ces dossiers, le dossier d'analyse de sûreté de l'installation générale. C'est dans ce dossier que figurent, notamment, les études démontrant que les équipements importants pour la sûreté résistent aux situations les plus extrêmes (incendie, inondation, chute d'avion, séisme, malveillance, ...). Par exemple, le dôme du bâtiment réacteur résiste à la chute d'un avion de l'aviation générale (type Cessna et Learjet) et la réglementation interdit à un avion commercial ou militaire le survol d'une centrale nucléaire à l'intérieur d'un cône de sécurité (cône inversé pointé sur la centrale). En outre, le décret d'autorisation de création (voir Organisation de crise D) demande qu'en cas de séisme soient assurés : ((
+ + +
l'arrêt sûr de la réaction en chaîne, l'intégrité du circuit primaire et l'extraction de la chaleur résiduelle, le confinement des substances radioactives.
L'ATOME ECOLOGIQUE
124
Les systèmes qui interviennent pour assurer les fonctions cidessus sont donc dimensionnés pour résister à u n séisme. Ce séisme sera quantifié, selon les règles habituelles de la sûreté déterministe, sur la base d'hypothèses pénalisantes. Le séisme pris en compte à la conception est u n séisme hypothétique, le séisme majoré de sécurité (SMS). Son intensité, mesurée sur l'échelle MSK(3), est celle du séisme le plus important constaté historiquement dans la région de la centrale analysée (séisme maximum historiquement vraisemblable ou SMHV) majorée d'un degré d'intensité supplémentaire. Tableau 4.6. Échelle MSK.
I
Secousse non perceptible
II
Secousse à peine perceptible
III
Secousse faible, ressentie de façon partielle
IV
Secousse largement ressentie
V
Réveil des dormeurs
VI
Frayeur
VI I
Dommages aux constructions
VI11
Destruction de bâtiments
IX
Dommages généralisés aux constructions
X
Destruction générale des constructions
XI
Catastrophe
XI I
Changement de paysage
Exploitation-maintenance La bonne sécurité suppose une surveillance permanente et le respect strict des procédures par un personnel qualifié. ( 3 ) L'échelle MSK (Medvedev-Sponheuer-Karnik) comporte 12 degrés. Elle mesure l'intensité d'un séisme, c'est-à-dire ses effets en un point donné sur l'homme et son environnement. L'intensité maximale est celle observée à l'épicentre (foyer apparent à la surface de la terre). L'échelle de Richter, quant à elle, comportant 9 degrés, mesure la magnitude, c'est-à-dire l'énergie dégagée au foyer du séisme (hypocentre).
125
CRITÈRES DE SÛRETE ET ORGANISATION
ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ NUCLÉAIRE EN FRANCE(4) En France, l'activité de production électronucléaire relève d'un nombre restreint de protagonistes :
+ + +
u n fournisseur exclusif: Framatome ; un client unique : EDF ; une autorité de contrôle de la sécurité des réacteurs : les pouvoirs publics.
Les deux pôles principaux de la sécurité nucléaire sont, nous le savons, la sûreté nucléaire et la radioprotection.
Sûreté nucléaire L'organisme compétent en matière de sûreté nucléaire est la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN). Elle dépend du ministère de l'Industrie et du ministère de l'environnement. Elle est chargée de préparer et de mettre en œuvre toutes les actions techniques relatives à la sûreté nucléaire : définition d'une politique générale de sûreté nucléaire, réglementation, coordination des études de sûreté effectuées par les différents organismes, information du public. Elle a notamment pour mission de mener, pour le compte des ministères, l'ensemble des procédures d'autorisation (voir plus loin) découlant des décrets relatifs aux installations nucléaires. Elle est enfin chargée d'organiser l'inspection de ces installations. Dans l'exercice de ses fonctions, la DSIN s'appuie sur les avis et recommandations de trois groupements d'experts :
L'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) LIPSN appartient à l'Établissement public du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). I1 a pour mission générale de réaliser les études, recherches et travaux de protection et de sûreté nucléaire qui lui sont confiés par les départements ministériels et les organismes intéressés. I1 emploie près de 1500 personnes et est implanté dans
(4) L'organisation actuelle, décrite ci-après, est susceptible d'être modifiée au cours de l'année 1998.
L'ATOMEECOLOGIQUE
126
une dizaine de centres du CEA dont, principalement, Fontenay-auxRoses (Hauts-de-Seine)et Cadarache (Bouches-du-Rhône). Les activités de 1'IPSN portent notamment sur :
+ + + +
la protection de l'homme et de l'environnement ; la sûreté des installations nucléaires, en particulier en conditions accidentelles ; la sûreté des stockages des déchets radioactifs ; la sécurité et le contrôle des matières nucléaires.
Les Groupes permanents (formés d'experts et de représentants de l'administration) Ils sont chargés d'étudier les problèmes techniques que posent, en matière de sûreté, la création, la mise en service, le fonctionnement, l'arrêt des installations nucléaires et leur démantèlement. Un premier groupe traite des problèmes relatifs aux réacteurs. C'est le groupe permanent chargé des réacteurs (GPR). Un second groupe traite des problèmes relatifs aux autres installations nucléaires (GP).
La Section permanente nucléaire (SPN)de la Commission centrale des appareils à pression La SPN examine les questions relatives à l'application de la réglementation des appareils à pression aux chaudières nucléaires.
Réglementation applicable aux appareils a pression des chaudières nucléaires Les chaudières nucléaires à eau constituent des appareils à pression et sont, à ce titre, soumises à une réglementation particulière qui s'ajoute à la réglementation plus générale relative à la sûreté nucléaire. Le très haut niveau de sécurité recherché pour ces appareils a en effet conduit à l'élaboration d'une réglementation spécifique aux chaudières nucléaires, l'arrêté du 26 février 1974. En pratique, cet arrêté définit les critères de pression applicables au circuit primaire principal soumis à des situations normales ou accidentelles. En outre, les appareils à pression appartenant à des systèmes isolables d u circuit primaire principal du réacteur, restent réglementés par le décret du 2 avril 1926 portant sur les appareils à vapeur.
127
CRITERES DE SÛRETÉ ET ORGANISATION
D'une manière générale, cette réglementation demande de prendre u n ensemble de mesures de sûreté dans la construction puis dans l'exploitation d'une chaudière et de justifier que ces mesures permettent effectivement d'atteindre le niveau de sûreté recherché. L'application de cette réglementation à la construction des chaudières nucléaires est contrôlée par le Bureau de contrôle de la construction nucléaire (BCCN) rattaché à la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Les services chargés d'appliquer cette réglementation peuvent, le cas échéant, recourir à la Commission centrale des appareils à pression (CCAP). Cette commission interministérielle regroupe des représentants des diverses professions et des spécialistes des techniques utilisées dans la construction et le contrôle des appareils à pression. Elle est consultée notamment sur la préparation de nouveaux textes réglementaires et sur l'octroi de dérogations à la réglementation ; elle reçoit communication des dossiers d'accidents d'appareils à pression. Enfin, elle peut être consultée sur toutes les questions touchant à l'application des lois et règlements concernant les appareils à
pression. La SPN est sollicitée, sur délégation de la CCAP, sur les modalités d'application de la réglementation des appareils à pression aux chaudières nucléaires. L'organisation des contrôles de sûreté est schématisée sur la figure 4.8. MI ME CIINB CSSIN DSIN DRIRE BCCN IPSN GP GPR CCAP SPN
ministère de l'Industrie ministère de l'Environnement Commission interministérielle des installations nucléaires Conseil Supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires Direction de la sûreté des installations nucléaires Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement Bureau de contrôle de la construction nucléaire Institut de protection et de sûreté nucléaire Groupe permanent Groupe permanent chargé des réacteurs Commission centrale des appareils à pression Section permanente nucléaire
128
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
--+Pl1
1
Consultent
Pouvoirs publics
t
ri---
IPSN
GPR
GP
CCAP
leurs appuis techniques
Figure 4.8. L'organisation des contrôles de sûreté.
Le fournisseur Framatome, en tant que chaudiériste, est directement responsable de la sûreté des appareils à pression pendant les phases de conception et de construction de la centrale, devant la DSIN qui s'appuie sur l'expertise du BCCN. L'exploitant (EDF ou NERSA pour les RNR), quant à lui, est responsable de la sûreté de ses installations devant la DSIN qui s'appuie, cette fois, sur 1'IPSN principalement. EDF se fait aider dans cette tâche par Framatome qui lui fournit, notamment, des éléments du rapport de sûreté. Durant l'exploitation, c'est l'exploitant qui, seul, est responsable de la sûreté de l'installation.
L a figure 4.9 montre les interrelations entre les 3 acteurs principaux que sont Framatome, EDF et les pouvoirs publics.
CRITÈRESDE SÛRETÉ ET ORGANISATION
129 Ministères
Appuis techniques
Propriétairelexploitant
FRAMATOME Constructeurlfoumisseur
Formulationdes demandes d'autorisation
Élaborationdossier constructeur
Élaboration du Rapport de Sûreté
Rapport de Sûreté
Figure 4.9. Inter-relations entre EDF, FRAMA TOME et l'autorité de sûreté.
Radioprotection C'est l'office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI), placé sous la tutelle conjointe des ministères de la Santé et du Travail, qui définit la politique de protection des personnes (travailleurs exposés aux rayonnements et public), contre les rayonnements ionisants. L'OPRI effectue des recherches sur la protection contre les rayonnements ionisants et en particulier sur l'établissement des normes, sur les méthodes de mesures et les techniques de prévention. I1 pratique en outre toutes mesures, analyses ou dosages permettant la détermination de la radioactivité ou des rayonnements ionisants dans les divers milieux où ils peuvent présenter des risques pour la santé des personnes et assure la vérification des moyens de protection utilisés et de leur efficacité.
Organisation de crise En cas d'accident grave, l'exploitant met en œuvre un plan d'urgence interne (PUI) qui indique les mesures à prendre en matière de sûreté et de radioprotection jusqu'en limite de site de la centrale accidentée.
130
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
Mobilisées par un système d'alerte, des équipes de crise entraînées provenant de EDF, Framatome et de 1'IPSN disposent alors d'une méthode d'évaluation de la crise, appelée triple diagnostic-triple pronostic n, fondée sur le concept de défense en profondeur. Au-delà de la limite de site, le relais est pris par les pouvoirs publics qui déclenchent le plan ORSECRAD, ou plan particulier d'intervention (PPI).Ce plan prévoit, sous la responsabilité du Préfet, l'ensemble des moyens de secours et d'intervention disponibles. Les décisions sont prises sur les conseils de la DSIN en matière de sûreté nucléaire, et de l'OPRI en matière de radioprotection. ((
Procédures d'autorisation Les procédures d'autorisation d'une centrale nucléaire se décomposent en plusieurs phases successives :
+
+
Enquête d'utilité publique (demande et déclaration d'utilité publique). Cette procédure, d'usage très général consistant à consulter la population intéressée, aboutit à la déclaration d'utilité publique. Elle est décrite sur la figure 4.10. Demande d'autorisation de création : - Dépôt du rapport préliminaire de sûreté - Rapport d'analyse de l'IPSN - Avis et recommandation du GPR placé auprès de la DSIN - Avis de la CIINB - Permis de construire (décret de création).
La procédure d'autorisation de création est décrite sur la figure 4.1 1.
+
+
Arrêté d'autorisation de rejet d'effluents radioactifs. Les rejets sont autorisés par des arrêtés interministériels signés des ministres chargés de l'Industrie, de la Santé et de l'Environnement. Ces arrêtés fixent les limites ainsi que les modalités d'exécution et de contrôle des rejets d'effluents auxquels l'exploitant est autorisé à procéder. Procédure d'autorisation de mise en service de la centrale : Rapport provisoire de sûreté, adressé au MI six mois avant le chargement du réacteur. Avis et recommandation du GPR placé auprès du chef de la DSIN. Approbation ministérielle Premiers essais du réacteur. - Rapport définitif de sûreté. Avis et recommandations du GPR. Approbation ministérielle de mise en exploitation normale.
131
CRITERES DE SÛRETE ET ORGANISATION
La procédure d'autorisation de mise en service est décrite sur la figure 4.12. Exploitant
1
,r f' __ DIGEC
Ministères
DRIRE
I
DIGEC
Exploitant
il
MI DlGEC
1 1
DRIRE
Préfecture
Ministère de I'industrie Direction du gaz, de l'électricité et du charbon Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement
Enquête publique
1
Avis de la commision d'enquête
I
Préfecture
I
DRIRE
1
__
Exploitant
MI DIGEC
1 J
Figure 4.70. Enquête d'utilité publique (France).
Conseil d'Etat
MI
-
Signature du premier ministre
ORGANISATION DE LA SÛRETÉ AUX ÉTATS-UNIS Les réacteurs REP en fonctionnement en France ont une conception héritée des PWR américains. Aux États-Unis, c'est la Nuclear Regulatory Commission (NRC) qui est habilitée à accorder les autorisations de construction et d'exploitation des réacteurs nucléaires.
L'ATOMEECOLOGIQUE
DRIRE
132
I
1
Consultationdes ministres concernés dont le ministre chargé de la santé
Enquête locale
+ 1 1
Projet de décret Avis de la CllNB
Avis conforme du ministre chargé de la santé
1
Décret d'autorisation de création
Figure 4.1 1. Demande d'autorisation de création (France).
La NRC est une agence fédérale qui comprend des ((bureaux spécialisés dans les différents domaines de la sûreté (analyses de sûreté, autorisation pour le stockage des déchets, surveillance des installations, ...). Elle comporte également u n comité consultatif, 1'Advisory Committee on Reactor Saveguards (ACRS) composé de spécialistes reconnus dans les diverses techniques qui interviennent dans les analyses de sûreté. Le rôle de 1'ACRS peut se comparer a celui des Groupes Permanents en France. ))
133
CRITERES DE SÛRETE ET ORGANISATION
Exploitant
1
Dépôt d'un rapport provisoire de sûreté
1 Examen et avis du groupe ____) ~ permanent d'experts placés c---l auprès du chef de la DSlN
p
~ ~
~
~
~
~
L
Autorisation inistérielle de mise en service provisoire accompagnée de prescriptions
1
Essais et mise en service
1
Présentation par l'exploitant du rapport définitif de sûreté
1 1
DSIN Examen et avis du groupe permanent +Rappit C- IPSN d'experts placé auprès de la DSlN
1
Approbation ministérielle de mise en exploitation normale
Figure 4.12. Demande de mise en service (France).
Procedures d'autorisation de construction Les procédures d'autorisation aux États-Unis, extrêmement lourdes, sont, pour partie, à l'origine du gel qui existe dans les mises en service de réacteurs depuis de nombreuses années. Cette lourdeur est largement imputable, comme nous allons le voir, à l'action de groupes antinucléaires très influents. L'autorisation de construction peut se décomposer en 5 phases : Phase 1 :
Phase 2 :
Rapport préliminaire de sûreté. Rapport préliminaire d'environnement comportant, notamment, une analyse coût-bénéfice justifiant le choix parmi les autres solutions envisageables. Rapport d'évaluation de la sûreté:
r
t
134
L'ATOMEECOLOGIQUE
Phase 3 : Phase 4 :
Rapport relatif à l'impact de l'installation sur l'environnement. Enquête et recommandations de 1'ACRS sur l'opportunité d'autoriser la construction de la centrale sans risques inacceptables pour le public. Le rapport final de sûreté après examen par l'ACRS, ainsi que le dossier d'impact sur l'environnement, font alors l'objet d'une audience publique, le public hearing véritable procès dont les conclusions de l'instruction peuvent être contestées devant une instance d'appel. Finalement, après u n nouvel examen de l'ensemble du dossier, la NRC délivre la permis de construire. )),
((
Phase 5 :
Remarque : À l'origine, le
public hearing avait pour but d'informer les populations. Il fut progressivement utilisé par des organisations antinucléaires puissantes pour éterniser le débat public jusqu'à, éventuellement, décourager les électriciens de passer finalement commande. ((
))
Heureusement, la réglementation U S a été revue récemment dans le but de la simplifier et d'accélérer les procédures administratives (voir Chap. 10, Classification des déchets radioactifs .). Enfin, contrairement au cas de la France, les exploitants des centrales nucléaires américaines (les Utilities D) sont nombreux. En outre, ils peuvent s'adresser à plusieurs fournisseurs en position concurrentielle (exemple : Westinghouse, Babcock & Wilcox, Combustion Engineering, ...). Cette multiplicité d'acteurs contribue à la dégradation du niveau de qualité dans la conception, la construction ou l'exploitation des centrales. ((
((
LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES Parmi les institutions internationales dans le domaine nucléaire, la principale est l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) basée à Vienne, qui dépend de l'organisation des nations unies. Elle assure des missions d'évaluation de sûreté à la demande des autorités nationales, et de contrôle de l'utilisation pacifique des matières et technologies nucléaires (voir troisième partie). Citons également Euratom, institution européenne créée en 1957 pour promouvoir l'industrie et la recherche nucléaire et l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN),rattachée à l'OCDE, dont la mission est de favoriser les échanges d'informations entre états dans le domaine nucléaire.
LA SÛRETÉ DES FILIÈRES NUCLÉAIRES
SÛRETÉ DU REP EDF a produit en 1996 un courant électrique fiable et compétitif tout en maintenant un bon niveau de sûreté des installations. Avec 358’6 TWh (milliards de kilowatts x heure), le nucléaire a représenté 76 YOde l’électricité produite en France. Le parc nucléaire national, qui s’est enrichi de l’unité Chooz B1 au cours de l’année, compte 55 réacteurs à eau sous pression (REP) en exploitation. La disponibilité a progressé et a atteint 82,7 YOen moyenne sur le parc. L’expérience d’exploitation accumulée par EDF atteint 700 années x réacteurs(l ) avec une durée d’exploitation par tranche de 15 ans pour les réacteurs du palier 900 MWe et de 9 ans pour le palier 1300 MWe. Par ailleurs, les rejets des centrales françaises sont restés très en deçà des limites réglementaires admissibles, puisqu’elles n’ont atteint, selon la nature des produits, que 3 à 4 YOde celles-ci. Les principes de la sûreté des réacteurs REP français ont été décrits a u chapitre 4 : le concept de sûreté déterministe (voir Approche déterministe n) garantit en toute circonstance la limitation des conséquences des accidents ; en outre, la prise en compte des hors dimensionnement (voir Accidents compléaccidents mentaires vient améliorer u n niveau de sûreté déjà excellent ; il ((
((
))
((
)))
(1) Année x réacteur = unité de mesure du nombre d’années de fonctionnement cumulées par l’ensemble des réacteurs existant en France.
136
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
faut ajouter à cela une organisation de la sureté (voir Organisation de la sécurité nucléaire en France n), fondée sur l'intervention d'un nombre limité d'acteurs principaux indépendants entre eux (EDF, Framatome et pouvoirs publics). Cette organisation, unique a u monde, garantit le respect des procédures administratives, la qualité dans la réalisation des différentes phases du projet (conception, méthodes, construction, exploitation et maintenance) et un coût global optimisé. ((
Les réacteurs KBMK présentent, du fait de leur conception, des défauts rédhibitoires qui en font des réacteurs intrinsèquement dangereux. Voici quelques éléments qui permettent de situer la sûreté du RBMK par rapport à celle du REP.
Le confinement Le réacteur RBMK ne dispose pas d'une 3 e barrière de confinement analogue à l'enceinte de béton d'un réacteur à eau sous pression. Par conséquent, aucune rétention significative des produits radioactifs dans le bâtiment réacteur n'est à espérer après rupture des deux premières barrikres de confinement, gaines des éléments combustibles et enveloppe du circuit primaire. La deuxième barrière est elle-même quasiment inexistante : une surpression dans un des canaux combustibles peut causer une fuite de g a z radioactif. Une explosion de vapeur peut (tel fut le cas à Tchernobyl) faire sauter la dalle qui recouvre le cœur en endommageant les circuits de refroidissement et, par conséquent, la deuxième barrière.
Le cœur Deux caractéristiques dominent les problèmes de contrôle du réacteur : 6
l'instabilité radiale et azimutale du flux neutronique, due aux dimensions importantes du cœur(2) (diamètre 12 m, hauteur 7 m), c'est-à-dire presque 30 fois le volume du cœur d'un REP ! ( 2 ) Phénomène d'empoisonnement du réacteur par accumulation du produit de fission xénon 135 (effetxénon).
LASÛRETÉ DES FILIÈRES NUCLÉAIRES
137
+
on a vu, au paragraphe Contre-réactions de réactivité », que pour satisfaire la sûreté d'une installation, le coefficient de température doit être négatif, c'est-à-dire qu'une augmentation de la température du cœur doit induire une baisse de réactivité par effet de contre-réaction. Or, dans u n réacteur RBMK, le coefficient de température devient positif pour u n fonctionnement en dessous de 20 YOde la puissance nominale (soit 700 MWth en se donnant une marge) et est d'autant plus positif que les barres de commandes sont retirées du cœur. Finalement, on considère que la zone de fonctionnement stable correspond à une puissance supérieure à 700 MWth avec plus de 30 barres insérées dans le cœur. (<
En conséquence, en cas de brèche primaire à puissance réduite, la perte de l'eau de refroidissement provoque une telle accélération de la réaction en chaîne que l'arrêt d'urgence par chute des barres de sécurité ne suffit plus à contrôler la puissance dégagée par le cœur(3). Des surchauffes importantes sont alors à redouter sur le combustible qui peut entrer en fusion.
Les systèmes de protection et de sauvegarde I1 faut au moins 18 secondes pour arrêter d'urgence la réaction en chaîne par chute des barres de sécurité alors que 1 à 2 secondes suffisent dans un réacteur REP. En outre, les systèmes sont conçus pour faire face à la rupture d'un seul tube de force (il y en a 1700 dans le cœur d'un RBMK !).
Le graphite Les blocs de graphite, qui constituent le modérateur du RBMK, brûlent comme du charbon de bois si une explosion les expose à l'air, comme ce fut le cas à Tchernobyl.
Le contrôle-commande Les chemins de câbles électriques qui contrôlent les systèmes de sûreté ne sont pas toujours protégés. Un simple incendie peut alors les mettre hors d'usage.
( 3 ) En outre, la partie basse des barres de commande étant occupée par du graphite, la chute d'une barre, dont le but est d'étouffer la réaction en chaîne, va provoquer à son début une augmentation de la réactivité, ce qui constitue une aberration au plan de la sûreté.
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
138
La plupart de ces défauts ne peuvent être effacés sans la redéfinition complète du réacteur. Nous verrons au chapitre 6 (voir «Tchernobyl et son enseignement n) comment l'accident de la centrale de Tchernobyl a révélé au monde l'existence de ces bombes potentielles et quelles sont les mesures qui doivent être prises pour éviter qu'une autre catastrophe de ce type ne se produise à l'avenir.
Les fonctions essentielles qui permettent d'assurer la sûreté des réacteurs RNR sont les mêmes que celles, déjà connues, des réacteurs REP :
+ + +
maîtrise de la réactivité ; évacuation de la puissance produite dans le cœur (puissance nominale en fonctionnement normal et puissance résiduelle après arrêt d.u réacteur) ; confinement des substances radioactives par interposition de barrières physiques.
L a spécificité des réacteurs de cette filière, par exemple Superphénix, implique des dispositions de sûreté particulières relativement au confinement du fluide primaire radioactif, aux risques générés par l'utilisation du sodium, à l'instabilité neutronique due au coefficient de vide sodium et aux niveaux élevés du flux neutronique et des températures du sodium et de l'eau.
Les barrières de confinement À l'instar de la démarche de la sûreté déterministe développée au
paragraphe Approche déterministe », on interpose des barrières entre les produits radioactifs contenus dans le combustible et l'environnement, et l'on s'assure de la validité de chacune de ces barrières dans les états normaux et accidentels du réacteur. Alors qu'on dénombre 3 barrières dans le REP, on en dénombre 4 dans le RNR (voir Fig. 5.1) : ((
+
la gaine de combustible qui s'oppose à la contamination du sodium primaire par les substances radioactives emprisonnées dans le combustible ;
LASÛRETÉ DES FILIÈRESNUCLÉAIRES
139
la cuve principale et ses fermetures supérieures, à savoir la dalle, les bouchons tournants et le bouchon couvercle du cœur, qui assure le confinement des fluides primaires actifs (sodium et argon) ; l'enceinte de confinement primaire, constituée par la cuve de sécurité et le dôme, qui assure le Confinement du sodium primaire dans le cas d'une fuite très improbable de la cuve principale, et celui de l'atmosphère du dôme dans le cas d'un relâchement accidentel d'activité au travers des fermetures supérieures du réacteur ; l'enceinte de confinement secondaire, constituée par le bâtiment réacteur et son système de ventilation. I1 est maintenu en dépression par rapport à l'atmosphère extérieur à des fins de confinement de substances radioactives accidentellement répandues à l'intérieur du bâtiment réacteur et protège la chaudière contre les agressions externes (chute d'avion, séisme.. *). Échangeur intermédiaire sodium-sodium Pompe à sodium primaire
I
Dôme Dalle
Première barrière : Gaine du combustible
Deuxième barrière : Cuve principale et dalle
Troisième barrière : Cuve de sécurité et dôme
Quatrième barrière : Bâtiment réacteur
Bâtiment réacteur
Figure 5.1. Les 4 barrières de confinement de Superphénix.
140
L'ATOMEÉCOLQGIQUE
L'utilisation du sodium Le sodium liquide brûle spontanément dans l'air à partir d'environ 140 O C . La combustion s'accompagne d'émission de fumées opaques et très nocives, constituées d'oxyde de sodium. Superphénix contient environ 5000 tonnes de sodium, d'où le risque important d'accident chimique dans les locaux des circuits du réacteur qui véhiculent du sodium. Pour éviter le contact entre le sodium et l'air, toutes les capacités qui contiennent du sodium sont sous atmosphère inerte (argon ou azote). Par ailleurs, le sodium réagit violemment avec l'eau en produisant un dégagement d'hydrogène. On se prémunit contre ces réactions sodium-eau par séparation géographique entre les circuits d'eau et les circuits de sodium. Un seul composant nécessite le voisinage d'eau et de sodium : le générateur de vapeur où l'eau et le sodium sont séparés par la paroi d'un tube de 2,6 mm d'épaisseur seulement. En cas de rupture d'un tube d'eau ou de vapeur de générateur de vapeur, l'eau et le sodium sont mis en contact. Le dégagement d'hydrogène qui en résulte produit une surpression importante dans le circuit de sodium secondaire susceptible d'endommager l'installation. Pour cette raison, les générateurs de vapeur et les circuits de sodium secondaires sont dimensionnés pour résister à de telles surpressions. En outre, en cas de fuite de sodium au niveau du GV, il n'y a pas de risque de contamination car le circuit de sodium concerné n'est pas en contact avec le circuit sodium primaire qui traverse le cœur du réacteur. Par conséquent, ce type de problème, qui ne remet pas en cause l'étanchéité des barrières de confinement, ne relève pas stricto sensu de la sûreté de l'installation.
Le coefficient de vide du sodium Ce problème, qui a déjà été évoqué au chapitre 1 (voir réactions de réactivité ))), est rappelé ci-après.
((
Contre-
141
LA SÛRETÉ DES FILIERES NUCLÉAIRES
Le coefficient de vide du sodium d'un réacteur RNR peut être positif dans certaines régions du cœur. Cela signifie, par exemple, qu'un accident conduisant à u n assèchement du combustible après ébullition du sodium dans ces régions peut se traduire par une augmentation de réactivité et donc de puissance provoquant l'aggravation du phénomène d'assèchement, qui peut entraîner la fusion du combustible. Rappelons brièvement la théorie Du point de vue neutronique, le sodium comporte une grande résonance de diffusion élastique à une énergie de 3 keV. En cas de baisse de densité du sodium dans le cœur, provoquée par une augmentation de température (dilatation thermique ou ébullition) ou encore par une vidange partielle ou totale, il y a simultanément une augmentation des fuites de neutrons hors du cœur (effet négatif dans le bilan neutronique, donc stabilisant) et u n durcissement du spectre de neutrons dû à u n ralentissement moins efficace des neutrons dans le sodium raréfié, conduisant à une augmentation de la réactivité (effet positif donc déstabilisant). L'effet global dépend du poids relatif de ces deux effets opposés. I1 est négatif pour les petits cœurs RNR de type Phénix ou à la périphérie des grands cœurs lorsqu'il y a prédominance des fuites. I1 est positif, donc déstabilisant, au centre d'un grand cœur de type Superphénix ou il y a prédominance de l'effet de spectre. Si cet effet reste limité dans un réacteur rapide, car peu de neutrons parviennent à l'énergie de 3 keV (voir Section efficace et flux neutronique Chap. 1), il n'en demeure pas moins que dans un tel réacteur, la grande densité de puissance et la compacité du cœur le rendent très sensible aux défauts locaux de refroidissement de sorte qu'un sous-refroidissement important d'un assemblage combustible pourrait théoriquement conduire à sa fusion partielle ! Cependant, cette éventualité est aujourd'hui rejetée étant donné l'effet Doppler et la lenteur de la dynamique de l'effet de vidange en l'absence de pression dans le sodium. Quatre incidents de réactivité (ou artefacts ?) sont peut-être survenus sur le réacteur Phénix en 1989 et 1990. D'une importance limitée, ces incidents n'ont pas à ce jour reçu d'explication certaine (voir Contre-réactions de réactivité », Chap. 1). L'argumentation de l'exploitant de Superphénix (NERSA) repose sur le fait que les différentes causes possibles ne peuvent en aucun cas conduire à des accidents sérieux portant atteinte à la sûreté du réacteur. ((
((
)),
((
))
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
142
Le flux neutronique et la température Le cœur d'un réacteur rapide est le siège d'un flux neutronique très intense et de températures élevées. Le tableau 5.1 rappelle quelques caractéristique de Phénix et Superphénix. Tableau 5.1. Quelques caractéristiques physiques du RNR.
