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Exclusif:
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Ulnzalne littéraire
Numéro 82
Du
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au 15 novembre 1969
SOMMAIRE
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La 3F
Exclusif:
e
e
Ulnzalne littéraire
Numéro 82
Du
r
au 15 novembre 1969
SOMMAIRE
a
BECKETT INEDIT
"8 .,
ROMANS PRANÇAIS
15
a
Serge Doubrovsky Dominique Fernandez Patrick Modiano Henriette Jelinek Jean~Pierre Morel Jean Giraudoux
Jean Yvane
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ENTRETIBN SBCRET
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CBNTENAIRE
Il
LBTTRBS D'ALLBMAGNB
MUSIQUE
18
POLITIQUE
18
PEUILLETON
la
TRaATRE
par Samuel Beckett
La dispersion Lettre à Dora La ronde de nuit La vie de famüle Le Mural La mentewe Or dans la nuit Les Gracques Carnet des Darnadelles Un cow-boy en exil
par Lionel Mirisch par Maurice Nadeau par Jean.Marie Magnan par Anne Fabre-Luce par Jacques-Pierre Amette
La marche sous l'eau
par Henri Michaux
Max Horkheimer
André Gide a cent ans Lettre inédite
par Pierre Herbart par André Gide
Kritische Theorie Dialektik der Aufhlarung Marché de l'Art à Cologne
par Luc Weiliel
littéraire
propos recueillis par Anne Capelle
Le gouvernement de la France
par Philippe J. Bernard
W
par Georges Perec
Aimé Césaire
Une tempête
par Gilles Sandier
François Erval, Maurice Nadeau.
Publicité littéraire : 22, rue de Grenelle, Paris-7e • Téléphone : 222-94-03.
Crédits photographiques
Pierre Avril
Comité de rédaction: Georges Balandier, Bernard Cazes, François Châtelet, Françoise Choay, Dominique Fernandez, Marc Ferro, Gilles Lajouge, Bernard Pingaud, Gilbert Walusinski. Secrétariat de la rédaction : Anne Sarraute. Courrier littéraire : Adelaide Blasquez. Rédaction, administration : 43, rue duTemple, Paris·4°. Téléphone: 887-48-58.
2
par José Pierre
Avec Olivier Messiaen
p.
1
p.
4
Publicité générale : au journal.
p.
5 6
Prix du
p. p. p.
Conseiller : Joseph Breitbach.
La Quinzaine
par Marie·Claude de Brunhoff
propos recueillis par Pierre Bourgeade
14 15
Sans
n°
au Canada : 75 cents.
Abonnèments : Un an : 58 F, vingt-trois numéros. Six mois : 34 F, douze numéros. Etranger: Un an : 70 F. Six mois : 40 F. Pour tout changement d'adresse : envoyer 3 timbres à 0,30 F. Règlement par mandat, chèque bancaire, cheque postal : C.C.P. Paris 15.551.53. Directeur de la publication François Emanuel. Imprimerie: Graphiques Gambon Printed in France
p. p. p. p. p. p.
7 9 12 17 19 21 25 28
Cartier-Bresson/Magnum Mercure de France, éd. Bernard Grasse, éd. Jacques Sassier. Brut Glinn/Magnum. Bernard Grasset, éd. Roger/Viollet. Droits réservés. Roger/Viollet. Yvonne Chevalier. Ingi. Claude Bricage.
BECKETT
INEDIT
Sans Il faut féliciter les Académiciens suédois d'avoir attribué le Prix Nobel de littérature à Samuel Beckett. Encore que l'un des plus grands écrivains de cette époque eût pu se passer de cette distinction, la nouvelle aura réjoui les lecteurs de ce journal comme elle nous a réjouis nous-mêmes. Personne d'entre nous n'oublie que Samuel Beckett a ouvert les colonnes du premier numéro de ce journal. Et c'est à te la Quinzaine littéraire» que son éditeur, Jérôme Lindon, et lui-même, confient la publication exclusive d'un texte qui ne sera en librairie que le 15 novembre. Nos lecteurs seront eux aussi touchés par cette marque d'amitié et de confiance.
Gravure d'Avigador Arikha
Ruines vrai refuge enfin vers lequel d'aussi loin par tant de faux. Lointains sans fin terre ciel confondus pas un bruit rien qui bouge. Face grise deux bleu pâle petit corps battant seul debout. Eteint ouvert quatre pans à la renverse vrai refuge sans issue. Ruines répandues confondues avec le sable gris cendre vrai refuge. Cube tout lumière blancheur rase faces sans trace aucun souvenir. Jamais ne fut qu'air gris sans temps chimère lumière qui passe. Gris cendre ciel reflet de la terre reflet du ciel. Jamais ne fut que cet inchangeant rêve l'heure qui passe. Il maudira Dieu comme au temps béni face au ciel ouvert l'averse passagère. Petit corps face grise traits fente et petits trous deux bleu pâle. Faces sans trace blancheur rase œil calme enfin aucun souvenir. Chimère lumière ne fut jamais qu'air gris sans temps pas un bruit. Faces sans trace proches à toucher blancheur rase aucun souvenir. Petit corps soudé gris cendre cœur battant face aux lointains. Pleuvra sur lui comme au temps béni du bleu la nuée passagère. Cube vrai refuge enfin quatre pans sans bruit à la renverse. Ciel gris sans nuage pas un bruit rien qui bouge terre sable gris cendre. Petit corps même gris que la terre le ciel les ruines seul debout. Gris cendre à la ronde terre ciel confondus lointains sans fin. Il bougera dans les sables ça bougera au ciel dans l'air les sables. Jamais qu'en rêve le beau rêve n'avoir qu'un temps à faire. Petit corps petit bloc cœur battant gris cendre seul debout. Terre ciel confondus infini sans relief petit corps seul debout. Dans les sables sans prise encore un pas vers les lointains il le fera. Silence pas un souffle même gris partout terre ciel corps ruines. Noir lent avec ruine vrai refuge quatre pans sans bruit à la renverse. Jambes un seul bloc bras collés aux flancs petit corps face aux lointains. Jamais qu'en rêve évanoui ne passa l'heure longue brève. Seul debout petit corps gris lisse rien qui dépasse quelques trous. Un pas dans les ruines les sables sur le dos vers les lointains il le fera. Jamais que rêve jours et nuits faits de rêves d'autres nuits jours meilleurs. Il revivra le temps d'un pas il refera jour et nuit sur lui les lointains. En quatre à la renverse vrai refuge sans issue ruines répandues. Petit corps petit bloc parties envahies cul un seul bloc raie grise envahie. Vrai refuge enfin sans issue répandu quatre pans sans bruit à la renverse. Lointains sans fin terre ciel confondus rien La Quinzaine littéraire, au 1- au 15 novembre 1969
qui bouge pas un souffle. Faces blanches sans trace œil calme tête sa raison aucun souvenir. Ruines répandues gris cendre à la ronde vrai refuge enfin sans issue. Gris cendre petit corps seul debout cœur battant face aux lointains. Tout beau tout nouveau comme au temps béni régnera le malheur. Terre sable même gris que l'air le ciel le corps les ruines sable fin gris cendre. Lumière refuge blancheur rase faces sans trace aucun souvenir. Infini sans relief petit corps seul debout même gris partout terre ciel corps ruines. Face au calme blanc proche à toucher œil calme enfin aucun souvenir. Encore un pas un seul tout seul dans les sables sans prise il le fera. Eteint ouvert vrai refuge sans issue vers lequel d'aussi loin par tant de faux. Jamais que silence tel qu'en imagination ces rires de folle ces cris. Tête par l'œil calme toute blancheur calme lumière aucun souvenir. Chimère l'aurore qui dissipe les chimères et l'autre dite brune. Il ira sur le dos face au ciel rouvert sur lui les ruines les sables les lointains. Air gris sans temps terre ciel confondus même gris que les ruines lointains sans fin. Il refera jour et nuit sur lui les lointains l'air cœur rebattra. Vrai refuge enfin ruines répandues même gris que les sables. Face à l'œil calme proche à toucher calme tout blancheur aucun souvenir. Jamais qu'imaginé le bleu dit en poésie céleste qu'en imagination folle. Petit vide grande lumière cube tout blancheur faces sans trace aucun souvenir. Ne fut jamais qu'air gris sans temps rien qui bouge pas un souffle. Cœur battant seul debout petit corps face grise traits envahis deux bleu pâle"." LÜmière blancheur proche à toucher tête par l'œil calme toute sa raison aucun souvenir. Petit corps même gris que la terre le ciel les ruines seul debout. Silence pas un souffle même gris partout terre ciel corps ruines. Eteint ouvert quatre pans à la renverse vrai refuge sans issue. Gris cendre ciel reflet de la terre reflet du ciel. Air gris sans temps terre ciel confondus même gris que les ruines lointains sans fin. Dans les sables sans prise encore un pas vers les lointains il le fera. Il refera jour et nuit sur lui les lointains l'air cœur rebattra. Chimère lumière ne fut jamais qu'air gris sans temps pas un bruit. Lointains sans fin terre ciel confondus rien qui bouge pas un souffle. Pleuvra sur lui comme au temps béni du bleu la nuée passagère. Ciel gris sans nuage pas un bruit rien qui bouge terre sable gris cendre. ~ 3
~S&D.
Descente dans l'horreur
Petit vide grande lumière cube tout blancheur faces sans trace aucun souvenir. Infini sans relief petit corps seul debout même gris partout terre ciel corps ruines. Ruines répandues confondues avec le sable gris cendre vrai refuge. Cube vrai refuge enfin quatre pans sans bruit à la renverse. Jamais ne fut que cet inchangeant rêve l'heure qui passe. Jamais ne fut qu'air gris sans temps chimère lumière qui passe. En quatre à la renverse vrai refuge sans issue ruines répandues. Il revivra le temps d'un pas il refera jour et nuit sur lui les lointains. Face au calme blanc proche à toucher œil calme enfin aucun souvenir. Face grise deux bleu pâle petit corps cœur battant seul debout. Il ira sur le dos face au ciel rouvert sur lui les ruines les sables les lointains. Terre sable même gris que l'air le ciel le corps les ruines sable fin gris cendre. Faces sans trace proches à toucher blancheur rase aucun souvenir. Cœur battant seul debout petit corps face grise traits envahis deux bleu pâle. Seul debout petit corps gris lisse rien qui dépasse quelques trous. Jamais que .rêve jours et nuits faits de rêves d'autres nuits jours meilleurs. Il bougera dans les sables ça bougera au ciel dans l'air les sables. Un pas dans les ruines les sables sur le dos vers les lointains il le fera. Jamais que silence tel qu'en imagination ces rires de folle ces cris. Vrai refuge enfin ruines répandues même gris que les sables. Ne fut jamais qu'air gris sans temps rien qui bouge pas un souffle. Faces blanches sans trace œil calme tête sa raison aucun souvenir. Jamais qu'en rêve évanoui ne passa l'heure longue brève. Cube tout lumière blancheur rase faces sans trace aucun souvenir.
Serge Doubrovsky
1
Serge Doubrovsky La dispersion Mercure de France éd. 333 p.
Violence. La violence comme d'un vol, une femme qui se dérobe. La violence comme d'un viol, l'étoile jaune qu'on enfonce dans la poitrine du petit enfant juif. Eteint ouvert vrai refuge sans issue vers lequel d'aussi loin· A tout propos les blessures saipar tant de faux. Tête par l'œil calme toute blancheur calme gnent, l'horreur tournoie. Pour se lumière aucun souvenir. Tout beau tout nouveau comme au temps libérer, se sauver, une autre viobéni régnera le malheur. Gris cendre à la ronde terre ciel confon- lence : celle des mots. Ainsi se présente la Dispersion. dus lointains sans fin. Ruines répandues gris cendre à la ronde vrai refuge enfin sans issue. Jamais qu'en rêve le beau rêve Serge Doubrovsky; auteur d'oun'avoir qu'un temps à faire. Petit corps face grise traits fente et vrages critiques remarqués (Corneille et la Dialectique du Héros, petits trous deux bleu pâle. Pourquoi la Nouvelle Critique, les Chemins actuels de la CritiRuines vrai refuge enfin vers lequel d'aussi loin par tant de que), nous jette au visage, à l'âme, faux. Jamais qu'imaginé le bleu dit en poésie céleste qu'en imagice roman flamboyant et libéranation folle. Lumière blancheur proche à toucher tête par '('œil toire. Il imagine (ou il confie) un calme toute sa raison aucun souvenir. événement presque anodin: le départ d'une femme, perdue à Noir lent avec ruine vrai refuge quatre pans sans bruit à la ren- peine rencontrée, trois semaines verse. Terre ciel confondus infini sans relief petit corps seul de joie, de miracles, puis l'échec, debout. Encore un pas un seul tout seul dans les sables sans moins qu'une rupture, une mise prise il le fera. Gris cendre petit corps seul debout cœur battant au point. Alors s'éveillent, d'abord face aux lointains. Lumière refuge blancheur rase faces sans trace fragmentaires, timides, rares, des aucun souvenir. Lointains sans fin terre ciel confondus pas un souvenirs. Comme des marques bruit rien qui bouge. apparaissant sur la peau bien des années après les coups. Mais rien Jambes un seul bloc bras collés aux flancs petit corps face aux n'est cicatrisé. La peur même, lointains. Vrai refuge enfin sans issue répandu quatre pans sans l'impuissance, l'auteur suggère la bruit à la renverse. Faces sans trace blancheur rase œil calme lâcheté, qui furent celles d'un enfin aucun souvenir. Il maudira Dieu comme au temps béni face enfant, petit frère d'Anne Frank, au ciel ouvert l'averse· passagère. Face à l'œil calme proche à vivant lui, pourtant depuis longtoucher calme tout bl ncheur aucun souvenir. temps frappé à mort. La mort, qui a semblé épargner l'enfant, Petit corps petit bloc cœur battant gris cendre seul debout. est au cœur (et dans le corps) de Petit corps soudé gris cendre cœur battant face aux lointains. l'homme qu'il est devenu. Sanglants et brûlants, et cuiPetit corps petit bloc parties envahies cul un seul bloc raie grise envahie. Chimère l'aurore qui dissipe les chimères et l'autre sants comme les traces indélébiles de l'infamie jadis subie, ces soudite brune. copyright Minuit éd. 1969
4
venirs se font maintenant nombreux, obsédants, torturants, tonitruants. En même temps ils s'organisent en un récit, parfois tronqué mais impitoyable. Une descente dans l'horreur (la délation, les rafles, comme, plus loin dans le passé, pour la génération du Père: les pogroms; et tout au bout, les camps), une montée de la peur (d'abord les juifs autrichiens, puis les tchèques, puis les roumains, et puis, et puis... NOUS ?), le carnaval de la honte et de la fierté (l'étoile jaune), de la haine et de l'espoir-quandmême. Roman-déluge, et, lecteurs, nous voguons dans l'arche, haletants, éperdus, débordés de toutes parts. Et soudain la pluie cesse, les flots s'apaisent, mais alors tout est dispersé, il n 'y a que le fond sans fond du non-être, rien, plus rien, plus rien de rien, nous demeurons frappés brutalement, brusquement, à hurler, par ce silence. Serge Doubrovsky est-il sauvé, lui, libéré par la magie de sa propre incantation? Sur quel mont Ararat se retrouve-t-il, sain et sauf, infiniment réconcilié ? Vainqueur, en tout cas, dans son combat, vainqueur même du silence. car son chant, quelquefois obscur, quelquefois aussi trop élaboré (comme dans ces pages divisées en deux colonnes, pourquoi?) , sait forcer notre attention, nous emporter, nous soulever d'un soulèvement qui est amour en même temps que révolte. La pureté de cette voix tendue, tendre, est d'une snrprenante puissance. Lionel Mirisch
ROMANS
Un roman de l'inconscient FRANÇAIS
1
Dominique Fernandez Lettre à Dora Grasset, éd. 340 p.
Bien qu'il ait déjà publié un roman, l'Ecorce des pierres. en 1959, Dominique Fernandez est plus connu comme critique, re· porter d'un certain genre et es· sayiste. Sa t h è s e de doctorat, l'Echec de Pavese, est dans toutes les mémoires. Et si son terrain de chasse est l'Italie - qu'il nous montre de façon Ili peu conventionnelle dans Mère Méditerranée ou Evénements à Palerme son gibier pourrait bien être un type de héros que caractérisent, du moins sur un certain plan, un goût, naturellement pervers, de l'échec, un profond désenchantement à l'égard de la vie. Outre qu'à ces hommes, il parait vulgaire de vouloir gagner sur certains tableaux, ils ne se cachent pas qu'en tout état de cause le jeu n'en vaut souvent pas la chan· delle. John Ardileight, jeune Irlandais fils d'hôteliers, se rend en Italie en vue de parfaire ses connaissances dans le métier qui le fera Iluccéder à ses parents, en même temps qu'il entend poursuivre un petit travail personnel sur Michel-Ange. On croirait entreprendre la lecture d'un Bildungsroman du XVIII" siècle. John découvre l'Italie, rencontre des jeunes gens de son âge, se lie avec Giorgo Rittner, étudiant en art, et est amené à rendre visite à une Dora Grapelli, fille d'aristocrates ruinés, dans l'antique mais encore magnifique domaine sis à quelques lieues de la ville. Tout le monde s'attend, et John lui-même, à ce que le couple Dora.J ohn convole à plus ou moins brève échéance, et rien ne serait plus naturel en e f f et si John n'éprouvait une répugnance f 0 n c i ère à conclure et surtout à con· clure en triomphateur quoi que ce soit. Au tennis, il goûte un plaisir pervers à se laisser battre par son ami Giorgio, et si, à Dora, il chante son amour avec beaucoup d'éloquence, il se garde de le lui prouver concrètement ou même de prendre un quelconque engagement d'avenir. Il n'est d'ailleurs jamais si éloquent que quand il est loin d'elle, dans son Irlande natale à l'occasion de Noël, d'où il lui écrit la lettre qui donne son titre au roman.
Dominique Fernandez
Comment expliquer sa conduite? Ce n'est pas au romancier de le faire, mais au lecteur, à partir des renseignements et des indices que lui fournit l'auteur. En conséquence, Dominique Fernandez s'applique moins à brouiller les cartes qu'à nous accompagner dans la traversée d'un labyrinthe dont nous ne sommes nullement assurés qu'il connaît la sortie. On sent qu'il se pose luimême des questions qui ne peuvent pas être si facilement résolues et, en même temps que le spectacle d'un talent sans défaut, ce qu'il nous donne à voir c'est la profonde, l'essentielle honnêteté du romancier à qui l'investigation par l'écriture ré· serve nécessairement des décou· vertes. Ce qu'il a entrepris, c'est un voyage dans l'inconscient de son héros, avec toutes les surprises, bonnes ou mauvaises, qui sont attachées à pareille aventure. Pourquoi John déteste-t-il ce Giorgio Rittner, auquel il est d'autre part si vivement attaché? Pour quelles raisons le pousse·til dans les bras de Dora, la femme qu'il aime? Pourquoi veut-il se laisser persuader, par Dora elle-même, que sa flamme se trompe d'adresse et qu'il brûle en fait, pour la sœur de Giorgio, alors qu'il n'en est rien? Les couples se font et se défont sous nos yeux, mais ce n'est pas marivaudage: quelque chose d'essentiel est ici engagé entre des êtres qui, bien sûr, se connaissent moins eux-mêmes que ne paraît les connaître le romancier, cher· chant pourtant lui aussi sa route.
La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 novembre 1969
Au lecteur de débrouiller les fils et de formuler le mot de l'énigme, si mot il y a. Pour notre part, il nous semblait que les indices semés le long de la route par l'auteur étaient suffisants pour qu'on
colle à son héros l'étiquette d'une conduite sexuelle qui, pour être désormais fort répandue, ne passe plus pour aberrante. L'auteur en a paru surpris et cette surprise, qui nous fait honte de notre simplisme, révèle mieux que toute analyse, le sérieux et la complexité d'un cas dont le côté pathétique finit par nous toucher. On dit de certains romanciers qu'ils nous plongent c au cœur de la vie ~. C'est au centre d'une vie autrement secrète et riche de toutes les éventualités que nous mène l'auteur de la Lettre à Dora. Que cette vie, difficile à connaître comme à montrer, dispose autour d'elle circonstances et êtres avec lesquels elle forme des constellations toujours changeantes, c'est maintenant chose non plus seulement devinée - en particulier par les psychanalystes - mais pour le cas et le roman· cier qui nous occupent, discrète· ment et fermement assurée.
Maurice Nadeau
Les Lettres Nouvelles Septembre-Octobre
1969
Krlttza M. Roche Heissenbüttel Jean Rhys Jacques Costine . Urmut. Allain MifJ1lei - - - Georges Kassai : Quelle linguistique? - - Georges Auclair Austin Caxton - - - - Jean Chesnaux : Les Indiens du Minnesota - - - Roger Bensky Marc Hanret. - - - Dominique Nores
5
Ténèbres maléfiques Dans la Place de l'Etoile, son premier roman, Patrick Modiano nous faisait vivre le drame de la double appartenance et illustrait le tourment de ceux qui relèvent de deux communautés, de deux races, de confessions distinctes. Dans les époqUes troublées, quand les camps s'opposent et les sollicitent tour à tour, ne vont-ils pas être tentés de jouer sur les deux tableaux, de renier la part d'eux-mêmes condamnée au bénéfice de celle qui peut lui servir d'alibi et lui permettre de survivre en fraude et sous le couvert?
1
Patrick Modiano La ronde de nuit Gallimard éd. 175 p.
Le drame de Rafaël Schlemilovitch, demi-Juif, résidait dans cette atroce vanité de savoir qu'il y a vingt-cinq ans, dans le Paris de l'occupation, l'un de ses sangs vouait l'autre au supplice et à la
mort, alors que plus rien aujourd'hui ne le8 opp08e, et au moin8 en apparence, ne les empêche de vivre en bonne harmonie. Sauf cette mémoire plu8 vieille que lui, (né seulement en 1947), la furieu8e reconstitution de l'imaginaire et du 80uvenir, un compte re88a88é comme un défi, contre l'ab8urde, contre l'oubli. Lamballe ou Princes8e de Lamballe pour les membres du R.C.O. (Réseau de8 Chevaliers de l'Ombre), premier embryon de8 futurs groupe8 de ré8i8tance, Swing Trou· badour, parmj la bande de malfaiteur8 au 8ervice de l'occupant, le hér08 de la Ronde de Nuit e8t un agent double, un traître de petite envergure. Moins tragique que Raf~ël Schlemilovitch, que son sang juif et aryen divisait contre soi, Lamballe ou Swing Troubadour, ballotté entre les héros et les gangsters mais surtout entre deux clans opposés - car il ne rentre dans les raisons ni des uns ni des autres - apparaît plutôt comme un être sans appartenance, vivant en marge: un garçon passif, sans vocation particulière, in~ fluençable, un de ces innombra-
bles garçons non définis, à qui la société envoie un jour ou l'autre ses sergents recruteurs, qui en feront des héros ou des salauds, c'est selon. « Le plus curieux avec les garçons de mon espèce : ils peuvent aussi bien finir au Panthéon qu'au cimetière de Thiais, carré des fusillés ». Les idées rares et extrêmement banales. Nous voici loin de l'insolence et du cynisme de François Sanders, le héros de Roger Nimier, de sa superbe et de son goût du paradoxe considéré comme un jeu supérieur qui le conduisait de la Résistance à la Milice et aux Forces Françaises Libres. Loin également de Riton, le héros de Pompes Funèbres de Jean Genet, petit voyou mourant de faim qui ren· trait dans la Milice pour échapper à une effroyable misère mais surtout pour se retrouver métamorphosé en son propre ennemi : le policier, et permettre au poète d'atteindre à ce haut sommet, ce point culminant dans le monde du Mal. Lamballe - Swing Trouba· dour a horreur des idées. Car ce sont celles des autres, contradictoires, antagonistes, qui le harcè·
• coups Les lD.aUValS
1
Henriette Jelinek La Vie de Famille Gallimard éd, 328 p.
