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JUSTINE OU LEs MALHEIJRS DE LA VERTU ğDlTIoN ETABLIE sUR LEs TExTEs oR]GINAUX' PRİSEI.0EE ET CoMMENTEE PAR BEATRICE DIDIER
LE LIVRE DE POCHE Classiques
INCESTE ET ECRITURE CHEZ SADE
Dı
tous les crimes de l'amour, celui qui semble iouir dans ces nouvelıes d'une place privi' lĞgiğp c'est' assurĞrnenq l'inceste- Le nceud trigique de Dorgeuillı s'orprime en cette seule phrasi : r Eh bien! Dorgeville, reconnaiss€z cette iaur criminelle dans vore öpouse infortunĞe. ı Dans Flmailh ct Couııal le thöme atteint i une plus grande comploıitö; et l'on sent avec quelle iubilation le romancier-d6miurge permet, i i'aooroche du dönouemenı. cette rĞv6laıion de la 'ıiıultiolicit6 des liens et des crimes nouös en l.rn ,.rf ncud : (( Reconnais-moi, Senneval, reconnais
Professeur 6m6rite
i
l'6cole normale supğrieure. B€atrice Didier
esı l'auteur d'une thğse importante sw L'lmaginaire cheı Senancoür, eü d'|Jfue Histoire de la liıı4raıure française' 1778-l820.
sp6cialiste du xvUr siocle et de la premiöre p6riode romantique. elle a donn6 des €tudes sur sade, R6tif de l-a Bretonne, Benjamin Constant, Stendhal, Chateaubriand, George Sand.
o Librairie
G6n6rale Française, l972.
ISBN:978 2-253-00328-l
-
l"publication
LGF
dı
la fois ta sceur, celle que tu as sdduite
ir Nancy, la meurriĞre de ton frls, l'Ğpouse de ton pĞre, et l'ın{eme crĞature qui a rainĞ ıa mĞre i l'Ğchahud. ı Eugdnic de Fruıaal, i l'oppos6, est d'une o
unite s'ooĞre autour d'une seule oassion, eırclusive, lonğrrement pröpar6e et mürie : l'amour du pĞre pour sa trĞs jeune fille. A la mĞrne 6poque, Sade compose les Cczl uingı jrun}es oü il iinagine une sociĞĞ de liberdns unis par un rĞseau de liens incestueux: ı< Depuis plus de six ans ces qrıatre libertins'
htface
PıİJaıı
qu'unissait une conformit6 de richesses et de goüs, avaient imaginö de resserrer leurs liens par des alliances oü la d6bauche avait bien plus de pan qu'aucun des autres motifs qui fondent ordinaireınent ces liens. > Dans la Philosophiı dans le boud,oir, Eug6nie exulte : ı< Me voiliı donc ) la fois incestueuse, adultöre, sodomite! > A cette pratique de l'inceste par les personrnges les plus significatifs de I'univers sadien, vient se .ioindre, doubluıe essentieIle de l'acte, une th6orie. Dans Eugönie dı Fronval, |e pöre fait appel İı l'antiquitö des traditions, et' Puisque justement son interlocuteur est un pröıre, İ la Bible et ) l'histoire de Loth. Dans Français mıore un ğforı si uous ıouleı 6tıe ı4publicains, Sade enıreprend Ia justification politique de l'inceste: < L'inceste est_il dangereııx? Non, sans doute; il 6tend les lierıs des familles et rend par cons6quent plus acdf I'amour des citoyens pour la patrie. > Suivent alors d'innombrables exemples oü Sade recourt ir toute une 6rudition histori_ que et göographique, pour en venir linalement i cette constaEtion que l'inceste est une consöquence directe de cette (( communautĞ des femmes > qu'il faut ötablir dans la veritable
lence de Sade, dĞs qu'il aborde. ce sujet, qu'une 6tude des ( sour.ces D et des ( influences D est absolument inopöranrc. Nous sommes daıant l'une des pulsions fondamentales de l'imaginadu dösir sadienş Il est tion, de la philosophie, -difficile, et peut-ere vain, de voir cenes bien queIles ont pu €tre les incidences biographiques de ce desir.- on corxıaİt lort mal l'enfahce des Ğcrivains de cette Ğpoque; on P€ut cePendant penser avec P. Klossowski que tı chez Sade, on se _trouverait en pr6sence d'un comploıe cdipien' 'non pas d6teiıninĞ, comme c'est le cas d'un grand nombre de növros6s par une inhibition de l'inceste procedant de l'angoisse de la casration, nıais dü au regret d'avoir voulu sacrifier le pĞre ir cette fausse idole, la mĞreı. ı Nous constaaerons' en effet, le ıöle trĞs dĞfavorise de la mĞre dans la oluoart des incestes sadiens. L'autre irrcidence incktueuse dans la üe de Sade est tardive et relativement Mnigne : iı s'agit de l'enlĞ_ vement de sa belle-scur Anne-ProspÖre de Launay, la chanoinesse. Ce$e figure transposĞe de I'inceste sororal est finalement assez secondaire. Toutes lcs formes de l'inceste n'ont pas ĞüLe rappon meredeınment la m&ne importance. -dĞfavoris€, andis que le frls est absolument fe-fiıle est exalt6. Et ce rapport implirappon p€_corollaire, qde' en le sacrifice de la mĞre. Dans iug6nic de Franaal cetae oblaıion est d'abord prier.,enr psychologique: c'est la douleur de 'Ir,tme de prüval; miis bientöt, il faudra en venir au meunre' par l'ernpoisonneınent que le oĞre charge la frlle de D€fDĞtrer. L'inceste mĞre'fill, d. l^"rÜh-ph;" ai" i ıo'rdoi' nıesserıtiellement un viol, un meurtre de la mĞre, aııx anti_
republique. On peut invoquer une tradition i la fois phi. losophique et littĞraife. Tous ces arguments, tous ces exemples, Sade les a puis6s dars la science historique que lui löguent les rı Philosophes > du SiĞcle des luıniĞres, ainsi que les rĞcits des voyageurs' Chardin ou Bougainville. L'inceste est i la mode aussi dans l'univers noırıanesque, et cette mode se prolongera i I'aube du xıxc siĞcle pour aboutir au r6cit des amours interdites de Ren6. On sent bien cependant i l'insistance, İ la vio-
.İ
frm ııırhnin sçııil ll)67 nn. l77"
ı 78.
PröJace
Pröface
du consenremena et du bonheur si ğıidents entre le pĞre et la fille dans Eugİnie de Fıaıaal (le d6nouement tragique est visiblement suPerflu et parodique: le ıon g6nĞral de cette nouvelle, c'est le bonheur des amants). Or dans la Philosophie,la mĞre a etĞ liırĞe i la fille par le pdre lui-möme. Les incestes entre frĞres et ;Gurs n'ont pas ce rayonn€rnent, Ce bonheuİ privilĞgiĞ du rapport pere-fille. Que l'on se rçorıe i Florıille eı Cuıraal: on n'v trouvera nulle oart de scĞne comparable iı l{apoth6ose d'EugLnie dans Eugıhie de FraııaaJ- L'incesıe sororal n'est qu'une forme affaiblie, mötaphorique de l'in_ ceste essentiel. Voilİı pourquoi Eug6nie' tant qu'elle n'a pas consomm6 I'acte, appelle son pĞre : r mon ami, mon fröre ı. Le PĞre se rouve alors doublement Possesseur, puisqu'il ajoute iı ses droits traditionhels sur la fille mineure, ceux de l'amanr. Il n'y a donc plus de borne i la volont6 de puissance. Outre iette force contenue dans Ia narure m€me de la relation, Sade se plait iı donner a son heros touıes les formes du pouvoir. Et d'abord la richesse. Les maİtres du chi'teau de Silling sont de trĞs grands seigneurs; M. de Franval < poss6dait, avec 400 000 livres de rente, la plus belle taille, la physionomie la plus agreable' et les ıalents
aussi ) quel Point s'6tablit une anaıogie enfe la situadon incestueuse et la situation du prisonnier, eı plus particuliĞrement de ce pri-
podes
les plus variĞs
ı.
La joie essenıielle du ptre consiste i retrouver le reflet de lui_m6me daiıs sa fille, mais un reflet suffisamment different pour qu'il puisse Atre domin6. C'esr alors que la jouissance est double, }r la fois du maiıre et de l'esclave fondus dans cette joie unique. On voit fort bien, chez Franval; i quel _point le plaisir de l'inceste s'|apparente au bonheur narcissique, İ l'onanisme; ıiıiis ir un onanisme prive de toute tristesse. On comprend
3onnier qu'est Sade tcrivain. De möme qu'il est Driv6 de toute reladon avec le monde er(tĞrieur, ie .orple incesrueux refuse cette relaıion vers l'ailleuis, le dehors. Mais, tandis que la cıausffation est p€nible, et privative' Sade se complait İı imaginef la solitude de l'inceste comme le bonheur supröme. Eug6nie se rğouit iı l'idĞe d'eviter }ı tout iamais un contact avec un ( 6tranger ).: ( Moi, p'oursuivait-elle, avec chaleur, moi, me ioindre a un 6tranger qui, n'ayant pas comfrıe toi de doubles raisons pour m'aimer mettrait i la mesure de ses sentiments tout au plus celle de ses dğsirs. ı La multiplication par deux que suggĞre le mot ( doubIes ı, en fait, permet'l'accöi iı l'infini du d6sir et du sentiment qui, dans cette relation Privil6gi6e, seront miraculeusement, exceptionnellement concordants. Mais ce refus de I'exogamie par Eug6nie n'en est pas moins trÖs caractöristique. ll se siıue aux souices mömes de l'interdiı. du tabou de l'inceste, si I'on admet avec L6vi-Strauss que I'origine de I'interdit est e rechercher dans un mouvement g€n6ral d'Ğchange d'oü la sociĞt6 tire sa vie .propre: .( Le.. groupe au sein duquel. le ıTanage est lnterdıt evoque aussltot la notlon d'un iuıre gı'oupe... au sein duquel le mariage esL selon lcs cai' simplemenı possible, ou inĞvitable; la prohibition de I'usage sexuel de la fille ou de la sceur contraint iı doııner en mariage la fille ou la sceur e un aure homme et' en m€me temps, elle crĞe un droit sur la fille ou la scur de cei autre homme. Ainsi toutes les ont-elles
fuöface
une contrepartie positivet. ı Le refus d'Eug6nie, c'est donc le refus de toute communication avec le monde extĞrieur, la volont6 de demeurer dans son clan. Peut_6tre pourraiı_on y voir une figure paroxystique' exır€me, du dösir de ne pas d6choir. de se marier dans sa classe - ramenĞe iı la limite ir sa seule hmille. Le fantasme de l]inceste ) la fin du xvııı. siöcıe trahirait donc ir la fois le dĞsir eı la peur de l'enfermelnent sur soi, dans une classe - Ia noblesse - qui prend conscience de n'6tre plus la classe dominante. on verra aussi dans l'incesıe sadien une fiorrne de manich6isme. Le mal se rouve assimil6 avec l'extörieur. L'inceste est donc, paradoxalement, le moyen d'assumer pleinement une puret6 absolue. i l'appui de cJtte interprötatioin, on ciıera ıoute une tradiıion hörösiarque que Sade a fon bien pu connaitre et dont Stendhal se fera encore l'6cho dans les Ceııci : François < donnait İr enten_ dre İ cette pauwe fille une h6r6sie effroyable, que j'ose i peine rapporter, ir savoir que, lorsqu'un $re ionnair sa propre fille, lei enfants qui naissent sont nĞcessairement des sain6, et que tous les plus grands sainb v6nĞr6s par l'Eglise sont n6s de cette hçon ı. on se rappel_ lera alors que l'Eug6nie de la Philosophie d,aru lı boudoir, qıi ex6cute sa möre, suivant l'ordre du pere, et Eug6nie de Franval qui connait le bonheur de l'inceste avec son PĞre, portent le m6me nom, qui indique la bont6, la beaut6, la puret6 de la race : il importait qu'elles ne d6choient pas. EugĞnie de Franval se trouve donc conserver parfaitement cette puretd du sang que son nom m€ıne symboıise. L'inceste, parce qu'il participe d'une image de |. sır1utır7.5
ılanaıai.' d.
ıa pa|cıüi, P. U. F.' t949, P.65.
Prlfaıı la clausrration, toua auunt que Pour des raisons sociales. va Derrnetare tout un ieu du secret et du devoilement] Dans une nouuefie comme Flouille eı coufıdl, le caractöre cach6 de l'inceste est 6vident: le procös du rĞcit consiste donc en une rğvĞlation. bans Doıgeııl!ı 6galement, le devoilement intervient İı la fin; il constitue le d6noue_ ment mefie. Plus qu'un hit nouveau, qui ne qu'ö'tre nögatif' .un -suicide par pourrait guĞre -le est simPlement une d6nouement ixemple, jet6e un pass6, donı la ıout sur lumiĞre brusque densii6 oeut recouvrir Dlusieurs annĞes et une o
. Les döcors ironİ en se dıversifiaht encore : < Li, dans une salle d6cor6e, Eugönie, sur un pi6destal, reprösentait une jeune ğuvaqe fatigu& de la chasse et s'appuyant sur ,n tt6nc dJ palmier, dont les branches 6lev6es cachaient ııni infi.ritö de lumiÖres disposees de facon que les refles, ne porıant que sur les charmis di cette belle fille,- les faisaient valoir avec olus d'art. ı C'est que ce |our_lir EugĞnie devait L rnonre" iı l'ami öe Fraival. Valmont, qui n'a
PreJaıc
le droiı que de la voir, pour prix de la perversitö avec laquelle il sğduira la mĞie. C'est dire que la vue est, ) elle seule, une r6compense d'uni des formes attönu6es du meurtre de ia mĞre qui prö_ cödent, dans cette nouvelle, son ex6cutioıi fiıiale. Pour ce plaisir de voyeur qu'elle procure i Val-
monı, Eug6nie enteıid bien qu'il lui rende la monnaie de sa piice et Ia convie a son tour, pour qu'elle s'assure t par ses yeux mömes de la chuıe de sa möre ı>. bans Eiginie de Franual, comme dans |es Cenci, l'incesıe non plus honteux, eı comme imposĞ par une faıalit6, mais glorieux, conscient, voulu, s'accompagne de voyeurisnıe; I'örotisme y trouve son compte' tandis qu'est proclamĞe la n6gation de iout principe moral et social.
Car I'inceste chez Sade est finalement une des formes les plus efhcaces de la n6gation. D'abord Parce que le tabou es( si lortemenı ancrö que, sur ce poinı, Sade n'a rien perdu de sa violence, de sa force - que l'on se refere iı la polömique sur Le SoulJle ai caur. Ensuite, pu... iu., g.Ace aux oıigines mömes de l'interdit, l'inceste per-
met de nier .i la fois l'ordre social eı l'oidre religieux. La contestation essentielle et bans compromis de Sade devair donc, par une sorre de nğcessit6, röserver une place privilĞgiöe ) l'inceste.
Arme de combat, I'exaltation de I'inceste röpond donc aux pulsions fondamenıales de
Sade; elle est I'expression absolue er parfaite de cet univers de la clausıration, de cei enfermemenı, de.I-a prison qui devint vite pour Sade plus que l'entrave möme de son existence: la figure essenrielle de son univers. Si le marquis a souffert de retrouver dans le cachot de la'Bastille ou de Vincennes, l'emprisonnemenı premier
htfaıı eı uaerin, il se venge donc de cetıe double prison, en cr6ant une claustration glorieuse et bienheureuse, celle d'EugĞnie et de son pĞre. Mais il hut dĞpasser ce Plan, et l'on voit qu'iı s'agit de beaucoup plus que d'une revanche sur la vie, grice i l'auwe. L'inceste ne dent une rclıe Place dans le monde sadien que parce qu'il est, en döfinitive, une figure de l'öcriture, du moins telle que la pratique Sade. Dans]Ies deux dĞmarches, on trouve le m6me point de d6part : cette volont6 d'enfreindre un tabou; - en disant, et surtouı en öcrivant ce que I'on ne doit pas dire, e( encore moins ĞCrire' l'6crivain s'afTronıe ir un interdit, en sachant trös bien que la' comme son personnage par l'incesıe, il remet en quesıion touı le systöme social, ıout le code des signes. L'öcrivain connait alors la c|ausıraıion du Iibertin. Sade a 6t6 emprisonn€ surtout i partir du Concordat pour ses öcrits, plus que pour ses actes. Mais un autre danger le menaçait: le systĞme m6me de l'Ğcriture pouvait 6tre sa prison, du moins s'il ne parvenait pas e le r6former complötement. or, Sade, Comme Franval, ı6ussit i m6tamorphoser l'emprisonnement dans les mots, dans le secret de l'cuvre, en une r6v6lation glorieuse et 6clatante de ce scandale, de cette d6chirure essentielle, de cette mort de la mĞre qu'est le fait möme d'6crire.
Bfeıııcı
Dınıtn.
LES CRIMES DE L'AMOUR
FAXEI-ANGE
LE TEXTE
OU
LES TORTS DE L,AMBITION Noıİı ıexte esı ıitabli rur l'Edition oiğnale qu'il uıu cxc.Ption püs, nais impoltant€ eİ ' d Nous auoru iıabl1 les paısages (signalis 'ıgnıJuaLıu(. par un astöisque en tİıe eı d la fin) du maııusniı /Tug6nie de Franval qui avaienl faiı l'objeı de 'pour I'auto-censurc de Sade, les rksons ionıraiTlpro4uiı
grnnıes çue Ie lecleur discernera rlairemınt lıs noleı dans le texte sont de Sad,e.
.
M. et Mme de Faxelange, poss6dant 30 i 85 000 liwes de rentes, vivaient ordinairement i Paris. Ils n'avaient pour unique fruit de leur hymeıl qu'une fille, belle comme la d6esse meme de la Jeunesse. M. de Faxelange avaid servi, mais iI s'6ıaii retirĞ jeune, et ne s'occupait depuis lors que des soins de son m6nage et de l'6ducatioı de sa fille- C'6tait un homme fort doux, peu de 86nie, et d'un excellent caractĞre; sa femme, i peu prös de son iige,. c'est-i-dire quarante-cinq i cinquante ans, avait un peu plus de finesse dans l'esprit, mais i tout prendre, il y avait entre ces deux Ğpoux beaucoup plus de candeur et de
bonne [oi, que d'astuce et de m6fiance. Mlle de Faxelange venait d'atteindre sa seiziöme ann6e; e[e avait une de ces esPöces de figures romantiques, dont chaque trai( peint une vertu; une peau trĞs blanche, de beaux yeııx bleus, la bouche un peu grande, mais bien orn6e, une taille souple et l6gĞre, et les plus beaux cheveux du monde. Son esprit 6tait doux comme son caractĞre; incapable de faire le mal, elle en 6tait encore i ne pas m6me imaginer qu'il püt se com-
4
Faıelınge
Les Crimıs de l'amour
mettre; c'6tait, en un mot, l'innocence et la candeur er-nbellies par la main des Grdces. Mlle de Faxelarıge 6tait instruite; on n'avait rien 6pargn6 pour son 6ducation; elle parlait fort bien l'anglais et I'italien, elle jouait de plusieurs instruments, et peignait la miniature avec goüt. Fille unique et destin6e, par consĞquent, i r6unir un jour le bien de sa famille, quoique m6diocre, elle devair s'aııendre i un mariage avantageux' et c'6tait depuis dix-huit mois la seule occupation de ses parents. Mais le ccur de Mlle- de Faxelange n'avait pas attendu I'aveu des auteurs de ses jours pour oser se donner tout entier, il y avait plus de rois ans qu'elle n'en 6tait plus la maitresse. M. de Go6 qui lui appartenait un peu, et qui allait souvent chez elle i ce titre, 6tait I'objet ch6ri de cette tendre fille; elle I'aimait avec une sinc6ritĞ... une dĞlicatesse qui rappe_ laient ces senriments pr6cieux du viail ag;; si CoITomPus Par nore dĞpravation. M. de GoĞ mĞritait sans doute un ıel bonheur; il avait vingt-trois ans, une belle aille, une figure charmante, et un caractĞre de franchise abs6lu_ ment hit pour sympaüiser avec celui de sa belle cousine; il 6tait officier de dragons, mais peu riche; il lui hllait une fille iı grosse dot, ainsi qu'un homme opulent iı sa cousine, qui, q!ıoique hentıere, n'av-ait Pourant pas une fortune rıTunense' ainsi que nous venons de le dire, et
par consöquent ıous deux voyaient bien que leurs lntentrons ne seraient iamais remplies eı que les feux dont ils brülaient i'un et l'autlre .. con'.,.,-.raient en soupirs. . M. de GoĞ n'avait jamais instruit les parenıs de Mlle de_ Faxelange"des sentimens qujil avaiı pour leur fille; il se doutait du refus, ei sa fiertö s'opposait İ ce qu'il se mit dans le cas de les
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entendre. Mlle .de Faxelange, mille fois plus timide encore, s'ötait ögalement bien gardee d'en dire un mot; ainsi cette douce et vertueuse intrigue, resserr6e par les neuds .du pJus.tendre imour, se nourrissait en paix dans I'ombre du silence, mais quelque chose qui püt arriver, tous deux s'öıaienı bien Dromis de ne ceder İr aucune sollicitation et de nlötre jamais l'un qu'i l'autre. Nos ieunes amants en 6taient liı, lorsqu'un ami de- M. de Faxelange vint lui demander la permission de lui pr6senter un homme de province qui venait delui €tre indirectement recommandö.
< Ce n'est pas pour rien que je vous fais cette proposidon, diı M. de Belleval; l'homme dont ie vbus parle a des biens prodigierıx en France it de sup?rbes habitations en Am€rique. L'unique obiet de son voyage est de chercher une femme iı Paris; peut-öfe l'ernmĞnera-çil dans le nouveau monde, c'est la seule chose que je craigne; mais i cela ores. si la circonshnce ne vous effraie Das trop. il'esı bien sür que c'est, dans tous les
conviendriit i votre fille. Il a ins, la figure n'est pas u'es agr6able... quelque chose d'un peu sombre dans les yeux, nnis un mainıien trös noble et une Ğducation sin-
ioir,tr.'i. oui 'rrente-deux
guliĞrement cultivöe. dit M. Amenez_nous_le Et s'adressant son öpouse : ıı Qu'en dites_vous, madame?
-
i
ı,
de Faxelange...
- Il hudra voir, rĞPondit celıe-ci; si cest rraiment un parti convernble, j'y donne les rnains de tour mon ccur, quelque peine que puisse me hire 6prouver la söparation de ma hıı.... .J" l'adore, ön absence mi dösolera, mais ie ne m'opposerai point ir son bonheur. > Ir' lA R-lı-,.ı .la nrmiArcc
Iıs Cimos
de I'amoın
ouvertures' prend iour avec les deııx 6ooux. et I'on convieni que fe jeudi d'ensuite le 6aron de Franlo. seıa present6 chez Mme de Faxelange. M. le baron de Franlo 6tait i paris deoiis un mois, ocoıPant le plus bel ,pp"rt.-.ri d. l'hötel de Chaitres, ayint un trĞi'beau remise, deux laquais, un valet'de chambre, une grande quantitö de biioux, un portefeuille ole-in de Ietres de chanğe, et les ilus beaux hibits du monde. Il ne connaissaiı nullement M. de Belle_ val, mais iI connaissait, prĞtendaiı_iI, un ami intime.de. ce M. de Belleval. qui, loin de paris pour dix-huiı mois, ne pouvaii €tre, par consĞquent, d'aucune utilitö iu baron; il i'ötait prösenr6 e la porte de cet homme; on lui avaii dit qu'iı ötait absent, mais que M. de Belleval 6tant son plus inıime ami, ij ferait bien de l'aller ırouver; en cons6quence, C'öait a M. de Belleval que le baron avaii prĞsentö ses letıres de recommandaıion, et M. de Belleval, pour rendre service iı un honnöte homme, nb s'Ğtaiı pas hit di{Eculıö de les ouwir, eı de rendre baron touJ les soins que cet 6tranger eüt reçu",i de l'ami de Belleval, s'il ie tüt trouvĞ"prĞsent. Belleval ne connaissaiı nullement les oersonnes de province qui recommandaient le baion, il ne les avait m€ıne iamais enıendu nommer iı son ami, mais il poıivaiı forı bien ne pas connaiıre tout ce que son ami connaissait; ainsi nul obstacle i l'inı6rdı qu'il afEche dös lors pour Franlo. C'est un ami de mon ami; n'en voili_t_il pas plus qu'il n'en faut pour l6giıimer dans le cceur d'un honn€te homn-ie Ie mo-tif qui l,engage iı rendre service? .leM. d9 Belleval' chargĞ du baron de Franlo, conduisait donc parıouı; aux promenades, aux spectacles, chez les marchands, on ne les
Faxclange
rencontrait iamais qu'ensemble. Il 6tait essentiel d'Ğablir cei dĞtails, afin de lögitimer l'int6röı que Belleval Prenaiı İı Franlo, et les raisons pour lösquelles le croyant un o(Cellent Parıi, il le pr6-
sentait chez les Faxelange. Le iour pris pour la visiae a(endue, Mme de FaxelJnge, 'sans'prö'enir sa fille, la fait parer de ses plus beaııx atours; eıle lui recommande d'Ğtre la plus polie et la plus aimable possible, devant l'Ğüang,i. qu'elle v'a voir, et de'faire sans di{ficultĞ usage de ses ıalents, si on l'eırige, Parce que cet Ötranger est un homme qui leur est Personnellement recommand6, et que M. de Faxelange et elle ont des raisons de bien recevoir. Cinq heures sonnent; c'6taiİ l'insaana annonc6, et M. 'de Franlo oarait sous ı'escorte de M. de Belleval; il 6tait 'impossible d'€re mieux mis,
d'avoir un ton plus döcent, un maintien plus honnĞte, mais nous l'avons dit, il y avait un certain je ne sais quoi dans la physionomie de cet homme qui döpr€venait sur_le-champ, et ce n'Ğtait que par beaucoup d'art dans seıı maniĞres' beaucoup de jeu dans les raits de son visage, qu'il r6ussissait i couırir ce döfaut. [,a conversation s'engage; on y discuıe diffe-
rens objes, et M. de Franlo les raite tous, comme l'homme du monde le mieux ölev6..., le plus insmrit. On raisonne sur les sciences; M. de Franlo les analyse toutes; les arts onr leur tour; Franlo prouve qu'il les connait, et qu'il n'en esa aucun dont il n'ait quelqueficis fait ses dölices... En politique, möme profondeur; cet homme regle le monde entier, aı tout cela, sans a{fectation' sans se pr6vaıoir, m€lant ir touı ce qu'il dit un air de modestie qui semble demander l'indulçnce et pr6venir qu'il peut s€ tromDer. qu'il est bien loin d'6tre sür de ce ou'il ose
8
Iıs
Crimes
Faxelaıge
dı l'amour
avancer. On parle musique. M. de Belleval prie Mlle de Faxelange de chanter; elle le fait en rougissant, et Franlo, au second air, lui demande la permission de I'accompagner d'une guiare qu'il voit sur un fauteuil; il pince cet instrument avec toutes les grices et tout ıa justesse possibles, laissant voir İı ses doigts, sans affectation, des bagues d'un prix prodigieux. Mlle de Faxelange reprend un troisiĞme air, absolument du jour; M. de Franlo l'accompagne sur le piano avec toute la precision des plus grands maitres. On inviıe Mlle de Faxelange i lire quelques traits de Pope en anglais; Franlo lie sur-le-champ la conversation dans cette langue, et prouve qu'il la Possöde au mieux. Cependant la visite se termina sans qu'il ftit rien 6chapp6 au baron, qui ı6moigndt sa façon de penser sur Mlle de Faxelange, eı le pere de cette jeune Personne, enıhousiasmö de sa nouvelle connaissance, ne voulut jamais se sdparer sans une promesse intime de M. de Franlo de venir diner chez lui le dimanche d'ensuite. Mme de Faxelange, moins engouöe, en raisonnant le soir sur ce personnage, ne se rencontra pas tout n hit de l'avis de son 6poux; elle rouvait, disaiıelle, a cet homme, quelque chose de si rĞvoltant au premier coup d'cil, qu'il lui semblait que s'il venaiı i d6sirer sa fille, elle ne la lui donneraiı jamais qu'avec beaucoup de peine. Son mari combattit cette r6pugnance; Franlo Ğtait, disaiı-il, un homme chaimanı; il 6tait impossible d'Ğtre plus instruit, d'avoir un plus joli maintien; que pouvait hire la figure? faut-il s'arreter i ces choses-li dans un homme? Que Mme de Faxelange au reste n'eüt pas de craintes, elle ne serait pas assez heureuse pbur que Franlo voulüt jamais s'allier İı elle, mais si pir hasard
il
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le voulait, ce serait assur6ment une folie que
de manquer un tel Parti. Leur fille devaiıelle
iamais s'attendre i en trouver un de cette imPortance? Tout cela ne convainquait Pas une mÖre prudente; elle pr6tendaiı que la Physionomie 6taiı le miroir de lıime, et que si celle de Franlo r6pondait i sa figure, assur6ment Ce n'öEit Point lA le mari qui devait rendre sa chöre fille heureuse. lr jour du diner arriva: Franlo mieux par6 que ı'autre fois, plus profond et plus aimable encore, en fit I'ornement et les d6lices; on le mit au jeu en sorant de table avec Mlle de Faxelange, Belleval et un aure homme de la soci6Ğ; Franlo fut trös malheureux et ıe fut avec une noblesse 6tonnante, il perdit tout ce qu'on peut perdre; c'est souvent une maniöre d'ötre aimable dans le monde, notre homme ne l'ignoraiı pas. Un peu de musique suivit, et M. de Franlo joııa de tiois ou qrratre sortes d'instruments divers. La.iournĞe se termina par Iıs Français, oü le baron donna publiquement la main i Mlle de Faxelange, et I'on se rpara. Un mois se passa de la sorte, sans qu'on n'entendit parler d'aucrıne proposition; chatun de son cötĞ se tenait sur la r6serve; les Faxelange ne voulaient pas se jeter i la töte, et Franlo, qui de son cötĞ dösirait fiort de r6ussir, craignait de tout g'İter par trop d'empressement. Enfin M. de Belleval paruL er pour cette [ois, chargĞ d'une n6gociation en rögle, il d6clara fiormelıement i M. et Mme de Faxelange que M. le baron de Franlo, originaire du Vivarais, possedant de trös grands biens en Am6rique, et dĞsirant de se marier, avait iet6 les yeux sui Mlle de Faxelange, et hisair deinander arıx parents de cette charmante personne s'il lui 6tait permis de former auelque espoir.
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Les Cimes dı l'amour
Les premiöres rĞponses, pour la forme, furent que MJIe de Faxelange 6tait encore bien jeune pour s'occuper de l'Ğtablir, et quinze iours iprĞs on fit prier-le baron i diner; la, ıı.- de rranıo fut enğaç i s'o
seralt marıe. Cette clause d6plut i Mme de Faxelange, elle avoua s€s craintes; İr cela Franlo repondit qu'on aııait mainterıant en Am6rique comine en AiıgleterTe' que ce voyage Ğtait indispensable pour lui, mais qu'il ne durerait que deüx ans, ei qu'i ce terme, il s'engageait i rahener sa feınme i'Paris; qu'il ne- restaiı donc_plus que l'article de la separation de la chĞre fiIle avir sa möre, mais oiı'il fallait bien touiours qu'elle eüt lieu. son orbiet n'Ğtant pas d'hibiıer torstamment ia.i', b,i 'n. se trouvant qu'au ton de tout le monde, il ne pouvait öre av"r le m€me agrĞment que dans des terres oü sa fortune lui faisaitjouer ıin gıand röle. On entra ensuite dans q-uelques iutres dĞtails, et cette PremiĞre enrevrıe cessa, en priant Franlo de vouloir bien donner lui-m€me le nom_de quelqı''un de connu dans sa province ) qui l'on püt s'adresser Pour les infiorinations, toujours d'usage en pareil cas. Franlo, nullement surpris du projet de ces süret6s, les approuva, Ies conseilla, et dir que ce qui lui ParaisYit Ie plus simple et le plus promft Ğaiı de s'adresser dans lei bureaui du hinisie. ıe moyen fut approuvĞ; M. de Faxelange y fut le
Faxelaıgc
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lendernain, il parla au minis$e m€me, qui 'lui cerdfia que M. de Fıanlo, actuellement İ Paris, ötait trös certainement un des hommes du Vivarais, et qui valüt le mieux, et qui İiıt le Pıus riche. M. de Faxelange, plus echauff6 que jamais sur cette alfaire, rappora ces excellentes nouvelles i sa femme, et n'ayanı pas envie de' differer plus longtemps, on fit venir Mlle de Faxelange dös le möme soir, et l'on lui proposa M. de Franlo pour öpoux. Depuis quirue jburs cette charmante fille s'€taiı bien aperçue qu'il y avait quelques projets d'Ğıablissement pour elle, et Par un caprice aisez ordinaire aux femmes, I'orgueil imposa silence i l'amour; flanĞe du lıxe et de la magnificence de Franlo' elle lui donna insensiblement la prĞftrence sur M. de GoĞ, de maniĞre qu'elle r6pondit affir_ mativement qu'elle 6tait' pr6te iı faiie ce qu'on lui proposait et qu'elle ob6irait i sa famille. Goö n'avait pas 6Ğ de son cöı6 dans une telle indifference qu'il n'eüt appris une partie de ce qui se passait. Il accourut chez sa maitresse et fuı consternö du froid qu'elle a{ficha; il s'orprime avec toute la chaleur que lui inspire Ie feu dont il brüIe' il möte A l'amour le plus tendre' les rçroches les plus amers, il dit iı celle qu'il aime, qu'il voit bien d'oü rnit un changement qui lui donne la mort; aurait_il dü la soupçonner.iamais d'une infid6lit6 si cnıelle ! Des larmes viennent ajouter de l'int6r€t et de l'6nergie aux sanglantes plaintes de ce jeune homme; Mlle de Faxelange s'6meut, elle avoue sa faiblesse, et tous deux conviennent qu'il n'y a pas d'autre lhçon de rĞparer Ie mal Ğommis] qu_e de faire agir les pareriıs de M. de Go6; cette rösolution se suit; le .ieune homme tombe aux pieds de son pĞre, il le coniııre de hri nhtanir la rnain de sa rorısine i|
Iıs Crimu
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de l'aınour
protesıe d'abandonner İı iamais la France si on refuse cetre faveur, e[ fait tant, que M. de GoĞ, attendri, va dös le lendemain Eoüver Faxelange et lui demande sa fille. Il est remerciĞ de I'honneur qu'i! hit; mais on lui d6clare qu'il n'est plus ternps et que les paroles sont donnbes. M. de GoĞ qui n'agit que par complaisance, qui, dans le fond, n'est point lichĞ de vbir mettre des obstacles i un mariagequi ne lui convient pas trop, revient annoncer froidement cette nouvelle i son fils, le conjure en m6me temps de changer d'id6e et de ne point s'opposer au bonheur de sa cousine.
lui
Le jeune Go€, furieux, ne promet rien; il
accourt chez Mlle de Faxelange, qui flottant sans cesse entre son :unour et sa vanit6, est bien moins d6licate cette fois_ci que I'aure, et tİche d'enga_ ger son amant ir se consoler du parıi qu'elle est i la veille de prendre; M. de G& essave de oaraitre calme, iI se contient, il baise la aö ', cousine et sort dans un 6tat d'autant 'ri.ı', plus mıel, qu'il est contraint i le döguiser, Pas assez cependant pour ne pas jurer ir sa mairesse qu'il n'adorera jamais qu'elle, mais gu'il ne veui pas troubler son bonheur. Franlo, pendanı ceci, prĞvenu par Belleval, qu'il est temps d'aıaquer' sĞrieuseri.ıent le cceui de MIle de Faxelange, attendu qu'il y a des rivaux i craindre, rriet tout en usage pour se rendre encore plus aimable; il envoie des prĞsens superbes İı sa future 6pouse, qui, d'aciord avec ses parents, ne tiir aucune difficult6 de recevoir les galanteries d'un homme qu'elle doit regarder comme son mari; il loue une maison charmante İ deux lieues de Paris, et y donne pendant huit jours de suite des Gtes ddlicieuses i sa maitresse; ne cessant de joindre ainsi Ia seduction la plus adroite arıx dğniarches s€rieuses
Faxelange
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qui doivent tout conclure' il a bientöt tournĞ la t6te de notre chöre fille, il en a bient6t effacĞ son rivaı. Il restait Pourtant iı Mlle de Faxelange des moments de souvenirs, oü ses larmes coulaient involontairernent; elle 6prouvait des remords a{I}eııx de Eahir ainsi le premier obj9t de sa tendresse, celui qu'elle avait tanı aimö depuis son enfance... rt Qu'a-t_il donc hit pour möriter cet abandon de ma part? se demandait-elle avec douleur. A-t_il cess6 de m'adorer?... hĞlas non, et je lğ trahis... et pour qui, grand dieu! pour qui donc?... pour un homme que je ne conrnis point... qui me s6duit par son faste... et qui me lera peut_6tre payer bien cher Cette gloire oü ie sacrifie mon amour... Ah ! les vaines fleurettis qui me seduisent... valençelles ces expressions d6licieuses de GoĞ... ces serrnents si sacrğs de m'adorer toujours... ces larmes du sendment qui les accompagnent... O Dieu! que de regrets, si j'allais ötre trompĞe ! ı; mais peııdant toutes ces r6fleırions, on parait la divinitĞ pour une fĞte, on l'embellisiait Jes prĞse.,ıs de Fi'anlo, et elle oubliait ses remords. Une nuit, elle r&a que son pr6tendu, transformö en b6te feroce, la pröcipitait dans un gouffre de sang oü surnageiit une foule de cadawes, elle ölevait en vain sa voix pour obtenir des secours de son mari, il ne l'6coutait pas.., Go6 survient, il la retire, il l'abandonne... elle s'&anouit... Ce r€ve affteux la rendit malade deux jours; une nouvelle IEte dissipa ces farouches illusions et Mlle de Faxelange, s6duite, fut au point de s'en vouloir i elle-m6me de l'impression qu'elle avait pu ressentir de ce chim6rique r€veı.
ı. Lc! revea sont des mouvements secrets ou'on ne met pas assez i lcuı vraie place; la moi.iĞ des liommes s'en moque, l'auıre Portion y ajouı€ foi; il n'y aurait aucun in-
Iıs Crimx dı
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l'amour
Faxelaıgı
Tout se preparait enfin, et Franlo, press6 de cgnclure, ötait au moment de prendre jour, quand notre h6roine reçut de lui' un matin, le billet suivant : Un huıını luieux et que je ne conınis point, mı pnue du bonheur de donner ce soir d souper, eomını je m'm jaltais, ıİ Monsieur et Madanıı dı Foıelangc ıı d lnr aılorable fılle; cet homme, qui dit que je lui nl}ıe le bonluur de sa ıie, a ooulu se batfue eı m'a donni un coup d'i|ie, que je lui rendrai, j'espire, dans quatre jours; mais on mı mıı au riğmı aingı-qualTe luuru. Qulle priuation pour moi de ne pouuoir, aıımnı je l'eEörais ce soir, rernuvekr d Madımoiselle dı Faxelange les ıernıntı de l'aıııouı. convĞnienı
i
les ecouter, et
i
Du baron de
FııNıo.
s'y rendre mĞme dans le cas
que je ıais dire. Loasque nous'attendons le resırltaı d'un Ğv6iıemens quelconque, et que la manidre dont il doiı succĞder Pour noüs, nous occupe tout le long du iour' nous y revons tres ceftainementi or,.noııe esprit ilors, uniguement occüP6 de son objet, nous fait presqut ıoujours voir une des lac$ de ceı 6vĞnemenı oü nous n'avons souvenı pas pense pendant la veille, er dans ce cas, quelle jupersrition, quel inconvĞnient. quelle huıe enfin cöntre la philo_ soPhie y auraia-il, i classer dans le nombıe des rĞsulüıs rle l'eıĞnemenı atrendu, celui que le röve nous a offen, et i se conduire en consequence. ll me semble que ce ne seraiı qu'ırn surcroit de sagesse; car enfin, cc r€ve, esı sur le r6sul_ taı de l'ğv€nement en qııesıion, un des efforts de l'esprit, qui nous ouvr€ et indique une face nouvel|e i l'€vĞneminı; gue cet effort se hsse en dormanı. ou en veillanı, qu'im_ Pone: voilı ıoujours une des combiııaisons ırouvĞes, a tout Ce que vous lerez en raison d'elle ne peuı |amais €tre une folie cı ne doiı 6tre iamais accıse de siperstition. L'ignoraıce de nos pĞres lk conduisair sans dlute İ de grandes absurditĞs; mais croit_on que la philosophie n'ait Par aussi s€s €oıeiIs; i force d'aıulyser la naıure, nous ressemblons au chimiste qui se ruini pour faire un peu d'or. Elaguons, mais n'anĞintisrcns pas io,rt, parce q,"il y a dans la naıure des choses trĞs sing1ılidres et que nous nö devln€fons
la[ıaIs.