Phénix Température du sodium en sortie cœur (OC)
560
Superphénix 545
(1)
Température du sodium à l'entrée GV (Y:)
540
525
Température de la vapeur à l'admission turbine ( O C )
512
487
Flux neutronique maximum (n/crn2/ s)
7,2
Puissance linéique maximale (W/ cm)
1015
430
6
x 1015
470
( l ) En comparaison, la température d'eau de sortie cœur du REP 1300 MWe est de 328 "C.
Ce fonctionnement aux limites entraîne une détérioration dans le temps de la qualité mécanique des aciers des gaines et assemblages qui contiennent le combustible et impose une limitation du temps de séjour dans le cœur et par conséquent une limitation du taux de combustion des éléments combustibles. ((
))
En outre, du fait de la température élevée, les gaines du combustible sont éprouvées a u voisinage de leurs limites technologiques, ce qui implique de nombreux dispositifs de surveillance pour prévenir ou identifier rapidement toute rupture de gaine. Par contre, à puissance égale, le cœur d'un RNR est de taille plus petite qu'un cœur de REP, ce qui lui confère une stabilité intrinsèque plus grande et simplifie les problèmes de régulation et de contrôle.
LA SÛRETE DES FILIERES NUCLÉAIRES
143
De ce qui précède, nous pouvons conclure que la sûreté de Superphénix comporte des éléments positifs, qui sont principalement l'absence de pressurisation du circuit primaire, ce qui accroît considérablement le niveau de sûreté de l'installation, la grande inertie thermique de la conception intégrée de la cuve, ce qui constitue une prévention efficace contre les risques de fusion du cœur, la stabilité intrinsèque du cœur due à sa petite taille et l'existence de 4 barrières de confinement. Elle comporte également des éléments pénalisants qui sont la forte densité de puissance, l'utilisation du sodium qui réagit violemment avec l'air et l'eau, l'effet de vide sodium affectant la stabilité neutronique du cœur. ((
))
Dans ce type de technologie particulièrement sensible, ce sont les aspects négatifs que la société retient volontiers. Si l'on ajoute à cela un ensemble de problèmes techniques ayant affecté la disponibilité du réacteur au cours de son début de vie, on aboutit à la situation actuelle d'un avenir compromis pour Superphénix. Plusieurs problèmes ont, en effet, accompagné les premiers pas de ce réacteur qui est, il faut le souligner, un prototype a u point qu'il n'a effectivement fonctionné que 4,5 ans sur 11 ans d'existence. Parmi les incidents recensés, le plus significatif fut la fuite du barillet de stockage du cornbu~tible(~) (voir Fig. 2.14) détectée en avril 1987, qui se traduisit par un arrêt de plus de deux ans. Le réacteur fut de nouveau arrêté de septembre 1989 à avril 1990, le temps d'analyser les anomalies de réactivité observées sur Phénix. Une nouvelle fois, Superphénix dut être arrêté en juillet 1990 à la suite d'une oxydation du sodium primaire provoquée par une entrée d'air dans les circuits d'argon inertant le sodium présent dans le réacteur, ce qui nécessita
l'épuration complète du sodium. La technologie du réacteur RNR pose des problèmes spécifiques liés notamment à la nouveauté de l'usage du sodium et au flux neutronique élevé particulièrement contraignant. À l'évidence, un saut technologique trop important a été franchi dans le passage de Phénix (250 MWe) à Superphénix (1200 MWe) qui a nécessité de revoir la conception de tous les composants, ce qui a limité les effets d'apprentissage et accru les risques de défaillances techniques.
(4) Le barillet permet le stockage en sodium à 200 "C des éléments irradiés. I1 est relié au réacteur par une rampe oblique de manutention aboutissant au sas à tourniquet. I1 sert de relais pour l'introduction dans le réacteur des éléments neufs.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
144
Ainsi, dans le passage à Superphénix, c'est 1'«effet de taille qui n'a pas été bien maîtrisé. I1 faut néanmoins souligner que le caractère de moindre développement de la filière RNR par rapport à la filière REP s'est traduit par la prise en compte de marges supplémentaires de sécurité et, notamment, d'accidents que leurs très faibles probabilités d'occurrence auraient pu conduire à négliger. Tel est le cas de l'accident très hypothétique correspondant à u n dégagement d'énergie mécanique de 800 Mégajoules en quelques dixièmes de seconde, auquel le décret d'autorisation de création (DAC) de Superphénix a demandé que la cuve résiste. Cette énergie équivaut a u tiers de l'énergie produite dans le cœur en une seconde. Les éléments des structures cuve, dalle et dôme ont donc été dimensionnés pour résister à une telle explosion et u n programme expérimental, consistant en l'explosion chimique provoquée d'une maquette de la cuve, a abouti à la validation des calculs de dimensionnement. ))
En définitive, ail-delà des problèmes techniques évoqués ci-dessus qui, bien que serieux, ne sont pas rédhibitoires, l'introduction des surgénérateurs dans le système énergétique suppose, à l'instar de l'industrie nucléaire en général mais de façon encore plus aiguë, la prise en compte de considérations de nature à la fois politique, économique et sociale :
+
+ + +
acceptation par le public des risques encourus ; prolifération nucléaire ; politique énergétique à long terme ; choix de société.
La notion d'acceptation des risques a déjà été abordée dans cette partie. Les autres points le seront dans les troisième et quatrième parties.
LES ACCIDENTS NUCLÉAIRES ensemble des réacteurs du parc mondial cumulent à ce jour plus de 4000 années x réacteurs de fonctionnement, ce qui représente une expérience significative dont on peut dresser le bilan. Si des incidents et accidents ont jalonné l'histoire du nucléaire civil, très peu ont conduit jusqu'à présent à des dommages importants. Cependant, malgré ce constat de réussite, il faut se garder de tout triomphalisme béat qui risquerait de générer des accidents par baisse de vigilance. En outre, étant donné l'importance de la composante psychologique dans l'attitude du public face au nucléaire, ses promoteurs n'ont plus le droit à l'erreur, car u n seul accident pourrait sonner le glas de toute l'industrie nucléaire mondiale. Des erreurs, il y en a eu dans le passé, qui ont coûté très cher : erreurs de conception, erreurs humaines, méconnaissance de certains phénomènes liés à la physique du cœur, etc. L'objet de ce chapitre n'est pas de traiter tous les accidents qui sont survenus mais d'analyser les deux principaux, les accidents de Three Mile Island (TMI) (1979) et de Tchernobyl (1986),afin d'en tirer les enseignements sur le plan de la sûreté. Ces deux accidents sont traités différemment étant donné leur spécificité. L a chronologie de l'accident de TMI est détaillée et les commentaires qui l'accompagnent sont extraits de l'analyse de l'accident effectuée par les ingénieurs de Framatome. En ce qui concerne Tchernobyl, l'accent est mis sur les conséquences sanitaires et l'état du parc des centrales nucléaires de l'ex-URSS, onze ans après la catastrophe. Les sources proviennent de publications de 1'IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire).
L'
146
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
THREEMILEISLAND ET SON ENSEIGNEMENT L'accident sur le réacteur n"2 de la centrale de TMI (Three Mile Island), située près de la ville de Harrisbourg, capitale de la Pennsylvanie - U S A , eut lieu le 28 mars 1979. Cette centrale, de conception Babcock & Wilcox, est du type PWR 900 MWe. Elle est donc très proche de celles, de conception d'origine Westinghouse, qui fonctionnent en France. Néanmoins certains composants diffèrent de ceux utilisés dans nos centrales. C'est notamment le cas des générateurs de vapeur qui, comme nous le verrons plus loin, n'ont pas le niveau de sûreté de ceux des REP.
Chronologie de l'accident de TMI-2. Initiation O 0 h O 0 min O 0 s Déclenchement ARE
Déclenchement turbine Démarrage pompes ASG O 0 h O 0 min 03 s Ouverture vannes de décharge pressuriseur O 0 h O 0 min 08 s Arrêt d'urgence
O 0 h O 0 min 12 s Ordre de fermeture de la vanne de décharge du
pressuriseur, mais la vanne reste bloquée ouverte O 0 h O 0 min 30 s Bas niveau GV. Aurait dû initier l'ASG mais débit nul à cause de vannes aval restées bloquées
fermées O 0 h 02 min O 1 s Démarrage automatique de 1'1s O 0 h 04 min 38 s Arrét manuel IS. Le pressuriseur a dépassé le
niveau haut après l'instrumentation O 0 h 05 min 30 s Saturation à la sortie cœur. Début d'ébullition
dans le circuit primaire O 0 h 08 min 18 s Ouverture manuelle vanne ASG O 0 h 14 min 48 s Rupture disque du réservoir de décharge du
pressuriseur. L'eau primaire se répand dans l'enceinte
LESACCIDENTS NUCLÉAIRES
147 Dégâts sur le cœur O1 h 40 min
Arrêt pompes primaires Le découvrement du cœur commence
02 h 14 min
Alarme irradiation enceinte
02 h 22 min
Fermeture vanne d'isolement pressurisateur
02 h 54 min
Redémarrage pompes primaires
03 h 12 min
Arrêt pompes primaires Ouverture vanne de décharge
03 h 20 min
Démarrage injection de sécurité Alarmes d'irradiation générale
03 h 23 min
Situation d'urgence déclarée
03 h 45 min
Trempe du cœur chaud On refroidit à nouveau le cœur
Rétablissement d'une situation sûre 04 h 22 min
Mise en route injection de sécurité
05 h 18 min
Fermeture vanne d'isolement On repressurise
05 h 40 min
Ouverture cyclique vanne, pour stabiliser la pression
07 h 38 min
Ouverture vanne, pour dépressuriser
O9 h 50 min
Pic pression dans le confinement, dû à explosion d'hydrogène
11 h 08 min
Fermeture vanne
13 h 2 3 min
Redémarrage IS On remplit le circuit primaire
14 h 43 min
Arrêt IS
1 5 h 4 9 minL
Démarrage pompe primaire On rétablit la circulation
148
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
Bâtiment réacteur Bâtiment auxiliaire déchsrge
Soupape
Salle des machines Bâtirnent auxiliaire
RCP ARE RIS ASG GV
Circuit primaire Circuit secondaire Injection de sécurité Eau alimentaire de secours Générateur de vapeur
Figure 6.1. Schéma de principe de la centrale de TMI.
Description sommaire de l'accident Tout est parti le mercredi 28 mars 1979 à 4 heures du matin, d'une panne en salle des machines. Les pompes du circuit d'alimentation des générateurs de vapeur (ARE) s'arrêtent (O0 h O 0 min O 0 s) à la suite du bouchage de lignes de transfert d'eau à la sortie du condenseur. Cela correspond à u n incident d'exploitation parfaitement banal.
I1 s'ensuit : + Le déclenchement de la turbine, le découplage au réseau électrique. + Un ordre de démarrage automatique du circuit d'eau alimentaire de secours des générateurs de vapeur, mais ce système reste
149
LESACCIDENTS NUCLÉAIRES
arrêté car les vannes en aval des pompes de 1'ASG ont été fermées deux jours plus tôt a u cours d'une opération de maintenance et jamais ré-ouvertes malgré l'obligation de le faire conformément aux consignes en vigueur. Les générateurs de vapeur (GV) n'étant plus alimentés en eau secondaire, s'assèchent alors en quelques secondes('). La chaleur du cœur ne peut donc plus être évacuée par les GV. La conséquence immédiate est une augmentation de la température et de la pression qui provoque l'ouverture de la vanne de décharge du pressuriseur (VD) (O0 h O 0 min 03 s) et l'arrêt d'urgence du réacteur sur haute pression primaire (O0 h O 0 min 08 s). I1 s'agit maintenant d'évacuer la puissance résiduelle du cœur qui correspond à environ 7 %O de la puissance nominale du réacteur dès l'arrêt d'urgence, 4 % après 30 secondes et 1 %O après 2 heures. Le transitoire de pression est stoppé, le pic est atteint à 7 secondes puis la pression décroît et atteint à 12 secondes le niveau correspondant à la fermeture de la vanne de décharge qui reste bloquée ouverte, et le circuit primaire continue à perdre de l'eau par cette vanne. La pression continue de baisser jusqu'à 100 atmosphères à + 2 minutes et le seuil de pression basse déclenche la mise en route du RIS (O0 h 02 min O 1s). Ainsi, il y eut 2 défaillances graves à TMI-2, l'une provenant d'une mauvaise conception, l'autre résultant de la transgression de procédures par l'opérateur :
+
La vanne de décharge du pressuriseur est restée coincée ouverte : L'opérateur n'a pas su que cette vanne était restée ouverte. Ce n'est que plus de 2 heures après le début de l'accident qu'il réagit en fermant la vanne d'isolement du pressuriseur, en amont de la vanne de décharge coincée ouverte (02 h 22 min).
En attendant, l'opérateur concentre son attention sur l'instrumentation en salle de commande qui indique u n niveau haut d'eau dans le pressuriseur. I1 interprète alors mal cette donnée et arrête l'injection de sécurité ( O 0 h 04 min 38 s) croyant le circuit primaire rempli d'eau et la vanne de décharge fermée, alors que l'eau du circuit primaire était en réalité en train de se vider par le pressuriseur.
Les GV de TMI, de conception Babcock & Wilcox, sont de type droit »,et par conséquent différents des GV utilisés dans nos centrales REP, de type en U )I. Ces derniers se seraient asséchés, en pareille circonstance, en plus de 5 minutes.
(1)
(1
150
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
+
Les vannes ASG ont été malencontreusement fermées pour des tests de maintenance et ce n'est qu'à + 8 min que l'opérateur commande manuellement leur ouverture.
Les niveaux d'eau et de pression semblent alors se stabiliser.
Évolution du cœur pendant les premières heures TO + 05 min
Vannes pressuriseur ouvertes, le fluide primaire se vide dans le réservoir de décharge du pressuriseur qui, après ouverture des soupapes de décharge, communiquera à l'enceinte un fluide primaire contaminé à + 1 h 40 s (voir Fig. 6.1). Les GV sont asséchés côté secondaire et ne refroidissent plus le circuit primaire qui voit sa pression diminuer et sa température augmenter.
TO + 06 min
Ébullition dans le circuit primaire et formation de bulles de vapeur dans la cuve sous le couvercle.
TO + O 1 h 40 min
L'opérateur arrête les pompes primaires, espérant établir une circulation naturelle dans le circuit primaire (phénomène de thermo-siphon). En fait, il y a dans le RCP séparation des phases, liquide aux points bas du circuit et vapeur aux points hauts. Le niveau d'eau dans la cuve se met à baisser, provoquant le découvrement du cœur et la fusion partielle de gaines du combustible. Le cœur restera découvert plus d'une heure et demie, jusqu'au redémarrage manuel des pompes RIS.
TO + 02 h 22 mm
L'opérateur fermera enfin la vanne d'isolement du pressuriseur, puis redémarrera les pompes primaires.
TO + 03 h 20 min
Remise en route manuelle de US, ce qui permet de rétablir un certain refroidissement du cœur. L'accident proprement dit est terminé.
Bilan Nous avons affaire à un accident de dépressurisation du circuit primaire par une petite brèche a u pressuriseur, aggravé par la perte du système d'injection de secours (RIS) et du circuit d'alimentation de secours des GV (ASG).
LESACCIDENTS NUCLEAIRES
151
I1 en a résulté la fusion partielle de certaines gaines de combustible, d'où la contamination du circuit primaire, puis de l'enceinte de confinement via le réservoir de décharge du pressuriseur. Le débit de dose atteint dans l'enceinte de confinement est de 300 Gy/heure, c'est-à-dire l'équivalent en moins d'une seconde de la Dose Maximale Admissible (voir Chap. 3, Radioprotection pour une année ! Mais l'enceinte est demeurée étanche, donc la 3 e barrière a assuré correctement son rôle de confinement. ((
)))
La crise (du 28 mars au 2 avril 1979) Un évènement, aujourd'hui anecdotique, a laissé planer à son apparition une menace accablante sur Harrisbourg et ses environs. Les exploitants décelèrent le 28 mars la présence d'une bulle de gaz incondensable, essentiellement composée d'hydrogène produit au moment de la surchauffe, au sommet de la cuve et ont craint l'explosion par combinaison de l'hydrogène avec l'oxygène produit par la décomposition de l'eau sous l'action des rayonnements. Une telle explosion risquait de provoquer la rupture de la cuve et donc une aggravation importante de l'accident. En fait, il a été établi par la suite que le risque d'explosion était inexistant car il ne pouvait pas se fabriquer suffisamment d'oxygène pour atteindre les conditions stœchiométriques(1).
Enseignement pour la sûreté Les producteurs d'énergie nucléaire ont été amenés à s'interroger sur le bien-fondé des options retenues en matière de conception et d'exploitation des centrales. À l'analyse de l'accident de TMI, un certain nombre d'améliorations ont été apportées, aucune cependant ne remettant fondamentalement en cause les choix d'origine. En effet, il est clair que malgré u n ensemble de circonstances très défavorables (défaillances mécaniques et erreurs humaines) rendant le scénario difficilement prévisible, l'accident de TMI, qui se situe au niveau 5 de l'échelle internationale de gravité INES (voir Chap. 4, Approche déterministe D), n'a pas eu de conséquence radiologique significative sur l'environnement. La défense en profondeur a parfaitement joué son rôle, démontrant ainsi l'excellence du concept de sûreté déterministe qui est à la base de la sûreté des PWR occidentaux. ((
( 2 ) Les proportions optimales (ou stoechiométriques) pour l'explosion sont deux volumes d'hydrogène pour u n volume d'oxygène.
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
152
Parmi les principaux enseignements qui ont été tirés de l'accident de TMI, et qui ont fait l'objet d'actions de feed back sur les installations existantes, appelées actions post-TMI », il faut noter la nécessité exprimée alors d'améliorer : + la fiabilité de certains équipements, notamment des vannes ; + la formation du personnel notamment par une meilleure connaissance des phénomènes physiques et une incitation â respecter strictement les procédures ; + l'ergonomie de la salle de commande afin de sélectionner les informations strictement nécessaires à l'opérateur pour la conduite post-accidentelle du réacteur. À TMI, trop de voyants ont clignoté simultanément, rendant difficile l'analyse immédiate de la situation ; + les procédures de conduite post-accidentelles ; + la prise en compte de l'erreur humaine. ((
))
((
Notons également l'importance, depuis l'accident de TMI, accordée à l'identification des défaillances élémentaires qui peuvent survenir sur une centrale quelconque du parc mondial et aux leçons à tirer de leur analyse : c'est le retour d'expérience. En effet, une des leçons de l'accident de TMI est que des défaillances d'apparence mineure mais multiples sont susceptibles de dégénérer en accidents graves. Le retour d'expérience constitue une méthode efficace pour améliorer la prévention des accidents graves. L'exemple de la centrale de Davis Besse aux États-Unis est sur ce point éloquent : cette centrale est d'une conception identique a celle de TMI (PWR 900 MWe Babcock €k Wilcox). Un incident survint sur cette centrale environ u n an et demi avant l'accident de TMI et, de même qu'à TMI, les opérateurs se trompèrent sur l'interprétation de l'indicateur de niveau du pressuriseur. Le rapport écrit de cet incident stipulait clairement que dans certaines circonstances, le niveau du pressuriseur perdait toute signification et qu'il devait alors être exclu du pilotage de Yinstallation. Si les opérateurs de TMI avaient lu ce rapport avant le jour fatidique du 28 a.vril 1979 et en avaient tenu compte en intégrant ce retour d'expérience b) dans les consignes d'exploitation de leur centrale, l'accident de TMI n'aurait pas eu lieu. ((
LESACCIDENTS NUCLÉAIRES
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TCHERNOBYL ET SON ENSEIGNEMENT Les circonstances de l'accident Le réacteur n"4 de la centrale Lenine, situé à 22 km de la ville de Tchernobyl (Ukraine), fonctionnait à puissance réduite (200 MW thermiques) au cours d'un essai particulier en salle des machines(3) au moment de l'explosion du 26 avril 1986 à 1 heure 23 minutes du matin("). À l'origine, on observe la transgression des consignes de sécurité par les opérateurs qui verrouillent certains systèmes de sûreté et retirent du cœur la plupart des barres de commande. Le réacteur ne fonctionne plus de façon stable (puissance inférieure à 700 MWth et moins de 30 barres insérées dans le cœur, voir Chap. 5 Sûreté du RBMK D) mais les opérateurs décident néanmoins de démarrer l'essai prévu a u programme. Au cours de l'essai, les pompes primaires alimentées par le groupe turboalternateur ralentissent, le débit dans le cœur diminue et la température augmente. Le coefficient de température du RBMK étant positif à faible puissance, l'augmentation de température s'accélère jusqu'à la rupture de gaines du combustible et de tubes de force. C'est l'accident de réactivité (ou excursion de puissance ))) qui voit la puissance du cœur centupler en l'espace de quatre secondes. Une partie de la vapeur d'eau, puis de l'hydrogène, lorsque la réaction zirconium-eau est amorçée, s'échappent dans l'empilement de graphite qui délimite le cœur du réacteur (voir Fig. 2.10). L'enveloppe étanche du cœur se rompt sous l'excès de pression, et l'hydrogène et la vapeur d'eau s'échappent à l'intérieur des locaux, l'hydrogène plus léger se retrouvant dans les parties hautes, notamment sous la dalle de chargement et dans les locaux des séparateurs. Toutes les conditions sont alors réunies pour provoquer une première explosion de vapeur qui soulève la dalle de mille tonnes recouvrant le cœur du réacteur et endommage une partie du circuit de refroidissement. ((
((
( 3 ) L'essai consistait à vérifier la possibilité d'alimenter le circuit de refroidissement de secours du réacteur par l'un des 2 groupes turboalternateurs, en cas de perte du réseau électrique, avant la reprise par les groupes électrogènes de secours en jouant sur l'inertie de la turbine. (4) Remarquons que l'accident de Tchernobyl, comme celui de TMI, est survenu dans la nuit. Cela n'est probablement pas un hasard vu l'importance de l'erreur humaine dans les 2 cas.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
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Deux à trois secondes plus tard, une seconde explosion provoque un incendie par combustion des blocs de graphite ainsi que la destruction de l'enceinte du bâtiment réacteur par où s'échappe un panache radioactif. Le cœur n'est alors plus refroidissable et la situation devient incontrôlable : perte totale de l'alimentation électrique, fusion du cœur, perte du confinement. Les radionucléides volatils propulsés dans l'atmosphère, principalement l'iode 131 et le césium 137(5),constituent un nuage radioactif entraîné par les vents à travers l'Europe. Par contre, l'essentiel du combustible, composé d'éléments non volatils, reste dans le réacteur ou dans son voisinage immédiat. Les pompiers qui intervinrent sur la tranche à ce moment furent parmi les premières victimes. Dans les jours qui suivirent, une noria d'hélicoptères déversa près de 5000 tonnes de matériaux (sable, plomb, argile, bore, ...) pour étouffer l'incendie et limiter les rejets radioactifs. Mais la puissance résiduelle, qui fut alors d'environ 10 MW thermique, maintint faute de refroidissement le cœur en fusion, entraînant un nouveau risque. En conséquence, les techniciens soviétiques confectionnèrent un sarcophage composite en béton et acier de 50 m de hauteur dans le but de confiner le combustible à l'intérieur du réacteur endommagé. La puissance résiduelle dégagée par le combustible n'est plus aujourd'hui que de 90 kW thermique, soit vingt fois moins qu'à la fin de la construction du sarcophage en novembre 1986 et les rejets radioactifs sont maintenant très faibles (un demi-million de becquerels (15 microcuries) par jour en césium 137). Cependant, du point de vue mécanique, les structures partiellement brûlées sous le réacteur supportent d'importantes charges pour lesquelles elles n'ont pas été dimensionnées. Le maintien en l'état de l'édifice actuel n'est donc pas envisageable à moyen terme étant donné les risques d'effondrement. Aussi est-il aujourd'hui prévu de restaurer le sarcophage, puis d'en reconstruire un nouveau parfaitement hermétique pour une durée de vie d'au moins un siècle. Le bilan de la catastrophe est très lourd : 31 personnes sont mortes des suites directes de l'accident parmi les 200 employés de la centrale (28 sont mortes d'irradiation, 1 de brùlures thermiques, 1 de crise cardiaque et 1 à la suite de la chute de la dalle du bâtiment réacteur). 237 personnes, parmi les employés et les sauveteurs, ont été hospitalisées pour un syndrome d'irradiation aiguë. Depuis 1986, 14 sont mortes dont 2 par irradiation (affection ( 5 ) De période longue (30 ans),le césium 137 est responsable de la majeure partie des expositions actuelles et futures des populations avoisinantes.
155
LESACCIDENTS NUCLÉAIRES
hématologique). Certaines autres demeurent en situation précaire (elles ont reçu plus de 1 gray et ont souvent été gravement brûlées). L‘ensemble des travailleurs qui ont participé aux opérations de nettoyage du site et de construction du sarcophage, appelés liquidateurs »,représente au moins 600 O00 personnes qui ont, par conséquent, été exposées aux rayonnements ionisants. Parmi elles, plusieurs dizaines ont reçu des doses importantes a u cours des premières opérations de nettoyage du site. Malheureusement, aucun relevé dosimétrique fiable n’a été effectué et la plupart d’entre elles se sont ensuite dispersées, échappant à u n suivi épidémiologique rigoureux. Dans leur grande majorité, les liquidateurs reçurent des doses insuffisantes (quelques centaines de millisieverts en moyenne(6)) pour provoquer des effets aigus, mais suffisantes pour entraîner des excès de cancers et de leucémies et, éventuellement, pour les rendre vulnérables à d’autres maladies du fait de la baisse des défenses immunitaires consécutives à l’irradiation (développement de pathologies non spécifiques). Cependant cette dernière hypothèse sera difficilement démontrable étant donné l’environnement sanitaire en constante détérioration (1,espérance de vie des citoyens russes a baissé de 6 ans en quelques années à la suite de l’augmentation conjoncturelle de la pauvreté dans ce pays). Enfin, 115 O 0 0 personnes évacuées dans un rayon de 30 km (zone d’exclusion) a u cours de la première semaine qui suivit l’accident reçurent une irradiation importante et 1,3 millions de personnes qui continuent de vivre dans des régions contaminées sont continuellement exposées à une irradiation supérieure à 185 O00 Bq/m2. ((
Ces populations ont été et seront encore soumises à deux types d’exposition : 4 Irradiation par des dépôts sur les sols de particules radioactives dispersées dans l’atmosphère. 4 Contamination par inhalation de ces particules ou ingestion de produits alimentaires contaminés. Les effets à craindre pour ces populations exposées depuis 1986 sont de type stochastique (voir Chap. 3 , u Radioprotection principalement des affections thyroïdiennes bénignes (hypothyroïdie et nodules thyroïdiens bénins) ou des affections malignes (leucémies et cancers). Déjà, a u début des années 90 apparurent de nombreux cas de cancers de la thyroïde chez des enfants irradiés (un millier entre ))),
( 6 ) Rappelons (voir Chap. 4, Approche déterministe .) que la dose plancher pour les effets déterministes est de 1 Sv. (<
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L’ATOME ECOLOGIQUE
1990 et 1997) qui provoquèrent plusieurs décès. En revanche, il semblerait qu’à ce jour, aucun excès de leucémie ou de cancers solides autres que le cancer de la thyroïde n’ait pu être constaté. Seul l’avenir permettra de confirmer où d’infirmer ce premier constat, les cancers radio-induits pouvant être redoutés dans les 20 prochaines années. Si l’on se fonde sur les études épidémiologiques, les populations irradiées d’Ukraine, qui ont reçu une dose moyenne de 100 mSv, ont u n risque accru de succomber à u n cancer de seulement 0,5 YOpar rapport au risque naturel (voir Chap. 3, Radioprotection .). Globalement, l’insuffisance des données accessibles sur l’évolution sanitaire des personnes irradiées et sur les doses effectivement reçues empêche tout bilan exhaustif de la catastrophe de Tchernobyl. Une telle situation est la porte ouverte aux affirmations les plus fantaisistes. C’est ainsi que, selon les chiffres publiés par les Autorités ukrainiennes en 1992 (informations AFP et International Herald Tribune du 22/4/92), d’ailleurs rectifiés depuis(7), 6000 à 8000 personnes seraient mortes des suites de la catastrophe. Les experts occidentaux, quant à eux, considèrent, en se fondant sur des calculs de simulation de l’accident et sur l’état actuel des connaissances sur les effets biologiques des rayonnements, que le nombre de victimes peut difficilement dépasser à ce jour quelques centaines, ce qui est déjà, bien entendu, insoutenable en soi, mais nettement inférieur aux valeurs que d’aucuns se plaisent à colporter avec plus ou moins de bonne foi. Le chapitre 5 Sûreté du RBMK a décrit les principales faiblesses de la conception des réacteurs RBMK. Dans l’accident de Tchernobyl, la plupart de ces faiblesses ont été directement mises en cause. La catastrophe de Tchernobyl illustre la difficulté de la conception des RBMK à prévenir les accidents et à en limiter les conséquences à un niveau acceptable. ((
((
))
La contamination en France La radioactivité totale rejetée dans l’atmosphère a u cours des 10 jours qui suivirent l’explosion fut de l’ordre de 5 1018 Bq (5 milliards de milliards de becquerels). Le panache radioactif véhicula des particules légères (les noyaux lourds (transuraniens) restant confinés dans un rayon maximum de 60 km autour du site), principalement de l’iode 131 et du césium 137, à travers l’Europe. L’iode 131 ayant ( 7 ) L’effet d’annonce a malheureusement fonctionné : on se souvient de ces chiffres mais on a oublié qu’ils étaient faux.