Quelles étaient les intentions d'Hen· riette Jelinek en faisant de querelles de famille dialoguées toute la matière de son dernier roman ? Voulait-elle écrire une épopée de la colère et du sordide dans le monde campagnard contempo· rain? Dans cette longue vitupération où la brutalité du langage s'ajoute à la médiocrité des sujets de c scènes », on ne reconnaît guère l'auteur du très beau Portrait d'un Séducteur. Dans ce livre qui date de 1965, la dureté féroce mais admirablement or· chestrée de l'histoire, le tragique qui perçait sous les paroles glacées de la narratrice, avaient la puissance meurtrière et feutrée de ces c mauvais coups:» si bien décrits par Roger Vail· land (les Mauvais Coups), et plus tard par Christiane Rochefort (le Repos du Guerrier). Rien de tel, malheureuse· ment, ne se retrouve dans la Vie de Famille où les combats à nu entre les êtres semblent tourner à vide au cours d'assauts répétés de pure violence ver· baIe. Il semble qu'une certaine profon. deur romanesque soit absente de ce livre. Aurait-elle disparu, submergée sous l'avalanche des scènes qui oppo·
6
sent des c vieux» qui agonisent dans la colère à des c jeunes» qui s'épuisent soit dans l'alcool, soit dans la moro· sité ? Les enjeux de ce vampirisme psycho. logique sont de l'ordre des commérages de campagne; on se dispute à propos d'argent ou des programmes de la télé· vision qui, par une étrange ironie, reproduit très fidèlement la médiocrité et l'infantilisme mental de ceux dont elle vient combler les soirées. On ne décolère pas, dans une atmosphère de rancœur généralisée qui éclate en insul· tes grossières à la moindre occasion. Le lecteur sort de ce livre avec un sen· timent de vide, de bruit inutile et de gratuité assez déplaisant, sentiment que le dénouement très manichéen ne fait rien pour modifier. L'auteur a d'ailleurs sans doute déli· bérément choisi cette peinture dépour. vue d'horizons et de profondeur, ce flot d'imprécations qui ne sont que des surfaces grinçantes où l'intériorité souf· frante des personnages est constamment tenue en échec par la fureur du cri (le texte est fait exclusivement de dia· logues, avec des centrées» et des c sorties» accompagnées de quelque. jeux de scène sommaires). Mais si le fond devait être absent de ce déluge verbal. pourquoi ne pas avoir fait une pièce de théâtre au lieu d'un roman? L'élément visuel du jeu des acteurs eût alors
donné aux personnages une intention· nalité quelconque, un passé d'ordre psychologique susceptible d'étayer leur discours. Le" sens de ces orages pour rien, très sarrautiens au fond, par l'utilisation des lieux communs et l'inauthenticité qu'ils dénoncent, c'est que la vieillesse «est un naufrage» et que la colère dissi· mule mal l'angoisse de la mort et la désespérance. Parfois pourtant, un semblant de profondeur chez les personnages vient cre· ver la surface écumante du discours hargneux, blessant, plein de fiel qui agite convulsivement ces êtres en mal d'équilibre, tous également c: floués» par la vie. Mais ces brefs éclairs échouent à constituer une autre dimen· sion, celle précisément qui viendrait justifier les déluges d'insultes et de c vérités» qu'on se jette au visage. Ce livre est rempli de c vérités» psychologiques, et de celles justement que la Sapientia mundi et les proverbes mettent à notre disposition. Psycht). drame de ratés, et d'épaves dont la sottise et l'étroitesse d'esprit n'ont d'égal que la férocité et la violence, ce roman ne montre que l'aspect sor· dide des rapports humains ainsi que la médiocrité incurable de ceux qui sont dévorés par les préjugés et le monde des objets. Anne Fabre·Luce
Patrick Modiano
lent, le terrifient et le sacrifieront le jour venu. Il n'y comprend rien. Il n'y veut rien comprendre. 11 sait seulement qu'elles finiront par avoir sa Deau. Du bruit mais tuant, ce qu'il n'a garde d'oublier. Le seul sentiment profond, impérieux, enfantin qu'il éprouve au milieu des pressions contradictoires que lui font subir des maniaques et autres forcenés : la peur. Il crève littéralement de peur. « Les seuls sentiments qui m'animent sont la Panique (à cause de quoi je commettrai mille lâchetés) et la Pitié envers mes semblables : si leurs grimaces m'effraient, je les trouve quand même bien émouvants ». Le plus sûr exor· cisme contre la panique, contre l'époque, la présence d'un très vieux couple curieusement le lui fournit. Un géant roux et aveugle, Coco Lacour, mordillant un cigare, une toute petite vieille ou toute petite fille, Esmeralda qui fait des bulles de savon. Ces deux êtres les plus démunis de la terre, il les aime exclusivement. Misé· rables. Infirmes. Débiles. Muets surtout. Bientôt, il se convainc par une étrange intuition ou par quelque idée délirante - comme l'on voudra que tous les hommes, mêmes les plus terribles, les plus despotiques, finissent tôt ou tard par leur ressembler. par n'être plus différents en rien de Coco Latour et de Esmeralda : « Des infirmes qu'il faudrait pro· téger - ou tuer pour leur rendre service ». Les rois, les foudres de guerre, les grands hommes, deviennent, sous ses yeux, des enfants malades. Tiraillé de tous les côtés, dans l'incapacité absolue de prendre par t i, Lamballe-Swing Troubadour, cette girouette. ce pantin; qui ne veut mécontenter personne et complaire à tous et à chacun, traverse donc les ténèbres maléfiques en compagnie de son couple inoffensif et n'aime les autres qu'à la minute où il peut les voir aussi inoffensifs que Coco Lacour et qu'Esmeralda. Alors, il dépasse la panique qu'ils lui ins· pirent à l'ordinaire, il éprouve pour eux, pour la majorité des hommes, « une pitié maternelle
Le Inonde sur une aŒche et dé50lée ~. Il s'attendrit sur la peur de ceux qu'il trahit. Mais il n'aime pas beaucoup leur héroïsme, il se durcit 80US leurs re· garde chargés de mépris, reflètant leurs belles convictions, leur choix d'hommes. Les idéaux sé· parent, rendent moins vulnérables, empêchent le dénuement fi· nal. Et Coco Latour et Esmeralda (le seul recours) n'ont alors ja· Jean-Pierre Morel Le Mural mais existé. Moins déployé que la Place de Coll. «Lettres Nouvelles» fEtoile, la Ronde de Nuit, ne se Denoël éd. 198 p. joue plus des slogans contradic· toires, des dogmes ou des dialectiques opposés, mais cherche pluCentral Park ouate de neige. tôt à passer à travers eux, à se Des Ford et des Plymouth garées devant un motel à air couditionglisser entre, pour échapper à leurs dramatiques conséquences, né. Des Fédéraux qui tabassent avec le caractère espiègle, la souun Noir dans un ascenseur. Des plesse, puis la panique d'un enemballages qui traînent dans une fant qui ne deviendra pas un .cour d'immeuble. Des sirènes homme. Que l'on se souvienne d'ambulance qui hurlent. Des étudans la Plnce de f Etoile: c Trop diants qui déchirent leur livret sérieux, les hommes. Trop absor- militaire. Carmichael qui déclare bés par leurs belles abstractionIJ, la guerre aux Blancs. Des flics. leun vocations ~. L'insolence s'y Encore des flics. Toujours des montrait alors toute tendue vers flics. Les uns appuyés sur une le dégagement. Elle visait à se portière de voiture, matraque à détacher de son angoisse et à re- la main, d'autres donnant l'assaut joindre cette indifférence passionà un immeuble où sont retranchés née, chère à Roger Nimier, mais des hippies. L'Amérique est un avec un risque fort accru chez réservoir inépuisable de sensaModiano de le laisser à l'improtions, d'impressions, de scènesviste submerger. La parade foraine flash qui se déforment et se muloù il exhibait sous forme de ma- tiplient comme les flocons de rionnettes et de tableaux vivants, phares dans la Cinquième Avenue ses mythes, les archétypes juifs et à travers un pare-brise mouillé aryens de sa légende sanglante, par la pluie. Les U.S.A. sont le mais parodiés, prostitués, cabo- rêve et le vertige des écrivains tins féroces et tapageurs de bara- . français : de Paul Morand à Mi· que poussiéreuse, aboutissait peu chel Butor, de Blaise Cendrars à à peu à cette longue prière de Pierre Bourgeade. l'absurde qu'il composait en mêCes dernières années ont conlant tous les hymnes des tueurs et firmé cette tendance. Car les , des martyrs, tous les chants de la U.S.A. sont apparus violents, strihaine et de la pitié - déchirant dents, excessifs comme un thriller pot pourri. Aujourd'hui, Patrick dont le scénario serait de William Modiano, par le truchement de Faulkner et dont la mise en scène son héros, nous rend sensible cet- aurait été confiée à un Lautréte blessure, cette enfance des amont noir. Comment donc écrigrandes personnes, comme un air re le roman de cette Amériqueque ferait entendre la boîte à 1à? En vagabondant sur les roumusique en quoi se transforme ten, à la manière de Kerouac, avec chaque homme avant de mourir. un crayon à une main et une bou« V OUS, mon petit gars, ce sera teille de bourbon de l'autre ?... le bruit d'une poubelle que fon Jean-Pierre Morel a plutôt choisi envoie dinguer la nuit dans un de déverser ses sensations dans terrain vague ». Il truffe son une sorte de roman-poème divisé texte de chansons d'époque. Et en parties, ou panneaux, puisque l'air de Swing Troubadour nous l'auteur présente son livre comme poursuit plus que les c r âne s une fresque qui serait découpée « Salut, César, ceux qui vont mou- en scènes de genre, fresque avec rir te saluent » de tant de gladia- ses détails, ses teintes criardes' ou teurs. Réapparition du lied au délavées, ses morceaux d'affiche milieu des docteurs. et ses collages divers, sans oublier Jean-Marie Magnan. les graffitis.
Vers un nouveau réalisme du regard
1
La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 novembre 1969
Le roman se présente donc comme essentiellement visuel ou impressionniste; il a des ruptures, des reprises, des leitmotives, un retournement des scènes «prises sur le vif ». Contrairement à Mobile de Michel Butor, qui nous faisait parcourir les Etats·Unis eu tous sens, Jean-Pierre Morel nous divise son ouvrage en deux parties: la côte Est, la côte Ouest. On y perd peut-être en diversité, mais on y gagne en lisibilité, en profondeur, en composition. Mobile de Butor avait le défaut d'être quelque peu disparate dans son simultanéisme. Plutôt que de s'éparpiller en une pou88ière de notations, Jean-Pierre Morel a préféré limiter les thèmes et les situations de son Mural. C'est le bon parti. Car il ne s'agit pas d'une limitation du regard, mais d'une contrainte formelle imlispensable à la composition. Les thèmes vont de la liberté sexuelle à la résistance à la guerre du Viet-Nam; les paysages: des autoroutes de la côte Est aux cabarets de San Francisco. Pas de personnages: des profils et des silhouettes. De la femme de ménage au recteur d'Université, de l'étudiant contestataire à la femme belle et nue comme un Botticelli. Pas d'histoire: des impacts. Des scènes vécues on des scènes imaginaires provoquées par l'actualité, filtrées par la subjectivité du narrateur. Pour cette raison, les souvenirs du Boul'Mich se mêlent à des visions de Florence sous les eaux, et des affiches com' posées par les révolutionnaires Futuristes russes (atelier de Saratov) font collage au milieu du texte. Autant de fragments qui donnent à ce montage une dimension personnelle et attachante (on n'oubliera pas quelques aperçus fictifs à propos de la Sorbonne !) et surtout un ton particulier qui resserre l'unité du livre. Suggestive comme un tableau op'art, authentique comme une bande d'actualit.és, visionnaire comme un fragment de l'Apoca-
lypse, cette tapisserie de l'Améri· que des années 66-67 révèle une sûreté d'écriture et un sens du montage tout à fait remarquables chez un jeune auteur. Ce roman· poème se lit d'une traite. Les images ne lassent pas ; elles viennent, éclatent et passent comme des panneaux réclames le long d'une autoroute. C'est le rythme de l'Amérique. Ce qui risquait de n'être qu'une mosaïque d'instan-
tanés ou une sene de cartes postales possède un liant et une unité formelle jamais mis en défaut. Ce premier roman révèle un écrivain plus que prometteur: son premier livre est une réussite. Attendons la prochaine œuvre pour savoir si le Mura.l annonce un nouveau réalisme du regard. Jacques-Pierre Amette 7
De Bellac Les critiques et les spécialistes paraissent également partagés sur le sort qu'il faut faire à un écrivain dont l'inactualité se faisait déjà sentir dans les années trente. Accusé de gratuité, d'esthétisme ou d'académisme • supérieur. par les uns, il est défendu par ceux qui s'attachent à l'analyse des profondeurs secrètes de son œuvre, à celle des centres de gravité pudiquement masqués par l'écriture. D'autres, enfin, demandent à «l'enchante-
1
Jean Giraudoux
La Menteuse
Grasset éd. 279 p.
1 I
Or dans la nuit Grasset éd. 234 p.
Les Gracques Grasset éd. 109 p.
1
Carnet des Dardanelles Le Bélier éd. 120 p.
La Menteuse (déjà publiée en 1958 avec les Gracques) est le dernier roman de l'auteur de Bella. Son fils en a rassemblé les brouillons retrouvés et il a luimême comblé, nous dit-il, les lacunes de ce manuscrit écrit à la
ment • de répondre des facettes multiples de son talent et de la vision romanesque ou dramatique qu'il a pu imposer. On peut donc se demander si les quatre textes (deux rééditions et deux inédits : Or dans la Nuit et Carnet des Dardanelles) parus pour le vingt-cinquième anniversaire de sa mort sont de nature à mettre fin à la désaffection dont souffre l'œuvre de Giraudoux depuis la deuxième guerre mondiale.
hâte en 1936 au cours d'un voyage en Amérique. Il s'agit d'une jeune femme, Nelly, qui ment aux deux hommes qu'elle aime et qui décide d'en épouser un troisième qu'elle n'aime pas (un certain Fontranges qui apparaissait déjà dans Bella) . On retrouve le Giraudoux algébriste des nuances les plus ténues de l'âme adolescente et féminine. Nelly, à l'instar de l'Edmée du Choix des Elues est un être à vérités multiples. Ses «mensonges» ne sont en fait que certaines de ses « voix » et ils participent davantage de la sublimation que de la trahison. Mentir est, pour elle, un moyen de s'élever intérieurement à la hauteur de l'amant. Si elle s'in-
vente un passé, c'est surtout pour céder au désir de paraître telle que Réginald ou Gaston peuvent la souhaiter. Plutôt qu'à la tromperie ou au mensonge, sa c: parlerie » ressemble aux manifestations enrichissantes et contradictoires que suscitent le désir et la fascination d'ordre amoureux. Car Nelly est une c: fascinée » qui cherche à combler, à réaliser son être de femme aimée. Prise entre deux regards également aimants, elle tente de leur faire l'offrande de son existence et de vivre pour eux la vérité particulière que chacun de ces hommes appelle en elle. Le douloureux, et l'irréductible, n'est pas ici la dissimulation que ce conflit entraîne pour elle, c'est la divergence irréconciliable qUI sépare les rapports qu'entretiennent Gaston et Réginald avec le monde en général. II en résulte un sentiment d'échec qui affecte les rapports de Nelly avec le monde. Ce roman, qui pourrait passer pour une étude psychologique, est en réalité une analyse des conflits qui surgissent entre les êtres à propos de leur relation avec le monde, et non entre eux. Pour c: intérieure » que semble l'aventure de Nelly, elle n'en demeure pas moins dans la ligne d'une cosmologie poétique très particulière à Giraudoux. Celle-
,
La traversee du. désert
I
Jean Yvane Un cow-boy en exil Denoël éd., 168 p.
«Dans l'Ouest, celui qui vit le plus longtemps, c'est celui qui n'a jamais regardé un coucher de soleil », énon<'e ~entencieusement un personnage de cel anti.western. Ne pas s'attendrir sur la beauté du paysage est une des lois du Far W e~t. Or nous sentons tout de suite que Sam a trop regardé de couchers el même de levers de soleil... Ce cow·boy bien tranquille boit uniquement de la grenadine - pour sa belle couleur -, ne sait pas tirer et ne possède pas de pistolets. Il aime d'amour tendre Lola, sa belle jument rousse. Et... et voilà la fatalité... il n'a plus ni frères ni sœurs car ils ont tous été tués par un certain Sydney Boone. C'est triste, Sam en convient. C'est triste, rugissent les cyniques habitants de sa petite ville, tu dois tuer Sydney Boone. Je ne suis pas un tueur, proteste Sam. c Si tu ne tues
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pas ce Boone, c'est alors que tu seras un tueur, dit le shériff. Parce que tu le laisseras en tuer cl'autres malgré les raisons que tu as de l'abattre.» Que faire en face d'aussi mauvaises raisons? Sam et Lola partent vers le Désert des Tortues, mais pas pour tuer Boone, pour lui «parler» afin de le rendre meilleur, pour l'aimer et le convaincre. En chemin, notre Don Quichote ren· contre des Cheyennes ; la famine et ln honte en ont fait des vieillards aux cheveux blancs alors qu'ils n'ont que vingt printemps. Sam leur donne toutes ses provisions. Que va·t·il manger en traversant le Désert des Tortues: des tortues? il n'yen a pas, des lézards? ils sont tous morts, des cactus ? ils sont tous noircis... Boone a semé la désola· tion derrière lui. Sam et Lola sont deux philosophes et leurs conversations affectueuses les aident à supporter leurs épreuves; le froid, le soleil implacable, la peur, les vautours s'acharnent contre eux. Le
sable est gris, tout devient gris, même la belle robe de Lola. Sam croit en· tendre de la musique et Lola essaye de le réconforter par des élans d'humour qui sonnent de façon pathétique. Cette traversée du désert devient une descente aux Enfers où Orphée serait accompagné par Eurydice. On serait tenté de croire que la musique qui ha1lte les oreilles de Sam est celle de Monteverdi. Et pourtant le style reste toujours simple, un style savoureuse· ment calme de cow·boy philosophe. Il y a dans ce conte hippie un humour noir et placide qui, par le jeu des contrastes, agrandit cette petite hi,toire triste aux dimensions du grand écran. Jean Yvane a une façon personnelle de regarder bien eu face les personnages comme les idées. Il pense en images directes et simples, son ironie et sa tristesse font basculer le réel dans la poésie. Boris Vian aurait aimé ce livre. Marie-Claude de Brunhoff
ci se manifeste par l'emploi de l'antithèse et de la métaphore qui nimbent le récit d'un réseau subtil de sur-significations. Ce langage c: magique:. qu'on peut prendre pour un esthétisme purement poétique et gratuit renvoie au c.ontraire à un essentialisme fondamental. Ce c: platonisme :1, cet aristotélisme de la pensée (si justement soulignés par C.-E. Magny et J.-P. Sartre) [1], révèlent un auteur-démiurge qui refait le monde à sa convenance et qui décide de ses structures selon un déterminisme des valeurs entièrement personnel. La gêne que l'on peut ressentir à la lecture de la Menteuse est due au fait que le hasard n'a pas de place dans un univers précieux ; et si cette écriture impressionniste et mouvante donne l'illusion d'une structure ouverte, elle postule en réalité un monde d'essences subjectives et univoques. Les « barrières :. invisibles que l'on perçoit de temps à autre dans l'espace de la prose ne se situent pas au-delà du texte, mais en deçà: elles président à l'organisation de la «féerie» et en déterminent secrètement tous les contenus. C'est à cet impérialisme secret des essences que C.-E. Magny fait allusion quand elle dit :
« Toujours le cristallin de récrivain vient s'interposer entre now et la vision immédiate de ses créa. tures ». Ces « a priori » font que l'écriture de Giraudoux ne peut jamais être une création spontanée, mais la réalisation d'un « modèle », dont les principes sont antérieurs à l'œuvre. Et dans une optique moderne, celle de Barthes, par exemple, sa fiction se situe d'emblée dans une ère révolue, celle de l'écriture classique. Classique, ce roman l'est aussi quand on compare l'importance considérable que l'auteur acord~ aux rapports des individus et d'un ordre « supérieur », avec le contenu psychologique des individus eux-mêmes. La transparence intérieure d'Edmée ou de Nelly devant un certain ordre du monde rejoint celle de la Princesse de Clèves devant la notion de « devoir » ou de « vertu ». On sait que le théâtre a été pour Giraudoux un moyen de résister à la tentation de l'irréel et de l'angélisme. II y voyait un chemin vers « le pays des hommes )
aux Dardanelles
Jean Giraudoux aux côtés de «La Menteuse », Amérique du Sud, 1937
et la réalité sociale qui man· quaient à son œuvre romanesque. Le premier acte des Gracques, pièce inachevée et c: recomposée :. par J.·P. Giraudoux est un exemple de ce désir d'engagement dans le réel. Nul doute que l'auteur n'eût apporté des modifications substantielles à cette ébauche qui évoque le destin c: engagé :. de deux tribuns c: contestataires :. de l'ordre romain au xe siècle avant Jésus-Christ. On y trouvera pourtant l'esquisse d'une pièce intéressante, dans laquelle l'ironie et la violence l'emportent aisément sur la « magie du quotidien » quand il s'agit d'abattre le c: nénuphar-roi » qu'est devenue la Rome impérialiste, prévaricatrice et belliqueuse. Deux textes inédits complètent ce retour de Giraudoux sur la scène littéraire actuelle : Ce sont Or dans la Nuit et le Carnet des Dardanelles. Le premier, consacré pour la majeure partie à des textes c: occasionnels » n'est pas du meilleur Giraudoux. TI nous
rappelle les côtés c: bon enfant de Bellac » ou c: Normalien vertueux et optimiste » de l'auteur, et cela souvent à propos d'écrivains au· jourd'hui à peu près tombés dans l'oubli. En revanche, les deux essais qui terminent le livre et qui traitent du théâtre en France et en Allemagne dans les années 30, retiennent l'attention par la fi· nesse et la pertinence des idées. Giraudoux, comparatiste né, y souligne l'importance que continue d'avoir le c: théâtre de texte» en France, alors que l'Allemagne paraît toute entière soumise à la domination de la régie. Il en con· clut que « tout effort théâtral allemand aboutit à une confusion des genres (alors que) le Français s'applique à réaliser leur séparation ». Ces remarques donnent ample matière à réflexion. Le deuxième inédit réserve une remarquable surprise: grâce, en effet, à deux textes habilement juxtaposés et contrastés, nous y retrouvons un grand magicien de la prose. Le Carnet des Dardanel-
La Quinzaine littéraire, au 1- au 15 novembre 1969
r
les, fragment d'un journal de guerre fait de notes décousues et consignées par l'auteur pour son usage personnel entre mars 1915 et janvier 1916, révèle à quel point la biographie se cache derrière la féérie de la prose giralducienne et aussi comment les détails les plus banals de la vie du front sont transformés par la narration. A la suite des notations brèves, parfois incompréhensibles, de ce journal de soldat, l'éditeur présente les treize pages d'Adorable Clio (1919), qui correspondent aux événements rapportés dans le Carnet. Alors, la banalité des faits disparaît sous l'orchestration harmonieuse d'un univers devenu magique. Le hasard des combats s'y fait déterminisme souverain et parfois ironique ; la poésie entre à flots dans ces paysages jonchés de cadavres et désolés par la guerre. Le récit historique se pare de son héritage antique et l'atti· cisme aérien de la prose recom· pose et baigne les événements
d'une lumière lisse, ludique et atemporelle tout à la fois. On passe ainsi, comme par l'effet d'une brusque lévitation de la plate réalité de constat à une réalité de vision. Admirable transposition où chacun des détails triviaux de la réalité se retrouve, mais soudainement paré des prestiges de l'irréel ou du destin. D'une manière plus péremptoi. re que les autres textes publiés aujourd'hui, le Carnet des Dardanelles nous donne la mesure des dons immenses qui étaient ceux de Giraudoux. On peut certes contester, et même refuser l'univers essentialiste de formes que nous ouvre sa prose, mais on ne peut qu'admirer et s'émerveiller devant le mystère poétique de cette prose dont il s'est voulu le souriant démiurge. Anne Fabre-Lu.ce. 1. C.·E. Magny, Précieux Giraudoux, Le Seuil éd., 1955. J.·P. Sartre, cM. Jean Giraudoux et Aristote », Situation 1. Gallimard éd., 1947.