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Cette lettre ne fut pİ$ un mystöre pouı Mlle de Faxelange; elle se hİta d'en hire part İ sa famille, et cruı le devoir pour la sürete meme de son ancien amant' qu'elıe ötait dösolĞe de sendr ainsi
se comPromettre pour elle... pour eıle qui l'ou_ trageait si crueıl€rnent; ceıte dĞmarche hardie et impĞrueuse d'un homme qu'elle aimait encore balançait furieusernent les droits de Franlo; mais si l'un avait attaquĞ, ı'autre avait Perdu son san& et Mıle de Faxelange €tait dans le malheureux c:rs de tout interpr6ter mainrcnant en faveur de Franlo; GoĞ eut donc tort, et Franlo fut plainL Pendant que M. de Faxelange vole chez le pĞre de GoĞ pour ıe pr6venir de ce qui se passe' Belleval, Mme et Mlle de Faxelange vonr consoler Franlo qui les reçoit sur une chaise longrıe, dans le döshabill6 le plus coquet, et avec Cette sorte d'abattement dans la figure, qui semblait remplacer Par de l'intĞrö( ce qu'on y trouvait parfois de choquanL M. de Belleval et son Prot686 profitörent de la circonstance pour engager Mme de Faxelange i presser: Cette affaire pouvait avoir des suites... obliger peut-Ğtre Franlo ir quitter Paris, le vou_ drait_il sans avoir terminĞ... et mille autres raisons que l'amiti6 de M. de Belleııal et ı'adresse de M. de Franlo trouvğrent PromPtement et firent valoir avec önergie. Mme de Faxelange Ğait tout İ fait vaincue; seduite comme toute la famille.Par ı'ext6rieur de l'ami de Belleyal. tourTnenüe Dar son In:rri et ne voyanı dans sa fille que d'otceflenıes dispositions Pour ceı hymen, elle s'y Pr6Parait mainterıant sans la moindre r€pugnance; elle termirn donc la visite en assurant Franlo que le premier jour,
l6
ks
Faıelange
Crimes de Pamour
oü sa sant6 lui permettrait de sortir, serait celui du mariage. Nbtre politique amant tÖmoigna oueloues tendres inoui6tudes İı Mlle de FaxeılnsJ .r. le rival oue'ıout cela venait de lui taire coniaitre; celle-ci İe rassura le plus honn6tement du monde, en origeant n6anmoins de lui sa parole, qu'il ne poursuiwait jamais GoĞ, de quelque maniĞre que ce püt €tre; Franlo promit et Iton se seoaraTout starrangeait chez le pĞre de GoĞ, son fils 6ıait convenu de ce que la violence de son amour lui avait fait faire; mais sitöt que ce senti.
ment d6pıaisait i Mlle de Faxelange, dĞs qu'il en 6tait aussi cnıellement dĞlaiss6, il ne chercherait pas İı la contraindre; M. de Faxelange, tranquille, ne songea donc plus qu'İı conclure. Il fallait de I'argent; M. de Franlo, passant tout de suite en Am6rique, Ğtait bien aise ou d'y r6parer, ou d'y augmenter ses possessions, et c'€tait i cela qiı'il comptait placer la dot de sa femme. on 6tait convenu de 400 0ü) francs; c'Ğtait une furieuse brĞche İı la fortune de M- de Faxelange; mais il n'avait qu'une fille, tout devait lui revenir un iour, c'ötait une affaire qui ne se retrouverait plui, il hllait donc se sacrifier. On vendit, on engagea, bref la somme se trouva pr&e le sixiĞme jour dçuis l'avĞnture de.Franlo, bt iı environ trois mois de l'6poque oü il avait w Mlle de Faxelange pour la premiöre [ois. ll parut enfin comme son 6poux; les amis, la fai',iıı", ,ort se rassembla;' le contraı fui signö, l'on convint de faire la cer6monie le lendemain sans öclat et que deux jours aprĞs Franlo partirait avec son iırgent et sa femme. Le soir de ce hal jour, M. de GoĞ fit supplier sa cousine de lui accorder un rendez-vous dans un endroit secret qu'iı lui indiqua et oü il savait
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bien que Mlle de 'Faxelange avait la possibilitĞ de se rendre; sur.le refus de celle-ci, il renvoya un second message, en faisant assurer sa cousine que ce qu'il avait iı lui dire ötait d'une trop ğande cdnsequence, Pour qu'eıle Püt refuser de I'entendre: nore heroine infidĞle, #duite,
6blouie, mais ne Pouvant haır son ancien amant,' cöde enfin et se rend i l'endroit convenu. < Je ne viens point, dit M. de Go6 ir sa cousine, dös qu'il l'aperçut, je ne viens point, mademoiselle, troublei ce que votre famille et vous appelez le bonheur de vore vie, mais la probitĞ dbht ie fais profession m'oblige ir vous avertir qu'on vous abuse; I'homme que vous 6pousez eit un escroc, qui, apres vous avoir volĞe, vous rendra peut_ötrc la plüs malheureuse des femmes; c'est un lripon et vous €tes tromP6e. ı A ce discours, Mlle de Faxelange dit İı son cousin, qu'avant de se permettre de diffamer aussi cnrcllement queıqu'un, il fallait des preuves olus claires oue le iour. ' n .1. n. I.i pos.tde pas encore, diı M. de Goö, i'en ionviens,-mais on s'informe, et je puis ötre Zclair6 dans peu. Au nom de tout.ce qui vous est le Plus iher, obtenez un dğlai de vos parents.
- Cher cousin, dit Mlle de Faxelange en souriant, votre feinte est d6couv€ı'te, vos avis ne sont qu'un pretorte, et les d€lais que vous exigez, qü'un riıoyen pour essayer de me dötourner d'un irrangement qui ne peut plus se romPre; avouez-moi donc vore ruse, ie vous la pardonne, mais ne cherchez pas iı m'inoui6ter sans raison, dans un moment_ oü il n'esi plus possible dĞ rien d6ranger.
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M. de Goe, qui
reellement n'avait que des . souPçons' sans aucılne certitude reelle, et qui
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Iıs Criıus
Faııdange
de l'amour
dans le fait ne ch€rchait qu'iı gagner du temps, se prfipite aux genorx de sa maitresse : ıt O toi quö i'adore, s'öcrie-t-il, toi que j'idolitrerai jusqu'aü tombeau, c'en est donc faii du bonheur de mes jours, et tu vas me quitter pour jamais... Je l'avdue, ce que i'ai dit n'est qu'un souPçon' mais il ne peut sortir de mon esprit, il me tourmente encore plus que le desespoir oü je suis de me seParer de toi... Daigneras_tu au faİte de ta gloire te souvenir de ces temps si doux de nore enfance... de ces momens dĞlicieııx oü .tu me jurais de n'Ğtre jamais qu'İı moi... Ah! comme ils ont passĞ ces instants du plaisir, et que cerrx de la douleur vont etre ıongs ! Qu'avaisje fait pour möriıer cet abandon de ta partl Dis, cruelle, qu'avais-je fait? et pourquoi sacrifies-ıu celui qui t'adore? T'aime-t-il autant quç moi, ce monstre qui te ravit ir ma tendresse? T'aimet-il dçuis aussi lonçemps ?... ı Des larmes coulaient avec abondance des yeux du malheurerıx GoĞ, et iI serrait avec o<pression la main de celle qu'il adorait, il la portait alternativemenı et sur sa bouche et sur son cceuı Il 6tait difRcile que la sensible Faxelange ne se trouvit Pas un Peu Ğmue de tant d'agiation.
Elle laissa öchapper quelques pleurs. a Mon cher GoĞ, dit-elle ) son cousin, crois que tu me seras toujours cher; je suis obligee d'oMir, tu vois bien qu'il 6ait impossible que nous fussions .iamais l'un iı l'autre. aurions attendu. -_ Nous oh Dieu! fonder sa prospöritö sur le malheur de ses parents. - Nous ne I'aurions pas d6sir6, mais nous Ğtions en ige d'attendre. Et qui m'eüt repondu de a fidölicö? - Ton caractere... tes charmes, tout ce qui -
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t'aDoaftienL.. On ne cesse iamais d'aimer, orihd .'.', toi ou'on adore... 5i tu voulais €re incore i moi... fuyons au bout de I'univers, ose
m'aimer assez pour me suiwe. Rien au ıioonde ne me döterminerait İ cefte d6marche; va, console-toi, mon ami, oublie-moi, c'est ce qui te reste de plus saç ir faire; mille beaut6s te d6dommageronu - N'aioute pas l'outrage i l'infid6lite; moi t'oublier] cnrelle, moi me consoler jiımais de a perte ! nön, tu ne le crois Pas' tu ne m'as jamais ioupçonnĞ assez liche Pour oser le croire un instanu _ Ami, rop malheureux, il faut r-ıous separer; tout ceci ne hit que m'affliger sans remĞde, il n'en resıe plus aux maux dont tu te plains... s6parons-nous, c'est le plus sage. '- Eh bien! ie vais i'obÖir, je vois que c'est la derniĞre fois-de ma vie que je te parle; n'im_ pone, ie rais t'ob6ir, perfide; mais j'orige de toi ilzux choses, porteras-tu la barbarie jusqu'İ me les refuser?
- Une'boucle de tes cheveux, et ıa parole _ de m'6crire une fois tous les mois; pour Eh ouoi?
m'apprendre au-moins si ru es heureuse... je me consolerai si tu l'es... maıs st Jalnaıs Ce monstre... crois_moi, chöre amie, ouii crois_moi... j'irais te chercher au fond des enfers pour t'arracher i lui. - Que iamais cette crainte ne te rouble, cher cousin, Frhnlo est le Plus honnöıe des hommes, je ne vois que. sincerit6... que dölicatesse dans lui... je ne lui vois que des projets pour mon bonheur. oü est le temps oü tu disais - Ah! juste ciel, que ce bohheur ne serait jamais possible qu'avec
20 moi...
Faxelaıge
Les Cimes ıle lamour
Eh bien!
demande?
- oui,
m'accordes-tu ce que
je
ıe
r6pondiı Mlle de Faxelange' tiens, les voili chev'eux que ru dösires' eı sois bien sür t'öcrirai; söparons-nous, i| le faut. ı queje ' Ei prononçant ces mots, elle ıend une main İı son aıra.,t' mais la malheureuse se croyait mieux qrıörie qu'elle ne l'öaiı. Quand elle senıiı cette main inbndöe des pleurs de celui qu'elle avait tant ch6ri, ses sanğlots la suffoquĞr'enl et elle tomba sur un fauteuil, sans connaissance. Cette scĞne se passaiı chez une [emme attachĞe ) Mlle de Faxelinge' qui se hAta de la secourir, eı ses verD( ne se rouwirent oue pour voir son amant l.rorrrr, ses genoux des ianiıes du dösespoir; elle rappelle ,on co,r..g., ıoutes ses forces, elle le rei&e. < Adieu, lui dit-elle, adieu, aime toujours celle ) oui tu seras cher iuseu'au dernier iour de "il n'est sa ,ie; 'ne me .eproche' plüs ma faute, plus temps; j'ai iitö s6duite... entrain6e... mon iceur ne ieuiplus 6couter que son devoir; mais tous les ientiriıents qu'il n'exigera Pas seront i iamais İı toi. Ne me suis point. Adieu ! > ' Goö ." retira dans un iıaı ıerrible, ed Mlle de Faxelange fut chercher dans le sein d'un repos qu'en vain elle implora, quelque calme aux r'emords dont elle Ğtait döchir6e, et desquels rnis_ dont elle n'6tait sait une sorte de pressentiment oas la maitresse. Cependant Ia cĞrömonie du ior., te. fĞtes qui der,iient l'embellir, tout calma "cette fille u'op lhible; elle prononça le mot faıal qui la liait İ -du |amais, touı l'6tourdit' tout l'entraina le reste iour' et dĞs la möme nuiı. elle consomma le sacrifice afheux qui la separaiı Öter_ nellemenı du seul homme qui {üı digne d'elle. ' Le lendemain, les appröts du döpart l'occu_ pĞrenı; le jour d'aprös, accatılöe des caresses de
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ses paren$, Mme de Franlo monta dans Ia chaise de öosıe de son mari munie des 400 000 lrancs de ia dot,'et l'on partit pour le Vivarais. Franl<ı
y allaiı" disait-il, pour six
semaines' avanr de i'embarquer pour' l'AmĞrique, oü il passerait sur un vaisseau de La Rochelle, donı il s'irait assur6 d'avance. L'equipage de nos nouveaux öpoux consistait en deux- valets i cheval aPPartenant i M. de Franlo, et une lbmme de chambre iı madame' attachĞe ) elle dçuis l'enfance, que la famille avait demandĞ ou'on lui laissit ıoute la vie. oıı devaiı prendre j. norr"u,o domestiques quan
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Faxelange
Les Crimcs de Pamour
nous perdons ainsi beaucoup moins de temPs. D Mıie de Franlo se tuı- on arriva dans une taniĞre dont les abords faisaient frÖmir; mais ouel fut l'Ğtonnement de la malheureus€ FaxeIinge, quand elle entendit la maitresse de cette efhayanıe ıaveıne, plus allreuse encore que son logis, quand elle i'entendit dire au pr6tendu
baron: tı Ah! te voili, Tranche-Montagne' tu t'es fait diablement attendre; fallait-it donc tant de temps pour aller chercher cette fille? Va' il y a uleıi aes nouvelles depuis ton d6part; la Roihe
a 6t6 branchĞ hier auj Terreaux...'Casse-Bras est encore en orison: on lui fera peut_örre son affaire aujourd'hıii; mais n'aie poiıit d'inqui6tude, a-ucu-n n'a parlĞ de toi, eı tout va touiours bien libas; iIs ont fait une capıure du diab[e cesjours-ci, il y a eu six personnes de tuĞes, sans que tu y aıes o&du un seul homme. ı 'Ur, [.6-i...tnent universel siempara de la malheureuse Faxelange... Qu'on se mette un instant i sa place, et qu'on juge de l'effeı affrerıx oue devaii produiri sur son ime dÖlicate et dor.. l. chilıe aussi subite de l'illusion qui la s6duisaiı Son mari s'apercevant de son trouble s'aoorocha d'elle. ,i 'M^dr.., lui dit-il avec fermetĞ, il n'esı plus temps de feindre; je vous ai tromp6e, vous le
Voyer, eı comme ie n€ Veux pas que cette coöuine-li, continu;-t-il en regardant la femme de'chambre. puisse en donner des nouvelles, rrouvez bon, Jit-iı' ., tirant un pistoleı de sa ooche. et brülant la cervelle i cetıe intortunĞe, irouuez bon, madame, que ce soit comme cela que je l'emp€che d'ouwir jamais la bouche... ı ' Pıiıs repienant aussitöt- dans ses bras son öpouse presque 6vanouie
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(( Quant a vous, madame, soyez parhitement ıranquille; je n'aurai Pour vous que d'o
chef > Comme l'int6ressante cröature dont nous öcri_ vons l'histoire se trouvait dans une situation des plus döplorables, son mari lui donna tous ses soins, et quand clle fut un peu revenue, ne voyant plus la chĞre compagne dont Franlo venait de faire jeter le cadawe dans la riviöre, elle se remit İı fondre en larmes. < Que la perte de cette femme ne vous inquiĞte point, dit Franlo, iI Ğaiı impossible que je vous la laissasse; mais mes soins pourvoironı a ce que rien ne vous ınanque, quoique vous ne l'ayez plus auprös de vous. ı Et voyant sa malheureuse Ğpouse un peu
moins alarmĞe ı( Madame, conıinua-t-il, je n'6ais poinı nĞ pour Ie m6ıier que je fais, i'est le jeu'qui m'a precipitĞ dans cetıe carriĞre. d'inforıune et de crimes; je ne vous en ai poinı impose en me donnant ) vous pour le baron de Franlo; ce nom et ce tirre m'ont appartenu; j'ai pass6 ma jeunesse au service, j'y avais dissip6 İı vingı-huit ans le patrimoine dont j'avais höritĞ dçuis trois, il n'a lallu que te courı inıervalle pour me ruiner; celui enre les mains duquel ont Pass€ ma lortune el mon nom, öıant maintenant en Am6rique, j'ai cnı pouvoir pendant quelques mois ir Paris tromper le public en reprenani ce que j'avais perdu; la feinte a rĞussi au_delİ de mes dösirs; votre dot me coüte l00 000 francs de frais. j'y gus". donc' comme vous voyğz' :
24 l00
Les Cıimes de l'amour
000 öcus, et une femme charmante, une
femme que i'aime. eı de laquelle je jure d:avoir ıouae ırüt vie le plus grand soin. Qu'elle .daigne donc, avec un peu de calme, entendre la suite de mon histoire; mes malheurs essuyes, .je pris parti dans une rroupe de bandiıs qui dösolait les provinces cenırales de la Francc (funeste leçon aux jeunes gens qui se laisseront emPorıer a la folle passion du jeu)' je fis des coups hardis dans ceııe iroupe, et deux ans aprös y 6tre entr6, j'en fus reconnu Pour le chef; j'en changeai la rösidelıce, ie vins habiter une vall6e dĞserıe, resserrĞe. dans ies montag.'e. du Vivarais. qu'il esı presgue impossible de pouvoir dt'couvrir. et oü Ia justice n'a iamais p6netrĞ. Tel csı le lieu de mon habitation, madame' rels sont les ötats dont je vais vous meaare en possessionl c'est le quartiergen€ral de ma trouPe, et c'est de lİ d'oü partent mes ddıachemenıs: je les Poulse au nord jusqu'en Bourgogne. au nıidi jusqu'aux bords de la mer; ils vont ) l'orient iusclu'aux lrontieres du Piemont, au couchant jusqu'au del) des montagnes d'Auvergne; je commande 400 hommes, tous döterminös comme moi, et tous pröts a braver mille morts, et pour viwe et pour s'enrichir. Nous tuons peu en thisant nos coups, de peur que les cadawes ne nous rahissent; nous laissons la vie i ceux que nous ne craignons pas, nous lorçons les autres a nous suirre dans noıre retraite, et nous ne les Ğgorgeons que liı, aprds avoir ıirö d'eux et tout ce qu'ils peuvent possĞder er tous les rcnseignemenıs qui nous sonı utiles. Notre façon de faire la guerre est un peu cnrelle. mais notre süreıc en dipend. Un gouvernement _iustc dewaiı_il soufTrir que la lauıe qu'un jeune hoınme hit en dissipant son bien si ieune, soit punie du supplice affreux de vĞg6-
Faxelange
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ter quaran(e ou cinquante ans dans la misere? Une imprudence le dögrade-t-elle? le ddshonoret-elle? Fauı-il, parce qu'il a Ğtö malheureux, ne lui laisser d'aures ressources que I'avilissement ou les chaines? on fait des scelörats avec de tels princiPes, vous le Voy€z, madame, j'en suis la preuve. Si les lois sont sans vigueur contre le ieu. si elles I'autorisent au contraire, qu'on ne perrnetıe pas au moins qu'un homme aiı au jeu le droit d'en döpouiller totalemenı un autre' ou si l'6taı dans lequel le premier reduiı le second au coin d'un urPis verı si ce crime, dis_je, n'est r6prime par aucune loi, qu'on ne punisse pas aussi cnıellement qu'on le fait Ie döIiı i peu pres ögal que nous Commeatons en d6pouillant de m€me le voyageur dans un bois; et que peut donc importer la maniĞre, des que les suites sonı Ğgales? Croyez_vous qu'il y aiı une grande diff6rence entre un banquier de jeu vous volant au Palais Royd, ou Tranche_Monıagne vous demandant la bourse au bois de Boulogıu ? C'est la m€me
chose, madame' et la seule disıance rĞelle qui puisse s'ötablir entre l'un eı l'autre, c'est que le banquier vous vole en polıron, et l'aurre en homme de courage. < Revenons i vous, madame; je vous desıine donc a viwe chez moi dans la plus grande tranquillitö; vous trouverez quelques autres femmes de mes camarades qui pourront vous lormer un
petiİ cercle... peu amusant' sans doute;
ces
femmes_h sont bi€n loin de votre 6tat et de vos vertus, mais elles vous seront soumises; elles s'occuPeront de vos plaisirs, er Ce sera ıouiours une distraction. Quant İ votre emploi dans mes petits domaines, je vous l'expliquerai quand nous y serons; ne pensons ce soir qu'i votre repos, il est bon que vous en preniez un peu.
Les Cimes dı l'amour
Faxelange
pour ötre en 6tat de Partir demain de trös bonne heure. > Franlo ordonna İr la maitresse du logis d'avoir tous les soins possibles de son öpouse, et il la laissa avec cetıe vieille; celle_ci ayant bien chang6 de ton avec Mme de Franlo, depuis qu'elle voyaiı }ı qui elle avait affaire, la contraignir de prendre -de un_ bouillon coupö avec du vin l'heimitage, dont la malheureuse lemme avala quelques gouttes Pour ne pas d6plaire i son hötesse, et I'ayant ensuite suppli6e de la laisser ieule le resıe de la nuiı, cette pauwe cröature se |iwa dös qu'elle fut en paix İ toute I'amertume de sa dou-
la prier de se lever afin d'ötre embarqu6e avant le jour; elle obĞit, et 5e jetıe dans le bateau la töte envelopp6e dans des coiffes qui dĞguisalenı les traits de sa douleur, et qui cachaient ses larmes au crueı qui les faisait couler. On avait pröpar6 dans la barque un Petit r6duit de |euil_ lages oü elle pouvair aller Se reposer en Paix; et Franlo, on doiı le dire ir sa justificaıion. Franlo qui voyait le besoin que sa riste' öpouse avait d'un peu de calme, l'en laissa jouir sans la troubler. Il est quelques traces d'honnöıet€ dans l'ime des scĞlörats, et la Verıu est d'un tel prix aux yeux des hommes. que lcs plus corrompus memes sont lorcĞs de lui rendre hommage dans
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leur.
< Ö mon cher Goğ, s'6criaiıelle au milieu de ses sanglots, comme la main de Dieu me punit de la trahison que je t ai faite!Je suis iı jamais perdue, une retraite imp6nĞtrable va m'ensevelir aux yeux de I'univers, il me deviendra möme impossible de t'instnıire des malheurs qui m'accableront, et quand on ne m'en empöche_ rait pas, l'oseraisje aPrĞs ce que je cai fait? Serais-je encore digne de ta piti6... et vous, mon pĞre... et vous, ma respectabıe möre, vous dont les pleurs ont mouillö mon sein, pendant qu'enilröe d'orgueil, .i'ötais presque froide i vos larmes. comment apprendrez-vous mon effroyable sort?... A quel ıige, grand Dieu. me vois-ie enterrĞe vive avec de tels monstres? Combien Jann6es puis-je encore sou{frir dans cette punirion terrible? -O sc6l6rat comme tu m'as seduite et comme tu m'as
trompĞe !
ı
Mlle de Faxelange (car son nom de
femme
nous r6pugne mainİenant) 6tait dans Ce chaos
d'idöes sombres, de remords et d'aPpr6hensions terribles, sans que les douceurs du sommeil eussent Pu calmcr son öıat, lorsque Franlo vint
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mille occasions de leur vie. Les attentions que cette jeune femme voyait qu'on avait pour elle la calmaient nöanmoins un peu; elle sentit que dans sa situation, elle n'avait d'autre Parti e Prendre que de mönager son mari, et lui laissa voir de la reconnaissance, La barque ğtait conduite par des gens de la roupe de Franlo, et Dieu sait tout ce qu'on y dit! Notre h6roine abimöe dans sa douleur n'en ecoura rien, et l'on arriva le möme soir aux environs de la ville de Tournon, situöe sur la cöte occidenıale du Rhöne' au pied des montagnes du Vivarais. Noıre chel et ses comPagnons passĞrent la nuit comme la prĞcödente dans une taverne obscure, connue d'eux seuls dans ces environs. Le lendemain, on amena un cheval. i Franlo, il y monaa avec sa femme, deux mulets Portörent les bagages, quare hommes armğs les escorrörent; on traversa les monıagnes, on pĞneıra dans l'int€rieur du pays, paı d'inabordables sentrers.
Nos voyageurs arrivörent le second jour forr tard, dans une petite plaine, d'environ une demi-
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Les Crime s ıle Pamour
lieue d'öıendue, resseııEe de ıoutes pars par des montagnes inaccessibles eı dans laquelle on ne oouvai pen6trer que par le seul sentier que -Pra'ıio.,aiı d.anlo; İı ia gbrge de ce sentier iıait un "..eiĞ'as' relev€ ırois lois la .'].," d. dix de ces le*rin., et qui 'veillaiı consıammenı jour eı nuiı. Une lois dans la plaine on ırouvalt une bourgade, foriıöe d'une centaine de -""nri.. ii",,.', ı la ma".,iöre des sauvages, ) la tÖte des_ ouelles euiı unc maison assez proPre' ComPosee j" deux öıapes. partouı environnee de hauts murs et app;lenint au chef C'etaiı li son s6i.rr. *, -ö-. ,.*p. la citadelle de la place' i'endroiı"rJoü se ıenaienı les magasins' les armes et les prisonniers: deux souıerrains prolonds et hien voütğs şervaienr a ces usages; sur eux' ötaient baıi' ırois peıires piÖct's au rez-dcchaussöe, une cuisinc' une chambre; une Petite salle, et au-dessus un aPParternent assez commode ,ori ı, t"--" du capiüine' ıerminÖ par un cabi^net de süretö pour lei tresors' Un domestiqııe lorı rusre' et ,.'ö fiıı. servant de cuisiniöre 6taient tout le train de la maison; il n'y en avait pas autant chez les aures. Mlle de Faxelange, accabl6e de lassitude et de chacrins' ne viı rie-n de ıouı cela le premier soir; elle"sasna i peine le lit qu'on lui indiqua, et s'y 6t .,i i.'ordi. d'accablöment, elle y lut au moins tranquille jusqu'au lendemain maıin' Alors le chef cntra dans son appartement : < Vous voilİı chez vous. mad'ame, Iui dit-il; ceci est un peu .di{ferent des trois belles terres oue ie vous avals promlses. et des magnifiques Jo.rJrrion' d'Amörique sur lesquelles vous aviez iomot6: mais consolez-vous. ma chöre' nous ne fc.oirs pas ıouiours ce meıier-liı, il n'y a pas longıenips que"je l'e*erce, er le <ıbineı que vous
Faxelange
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voyez recöle döjiı, votre dot comprise, prÖs de deux millions de num6raire; quand j'en aurai guatre, je passe en Irlande, eı m'y etablis magnihouemeıt avec vous. '- Ah! monsieur, dit Mlle de Faxelange en rĞpandant un tolTent de larmes, croyez-vous que le ciel vous laissera viwe en paix jusqu'alors? - Oh! ces sorıes de choses-li' madarne, diı Franlo, nous ne les calculons jamais; notre proverbe est gıe cılui qui crainı la feuille ' ne doit poinı aller aux öoiı; on meurı partoutl si je risque ici |'Ğchafaud, je risque un CouP d'epöe dans le monde; il n'y a aucune situation qui n'ait ses dangers, c'est a I'homme sage i les comparer aux profrts eı a se döcider en cons6quence. La mort- qui nous menace esı la chose du monde dont nous nous occuPons le moins; l'honneur, m'ob jecterez-vous; mais les pröjugis des hommes me lhvaicnı enleve d'avance; j'Ğıais ruinĞ, je ne devais plus avoir d'honneur. Öri m'eüı en[crmĞ, i'eusse passĞ Pour un scĞlĞraı' ne vauı-il pas mieux l'Ğıre effectivemenr en iouissanı de tous Ies droiıs des hommes... en Ğıanı libre enfin. que d'en Ğtre soupçonne dans les fers? Ne vous ötdn"l'homme devienne criminel quand nez pas que on le d€gradera' quoique innocent; ne Vous etonnez Das ou'il prĞfere le crime a des chaines,
.li* .,,r"'d"rri l'rlr. o, l'autre situation il est ,,,.nJ, pr. I'opprobre. Lögislateurs. rendez vos
ffĞırissuris moins frequenıes. si vous voulez diminuer la masse des crimes. une nation qui sut
faire un dieu de l'honneur peut culbuter
ses
6chafauds, quand il lui reste pour mener les hommes le friin sacr6 d'une aussi belle chimĞre... - Mais, monsieur, interrompit ici Mlle de Faxelange, vous aviez Pourant İr Paris toute l'apparencd d'un honnöte homme?
30 - Il le
Faxehnge
Les Crimes dı l'amour
fallait bien pour vous obrenir; j'ai
reussi, le masque tombe.
ı
De tels discours eı de semblables actions [ai_ saient horreur ) cette malheureuse femme, mais d6cid6e i ne point s'6carrer des resolutions qu'elle avait prises' elle ne contraria poinı son mari, elle euı mĞme l'air de l'approuver; et celui-ci la voyant plus ıranquille' lui proposa de venir visiıer l'habitaıion: elle y consenrit, e|le Parcouruı la bourgade; il n'y avaiı guĞre pour lors qu'une quaranıaine d'hommes, le resıe'Ğtait en course, et c'etait ce [ond-h qui fournissait au poste ddlendant le d6fi16. Mme de Franlo fut recue parıouı avec les plus grandes marques de respecı eı de distincıion; elle vit sept ou huit lemmes assez jeunes er jolies, mais dont l'air et le ıon ne lui annonçaient que trop la distance 6norme de ces cr€atures i elle, cependant elle leur rendit I'accueil qu'elle en recevait, et cette tournĞe faite, on servit; le chef se miı i ıable avec sa femme, qui ne puı pouruınt pas se conıraindre au poinı de prendre pari i ce diner; elle s'excusa sur la faıigue de la rouıe eı on ne la pressa poinı. AprĞs le repas. Franlo diı i sa femme qu'il 6tait ıemps d'achever de l'instruire. parce qu'il serait peut_€rre oblig€ d'aller le lendemain en course. tl Je ı'ai pas besoin de vous pr6venir, madame, dit-il i son 6pouse, qu'il vous devient impossible ici d'6crire i qui que ce puisse €tre. Premiörement, les moyens vous en seront s6vörement interdits, vous ne verrez jamais ni plume ni papier; parvinssiez-vous mime i tromper ma vigilance, aucun de mes gens ne se chargerait assur6ment dc vos letıres' et l'essai pourrait vous coüter cher, Je vous aime beaucoup sans doute. madame, mais les sentimenrs des gens de notre
3ı
m6tier sont toujours subordonn6s au devoir; et voiıi Peut_€re ce que noEe 6tat a de sup6_ rieur aux autres; il n'en est point dans le monde que I'amour ne fasse oublier; c'est tout Ie contraire avec nous, il n'est aucune femme sur la terre qui puisse nous faiıe nĞgliger notre 6tat' parce que nore vie d6pend de la maniĞre süri dont nous l'exerçons. Vous €tes ma seconde femme, madame.
- QPoi, monsieuı? vous - Oui, madame ,
€tes ma seconde 6pouse; celle qui vous pr6c6da voulut 6crire, et les caractöres qu'elle traçait furent effac6s de son sang, elle expira sur la letre möme... ı Qu'on juge de la situation de cette malheu-: reuse i ces r6cits affreux, i ces menaces terribles; mais elle se condnt encore et protesta A son mari qu'elle n'avait aucun d6sir d'enfreindre ses ordres. < Ce n'est pas rout, madame. continua ce monstre, quand je ne serai pas ici, vous seule y commanderez en mon absence; quelque bonne foi qu'il y ait entre nous, vous imaginez bien pourtant que dĞs qu'il s'agira de nos int6r6ts, je me fierai toujours Plutöt i Vous qu'i mes camarades. oı, quand je vous enverrai des prisonniers, il faudra les faire d6pouiller vous-m6me et les faire €gorger devant vous. - Moi, monsieur, s'6cria Mlle de Faxelange, en reculant d'horreur, moi plonger mes mains dans le sang innocentl ah! faites plutdt couler le mien mille fois, que de m'obüger i une telle horreur! - Je pardonne ce premier mouvement e votre faiblJsse, madame, r6pondit Franlo, mais il n'est pourtant pas possible que je puisse vous &iter ce soin; aimez-vous mieux nous perdre tous, que de ne le pas prendre?
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FaxeLange
Les Cimes de I'amour
Vos camarades peuvent le remplir. Ils le rempliront aussi, madame; mais vous seule recevant mes lettres, il faut bien que ce soit d'aprĞs vos ordres 6man6s des miens qu'on enferme ou qu'on fasse p6rir les prisonniers: mes gens ex6cuteront sans doute, mais il faut que vous fassiez passer mes ordres. - Oh! monsieur, ne pourriez-vous donc pas me dispenser... madame. - Cela estjeimpossible, pas du moins oblig6e serai Mais ne d'assister i ces infamies ? - Non... cependant il faudra bien absolument que vous vous chargiez des d6pouiller... que vous les enfermiez dans nos magasins; je vous ferai gı'ice pour la premiöre fiois, si vous l'exigez absolument; i'aurai soin d'envoyer dans cette premiĞre occasion un homme sür, avec mes prisonniers; mais cette attention ne pourra durer, il faudra ticher de prendre sur vous ensuite. Tout n'est qu'halıitude, madame, il n'est rien i quoi l'on ne se fasse; les dames romaines n'aimaientelles pas i voir tomber les gladiateurs i leurs pieds, ne Portaient-elıes pas la ferocit6 jusqu'i vouloir qu'ils n'y mourussent que dans d'616gantes attitudes? Pour vous accoutumer ar votre devoir, madame, poursuivit Franlo, j'ai li-bas six hommes qui n'attendent que I'insant de la mort, je m'en vais les faire assommer; ce spec-
-
tacle vous familiarisera avec ces horreurs, et avant quirze jours la partie du devoir que je vous impose ne vous coütera plus.
Il n'y eut rien que Mlle
ı
de Faxelange ne fft pour s'öviter cette scĞne a{Tieuse; elle conjura son mari de ne pas la lui donner. Mais Franlo y voyait, disait-il, trop de nĞcessit6; il lui paraissait trop important d'apprivoiser les yeux de sa
femme
i
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ce qui allait composer une partie de ses
fonctioııs pour n'y pas travailler tout de suite. Les six malheureux furent amen6s, et impitoyablement 6gorgds de la main m6me de Franlo sous les yeux de sa malheureuse 6pouse, qui s'6vanouit pendant l'ex6cution. oıı la rapporta dans son lit, oü rappelant bientöt son courage au secours de sa süret6, elle finit par comprendre qu'au fait' n'6tant que l'organe des ordres de sorı mari, sa conscience ne de-venait plus charg6e dtı Crime, et qu'avec cette facilit€ de voir beaucoup d'6trangers' quelque enchain€s qu'ils fussent, peut-€rre lui resterait_iI des moyens de les sauver et de s'Ğchapper avec eux; elle promit donc ltl lendemain i son barbare 6poux qu'il auraiı' lieu d'6tre content de sa conduite, et celui-ci ayant enfin pass6 la nuiı sujvante avec elle, ce qu'il n'avait pas fait depuis Paris i cause de ]'ötat oü elle Ğtait, il la laissa ie lendemain pour aller en course, en lui protestairt que si elle se comp<ırtait bien, il quitterait le m6tier plus töı' qu'il ne l'avait dit, pour lui faire passer au moins les trente derniĞres ann6es de sa vie daıs le bonheur et dans le repos. Mlle de Faxelange ne se vit pas plus töt seule
au milieu de tous ces voleurs, que I'inqui6tude la reprit.
ıı HĞlas ! se disaiı_ellc' si i'allais malheureuscmenı insPirer quelques sentiments i ccs scelerats, qui les emp€cheraiı de se satisfaire.) S'ils vou_ laient piller la maison de leur chet, me ruer el [uir' n'en sont_ils Pas lcs maiıres?... Ah! plüt au Ciel, contiıuait_elle, en versant un torrent de larmes, ce qui peut m'arriver de plııs heureux, n'est_il Pas qu'on m'arrache au plus töt une vie qui ne doit plus €tre souillĞe que d'horreurs? > Peu h Peu, nöanmoins, l'espoir renaissant
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Faıclaııgc
Les Crimcs dı l'amout
dans cette ime jeune et devenue forte par l'exces du malheur, Mme de Franlo resolut de montrer beaucoup de courage; elle cnıı que ce parıi devait Ğtre n6cessairement le meilleur; elle s'y rösigna. En consĞquence, elle fut visiter les pos'_ tes, elle reıourna seule dans toutes les huttes, elle essaya de donner quelques ordres, et trouva partout du respect fi de I'oMissance. Les [emmes vinrent la voir et elle les reçut honn6tement; elle 6couta avec int6röt l'histoire de quelquesunes, rduites et enlevöes comme elle" d'abord honnötes, sans doute, puis dögradöes par Ia solitude et le crime, et devenues des monsrres comme les hommes qu'elles avaienı ĞPousĞs. < o Ciel ! se disaiı quelquefois ceıte infiortun6e' Comment peut-on s'abrutir i. ce poinı; serait-il donc possible que je devinsse un jour comme ces malheureuses !... ıı Puis elle s'enfermait, elle pleurait' elle reflöchissait i son triste sort, elle ne se pardonnait pas de s'€ıre elle_möme prĞcipitĞe dins l'abime Par ırop de confiance eı d'aveuglemenı; tout cela la ramenait İr son cher Go6, et des larmes de sang coulaient de ses yeux. Huit jours se passerent ainsi, lorsqu'elle teçuı une letffe de son 6poux, avec un d6achement de douze hommes, amenant quatre prisonniers; elle fr6mit en ouwant cette lettre, ei se doutant de ce qu'elle contenait, elle fut au point de balancer un instant entre I'id6e de se donner la mort elle-möme, plutöt que de faire p6rir ces malheureux. C'6taient quatre jeunes gens sur le front desquels on distinguait de l'6ducation et des qualit6s. ı< Vous ferez ııutlre le plus ığ des quılre aıı cachot, lui mandait son marii c'est un coquin çui {est ilffnıdu et qui m'a tuİ deux hammes; nmis il Jaut lui laüser
t4
1,i2,
j'ai
des iclaircissaıuıus
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d tircr de lui.
ferız sur-lı-clıunb ossonmw l'es ırois üııfes -
Yous
D
' c vors vo; les ordres de mon mari, dit_eııe au chef du dĞt chement' qu'elle savait €İre
l'homme sür dont Franlo lui avait parl6, faites donc ce qu'il vous ordonne... ) Et en prononçant ces mots d'une voix basse, elle courut cacher dans sa chambre et son d6sespoir et s€s larmes; mais elle entendit malheureuiement le cri des victimes immol6es au pied de sa maison; sa sensibilit6 n'y tint pas, elle s'ğva_ nouit revenue İı elle, le parıi qu'elle s'6ait rÖsolue de prendre ranima sös forces; elle vit qu'elle ne dedit rien attendre que de sa fermet6, et elle se remonra; elle fit placer les e{fea vol6s dans les magasins, elle parut au village, elle visita les posces, en un moi, elle prit tellement sur elle, ğue le lieutenant de Franlo, qui partait le lendemain pour aller retrouver son cheÇ rendit il ceı öpoıix les comptes les plus aı-antageux de sa temme... Qu'on ni la blime poinu quel parıi lui restait-il entre la mort et cette conduite?... et !'on ne se tue point tant qu'on a de I'espoir. Franlo fut dĞhors. plus longtemps qu'il ne I'avait cru, il ne revint qu'au bout d'un mois, pendant lequel il envoya deux fois des prisoniriers iı sa femme, qui 'se conduisit toujdurs de möme. Enfin le chef reparut; il rapporıait des sommes immenses de cette eı
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Lıs
Crimes
dı l'amour
Franlo, qui Crut devoir pröferer ici le senıimenı h la raison; mais s'il esr wai que vous m'aimiez comme Vous avez daign6 me le dire souvenİ' ne seriez_-vous pas dĞsol6 de me voir p6rir sur un 6chafaud prös de vous?
. - N'apprĞhendez jamais ceııe caıastrophe' diı Franlo, noıre retraite esı inırouvable, et öans
mes courses.je ne crains personne... mais si jamais nous 6tions döcouverts rCı' souvenez_vous quej'aurais le temps de vous casser la t€te avant
qu'on ne mit la main sur vous. )) Le chef examina tout, et ne rouvanr que des sujets de se louer de sa fbmme, il la combla d'eloges et d'amiti6, il la recommanda plus que |amals a ses gens eı repartiı; mömes soins de sa miserable Ğpouse. m6me conduite, m0mes övenemenıs tragiques pendanı cette seconde absence, qui dura plus de deux mois, au bout desguels Franlo renira au quartier. ıoujours plus encnanıe de son epouse.
Il y avait environ cinq mois que cette pauvre cröature vivait dans la contrainte et dans l'horreur, abreuv6e de ses larmes et nourrie de son d€sespoir' lorsque Ie Ciel, qui n'abandonne jamais I'innocence. daigna enfin la d6livrer de ses maux par l'6venement le moins attendu.
On 6tait au mois d'octobre, Franlo et sa femme dinaient ensemble sous une treille ) la porıe de leur maison, lorsque dans l'instant dix ou douze coups de fusil ie fiont enıendre au
poste.
<< Nous sommes trahis, dit le chef, en sortant aussitöt de table et s'armant avec rapidit6..' Voili un pistoler, madame, restez lir; li vous ne pouvez pas tuer celui qui vous abordera, brüIez-.vous [a cervelle pour ne pas tomber dans
ses matns. ,,
Faxelange
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Il dit, et rassemblant iı la hite Ce qui reste de ses gens dans le village, il vole lui-möme iı la dğlense du döfrıö. Il n'ötait plus temps, 200 dragons i cheval venant d'en forcer le Poste, tombent dans la plaine, le sabre İr la main; Franlo [ait feu avec sa troupe, mais n'ayant pu la mettre en ordre' il esı repoussĞ dans Ia minute, et la plupart de ses gens sabres et loul6s aux pieds des chevaııx; on le saisit lui-möme, on l'entoure, on le garde; 20 dragons en repondenL et le reste du dötachement, le chef iı la töte, vole iı Mme de Franlo. Dans quel 6tat cn_ıel on trouve cette malheureuse! Les cheveux epars, les traits renversös par le dĞsespoir et la Crainre, elle 6tait appuyöe iontre un arbre, le bout du pisıolet sur son ccur, pr€te iı s'arrachei la vie plutöt que de tomber dans les mains de ceux qu'elle prenait pour des suppös de la justice... < Arr€tez, madame, arrötez, lui crie l'offrcier oui commande. en descendant de cheval et se jr6cipitant a ses pieds pour la dösarmer par -action, arrötez, vous dis-1e' reconnaisseı votre iette ma]hıureux aflant, c'est lui qui tombe a uos genoux, c'est lui que Ie Ciel Javoise assez pour l'aıoir chargi de ııotre diliıııance ' ahandonnez cetıe arrnı, et perıne ıtcz d hi d'aller se jeıer dans aotre sein. ı Mlle de Faxelange croit rever; peu ) peu elle reconnait ceıui qui lui parle et tombe sans mouvement dans lei bras -qui lui sont ouverts. Ce spectacle arrache des larmes de tout ce qui I'aperçoit. r Ne perdons Pas de temPs, madame, dit Goğ en raooelant sa belle cousine iı la vie; pressons.,ous 'd'e ,sortir d'un local qui doit öt.e' horribıe i vos yeuxl mais reprenons avant ce qui vous appartient. >, Il enfonce le cabinet des richesses de Franlo,
38 il retire les
Iıs
Faıelange
Crimes de I'amour
400 000 francs de la dot de sa cousine, 10000 6cus qu'il hit distribuer i ses dragons, met le scell6 sur le reste, d6liwi: les prisonniers retenus par ce sc€lĞrat, laisse 80 hommes en garnison dans le hameau, revient trouver sa cousine avec les autres, et I'engage i partir surle-champ. Comme elle gagrnit la route du d6fi16, elle aperçoit Franlo dans les fers : ( Monsiaur, dit-elle İı Go6, je vous demande İ genoux la grice de cet införrunö... je suis sa femme... que dis-je, je suis assez milheureuse Pour Porter dans mon sein des gages de sorı amour' et ses proced6s n'ont jamais ötĞ qu'hon_ n6tes envers moi. - Madame, rdpondit M. de Goö, je ne suis maİtre de rien dans Cette aventure; j ai obtenu seulement la conduite des roupes, mais je me suis enchainĞ moi_m€me en recevant mes oidres; cet hornme-ci ne m'appartient plus, je ne le sauverais qu'en risquant tout; au sortir du döfi|6, le grand pr6vöı de la province m'aıtend; il en viendra disposer; je ne lui ferai pas faire un pas vers l'6chaf;aud, c'est tout ce queje puis. - Oh! monsieur, laisseu-le se sauver, s'6cria cette intöressante femme, c'est votre malheureuse cousine en larmes qui vous le demande. _ Une injusıe piti6 vous aveugle, madame, reprit Goö; ce malheureux ne se corrigera point, et Pour sauver un homme, il en coütera la vie iı plus de cinquante. * Il a raison, s'6cria Franlo;, il a raison, madame; il me connait aussi bien que moim€me; le crime est mon Ğlöment, ie ne viwais que pour m'y replongerl ce n'est "point Ia vie que je veux, _ce n'est qu'une morı-qui ne soit point ignominieuse; que I'ime seirsible qui
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iı moi daigne m'obtenir Pour seule grice la permission de me faire büler la cervelle s'intĞresse
oar les drasons.
' -
Qui ia uor. u.r, s'en charger,
enfants?
))
dit GoĞ.
Mais personne ne bougea; GoĞ commandait i ' il ne devait pas s'y trouver de üozr-
des Fraiçais Teaux.
ıı Qu'on me donne donc un pistolet
ı,
dit
ce
sc6lörat.