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LESACCIDENTS NUCLÉAIRES
disparu depuis longtemps (période radioactive de 8 jours), la contamination subsiste aujourd‘hui par le césium 137 (période radioactive de 30 ans). Le nuage N radioactif traversa la France dans le courant d u mois de mai 1986 et d’importantes pluies contribuèrent à la contamination des sols dans l’est d u pays où les dépôts surfaciques de césium 137 atteignirent 20 O00 Bq/m2 dans la vallée de la Moselle et dans les Vosges. Cependant, le transfert de la contamination des sols aux produits agricoles est négligeable car le césium 137, fixé par les minéraux de la terre, est dilué lors d u labourage et se retrouve en trace dans l’alimentation : 0 , l à 1 Bq/kg dans le blé et 1 Bq/litre dans le lait. En comparaison, le potassium 40 présent naturellement dans l’organisme émet environ 70 Bq/kg chez l‘homme [9]. Citons également les ordres de grandeur de la radioactivité naturelle de quelques produits courants : ((
Poisson : Pomme de terre : Huile de table : Lait :
100 Bq/kg 150 Bq/kg 180 Bq/kg 80 Bq/l
Sol sédimentaire : Sol granitique :
400 Bq/ kg 8000 Bq/ kg.
En revanche, une Contamination existe, bien que très faiblement, dans les produits forestiers (principalement les champignons et le gros gibier), car le césium reste piégé dans les couches supérieures d u sol par la matière organique. Les calculs d’évaluation des transferts possibles de la contamination à l’homme dans les Vosges ont donné les résultats suivants [ 101 :
+ +
Pour le gros gibier (hypothèse de consommation hebdomadaire de 200 g de sanglier contaminé à 2000 Bq/kg en césium 137 : 0,3 mSv/an, soit le même niveau de dose que les rayons cosmiques a u bord de la mer. Pour les champignons (hypothèse de consommation hebdomadaire de 100 g de girolles contaminées à 1250 Bq/kg) : 0,08 mSv/an.
Si l’on se réfère à la figure 3.8, on constate que ces niveaux de doses n’ont pas, d’après l’état actuel de nos connaissances, la moindre incidence s u r la santé.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
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Onze ans après Tchernobyl Onze ans après Tchernobyl, 14 réacteurs semblables fonctionnent dans l'ex-URSS sur des sites d'Ukraine, Lituanie et Russie (voir Fig. 6.2). Or, ces popidations possèdent de vastes réserves de pétrole (8 milliards de tonnes de brut), de charbon (23 YO des réserves mondiales), de gaz (40 YO des réserves mondiales) et d'énergie hydraulique pour satisfaire largement leurs besoins en électricité. Elles maîtrisent en outre la technologie des centrales à eau sous pression (filière VVER très proche de nos REP). Pourquoi dans ces conditions ont-elles cherché à développer une technologie potentiellement aussi dangereuse ? L'intérêt militaire des réacteurs RBMK apporte u n élément de réponse. Ces réacteurs sont hautement plutonigènes (ils contiennent, rappelons-le, 180 tonnes d'uranium enrichi à environ 2 YO, donc contenant 98 d'uranium 238 générateur de plutonium, et produisent 3 kg de plutonium par tonne d'uranium brûlé). Le combustible est en outre déchargé en fonctionnement, ce qui permet de récupérer facilement du plutonium de qualité militaire, c'est-à-dire riche en plutonium 239 (voir Chap. 8). Durant les années 70 et 80, 21 réacteurs RBMK ont été construits en Russie, Ukraine et Lituanie dont 14 sont encore en fonctionnement. À Tchernobyl, 3 tranches sur 4 ont été arrêtées : la tranche 4 à cause de l'accident de 1986, la tranche 2 à cause d'un incendie survenu en octobre 1991 en salle des machines. En ce qui concerne les tranches 1 et. 3, leur arrêt a été voté par le parlement ukrainien en 1995. L'arrêt définitif de la tranche 1 a eu lieu à mi 1996 et l'arrêt définitif de la tranche 3 est prévu avant l'an 2000. La société SGN, filiale de la Cogema, dirige u n groupement d'entreprises, dont l'anglais AEA Technology et l'allemand EWN, chargé d'assister le maître d'ouvrage Tchernobyl Nuclear Power Plant dans l'organisation des opérations de mise à l'arrêt définitif des réacteurs. Depuis 199 1, il y a eu au moins 4 accidents en ex-URSS sur des réacteurs RBMK ayant entraîné u n relâchement de substances radioactives dans l'atmosphère, le plus grave étant survenu à la centrale de Saint-Pétersbourg. Rappelons brièvement les faits : Dans la nuit du 23 a u 24 avril 1992, une quantité significative de gaz radioactif s'échappa accidentellement du réacteur n"3 de la centrale de Sosnovy-Bor, à 80 km de St-Pétersbourg.
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LESACCIDENTS NUCLEAIRES
À l'origine, une rupture de gaine de combustible qui provoque l'évacuation, par la cheminée de l'installation, de gaz radioactifs, principalement du xénon, du krypton et de l'iode. Les rejets seraient, selon les Autorités russes, conformes aux normes de sûreté en vigueur. L'incident fut néanmoins classé a u niveau 3 de l'échelle internationale de gravité INES (voir Tab. 4.4). Outre les réacteurs RBMK, les autres réacteurs en fonctionnement dans les pays de l'Est sont principalement les WER, à uranium enrichi et eau sous pression, proches de nos REP. On distingue d'une part les réacteurs W E R 213 (440 MWe) et 320 (1000 MWe), d'une conception moderne et assez fiable et, d'autre part, les réacteurs W E R 230 (440 MWe) d'une conception ancienne et aujourd'hui obsolète. Les défauts majeurs de ces derniers sont l'absence d'une 3 e barrière de confinement, un nombre insuffisant de systèmes de sauvegarde, des carences dans les systèmes de contrôle et d'instrumentation et la mauvaise tenue de la cuve aux chocs thermiques. Le tableau 6.1 résume quantitativement le parc des réacteurs nucléaires en fonctionnement dans les pays de l'Est.
Tableau 6.1. Les réacteurs des pays de l'est en fonctionnement.
Filière
Quantité
VVER 230 (440MWe)
10
W E R 213 (440 MWe) e t
32
320 (1000 MWe) RBMK (1000 et 1500 MWe)
14
RNR (150 et 600 MWe)
2
Total
58
En 1990, les Autorités de Bonn ont décidé de fermer 5 réacteurs W E R du site de Greifsward (ex-RDA) qui étaient loin de répondre aux normes de sécurité en vigueur à l'Ouest. Ces derniers ont rapidement été remplacés par des centrales a u g a z .
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L'ATOME ECOLOGIQUE
Greifswald
$$$$444Ç
Dukovany
vvvv @
v A
4
RBMK1500 RBMKlOOO VVER 1000-320 VVER440-213 VVER440-230 Autres
Ignalina
@@
Bohunice
.#vvAA
9 0
9
Rovno
vv.0
KOzlodUY
....
Sosnovy-Bor (SI-Petersbourg)
Kola
AAvv
Khmelnitski
En fonctionnement En arrêt En construction construction arrêtée
...
Nikolaïev
U W A A A A .O00 1 Russie 2 Lituanie
3 ex-RDA 4 Tchécoslovaquie
5 Hongrie 6 Ukraine 7 Bulgarie
Figure 6.2. Carte du parc nucléaire des pays de l'est (au 1/1/97).
Par ailleurs, l'Agence Internationale pour l'Énergie Atomique (AIEA) a lancé a u début des années 90 un programme d'inspection des 10 centrales WER les plus vétustes. Ce programme ne concernait que les réacteurs de type W E R 230 car les autres (WER 213 et 320) étaient de conception récente et en assez bon état de fonctionnement. Les révélations surprenantes des inspecteurs de YAIEA sur l'état délabré de certains réacteurs, notamment les 4 W E R 230 du site bulgare de Kozloduy firent grand bruit dans les médias. Cependant les réacteurs WER 230, bien que posant de sérieux problèmes liés au manque d'entretien (tuyaux corrodés, fils électriques dénudés, ...) ne véhiculent pas le même danger que les réacteurs RBMK. Les W E R ont en effet été conçus avec des marges confortables qui
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LESACCIDENTS NUCLÉAIRES
s'accommodent d'un pilotage approximatif. En outre, d'une technologie proche des PWR occidentaux, ils fonctionnent avec peu de combustible et beaucoup d'eau, ce qui constitue u n élément de sûreté passive. I1 n'en va pas de même, comme nous l'avons vu au chapitre 5 (Sûreté du RBMK), des réacteurs RBMK qui sont intrinsèquement dangereux(8). Notons que la dislocation de l'Union Soviétique a aggravé la situation, de nombreuses structures bureaucratiques centralisées ayant disparu. I1 n'y a plus, notamment, de contrôle permanent du parc et en cas d'accidents justifiant des décisions rapides, u n flottement dangereux est plus qu'à craindre.. . Enfin, la pénurie d'énergie électrique qui frappe certaines Républiques de l'ex-Union peut conduire à une exploitation aux conditions limites des centrales nucléaires existantes, faisant dangereusement prévaloir, au sacrifice des règles élémentaires de sécurité, l'intérêt économique immédiat.
Le devoir de l'occident Les centrales nucléaires des pays de l'est fournissent une quantité d'électricité dont ces derniers ne peuvent se passer : Le site de Ignalina (2 réacteurs RBMK de 1500 MWe) assure plus des 3 / 4 de la production électrique de la Lituanie. 60 YO de l'électricité de la ville de St-Petersbourg proviennent du site nucléaire de Sosnovy-Bor. 40 YOde l'électricité bulgare proviennent du site de Kosloduy. L a contribution du nucléaire dans la production électrique était en 1996 de 41 YOen Hongrie, 44 % en Slovaquie et 13 YOen Russie. Aussi les Autorités locales considèrent-elles que les centrales existantes ne peuvent être arrêtées sans provoquer une crise économique grave. Une alternative consisterait à arrêter progressivement l'exploitation des centrales les plus dangereuses (RBMK et W E R 230) en les remplaçant par des sources d'énergie diversifiées : centrales au gaz, centrales nucléaires modernes conformes aux critères de sûreté occidentaux, centrales hydro-électriques.
(s) Depuis l'accident de 1986, des modifications ont néanmoins été apportées aux réacteurs RBMK par les Autorités soviétiques afin notamment de réduire le coefficient de vide et d'augmenter l'efficacité des barres de commandes et du systeme d'arrêt d'urgence. Cependant, ces améliorations ne pourront jamais compenser la mauvaise conception de ces réacteurs dont le maintien en fonctionnement constitue une menace sérieuse pour les régions qui en sont équipées.
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
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Les problèmes de sécurité des centrales des pays de l'est concernent la planète entière eu égard aux conséquences radiologiques qui résulteraient d'un accident majeur. La communauté internationale doit se mobiliser pour aider ces pays à sortir de l'ornière, par voie de subventions et d'actions visant à conseiller, transmettre la culture de sûreté occidentale et améliorer dans la mesure du possible la fiabilité des installations existantes. Des actions en ce sens ont d'ores et déjà démarré. Citons l'accord de coopération scientifique signé en 1992 entre la CEE, la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie, destiné à mettre en place des moyens de prévention contre des accidents de type Tchernobyl. Cet accord est assorti d'un soutien financier important de la CEE. Citons également l'existence depuis 1994 d'une Convention Internationale sur la Sûreté Nucléaire qui devrait se traduire d'ici quelques années par la mise en place opérationnelle d'un régime mondial de la Sûreté Nucléaire où tous les pays nucléarisés auraient à la fois u n droit de regard sur la Sûreté des centrales des autres pays et un devoir d'assistance mutuelle. Aujourd'hui, les experts occidentaux déclarent à l'unisson qu'un accident de l'ampleur de Tchernobyl n'est plus possible. Toutefois, il faudra au moins 10 ans pour que l'ensemble du parc nucléaire des Pays de l'Est soit assaini.. .
L’ÉLIMINATION DES DÉCHETS
L
a production d’énergie nucléaire est la principale source de déchets radioactifs mais ce n’est pas la seule. On trouve en effet également les secteurs de la médecine, de l’industrie agroalimentaire et de la recherche.
Les déchets radioactifs provenant de l’industrie nucléaire sont produits tout a u long du cycle du combustible, de la mine d’extraction jusqu’au retraitement, en passant par l’enrichissement, la fabrication du combustible et le transit dans le cœur du réacteur. Ces déchets se présentent sous forme liquide, solide ou gazeuse.
CLASSIFICATION DES DÉCHETS RADIOACTIFS Logiquement, on classe les déchets radioactifs en fonction de leur durée de vie et de leur activité. Plus précisément, on découpe l’échelle d’activité en 4 classes, les très faibles, faibles, moyennes et fortes activités et on découpe l’échelle des durées de vie en 2 classes, les courtes et longues périodes, le clivage s’effectuant à 30 ans. En croisant les 2 critères, on obtient 8 classes (voir Tab. 7.1) qui font l’objet d’un regroupement. Tableau 7.1. Classification des déchets radioactifs. Durée de vie Activité
Courte
Longue
Faible
Stockage en surface
Entreposage d’attente
Moyenne
Stockage en surface
Loi du 3O/i2/91
Loi du 30/12/91
Loi du 30/12/91
Très faible
Forte
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
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Laissant de côté la classe des déchets de très faible activité dont l’impact sanitaire est négligeable, on considère d’une part les déchets faiblement et moyennement radioactifs à vie courte et d’autre part les déchets à vie longue ainsi que les déchets fortement radioactifs.
Déchets faiblement et moyennement radioactifs à vie courte Ils représentent 90 % du volume des déchets produits, soit 20 O00 m3 et ont diminué du 1/3 en 10 ans grâce aux efforts des sociétés producti-ices. On trouve dans cette catégorie les filtres, les résines de traitement d’eau, les gants.. . Ils sont stockés en surface, au centre de Soulaines (Aube). Ce site, exploité par la société ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) remplace depuis janvier 1992 le site de stockage en surface de la Manche (situé à la Hague). Ce nouveau site, d’une capacité de 1 million de mètres cubes et dimensionné pour une durée d’exploitation d’une cinquantaine d’années (prévu initialement pour une durée d’exploitation de 30 ans, c’est la diminution du volume des déchets produits qui a permis une telle prolongation) reçoit des colis de déchets qui sont empilés dans des casemates puis noyés dans du béton. Le site de l’Aube fera ensuite l’objet d’une simple surveillance pendant 300 ans (durée de la mémoire cc historique du site). Ainsi cette catégorie de déchets, nettement dominante, ne pose pas de problème particulier pour l’environnement. Aucune contamination du sol, de l’eau ou de l’air n’est à redouter. ))
Déchets à vie longue et déchets fortement radioactifs On distingue 2 sous-catégories : + Les déchets faiblement radioactifs mais de longue durée de vie. La production annuelle de ces déchets ne dépasse pas 2800 m3, soit u n cube 14 mètres de côté. Ils sont de nature très diverse. I1 s’agit par exemple, de résidus miniers, des déchets issus du retraitement, ou encore de déchets du démantèlement. Ces déchets font aujourd‘hui l’objet d”un entreposage d’attente. Une réflexion est en cours dans le but d’aboutir à une gestion rigoureuse des déchets de faible (et également de très faible) activité. + Les déchets constitués d’un mélange de radioéléments à vie courte et forte activité et de radioéléments à vie longue et moyenne ou forte activité. Ces déchets proviennent de la combustion nucléaire au sein du réacteur et sont récupérés par
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la société Cogema lors du retraitement des combustibles usés à la Hague et Marcoule. Ils représentent une production annuelle de 200 m3, soit u n cube de moins de 6 mètres de côté et sont conditionnés, avant leur stockage définitif, par incorporation dans le verre (voir plus loin dans ce chapitre, Les déchets produits par la fission nucléaire dans u n REP D). Parmi ces déchets, on trouve principalement les produits de fission à vie moyenne (strontium 90, césium 137...), les produits de fission à vie longue (technétium 99, iode 129, césium 135...) et les actinides mineurs (neptunium 237, américium 24 1, curium 244 ...) (voir Fig. 7.1). ((
LES DÉCHETS PRODUITS PAR LA FISSION NUCLÉAIRE DANS UN REP Un réacteur REP fonctionne environ 300 jours par an à sa puissance nominale, étant donné les périodes d'arrêt programmé. I1 contient une centaine de tonnes de combustible (72 tonnes d'uranium enrichi pour le REP 900 MWe et 104 tonnes pour le REP 1300 MWe) dont la puissance thermique massique moyenne est de 30 MW par tonne. Ce combustible est classiquement déchargé par tiers (ou par quart) chaque année pour être renouvelé, chaque tiers (ou quart) restant 3 ans (ou 4 ans) dans le cœur du réacteur. Dans le cas de la gestion par tiers de cœur, l'irradiation massique (ou taux de combustion, ou burn-up, voir définition en annexe A3) du tiers déchargé est de 33 O00 MWj/t (Mégawatt jour par tonne) soit une irradiation totale de 1,l 1O6 MWj pour .33 tonnes de combustible déchargées. Prenons pour simplifier un combustible d'une tonne d'uranium et observons son évolution a u bout de 3 années passées dans le cœur d'un réacteur de la filière REP. La figure 7.1 donne l'ordre de grandeur de la composition en masse du combustible usé résultant. On constate qu'une tonne d'uranium enrichi à 3,3 YOproduit, en 3 ans de fonctionnement du REP, 9,7 kg de plutonium. Par ailleurs, la teneur en uranium 235 de l'uranium usé par 3 années en pile est de 0,8 YO, soit encore supérieure à celle de l'uranium naturel (0,7 YO).
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DÉCHETS À FORTE ACTIVITÉ ET À VIE LONGUE Les déchets à forte activité et à vie longue (qui sont stricto sensu les déchets à vie courte et forte activité et les déchets à moyenne et forte activité et à vie longue, dont on a parlé en début de chapitre) sont constitués pour plus de 98 % de solutions acides de produits de fission. Ils contiennent également, bien qu'en très faibles quantités, des éléments actinides dont la toxicité est 10 à 1000 fois supérieure à celle des radioéléments naturels et dont il faudra assurer le confinement pendant des centaines, voire des milliers d'années en raison de leurs vies souvent très longues (voir Tabs. 3.7 et 3.8). Le devenir des déchets radioactifs à forte activité et à vie longue' est certainement le problème le plus délicat posé par l'utilisation de l'énergie libérée par la fission nucléaire. Ce problème doit être en effet traité, non seulement pour la période actuelle, mais également dans une perspective de plusieurs centaines de milliers d'années pendant lesquelles les substances radioactives que nous léguerons aux civilisations futures devront être stockées de façon sûre.
I1 faut alors prévoir des méthodes de traitement et de conditionnement sophistiquées : les déchets sont conditionnés, avant leur stockage définitif, par incorporation dans le verre. C'est la méthode de vitrification(l), qui permet de concentrer les déchets dans un faible volume et assure u n haut niveau de confinement. Les verres sont ensuite coulés dans des emballages en acier puis refroidis dans des puits de béton ventilés pendant 30 ans avant d'être transférés dans des sites de stockage définitifs. La gestion à très long terme des déchets radioactifs pose un problème de société qui a été pris en charge par nos législateurs. I1 en a résulté une loi promulguée par François Mitterrand le 30 décembre 199 1. Cette loi prévoit que les recherches devront être menées selon 3 axes : + la réduction de la durée de la nocivité des déchets (séparation des éléments à très longue durée de vie, suivie d'une opération de transmutation) ; (1) À une tonne de combustible irradié correspond 110 litres de produits de fission vitrifiés, soit 0,75 emballages de 166 litres. En conséquence, un REP 900 MWe, qui produit 24 tonnes de combustible irradié par an, produit 2640 litres de produits de fission vitrifiés ou encore 16 emballages.
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les procédés de conditionnement des déchets (amélioration du confinement] pour u n entreposage de longue durée en surface ; l’étude de formations géologiques profondes grâce à la réalisation de laboratoires souterrains d’études géologiques, en vue d’un éventuel stockage.
Le premier axe est de la responsabilité du CEA. Plusieurs projets sont actuellement en développement. Citons le système hybride [ 111 du professeur Rubbia et son équipe, qui est fondé sur le couplage d’un accélérateur de protons et d’un réacteur à neutrons rapides utilisant u n combustible solide a u thorium 232(2) et un réfrigérant de plomb fondu. En voici très succinctement le principe : des protons accélérés par u n cyclotron pénètrent dans une piscine de plomb fondu jusqu’au cœur sous-critique du réacteur où ils produisent, par éclatement de noyaux de plomb (réaction de spallation), une source externe de neutrons. Ces neutrons vont à leur tour casser des noyaux fissiles du cœur et établir un flux de neutrons capable de transformer les déchets par transmutation (réaction de capture radiative) ou par incinération (réaction de fission). Ainsi, plusieurs variantes du système hybride sont-elles possibles selon que l’on souhaite privilégier la transmutation des produits de fission à vie longue (technétium 99, Iode 129, cesium 135) ou l’incinération des actinides mineurs (neptunium 237, américium 24 1 curium 244) [ i l ] . Le réacteur rapide de la filière plutonium-sodium pourrait également être transformé en destructeur de déchets lorsqu’il fonctionne en mode sous-générateur (voir Chap. 2, Principe du réacteur à neutrons rapides ))). Malheureusement l’abandon de Superphénix met u n terme à cette perspective, pourtant prometteuse, dans un futur prévisible. ((
L’étude du stockage en profondeur est confiée à 1’ANDRA. Établissement public industriel et commercial (EPIC), il est indépendant des producteurs de déchets. Créé en 1979, 1’ANDRA est u n organisme de protection de l’environnement à long terme répondant à 3 missions : + la gestion industrielle des déchets radioactifs à vie courte (voir Classification des déchets radioactifs en début de chapitre) ; + la recherche (faisabilité et sûreté à très long terme) associée au stockage géologique. C’est le troisième axe de la loi du 30 décembre 19‘31, qui est traité plus haut ; ((
))
(2) Le thorium 232 est u n noyau fertile. I1 donne naissance à un noyau fissile, l’uranium 233. Le cycle fertile-fissile correspondant est le cycle thorium 232-uranium 233. I1 est comparable au cycle uranium 238-plutonium 239 du surgénérateur Superphenix.
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l’inventaire de l’ensemble des déchets se trouvant sur le territoire national.
Dans l’état actuel des connaissances, le stockage géologique représente la voie la plus naturelle et la plus écologique pour la gestion des déchets radioactifs à forte activité et à vie longue. C’est la solution de référence. Quelques années seulement nous sont encore nécessaires pour la rendre opérationnelle.
LE STOCKAGE GÉOLOGIQUE Emplacements recherchés En 1992, une mission de médiation a été confiée à Christian Bataille, initiateur de la loi d u 30 décembre 1991. Elle avait pour objectif d’expliquer le projet et les garanties apportées par la loi et de recueillir les candidatures des départements souhaitant u n laboratoire de recherche s u r le stockage profond. À l’issue de eette médiation, trois départements géologiquement favorables ont été retenus parmi 30 candidatures : le Gard et la Meuse ont été choisis pour leur argile, la Vienne pour son granite sous couverture sédimentaire. L’ANDRA a alors été autorisée à démarrer des recherches géologiques préliminaires qui avaient pour objectif de confirmer les qualités des zones retenues et de déterminer les sites potentiels d’implantation d’au moins deux futurs laboratoires de recherche (voir Fig. 7.3). Ces laboratoires ne pourront être construits qu’après les études d’impact et les enquêtes publiques. Un décret officialisera leur construction. L a construction d u premier site de stockage géologique, choisi parmi ces 2 laboratoires de recherche, devrait être décidée en fonction des conclusions d’un rapport global d’évaluation présenté par le Parlement fin 2006. Quels sont les critères de choix d’un site de stockage géologique ? La question fondamentale qui s’est posée aux spécialistes des sciences de la terre chargés de localiser avec précision les sites favorables à l’implantation des laboratoires de recherche souterrains fut : peut-on mettre en évidence, dans une couche argileuse (respectivement granitique), entre 200 et 1000 m de profondeur, u n volume suffisant, homogène, dépourvu de faille, de 2 km de côté et 100 m de hauteur (respectivement 1 km de côté et 500 m de hauteur) ? D. ((
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Afin de répondre à cette question, 3 techniques de reconnaissance ont été utilisées : + La cartographie géologique. Elle est réalisée par u n relevé géologique en surface s u r une zone de 10 à 20 km de côté. Sur ce relevé, on trace u n maillage de 4 à 5 km de côté. Surface
Puits
__
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I
I
Descenderie Galeries
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Figure 7.3. Schéma de laboratoire souterrain d’études géologiques.
+
+
La sismique-réflexion (voir Fig. 7.4). Un camion-vibrateur s’installe tous les 10 mètres s u r les axes d u maillage de la zone précédemment définie et émet, à l’aide d’un vibreur en contact avec le sol, des ondes mécaniques dans le sous-sol. Ces ondes sont réfléchies par les différentes couches géologiques avec des vitesses plus ou moins grandes en fonction de leur nature et de leur profondeur. Des capteurs (géophones) régulièrement espacés transmettent en temps réel les données recueillies à u n camion enregistreur. Cette méthode sismique, utilisée dans la prospection pétrolière, permet, aprës u n traitement informatique des données enregistrées, de déterminer la géométrie des couches géologiques et d’identifier d’éventuelles failles. Les forages carottés (voir Fig. 7.4). Un derrick de forage permet d’extraire, par carottage, des échantillons qui informeront sur la nature d u sous-sol jusqu’à une profondeur de 1000 m.
Les qualités requises des sites recherchés sont : + leur capacité à confiner les éléments radioactifs ; + l’imperméabilité de la roche haute ; + leur résistance à la déformation, pour supporter les futures structures d u stockage en profondeur ; + leur stabilité géologique.
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L’ÉLIMINATION DES DÉCHETS Forage
Sismique
Derrick de forage carotté
Camion-vibrateur
Camion enregistreur
Figure 7.4. Techniques de reconnaissance du sous-sol.
Remarque : C’est en raison de ces critères que l’argile et le granite ont été initialement sélectionnés en France pour le stockage géologique. D’autres milieux, principalement le sel et les fonds sous-marins, font l’objet d’études à l’étranger : - Le sel contient en très faible quantité une eau pratiquement immobile. Son principal défaut est de constituer une ressource pour les générations futures (risque d’intrusion humaine, voir plus loin, Principe de sûreté »). Ce milieu est étudié aux États-Unis, en Allemagne et en Russie. - Les fonds sous-marins ont en revanche u n risque d’intrusion humaine pratiquement nul. En outre, les sites de stockage sont constitués d’argile et possèdent par conséquent toutes les qualités déjà citées. Enfin, en cas de relâchement accidentel de substances radioactives, la dilution dans l’immensité de l’océan (hauteur d’eau d’environ 5000 mètres à la verticale d u stockage) rend le risque pour l’homme inexistant. Les experts considèrent que cette solution est pratiquement idéale. Elle est étudiée par le Japon et les États-Unis, mais en l’absence d’un accord international, elle ne pourra malheureusement pas être adoptée. ((
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En France, deux années de recherches géologiques préliminaires ont permis d’identifier les sites suivants : Dans le Gard, le site argileux de Marcoule, où une couche argileuse homogène d’une épaisseur de 400 m s’est déposée il y a 100 millions d’années. L’imperméabilité de la roche est de 10-12m/s. Cela signifie qu’à Marcoule, l’eau intersticielle que toute roche argileuse contient se déplace d’une distance de 1 mètre en 30 O00 ans. Cette couche est restée remarquablement stable a u cours de son histoire géologique : aucune faille ou fracture significative n’a été décelée, aucune circulation d’eau étrangère n’a traversé cette couche a u cours des 100 millions d’années écoulées. Dans la Meuse, le site argileux de Bure (Bassin parisien). Les couches sédimentaires ont commencé à se déposer il y a 250 millions d’années, au début de l’ère secondaire. Cette période, appelée Trias, marque le début de l‘histoire du Bassin parisien. La couche argileuse destinée a u laboratoire de recherche date d’environ 150 millions d’années (période jurassique) et atteint une épaisseu.r de 130 m. Dans la Vieiine, le massif granitique homogène et peu fissuré localisé à La Chapelle-Bâton. I1 est situé à une profondeur de 400 m et est âgé d’environ 350 millions d’années. En conséquence, en avril 1996, 1’ANDRA a remis a u gouvernement son rapport scientifique. A u vu des résultats de cette première phase de recherche, le gouvernement a autorisé 1’ANDRA à déposer 3 dossiers d’installation d’exploitation et à lancer les procédures administratives préalables à l’implantation des laboratoires de recherche cités plus haut.