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INEDIT
EXPOSITIONS
Apollinaire
Jacques Villon définissait comme «la plus multiple et la plus sympathique figure de le génération de ce temps -.
La Bibliothèque Nationale présente du 22 octobre au 30 novembre 1969, une exposition consacrée à Guillaume Apollinaire. Outre des poèmes, des lettres, des textes, des éditions rares, des manuscrits qui nous permettront de suivre pas à pas les étapes de la vie et de l'œuvre du poète, on y trouvera regroupées les œuvres des amis peintres d'Apollinaire, du • douanier. Rousseau à Picasso, de Picabia à Braque, de Chirico à Modigliani etc. Les écricalns qui furent les compagnons d'Apollinaire ou ses fervents admirateurs sont également présents à travers leurs portraits et leurs écrits. Enfin, tous les événements artistiques auxquels Apollinaire fut étroitement mêlé: la naissance du cubisme, les ballets russes, les premières expositions d'art nègre, sont également évoqués pour mieux nous restituer la personnalité de celuI que
LETTRES A
Le vitrail oontemporain A "occasion de "inauguration de ses nouveaux bâtiments, la Maison de la Culture dé Reims organise du 9 octobre au 31 décembre 1969, une exposition de vitrail contemporain : • Le vitrail et les peintres de 1957 à 1969 à Reims •. Engendrée à l'atelier Simon-Marq, tout proche de la cathédrale, cette exposition n'a pas pour but d'être exhaustive mais de rendre hommage à l'Initiative de deux peintres verriers rémols, Brigitte Simon et Charles Marq, qui, en faisant appel à la vision de peintres tels que Braque, Villon, Bissière, Chagall, SIma, Ubac, Vieira da Silva, Poliakoff, G. Asse, ont contribué à la renaissance de l'art du vitrail au XX' siècle.
La Quinzaine lzttf·r.lIrl'
La lecture de farticle signé M. Mar. dans le rauméro 79 de La Quinzaine Littéraire: c Naissance d'une nation:», me laisse l'impression que vous contri. buez maladroitement à entretenir la mythologie qui entoure fusage de la drogue, étant donné le manque de sens critique dont il témoigne. rai vingt ans et je connais cette atmosphère; j'assiste avec déception à la célébration tEune fausse culture et à la glorification de fausses valeurs: à Londres comme à Paris, je suis frappé de la faiblesse de la production des hippies et de la stérilité de leur vie. On les croit libres, ils sont escla· ves de leur aliénation. Leur recours à la science pour dé· montrer le caractère inoffensif de la drogue cache mal le grand vide de leur prétendue culture. Une autre dé· fense mystificatrice est la distinction qu'ils professent entre drogues bénignes et drogues nocives : en fait il n'y a guère discontinuité entre les unes et les autres. Olivier Gimpel, Londres nat
Je me permets de rectifier une inexactitude d'apparence anodine mais lourde de sens que je relève dans far· ricle que M. Boyer a bien voulu me consacrer dans la Quinzaine. Il écrit: c le narrateur et le fils· ne font plus qu'un, le Président est par aiUeurs grand Ecrivain qui a eu le prix du Roi en novembre 1965 (c'est-à.dire le Prix Médicis pour la Rhubarbe) !:. Quelle erreur! le prix du Roi dont j'ai affublé mon personnage n'est autre que le prix Nobel que j'appelle aiUeurs Grand Prix scandinave. Le Prix Médicis, c'est moi, Pilhes, fils de Berthe Germaine Pilhes, qui c tente le coup littéraire du Loum:.. Le fils de la pre· mière partie est une baudruche de la Puissance: je lui ai donné du chef d'Etat et le grand prix scandinave pour ensuite le lancer, ainsi chargé, ainsi démentiellement lesté, dans la terrible bagarre. M. Boyer n'aurait pas dû écrire cette parenthèse qui constitue un malentendu tres capital. René-Victor Pilhes
M.
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La
m.arche
Henri Michaux publie ce mois-ci chez Gallimard un recueil : Façons d'endormi, Façons d'éveillé, consacré aux rêves qu'il lui arrive de faire et dont le récit est suivi de remarques ou de réflexions qui les éclairent. « Mes rêves, si gris qu'ils aient été, n'ont-ils pas influencé ma vie, autant que la vie les a influencés, eux, et sans que j'y fasse attention? C'est un peu pour répondre à cette question qu'Henri Michaux n'a pas jugé inutile de relater quelques-uns de ses rêves, en particulier celui-ci : Je me trouve dans un bassin plein d'eau. D'abord pas bien profond, il va s'approfondissant. J'y avance d'une marche égale. Simultanément l'eau monte. J'en ai jusqu'au cou; jusqu'au menton. Et moi de marcher et elle de monter. Elle m'atteint au-delà de la bouche. Elle me vient par-dessus la tête. Elle recouvre tout. Et je continue toujours à avancer sous l'eau sans m'arrêter. Il semble, oui, j'ai tout l'air de pouvoir me passer d'atmosphère, de cette fameuse atmosphère, dont Dieu sait qu'on nous a rebattu les oreilles sur sa prétendue nécessité, absolument indispensable à la vie. Ah! Ah! bien intéressant cela. \1 ne faut pas, me dis-je que j'oublie... que plus tard je ne sache plus ce qui m'est arrivé, car je sais - tiens, comment? puisque j'ignore que je rêve - je sais qu'il y a risque que j'oublie comment je m'y suis pris. Comment, au fait, m'y suis-je pris? Quoiqu'il en soit, incontestablement, c'est réussi, ça marche. \1 semble que ce qu'il faut avant tout, c'est ne pas lâcher ou s'affoler, c'est prendre les choses avec calme, comme si ça ne faisait pas de différence, surtout au moment de la totale immersion. Ce doit être, ça, le secret. Il ne me vient pas à l'esprit que l'eau devrait mouiller. Non, de cela pas question. Donc, pas de problème. Ni au sujet de mes habits, dont il n'a pas davantage été question, que je n'ai pas enlevés, qui n'ont pas dû spécialement s'alourdir. Je suis tout à mon affaire, si importante, qui est que je me passe d'atmosphère. Je n'en ai plus besoin. C'est continûment, sans accrocs que je m'en administre la preuve ... Remarques.
La veille au soir j'assistais à la conférence d'un psychiatre étranger, dont on avait dit grand bien. Après un début prometteur. c'est l'ennui, la monotonie. Soirée longue sur les banquettes dures de l'amphithéâtre. Observé par les médecins qui m'ont amené là, je ne peux partir: Ah! cet ennui! Qu'est-ce que l'ennui? C'est étouffer, ne plus pouvoir respirer, manquer de stimulation, c'est, dirait-on manquer d'air, c'est donc comme être sous l'eau. Petit à petit, par moments alternants, on va perdant conscience de l'environnement. Ainsi hier soir, envahi par les vagues de la somnolence, quantité de fois j'étais sur le point de perdre contact avec le bavardage prétentieux du pédant discoureur qui, à un bout de la salle et à la limite de ma conscience, continuait toujours. L'attention, c'est ce qui lutte, corrige, dépiste à temps et contrarie l'assoupissement, et qui dans les conditions adverses maintient la continuité. Attention contre l'indifférence qui laisserait les yeux se fermer, la tête s'incliner, la pensée fuir, la torpeur envahir. Attention, qui à cette interminable conférence me permit de tenir bon jusqu'au bout. La nuit venue, reprenant quelques points de cette soirée qui tant s'étira, indifférent à son apport proprement mental, j'ai dû dans la fatigue et le naissant désintérêt, trop heureux de lâcher les cent détails de l'encombrante réalité maintenant dépassée, j'ai dû revivre en gros, en simple, la situation fâcheuse, qui fut
HELENE CIXOUS
sous l'eau dominée heureusement laborieusement aussi en homme qui n'a plus à se gêner pour simplifier carrément et pour se la raconter sans égards cette fois, pour personne ni pour rien, avec ses sens, avec ce qui reste de ses sens. En somme, j'étais sous l'eau, voilà ma soirée présumée intellectuelle. Je me la représente ainsi, ainsi je me la fais revenir, et je me loue sans doute d'avoir persévéré dans une situation sans air. L'eau, ma vieille alliée, un peu perdue de vue dernièrement, l'eau retrouvée, une fois de plus vient donner l'apaisement. Je n'y vais plus guère. Nous ne sommes plus compagnons. Je suis encore complice. Je me vois en elle (par caractère), sans l'aller regarder, quand je songe à ses opposés haïssables, aux raideurs, à l'autorité, aux actuelles modes dirigistes. Par conviction aussi, je me ramène à elle souvent, sachant que comprendre c'est d'abord se couler dessous, être au plus profond niveau, être informe, pour prendre ensuite autrement nouvelle forme. L'eau ... mais voilà - dirait-on - que je veux l'étendre, lui adjoindre des domaines. Tout le contraire de ce qu'elle a fait, elle, quand, ses propres attributs elle ne les avait même pas tous gardés. Certains de ses caractères habituels (et il m'a fallu longtemps et de particuliers embarras d'écriture pour le remarquer) manquaient, étaient pratiquement annulés. Je n'en avais pas besoin. L'eau qui mouille, qui rafraîchit, qui refroidit, qui pèse, qui scintille et ainsi de suite, ça n'aurait rien eu à voir dans mon rêve. Pour • rendre - ma situation, je n'avais besoin que d'une eau qui sépare de l'air. Moins elle montrait de caractères supplémentaires, plus elle me convenait, s'appliquait, était convaincante. Eau- rétrécie, telle qu'elle traduisait une particulière impression. Eau de comparaison. (Toute comparaison rapprochement: momentané - établit une identité, vraie seulement en un ou deux points, fausse en tout le reste.) Rétrécie comme elle était, ayant à me satisfaire quant à l'expression d'un point particulier (c'est-à-dire le malaise de cette ennuyeuse soirée subie, mais négligeant tout le reste), cette eau et ce mien comportement de rêve qui s'y rapporte assez bien, se rapporterait encore mais en beaucoup moins juste, à nombre de difficultés de ma vie que je prends un peu trop sérieusement. A tout un passé de difficultés, et sans doute à un avenir de difficultés qui m'attend vers lequel je me dirige les yeux fermés. Le rêve dit encore - fort simplifié - ce style d'homme en difficulté que j'ai assez souvent, d'homme à handicaps, où j'ai remarqué et il a été remarqué que de ces difficultés et de ces étouffements souvent sortent de moi d'assez inattendues réussites, et facilités. Mais pourquoi chercher si loin et si personnel? Tout rêve ne présente-t-il pas - c'est sa nature même - à tout rêveur des facilités, des plages d'invraisemblables facilités? Quant à se rapporter à mon futur, il est probable que tôt ou tard une difficulté grave surgira - comment avec l'âge n'en arriverait-il pas? - où plus évidemment je serai • sous l'eau-; et que je prendrai peut-être avec sagesse, avec intérêt. Ne dira-t-on pas alors que c'est réalisation du rêve, que c'est ce qu'il avait voulu dire, et qu'il prophétisait? Quoiqu'il arrive, dans la vie de quelqu'un, cela se passe avec un certain genre, genre d'impression et façon de prendre les choses. C'est ce genre, cette façon qui donnent un certain style permanent à chacun, du début à la fin de sa vie et où tout s'insère, se retrouve, se fait écho, et grâce à quoi tout à tout se rapporte. Dans ce rêve, on peut aussi remarquer, comme dans plusieurs autres, notamment celui où un oiseau et un chien me parlent, que je reviens volontiers à mon désir, à mon espoir, jamais longtemps évanoui, de voir apparaître dans le vivant de nouvelles et plus intéressantes facultés. Henri Michaux. Copyright : Gallimard éd. 1969.
La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 novembre 1969
Dedans roman
"Le livre le plus original de cette rentrée littéraire. " ROBERT KANTERS Le Figaro Littéraire
"Une œuvre riche et belle."
CLAUDE MAURIAC Le Figaro
"Un beau roman d'amour fou," FRANÇOIS BOTT Le Monde
"Un authentique lyrisme." REMI LAUREILLARD La Quinzaine Littéraire
Grasset.
pl,..
Vient de paraltre
IlllC DIUTICBlB
Issals sur le problème juif lIlDiCI BAUI10n Les origines de la 2' guerre mondiale PURBI-B.ICDlmlR
Ps,chologle médicale DaUDBIBAIM
Les suicides d'adolescents
PITITI BmLIOTBIQDI PIYOT .rICQUlI BUI"
Des sciences ph,slques aUI sciences morales .°141 PIIBBI-BlDlIDlOI
L'esprit et l'histoire
.°144
Da UIlLABBABI.
Ps,chanal,se et culture ,.°145 ALlIW. WATTI Le bouddhisme len .0 lU 11
e
Ul Pierre Bourgeade a rencontré un certain nombre d'écrivains à qui il a posé des questions inusitées. Elles ne se rapportent ni à leur vie ni à leur œuvre, mais à ce qu'ils ont en eux de caché, de secret, d'Imaginaire, ce qu'en somme, ils ont fait passer dans leurs ouvrages, sans toujours en être conscients, et qu'ils n'auraient pas toujours envie de révéler. Il y avait là, pour la Quinzaine littéraire
Pierre Bourgeade. Par quoi commence-t-on? Des idées? des images? des mots?
X. Des images. De quelques lectures de jeune.sse, il me reste des images très fortes. Quelqu'un est mort à bord du Nautilus. Conseil, Ned Land et le Professeur regardent l'enterrement. C'est un enterrement sous la mer. Les hommes du Capitaine Nemo creusent la tombe dans un massif de corail. 1/ y a beaucoup de choses dans cette image. La mer, la tombe: cette tombe creusée sous l'eau. 1/ y a la profondeur de la mer, et pourtant, on creuse encore. C'est comme les choses qui s'emboÎtent. J'ai lu aussi, enfant, un conte de ce genre, que je n'ai jamais oublié : c'est une porte, qui s'ouvre sur une porte, qui s'ouvre sur une porte... Ça ne finit jamais. On n'arrive jamais. P.S. Ça vous fascinait, cette histoire?
X. P.S.
Oui. Ça vous faisait peur?
X. Non. Au contraire. Je ressentais une attirance. P.S. Qu'est-ce qu'il y a, derrière la dernière porte?
X.
Encore une porte.
P.S. Je vous vois aimant l'action. Ne vous enfermant pas dans une forme qui tourne.
X. J'étais frappé aussi par les contes fantastiques. En voici un. C'est une dame qui tricote. Elle tricote, elle tricote, et tout à coup, elle s'aperçoit qu'elle tricote un lapin. C'est un moment atroce. Cette dame ne l'a pas fait exprès; Elle tricote, 12
la possibilité d'un jeu. Qui est l'écrivain rencontré par Pierre Bourgeade? Les lecteurs qui nous envoient une réponse juste, dans le délai d'un mois. bénéficient d'un abonnement de trois mois (ou, s'ils sont abonnés, voient leur abonnement prolongé de trois mois). Ceux qui auront découvert tous les écrivains interrogés (ou presque tous) recevront de la Quinzaine littéraire un cadeau.
sans compter les mailles. Sans compter les points. Rien ne la distrait. Et tout à coup : ce n'est pas un tricot, c'est un lapin. P.S. ... et non seulement l'action, mais les voyages.
X. Oui.
Les voyages. Je lisais les grands Jules Verne, bien sûr : Voyage au Centre de la Terre, De la Terre à la Lune, etc. J'ai revécu, plus tard, certaines de ces aventures, dans des pays lointains. Les héros de Jules Verne me fascinaient. I/s dominaient la nature non par appétit de puissance, mais pour realiser leurs rêves. P.S. Jules Verne, pour vous, ce n'était donc pas, avant tout, "invention scientifique ?...
X. Non. Ces inventions, pour moi, ne sont que des moyens : l'auto, l'avion - moyens d'aller quelque part, de faire quelque chose. P.S.
est-Ce?
Vous écriviez déjà?
X. Aussi loin que je puisse remonter, je retrouve en moi le désir d'écrire. Mais je n'ai écrit que beaucoup plus tard. Je n'étais pas très doué. P.S. y a-t-il un livre, ou une phrase, qui ait été la cause immédiate... le moment à partir duquel vous vous êtes dit : « Ça y est, j'écris» ? ..
X. Je ne sais pas si je vais répondre exactement à votre question, mais, c'est vrai, un jour, j'ai lu une phrase de ce genre, une phrase qui m'a épaté et rassuré. La première phrase du Temps Perdu. Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » Je me suis dit: « Ouelqu'un a écrit cette ft
Les écrivains interrogés jusqu'à présent étaient François Mauriac, André Pieyre de Mandiargues, J.M.G. Le Clézio, Nathalie Sarraute, Eugène Ionesco. Pierre Klossowski, Raymond Queneau. Marguerite Duras est le huitième. Qui répond, aujourd'hui aux questions de Pierre Bourgeade?
phrase, et à partir de cette phrase sont venues toutes les phrases qui devaient suivre cette phrase. » Et je me suis dit que, moi aussi, j'aurais pu écrire cette phrase.
P.S. tes.
X. Un théâtre. Vous avez lu le Château de Carpathes? P.S.
P.S. Je me suis souvent dit ça, moi aussi.
X. Cette phrase de Proust, elle est comme ces fleurs japonaises. Vous en prenez une. Elle est toute petite. Vous la jetez dans l'eau. Elle se déplie, elle double de surface, une fois, deux fois, trois fois ... elle remplit bientôt tout le bassin.
C'est l'histoire des por-
Non.
X. C'est un château hanté. Le narrateur raconte ce qu'il a vu. Le château est dans l'ombre. La nuit, on voit des lueurs dans le château, des apparitions. Le narrateur croit que ce sont des fantômes. Ce ne sont pas des fantômes. Le propriétaire du château est un savant qui a mis au point un système qui permet
ENTRETIEN
Tricot - lapin SECRET
de reproduire la voix et la forme des êtres disparus. 1/ fait ainsi «revivre .. chaque soir la femme qu'il a aimé. Je crois que c'est ça, le théâtre. P.B. Le Château des Carpathes, c'est un roman de Jules Verne?
X. P.B.
Oui. On parlait de Proust.
X. On parlait de voyages. Proust voyage dans le Nautilus, mais il condamne les hublots. P.B. Ça fait beaucoup de femmes, dans un sous-marin.
X.
A dix-sept ans, c'est bien
utile. C'est un âge où on est terrorisé par les femmes. On lit Proust. On voit toutes ces femmes : Odette, Albertine, qui sont des êtres de fuite, qui échappent à ceux qui les aiment. Qui sont comme toutes les femmes qu'on connaÎt. On comprend très bien Proust, à cet âge là. P.B. Ces f e m mes, qui fuyaient, est-ce que, li dix-huit ans, vous aviez envie d'écrire des histoires où vous les attrapiez?
X. Non. J'attendais qu'elles viennent vraiment. P.B.
Tiens.
X. Oui. A cet âge, j'ai écrit le roman d'un amour impossible. Un roman très mauvais.
P.B.
X.
Quel était son titre? Je ne sais plus.
P.B. Comment vous?
le
jugez-
X. Dominique, revu par un faux Radiguet, plus insolent et moins doué.
Pierre Bourgeade signera New York Party et ses autres livres le 6 novembre de 18 à 21 heures à la librairie Max Philippe Delatte, 133, rue de la Pompe, Paris-1Ii'.
P.B.
Original- m.ystère
Et les voyages?
X. Ce qui revient constamment, c'est le moment où on s'aperçoit qu'on est très loin. P.B.
X. De ce qu'on voit... le moment où on se dit : «Mais qu'est-ce que je fais là ? .... Un jour, aux Etats-Unis, j'étais avec une amie, qui jouait une pièce de théâtre. Je suis monté dans les cintres, avant que le rideau ne se lève, et soudain je l'ai vue, là, en bas, qui attendait avant de faire son entrée... Elle ne savait pas que je la regardais... je voyais son visage... d'en haut... qui ne me voyait plus... c'était comme si j'avais regardé la Chine... il n'avait absolument aucun rapport avec moi... cette femme était absolument une étrangère... elle était à des milliers d'annéesc'était lumières de moi... comme si je n'existais plus. Ce n'est pas le pays étranger qui nous est étranger: c'est nousmême. P.B. Que de royaumes nous ignorent!