GoĞ, trös 6mu des suPPlications de sa cousine,
s'aooroche de Franlo.'iı lui remet lui-m6me l'aHıe qu'il demande. o comble de perfidie! }'6poux öe Mlle de Faxelange n'a pas plus töt ce qu'il dösire, qu'il lİche le coup sur Go6... mais sans l'atıeindre heureusement; ce tralt lITlıe les dragons, ceci devient une affaire de vengeance, ils -n'öcoutenı plus que leur ressenıiment, ils ıombent sur Franlo et le massacrent en une minute. Goö enldve sa cousine, i peine voit_elle I'horreur de ce spectacle. On repasse le defil6 au galop. Un cheval doux atıend Mlle de Faxelange iu-dila ae la gorge. M. de GoĞ rend prompıement compıe au pr6vöt de son opÖration; la marğchauss6i s'emprie du poste; les dragons se reıirent: et Mlle de Faxelange ProtĞgĞe Par son libörateur est en six jours au sein de ses Parents. ( Voiıa vore fille, dit ce brave homme ir M. et Mme de Faxelange, et voiliı l'argent qui vous a ĞtĞ pris. Ecoutez-moi, mademoiselle, eı vous allez'voir pourquoi i'ai remis İr ceı insıant les öclaircissements que je dois sur tout ce qui vous concerne. Vous ne fütes pas plus töt parıie,-_que l'es soupçons que je ne vous avais d'abord o{ferts que pour vous retenır' vınrent me tourTnenter avec Torce; il n'est rien que je n'aie fait pour suiıre la trace de vore ravisseur, et pour Connaı-
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Les Crimıs de l'amour
tre ir fond sa personne' j'ai 6tĞ assez heureux pour rĞussir a ıouı et pour ne me lromPer sur rien. Je n'ai prövcnu vos ParenIs que quand j'ai cnı öıre sür dc vous ravoir; on nc m'a pas reluse le commandement des trouPes que j'ai sollicitĞ pour rompre vos chaines, et d6barrasser en möme temps la France du monsıre qui vous trompait. J'en suis venu a bouıl je l'ai fait sans nul inıer€ı, mademoisel)e; vos fhutes eı vos malheurs 6lövent d'6ternelles barriöres entre nous...' vous me plaindrez au moins... vous me regretterez; votre CCFur sera contrainı au sentimenı que vous me refusiez, et ie serai venge... adieu. mademoiselle. je mc suis acquiıte envers les liens du sang, envers ceux de I'amour; il ne me reste plus qu'i me sdparer de vous öternellç_ menı. oui. mademojselle' je pars, la guerre qui se hit en Allemagne m ollre o, la gloire. ou Ie trĞpas: ie n'aurais dĞsire que les lauriers. quand i] m'eüı etö permis de vous les offrir, eı mainıenant je ne chercherai plus que la mort. ı A ces mots, Go6 se retire; quelques instances qu'on lui fasse. il s'echappc pour ne reparaitre jamais. On apprit au bout de dix mois qu'attaquant un Poste en d6sesp6r6, il s'ötait fhit tuer en Hongrie au service des Turcs. Pour Mlle de Faxelange, peu de ıemps apris son retour h Paris, elle mit au monde le malheureux fruit de son hymen, que ses parents placörent avec une lorte pension dans une maison de charitö; ses couches hites, elle sollicita avec instance son pöre et sa mĞre Pour prendre le voile aırx Carmeliıes; se5 Parfnıs lui demandörenı en gr:ice de ne pas priver leur vieillesse de la consolation de l'avoir auprĞs d'eux; elIe ceda. mais sa sanre s'affaiblissant de iour en jour, usĞe par ses chagrins, fl6trie de ses larmes et de sa douleur,
Faxelange
4t
anöantie par ses remords, elle mourut de consomption au bout de quaEe ans' rrisıe eı malheuieux exemple de l'avarice des pöres et de I'ambition des filles. Puisse le röcit de cette histoire rendre les uns plus justes et ıes aures plus sages, nous ne regretterons pas alors la peine que nous aurons pris de transmettre i la Post6ritĞ un ĞvĞnement, qui tout affreux qu'il esl pourrait alors servir au bien des hommes.
Flomille ıt ses ravauJ(' et
Coumal
il le mangeait
en honn€te
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homme
avec quelques amis qui le ch6rissaient, l,estimaiena tous, et le voyaient antöt a Paris oü il occııpait un joli appartement nıe Saint_Marc,
FLORVILLE ET COURVAL
LE
OU
FATALISME
M. oı Couıvaı- venait d'atteindre sa cinquantecinquiĞme ann€e; frais, bien portaıt, il-pouvait
parier encore pour vingt ans de vie ; n'ayant eu que des d€sagrĞments avec une premiire {emme qui depuis longtemps l'avait abandonn€, pour se livrer au libertinage, et devant supposer cetrc cıöature au İombeau, d'aprös les attestations les moins Ğquivoques, il imagina de se lier une seconde fois avec une personne raisonnable qui, par la bont6 de son caractire, par I'excellence de ses mcurs pawint i lui Iaire oublier ses pre-
miöres disgıices. Malheureux dans ses enfanG comme dans son öpouse, M. de Courval qui n'en avait eu que deux, une fille qu'il avait perdue tris jeune, et un garçon qui dis l'dge de quinze ans l'avait abandonn6 comme sa femme, et malheureusement dans les m€mes principes de d€bauches, ne croyint pas qu'aucun proc6d6 düt jamais I'enclrainer a re mt-ınstre. M. de Courval, dis-je, Proietait en (onsequen(e dc le de:heriıer' cı de ilonner son bien arıx enfants qu'il esp6rait d'ob_ tenir de la nouvelle Ğpouse qu'il avait envie de prendre; il poss6dait quirıze mille livres. de rente ; employd jadis dans les a{Iaires, c'6tair le fruit de
et plus souvent encore dans une petite terre char-
mante' auprĞs de Nemours oü M. de Courval
passait les deux tiers de l'ann6e.
Cet honn6te homme confia son projet i ses amis, et le voyanr appJouv6 d'eux, il-les prie trĞs instamment de s'informer Parmi ıeurs ;on_
naissances, d'une personne de trinte i trente-cinq ans' Ieuve ou fille, et qui püt remplir son objet. Dös le surlendemain un de ses anciens conirö_
lui dire qu'il imaginair avoir rouv6 posiıivemenı 9e qui lui convenait. La demoiselli que je vous offre, lui dit cet ami, a deux chos.. .o.tr. elle, je dois commencer par vous les dire afin de vous consoler aprös, en vous faisanı le r6cit de_ses bonnes qualitĞs; on est bien sür qu'elle n'a ni pöre ni mĞre, mais on ignore absolument qui ils furenı, tt oü elle les a pördus; ce que l'on sait' conıinua le m6diaıeur, c'est qu'elle ist cousjne de M. de Saint-Prdt, homme connu. qui l'avoue, qui l'esıime er que vous en fera l'Ğloge le moins suspecr, er le mieux m6rit6. EIle Ja au-orn-bien de ses parents, mais elle a quarre mille francs de pension de ce M. de Saint-prit, dans la maison duquel elle -a €t6 6lev6e, et oü elle a pass6 ıoute sa jeunesse : voili un premier tort; passons au second, dit I'ami de M. dt Courval : une intrigue i seize ans, un enünt qui n'existe plus et dont jamais elle n'a revu le pĞre : voilii tout ıe mal; un mot du bien maintenant. Mlle de Florville a trente-six ans, i peine en parait-elle vingt-huit; il est difficile d'avoir une physionomie plus agr6able et plus int6ressante: ses traits sont doux et d6ıicats, sa peau est de la res vint
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Iıs
Floruille ıt Courıal
Cimes de l'amour
blancheur du lys, et ses cheveux chitains traİnent i terre; sa bouche fraiche, trös agr6ablement orn6e, est l'image de la rose au printemps. Elle est forı grande. mais si joliment faite, it y a anı de grıice dans ses mouvemenıs, qu'on ne Eouve rien i dire i la hauteur de sa taille, qui şans cela peut-etre lui donnerair un air un peu dur; ses bras, son cou, ses jambes, tout est moul6; er elle a une de ces sortes de beaut6s qui ne vieillira pas de longtemps. A l'€gard de sa conduite, son exrröme r€gularit6 pouna peut_€tre ne pas vous plaire; elle n'aime pas le monde, elle- vit fort redr6e; elle est trös pieuse, trös assidue aux devoirs du couvent qu'elle habite, et si elle 6difie tout ce qui l'entoure par ses qualit6s religieuses, elle enchante tout ce qui la voit par les ciıarmes .le son esprit eı par les agr6mens de son caracıere... c'esı en un mot un ange de ce monde' que le Ciel rğservait i la f6licit6 de votre vieillesse. M. de Courval enchant6 d'une telle renconre, n'eut rjen de plus pressĞ que de prier son ami de lui hire voir la personne donr il-s'agissait. < Sa naissance ne m'inquiĞte point, dit-il, dĞs que son sang est pur, que m'importe qui le lui a _transmis; son aventure i l'ige de seize ans m'effraye tout aussi peu, elle a ğar6 cette faute par un gıand nombre d'annöes de sagesse; je -d6.idrirt l'6pouserai sur le pied de veuve, -. i ne prendre une personne que de ırente ) trentecinq ans, il 6tait bien difficiie de joindre i cette clause la folle pr6tention des frömices, ainsi rien ne me dĞplait dans vos propositions, il ne me reste qu'a vous presser de m'en fiaire voir l'obiet. ı L'ami de M- de Courval le satisfit bientöt; trois jours aprös il lui donna i diner chez lui avec la demoiselle dont il s'agissait. Il 6tait diffi-
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cile de ne Pas 6üe s6duit au premier abord de cette fille charmante; c'6taient les traits de Minerve elle-m6me, d6guis6s sous ceux de l'amour. Comme elle savait de quoi il €tait ques_ tion, elle fut encore plus r€serv6e, et sa d6cence, sa retenue, la noblesse de son maintien, jointes i tant de charmes physiques. i un caractĞre aussi doux, i un esprit aussi juste et aussi orn6, tournĞrent si bien la t€te au pauvre Courval, qu'il supplia son ami de vouloir bien hiter la conclusion.
on se revit encore deux ou trois fois, tantöt dans la m€me maison, tantöt chez M. de Courval' ou chez M. de SainçPrit, et enfin, Mlle de Florville instamment press6e, döclara d M. de Courval
que rien ne la flattait autant que I'honneur qu'il voulait bien lui faire, mais que sa d6licatesse ne lui permettait pas de rien accepter avant qu'il ne fiüt instruit par elle-m€me des aventures de sa vie.
< On ne vous a pas tout appris, monsieur. dit cette charmante fille, et je iıö puis consentir
i
vous' sans que vous en sachiez davantage. me mettre dans le cas de la perdre, et je ne la m6riterais assur6ment pas si, profitant de votre illusion, j'allais consentir i devenir votre {bmme, sans que vous jugiez si je suis digne de l'€tre. ı M. de Courval assura qu'il savait rout, que ce n'Ğtait qu'i lui qu'il appartenait de former les inqui6tudes qu'elle t6moignait, eı que s'il 6tait assez heureux pour lui plaire, elle ne devait plus s'embarrasser de rien. Mlle de Florville tint bon; elle d6clara positivement qu'elle ne consentirait i rien que M. de Courval ne füt- insmıit ıi fond de ce qui la regardait; il en fallut donc passer par li; tout ce que M. de Courval put d'€tre
Votre estime m'est trop importante pour
_1
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ks
Cimes dı l'amour
obtenir, ce fur que Mlle de Florville viendrait i sa terre auprös de Nemours, que tout se dispo_ serait pour la c6l6bration de l,hymen qu,il d6sirait, et que I'histoire de Mlle de florville entendue, elle deviendrair sa femme le lende_ main... < Mais, monsieur, dit certe aimable fille, si tous ces pr6paratifs peuvent drre inuriles, pourquoi les faire?... Si je vous persuade qr.l. n. suls pas nee pour vous appartenir?... - Voili _ce que vous ne me prouverez jamais, mademoiselle, rĞpondit l'honnĞte Courva"l, voili ce dont je vous dğfie de me convaincre; ainsi partons. je vous en conjure, et ne vous opposez poınt a mes Cıesseıns. D . Il .n'y eur pas moyen de rien gagner sur ce dernier. objeı. ıour fut dispose, oi ğarıiı pour Coun'aI; cepcndanı on y [ut Seul, MlIe de i'Iorville l'avaiı exigĞ; les'choses qu'elte avait ) dire ıre devaient €re rğv6l6es quli I'homme qui voulait bien se lier i elle, ainsi p".ro.,rr..r" ir, admis; et le lendemain de son arrivğe, cette belle eı inığressante Personne ayant pri6 M. de Courval de l'entendre' elle iui raconıa les 6vĞnements de sa vie dans les ıermes suivanıs : Histoire d.e MIle d,e Florıille.
- Les intentions que vous avez sur moi, monsıeur' ne permettent plus que l'on vous en ımpose; vous avez yu M. de Saint-Prdt, auquel on vous a dit que j'appartenais, lui_mdmi a daignĞ vous le cerrifier, eı cependant sur ceı objer vous avez Ğt6 ırompĞ de toutes parts. Ma naıssance m est inconnue, je n'ai jamais eu la satisfaction de saı'oir ;i qui je la jevais; je fus
Floıville ıt Coumal
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rouvĞe, Peu de jours apres avoir reçu la vie, dans une barcelonnere de taffetas vert, a Ia pofte de l'hötel de M. de SainıPıİt' avec une Ietre anonyme afiachĞ€ au paütlon de mon berceau, oü 6tait simplement Ğcrit : n Vous n'avez point d'enfants depuis dix ans ( que vous ötes mari6, vous en d6sirez tous les ıt jours, adoptez celle-li, son sarıg est pur, elle ( est le fruit dü plus chaste hymen et non du < libertinage, sa naissance est honnCte. Si la r petite fille ne vous plait pas, vous la ferez porter a aux Enfans-Trouv6s. Ne faites point de perquit< sitions, auorne ne vous r6ussirait, il est imposlı sible de vous en apprendre davançıge. ))
Les honn6tes personnes chez lesquelles j'avais m'accueillirent aussitöt' m'6levĞrenı, prirent de moi tous les soins possibles, e t je puis dire que je leur dois tout. Comme rien n'indiquait mon nom, il pıut i Mme de Saint-Prit de me donner celıui de Flonille. Je v'enais d'atteindre ma quinziĞme ann€e, quand j'eus le malheur de voir mourir ma protecrice; rien ne peut exprimer la douleur que je ressentis de cette perte; je lui 6tais devenue si chere, qu'elle conjura son mari, en expirant, de m'assurer quare mille livres de pension et de ne me jamdis abandonner; les deux clauses furent ex6cutğes ponctuellement, et M. de Saint-Prdt joignit i ces bont6s celle de me reconnaitre pour une cousine de sa femme et de me passer, sous ce titre, le contrat que vous avez vu. Je ne pouvais cependant plus rester dans cette maison; M. de Saint-Prıit me le fit sentir. <Je suis veuf, et jeune encore, me dit cet homme vernıeux; habiter sous le m€me toit 616 d€pos6e
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Les Cıimes dı l'amour
serait faire naitre des doutes que nous ne m6ritons point; votre bonheur er votre r6putation me-sonı chers, je ne veux comPromenri ni l'un ni I'autre. ll faur nous s6parei. Florville; mais Je ne vous abandonnerai de ma vie, je ne veux pas m€me que VouS sortiez de ma famille; j'ai une sceur veuve i Nancy, je vais vous y adresser, ;e vous r6ponds de son amitiĞ comme de la mienne, er ld, pour ainsi dire, toujours sous mes yeux, je pourrai continuer de viiller encore i tout ce qu'exigera votre 6ducation et votre 6ablissement. > Je n'appris poinı ceııc nouvelle sans verser des larmes; ce nouveau surcroİt de chagrin renouvela bien amörement celui que je veiais de ressentir i la mort de ma bieniaitrice; con_ vaincue nöanmoins des excellentes raisons de
M. de
Saint-Prit, je me d6cidai i suiwe ses conseils, eı je partis pour la Lorraine, sous la conduiıe d'une. dame de ce p.y., a laquelle je fus recommand6e, et qui me remit entre les iıains de Mme de Verquin. scur de M. de Saint_prit avec laquelle je devais habiter. La maison de Mme de Verquin 6tait sur un ıon.bien diff6rent que celIe de ü. de Saint-Pr:it; sı..;'avais lır r6gner dans celle-ci la d6cerıce, la religion et les mceurs' la fiivolit6. le goüt des plaisirs et I'ind6pendance 6taient dan! I'autre comme dans Ieur asile. . Mme de Verquin m'averdt dĞs les premiers Jours.que mon perir air prude lui diplaisait, qu'il Ğtait inoui diarriver de Paris avec ri tien si gauche..., un fond de sagesse aussi-ai.,_ ridicule,_.et que si j'avais envie d'€trĞ bien avec elle, il fallait adoprer un autre ron. Ce d6but m'a_ larma; je-_ne chercherai point i paraitre i vos yeux meilleure que je ne suis, monsieur; mais
Flomillc et Courıal
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tout ce qui s'6carte des mceurs et de la religion,
m'a toute la vie d6plu si souverainement, j'ai ıoujours 6t6 si ennemie de ce qui choquait la verru,
et les travers oü j'ai Ğt6 emPort6e malgr6 moi, m'ont caus6 tant de remords, que ce n'est pas, je vous l'avoue, me rendre un service que de me replacer dans le monde, je ne suis point faite pour l'habiteı, je m'y rrouve sauvage et farouche; la retraite la plus obscure est ce qui convient le
mieux i I'6tat de mon 6.me et-aux dispositions de mon esprit.
Ces r6flexions mal faites encore, pas assez müres i l'ige que j'avais, ne me pr6servdrent ni des mauvais conseils de Mme de Verquin, ni des maux oü ses söductions devaient me pIon_ ger; le monde perp6tuel que je voyais, Ies plaisirs bruyants dont j'Ğtais entouı€e, l'exemple, les- discours, tout m'entraina; on m'assura que j'ötais jolie' et j'osai le croire pour mon malheur. Le r6giment de Normandie 6tait pour lors en garnison dans cette capihle; la mhison de Mme de Verquin Ğtait le rendez-vous des oIEciers; touıes les jeunes femmes s'y trouvaient aussi, et li se nouaient, se rompaient et se recomposaient toutes les intri5ıes de la ülle. Il est waisemblable que M. de Saint-Prit ignorait une partie de la conduite de cette femme; commerlt avec l'aust6rit6 de 5es mceurs, eüt_il pu consentir i m'envoyer chez elle, s'il l'eut bien connue? Cette consid6ration me rednt, et m'empĞcha de me plaindre i lui; faut_il tout dire? peut_6tre m€me ne m'en souciai_je pas; l'air impur que je respirais commençait i souiller mon cceur, et comme T6löiiraque dans l'ile de Calypso, peut-etre n'euss6-je plus 6coutö les avis de Mentor. L'impudente Verquin qui depuis longtemps cherchait i me s6duire, me demanda un jour
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Iıs
Flomillc et
Cimes ıh I'amour
s'il
Ğtait cenain que j'eusse appon6 un c(Eur bien pur, en Lorraine, et si je ne regrethis pas quelque amant i Paris? ıı H6las! madame, lui dis_je, je n'ai m6me
jamais conçu l'idĞe des torts dont vous
me
souPçonnez' et monsieur vore frere Peut vous rĞpondre de ma conduite... - Des torts, interrompit Mme de Verquin, si vous en avez un, c'est d'ötre encore troP neuve
i
votre İge, vous vous en corrigerez, je l'espĞre. - oh! madame ! est_ce lİı le langaç que je devais entendre d'une personne aussi respec-
table? - Respectable?... ah! pas un mor, je vous assure ma chĞre que le respect est de ıous les senıimenıs celui que je me soucie le moins de faire naitre, c'est I'amour que je veux inspirer..., mais du respect, ce sentiment n'est pas encore de mon ige. Imite_moi ma chöre, et tu seras heureuse... A propos, as-tu remarquö Senneval? ajouta cette sirĞne, en me parlant d'un jeune officier de dix-sept ans qui venait rös souvent chez elle. - Pas auıremenq madame, röpondis-je, je puis vous assurer que ie les vois tous avec la hime indiff6rence. _ Mais voilıi ce qu'il ne faut pas, ma petite arnie, je veux que nous partagions dor6navant nos conquötes..., il faut que tu aies Senneval, c'est mon ouwage, j'ai pris la peine de le former, il t'aime, il faut I'avoir... si vous vouliez m'en dis- Oh en! madame, je ne me soucie de personne. vĞritö Penser, _ II le [auı' ce sont des arrangemeno pris avec son colonel, mon amant d,u jour, comme tu vois. - Je vous conjure de me laisser libre sur cet
I
Courıal
5l
objet, aucun de mes penchans ne me Pofte aııx olaisirs oue vous chöriss€z. ' _ ohİ cela changera, ru les aimeras un jour comme moi, il est tout simple de ne pas ch6rir ce qu'on ne connait pas encöre; mais il n'est pas perinis de ne vouloir pas connaitre ce qui est hit porr 6tre ador6. En un mot, c'est un dessein forni6; Senneıal, mademoiselle, vous d6clarera sa oassion ce soir. eı vous voudrez bien ne le puJ frir. languir, ou je me ficherai conre vous... mais s6rieusement. ı A cinq heures' l'assemblĞe se forma; comme il faisait'fon chaud, des parties s'arrangÖrent dans les bosquets, et tout fut si bien concert6 que M. de Sönnğval et moi, nous trouvant les siuls qui ne jouassent point, nous Iümes forc6s de nous enretenir. I[ est inutile de vous Ie döguiser, monsieur, ce
homme aimable eı rempli d'esprit' ne pas plus töt fait l'aveu de sa flamme' que ie me sentis enrrain6e vers lui par un mouvemenı indomptable, et quand je voulus ensuite me rendre compte dc ceııe sympaıhie' je n'y rouvai rien que d'obscur, il me semblaiı que ce penchant n'6tait point l'effet d'un sentiment ördinaire, un voile d6guisait e mes yeux ce qui le caract6risait; d'une autre Parq au mĞme instant oü mon ccur volait jr lui, une force invincible semtılait le retenir, et dans Ce mmulte... dans ce ffux et reflux d'idöes incompröhensibles, je ne pouvais dömöler si ie faisais bien d'aimer Senheval' ou si je devais le fuir iı jamais. On lui dohna tout le temPs de m'avouer son amour... hĞlas ! on ne lui donna que trop. J'eus tout celui de paraitre sensible ir ses yeux, il profita de mon trouble, il origea un aveu de mes sentiments, .je flui assez faible pour lui dire qu'il 6tait
ieune "m'eut
Les Crimes de I'amour
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Flomille eı
loin de me deplaire, eı trois iours aPrĞs' assez courrable Dour ie laisser iouir de sa victoire' C''*r, l..'rr. chose waiiıent singuliĞre que la ioie malisne du vice dans ces ıriomphes sur la u.rırl .iö n'Ğgala les (ransports de Mme de fr.rit p'ar
ir,'r.rr.". que
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rique constance, vertu triste et hrouche, bien peu saüslaisanıe a soi-möme, et qui n'en impose jamais aux autres. )) Ces propos me faisaient fr6mir, mais je vis bien que je n'avais plus le droiı de les combatrre; les soins criminels de ceııe femme immorale me devenaient n6cessaires, et ie devais la m6nager; hıal inconv6nienı du vice, puisqu'il nous met, dĞs que nous nous y liwons, sous les liens de ceux que nous eussions m6prisĞs sans cela. J'accçtai donc ıouıes les complaisances de Mme deVerquin; chaque nuit Senneval me donnait des nouvelles preuves de son amour, et six mois se passerent ainsi dans une relle iwesse, qu'i peine eus-je le temps de refl6chir. De.funestes suites m'ouwirent bienıöı les yeux; je devins enceinte et pensai mourir de dösespoir en me voyant dans un ötat dont Mme de Verquin
verouin daş quyelle me sut dans le piĞge qu'elle m'aJaiı pröparö, elle me railla, elle se diveruı'
.t
Coımal
Ce que j'avais faiı Ötaiı
la chosi du monde la plus simple, la plus raison-
nable.'"*""i et oue ie pouvais sans cralnte recevolr to,]'"J ü., nuiıs chtz elle"', qu'elle -"" que trop occup6e de son cötğ rien; n'en verraiı pour prendre gardi a ces miseres. ellc n'en admı|rit Ja, moir,"s ma verıu. puisqu'il etaiı waiseınbiable que je m'en ıiendrais } celui-l) seul' onai, o"'"Lıie'ee de laire ıÖte ) ırois' clle se bien loin de ma r€serve ,.o,-,ua.u'iı "rs,l].em.nı quand .i-J" -u modesıie; ie voulus prendre la Ğıaiı odieux' dĞre"glement ic dire que iiu.." a. lui sentlment' nt ni dĞlicaıcsse ou'il ne supposaiı rupöce vile i la plus scxe nolre ,auillit e'ı or'il .les'animaux, Mme de Verquin iclaıa de rire' ıı Heroİnc gouloisc, me Jiı-elle' je ı'admire et ne ıe bldme point; ie sais ırĞs bıen qu a ıon ise la dĞlicaıe'sse et l? sentiment sont des dieux on immole le plaisir: cc n'esı pas la ^i*orels mĞrıie chose au mien. parfaitemenı detrompĞe sur ces fanıömes. on leui accorde un peu moins d'empire; des voluptĞs plus rielles se pr6lÖrenı aux sotıiSes qui t'enıhousiasment; eı Pourquo' donc de la fid6liıE avec des gens qui .iamais n'en onı eu avec nous? N'cst_ce pas assez d'örre les plus [aibles sans devenir cntore les plus dupes/ 'Elle est bien lolle la femme qui meı de la d6licaıesse dans de telles actions... Crois-moi, ma chöre, varie ıes plaisirs Pendant que.ıon age cl ıes charmes ıe le permetıenı' eı lalsse la ıa Chıme_
divertiı < Cependant, me dit-elle, il faut sauver les aPParences' et comme il n'est pas trop dĞcent que ru accouches dans ma .maison, le colonel de Sennev-al et moi, nous avons pris des arrangements; il va donner un cong6 aujeune homme, (u partiras quelques jours avant lui pour Metz, il t'y suivra de prös, et la, secourue par lui, tu donneras la vie ir ce fruit illicite de ta tendresse; ensuite vous reviendrez ici l'un aprös l'autre comme vous en serez Partis. ) Il fallut ob6ir, je vous I'ai dit, monsieur, on se met a ıa merci de tous les hommes et au hasard de toutes les sinıations, quand on a eu le malheur de faire une faute; on laisse sur sa personne des droits i tout l'univers, on devient I'esclave de tout ce qui respire, dĞs qu'on s'est oubli6 au point de le dsenir de ses passions. Tout s'arrangea comme l'avait diı Mme de se
_J-
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Iıs
Florıille
Crime s ıle l'amour
Verquin; le troisiöme jour nous nous trouvimes r6unis Senneval et moi, i Metz, chez une sagefemme, dont j'avais pris I'adresse en sortant de Nancy' et i'y ıi-ıis au monde un garçon; Senneval, oui ri'avait'cesse de monrrer les sentimens les Jlus tendres et ıes plus d6licar, sembla m'aimer Ln.ore duu..,ı"g. d.. qr. i'eus, disait-il, doubl6 moi tous les €gards son o
pouvez pr6tendre a beaucoup mierıx; croyez-moi' Florville, oublions nos 6garements, et soyez süfe
de ma discr6tion > Ce discours, que i'ötais loin d'attendre, me fiı. cnrellemenı senıir ıoute l'Ğnormiı6 de ma |aute; ma fiertö m'empöcha de r6pondre, mais ma dou_ leur n'en fut que plus amĞre; si quelque chose avait d6robö l'horreur de ma conduite ) mes propres regards, c'6tait, je vous I'avoue, l'espoir de la r6parer en öpousanı un jour mon amanL Fille crĞdule! je n'imaginais pas, malgrö la perversitö de Mme de Verquin qui sans douıe eut
et Coumal
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dü m'Ğclairer, je ne croyais Pas que l'on püt se faire un jzu de s6duire une malheureuse fille eç de l'abandonner aprĞs, et cet honneur, ce sen-
timent si resPectable aıD( yeux des hommes, je ne suPposiııs Pas que son actton lut sans energıe üs-ir-vis de nous, et que nore hiblesse püt lĞgiıimer une insulte qu'ils ne hasarderaient entre eux qu'au prix de leur sang. Je me voyais donc i la fois la vicıime' et la dupe de celui pdur lequel j'aurais donnĞ mille fois ma vie; puis s'en fallut que ceğe aIfreuse r6volution ne- me conduisit au ıombeau. Senneval ne me quitta point, ses soins furent les mömes, mais i[ ne me reparla plus de ma proposirion, et i'avais trop d'o/gueil pour lui o{frir üne seconde fois le su|et de mon d6sespoir; il disparut enfin dös qu'il me vit remrse.
D6cidĞe i ne plus retourner İr Nancy, et sentant bien que c'öıaiı pour la derniĞre fois de ma vie que je voyais mon anıant' toutes mes plaies se rouwirent i l'instant du döpart; j'eus n6anmoins la force de supporter ce dernier coup..., le cnıel ! il partit, il s'arracha de mon sein inond6 de mes larmes, sans que je lui en visse r6pandre une seule! Et voili donc ce qui r6sulte de ces serments d'amour auxquels nous avons la folie de croire ! plus nous sommes sensibles, plus nos söducteurs
nous d6laissenı.., les perfides|... ils s'6loignent de nous, en raison du plus de moyens que nous avons employös pour les retenir. Sennaıal avait pris son enfant, il l'avaiı plac6 dans une CamPagne oü il me fut impossible de le d6couwir..., il avait voulu me piiver de la douceur de ch6rir et d'6lever moi_möme ce ten_ dre fruit de notre liaison; on eüt dit qu'il dĞsirait que j'oubliasse tout ce qui pouvait encore
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Iıs
Cimes dı l'amouı
nous enchainer I'un i l'autre, etje le fis, ou plutöt ie crus le faire. Jö me d6teıminai i. quitter Mez dĞs l'insant et i ne point retoumef iı Nancy; je ne voulais pourtant pas me brouiller avec Mme deVerquin; il suffisait malgrö ses tors qu'elle aPPartınt d'aussi prös i mon bienfaiteur, Pour que je la m€ırageasse toute rrra vie; je lui öcrivis la lettre du monde la plus honnöte, ie prĞıortai, pour ne plus reparaitre dans sa ville, la honte de I'action que j'y avais commise, et je lui demandai la permission de retourneT İ Paiis auprĞs de son fiĞre. Elle me r6pondiı sur-le-champ que j'Ğtais la mairresse de faire tout ce que je voudrais, qu'elle m€ conserverait son amiti6 dans tous les temps; elle aloutait que Senneval n'6tait point encore de retbur, qu'on ignorait sa reıraite, et quej'6tais unö folle de m'a{fliger de toutes ces misĞres. Cette lettre regıe, je revins ) Paris, et courus me jeıer aux genoux de M. de Saint-Prit; mon silence et mes larmes lui apprirent bientöı mon infortune; mais j'eus I'attention de m'accuser seule, je ne lui parlai jamais des söductions de sa scur. M. de Saint-Prit, ) I'exemple de tous les bons caractĞres, ne soupçonnait nullement les d6sordres de sa parente, il la croyait la plus }ıonnöte des femmes; .ie lui laissai toute son illusion, et cette conduite que Mme de Verquin n'ignora point me conserva son amitiö. M. de Saint-Prit me plaignit..., me fit waiment sentir mes torts, et finit par les pardonner. ıı Oh| mon enfant, me dit_il avec ceite douce comPonction d'une ime honnöte, si dilferente de l'ivresse odieuse du crime, ö! ma chĞre fille' ru vois ce qu'il en coüte pour quitter la vertu... son adoption est si n6cessaire, elle esı si intimement li6e-i notre existence, qu'il n'y a plus qu'infor-
Flomille
et'Coumaı
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nınes pour nous, sitöt que nous l'abandonnons; compare la tranquilliĞ de l'ötat d'innocence oü tu Ğ]tais en partant de chez moi, au rouble affteux oü ü y renffes. Les hibles plaisirs que tu as pu goüter dans ta chuıe, te dÖdornrnagenİ-ils des tourments dont voiliı ton ccur dĞchirĞ? Le bonheur n'est donc que dans la vertu, mon enfant, et tous les sophismes de ses d6tracteurs ne procureront jamais une seule de ses jouissances. Ah! Florville, ceux qui les nient ou qui les combattent, ces jouissances si douces, ne le font que par jalousie, sois-en süre, que par le plaisir barbare de rendre les autres aussi coupables et aussi malheureııx qu'ils le sonı Ils s'aveuglent et vou_ draient aveugler tout le monde, ils se trompenq et voudraient que tout le monde se trompit; mais si l'on pouvait lire au fond de leur İme, on n'y verrait que douleurs et que rçentirs; tous ces apörres du crime ne sont que des mĞchants' que des dösesp6r6s; on n'en trouverait pas un di sincere, pas un qui n'avouit, s'il pouvait ötre wai, que ses discours emPestĞs ou ses Ğcris dangereux, n'onı eu que ses passions pour guide. Et quel homme en e(fet pourra dire de sang-froid que les bases de la morale peuvent €tre 6branl6es sans risque? quel €re osera soutenir que de hire le bien, de d6sirer le bien, ne doit pas ötre ndcessairement la v6ritable fin de I'homme? et comment celui qui ne fera que le mal, peuıil s'attendre İ Ğtre heurerrx au mi_ lieu d'une soci6tö, dont le plus puissant int6rĞt est que le bien se multiplie sans cesseP Mais ne [i6mira_çil pas lui-möme a ıout insıant cet apologiste du crime, quand il aura d6racinĞ dans tous les ccurs la seule chose dont il doive attendre sa conversation? Qui s'opposera ir ce que ses vales le ruinent, s'ils ont cessö d'ötre vertueux?
Les Crimes de I'amour
Florıille et Couraal
qui emp6chera sa femme de le döshonorer, s'il l'a persııadöe que la vertu n'est utile iı rien? qui retiendra la main de ses enfants, s'il a ose fl6trir les semences du bien dans leur ccur? coınınent
leur offrir, tous le reietteront comme un fardeau; le malheur I'environnant de toutes parm, il lan-
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guira dans I'opprobre et dans I'inlortune' et i'ayant möme flus son ccur Pour asile' il exPireri bientöt dans le dĞsespoir. quel est donc ce
sa libertĞ, ses possessions seront-elles respectöes, s'il a dit aux grands, l'imPuniı4 üous aİcomPagne, eı la aertu n'est qu'uüu chimire ? Que| que soit donc l'ğtaı de ce malheureux' qu'il soit 6poux ou pöre, riche ou pauwe, maitre ou esclave, de toutes parts naitront des dangers pour lui, de tous cötös s'6ıĞ-
raisonnernent absurde de nos adversaires? quel est cet effbrt impuissant pour attĞnuer la vertu, d'oser dire' que ıout ce qui n'esı pas universel est chimöre, ei que les verıus n'6anı que locales, aucune d'elles ne saurait avoir de r6alitÖ? Eh quoi! il n'y a point de vertu, Parce que chaque t'euple a dü sd faire les siennes? parce que les .liflürenıs climaıs: les diff6rentes sortes de ıempöraments ont necessiıö di[firenıes espÖces de ireins, parce qu'en un mot la vertu s'esr multipliee .ors miııe foiınes. il n'y a poinı de vertu sur la terre? Il vaudrait auüııt douter de la rğalitğ d'un ffeuve, parce qu'il se söparerait en mille branches diverses-. Eh ! {ui prouvi mieux e. I'existence de la vertu et sa necissiiĞ, que le besoin que l'homme a. de l'adaoter jr toures ies di{Iğrenres'maurs et d'en laire la Lase de toutesi Qu'on me trouve un seul oeuole oui vive sans vertu' un seul donı la bien_ luirir.e'et I'humanitĞ ne soient pas les liens fondamentaux. ie vais plus loin, qu'on me trouve möme une association de scöl6raıs qui ne soit ciment6e par quelques principes de vertu, et i'abandonne sa cause; mais si elle est au contrarre 'd6monr.Ğe utile Partout, s'il n'esı aucune naıion, aucun 6tat' aucune societö, aucun individu qui nuissent s'en passer. si I'homme, en un mot. ne |,.,rı ,ri*e ni 'heurerx ni en süreıö sans elle. aulais-ie torr. ö. mon enfant, de r'eırhorıer i ne t'en ?carter jamais? Vois. Florville, continua mon "en *e pret.".rt dans ses bras, vois bienfaiteur oü t'ont fait tombir tes Premiers 6garements; et si l'erreur ıe sollicite encore, si la s6duction
veront des poignards sur son sein: s'il a os6 d6truire dans l'homme les seuls devoirs qui balancent sa perversitĞ, n'en douıons poinı. l'infiorıunĞ perira ıöı ou ıard. victime de ses afFeux systömes'.
Laissons un instanı la religion, si l'on veut, ne consid€rons que l'homme seul; quel sera l'ötre assez imbğcile pour croire qu'en enfrei8nanı ıouıes les lois de la soci6ıĞ. cetıe sociĞıĞ qu'il ouırage. pouıra le laisser en reposl N'est-il pas de l'iıııerit de l'homme' et des lois qu'il hit pour sa süretö, de toujours tendre i' dĞtruire ou
ce qui göne, ou ce qui nuit? Quelque cr6dit, ou des richesses' assureront Peut-ere au m6charıt une lueur eph6möre de prospöriı6; mais Combien son rögne sera Court! reconnu' d6masqu6, devenu bienıöt l'obiet de la haine et du m6Pris public, trouvera-ıil alors, ou les apologistes de sa conduite ou ses partisans pour consolateurs? aucun ne voudra l'avouer; n'ayant plus rien ir
l. oh! mon amı, nt cheıche 1amais a corfom?fe la pefionne gue lu aimeJ, cela Peül ollef plu| loin qu'on ne pmse' disAil.!1 joırr une llrnınc sensible i l'ami qui voulaiı la seduiıe-
Femme adorablc' laiss€ moi citer ıes PfoPres paroles, elles pc|gnfnl si bien l'ime de ccllr qı.ıı. Peu aPris raııva la vieir ce mĞme homme. gue je voudrais graver <es moıs ıouchants. au ıemple de mĞmoıre' ou les vertus l'assurenı une place. .l
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Les Crime s de I'amour
Floraille et Courıal
ou ta faiblesse te pr6parent de nouveaux piöges, songe aux malheurs de tes premiers 6carts, songe a un homme qui t'aime comme sa propre fiIle... dont tcs lautes dĞchireraienı le cceur, er tu
cissait dös qu'elle oulrait la bouche; c'Ğtait une ime si belle et si Pure, une amenitö si parhite, une franchise si entiöre' qu'on sentait insensi_ blement malgrĞ soi. joindre i la vĞnĞration
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rouveras dans ces röffexions toute la fiorce qu'exige le culte des vertus, oü je veux te rendre ) jamais. M. de Saint_Prit touiours dans ces mömes principes, ne m'ollriı p6int ,a maison; mais il me proposa d'aller viwe avec une de ses parentes, fcmmc aussi c6löbre par la haute piĞtĞ dans laquelle elle vivait, que Mme de Verquin I'eait Par ses travers. Cet arrangerneıt me plut forı Mme de L€rince m'accepta le plus volontiers du monce, eı je fus insullğe chcz elle dös la mĞme semaine de mon retour ) Paris. oh ! monsieur. quelle di{fcrence de ceııe resPeckble femmc a cellc que je guiııaisl Si le vice et la d6pravation avaient chez l'une ötabli leur empire, on eüt dit que lc cceur de l'autre 6tait l'asile de toutes les vertus. Autant la premiöre m'avait e{Irayee de ses depravaıions' autanr, je me trouvais consol6e des edifiants principes de la seconde; je n'avais trouve que de l'amertume et des remords en 6couant Mme de Verquin, je ne rencontrais quc des douteurs er des consolaıions en me liwanı a Mme de Lerince'.. Ah| monsieur, permettez-moi de vous la peindre cette femme adorable que j'aimerai toujours; c'est un hommage que mon cceur doit a ses verrus, il m'esı impossible d'y resisıer. Mme de Lirince' dgic d'envirıın quaranıe ans' €tait encore trös fraiche, un air de candeur et de modestie embellissait bien plus ses traiıs que les divines proportions qu'y faisait r6gner la nature; un peu troP de noblesse et de majest€ la rendait, disait-on' imposanıe au premier aspect. mais ce qu'on eüt pu prendre pour de Ia fiertö s'adou-
qu'eıle inspirait d'abord' tous les senıiments les plus tendres. Rien d'outrö, rien de superstitieux dans Ia religion de Mme de Lörince; c'6tait dans la plus extröme sensibilitö que l'on trouvait en elle les principes de sa foi. L'idee de l'exisıence de Dieu' le culte dü a cer €rre suprĞme, relles 6taienı les jouissances les plus vives de cetıe ime aimante: elle avouait hautemenr qu'elle serait la plus malheureuse des crĞaüres, si de perfides lumiĞres contraignaient jamais son esprit a döıruire en elle le respect et l'amour qu'eıle avair pour son culre; encore plus anachee, s'il est possible, iı la morale sublime de ceııe religion. qu'i ses praıiques ou a ses cörömonies, elle faisait de cetre excellente morale, la rögle de toutes ses actions: jamais la calomnie n'avait souille ses levres. elle ne se permettair mime pas une plaisanterie qui püt afHiger son prochain; pleine de tendresse et de sensibilitĞ pour ses semblab]es, rouvant les hommes interessants, meme dans leurs defauts, son unique occupation eait, ou de cacher ces d6fauts avec soin, ou de les en reprendre
J
avec douceur; etaient-ils malheureux, aucuns charmes n'Ğgalaient pour elle ceux de les soulager; elle n'attendait pas que les indigents vinssent implorer son secours, e|le les cherchaiı... elle |es devinait, et l'on voyaia la |oie Ğclater sur ses ıraits' quand elle avait cbnsolĞ Ia veuve ou pourvu l'orphelin, quand elle avait r6pandu l'aisance dans une pauwe famille, ou lorsque ses mains avaient bris6 les fers de I'infortune. Rien d'ipre, rien d'austĞre auprĞs de tout cela; les plaisirs qu'on lui ProPosait ğtaient_ils chastes, elle s'y
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Iıs
Crimes
d'e
I'amour
liwait avec dğlices, elle en imaginait m€me' dans la crainte qu'on ne s'ennuydt prĞs d'elle' s.n..... e.ıri.e. avec le moraliste"', profonde elle inspirait le romancier avlc le üĞoloeien, "poĞte,
elle ğtonnait le lĞgislateur et souriai( au ou le politique.' et dirigeaiı les jeux d'un cnfanr; ooss6jant tbutes les iorıes d'esprit, celui qui Lrillait le olus en elle, se reconnaissaiı princioalement au soin partiorlier..' i I'atıention char_ 'mante qu'elle o, i faire paraitre celui des "rrit' trouver toujours' Vivant en i leur b, ,rr,.ar, cultivant s€s amis Pour goüı, par retraite la dans un mot' le modğle de en L6rinJe de Mme eux, i.l, .t ı'"r-ra." sexe, faisait jouir tout ce qui l'en_ tourait' de Ce bonheur ıranquille"'' de cetıe voluorĞ celeste. promise i l'honnöıe homme par le Dieu saint dohı elle iait l'image' le ne vous ennuierai point. monsieur, des dĞLiü, monoıo.res de ma'vie' pendant les dixseDt ans que i'ai eu le bonheur de viwe avec Des conf6rences de mo_ rale et de pi6tĞ, le plus d'actes de bienfaisance qu'il nous 6ıaiı porsible. tels Ğtaient les devoirs oui oarıaseaient nos lours.
..ite crğature adorable.