Principes de sûreté Au plan méthodologique, la sûreté du stockage profond s’inspire de celle d’une installation nucléaire classique : + Définition des fonctions de sûreté à remplir et conception des systèmes destinés à remplir ces fonctions. + Démonstration de sûreté : définition des situations normales et accidentelles à retenir pour la démonstration. Vérification que les systèmes remplissent leurs fonctions dans les situations retenues. Vérification enfin que les conséquences potentielles des situations retenues sont acceptables. On retrouve les fonctions fondamentales de la sûreté nucléaire (voir Chap. 4) : + maîtrise de la réactivité ;
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évacuation de la chaleur produite ; confinement de la radioactivité (irradiation et contamination).
L a maîtrise de la réactivité (prévention du risque de criticité) des colis contenant des matières fissiles est assurée par un arrangement des colis selon une géométrie sûre quelle que soit la teneur en eau. Le confinement sera assuré par le traditionnel concept des barrières : + I r e barrière : les emballages de déchets ; + 2 e barrière : les barrières ouvragées qui protègent les colis vis-àvis de l’eau et des contraintes du milieu et retardent la migration des radionucléides vers la géosphère ; + 3“barrière : la barrière géologique qui protège les deux premières barrières des agressions naturelles ou humaines et limite la vitesse de circulation des eaux donc la vitesse de corrosion des colis et de transport des radionucléides vers la biosphère. La barrière géologique joue un rôle déterminant. Les sites recherchés doivent être bien caractérisés au départ. Cela a été abordé au début du paragraphe Emplacements recherchés où les milieux ont été sélectionnés pour leurs qualités intrinsèques (capacité à confiner les radioéléments, imperméabilité, résistance mécanique), ainsi que pour leur stabilité au cours de leur histoire géologique. En outre, les études géodynamiques doivent montrer que les sites proposés pour l’implantation des laboratoires souterrains resteront stables pendant au moins 10 O00 ans. Au-delà de cette période de stabilité garantie par une analyse de sûreté précise, la prévision d e l’évolution de la barrière géologique, qui s’étendra jusqu’à environ 1 million d’années (analyse indicative), présentera des incertitudes croissantes en fonction du temps. ((
))
Remarque: Beaucoup de radioéléments à vie longue auront disparu ou considérablement décru a l’issue des 10 O 0 0 ans requis par la réglementation de sûreté française (voir Tabs. 3.7 et 3.8). Cependant, certains d’entre eux seront encore présents bien plus tard, comme par exemple l’iode 129 (période 16 millions d’années), le neptunium 237 (période 2 millions d’années) ou encore le technétium 99 (période 210 O00 ans). C’est pour cette raison qu’on étend l’étude de l’évolution du site de stockage sur une durée de l’ordre d’un million d’années (unité de temps géologique).
La méthode préconisée en France pour tenir compte de l’éventail des situations possibles consiste à définir, autour d’un scénario d’évolution normal, jugé le plus probable, des scénarios
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hypothétiques induits par des événements aléatoires définis de façon pessimiste compte tenu des connaissances actuelles. Les aléas pris en compte son1 d'origine naturelle (fracturation sous l'effet de la tectonique des plaques, chute de température provoquant une baisse du niveau des mers et donc un enfoncement des fleuves par érosion.. .) ou d'origine anthropique. Selon certains géologues,' l'aléa résiduel associé à l'intervention de l'homme est incompressible. En effet, la prochaine glaciation, qui devrait se produire d'ici 50 à 60 milliers d'années, pourrait provoquer la migration vers le sud des habitants de nos régions fuyant u n climat devenu trop froid. La recolonisation des terres, après la fonte des glaciers, ramènerait des populations ignorant l'existence d'un héritage radioactif qui pourrait mettre leur existence en péril au cours d'opérations de prospection de gisements de matières premières ou encore de sites de stockage pour leurs propres déchets ! Notons qu'une perte de mémoire comparable s'est déjà produite après la dernière glaciation qui s'est étendue, approximativement, de l'an 40 O00 à l'an 10 O00 avant notre ère : Les grottes du paléolithique supérieur, telles que Lascaux, Pech Merle ou Niaux, aux parois richement décorées de peintures et gravures murales, témoignent de la remarquable maîtrise artistique des hommes, identiques physiquement à l'homme moderne, qui peuplaient le Sud-Ouest de la France il y a quelque 20 O00 ans. C'est à l'obstruction hermétique des entrées de ces grottes survenue à la suite d'éboulis généralement colmatés par des coulées d'argile, que nous devons la parfaite conservation des œuvres picturales qui sont restées ainsi prisonnières des ténèbres durant des millénaires. La signification des représentations animalières (taureaux, chevaux, cerfs, ...) ou des signes géométriques (qualifiés d'inintelligibles) disséminés parmi les dessins, demeure malheureusement à ce jour énigmatique car la mémoire de cette période appelée pour cette raison préhistoire a été perdue. Le scénario prospectif déroulé plus haut de perte de la mémoire des sites de stockage profond, qui relève de la science-fiction, a néanmoins le mérite de mettre en évidence la complexité du problème des déchets de très longue vie, qui ne peut être totalement résolu sans une réflexion philosophique approfondie sur le bienfondé de notre choix de société et sur l'empreinte que nous souhaitons léguer en héritage aux civilisations futures. ((
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Remarque : Par le stockage souterrain, l'homme tente de reproduire ce que la nature a déjà réalisé à Oklo (voir Chap. 3 , Le réacteur fossile d'Oklo : fabriquer de l'énergie par l'atome et ((
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confiner les résidus de cette production en profondeur durant des millions d’années. L’avenir dira si l’homme a s u construire des sites de stockage plus s û r s que la nature elle-même ! Nous avons vu a u paragraphe précédent que les études de sûreté prennent en considération l’évolution d u site de stockage s u r des durées géologiques (1 million d’années). Rappelons qu’il y a u n million d’années, la Terre était peuplée de pithécanthropes. Ce lointain ancêtre de l’homme moderne, déjà bipède, en était cependant bien différent (voir Fig. 7.5) : il avait une petite capacité crânienne (moins de 1000 cm3 contre 1500 cm3 aujourd’hui), u n front bas et fuyant, une mandibule robuste et de grandes dents. 11 utilisait déjà des outils bifaces mais n’avait pas encore inventé le feu.
Figure 7.5. Le pithécanthrope. À quoi ressemblera l’homme dans 1 million d’années ?
Selon Yves Coppens 1121, notre corps d’homo-sapiens ne se modifiera plus que très lentement pour aboutir dans 10 millions d’années à u n squelette plus gracile et à u n cerveau plus volumineux. Cependant, les découvertes de la biologie génétique offriront probablement à l’homme la possibilité de se transformer : l’évolution biologique de l’homme dépendra de sa propre volonté. Dans ces conditions, ne connaissant rien s u r le devenir de l’homme à très long terme, il est difficile d’imaginer toutes les actions que les générations lointaines pourront décider d’entreprendre dans le sous-sol, la capacité éventuelle qu’elles auront à détecter la présence de déchets et à mettre en œuvre des mesures de sauvegarde. I1 n’est cependant pas possible de négliger les risques, et de ne prendre en compte, pour juger de l’acceptabilité d’un projet de stockage géologique, que les phénomènes naturels. En conséquence, le choix a été fait de retenir l’hypothèse que dans 100 O00 a n s la société aura le même potentiel et les mêmes habitudes qu’aujourd’hui.
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Planning et procédure La loi du 30 décembre 1991 a défini un processus par étapes jusqu’en 2006. 1992-1993 : mission de médiation pour recueillir les candidatures locales pour l’implantation des laboratoires de recherche. 1994: choix du Gard, de la Meuse et de la Vienne parmi 30 candidatures. 1994-1996 : travaux de reconnaissance géologique pour déterminer les sites susceptibles d’accueillir des laboratoires de recherche souterrains. 1996 : début des procédures administratives nécessaires pour obtenir les décrets d’implantation et d’exploitation des laboratoires. 1998 : début de la construction des laboratoires. 2000 : début des expérimentations. 2006 : évaluation par le Parlement des résultats obtenus dans les 3 voies de recherches préconisées dans la loi du 30/ 1 2 / 9 1. Du point de vue de la sûreté, la procédure est la suivante : + Pré-étude de sûreté. Autorisations de reconnaissance de 4 sites depuis la surface (reconnaissance, choix de sites). + Autorisation d’installation et d’exploitation de laboratoires souterrains (investigations dans les formations géologiques et études de projets de stockage, choix d’un site et d’un projet). + Autorisation de création d’un stockage, dans le cadre de la loi sur la gestion des déchets radioactifs (construction du stockage). + Autorisation de mise en actif (introduction des premiers déchets, exploitation de la première tranche). ((
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LE DÉMANTÈLEMENT En mars 1992, le réacteur Chinon A2 (UNGG) fut déclassé après 20 ans d’exploitation. La phase terminale du démantèlement de ce réacteur s’amorce aujourd’hui, visant à traiter les équipements devenus radioactifs en cours de fonctiorinement, afin de remettre le site dans un état aussi proche que possible de son état initial. Cette dernière phase s’achèvera dans une trentaine d’années. Chinon A 3 suivit 1 mois plus tard, et bientôt ce fut le tour du réacteur UNGG de Bugey, le dernier de cette filière à être encore en service.
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En ce qui concerne les réacteurs à eau sous pression du parc français, EDF a décidé de les faire vieillir au-delà des 30 ans de durée de vie prévus à l'origine, préférant, au grand dam de la société Framatome, son fournisseur exclusif, effectuer des réparations sur les matériels usés plutôt que de remplacer globalement les centrales atteintes par la limite d'âge. Rappelons que les centrales sont dimensionnées, dans les études de conception (voir Chap. 4), pour une durée de vie théorique de 40 ans, ce qui explique l'attitude de EDF visant à réduire, à la lumière d'une expérience d'exploitation significative (700 années x réacteurs), la marge de sécurité initialement surdimensionnée. Les premières centrales REP ont été mises en service à partir de 1977 (Fessenheim 1) et ensuite les mises en service se sont succédées au rythme de près de 4 tranches par an de moyenne dans les années 80. Sur la base d'une durée de vie de 35 à 40 ans, prise en compte actuellement pour les centrales, les premiers remplacements devront intervenir vers 2010 à 2015. Les grands chantiers de démantèlement verront donc le jour dans la deuxième décennie du siècle prochain. Le démantèlement est une opération longue et onéreuse. Une installation peut cependant être mise dans u n état sûr sans être nécessairement totalement démantelée. Aussi trois niveaux de démantèlement sont-ils possibles en fonction de l'objectif visé, depuis le premier niveau où peu de matériels sont retraités par découpage ou démontage, jusqu'au troisième niveau où l'ensemble du site est amené par retraitement à un niveau de radioactivité résiduel inférieur aux limites réglementaires d'acceptabilité pour le public, en passant par le niveau 2, qui consiste à retirer les matières fissiles, enlever les parties facilement démontables, réduire a u minimum la zone confinée et aménager une barrière externe. EDF provisionne à chaque exercice plusieurs milliards de francs en vue du démantèlement futur des centrales, dont le coût est estimé à 15 % du coût global de construction, soit environ 1,5 milliards de francs par centrale. Le CEA, quant à lui, a déjà démantelé au 3 e niveau de nombreux réacteurs de recherche, laboratoires ou installations industrielles. Les principales opérations de niveau 2 en cours au CEA concernent les réacteurs G1, G2 et G 3 de Marcoule (type UNGG) qui avaient été mis en service dans les années 50 pour fournir à l'armée française le plutonium dont elle avait besoin. Le niveau 3 sera engagé lorsqu'une technique de traitement du graphite (soit 2400 tonnes pour G2 et G3) aura été sélectionnée. La carte des réacteurs déclassés est représentée sur la figure 2.6.
Troisième partie
LES RISQUES DE PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE
Jamais les hommes n'ont eu autant de motifs de ne plus s'entre-tuer. Jamais ils n'ont eu autant de motifs de se sentir associés dans une seule et même entreprise. Je n'en concluspas que l'âge de l'histoire universelle sera pacifique. Nous le savons, l'homme est un être raisonnable mais les hommes le sont-ils ?
Raymond Aron
L
a frontière entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire n'est pas facile à définir. Les cœurs des réacteurs électronucléaires fabriquent tous du plutonium en fonctionnant, et il est théoriquement possible de le détourner pour une utilisation militaire. Par ailleurs, les réacteurs de recherche, qui sont des réacteurs de très faible puissance thermique destinés à tester des matériaux ou des combustibles pour les futures centrales de puissance, fonctionnent souvent avec un uranium enrichi à plus de 90 YO d'uranium 235, c'est-à-dire un uranium de qualité militaire ». L à encore, il est possible de détourner cet uranium à des fins belliqueuses. Certaines filières électronucléaires ont été privilégiées pour leur capacité à produire du plutonium de qualité militaire (taux élevé de l'isotope 239 dans le plutonium récupéré du combustible usé). C'est notamment le cas de la filière française UNGG, de la filière russe RBMK ou encore du CANDU canadien. ((
Le problème se pose lors de l'exportation du nucléaire civil vers u n pays non détenteur de l'arme nucléaire car il existe alors le risque potentiel que ce pays en profite pour progresser sur la voie de la bombe. Nous allons voir dans ce qui suit qu'aucun moyen efficace n'existe pour contourner ce danger si ce n'est renoncer purement et simplement à la vente de matériels sensibles. Des mesures préventives peuvent être prises comme, par exemple, l'obligation pour l'acheteur d'adhérer a u traité de non prolifération (TNP) par lequel il s'engage à ne pas créer d'arsenal atomique, ou encore la présence prolongée sur site du fournisseur, après la première divergence du réacteur. Malheureusement, ces mesures ne suffisent pas à écarter le danger. La présente partie traite de l'affaire Tammuz, associée à la vente par la France de 2 réacteurs de recherche à l'Irak en 1976. Cet exemple illustre parfaitement les risques de prolifération générés par l'exportation de l'atome civil. ((
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L'ATOME ÉCOLOGIQUE
LA FRANCE ET L'IRAK NÉGOCIENT Dimanche 7 juin 1981. Le réacteur Tammuz 1, que la France avait vendu à l'Irak quelques années plus tôt, est détruit par l'aviation israélienne. Cet évènement, qui depuis a fait couler beaucoup d'encre quant au bien fondé de l'initiative israélienne, est considéré aujourd'hui comme une référence unanime dans la lutte contre la prolifération de l'arme atomique. Rappelons brièvement le cheminement de la négociation entre la France et l'Irak. Le 5 septembre 1975, lors de la visite officielle en France de Saddam Hussein, alors vice-président du Conseil de commandement de la révolution d'Irak », dont le programme prévoyait notamment la visite du centre d'étude nucléaire de Cadarache, l'Irak manifesta un vif intérêt pour l'achat à la France d'une centrale nucléaire. Les discussions s'orientèrent d'abord vers une centrale électronucléaire à uranium naturel-graphite-gaz (UNGG), semblable à celles qui fonctionnaient alors en France à St-Laurent-des-eaux ou Bugey ( l ) . I1 pouvait sembler étonnant qu'un pays regorgeant de pétrole cherchât à diversifier ses sources de production électrique par le biais de la technologie nucléaire. Cependant, cette affaire représentait une aubaine : elle était en effet très profitable et se situait dans u n marché international très étroit où les vendeurs de centrales nucléaires, plus nombreux que les acheteurs potentiels, se battaient bec et ongles. Par ailleurs, en pleine crise du pétrole, la France saisissait l'occasion de se positionner favorablement vis-à-vis de son deuxième fournisseur de pétrole, après l'Arabie Saoudite. Dans le même temps germa dans certains esprits clairvoyants la crainte que l'intérêt de l'Irak pour l'électricité d'origine nucléaire ne cachât en réalité la volonté pernicieuse de posséder l'arme atomique, passage obligé, selon le dictateur de Bagdad, pour accéder a u rang de leader incontesté du monde arabe. ((
On se rappela alors que la filière électronucléaire UNGG avait été choisie en France dans les années 50 avec une arrière pensée
( l ) St-Laurent-des-eaux A l (540 MWe) mise en service en 1969 et Bugey 1 (540 MWe) mise en service en 1972, sont aujourd'hui toutes deux déclassées.
183
L'AFFAIRE TAMMUZ
militaire et que les réacteurs UNGG de Marcoule G1, G2 et G3(2) fournissaient à la France le plutonium dont elle avait besoin pour son programme d'armement. Deux avantages prépondérants avaient, à l'époque, prévalu dans ce choix : + La filière UNGG utilisait de l'uranium naturel, abondant sur le marché mondial, et dispensait de l'opération à la fois coûteuse et techniquement délicate d'enrichissement dans une usine de séparation isotopique. + Le cornbusuuie puuvait etre déchargé du réacteur en fonctionnement, condition sine qua non pour obtenir a u déchargement un plutonium riche en isotope 239. En effet, la chaine de désintégration de l'uranium 238 soumis au flux neutronique d'un réacteur en fonctionnement, représentée sur la figure 8.1, montre que le plutonium 239, une fois formé dans le cœur du réacteur par capture radiative de l'uranium 238 suivi de deux désintégrations p- successives, se transforme à son tour partiellement par captures neutroniques en isotopes supérieurs du plutonium peu ou pas fissiles (voir Fig. 3 . 1 1 ) , donc dégradant la qualité explosive du plutonium que l'on veut utiliser dans la bombe. ((
))
242 Pu
Figure 8.1. Chaîne de désintégration de l'uranium 238.
(2) Gl,G2 et G 3 sont aujourd'hui en phase de démantèlement (voir Chap. 7, ((Le démantèlement )I).
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
184
Étant donné les sections efficaces de capture entrant en jeu, le plutonium récupéré à l'arrêt programmé du réacteur (soit après 1 an de fonctionnement pour u n REP), est très pollué par ses isotopes supérieurs et par conséquent impropre à l'utilisation militaire. La solution consiste donc à décharger très tôt le combustible d'uranium pour en extraire un plutonium propre ». Le calcul montre que le temps de séjour optimal dans u n réacteur fonctionnant à pleine puissance est d'une vingtaine de jours. Cela est possible par déchargement en fonctionnement d'éléments d'ura-nium naturel (qui contient, rappelons-le, 99,3 YO d'uranium 238) d'un réacteur UNGG, mais impossible avec un réacteur REP où les éléments combustibles sont emprisonnés dans une cuve pressurisée à plus de 150 atmosphères ! La France changea alors de cap en proposant à l'Irak de s'orienter vers la voie REP, arguant du fait que la filière UNGG avait été abandonnée en 1970 a u profit de la filière PWR sur la base de critères à la fois techniques et économiques et que cette dernière représentait l'état de l'art en matière de technologie nucléaire. S'ensuivit le 18 novembre 1975 la signature d'un accord de coopération pour l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques D. Cet accord comprenait notamment l'obligation pour l'Irak de soumettre les matières fissiles fournies par la France aux contrôles de l'Agence inter:nationale pour l'énergie atomique. Cependant, il ne faisait allusion à aucune offre particulière de réacteur, qu'il soit de type UNGG ou REP. À la proposition française de fourniture à l'Irak d'un réacteur REP, construit par Framatome sous licence Westinghouse, l'Irak répondit par une fin de non recevoir. Les négociations qui suivirent aboutirent finalement, un an plus tard, le 30 octobre 1976, à la signature d'un contrat de vente de 2 réacteurs de recherche, baptisés par la suite Tammuz 1 et Tammuz 2. ((
((
DE TAMMUZÀ LA BOMBE Tammuz 1 (réacteur de type piscine d'une puissance thermique de 40 MWth (Mégawatt thermique), très polyvalent, devait permettre de couvrir u n large spectre de besoins pour la recherche : ((
+
))
production de radio-éléments pour la médecine et l'industrie ;
185
+
+
L'AFFAIRETAMMUZ irradiation de combustibles nucléaires et de matériaux de structure nouveaux pour de futures centrales électro-nucléaires (recherche appliquée) ; production de faisceaux de neutrons issus de canaux immergés dans un bidon d'eau lourde noyé dans la piscine du réacteur (voir Fig. 8.2). Ces faisceaux de neutrons permettaient d'investiguer le cœur de la matière condensée, solide ou liquide, afin d'en comprendre l'organisation intime (recherche fondamentale).
Tammuz 2 (réacteur de type piscine d'une puissance thermique de 400 kWth) était, quant à lui, la maquette neutronique de Tammuz 1. I1 était conçu pour déterminer les caractéristiques neutroniques des cœurs nouveaux à charger ensuite dans Tammuz 1. ((
))
R1. TH1, TH2. TH3 : canaux d'expériences neutroniques Bidon d'eau lourde Coeur Elements chargés dans les alvéoles du coeur
Figure 8.2. Cœur et bidon d'eau lourde du réacteur Tammuz 1 (coupe horizontale).
Les réacteurs de référence étaient localisés au Centre d'études nucléaires de Saclay et appartenaient au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). I1 s'agissait des réacteurs Osiris (référence de Tammuz 1) et Isis (référence de Tammuz 2). En outre, les dispositifs de Tammuz 1 associés à la production de faisceaux de neutrons, qui n'existent pas dans Osiris, s'apparentaient à ceux du réacteur Orphée du centre de Saclay. Finalement, Tammuz 1 était en quelque sorte la synthèse de Osiris et Orphée. Ainsi, les Irakiens auraient-ils renoncé à la production électrique par l'atome, au profit d'expériences de physique théorique pour les besoins de l'université de Bagdad ?
186
L'ATOMEECOLOGIQUE
L'hypothèse était assurément peu crédible, d'autant que l'analyse, même succincte, de l'architecture de Tammuz 1 démontrait qu'un tel réacteur pouvait être aisément détourné de son usage déclaré pour se transformer en générateur de bombes atomiques, comme nous allons le voir dans le prochain paragraphe.
La face cachée d'un réacteur de recherche Tammuz est u n réacteur de type piscine, c'est-à-dire que le caisson cœur est noyé sous une quantité d'eau importante contenue dans une cuve ayant 1ii forme d'une piscine (voir Fig. 8.3). Eau de la piscine
Batardeau de communication avec le canal de transfert et de stockage Tuyauterie d'entrée cœur Tuyauterie de sortie cœur
Coeur Platelage perforé Barre de commande Salle des mécanismes des barres de commande
Figure 8.3. Coupe schématique du réacteur de recherche de type piscine Tammuz I.
Cette hauteur d'eau entre le cœur et l'environnement constitue une barrière biologique contre les substances radioactives, renforcée par une couche d'eau chaude en partie haute de la piscine afin d'éviter la remonrée par convection naturelle d'eau contaminée. L'expérimentateur peut ainsi conduire son expérience depuis le bord de la piscine sans courir de risque radiologique. I1 peut également observer, lorsque le réacteur fonctionne, une couleur d'un bleu profond qui est diffusée dans l'eau de la piscine au voisinage du cœur. Ce phénomène, connu des physiciens sous le nom d'ii effet Cerenkov », provient de l'émission de lumière le long des trajectoires des particules chargées qui sont expulsées lors des fissions nucléaires. L'expérimentateur peut enfin décharger des éléments combustibles en cours de fonctionnement et nous savons que cela signifie,
L'AFFAIRETAMMUZ
187
lorsque ce combustible est de l'uranium naturel ou appauvri, la possibilité de fabriquer du plutonium propre. Si on ajoute à cela le fait que le combustible livré par la France contenait de l'uranium enrichi de qualité militaire, nous comprenons pourquoi les caractéristiques du réacteur Tammuz pouvaient intéresser des esprits malveillants. Précisons davantage ces caractéristiques. Combustible très enrichi en uranium 235
Afin d'atteindre u n flux neutronique important (supérieur à 1014 n/cm2/s), le réacteur Tammuz 1 utilisait, à l'instar d'Osiris, un combustible hautement enrichi. La solution qui avait été retenue sur Osiris et qui fut reproduite dans l'offre française consistait en des assemblages combustibles en alliage uranium-aluminium (UA1) disposés en plaques, dans lesquels l'uranium était enrichi à 9 3 YOen uranium 235. Chaque élément combustible contenait 390,5 g d'uranium 235. En conséquence, une recharge complète de combustible pour un cœur, qui comptait 32 assemblages, contenait au total 32 x 390,5 = 12,5 kg d'uranium 235, ou encore 13,4 kg d'uranium métallique (UA1) enrichi à 9 3 YO. Or, les Irakiens avaient exigé la livraison de 3 recharges complètes de combustible dès le début des essais de démarrage sur site, soit 3 x 13,4 = 40 kg d'uranium de qualité militaire, soit encore de quoi confectionner aisément (le combustible alors non irradié est facile à manipuler) deux bombes atomiques (voir Chap. 1, Masse critique ((
))).
Les Français prirent conscience du risque encouru et des mesures palliatives furent improvisées pour tenter de le minimiser. À cette époque était testé sur Osiris un combustible à l'oxyde d'uranium (UOz), appelé Caramel, qui possédait l'avantage d'offrir les mêmes performances que le combustible à plaques d'UA1, mais avec un enrichissement de 7,5 YO seulement, au lieu de 93 YO. Cet enrichissement était trop faible pour un usage militaire sans séparation isotopique complexe préalable. Le combustible Caramel avait déjà été testé avec succès sur le réacteur expérimental Minerve du CEA, puis validé sur Osiris avant d'être proposé aux Irakiens. Le client déclina fermement cette offre et menaça d'annuler les contrats d'armes en cours avec la France. Pourtant, dans le cœur du réacteur Osiris de Saclay, le combustible Caramel a longtemps remplacé le combustible à plaques d'uranium très enrichi. Chargé avec ce nouveau combustible, Osiris a toujours
L'ATOME ECOLOGIQUE
188
donné entière satisfaction aux expérimentateurs dans l'accomplissement des travaux pour lesquels il avait été conçu. L'affaire en resta là et la première recharge d'uranium enrichi fut livrée conformément au planning en juin 1980. Le danger immédiat provenait du risque que les Irakiens s'emparent du combustible neuf dès réception sur site pour en extraire l'uranium. En effet, ce combustible n'étant pas contaminé, il pouvait étre traité sans danger par les opérateurs. Les essais de démarrage du petit réacteur Tammuz 2 devaient débuter a u premier trimestre 1991 et s'étaler sur plusieurs semaines. Le but de ces essais était de tester le comportement neutronique et thermo-hydraulique du réacteur et d'étalonner les chaînes de mesures. Ils devaient se terminer par une divergence du cœur à puissance presque nulle, c'est-à-dire par la réalisation du processus de réaction en chaîne sans dégagement significatif de chaleur. Une fois les essais de démarrage de Tammuz 2 réalisés, le premier lot de combustible devait être déchargé de Tammuz 2 puis chargé dans le cœur de Tammuz 1 pour la réalisation des essais de démarrage du grand réacteur. Le début des essais sur Tammuz 1 était planifié pour juillet 1991. Une idée vint alors à l'esprit des ingénieurs français, qui consista à intégrer dans les procédures d'essais de démarrage de Tammuz 2, une procédure particulière, appelée test de pré-irradiation », visant à irradier, donc polluer intentionnellement le combustible le plus tôt possible, avant même le transfert de propriété de l'installation. Cette procédure, qui n'avait aucune justification technique, était présentée au client comme u n test nécessaire à la vérification du comportement n'eutronique du combustible neuf à faible puissance dans Tammuz 2, avant son utilisation définitive dans Tammuz 1. Le stratagèm.e fonctionna à merveille et la première recharge de combustible put ainsi étre artificiellement polluée. Cette parade n'était pas la panacée mais le combustible pollué nécessitait l'utilisation d u n e infrastructure complexe, la cellule chaude (salle blindée dotée de télémanipulateurs), pour pouvoir étre traité sans danger. ((
Configuration modifiable du cœur
I1 est possible de réaliser de nombreuses configurations du cœur en fonction du type d'expérience souhaité, en composant u n plan de chargement spécifique des différents dispositifs (éléments combustibles, maquettes d'expériences, éléments réflecteurs, ...) introduits dans les 56 alvéoles disponibles du cœur (voir Fig. 8.2).
189
L'AFFAIRE TAMMUZ
Or, le réacteur Tammuz est un réacteur piscine. Nous savons que parmi les nombreux avantages que procure une telle conception figure la possibilité de décharger à tout moment des éléments du cœur et de les acheminer dans l'aire de stockage tout en bénéficiant de la protection biologique constituée par la colonne d'eau de la piscine. On se retrouve alors dans les conditions favorables pour fabriquer, à l'instar des réacteurs de la filière UNGG, du plutonium de qualité militaire. I1 suffit pour cela de disposer dans des alvéoles du cœur et dans une couverture périphérique prévue à cet effet (voir Fig. 8.4), des éléments d'uranium naturel (ou appauvri) et de les décharger au moment opportun pour en extraire un plutonium riche en isotope 239.
Configuration standard
Configuration modifiée
Figure 8.4. TAMMUZ I générateur de bombes au plutonium.
Cette configuration est facilement réalisable, d'autant que l'uranium naturel s'achète librement sur le marché mondial. Le calcul montre que l'on pouvait par ce procédé produire, à l'issue d'une année de fonctionnement, 6 kg de plutonium 239, c'est-à-dire la masse critique d'une bombe atomique a u plutonium. Ce scénario a bien entendu été simulé par les responsables français qui jugèrent néanmoins le risque faible du fait que l'Irak avait accepté de se soumettre aux contrôles de 1'AIEA. Mais quelles garanties ces contrôles offraient-ils véritablement ?