X. Oui. Il faut disparaÎtre. Ou agir. P.B. Mais ça n'empêche pas d'aimer les choses inaccessibles?
X. Je ne dirais pas : inaccessibles." Je dirais plutôt : cc qui vivent leur existence propre." C'est vrai de toute la nature. Alice, au Pays des Merveilles, a le sentiment que tous les animaux sont affairés : les faisans, les lapins, les chevreuils.. ils vont tous quelque part, ils vont tous à leurs propres affaires. I/s ont des rendez-vous. On ne sait pas avec qui. fIC
P.B.
Albertine dans
De son pays? ..
Vous êtes chasseur ? ..
X. Non. Je l'ai été une seule fois. Un jour, j'avais acheté un vieux pistolet d'arçon. J'ai trouvé des munitions chez un armurier. Je suis parti dans la forêt. J'ai tué un oiseau. Plus jamais je ne chasserai. Je pêche. Je pêche la truite. C'est une contradiction.
• un sous-m.arln
X. C'est le plaisir des lacs, des rivières, je crois. L'eau. Et puis on se dit: «c'est un jeu sportif. La truite a ses chances." 1/ faut être malin, pour l'avoir. J'ai pêché dans les Grands Lacs canadiens. J'étais heureux. Vous savez ce que c'est, un orignal? P.B.
X.
Non.
C'est un animal du grand Nord canadien. 1/ vient de la préhistoire. 1/ est à cheval entre
le cheval et le renne. 1/ a de grands bois. On le voit venir. 1/ approche jusqu'à vingt mètres de vous. 1/ vous regarde. Immobile. Stupéfait. On demeure soimême stupéfait. On voudrait lui dire quelque chose. La communication avec l'orignal est-elle possible ?... P.B.
Elle est peu probable.
X. 1/ faudrait
trouver
du
temps. P.B.
Hélas. Qui êtes-vous? ..
Beaucoup de réponses. Et, parmi elles, beaucoup qui portent le nom de Christiane Rochefort ou ... de Françoise Sagan. Il est vrai que, dans ses déclarations et avec probablement la complicité de Pierre Bourgeade, Marguerite Duras semble avoir pris plaisir à vouloir entraîner nos lecteurs sur de fausses pistes. Ava.nt de faire figurer nos meilleurs limiers au tableau d'honneur, rappelons que chaque joueur n'a droit qu'à une seule réponse. Ont percé l'identité de Marguerite Duras: - André Angoujard à Rennes (S' réponse juste) ; Maria Francesca Azevedo à Lisbonne; Claude Bellegarde à Paris-S'; Albert Bensoussan à Rennes (3' réponse juste) ; Mireille Blanc à Paris-13'; le Dr Guy Bourbié à ClermontFerrand; Pierre Bourgeois à Champagnole; Maria Helena Cardoso à Lisbonne; Janine Carlat à Tours (3' réponse juste); Bernard Cerquiglini à l'Hay-les-Roses ; Geneviève Dupreux à Paris-6'; Françoise Echard à Villeneuve-sur-Lot; Amélie Edgü à Istambul; B. Ferrari à Paris-S'; Charlotte Friant à Paris-7'; Claude Guillon à Rezé·les·Mantes; Patrick Guillemineau à Paris-20'; Line Hémery à à Paris-19'; Henrike Lackner à Paris-9°; Raymond Laffa.rgue à Paris-6'; Jean Le Gall à Brest; Jean-Pierre Livieri à Nice; Jacques Combard à Salon; O. Mannoni à Paris-16'; J.-F. Marquet à Tours (3' réponse juste); Marcelle Meunier à Paris-8'; Alain Montandon à Paris-12' (3' réponse juste) ; O'Denys à Saint-Etienne (3' réponse juste) ; Daniel Teysseire à Salvador-Bahia (Brésil). Voici la lettre de Maria Francesca Azevedo : A propos de l'Entretien secret du mois d'octobre, je dirai que l'écrivain est Marguerite Duras. Ce qui dans ses réponses me la fait reconnaître c'est : le désir que les autres vivent d'accord avec eux-mêmes et qu'elle les puisse aider dans son accomplissement (ça est localisé chez les hippies). Après la nécessité d'un certain laconisme dans les œuvres d'art - ce laconisme on le trouve chaque fois plus accentué dans ses œuvres; surtout en Détruire ditelle et Moderato Cantabile. Une autre référence est: son amour pour le cinéma. qui lui aussi se concrétise en œuvres - son scénario pour Hiroshima mon amour et ses deux flims : la Musiea et maintenant un qui vient d'être réalisé: Détruire dit·elle. Maria Francesca Azevedo.
P.B. Les truites ne sont pas des hommes. La Quinzaine littéraire, du 1· au 15 novembre 1969
13
INFORMATIONS
dans la continuité d'une grande œu'Vre romanesque, 'Vient de paraître, par l'auteur du ccpAIN NOIR"
Collections
georges emmanuel
CLANCIER roman
L~ETERNITE
PLUS UN JOUR ROBERT
rachi
.a LAFFONT
bou
•
ra
LA REPUDIATION roman
Ce réquisitoire contre la société arabe et tout ce qui la rend haïssable consti· rue une célébration pleine de tendresse de toute la saveur qui la rend aimable. J.F. Revel· L'EXPRESS. Un tempérament d'écrivain. J. Duranteau • LE MONDE. Un très long, un très beau cri où l'angoisse ne le dispute qu'à la violence. T, Renaud· LES LETTRES FRANCAISES. Le réalisme s'épanouit chez lui, comme chez Baudelaire, à qui il fait penser parfois, en fleurs luxuriantes.
J. Freustlé • LE NOUVEL OBSERVATEUR
Les Lettres Nouvelles collection dirigée par Maurice Nadeau
La Quinzaine U",raire
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Une nouvelle collection chez Denoël : ~. Cette sé· rie encyclopédique d'un esprit et d'une présentation résolument modernes, sera consacrée aux sciences de l'homme : psychologie, sociologie, économie, etc. Les ouvrages seront rédigés collective· ment et paraîtront à raison d'un tous les deux mois. Le premier volume a pour titre la PsychalUllyse, par J .•C. Sempé, J ..L. Donnet, J. Say, G. Las· cault et C. Backès ; puis viendront des ouvrages sur le Langage, fln/ormatique, la Société de consommation, la Culture et les moyens tl:in/ormntion, les Révolutions, etc. Sous la direction de Renaud de La· borderie, les éditions Solar inaugurent ce moi-ci une nouvelle collection conau sport: c Sports 2000 ». sacrée « Sports 2000 » a pour but d'apporter au public, sous forme de dossiers, ce que les journaux et magazines ne peuvent lui fournir, c'est·à·dire des ouvra· ges allant plus loin que de simple con· tact avec l'événement, voire des livre. polémiques tels le Dossier noir- du doping, actuellement en préparation et où s'exprimeront des champions et des mé· decins. Premiers titres : Sport en or, ou les relations du sport et de l'argent, par François Janin pour l'automobile, Bernard Ficot pour le tennis, Louis Naville pour le football, etc; Ski vérité, par Guy Périllat ; Rugby au cœur, par Walter Spanghero, Reprise de volée, par Just Fontaine. Aux Editions Laffont, sous la direc· tion de Pierre Gaxotte, c - Les grands monuments de l'histoire ~ regroupera les chefs·d'œuvre des grands histo riens du xtxe siècle (Michelet, Gib· bons, Taine, etc.), complétés de ta· bleaux synoptiques et du portrait de chaque auteur. La série comptera neuf volumes à raison d'un volume tous les trois mois d'unf' présentation particu. lièrement soignée frontispice, trois doubles pages de cartes en couleurs, cent cinquante documents en noir, reliure luxueuse. C'est fHistoire de.~ ducs de Bourgogne, par Prosper de Barante qui inaugurera la collection. Chez le même éditeur, Gérard Klein dirige une nouvelle collection qui, sous le titre de c Ailleurs et demain », nous proposera des livres de science· fiction teintés d'intellectualisme et d'une grande tenue littéraire. Premier titre : le Vagabond, par Fritz Leiber. Flammarion, lance une collection à laquelle collaboreront quatre grands éditeurs étrangers : « International li· brary ». Elle abordera les sujets les
« Le point de la question
plus varies, dans tous les domaines de la connaissance et, grâce à cette collaboration internationale, proposera des volumes signés d'auteurs de réputation mondiale, abondamment illustrés de croquis, de dessins et de photos en couleurs pour un prix relativement mo· dique (20 F) . Premiers titres : les Secrets du globe terrestre, par Margaret O. Hyde; 'e Monde de demain, par Kenneth K. Goldstein ; fEquilibl'e dans la lUlture, par David Stephen et James Lockie. Chez Casterman seront inaugurées au début de l'année prochaine trois nou· velles séries au format de poche « E 3 >, c Vie affective et sexuelle » et c Mobiles >. c E 3 », consacrée à l'enseignement, à l'éducation et à l'enfant, sera dirigée par Bernard Planque, qui anime la sec· tion audio·visuelle à l'Institut Pédago· gique National. Premiers titres : les En/ants de Vilua, par L. Poucatch·Zalc· man, un témoignage sur une expérienc:e pédagogique réalisée il y a plusieurs années; l'Ecolier, sa santé, son éduca· tion, par le Dr Debray.Ritzen ; Mathématiques et jeux d'enfants, par Nicole Picard. c Vie affective et sexuelle », est dirigée par Catherine Valabrègue, présidente du Mouvement français pour le planning familial. A paraitre Initiation à la psychologie sexuelle, par Jean Cohen; Attendre un enfant, par Marianne Roland Michel ; la Sexualité aujourd'hui, par André Berge. c Mo· biles », dirigée par Michel Ragon, en· tend donner la parole à des personna· ges qui ont contribué à faire avancer les idées dans des domaines très divers. Premiers titres : Plasti-cité de fœuvre plastique dans votre vie quotidienne, par Vasarely; la Tragédie de fénergie, par Stéphane Lupasco; les Loisirs : produit de consommation, par Jean Fourastié. Une nouvelle série à Edition Spé. ciale : c Technique et démocratie ». Sous la direction de Jean Barets, directeur du club Technique et Démocratie, les ouvrages reproduiront les comptes rendus des travaux réalisés dans le ca· dre de ce club. Le premier volume, à paraître en novembre, s'intitule Si la gauche voulait. Résultat du travail accompli depuis quatre ans par six cents spécialistes du club, il illustre fort bien l'esprit de cette collection qui entend élaborer des propositions concrètes destinées à fournir un programme d'action gouvernementale pour la gauche dans tous les domaines du développement économique, politique de notre pays.
Revue Dans le cahier 14 du Nouveau Commerce, une traduction nouvelle du célèbre texte d'Heidegger: «Qu'est·ce que la métaphysique? c due à Roger Numier. Heidegger se déclare fort satisfait de cette nouvelle version en français de ses pensées sur le « rien c qui, on le sait, sont en même temps des pensées sur « l'Etre c. Dans le même cahier, un excellent texte à la Borges de Roger Caillois: «Récits du délogé c. Réflexions d'Octavio Paz sur l'expression poétique.
- - - - - - - A u x Editions Rencontre - - - - - - - - - ,
DE POUCHKINE AGORKI Une collection établie et présentée par Georges Haldas
Alexandre Pouchkine
Georges Haldas a établi le choix de ses textes comme un musicien orchestrant un thème. Les œuvres retenues jouent entre elles en un subtil contrepoint et J'ensemble résonne comme le chant d'espoir de tout un peuple marqué par une brûlante aspiration à une large communion humaine, dans une période particulièrement dramatique de son histoire: celle qui s'étend de la guerre patriotique de 1812 à la Révolution de 1917. En se limitant à cette seule période de la production litté· raire russe Georges Haldas laisse transparaitre ses intentions, mais qu'on ne s'y trompe pas, il n'a rien d'un arrangeur ou d'un faiseur de pots-pourris ne glanant ici ou là que les seuls éléments propres à venir justifier une idée préconçue. Il n.'escamote aucune contradiction, son choix respecte chaque talent particulier, et c'est même à travers les divergences entre les auteurs que vous verrez petit à petit se dessiner J'image complexe de J'âme russe, alors en pleine prise de conscience d'elle-même. La collection «De Pouchkine à Gorki.. a donc une valeur historique autant que littéraire. Elle est bien plus qu'une simple juxtaposition de textes. Georges Haldas nous donne à travers la période la plus riche de la littérature russe une preuve convaincante, une démonstration de la réelle fonction de la littérature, qui est d'être liée à la vie, Lorsqu'elle le fait, elle se dépasse alors elle-même, sans jamais avoir à chercher J'art pour J'art. Les introductions servent de charnières articulant entre elles les œuvres de cet ensemble admirablement structuré, qui ne devrait manquer dans aucune bibliothèque. Ivan Tourgu8nlv
:»x<-<: La collection rassemble les auteurs et les œuvres suivants: Alexandre Pouchkine Eugéne Oniéguine - Les Récits de Feu Ivan Petrovitch 8elkine - La Dame de Pique - La Fille du Capitame -- 80rls Godounov Pierre Tchaaduv . Lettres philosophiques - Apologie d'un Fou Alexandre Griboïedov Le Malheur d'avoir trop d'Esprit
Fédor Sologoub
.-----
Michel Lermontov
------.
Alexis Tolstoï Le Tsar Fédor Ivanovitch Maxime Gorki Les 8as-Fonds Ivan Gontcharov Oblomov M 1 Ik P t h kl en ov- e cers Dans les Foréts (fragment) Nicolas Leakov . Lady Macbeth au Village - Gens d'Eglise - Le Vagabond ensorcelé S lt k Cht h d 1 a Y ov- c 1 r ne Les Golovlev Théodorl Rlchl!nlkov Ceux de Podlipnala omltrl Merejkovskl La Résurrection des Dieux Llonld Andrnv Les Sept Pendus Vladimir Korolenko La Forét murmure Fédor Sologoub Un Démon de Petite Envergure Ivan 80unlnl Le Village Alexis Remlzov Sœurs en Croix Maxime Gorki Enfance
Michel Lermontov Le 8al masqué - Un Héros de notre Temps - Chtoss Nicolas Gogol Les Veillées du Hameau - Le Manteau - LesAmes mortes (lére partie) Slrgl Aksakov Une Chronique de Famille Alexandre Herzen La Russie et l'Decident Ivan Tourguenev Mémoires d'un Chasseur - Premier Amour
Théâtre Nicolas Gogol Le Revizor Ostrovski L'Orage
:»>«-<: Nicolas Gogol L'absence d'œuvres de Dostoïevski et Tolstoï s'explique par le fait que les œuvres littéraires complétes de ces deux auteurs ont été publiées séparément par les Editions Rencontre.
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BON
Cet ensemble unique est présenté en 12 volumes, sous reliure rembourrée en skivertex brun. Le dos est geufré or, les étiquettes bordeaux sont imprimées à l'or également.
à découper et à retourner aux Editions Rencontre 4, rue Madame 75 Paris VIe
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(+ port et emballage,
1.50 F) '-La Quinzaine littéraire, du 1· au 15 novembre 1969
Je désire recevoir à l'examen gratuit pour huit jours et sans aucun engagement le premier des 12 volumes de la collection cc De Pouchkine à Gorki ». Si je conserve cet ouvrage, je souscrirai à l'ensemble de la collection et j'accepterai les conditions spécifiées dans le bulletin de présentation que vous joindrez à votre envoi.
Nom prénom 1 1 [
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Prof~ssion 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Adresse 1/11111111111111111 1/1111[1111111[1111 Localité N'Dpt
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André Gide a Né, à Paris, le 22 novembre 1869, André Gide aurait eu cent ans ce mois. Cette date anniversaire nous ne voulons pas la laisser passer sans marquer au moins un temps d'arrêt. Si Gide, en effet, ne préoccupe plus aujourd'hui beaucoup de nos jeunes gens - même ceux qui écrivent - , il a été pour nombre d'hommes et de femmes d'entre les deux guerres mieux qu'un maître à penser: le • contemporain capital .., comme disait André Rouveyre, l'homme qui, usant de l'écriture comme d'un art, a formulé avec le plus de franchise et d'urgence les questions que ne pouvaient pas ne pas se poser les individus les plus conscients de ces générations. A chaque époque il semble ainsi qu'un artiste (ou deux, ou trois) parle au nom des vivants embarqués en même temps que lui dans le même voyage ou plutôt: que ces vivants se parlent à travers lui. Plus universel que Claudel, moins cérébral que Valéry, André Gide a eu le souci - ne fût-ce, souvent, qu'en parlant de lui - de révéler à ceux qui le lisaient le sentiment qu'ils constituaient, chacun, un phénomène de vie quelque peu miraculeux et en tout cas unique. Ils devaient, s'élevant de degré en degré vers plus de conscience (au sens où l'entendait Goethe) et de respect de soi (de ses instincts et de ses désirs) travailler à se rendre heureux. Si Gide fait œuvre de libérateur (invitant à briser le carcan de la famille, à s'évader des prisons confessionnelles et sociales), s'il donne lui-même l'exemple de la parfaite disponibilité au regard de ce que lui propose la vie, qu'a-t-i1 fait d'autre que de donner bonne conscience à une..jeunesse qui n'avait pas besoin de cette autorisation pour se détourner des questions sociales et politiques? Sans doute l'auteur des Nourritures terrestres n'échappe-t-il pas tout à fait à ce reproche. On serait pourtant mal avisé de s'en prendre, pour les mêmes raisons, à l'auteur du Voyage au Congo, de Retour Quand je serai mort, Pierre, compromettez-moi, me disait André Gide.
On ne dira jamais assez l'importance des passions interdites dans la fécondation d'un artiste.
Ainsi Gide a cent ans. Sans doute faudrait-il, à cette occasion, offrir quelques graves réflexions concernant l'homme et son œuvre. Je me bornerai à évoquer dans ces pages le climat familier d'une amitié de vingt ans avec « le plus irremplaçable des êtres ».
C'était dans le Caucase, entre Tiflis et Batoum. Nous faisions halte, nous petite caravane de voitures (des Lincoln), pour déjeuner, sur de grandes hauteurs, dans un site vraiment prométhéen - une sorte d'auberge très vaste. Nous cn étions à peine au «chachlik » que Gide, toujours en mal de chandails, me demanda d'aller en chercher un dans l'auto. Le petit orchestre d'accordéons qui nous régalait m'accompagna de son souffle jusqu'au garage. Il y faisait obscur. Je "is, en face, un grand et gros homme qui se dandinait contre le mur. Je m'approchai. Un ours enchaîné dansait, en mesure, au son du lointain accordéon. Dans une solitude affreuse, quand même il «participait ». Chandail sur le bras, j'allai rejoindre Gide. - Venez, dis-je. Il y a quelque chose... - Mais vous n'avez pas fini votre chachlik. - Faites-moi confiance. Venez. Nous arrivâmes à l'ours. Gide le contempla longuement, qui
Gide et moi, on ne s'ennuyait pas ensemble. Nous avions constitué un petit arsenal de formules, nées de quelque circonstance, et qui s'appliquaient à bien d'autres. Par exemple: Fuyons, fuyons ces lieux intolérables soit que l'ennui nous chassât, d'un salon ou d'une ville, soit que, grillés ici, nous sentions qu'il fallait détaler au plus vite. Cette force d'anarchie qu'il portait en lui et qui transparait fugitivement dans son œuvre, mais dont elle est imprégnée pour qui sait lire, il n'a su la libérer pour de bon que dans sa vie, au prix d'un ténébreux combat que ses «mœurs:' l'aidaient à livrer. 16
du Tchad, des Souvenirs de la Cour d'assises, de retour de l'U.R.S.S et de Retouches à mon retour de l'U.R.S.S. Le devoir de chaque individu est de faire son propre bonheur, mais non aux dépens des autres, au contraire : avec les autres. Si Gide, communiste, est souvent plus près de l'Evangile que de Marx, du moins a-t-il su voir le vrai visage du stalinisme et dire, avec courage et parmi les premiers, que ce visage n'était pas beau. Le moraliste fait souvent oublier l'écrivain. Ecrivain classique. soucieux, ici comme ailleurs, d'obéir à des règles pour mieux les transgresser au besoin, forgeant une prose qui évolue de l'affectation des premières œuvres à la transparence. (Mais ces premières œuvres, quand elles se nomment Paludes ou le Prométhée mal enchaîné, sont des chefs-d'œuvre d'ironie légère). Romancier qui, avec les Caves du Vatican et les Faux-Monnayeurs, a ~aissé deux œuvres maîtresses dans - ce qui est exceptionnel - des registres fort différents. Auteur de ce Journal qui ne s'achève qu'avec la mort de l'écrivain et enfin, critique, qui laisse dans l'ombre pendant trente ans au moins beaucoup de critiques professionnels. Son œuvre est considérable. Sa vie fut plus remarquable encore et le composé harmonieux qu'elles font toutes deux n'a guère eu d'équivalent depuis qu'il a cessé de régner ell souverain discr:et sur les lettres de ce pays. On trouvera ici des traces de l'agacement que suscite chez les écrivains d'aujourd'hui ce modèle encombrant. On plaindra les plus jeunes de ne point toujours reconnaître ses mérites, ou pis, de l'ignorer. Ils ne savent point qU'ils sont nourris de lui, qU'ils l'ont respiré dans l'air du temps, qu'ils ne penseraient point enfin ce qu'ils pensent si André Gide n'avait contribué à modifier, il y a maintenant plus d'un demisiècle, l'atmosphère intellectuelle et sensible de notre époque. dansait, dansait, sa figure d'ours contre le mur. - C'est atroce, dit enfin Gide. Mais vous savez, ce sera peut-être notre souvenir le moins bête d'Union Soviétique. Mais dites-moi, à qui donc se rapporte ce pronom ? disait Gide dans des cas ambigus. Cela datait de loin, d'une lecture de Malraux (le Temps du Mépris, je crois). Gide admirait d'abord de confiance. Puis le lendemain geignait: «J'ai mal dormi: la gratte. Alors j'ai repris son Temps du Mépris là. C'est très bien. Mais dites-moi: à qui donc se rapporte ce pronom? (Et il soulignait de l'ongle une phrase). Dans ses précédents livres, je m'y retrouvais mieux. Un personnage bégaye, l'autre fume l'opium, le troisième est rôti dans une chaudière de locomotive ; on les distingue les uns des autres. Mais là !... ~ En revenant d'une visite à un académicien, Gide avait l'air songeur. - Je me demande si ce qu'on m'affirme est vrai, dit-il enfin.
- Et que vous affirme-t-on ? - Qu'il est amoureux de son fils... Mais je me méfie : pour me faire plaisir, les gens racontent n'importe quoi.