' n L., f;o--., nd s'effarouchent de la relision. ma chĞre Florville, me disait Mme de iĞ.i.,... qr" parce que des guides maladroirs ne
Ieur en font senti. ğu. les chaines, sans Ieur en oftir les douceurs. Peut-il exister un homme assez absurde-pour oser, en ouvrant les yeux.-slJr liunivers, ne pas conrenir que unt de merveilles ne peuvent ire qre I'ouwage d'un Dieu-toutnuiisant. Ceıte premiÖre veritö senıic"', eı laut_ll lutre chose qre'son cceur pour s'en convaincre?"' ouel oeut-il'iıre donc cei individu cnıel etbarür.. Lri refuseraiı alors son hommage au dieu bienfaisanı qui l'a cr66? mais la diversit6 des
Floıııille eı Coumal
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cultes embarrasse, on croit trouver leur fausset6 dans leur multitude; quel sophisme! et n'est-ce point dans cette unanimitĞ des peuples i reconnaitre et servir un dieu, n'est-ce donc point dans cet aveu Bcite empreint au ccrur de tous les hommes, oü se trouve plus encore, s'il est possible, que dans les sublimit6s de la nature, la preuve irr6vocable de l'existence de ce dieu supr€me? quoi! I'homm'e ne peut vivre sans adopter un dieu, il ne peut s'inıerroger sans en ırouver des preuves dans lui-m€me, il ne peut ouwir les yeux sans rencontrer partout des traces de ce dieu, et il ose encore en douter! Non, Florville, non, il n'y a point d'ath6e de bonne foi; I'orgueil, l'ent€tement' les passions, voili les armes desıructives de ce dieu qui se revivitie sans cesse dans le ccur de l'homme ou dans sa raison; et quand chaque battement de ce cceur, quand chaque trait lumineux de cette raison m'oIfrent cet €tre incontestable, je lui refuserais mon hommage, je lui d6roberais le tribut que sa bont6 permet i ma faiblesse, je ne m'humilierais pas devant sa gıandeuı, je ne lui demanderais pas la grİce' et d'endurer les misĞres de la vie' er di me faire un jour participer i sa gloire! je n'ambiıionnerais. pas la. laveur de.passer l'eterniı€ dans son sein. ou je risquerais cette m6me 6ternitĞ dans un gouffre effrayant de supplices, pour m'€tre refusğe aux preuves indubitables qu'a bien voulu me donner ce grand €tre, de la certitude de son existence! Mon enfant, cette effroyable alternative permet-elle meme un instant de r6ffexion? ö vous qui vous refusez opiniİtrement aux traits de flamme lanc€s par ce dieu meme au fond de votre cceur, soyez au moins justes un instant, et par seule piti€ pour vous-m€me, rendez-vous i cet argument invin-
Les Crimes de I'amour
Florailk el Couraal
cible de Pascal : tı s'il n'y a point de Dieu, que ıt vous importe d'y croire, quel mal vous fait < cette adh6sionl et s'il y en a un, quels dangers ( ne courez_vous pas i lui refuser votre foi? ı Vous ne savez, dites-vous, incı6dules, quel hommage offrir i ce dieu, la multitude des religions vorıs offusque; eh bien, examinez-les toutes, .j'y consens, et venez dire apris de bonne foi, i laquelle vous trouvez plus de grandeur et de majest6; niez' s'il vous est possible, ö Chr6tiens, que celle dans laquelle vous avez eu !e bonheur de naitre ne vous paraisse pas celle de toutes, dont les caractĞres ne soient les plus saints et les plus sublimes; cherchez ailleurs d'aussi grands mystöres, des dogmes aussi purs, une morale aussi consolante; trouvez dans une autre religion le sacrifice ine{I)ble d'un dieu, en laveur de sa cröature; voyez-y des Promesses plus belles, un avenir plus flatteur, un dieu plus grand et plus sublimel Non, tu ne le peux, philosophe du jour; tu ne le peux, esclave de tes plaisirs, dont la foi change avec l'€tat physique de tes nerfs; impie dans le feu des passions, cr6dule dös qu'elles sont calm€es, tu ne le peux, te dis_je; le sentiment l'avoue sans cesse, ce dieu que ton esprit combat, il existe toujours prös de toi, m€me au milieu de tes erreurs; brise ces fers qui t'atıachent au crime, et jamais' ce dieu saint et majesrueux ne s'6loignera du temple 6rig6 par lui dans ton cceur. C'est au fond de ce cceur, bien plus encore que dans sa raison, qu'il faut, ö ma chdre Florville' tıouver la n6cessitğ de ce dieu que rout nous indique et nous prouve; c'est de ce m6me cceur qu'il faut ögalement recevoir la nöcessitö du culte que nous lui rendons, et c'est ce cceur seul, qui te convaincra bientöt, chöre amie, que le plus noble et le plus 6pur6
de tous, est celui dans lequel nous sommes n6es. Pratiquons-le donc avec exacritude, avec joie, ce culte doux et consolateur, qu'il remplisse ici-bas nos moments les plus beaux, et qu'insensiblement conduites en le chğrissanı au dernier terme de notre vie, ce soit par une voie d'amour et de dölices que nous allions d6poser dans le sein de l'öternel, Cette ame 6manöe de lui, uni_ quement form6e pour le conna'itre, et dont nous n'avons dü jouir, que pour le croire et pour l'adorer. ı Voila comme me parlait Mme de L€rince. voili comme mon esprit se fortifiait de ses conseils, et comme mon ime se raröfiait sous son aile sacr6e; mais je vous l'ai dit, je passe sous silence tous les petits d6tails des 6v6nements de ma vie dans cette maison, pour ne vous arr€ter qu'i I'essentiel; ce sont mes fautes que je dois vous rĞv€ler, homme g6n6reux et sensible, et quand le ciel a voulu me permettre de vivre en paix dans la toute de la vertu, je n'ai qu'd le remercier et me taire. Je n'avais pas cessö d'ecrire iı MmedeVerquin, jc recevais rĞguliĞrement dcux loiş par moii de ses nouvelles, et quoique j'eusse dü sans doute renoncer i ce commerce, quoique la rĞforme de ma vie, et de meilleurs principes me conırai_ gnissenr en quelque laçon i le rompre, ce que je devais i M. de Saint-Prit, et plus que. tout, faut-il l'avouer, un sentiment secret qui m'entrainait toujours invinciblement vers les lieux oü tant d'objets ch6ris m'enchainaient autrefois, l'espoir, peut-€tre d'apprendre un jour des nou_ velles de mon fils, tout enfin m'engagea i continuer un commerce que Mme de Verquin eut l'honn€tet6 de soutenir toujours r6guliĞrement;
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j'essayais de I
la
cönvertiı, je
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lui
vantais les
Flotıille cı
Les Cimes de I'amour
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douceurs de la vie que je menais, mais elle les ioit"i, de chimöres, ölle ne cessait de rire de mes r6solutions, ou de les combattre, et touJours i..-. a.". les siennes, elle m'assurai-t qye ri:.n elle ;;';;";" ne serait capable de les affaiblir' s'aqu'elle prosÖlytes il.'rr.lrlt des nouvelies aubien dociliı6 leur elle metait -rrii, ) [aire, multipli6es chutes leurs mienne; J.r.", a. la de petits iiiı."t, ai'uit cette femme perverse' jamais sans qu'elle remportait ne rriomohes jeunes ccrurs ces d'enırainer et le'plaisir dĞlice's, au mal Ia consolait de ne pouvoır tarre tout Ceıu! que son imaginaıion lui dicıaiı' Je priais sou_ vlnı Mme de L6rince de me pr€ter sa plume-f ıo-y ouenıe Dour renverser m
'. apprendre.
'iı an a'r
ıemps, monsieuri venons i cetıe d. *, vie' i cette anecdote .rr".,.oph. ,"aonJ. ccEur chaque fois qu'elle mon qui brise ;;;;ı;". "oresenti i mon imagination' et qui vous ,e .""'..nrn, le crime affreuidonr je suis coupable' utir, t ., sans doure renoncer aux projeıs ırop Ratıeurs 'ı-. oue vous formiez sur moi' telle rĞguliĞrc *"i''"n de Mme de Lörince'
oue i'aie pu vous la peindre' s'ouwait Pourtant i'or'.ıoı.r"l amis; Mme de Dulfort, femme d'un i".Lı, 'ag", autrefois atrach6e i Ia princesse de
_L
Coumal
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Pi6mont, et qui venait nous voir trös souvenL demanda un .iour i Mme de Lörince Ia permission de lui prdsenter un jeune homme qui lui 6tait expressöment recommand6, et qu'elle serait bien aise d'introduire dans une maison, oü les exemples de vertu qu'il recevrait sans cesse, ne pourraient que contribuer A lü former le ccur. Ma protectrice s'excusa sur ce qu'elle ne recevait jamais de jeunes gens, ensuite vaincue par les pressantes sollicitations de son amie, elle consentit i voir le chevalier de SainıAnge : il parut. Soit pressentiment..., soit tout ce qu'il vous plaira, monsieur, il me priq en apercevant ce ieune homme, un lrömissement universel dont i[ me fut impossible de d6m6ler Ia cause..., je fus prdte i m'6vanouir... Ne recherchant point le motif de cet effet bizarre, je l'attribuai i quelque malaise intörieur, et Saint-Ange cessa de me frapper. Mais si ce jeune homme m'avait des la premidre vue agit6e de cette sorte, pareil effet s'6tait manifest6 dans lui..., Je l'appris enfin par sa bouche. Saint-Ange 6tait rempli d'une si gıande vĞn€radon pour le logis dont on lui avait ouvert l'enr6e, qu'il n'osait s'oublier au point d'y laisser 6chapper le feu qui le consumait. Trois mois se passdrent donc avant qu'il n'osit m'en rien dire; mais ses yeux m'exprimaient un langage si vif, qu'il me devenait impossible de m'y m6prendre. Bien d6cid6e i ne point retomber encore dans un genre de faute auquel je devais le malheur de mes jours, trös affermie par de meilleurs principes, je fus pröte vingt fiois i pr6_ venir Mnie de' L6rince des sentiments que je croyais dĞm€ler dans ce jeune homme; retenue ensuite par la crainte que je craignais de lui faire, je pris le parti du silence. Funeste r6solution sans
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Les Cimes de I'amour
doute, puisqu'elle fut cause du malhe-ur e{Irayant que je vais bientöt vous apprendre.
Nous ötions dans l'usage de passer tous les ans, six mois dans une assez jolie campagne que poss6dait Mme de L6rince i deux lieues de paris; M. de Saint-Prdı nous y venait v<ıir souvent; pour mon malheur la goutte le retint cetıe ann6e, il Iui fut impossible d'y paraitre; je dis pour mon malheur, monsieur, parce qu'ayant naturellemenı plus confiance en lui qu'en sa parente. je Iui aurais avou6 des choses que je ne pus jamais me r6soudre i dire i d'aures, et dont les ayeux eussent. sans doute pr6venu le funeste accident qul arrıva. Saint-Ange demanda permission i Mme de LĞrince d'€tıe du voyage, et comme Mme de Dullort solliciıait 6galement pour lui cetle grece. elle lui fut accord€e. Nous 6tions tous assez inquiets dans la sociĞt6 de savoir quel 6tait ce jeune homme; il ne paraissait rien ni de bien clair, ni de bien d6cid6 sur son existence; Mme de Dulfort. nous le donnait pour Ie fils d'un gentilhomme de province, auquel elle appartenair; lui, oublianr quelquefois ce qu'avair dit Mme de Dulfort, se faisiit passer pour pi6montais; opinion que fondait assez la maniĞre dont il parlait italien. II ne servait point, il 6tait pourtant en dge de faire quelque ihose, et nous ne le vofons encore d€cid6 i auotn parti. D'ailleurs une rĞs jolie figure' fait i peihdre. le mainıien fort d6cenı, le propos trĞs honnite. tout l'air d'une excellente €ducation, mais au travers de cela une vivacitĞ prodigieuse' une sorte d'impĞruosit6 dans le caractdre qui nous effrayait quelquefois. Dös que M. de Saint-Ange fut i la campagne, ses sentiments n'ayant fait que croitre par le
FIomiLIe et CouruaL
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i leur imposer' il lui de me les cacher;je fremis"', devinı et devins pourtant assez maitresse de moi-m6me pour ne lui monrer que de la piıi€. ' <ı En viritĞ, monsieur' lui dis-je. il lauı que vous mĞconnaissiez ce que vous pouvez valoiı, ou oue vous ayez bien du ıemps i perdre. pouı I'employet uu.i r.. femme qui a le double de vor; eğe; mais i supposer m6me que-je fusse assez loile pour vous icouter. quelles prötenıions ridicules oieriez-vous lormer sur moi2 par les ncruds ler - Celles de me lier i vour que vous m'esrimcriez nlus saints, mademoiselle: d'autres! pouviez supposer m'en Leu. si ,ous ' En vĞriĞ, monsieur. je ne donnerai poinı au oublic la scĞne bizarre de voir une fille de tren'te-quatre ans 6pouser un enfant de dix-scpt _ ,q.h ı cnıelle, verriez-vous ces faibles disrrroDortions. s'il exisıait au fond de votTe c(rul i, 'i-riııia-. partie du feu qui d€vore le mien ? que pour moı' Je - Il est cerain, monsieur' suis trös calme...' ie le suis depuis bien des annÖes' et le serai i'espĞri aussi lonğtemps qu'il plaira} Dieu de m-e laisser languir sur la terre' vous - Vousunm'arrachez jusqu'i l'espoir de aıtendrir iour. _ Ie vais "plus loin. i'ose vous dĞfendre de de vos folies' m'en"rretenir plus longıemps 'vous voulez donc lt' rlorv'ille, et ı befle vie ? ma de malheur _ J'en veux le repos et-la f6licitĞ' ne peut exister qu'avec vous' - iout cela que vous ne d€mıirez pas des tant oui... sentiments ridicuies que vous n'auricz jamais dü concevoir; .r.uy., d. les vaincre, tichez d'€tre maıfe de Vous' votre tranquillit6 renaitra' - Je ne le Puis. avait cherche lrein qu'il 'impossible
Iıs
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Cimes de l'amlur
- Vous ne le voulez point, il faut seoarer pour y:Ğussir; soyez deux ,*nous '-. ,"r, voır' cette etteryescence s,6teindra, vous m,ou-
olıerez' et Vous serez heureux_ - Ahl jamais, jamais, Ie. bonheur ne sera pour moi qu'i vos pieds... > Et comme la sotiĞtĞ nous reioimait. notre premiĞre conversation resa Ii. Trois jours apres, Saint-Ange ayant trouvĞ le -moyen de me renconrer encore'seule, voulut reprendre le ton de lıavant_veille. i;;. -.;;;; fiois je lui imposai silence avec tanr de ricurur. que ses_ larmes coulĞrent ,u.. .to"a"',..;.ı-# quitta brusquemenı. me diı que je le m.tıri. au oesespolr' et qu,il s'arracheriit 5ientöt |avie, sı Je conttnuais i le rraiter ainsi... Revenant ensuite comme un fiurieux sur ses pas... < Mademoiselle' me diı-il, vous ne connaissez ,1.a que vous outragez..., non, vous ne la 91. coıınaıssez pas..., sachez que je suis capable de me porıer aux derniĞres ext-r€miı€s...,. i celles meme quf vous €tes peut-€rre bien loin de oenrn,Y Porterai. mille fois pIuıöique l.j:^'-ll,: J.au bonheur oe_renoncer d.itre a vous. ı Et il se retira dans une allreuse douleur. l.e- ne fus jamais plus tentde qr'rlorr-d. pr.ı.. -i, i. Mme de L6rinci. mais je vous le .Ari,.rTaınle de nuire d ce jeune homme mi retint Je-me rus. Saim-Ange jours huit i me [uir, p:,:.. *. parlait-il, iI-fut m.eviaii i table..., dans ı_ re saton..., aux promenades, et tout cela sans ooure.pour voir si ce changement de conduite en moi quelque impression, si j'eus İ:::11'r,. -mais partage. ses sentiments. le moyin 6tait sür. euş si loin, qu,i peine eus-je l,air de me J-,!n oouter de ses manceuwes Enfin il m'aborde au fond des jardins... _
Florıille et Coumal
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< Mademoiselle, me dit-il dans l'6tat du monde le plus violent..., j'ai enfin r6ussi i me calmer, vos conseils ont fait sur moi I'effet que vous en attendiez..., vous voyez comme me voili redevenu tranquille... je n'ai cherch6 iı vous trouver seule que pour vous faire mes derniers adieux..., oui, ie vais vous fuir iı jamais, mademoiselle..., je vais vous fuir.... vous ne verrez plus celui que
vous haissez..., oh ! non, non, vous ne leverrez plus.
- Ce projet me hit plaisir. monsieur. j'aime vous croire en6n raisonnable; mais, ajouıai-je en souriant, votre conversion ne me parait pas encore bien r6elle. - Eh ! commenı faur-il donc que je sois' mademoiselle, pour vous convaincre de mon indi{ference? - Tout autrement que je ne vous vois. Mais au moins quand je serai parti..., quand vous n'aurez plus la douleur de me voir, peuı-ötre croirez-vous h cette raison oü vous hite. ont d'effors pour me ramener? - Il est wai qu'il n'y a que cette ddmarche qui puisse me le persuader, et je ne cesserai de vous la conseiller sans cesse. - Ahl je suis dont pour vous un objet bien aifreux? _ Vous €tes, monsieur, un homme fort aima-_ ble, qui devez voler i des conqudtes d'un autre prix, et laisser en paix une femme i laquelle il est impossible de vous entendre. - Vous m'entendrez pourtant, dit-il alors en fureur, oui, cruelle, vous entendrez, quoi que vous ne puissiez dire, les sentiments de mon eme de feu, et l'assurance qu'il ne sera rien dans le monde que je ne fasse..., ou pour vous m6riter, ou pour vous obtenir... N'y croyez pas au moins, reprit_il impötueusement' n'y croyez pas i. ce i
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Les Crimes de I'amour
d6part simulĞ,
je ne I'ai feint que Pour
vous 6prouver..., moi, vous quitter..., moi, m'arracher au lieu qui vous possĞde, on me priverait plutdt mille fois du jour... Haissez-moi, perfide, haissezmoi, puisque ıel est mon malheureux sort, mais n'esp6rez jamais vaincre en moi I'amour dont je brüle pour vous... )) Et Saint-Ange 6ıait dans un tel Ğtat en prononçant ces derniers mots, par une fatalitĞ que je n'ai jamais pu comprendre, il avait si bien rĞussi i m'€mouvoir, que je me d6tournai pour lui cacher mes pleurs, et le laissai dans Ie fond du bosquet, oü il avait tı_ouvğ le moyen de me joindre. Il ne me suivit pas; je l'enıendis se jeter i terre, et s'abandoırner aux excis du plus affreux dğlire... Moi_m€me,' fauı- il vous l'avouer, monsieur, quoique bien certaine de n'Ğprouver nul sentiment d'anrour pour ce jeune homme, soit commisğration, soit souvenir, il me fut impossible de rıe pas ğclater i mon tour. < H6las! me disais-je en mc livrant i ma douleur..., voild quels 6raient ies propos de Senneval...' c'€tait dans les m€mes termes qu'il m'expri_ mait les sentiments de sa flamme..., ögalement dans un jardin..., dans un jardin comme celuici..., ne me disait-il pas qu'il m'aimerait toujouis..., et ne m'a-t-il pas cruellement tromp6e!... Juste ciel! il avait le m€me age... Ahl Senneval..., Senneval, est-ce toi qui cherche i me ravir encore mon repos? eı ne reparais-tu sous ces traits s6ducteurs que pour m'entrainer unc seconde fois dans I'abime?... Fuis, liiche..., fuis..., j'abhorre i pr6senı jusqu'i ton souvenir! ı J'essuyai mes larmes, et fus m'enfermer cheı
moi jusqu'i I'heure du souper; je descendis alors..., mais Saint-Ange ne parut pas, il fit dire qu'il ötait malade, et le lendemain, il fut assez
Flomillc et Coumal
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eour.ne me laisser lire sur son fiont que 1!r9it oe la tranquillite..:, je m,y rompai; je cnıs re'eıIement qu'il avait fait assez d,effbrts sıir lui_m€me Po{,lvoir_ _v.1incu sa passion. -;e m'abusals; ie Bı1d:|... d'ınvecdves..., .H6las!.que dis-je, moinsieur, je ne'lui ools Plus il n'a pIus de dririts ou'i mes il n,en a plus qu'i a., ."_oid.. .larmes, saınt_Ange ne semblaiı aussl calme, que parce que ses plans Ğıaient dresses; deııx iouis se oasserent atnsi' et vers le soir du "ıroisiĞmi_ ;l publiquement son d6part; iı p.ia ;r; lıno"ts Dulfion, sa prorecrrice, e.. ;.rrJg;-;;;; Ll_:* relatrİs a leurs communes affaires i Paris". On se coucha... pardonnez_moi, monsieur, .Ie-trouble oü me jetıe d,avance l" .Ğ.i, l;_;;;;; aııreus€ catasrophe; elıe ne se peint iamais i ma mĞmoire sans me faire frissoriner aJn"-."J
Comme il hisaiı une .ı,"ı.". o"j*., m'Ğuis jet6e dans mon lit presque nue; l. ma lemme de chambre dehors, je veniis d,öteindre ma bougie... Un sac i ouwage 6taiı malheureusement restĞ ouvert sur mon lit, parce oue ie venais de couper des gazes dont j'arr'ai. U..iri; i. ıendemain. A peine mes yeux commençaient-ils
a se ıermer, que j'entendis du bruit..., je me releve
sur mon s6anı avec vivaciı6..., je mc sens saisie par une main... Tı fuiras plus, Florville, me diı 'r. me. ^ :, saınt-Ante..., c'6taiı Iui... Pardonne i l'exces de ma. passion, - mais ne cherche pas i t'y ,o,r._ traire..., il faut que tu sois i moi. Infime sĞducteur! m,6criai-je. fuis dans ,,. I rnshnt, ou crains ıes effets de mon courroux... -1. n,.. crains que de ne pouvoir," p"r.ej.i, .,nlle cruelle ı, reprit cet ardent jeune' homme, en se.pr6cipitant sur moi si adroiiement et dans un tel Ğtat de fureur, que je devins
'" "i.,;-.
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Iıs
Cimes de Pamour
avant que de pouvoir I'emp6cher... Courrouc6e d'un tl excöj d'audace, d'6cidĞe i Plutöt que d'en soufftir la suire, .;e me .tout en me Jerte -ciseaırxdĞbarrassanı de lui, sur les que j'avais i mes pieds; me possödant nĞanmoins da."ns ma fureur',je cherche son bras pour l'y atıeindre, et Pour l etİrayer par cette r6solution de ma part, bıen'_plus que.pour le punir comme il mĞiitaii oe I etre; sur le mouvement qu.il me sent faire, il redouble la üolence des siens. Fuis! ıraitre, m'6criai_je en croyanı le frap__< per au bras. fuis dans l,insıant, et rbugis de ıin crime... ıı Oh! monsieur, une main faıale avait diris6 rnes coups..., Ie malheureux jeune homme jeie un cri er tombe sur le carreau... Ma_i"". bouJie i l'instant rallumĞe, je m,approch.... ".i.ü ' Je I-al .lrapp€ dans le ccrur.'.' il expirJ!.-. Je me prĞcipite sur ce cadavre sanglanr...', j. ı;;;;; avec delıre sur mon sein agiı6..., ha bbuche em.prginte sur la sienne veut-rappeler i-" qui s'exhale: je lave sa blessure'd'e ""a oı.r..._ O r<-ıi| donı le seul crime fut de me-., trop aimer, dis-je avec |'Ğgaremenı du ddsespoir' miritais-ru donc un supplice pareil., deviis-ru perdre la vle.Par la main de celle i qui tu aurjis sacrifiĞ la tıenne? O malheureux jeune homme.... imaee de celui que. j'adorais, s'il ne faur que t,aimir pour te ıendre i la vie' apprends, .., c"t inioü ıu ne peux malheureusement plus :l_,_:iı'' m entendre..., apprends, si ron dme pafpire encore, que je voudrais la ranimer a, prix be -.. ..;ours...' apprends que ıu lle me fus jimais indifıerent..., que je ne t'ai jamais vu ians trouble, ıes sentiments que j'Ğprouvais pour ıoi !! 'ıue peut-dtre ebıent bien sup6rieuis i ceux du faible amour qui brülait dans ton ccur.
Floruillı
et
Coumal
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A ces mots je tombai sans connaissance le corps de cet infortun6 jeune homme,
sur ma femme de chambre entra, elle avait entendu le bruit, elle me soigne, elle joint ses efforrs aux miens pour rendre Saint-Ange i la vie... H6las! tout est inutile. Noııs sortons de ce fatal apparte_ menı' nous en fermons la porte avec soin. nous emportons la cleli et volons i I'insant i Paris, chez M. de Saint_Prİt... Je le fais eveiller, je lui remets la clef de cette funeste chambre, je lui raconte mon horrible aventure, il me plaint, il me console, et tout malade qu'il est, il se rend aussitdt chez Mme de L6rince; comme il y avait fort prĞs de cette campagne i Paris, la nuit suffit i toutes ces d6marches, Mon protecteur arrive chez sa parente au moment oü on se levait, et oü rien encore n'avait ıranspir6; jamais amis' jamais parenB ne se conduisirent mieux que dans cette circonstance; loin d'imiter ces gens stupides ou feroces qui n'ont de charmes dans de telles crises, qu'i 6bruiter touı ce qui peut fl6trir ou rendre malheureux et eux et ce qui les entoure, i peine les domestiques se doutörent-ils de ce qui s'6tait pass6.
>
tt Eh bien! moıısieur, dit ici Mlle de Florville en s'interrompant, i cause des larmes qui la
suffoquaient, €pouserez-vous maintenant une fille capable d'un tel meurtre? Souffrirez-vous dans vos bras une cr6ature qui a m6ritĞ la rigueur des lois2 une malheureuse enfin. que son crime tourmente sans cesse, qui n'a pas eu une seule nuit tranquille depuis ce cruel moment. Non monsieur; il n'en est pas-une.oü ma malheureuse vicıime ne se soiı pr6sentöe i moj inond6e du sang que j'avais arrach6 de son c(ıur. - Calmez-vous, mademoiselle, calmez-vous,
Les Cıimes de l'amouı
Floıaillc a Coumal
diı M. de Courval en möIanı ses larmes i celles de cette fille intĞressanıe; avec l'ime sensible que vous avez regJe de la nature, je conçois vos remords; mais il n'y a pas m6me I'apparence du crime dans cette fatale aventure, c'est un malheur affreux sans doute, mais ce n'est que cela; rien de pr6m€dit6, rien d'atroce, le seul d6sir de vous soustraire au plus odieux attenht..., un meurtre, en un mot, fait par hasard, en se d6fendant... Rassurez-vous, mademoiselle, rassurez-vous donc, je l'exige; le plus s6vĞre des tribunaux ne ferait qu'essuyer vos larmes; oh! ctımbien vous vous 6ıes cromp6e. si vous avez crainı qu'un tel ğv€nement vous fit perdre sur mon Ccur ıous les droits que vos qualit€s vous assurent. Non, non, belle Florville, cetrc occasion' loin de vous d6shonorer, relğve i mes yeux l'ğclat de vos vertus, elIe ne vous rend que plus digne de trouver une main consolatrice qui vous fasse oublier vos chagıins. - Ce que vous aVğZ la bontĞ de me dire, repıit Mlle de Florville, M. de Saint-Prdt me le dit 6galement; mais vos excessives bont6s i I'un er i l'autre n'6touffent pas les reproches de ma conscience, jamais rien n'en calmera les remords. N'importe, reprenons' monsieur, vous devez €tre inquiet du dĞnouemenı dc tout ccci. Mme de Dulfort fut d6sol6e sans doute; ce jeune homme ırös intöressant par lui-m€me lui ğtait trop Particuliirement reco_mmand6 pouı ne pas d6plorer sa perte; mais elle sentit les raisons du silence, elle vit que l'6clat, en me perdant, ne rendrait pas la vie i son prot6g6, et elle se fut. Mme de LĞrince, malgr6 la s6v6rit6 de ses principes, et I'excessive rdgularit6 de ses mceurs, se conduisit encore mieux, s'il est possible, parce que la Prudence et l'humanite sont les Caractöres
distinctifs de la waie piĞt6; elle publia d'abord dans la maison, que j'avais fair la folie de vouloir retourner i Paris pendant la nuit pour jouir de la fiaicheur du temps, qu'elle 6tait padaitemenı insrnıite de cette Pedte extravagance; qu'au reste j'avais d'autant mieux hir, que son proier i elle, 6tait d'y aller souper Ie mĞme soirl solus ce pr6texte elle y renvoya tour son monde. Une fois seule avec M. de Sainı-Prit et son amie, on envoya chercher le cur6; le pasteur de Mme de Lğrince devait €tre un homme aussi sage eı aussi 6clair6 qu'elle; il remit sans difficult6 une artestation en rĞgle i Mme de DulforL et enterra luim€me, secrĞtement avec deux de ses gens' la malheureuse victime de ma fureur. Ces remPlis, tout Ie monde reParuı, le -soins jurĞ de part et d'aure. et M. de Saint_ secret fuı Pret vint me calmer en me faisant part de tout ce qui venait d'dtre fait pour ensevelir ma faute dans le plus profond oubli; il parut dĞsirer que je retournasse i mon ordinaire chez Mme de L6rince..., elle Ğtaiı prdte i me recevoir..., je ne pus le prendre sur moi; alors il me conseilla de me distraire. Mme de Verquin, avec laquelle je n'avais jamais cess6 d'dtre en commerce comme je vous l'ai diı, monsieur, me pressaiı toujours d'aller encore passer quelques- mois avec- elle, je parlai de ce projet i son [rĞre, il l'approuva, et huit jours aprös je Partis pour la Lorraine; mais le souvenir de mon crime me poursuivaiı partout, rien ne parvernit i me calmer. Je me r€veillais au milieu de mon sommeil' croyant entendre encore les g6missemens et les cris de ce malheureux Saint-Ange, je le voyais sanglant i mes pieds, me reprocher ma barbarie, m'assurer que le souvenir de cette affreuse acdon me poursuivrait .jusqu'i mes derniers insanr,
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|e vous conjurc'
_--t
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Iıs Cimes dı
l'amour
et que je ne connaissais pas le ccur que j'avais
amusernenb que l'impitoyable mon vient trancher le fil de leurs jours, et vivant, sans jamais s'occuper de cet instant fatal, üvant comme s'ils devaient o
d6chir6.
Une nuit, entre autres, Senneval, ce malheureux amanı que je n'avais pas oubli€, puisque lui seul m'enıraİnaiı encore i Nancy..., S}nneval me faisait voir i la fois deux cadawes, celui de Saint-Ange, et celui d'une femme inconnue de moir, il les arrosait tous deux de ses larmes et me montrait non loin de li, un cercueil h6rissĞ dl6pines qui paraissair s'ouwir pour moi;je me r&eillai dans une affreuse agitation, millC sentiments confus s'ğlevörent alors dans mon ime, unc voix secröte scmblaiı me dire : < oui' tant que tu resPireras' ccııe malheureuse vicıime t'arra-
chera des larmes de sang. qui deviendronı chaque
jour plus cuisantes; eı I'aiğuillon dc
tes remoids s'aiguisera sans cesse au lieu de s'6mousser >>. foili l'6tat oü j'arrivai i Nancy, monsieur, mille_ nouveaux chagrins m'y atıendaienı ; quand une İois la main du sorı s'appesantit sur noust ce n'est qu'en redoublant que ses coups nous
ecrasent.
Je descends chez Mme de Verquin, elle m'en
alaiı priöe par sa
derniĞre leıtre, eı se faisait, disaiı-elle, un plaisir de me revoir; mais dans quelle siıuation, juste ciel! allions-nous toutes deux goüter Cette joie! elle 6tait au lit de la mort quand j'arrivai, qui me l'eüt dit, grand Dieu ! il n'y avait pas quinze jours qu'elle miavait 6crir..., qu]e||e m9 parlait de ses plaisirs prĞsenr, eı qu'elle m'en annonçait de'prochains; et voili donc quels sont les projeıs des mortels, c'esı au
reuses et de roses, ornaient tous les coins de son
appaftement, elle en effeuillait dans une corbeille, elle couwait et sh chambrç et son lit. Elle me tend la main dös qu'elle me voiı. < Approche, Florville, me dit-elle, embrassemoi sur mon Iit de fleurs..., Comme tu es devenüe grande et belle..., oh ! ma foi mon enfant, la vertu t'a r6ussi..., on t'a dit mon ğtat..., on te l'a dit,
moment oü ils les fiorment, c'est au milieu de leurs , I. Qu'on ı'oublie pas l'expression : ... l)w |ııııııu ıncoımuı .k mot, ahn de fle pas confondre. Florville a encore quelques
Perles a |aire, avant quc le voile ne se |ave, eı ne iui fisse
conııaitre la femme qu'elle voyaiı en scınge.
_l
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Iıs Cimıs dı
I'amour
Florville..., je le sais aussi..., dans peu d'heures serai plus; je n'aurais pas cı.ıı te revoir pour aussi peü de temps..., et comme elle vit mes yeux se remplir de larmes : allons donc folle, me dit-elle, ne fais donc pas l'enhnt..., ru me crois donc bien malheureuse? n'ai-je pas joui autanr que femme au monde? Je ne perds qui les annĞes oü il m'eüt fallu renoncer au plaiiir, et qu'euss6-je hit'sans eux? En v6riı6 ie ne me plains point de n'avoir pas vĞcu plus viöille: dans quelque temps' aucun homme n'eüt voulu de moi, et ie n'ai iamais d6sirĞ de viıre que ce Qu'il [hJlait.pour. ne pas inspirer du dĞgoüi La mort n est a craındre, mon enlhnı, que Dour Ceux qui croient, toujours enrre I'enfei et ie paradis, ıncertalns de celui qui s,ouwira pour eux, cette anxi6t6 les dĞsole; pour moi qui n'espĞre rien, pouı moi qui suis bien süre de n'6tri pas plus malheureuse aprös ma mort que je n'e l,3tais avanı rna vie, je vais m'endormii trinquillement dans le sein de la nature, sans regret, comme sans douleur' sans remords comme"sans inquiĞ_ tude. J'ai demand6 d'ötre mise sous mon beriea,l j--i.,r, on y prĞpare döjİı ma place, i,y serai, !5 Ilorvılle, et les atomes 6man6s de ce corpsi6mrit serviront i. nourrir..., i faire germer li ffeur de touıes' que j'ai Ie mieux aim6i; tiens, continuat_elle en badinaIıt sur mes joues avec un bouquet de cette Plante, l'annĞe pröchaıne en sentant ces neurs, ru respireras dans leur sein l,ime de ton ancienne amie; en s'€lançant vers les fibres de ton cerveau, elles te donneront d; joıies id6es, elles te forceront de penser encore i-moi. > Mes larmes se rouwirent un nouveau pas_ yge...' je serrai les mains de ceııe malheurluse İemme, et -voulus changer ces effiayantes id6es oe matenalisme conu-e quelques systĞmes moins
je ne
Florıille
et
Coırıal
8i
impies; mais i peine eus-je tlit dclater ce ddsir, que Mme de Verquin me repoussa avec eflioi... rr o Florville. s'öcria-r-el]e, n'empoisonne pa.s, je t'en conjure mes derniers moments, de tes erreurs, et laisse-moi mourir franquille; ce n'est pas pour les adopter i ma mort que je les ai d6testĞs toute ma vie-.. ı Je me tus; qu'eüt fait ma ch6tive öloquence auprĞs de tant de fermet6, j'eus d€sol6 Mme de Verquin, sans la convertir, l'humanitğ s'y opposait; elle sonna, aussitöt j'entendis un concert doux er mflodieux, dont les sons paraissaient sortir d'un cabinet voisin. < Voiliı, dit Cette öPicurienne, comme je pr6tends mourir; Florville, cela ne vaut-il pas bien mieux qu'entouröe de pr6tres' qui rempliraienı mes derniers momenıs de trouble' d'alarmes et de d6sespoir... Non, je veııx apprendre i tes dövots, que sans leur ressembler on peut mourir tranquille. je veux les convaincre que ce n'esı pas de la religion qu'il lauı pour mourir en paix, mais seulement du courage et de la raison- > L'heure avançait : un notaire enra, elle l'avait üit demander; la musique cesse, elle dicte quelques volont6s; sans enfants, veuve depuis plusieurs ann6es, et paı cons€quent maitresse de beaucoup de choses, elle fit des legs i ses amis, et i ses gens. Ensuite elle tira un petit co{fıe d'un secI6taire plac6 prĞs de son litıı Voili maintenant ce qui me reste, dit-elle, un peu d'argent comphnt et quelques bijoux. Amusons-nous le reste de la soir6e; vous voili six dans ma chambre, je vais faire six lots de ceci, ce sera une loterie, vous la tirerez entre vous, et prendrez ce qui vous sera 6chu. ı Je ne revenais pas du sang-froid de cette femme; il me paıaissait incroyable d'avoir autant
Iıs Cimes
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de choses
ı]..
i
d,e
l'amouı
FluıiIIı
i
se reprocher, et d,arriver son derT9T.ıt avec un teı calme, funeste effet de
la fin.horriüe ;; q;;iq;
İ1ıT:*]*6: mechans fait fi6mir, "si combien d"iiprr-;it;;; davantage un endurcissemen, ;;rrl ". ;;;;;. Cependant, ce -qu'elle a d6sirö s'ex6oıte; elle hit servir une- coliation -rgnifiqr", .ıı" ;r;;; u( PruJlcul5 Pıats' boit oes des vlns vins d,EsDagne d,Espagne et des Plats, Dolt dk İ: |-*l..l.' lıqueurs, le. m6decin lui ayant dit cela eit ğuö 6gal dans l'6tat oü elle se trouve. La loterie se tire, il nous revient i chacun pres de cent louis' soiı en or, soiı en biioux. Ce petiı. jeu finissait i peine qu,une ..i*,;i.; Ia sarsıt. <'Eh bien! est-ce pour i prĞsent? dit_elle au mede_cın,. toujours avec la s6rĞnit6 la plus entidre. Madame, le Ie crains. - Viens doic, Florville, me dit_elle, en me -, tendanı.les bras, viens recevoir mes derniers aolerD(' Je veux^expirer sur le sein de la vertu... ı; elle me serre fiortemenı cohtre elle, et ses bea,-x yeux se ferment pour iamais. . EırangĞre dans ceite maison. n'ayant plus rien qui püt m'y fixer, j'en Sorlis sur-Ie_cham;... .;e vous laisse i penser dans quel ötaı... et comüien Ce spechcle noircissaiı encoie mon imagination. Trop de distance existait .".r. ıu aç""'a. p.rMT: .d. Verquin eı la mıenne, iİ. -1: Pour que Je Pusse. I'aimer bien sincöremenı; ,,,Ğı"iı-JlI. pas d'ailleurs la premiĞre cause de mon d6shonneur, de to^us les revers qui l'avaienı suiviP Cenenoant certe temme, scur du seut homme oui i-eellement eüt.pris soin de moi' que d, excellenıs proc6d6s i mon"';;;i;l#;;;; 6gard.-elle m'en comrı|aıt encore mime en expirant; mes larmes İurent sincĞres' et leur amertume redoubla -donc en r6flöchissant qu'avec d'excell."; q;;ıi;;;
eı Coamal
cette mis€rable cr6ature s'6tait perdue involon_ tairement, et que d6ji rejet6e duiein de l'ğternel, elle subissait mıellement, sans doute, les peines dues i une vie aussi d6prav6e. La bont6 suprdme de Dieu ünt ndanmoins s'offiir iı moi, pour cal_ mer ces desolantes id6es; je me jetai i genoux, j'osai prier l'€tre des €tres de faire grİce i cette malheureuse; moi qui avais tant de besoin de la
misöricorde du Ciel, j'osai I'implorer pour d'autres' et pour le fl6chir autanı qu'il pouvait dğpendre de moi, je joignis dix louis de mon argent au lot gagn6 chez Mme de Verquin, et fis sur-le-champ distribuer le tout aux pauwes de
sa paroısse.
Au reste, les intentiorıs de cette infortun6e, furent suivies ponctuellement; elle avait pris des arrangements troP sürs pour qu'ils pussenı
manquer; on la d6posa dans son bosquet dejasmins, sur lequel ötait grav6 Ie seul mot : Vıxır. Ainsi pĞrit la scur de mon plus cher ami; remplie d'ösprit et de connaissances, p6trie de grices et de talents, Mme de Verquin eüc pu, avec une autre conduite, m6riter l'estime et l'amour de tout ce qui l'aurait connue; elle n'erı obtint que le möpris. Ses d6sordres augmentaient en vieillissant; on n'est jamais plus dangereux, quand on n'a point de principes, qu'i I'ige oü Fon a cessĞ de rougir; la d6pravation gangrĞne le cceur, on raffine ses premiers travefs, et I'on arrive insensiblement aux forfaits, s'imaginant encore n'en €tre qu'aux erreurs; mais l'incroyable aveuglement de son frĞre ne cessa de me surprendre : telle est la marque distinctive de la candeur et de Ia bont6; les honndtes gens ne soupçonnent jamais le mal dont ils Tont incapables eux-m€mes, et voili pourquoi ils sont aussi facilement dupes du premier fiipon qui
84 s'en
Les Crime s de I'amoır
Floıılille et Counal
.empare, et d'oü vient qu'il y a tant d,aisance
et si. peu de gloire i les tromper; I'insolent coquin qui y ıiche n'a travaill6 ğu'i s,avilir, et sans m€me avoir prouvi ses talents pour Ie vice' il n'a priıc t1ue plus d'Ğclaı a Ia veriu.