190
L'ATOME ECOLOGIQUE
Les contrôles de I'AIEA L'Agence interna.tionale pour l'énergie atomique (AIEA), installée a Vienne, a été créée en 1957 sous l'égide de l'ONU. Son champ d'activité concerne les applications pacifiques de l'énergie nucléaire. Lorsqu'elle a cherché à empêcher la prolifération des armes nucléaires, la communauté internationale lui a confié un rôle important, mais limité, qu'elle ne pouvait qu'accepter si elle voulait l'adhésion massive des nations. Un outil a été mis en œuvre en ce sens par 1'AIEA en 1970 : le traité de non prolifération (TNP). Par ce traité, l'Irak, qui en était signataire, s'engageait, à l'instar de tous les pays signataires non détenteurs d'armement nucléaire, a ne pas créer d'arsenal nucléaire et acceptait, en outre, de soumettre ses installations nucléaires aux contrôles de l'Agence de Vienne. La mission de 1'Agence consiste à détecter a u plus tôt tout détournement de matériel sensible de son usage pacifique. Les contrôles sont effectués par des inspecteurs qui doivent, avant toute visite, demander l'agrément du pays visité, La fréquence des visites de routine est de l'ordre de 3 à 4 par année. Des visites exceptionnelles peuvent également être programmées, mais les autorités locales disposent alors d'au moins 3 jours pour s'y préparer. Au demeurant, les pays cibles peuvent toujours refuser les visites sous un prétexte quelconque ou encore user de moyens dilatoires pour se donner le temps de dissimuler les dispositifs illicites. Dans le projet Tammuz, des visites d'inspecteurs furent bloquées a u début de la guerre irano-irakienne, dans la période qui suivit la tentative de bombardement du réacteur par l'Iran le 30 septembre 1980. I1 était difficile, dans ces conditions, d'exercer un contrôle efficace étant donné que ce dernier était trop lié a u bon vouloir du pays inspecté. Les moyens d'actions des inspecteurs sont principalement : + le plombage et la surveillance du combustible neuf; + le contrôle de la gestion des matières fissiles ; + la vérification de la bonne utilisation des installations et la consultation du ((journalde bord de l'exploitant. ))
Des caméras vidéo de surveillance automatique sont généralement installées aux emplacements adéquats, mais les informations enregistrées peuvent être falsifiées dans l'intervalle de temps séparant deux visites successives. En outre, les inspecteurs ne visitent que les dispositifs déclarés. Par conséquent, les acquisitions clandestines passeront outre les contrôles de 1'AIEA.
191
L'AFFAIRE TAMMUZ
Enfin, dans le cas hypothétique où l'Agence établit la preuve irréfutable qu'un pays détourne clandestinement de la matière sensible, les mesures de rétorsion se limitent en pratique à l'arrêt immédiat des livraisons. Le pays sanctionné n'a qu'à se tourner alors vers un autre fournisseur. En conclusion, si les contrôles de l'AIEA constituent une première barrière contre les tentatives de détournement, leur efficacité est très limitée à cause des règles de fonctionnement imposées par les pays membres. À l'évidence, la lutte contre la prolifération nucléaire serait facilitée si les pouvoirs de 1'AIEA étaient renforcé#. LAIEA aura de plus en plus de difficultés à endiguer la progression des pays en voie d'accession à l'arme nucléaire, parce que la technologie nucléaire est à la portée d'un nombre grandissant de pays et que les circonstances politiques favorisant la prolifération se multiplient. En particulier, la dislocation de l'Union soviétique offre aujourd'hui l'opportunité d'acquérir la matière fissile (uranium et plutonium) issue du démantèlement des têtes nucléaires de l'exUnion (voir Chap. 9, L'élimination du plutonium militaire dans la Fédération de Russie n). ((
Face à ce danger, certains pays ont réagi. La Cogema vient de signer avec la Russie u n accord de principe pour l'achat d'héxafluorure d'uranium provenant de l'uranium enrichi issu du démantèlement des armes nucléaires russes. En application de l'accord conclu en 1993 entre la Russie et les ÉtatsUnis, l'uranium obtenu, une fois dilué, alimentera des réacteurs nucléaires. Les Japonais, de leur côté, s'intéressent depuis des années à la récupération du plutonium russe en vue de le brûler dans des réacteurs à neutrons rapides utilisés en mode sous-générateur (voir Chap. 2, Principe du réacteur à neutrons rapides ))). À propos de l'Irak, qui n'a cessé de développer son programme nucléaire depuis les années 70, le Directeur Général de 1'AIEA déclara en 1992 que ce pays refusait toujours de fournir des informations sur l'origine des matériels et du savoir-faire pour son programme nucléaire, tant civil que militaire. De son côté, l'Administrateur général du CEA s'exprima fermement à la 35e conférence générale de 1'AIEA de septembre 1991 en ces termes : ((
( 3 ) Le Conseil des gouverneurs de 1'AIEA a décidé début 1997 de renforcer les pouvoirs de l'Agence par le truchement d'un protocole fixant de nouvelles capacités d'enquétes. L'objectif est de mieux prévenir la mise au point de programmes clandestins d'armement nucléaire.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
192
En poursuivant un programme nucléaire clandestin d'une grande ampleur ayant permis d'accumuler des matières nucléaires qui auraient dû être soumises aux garanties internationales, l'Irak a violé à la fois ses engagements en tant que signataire du traité de non-prolifération et l'accord qu'il a signé en 1972 avec l'Agence ». ((
Mais l'Irak n'est pas un cas isolé. Selon certains experts américains, l'Iran, la Syrie et la Libye détourneraient la technologie et les équipements civils fournis par des centaines d'entreprises occidentales pour mettre au point des armes nucléaires et chimiques et quelques années suffiraient pour qu'un de ces pays aboutisse à ses fins. Confortant cette analyse, le Commandant des forces américaines dans le Golfe déclara récemment que l'Iran devrait disposer de l'arme atomique avant l'an 2000 ... On pourrait citer d'autres exemples qui mettent en lumière la difficulté croissante à barrer la route aux pays fermement déterminés à se doter d u n arsenal nucléaire. La Communauté internationale doit d'urgence se mobiliser pour les en empêcher. L'analyse qui précède montre que les possibilités pour l'Irak de se doter d u n combustible de qualité militaire par production de plutonium dans une couverture externe d'uranium naturel du cœur de Tammuz étaient sérieuses. Le passage de la faisabilité théorique à la réalisation pratique de l'arme nucléaire suppose deux conditions :
+
Cela suppose d'abord l'existence de cellules chaudes, dotées de vitres de plomb et de télémanipulateurs, nécessaires à l'extraction chimique du plutonium des éléments d'uranium naturel irradiés en couverture. Ces cellules effectuent en séquence u n ensemble de tâches qui s'intègrent conformément à la figure 8.5 dans le processus de fabrication du plutonium, à partir du combustible d'uranium naturel irradié en pile. I1 existe bien des cellules chaudes dans le bâtiment des réacteurs Tammuz 1 et Tammuz 2 (voir Fig. 8.6) qui sont utilisées à la préparation des échantillons irradiés dans le cœur de Tammuz 1. Ces cellules chaudes sont cependant insuffisantes pour le traitement chimique de séparation du plutonium. En revanche, des laboratoires chauds dimensionnés pour la manipulation du plutonium sont facilement accessibles sur le marché mondial et bénéficient de l'avantage de ne pas être soumis, s'ils ne sont pas déclarés, aux contrôles de 1'AIEA.
L'AFFAIRETAMMUZ
193 Stockage combustible uranium naturel irradié
Dégainagel cisaillement
I
t
Stockage déchets
Mise en solution par l'acide nitrique
Séparation des produits de fission
Traitement de l'uranium
Traitement final du plutonium
Uranium appauvri
1
Plutonium métal
Figure 8.5. Procédé de fabrication du plutonium.
Canal de transfert et de stockage Piscine Tammuz 1
Cellules chaudes Piscine Tammuz 2
Figure 8.6. Bâtiment des réacteurs Tammuz 1 et Tammuz 2.
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
194
Nous savons que l'Irak avait conclu un marché avec l'Italie pour la fourniture d'une telle installation. + Cela suppose ensuite u n savoir-faire en technologie nucléaire qui était, dans le cas du projet Tammuz, transféré par la France à l'Irak dans le cadre d'un important contrat de formation qui accompagnait la fourniture du réacteur. Ainsi, le risque de prolifération nucléaire engendré par le marché franco-irakien était manifeste. Les ingénieurs français en charge du projet en étaient tous persuadés. Ils espéraient, en leur for intérieur, que le projet n'aboutirait pas. Le climat morose qui régnait sur le projet se dégrada brutalement lorsque, peu de temps après le déclenchement des hostilités entre l'Iran et l'Irak en septembre 1980, des lettres anonymes de menace de mort furent expédiées aux domiciles de certains ingénieurs français, en provenance, nous le savons aujourd'hui, des autorités iraniennes qui entendaient dissuader la France de coopérer avec leurs frères ennemis. Une atmosphère pesante envahit l'équipe de projet qui vécut alors dans la crainte permanente de l'attentat terroriste. Chacun dut, notamment, vérifier tous les matins à son arrivée au bureau de Saclay, qu'aucun objet suspect n'y avait été dissimulé dans la nuit. Certains refusèrent même les déplacements professionnels sur le site de Tuwaitha (près de Bagdad) où se trouvaient les 2 réacteurs Tammuz, jugeant la situation trop précaire, d'autant qu'Israël, de son côté, s'était déjà manifesté en sabotant, le 6 avril 1979, les blocsréacteurs de Tammuz 1 et Tammuz 2 entreposés dans un hangar des chantiers navals de la Seyne-sur-Mer (Var), 3 jours avant leur expédition vers l'Irak. Ceux-là ne se trompèrent pas car, à la suite du bombardement israëlien fatal aux réacteurs Tammuz 1 et Tammuz 2, les équipes françaises présentes sur place durent être rapatriées en catastrophe avec familles et bagages. Leur traversée du désert sous escorte irakienne jusqu'à la frontière jordanienne, qui dura plusieurs jours et nuits, fut pour eux u n périple infernal qu'ils garderont longtemps en mémoire.
La leçon Aujourd'hui, à la lumière de la guerre du Golfe de 199 1, qui confirma les prétentions hégémoniques de Sadam Hussein et l'état avancé de ses travaux sur la voie de la bombe atomique, tout le monde s'accorde à reconnaître le bien-fondé de l'initiative israëlienne. Ces derniers tentèrent tout d'abord des démarches diplomatiques qui, ayant échoué, se transformèrent en action commando. Nous savons, grâce aux révélations d'un ancien agent du Mossad, les services secrets israëliens, qu'ils bénéficièrent de la
195
L'AFFAIRETAMMUZ
complicité involontaire d'un stagiaire irakien pour s'accaparer les plans d'installation et le planning des essais de démarrage des deux réacteurs. Ils apprirent alors que les 2 réacteurs Tammuz 1 et Tammuz 2 étaient liés au niveau des fondations par un radier commun et que par conséquent, l'endommagement en un point quelconque de ce radier, provoquant la perte d'étanchéité de l'installation vis-à-vis de la nappe phréatique, entraînait la mise hors d'usage simultanée des 2 réacteurs. En outre, la connaissance du planning des essais renseigna sur la date limite pour l'attaque aérienne. En effet, une fois les essais engagés sur le réacteur Tammuz 1, combustible chargé en pile, il n'était plus possible de détruire l'enceinte du réacteur sans risquer d'endommager le combustible et, par conséquent, de provoquer la dissémination de substances radioactives dans l'environnement du site. La date butoir était le premier juillet 198 1. L'attaque du réacteur Tammuz 1 fut programmée le 7 juin 1981, pendant la période d'essais de démarrage de Tammuz 2. I1 fut également décidé que les avions bombardiers arriveraient par l'ouest à la tombée de la nuit. Ainsi, les gardes irakiens qui commandaient les batteries antiaériennes déposées autour du site furent éblouis par le soleil couchant et ne purent contre-attaquer efficacement. Toutes les précautions n'ont pas été prises par les autorités françaises qui se déresponsabilisèrent en s'appuyant sur le mode de fonctionnement de I'AIEA, au lieu d'agir dans le cadre d'une politique stricte de lutte contre la prolifération nucléaire. Les mesures correctives improvisées en chemin, à savoir l'offre du combustible à caramels et l'insertion dans les programmes de démarrage du test de c pré-irradiation témoignent d'une prise de conscience tardive du danger réel d'un tel marché. Ce qui précède démontre que cette vente n'aurait jamais dû étre conclue et ce, quelles que soient les mesures préventives prises comme l'engagement formel de l'Irak à ne pas utiliser l'installation pour la production de plutonium, le renforcement du contrôle international ou encore la permanence de la présence française pendant plusieurs années sur site. En réalité, l'avantage commercial a prévalu sur le risque encouru. Puisse cette expérience inciter les décideurs de ce monde à placer, au premier plan dans leur action, les considérations d'ordre écologique, éthique et humanitaire. ((
)>
Le devenir de notre planète en dépend.
LE DÉMANTÈLEMENT DES ARMES NUCLÉAIRES
L
a fin de la guerre froide a conduit à la nécessité de démanteler un surplus d’armes nucléaires contenant environ 50 tonnes de plutonium militaire côté USA et à peu près autant côté ex-URSS. L’Académie des sciences américaine a formellement mis en garde contre l’existence d’un danger sérieux pour la sécurité mondiale dans l’accumulation d’une telle quantité de plutonium. Or, bien que des moyens d’élimination de ce radioélément existent et soient d’ores et déjà disponibles, la décision de les mettre en œuvre n’a toujours pas été prise par le gouvernement américain. Les risques encourus sont de 2 sortes : + Réutilisation du plutonium dans une arme (rappelons que 6 kg de plutonium 239 suffisent à la confection d’une bombe A). + Prolifération par détournement au niveau des états ou détournement d’origine terroriste. Pour combattre ces risques, trois options sont envisageables : + Immobilisation du plutonium par vitrification avec ou sans produits de fission. Entre ces deux solutions, la vitrification avec produits de fission semble être la seule pertinente vis-à-vis de la non-prolifération nucléaire. Cependant, du fait de l’insuffisance des connaissances actuelles sur la possibilité d’inclure de grandes quantités de plutonium dans le verre, sa maîtrise technologique requiert une dizaine d’années d’effort en recherche et développement. + Enfouissement du plutonium en profondeur (3 à 5 km) sans retraitement préalable. Cette solution pose des problèmes évidents de choix du site et de procédures d’autorisation. + Recyclage du plutonium dans les réacteurs à eau légère du parc américain sous forme de combustible MOX(I). Le combustible MOX sera traité au chapitre 10, II Les réacteurs nucléaires au service de l’environnement I1 s’agit simplement d’évoquer ici la faisabilité d’un réacteur à eau légère américain chargé en combustible MOX contenant du plutonium militaire. (1)
1).
198
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
On considère par hypothèse que l’objectif de non-prolifération sera atteint lorsque le plutonium militaire (M-Pu) sera dégradé en pile jusqu’à une composition isotopique voisine du plutonium contenu dans le combustible usé des réacteurs classiques à eau légère (R-Pu) (voir Tab. 9.1). Tableau 9.1. Composition isotopique du plutonium militaire et du plutonium contenu dans le combustible usé d’un PWR.
Isotope
YO
M-Pu
R-Pu
0,05
198
93,60
58,3
5,90
22,7
0,40
12,2
0,05
5,o
M-Pu: Plutoniuin militaire ; R-Pu : Plutonium du combustible usé d’un REP.
L’OPTIONMOX AUX ÉTATS-UNIS L’objectif fixé par les autorités américaines consiste, si cette option est retenue, à dkmarrer le chargement en pile dans les 10 ans et à achever le programme dans les 25 ans. La durée du recyclage sera donc d’environ 115 ans. Si l’obstacle politique est surmontable, encore faut-il démontrer la viabilité technique de cette option. Pour cela, deux conditions doivent être réunies : + savoir fabriquer le combustible MOX à partir du plutonium militaire en surplus (M-MOX) ; + démontrer que les réacteurs à eau américains peuvent charger du combustible M-MOX.
Fabrication du combustible MOX Les États-Unis commencèrent à mettre au point des technologies d’utilisation du plutonium à l’échelle industrielle il y a plus de 30 ans (premier recyclage du plutonium à Hanford en 1956). Mais en 1976, le Président Carter décréta u n moratoire sur la question
199
LE DÉMANTELEMENT DES ARMES NUCLEAIRES
nucléaire qui eut pour conséquence l’interdiction de poursuivre aux États-Unis la commercialisation des technologies de retraitement et de recyclage d u combustible usé. En conséquence, il n’existe pas aujourd‘hui d’installation disponible pour la fabrication d u MOX alors que ce pays fut longtemps précurseur dans ce domaine. Les Américains doivent donc : + Soit construire par eux-mêmes leur propre usine de fabrication de MOX. Alors, du plutonium proliférant sera stocké de façon peu sûre pendant au moins 5 ans, le temps que l’usine devienne opérationnelle. La politique du Président Carter aura conduit a u résultat inverse de l’objectif qu’elle s’était initialement fixée : les États-Unis auront en souffrance s u r leur territoire u n stock de 50 tonnes de plutonium propre pour ne pas avoir voulu développer 20 a n s plus tôt la technologie visant précisément à le fabriquer par voie de retraitement.
+
Soit procéder à u n transfert de technologie. L a France, notamment par l’intermédiaire de la Cogema, est particulièrement bien placée sur ce marché, grâce à son expérience significative dans la fabrication d u combustible MOX (usine Melox) et, plus généralement, d u fait de sa maîtrise industrielle de l’ensemble d u cycle d u combustible : enrichissement, fabrication, retraitement, recyclage, stockage. En faisant appel à l’étranger pour acquérir une technologie dont ils auraient perdu le leadership, les États-Unis signeraient l’échec de la politique nucléaire de M. Carter, ce qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la politique française d’abandon de Superphénix : l’arrêt de Superphénix entraînera la perte du savoir-faire français dans la technologie de la surgénération. Aussi, lorsque celle-ci deviendra incontournable, d’ici à 50 ans, la France sera-t-elle contrainte de se tourner vers l’étranger (voir Chap. 10, Superphénix sur la sellette D). ((
Capacité des réacteurs à eau américains à charger le combustible MOX fabriqué à partir du plutonium militaire Les études menées par Westinghouse et General Electric démontrent la faisabilité des réacteurs PWR et BWR d u parc américain à charger u n cœur dont tous les assemblages seraient moxés avec du plutonium d’origine militaire s a n s modification significative de la conception. Cela s’explique principalement par le fait que le plutonium militaire, débarrassé des isotopes L4OPu et 2 4 2 P u , est
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
200
moins absorbant que le plutonium dégradé du combustible usé et possède in fine u n comportement proche du combustible UOa. Rien n’oblige bien entendu à utiliser u n cœur 100 YOmoxé(”).Les paramètres que l’on peut ajuster en fonction des objectifs visés sont le pourcentage de plutonium dans le MOX, le pourcentage de MOX dans le cœur et le burn-up(3). Par exemple, le bum-up optimal sera choisi entre les deux extremes suivants : + Burn-up court juste suffisant pour dégrader le plutonium jusqu’au niveau du combustible usé des réacteurs classiques à l’oxyde d’uranium. Cette option privilégie l’aspect non-proliférant de la campagne (BU voisin de 30 O00 MWj/t). + Bum-up long pour exploiter le contenu énergétique du plutonium militaire. Cette option privilégie l’aspect économique de l’opération (BU supérieur à 40 O00 MWj/t). Rappelons A ce sujet qu’un gramme de plutonium équivaut énergétiquement à une tonne de pétrole. Ainsi, si l’on se focalise sur l’aspect non-proliférant combiné avec la volonté d’éliminer rapidement le plutonium militaire, on choisira une configuration de cœur chargé à 100 Y en MOX (on dit “moxé” à 100 YO)avec u n bum-up de 30 O00 MWj/t. Dans ces conditions, il suffira de 3 réacteurs de 1200 MWe pour écouler 50 tonnes de plutonium militaire en 15 ans (en comparaison, il faudrait 12 rkacteurs de 1200 MWe pour écouler en 15 ans ces mêmes 50 tonnes avec u n cœur chargé à 30 YOen MOX). En revanche, si l’on se focalise sur le seul aspect économique, on choisira une configuration de cœur 100 YOmoxé avec un bum-up de 44 O 0 0 MWj/t : l’intérêt économique du MOX s’accroît en effet avec le taux d’irradiation. En outre, pour des raisons de simplification de la fabrication des crayons combustibles, l’avantage économique augmente avec la standardisation des crayons, donnant donc l’avantage au chargement 100 YO moxé (pourcentage en Pu unique dans l’oxyde mixte) par rapport au chargement d’un pourcentage moindre en MOX (par exemple 3 pourcentages différents en Pu dans l’oxyde mixte U02/PuOa des réacteurs français moxés à 30 YO(voir Chap. 10, Les réacteurs nucléaires a u service de l’environnement et Fig. 10.8). ((
))
( 2 ) Les cœurs des réacteurs français qui utilisent du combustible MOX contiennent 30 YOd’assemblages au plutonium. ( 3 ) Rappel: Burn-up (BU) est synonyme de taux de combustion et de combustion massique (voir définitions en annexe A3).
LE DEMANTELEMENT DES ARMES NUCLÉAIRES
201
AVANTAGES DE L’OPTION MOX L’option MOX présente par rapport aux options d’immobilisation et d’enfouissement des avantages significatifs aux plans économique et écologique.
Sur le plan économique, notons l’évidence que la valorisation du plutonium militaire en tant que combustible permet de produire de l’électricité. Le calcul montre que le stock disponible de 50 tonnes de plutonium militaire fournirait en pile 350 térawatts x heure, c’està-dire approximativement l’équivalent de la production annuelle nette d’électricité nucléaire de la France ! En outre, le MOX fabriqué à partir du plutonium militaire a un coût comparable à celui du combustible U02, étant donné la disponibilité immédiate de la matière première. Cet avantage concurrentiel augmente, comme nous l’avons mentionné en début de chapitre (voir l’option MOX aux États-Unis .), avec le niveau de standardisation et avec le burn-up. Quant aux matières premières, le recyclage de 50 tonnes de plutonium militaire permet d’économiser 1O O00 tonnes d’uranium et 5 millions d’UTS(4) extraits et produits en moins, ou encore 50 millions de tonnes de pétrole, ou encore 75 millions de tonnes de charbon. ((
Sur le plan écologique, le recyclage du plutonium militaire offre également des avantages tangibles. La moitié du plutonium initial disparaît par combustion à l’issue d’un seul recyclage. Le recyclage du plutonium militaire entraîne également une dénaturation isotopique du plutonium résiduel qui perd de facto sa qualité militaire. En outre, le produit final, très radioactif, peut être immobilisé par vitrification sans ajout de substances polluantes. Enfin, il n’y a pas création d’un surplus de déchets radioactifs à stocker : l’assemblage MOX irradié remplace l’assemblage U 0 2 qu’il aurait fallu produire pour générer la même quantité d’énergie.
(4) UTS : unité de travail de séparation. Cette unité sert à mesurer la production d’une usine d’enrichissement de l’uranium. I1 faut environ 100 O00 UTS pour fournir le combustible nécessaire au fonctionnement pendant un an d’un réacteur de 900 MWe.
L’ATOMEECOLOGIQUE
202
L’ÉLIMINATION DU PLUTONIUM MILITAIRE DANS LA FÉDÉRATION DE RUSSIE La Fédération de Russie est très favorable à l’élimination du plutonium milit aire en pile. Aussi, les moyens préconisés sont-ils similaires à ceux de l’option MOX américaine. Plus précisément, il est prévu, à court terme, d’utiliser le plutonium issu du démantèlement des armes russes sous forme de combustible MCiX dans les réacteurs russes existants BN 600 (option MOX-RNR) et VVER 320 (1000 MWe, option MOX-REP). On prévoit aussi la construction en Russie d’un atelier de fabrication de MOX à partir de ce plutonium. La capacité de cet atelier, appelé Tomox 1300, serait de 1300 kg de plutonium par an, ce qui correspond à l’alimentation du réacteur BN 600(5) (environ 1 tonne de MOX par an) et de 4 réacteurs W E R 320 (environ 29 tonnes de MOX par an) [13]. À moyen terme, différents scénarios d’utilisation d’autres réacteurs sont etudiés, comme par exemple les nouveaux réacteurs BN 800 et WER 640 qui chargeraient des cœurs 100 % moxés. La Fédération de Russie est soutenue dans cette entreprise par de nombreux pays ‘dont les États-Unis, l’Allemagne et la France. L’objectif est d’aider à démanteler d’abord une partie des têtes stratégiques existantes pour en réduire le nombre à environ 6000, conformément à l’accord START 1 conclu en 1991 entre Moscou et Washington. Ce chiffre devrait ensuite être ramené à 3500 d’ici à 2003, selon l’accord START 2 signé en 1993 mais non encore ratifié par le parlement de la Fédération de Russie. Est-ce que cette opération d’élimination du plutonium militaire sera menée à son terme sans encombre ? Rien n’est moins sûr car dans ce pays où règne une certaine confusion, on nte peut malheureusement pas exclure qu’une partie de cet armement fasse l’objet d’opérations commerciales clandestines. À l’évidence, cette hypothèse constitue aujourd’hui pour la planète le principal danger généré par l’activité nucléaire. Observons néanmoins que son origine est militaire et non civile. Le débat associé à l’attitude de notre société face à la militarisation sort donc stricto sensu du cadre de cet ouvrage.
(5) BN600: RNR riisse de 560 MWe (Beloyarsk-3, MSI en 11/1981, exploitant Rosenergoa).
Quatrième partie
APPROCHE POLITICO= ÉCONOMIQUE
Tout ce qui est nécessaire n’est pas hasardeux
Paul de Gondi
LA PROBLÉMATIQUE NUCLÉAIRE LA CRISE PÉTROLIÈRE
DE 1973 ET SES
CONSÉQUENCES La consommation d'énergie en France a suivi une évolution irrégulière depuis ces 20 dernières années, principalement à cause des 2 chocs pétroliers de 1973 et 1979 et du contrechoc de 1986. le' choc pétrolier
2e choc pétrolier
Contrechoc pétrolier
(1973)
(1979)
(1986)
4
$/baril
4 40 -
30 20
-
10
I
1960
1970
1980
I
1990
Figure 1O. 1. Évolution de la transactionpétrolière de 1960 à 1990.
Jusqu'à 1973, les structures des pays industrialisés étaient fondées sur une énergie peu coûteuse. En particulier, les besoins en pétrole de ces pays, qui bénéficiaient d'une croissance rapide, étaient satisfaits grâce à un approvisionnement concentré a u Moyen-Orient. Parmi les différentes sources d'énergie, la part du pétrole ne cessa alors de s'accroître, de sorte qu'en 1973, le pétrole, qui était importé en France à 90 %, représentait environ 60 % de la consommation nationale d'énergie. C'est dans ce contexte que survint en 1973 la première crise pétrolière qui fit subitement quadrupler le prix du pétrole (voir Fig. 10.1). Devant la situation de totale dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de pétrole, les pays consommateurs réagirent
206
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
en menant une politique rigoureuse d'économie d'énergie et de développement d'énergies de substitution. L'État français décida d'accélérer le programme électro-nucléaire, qui avait démarré dans les années 50 avec la filière UNGG, en faisant massivement appel à la technologie PWR d'origine Westinghouse. L'objectif visé était d'économiser sur l'importation de pétrole et d'accroître l'indépendance énergétique de la France vis-à-vis des pays du Moyen-Orient politiquement instables. Ainsi, la part du nucléaire dans la production française d'électricité passa de 3 % en 1970 à 60 % en 1985, à 75 O/O en 1990 et enfin à 76 %O en 1996. La figure 10.2 représente l'évolution de la production d'électricité, exprimée en TWh, depuis 1970, par type de centrales (nucléaire, thermique classique (charbon, fuel, gaz) et hydraulique).
A
-
Mh 472
400
300 359 TWh (76 "A)
200
1 O0
A-""" -.-8*
k ,
#
Hydraulique
70
80
i
1 i
76 TWh (16 Ys)
O 90
1996
Figure 10.2. Production nette d'électricité en France, par type de centrale.
On observe que la production d'électricité est en croissance constante. Par ailleurs, l'énergie hydraulique, qui représente une contribution stable d'environ 60 TWh/ an, s'est principalement développée dans les années 50 grâce à la construction de barrages hydro-électriques. Entre 1960 et 1980, les centrales thermiques prirent le relais puis déclinèrent à partir de 1977, date de mise en service de la première centrale électronucléaire française de type REP 900 MWe.
207
LAPROBLÉMATIQUE NUCLÉAIRE
LE NUCLÉAIRECONTROVERSÉ Depuis 1973, le ralentissement économique, s'ajoutant aux efforts d'économie d'énergie, a eu pour conséquence une diminution de la croissance de la demande d'énergie. D'une manière générale, les prévisions des économistes, qui indiquaient au début des années 70 une accélération de la consommation en énergie au cours des décennies à venir, furent par la suite constamment révisées à la baisse (voir Fig. 10.3). Gtep
a 10
P
13
.,9/13I 3
-
7
5 -
5
2 Année
1970
1980
1990
2000
Figure 10.3. Prévisions de la demande d'énergie dans l'OCDE en milliards de tonnes d'équivalent-pétrole (Gtep).