Parmi nos formules, il y avait : Le plus bête des deux n'est pas celui qu'on pense, qui a, disait Gide, l'avantage de laisser la porte ouverte à toutes les conjectures. Et celle-ci, empruntée à Dostoïevsky: Il est si bête qu'on n'ose pas y penser. C'est en évoquant Jammes que Gide me livra cette perle...
- Je propose pour notre usage, dit Gide, un nouveau proverbe de l'enfer. -Ah! - Oui : A chaque jour. suffit sa malice. - Je croyais qu'on disait... «suffit sa peine. ~ - Bien sûr qu'on le dit. C'est la version catholique de la chose. La juste traduction est malice. La part du mal, la nécessaire part du diable, quoi.
cent ans Paul Léautaud Je comidère André Gide comme le premier écrivain de ce temp6... Je' ne fai6 plU ma lecture favorite de 6e6 livre6. Se6 héro6 me 60nt plutôt antipathiqUe!. 116 ont de! préoccupatiom morale, dont tout m'e6t étranger. Aucune communion d'eu% li moi. 116 me font même pitié et je le6 plaim, maÎ6 je 6aù voir le6 mérite6, fintérêt, même de ce qui ne me plaît plU. André Gide n'écrit plU le6 livres qu'un autre que lui pourrait écrire. C'e6t un point de vue que j'ai pour juger le6 œuvre6 littéraires, si un autre que leur auteur aurait pu les écrire. Journal littéraire, (t. VIII Mercure de France éd., 1960)
A la suite de la publication de certaines pages de son journal, Gide fut soupçonné d'antisémi· tisme. Cela me déplut. Je l'attaquai en direct. - «Je n'ai guère envie d'aborder cette question », me dit-il. - «Si, vous l'aborderez ». - « Soit! Puisque vous l'exigez... Eh bien, sachez (je vis pétiller son regard) sachez que j'ai été un peu traumatisé par... eh bien oui, par... Léon Blum dont vous savez qu'il fut mon condisciple. Voilà ce qui est arrivé. Un jour ma femme fut blessée dans un accident de taxi. Le bras cassé : plâtre - clinique - etc. Un ami me dit: C'est ridicule; les taxis sont
assurés; vous devez obtenir le remboursement de tous ces frais. Allez voir un avocat. Je ne connaissais d'avocat que Blum. J'y vais. Je lui raconte mon histoire. Blum me dit: «Bien sûr, ton ami a raison. Les taxis sont assurés. Tu dois être remboursé. Moi je ne m'occupe plus de ce genre de choses. Je vais t'adresser à un ami sûr, maître Blumenfeld. Il prendra ton affaire en main:t. Je vais chez Blumenfeld. Un homme charmant. Il me demande une « provision :t que je lui donne. Le temps passe, et j'oublie. Puis je me souviens et je retourne chez Blumenfeld. «J'allais justement vous écrire que la provi6ion était insuffisante, dit-il, et vous demander de la doubler ». Je fais un chèque. Le temps passe, et j'oublie. Puis je me souviens et je retourne chez Blumenfeld. Mais je ne me rappelais pas l'étage et j'interroge la concierge. - «Maître Blumenfeld ? ricanet-elle. Il a levé le pied avec l'argent de ses clients :t. Je saute danl' un taxi et je vole quai Bourbon.. «Tu sais, Léon, dis-je à Blum, je te retiens avec ton BlumenfeId:t. Et je lui raconte. «Ah! le malheureux! s'écrie Blum. Il a recommencé ! :t Une pause tandis que je me pâme de rire. «Alors, vous comprenez, cela m'a rendu circonspect ». Encore une pause, puis : ... « Mais peut-être pas dans le sens que vous imaginez. Blum qui faisait confiance à cet avocat véreux, en abusant de la mienne bien sÛ·r... Mais enfin, c'était de la générosité - de la générosité juive. Vous voyez, Pierre : Problème! »
Les grands hommes suscitent de folles amours et aussi des amours
Ouvrages d'André Gide publiés dans Le Livre de Poche La Symphonie pa3torale Les Faux·Monnayeurs Les Caves du Vatican L'Immoraliste La Pone étroite Isabelle L'Ecole des Femmes Les Nourritures terrestres Si le grain ne meurt Paludes Saül
février 1953 février 1956 août 1956 novembre 1958 août 1960 décembre 1960 avril 1961 juillet 1964
novembre 1968 novembre 1968 mai 1969
La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 novembre 1969
par Pierre Herbart
de folles. J'ai connu à Gide plusieurs folles. L'une d'elles m'est restée en mémoire. C'était aux petites heures. Mal ressuyé d'une nuit éprouvante passée hors les murs, je somnolais. Gide paraît devant mon lit, en «pudjama:t comme il disait, un peu hagard, quelques cheveux dressés sur le bord du crâne. - Cher, de grâce aidez-moi, dit-il - Mais, Gide, l'aube point à peine. - C'est que, vous n'imaginez pas, il y a là une personne... (il s'approche de moi, et à voix basse) Une folle! - Comment donc?
J'entrai. Je vis une dame, allsise au bord d'un fauteuil, l'air calme, digne. - Vous êtes le secrétaire du maître ? dit-elle. Je m'inclinai. - Vous le voyez, je me suis rendue à son appel. - Puis-je vous demander, Mada. me, par quelles voies vous est parvenu cet... appel ! Elle sourit finement : - Oh! Monsieur. Je sais lire entre les lignes. C'est grâce à son dernier livre... - Et quel livre? - Mais, Patchouli. Oh, je sais bien qu'il ne l'a pas signé de son nom, qu'il a pris un pseudonyme,
- Oui, elle est là, avec deux grosses valises. Elle s'installe. - Mais pourquoi ? - Allez savoir! Elle m'a dit: «Je me rends à votre appel, maître. Me voici.» J'avoue que j'ai un peu perdu la tête. J'ai dit que j'allais vous chercher. J'ai dit : mon secrétaire. Pierre, aidez-moi, par pitié. Vous sentez bien que je ne puis, à moi tout seul, surmonter cette épreuve. Je mis une robe de chambre et me laissai entraîner dans l'appartement mitoyen. - Elle est là, souffla Gide en me montrant du pouce une porte fermée. Je vous en conjure, tâchez de tirer les choses au clair. Je m'esquive. Et dire que je n'ai pas pris mon breakfast !
comme pour la plupart de ses œuvres. - Je vais en référer au maître. Gide me guettait dans le couloir: - Eh bien? - Eh bien, ça va mal. Elle a lu Patchouli. - Quoi? - Patchouli, votre dernier livre, et... - Il faut réagir, s'écria Gide. Allons! La dame resta assise. - Mon secrétaire m'a dit, commença Gide. - Je vois, maître, que vous m'avez comprise à demi mot. J'ai senti quel labeur gigantesque vous aviez entrepris, en lisant votre dernier livre.
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André Gide a cent ans
-
Patchouli? Oui, Patchouli. A vous seul, penser, composer, écrire tout se qui se publie en France. (Elle se leva.) Je suis venue vous aider dans cette tâche. - Hélas,' Madame... balbutia Gide. - Oh! Maître, permettez.moi une remarque : De tous les livres' que vous avez écrits, les meilleurs ne sont pas ceux que vous avez signés de votre vrai nom. (Gide eut un haut.le.corps.) Quelle modestie ! quelle leçon ! - Hélas, Madame! accablé par ces travaux d'Hercule, j'ai déjà engagé une personne qui me prê. te son concours. Vous l'entendez du reste. (En effet, la secrétaire de Gide· venait d'arriver et, trou· blée par cette présence féminine près de son dieu, tapait furieuse· ment à la machine dans la pièce contiguë.) ~
.André Malraux Je le. crois... un directeur de consciénce. C'est une profession admirable et singulière... Par ses conseils, il n'est peut.être qu'un grand homme de «ce matin », une date. Mais par cela, autant que par son talent d'éCrivain qui le fait par bonheur le plus grand écrivain français vivant, il est un des hommes les plus importants d'aujourd'hui. . Cité par Henri Massis, in Jugements, Plon éd. 1924
Gide s'inclina: - Madame! - Eh, maître, que deviendraije? J'ai tout abandonné, ma mai· son, ma vieille mère. Que faire, dites-moi,. que faire? - Apprenez l'anglais! dit Gide d'un ton alerte. Contre toute attente, la dame f r a p p a allègrement dans ses mains: - Merci, maître. Oh ! merci! Elle s'élança dans le vestibule, saisit. ses lourdes valises et s'en fut. - Ouf : dit Gide. - Quand même, l'anglais, c'était un coup de génie, constatai-je.
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Gide prit un air modeste : - Voyez.vous, Pierre, dans ces cas là, il importe de ne pas déses· pérer l'âme en peine. Il faut mon· trer une voie. Une amie avait donné à Gide un caniche, une bête grincheuse et, de toute évidence, hystérique. Gide s'essayait à la dresser. Par exemple, ayant par inadvertance marché sur la patte de l'animal qui se mettait à hurler, il lui don· nait une bonne tape «pour lui inculquer, disait.il, le sentiment de la faute. » Un matin, Gide me dit : - Qu'en pensez·vous, Pierre: si nous allions à Tahiti? Et devinant ma perpexité : - Vous voyez ça, là sur la table... C'est le manuscrit de X ... Un riche collectionneur suisse m'en propose :K... francs. Je crois que cela paierait le voyage. Je me retirai, rêvant à Tahiti. Pendant le déjeuner, que nous prenions chez la Petite Dame, Eugénie la femme de ménage de Gide, fit irruption dans la salle à manger: - Monsieur, Monsieur! venez! le chien mange tout. .- Mais quoi ? - Vos papiers. Dans la bibliothèque, un spec· tacle désolant nous attendait. Le manuscrit, en tout petits mor· ceaux, jonchait le tapis. Gide haussa les épaules: - Pas de Tahiti, dit·il. A quelques jours de là, je trouvai Gide «au travail ». - J'étais d'autant plus ennuyé avec ce manuscrit, dit-il, que j'avais glissé dedans l'adresse du riche collectionneur. Cet imbé· cile de chien a tout déchiré. Heureusement ce Suisse m'a téléphoilé. J'ai laissé l'affaire pendante. - A quoi bon, puisque le chien a tout boulotté. - On ne me prend pas sans vert. (Et d'un air gourmand) : Regardez. Je fais un faux manuscrit. C'est long. Mais ne croyez pas que ça m'ennuie. J'invente des corrections ! Nous n'allâmes pas à Tahiti, bien. par ma faute. En 1941, Gide, à Nice, se plaisait à répéter cette phrase: L'art vit de contrainte et meurt de li· berté dans un moment où, dans ce domaine, la censure sévis·
Adrienne Monnier La postérité saura mieux que nous le degré de génie auquel atteint son œuvre, mais nous savons qu'il avait le génie de la littérature, qu'il était là chez lui, qu'il jouissait là d'un discerne· ment et d'un gouvernement peutêtre sans exemple. Jamais, pour r apprenti.écrivain, on ne vit un tel maître - tant par renseigne. ment de ses livres que par celui qu'il donnait de personne à personne avec une extrême bonté. Combat, 23 février 1951
sait. Quand je m'indignais en disant: «Vous savez bien que cette contrainte, vous entendez vous l'imposer à vous·même. en disciplinant votre création; vous n'admettriez pas qu'elle vous soit imposée par un quelconque Vichy. Vous jouez sur une équivoque ». - «Bien sûr. Et mieux, je joue sur les deux tableaux, car je pré· tends gagner sur les deux : la con· trainte dont je me châtie m'amè· nera, si j'ai du talent, à une certaine perfection; celle qu'on m'impose me contraindra à inventer les moyens de la déjouer. Ils existent. Ces gens-là sont, pour finir, des imbéciles. On ne brigue pas un poste de gouvernement sans posséder, à son insu certes, une foncière vulgarité d'âme et d'esprit, en dépit de leur astuce à tous. Quel plaisir de s'en jouer! Et remarquez nos verbes, Pierre : jouer, déjouer, se jouer. Toujours l'idée de jeu. «L'œuvre sera joyeuse ou ne sera pas », aurait pu dire Breton. - «Et s'ils vous contraignaient simplement à vous taire? Cela s'est vu.» _«La belle affaire ! Qu'importent vingt ans de silence? Et puis, on écrit trop, pensait Lafcadio; je crois même qu'il l'a dit... » « Ainsi, vous croyez que vos deux contraintes... » «Se combineront, oui. En une combine, pour faire la nique à cette chose bête et basse: le pouvoir. » Que n'ai-je, requis que j'étais' par ce que je croyais être des « réalités» plus pressantes, talon-
né Gide sur cette voie où se révé·· lait une dimension qui, peut·être,manque à sa pensée, par excès de balance. Là, dans cette chambre de l'hôtel Adriatic où Gide grelottait sur son lit (j'avais beau allumer dans la cheminée des journaux !), moi marchant au hasard autour de lui, ah! que ne l'ai.je poussé plus loin ? Du moins, ai·je eu le bon esprit d'écrire cette «conversation:t, en rentrant chez moi. Nous ne l'avons jamais reprise. L'amitié, décidément, n'est que l'histoire des occasions perdues. - J'en ai assez d'errer dans cet appartement. Je me sens claustro· phobé. - Moi aussi. - Eh bien, allons à Taormine. Le jour même nous prenions l'avion pour Syracuse. - Avant de louer une auto, dit Gide, je veux vous montrer la fontaine Aréthuse. Il m'y conduit: - Là, en·dessous, regardez... Ça ne vous émeut pas ? - Non. - C'est que vous êtes si igno. rant. Je lui récitai aussitôt le mythe de la nymphe de Diane. - Et alors, rien... Pas d'émo· tion? - Non. - Moi non plus.. «Fuyons, fuyons ces lieux intolérables. » A Taormine, la vie devint bien· tôt difficile. Par malheur, l'hôtelier nous avait donné des cham·
Maurice Sachs Par-dessus tout, Gide est le grand moraliste français de notre époque. C'est comme tel qu'il a suscité tant de commentaires, tant de discussions, tant de dissenti· ments, tant d'approbations, tant de ferveur et de révoltes. C'est ainsi que ses écrits sont un levain puissant, et que dans la pâte lourde d'aujourd'hui, ils in· sufflent la naturelle, la grave et nécessaire animation. André Gide, p. 47, Denoël et Steele, 1936
fait: «C'est maintenant presque un grand jeune homme ». Je le pensais encore, mais cette fois avec un immense retard. Je ne m'apercevais pas combien j'avais changé.»
bres indépendantes du reste dc l'auberge, avec un escalier pri,-é donnant sur la rue - ce qui permettait une incessante circulation. Nous rencontrâmes Truman Capote et Donald Windham pour qui je me pris d'une vive sympa· thie. Qua n d nous partîmes, Windham me donna un livre 41e lui: Dogstar. - Qu'est-ce que c'est ce livre? me demanda Gide, dans l'auto. - Un livre de Donald. n le feuilleta un moment puit;, soudain, le jeta par la portière. Furieux, je fis arrêter l'auto, en· voyai le chauffeur rechercher le volume sur la route. André Gide vers la fin de sa t'ie
Jean-Paul Sartre Ce que Gide nous offre de plus précieux, c'est sa décision de vivre jusqu'au bout l'agonie et la mort de Dieu. Il a vécu pour nous une vie que nous n'avons qu'à revivre en le lisant; il nous permet d'éviter les pièges où il est tombé, ou d'en sortir comme il en est sorti.
Les Temps modernes, mars 1951
Dogstar me plut tant qu'avec Elisabeth Van Rysselberghe je le traduisis. Gide ne voulut jamais le lire. n avait ainsi des obstina· tions, des répugnances, incom· préhensibles chez un esprit si cu· rieux. J'étais à Cabris avec Ro~er Martin du Gard, tandis que la mort rôdait déjà autour de Gide, à grands pas de loup. Alertés par un télégramme, nous regagnâmes l'un et l'autre Paris. n se levait encore, mais de quelle démarche titubante! - et ce fut, peu après mon arrivée pour gagner sa bibliothèque où il voulait consulter un livre: - Aidez·moi, Pierre, à retrouver ce passage dans Proust, vous savez vers la fin, à cette «matinée chez le prince de Guermantes où l'on retrouve l'ancienne Madame Verdurin et que tout le monde lui apparaît grimé - et tout le mon-
de l'est par l'âge - il... ah! tâchez de me dégoter cela... Je pris le Temps retrouvé et le lui tendis, ouvert à la bonne page. Non. Lisez. Je vois trouble. Je ne peux plus.
Gilberte de Saint.Loup me dit : « V oulez·vous que nous allions dîner tous les deux seuls au restl/urant? » Comme je répondais: «Si vous ne trouvez pas compro· mettant de venir dîner seule avec un jeune homme », j'entendis que tout le monde riait, et je m'em· pressai d'ajouter: «ou plutôt
avec un vieil homme ». Je sentais que la phrase qui avait fait rire était de celles qu'aurait pu, en parlant de moi, dire ma mère pour qui j'étais toujours un· en· fant. Or je m'apercevais que ie me plru;ais pour me juger au mê· me point de vue qu'elle. Si j'avais fini par enregistrer comme elle certains changements, qui s'étaient faits depuis ma première enfance. c'était tout de même des changements maintenant très anciens. J'en étais resté à celui qui faisait qu'on avait dit un temps, presque en prenant de l'avance sur le
Une lettre inédite d'André Gide A Jean Denoil 16 décembre 1943 Cher Denoël, Et pourtant nous ne causions pas beaucoup; nous n'échangions pas de propos sublimes; mais le contact y était, que je sens si 1 rarement s'établir_ Vous avez la Foi; je n'ai pas la foi; ou même: j'ai la non-foi, l'anti-foi ; et vous le savez bien; mais n'importe : :nous sommes de même religion et nous le sentons tous deux. en dépit de Jammes et de ce que je peux penser ou écrire qui lui paraît impie, blasphématoire; et notre cœur s'émeut de même, a de semblables battements devant la misère de l'homme, et tolère aussi impatiemment l'injustice; enfin : auprès de vous, j'y vais de mon meilleur... Vous me manquez beaucoup. Je ne puis vous admettre malade; soignez-vous, je vous en conjure. Quant à moi, je me cramponne, de mon mieux; mais malgré le Mirus et les soins dont m'enveloppe Si Haddou. j'ai traversé. sitôt après votre départ, une période assez longue où me sentir tout décollé. Depuis dix jours, j'espère avoir le dessus; encore que très affecté par le double deuil que m'apprenait avant-hier un inconnu : la mort de mon beau-frère et vieil ami Marcel Drouin (en juillet dernier) et de sa fille, mariée depuis deux ans; morte en décembre 42 en mettant au monde un enfant. Ma pauvre vieille belle-sœur, à Cuverville, doit se sentir bien désemparée... Pas d'autres nouvelles ( ... ) A{ldté Gide.
La Quinzaine littéraire, du lM au 15 novembre 1969
- Oui, oui... Voilà ce qui m'arri· ve. Je suis vieux, n'est-ce pas, et je vais mourir... Eh bien, je n'ai pas encore compris que je n'étais plus un jeune homme. Les heures passaient lentement, avec une étrange précipitation. n somnolait sur son lit, dans cette chambre dépouillée de toute trace de confort. Le jour interminable sombrait tout de suite dans la nuit. C'est à une de ces aubes-là qu'il dut écrire, de quelle écriture tremblée! la phrase qui termine son Ainsi-soit-il... Ce n'est pas ma propre position dans le ciel par rapport au soleil qui doit me faire trouver l'aurore moins belle. Le médecin avait ordonné des piqûres de morphine, non qu'il souffrît, mais pour son cœur. Comme je m'avançais avec la seringue, il me dit: - Qu'est.ce que vous allez me faire là ? - De la morphine. - Non, Pierre, je vous en prie... N'allez pas me priver de la mort. Je veux voir comment ça se passe. J'eus un moment de faiblesse. Il reposait inerte et je le crovais inconscient. A son chevet, sa r'nain dans la mienne, j'appuyai mon front sur ses doigts. - Gide! Ne nous quittez pas, murmurai·je. U tressaillit - et sa voix, faible mais nette, me parvint, pour la dernière fois : - Qu'est.ce que vous racontez là ? Roger Martin du Gard couchait ,Ians la bibliothèque sur un lit de fortune qu'on lui avait dressé. Oix fois, je venais le trouver. Nous échangions, sans rien dire, un regard. Les apprêts de cette mort paraissaient bâclés, prenaient le caractère provisoire qui avait mar· qué toute cette vie. La présence de Roger était le seu1 recours. La dernière nuit, étreintés par les veilles, je dis à l'infirmière d'aller chercher une bouteille de champagne dans le réfrigérateur.