En peıdant Mme de Verquin' je perdais ıouı espoir d'apprendre des nouvelles de_mon amanı et de mon fils, vous imaginez bien que je n,avais pas osi Iui en parler dans I'Ğrat jffreux oü je I avais !.ue. Andande de cetre ca.tastrophe, trds fatigu6e .d'un voyagc [ait dans rn"..riıı. siıuaıion daes_ prit. je risolus de me reposer quclque ıcmps i Nancy, dans l'auberge oü' je m'€iais eıablie' 'sans voir absolumenı qui que ce lüı. puısque M. de Saint-Prdı a.,ait_ piru 'dĞsirer qui j.y iiguisasse mon nom: cc ful de liı que j,ecrivis i'ie cher protecıeur. derid6e de nc parıir qu.apres sa
reponse. Une mılheurcu,e jlle quı ne uouı esl rien' mon. sıeur''.lui disais-je, quı n'a de droiıı qu'i volre pıtie lroublc iİemclleicnt uolft ui(: au lieu dc ne'vous' mtreıenir que de la douleur oü vous deaez itre rela-
lıu.menı a la.pclte que ıous uenez pa er d'eLle, uous demınder
vous
allendre
eıc.
d.e
|aire, elle
ıoi
ose
ordres et les
Mais' il etair dit que le malheur me suiwait Partoutl et 'que je_ serais perp6tuelle menı, ou ıemoın ou vıc(ıme de ses ellets sinisıres. Je reverıais un soir assez tard, de prendre l,air avec ma femme de chambre, ie n'eıiis accomDa-
gn6e que de ceııe fi|lc et d'u; laquais de louJge, gue J avaıs prls en arrivanı i Nanry: touı lc monde 6taiı dĞji couchĞ. Au momeıit d.entrer chez moi, une lemme d'environ cinqu2nls lnagrande, lort bel|e encoıe, que ie connaissais de vue depuis que ie logeais dins"la m€me maison
85
qu'elle, sort tout ir coup de sa chambre voisine de la mienne, et se jette, armöe d'un Poignard, dans une autre piĞce vis-iı-vis... L'action narurelle est de voir..., le vole..., mes gens me suivent; dans un clin d'c;il, sans que nous ayons le temps d'apPeler ni de secourir... nous aPercevons Cette misĞhble se pr6cipiter sur une autre femme, lui plonger vingt fois son arme dans Ie cceur' eı renrer chez elle ögarĞe' sans avoir Pü nous döcouwir. Nous crümes d'abord que la töte avait toum6 ) ceııe cröature; nous ne pouvions comprendre un Crime, dont nous ne d6voilions aucLın motif; ma femme dc chambre et mon domestique voulurent crier; un mouvement plus impĞrieux, donı je ne pus deviner la cause, me contraignit i les faire iaire, i les saisir par le bras, et i les enrainer avec moi dans mon aPPaftement' oü nous nous enfermimes aussitötUn train alfreux se fit bientöt entendre; la femme qu'on venait de Poignarder s'Ğtait jeıee, corrrrne elle avaiı pu' sur les escaliers' en Poussant des hurlemens 6pouvantables; elle avait eu le teınps' avant que d'expirer, de nommer celle qui l'assassinait; et comme on sut que nous 6tions les derniers rentr6s dans l'auberge, nous fümes arr€tös en meme temps que Ia coupable. Les aveux de la mourante ne laissanı nöanmoins aucrın doute sur nous' on se contenı:l de nous sigııifier dĞfense de sortir de l'auberge, iusou'İ la conclusion du orocös. La criminelle '*.ıir.a ." prison n'avoua' rien, et se döfendit fermement; il n'y avait d'autres t6moins que mes gens et moi' il hllut paraitre..., il falluı parler, i] fallut cacher avec soin ce trouble qui me dövo.rait secrĞternent, moi..., qui mĞritais la mort comme celle que mes aveux forc6s a|laienı ırainer au supplice, puisque aux circonstances prĞs,
86
Iıs Crima ıh
Flonille
l'amour
j'6ais coupable d'un crime pareil. Je qu€ au-raıs donnğ
ne sais ce
ces cnıelles dĞpo_
Pour futer il me semblait, en les dictanı, qr,o., ai'.'sıuons;autant de gouttes 'chaıt. de sang de ıiıon ccur, que je prof6rais de paroles; cğendant il fal|ui tout dıre : nous avoümes ce qu6 nous avions vu. Quelques convictions qr'o., .üt d'ailleurs sur le crıme de cetıe lemme, donı l'hisıoire Ğtait d'avoir assassinĞ sa rivale. oueloııe certains, disje, que l'on [üı de ce d6lii nörr rr-* postııvement J
apres, que sans nous! il eüt öıö imp'ossible de la condamncr, parce qu'il y avaiı dans' l'ave.r,rri ,n homme.de compromis, qui s'Ğchappa, eı que l'on auralı Dlen.Pu souPçonner; mais nos aveui' celui ou laquaıs de Iouagesurıouı' qui se trouvait homme de l-auberge...' homme atıachö a la maison oü le crime avait eu lieu..., ces cnıelles depositions, quii nous öait impossible de refuser sans nous ComPromettre' scellörent la mort de cette infortun6e. A ma derniĞre confrontation, cette femme m'examinant avec le plus gr.na ,"l.ir.i.n.ni, me demanda mon ige. < Trente-quatre aıii, lui dis_je. - .Trente-quatre ansi... eı "vous 6tes de cette Provınce/... - Non, madame. - Vous vous appelez Florville? ___9ri, repondis-je, c'est ainsi qu'on me nomme. _ Je ne. vous connais pas, repriı-elle; mais vous eıes honnĞıe, esıimee, dit-dn, dans ceıte ulle; cela sulht malheureusemenı pour moi... ı Puis conıinuant avec trouble : rı M_ademoiselle, un r6ve vous a offerte i moi au milieu des horreurs oü me voiliı; avec mon fils... car je suis mĞre .t *ıı'"r'..ri., '"", ;;;;;; comme vous yoyez... vous aviez la m€me figure...
et
Courıal
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la möme taille... la mğme robe... et l'6chahud etait devant mes yerD(... - Un rğve, m'6criai_1e... un r€ve, madame D, et le mien se rappelanı aussitöt e mon esprit' les traits de cetıe femme me [rappĞrent, je la reconnus Pour celle qui s'ötait pr6sent6e i moi avec Senneval, prĞs du cercueil höriss€ d'öpines... Mes yerıx s'inondĞrent de Pleurs; plus j'examinais cette femme' plus j'ötais tentee de me d6dire..., je voulais demander la mort ) sa place..., je voulais fuir eı ne pouvais m'arracher... Qünd on vit l'€taı affreux oü elle me metıait, comme on 6tait persuade de mon innocence, on se contenta de nous söParer; ie rentrai chez moi an6antie, accablöe de mille sentimenıs divers donı je ne Poüvais dĞmeler la cause; et le lendemain, cette misĞrable fut conduite i la morı. Ji reçus le mĞme jour la r6ponse de M. de Saint-Prit; il m'engageait İ revenir. Nancy ne devant pas m'€tre
forı
agr6able aprös les
qu'il venait de m'o{frir, je le quittai sur-le-champ, et m'acheminai vers la capitale, poursuivie par le nouveau fanıöme funestes scĞnes
de cette femme qui semblait me crier iı chaque
: c'esl ıoi, ma]Iuureuse, t'est loi qui m'enaoics d la mart et tu M sai5 pe' qu' ıa nain ' traİw. instant
2
BouleversĞe Par tant de fl6aux, pers6cı.ıtöe par autant de chagrins, je priai M. de Saint-Prİt de me chercher quelque reıraite oü je pusse finir mes jours dans la solirude la plus profonde, et dans les devoirs les plus rigoureüx de ma religion; il me proposa Celui oü vous m'avez trouv6e, mon_ sieur; je m'y öıablis dös la möme semaine, n'en sortani que pour venir voir deux fois le mois mon cher protecteur, et pour passer quelques instants chez Mme de L6rince. Mais [e Ciel, qui
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Iıs
Crimes de l'anour
jour me fiapper par des coups sen$btes, ne me laissa pas louir longtemps de cette derniĞre amie' j'eus ie rialheur dĞ h perdre l,an passe; sa rendresse pour moi n'a pas'voulu oue Je me s€Parasse d'elle i ces cnıels insıans"eı C'est 6galemenı dans mes bras qu,elle rendii les derniers soupirs. Mais qui |'eüı pens6, monsieur? ceııe mort ne fuı pas aussi tranquille que celle de Mme de Verquin; celle.ci_ n'ayant jamais rien espĞr6, ne reooul,a poınl de ıout perdre; l,auıre sembla İremir de voir disparaiıre I,objet cerıain de son espolr; aucııns remords ne m'avaient Faon6e dans la femme qu'ils devaient a'saillı. en fouii...' celle qui ne s'6tair jamais mise dans le cas d,en avorr' en conçut, Mme de Verquin, en molırant, ne regrettaiı.que de n'avoir pal fait assez de mal, ,T:. d.. L€rince expirait repentante du bien qu elle n avall pas lait. L'une se couwaiı de tleurs, en ne dĞploranı que la perte de ses plaisirs: l-autre voulut mourir sur une croix de iendres, d6sol6e du souvenir des heuıes q"'.ıı. n;-rit pas offertes i la vertu. contrari6ı6s me_ frappĞrenı; un peu de ,Ces -_ r€lachemenı s'empara de mon dme' et pourouoi oPn.,.. -. dis-je, Ie calme en d. ıels insrans, n esı-ll le paTıa8e de la sagesse, quand iI paraiı I'€.pas ıre de l'inconduite? M-ais i l''insıanı, forıifiöe P-a r une voix cĞIeste qui semblait tonner au ıond de mon Ccrur, est-ce i moi, m'6criai-ie. de. sonder les volontĞs de l'6ternel? C. qr.'ii y9is m. as99r9 un mĞriıe de plus; l*, f;ry*,i., j. Mme de LĞrince sont les sollicirudes de la cmelle aparhie de Mme de t i; ia ,erıu, ;;;;; a.J.;"' Ğgaremenı.du .'ı-.. ,iı,i rilai sİ.Lı le Cnoıx de mes derniers instants, Que Dieu he lasse bien plutöt Ia grice de -,.hi;;;r;;;; veut chaque
Floıvillı eı
Coamal
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I'une, que de m'6tourdir i l'exemple de l'autre. Telle est enfin la derniöre de mes aventures, monsieur; il y a deux ans que je vis i I'Assompdon, oü m'a placĞe mon bienhiteur; oui, monsieur, il y a deux ans que j'y demeure, sans qu'un instant de repos ait encore lui pour moi, sans que j'aie pass6 une seule nuit oü l'image de cet inforon6 Saint-Ange et celle de la malheureuse que j'ai fait condamner i Nancy ne se soient pr6sent6es i mes yeux; voili l'6tat oü vous m'avez trouv6e, voili les choses secrötes que j'avais i vous r€v6ler; n'6tait-il pas de mon devoir de vous les dire avant que de c6der aux sbntiments qui vous abusent? Voyez s'il est maintenant possible que je puisse €tre digne de vous?... voyez si celle dont l'ime est naw6e de douleur, peut apporter quelques joies sur les instants de vome vie? Ah! croyez-moi, monsieur, cessez de vous faire illusion; laissez-moi renrer dans la retraite s6vĞre qui me convient seule; vous ne m'en arra_ cheriez que pour avoir perp6nıeılement devant vous, le spectacle affreux du remords, de la douleur et ğe l'inİbrtune. ı Mlle de Florville n'avait pas terminğ son his_ toire, sans se trouver dans une violente agitation. Naturellement vive, sensible et d6ıicarc' iı 6tait impossible que le röcit de ses malheurs ne lleüt consid6rablement a{fect6e. M. de Courval, qui dans les demiers 6v6nements de cette histoire, ne voyait Pas plus que dans les premiers, de raisons plausibles qui dussent d€ranger ses projets. mit tout en usage pour czlmer celle qu'il aimait. ( Je vous le r6pĞte, mademoiselle, lui disait_ jI, il y i des choses fatales et sin5uliĞres dans ce que uow vene, de m'apprendre; mais je n'en vois pas une seule qui soiı faite pour alarmer votre
90
Les Crimes de l'amour
Flomille et
ni faire tort i votre rĞputation... i seize ans... j,en conviens, mais iue :T.lTleg o excuses n'avez-vous pas pour vous... conscience,
votre ipe-
ıes seducııons de Mme de Verquin... un i.r"r." homme peuı-€tre trĞs aimable.... i";;;;;b;; iamais revır' n esı-ce pas -ua.-"i'raıı.ı .o",iiu, avec un peu d,inqui6rude... que .T:,-1._9:yT"l ırarsemblablemen( vous ne reverrei meme jamiis. oh ! jamais, trĞs assur6menı' r6pondit ..FlorülIe en.devinanı les motifs a'l"|"ic-i. j.'ü.i. Courval. .-. Eh bien ! mademoiselle, concluons, reorit celui-ci' ıerminons je vous ." ."":"'"' .i'ı"i'5-'j convaincre le plus ıöt-possible qu.iü :?:].]:": n enıre. rlen dans le r6cit de ,oıri histoire-.o'ri pursse Jamais diminuer dans Ie cceur a,", i","_ n6te homme, ni I'extr€me consid6ration due_ i tanı^ de verrus, ni }'hommage .*ig6 pr. auani o atıralıs D Mlle de FIorville demanda la permission de retoumer encore i paris consultjruo" pi"r.aıeur pour Ia derniĞre fois, en prometıant ou'auo.b-sta:le-ne naitraiı assurfment plus je son :Yl. cote. M. d€ Co-urval ne prt se .elirsei i cet hon.devoiri elle partit, eı revint ,, u"ri-a. |eIe nult.Jours avec Saint-Priı. M. de Courval combta d'honn€teıĞs; ;I Iri ıĞmoigna-j; iJ I_4:-i:. manıer.e la plus sensible, combien iI Eıaiı flatt6 avec celle qu'il daignait protöger' l. _::_TI d'accorder- toujours 'titre "de ei le sa l.^-:lppt,l paIenıe a cene aimable personne; saint-Pret repondıt comme iI le devaiı. aux honrı€tetes Je ıvr. oC Louı.vnl, et conrinua de lui donner du i., pü :Iuj... de MIle de Florville, ı..
avan tageuses.
"",;"*
jour_tant dĞsi16 de Courval, la _,_91!" P"_,-.. cereTnonre se ht. et i la lecture du conmaı, ii se
Coumal
9l
tTouva bien 6tonn6 quand il viı que sans en avoir
pr6venu personne, M. de Saint_Püt avait en faveur de ce mariage, fait ajouter quare mille liwes de rente de plus i la pension de pareille somme qu'il faisait d6ji ii Mlle de Florville, et un legs de cent milıe francs i sa mort. Ceıte intĞressante fille versa d'abondantes larmes en voyant les nouvelıes bontĞs de son protecteur, et se trouva flatt6e dans le fond de pouvoir offrir i celui qui voulait bien penser i el[e, une fortune pour le moins ögale i celle dont il 6tait possesseur. L'amğnit6, la joie pure, les assurances röciproques d'estime et d'ataachement presidĞrent i la cĞlĞbration de cet hymen-.. de cet hymen fatal, dont les furies 6teignaient sourdement les flambeaux.
M. de Saint_Prit passa huit jours iı Courval, ainsi que les amis de noffe nouveau mariĞ, mais les deux 6poux ne les suivirent point i Paris, ils se d6cidĞrent i rester jusqu'i l'entröe de I'hiver i leur campagne, afin d'6tablir dans leurs affaires, I'ordre uıile i les mettre ensuite en ğtat d'avoir une bonne maison i Paris. M. de Sainr-Prit 6tait charg6 de leur trouver un joli 6tablissement prös de chez lui, afin de se voir plus souvent, et dans I'espoir flatteur de tous ces arTangements agTĞables, M. et Mme de Courval avaient d6jİı pass6 prös de ırois mois ensemble, il y avait möme dej) des certitudes de gTossesse, dont on s'€tait h6t6 de faire part ) l'aimable Sainı-Prit' lorsqu'un 6v6nement impröı,ı.ı vinı cruellemenı flö;ir Ia ProsPĞritĞ de ces heureux 6poux, eı changer en allieux crprĞs, les tendres roses de l'hymen. "Ici ma plume s'arrĞte..., je'devrais demander
grice aux lecteurs, les supplier de ne pas aller
92
Les Crimes de I'amour
plus loin...,. oui..., oui, qu'ils s'interrompenr l lnshnq s-ıls_ ne veulent pas lrĞmir d'horreur...i ü rıste cond!tıon de l'humanite sur la ıerre... cnıels. eflbts de la bizarrerie du so.i.. i";;;;;i taut-t| que Ia malheureuse Florville, qre l'bıre ıe. Plus Vertueux, le plus aimable et le bIus senstrıle. se Irouve par un inconcevablc inchaine-
ment de Iaıalites, le monstre le plus abominabie qu'ait pu cr6er la nature? Cetıe tendre et aimable 6pouse Iisaiı un soir aupres.de son mari, un roman anglais d,une ıncroyable noirceur, er qui laisaiı ğand bruit pour lors. Assur6ment, dit-elle en jetant le livre, voili --_( une crea(ure presque aussi malheureuse que moi.
-
Aussi malheureuse que toi, ai, ı,,ı. a.'c""-.i chere Ğpouse dans ses bras..., i"-P..::ln,.sa o florvllle, _;'avais cnı te laire oublier ıes malneurs...t Je vois bien que ie me suis ıromo6..._ devars-ru me ie dire auisi durement !... , . Mais lvtme de Courval Ğtait devenue comme insensible. elle.ne rĞpondit un moı a Ces caresses de.son öpoux, par unPas mouvemenı invoıoıgır.e' ejl: le rePousse avec efTioi, et va se PrecıPlt€ı" loin de lui sur un sopha' oü elle fond en .larmes; en vain cet ı,o""aie ep",r* ,ie',it- ii se jeter ir-ses.pieds, en vain coniure_r_il cette Iemme .qu ıl ıdolitre, de se calmĞr, ou de lui au moins la cause d,un tel accös de -aPPrendre oesesPoır; Mme de Courval continue de le rePousser' de se dĞıourner quand il u.r, arrr".. ses. tarrnes. au point que Courval ne doutant oius qu-un souvenir fiıneste de l,ancienne passioi de F|orville ne venu la renflammer di .,oruear, 'Iüt ı| ne Puı s'empöcher de lui en hire queloues reProches; Mme de Courval les Ğcouıe slns ii.., röpondre, mais se levanı iı la frn :
I
Floııille
et Courıal
93
( Non monsieur, diıelle i son 6poux' non..., vous vous romPez en interprötant ainsi l'accĞs de douleur oü je viens d'€tre en proie, ce ne sont pas des ressouvenirs qui m'alarmenr, ce sont des pressentiments qui m'efTrayent... Je me vois heureuse avec vous, monsieur... oui trĞs heureuse... et je ne suis pas nĞe pour l'ötre; il est impossible que je le sois longtemps, la fatalit6 de mon 6toile est telle, que jamais l'aurore du bonheur n'est Pour moi que l'€clair qui pr6cöde la foudre... eı voiPı ce qui me fait frömir, je crains que nous ne soyons pas desrin6s a viwe ensemble. Aujourd'hui votre 6pouse, peuı-€'tre ne le serai_je plus demain... Une voix secröte crie au fond de mon cceur que toute cette felicit€ n'est pour moi qu'une ombre, qui va se dissiper comme la fleur qui nait et s'€teint dans un jour. Ne m'accusez donc ni de caprice ni de refroidissement' ınonsieur. je ne suis coupable que d'un trop grand excös de sensibilit€, que d'un malhcureux don de voir tous les obiets du cöt€ le plus sinistre, suite cruelle de mes revers... ı
Et M. de Courval aux pieds de son ipouse, s'efforçait de la calmer Par ses Caresses' Par ses ProPos' sans nöanmoins y r6ussir, lorsque tout ir coup... il etait environ sept heures du soir, au mois d'octobre... un domestique vient dire qu'un inconnu demande avec empressement h parler ) M. de Courval... Florville frdmiı... des larmes involontaires sillonnent ses joues, elle chancelle, elle veuı Parler, sa voix expire sur ses löwes. M. de Courval, plus occupe de l'etat de sa femme que de ce qu'on lui apprend. rĞpond aigrement' qu'on attendc. eı vole au secours de son 6pouse, mais Mme de Courval craignant de succomber au mouvernent secret qui I'entraine-.., voulant cachcr ce qu'elle 6prouve devant l'6tran-
94
Les Crimes
d.e
I'amour
ger qu'on annonce' se relöve avec force, et dit : monsieur. .. n.".,-rt*. ,-,::::^: :j, .rien, ir:o, ıdls< cntfer.,) Le laquair sorı. il revienı le moment d,aprĞs. suivi d'un homme de rrenre_sepr a rrente_huit Porıan( sur sa physiono-ıi diriiins' ıcurı les marqucs du chagrin ı" ug.e"uı" inrete*. ğı", (( o perc! s.Ğcria l.lnconnu en se ' Ton. ieıant aux picds de M. de Courval. a.aonn"i,.a.r_uor., un maIheureux fils s€parö de vous ucux ans.. ırop puni de ses cıuelles depuis vinoı_ fr,iı.. or. T". I cvcrs qul n'oııt cesse de l'accabler aap",i' ı"..mon frls... gıand D;J. ...:-gri vous evenemcn(. . ingraı qui peuı ı avoır laıt souvenir qe mon
"ö ili
exıstcnce2 Mon.cceur..., ce cceur coupable qui ne cessa ,pourtant jamais de vous aim-er..., aio.,,o--oi
mon pire.... ecourez-moi ,."i d; pi;r-;;;;. malheurs que les miens , r.'ei.r, a"uıg;l, vous asseoir et m'entendre-'iorr .:."",l.oHxiT.;
;
l",'.
P:-::, f l;son pöre. öliiil,.;l ı ePou\c de pardonnez si pour la n."_ mrere tors de ma vie je uous rends, _"n f,i__
mage.
.Ie.me ırouve contraint vous d'affreux malheurs de
i
devoiler devinı
pl,, po,.lbi. j.;;;#'; ;"'H;:: qu'il n'esı Pull1 monsieur. parlez, di't Mme de Cour_ val, .en Dalbuılant. et jeunı des yeux dsares sıır
Çe |eune homme, le langage du maihiur n esi Pas nouveau pour moi, je le connals depuis mJ"n
entance.
))
Eı, notre voyageur fixanı a]ors Mme de Cour_ v_at, lui repondit avec unruo.,. d.,.oubllii_ lontaıre: ır Vous. malheureuse... madame... oh juste .,}fo^y_*_uor. l'cıre auanı que ı tJn s assled.... I.Ğıat de Mme denous! Courval se
Flomille et Coumal
Peindrait difficilemenı.., elle jette les yeux sur
) terre..., elle soupire avec agitation... M. de Courval pleure, et son fiIs riche iı Ie calmer. en le suppliint de lui Pröter attention. Enfin la conversadon Prend un ıour plus 169l€. <J'ai ıant de choses i vous dire, monsieur, dit le jeune Courval, que vous me perrnetrez de supprimer les dötails pour ne vous apprendre que les fair; eı j'exige votre parole ainsi que ce cavaıier. '., elle les replonge
celle de madame, de ne les pas interrompre que
je n'aie fini de vous les exposer. ( Je vous quittai ) l';ige de quirue ans. monsieur, mon premier mouvement fut de suiwe ma möre que j'avais l'aveuglement de Vous pröferer;
elle ötait sĞpar6e de vous depuis bien des ann6es; je la re|oignis i Lyon' oü ses dĞsordres m'ef_ frayĞrent a ıeI point. que pour conserver le reste des sentimenıs que .je lui devais' .je me vis conıraint i la [uir. Je passai a Strasbourg. oü se trouvait le rögiment de Normandie... Mme de Courval s'ömeut. mais se Contient; j'inspirai quelque intörĞı au colonel, poursuivit le ieune Courval, je ine fis connaire İ lui, il me donna une sous-lieutenance, l'annee d'aprös je vins avec le corps en garnison ir Nancy; j'y devins amoureıD( d'une parente de Mme de Verquin.... je sĞduisis ceııe jeune Personne' j'en eus un fils er i'abandonnai cruellemenı la mĞre. ı A ces mots Mme de Courval frisonna, un gemissement sourd s'exhala de sa poiırine, mais elle continua d'ötre flerme. < Cette malheureuse aventure a 6tö la ı:ause de tous mes malheurs. je mis l'enfant de ceıte demoiselle infiortunöe chez une femme pres de Mee, qui me promit d'en prendre soin et je revins quelque ıemps apres i mon corps; on
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Florıille ıt Couraal
Les Crimes de I'amour
blima ma conduite, la demoiselle n'ayant pu reparaitre i Nanc1, on ın'accusa d'avoir causĞ
sa perte, trop aimable pour n'avoir pas interess6 toute la ville, elle y rrouva des vengeurs; je me bartis, je tuai mon adversaire. eı passai i Turin avec mon frls que je revins chercher pris de Metz. J'ai servi douze ans le roi de Sardaigne. Je ne vous parlerai point des malheurs que j'y öprouvai' ils sont sans nombre. C'est en quiıant
la France, qu'on apprend h la regıetter. Cependanı mon fiIs croissaiı. eı prometıaiı beaucoup. Ayanı fait connaissance a Turin, avec une Française qui avaiı accompagnğ celle de nos princesses qui se maria dans cette cour, et cette res-
Pectable Personne s'ötant intöressöe i meş mal_ heurs, .i'osai lui proposer de conduire mon fils en France pour y perfectionner son 6ducation, lui promettant de metıre assez d'ordre dans mes affaires pour venir le retirer de ses mains dans six ans; elle accepıa, conduisir i Paris mon malheu_ reux enfant, ne nögligea rien pour le bien 6lever, et m'en donna trös exactement des nouvelles. ıı Je parus un an plus töı que je n'avais promis, j'arrive chez ceııe dame, plein de la douce consolation d'embrasser mon fils, de serrer dans mes bras, ce gage d'un sentiment trahi..., mais qui brülait encore mon cceur... Votre fils n'est plus me dit cette digne amie, en versant des larmes, il a etö la victime de la m6me passion qui fit le malheur de son pöre; nous l'avions menĞ a la campagne, il y devint amoureux d'une fille charmante dont j'ai jur6 de ıaire le nom; emPorıö par la violence de son amour, il a voulu ravir par la lorce ce qu'on lui refusait par vertu; ... un coup dirige ptıur l'e{frayer, a Peneırö ,seulemenı jusqu'i son Cceur er l'a renversĞ morı. ı Ici Mme de Courval tomba dans une es$ce
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de stuoiditi qui fit craindre un moment qu'elle ;;J;,t * , ior,p pe.d., la vie; ses yeux_6(aient courval fixes. son sang ne ?irculait plus' M de de liaison funesre fa .lı"'".-rri*'İi, que rop fils son interromPit :; ;il;;;;;';s lvent'rLs' u.t, sa femme" , elle se ranime' et avec "i-""i" un "'o courage höıoique : votre fils' monsieur' dit i.ir.Sn. -n" pou.iui,re si.,is pe,ı-etre pas au bout de mes .ıı.' l malheurs.
ı
Ceoendanı le "de |eune Courval ne ComPrenanı 'au ceııe dame pour des laıts chagrin rien oui sembleni ne la concerner qu'ındırccteme ' ,}ıais dömĞlant quelque chose d' incomPrchenSıbığ
i"i'
dr.r, ü, tiuit, de l'Ğpouse de so-n pöre' """'."rre de la regarder tout 6mu; M' de Uourvaı }'" at(er)saisit la main de son fils, et disrrayanr son de poursurvrc' ordonne ıion oour Flowille, il lui de ni s'aııacher qu'a l'essenıiel ' dı 'yPI_']i:: d('S les dĞıails. parce que ccs recits conııenncnt qui deviennent d' un
i".,-i."J..1i"!
-yrtl,it,'t'
rruissant ınteret.
de la morı de mon fils, Conı inue retentr le vovageur' n'ayanl pIus rien qui püt me .n FJan'ce... qui,ous seul, ö mon P're.]"'-mals
'L Xr_ia..'""i.
donı ie n'osais m'approcher' et donı Je luyaüs L-.""'*""r' "auteur ie resolıiJ de voyager en Allemagnc"' de mes jours' votcl ce ,.qul Malheureux plus cruel a vous apprendre' oıt. ıe me reste de maıns ieune Courvil en arTosanı de ]armes les
tf,'t"r-fai"'
arrnez-vous de courage' j'ose vous
en suoplier. '",,"i,tnt'uttitr",
j'apprends ) Nanry' -nom
qu'une gu'avarl Prrs ma Mme Desbarres, c'6tair le vous mĞre dans ses d6sordres. aussttöı_ qu elle que dı5-le' eut fait croire ) sa mort. j'apprends' en mise Prlson i.tt. M-e Desbarres, vierıt d'ötre
_T Les Cıimes de l amour
98
pour avoir poignardĞ sa rivale, et qu'elle Peut-ctre ex6cut6e le lendemaın.
I
sera
- o monsieur, s'öcria ici la malheureuse Florville en se jerant dans le sein de son mari avec des larmes et des cris d6chirants... ö monsieur voyez-vous toute la suite de mes malheurs? - Oui madame je vois rout. dit M. de Cour_ val,. J€ vols ıouı madame, mais je vous conjure de laisser finir mon fils. > Florville se conıinı. mais eIle respirait i oeine_ elle n'avair Pas un sentimenı qui ni lür.o,irrromis, pas un nerl dont la cbnıracıion ntj [üı
eflroyable.
(
Poursuivez ,neurerıx
mon fils. poursuivez. diı ce malPcre; dans un moment je vous expli-
querai tout. - Eh bien, monsieur, conrinua le ieune Cour_ val, je m'informe s'il n'y a poinı de'malentendu dans les noms; il n'6uir maiheureusemenı oue rrop vrai'_ que cette criminelle Ğıait ma mö're, je demande }r la voir, je l'obtiens, ıombe dani -ie ses < meurs coupable, me dit cette Je -bras... < ınlorıunöe, mais il y a une-halitö bien affreuse ( oans l e]/enement qui me.conduiı i la morı; ( autre devaıı etre souPçonnö, il l.auraiı un ötĞ, ( touıes Ies preuves Ğaient contre lui, une femme t et ses deux domestiques. que le hasard faisait ( trouver dans cetıe auberge ont lır mon crime, ( sans que la prĞoccupaıion dans laquelle i'6ıais < me permit de les apircevoir; leurs 'd6oos'itions ( sont les uniques causes de ma mort; ( ne perdons pas en vaines plaintes le ntapor,*, pe, d'ins_ ( tan$.oü je puis vous parlör; j'ai des'secreıs de ( consöquence a vous dire, öcdutez-les mon fils. ( Dös que mes yeux seront ferm6s, vous irez trou( ver mon epoux, vous lui direz que parmi tous < mes crimes, il en esı un qu'il n'i iahais su, et
Flonille
et
Coımal
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t que je dois enfin avouer... Vous avez une s(rur, ( courval..,, elle vint au monde un an aprös < vous... je vous adorais, je craignis que ce(te < fille ne vous [iı tort, qu':r dessein de la marier ( un jour, on ne prit sur le bien, qui devait vous < appartenir; pour vous le conserver plus entier, <je r6solus de me d6barrasser de cette fille, et '< de mettre tout en usage pour que mon 6poux < ir l'avenir ne recueillit plus de fiuit de nos < nceuds. Mes dösordres m'ont jet6e dans d'autres ( ravers et ont empdch6 l'effet de ces nouveaux < crimes, en m'en faisant commettre de plus < 6pouvantables; mais pour cette fille, je me < döterminai sans aucrıne piti6 i lui donner la < mort; j'allais ex6cuter cetrc infamie de concert < avec la nourrice que je d6dommageais ample( ment, lorsque cette femme me dit qu'elle < connaissait un homme, mariĞ depuis bien des < ann€es, dĞsirant chaque jour des enfants, et a n'en pouvant obtenir, qu'elle .me d6ferait du ı < mien sans crime et d'une maniĞre peut-€tre < la rendre heureuse; j'acceptai fort vite. Ma fille < fut porr6e la nuit mdme i la porte de cet homme ( avec une lettre dans son berceau; volez i Paris, < dĞs que je n'existerii plus' suppliez votre pĞre tı de me pardonner, de ne pas maudire ma < m6moire et de retirer cet enfant prĞs de lui. ı ( A ces mots ma möre m'embrassa...' chercha i calmer le trouble Ğpouvantable dans lequel venait de me jeter tout ce que je venais d'apprendre d'elle..., ö mon pĞre, elle fut executee le lendemain. Une maladie affreuse me r6duisit au tombeau, i'ai 6t6 deux ans entre la vie et la mort, n'ayant ni la force ni l'audace de vous ğcrire; le premier usage du retour de ma sant6 est de venir me jeter i vos genoux, de venir vous supplier de pardonner i cette malheureuse Ğpouse,
_T i
l0O
FLorıille et Courıal
Les Crimes de l'amour
et vous apprendre le nom de la personne chez laquelle vous aurez des nouvelles de ma scur; c'est chez M. de Saint_Prit. ı M. de Courval se trouble, tous ses sens se glacent, ses facultös s'an6antissent... son 6tat devient e{frayant.
Pour Florville, d6chirĞe en d6tail depuis un quart d'heure, se relevant avec la ranquillit6 de quelqu'un qui vient de prendıe son parai < Eh bien ! monsieur, dit-elle i Couwal, CToyez_Vous mainıenant qu'il puisse exister au :
monde une criminelle plus aIfreuse que la ınis6rable Florville?... Reconnais-moi, Senneval, reconnais ) la fois ta sceur, celle que tu as seduite ir Nancy, la meurtriöre de ton fils, l'epouse de ton pdre, et l'infime cr6arure qui a train6 a möre i l'6chafaud... oui, messieurs, voili mes crimes; sur lequel de vous que je jerte les yeux, je n'aperçois qu'un objeı d'horreur: ou je vois mon amant dans mon frĞre, ou je vois mon 6poux dans I'auteur de mes jours, et si c'est sur moi que se portent mes regards, je n'aperçois plus que le monstre ex6crable qui poignarda son fils et fit mourir sa mĞre. Croyez-vous que le Ciel puisse avoir assez de tourrnen$ pour moil ou supposez_Vous que je puisse surviwe un insıant aux ff6aux qui tourmentent mon ccrur?.., Non, il me reste encore un crime i commetrre, celui-li les vengera tous. > Et dans I'instant, la malheureuse sautant sur un des pistolets de Senneval, I'arrache imp6tueusement, et se brüle la cervelle avant qu'on eüt le temps de pouvoir deviner son intention. Elle expire sans prononcer un mot de plus. M. de Courval s'€vanouit' son fils absorb6 de tant d'horribles scĞnes, appela comme il put au secours; il n'en ğtait plus besoin pour Florville,
l0l
les ombres de la mort s'6tendaient d€jıi sur son İo"q ,"". ses trais renvers6s n'o{Iiaient -plus .rue le m6lanse affreux du bouleversement d'une morı uiolente] eı des convulsions du d€sespoir"': elle flotıait au milieu de son sang' on Dorta M. de Courval dans son lit' il y tut .l.r* mois i I'extr6mit6; son fils, dans un 6at aussi cnıel. fut assez heureux n6anmoi1ıs po_ur oue sa tendresse et ses secours pussent rappeler oĞre i la vie; mais (ous les deux, aprĞs des -', ."""'' a" sorı si cruellement multipliĞs sur leur ıaıe] se .Ğsolrrent i quitter le monde' Une soliiude sevÖre les a dĞrob6s pour jamais aux veux de leurs amis, et la, tous deux dans le seın b. i, piet6 et de la vertu. finissent tranquillement ,n. ui. *i't" et pĞnible, qui ne leur fut donn6eet a ı'ra, ., i l'autre que pour les convaincre' .r*' ..lı* qui liront citte dĞplorable histoire' dans l'obscuritĞ des tombeaux ğr.' ..", "'.* quepeut Eouver le calme, que la oue I'homme He.hr.r..te de ses semblables. le d6sordre de ses oassions, et plus que tout' la fataliıĞ de son sor(' iui refuseront €ternellemenı sur la terre'
Dorgeıille
DORGEVILLE OU
LE CRIMINEL PAR VERTU fils d'un riche nögociant de La Rochelle' Partiı tris jeune pour l'AmĞrioue recommandĞ a un oncle. dont ie' .ff.ir.' olen tourne; on l'Y envova avanı qu'il"uaieni aıteinı l'ige dc doule ans; 'il s eıeva prös n'cüı de ce Parenı' da.ns |a carriire qu,il se jesıinait a (ourlr' DoRGEVıLLE,
eı dans I'cxercice de toutes les yertus. eait peu hu".i;ö ;.;';l... , <ıu CorPs; ll n-avait rien de dĞsagrĞable, riais il Le jeune.Dor8eville
q. ... d",."Phy-ü;;;ü;
::,ff.:.$ii "İ.yI de notre sexe'le,ıiıre de }r/ valenı a^un ındividu que perdaiı Pourtanı Dorgevil|e de ce iT(; Cote, Ia"" naıure Ie lui rendait de l'auire; un bon j:
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dilicate' un caricıire Iranc' loyal.etonnammenı et sincire; ıouıes les qualitös qui .
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Posent' en un moa, l'honnöte homme et llhomme sensible, Dorgeville les possedaiı ,r.. p.;il;i;;; et dans.le siĞde oü l'on viuaıı alors, c'.., btrlt b..r] i l ne hlla iı pou, d*"n ı. llYt İ| ::.:-:' cfTüıın.d etre malheureux toute sa vle. A peine Dorgeville eut_il aaeint vinğt-deux que son oncle mouruı, et le laissa i İ" ,e" j.ans r" maıson' qu-Il rĞgla pendanı trois autres annees avec ıoute l'inıelligence possible; mais la bonj
;;;,-;;,
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de son cceur deııint bientöt la cause de sa ruine; il s'bngagea pour plusieurs amis, qui n'eurenı pas auan. d'honneter6 que lui; quoique les perfides ıTıanquassent' il voulait hire honneur i ses enga_ 8ements, et _Dorgeville fut bientöt perdu. ıı II est affreux d'6tre ainsi d6ranğ6 i mon 6.ge, disait ce jeune homme; mais si quelque chose me console de ce chagrin, c'est la cenitude d'avoir fait des heureux et de n'avoir entrain6 personne avec moi. ı Ce n'Ğıaiı pas seulement en Am6rique que Dorgeville Ğprouvait des malheurs; le sein möme de sa famille lui en pr6sentait d'affreux. On lui apprend unjour qu'une scur, n6e quelques anrıees aprös son depan pour le Nouveau Monde, vienı de dĞshonorer et de perdre entiĞrement et lui et touı ce qui lui appartienı; que cetıe fille perverse' maintenant igĞe de dix-huit ans, nomm6e Virginie, et malheureusement belle comme I'amour, 6prise d'un €crivain des comptoirs de sa maison, eı ne Pouvant obtenir la Permission de l'6pouser, a eu I'infamie, pour parvenir i ses vues, il'atrenıer aux jours de son pĞre et de sa mĞre; qu'au moment oü elle aIlait se sauver, avec une p:ırtie de l'argenı, on a heJreusement empöchĞ fe vol, sans pouvoir nöanmoins r6ussir ir s'emparer des coupables' tous deux, diı-on, en Angleierre. on pressait Dorgeville, par la meme letre, de rçasser en France, afin de se meırre a la t€(e de son bien, et de r6parer au moins par la fortune qu'il allait trouver, celle qu'il avaiı eu le malheur de perdre. Dorgeville' au dĞsespoir d'une foule d'inci_ dena, ir la fois si ficheux et si fl6u'issants, accourı i La Rochelle, n'y r6alise que trop les funesres nouvelles qu'on lui a mandĞes; et renonçanı dĞs lors au commerce, qu'il s'imagine ne pouvoir
ı04
Iıs
Criırus de l'amoar
Dotgeuille
I
plus soutenir apris ıantde malheurs. d'une partie de ce qui lui reste, il fait face ,r* ..,gug"-bnt, de ses correspondants d'AmĞrique, rra]t ie dĞli_ catesse unique, et de I'autre il 'forme Ie dessein o acheter une campagne aupris de Fontenaverı Poıtou' oü il puisse passer le reste de ses iouii galı: le^ IePos' dans I'eiercice de la chariıĞ it de ıa bıenlaısance, les deııx plus cheres verıus de son irne sensible. Ce projet s'exöcute, Dorgeville, canıonn6 dans sa Petıle terre, soulage des pauwes. console des uet ards, marie des olphelins, encourage l.agri_ culteur' e1 devıent, en un moı, le dieu du oiıit canton qu'il habite. S'y rrouvait_il un Ğtre inal_ heureux, Ia maison de borgeville Iui ötaiı a l.instanı ouverte ;, y.avaiı-il une bonne cuwe a faire, ıl en disputaiı l'honneur a ses voisins; une larme coulait-elle, en un mor, la seule main de Dor_ gwille voulait aussiıöt l,essuyer; et touı le monde, en Denıssana son nom, disaiı. du fond de l'ime Voiliı l'homme que Ia naıure desıine a nous ..<. dedommager des mĞchanıs... VoiIa les dons qu'elle laiı quelqueficis i |a ıerre pour la conso|er des maux donı elle l'accable. ıi . 9ı.""."]l d6sire que Dorgeville se mariiı; des ındIvıdus d'un ıel sang fussent devenus pröcieux a ıa. sociötĞ; mais absolument inaccessible jusqu'alors aux atraits de l,amour, Oorgeville i peu prĞs dĞclarĞ qu,a moins que le- hasarda'vait ne une fille' qui, bien ir luı par la 1:,^^'],]I""".. se ırouvit reconnalssance' comme charg?e de ıalre solı bonheur, il ne se marierait cĞıainemenı PaS; on lui avait offerı plusieurs Dartis. il les avaıı.tous relüses; ne ı.oruint' disait'-il, dans aucune des femmes qu'on lui proposaiı, des motlls,' assez puissants pour ötr'e sür d'€ıre aimĞ . o e e un Jour, :
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(Je veux que celle que je prendrai me doive tout, disaia Dorgeville; n'ayanı ni un bien assez considörable, ni une figure assez belle, Pour l'enchainer par ces liens, je veux qu'elle y (ienne par des obligations essenıielles. qui la fixant a moi, lui ötent tout nıoyen de m'abandonner ou de me rahir. ıı Quelques amis de Dorgwille combattaient sa façon de penser. a De quelle force seront ces lieııs, lui faisaiton quelquefois observer, si I'ime de celle que vous aur€z servie n'est pas aussi belle que la vötrei La reconnaissance n'est Poinı pour tous les ötres une chaine aussi indissoluble que Pour vous; iI esı des imes laibles qui la möprisenı, iI en est de fiöres qui s'y öchappenl; n'avez-vous pas appris a vos depens, Dorgeville, qu'.on se brouille en rendant service, bien plus sürement qu'on ne se fait des amis? > Ces raisons Ğaient spĞcieuses; mais le malheur de Dorgeville ötait de juger toujours les autres d'aprös son ccrur; et Ce sysıime l'ayant rendu malheureux jusqu'alors, il n'Ğtait que trop vraisemblable qu'il achĞverait de le rendre tel, le reste de ses jours. Ainsi pensaiı' quoi qu'il en püı örre, l'honnöte homme dont nous racontons l'histoire, Iorsque sort ünt lui pr6senter d'une façon bien singuliĞre l'ötre qu'il crut destin6 i partager sa fortune' qu'il imagina fait pour le don pr6cieux de son c@ur.
Dans cette interessante saison de l'annöe, oü la natuıe ne parait noui faire ses adierrx, qu'en nous accablant de ses dons, oü ses soins infinis Pour nous ne cessent de se multiplier pendant quelques mois, pour nous prodiguir ıout ce qui
peut nous faire attendre en paix le retour de aes
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Les Cıimcs de l'amoır
Premiöres faveurs, ir cette öpoque oü les habi-
ıants de la_campagne se frĞqiıenient Ie Dlus. soiı en rarson des chasses, des vendanges, ou, de ouel_ q,ues. auıres de ces occupatiorr. Ji jor.a' ), o,r; cnerıt la vle rurale, et de si peu de prix oor. i..
eı.inanimĞs,. engourdis ::I: vıIıes' 'r"|d, desscchĞs par leur
p'ar
le,ır*. je,
cornrjıion' oui ne ' connarssenr de la societ6 que les d'ouleurs.ou les
parce que rerre ll:^r,l.t Cette douce_ cordialitĞ
fianchise, cetre candeur,
qui en resserrent si deli-
Cleusemenı les neuds, ne se ırouvent qu'avec les naDltanıs df la camPagne, il semble oı.ie ce n'esı gue sous un ciel pur, que les homm.es oeuvenr ı etre egalemenı' eı ces e",
I
Dorgııille
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cours de'cet inforıunö?,.. Vous voyez une crğa_ ıure au dĞsespoir, monsieur, conıinua cette femme 6ploröe, en versant un torrent de larmes... Ce mis€rable fruit de mon döshonneur n'allait voir le jour que Pour le perdre aussitöt de ma maın.