En outre, il s'est produit en 1986 un effondrement des cours du pétrole (voir Fig. 10.1). Ce contrechoc pétrolier a résulté de l'incapacité de l'OPEP à conserver la maîtrise du marché comptetenu de l'importance grandissante du marché libre de Rotterdam (marché spot D). Aujourd'hui, le prix très bas des hydrocarbures a enlevé à la solution nucléaire une partie de son avantage concurrentiel. Dans ce contexte, l'épuisement des réserves d'uranium n'est plus à redouter avant le long terme et la justification économique de la surgénération n'est plus d'actualité alors que, comme on le verra plus loin, sa justification technique reste entière. Le programme nucléaire a été en conséquence réduit progressivement, le rythme des commandes de réacteurs ayant ((
((
))
L'ATOMEECOLOGIQUE
208
atteint son apogée en 1977 où 8 tranches nucléaires furent engagées dans l'année (IS tranches 900 MWe, 2 tranches 1300 MWe et Superphénix). Le rythme des commandes passa ensuite à 1 tranche par an en 1985 puis 1 tranche tous les 2 ans en 1988. À l'échelle mondiale, l'importance prise par l'énergie nucléaire dans la production d'électricité ne progresse plus depuis 1990 (17 %). L a capacité électronucléaire mondiale devait atteindre, selon les prévisions des économistes, a u moins 1300 GWe en 1990 et 3600 GWe en 2000. Le relais progressif des filières à eau légère par les surgénérateurs devait commencer a u cours de cette décennie pour faire face à l'épuisement des ressources d'uranium. La réalité fut, nous le savons, nettement en deçà des prévisions. Si le nucléaire est bien présent dans certains pays comme la Lituanie, la France, la Belgique ou la Suède (voir Fig. 10.4), la capacité mondiale existante n'est que de 325 GWe (soit 4 fois moins que les prévisions) en 1990 et n'atteindra que 430 GWe en l'an 2000. Du coup, le développement technologique du surgénérateur est partout arrêté ou relégué à l'état de veille, mis à part le Japon qui investit aujourd'hui fortement dans cette voie (voir dans ce chapitre, L'électro-nucléaire à l'étranger D) . ((
50 Lituanie France Belgique Slovaquie Slovénie Hongrie Suède Corée du Sud Suisse Bulgarie Espagne Taiwan Ukraine Finlande Japon AIIernagne Rép. Tchèque Royaume-Uni Etats-Unis Canada Argentine Russie
Figure 10.4. La part du nucléaire dans la production nationale d'électricité en 1993.
En outre, la technologie nucléaire s'est heurtée à une crise d'acceptation sociale, dans les pays industrialisés où l'opinion
209
LA PROELEMATIQUENUCLÉAIRE
publique jouit d’un pouvoir fort (les États-Unis et l’Allemagne en tête), à cause principalement des accidents spectaculaires de TMI et Tchernobyl et des problèmes de sécurité qu’ils ont forcément posés (voir Chap. 6).
A-T-ONENCORE BESOIN DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ? Hypothèse 1 : la France avec le nucléaire La politique nucléaire a permis à la France d’assurer un taux d’autosuffisance en énergie (rapport production / consommation) de l’ordre de 47 YO en 1990, contre 20 YO en 1973, ce qui la positionne en bonne place parmi ses voisins de l’Union Européenne (voir Tab. 10.1). Tableau 10.1. Taux d’indépendance énergétique des pays de l’Union Européenne (production I consommation d’énergie primaire).
%
1973
1990
2005
Royaume-Uni
49,2
98
83,5
Pays-Bas
90,7
90,6
98,4
Danemark
1,5
54,l
52,s
Allemagne
50,7
52
31,3
France
20,5
47,3
42
Grèce
18,5
39,s
33,s
Espagne
21,s
35,5
24,5
Irlande
15,3
32,l
7
Belgique
14
26,3
21,2
Italie
16,7
16,5
16,4
Portugal
19,4
12,8
6,1
0
038
099
38,s
53,5
42,2
Luxembourg CEE
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
21O
Notons que la France reste néanmoins très dépendante de l'extérieur pour les matières premières nécessaires à sa production d'énergie. En 1991, ses principaux fournisseurs ont été, pour le pétrole, l'Arabie saoudite (27 YOau total) et, pour le gaz naturel, l'ex-URSS (34 YOau total) et l'Algérie (31 YO). Le développement accéléré de l'industrie nucléaire, qui a valu à la politique menée d'être qualifiée de tout-nucléaire n, a entraîné un suréquipement N en production d'électricité pour les seuls besoins nationaux. Par ailleurs, le réseau électrique européen, fortement interconnecté, permet aux pays voisins de s'échanger mutuellement du courant électrique en fonction de leurs besoins ponctuels en cours d année. I1 en résulte que la France, qui était importatrice d'électricité entre 1975 et 1980, a pu devenir exportatrice à partir de 1981 grâce à son programme nucléaire, le bilan exportations moins s'élevant à + 63,4 milliards de kWh en 1994, importations procurant à la France u n revenu de 16 milliards de francs (voir Tab. 10.2). ((
((
((
))
Tableau 10.2. Exportation française nette d'électricité en 1994.
10
Italie Royaume-Uni Allemagne Suisse Bénélux
20 __ ..____._ [i. TWh F
m -b b
F
En France, l'électricité nucléaire devient plus rentable que les autres sources d'énergie électrique (le charbon en tête) à partir de 4000 heures d'exploitation par an, soit au-delà d'une disponibilité de 45 YO (la disponibilité du parc nucléaire français est, rappelons-le, supérieure à 80 YOdepuis 1993). Aussi, les pays limitrophes trouvent-ils avantage à importer l'électricité française qui est nettement moins chère que dans la plupart des autres pays. Le coût du kWh électrique est la somme des coûts d'investissement, d'exploitation et de combustible. En ce qui concerne l'énergie nucléaire, le coût d'investissement intègre les
21 1
LAPROBLÉMATIQUENUCLÉAIRE
dépenses de recherche, les frais de construction et les provisions pour le retraitement, le démantèlement et le stockage. Les coûts du kWh électrique d’origine nucléaire et charbonnière sont détaillés sur la figure 10.5. On observe que c’est le faible coût du combustible qui donne l’avantage à la première solution sur la deuxième. m$/KWhe
39,6 -
C
C : combustible E : exploitation I : investissement
24,7
C
E I
Nucléaire
E
I
Charbon
Figure 10.5. Coûts du kWh nucléaire et du kWh charbon en France (1990).
Remarque : Les chiffres donnés ci-dessus remontent à l’année 1990.
Cependant, des études récentes, notamment du ministère de l’Industrie, s u r les coûts de référence d u kWh démontrent que le nucléaire reste aujourd’hui le moyen le plus compétitif pour la production d’électricité. Plus précisément, le nucléaire demeure compétitif face a u gaz et a u charbon pour une production en base, dans la très grande majorité des hypothèses envisagées (prix futur des énergies primaires, taux de change d u dollar, taux d’actualisation, ...), le coût du nucléaire étant par ailleurs très stable dans tous les scénarios. De plus, l’étude d u ministère de l’Industrie indique que l’intérêt économique d u nucléaire repose en particulier s u r la possibilité d’engager u n nombre suffisant de tranches à une cadence régulière. À titre d’illustration, l’écart de coût entre u n programme de 10 tranches et u n programme réduit à 4 tranches a été estimé à environ 2 m$/kWhe(l). (I)
m$/kWhe : millidollar par kilowatt heure électrique.
L'ATOMEECOLOGIQUE
212
En outre, l'exportation de l'électricité française renforce la stabilité du réseau électrique européen et contribue à la lutte contre la pollution par effet de serre et pluies acides (voir plus loin, Les réacteurs nucléaires a u service de l'environnement v ) . Enfin, le prix actuel du pétrole ne doit pas être considéré comme une constante immuable et le monde n'est pas à l'abri d'une nouvelle flambée. ((
Pour s'assurer la pérennité des approvisionnements en combustible à u n prix acceptable, la France s'est dotée d'une indépendance en matière d'uranium qui s'appuie sur :
+
une répartition géographique très diversifiée des sources d'approvisionnement en uranium (France, Gabon, Niger, Namibie, États-Unis, Canada, Australie, ...) auxquelles la France a accès et qui représentent au total plus du cinquième de la production mondiale ; ainsi, l'apparition d'une OPEP de l'uranium est peu probable ; l'existence de réserves mondiales estimées en minerai, qui couvrent le court et moyen terme ; une politique de retraitement du combustible usé, qui permet de recycler le plutonium et l'uranium non consommé. L'énergie récupérée du retraitement d u n e tonne de combustible usé est égale à plus de 20 O00 tonnes d'équivalent-pétrole (TEP)(2)f ((
+ +
))
Hypothèse 2 : la France sans le nucléaire En l'absence d'industrie nucléaire, la France aurait vraisemblablement privilégié son industrie charbonnière. L'économie d'investissement par rapport à l'électro-nucléaire aurait permis un prix du kWh charbon inférieur au kWh nucléaire jusqu'en 1984 mais lui serait actuellement supérieur de 15 % environ. Échaudés par le prix élevé de l'électricité, les industriels se seraient tournés vers le fuel et le g a z , aggravant notre dépendance énergétique vis-ii-vis de l'étranger. Les particuliers, quant à eux, se seraient moins chauffés par l'électricité. ( z ) On ramène les différentes sources d'énergie électrique (pétrole, charbon, gaz, uranium, eau, ...) à la même unité de référence afin de les comparer entre elles. Les quantités des différentes matières premières seront considérées comme équivalentes énergétiquement lorsque leur consommation produira la même quantité d'électricité. On utilise souvent comme unité de référence la TEP (Tonne Équivalent Pétrole) ou la TEC (Tonne Équivalent Charbon). On obtient alors : 1000 kWhe =0,333 TEC = 0,222 TEP, ou encore : 1 TEP = 1,5 TEC = 4500 kWhe.
213
LA PROBLÉMATIQUENUCLÉAIRE
Enfin, les émissions de gaz à ((effet de serre et à pluies acides auraient crû de 60 % à cause des centrales au charbon, ce qui aurait valu à la France de devenir, au grand dam des écologistes, l’un des pays les plus pollueurs de la planète. Pour les raisons exposées dans ce paragraphe, l’électro-nucléaire standard (REP) doit continuer dans l’immédiat à se développer en fonction de l’évolution de la demande d‘électricité et de la nécessité de remplacer les réacteurs atteints par la limite d’âge, en attendant, comme nous allons le voir dans le prochain paragraphe, le relais par les surgénérateurs. ))
((
))
SUPERPHÉNIX SUR LA SELLETTE Superphénix a été lancé en 1977, à une époque où l’on prévoyait une pénurie d’uranium d’ici à la fin du siècle. L’intérêt des surgénérateurs par rapport aux REP découle de leur rendement très élevé, qui se traduit par une utilisation moindre de l’uranium pour produire la même quantité d’électricité. Comme l’uranium est aujourd’hui abondant et que son prix est très bas, l’argument tombe de fait, d’où la disgrâce que connaît cette filière. Par ailleurs, l’expérience d’exploitation de Superphénix a été ponctuée à ses débuts d’incidents techniques (voir Chap. 5, Sûreté du RNR ))) qui ont entamé la confiance du public dans le niveau de sécurité du réacteur et ont gonflé la facture jusqu’à atteindre une valeur que d’aucuns jugent excessive. Cependant, il a été montré au chapitre 5 que Superphénix possède un niveau de sûreté très satisfaisant et que son fonctionnement ne génère aucun risque significatif, même si une confiance excessive a été accordée à l’origine dans l’extrapolation technologique due à l’effet de taille en passant sans transition de Phénix (250 MWe) à Superphénix (1200 MWe). Des groupes de pression politiques, antinucléaires inconditionnels, se sont focalisés depuis toujours sur Superphénix, cherchant d’abord à empêcher sa construction, puis à en obtenir son arrêt définitif ; la surgénération représentant une réponse à long terme aux besoins en électricité grâce à une meilleure utilisation de la matière première, les antinucléaires ont pris Superphénix pour cible afin de limiter l’électronucléaire dans le temps pour mieux le combattre. L’entrée au gouvernement de ces opposants a conduit à la décision d’abandonner Superphénix, confirmée par le Premier Ministre dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997. ((
L’ATOME ECOLOGIQUE
214
Les argume:nts invoqués pour justifier cet abandon ne sont pas clairs. À l’origine, il s’agissait se s’opposer au risque de dissémination du plutonium à l’instar du gouvernement Américain de 1976. Ensuite, c’est la sûreté du réacteur qui a été incriminée, en pratiquant volontairement l’amalgame entre plutonium et bombe atomique. Aujourd‘hui., ces arguments sont abandonnés puisque plus personne n’y croit, pas même les habitants des communes proches de la centrale qui se battent pour que le réacteur redémarre. Des arguments financiers ont été également avancés, mais avec timidité car, comme nous le verrons plus loin, ils sont facilement attaquables. En définitive, il semblerait que Superphénix ait été abandonné car jugé inutile du fait qu’il n’apportait pas de réponse satisfaisante au problème de Ii’élimination des produits de fission ! Cette justification du gouvernement, faite publiquement, ne paraît pas très convaincante et on peut critiquer une décision qui pourrait sembler être prise en réalité dans l’unique but d’honorer des engagements prk-électoraux entre partis politiques. L’enjeu est trop important car au-delà des aspects techniques et économiques se pose un problème de choix de société.
Aspects techniques En onze ans d’exploitation (1986-1997), Superphénix a connu deux problèmes techniques importants qui ont entraîné deux ans d’arrêt. Mais sur les neuf années restantes où il aurait pu fonctionner normalement, il a fallu attendre l’autorisation administrative de fonctionner pendant des périodes représentant en cumul quatre ans et demi. Au total, le réacteur n’a effectivement fonctionné que quatre ans et demi sur onze ans d’existence, mais pour des raisons plus administratives ‘que techniques, ce que ses détracteurs se gardent bien de préciser. Superphénix est, rappelons-le, un prototype et à ce titre il est normal qu’il se soit heurté à des difficultés. Les deux problèmes techniques importants rencontrés ont déjà été évoqués au Chapitre 5 (Sûreté du RNR) : + défaut de construction du barillet de stockage du combustible usé. II en a résulté un arrêt technique de Superphénix pendant 2 ans alors que ce défaut n’empêchait pas le réacteur de fonctionner en toute sécurité ;
215
+
LAPROBLEMATIQUENUCLÉAIRE
rentrée d’air dans le sodium. Le sodium a été purifié en six mois, mais il a fallu attendre quatre ans pour redémarrer car c’est à cette époque que l’on a dû recommencer l’enquête publique.
Les maladies infantiles du prototype Superphénix ont été éradiquées et ce dernier présente aujourd’hui une excellente disponibilité (voir Chap. 2, Le parc électronucléaire français N). I1 est donc pour le moins étrange que la décision d’abandonner Superphénix survienne au moment où il est en mesure de produire de l’électricité de façon rentable et après avoir engagé des dépenses lourdes visant précisément à le mettre en bon état de fonctionnement ! Outre sa vocation première d’unité de production électrique, Superphénix peut être utilisé comme outil de recherche. En ce sens, le décret du 11 juillet 1994, renouvelant l’autorisation de création par la NERSA du surgénérateur de Creys-Malville, assigna deux objectifs complémentaires : + démontrer la capacité d’un réacteur à neutrons rapides à produire de l’électricité au niveau industriel (fonctionnement en mode surgénérateur) ; + étudier ses possibilités de destruction des déchets à vie longue (fonctionnement en mode sous-générateur, voir Chap. 2 sur des principes du réacteur à neutrons rapides et plus loin dans ce Les réacteurs nucléaires au service de l’environchapitre nement ))). ((
((
Une commission présidée par le professeur Castaing a été constituée afin d’évaluer la capacité de Superphénix à fonctionner en outil de recherche. En ce qui concerne l’objectif no 2, la commission Castaing recommande que les expérimentations qui s’inscrivent dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991 (voir Chap. 7, ((Déchetsà forte activité et à vie longue ))) relative aux recherches à mener sur les déchets radioactifs à haute activité et à vie longue aient pour objectifs prioritaires l’acquisition, avant l’échéance 2006 fixée par cette loi, de connaissances indispensables pour établir la faisabilité d’un schéma de transmutation, connaissances qui ne pourraient pas être obtenues plus simplement et à moindre coût dans d’autres installations existantes )). I1 apparaît donc clairement que Superphénix a un rôle majeur à jouer en tant qu’outil de recherche sur la transmutation des actinides et, par voie de conséquence, en tant que contributeur à la réduction du volume des déchets destinés au stockage de longue durée. ((
216
L’ATOMEÉCOLOGIQUE
Aspects économiques La construction de Superphénix a coûté environ 26 milliards de francs (et non 60 milliards comme le prétend la Cour des comptes, qui intègre dans son calcul les coûts de fonctionnement (0’8 milliard par an) jusqu’à l’an 2000, les coûts du démantèlement (9 milliards de francs) et des charges financières (14 milliards de francs)). En outre, la France n’est concernée que par la moitié de ces frais, soit moins de 15 milliards, qui sont supportés en réalité non pas par l’État (et donc le contribuable) mais par EDF. L’exploitant national détient en effet seulement 51 % des parts dans le consortium européen NERSA propriétaire de Superphénix (voir Chap. 2, Le parc électronucléaire français .). ((
Si l’on fait le bilan économique de l’opération, le calcul est simple. Les frais ~d’investissement sont déjà payés et les frais d’exploitation seraient, si l’on redémarrait Superphénix, compensés par la valeur de .l’électricitéproduite. En revanche, l’arrêt de Superphénix provoque un désastre économique : + I1 va falloir supporter le coût d’un démantèlement prématuré et affronter le problème technologique inédit de l’élimination de 5000 tonnes de sodium (dont 3500 tonnes de sodium radioactif). + Le consortium européen NERSA a des contrats de fourniture d’électricité jusqu’en l’an 2000 et il sera nécessaire d’indemniser nos partenaires qui, par ailleurs, ont contribué pour moitié aux investissements. + Superphénix représente 1300 emplois à l’usine et plus de 3000 emplois induits. + La disparitioin de la rente nucléaire constituée par l’imposition d’EDF aux taxes professionnelle et foncière (voir plus loin dans ce chapitre, Les incidences économiques locales lors de l’implantation d’une centrale nucléaire ))) représente u n manque à gagner dommageable pour les 34 communes impactées. ((
))
((
Choix de société Malgré les oppositions enflammées des détracteurs et la décision prise d7abandonner Superphénix, le recours à la surgénération est inéluctable. En effet, les réserves d’uranium, si elles sont importantes, ne sont pas illimitées, et la question de l’approvisionnement à long terme se posera u n jour, d’où l’intérêt du surgénérateur qui, grâce à
217
LAPROBLÉMATIQUENUCLÉAIRE
une meilleure utilisation de l’uranium, multiplie par 60 son contenu énergétique.
Le surgénérateur fait passer l’électronucléaire d’une solution transitoire aux besoins en électricité à une solution définitive. Par rapport aux justifications du programme nucléaire mises en avant dans les années 70, la seule correction à apporter concerne le délai dont on dispose pour introduire la filière rapide : il y a 20 ans, on croyait le RNR rentable immédiatement. Aujourd‘hui, à la lumière du retour d’expérience de Superphénix et de l’évolution attendue des besoins en énergie, on dispose d’un laps de temps de 30 à 50 ans durant lequel des améliorations techniques devront être apportées et, probablement, la puissance nominale des RNR devra être réduite. I1 est bien entendu essentiel de maintenir le savoir-faire des équipes en place en assurant à Superphénix a minima une activité de veille, sans quoi la compétence nationale en la matière disparaîtra rapidement et la France retombera en position de dépendance vis-àvis de l’étranger (le Japon cette fois-ci) dans le courant du siècle prochain. ((
))
Tableau 10.3. Réserves d’énergie non renouvelables dans le monde (1991).
Combustible
Réserves prouvées récupérables
Production 1990
Durée de vie statiquecl)
Gtep
YO
Mtep
YO
an
Minéraux solides dont : houille autre
584 474 110
65,4 53,l 12,3
2781 2406 375
33,4 28,9 4,5
210 197 293
Gaz
108
12,l
1902
22,8
57
Pétrole conventionnel
137
15,3
3129
37,6
44
Schistes bitumineux
13
1,5
O
O
-
1
O, 1
20
02
-
50
5,6
498
6
1O 0
893
100
8330
100
107
Bitume naturel Uranium Total (1)
Durée de vie statique : ratio réserve sur production 1990.
218
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
L’abandon de Superphénix n’est pas une erreur mais une faute grave. C’est la deuxième dans l‘histoire du nucléaire civil en France, après la vente des réacteurs de recherche TAMMUZ à l’Irak en 1976 (voir Chap. 8). Lorsqu’un État est confronté à u n choix de nature technique ou économique, il se fait conseiller par un aréopage de techniciens ou d’économistes reconnus pour leur compétence et leur intégrité. Lorsque la question posée est liée à la nature de la société dans laquelle le pays souhaite vivre, une démocratie doit agir par voie démocratique directe, c’est-à-dire par référendum. C’est le cas de Superphénix car son abandon signifie le mépris des valeurs scieintifiques et techniques du pays, le manque d’intérêt pour le problème de l’élimination des déchets radioactifs à vie longue que nous léguerons en héritage aux générations futures et enfin l’indifférence devant 1,inévitable pénurie d’énergie que notre pays connaîtra a u sii:cle prochain (voir Tab. 10.3, OU l’on constate qu’à production con:stante, les réserves d’énergie non renouvelables prouvées récupérables seront épuisées avant la fin du siècle prochain).
LESRÉACTEURS NUCLÉAIRESAU SERVICE DE L’ENVIRONNEMENT Le réacteur rapide sous-générateur Le réacteur rapide, qui fonctionne normalement en mode surgénérateur, permet de recycler l’uranium appauvri et le plutonium provenant du combustible usé des centrales REP (voir Fig. 10.6). Moyennant quelques adaptations (suppression des couvertures fertiles), le réacteur rapide peut également fonctionner en mode sous-générateur (voir Chap. 2 , Principe du réacteur à neutrons rapides .). L‘avantage d’ece mode de fonctionnement est double. D’une part, il n’y a pas, contrairement au surgénérateur, inflation de production de plutonium. D’autre part, les transuraniens à vie longue (principalement le neptunium, l’américium et le curium), sont transformés sous irradiation en déchets de vie plus courte. C’est le processus d’incinération des déchets générés par la fission nucléaire. Des études sont menées actuellement pour évaluer l’ampleur des modifications à apporter à la conception de Superphénix pour le convertir en incinérateur. ((
219
LA PROBLÉMATIQUENUCLÉAIRE
plutonium
Stockage déchets
uranium appauvri (0,2%)
uranium enrichi (3 %) Enrichissement
Fabrication du combustible pour RNR
Fabricationdu combustible pour REP
1 Figure 10.6. Recyclage du plutonium et de l'uranium appauvri dans un réacteur rapide.
Cependant cette fonction d'incinération aura une efficacité limitée et ne pourra à elle seule détruire l'ensemble des déchets transuraniens produits par le parc de centrales nucléaires existantes.
Effet de serre et pollution atmosphérique Les pays industrialisés sont aujourd'hui très préoccupés par l'((effet de serre et le réchauffement consécutif de la planète qui pourrait, à terme, provoquer des modifications climatiques préjudiciables à l'équilibre de notre écosystème (désertification, inondation, ...). Selon certains experts, ce réchauffement serait de 1,5 à 4,5 "C d'ici 2090 et provoquerait une élévation du niveau des mers de 1 à 1,5 mm par an principalement du fait de l'expansion thermique des masses océaniques [ 141. Cet effet est provoqué par l'accumulation dans l'atmosphère de certains gaz qui laissent passer les rayonnements solaires incidents ))
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
220
mais absorbent les rayons infrarouges renvoyés par la surface de la terre (voir Fig. 10.7). L’effet de serre existe naturellement d u fait de l’existence de l’atmosphère ( s a n s atmosphère, la température moyenne annuelle à la surface de la terre serait de - 18 “C au lieu des + 15 “C dont nous disposons), mais il peut être amplifié par l’addition d’un effet de serre anthropique provoqué par la pollution née de l’activité humaine.
Rayons solaires
Atmosphère chiargée en gaz à effet tie serre
Terre
Figure I O . 7. Principe de l’effet de serre.
Les gaz responsables de l’effet de serre anthropique sont principalement le dioxyde de carbone ( C O L ) ,le méthane (CH4) et l’ozone qui est fabriqué dans les couches basses de l’atmosphère à partir du dioxyde d’azote. 80 YO d u dioxyde de carbone et 50 YO d u dioxyde d’azote présents dans l’atmosphère proviennent de la combustion des matières premières fossiles (gaz, fuel et charbon). Outre l’éléviition de température, l’ozone, le dioxyde d’azote auxquels il faut ajouter le dioxyde de soufre ( S O L )provoquent une pollution atmosphérique nuisible aux populations exposées. Les effets cons tatés (études expérimentales et épidémiologiques) sont, selon certains auteurs [ 151, principalement une hyper-réactivité bronchique et une initiation de phénomènes inflammatoires. Plus précisément, les gaz polluants ont une action irritante sur la muqueuse des voies aériennes et obéissent à une relation dose-effet. O n a pu par exemple observer une prévalence plus élevée des crises ( 3 ) Alors que l’ozone stratosphérique protège la biosphère en absorbant les rayonnements ultraviolets, l’ozone de basse troposphère, qui nous occupe ici, est un gaz polluant.
221
LA PROEILÉMATIQUE NUCLEAIRE
d’asthme dans des régions de forte pollution et une augmentation de l’incidence des crises au cours de pics de pollution, surtout chez l’enfant [ 161. Par ailleurs, l’exposition continue aux polluants aériens augmente la prévalence des bronchites chroniques. Aux fortes doses, on peut craindre une augmentation de la sensibilité aux infections respiratoires par altération du système de défense des yoies aériennes mais aux doses plus classiques, les données actuelles ne permettent pas d’établir clairement le rôle des polluants atmosphériques comme facteur de risque pour les infections respiratoires [ 151. Si le parc électronucléaire français avait été remplacé par des centrales thermiques, la pollution aurait été sensiblement plus alarmante puisqu’une telle substitution aurait provoqué annuellement u n rejet supplémentaire à l’atmosphère de 380 millions de tonnes de dioxyde de carbone, 2 millions de tonnes de soufre, 1 million de tonnes de dioxyde d’azote ainsi que ... 78 O00 tonnes de poussière ! Au niveau européen, les bénéfices en terme de limitation des émissions de CO2 obtenus grâce aux 145 centrales nucléaires en fonctionnement représentent l’équivalent du retrait de 200 millions de voitures par an de la circulation. Notons que des trois combustibles fossiles, le gaz est le moins polluant car il dégage 30 % de CO2 de moins que le fuel et 60 % de COL de moins que le charbon par combustion (voir Tab. 10.4). Le combustible nucléaire, ne rejetant quant à lui que de la vapeur d’eau, est incontestablement le combustible le plus propre D. ((
En Suède, pays nucléarisé à 50 %O en 1996, les écologistes ont intégré ces éléments : En 1989, à la suite de 1’«onde de choc provoquée par la catastrophe de Tchernobyl, ce pays décide d’abandonner progressivement la production d’électricité nucléaire conformément aux résultats du référendum de 1980(4). En conséquence, les premières décisions ont été prises en ce sens début 1997 par le gouvernement suédois qui a programmé la fermeture de la centrale de Barseback (2 réacteurs à eau bouillante de 600 MWe) : Ire tranche le 1 / 7 / 9 8 et 2 e tranche en 2001. Opposés à cette décision jugée purement politique, le groupement des écologistes pour l’énergie nucléaire (MIX) s’élève contre une propagande antinucléaire complètement irréaliste et considère qu’abandonner l’électronucléaire serait une faute historique pour l’environnement et pour l’économie. L’avenir du ))
((
))
(4) 60 VO de la population s’était alors exprimée pour la poursuite de l’exploitation des centrales installées sans toutefois en construire de nouvelles.
222
L'ATOME ÉCOLOGIQUE
nucléaire civil en Suède sera rediscuté à l'occasion des prochaines élections de septembre 1998. En France, grâce à la mise en œuvre de la politique nucléaire, les émissions de gaz carbonique à partir des centrales électriques ont diminué de 40 SO de 1980 à 1988, alors que dans le même temps, la consommation d'électricité augmentait de 50 %. Tableau 10.4 : Comparaison des déchets produits selon le type de centrale électrique.
Centrale
Charbon
Fuel
Gaz
Nucléaire
(REP) ~
_
_
_
_
Consommation moyenne/jour
6 300 t
4 400 t
4,4 Mm3
60 kg d'ü
Consommation annuelle
2,52 Mt
1,52 Mt
1,7 Gm3
22 t d'U
Rejet annuel de CO1 (Mt)
73
4,7
32
O
Rejet annuel de SOZ(t)
39 800
91 O 0 0
2650
O
Rejet annuel de NOZ (t)
9 450
6400
21 O00
O
Déchets annuels d'une centrale
- Cendre de foyer 69 O 0 0 t - Cendre volante 377 O 0 0 t
~
Total : 214 m3 dont forte activité : 3 m3
Hypothèses prises : puissance : 1000 MWe ; charge 75 YO(6600 heures de fonctionnement par an) ; production annuelle : 6600 GWh).