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André Gide a cent ans
Fût-ce le passage du froid à la chaleur de la chambre, ou maladresse de ma part, la bouteille quand je la débouchai, laissa fuser un flot de mousse dont Gide fut inondé. Ses yeux s'entrouvrirent, et je crus y lire un éclair de malice. Je compris qu'il avait reçu les saintes huiles et qu'il allait mourir. Pierre Herbart
A propos d'André Gide
Nathalie Sarraute André Gide, aujourd'hui, ne représente plus grand chose pour moi. Je ne l'ai plus relu depuis longtemps. Il fut en revanche très important pour ma génération. A dix-huit ans nous étions exaltés par les Nourritures terrestres. Je me souviens avoir lu ce livre après l'avoir plongé dans l'eau de la Méditerranée! Mais, à vrai dire, j'étais par moments gênée par sa forme emphatique, incantatoire. Quant à ses romans, leur substance m'a toujours paru pauvre et leur écriture précieuse et compassée. Dans les Faux-monnayeurs, il y a peut·être une pre· science
qu'Ubu était une grande plece et que Curel ou Bernstein, alors illustres, étaient de piètres écrivains. Il a parlé de Dada d'une façon pénétrante. Il li. voulu faire connaître mieux Dostoïevski en France. Il était un homme en éveil, luttant sans cesse pour se libérer, pour passer outre à tous les interdits. Sa présence et sa parole étaient pour nous un soutien. Son goût comptait pour nous. Quand j'ai fini Tropismes, j'ai souhaité que Gide lise le livre. Je me suis dit qu'il ne l'a pas lu... pour me consoler. Nathalie Sarraute
Philippe Sollers André Gide n'a jamais représenté rien de décisif pour moi, sauf en ce qui concerne sa position critique, ce qu'on pourrait appeler son système de lecture, très différencié et ambigu. Il serait intéressant d'étudier la façon dont Gide est devenu une formation de compromis, pratiquant une politique de «troisième force» entre ce qu'il y avait d'archi-réactionnaire dans la littérature de la fin du XIXe siècle et une certaine attention qu'il a tenté de porter sur les percées révolutionnaires qu'étaient le surréalisme, le marxisme, le freudisme. Entre ces deux voies, il occupait une position de centralisation imaginaire; c'est ce qui donne ce caractère de musée à son œuvre, ce qu'on pourrait appeler, n'est-ce pas, la nécropole NRF. On peut suivre à la trace, dans le Journal, l'effort qu'il fait pour s'arracher à son classicisme congénital et pour s'ouvrir à des révolutions dont il sent bien le caractère radical mais qui J'inquiètent. Cet effort a même quelque chose de pathétique. A certains moments, il est tout près de hasculer et puis il décroche, il temporise. Dans chaque livre qu'il a ouvert, on trouverait une fleur fanée. Il lit Lautréamont en 1905, c'est-à·dire extraordinairement tôt. II saisit immédiatement son importance. «La lecture (00') du 6e chant de Maldocor me fait prendre en honte mes œuvres et tout ce qui n'est que le résultat de la culture en dégoût.» Bien! Mais, après avoir aperçu et placé, de
manière remarquable, Lautréamont, il se dérobe, il ne revient plus sur ce sujet. Même chose pour Mallarmé, qu'il ne reconnaît que de façon superficielle (tout en restant méfiant vis-à-vis de l'inanité « poétique» de Valéry). Pour le reste, le Journal montre, en effet, une culture «encyclopédique ». Il connaît la littérature du monde entier mais s'il s'intéresse à tout, il demeure toujours en centre de l'hémicycle, c'est un représentant parfait de sa classe. Vis·à-vis de Freud, c'est le même mouvement. En 1922, il dit qu'il fait du freudisme depuis dix ans, quinze ans, sans le savoir, et il conclut bizarrement: «Il est grand temps de publier Corydon ». Donc, très éveillé, intéressé, mais, tout de suite, c'est le refus, la fermeture, la fuite. En 1924, il nous apprend que «Freud est gênant ». «Il me semble qu'on fût bien arrivé sans lui à découvrir son Amérique (... ) Que de choses absurdes chez cet imbécile de génie.» Ce jugement pèse, évidemment, son poids d'aveuglement révélateur. Même chose pour le marxisme. Il dit avoir essayé de lire Marx, il a lu sans doute quelques livres de Lénine et ses prises de position politiques, au moment de la montée du fascisme, ne sont certainement pas à négliger. Mais en même temps, c'est dans ce domaine que l'ambiguïté culmine. En parlant de Marx, il se trahit, il s'avoue: «Dans les écrits de Marx, j'étouffe. Il lui manque quelque chose, }e ne sais quelle ozone indispensable à la respiration de mon esprit. » Vous voyez: toujours cet effort pour se libérel' de la marque psychologique 1 et son inaptitude à le faire. On peut dire que Gide avait une avance considérable sur les autres acteurs de la littérature ou de la culture françaises de son temps, mais le retard de l'idéolo· gie bourgeoise, dont il est malgré tout le représentant, ce retard, lui, est constant et ne honge pas. II reste un idéologue bourgeois qui voudrait bien changer de terrain car il sent bien que tout se passe ailleurs mais, non, il ne peut pas s'y faire, il le dit lui-même après la lecture de Marx: «Je sortais de là, chaque fois, cour· baturé ». Ce qui courbature Gide, c'est Marx. Alors, sa venue brève et hâtive au communisme, si elle doit être saluée, doit être réduite 1
à ce qu'elle est: une affaire sentimentale. Il a horreur de la théo· rie qu'il trouve bien entendu « inhumaine ». Il préfère « la cha· leur du cœur ». Quand il oppose l'idéalisme et le matérialisme, il refuse de choisir l'un ou l'autre. Non! Il voudrait que l'on rem· place matérialisme par rationa· lisme : grâce à ce tour de passepasse, on pourrait tout réconcilier. Comme écrivain, il ne m'a jamais touché et il me semble que sa syntaxe est sans intérêt. Mais son itinéraire intellectuel n'est pas sans dignité. Il serait utile d'en faire une analyse approfondie où l'on verrait se formuler toutes les composantes de cette idéologie «de la rue Vaneau » qui nous paraît aujourd'hui sans réalité. Gide est le symptôme aigu d'une idéologie mystifiée, incapable, malgré son désir, de remet. tre en question les fondements de sa propre culture. En ce sens, il est tout à fait exemplaire. Philippe Sollers
Patrick Modiano Pour moi 1, André Gide n'a jamais compté et je crois qu'il en va de même pour toute ma génération. Au lycée, on nous parlait des Nourritures terrestres et j'ai été complètement déçu. Le livre datait terriblement et c'était un mystère, pour moi, que nos aînés aient pu lire ce livre en y enten· dant une sorte de. cri de libération. Littérairement, je ne pou· vais goûter ce livre. II baigne dans une atmosphère orientale, il dégage des fumées d'encens et, comment dire, un côté rahat-lou. koum. C'est même étrange, ce livre qui ne parle que de ferveur et de désir, il ne s'y exprime qu'une accablante onctuosité. C'est peut-être de ce seul point de' vue qu'il mérite d'être lu: ·connne une espèce de curiosité et aussi comme un signe. II montre qu'en l'espace de quarante ans, une parole qui fut reçue comme subversive, est devenue une pa· .l'ole mièvre et conventionnelle. Les autres ouvrages de Gide ne m'intéressent pas beaucoup plus. Je suis frappé par sa sécheresse de cœur. Celle-ci me paraît si évidente que l'onctuosité des Nour. ritures, on soupçonne qu'elle n'est là que pour la masquer. C'est vrai, il a une sorte d'inquiétude,
il s'agite en tout sens, il a de la bonne volonté, parfois, il voudrait sortir de son système, mais les forces lui manquent. Il n'arrivait jamais à étreindre ce qu'il aurait dû étreindre. Deux livres peuvent à la rigueur être sauvés: d'abord Paludes, qui est un divertissement merveilleux, peut-être aussi les Faux - monnayeurs. Personnellement, je ne l'ai pas beaucoup aimé, mais il y a là un travail littéraire étrange, ce roman dans le roman. Quant au Journal, ces rhumes, toujours ces rhumes...
Patrick Modiano
Une étudiante en philosophie D'une manière générale, Gide, pour moi, fait vieillot, désuet, empoussiéré, on dirait un salon de grand bourgeois dans lequel passent des jeunes gens frileux qui se proclament libérés et ferment toutes leI! fenêtres de peur de s'enrhumer. Quand aux tourments de leur âme, eh bien, nous avons aujourd'hui d'autres problèmes.
."W'asque mortuaire de Gide
Propos recueillis par Gilles Lapouge
Les dernières lignes du journal d'André Gide:
(C~,P~ "..'l~.~
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13 février 1951 Non! Je ne puis affirmer qu'avec la fin de ce cahier, tout sera clos; que c'en sera fait. Peut-être aurai-je le désir derajouter encore quelque chose. De rajouter je ne sais quoi. De rajouter. Peut-être. Au dernier instant, de rajouter encore quelque chose ... J'ai sommeil, il est vrai. Mais je n'ai pas envie de dormir. Il me semble que je pourrais être encore plus fatigué. Il est je ne sais quelle heure de la nuit, ou du matin ... Ai-je encore quelque chose à dire? Encore à dire je ne sais quoi. La Quinzaine littéraire, du 1w au 15 novembre 1969
Ma propre position dans le ciel, par rapport au soleil, ne doit pas me faire trouver l'aurore moins belle. En marge: Cette page n'a aucun rapport avec celles qui précèdent.
Le dosage insuffisant du gris-bleu du manteau de Catherine a été miraculeusement racheté, par la suite, par l'apport inattendu de la toque. Tout cela d'un goût exquis, évidemment. 21
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Horkheim.er et la théorie critique D'AL LB MAGNE .
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«Ma situation est celle de Kant avant la Révolution fran~ise »
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Max Horkheimer Kritische Theorie 2 vol. Fischer Verlag, Francfort Max Horkheimer et Theodor W. Adorno Dialektik der Aufklarung (réédition) , Fischer Verlag La célébrité de Marcuse et· d'Adorno a longtemps éclipsé le nom d'un homme qui fut pourtant l'animateur et le directeur de I1nstitut de recherches sociales de Francfort: Max Horkheimer; C'est en effet sous l'égide de ce philosophe que s'élabbra la théorie critique de la société dont les mouvements contestataires d'aujourd'hui se sont largement inspirés. Il faut donc saluer la publication récente d'un recueil des articles qu'il fit paraître avant la guerre dans la Zeitschrift .für Sozialforschung. Qu'est-ce exactement que la théorie critique? Le terme, qui avait été défini par Horkheimer dans ce qui est aujourd'hui l'un des chapitres fondamentaux de son recueil, a été analysé dernièrement dans une conférence qu'il a prononcée à la Fondation Cini, à Venise. La théorie critique s'oppose à la théorie traditionnelle. Celle-ci se caractérise par la recherche d'un certain nombre de principes dont il est possible d'inférer des énoncés qui rendent compte des phénomènes réels. Son but est de produire un discours adéquat à son objet. Il est cependant deux questions qu'elle ne pose jamais (ce sont les questions qui précisément intéressent la théorie critique) : pourquoi choisir tel ordre, tel classement des faits plutôt que tel autre? Et pourquoi se vouer à tel objet plutôt qu'à tel autre? Bachelard, on le sait, a tenté d'élucider le problème en s'interrogeant sur les motivations inconscientes qui poussent un savant, ou une époque, à favoriser un type d'explication plutôt qu'un autre. Foucault, plus récemment, a délimité· les configurations du, savoir qui structurent l'ensemble des recher-· ches entreprises dans une période' donnée. Pour Horkheimer, qui s'inspire en cela de Marx, le principe qui fonde les préférences in-· conscientes et qui fonde l'épis-. 22.
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tèmè, c'est la praxis. La science constitue en effet la base de la société industrielle. Constater ce fait et en déterminer les implications au niveau de l'élaboration scientifique elle-même, c'est ce que Horkheimer appelle la Selbstreflexion de la science. Il va de soi que la question ne concerne pas seulement le savoir spécialisé, mais l'ensemble des règles du discours social. Ce n'est pas le moindre mérite de la théorie critique de montrer c~mment la société rejette ce qui la met en danger. Rarement l'attaque est directe. On préférera remarquer que le discours contestataire « n'est pas clair ~, qu'il manque de « logique :., on insistera sur son origine étrangère (1). Le malheur est qu'en cherchant à éviter ce reproche, on est amené à adopter les catégories régn~ntes, et avec elles la philosophIe latente qu'elles impliquent. Cela signifie-t-il que la théorie doive céder le pas à la praxis, que le concept de science doive s'évaporer sous nos yeux, au terme d'une réduction semblable à celle qu'Althusser a reprochée à Gramsci ? En aucune manière (et c'est là un point important sur lequel l'école de Francfort s'écarte de l'opposition extra-parlementaire allemande) . Horkheimer insistait naguère sur le fait que théorie et praxis entretiennent un rapport qui peut être différé (2). Il rappelle aujourd'hui que l'analyse de la situation n'est jamais terminée, et que « les faits ~ ne parlent jamais tout seuls. L'admettre, ce serait retomber. dans le praO'matisme c bourgeOls, pour qui la théorie n'est justifiée qu'en raison de son caractère «instrumental» en . de son utilité à l'intérieur ' raIson du système actuel de production. C'est bien pourquoi l'on prône ~ujou~d'~ui la spécialisation (qui Interdit a la théorie de déborder sur ce qui doit lui rester voilé, comme par exemple le fonctionnement de la société). Il s'est produit à ce sujet un malentendu qu'on pourrait peutêtre dissiper en recourant au petit essai de Marcuse intitulé «Sur le caractère affir~atif de la culture» (3). On y montre que la culture-occidentale s'est toujours
montrée réservée à l'égard de ce qu'il appelle « Geist ~ (l'esprit), c'est-à-dire de l'esprit critique, scientifique, qui ne craint pas d'attaquer les fondements mêmes du système social. L'ensemble de la littérature, de l'art, et une grande partie de la philosophie sont envisagés du point de vue de l'âme (Seele) qui, au lieu de di~ séquer, d'analyser, bref de détruire, est capable de contempler, d'admirer, de comprendre. C'est évidemment ces spéculations, fon· dées sur l'intuition et s'élevant noblement au-dessus des basses réalités matérielles, que Marcuse qualifie li' affirmatives, voulant dire par là qu'elles concourent au maintien du système fondé sur la domination. Ce sont elles que vise Horkheimer en disant que « la méfiance sceptique à f égard de toute théorie et f empressement à croire naïvement en f existence de principes fixes et dénués de tout fondement sont les caractéristiques de fesprit bourgeois tel qu'il apparaît, sous sa forme la plus achevée, dans la philosophie de Kant ~ (4). La théorie; dans cette perspective, ne doit pas être supprimée, mais bièn plutôt libérée. Elle n'entend pas être soumise à l'utilitarisme, mais ne veut pas non plus être identifiée immédiatement à la praxis révolutionnaire. La référence à la pensée dialectique implique en effet l'obligation de ne tenir aucun jugement pour absolu et définitif, puisque les rapports du sujet et de l'objet obéissent à des modifications continuelles qui transforment leur nature même. Pour Horkheimer - il devait le déclarer à Venise - la théorie critique peut déterminer les caractères de la société actuelle, elle ne saurait définir la société future. Peut-elle recommander la révolution? J'ai posé, sans doute naïvement, la question à Horkheimer. Il m'a regardé d'un air incrédule, comme si cette formule était vide de sens. La révolution, selon lui, était l'espoir qui animait les efforts de son groupe avant la guerre, quand il s'agissait de combattre le fascisme. Aujourd'hui, une révolution conduirait à un régime de terreur bien pire que la situation actuelle. Dans le meilleur des cas, elle ne ferait qu'accélérer l'avènement du meilleur des mondes (die verwaltete Welt, le « monde administré ») vers lequel nous allons :
or, notre tâche, aujourd'hui, n'est pas de hâter cette évolution, mais de la freiner en défendant les véritables valeurs qu'elle s'apprête à déduire, c'est-à-dire l'autonomie de l'individu. J'ai demandé à Horkheimer si dans ces conditions, il s'écartait des doctrines de Marcuse. « Il existe entre Marcuse et moi, ré· pond.il, un accord profond ». Il réfléch.it puis ajoute : « Notre analyse est très voisine. Mais nous plaçons les a c c e n t s différemment ». A quoi tient cette différence? Dans « Vers la libération », Marcuse semble indiquer qu'il reste un espoir d'échapper au monde de « l'administration totale ~. Horkheimer, quant à lui, tient que la théorie critique, après s'être inspirée de Marx, doit se souvenir aujourd'hui de Schopenhauer. Elle a même des affinités avec la théologie. Est-ce le messianisme qui l'intéresse dans la religion? « Pas du tout» répond Horkheimer, « c'est plutôt son côté négatif, l'attention qu'elle accorde à la souffrance, et aux problèmes insolubles~. Dans une lettre qu'il écrivait à son éditeur (et qui est publiée dans le recueil Kritische Theorie), Horkheimer compare sa situation actuelle à celle de Kant avant la Révolution française. Evoquant les guerres, les injustices de toute espèce, l'absurdité du système social, Kant exprimait l'espoir qu'un jour le peuple prendrait conscience de tous ces abus et renverserait l'absolutisme. Hork· heimer ajoute que même si Kant avait connu dans le détail le déroulement de la Révolution française et la série de guerres qui en est résultée, il aurait gardé son espoir dans le progrès moral de l'humanité, fondé sur l'idée que «la sagesse divine concourt pratiquement à fexistence de la na· ture ». Détruire l'idée d'une Providence, l'espoir ne pourrait se fonder que sur la théorie. Si celle-ci se dérobe, une action limitée reste possible, et doit être accomplie. Mais elle ne saurait se réclamer d'un optimisme triomphant. Luc W eibel. 1. Voir: Uialektik der Au/klarung. Ce écrit en 1944, fait penser à l'épithete de c germano.américain ~ utilisée pour discréditer Marcuse. 2. Cf. c Zum Problem der Wahrheit », Kritische Theorie, I. 3. cUber den affirmativen Charakter der Kultur~, dans Kultur und Ge$ell· $cha/t, I, Suhrkamp, 1965. 4. KritÎ$che Theorie, I, p. 231. te~te,
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Marché de l'Art a Cologne On ne trouve plus en Europe une seule toile d'Andy Warhol à vendre. Or, lorsque s'ouvre le 13 octobre au soir le Kunstmarkt (Marché de l'Art) de Cologne, la galerie Heiner Friedrich, de Munich, y présen te cinq peintures de Warhol : vingt minutes plus tard, elles sont vendues. Cette anecdote est bien faite pour réjouir à la fois les paladins (ou palotins?) du marxisme élémentaire partis en croisade contre l'art-marchandise et le chauvinisme aigri des vendeurs de valeurs sûres de l'Ecole de Paris trahis par l'inconséquence.de notre monnaie. De toute façon, l'art se porte mal en France, aux deux sens de l'expression: d'une part il croupit au sein d'une atmosphère empoisonnée tant par le manque d'informations sur ce qui se fait ailleurs que par le comportement des dive r ses maffias tentant de profiter de la confusion pour imposer leur camelote respective (l'exemple le plus saillant en serait le prétexte fourni par l'actuelle Biennale des Jeunes aux S.A. de Robho pour réaliser leur programme, lequel tient en un seul et unique article: ôtez-vous-delà-que-je-m'y-mette !), y compris la camelote « gauchiste» (car, mis à part quelques rares peintres et poètes, la plupart des " contestataires» ont simplement hérité de leurs bourgeois de parents une indifférence totale à l'endroit de la création artistique); d'autre part, personne ou presque ne se sent assez courageux pour s'exposer aux quolibets ouvriéristes ou conseils-d'ouvriéristes en rappelant la signification révolutionnaire de l'utopie manifestée dans le poème ou l'œuvre d'art. Comment se porte-t-il en Allemagne (de l'Ouest) ? Le Kunstmarkt de Cologne permet de s'en faire une idée il me semble assez juste. On le sait, la vie artistique allemande n'a pas de centre distribuée qu'elle est entre divers foyers : Berlin, Cologne, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Hanovre, Munich, Stuttgart (à l'inverse, en France, nous avons le centre mais pas 24
de vie artistique du tout). Cha- aux heures de pointe, sauf que que année, Cologne devient ce n'étaient pas tout à fait les donc, grâce au Kunstmarkt, mêmes voyageurs. Non seulel'éphémère capitale des échan- ment les marchands et les colges artistiques de l'Allemagne lectionneurs étaient là, mais fédérale. C'est dire que les di- également les artistes, avec vers marchés provinciaux de leurs femmes, leurs maîtresses, l'art n'y font plus, trois semai- leurs gitons peut-être. En outre, nes durant, qu'un seul et uni- quelques hippies plus ou moins que marché. Cette fois, vingt- authentiques et des étudiants deux galeries allemandes y pré- des Beaux-Arts, débraillés et sentent leur sélection, à cha- exhibitionnistes comme partout cune étant réservée une salle ailleurs. La dominante néande même volume; en outre, moins est à l'excentricité vestiune immense salle d'exposition mentaire, le plus souvent de est consacrée à une seule ten- belle allure (on s'habille à Londance, illustrée par dix-sept jeu- .dres ?). Mais si le regard est nes artistes, Américains à l'ex- parfois coupé par le passage ception d'un Allemand, Graub- d'une troublante créature, conner, et d'un Anglais, John Wal- trairement à ce qui se passe à ker : « la lumière dans la pein- Paris cette foule n'est pas veture » (à ne point confondre nue seulement pour se faire avec l'art cinétique; ici, il s'agit voir et papoter. A mon grand véritablement de peintures, la étonnement, je constate que plupart gigantesques, dont ef- ces gens regardent (mieux enfectivement la lumière serait le core : examinent), persécutent point commun en dépit de la les marchands (qui sont là en diversité des obédiences esthé- personne, prêts à répondre aux tiques) . Pareille coordination questions du premier venu) et des efforts serait bien entendu leurs vendeurs, s'attardent, rechose inconcevable à Paris, où viennent, réfléchissent... Et le les seuls rapports possibles de plus grave, ma parole, c'est galerie à galerie sont des rap- qU'ils ont l'air d'aimer ça! Cerports d'hostilité. Les prix sont tes, il y a certainement au nomaffichés (innovation que seule bre des acheteurs une bonne tenta ici, naguère, mais sans quantité de gens qui agissent par souci de suivre la mode sUccès, la Galerie de France) et de surcroît tout est fait pour (comme les acheteurs des Warque nul, si peu argenté soit-il, hol ?) ou dans un but de spécune quitte frustré et les mains lation (même dans une nation vides ce grand Prisunic de l'art aussi prospère) . Mais, tout moderne. Si vous n'êtes pas étranger que je sois, j'ai été assez riche pour vous offrir une trop souvent écœuré par la sotgrande peinture, il y en a des tise ou l'inintérêt qu'affiche le petites ; ensuite viennent les visiteur habituel de nos galemultiples, les lithos et les séri- ries et de nos musées pour ne graphies; enfin, les livres et pas avoir senti frémir ici, comles catalogues (pour 5 marks, me à fleur de peau, une surprepar exemple, une ravissante nante réceptivité. Non point à plaquette de Bellmer). D'ail- tout ni à n'importe quoi, il s'en leurs, l'immense stand de la li- faut! Car je voudrais mettre brairie colonaise Walther Ko' en garde contre les conclusions nig, où l'on trouve tous les hâtives d'américanisation du livres d'art récents et les cata- goût allemand que l'on pourrait logues de toutes les exposi- tirer du Kunstmarkt. D'abord, tions importantes d'art moder- toutes les tendances sont rene dans le monde, est assailli présentées, de l'art fantastique avec autant de frénésie que à l'art conceptuel; ensuite, les jadis le buffet des grands ver- galeries allemandes ignorent (<< C'est les exclusives esthétiques (la nissages parisiens. loin, tout ça! ~, dirait Alphonse galerie Zwirner montre, à côté Allais.) de Morris Louis, Segal, Twom· bly, Wesselmann et Warhol, Ils ont l'air Magritte, Matta, Tanguy, Tapiès d'aimer ça! et Toyen); enfin l'Allemagne possède aujourd'hui un certain Le 13 octobre au soir, le nombre d'artistes de premier Kunstmarkt, c'était le métro plan, de Joseph Beuys à Konrad
Klapheck et de Bernard Schult· ze à Günther Uecker, qui ne sont nullement des épigones.
pop et surréalisme Le Kunstmarkt de cette année est particulièrement valorisé par la fastueuse donation au Wallraf-Richartz Museum de la collection Ludwig: une centaine d'œuvres de première importance, principalement mais non exclusivement Pop. A coup sûr, bon nombre de ceux qui se sont déplacés à Cologne iront méditer dans les salles du musée nouvellement aménagées à cet effet (la collection avait été présentée au printemps dans des locaux trop exigus). Ils y verront notamment le Soundings de Rauschenberg, immense vitrine de magasin de meubles plongée dans l'obscurité à la surface de laquelle la moindre parole, le moindre bruit font s'épanouir un mirage de chaises. Cet énorme gadget technologique (qui, cependant, est encore une peinture puisque l'illusion s'y inscrit en deux dimensions) me paraît être "un des trois sommets du triangle de l'actua· lité artistique à Cologne et au· delà de Cologne. Le second som met ce serait, au sein du Kunstmarkt, l'environnement réalisé par Joseph Beuys, prophète de l'arte povera: d'une vieille camionnette Wolkswagen s'échappe une théorie de 24 traîneaux équipés chacun d'une torche électrique, d'une couverture roulée et d'un peu de margarine. Quant au troisième, hors du Kunstmarkt comme le premier, c'est, dominant l'ensemble des œuvres réunies à la galerie Baukunst sous le titre Surréalisme en Europe, sphères fantastiques et visionnaires. le vaste et tumultueux autel oni· rique échafaudé par Ursula. Il me paraît que le destin de l'art se joue à l'heure présente entre la tentation technologique, l'occupation de l'espace par les moyens les plus humbles ou les plus saugrenus et la violence convulsive du rêve. A ce titre, Cologne, en cet automne 1969, n'est peut-être pas seulement l'éphémère capitale artistique de l'Allemagne... José Pierre
MUSIQUE
Avec Olivier Messiaen La S.M.I.P. (Semaine Musicale Internationale de Paris) 8 débutêavec les œuvres de deux compositeurs de premier plan: Gyorgy Ligeti et Olivier Messiaen. Ce dernier a bien voulu accorder un entretien à notre collaboratrice Anne Capelle. O.M. Ce que représente pour moi la Transfiguration? Certains disent: «C'est une sorte de somme de son œu· vre -. Je ne suis pas entière· ment d'accord. A mon âge, évi· demment, j'ai plus de soixante ans, on traîne derrière soi tout un passé qu'il n'est pas ques· tian de renier, le voudrait-on, et je ne le veux pas. Mais la Transfiguration est différente, à la fois par son sujet et le volume d'orchestre inhabituel que j'y utilise (238 exécutants). Oui, c'est énorme... et cela revient très cher... ce qui fait que je n'entendrai sans doute qu'une ou deux fois avant ma mort cette œuvre qui m'a coûté qua· tre ans de travail, de juillet 65 à février 69.