* Avant que d'entrer aVeC vous' rrıademoiselle, dit Dorgeville, dans les moıifs qui Pou_ vaient vous poner i une aussi horrible acdon, permettez-moi de ne m'occuper d'abord que de voıre soulagement; iI me semble que j'aperçois une grange ) quelque cent pas d'ici; tichons d'y arriver, et li, aprĞs avoir reçu les premiers soins qu'otige votre Ğıaı, j'oserai vous demander guelques dötails sur les malheurs qui paraissent vous accabler, en vous engageant ma parole que ma curiosite n'aura d'aure but que le d6sir de vous öıre utile' et qu'elle se renfermera dans les bornes qu'il vous plaira de lui prescrire. ı CĞcile se confond en marques de reconnaissance' eı consenı a ce qu'on lui propose; le valet approche, il prend I'enhnt; Dorgeville place avec lui la möre sur son cheval, et l'on avance vers la ferme; elle appartenait i des paysans İr leur aise, qui, İ la solliciıation de Dorgeville, reçoivent ırös bien eı la mere eı l'enfant; on pröpare un liı pour Cöcile, on place son fils dans un berceau de la maison; et Dorgeville, trop curieux des suites de cetıe avenıure Pour ne pas sacrifier au d6sir de les apprendre, la partie de plaisir qu'il a projetöe. envoie dire qu'on ne l'aııende point, ıu qu'il se determine İı passer comme il pourra dans ceııe chaumiĞre la journ6e et Ia nuit Prochaine. CĞcile ayanı besoin de repos' il commence par Ia supplier d'en prendre, avant que de songer İı le satis[aire; et comme elle ne s'6tait pas trouvĞe mieux vers le soir, il attendit au lendemain matin,
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Lıs
Dmgeuilh
Crimes de Pamour
pour demander iı cette charmante cr6aure en quoi il pouvaiı lui Ğtre de quelque secours. Le röcit de C6cile nc f"i pa's long : elle dit
qu'el|e 6tait fille d'un genıilhomme oui s'aooelaiı Duperrier, e( dont la Ğrre eıaiı a dix lieuel foe hl qu'elle avair eu le malheur de se laisser s6duire par un jeune officier du rögimenı de Vermandois, Pour lors en garnlson a Niort, dont le chiıeau de son pĞre n'euit qu'i quelques lieues; que son aınant ne l'avaiı pas p|us röı su grosse quiil avait *:g1r-.. .,. ce qu'il y avaiı dr plds affreux, ajouta Cecile, 6taiı que ce jeune homme' ayant 6; tu€ rrois semaines apres' dans un duel, elle oerdaiı i Ia_ fois I'honneur eı l'espoir de iamais iĞparer
sa lauıe; ellc avait, conıinua-t-ille, .".h6 ,"
situation i ses_ parenıs' aussi longtemps qu'elle l avatı.pu: mats se voyant enfin hors d.6tat d'en pouvoır lmposer davanage' elle avaiı touı avou6, et reçut dĞs lors de si mauvais traiıements de son pĞre et de sa mire, qu'elle avait pris le parti de se sauver. IJ y avait quelques,iours qu.elle €taiı dans les enviroııs. ne sachanı d quoi se j6terminer. et ne pouvanr se r6soudre i abandonner tout i fait la. maison parcrnelle o, I., do-ri.,.r- qri l avotsınale , l
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pıus doux encore d'€[e i peu prös certain de r6parer vos maux- ) Cet aimable Consolateur d€clara alors i Cöcile le dessein qu'il avait d'aller trouver ses parents, et de la raccommoder avec eux. < Vous irez donc seul, monsieur, r6pondit C6cile, car pour moi je ne m'y repr€sbnterai certainement pas. - Oui, mademoiselle, j'irai seul d'abord, dit Dorgeville, mais j'espĞre bien n'en pas revenir sans Ia permission de vous y ramener. - Oh ! monsieur. n'y comptez jamais, vous ne connaissez pas la duret€ des gens auxquels j'ai affaire; leur barbarie est si reconnue, leur fausset6 est si grande, que, m'assurassent-ils möme de mon pardon, je ne me fierais point encore i eux. Cependant C€cile accepta les offres qui lui 6taient faites, et voyant Dorgeville dğcidĞ i se rendre le lendemain matin chez Duperrier, elle le conjura de vouloir bien se charger d'une lettre pour le nomm6 Saint-Surin, l'uır des domestiques de son pĞre, et celui qui avait toujours le plus m6ritĞ .sa confiance par son exr€me attachement pour elle. La lettre fut remise cachet6e i Dorgeville, et C6cile, en la lui donnant, le supplia de ne pas abuser de l'extr€me confiance qu'elle avait en lui, et de rendre la letrre intacte et telle qu'elle la lui donnait. Dorgeville parait fİch6 qu'on puisse douter de sa discr6tion aprĞs la conduite qu'il tient; on lui en fait mille excuses, il se charge de la commission, recommande C6cile aux paysans chez lesquels elle est, et part. Dorgeville imaginant bien que la lettre dont il est charg6 doit prevenir en sa faveur le domestique pour lequel elle esı, croiı que ne connais>>
ıı0
Iıs
Crimes
dı
I'amour
Dorgetillı
sant point du tout M. Duperrier, ce qu,il a de mieux i faire' est de donher a,ruo.j ı, ı]t,i. qu^'il a,.et de se faire annoncer ensuite oar ce m6me domesıique' dont iı ..; ;;;;; 5; :: moyeı. S'Ğant nomm€ i C6cile' il a",i,]'"r] qu'elle ne-mande :i ce sainı-Suri;";;;;il"fii ". a vant6 Ia fi_d€litĞ, quelle est ı" p"..""* |"l s tnteresser a son sort. Il remet ""i;i, en consdouence .r.l9q.' et Sainı-Surin ı'u-pr,';i;; H il:: qu'il s'6crie avec une ,".," ". ;':;;i;; ;;#;i n esı pas Ie maiffe ; (.quoil. c'es( vous, monsieur... c,est gevllre qur est le protecteur de notre M. Dor_ malheu_ reuse maitresse. Je vais vous annoncer
i ses pa_ rents, monsieur; mais ie vous pr6viens oJ,ils sont cnıellement en collre; i. d;";.';;;"i-;;: reussısslez_ i lcs raccommoder avec ıa". çıı.; qu'il en soit, monsieur, continua Sainr_ ^quoi Surin, qui paraissait ,n grrçon d,espii;, ;, ;:; }ıgure-agrĞable, .. p.o.Ed6'frit a ı,"r"i".
ri.İjJı ,i#' ,'#l'.o'İ 'iuH. Saint_Surin monte arıJ( ui.nt I;i,,,ı,nl d'un quart d'heure.
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On consentait i voir M Dorgeville, puisqu,il s'6tait donnĞ la peine de venır d.aussi loin nn',"
une telle affairi; mais
6ri,-;;;;;
peinĞ qu'il s'en fiıt charg6, "" qu on ne voyaiı;j;; aucun moyen de lui accorder .i q"'iı citeı' en faveur d,une fille mardite, "e.'a,iı 'oili.,-il;;talt son sort par l,Ğnormit6 de sa faute-, uorgeville ne s'efftaie point; on i;irrr.od,riı; ıl., trouve.-dans M. et Mme' Duperrier d."* p;;j sorures d'environ 50 ans' qui le reçoivent lionneteınent,
quoique arec
,', p., a,i-ü'-.i i,
ııl
Dorgeille aposc succinçerneııt ce qui l'aııtne dans cece maison.
a Ma femme.et moi' nous sommes irrğvocablement d6cides, monsieuç dit le mari, i ne jamais raoir une crĞature qui nous deshonore; elle peut deveııir ce que bon lui seınblera, nous l'abandonnons i la destinee du Ciel, en espğrarit de sa justice qu'il nous vengera bient6t d'une telle fille... > Dorgeville r6futa ce projet barbare, par tout ce qu'il put employer de plus paü6tique et de plus 6loquent; ne pouvant convaincre I'esprit de ces gens-li, il essaya d'attaquer leur cctur... möıİıe r6sistance; cependant CĞcile ne fut accı4see par ces Parents cnıels, d'aucun autre tort que de ceux dont elle s'6taii elle-mdme avouĞe coupable, et il se trouva que dans tout, les rĞcits qu'elle avait faits Ğtaient absolument conformes aux accusations de ses juges. Dorgeville a beau repr6senter qu'une faiblesse n'est pas un crime, que sans la mort du s6ducteur de CĞcile, un mariage eüt tout rĞpar6, rien ne röussit; notre n6gociateur se retire assez peu satisfait; on veut le retenir :i diner, il remercie et fait sentir, en s'en allant, que la cause de ce refirs ne doit se trouver que dans ceux qu'il 6prouve lui-mĞme; on ne le presse point, et il
sort.
Saint-Saurin attendait Dorgeville au sortir du chiteau. a Eh bien! monsieur, lui dit ce domestique, avec tout l'air de I'inı6r€ı, n'avais-je pas raison de croire que vos peines seraient infiucnıeuses? Vous ne connaissez Pas ceııx i qui vous venez d'avoir affaire, ce sont des ccurs de brorıze; jamais I'humanit6 ne fut entendue d'eux; sans mon respectrıeux attachement Pour cette chĞre
ll2
Lıs Cimes
de l'amour
personne, i laquelle vous voulez bien servir de protecteur et d'ami, il y a longtemps que je les aurais quitt6s moi-mdme, et je vous avoue, monsieur' poursuivit ce garçon, qu'en perdant au_ jourd'hui, comme je le fais, l'espoir de jamais consacrer davantage mes services i Mlle Duperrier, je ne vais plus m'occuper que de me placer ailleurs. ı Dorgeville calme ce fidĞle domestique, il lui conseille de ne point quitter ses maitres, et I'assure qu'il peut €tre tranquille sur le sort de C6_ cile, que du moment qu'elle est assez malheureuse Pour €tre abandonnĞe aussi cnıellement de sa famille, il pr6tend i jamais lui tenir lieu de pĞre. Saint-Surin, en pleuranr, embrasse les genoux de Dorgeville, et lui demande en m€me temps la permission de lui donner la r6ponse i la lettre qu'il a reçue de Cğcile; Dorgeville s'en charge avec plaisir, et revient auprĞs de son int6ressante proteg6e, qu'il ne console pas autant qu'il I'aurait voulu. < H6las! monsieur, dit C6cile, quand elle apprend la duret€ de sa famille' .je devais m'y attendre, je ne me pardonne point, ötant süre de ses proc6d6s, comme je devais l'6tre, de ne vous avoir pas 6pargn6 une visite aussi dĞsagr6able ı, et ces mots furent accompagn6s d'un torrent de larmes, que le bienfaisarit Dorgeville essuya, en protesant i Cğcile de ne l'abandonner jamais. Cependant, au bout de quelques jours, notre intĞressante aventuriĞre se ırouvant remise, Dorgeville lui proposa de venir achever de se rötablir dans sa maison. < Eh! monsieur, r6pondiı C6cile avec douceur, suis_je en Ğtat de r6sister i vos offres, eı ne dois_ je pourant pas rougir de les accepıer? Vous en
Doıgeülle
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avez döia beaucoup trop fait .pour moi; mais caDtiv6; Dar ıes liens mcmes de ma reconnatsdoit ;;;.-i";; me refuserai i rien de ce quitemps en m€ m e rendre les me et ıes rrıııitiplier, olus üers. > ' or, ." rendit chez Dorgeville; un peu avant au Chİteau, MlĞ Duperrier t6moigna pas "";';';; ı' ,on bienfaiteur qu'elle d6sirerait n'€tre bien ]"iiıo".-.n, dans i'asile qu'on voulait lieues lui de 5Ji"Ji-o";qr'il y eüt pris de quirzepoınt assez li. chez son pĞre, ce n'Ğait pourtant oow q.r'.lle n'eüt pas i craindre d'€re recon;;;. J;; J*"it-elie pas apprĞhender les effeıs du ressentiment d'une famille assez cruelle Pour d'une faute"' i"-";;;;.. auant de s€vĞritğ"' devait pr6qu'on mais *.'".-i.ıı. ." convenait), qrre plutö( bien n'arrivdt, qu'elle Şenir avanc n'6t"it il quand du.ement a'rssi ;;'i; .hfi;; -plus temos de l'emp€cher; d'ailleurs, pour luı_meme' se.iit-iı bi.n aise d'afEcher aux yeux nor'seville ';*;;;-ı;;;vince qu'il voulaiı bien- prendre ;. malheureuse ," in,e.e, airssi particulier i une dans dĞshonor6e et fille proscrite par ses Parents l'ooinion Publique? -i;'t je Dorgeville ne ıui permit Pas mais "..j,",c d.-.;;;;;;;; cette seönde considğration' qu'elle i C6cile promit il et l,";;tö* ıe dcciaa' qu'il la .*'J';; iri .o--t elie I'exigerait' dans l'intĞrieur Pour une de ses coui..ri, ""''.. .ir,"._'et ou'elle ne verrait au dehors que üe perr q"'elle desirerait; c6cile remercia ;;;;;;; arriva' ;;;;; son gĞn6reux ami' et l'onn'avait ;. ""ıi'.'.i.-o' pas di ıe dire, Dorgeville send'un mĞlğ vır C6cile ,"rr. ,n. sorte d'int6r€t jusqu'alors; i,-J"i".J irı avait 6tğ inconnu se rendre a devait ne ,.,a ama comme la sienne ou Pr6Pa_ sensibilitÖ' la i;;;;;q;'.-"llie par
tt4
Iıs
Crimıs de l'amour
r6e par la bienfaisance; toutes les qualit6s que Dorgeville voulait dans une femme se rencontraieru dans Mlle Duperrier; ces circonstances bizarres, auxquelles il voulait devoir le ccur de celle qu'il €pouserait, s'y trouvaient 6gale_ ment; il avair toujours dit qu'il d6sirait que la Ibmme i laquelle il donnerait sa main (tıt en quelque façon li6e ıi lui par la reconnaissance, et qu'il aspirait i ne la renir, pour ainsi dire, que de ce senriment-lA. N'6taii-ce pas ce qui arrivait ici? Et iians le cas oü les morlvements de ['ime de C6cile ne se trouveraient pas trös 6loi_ _ gn6s des siens, devait-il, avec sa maniöre de voir, balancer A lui offrir de la consoler par les neuds de l'hymen, des torts impardonnables de l'amour? L'espoir d'une chose trös d6licate et sup6rieurement faite pour l'Ame de Dorgeülle se pr6sentait encore, en r6parant l'honneur de Mlle Dupe rrier; n'6tait-il pas clair qu'il la raccommodait avec ses parents, et ne devenait-il pas d6licieux pour lui de rendre i la fois i une femme malheureuse, et l'honneur que lui ravissait le plus barbare des pr6jug6s, ei ıa tendress. d'une famille que lui enlevair 6galement la cruaut6 la plus inouies? Tout plein de ces id6es, Dorgeville demande i Mlle Duperrier si elle d6sappiouve qu'il lasse une seconde ıenıative chez ses parenrs: CĞcile ne I'en dissuade point, mais elle se garde bien de le lui conseiller, elle essaie m€me de lui en laire senıir l'inutilit6, en le laissanı nĞanmoins le maiıre d_e laire sur ce poinr ıouı ce qu'il dĞsirera, eı elle 6niı par dire i Dorgeville q,re sans douıe elle commence i lui devenir i charge, puisqu'i| dĞsire avec tant d'ardeur de la rendre'au .ı'rn" 'aia, famille donı iI voiı bien qu'elle esı abhorröe. Dorgeville' ırös conıenı d'une rfponse qui Iui
Dorgeıille
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pr6parait les moyens de s'ouvrir, assure sa prot6g6e que s'il d6sire une rĞconciliation avec ses parents, c'est uniquemenı pour elle et pour le public, lui n'ayant besoin de rien pour animer l'int6r€t qu'elle inspire, ou tout au plus, de l'es_ poir que les soins qu'il lui rend ne lui d6plairont pas. Mlle Duperrier r6pond i cette galanterie, en laissant tomber sur son ami des yeux languissants et tendres, qui prouvent un peu plus que de la reconnaissance; Dorgeville n'en comprend que ırop l'expression, eı rĞsolu i rout, pour rendre i la fin I'honneur et le repos i sa prot6gĞe, deux mois aprös sa premiare visite chez les parents de C6cile, il se d6cide i en faire une seconde' et i leur dğclarer enfin ses l€gitimes intentions' ne doutant pas qı]'un tel procĞdĞ de sa part nĞ les d6termine sur-le-champ i rouvrir leur maison et leurs bras i celle qui se trouve assez heureuse pour r6parer aussi bien la faute qui les a contrains i €loigner d'eux beaucoup trop durement une fille, qu'ils doivent ch6rir au fond de leur ime. Cöcile ne charge point cene fois-ci Dorgeville d'une lettre pour Saint-Surin, ainsi qu'elle I'avait fait lors de sa premiire visite, peut-dtre en saurons-nous bientöt la cause. Dorgeville ne s'en adresse pas moins i ce valet pour 6tre inroduit de nouveau chez M. Duperrier; Saint-Surin.le reçoit avec les plus gıandes marques de respect et de plaisiı, il lui demande des nouvelles de C6cile avec les plus vifs t6moignages d'intĞr€t et de vĞn6ration, et dĞs qu'il a appris les motifs de la seconde visite de Dorgeville, il loue infiniment un aussi noble proc€d6' mais il d6clare en ınöme temps qu'il est presque sür que Cette dĞmarche n'aura pas un meilleur succĞs que l'autre; rien ne dĞcourage Dorgeville, et iı entre chez Du-
Les Crimes ıle l]amouı
Dorgeıille
perrier; il Jui dit que sa fiIle esı chez lui' qu,il prend te plus grand soin eı d'elle et de son enlant. qu'il la croit enridrement revenue de ses erreurs. qu'eIle ne s'esı pas un instant demeni;e dans ses remords, et gu.une pareille conduite ıuı paraiı.merater enlrn quelque indulgence. Tout ce qu ıl dit est 6cout6 du pire et de li möre avec la pıus gTande artention; un moment Dorseville croıt ayoir rĞussi.; mais au flegme Ğtonnan'i avec Iequel on lui rĞpond. il n.esi pas lonetemos -i se convaincre qu'il traite uu.. d., a-J' d"'Ğ. avec des especes d'animaux enfin bien plus sem_ blab|es A des bĞtei f6roces. qu'i d..'.;;;;;;.
prisĞ nos conseils, elle a m6connu nos ordres, en un mot, elle s'est jet6e volontairement dans le prdcipice, quoique nous le lui montrassions sans cesse entrouvert sous ses pas. Une fille qui aime ses parents ne se conduit point ainsi; tant qu'6ayee par le suborneur i qui elle doit sa chute, elle a cnı pouvoir nous braver, elle l'a fait inso_ lemmcnt; il est bon qu'elle sente i prĞscnt ses torts, il est juste que nous lui refusiöns nos secours, quand elle les a m€pris6s, lorsqu'elle en avait un besoin si r6el. C6cile a fait une sottise, monsieur, elle en ferait bientöt une seconde; l'öclat a eu lieu; nos amis, nos parents savent qu'elle a fui la maison paternelle. honteuse de l'6tat oü l'avaient r€duite ses travers; restons-en li, et ne nous obligez point i rouvrir notre sein i une crĞature sans ime et sans conduite, qui n'y rentrerait que pour nous pröparer de nouvelles douleuıs. _ Affreux systömes, s'6cria Dorgeville, piqu€ de tant de r6sistance, maximes bien dangereuses que celles qui punissent une fille, dont le seul tort est d'avoir 6t6 sensible. Tels sont les abus dangereux qui deviennent la cause de tant de meurtres 6pouvantables. Cruels parents! cessez d'imaginer qu'une malheureuse femme est dĞshonor6e pour avoir ğt6 sĞduite; elle {ht devenue moins criminelle avec moins de sagesse ou de religion; ne la punissez pas d'avoir respect6 la vertu, dans le sein möme du d6lire; Par une stltpide incons6quence, ne forcez point i des infamies celle qui n'a d'autre tort que d'avoir suivi la nature; voili comme l'imbĞcile Conradicdon de nos usages, en faisant d6pendre I'honneur de la plus excusable des fautes, entraine aux plus grands crimes celles pour qui la honte est un poids plus affreux que le remords; et ı'oiıi comme
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humaines.
. Confondu d'un ıeI endurcissement, Dorseville ';;, demande i M. eı ıi Mme Duperri;. guelı]l9 a1ır.e motif de plainıe ou de hai.,.';tİ. .or,... reur e, lui paraissant inconcevable, Oue Dour -n une laute de ceııe nature, ils se dĞcideni i un tel excös de rigueur vis-i-vis d'une cr6ature douce eı honndıe et qui rachete ses tor(s par une foule de vertus. Duperrier prend ici Ia parole: (Je . .ne vous d6tourneiai poinı, diı_il, mon_ sieur, des bont6s que vous avez pour celle que ie nommaı autreİois ma fille' et qui s,esı .endlie lnolgne de ce nom; de quelque cruauıe qu,il vous plaıse de m'accuser, je ne la porterai pour_ tant poinr jusque-l:i; nous ne lui connaissons d autre ıort que celui de son inconduiıe avec un mauvais sujet, qu'elle n,auraiı jamais dü regaroer; ceİte İaute esı assez grave i nos yeux. o"our qu'aprds s'en Ğtre souillğe, nous la condamnions a ne nous revoir de la vie. C6cile, dans les com_ mencernenİs_ de son ivr.esse, fuı avertie des suites tois par nous; nous lui prĞdimes ıout g ıır. Y": ce quı lui est arrivĞ, rien ne I'arr€ta; elle a mĞ_
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Iıs Cimu
Dorgeaille
de l'amour
dans_ce cas, ainsi que dans mille autres, on pr6_ tere des atrocit6s qui servent de voiles i des erreurs indĞguisables. Que les fautes l6gires n'imoriment
au'cune fleırissure aux coupabi-es,
po,i. .n."yellr ces mınuties, ceux qüi se les",oıit Dermises ne se plongeront plus dans un abime di maux... PrĞjugĞs__ıi part, oü donc est l'infamie pour une pauwe fiIle. qui, rrop livrĞe au sentimeit le plus narurel, a doub|Ğ son existence par excĞs de _oıi iensibilit€? De quel forfait est-elli coupableı sont en cela les torts effrayants de son ime ou de
sön esPrit? Ne sentira-t_on jamais que la seconde laute n'est qu'une suiıe de la premiĞre, qui elle-
m€me
ne saurait en €tre une. Quelle impardonnable contradiction ı on ğlövece sexe dans_tout ce qui peut dĞcider -rıi.r."..r* sa chute, et on le^tİĞtrit quand elle esı faiteI PĞres barbares! ne reİusez pas i vos frIles l'objet qui les int6resse; par un Ğgoisme alroce. ne les renbez p"' et...,.ilemenı les vıctlmes de votre avarice ou de yotre ambiıion: et, cĞdanı i |eurs penchanr, a""r ro. lors, ne voyant plus en vous que des amis, elles se garderont bien de commeitre les fauıes oü les contraignent vos refus; aıla' ,re ,ont dorra coupables que- par vous... Vous seuls imprimez sur Ieur front Ie sceau fatal de I'opprobre.i. Elles ont.6couıĞ la naıure' et vous Ia .lt.. ori "itl.r; dans tlechı sous ses lois, et vous les 6touffez vos imes... Vous seuls möriteriez donc le d6shonneur ou_la peine, puisque vous seuls €tes ."r*a a, mal qu'elles font' et qu,elles n'Ğussent jamais valncul sans vos (TuautĞs, les sentiments de oud.eur et de dĞcence que Ie CieI imprima d'ans
elles.
<.Eh bien! poursuivit Dorgeville avec plus de , cnaleur encore; eh bien! monsieur, puisqie vous ne voulez pas r6parer l,honneur d'. fiıl.,
""i'.
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j'en prendrai donc moi-m6me le soin; dĞs que vous avez la barbarie de ne plus voir qu'une
6trangöre dans C6cile, je vous dĞclare, moi, que j'y vois une 6pouse; je prends sur moi la somme de ses torts, quels qu'ils aient Ğt6;je ne l'en avoue pas moins pour ma femme i la face de toute la province; et, plus honndte que vous! monsieur, quoique aprĞs la maniöre dont vous vous conduis€z' votre consentelnent me devİnt inutile, je verrx bien encore vous le demander.'. Puis-je €tre sür de l'obtenir? > Duperrier confondu ne put s'empdcher de fixer ici Dorgeville avec des marques d'une 6tonnante surprise. < Q,poi ! monsieur, lui dit-il, un galant homme comme vous s'expose volontairement i tous les dangers d'une telle alliance? - A tous, monsieur; les tors de votre fille avant qu'elle ne me connüt ne peuvent raisonnablement m'alarmer : il n'y a-qu'un homme injuste, ou des pr6jug6s atroces, qui puissent regarder comme vile ou cofiune coupable une fille, pour avoir. aimö un autre homme avant qu'elle ne connüt son mari. Cette maniĞre de penser a sa source dans un impardonnable orgueil, qui, non content de mairiser ce qu'il a, voudrait enchainer ce qu'il ne poss6dait pas encore..; Non, monsieur, ces absurdit6s r6voltanıes n'ont aucun empire sur moi; j'ai bien plus de confiance en la vertu d'une fille qui a connu le mel, ct qui s'en repenı, qu'en celle d'une femme qui n'cııt jamais rien i se reprocher avant ses ırcııds; l'unc coniıait l'abime eı ı'Ğvite, ı'aure y souPçonne des feurs et s'y jette : encore une fois, monsieur, je n'attends que vore aveu. - Cet aveu n'est plus en notre pouvoir' rçrit fermement Duperrier; en renonçant i notre
I
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Les Cimes de I'amour
Dorgeülle
I
autorit6 sur C6cile, en la maudissant, en la d6savouanL comme nous I'avons fait, et comme nous condnuons de faire encore, nous ne pouvons conserver la facult€ d'en disposer; elle est pour nous une 6trangĞre que le hasard a plac6e dans vos mains...; qui devient libre par son İge, par ses d6marches et par norre abandon... de laquelle, en un mot, monsieur, il vous devient permis de faire tout ce que bon vous semblera. - Eh quoi! monsieur, vous ne pardonnez pas .i Mme Dorgeville les torts de Mlle Duper-
ıier?
- Nous pardonnons i Mme Dorgeville le libettinage de Cöcile; mais celle qui porte l'un et l'autre noms, ayant rop gridvement manqu6 i sa famille... quel que soit celui qu'elle prenne, pour se repr6senter i ses parents, ne sera pas plus reçue d'eux sous l'un que sous l'autre. - Observez-vous, monsieur, que c'est moi que vous insultez dans ce momenı-ci, eı que votre conduite devieırt ridicule h cöte de la d6cence de la mienne. - C'est parce que je lc sens, monsieur, que j'imagine que ce que nous avons de mieux i faire est de nous sĞparer; so1ez ıanı qü'il vous plaira l'6poux d'une catin, nous n'avons aucuns droits pour vous en empicher; ınais ne vous imaginez pas en avoir non plus qui puissent
I
nous
contraindre i. recevoir cette femme dans notre maison, quand elle I'a remplie de deuil et d'amertume... quand elle l'a souill6e d'infamies. > Dorgeville, furieux, se lĞve et part sans dire un seul mot. < J'aurais 6cras6 cet homme feroce, dit-il i Saint_Surin, qui lui prösente son cheval, si I'humanit6 ne me retenait, et si je n'6pousais demain sa fille.
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I
- Vous l'6pousez, monsieuT? dit Saint-Surin surpris. j oui, ie veux r6parer demain son honneur"' ie veux ddmain consoler I'infortune.
monsieur, quelle action 86n6reuse! Vous allez confondre la cnıaut6 de ces gens_ci,
- Ohl
vous allez rendre le jouı i la plus inforrun6e des filles, quoique la plus vemıeuse. Vous allez vous .o"-i.' a'.it . glbire immortelle aux yeux de toute la Province... ) Et Doiseville s'6chaPPe au galoP' De reör auprĞs de si prot6g6e, il lui raconte' avec les plus grands d6tails, I'affreuse r6ception ou'il a iue, e-t I'assure que, sans elle, il aurait a'ssu.Ğme.rt fait repentir Duperrier de son ind6cente conduite. C6cile le remercie de sa pru-
I
dirce; -ais quand Dorgeülle, reprenant.la ı"i aDD;nd qu'il es1' mal8r6 tout, decid6 ""."ü. l ı'eo.rr... li iendemiin, un trouble involontaire
saisii cette ieune fille. Elle veut parler"' Les mots exDirenı sı]r ses lĞwes... Elle veut cacher son .-b".ta..... Elle I'augmente" ' ( Moi, dit-elle, avic un ino<primable d6sordre... Moi! devenir voıre 6pouse"' Ah!monsıeur"' A ouel point vous vous iacrifiez pour une p?-uwe'filte.]. si peu digne de vos bontÖs Pour elle' mademoiselle, repriı - Vous eri €tes digne, ırop cnıellement faute une vivement Dorgeville; vous a raiığe' on dont punie eı par Ia maniöre faute qui ne une par vos remords, It olus encore qui vous puisque ceıui suiıe, .r.,r, or. avoir'de enhn faute plus, une n'existi i;" hit .o--"t,re vous a et esprit qu'i voıre mürir sert oui ne qu'oı vie' la de experience iaıale ..,,. dorrrr". .,ir.o.,ı.* iamais qu'i ses d6pens"' Une ıelle f",rı., dı'-ii, ne vous d6grade nullement i mes y"r*. Si ,6rt -e .toy., hit pour la r6parer' je
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m'ofte i vous, mademoiselle... Ma main, ma
m)ison... ma fortung tout ce que je possede eit
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votre service... prononcez. - Oh! monsieur, s'6cria C6cile, pardonnez, si l'excĞs de ma confusion m'en emp€che, devais-je m'attendre iı de telles bontds de votre part, aprds les proc6d6s de mes parens? Et comment voulez-vous que je puisse me croire capable d'en pouvoir profiter? - Bien 6loign6 de la rigueur de vos parens, je ne juge pas une l6gĞret6 comme un crime ; et Cette elTeur qui vous coüte des larmes, je l'efface en vous donnant ma main. ) Mlle Duperrier tombe aux genoux de son bienfaiteur; les expressions paraissent manquer' arıx sentiments dont son İme est pleine; au travers de ceux qu'elle doit, elle sait m€ler l'arnour avec tant d'adresse, elle enchaine, en un mot, si bien l'homme qu'elle croit avoir tant d'int€r€t İ captiver, qu'avant huit jours le mariage se cĞlĞbre, et qu'elle devient Mme Dorgeville. Cependant la nouvelle mari6e ne quitte point encore sa retraite, elle fait entendre i son 6poux que, n'6tant point raccommod6e avec sa famille, la d6cence Iioblige i ne voir que trös peu de monde; sa sand lui sert de prĞtexte' et Dorgeville se borne i son int6rieur et A quelques-uns de ses voisins. Pendant ce temps, l'adroite C6cile fait tout ce qu'elle peut pour persuader i son mari de quitter le Poitou: elle lui repr6sente que dans l'6tat des choses, ils ne pourront jamais y 6tre l'un et l'autre qu'avec le plus grand dĞsagr6ment, et qu'il serait bien plus d6cent pour eux d'aller s'6tablir dans quelque province 6loign6e de celle oü l'Ğpouse de Dorgaıille a reçu de toutes parts tant de d6sagr6ments et d'outrages. Dorgeville goüte assez ce projet; il avait m€me
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Dorgeaille
Les Cimes de I'amour
6crit i un ami, qui demeurait auprĞs d'Amiens' de lui chercber dans ces environs une campagne aller finir ses jours avec une jeune perii ",ı "c,, et quı' son',J ,imable qu'il venait d'6pouser' Polıou en brouill6e avec ses parents' ne rouvaıt a s'en contraignaient la Jtrg.'".'q"ı
;;;1;;
Ğloigner.
o'n anendait la r6ponse ir ces n6gociations' que
lorsoue Saint-Surin arrive au chiteau: avant il maitresse' ;;.:;.;;6*"ter i son ancienne de le la Dorgeville t Permission ;;;;J;;; saluer: on le reçoit avec satısİacfion' '"T,ın,-;;;';ülue la chaleur avec Iaquelle il sa a oris les inı6r€ts ile Cğcile, lui a taıt Perdre eı bonığs ses P-renore ollce. ou'il vient r6clamer "J'.iı. avant d'aller chercher fortune
:;;
ailleurs.
Vous ne nous quitterez point ı' dit Dorge(et ville. Ğmu de compassion' et ne voyant dans agTeaote homme qu'une empleııe d'autant plus i faire, qu'elle plairait certainement a sa temme: lı
n .'.r.r.
,ow ne nous quitterez point ı:
et Dorge-
su;eı ville formanı aussitöt de ceı Ğv6nement un
surprise pour celle qu'il adore' n'entre chez C6iile qu-en lui prĞsentant .saıntSurin oour premier domesıique de sa maıson' ıvımi Doiseville, touchöe iusqu'aux ıarmes' loıS de embrasse aoi €po'*, le remercie cent .;,,; ;;J;;";i.ntion, tt temoigne devant.lui
ir,iri
a"
l .. ,rıİi'..;uien elle est sensible ) l'atmcheelle' on i'..r, oı.-r'iı a touiours conserv6 pourDuperrıer; ,'".,t..,i.n, un injtant de M' et Mme iil;-;;.; let p.i"t tous les deux sous les Jo., ,.rit. de rigueur qui les a caracıöri#s J"'oo.s*illğ eı l'on ne s'occupe plus
avait Posiüvement fouvö ce qui convenaiı et les deux 6poux etaient a, mom.nt d,aller oien_ dre possession de cette demeure, lorsoue i,6r6_ nemenı" Ie moins attendu eı le plus cjırel. ri.rt ouwir les yeux de Dorgev;ııe, ait.rire.a_'ru"l quıllıte' et d6masquer enfin I'infime cr€aıure quı l'abusait depuis six mois. Tout..etaiı ca'ıme et conıent au chiteau; on venait d'y diner en paix, Dorgeville ,; di_;. aosotument seuls ce jour_la, s'enretenaient ", en_ sembte dans leur. salon, avec ce doux repos du eprouvö sans crainte et sans rehords, :_o"T*. par Dorgeville, mais non pas senıi pr. ,. f"--" aVeC autant de Puretö, sans doutel le bonheur n-est pas lail Piour le crime; l'ötre assez dğorav6 pour en avoir suivi ia carriĞre Peut reindre l',heureuse. tranquilliıö d'une belle ime, mais il en JoUıl blen raremenı. Tout a coup un bruit a{Ireux se hit entendre' Ies p^orres s'o,l'-enı avec fracas, şaınt-surin' dans les [ers, parait au mi|ieu d'une troupe de cavaliers de ' mar6chaussĞe, dont de^ quaıre hommes, se jette sur lT9'-Ptquisuıvi CĞole veut fuir, la retient, eı sans aucun e€ard'_ nı Pour ses cris' ni pour les representaıons de Dorgeville, se pröpire i l'entrjiner surie-champ.
ıt Monsieur... ,larmes, au nom
qıo1sıerır. s'öcrie DorgevilIe en du Ciel. ecoutrz_moi..."oue a laıt^ cette dame, et oü pritendez_vor.'L vous con_ o]ı.ıTe/. lg-norez-vous qu'elle m'apparıient, eı que vous etes dans ma maison. _ Monsieur. röpondit l'exempı un oeu olus ıranguille en'se voyant maiıre de ses deu'* pröies, le Plus gTand malheur qui puisse etre arriri6 jı un aussr.honnete homme que vous est assurement o avoır epousö cette Criature; mais le titre qu elle a usurpĞ avec auıanr d,inhmie que
Dorgeıille
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d'impudence ne peuı la garantir du sort qui I'anend... Vous me demandez oü ie la conduis? A Poiıiers, monsieur, oü d'aprĞs l'an€t prononcĞ conıre elle i Paris' eı qu'elle a Ğvitö iusqu'iı Presenı Par ses ruses, elle sera demain brülĞe vive avec soll iıldigne anıaııt que voici >, continua l'exempt en montrant Sainı_Surin. A ces funeste paroles, les lorces de Dorgeville l'abandonnenı; il ıombe sans connaissance' on le secourt; l'exempt, sür de ses prisonniers, aide lui-möme aux aıtentions qu'exige ce malheureux epoux. Dorgeville reprend ) la fin ses sens... Pour C6cile, elle €tait assise sur une chaise, gardee comme criminelle dans ce salon, oü, une heure avant, elle r6gnait en maitresse... SaintSurin, dans la möme position, Ğtait i deux ou rois pas d'elle, resserr€ aussi 6troitement, mais bien moins calme que Cöcile, sur le front de laquelle on n'apercevait nulle altöration; rien ne troublait la tranquillitö de cette malheureuse, sgn ime, faite au crime, en voyait la punition sans effroi.
< Remerciez le Ciel, monsieur, dit-elle ir Dorgeville; voil) une aventure qui vous sauve lejour; le Iendemain de notre arrivöe dans la nouve|le habitation oü vous comPıiez vous Ğıablir, cette dose, continua-t-elle, en jetant de sa poche un paquet de poison' Ğtait mĞl6e dans vos aliments, er vous expiriez sü heures aprĞs. <
Monsieur,
l'o<empt, vous
dit cetıe horrible cr6ature İı voili maitre de moi, une heure de
plus ou de moins ne doit pas ötre d'une grande importance; je vous la demande, afin d'instruire Dorgevil|e des circonstances singuliĞres qui l'int6ressenL
ıı oui, monsieur, ' poursuivit-elle en s'adressant ir son mari, oui, vous ötes dans tout ceci,
,l
l
Iıs Cimıs dı
126
I'amoır
bien plus compromis que vous ne le croyez; obtenez que je puisse vous entretenir une heure,
et vous apprendrez des choses qui vous surDren_
dronı; puissiez-vous les 6couıir iusqu'au'bouı avec tranquilliıĞ, et sans qu'ellis iedoublent l'horreur q-ue vous devez avcıır Pour mol; Vous verrez au moins par cet a{Ireur r6cit, que si le suis plus malheureuse er la plus criminelie -la des femmes... Ce monstre' dit-elİe en montranı Saint-Surin, est sans doute le plus scölörat des hommes.
ı
II etait encore de bonne heure, l,exempt con_ ;en1iı..aı1 'r6cit qu'annonçait sa captive; piut-ötre 6tair_il- bien aise d'apprendre lıii-mĞnie, quoiqu'tl'sü( les crimes de sa prisonniere, quelle'liaison lls avaıent avec Dorgeville. Deux seuls cava_ liers restörent dans le salon avec l'exempt eı les deux coupables; le resre se retira. les pb.r., ,. termĞrenı, et la fiausse Cecile Duperier com_ mença son rĞcit dans les termes suivants: < louş yoyez en moi, Dorgeville, la crĞaıure que le Ciel a hiı naiıre, eı pour le tourTnent de vos jours. et pour I'opprobre de votre maison; vous sütes en Amerique que queloues annees aprös votre dĞparı de F'rnci, iı vbus'etait nĞ une scur; vous appriıes de mĞme longıemps aprös. que cette sceur, pour iouir plus i I'aisö de l'amour d'un homme qu-'elle ajorait, osa porrer ses mains sur ceux dont elle tenait la vie, et qu'elle se sauva ensuite avec son amant... Eh bien ! Dorgevillc, rcconnaissez cette scur criminelle dans votre Ğpouse inforıunöe, et son amanı dans Saint_Surin... Voyez si les crimes me coütenı, et si je sais les doiıbler quand il [aur. Apprenez malntenana Comme |e vous ai ıromDö. Dorceville... eı calmez-vo"us' dit-elte en ior"n, ,?n malheureux fröre reculer d'horreur ei prĞt )
I
Dorgeuilh
127
perdre une seconde fois I'usage de ses sens... oui, reTnettez-vous, mon fiĞre; ce seIait a moi de frömir... et Vous voyez comme je suis ranquille; peut_ötre n'6nis_je Pas nĞe Pour le crime,
et sans les perfides conseils de Saint-Surin, peutĞtre ne se füt-il jamais Ğveillö dans mon cceur... c'est İı lui que vous devez la mort de nos parents, iI me l'a cönsei|lĞe, il m'a fourni ce qu'il fallait pour l'exöcuter; c'est de sa main que je tiens ögalement le poison qui devaiı terminer vos
Jours. < que nous eümes exöcutö'. nos Premiers .DĞs
projets, on nous souPçonna; il falluı Partir sans Pouvoir möme emPorter les sommes que nous
comPtions nous approprier; les soupçons se changĞrent bientöt en Preuves; on instruisiı notre procös, on Prononça conre nous le funeste arr€t que nous allons subir; nous nous öloignimes... mais pas assez, malheureuseme_nt nous {imes courir le bruit d'une Ğvasion en Angleteıre' on la cnıt; nous nous imaginimes follemenı qu'il ötait inutile d'aller plus loin. SainıŞurin se prösenıa pour domestique chez M. DuDerrier; ses talents le firent bientöt recevoir. If me cacha dans un village voisin de Ia terre de cet honnöte homme, il m'y voyait secrötement. et je n'ai jamais paru Pendant Cet intervalle ) d'auıres regards qu'İı ceux de Ia :
femme chez laquelle j'€tais
logöe.
Ceıte maniĞre d'ötre m'ennuyait, je ne me sentais Pas laite pour une vie ıe|lement ignor6e; il y a ğuelquefois de l'ambition dans les imes criminelles; interrogez tous Ceux qui sonı parvenus sans merite, et vous verrez que c'est rarement sans crimes. Saint-Surin consenait volontiers i aller chercher d'aurres aventures; mais j'6ais grosse, il fallait avanr tout me d6barrasser <
t28
Les Crime s fu I'amour
de mon lardeau; SainıSurin voulut m'envover
Pour mes couches dans un villaqe plus öloisnĞ'de l'habiution de ses maiıres, chjuie femme_.mie de mon_ hötesse; touiours dans l'intention de mıeux observer le mysıire, il fut rösolu oue ie m'y rendrais.seule; j'l allais, quand uous rıi'auüz renconıree; |es doi-ıleurs m'a'yant saisie auanı d'arriver chez cette femme' ie ine d€Iiwais seule 1Y pi.a d'un arbre... eı Iİı] un mouvement de desespolr m'ayanı pris, me VoYant dölaiss6e comme je l'Ğuis alors, moi. nee dins l'opulence' et qui. avec une conduite plus röqlĞe. ersse o, preıendre aux meilleurs paitis de ia p.ovince_'i" voulus ruer le malheureux fruir de riıon libert'inage, et me poignarder moi-mĞme aprös: vous passites, mon fröre, vous eütes l,air de'vous inıeresser a mon sorı: l'esPoir de nouveaux crimes se rallume aussiıöı dans mon sein; je me rösous a Vous tfomper pour augmenter l'inıeriı oue vous sembliez prend.re i moi. Ceciıe Duperriir venaiı de se sauver de la maison pute.nalüe. oora ,a sousıraire İ Ia punition et i [a honte d;riıe [arı. commise avec un amanı qui la meıtait dans le meme eıaı que moi; parlaiıemenı au fait de toutes les flrconstances, je rösolus de jouer |e röle de ceıte'fille; j'ötais sure de deux ihoses, eı qu'elle ne^ reparaiırait pas, et que ses parenıs' lüt-elle meme venue se precipiter iı leurs pieds, ne lui pardonneraient lamais sa conduite; ces deux poinıs me sufİre-nı pour 6ıablir tourc mon histoıre; vous vous chargeites vous-m€me de Ia lettre, oü j'en instruisais Saint-Surin, eı dans _ Iaquelle je lui [aisais part et de l,6ıonnante rencontre d'uı fröre que je n'aurais jamais connu, s-ıl ne se lüı nommö İı moi, et de-l'esooir hardi que j'avais de le faire servir, sans qu'il s.en douüt, au rĞtablissement de notre forıune.