Tableau 10.5. Production de gaz carbonique par habitant dans les pays de l'OCDE (1990).
Pays
Tonne/ habitant
États-Unis
20
Allemagne
11
Royaume-Uni
10
Japon
9
France
6
223
LAPROBLÉMATIQUE NUCLÉAIRE
En conséquence, l'exploitation de l'électricité nucléaire, associée aux mesures simultanées d'économie d'énergie, ont permis d'obtenir la production de gaz carbonique par habitant et par année la plus faible de tous les pays industrialisés (voir Tab. 10.5). À l'échelle planétaire, le taux de gaz carbonique rejeté à l'atmosphère est de 6 Gt/an, soit 1,l tonne par habitant et par année. Les experts considèrent qu'il faudrait le réduire de 60 % pour maintenir le niveau de pollution actuel au début du siècle prochain. I1 est clair que le nucléaire ne fera pas à lui seul disparaître les gaz polluants de l'atmosphère, ne serait-ce que parce que l'industrie n'est pas la seule responsable de leur existence, bien que sa contribution soit importante comme nous venons de le voir. I1 s'avère en effet que la moitié des sources actuelles de méthane est imputable aux activités agricoles. Par ailleurs, la destruction des forêts est également responsable de la présence excessive de gaz carbonique dans l'atmosphère. Enfin, on connaît l'importance du trafic automobile dans la pollution atmosphérique des zones urbanisées. Les gaz incriminés sont principalement le dioxyde de carbone, le dioxyde d'azote et l'ozone formé dans le cycle photolytique du dioxyde d'azote : UV
NOL O+
0 2
+
NO+O
+
O3
os+NO -+
NO2 +
0 2 .
On déduit des réactions ci-dessus que la formation d'ozone est favorisée par un rayonnement ultraviolet intense (bon ensoleillement) et un taux élevé de dioxyde d'azote (trafic automobile dense). En revanche, des taux élevés de monoxyde d'azote diminuent la concentration d'ozone. Des solutions non polluantes autres que le nucléaire existent pour produire l'électricité, les principales étant les énergies hydraulique, éolienne, géothermique et solaire (appelées énergies renouvelables). Un dosage harmonieux doit être réalisé à partir des différentes sources d'énergie disponibles. Ainsi, si le nucléaire ne doit pas être la solution unique aux besoins énergétiques, il est néanmoins appelé à jouer u n rôle déterminant pendant encore de nombreuses décennies pour faire face à la demande d'électricité tout en assurant l'indépendance énergétique nationale, la réduction des coûts de production d'électricité et en contribuant efficacement à la sauvegarde de l'environnement.
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
224
Le combustible MOX Le combustible MOX (Mixte oxyde) est un combustible d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium (U02-PuOz)qui provient généralement du retraitement du combustible usé en pile(5). I1 est destiné à remplacer progressivement une partie du combustible à uranium enrichi utilisé actuellement dans la filière REP. D u point de vue neutronique, le plutonium 239 se différencie de l’uranium 235 d’une part par sa forte absorption dans le domaine thermique et d’autre part par u n nombre moindre de neutrons retardés émis lors d’une fission. En outre, le plutonium 240, présent pour 5’9 YO dans le plutonium militaire mais pour 23 % dans le plutonium issu du combustible usé d’un REP, possède une section efficace d’absorption beaucoup plus importante que l’uranium 238 dans le domaine thermique (plus d’un facteur 100 étant donné la grande résonance à 1 eV du plutonium 240 qui amplifie la différence). En conséquence, l’introduction d’assemblages au plutonium dans des recharges combustibles entraîne les principaux effets de physique du cœur suivants : + La cohabitation d’assemblages d’uranium et de plutonium d’absorptions différentes provoque des pics de puissance en périphérie des assemblages moxés, d’où la nécessité d’un zonage en enrichissement des assemblages au plutonium (voir Fig. 10.8). Ce zonage en teneurs différentes de plutonium ( 3 zones en pratique, faible teneur à la périphérie de l’assemblage moxé et forte teneur au centre) suppose la mise en œuvre de plusieurs types de crqyons dans l’usine de fabrication et une assurance de la qualité garantissant le bon chargement de ces crayons dans les squelettes. Bien entendu, il n’y a pas de zonage dans u n cœur 100 YOMOX, d’où un gain en coût de fabrication et en sécurité. + La plus grande absorption par le plutonium entraîne une baisse de l’efficacité des absorbants, c’est-à-dire des grappes de commande et du bore soluble. A prion, il faut augmenter le nombre de systèmes de barres de commande ei:/ou augmenter l’efficacité des grappes existantes en modifiant leur nature chimique (par exemple passage de l’argent-
(7 Le plutonium peut également provenir du démantèlement des armes nucléaires comme nous l’avons ‘vu au chapitre 9.
225
LAPROBLÉMATIQUE NUCLÉAIRE
indium-cadmium au B4C enrichi en bore lO(6)). En cas d’augmentation d u nombre de grappes, il aura fallu qu’à la conception le couvercle de cuve disposât de passages pour les mécanismes des grappes supplémentaires.
Zone 1 : 64 crayons de plus faible teneur en plutonium Zone 2 : 1 O0 crayons de teneur intermédiaire en plutonium Zone 3 : 1O 0 crayons de plus forte teneur en plutonium
X
:
tubes guides et d‘instrumentation
Figure 10.8. Zonage d’un assemblage au plutonium dans un cœur de REP à chargement mixte.
+
+
(MO8
L’évolution de la réactivité est plus plate au cours d u cycle. La section efficace d’absorption dans le domaine thermique est beaucoup plus importante pour le plutonium 240 que pour l’uranium 238 et la concentration en plutonium 240 augmente a u cours du cycle dans l’assemblage â uranium alors qu’elle diminue dans l’assemblage moxé (jouant ainsi le rôle d’un poison consommable). La fluence cuve est plus élevée à gestion de cœur identique car le spectre de flux est plus dur. Cependant, en reconfigurant le cœur, on peut ramener cette fluence a u même niveau qu’un cœur chargé en uranium et par conséquent ne pas affecter la longévité de la cuve (voir Fig. 10.9).
(“) Le bore naturel contient 2 isotopes, le ] O B ( I 8 %) et le “B (82 %). Le bore 10, qui a une section efficace de capture neutronique très élevée dans le domaine thermique (4017 barns), donne du Lithium 7 par réaction (n, a ) .
226
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
En conclusion, les réacteurs à eau légère peuvent, sous réserve de modifications mineures de la conception, charger un combustible fabriqué avec du plutonium issu soit du combustible usé des REP, soit du démantèblement des armes nucléaires (voir Chap. 9).
[XI
Assemblage MOX
Figure 10.9. Répartition des assemblages au plutonium (MOX) dans un REP chargé à 30 % en MOX.
L'avantage économique d'une telle solution est triple : L'utilisation du plutonium en tant que combustible permet d'économiser le prix élevé de l'enrichissement de l'uranium. Ce combustible permet la réduction des stocks de plutonium, tant civil que militaire, considérés autrement comme déchets nucléaires, en attendant l'avènement de la filière RNR. La solution MOX génère une économie importante de matière première. EDF a commencé à utiliser partiellement le combustible MOX dans quelques REP. À la fin de l'année 1997, EDF aura chargé 600 assemblages MOX en pile et accumulé une expérience du MOX de 50 années x réacteurs. Le parc français comprendra alors 14 réacteurs moxés.
LA PROBLÉMATIQUE NUCLÉAIRE
227
LESINCIDENCES ÉCONOMIQUES LOCALES DE L'IMPLANTATION D'UNE CENTRALE NUCLÉAIRE Impact en période de construction Des milliers de postes sont créés, notamment par recrutement local. En outre, la participation des entreprises régionales à la fourniture et au montage de matériels peut se réaliser, soit au niveau des marchés passés directement avec EDF, soit au niveau de la sous-traitance auprès d'entreprises titulaires de marché. Néanmoins, la part revenant aux entreprises locales est relativement limitée du fait de la spécificité et de la haute technicité de la plupart des équipements et des travaux qui ne peuvent être confiés qu'à des entreprises d'envergure nationale. Enfin, pendant la durée des travaux, les collectivités perçoivent la taxe professionnelle acquittée par les constructeurs.
Impact en période d'exploitation Plusieurs centaines d'agents d'exploitation travaillent dans la centrale, dont 10 à 15 % sont embauchés sur place. Par ailleurs, à compter de la mise en service de la centrale électronucléaire, c'est EDF qui est imposé à la taxe professionnelle en tant qu'entreprise exploitante. Les communes impactées par l'implantation d'une centrale nucléaire bénéficient également d'avantages substantiels comme, par exemple, la réduction du prix du kWh pour leurs administrés. Ces mesures recueillent la satisfaction des communes concernées de sorte que ces dernières sont généralement favorables à l'augmentation du nombre de tranches nucléaires de leurs sites déjà existants. D'une manière générale, on constate curieusement que l'opposition au nucléaire est inversement proportionnelle à la proximité géographique d'une centrale ( CJ les manifestations pronucléaires de Creys-Malville provoquées par la décision d7abandonnerSuperphénix). I1 en résulte, au plan national, une concentration des réacteurs nucléaires sur les sites existants, aux dépens des régions non équipées (la Bretagne par exemple), ce qui provoque u n déséquilibre dans le réseau de distribution électrique national .
228
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
L'ÉLECTRO-NUCLÉAIREÀ L'ÉTRANGER Les États-Unis Tabou depuis l'accident de TMI, l'électronucléaire bénéficie depuis peu aux États-Unis d u n regain d'intérét de la part des industriels et d'une remontée perceptible de la confiance du public. Mais la reprise est largement tributaire de la volonté politique et des mesures qui seront prises pour résoudre deux problèmes majeurs, l'un technique et l'autre administratif, à savoir : + les déchets radioactifs, + la simplification des procédures réglementaires. de la consommation Actuellement, aux États-Unis, 90 OO/ d'énergie est couverte par les énergies fossiles. La guerre du Golfe a conduit l'Amérique à redécouvrir sa très forte dépendance pétrolière (42 YOdes besoins sont couverts par les produits pétroliers importés). Les trois premiers fournisseurs américains de centrales nucléaires sont Westinghouse (PWR), General Electric (BWR) et Combustion Engineering (PWR). Le parc amkricain totalise 109 réacteurs nucléaires en fonctionnement ( 2 / 3 PWR et 1 / 3 BWR) accumulant une puissance installée de 104,7 GWe, soit près de 2 fois la puissance installée française. Dans ce pays où l'opinion publique pèse d'un poids déterminant dans les décisions politiques, l'accident de TMI en 1979 stoppa le développement de l'industrie électronucléaire : depuis 18 ans, aucune commande n'a été enregistrée et 105 commandes purement et simplement annulées. Le poids du nucléaire dans la production d'électricité américaine reste assez faible (année 199 1) : Charbon : Nucléaire : Hydro-électrique : Fuel :
55 Yo 2 1 o/o 9% 5 Yo
ce qui place les ÉStats-Unis loin derrière les top 5 (voir Fig. 10.4). Contrairement au cas de la France, le coût du kWh nucléaire aux États-Unis est plus élevé que celui du kWh charbon (+ 9 % en 1990), comme l'indique la figure 10.10. ((
))
LA PROBLEMATIQUE NUCLÉAIRE
229 m$/KWhe
C : combustible 38,7
354
E : exploitation I : investissement
C
E
I
Nucléaire
Charbon
Figure 10.10. Coût du kWh nucléaire et du kWh charbon aux États-Unis (1990).
La faible rentabilité de l'électricité nucléaire découle du coût excessif des postes Investissement et Exploitation. Cela s'explique, comme nous le verrons plus loin, par la lourdeur des procédures administratives et par l'absence de standardisation du parc. Par ailleurs, les réacteurs, prévus pour fonctionner une trentaine d'années (la durée de vie limite de conception est de 40 ans), vieillissent et devront bientôt être remplacés. Selon les estimations du Département de l'Énergie (DOE), la demande électrique devrait passer de 700 G W / a n aujourd'hui à 950 GW/an en 2020. Il serait donc nécessaire de construire l'équivalent d'une fois et demi le parc actuel, pour maintenir la part du nucléaire à 20 % vers les années 2020. L'incroyable gisement de réserves fossiles des États-Unis notamment en gaz et en charbon peuvent toujours intervenir pour satisfaire aux besoins futurs. En outre, le DOE prévoit de dégager 15 milliards de dollars pour la recherche et le développement d'énergies renouvelables (solaire, éolien et géothermique) et d'alléger la pression fiscale pour les investissements dans l'énergie solaire et géothermique. Cependant, le recours accru a u charbon risque d'étre contesté par l'opinion publique à cause des gaz polluants qu'il génère (voir Chap. 10, Effet de serre et pollution atmosphérique n). La solution gaz peut s'avérer risquée à long terme pour les exploitants très sensibles aux variations des cours du marché. ((
L'ATOMEÉCOLOGIQUE
230
Le nucléaire, quant à lui, semble mieux placé. Mais il reste à régler les deux problèmes suivants déjà évoqués.
Le sort des déchets nucléaires Depuis 40 ans les déchets civils se sont accumulés sans subir de retraitement à cause de l'impératif de non-dissémination qui a conduit à écarter les procédés existants, tous fondés sur la séparation du p1.utonium (loi Carter de 1976). En l'absencle de véritables sites de stockage, les industriels en sont réduits à stocker les combustibles irradiés à proximité de leurs centrales. Quelles solutions envisager ? Pour les déchets à haute activité, le DOE coopère avec la France et la Grande-Bretagn'e pour la construction d'usines de vitrification dans les centres militaires de Savannah River et de Hanford. En outre, le site de Yucca Mountain (Nevada) a été sélectionné pour le stockage en profondeur de 70 O00 tonnes de déchets. Mais dans le meilleur des cas, le site ne sera pas opérationnel avant 2010. En attendant, il est question de construire un site de stockage à sec, en surface, mais le projet piétine ...
Des procédures paralysantes Depuis TMI, la DiRC revoit progressivement sa réglementation afin de simplifier et accélérer la procédure de construction et de démarrage des centrales, en grande partie responsable des nombreuses annulations de c:ommandes (voir Chap. 4, Organisation de la sûreté aux États-Unis D). ((
Trois mesures furent notamment introduites par la NRC en 1992 dans u n esprit simplificateur : + La Design Certification est délivrée aux concepteurs de centrales nucléaires afin de certifier, dans u n document consignant les détails techniques nécessaires sur les systèmes et composants liés à la sûreté, que la conception de la centrale est achevée en respectant tous les critères réglementaires requis. Une fois la conception certifiée par la NRC, les électriciens peuvent commander une centrale en sachant que les problèmes de sûreté et de conception ont été résolus. Des 3 réacteurs avancés à eau légère dont la conception a été soumise récemment à la NRC, les deux plus grands, le Système 80+ de Combustion Engineering et 1'ABWR de General Electric, ((
))
231
LAPROBLÉMATIQUENUCLÉAIRE
tous deux d'une puissance de 1350 MWe, ont d'ores et déjà reçu la Final Design Approval de la NRC. Le Early Site Permit permet à u n producteur d'électricité d'obtenir l'autorisation précoce d'un site. Le One Step Licensing repose sur le principe d'une seule autorisation combinée pour la construction et l'exploitation d'un réacteur, alors que deux permis distincts sont nécessaires aujourd'hui. ))
+
+
((
((
))
))
Ces mesures doivent permettre de réduire à environ 6 années les délais nécessaires à la mise en service d'un réacteur, au lieu de 14 années aujourd'hui. Une autre difficulté rencontrée par l'industrie nucléaire américaine provient du fait qu'aucun réacteur du parc fédéral ne ressemble à son voisin. Chaque modèle a été réalisé sur mesure par le fournisseur à la demande de l'exploitant (l'((Utility n). Cette individualisation pénalisante tant sur la technique que sur le prix de revient, est en grande partie responsable de l'augmentation de 35 YO des charges de maintenance, d'exploitation et de contrôle des centrales, observée entre 1985 et 1990. Un effort important de standardisation du parc nucléaire doit donc être entrepris. ((
))
Quels réacteurs y aura-t-il à l'avenir aux États-Unis ? Deux conceptions s'affrontent : + Les réacteurs de type évolutionnaires issus des modèles actuels de 1300 MWe. Ils seraient simplifiés et dotés de mécanismes de sûreté améliorés. C'est la piste sur laquelle semblent aujourd'hui s'engager les industriels. + Les réacteurs intrinsèquement sûrs, plus petits (600 MWe), conçus avec des systèmes à sûreté passive (voir Chap. 4, Sûreté intrinsèque ))). Cette conception, si elle satisfait l'Administration et l'opinion publique, ne convainc pas à ce jour les exploitants soucieux de la Sûreté disponibilité de leurs installations (voir Chap. 4, intrinsèque n). ((
))
((
((
I1 faudra attendre encore plusieurs années avant que la situation ne se décante.
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
232
Le Japon Le Japon s’est lancé dès la fin des années 1960 dans l’aventure électronucléaire avec u n succès certain. Ainsi, le plus ancien réacteur électronucléaire japonais, Tokai, a franchi en été 1996 le cap des 30 années de fonctionnement, avec l’excellent taux de disponibilité de 80 YO. I1 est le premier d’une série de 51 tranches, qui fournissent aujourd’hui a u pays une puissance de 40 GWe, soit le tiers de l’électricité nippone consommée. Les réacteurs sont la propriété d’une dizaine de compagnies (Hokkaido Electric Power, Tohoku, Tepco, Japco, Hokuriku, Chubu, Kansai, Chugoku, Shikoku et Kiushu). L’industrie nucléaire japonaise doit affronter à l’intérieur du pays une concurrence féroce : les centrales a u gaz à cycle combiné améliorent sans tresse leur rendement et le charbon est actuellement à très bas prix. En conséquence, les exploitants nucléaires sont condamnés à réduire le coût de leur électricité. Pour ce faire, il est prévu de diminuer la durée des arrêts programmés pour le rechargement, d’allonger la duree du cycle (13 mois actuellement) et de prolonger la durée de vie des centrales jusqu’à 60 ans(7) moyennant d’importants travaux de maintenance préventive (remplacement des générateurs de vapeur et des couvercles de cuves). L’objectif du ministère japonais du Commerce International et de l’Industrie (MITI) porte sur la capacité de production nucléaire de 70 GWe installés en 2010, soit près du double des disponibilités actuelles. Pour respecter ce programme très ambitieux, le MITI compte sur les 28 réacteurs actuellement en commande ou en projet (voir Tab. 10.6). Depuis 20 arts, le département de recherche et de développement nucléaire du Japon avance à grand pas, sous la houlette d’un gouvernement soucieux d’atténuer la dépendance énergétique du pays et d’acquérir la maîtrise du cycle complet du combustible. I1 a l’appui de l’opinion publique qui considère majoritairement (65 YO) que le pays a besoin d’une industrie électronucléaire forte. En 1989, les Japonais ont consacré à la R & D l’équivalent de 12 milliards de fi-ancs provenant à parts égales du secteur public et des industries privées, soit près de 3 fois plus que les 4,3 milliards de francs dépensés la même année par la France (voir Tab. 10.7), la (7) Tous les composants d’une centrale nucléaire peuvent être remplacés sauf la cuve du réacteur dont la durée est de 60 ans. C’est donc la durée de vie de la cuve qui dimensionne la durée de vie de la centrale.
LA PROBLEMATIQUE NUCLEAIRE
233
priorité étant donnée a u développement des réacteurs nucléaires et aux techniques d’enrichissement de l’uranium : + Les réacteurs nucléaires mobilisent près des deux tiers de la R & D japonaise, dont 1,4 milliards de francs consacrés aux réacteurs rapides en 1989 (contre 350 millions de francs dans l’Hexagone la même année). Tableau 10.6. Évolution du parc nucléaire japonais jusqu’à 2010 (au 1/1/97).
Filière Nom de l’unité
Puissance MWe
1- Unités installées 28 BWR 1 HWLWR 1 UNGG 23 PWR 1 RNR
2- Unités en construction BWR ONAGAWA-3
796
3- Unités en commande BWR Maki- 1 Higashi Toh- 1
796 1067
MSI
Filière Nom de l’unité
4- Unités en projet BWR Namie Odaka- 1 Ashihama- 1 Fukushima 1-7 Hamahoka-5 Fukushima 1-8 Ohma Shika-2 Kaminoseki-1 Higashi Toh-2 2002 Higashi Tep-1 Shimane-3 Ashihama-2 Higashi Tep-2 Kaminoseki-2 PWR 2o08 Tsuruga-3 2005 Mihama-4 Tsuruga-4 Oura- 1 APWR Kumihama-1 Ohi-5 Oura-2 APWR Kumahama-2 Ohi-6 Tomar-3 Ku b okawa Hihgawa- 1
RNR Tokai-3
Puissance MWe
MSI
825 1350 1356 1350 1356 1383 1358 1350 1356 1356 1100 1350 1356 1350
2004 2004 2004 2004 2005 2005 2006 2006 2006 2006 2006 2007 2007 2010
1420 1200 1420 1350 1200 1200 1350 1200 1200 900 1275 1275
2005 2006 2006 2007 2007 2007 2008 2008 2008 2008 2010 2010
800
201 1
Le Japon a démarré au début 1993 le surgénérateur prototype de Monju (280 MWe), l’équivalent de Phénix (mise en service industriel en 1974). Son fonctionnement est aujourd’hui interrompu à la suite d’une fuite de sodium intervenue en 1995
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
+
234
et aucun c:alendrier n’est précisé pour son redémarrage. Cependant, la Commission de l’énergie atomique, organe gouvernemen.ta1,a approuvé la poursuite du programme. L‘accent est également mis sur l’enrichissement de l’uranium où aucune piste n’est négligée : O centrifugation de conception nouvelle (matériau composite) ; 0 procédé chimique ; 0 technique par laser (procédé SILVA de séparation isotopique par laser de la vapeur atomique d’uranium).
Actuellement, le retard du Japon sur la France en matière de réacteurs rapides est évalué à une dizaine d’années. I1 sera vite comblé, étant donné les moyens mis en œuvre, si le gel de notre programme RNR perdure. La conséquence serait alors, ironie du sort, l’obligation pour la France de faire appel à la technologie RNR du Japon au siècle prochain. Tableau 10.7. Comparaison des budgets de R & D électronucléaire en 1989 (MF) entre la France et le Japon.
-I France
Japon
Réacteurs
2 100
7 200
Cycle du conibustible
1520
3 200
720
1146
4 340
11 600
M F (1989)
Sûreté
Total
La Chine Le nucléaire est. nécessaire dans l’équilibre énergétique mondial. L’exemple de l’Asie en général, nouveau centre de gravité de l’activité nucléaire mondiale, et de la Chine en particulier, en est une parfaite illustration. La production chinoise actuelle d’électricité ne satisfait pas aux besoins du pays, d’autant que la Chine s’est engagée dans u n ambitieux programme d’électrification afin d’aider au développement de son économie et d’accroître le niveau de vie de sa population. En particulier, les régions développées du Sud-Est côtier, dont les besoins en électricité s’accroissent rapidement, connaissent une
235
LA PROBLEMATIQUE NUCLÉAIRE
pénurie d’énergie qui ne peut être résorbée sans le recours massif à l’énergie nucléaire et ce, pour deux raisons principales : + Les sources de matières premières sont éloignées des zones de consommation. Or, contrairement à l’uranium, le combustible fossile doit être livré au fur et à mesure des besoins d’où une pression importante sur le réseau de transport. Par exemple en 1994, la région Est, dont la production d’énergie ne représentait que 28 % de l’ensemble du pays, a consommé 46 % de la production énergétique totale de la Chine. Globalement, le volume du transport de la houille produite par le Shanxi, le Shaanxi et la Mongolie intérieure vers les provinces pauvres en énergie représente 43 % du volume total des marchandises transportées par chemin de fer. + La consommation excessive de charbon a gravement pollué l’environnement des mégalopoles chinoises telles que les municipalités de Beijing, Shanghai et Tianjin ou la région de Guangdong (la Chine se classe déjà a u troisième rang mondial après les États-Unis et l’ex-URSS pour son taux d’oxyde de soufre dégagé dans l’atmosphère). En conséquence, la Chine est devenue le pays a u programme nucléaire le plus ambitieux de la planète puisque, dotée actuellement d’un parc de trois unités de production (Daya Bay 1 et 2 et Qinshan 1), elle envisage la mise en service industriel (MSI) de 24 nouveaux réacteurs d’ici à l’an 2010(8) (voir Tab. 10.8). Alors que les réacteurs de Daya Bay 1 et 2 (province de Guangdong) furent construits par la France (Framatome), celui de Qinshan 1 a été réalisé de façon autonome par les chinois avec des équipements importés. L a Chine diversifie la nature et la provenance de ses filières électronucléaires dans le but, semble-t-il, de se forger une opinion critique en prévision des futures commandes, puisqu’elle a en construction ou en commande : + 2 REP d’origine française (Lingao 1 et 2, 2 x 900 MWe) + 2 REP d’origine domestique (Qinshan II 1 et 2, 2 x 575 MWe) + 2 CANDU d’origine canadienne (Qinshan III 1 et 2, 2 x 700 MWe) + 2 WER d’origine russe (Liaoning 1 et 2, 2 x 1000 MWe). Actuellement, l’industrie chinoise est en mesure de fabriquer ses propres équipements, bien que des maillons faibles subsistent dans le processus de fabrication, notamment en ce qui concerne la (8) Le charbon restera cependant le combustible dominant au début du siècle prochain avec une contribution de 80 O?‘ à la production électrique nationale.
236
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
conformité aux normes d’Assurance de la Qualité et les méthodes de gestion de la production. Tableau 10.8. Évolution du parc nucléaire chinois jusqu’en 2010 (au 1/1/97). Filière Nom de l’unité
Puissance MWe
MSI
Filière Nom de l’unité
1- Unités installées
4. Unités en projet
PWR
PWR
Daya Bay-1 Guangdong Daya Bay-2 Guangdong Qinshan I
930
1994
930 280
1994 1994
575
2002
2. Unités en construction PWR Qinshan II- 1 3- Unités en commande
PHWR (CANDU) Qinshan III- 1 Qinshan 111-2
650 650
2003 2004
900 575 900
2002 2003 2003
950 950
2005 2006
PWR Lingao- 1 Qinshan 11-2 Lingao-2
Hainan- 1 Shankan- 1 Shandong- 1 Shandong-2 Lingao-3 Yangjiang-l Shankan-2 Lingao-4 Sanmen- 1 Yangjiang-2 Jinjiang- 1 Sanmen-2 Jinjiang-2 Jiangsu- 1 Jiangsu-2 Y angyiang-3 Shandong-3 Yangjiang-4 Shandong-4 RNR
Puissance MWe
MSI
300 1 O00 1000 1O00 900 1000 1O00 900 1O00 1O00 600 1O00
2004 2004 2004 2005 2006 2006 2006 2007 2007 2008 2008 2009 2010 2010 2010
600 1000 1O 0 0 1O00 1O00 1O00 1O00
20
2003
Ch-Rapide
WER Liaoning-1 Liaoning-2
Enfin, La Chine est dotée d’importantes réserves d’uranium naturel(9) qui la rendent autonome pour plusieurs décennies. Afin de prolonger cette autonomie dans le très long terme, u n programme de développement de la filière rapide est engagé dont la (9) La valeur de ces réserves n’est pas disponible en ce qui concerne la Chine. Elle devrait représenter plusieurs centaines de milliers de tonnes. I1 s’agit des ressources raisonnablement assurées (RRA) récupérables à moins de 80 $/kg d’uranium et non des réserves spéculatives, trois fois plus importantes au plan mondial. Citons pour mémoire les réserves connues de quelques pays du monde à économie de marché (MEM) exprimées en milliers de tonnes d’uranium naturel : Australie 462, Canada 277, États-Unis 114, Niger 159, France 20.
237
LA PROBLÉMATIQUENUCLÉAIRE
première étape sera la mise en service industriel d’un surgénérateur prototype de 20 MWe en 2003.