O.M.
l'Image
Elle est compos" à
de
l'Apocalypse,
de
deux septennalres,· c'est-à-dIre, cieux fols sept pièces. séparées par un ent1'acte et se suivant selon le même processus: deux textes évangéliques tirés de Saint·Matthieu, deux médita· tians sur le mystère, deux textes choisis dans les Ecritu· res religieuses, un choral final (pièce 7, pianissimo, pièce 14, fortissimo, mai. toujours avec le mime volume d'orchestre).
Thomas d'Aquin et autres tex· tes religieux du Moyen Age. Récités en français ? a.M. Non, en latin. Leur tra· duction est donnée dans le programme. Dans ce volume orchestral inhabituel, faut-il signaler des particularités? O.M.
Il se répartit en 18
te, le xylorlmba, le vibraphone, le grand marumba••• Cent chanteurs aussi ? O.M. Par groupe de dix, oui, plus un quintette de 68 musiciens, et la très importante pero cussion (6 exécutants utilisant chacun près de douze instru· ments) où je me sers de six gongs et de trois tam·tam. Le récit chanté?
évangélique
est-il
O.M. Les pièces 1, 4, 8, 11, du récit selon Saint·Matthieu sont psalmodiées avec vocali· ses sur les mots-clés, comme à l'antienne. L'orchestre ponc· tue seulement la pièce 8, par un glissendo de longueur et de temps différents. C'est la nuée qui enveloppe la monta· gne de la transfiguration. J'ai voulu, à ce moment de révéla· tian : « des accords triés, multi· colores, dont les couleurs se meuvent à des vitesses diffé· rentes D. Dans cette œuvre quels sont les moments qui vous sont, à vous, les plus chers?
Œuvre commandée? O.M. Oui, par madame Pero digao, de la fondation Gulben· kian, pour Lisbonne, où eut lieu la création mondiale devant 9.000 spectateurs. J'étais libre du sujet. J'ai choisi sans doute le plus grand mystère parmi les plus grands de la vie du Christ. Ici le miracle cesse, il est dé· gagé de toute· entreprise hu· maine, ce jour-là Dieu se mon· tre véritablement, dan s sa Gloire.
O.M. Ceux qui rendent, ou du moins s'y efforcent, la lu· mière enveloppant ce mystère. J'ai toujours vu des couleurs quand je percevais des sons. Pour moi, la Transfiguration m'évoque les courses de ma jeunesse dans le Dauphiné, mon regard sur la Meije. C'est là que j'ai découvert, la diHérence entre le scintillement de la neige, et celui du soleil. L'un peut se regarder, l'autre est insoutenable. J'ai tenté de tra· duire cette différence d'inten· sité dans la Transfiguration, en particulier dans la 12" pièce: cc Terribulis est locus iste D avec le texte de Saint-Thomas. Aussi dans le Choral final, avec le texte du psaume 26 : cc Sei· gneur j'aime la beauté de Votre maison et le lieu où habite Votre gloire D.
Acte de foi, donc, avant tout pour vous? a.M. Acte de foi bien en· tendu. Les idées directrices de la composition ? Il Y en a deux. Celle de la lumière, d'abord, celle de la filiation ensuite. « Celui·ci est mon fils )) dit, en· fin, la voix de Dieu. Pour la première fois il a désigné le Christ, et nous, les hommes, par adop· tion.
VOUS?
Pour les incroyants qui ne se sentent concernés que par la musique, non par l'intention mystique, comment définiriezvous la Transfiguration?
a.M. Non, mais j'en ai choi· si la mosaique. Ils sont égale· ment tirés de la Genèse, des Psaumes, des épîtres de Saint· Paul, de la Somme de Saint·
Olivier Messwen
Aucun de ces textes n'est de
La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 novembre 1969
bois, dont 6 clarinettes, 17 cui· vres, dont 6 cors, ce qui est assez rare. Un groupe de 7 solistes exceptionnels, que ce soit Yvonne Loriod, ma femme, au piano, ou Rostropovitch au violoncelle, ou les musiciens qui tiennent la flûte, la clarinet·
Comment le dernier mot prononcé par mon interlocuteur eut-il pu être autre que -Dieu- ? Le premier musicien, sûrement. Selon Olivier Messiaen. Propos recueillis par Anne Capelle 25
POLITIQUE
Pour COlUprendre 1
Pierre Avril
Le gouvernement de la. France Ed. Universitaires
Cet ouvrage, publié à Paris en 1969, porte sur une page inté· rieure la mention copyright Pen-guin Books, 1968. Cette indication aide à saisir le propos de l'auteur. Il s'agit avant tout, pour les besoins d'un large public, d'une présentation à grands traits des problèmes du gouvernement de la France. Ce n'est pas dire que l'on ne trouve pas au cours du texte des observations suscepti. bles de retenir l'attention du spé·
cialiste ou du citoyen soucieux de l'amélioration de notre système de gouvernement. Le régime politique français est présenté, conformément à la tradition, comme le produit d'un conflit de légitimité entre ordre monarchique et principes démo· cratiques, ou encore d'un compromis face à la contradiction qui paraît opposer en France la dé· mocratie et le gouvernement. Le résultat a été - au xxe comme au XIXe siècle - « le gouverne· ment à secousses ~ (titre de l'un des chapitres), les conflits ne pou· vant se résoudre que par des af· frontements et des ruptures. La
FEUILLETON
Ve République espérait corriger la c République des Députés ~ à laquelle elle fait suite, mais elle n'apparaît elle-même que com· me un c déséquilibre inversé ~: « L'hypothèse de départ de la. Ve République était qu'il n'exis· tait pas en Frarwe de majorité parlementaire stable en raison de la. multiplicité des partis et de la. division de fopinion ~. Aussi l'on avait pris, pour y porter remède, des dispositions constitutionnelles réglementant l'initiative des dépu. tés; toutefois, pour la première fois dans l'histoire parlementaire française, celles· ci se sont trou· vées depuis 1962 appliquées dans
un cadre majoritaire rigide, avec la même asymétrie que précé·· demment, mais cette fois au bé· néfice exelusif du gouvernement. Dans la deuxième partie, inti· tulée «le Modèle administratif », l'auteur se réfère à plusieurs re· prises aux travaux de Michel Crozier et au caractère bureaucra· tique et centralisé de l'Etat fran· çais relevé par celui·ci ; toutefois, il rappelle au passage, la position d'Alain Touraine selon qui le modèle français ne serait ni plus lourd ni moins rationnel qu'un autre, mais simplement diffé· rent, observation qui ne peut pas ne pas affecter les efforts entre·
J'étais depuis trois ans à H., lorsque, le matin du 26 juillet 19.., ma logeuse me remit une lettre. Elle avait été expédiée, la veille, de K., une ville de quelque importance située à 50 km à peu près de H. Je l'ouvris; elle était écrite en français. Le papier, d'excel· lente qualité, portait en en·tête ce nom Otto APFELSTAHL, MD
par Georges Perec
Résumé du chapitre précédent: Après diverses précautions ora· toires, le narrateur donne quelques maigres indications sur sa vie.
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surmontant un blason compliqué, parfaitement gravé, mais que mon ignorance en matière d'héraldique m'interdit d'identifier, ou même, plus simplement, de déchiffrer; en fait, je ne parvins à reconnaître clairement que deux des cinq symboles qui le compo· saient: une tour crénelée, au centre, sur toute la hauteur du blason, et, au bas, à droite, un livre ouvert, aux pages vierges; les trois autres, en dépit des efforts que je fis pour les com· prendre, me demeurèrent obscurs; il ne s'agissait pourtant pas de symboles abstraits, comme des chevrons, des bandes ou des losanges, mais de figures en quelque sorte doubles, d'un dessin à la fois précis et ambigu, qui semblaient pouvoir s'interpréter de plusieurs façons sans que l'on puisse jamais s'arrêter sur un choix satisfaisant: l'un aurait pu, à la rigueur, passer pour un serpent sinuant dont les écailles auraient été des lauriers, l'autre pour une main qui aurait été en même temps racine; le troisième était aussi bien un nid qu'un brasier, ou une couronne d'épines, ou un buisson ardent, ou même un cœur transpercé. Il n'y avait ni adresse, ni numéro de téléphone. La lettre disait simplement ceci : c Monsieur, c Nous vous serions extrêmement reconnaissants de bien vou· loir nous accorder un entretien pour une affaire vous concernant. cc Nous serons à l'Hôtel Berghof, au numéro 18 de la Nurmberg· strasse, ce vendredi 27 juillet, et nolis vous attendrons au bar à partir de 18 heures. c En vous remerciant à l'avance et en nous excusant de ne pouvoir vous donner pour l'instant de plus amples explications, nous vous prions de croire, Monsieur, à nos sentiments dévoués. » Suivait ûn paraphe à peu près iilisible, et que seul le ~om figurant sur l'en·tête me permit d'identifier comme devant signifier cc O. Apfelstahl -. " est facile de comprendre que, d'abord, cette lettre me fit
notre société pris pour résoudre nos problèmes. Les grands traits de notre administration, rôle du ministère des Finances, les grands corps, le Plan, sont tour à tour évoqués et mis en perspective. L'auteur re· lève de multiples façons l'ambivalence du système politico-administratif qui, à la fois, offre un exemple d'adaptation pragmatique aux conditions imposées par l'histoire et les conceptions de la politique régnant en France et constitue une survivance archaïque : les règles qui définissent ce modèle ne sont-elles pas étrangères à l'esprit de la société in-
dustrielle? Parmi les traits retenus, notons celui de « fédéralisme vertical », emprunté à Daniel Halévy, pour caractériser la centralisation territoriale en même temps que le cloisonnement et la relative autonomie des divers corps de l'Etat. Mention est faite de la grande 1i ber té politique dont jouissent en fait les fonctionnaires. La troisième et dernière partie intitulée, dans une formulation classique, « immuable et changeante », évoque l'évolution économique et politique des dernières années. Le dernier chapitre,
peur. Ma premlere idée fut de fuir: j'avais été reconnu, il ne pouvait s'agir que d'un chantage. Plus tard, je parvins à maîtriser mes craintes: le fait que cette lettre fût écrite en français ne signifiait pas qu'elle s'adressait à moi, à celui que j'avais été, au soldat déserteur; mon actuelle identité faisait de moi un Suisse romand et ma francophonie ne surprenait personne. Ceux qui m'avaient aidé ne connaissaient pas mon ancien nom et il aurait fallu un improbable, un inexplicable concours de circonstances pour qu'un homme m'ayant rencontré dans ma vie antérieure me retrouve et me reconnaisse. H. est une bourgade, à l'écart des grands axes routiers, les touristes l'ignorent, et je passais le plus clair de mes journées au fond de la fosse de graissage ou allongé sous les moteurs. Et puis même, qu'aurait pu me demander celui qui, par un incompréhensible hasard, aurait retrouvé ma trace? Je n'avais pas d'argent, je n'avais pas la possibilité d'en avoir. La guerre que j'avais faite était finie depuis plus de cinq ans, peut-être même avais-je été amnistié? J'essayais d'envisager, le plus calmement possible, toutes les hypothèses que suggérait cette lettre. Etait-elle l'aboutissement d'une longue et patiente recherche, d'une enquête qui, peu à peu, s'était resserrée autour de moi? Croyait-on écrire à celui dont je portais le nom ou dont j'aurais été l'homonyme? Un notaire croyait-il tenir en moi l'héritier d'une fortune immense? Je lisais et je relisais la lettre, j'essayais d'y découvrir chaque fois un indice supplémentaire, mais je n'y trouvais que des raisons de m'intriguer davantage. Ce « nous" qui m'écrivait était-il une convention épistolaire, comme il est d'usage dans presque toutes les correspondances commerciales où le signataire parle au nom de la société qui l'emploie, ou bien avais-je affaire à deux, à plusieurs correspondants? Et que signifiait ce « MD " qui suivait, sur l'en-tête, le nom d'Otto Apfelstahl ? En principe, comme je le vérifiais dans le dictionnaire usuel que j'empruntais quelques instants à la secrétaire du garage, il ne pouvait s'agir que de l'abréviation américaine de Medicine Doctor ", mais ce sigle, courant aux Etats-Unis, n'avait aucune raison de figurer sur l'en-tête d'un Allemand, fut-il médecin, ou alors il me fallait supposer que cet Otto Apfelstahl, bien qu'il m'écrive de K., ne soit pas allemand, mais américain; cela n'avait rien d'étonnant en soi: il y a beaucoup d'Allemands émigrés aux Etats-Unis, de CI
La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 novembre 1969
ainsi qu'une postface é cri t e après le referendum du 27 avril der nie l', essaient de démêler l'avenir politique. Les chances de voir la solution présidentielle se maintenir et les conditions de l'instauration permanente d'une bipolarisation fonctionnelle à laquelle elles semblent liées, sont discutées. Doit-on reprocher à l'auteur d'avoir repris le portrait déjà souvent tracé, d'un modèle français traditionnel et de ses ambivalences, de n'avoir indiqué que peu de directions selon lesquelles rechercher le progrès de notre
société? Ce serait mal comprendre l'utilité de pareilles analyses, qui est d'abord d'enrichir la connaissance de problèmes com· plexes. La solution de ceux-ci, comme le montre une longue histoire, ne sera pas découverte à l'aide de « il n'y a qu'à », mais sera, à la longue, rendue plus facile par l'amélioration du niveau de la compréhension des phénomènes en jeu. A ce titre, le Gouvernement de la France est un livre qui répond bien au besoin et qui rendra service à tous ceux qui s'intéressent à mieux connaître notre société. Philippe J. Bernard.
nombreux médecins américains sont d'origine allemande ou autrichienne; mais que pouvait me vouloir un médecin américain et que faisait-il à K.? Pouvait-on même concevoir un médecin, quelle que soit sa nationalité, qui mette sur son papier à lettres l'indication de son état, mais remplace les renseignements que l'on serait en droit d'attendre d'un docteur en médecine - son adresse ou l'adresse de son cabinet, son numéro de téléphone, l'indication des heures auxquelles il reçoit, ses fonctions hospitalières, etc. - par un blason aussi suranné que sibyllin? Toute la journée, je m'interrogeai sur ce qu'il convenait de faire: devais-je aller à ce rendez-vous? Fallait-il fuir tout de suite, et recommencer ailleurs, en Australie ou en Argentine, cette vie clandestine, forger à nouveau l'alibi fragile d'un nouveau passé, d'une nouvelle identité? Au fil des heures, mon anxiété laissait place à l'impatience, à la curiosité; j'imaginais fébrilement que cette rencontre allait changer ma vie. Je passais une partie de la soirée à la bibliothèque municipale, feuilletant des dictionnaires, des encyclopédies, des annuaires, avec l'espoir d'y découvrir des renseignements sur Otto Apfelstahl, quelques indications sur les acceptions du sigle MD, sur la signification du blason. Mais je ne trouvai rien. Le lendemain matin, pris d'un pressentiment tenace, je fourrai dans mon sac de voyage un peu de linge et ce que j'aurais pu appeler, si cela n'avait été à ce point dérisoire, mes biens les plus précieux: mon poste de radio, une montre de gousset en Jrgent qui aurait pu me venir de mon arrière-grand-père, une petite statuette en nacre achetée à V., un coquillage étrange et rare que m'avait un jour envoyé ma marraine de guerre. Voulais-je fuir? Je ne le pense pas: mais être prêt à toute éventualité. Je prévins ma logeuse que je m'absenterais peut-être quelques jours et lui payai son dû. J'allai trouver mon patron; je lui dis que ma mère était morte et qu'il me fallait aller l'enterrer à D., en Bavière. Il m'octroya une semaine de congé et me paya avec quelques jours d'avance le mois qui finissait. J'allais à la gare, je mis mon sac dans une consigne automatique. Puis, dans la salle d'attente des deuxièmes classes, assis presque au milieu d'un groupe d'ouvriers portugais en partance pour Coblence, j'attendis six heures du soir. (à suivre)
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THÉATRE
Ni Ariel Aimé Césaire Une tempête 1d'après Shakespeare) Théâtre de l'ouest parisien
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« Vous m'avez appris à parler, et tout le profit que j'en ai tiré c'est de savoir maudire ~: le cri de Caliban (celui de la Tempête de Shakespeare), le cri de «l'es· clave sauvage et difforme ~, seraitil le cri du Tiers-Monde maudis·
•
Dl.
nombreux commentateurs de la Tempête rattachent sa genèse aux relations de l'expédition de la flotte anglaise qui partit en 1609 avec hommes et matériel, mettre en valeur la Virginie du Nord, et qu'une tempête fracassa contre les récifs des Bermudes: après les astronomes, les humanistes et les savants, - ajoute-t-il - , négo· ciants et banquiers faisaient leur l'idée que la Terre est ronde.
Caliban
les françaises (en favorisant leur prise de conscience) à secouer par la violence l'actuel joug colonial ? Mais la pièce du député de La Martinique n'est pas précisément un appel à la révolution. Elle reste l'œuvre d'un poète huma· niste, Noir et de langue française, encore attaché au concept, tenu pour salvateur, de «négritude~, comme si ce retour au fonds africain pouvait à lui seul avoir l'effi·
Une tempête, au Théâtre de l'ouest parisien
sant et secouant le joug colonial ? C'est en tout cas ainsi que Césaire veut l'entendre. L'œuvre dernière de Shakespeare est assez hermétique pour ne désavouer aucune des significations qu'on lui veut prêter. Renan voyait bien en Caliban, le Peuple. On peut faire de lui avec autant de vraisemblance, l'aïeul mythique du Black Power. D'ailleurs Jan Kott (Shakespeare notre contemporain) en notant judicieusement que « Caliban» est l'anagramme du «Cannibale» de Montaigne (que Shakespeare avait très probablement lu) nous rappelle en même temps que de
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Bref, le projet de Césaire de don· ner de la Tempête une «adaptation pour un théâtre nègre» était largement fondé. Et pourtant ce «Discours sur le colonialisme» logé dans un scénario shakespearien n'est guère convaincant. Il· sent l'exercice d'école, fût·il d'Ecole Normale: ingénieux, plausible mais artifi· ciel, systématique et politiquement confus, ou anodin. Au demeurant, à qui s'adresse-t-il, et que vise-t-il ? A séduire le temps d'une soirée des intellectuels français «de gauche»? (alors, quel intérêt ?), ou à appeler les Antil·
cacité et le pouvoir libérateur que seule peut avoir l'action révolu· tionnaire. Ce poète de la négri. tude, coincé entre les deux, ne veut ni ne peut choisir entre Ariel ou Caliban, la collaboration réfor· miste ou la révolution violente : l'humaniste se borne à les «comprendre» tous deux. Dans Shakespeare, Prospero faisait jouer, faisait répéter sur son île déserte, - à la fois la scène et le monde - , l'histoire shakespearienne du monde : lutte pour le pouvoir, meurtre, révolte, violence. Ce que le Prospero colonialiste et cinéaste de Césaire
semble (car c'est assez peu clair) vouloir mettre en scène, c'est la parade de la civilisation blanche, qui se voudrait éblouissante (pour éblouir le nègre, et le châtrer de sa culture), mais qui se termine en mêlée carnassière de requins s'étripant entre eux. Mais, à dé· marquer de trop près le scénario shakespearien (avec duc usurpateur de Milan, roi de Naples, Miranda et Ferdinand, etc.) Césaire s'empêtre, et nous aussi. On est loin de Genet qui, en quelques scènes des Nègres, rendait au néant cette mascarade Blanche révélée simple image et apparence pure. Reste la confrontation d'Ariel et de Caliban, qui articule la pièce: Ariel, serviteur des œuvres et des pompes de ce Prospero maître d'illusions, Ariel le régisseur de ses spectacles, est un mulâtre qui croit qu'on peut changer le maî· tre et qu'à le servir dignement on sera un jour libéré; Caliban le nègre, le forcené, sait que seules la force et la violence pourront contraindre Prospero. Césai· re se contente de poser les données du problème. C'est un peu court. D'autant que sa référence systématique à la culture européenne (en l'occurence le symbo. lisme shakespearien) rend la piè· ce - j'en prends le pari - rigoureusement incompréhensible au public (celui des peuples encore colonisés) au que 1 elle devrait s'adresser, faute de quoi elle n'a aucune nécessité. J.-M. Serreau, après La Tragédie du roi Christophe et Une Saison au Congo, a mis en scène, avec sa troupe de théâtre «africain~, cette troisième pièce de Césaire. en tâchant de donner force et clarté à ce tohu·bohu peu nécessane. Ce n'est pas l'intelligence de sa mise en scène qui est en cause, ni sa science des moyens scéniques, qui nous vaut un spectacle précis, percutant, rythmé, ordonnant avec violence des ima· ges scéniques efficaces, ni non plus le jeu d'excellents comédiens comme Lonsdale (Prospero), ou Boudjema Bouhada (Ariel). C'est qu'on reste étranger à une pièce en porte-à-faux: son contenu idéologique est trop vague, sa ma· tière verbale trop peu riche ; elle n'a ni valeur d'analyse (ce qu'avait La Tragédie du Roi Christophe) ni pouvoir d'appel: reste une shakespearienne carcasse. Gilles Sandier
TOUS
LES
LIVRES
Bilan d'octobre Livres de poche publiés du 5 au 20 octobre 1969 LITTÉRATURE Adès et Josipovici Le livre de Goha le Simple Livre de Poche Marcel Aymé Derrière chez Martin Livre de Poche Balzac Une fille d'Eve suivi de : La muse du département Livre de Poche Colette Le blé en herbe Garnier/Flammarion Dostoïevski Les nuits blanches suivi de : Le sous-sol Petru Dumitriu Rendez-vous au jugement dernier Livre - de Poche Louis Guilloux Le sang noir Livre de Poche Mazo de La Roche Les sortilèges de Jalna Livre de Poche Paul Morand Lewis et Irène Livre de Poche
Présentation nouvelle de Maurice Dommanget Petite collection Maspero
La poésie française aux U.S.A. ; la poésie américaine en France
Adolphe Lods Les prophètes d'Israël et les débuts du judaïsme A. Michel/Evolution de l'Humanité.