Doıgeuilh
129
ıı Saint-Surin me röPondit par vous' et de ce moment, İ votre insu, nous ne cessimes et de nous 6crire et de nous voir m€me quelquefois secrötement. Vous vous rappelez vos mauvais osaı Poınt poinı succös chez les Duperrier; je ne m'opposai dömarches- dont Je ie ne redoutais rıen rien vls-a_ vis-ir_ ia des dĞmarches, vis de cet homme, et qui, vous Aisant connaire Sainı-Surin, pouvaienç vous intĞresser Pour un amant que j'avais dessein de rapprocheı de nous. Vous me montriıes de l'amour... vous vous sacrifiites pour moi; ıous ces proc6dös s'arrangeanı aıD( vues que j'avais de vous captiver, vous viıes comme j'y r6pondis, et vous avez 6prouvö, Dorgeville, si les liens qui m'enchairıaient e vous m'emp€chĞrenı de fiormer ceux d'un hymen qui consolidait si bien tous mes plans... qui me sortait de l'opprobıe, de l'abaissement, de Ia misöre, et qui, au moyen des suites de mes crimes, me plaçait dans une province öloignöe de la nötre, riche... et femme enfin de mon amant; le Ciel s'y est oppos6; vous savez tout le reste, et vous voyez comme je suis punie de mes fautes... Vous allez dme dĞbarrassĞ d'un monstre qui doiı vous Ğıre odieux... d'une scğlörate qui n'a cessĞ de vous abuser... qui m6me goütant dans ios bıas d'incestueux plaisirs, ne s'en liwait pas moins chaque ;our h ce monstre. dös le momenı que l'excĞs de votre pitiĞ I'eüt imprudemment rapprochÖ de nous.
tı Haissez-moi, Dorgeville... je le m6rite.'. döıestez-moi, ie vous y exhorte... mais en voyanı demain de v6tre chiieau les flammes qui vonı consumer une malheureuse... qui vous avaiı aussi cnrellemenı ırompĞ... qui bientöı eüt ranchd le fil de vos jours... ne m'ötez pas du moins la Conso|aıion de croire qu'il echappera quelques larmes de ce cceur sensible encore ouvert A mes malheurs, et que vous vous rappellerez Peut-ötre
-T
130
Lıs
Crimes de l'amour
qüe' n6e votre scur, avaııl que de devenir le ffĞau ,l.:oY.-.nıv9trg vie, je ne dois pas perdre İl 1de en_un.instanl les.droiıs qüe ma naiira.nte me oonne a votre oitiö. ı
L'infime. ..jrtr.. ," se rrompair pas; elle ie cceur du Dorğeviile, li ;::,,,_:.T: .malheureııx' Tondaıı en larmes pendant ce recır. Ne pleurez pai, Dorgeville, ne pleurez oas. ,.< olt-elle... Non. j'ai ıorı de vous demander,des tarmes.. Je ne les merite point. et puisque vous d'en r6pandre'. permertez-moi. pour İ_":i ]1,-b"l!. les larlr. de ne vous rappeler en ceı insEnt oue mes torts; jeıez les yeux sur l.inforıun€ e
tlıri consid6rez dans eIle l'assemblage,Ie :?.:: odteux İf..|.' de ıous les crimes' pıus et vous lrĞıiirez au lieu de la plaindre... u A ces mots. Virginie se ldve ıı Aljons, monsiiur. dit-elle lermement . i I'ofECıer' allons donncr d la province l.exemple ou'elle de ma mort; quc mon laible sexe appienne, 1:eld en!la Voyant' oü conduisenı l'oubli des j.'uoi...i I aoandon de Dieu. ı . ,En descendanr les marches qui la conduisaient elle demanda,"" nıi, o".g.uiii., d";i l,_L._"-"I' le cceur noble et g6_nireux laisait Ğlevir..t enh.,t pf"r grand soin, ne crut pas devoir lui :l:: -,_.cetle IeIuser consola_ıion; on apporte cerre misĞraDre creature;-elle Ia prend, ell.e la serre contre el|e Ia baise... puis.6ıeignant aussitöt ::1| ^._"sentrments de tendresse res qui. amollissanr rT1 allaient peut-Ğtre y lii'r".e-np.netr.. ru.. ]_"l j^"TPi* ıoutes les. horreurs de sa situaıion, :1:: clle. eıoutle ce miserable enfant de ses propres :
.,
matns.
le jeıant. ce n.esı pas la peine que tu.Votes Ie jour pour n'y connaiire ^'.,lY.1'.9i,-.1l*.en or. ü'ı.,Iamle. la honıe er i.inficrıune; qu'il ne r;sıe sur
I
Doıgeıille
131
la terre aucune trace de mes forfaits, et deviensen la derniöre victime. ı A ces mors, la sc6l6rate s'6lance dans la voiture de l'exempt; Saint-Surin suit enchain6 sur un cheval, et le lendemain, i 5 heures du soir, des deux exğcrables cr€atures p€rirent au milieu des effrayants supplices que leur r6servaient le courroux du Ciel et la justice des hoinmes. Pour Dorgeville, aprĞs une maladie cruelle, il laissa son bien i difnerentes maisons de charit6, quitta le Poitou et se retira i Ia Trappe, oü il mourut au bout de deux ans. sans avoir pu d6tıuire en lui, malgr6 d'aussi terribles exemples, ni les sentiments de bienfaisance et de piti€ qui formaient sa belle ime, ni l'amour excessif dont il brüla jusqu'au dernier soupir, pour la malheureuse femme... devenue l'opprobre de sa vie, et l'unique cause de sa mort, O vous! qui lirez cette histoire, puisse-t-elle vous p€nĞtrer de l'obligaı ion oü nouı sommes tous de respecter des devoirs sacı6s, dont on ne s'6carte jamais sans voler i sa perte. si, coıltenu par le remoıds qui se fait sentir au brisement du premier frein, <ın avait Ia force d'en rester li' jamais les droits de la vertu ne s'an€antiraient totalement; mais notre faiblesse nous perd, d'affreux conseils corrompent, de dangereux exemples pervertissent, tous les dangers semblent s'6vanouir, et le voile ne se d6chire que quand le glaive de la justice vient arr€ter enfin le cours des lorfaits. C'est alors que l'aiguillon du repentir devient insupportable; il n'est plus temps, il {hut une vengeance aux hommes, et celui qui ne Sut que leur nuire, doit finir töt ou tard par les effrayer.
La
comtesse de Sancerre
133
Charles' sancerre. I'un des meilleurs g6n6raux de n6gli_ rien sa femiıe de ne ;i"i, et de H';;;irH;;ation de leur fille Am6lie'ardeur ı";.5.-;;.;; ;rns inquieıude la tendre chaorıe cette ieune personne ressentait pour.le un poss6der I"irı"_ j.'ü"".lu"ı qui devait la
;;;;;e
LA COMTESSE DE
SANCERRE
OTJ
LA RIVALE DE SA FILLE ANECDOTE DE TA COUR DE BOURGOCNE
Crrını-rs ı-ı Tfırdııııı, duc de Bourgogne, toujours ennemi de Louis Xl, toujours occup6 de ses projets de vengeance et d'ambition, avait İı sa suite presque tous les chevaliers de ses ftas,
et tous i ses cöt6s sur les bords de la Somme' ne l;'occupant qu'i vaincre ou qu'i mourir dignes de leur chef, oubliaient sous ses drapeaux les plaisirs de leur patrie. Les Cours 6taient tristes en Bourgogne, les chiteaux d6sers; on ne volait plus briller, dans les magnifiques tournois de Dijon et d'Autun, ces preux chevaliers qui les illustraient jadis, et les belles, abandonnĞes, ndgligeaient jusqu'au soin de plaire, dont ils ne pouvaient plus €re l'objet; fr6missant pour les jours de ces guerTiers chğris, ce n'Ğtait plus que des soucis et des inqui6tudes que I'on voyait sur ces fronts radieux, anim6s par I'orgueil, quand autrefois, au milieu de l'arĞne, tant de braves e-xerçaient pour leurs darhes, et leur adresse et leur courage. En suivant son prince i I'arm6e, en allant lui prouver Son zöle et son attachement' le comte de
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I'enf'nce Monrev^el' ff;:^.I;J'*;.."i' i'p'i'.lJİi#ll q,,"" 1li: 'ı"g?'' a. i i'll,'?.; ^gi sous tes plusieurs camPagnes i
-
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venait d'obtenir de besoin Jeune ime avaiı rester en Bourgogne, et ne pour Pas dl iort l'rmo""i qui I'enflammait aPPoTarrangements ,'i..ite. d.* retardJ que ces ."..e* de ies armes Miis Monrevel' le -i*"i""* .n*rii* de son siĞcle' le plus aimable f,;i';;; aimer Comme ll !i ıa pır' Courageux.t savait dieu de-la
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Cimes de l,amour
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comrcss€ de Sancerre L"İl__q. üne qıchaıt dme jalouse, imp6rieuse, et capable, er, ,ir mot,'d"'to.r*lJ 'i;;;;; Peuvent enfaıner ces passions. öeaucoup. trop c6ldbre i la cour de Bourgogııe, par.Ie relichemenı
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;":x *;1":, ilf:il!.*iH,, onılanı Comme elle faisait "**.,:'# pour,l'amant. de sa fille, "u r""J a. ,"',-.lJr] * rı, p""._Jiı. iii cons_oladori de. faire l
ignore. au moins
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sıens' et ses yeux depuis bien tout appris i Monr&el. si c,
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,""ı" ].l' autre arnour que celui d'Am6lie ni, a*."r.Joi, lui une offense bien p|utöt qr'r.';;;;;;.-_::pr,r
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par ordre de son 6poux, la
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comtesse
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Sancerre
l35 I
gemens du comte de Sancerre ne d6plaisaient pas i cette belle fille, il osait croire que ce n'eüt pas 6t6 sans peine qu'Am6lie en eüt vu un aure en possession de I'espoir de lui appartenir un Jour. <
Comment est-il, Am6lie, disait Monrevel
i
sa belle mairresse, dans un de ces courts instants oü il n'ğtait pas obs6d6 par les regards jalorıx de
Mme de saıcerre, comment se peut-il qu'avec l'assurance d'€tre un jour l'un i l'autre, on ne vorıs pennette m6me pas de me dire si ce pıojet vous contrarie, ou si je suis assez heureux pour qu'il ne vous d6plaise point? Eh quoi! I'on s'oppose i ce que I'amant qui ne songe qu'i se
rendre digne de faire vome bonheur puisse savoir s'il peut y pr6tendrel > Mais Am6lie, se contentant de regarder tendrement Monrevel, soupirait et ğoignait sa mere dont elle n'ignorait pas qu'elle devait tout craindre si jamais les expressions de son cceur osaient s'annoncer sur ses lĞvres. Tel 6ait l'ötat des choses' quand un courrier arriva au chd.teau de Sancerre, et y apprit la mort du comte sous les murs de Beauvais, le jour m6me de la lev6e du siĞge; Lucenai, l'un de$ chevaliers de ce g6nöral, apportait, en pleu_ rant, cette triste nouvelle, i laquelle 6tait jointe une leıtre du duc de Bourgogne i la comtesse. Il s'excusait de ce que ses malheurs l'empĞchaient de s'6tendre sur les consolations qu'il croyait lui devoir, et lui enjoignait o<press6ment de suiwe les intentions de son mari, par rapport i I'alliance que ce g6n6ral avait dğsir6e entre sa fiıle et Monrevel, de presser cet hymen et, quinze jours aprös qu'il aurait 6t6 consomm6, de lui renvoyer ce jeune h6ros, ne pouvant, dans la situation de ses affaires, se passer dans son
i
136
Les Crimes dı l'amour
armĞe d'un aussi brave guerrier que Monrevel. La comresse prit le deuil, et ne publia point la recommandacion de Charles; elle 6tait trop conre ses d6sirs pour qu'elle en dit un mot. Elle congĞdia Lucenai, et recommanda plus que jamais i sa fille de d6guiser ses sentiments, de les Ğtouffer möme' puisque aucunes circonstances ne contraignaient plus un hymen... Qui ne se ferait i pr6sent jamais. Ces dispositions remplies, la jalouse comtesse se voyant d6liw6e des entraves qui s'opposaient i ses sentiments effrĞnds pour l'amant de sa fille, ne s'occupa plus que des moyens de refioidir le jeune chitelain pour Am6lie, et de I'enftammer pour elle. Ses premiĞres d6marches furent de s'emparer de toutes les lettres que Monrevel pouvait 6crire i l'armöe de Charles, et de le retenir chez elle, en irritant son amour, en lui laissant une sorte d'espoir Ğloign€ qui, travers6 sans cesse, le captiva tout en le d6solant; de profiter ensuite de l'6tat oü elle allait mettre son dme, pour le dis_ poser peu i peu en sa faveur, imaginanr. en femme habile, que le d6pit lui rapporterait ce qu'elle ne pourrait obtenir de l'arrıour' Une fois süre qu'aucune lettre ne soltirait du cheteau sans lui €tre apport6e, la comtesse r6pandit de faux bruits; elle dit ö tout le monde, et m€me sourdement au chitelain de Monrevel, que Charles le T6m6raire, en lui apprenant la mort de son 6poux, lui enjoignair de rrlarier sa fille au seigneur de Salins, auquel il ordonnait de venir conclure. cer hymen ;i Sancerre, et elle ajouta avec l'air du secreq en s'adressant i. Monrevel, que cet 6v€nement ne ffcherait sürement pas Am6lie, qui depuis cinq ans soupirait pour Salins. Ayant ainsi port6 le poignard dans le
l'a
I
comtesse
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Sancnre
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cceur de Monrevel, elle fit venir sa fille et lui dit oue tout ce qu'elle faisaiı n'6ıait qu'i dessein de
i6tache. le ihiitelain d'elle, qu'elle lui recommandait d'6ayer ce projet, ne voulant point absolument di cette alliance, et qu'il valait mieux, cela pos6, prendre un pr6texte comme celui dont eile se servait, qu'une nıpnrre sans
fondement; mais que sa chere fille n'en serait pas olus malheureut., pu.ce qu'elle lui promettait Lr'u, -o""n de ce-l6gbr sacrifice' elle la laisserai, ı;br.'de rout autie choix qu'il lui plairait de faire. Amğlie voulut contenir ses pleurs i ces ordres cn-ıels; mais la nature. plus fone que la prudence, la fit tomber aux Senoux de la comtesse; elle la coniura, par tout ce qu'elle avait de plus de Monrevcl' de cher' de ıie la iıoinı sÖparer j'un qu'eııe avait pĞre inrentions ..-rıi. ı., bien amÖrepleurer faisair lui qu'on .t adoiĞ, ment. Cette int6ressante fiIle ne r6pandait pas une larme qui ne retombit sur le cceur de sa mdre' se < Eh quoi! dit la comtesse, en essayant de les sentimens de mieux connaire vai.,cre fille, cette malheureuse Passion vous de sa ^fin domine-ı-elle donc au point que vous n'en puis-
siez faire
le
sacrifice?
Et si votre amant
eut
6prouv6 le sort de Votre pĞre, s'il vous l'eüt fallu
nleurer comme lui?... ' - onı madame, rĞpondit Am6lie, ne m'offrez Das une aussi d6solante idĞe; si Monrevel eüt i6ri.-'i_ro. ie ı'aurais suivi de bien prĞs, ne doutez pas pöre ne me soit aussi cher sans douıe' tr. .i'-", ,"pp.t de l'avoir perdu eussenr Ğı6 6ıerde voir un jour mes larmes nels sans i'espĞra'rce 'la main de l'6poux qu'il me desıi_ essuy6es par naiti C'esı pour Cet 6poux seul que Je me suts
l38
Iıs Cimes
i
lui seul que j'ai sur_ mont6 le dösespoir oü m'a plong6e la nouvelle affreuse que nous venons d'apprendre. VoulezconservĞe; c'est
La
dc l'amour
cause de
vous donc d6chirer i la fois mon cceıır' par tant de raits aussi cruels! - Eh bien!. dit la comtesse, qui sentit que la violence ne ferait qu'irriter celle que son artifice l'obligeait i m6nager' feignez ıoujours ce que je vous propose, puisque vous ne pouvez vous vaincre, et dites i Monrevel que vous aimez Salins, ce sera un moyen de savoir si rĞellement il vous est attachĞ; la v6ritable façon de connaİtre un amant, est de l'inquiöter par la jalousie. Si Monrcvel se döpite et s'il vous abandonne, ne serez-vous pas bien aise d'avoir reconnu que vous n'Ğtiez qu'une dupe en l'aimant? - Et si sa passion n'en devient que plus üve? - Alors peut-€tre vous c6derai-je; ne connaisseiz-vous Pas tous vos droits sur mon ime? ıı Et la tendre Am6lie, consolĞe par ces derniĞres paroles, ne cessait de baiser les mains de celle qui la trahissait, de celle qui dans le fond la regardait comme sa plus mortelle ennemie.-., de celle enfin, qui, pendant qu'elle faisait couler le baume au fond du cceur alarmĞ de sa fille, ne nourrissait dans le sien que des sentimens de haine, et d'affreux projets de vengeance. Cependant Am6lie s'engage i ce qu'on exige; non seulement elle promet de feindre d'aimer Salins' mais elle assure m€me qu'elle se servira de ce moyen pour memre le cceur de Monrevel aux derniĞres 6preuves, sous la seule condition que sa mĞre voudra bien ne pas porter les choses trop loin, et les arr€ter aussitöt qu'elles auront ğt6 convaincues de la constance et de l'amour du chitelain. Mme de Sancerre promet tout ce qu'on veut; et, peu de jours aprĞs, elle dit i
eotnhsse de Sancme
139
Monrevel qu'il lui parait singulier que ne pou' vant olus riisonnablement former aucun espoır dlpjarteni. i sa fille, il veuille si longtemps ,'e,iie.ret en Bourgogne, pendant.que toute la oioui.,ce est sous lJs dr"pea.,x de Charles; et' en İi-r-i iar' elle lui laijse adroitement lire les Jilia'* iıil"., de la lettre du duc, qui contenait' _--" ,rori, l'Avons lu | ] voııs mı trnueııez Monlıaeı. nı bouvüü dau I'İtat oü sont nus al|aires' ııu o^ri ııi' lonptcmbs dun tel bravc ' ı Mais la per_ 'fiJ. .6-,..."-'. ğarda bien de lui en laisser voir davantage. __,,
ü. Eroi! madame, dit le chitelain' au d6sesil est ooii iı i., donc wai que vous me sacrifiez; proces ) ho.rc a..rrö qu'il hut que je renonce i.,. aaı;.i."*.i"l
faisaien'ı toiıt lecharmedema vie2
'_:"i;';;;iĞ, Monrevel, leur execuıion n'en .ıı ;amais fait que le malheur: est-ce qrıand o-nSi ou'il faut aimer une infidĞle? "..';'l"...-uı. elle vous ir-ri. n-aıi. vous laissa de l'espoir' Sallns pour amour son doute. iro*o", sans ,,'6tait oue troP r6el'
Helas! -idr-., reprit ce jeune hĞros' en taissant 6chapper quelques larmes, je n'ai. pas atii ainie d'Am6ıie, j'en conviens; dfi pouvais-je penser qu'elle en aimit un mais".oir.
-
autre?... --ii'prrtr",
d6sesooir: _-"-ıi"'r.
avec rapidit6 de la douleur au
reorit-il furieux.... non' qu'elle n'ima_ pas'aburer de ma cr6dulitĞ; il est au-dessus sine
forces de pouvoir endurer de tels et puisque je lui d6plais' puisque je "r""-s.. n'ai ğIus' rien i craindre. Pourquo.i mettraıs-Je des üornes i ma vengeancei"' J'irai lrouvef ialins: i'irai chercher lusqu'au bout de la terre ; ;i'i'qui m'outragi eique je d6ıesıe' sa vie
e; ;;.
l,ı0
ks
Crimes ı]e l'amour
me r6pondra de ses insultes, ou je perdrai la
mienne sous ses coups. - Non, Montrevel, s'6cria la comtesse, non, la prudence ne me permet pas de sou&ir de ielles choses; revolez bien plutöt vers Charles, si vous osez concevoir ces projes, car j'atrends Salins sous peu de jours, et je dois m'opposer i ce que vous vous rencontriez chez moi... A moins pourtant, continua la comtesse, avec un peu de contrainte, que vous ne cessiez de devenir dangereux pour lui, par la victoire cerıaine que vous remporterez sur vos sendments. O Monrevel... Si vo-tre choix 6tait tomb6 sur un autre objet..., ne vous jugeant plus i craindre dans mon chiteau, je serais la premiöre i vous presser d'y faire un plus long s6jour... ı Et reprenant aussitöt' en lançant des regards enflamin6s sur le chdtelain : < Eh quoi! n'esı-il donc qu'Am6lie, dans ces lieux, qı.ıi puisse prĞıendre au bonheur de vous plaire? Comme vous connaisssz peu les ccurs qui vous entourent, si vous ne supposez que le sien capable d'avoir senri ce qui:- vous i,atez! Pouvez-vous donc supposer un sentiment bien solide dans l'ime d'une enfanı? Sait-on ce qu'on Pense?... Sait_on ce qu'on aime, İı son iğe?... Croyez-moi, Monrevel, il laut un peu plus d'o
La
comtesse de
Sancene
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caDable de bien aimer; mais ce que _a ie sais partoutes celles faİtement, c'est qu'Am6lie, seule, qui doivent me l; faire adorer, et que je ne chörirai iamais ou'elıe au monde. _ 'En ." cis, je nor' plains, repartiı Mme de Sancerre avec aigreur; cr., no, ieulement elle ne vous aime pasl mais dans la certitude de cette situation in6bianlable de vore ime, je me vois obligöe de Vous sĞParer Pourjamais'-')' Eı elle quitıe brusquement le Chatelaın en Prononcant cei derniĞres paroles. Il'serair difficile de'peindre l'Ğıar de Monrevel, ıour a tour dÖvore p'ar sa douleur. en proie i ) la vengeance; il ne l'inquiötude, ) la jalöusie, -ces se liwer avec senıimens de ."r"it auouel impĞrieusement il Ötaiı tant d|ardeur, le olus dĞchirö oar ıous. ll vole enfin aux pieds d'Amölie"' o ö 'uor. aue ie n'ai iamaii cessö d'adorer un instanı, s'ökie]ı-iı. en" fondant en larmes"'
Dois-ie le croirei... Vous me ırahissez!"' Un aııfre'va vous rendre heureuse... Un autre va lequel j'aurais cĞdĞ m'enlever le seul bien pour -m'eüt
AmĞappartenu"' l'emoire de la terre s'il 'ötes et in6dĞle, uorls wai, ı Esı-il ımelie lie...] c'est Salins oui va vous Poss6der? - Ie suis' fichöe ou'ön vous l'ai dit, Monrevel. iĞoondit AmĞlie, rĞsolue d'obeir iı sa mĞre, et oou} rıe Das l'aigrir et pour connaitre si röellemint le ch,itelairi l'aimiit avec sinceritö; mais si ce fatal secret se döcouwe aujourd'hui, je ne mörirc pas du moins vos reProches ameTs: ne vous afnı iamais donnĞ d'espoir, commenı Pouuer-nous rn=accuse. de vous trahir? Il n'esı oue trop wai' Cruelle, ie l'avoue; iamais ie ne Jus fair'e passer dans vou'e ime la 'pl,rs liigöre l'dncelle iu feu qui . devora.it la mienne; et c'est Pour l'avoir un ınsant Jugee
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Iıs Cimes
de l'amour
d'apres mon ccur, que j'ai osö vous soupçonner d'un torı qui n'esı que la suite de l'amour; vous n'en eütes jamais pour moi. Am6lie, de quoi me plains-je e{fectivement? Eh bien ! vous ne me trahissez pas, vous ne me sacrificz point; mais vous meprıSez mon amour...' mals vous me ren_ dez le plus malheureux des hommes. - En vörite, Monrevel, je ne conçois Pas Comment, dans I'incertitude, on peur faire les frais de tant de flamme? -_ Eh quoiI ne devions_nous pas.ötre unis? on le voulait: mais 6taiı-ce une raison pour que je le dĞsirasse? Nos ceurs röpondent_ils aux intentions de nos parenıs? donc fait votre malheur? - J'aurais Au moment de la conclusion, je vous aurais laiss6 lire dans mon ime, et vous ne m'auriez pas contı,ainte. - o Ciel! voilir donc mon arröı ! Il hut que je vous quiıte..., il faut que ie m'öloigne, et c'est vous qui d6chirez iı plaisir le ccur de celui qui voulait vous adorer sans cesse. Eh bien! je vous fuirai, perfide; j'irai chercher avec mon-prince des moyens promp$ de vous fuir encore mieux; et, d6sesp6r6 de vous avoir perdue, j'irai mourir İ ses cöt6s' dans les champs de Ia gloire. ı Monreııel sortit i ces mos; et la triste Am6lie, qui s'6tait fait une violence exrAme pour se soumetre ar.ır( intentions de sa möre, n'ayant Plus rien qui la contraignit, fondit en larmes dĞs qu'ella se trouva seule. < o toi quej'adore ! que dois-tu Penser d'AmĞlie! s'6cria-t-elle. De quels sentiments remplacestu mainterıant dans ton ccEur tous ceux dont tu payais ma flamme? Que de reproches tu me fais, sans doute, et combien je les m6ritelJe ne t'avouai jamais mon amour, il esı wai...' mais mes yeux
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comtessc de
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t'en. instnrisaient assez; et si j'en retardais i'aveu par prudence, ie n'en mettais Pas moins mon bonüeu' İ le liisser öclater un jour... o Mon-
reveı!... Monrevel, quel supplicd _ies est celui d'une feux iı celui qui qui ;vouer n'ose amante que l'on allumer..., les de dicne est le Dlus l'indifde remplacer İr feindii.,., oblige i Par fĞreice le sentiment dont elle est d6vor6e' ) La comtesse surPrit Amölie dans cette situation accablante. < t'ai fait ce oue vous avez voulu' madame' lui üit-elle; le chitelain est dans la douleur: qu'exigez-vous de Plus? ' Ii ,eux que cette feinte continue, reprit Mme"de Sancerie, ie veı.rx voir iusqu'i quel point Monrevel ,o,ıs .öı attach6... fcoutez-moi' ma fille, le chitelain ne connait pas son rival " Clotildi, celle de mes femmes qui m'est la plus chĞre, a un ieune Darenı de l'ige e_r de }a aille de SaIins; ie vaİs l'inlroduire dans le chiteau; il passera tour celui que nous avons I'air de vous faire limer depuis'six ans, mais il ne sera que mystĞrieusemeiıt ici, vous ne le verrez qu'en secret' et comme ) mon insu..., Monrevel ir'aura que des souDcons.... des soupçons que i'aurai soin de jug*ons alors des effets de son ,ro,i..i., ",'ror. amour au dösespoir. quoi bon ıoutes ces feintes, - Eh! madaıhe,neir dbuıez point des sentimenıs Amölie; röpondit donner les assude m'in vient il Monrevel, dJ rances les plus fortes, et je les crois de toute mon ime. _ Faut-i| vous l'avouer' reprit la mğchanıe femme' en suivant ıoujours son indigne plan, on m'Ğcriı de l'armĞe qiıe Monrevel fsı loin des verrus d'un brare et digne chevalier"' Je vous le dis avec douleur, mais on accuse son courage;
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le duc s'y rompe, je le sais, mais les faits sont consıants... on Ie vit fuir iı MontlhĞry... - Lui, madame, s'Ğcria Mlle de Shncerre, Iui,
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Les Crimes de I'amour
comtessı de Sancııre
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la cerdrude que ie le paierais d'un regard, y vaincre tout ci qui s'o{frait iı lui!... Ces regards' qui ı'encourageaient, l'ont suivi dans les plaines
de France, j'ötais ıoujours sous les siens, C'est sous
errx ou'il i combaitu: mon iımant est brave comm; iı m'aime; ces deux vernrs doivent Ğtre i l'orcĞs dans une ime oü rien d'impur ne pĞnötra iamais... N'importe, ma mĞre le veut, j'obĞ_ irai..., je garderai le sileıce, je cacherai mon cceur i-celui qui le possede en entier, mais je ne soupçonnerai jamais le sien. ı Piusieurs jöurs se Pass€renı ainsi, pendant
lesquels la co'mtesse Pröpara ses ruses, et Pendant lesquels AmĞlie ne cessa de soutenir le personnage ou'bn lui imposait, quelques douleurj qu'elıe en öbrouvit; enlin Mmi de Sancerre fiı dirö iı Mon-
.i"r.ı d. venir la trouver seule, attendu qu'elle avaiı oueloue chose d'imporant e lui communiquer].. dt ljı, elle se r'6solut de se d6clarer todt a Ait, afin de n'avoir plus de remords, si la r6sistance du chAtelain l'obligeait i des crimes.
< Chevalier, lui dit-elle, aussitöt qu'elle le vit enrer, cerain comme vous deviz l'6tre i pr6sent et du m6pris de ma fille et du bonheur de votre rival, je dois n6cessairement attribuer i quelque autre cause la prolongation de votre sejour i Sa4cerre, quand votre chef vous demande et vous d6sire i ses cöt6s; avouez_moi donc' sans feinte' le sujet qui peut vous y reıenir... Serait-ce le m€me..-, Monrevel, que ceıui qui me fait desirer de vous y conserver aussi? ı Quoique ce jeune guerrier eüt soupçonn6 depuis longtemps l'amour de la comtesse, non seulement il n'en avait jamais fait part i Am6lie' mais d6sesper6 d'avoir pu le faire naitre, il cherchait i se le d6guiser i lui-möme. Presse paı
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Iıs Cinıs ılı
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l'amour
cştt9 9uesdon, devenue trop claire pour oevrnt Pelmıs de s'y mĞprendre :
gu'il lui
Madame, repohaıt-iı en rougissant, vous connaiss€z les chaines qui m'arr€teit, et si vous o:ngnlez les serrer au lieu de les rompre. ie me trouverais sans doute Ie plus herireui des
hommes... ıı
Soit feinte, soiı orgueil, la dame de Sancerre Pnt cette rĞponse pour elle. n Beau doux ami, tui dit_elle alors en l,atti_ rant prös de son fauteuit, ces chaines seront d;sues quand vous le voudrez... Ah! depuis bien longrcmps elles captivent mon c(rur; .iıa, o*ames mains quand vous m'en aurez monr6 :'onj_ ıe desir; me voili sans nceuds aujourd,hui, et si je desire de perdre une seconde i"ı' -, ıii..j, vous devez bien savoir avec qui... Monrevel fl6mit i ces mos, et la comtesse, qui ne perdaiı pas un de ses mouvements, s_abandonnant alors en furieuse aux transDorıs de sa ffamme, lui reprocha, dans les ;;;, i; plus durs, I'indifIĞrence avec laquelle il avait toujours pay6 l'ardeur dont elle *lı, u.oıe p"". lui. < Pouvais-ru te la d6guiser, cette flamme qu alumatent tes yeux, ingrat? pouvais_ru I'igno_ rer, s.ecna-t-elle; un seul jour s'est_il 6coul6 depuıs ton jeune iige' oü je n'aie Fait €clater ces senttmenb que ru d6daignes avec urnt d,inso_ lence? Etait-il un seul chevalier, i la cour de Charles, qui m'int6ressİt comme toi? FiĞre de tes succ€s, sensible i tes malheurs, oıeillas-tu jamais un laurier que ma main n'enlacCt de myftes ı ton esprit forma_-ı- il une seule pens6e que.Je ne parageasse i I'instant? ton ccur, un scntiment qüi ne liıt le mien? ret6e paroui, voyant toute la Bourgogne
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mes pieds, entouree
comteıse
de Sancırre
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d'adorateurs..., eniw6e d'encens, tous mes vcux ne se tournaient que Pour Monrevel, il les occupait s€uı, je mĞprisais ce qui n'6tait pas lui... Et quand je t'adorais, perfide..., tes yeux se d6tournaient de moi..., follemenı 6pris d'une enfant..., me sacrifiant i cene indigne rivale..., tu m'as fait hair ma fitle m€me... Je sentais tous tes procĞdĞs' il n'eı 6tait pas un qui ne perçiı mon ccur' et je ne pouvais pourtant te hair... Mais qu'espöres-ru maintenant?... o-ue le d6pit au moins te donne A moi, si I'amour n'y peut r6ussir... Ton rival est ici, je peux le faire triompher demain, ma fille m'en presse; quelle esp6rance te reste-t-il donc, quel fiol espoir peut t'aveugler encore? - Celıi d'aller mourir, madame, rĞpondit Monrevel, et du remords d'avoir pu faire naitre en vous des sentiments qu'il n'est pas- en mon pouvoir de parager, et du chagrin de n'en pouvoir inspirer au seul objet qui rĞgnera toujours sur mon ccrur. ) Mme de Sancerre se contint; I'amour, la fien6, la fourberie, la vengeance la dominaient avec trop d'empire pour ne pas lui imposer la n€cessitĞ de feindre. Une İme ouverte et franche se serait emport6e; une femme vindicative et fausse devait employer I'art, et la comtesse le mit en usage.
r Chevalier, dit-elle avec un d6pit contraint, vous me faites connaitre des refus pour la premiöre [ois de ma vie, ils 6tonneraient vos rivaux. moi seule n'en suis point surprise: non. je me rends justice... Je serais votre mĞre, chevalier... Comment. avec un pareil tort. pouvais-je pr6tendre i votre main?... Je ne vous g€ne plus, Monrevel, je cĞde i mon heureuse rivale l'hon_ neur de vous encha'iner; et ne pouvant devenir voıre femme, je serai ıou!ours votre amie; vous y
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Les Cimes de I'amour
opposerez-vous? mrel! m'envierez-vous ce dre? - Oh! madame, que je reconnais bien i ces proc6d6s ıoute la noblesse de votre cceur. r6pondit Ie chiitelain, s6duit par ces apparences riompeuses. Ah! croyez, ajouta_t-il' en se prĞcipianı aux. pieds de la comresse, croyez qje tous les s€ntiments de mon cceur' qui ne seiont pas de I'amour,.vous appartiendront i jamais; jd n'aurai pas dans le monde de meill-eure ,-"i.. uo,.. serez i la fiois, er ma prorectrice -, -i.., .t ", les Je vous consacrerai sans cesse tous moments oü. l'ivresse de ma passion pour Am6lie ne me retrendra pas i ses pieds. -_Je serai ffattğe de ce qui me restera, Mon_ reveJ, reprit la comıesse en Ie relevanı, tout esı si.cher de ce qu'on aime; des senıiments plus viİs m'eussent sans doute touchĞe davanücemais dĞs que je n'y dois plus prĞtendre. je iıe contenterai de cette amiti6 sincdre dont .troi , me [aites les serments, eı je vous acquirterai par la Ecouıez, Monrevel. je vais vous donner T.ı"ıı.... dĞs |'insıanı une preuve de cis sentiments oue ie vous jure: connaissez le d6sir que j'ai de'faiie triompher vore amour, et de vous ciptiver 6ternellement prĞs de moi... Votre rival i,.t i.;, ii.., de plus.sür : instruite des volont6s de Charles, m'6tait-il possible de lui refuser I'entree de ce cha j teau? Tout cg queje pourrai obtenir pour vous... Pour vous, donı il ignore les desseini, c'est qu,il ne paraitra que dĞguisĞ' il I'est döijı' et ou'ii ne veITa ma fille qu'avec mystöre. Quei Parti iouıezvous que nous prenions dans cette circonsıance? - Celui que me dicte mon ccrur, madame, la seule grice. que j-'ose implorer i vos genoux,'est
la permission d'aller disputer ma i-ıairesse i mon rival comme I'honneur I'inspire i un guer_ rier tel que moi.
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Sancerre
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- Ce parti ne vous r6ussira point, Monrevel; vous ne connaissez pas l'homme i qui vous avez affaire: le vites_vous jamais dans la carriöre de I'honneur? Honteusement au fond de sa province, Salins, pour la premiöre fois de sa Vie, en sort pour Ğpouser ma fille. Je ne conçois pas comment Charles put imaginer un tel choix : il le veut..., nous n'avons rien i dire; mais je vous le r6pöte, Salins, connu pour un traitre, ne se battra sürement point...; et s'il connait vos pro_ jets, s'il les apprend par vos d€marches, oh! Monrevel, je fr6mirai pour vous... Cherchons d'autres moyens et cachons-Iui nos lrıes... Laissez-moi r6fl6chir quelques jours, je vous ferai part de ce que j'aurai hit; cependant demeurez ici, et je sĞmerai des bruits di{IErents sur les motifs qui vous y retiennena. )) Monrevel, trop content du peu qu'il obtient, n'imaginant pas qu'on puisse le tromper, parce que son ccur honn€te et sensible ne connut jamais les d6tours, embrasse encore une fois les genoux de la comtesse, et se retire avec moins de douleur. Mme de Sancerre profiıe de ces instants pour donner les ordres utiles au succĞs de ses perfides inteırtions. Le jeune parent de Clotilde secrĞtement inroduit dans le chiteau, sous I'habit d'un page de la maison, fait si bien que Monrevel ne peut s'emp6cher de l'apercevoir. Quatre valets inconnus se trouvent ei1 meme rcmps dans la maison, et passent pour des domestiques du comte de Sancerre, revenus chez lui aprĞs la mort de leur maire; mais la comtesse a soin de faire savoir i Monrevel que ces 6rangers sont de la suite de Salins. De ce moment le chevalier peut i peine enrrercnir sa maitresse; s'il se pr6sente i son appartement, les femmes le refusent;
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Iıs Cimr
dc l'amour
s'il cherche i l'aborder dans le parc, daıs les jardjns.' oy elle le fuit, ou il l,iperçoit ,ı.. ior, rival : de tels malheurs sont tröp ,ioı.'rt' por. l'ime bouillante de Monrevel : iret i se d?sesp6rer, il aborde enfin Am6lie, que le faux Salins
venait de quitter. < Cruelle, lui diıil, ne pouvant plus se conte. nrr, vous me m6prisez donc au poinr de voutoir lormer devant moi les nceuds sinisrres qui vonı nous sĞparer? [t quand il ne tiendrait haintenant qu'a vous, quand je suis au moment de 8agner votre möre, c'est de vous seule, h6las| que vient le coup qui me d6chire! ı Am6lie, pr6venue des lueurs d'espoir que la comtesse avait donnĞes i Monrevel, et crovant que touı cela devaiı servir i l'heureux d6nouement de Ia scĞne qu'on lui faiı jouer. Am6lie, dis-je, continue de feindre; elle kpond i son amant qu'il est bien le maitre de st6pargner le doulor.ıreux specıacle qu'il semble app.6h"ender, et qu-elle est la premiĞre i lui conseiller d,aller oublier,.. avec Bellone, tous les chagrins que lui donne l'amour : mais quoi que la-comtesse lui eüt dit'.elle se garde bien d'avoir l'air de soupçonner le courage de son amant. Amdlie conniit rop Monrevel pour douter de lui; elle l,aime trop au fond de son ceur pour oser m€me des plaisanteries sur une chose iussi sacr6e. < C'en est donc fait; il faut que je vous quitte, . s'Ğcrie le chİtelain, e., a..osant -de larmes les genoux d'Am6lie, qu'il ose presser encore une lois! vous avez la force de me l,ordonner! Eh bien! je trouverai dans mon esprit celle de vous oMir. Puisse l'heureux mort;l ;ı qui je vous laisse connaitre le prix de Ce que j; ııii cedeı Puisse_t-il vous rendre aussi heureüe que vous m6ritez de l'€tre. Am6lie, vous me ferez part de
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votre felicit6| c'est la seule gıice que je vous demande; eı je serai moins malheurerıx quand je vous aurai sue dans le sein du bonheur. ı Amölie ne put entendre ces deTniers mots sans se sentir Ğmue... Des larmes involonıaires la trahissent, et Monrevel la pressant alors dans ses bras
:
Moment fiortunö pour moi ! s'Ğcrie-t-il, j'ai pu lire un regret dans ce cceur queje crus e moi si longtemps ! o ma chöre Am6lie! il n'est donc pas wai que vous aimez Salins, puisque vous daigneu pleurer Monrevel? Dites un mot, Am6lie, un seul mot; et, quelle que soit la lichetö du monstre qui vous enIöve i moi, ou ie le forcerai de se battre, ou je le punirai a la fois de son peu de courage et d'oser s'Ğlever İ vous. ır Mais Amölie s'ötait remise : menacĞe de tout PeTdre, elle senaiı trop l'imporıance de soutenir Ie röle qui lui 6ıait enjoint pour oser faiblir un <
instant.
lıJe ne dĞguiserai point les larmes que Vous avez surprises, chevalier, dit-elle avec fermeıö; mais vous en interPrĞtez mal la cause : un mouvement de piti6 pour vous peut les avoir fait couler sans oue l'amour v ait la. moindre part ,ıtccourumce fuçuis lonç'empüs a vous votr' Je Puis Ğtre fichcc dc vous perdre sans qu'aucun tatıtiİİıGİıt Pıus teaıdrc que ccıui de la simplc ıniti6 fonde c€ chagrin dans moi. - Ö juste Cicl ! diı le chiıelain, cı vous m'enlatı juıqu'ı la consolation dont mon ceur J'ıPıi3ıit un insıant!... AmĞlie! que vous Ğıes mrllc aycc celui qui n'cua iarnais d'autre tort Grİvers vous qu€ dG vous adorer ! Eı ce n'esı donc qu'i la pitiĞ quc je les dois, ces larmes, dont je fiı si 5lorieux une minuıe? Tel esı donc l'unique scntifiıGnı qu'il faille attendre dc vous?... ı
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Iıs Cimıs
On approchait,
de I'amour
et nos deux arrıans furent for_ de se separer; l'un au dĞscspoir, sans doute' et I'autre, l'ime rıavree de _ douleur d'une @nrainrc aussi cnıelle..., rrıais nĞanmoins liort ajse dg ce qu'un övĞnement quelconque l'emp€_ dl* dS la ioutenir pl,,s longtemps. Plusieurs jours s'ĞcoulĞrenı encbre, eı la comtessc en profita pour disposer ses derniöres batt€rıes, lorsque Monraıel, revenant un soir du fond des jardins oü sa m6lancolie l'avait enırainĞ, s€ ırrouvana seul et sans armes, fut brusquement ataguö par quatre hommes qui paraissiient en vouloir i sa vie. Son courage ne'l'abandonrıanı point dans une si pĞrilleusi circonsıance, il se d6fend, il eloigne lö ennemis qui le pressenı..., aPP€ıle jı lui, et se dögage, secouru pir les gens oe la comıesse, qul_ arrivent aussiıöt qu,ils l'entendenı. La dame de Sancerre insıruiĞ du dan8T q"'ıı vient de courir..., la perfide Sancerre qui savait mieux qu'une auıre de quelles mains parait I'arrifice, prie Monrevel de'passer dans son appartement, avant que de se retiier chez lui. < Madame, lui dir Ie chitelain en I'abordant..., j'ignore quels sont ceux qui menacenı mes jours, mais Je ne croyais pas que dans voıre chiteau on osdı aııaquer un chevalieı. sans arTnes... _ Monrevel' repondiı la comtesse, voyant bien qu'il Ğıait encore agiıe, il m'est imposjible de vous pröserver de ies pörils, ie ie puis qu'aider i vous en döfendre... on "a volĞ 'vers vous, pouvais-.ie davantage?... Vous avez a{faire i un rairre, je vous l'ai dit; en vain emploierezVous aVeC lui tous les procödös de l'honneur' il n y repondra Polnt. eI vos jours seronı ıoujours en danger. Je le voudrais loin de chez moisans douıe, mais puis-|e interdire mon chiteau i celui que le duc de Bburgogne Veut que j'y reçoive
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La contısse
de Saıunıe
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Comme un gendre? ı celui que ma fille aime enfin, et dont elle est aim6e? Soyez plus juste, chevalier, quand i'ai soufferı autant que vous; mesurez l'intöröt que tout ceci m'inspire, ir la multitude des liens qui m'attachent i votre sort. Le coup part de Salins, jc n'en saurais douter, il s'est informĞ des morifs qui vous retiennent ici, quand tous les chevaliers soıt auprös de leurs chefs; votre amour est malheuıeusement ırop coıınu, iI aura trouv6 des indiscrets... Salins se venge, et comprenant trop bien qu'il lui est impossible de se delaire de vous auıremenı que par un crime, il le^ commeı; le voyant manquö' il le renouvellcra... O doırx chevalier, j'en lrömis... plus que vous encore. -i'en frimis ! madame, röpliqua ie chitelain, Eh bicn ._ ordonnez-lui de quiıter ce d6guisement inutile, et |aiss€z_moi l'attaquer de maniöre i l'obliger de me rĞpondre... Eh! quel besoin esı-il que Salins se d6guise, sitöt qu'il esı chez vous par ordre de son souverain? sitöt qu'il esı aimĞ de celle qu'il y cherche, eı ProıĞgö Par vous, madame? - Par moi, chevalier, je ne m'attendais pas i cetıe iniure..., mais n'imporıe' ce n'est pas ici le moment de s'en iustifier, rĞpondons seulement a vos allögations' eı vous verrez quand j'aurai ıouı diı, si je.parage sur ce choix les procöd6s de ma fille. Vous me demandez Pourquoi saıins sc döguise? Je l'ai d'abord o
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Les Crimes de t amour
ne pourrai m6me plus r6pondre de vous. Ma Posıtıon esı telle vis-i_vis de lui qu'il me devient impossible möme de lui faire ai .ç.o.no i" ce qui vient de se passer; la vengeancj n'est donc plus qu'en vos mains, c'est ir vous seul qu,elle aPPartient' eı je vous plains lort .ı oi"or.l'infimie ,].:r P". celle- qui esi l6giıime aprĞs 'r'. qu'll vıent de laire. Est_ce donc avec les rraitres qu'il faut respecter les lois de l,honneurı ıi com_ merrt pouvez-vous chercher d'aures voies oue celles dont il se serq dös qu'il esı certain_qiı;ii n acceptera aucune de celles que votre valeu; lui ProPosera. Ne devez_vous donc pas le prĞvenir. choıalier? eı depuis quand la ''i. d';; ia;i;; esı-elle st pröcieuse. que I'on n.ose la ravir sans combatffe/ On se mesure avcc I'homme d,hon_ neur, on fait,ruer celui gui . uorl, nous prir., 9Y J.o".] que I'oremple di vos maııres vous serve
ıCı de rĞgle; quand I'orgueil de Charles de Bour_ c9c_nı cui' nous gouveTne aujourd'hui eut a se
plaındre du duc d'orl6ans, iui prooosa-t-il |e duel, ou le fiı-il assassiner? Ce di:rnier parti l;i Parut le Plus_sür, il le prit' et lrı_meme'i üoi__ tereau ne le luıil pas a son ıour, quand le dauPhtn.eua i s'en plaindre? on nkı ni moins honnete, ni moins valeureux chevalier. oour se d6hire d'un fourbe qui .n u*r, ;, ;;;;;.-. ()ul, J\,tonrevel, oui, i_e verıx que vous ayez ma r.*vous l'ayez i tel prix que ie l|lİ: l.^etre. Ne .cre sondez Pas'le sentinient qli me Puıssetaıt desırer de ]ous avoir prĞs de moi..], i'en rgugıraıs sans douıe-.. ei ci cceur mal gu6h... N'importe, Vous serez mon gendre, .ır&.ıi"'' vous le serez.._ Je veux vous uo'i. ır.r.a,o,--_e-a 19x gepens de mon bonheur... Osez donc me , R5*",, que je protĞge Salins, osez_le, 91.. a.ııu. oorrx eı j'aurai droit au moins de vous n-ai_
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eomtesse de
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ter d'iniuste, quand vous aürez möconnu
bont6s iusque-lİr.