QUELLESSONT LES CHANCES D’UNE REPRISE MONDIALE ? Récapitulons les arguments en faveur d’une embellie prochaine de l’industrie électronucléaire à l’échelle mondiale : + la vulnérabilité des approvisionnements pétroliers mondiaux ; + l’accélération de la consommation d’énergie liée à la démographie et à une reprise économique attendue ; + le vieillissement du parc nucléaire ; + la volonté de limiter les émissions de gaz polluants et à effet de serre. Ces arguments suffiront-t-ils à garantir la reprise ? Dans les pays en voie de développement, la réponse est non étant donné le manque de moyens financiers (il n’est d’ailleurs pas souhaitable pour l’instant que l’industrie nucléaire se développe dans les pays pauvres où la sûreté, du fait de son surcoût, risque d’être insuffisamment prise en compte). Dans les pays de l’Est, les projets futurs sont ralentis à cause de la rareté des capitaux et de la nécessité prioritaire de conformer le parc existant aux normes occidentales de sécurité (voir Chap. 6, Onze ans après Tchernobyl ))). ((
Dans les pays occidentaux, ce sont les réponses aux interrogations sur la sûreté des installations et le stockage de longue durée des déchets de forte activité qui seront déterminantes. En ce qui concerne la sûreté des installations, la tendance actuelle est de évolutionnaire qui consiste à s’orienter vers la conception améliorer les produits existants, plutôt que de changer radicalement de conception (conception révolutionnaire D). En France, 1’EPR (European Pressurized Water Reactor) développé conjointement avec l’Allemagne est un projet de type évolutionnaire. Les améliorations envisagées concernent principalement la sûreté, notamment une meilleure prise en compte des accidents graves (fusion du cœur) en renforçant les systèmes de confinement. On cherche également des systèmes plus simples et plus transparents aux erreurs humaines ainsi que des combustibles optimisés (augmentation du taux de combustion, recyclage du ((
((
))
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
238
plutonium (combustible MOX), ...). L’EPR devrait logiquement inaugurer la prochaine génération de réacteurs nucléaires en France. Une décision sera prise au début du siècle prochain en perspective du renouvellement du parc français à l’horizon 2015. La plupart des autres grands constructeurs tels que Siemens, Westinghouse, Mitsubishi, ... ont des projets similaires. Évoquons pour mémoire l’existence d’un projet de type révolutionnaire : l’amplificateur d’énergie (AE) conçu par le professeur Carlo Rubbia et son équipe. Fonctionnant au thorium et non à l’uranium, ce système hybride est fondé sur l’association d’un réacteur nucléaire et d’un accélérateur de particules. Sa conception devrait offrir un niveau élevé de sûreté passive et permettre la réduction de la radiotoxicité des déchets à vie longue. Sa faisabilité est en cours d’étude. Étant donné la conjoncture actuelle d’abondance en matière de production d’énergie, ce concept est surtout étudié pour sa contribution à l’élimination des déchets nucléaires, conformément au premier axe de la loi du 30/ 12/91 (voir Chap. 7, Déchets à forte activité et à vie longue n). ((
Pour que les investissements électronucléaires redécollent, il faudra réunir deux conciitions fondamentales à leur développement : + une forte implication politico-économique des États ; + la reconquête de la confiance de l’opinion publique.
Conclusion
QUEL AVENIR POUR L’ATOME ÉCOLOGIQUE ?
Ma foi !Sur /‘avenir bien fou 9ui se fiera : tel qui r i t vendredi, dimanche pleurera. Jean Racine (Les plaideurs)
L
e lecteur aura compris, je le pense, que je suis raisonnablement et dont inconditionnellement favorable a u développement du nucléaire. Les raisons, précisément, de ce choix sont techniques (i’espère avoir suffisamment bien explicité les atouts et rassuré sur les faiblesses mineures de cette technologie) économiques (même raisonnement à court et moyen terme) et humaines. C’est aussi sur ce dernier point que j’aimerais insister. Le nucléaire, à mes yeux, favorise absolument l’amélioration du niveau de vie et des capacités de développement de notre société, tout en respectant l’environnement. Voilà pourquoi j’affirme être un écologiste convaincu. C’est parce que je suis écologiste que je défends ardemment le nucléaire civil. L’écologie peut se définir par un postulat et une règle. Le postulat c’est que la nature est au service de l‘homme et non l’inverse, afin de permettre l’épanouissement de la société humaine. La règle, c’est que l’action de l‘homme doit s’inscrire en harmonie avec la nature, c’està-dire en respectant et protégeant l’environnement. On déduit de cette définition 2 conditions sine qua non à remplir, qui sont d’une part la défense de l’environnement et d’autre part l’épanouissement de l’homme.
DÉFENSE DE L’ENVIRONNEMENT Si une action de l’homme consiste à imiter la nature, alors cette action est en harmonie avec elle. C’est le cas du nucléaire civil : + La radioactivité artificielle est exactement de même nature que la radioactivité naturelle (voir Chapitre 3 , Particules émises n). Le plutonium, par exemple, a une période radioactive de ((
242
L’ATOME ÉCOLOGIQUE
+
24 O 0 0 ans. I1 a par conséquent existé dans u n passé lointain mais a disparu du fait de sa courte période. Le plutonium était donc u n radioélément naturel à l’époque où il existait dans la nature, mais il est devenu un radioélément artificiel lorsqu’une fois disparu naturellement, l’homme le fabriqua par lui-même. Mais artificiel ou naturel, il s’agit du même plutonium et des mêmes radiations. La nature n’a pas attendu l‘homme pour produire de l’énergie par la fission et pour stocker des déchets en profondeur. Le site d’Oklo en témoigne (voir Chap, 3 , Le réacteur fossile d’Oklo ))). La construction de réacteurs nucléaires et de sites de stockage géologique sont donc des actions respectueuses de la nature. ((
L’énergie nucléaire est par ailleurs l’énergie la plus propre vis-àvis de l’effet de serre et de la pollution atmosphérique (voir Chap. 10, Les réacteurs nucléaires a u service de l’environnement n). Nous avons vu notamment que remplacer le parc nucléaire européen par u n parc de centrales à combustible fossile reviendrait au plan de la pollution atmosphérique à injecter 200 millions de voitures supplémentaires dans le réseau routier. ((
ÉPANOIJISSEMENT DE L’HOMME L’homme ne peut s’épanouir que si son action favorise le développement de la société dans laquelle il vit, sans mettre en danger sa propre existence. L’électricité est nécessaire au développement de la société. Malheureusement, les réserves d’énergie renouvelables (eau, vent, soleil, terre) sont nettement insuffisantes, dans l’état actuel des connaissances, pour répondre à la demande. Les réserves de matières premières non renouvelables quant à elles vont s’épuiser rapidement : Les réserves prouvées récupérables sont d’environ 200 a n s pour le charbon, 50 ans pour le gaz et le pétrole. Au total, cela donne 100 ans, soit 300 a n s en réserves spéculatives. Le plutonium est une manne que la nature met à la disposition de l‘homme puisque 1 gramme de plutonium équivaut énergétiquement à une tonne de pétrole. Ainsi, grâce au recours au surgénérateur producteur de plutonium, les réserves de matière première deviennent quasiment inépuisables. En outre, le concept de recyclage (cycle fermé) est écologique car il permet de récupérer la matière première qui n’aura pas été consommée tout en réduisant le volume des déchets à éliminer.
243
CONCLUSION
L’écologie anti-nucléaire, quant à elle, n’est pas cohérente : elle combat les centrales à combustible fossile génératrices de g a z polluants et à effet de serre (voir Chap. 10 Les réacteurs nucléaires a u service de l’environnement ))). En outre, elle s’oppose par définition à l’électronucléaire. Au total, elle prive l‘homme des possibilités de produire l’électricité nécessaire à ses besoins, donc de s’épanouir en harmonie avec la nature. L’écologie anti-nucléaire est donc anti-écologique. Enfin, le point le plus sensible est sans conteste l’aspect sanitaire où tout et son contraire ont été dits. Nous avons abordé dans cet ouvrage les risques sanitaires de l’industrie nucléaire (radioprotection, sûreté, accidents). Nous reprendrons seulement quelques ordres de grandeur significatifs. Les doses autorisées par la réglementation sont extrêmement faibles. Par exemple la dose maximale admissible pour le public prise en compte dans les calculs d’incidents est de l’ordre de grandeur du rayonnement cosmique (voir Chap. 4, Approche déterministe D). À titre d’illustration, la dose maximale qu’aurait reçu lors de l’accident de Three Mile Island (l’accident le plus grave survenu sur le parc nucléaire mondial, Tchernobyl mis à part) un individu théorique situé en limite de site (à 500 mètres du bâtiment réacteur) et sous le vent de la centrale, a été évaluée à 1 mSv. Cela correspond à la dose annuelle que reçoit naturellement du simple fait du rayonnement cosmique un habitant d’un village situé à 1500 mètres d’altitude (un peu plus haut que Chamonix, beaucoup plus bas que Tignes !). En considérant le cas extrême, nous avons vu (Chap. 3, Radioprotection ))), que l’habitant d’Ukraine présent a u moment de l’explosion de Tchernobyl avait un risque de décéder d’un cancer égal à 25,5 % au lieu de 25 % en moyenne pour une population standard. Cela signifie que son espérance de vie n’est pratiquement pas affectée. Pour ce qui concerne les travailleurs en zones contrôlées des installations nucléaires, qui sont exposés à des doses nécessairement beaucoup plus faibles étant donné la réglementation en vigueur, le risque de cancer radioinduit est noyé dans le bruit de On ne pourra jamais savoir si u n fond des cancers naturels cancer constaté provient de la radioactivité dite artificielle, des rayons cosmiques, de la contamination naturelle du corps humain en potassium 40, en carbone 14 ou en tritium, de la consommation de tabac, d’alcool ou d’autres produits cancérigènes (à condition que les doses soient bien entendu homéopathiques, par exemple 2 cigarettes ou 4 verres de vin rouge par jour, sinon on saura que la cause probable du cancer constaté provient de la consommation ((
((
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L‘ATOME ECOLOGIQUE
244
abusive du produit cancérigène soupçonné), d k n e prédisposition génétique, ou d’a-utresorigines. Enfin, n’oublions pas que le risque nul n’existe pas et que toute activité humaine, quelle qu’elle soit, est plus risquée que l’activité nucléaire (voir Tab. 4.5) : l’automobile : 100 O00 fois plus risquée, la baignade : 10 000 fois plus, l’aviation : 3000 fois plus ... L’industrie nucléaire se situe au même niveau de risque que la chute d’une météorite !
Nous pouvons au terme de cet ouvrage dégager le portrait-robot de la solution la plus écologique pour produire l’électricité dont nous avons besoin. L’opportunité de sa mise en œuvre dépendra du contexte politico-êconomique du moment mais son recours sera inéluctable. Cette solution consiste en l’utilisation de centrales nucléaires à l’oxyde d’uranium et au MOX relayées dans le temps par les surgénérateurs (qui étendront à l’infini les réserves de matière première. Le cycle sera fermé afin de récupérer la matière première après le passage en pile. Les déchets seront éliminés par un stockage en surface ou un stockage en profondeur, selon leur activité et leur période. Le stockage géologique s’effectuera soit directement sous terre dans des couches d’argile ou de granite, soit sous les fonds sous-marins de plaines abyssales (cette solution semble être la meilleure, mais elle requiert un consensus international). J e reconnais tout à fait qu’il est sain pour une société de posséder des contre-pouvoirs ; mais il me semble en revanche malsain de laisser proliférer des groupes de pression dont le travail de sape peut être, à mes yeux, nuisible à notre société. En ce sens, je citerai un extrait de l’appel en faveur de l’écologie scientifique qui fut adressé aux gouvernements par un groupement de scientifiques lors de la Conférence Mondiale de Rio en 1992 :
Nous exprimons la volonté de contribuer pleinement à la préservation de notre héritage commun, la Terre. Toutefois, nous nous inquiétons d’assister, à l’aube du X X I e siècle, à l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social B [ 171. ((
L’industrie nucléaire est un passage obligé pour garantir l’épanouissement de l’homme en harmonie avec la nature. Nous n’avons pas le choix. Nous devons impérativement sauvegarder l’avenir de l’atome écologique.
ACCIDENTS
ACCIDENTS DE DIMENSIONNEMENT Catégorie 2 (incidents de fréquence modérée) 4 4 4
4 4 4 4 4 4 4
4 4
+ 4
Retrait incontrôlé de grappes de réglage, réacteur sous-critique Retrait incontrôlé de grappes de réglage, réacteur en puissance Mauvais positionnement, chute d’une grappe ou d’un groupe de grappes Dilution incontrôlée d’acide borique (mauvais fonctionnement du RCV) Perte partielle du débit primaire Introduction d’eau froide par démarrage d’une boucle inactive Perte totale de charge et/ ou déclenchement turbine Perte de l’eau alimentaire normale Mauvais fonctionnement du système d’alimentation normale des GV Perte totale des alimentations électriques externes Augmentation excessive de charge à la turbine Ouverture intempestive d’une vanne de décharge du pressuriseur Ouverture intempestive d’une soupape du secondaire Démarrage intempestif de l’injection de sécurité
Catégorie 3 (accidents peu fréquents) Petite brèche sur le circuit primaire Ouverture intempestive d’une soupape de sûreté du pressuriseur Petite brèche sur tuyauterie du secondaire Perte totale du débit primaire Mauvais positionnement d’un assemblage combustible dans le réacteur Retrait d’une seule grappe de réglage en puissance Rupture du réservoir RCV Rupture du réservoir de stockage gazeux TEG
L’ATOMEECOLOGIQUE
246
Catégorie 4 (accidents graves et hypothétiques)
+ + + + + +
Accident de manutention du combustible Rupture importante d’une tuyauterie vapeur ou eau alimentaire Rotor bloqué d’une moto-pompe primaire Éjection d’une grappe de réglage Rupture d’un tube de GV Perte de réfrigérant primaire
ACCIDENTS ET NIVEAUX DE DÉFENSE ~
Niveau de défense en profondeur Incidents de fréquence modérée (catégorie 2) Accidents peu fréquents Accidents de (catégorie 3 ) et accidents dimensionnement graves et hypothétiques (catégorie 4) Défaillance totale de la source froide Défaillance totale de 1’ASG et de l’ARE Défaillance totale des alimentations électriques Défaillance totale du RIS basse pression ou de Accidents 1’EAS complémentaires Perte de systèmes redondants due à l’inondation ATWS Défaillance totale d u RIS moyenne pression
3
I -
LIZ1 Accidents graves
Risque résiduel
4
5
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((
((
((
)),
Accélérateur. Dispositif servant à communiquer, sous l’action d’un champ électrique, une énergie cinétique très élevée à des particules chargées. Actinide. Nom donné aux éléments chimiques de numéro atomique supérieur ou égal à celui de l’actinium (89). Activité. Nombre de désintégrations nucléaires spontanées se produisant par unité de temps dans un élément de matière radioactive. Antimatière. Matière dans laquelle chaque remplacée par l’antiparticule correspondante.
particule
serait
Antiparticule. Particules ayant des caractéristiques (charge, moment magnétique ...) opposées à celles de la particule considérée. Antiréactivité. Baisse de réactivité que peut produire u n absorbant neutronique (barre de commande par exemple) quand il est introduit dans le cœur d’un réacteur. Atome. Constituant de base de la matière. I1 est composé d’un noyau
(neutrons + protons) autour duquel gravitent des électrons.
Baril. 159 litres/baril américain (baril US) pétrole brut = 7 barils américains.
=
O , 14 tonnes/ 1 tonne de
Barn. Unité utilisée pour exprimer une section efficace. (1 barn = 1 0 - 2 4 cm2). Barrière d e potentiel. Rempart énergétique dû à la présence de forces répulsives autour d’un noyau et s’opposant à la pénétration d’une particule extérieure à ce noyau. Cette barrière empêche également les particules du noyau de s’échapper si leur énergie est inférieure au sommet de la barrière de potentiel. Boîte à gants. Enceinte dans laquelle du matériel peut être manipulé tout en étant isolé de l’opérateur. La manipulation se fait au moyen de gants fixés de façon étanche à des ouvertures disposées
L’ATOME ECOLOGIQUE
250
dans les parois de l’enceinte. L’enceinte est en général mise sous faible dépression pour confiner les substances radioactives.
Burn-up (synonyme de combustion massique). Capture radiative. Capture d’une particule par un noyau, suivie par une émission immédiate d’un rayonnement gamma. Cellule chaude. Cellule fortement blindée disposée dans u n laboratoire de haute activité dans laquelle des substances de forte activité sont ma:nipulées à l’aide de télémanipulateurs. Coefficient de 1:empérature. Variation de la réactivité en fonction de la température. Cœur. Région d’Un réacteur nucléaire dans laquelle peut se produire une réaction nucléaire en chaîne. Colis. Ensemble formé par l’emballage et son contenu de matière radioactive. Combustible appauvri. Combustible dans lequel la quantité de matière fissile est inférieure à celle du combustible à l’état naturel. Combustible enrichi. Combustible dans lequel la quantité de matière fissile est supérieure à celle du combustible à l’état naturel. Combustion massique (ou burn-up ou taux de combustion). Énergie totale libérée par unité de masse dans un combustible, nucléaire. Généralement exprimée en mégawatts x jours par tonne. Constante radioactive. Probabilité pour qu’un noyau radioactif se désintègre spontanément dans l’unité de temps. Contamination. Présence indésirable d’une substance radioactive au contact d’une surface ou à l’intérieur d’un milieu. Critique. État d’une réaction nucléaire en chaîne stabilisée (le taux de production des neutrons est égal à leur taux de disparition). Cycle du combustible. Ensemble des étapes suivies par le combustible de l’extraction du minerai a u stockage des déchets. Défaut de masse. Différence entre la somme des masses des nucléons constituant u n noyau et la masse de ce noyau.
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ANNEXEA3
Descendant radioactif. Nucléide provenant de la désintégration spontanée d’un nucléide radioactif. Désintégration radioactive. Modification subie par un noyau, le transformant en un ou plusieurs autres noyaux ou particules, avec dégagement d’énergie. Diffusion élastique. Processus de diffusion dans lequel l’énergie de la particule diffusée ne change pas dans le système du centre de masse. Diffusion inélastique. Processus de diffusion dans lequel l’énergie de la particule diffusée change dans le système du centre de masse. Divergente. État d’une réaction nucléaire en chaîne qui s’accélère. Dollar. Seuil de réactivité à partir duquel une réaction en chaîne diverge par neutrons prompts. Dose absorbée. Quantité d’énergie qu’un rayonnement ionisant transmet à l’unité de masse de la substance exposée. Eau légère. Eau ordinaire par opposition à l’eau lourde. Eau lourde. Protoxyde de deutérium (D20). Efficacité d’une barre de commande. Changement de réactivité dans un réacteur critique, résultant de l’introduction totale d’une barre de commande depuis la position entièrement sortie.
Électron. Particule élémentaire portant électrique.
la plus petite charge
Emballage. Enveloppe contenant la matière radioactive. L’emballage et son contenu forment le colis. Énergie de liaison. Énergie nécessaire à une particule pour l’extraire d’un système. Énergie nucléaire. Énergie libérée dans les réactions de fission et de fusion nucléaires. Enrichissement. 1- Processus par lequel la teneur isotopique d’un élément relatif à un isotope déterminé est augmentée. 2- Teneur isotopique relative à u n isotope déterminé présent dans un
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mélange d’isotopes d’un même élément, lorsque cette teneur est supérieure à la teneur isotopique naturelle.
Excursion de puissance, Augmentation très rapide de la puissance nucléaire au-dessus du niveau normal de fonctionnement. Exothermique. Qualificatif d’une réaction qui libère de l’énergie. Expérience critique. Essai ou série d’essais réalisés avec un assemblage de matériaux de réacteur qui peut graduellement être amené à l’état critique dans le but de déterminer les caractéristiques nucléaires d’un réacteur. L’expérience critique est réalisée à une puissance très faible. Fertile. Qualifie un noyau susceptible d’être transformé en un noyau fissile par capture de neutron. Filiation. Fait pour un noyau de résulter de la désintégration d’un radioélément. Filière. Voie possible de réalisation de réacteurs nucléaires capables de produire de l’énergie dans des conditions rentables. Fission nucléaire. Réaction nucléaire au cours de laquelle un noyau lourd se divise pour former deux noyaux plus légers. Fluence. En un point donné de l’espace, quotient du nombre de particules qui pénètrent dans une petite sphère centrée en ce point, par l’aire du grand cercle de cette sphère. Flux de neutrons. Nombre de neutrons qui traversent une unité de surface par unite de temps. Fusion nucléaire. Réaction nucléaire au cours de laquelle deux noyaux légers s’imissent pour former un noyau plus lourd. Incidence (terme remplaçant le terme fréquence des nouveaux cas). Nombre de cas de maladie qui ont commencé ou de personnes qui sont tombées malades pendant une période donnée dans une population. L’incidence s’exprime généralement en proportion par rapport au nombre d’individus. Irradiation. Propagation d’un rayonnement sur un organisme vivant ou sur une substance matérielle.
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ANNEXEA3
Irradiation aiguë. Irradiation résultant d’une exposition de courte durée, assez forte pour qu’aucune restauration à long terme ne puisse réduire l’effet du rayonnement. Isotopes. Noyaux ayant le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons. Magnox. Alliage d’aluminium et de magnésium employé comme matériau de gainage, en particulier dans certains réacteurs britanniques. Masse critique. Masse minimale de matière fissile qui peut être rendue critique pour u n arrangement géométrique et une composition matérielle donnés. Matière radioactive. Toute matière ayant une activité spécifique supérieure à 70 O00 Bq/ kg. Modérateur. Substance utilisée dans les réacteurs nucléaires pour réduire, au moyen de collisions de diffusion et sans capture appréciable, l’énergie cinétique des neutrons.
MSK (échelle). Échelle sismique. Le séisme est défini par son intensité macrosismique, c’est-à-dire la mesure de ses effets en un point donné sur l’homme et son environnement ; l’expérience montre que le comportement des bâtiments est le paramètre le plus sensible pour l’évaluation de cette intensité. L’intensité maximum est celle observée à l’épicentre (foyer apparent à la surface de la terre). L’échelle MSK comprend 12 degrés. À chaque degré correspondent des dégâts bien définis sur les bâtiments.
Neutron. Composant du noyau de charge nulle. Neutron prompt. Neutron accompagnant le processus de fission sans retard mesurable. Netron retardé. Neutron accompagnant le processus de fission avec un retard égal à celui de la désintégration bêta du produit de fission qui lui a donné naissance. Neutron thermique. Neutron en équilibre thermique avec le milieu dans lequel il se trouve. Nombre de charge. Nombre de protons contenus dans le noyau. O n le désigne par 2. I1 est égal au numéro atomique.
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Nombre de masse. Nombre total de neutrons et de protons dans le noyau. I1 est égal à la masse atomique. Noyau. Partie clentrale de l’atome, chargé positivement et constitué de protons et de neutrons. Noyau fissile. Noyau pouvant subir une fission provoquée par l’absorption d’un neutron lent. Nucléon. L’un ou l’autre des constituants du noyau, proton ou neutron. Numéro atomique. Numéro attribué à chaque élément dans la classification de Mendéleev. I1 est égal au nombre de charge. Particule élémentaire. Particule actuellement considérée comme une entité simple non dissociable. Pcm. Pour cent i d l e . Unité de réactivité. Période biologique. Temps nécessaire pour que la quantité d’une substance déterminée, présente dans un système biologique, soit réduite de moitié par des processus biologiques lorsque la vitesse d’élimination est approximativement exponentielle. Période radioactive. Temps nécessaire pour que la quantité d’une substance radioactive soit réduite de moitié. Pile atomique. Synonyme de réacteur nucléaire. Prévalence (fréquence globale). Nombre de cas de maladies ou de tout autre événement tel qu’un accident, dans une population donnée sans distinction entre les cas nouveaux et les cas anciens. Elle peut être exprimée en chiffre absolu ou, plus souvent, en proportion par rapport au nombre d’individus. La prévalence est toujours précisée: dans le temps. Proton. Composant du noyau de charge électrique égale et opposée à celle de l’électron et de masse voisine de celle du neutron. Puits de potentiel (voir Barrière de potentiel). Radioactivité. F’ropriété des noyaux instables d’émettre spontanément des particules (alpha, bêta ou gamma).
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ANNEXEA3
Radon. Gaz radioactif provenant de la désintégration de l’uranium et du radium présents dans la croûte terrestre. I1 donne par filiation du plomb 208 stable. Rayonnement ionisant. Rayonnement capable de produire des ions lors de son passage à travers la matière Réacteur nucléaire. Dispositif dans lequel une réaction de fission nucléaire en chaîne peut être contrôlée. Relation dose-effet. Relation entre l’effet biologique d’une dose absorbée et cette dose.
RERF (Radiation Effects Research Commission). Fondation pour la recherche sur les effets des rayonnements. Elle a été créée en 1975 en remplacement de la ABCC (Atomic Bomb Casualties Commission, chargée dès 1945 d’étudier les effets aigus observés chez les victimes des bombes d’Hiroshima et Nagasaki). Richter (échelle de). Échelle sismique. Elle caractérise le séisme par l’énergie en son foyer réel (hypocentre) ; elle comprend 9 degrés de magnitude qui sont déterminés à partir des sismogrammes obtenus dans les diverses stations. Risque (au sens de la sûreté probabiliste). Probabilité d’occurrence d’un événement multiplié par les conséquences de cet événement. Risque biologique. C’est le rapport de la probabilité d’occurrence d’un événement par l’unité de dose reçue. Section efficace. Probabilité d’interaction entre u n neutron et un noyau du cœur d’un réacteur nucléaire. Elle s’exprime en barn. Surgénération. Processus par lequel certains réacteurs nucléaires produisent plus de matière fissile qu’ils n’en consomment. Taux de combustion. Synonyme de combustion massique. Transuranien. Nom donné aux éléments chimiques de numéro atomique supérieur à celui de l’uranium (92). Zircaloy. Alliage de zirconium et d’un ou plusieurs autres métaux (étain, fer, chrome, nickel), qui est particulièrement résistant du point de vue mécanique et chimique. I1 est utilisé pour la conception des gaines de combustible.
SIGLES ET SYMBOLES
ABCC ACRS AEN AGR AIEA ANDRA ARE ASG ATWS
Atomic Bomb Casualties Commission Advisory Committee on Reactor Safeguards Agence pour l’Énergie Nucléaire Advanced Gas cooled Reactor Agence Internationale de l’Énergie Atomique Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs Alimentation Régulée en Eau des générateurs de vapeur Alimentation de Secours des Générateurs de vapeur Anticipated Transient Without Scram
BCCN BWR
Bureau de Contrôle de la Construction Nucléaire Boiled Water Reactor
CANDU CCAP CDU CEA CIINB
CANada Deuterium Uranium Commission Centrale des Appareils à Pression Critère de Défaillance Unique Commissariat à l’Énergie Atomique Commission Interministérielle des Installations Nucléaires de Base Compagnie des Mines d’uranium de Franceville Conseil Supérieur de la Sûreté et de l’Information Nucléaire
COMUF CSSIN
DSIN
Department Of Energy Directions Régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires
EAS EPR ERA ERR EU
Eau d’Aspersion de Secours European Pressurized water Reactor Excès de Risque Absolu Excès de Risque Relatif États-Unis
GP GPR
Groupe Permanent Groupe Permanent chargé des Réacteurs
DOE DRIRE
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GV
Générateur de Vapeur
HTR HWR
High Temperature Reactor Heavy Water Reactor
INB INES IPSN IS
1nstall.ation Nucléaire de Base International Nuclear Event Scale Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire Injection de Sécurité
ME MEM MI MIT MIT1 MOX MSI MSK
Ministère de l'Environnement Monde à Économie de Marché Ministère de l'Industrie Massachusetts Institute of Technology Ministry of International Trade and Industry Mixed Oxide Mise en Service Industriel Medvedev-Sponheuer-Karnik
NERSA
Centrale Nucléaire Européenne à neutrons Rapides Société Anonyme Nuclear Regulatory Commission
NRC OCDE
Organiisation de Coopération et de Développement Économique
ONU OPRI
Organisation des Nations Unies
PIUS PPI PU1 PWR
Process Inherent Ultimate Safety Plan Particulier d'Intervention Plan d'urgence Interne Pressurized Water Reactor
RA RBMK RCP RCV REB REP RERF RIS RNR RR RRA
Risque Absolu Reaktor Bolchoï Mochtnosti Kanalnyi Réacte Ur Circuit Primaire Réacteur Circuit de Contrôle Chimique et Volumique Réacteur à Eau Bouillante Réacteur à Eau sous Pression Radiation Effects Research Commission Réacteur Injection de Secours Réacteur à Neutrons Rapides Risque Relatif Ressources Raisonnablement Assurées
Office Ide Protection contre les Rayonnements Ionisants
ANNEXEA4
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SFEN SMHV SMS SPN START
Société Française de l’Énergie Nucléaire Séisme Maximum Historiquement Vraisemblable Séisme Majoré de Sécurité Section Permanente Nucléaire Strategic Armament Reduction Talks
TEC TEG TEP TMI
Tonne-Équivalent-Charbon Traitement des Effluents Gazeux Tonne-Équivalent-Pétrole Three-Mile-Island
UNGG UTS
Uranium Naturel Graphite Gaz Unité de Travail de Séparation
0 EDP Sciences 1998 Impression JOUVE, 18, rue Saint-Denis, 75001 PARIS Dépôt légal : février 1998
O n peut être un ardent défenseur du nucléaire civil lorsqu’on est aussi préoccupé par l’environnement et le développement harmonieux de notre société. Voilà, en substance, le propos de Bernard Wiesenfeld dont la carrière d’ingénieur et de consultant le conduit à s’exprimer depuis des années sur ce thème. Cette fois cependant, ce n’est pas aux experts qu’il s‘adresse, mais au grand public auquel il souhaite apporter des informations aussi objectives que possible sur les technologies nucléaires et leurs enjeux. Et ce vaste panorama ne va pas sans interrogations et prises de position courageuses si nécessaire (affaire Tammuz, Çuperphénix)... Un livre au ton vif qui ne manquera pas de susciter discussions et débats ! L‘auteur, qui milite pour la défense de l’écologie scientifique, les appelle volontiers, souhaitant toutefois qu’une information juste et précise soit au cœur de ceux-ci.
Bernard WIESENFELD est docteur en physique nucléaire. Après avoir travaillé au CEA, à TECHNICATOME et à FRAMATOME, i l a créé et dirige aujourd’hui une société d‘études et de conseil dont l’activité intègre les aspects techniques, économiques et prospectifs de l’énergie nucléaire.
EDP @ SCIENCES 1
ISBN 2-86883-320-9
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