Pierre Deyon Le mercantilisme Flammarion/Histoire Qu'est-ce que le mercantilisme et quelles sont sa signification et son influence historiques?
Montesquieu Lettres persanes Garnier/Flammarion Nietzsche Le livre du philosophe Bilingue Aubier/Flammarion Roger Priouret La France et le management Livre de Poche
TRÉATRE Marcel Achard Patate Livre de Poche Georges Michel Arbalètes et vieilles rapières Gallimard/Manteau d'Arlequin
Charles Plisnier Meutres - tome IV Feu dormant Livre de Poche
John Osborne Antony Creighton Epitaphe pour Georges Dillon Trad. de l'anglais par G. Coline et D. Clément Gall imard/Théâtre du monde entier
Rabelais Pantagruel Garnier/Flammarion
Andrée Bergens Prévert Editions Universitaires
Christiane Rochefort Les petits enfants du siècle Livre de Poche
INÉDIT8
Nathalie Sarraute Les fruits d'or Livre de Poche Jules Supervielle Le voleur d'enfants Livre de Poche
B88AI8 Paul Lafargue Le droit à la paresse
Fernand Braudel Ecrits sur l'hIstoire Flammarion/Science Un recueil -des articles consacrés par l'auteur aux liens entre l'histoire et les autres sciences humaines et à la place de la recherche historique dans la société moderne J.J. Celly Choral Editions Universitaires
LES LIBRAIRES ONT VENDU
1. Henri Charrière 2. Simone Berteaut 3. Robert Sabatier
4. Pierre Schoendoerffer 5. Pierre Bercot 6. Christiane Collange 7. Henri Guillemin 8. Jean Giraudoux 9. Françoise Sagan
Pierre Jalée L'impérialisme en 1970 Petite Collection Maspero Où l'auteur du • Pillage du Tiers Monde. poursuit son analyse des forces qui colonisent le monde
10. Pauline Réage
Jean-Yves Pouilloux Lire les «Essais» de Montaigne Maspero, 124 p., 6,15 F
Guy Rachet Archéologie de la Grèce préhistorique Marabout Université La grande aventure de l'archéologie moderne depuis les découvertes de Schliemann jusqu'à ses plus récentes acquisitions Lucette Valensl Le Maghreb avant la prise d'Alger Flammarion/Histoire Une analyse des formes économiques et sociales du Maghreb précolonlal et de ses relations avec le reste du monde
La Quinzaine litténJre, du 1" au 15 novembre 1969
1
5 (Albin-
Vieillesse du prince (Plon) Madame et le management (Tchou) Napoléon tel quel (Trévise) La menteuse (Grasset) Un peu de soleil dans l'eau froide (Flammarion) Retour à Roissy (Pauvert)
3 2 1
3
1 1 1 1
3
Liste établie d'après les renseignements donnés par les libraires suivants: Biarritz, la Presse. - Brest, la Cité. Dijon, l'Université. Issoudun, Cherrier. - Lille, le Furet du Nord. Montpellier, Sauramps. Nice, Rudin. - Orléans, Jeanne d'Arc. - Paris, les Aliscans, Fontaine, Gallimard, Julien Cornlc, Marbeuf, Marceau, Variété, Weil. - Poitiers, l'Université. Rennes, les Nourritures terrestres. - Vichy, Royale. - Toulon, Bonnaud. Tours, Terre des Hommes. - Tournai, Decallonne.
Le dictionnaire de la psychologie moderne Marabout Service, 2 vol. Destiné à un public non spécialisé
Didier E. Proton Thomas d'Aquin Editions Universitaires Une présentation claire d'un des plus· grands penseurs du Moyen Age suivis d'un lexique arlstotélothomiste
Papillon (Laffont) Piaf (Laffont) Les allumettes suédoises Michel) L'adieu au roi (Grasset)
LA QUINZAINE 1
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LITTÉRAIRE
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Littérature Robert André L'amour et la Vie d'une femme Dominique Fernandez Lettre à Dora Mots sans mémoire Michel Leiris Le mu.... , Jean-Pierre Morel Flannery O'Connor Mon mal vient de plus loin Mol Je Claude Roy Claude Simon La bataille de Pharsale Mario Vargas Llosa'" maison verte
Gallimard Grasset GallimardDenoël LN Gallimard Gallimard Minuit Gallimard
Essai. Mllovan Djilas Jean-Louis Ferrier Gilles Lapouge Jean-Jacques Lebel René Leibowitz Herbert Plchler
Une société Imparfaite Le forme et le sens tes pirates Entretien. avec le Living Theatre
Schoenberg Conquête de la lune
Calmann-Lévy Denoêl Balland Balland Seuil Buchet Chastel
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LES
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Livres publiés ROMANS FRANÇAIS •
Un premier roman dont le héros est le • voyant. d'événements tragiques ou dérisoires qui sont l'histoire de l'Europe actuelle
Jacques Bens Adieu Sidonie Gallimard, 264 p., 16 F • Jean-Pierre Morel Une poursuite Le mural amoureuse en douze Lettres Nouvelles .étapes et douze Denoël, 240 p., 17,70 F chapitres dont chacun Voir ce n° p. 7 a sa clef et constitue à Gérard Mourgue sa manière un piquant La garde exercice de style. Table Ronde, 224 p., 14 F Pierre Bois L'univers de ceux qui Le défilé consciemment ou Denoël, 256 p., 16,70 F inconsciemment, Aux cours de trois poursuivent un idéal journées d'émeute, un reporter est Pierre Schoendoerffer confronté, plus encore L'adieu au roi qu'avec les Grasset, 304 p., 18 F événements dont il est Voir le* numéro 81 témoin, avec sa propre de la Quinzaine aventure. Marcel Séguier Louis Calaferte La halte PGrtrait de l'enfant Denoël, 232 p., 15,60 F Denoël, 144 p., 11,40 F Une vieille femme Par l'auteur seule, qui se rappelle, du • Requiem des s'imagine, s'invente un innocents " du passé fabuleux où • Partage des vivants • l'homme était roi et de « Rosa Mystica • (voir le n° 59 de la Pierre Silvain Quinzaine) La promenade en barque • Albert Cohen Mercure de France, Les Valeureux 208 p., 16,60 F Gallimard, 368 p., 24 F Par l'auteur de Par l'auteur de • Belle • Zacharie Blue " un du Seigneur " prix du roman qui sous les roman de l'Académie apparences d'une Française 1968 intrigue policière, se Henri-Pierre Denis révèle être une quête Quelques nouvelles de de la réalité et de Jessica l'identité Gallimard, 256 p., 16 F Un roman savoureux et André Stil d'une conception très Qui? originale qui tient de la Gallimard, 256 p., 16 F science-fiction, du récit La suite des aventures fantastique et du conte et surtout des philosophique souvenirs du héros de « Beau comme un • Serge Doubrovsky homme " roman La dispersion précédent de "auteur Mercure de France, 336 p., 23,80 F Jean Sulivan voir ce numéro page 4 Miroir brisé Claude Faraggi Gallimard, 296 p., 20 F L'effroi Récits, nouvelles, Mercure de France souvenirs et réflexions 288 p., 22,80 F diverses Un roman du désir, du temps qui s'écoule, de • Monique Wittig la terre et de l'érotisme, Les guérlllères qui a pour cadre le Midi Ed. de Minuit, pyrénéen 212 p., 40 F •. Dominique Fernandez Par l'auteur de Lettr3 l Dora • L'Opoponax., prix Grasset, 340 p., 21 F Médicis 1964 (voir les nO' 7, 46 de la Quinzaine, et ce n" ROMANS p. 5 ETRANGERS Serge Kancer Urabatok ou Le navire Irwin Faust ébloui L'Aciaigle Denoël, 360 p., 22 F Trad. de l'anglais Croisière dans par André Simon le Pacifique Gallimard, 248 p., 19 F Rachel Mizrahi La crise d'un professeur Harry d'université américain Grasset, 288 p., 17 F qui, au moment de
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fils à Albert Camus aux surréalistes, Choix, préface et notes de Rabelais à Pieyre de Mandiargues. par André Maison Rencontre, 512 p., • Maïakowsky 18,30 F Lettres à Lili Brik Le septième et dernier Présentées par volume de cette • Jean Tardieu Claude Frioux William H. Gass anthologie très Les portes de toile Trad. du russe par La chance d'Omensetter complète et unique Figures et non·figures André Robel Trad. de l'anglais en son genre. Etudes • Poème pour Gallimard, 228 p., 18 F par Marie Dulac voir et revoir L'histoire d'un amour Gallimard, 388 p., 23 F Gallimard, 168 p., 15 F • Jean-Pierre Attal exceptionnel mais Les aventures d'un L'image aussi un document homme dont la vitalité, « métaphysique .. essentiel sur "avantle bonheur insolent, et autres essais REEDITIONB garde 1ittérai re russe la chance fabuleuse Gallimard, 472 p., 30 F avant, pendant et après provoquent une levée de Un recueil d'une Alphonse Allais la révolution d'Octobre. boucliers dans la petite vingtaine d'études A se tordre ville de l'Ohio où il est sur ce que "on A. Michel, 256 p., 15 F Juliette Raabe venu s'installer et qu'il pourrait appeler, au Francis Cacassin sera contraint de quitter Alphonse Allais sens large, la poésie Bibliothèque idéale Œuvres posthumes métaphysique. de littérature John Updike Tome VI : Le Journal d'évasion Couples André Billy 1904·1905 et Le sourire Editions Universitaires, Trad. de l'anglais Joubert énigmatique 1899-1900 220 p., 18,50 F par Anne-Marie Soulac et délicieux Table Ronde, 496 p., 36 F Un guide pratique Gallimard, 568 p., 32 F Gallimard, 240 p., 18 F qui permettra à Par l'auteur de « Cœur Contes d'Ise Jean de Boschère l'amateur comme de lièvre " du Trad. du japonais par Lettres de La Châtre au pédagogue de « Centaure • et de « la G, Renondeau à André Lebois choisir les meilleurs Ferme • (voir le n° 53 Préface et commentaire Denoël, 176 p., 20,30 F titres et les collections de la Quinzaine) de G. Renondeau les plus intéressantes. A travers les lettres Coll. « Connaissance de Colin Wilson qu'il écrivit de 1939 à l'Orient. 1953 à A. Lebois, les • Louis de Robert La cage de verre Coll. Unesco d'œuvres dernières années de Comment débuta Trad. de l'anglais représentatives la vie d'un écrivain Marcel Proust par J.-M. Savona Gallimard, 188 p., 22 F qui fut l'ami de Joyce, Lettres inédites, suivi Planète, 320 p., 25 F Pour découvrir une Lawrence, Eliot, de Souvenirs et Un faux roman policier des œuvres les plus Artaud, etc. confidences sur qui s'écarte résolument représentatives de Marcel Proust des lois du genre la 1ittérature Jean Francis Gallimard, 128 p., 11 F japonaise; L'éternel aujourd'hui Première réédition ces contes poétiques de Michel d'un ouvrage paru d'auteur inconnu de Ghelderode en 1925 à tirage qui datent du X' siècle. Nombr. illustrations et POÉSIE limité, dans la documents hors texte collection Dostoïevski Louis Musin éd., • Une œuvre, Les frères Karamazov Bruxelles, 550 p., 50 F un portrait •. Traduction, introduction, Un ouvrage d'exégèse, chronologie, Bibliothèque de Daniel Salem de folklore, d'histoire bibliographie et notes Poésie Il La révolution théâtrale et de peinture, que par Kyra Sanine Villon : Poésies actuelle en Angleterre l'auteur, qui fut l'ami 16 reproductions Ronsard : Amours et Préface de J.-L. Curtis et le secrétaire de Garnier, 1192 p., 32,40 F odes Denoël, 272 p., 18,70 F Ghelderode intitule Nerval : Poèmes et Par l'auteur de lui-même: Dostoïevski prose «Harold Pinter, « spectographie Récits, chroniques Baudelaire : Poèmes en dramaturge de littéraire '. et polémiques prose l'ambiguïté. Textes traduits, Coll. « Livres de (voir le n° 67 de Jean Huguet présentés et annotés Chevet· La Quinzaine). Georges Belle Gustave Aucouturier Tchou, 20 F le volume Bibliothèque idéale par 76 F le coffret de Poche Bibliothèque de Editions Universitaires, la Pléiade Max Guedj SOCIOLOGIB 320 p., 18,50 F Gallimard, 1872 p., 60 F Poèmes d'un homme PSYCHOLOGIE Une bibliographie rangé (1966-1969) ETHNOGRAPHIE Marcel Proust analytique qui Pierre Jean Oswald, A la recherche du permettra il tous, 80 p., 10,80 F temps perdu· Tome V jeunes et adultes, Louis Doucet Sodome et Gomorrhe Yves Plnguilly de se retrouver dans Une année d'amour (suite et fin) : Racines, suivi de l'énorme masse de Losfeld, 20 F La prisonnière Les huit heures d'une titres de romans La «révolution 12 pl. hors texte pleine nuit ou de pièces de sexuelle. par Philippe Juillan Pierre Jean Oswald, théâtre parus ou il vue il travers les 48 p., 7,50 F «La Gerbe Illustrée. paraître dans les extraits les plus Gallimard, 472 p., 85 F différentes suggestifs de la presse Gérard Prémel collections au format internationale. Nous n'irons plus au de poche. ciel Jean Fougère Pierre Jean Oswald, CRITIQUE Lettre ouverte Les chefs-d'œuvre 48 p., 7,20 F HISTOIRE l un satyre du rêve A. Michel, 160 p., 9,60 F • Anthologie Planète. Philippe Schuwer Ce que nous 50 illustrations Anthologie de Denis Roche entendons, lisons, Planète, 384 p., 48,50 F la Correspondance Pierre Oster regardons De « la Chanson française Jean-Robert Masson quotidiennement fait de Roland. d'Alexandre Dumas Anthologie de la poésie l'affaire de Cuba, vit un immense rêve de défoulement érotique et infantile pour retomber finalement dans la respectabilité
française en 4 volumes : XVI', XVII", XVIII' et XIX' siècles Coll. « Livres de chevet • Tchou, 224 p., 20 F
du 5 au 20 octobre 1969 de chacun de nous un satyre. • Marcel Mauss Œuvres· Tome Il Représentation collective et diversité des clvlIIsetions Ed. de Minuit, 740 p., 60 F Des écrits précurseurs qui continuent de guider la recherche ethnographique. Jacques Meunier Anne-Marie Savarin Le chant du Silbaco Massecre en Amazonie Edition Spéciale Editions et Publications Premières, 224 p., 19,80 F Le résultat d'une enquête menée pendant six ans parmi les Indiens d'Amazonie voués, de tous temps, au génocide. Pierre-B. Schneider Psychologie médicale Payot, 336 p., 28,85 F Les relations médecinmalade à la lumière de la psychanalyse.
Les Mémoires du troisième président de l'Etat d'Israël.
les ânes seuvages Denoël, 192 p., 17,70 F Par l'auteur du • Pélerinage aux sources -, une méditation passionnée sur la liberté, l'amour, le monde et les événements de mai.
Georges Walter Maurice Weitlauff Les prêtres mariés • Edition SpécialeEditions et Publications Premières, 240 p., 22,90 F
HISTOIRE
ARTS
Pierre Frédérix Rome, histoire de la Ville Eternelle 7 cartes et plans in·texte A. Michel, 520 p., 39 F L'histoire d'une ville unique au monde, des origines à nos jours.
Le monde de Chagall Photographies d'Izis Texte de Roy McMullen 92 photograhies 56 i11. en quadrichromie 69" tableaux et dessins de Chagall repro~uits en héliogravure Gallimard, 268 p., 130 F
J. et D. Kimché La première guerre d'Israël
Jean-Louis Ferrier L8 forme et le sens 16 p. de gravures h.-t. • Médiations Denoël, 224 p., 21,90 F Comment lire une œuvre d'art et, en particulier, les productions de l'art moderne.
1948
16 cartes Arthaud, 320 p., 30 F La naissance de l'Etat d'Israël. Barrington Moore .Ir Les origines sociales de la dictature et de la démocratie Trad. de l'anglais par Pierre Clinquart Maspero, 432 p., 27,80 F Le rôle politique des aristocraties foncières et des classes moyennes dans le processus de transformation des sociétés agraires.
J.-C. Sempé J.-L. Donnet J. Say, S. Lascault C. Backès La psychanalyse 50 illustrations Coll. • Le point de la questionDenoël, 320 p., 31 F Le point de la situation contemporaine de la • Ivan Morris psychanalyse et de La vie de cour l'impact des dans l'ancien Japon découvertes au temps du Prince freudiennes Genji sur le monde actuel. Trad. de l'anglais par Mme Charvet Gallimard, 328 p., 30 F BSSAIS Une invitation au voyage, savante et Isaac Deutscher pleine de charme, Essels sur le problème dans le Japon du Juif Prince de Lumière, à Trad. de l'anglais la fin du X' siècle. par E. GilleNemirovsky Payot, 208 p., 16,50 F Par le biographe de Staline et de Trotsky, POLITIQUE un recueil d'essais ECONOMIE sur les différents aspects du problème Jean Bothorel Juif. La Bretagne Alexandre Matheron contre Paris Individu et Table Ronde, 128 p., communauté 10 F chez Spinoza Par un membre du Ed. de Minuit, F.L.B., un exposé sur 650 p., 19,50 F les sentiments et le Le spinozisme en tant programme politique que théorie générale des nationalistes de l'individualité et des bretons. relations InterGeorges Chaffard humaines. Les deux guerres Lanza dei Vasto du Vietnam Table Ronde, L'homme libre et
Udo Kultermann Architecture contemporaine Trad. de l'allemand 41 pl. en couleurs, 69 pl. en noir, 45 figures A. Michel, 328 p., 54,40 F. Giuseppe Tucci Tibet, . pays des neiges Texte français de Robert Latour Photographies de W. Swann, Edwin Smith, etc 106 pl. hors texte dont 40 en couleurs A. Michel, 216 p., 59,60 F.
THEATRE CINEMA
2Ialman Shazar Etoiles du matin Préface de P. Thémanlys Trad. de l'hébreu par Guy Deutsch A. Michel, 224 p., 13,50 F
La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 novembre 1969
Philippe Hériat Théâtre III Gallimard, 320 p., 20 F Ce volume contient une pièce • Voltige -, un scénario : • Balzac - et un livret d'opéra: • Les Hauts de Hurlevent-. Ph. Parrain Regards sur le cinéma indien 16 p. d'illustrations Cerf, 408 p., 29 F Sociologie du film indien. Jean Tardieu Théitre Il Poèmes i Jouer Gallimard, 328 p., 23 F Réédition revue et augmentée de trois pièces nouvelles.
HUMOUR SPORTS DIVERS Roland Bacri Le roro Illustrations de C. Brouty Denoël, 160 p., 13,50 F Un dictionnaire de patatouète ou la langue pied·noir à la portée de tous. Les Beatles Présenté par Alan Aldrige Texte français et anglais 180 ill. dont 100 en couleurs A. Michel, 160 p., 19 F Pierre Beck Général Huard Tibesti, carrefour de la préhistoire saharienne 33 photographies Arthaud, 316 p., 38 F Une description passionnante. Claude Caron Histoires d'amour des maisons de Paris Nombr. photographies Denoël, 352 p., 29,20 F Les couples célèbres de notre histoire, évoqués à. travers leurs lettres et à travers les lieux de Paris où ils abritèrent leurs amours. Tyra Ferlet Miracle de la Suède 52 photographies Arthaud, 368 p., 25 F Bjôrn Landstrom' Histoire du voilier Trad. de l'anglais par Robert Latour 340 clichés dont 56 en couleurs A. Michel, 192 p., 27 F Cinq mille ans de marine à voile Emil Schulthess Afrique Textes d'E. Schulthess, Emil Birrer et Emil Egli 168 photographies dont 72 en couleurs A. Michel, 248 p., 150 F (prix de souscription jusqu'au 1 décembre 69 : 130 F) Les derniers cavaliers du monde 368 photographies Textes et photographies de R. Michaud. H. Tarnowska, P. Gand, D. Colomb de Daunant, L. Simond, 1. Varga Arthaud, 288 p., 145 F W
DOCUMBNTS Jacques Bergier L'espionnage Industriel Hachette, 256 p., 18 F
Une forme d'espionnage qui tend à supplanter l'espionnage militaire à en juger par l'estimation des services de la police Lucien Bodard Le massacre des Indiens Gallimard, 496 p., 25 F Envoyé par • France·Soir au Brésil, Lucien Bodard en a rapporté une série de reportages et aussi ce livre où il dénonce le génocide dont les 1ndiens du Brésil sont actuellement les victimes. Armand Hayet Us et coutumes à bord des long-courriers Préface de Jean Randier Denoël, 396 p., 36,50 F Par un ancien capitaine au long-cours. Pierre Joffroy L'espion de Dieu La passion de Kurt Gersteln Grasset, 320 p., 24 F La vie et la mort de cet officier allemand interné par les nazis puis admis dans les rangs des SS et qui tenta vainement de dénoncer les horreurs dont il fut le témoin. Denis 1anglois hllagoulis, !e sang de la Grèce Maspero, 128 p., 6,15 F Par l'observateur de la Ligue Internationale des Droits de l'Homme à Athènes. Derek Wood Derek Dempster. La bataille d'Angleterre 20 photos France-Empire, 400 p., 21,54 F Le livre dont l'adaptation cinématographique est . un des grands succès de la saison.
RBLIGION Saint-François de Sales Œuvres Préface et chronologie par André Ravier Textes établis, présentés et annotés par R. Devos et A. Ravier Bibliothèque de La Pléiade Gallimard, 2024 p.,
65 F.
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