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Monrevel, attendri, se jetıe aux pieds de la comtesse, il lui demande pardon de l'avoir mal jug6e... Mais assassiner Salins, lui parait un
crime au_dessus de ses İbrces... < Oh ! madame, s'6crie-t-il en pleurs, jamais ces mains n'oseront se plonger dans le sein d'un ötre qui me ressemblö, et_ le meurıre le plus affreux des crimes... - N'en est plus un' dĞs qu'il sauve nos jours... Mais quelle faiblesse, chevalier..., comme elle est döPıac6e dans un h6ros! Que faites-vous donc, je vous prie, en allant aux combats? ces lauriers, qui vous ceignenq n'y sont-ils pas le prix des meurrres? vous vous croyez permis de tuer l'ennemi de voıre prince, eı vous ıremblez ir poignarder le vötre. Et quelle est donc la loi ryrannique qui peut 6ablir dans la mĞme acrion une diflbrence aussi önorme? Ah! Monrevel, ou nous ne devons jamais attenter aııx jours de per_ sonne, ou si cette action peut quelquefois nous paraitre lögitime, c'est alors qu'elle est inspir6e par la vengeance d'une insulte... Mais que dis-je, et que m'importe a moi! FrĞmis, homme faible et pusillanime, et dans I'absurde peur d'un crime imaginaire, abandonne indignement celle que tu aimes aux bras du monstre qui te la ravit, vois ta miserable Am6lie, #duite, d€sespĞr6e, ırahie, languir dans le sein du malheur, entends-la cappeler a son secours' eı ıoi' perfide' et toi, pr6ferer lichement I'infortune 6ternelle de celle que ru aimais' İr l'action iuste et nĞcessaire d'arracher le jour au vil bourreau de tous les deux. ı La comtesse, voyant chanceler Monrevel, acheva de tout metre en us:rge pour lui aplanir I'horreur qu'elle lui conseillaiı, et pour lui faire sentir
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que quand une ıe|le acıion esı aussi n6cessaire, il deı.,ient trös dangereux de ne la Pas commeıt;e; qu en un moı, s'ıl ne se Presse' non seulement sa vte est -a toua tnstant en pĞril, mais qu'il court mĞme Ie risque de voir enlever sa maiiresse sous ses yeux, Parce que Salins, ne pouvant s'empöcher de s'apercevoir qu'elle ne le hvorise das. bien sür de p|aire au duc de Bourgogne, qlels que soient les moyens qu'i| emploieri öour a'roi. celle qu'il aime, 'la ravira peıit_ötre a'u premier _facilitö,
momenı.
Lı
Les Crimes de l'amour
et avec
d'autant plus de
qu'Am6lie s'y pröte; enfin, elle'enflamme si bien l'espriı du jeune choalier, qu'il accepıe ıouı, et Jure aııx pieds de la comıesse qu,il pbignardera son rival. J usqu'ici les vues de cerre femme perfide paraissenı louches' sans doute; d'affreusei suiıes ne les Ğclairciront oue rroD. Monrevel sorıiı;'mais 'ses rösolutions changörent bientöt, et la voix de la nature combatant malgrĞ lui dans son ime ce que lui insoirait la .veng-eance, il ne vou|ut se r6soudre İr'rien, qu'il n'eüı employĞ les voies honnötes oue iri dictait l'honneJr; il envoie le lendemain ıin car_ tel au pretendu Salins, et dans la m€me her.e, ıı en reçoit la r6ponse suivanıe:
nı saiı. poinı dispuler rc qui m'apParıieııJ, C'est a '.Je ,7uJıfuiıi dı -sa belle,'d l'aınaııl ccsirer la moiı: bour ını , 1 'anu la uie : connntıt ıu Ia chinras -je ' pas , quaıd tous quı la cmnposenJ sonı priieux .Ies -moııuıırs ıi ıınıı Aııulic ? Si uous auez eıvie' de uous bal'tre clu ' ııalier, Clnrhs a besoin de hııos, aohz-2: noy'i--oı, ks cxaeüıs fu Mars ıuıs coui?wunı }n"i q"e lc' dauıun dı l'oımur;.a(rus uq1nfiez de ln dare i ıou' hürğü aııx uns, lıs nutfcs, sans qııı nsqııı ;m' 1e poııııaieıü vous cotıttı dııt.
eomtesse de
Sanurre
Le c}ıitelain fu6mit de rage ) la lçcore de
|57 ces
mots.
( Le traire ! s'6cria-t-il, il me menace, et nbse se d6fendre; rien ne m'arrĞte rnain(enant; songeons İ ma süreİĞ, occuPons-nous de conserver l'objet de mon amour, je ne dois plus balancer un instanL.. Mais que dis-je...; grand Dieu! si elle l'aime..., si Amölie brüle pour ce Perfide rival, sera-ce en lui ravissant la vie que j'obtiendı,ai le ccur de ma maitresse? oserai-je me prĞsenter iı elle, les mains souill6es du sang de celui qu'elle adore?... Je ne lui suis qu'indifferent aujourd'hui..., elle me haira, si je vais plus loin. ı Telles 6taient les reflexions du malheureux Monrevel..., telles 6taient les agitations qui le d6chiraient, lorsque, environ deııx heures aprös qu'il eut reçu la rĞponse qu'on vient de voir, la comtesse lui fit dire de passer chez elle. < Afin d'6viter vos reproches, chevalier, lui dit_elle aussitöt qu'il entra, j'ai pris les mesures les plus süres pour €tre informĞe de ce qui se passe; votre vie court de nouveau)( dangers. deux crimes se prĞparent ir la fois; une heure aprös le
coucher du soleil, vous serez suivi Par quaıre hommes qui ne voui quitteront plus', qu'ils ne vous aient poignard6; Salins enlĞve en möme rcmps ITı:r fille; si.je m'y oppose, il insmıit le duc de mes rösistances, et se |ustifie en nous accablant tous les deux. E vitez le premier pöril, en vous faisant escort€r Par six de mes gens; ils vous attendent İı Ia porte... Quand dix heures sonneront. laissez li votre suite, penetrez seul dans la grande salle voüıĞe qui communique aux appartements de ma fille; i I'heure juste que ie vous prescris' Salins ıraversera ceııe salle pour se rendre chez AmĞlie; elle l'atrend, ils partenr ensemble avant minuiı Alors..., arm6 de ce poi_
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Iıs
Cimes de l'amour
gnard..., recevez-le, Monrevel; c,esr de mes mains que je veu)( vous le voir prendre..., alors, dls-Je' Vous vous Vengerez du premier crime' eı vous pr€viendrez le second...' Vous le vovez_ homme injuste, c'est moi qui veux ,.-e. l. d.r. qui doit punir l'objet de votre haine, c'esı moi qul vous rends İı celle que vous devez aimer... M'accablergz-vou. e.,co.ö de vos reproches?... Ingraı, voila comme je paie ıes mipris... Va, , ," vengeance, Amölie caırcnd dans mes
;::İ. - Doı'ınez'
madame, dit Monrevel, trop irrit6
pour balancer encore, donnez, rien ne'm,em_
pörhe plus d'immoler mon rival i ma raqe: ie lul ai ProPosö les voies de I'honneur, il*les'a refus6es, c'esı un liche, il en doit subir le sort... Donnez, je vous obĞiı ı Le chAtelain sorL.. A peine euı-il ouiırĞ la Comtesse' que celle-ci se hiıe de mander'sa fille. < Amelie, lui dit-elle, nous devons maintenant ötre süres de l'amour du chevalier, a*onl l'Ğtre Ğgalement de sa valeur; toutes ""r.nouvelles Ğpreuves deviendraient inuıiles; j'acquier.. .r'fi, i vos dĞsirs; mais comme il n,&t #alheureuscment que trop wai que le duc de Boursosne vous destine.i Salins..._; qu'il n'est q"" t.oğ i..l qu'avant huit jours iI söra peuı-ötre ici,'il ne Vous resıe que le parti de la fuite, si vous voulez err€ ,ı Monrarel; il faut qu'il ait l'air de vous enlever_ a mon insu' qu'il s'auıorise, pour Ceııe derrıarche, des dernieıs dĞsirs de mon öpoux: qu'il nie avoir jamais eu connaissance d;:h;;l gement des volontĞs de notre prince; qu'il vous epouse secretemenı a Monrevil' et rol'e enrriı. s'excuser prĞs du duc. Voıre amanı a senıi la necesslıe de ces conditions; il les a acceDı6es toutes; mais j'ai voulu vous prĞveniravant quliI ne
Iı
comtıssı
ılı
Sanıerıc
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s'ouvıİt i vous... Que vous semble de ces Projets' ma fille? Y Eouvez-vous quelque inconv6nient? _ Ils en seraient remPlis, madame, röpondit Amölie avec auıant de resPect que de reconnais_ sance, s'ils s'exöCutaient sans votre aveu; mais dĞs que vous daignez vous y pr6ter, je ne dois plus qu'embrasser vos genour( pour vous t6moigner combien je suis sensible h tout ce que vous voulez bien faire pour moi. - Ne perdons pas un instant, en ce cas, repondit cette femme perfide, pour qui les larmes de sa fille devenaient un nouvel outrage. Monrevel est instruit de tout; mais il est essentiel de vous deguiser, il serait imprudent que vous fussiez reconnue' avant que d'€rre au chiteau de votre amanı, bien plus ficheux encore que vous lirssigz peut-etre rencontr6e par Salins, que nous attendons chaquejour. Revöteu donc ces habis, conıi_ nua la com(esse' en prösenanı iı sa fille ceux qui avaienı servi au prĞıendu Saljns' et repassez dans votre aPPartemenı quand la sentinelle des tours avertira Pour la dixiĞme heurel : c'est l'instant indiquö, c'est celui oü Monrevel se rendra chez vous, des chevaux vous atıendenı, et vous partirez su-r-le-champ tous les deux. - O respectable möre, s'6cria Am6lie, en se pr6cipitant dans les bras de la comtesse ! puissiez-vous lire au fond de mon cceur les sentimenıs dont vous m'animez... Puissiez_vous... - Non, non, dit Mme de Sancerre, en se dögageant des bras de sa fille; non' vore reconnaissance est inutile; dĞs que votre bonheur est fait, le mien I'est aussi : ne nous occupons que de votre d6guisemenc ı L'heure appıochait. Amğlie prend les habis l. C'ötaiı l'usage de ccs temps; la senıinelle placee daıs la guĞrite du chiıeau sonııait une trompe
i
toutes les heures.
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lıs
Crimes d'e l'amour
qu'on lui prösente. La comtesse ne n6glige rien de tout ce qui doit la faire ressembler au jeune parent de Cloıilde, pris par Monrevel pour le seigneur de Salins : a lorce d'art, c'est i s'y ıromper. Elle sonne enfin, cetıe heure fatale... <( Paraez, dit la comtesse; volez, ma ftlle, votre
amant Vous attend... ı Certe intĞressante cröature' qui crainı que la nöcessitĞ d'un prompt dĞparı l'emp6che de revoir sa mĞre. se |ette en larmes sur son sein. La comtes5e' assez I_ausse pour cacher les aırocitös qu'elle mödiıe' sous des dehors apParents de tendresse, embrasse sa fille; elle möle ses pleuı:s aux siens. Am6lie s'arrache, elle vole i son appartement; elle ouwe la funeste salle qu'öclaire i peine une faible lueur, et dans laquelle Monrevel, un poigııard i la main, attend son rival pour le renverser. DĞs qu'il voit paraitre quelqu'un, que tout doit lui faire prendre pour l'ennemi qu'il cherche, il s'Ğlance impĞtueusement' lrappe sans voir, eı laisse i ıerre, dans des flots de sang, l'objet chöri pour lequel il eüt mille fois donne tout le sien. a Traitre, s'€crie aussitöt la comtesse, en piraissant aüec des flambeaux; voili comme je me venge de ıes m6pris. Reconnais ton erTeur, et üs aprös si tu le peux. > AmĞlie respirait encore; elle adresse, en g6missant,- quelques mots i Monrevel. < O doux ami, lui dit-elle, a{faiblie par la douleur et par I'abondance du sang qu'elle perd... Qu'ai-je fait pour mĞriter la mort de a main?... Sont-ce donc lir les nceuds que m'apprötait ma möre? Va, je ne te reproche rien : Ie Ciel me fait tout voir en ces derniers instants... Monrwel, pardonne-moi de t'avoir d6guise mon amour. Tu dois savoir ce qui m'y contraignait :
La
comtesse
ıh Sanıerre
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au oue mes derniĞres paroles te convainquent
riıoins oue tu n'eus |amais une amie Plus sıncere ore moi..., que ie i'aimais plus que moh dreu') Jır, or. ma'üel eı que i'o(Pire en t'adorant' rien' A terre' sur ' Mai', '.o-' Mo''.c'eı n'enienil plusbouche collÖe sur singlant d'Am6lie,'sa ı" cette j. ranimer İ ıiaitresse, il cherche ..ıü d'amour ', brülöe .iti.-a'"" en exhalant la sienne a. Jt..'*ı.... Tour i ıour il pleure.et s'em", ,orte. tori i tour il s'accuse et maudıısel-exeffii: ;;;"t du crime qu'il commet" releenfin avec fureur : vant '-n-or;".o".*-ru de cette indigne action' PerY compıais-ru _rrouver comtesse' la fide.-dit-iı' İr afrTerrx dğsrrsi As-tu tes de l'aciomplissement sura"". t,loo"* Monrevel assez faible Pour. eloıgneüwe iı c]ehe qu'il adore?"' Eloigne_toı' danö l'Ğtaı cnrel oü i"ı,-l" ". refiondrais pas, 'de les pas laver dans ne -i. ıJ forfaia, -;"ri'sang.., ton *] "e_.ipp.' diı la comtesse egar6e.. frappe, voilİ mon sei'ni crois-ıu que je chöris la vie'. quand i;..""i. a. te possĞdjr m'esı enlevğ pour jamais ! d'une I'ai' voulu *e ue.,ge., i'ai voulu me dĞlaire surviwe plus '.iu"ı.- oJi"u'", ie-ne'"prĞtends pas i. -on ..i*e q""'i, mö., dĞsespoir' Mais que ce soiı a main qui m'enlĞve la vie, c'est par tes bien! .qui .""r, o". ie'veux la perdre " Eh outragö?"' assez pas cai-je i'"Je,"ı1.. LlcheI ne oııi oeuı donc retenir u iolĞre? Allume le tlam6iur'd. ıu vengeance dans ce sang prÖcieux que ru ie t'ai fait versei. et ne mönage plus celle que 'dois hair sans qu'elle puisse cesser de t.adorer' --- üor,rr..! 'r'ö..i. ' Mon'*'l, tu n'es pas dis.,. a. mourir..., ie ne serais pas.vengö"' Vis oJur Ğıre en horreur i la terre, Vls Pour ere hĞ.hi.ö. par ıes remords; il laut que tout ce qut
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Les Cimes de I) amour
respire- sache tes horreurs et ıe mĞprise; il qu-a. chaque insant' e{frayĞe de öi_m€me,
hut la
lumlere du Jour ıe soit insupportable; mais . sache au moins que tes scĞlĞrateisis ne m'enldve_ ronı point i celle quej'adore... Mon ime ua ia :r,T. ut1l pieds de l'frernel. Nous allons ıous
les oeux ! lnvoquer conn-e toi. ı ,A ces mots, Moırevel se poignarde, et s'enlace
tellement en rendant les d'erniers souDirs. dans qu'il chöriı, il l'ö,."i.i;;;;;; de vıolence, qu'aucun efforı humain ne Dut les seParer... Tous deux furenı mis dans le'm6me cercueil, et dĞposös dans Ia principaIe ğ;ıtr.;; Sancerre, oü llx wais amanis ,onı quelöuefois encore Verser des larmes sur leur to.i,be'eı ıi.. avec. attendrissement ıes vers suivants, gravös sur le,marbre qui les couwe, et que Loui"s XII ne dĞdaigna poinr de comPoser : les bras de celle
ır Pleureu arnants, comme vous ils s'aimdrent, Sans gu'hymen les rĞunit;
.outefois Par. de beaux n-ceuds' tous deux ilı sc lıĞrenı' Eı |a vengeance i jamais les romPil. ,,
La seule comtesse surv6cut ) ces crimes, mais pour les pleurer toute sa vie; el|e se ieıa dans la plus haute pietö, eı mourut dix ans-aprĞs reli_ gieuse i Auxerre' Iaissant la communauı6 ödıfiöe de sa conversion, et vĞritablement attendrie de la sinc6rit6 de ses remords.
EUGENIE DE FRANVAL NOUVf,LLE TRAGIqUf,
INsınuını l'homme et corriger ses mceurs, tel est le seul motif que nous nous proposons daıls cette anecdote. Q;ıe l'on se p6nötre, en la lisant, de la grandeur du p6ril, toujours sur les pas de ceux qui se pernettent tout pour satisfaire leurs d6sirs! Puissent-ils se convaincre que la bonne Ğducation, les richesses, les talents, les dons de la nature, ne sont susceptibles que d'6garer, quand la reıenue, la bonne conduiıe' la sagesse, la modesıie ne les iıayenı' ou ne les fiont valoir : voila les vöriıös que nous allons mettre en action. qu'on nous pardonne Ies monstrueux dğıails du crime affreux donı nous sommcs coııırainıs de parler: esı-iI possible de laire döıestcr de semblabIes 6carıs, si l'on n'a le courage de les ofTrir a nui Il est rare que tout s'accorde dans un m€me €tre, pour le conduire i la prosp6rit6; est-il fiavoris6 de la narure? La fortune lui refuse ses dons; celle-ci lui prodigue-t-elle ses faveursl la nature l'aura malrrait€; il semble que la main du Ciel aiı voulu dans chaque individu, comme dans ses plus sublimes op6rations, nous laire voir que les lois de l'equilibre sonr les premiöres lois de l'Univers, celles qui rĞglenı iı la fois tout ce qui arrive' ıour ce qui vdgĞte. ct tout Ce qui respire.
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Les Crimes de P amour
Franval' demeurant i Paris, oü il 6tait n6, pos' s6dait,. avec 400 000 iivres de rente, la plus üelle ıaille. la physionomie la plus agröable, et les ıalen.ts les plus variĞs: mais sous cine enveloppe
s6duisante se cachaient tous les vices, et malliei.,_
reusemcnt ceux donı I'adoption et l'habitude condul\ent sl promptemcnı aux crimes. Un dösordre d'imaginarion au-deli de ıouı ce qu'on pcuı pcindre Ğtair Ie premier d6fauı de FranvaI; on ne se corrige poinr de celui-li, Ia diminution des forccs aioute i ses efleıs: moins l'on peut, plus l on enrreprend; moins on agit, plu's on . rnvente; (haque dge amtne de nouvelles id6es, et la satiğtğ' loin de refroidir, ne pr€pare que des ı affinements pIus funestes. Nous l'avons diı' ıous les agrements de la ieunesse. tous_ les ıalcnıs qui la dfcorenı. Fraiıval ıe5 possedaür avec pro|usion; mais plein de m6pris pour les devoirs moraux et religieux, il 6tait devenu ımpossible a des insıiıuteirs de lui en laire adopter aucun. Dans un siĞcle oü les livres les plus dangereux sont dans la main des enfanıs, comme danJcelles de leurs pĞres cı de leurs gouverneurs, oü la ıem6riıö du systĞmc passe pour de la philosoohie_ I'incrĞdulitĞ pour de la toice, le ]ibeirinase 'Dour de l'imagination; on riaiı de l'espriı ai jern. Iranval, un insıant peut-dtre apres, en 6iait_il grondĞ, on le louait ensuite. Le pöre de Franva|, grand partisan des sophismes i ü mode, ençourageait le premier son fils i penser solideimını sur toutes ces matiĞres; il lui prĞtait lui_m€me les ouvrages.qui pouvaient Ie corrompre plus vite; quel ın5ıııuteur. _eüı os6, d'apris cela, inculquer des principes diffğrenıs de ceux du logis oü iI 6tait oblig€ de plaire. Quoi qu'il en füt, Franval perdit ses parents
Eugenie de
Franıal
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fort jeune, et a I'age de dix-neuf ans, un vieil oncle qui mourut lui-m€me peu aprös, lui remit, en le mariant, tous les biens qui devaient lui appartenir un jour. M. de Franval, avec une telle fortune, devait ais6ment trouver i se marier; une infrnite de partis se pr6sentörent, mais ayanı suppli6 son oncle de ne lui donner qu'une fille plus jeune que lui, et avec le moins d'entours possible, le vieux parent, Pour satisçaire son neveu| porta ses regards sur une certaine demoiselle de Farneille, fiIli de finance, ne poss6dant plus qu'une möre, encore jeune i la vĞrit6, mais 60 000 livres de rente bien r6elles, quinze ans, et la plus d6licieuse physionomie qu'il y eüt alors dans Paris... une de ces figures de vierge, oü se peignent i la fois la candeur et l'am6nitĞ' sous les traits d6li_ cats de I'amour et des graces... de beaux cheveux blonds flottant au bas de sa ceinture, de grands yeux bleus. oü respiraienı la tendresse et la modestie, une taille fine, souple eı l€gÖre. la peau du lis et la fraicheur des roses, p6trie de Elents, une imagination ırĞs vive' mais un peu ırisıe. un peu de cette mĞlancolie douce, qui fait aimer les iir.es et la solitude; atributs que la nature semble n'accorder qu'aux individus que sa main destine aux malheurs, comme pour les leur rendre moins amers, par cette volupt6 sombre et touchante, qu'ils goütent i les sentir, et qui leur fiont pröfErer des larmes, iı la joie frivole du bonheur, bien moins active et bien moins p6n6trante. Mme de Farneille, ig6e de trente-deux ans, lors de l'ğtablissement de sa fille' avait Ögalement de l'esprit, des charmes, mais peut-dtre un peu rop de r€serve et de s6v6rit6; disirant le bonheur de son unique enfant, elle avait consultÖ tout Paris sur ce mariage; et comme elle n'avait plus de
Les Cimes de I'amour
Eugönü ıİe Franaal
parents et pour conseils, que quelques-uns de ces froids amis, i qui tout est Ğgal, on la convainqu.it que le jeune homme que l'on proposait iı sa fille ğtait, sans auCun doute, ce qu'elle pouvait trouver de mieux i Paris, eı qu'elle feraiı une impardonnable extravagance, si elle manquait cet arrangement; il se fit donc : et les jeunes gens assez riches
lemmes comme sur tous les autres obiets de la vie, c'etait avec le plus beau flegme qu'il avait
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pour prendre leur maison, s'y €tablirent premiers jours.
dĞs les
Il n'entrait dans le cceur du jeune Franval aucun de ces vices de l€gĞreti' de dĞrangement ou d'6tourderie qui empichent un homme d'irre form6 avant trfile ans: comPtanl forı bien avec lui-m6me, aimant l'ordre, s'entendant au mieux i tenir uıe maison, Franval avait pour cette partie du bonheur de la vie, toures les qualit6s n6cessaires. Ses vices, dans un genre absolument tout autre, €taient bien plutöt les torıs de l'ige mür que les incons6quences de la jeunesse... de l'art, de l'intrigue... de Ia mğchancetğ' de la noirceur, de l'6goisme, beaucoup de politique, de fourberie, et gazant tout cela, non seulitment par les grices et les talents dont nous avons parl6, mais mdme par de l'6loquence... par infiniment d'esprit' et par les dehors les plus sĞduisants. Tel 6tait I'homme que nous avons i peindre. MIle de Farneille, qui. selon l'usage,.avair Connu ıout au plus un mois son öpoux avant oue de se lier iı lui, trompĞe p". ...'["ıı* brillaıits' en etait devenue la dupe; Ies jours n'6taienı pas a.ssez- longs pour le pla'isir de İe contempler' llle l'ido]iırait, et les Choses Ğtaienı möme iu point qu'on eüı craint pour cetıe jeune personne, si quelques obsracles fussenr vcnus iroubler Ies douceurs d'un hü,rnen oü elle ırouvait, disaiıelle. I'unique bonheur de ses jours. Quant iı Franval, philo.sophe sur l'article des
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consid6rö cette charmante Personne.
que Franval ne s'Ğcarait pas toujours de
ses
devoirs' c'esı que des la premiire annöe de son mariage, sa femme, ig6e pour lors de seize ans et demi, accoucha d'une fille encore plus belle que sa mere. et que le pĞre nomma dös l'insıant Eug6nie... Eugönie. i la fois l'horreur et le miracle de la nature. M. de Franval qui, dĞs que cet enhnt vit le iour, forma sans douıe sur elle les plus odieux desseins, la s6para tout de Suite de sa mğre.
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Eıghıie
Les Crimes de I'amour
Jusqu'd l'Age de sept ans, Eug6nie lut confi6e i des femmes dont Franval €tait sür, et qui, bornant leurs soins ir lui lormer un bon tempörament et İı lui apprendre i lire, se gardörent bien de lui donner aucune connaissance des principes religieux ou moraux, dont une fille de cet ige doit commun6ment ötre instruite. Mme de Farneille et sa fille, trös scandalis6es de cette conduite, en firent des reproches iı M. de tranval. gui repondir Regmariquement que son projct eıant de rendı e sa fille heureuse, il ne vou_ lait pas lui inculquer des chimires, uniquemenı propres i ellrayer lt-s hommes, sans jamais leur devenir uıiles; qu'une fille qui n'avaiı besoin que d'apprendre i plaire. pouvait au mieııx ignoier des fadaises' dont la lhnıastique exisıence. en troublant le repos de sa vie, ne lui donnerait, ni une vöriıĞ de plus au moral. ni une grice de plus au physique. De tels propos dĞplurent souverainemenı ) Mme de Farneille ğui s'approchair d'auunı plus des idees cölestes' {u'elle s'6loignait des plaisirs de ce monde; la deıioıion est une hiblesse inhörente aux öpoques de l';ige' ou de la santö. Dans le tumulte des_passions' un avenir dont on se croit trös loin inquiöte peu communemenı' mais quand leur langage est moins vi[.. quand on avance vers le terme... guand ıouı nous quiıte enfin, on se reiette au sein du Dieu d<_ını on entendit parler dans l'enfance, eı si d'aprĞs Ia philosophie._ ces secondes illusions sont aussi lanıasıiques que les autres, elles ne sont pas du moins aussi dangereuses. La belle_möre de Franval n'ayant plus de Parents... peu de cr€dit par elle_möme, ei tout au plus, comme nous l'avons dit, quelques-uns de ces amis de circonstance... qui s'öchappent si nous les mertons h l'öpreuve, ayant )ı luttöi contre
de
Franıal
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un gendre aimable, jeune, bien placö, s'imagina fort sens€ment qu'il ötait plus simple de s'en tenir İr des reprösentations, -que d'entreprendre des voies de rigueur, avec un homme qui ruinerait la möre et ferait enfermer la fille, si l'on osaiı se mesurer İı lui, moyennant quoi quelques remontrances furenı tout ce qu'elle hasarda, et elle se tut, dös qu'elle vit que cela n'abouıissait a rien.
Franr.al, sür de sa supörioritÖ, s'aPercevant bien qu'on le craignaiı' ne se g6na bientöt plus' sur quoi que ce püı €tre' et se Contenanı d'une l6gĞre gaze, simplement ir cause du public, il marcha droit İı son horrible buı Dös qu'EugĞnle eut aıteinı I'ige de sepı ans' Franval la conduisiı a sa femme; eı ceıte ıendre mĞre. qui n'avait pas vu son enfanı depuis qu'elle |'avait mise au monde. ne Pouvanı se rassasier de caresses, la tinı deux heures press6e sur son sein, la couırant de baisers, l'inondant de ses larmes. Elle voulur connaitre ses Petits ıalenıs; mais EugĞnie n'en avait poinı d'autres que de lire couramment, que de jouir de la plus vigoureuse sant6' et d'ötre belle comme les anges. Nouveau d6sespoir de Mme de Franval quand elle reconnut qu'il n'6tait que trop wai que sa fille ignorait m€me les premiers principes de Ia religıon.
< Lh quoi ! monsieur, dit_elle ) son ınari, ne l'6levez-vous donc que pour ce monde? ne dai8ner'ez-vous pas rÖflĞChir qu'elle ne doir l'habiter qu'un insıant comme nous. pour se plonger apris dans une öternitĞ, bien fatale, si vous la privez de ce qui Peut_l'y faire jouir d'un sorı heureux aux pieds de l'Etre dont elle a reçu le jour. - Si Eugönie ne connait rien, madame, r6pondit Franval, si on lui cache avec soin ces maximes, elle ne saurait ötre malheureuse; car si elles sont
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Les Crimes de I'amour
waies, I't'tre supröme est trop juste pour la punir de son ignorance, et si elles sont fausses, queıle n6cessitö y a-Cil de lui en parler? A l'egard des autres soins de son €ducation, fiez-vous iı moi, je vous prie; je deviens dĞs aujourd'hui son insti_ ıuteur' eı je vous reponds que, dans quelques annĞes, votre fille surpassera ıous lcs enlants de son ige. ı Mme de Franval voulut insister' appelant l'ölo_ quence du cceur au secours de celle de la raison, quelques larmes s'exprimörent pour elle; mais Franval, qu'elles n'aıtendrirent point, n'eut pas möme l'air de les apercevoir; il fit enlever EugĞnie, en disanı h sa femme que, si elle s'avisait de contrarier en quoi que ce püt €tre l'€ducation qu'il pr€tendait donner a sa fille, ou qu'elle lui sugg6rit des principes diffbrents de ceux dont il allait la nourrir, elle se priveraiı du plaisir de la voir, et qu'il enverrait sa fille dans un de ses chiteaux duquel elle ne sortirait plus. Mme de Franval, faite i la soumission, se tut; elle supplia son 6poux de ne la point sĞparer d'un bien si cher, et promit, en pleurant, de ne troubler en rien l'öducation que l'on lui prĞparait. De ce moment, Mlle de Franval fut placĞe dans un trös bel aPPartement voisin de celui de son pĞre. avec une gouvemante de beaucoup d'esprit, une soııs_gouvernante' une femme de chambre eı deux petites filles de son ige, uniquement destinöes İr ses amusements. on lui donna des maitres d'ecriure, de dessin, de poesie, d'histoire naturelle, de declamation, de geographie, d'asıronomie, d'anatomie, de grec, d'anglais, d'allemand, d'italien, d'armes, de danse, de cheval et de
musique. Eug6nie se levait tous les jours İ 7 heures, en telle saison gue ce füt; elle allait mang€f, en courant au jardtn, un gros morceau
Eughniı dı Franıal
t7l
de pain de seigle, qui formaiı son dĞjeuner; elle renhait İı 8 heures, passait quelques insants dans l'apparıement de soh pĞre. qui folitrait avec elle, de peiiıs jeıix de soci6t6; jusgu'i or^ üi "pp.enaic elle se pr6parait a ses devoırs; alors 9 heurei, arrivaiı le premiei maitre; elle en recevait cinq iusqu'ir 2 üeures. on la servait i parı avec ses heuiı amies et sa premiĞre gouvernante' Le diner de'lÖgumes, de poissons, de piıisöuit composĞ 'de fruits; series et lamais ni viande, ni potage, ni vin. ni liqueurs' ni ca[6. De 3 ) 4 heures. Eugönie retournjit iouer une heure au iardin avec ses oetites compaines; elles s'y exerçaient ensemble l ı, orr-i. iu ballon, aux quilles' au volant, ou i'lranchir de cermins espices donnĞs; elles s'v mettaienı a l'aise suivant ies saisons; l), rien ni contraignaiı leur ıaille; on ne les en[erma iamais dais ces ridicules baleines, 6galement 'drrrg...r.., a l'esıomac et İı la Poitrine' et qui, sĞnint la rcspiration d'une ieune Personne, lul itt qrr.nt nöcessairemenı les poumons' De 4 İı 6 heures, Mlle de Franval recevaiı de nouveau( instituıeurs; et comme ıous n'avaient pu paraitre dans le möme iour, les auıres venaient le lendemain. Trois fdis la semaine, Eugönie allait au soecucle avec son pĞre, dans de petiıes loges g.iıı6.. .t louĞes ir l'innÖe pour elle' A 9 heures, Eıle renrait et soupait. oir ne lui servaiı alors oue des l6zumes et'des fruits. De l0 ) I I heures, duatre foi] la semaine, Eug6nie jouaiı avec. ses feınmes. lisait quelques romans et se couchaıı ensuite. Les troi's autres jours' ceux oü Franval ne soupait pas dehors, elle passaiı seule dans l'appariement de son pĞre, et Ce t€TnP_s etalt İr ce que Franval appelait ses conJefenİeı' eııiiloıĞ ı-a.' il ' inculqüit i sa fille ses maximes sur la morale et sui la religion; iI tui offraiı, d'un cötğ,
172
Les Cıimes de I'amoar
ce que certains matiĞres,
hommes pensaient
il 6tablissait de l'autre ce qu'il
Eughıie dı
sur
ces
admet_
tait lui-möme. Avec beaucoup d'espriı. des connaissances irendues. une ıöte vive, et des Passions qui s'allu_ maient dejİı, il esı facile de.juger des progrös que de ıels systömes faisaienı dans l'iime d'Eugenie; mais comme l'indigne Franval n'avait pas pour simple objet de raffermir la töte, ses conferences
se terminaient rarement sans enflammer le cceur; le moyen de plaire a sa fille,"il la subornair avec un tel art, il se rendait si bien uıile i son insruction et i ses plaisirs, il volait avec tant d'ardeur au-devant de tout ce qui pouvait lui ötre agı6able' qu'Eu_ gĞnie, au milieu des cercles les plus brillants, ne
et cet homme horrible avait si bien rouvö
rouvait rien d'aimable comme son pöre:
et
qu'avant m€me que celui-ci ne s'expliquii. |'innocente et faible cr6ature avait röuni pdur lui dans son jeune ccur tous les sentimenti d'amitiö, de reconnaissance et de tendresse qui doivent nöces_
sairement conduire au plus ardent amour; elle ne voyaiı que Franval au monde; elle n'y distinguait que lui, elle se r6voltait i I'idöe de tout ce qui aurait pu I'en söparer; elle lui aurait prodigu6, non son honneur, non ses charmes, tdus ces sacrifices lui eussent paru trop l6gers pour le ıouchant objet de son'idolitrıe, mals son sang' mais sa vie möme, si Ce tendre ami de son İme eüt pu l'o
Franıal
l73
de placer dans l'ime de cette jeune personne bien plus de haine eı dejalousie, que de la sorte de sentiments resPeütiıbles et tendres qui devaient y naiEe pour une telle mÖre. < Mon ami, mon [röre, disait quelquefois Eug6_ nie İr Franval, qui ne voulait Pas que sa fiıle employit d'autres expressions avec lui..., cette femme que fu aPpelles la tienne, cette cr6aıure qui, selon toi, m'a mise au monde, est donc bien exigeantc' puisqu'en voulanı toujours t'avoir prös d'e|le, elle me prive du bonheur de passer ma vie avec toi... Je le vois bien, ıu la pr6feres ) ton Eug6nie. Pour moi, je n'aimerai jamais ce quı me ravıra ton Cceur. _ Ma chĞre amie, r6pondait Franval, non, qui que ce soit dans l'univers n'acquerra d'aussi puissants drois que les tiens; les nceuds qui existent entre cette femme et ton meilleur ami, fruits de I'usage et des conventions sociales, philosophiquement !,us par moi, ne balanceront jamais ceux qui nous lienı.. tu seras toujours pr6ferĞe, EugĞnie; tu seras l'ange eı ıa lumiĞre de mes jours, le foyer de mon ime et le mobile de mon existence. - oh! que ces mots sont doux! r6pondaiı Eug6nie. r6pĞte-les souvent, mon ami... si tu savais comrfıe me flattent les expressions de ta tendresse!
>
Et prenant la main de Franval qu'elle appuyait contre son ccur : < Tiens, tiens, ie les sens toutes lir, continuaitelle.
- que tes tendres caresses m'en assurent >, röpondait Franval, en la pressant daı'ıs ses bras... Ei le perfide achevait ainsi, sans aucun remords, la seduction de cette malheureuse. Cependant Eug6nie atteignait sa quatorziöme
I l74
Lıs
ann6e, ıelle 6tait l'6poque oü Franval voulait consommer son crime. Fr6missons !... Il le fue
j9u1 mĞme qu'elle arrive a cet ige, ou .' _Le celui pluıöı qu'il esi revolu' se ırouvant tous deux i la camPagne' sans Paren(s eı sans impor-
(uns'. le comte, aprös avoir fait parer ce joıir-lİı sa fille comme cei vierges qu'on'consacraİt iadis au temple de VĞnus, la fit entrer sur les l l hiures du .marin-dans un salon voluptue ux dont les iours
eaıenı adoucis par des gazes, et dont ıes meiıbles ötaient jonchös de fleurs. Un tröne de roses s'ö|evait au milieu; Franval y conduir sa fille. < Eugönie, Iuı dir-il en l'y assevant. sois auiour_ d'hui la reine de mon cceui, eı laisse-moi ı.aüorer
i
genoux.
- Toi m'adorcr, mon frire, pendanr que c'est moi qui te dois ıout. que c'esı töi qui m'is crĞöe, qut m'as |ormöc... Ah ! laisse-moi pluıöt ıomber ir tes pieds; c'esr mon unique pljce, er c'esr la seule aspıre avec toi. _ O-ou.;ma tendre EugĞnie. dit le comre, en se plaçanı prĞs.d'elle sur ces siöges de fleurs qui oevalenı servlr a soıı triomphe, s'il est wai oue ıu me doives quelque^chose,'si les sentiments jue tu me ıĞmoignes' enfin' sonı aussi sincöres o'ue ıu le dis, sais-tu les moyens de -'.n .orrrrirrcieı Et sont-ils,'mon fröreP Dis-les-moi . .quels donc bıen vlte Pour que je les saisisse avec
empressemenL
-,Tous
ces charmes, EugĞnie, que la nature a
Prodıgues dans ıoi, ıous Ces appas dont elle cembellit, il faut me les sacrifier i'ı'irrrt rrt.
-
Eughie fu Franoal
Crimes de !'amour
Mais que me demandes-tu? N'es_ru donc oas
le maıtre de tout? Ce que ıu as fait ne t'aoo'arıient_jl pas, un peui_iı iouir de ıon ouvirige? "ut.. les pğugĞs _ Maıs tu conçois des hommğ...
_ Tu
t75
ne ırie les as Point dö8uis6s.
- Je ne veux donC pas les franchir sans ton
aveıL
_ -
Ne les möPrises-tu pas comme moi? Soiq mais je ne veııx Pas 6tre ton tyran, bien moins encore ton s€ducteur; je veux ne tenir que de I'amour seul, les bienlaits que je sollicite. Tu connais le monde, je ne cai dissimulö aucun de ses attrais. Cacher les hommes İr ıes regards, ne Cy laisser voir que moi seul, {irt devenu une supercherie indigne de moi; s'il existe dans I'univers un ötre que tu me pröfEres, nomme-le prompıement, j'irai le chercher au bout du monde et le conduire h l'instanı dans tes bras. C'est ton bonheur en un mot que je veux, mon ange, ton bonheur bien plus que le mien; ces plaisirs doux que tu peux me donner ne seraient rien pour moi, s'ils n'6ıaient Ie prix de ton amour. Döcide donc, EugĞnie. Tu touches i l'instant d'6tre immol6e, tu dois l'€tre. Mais nomme toi-meme le sacrificateur, je renonce arrx voluptös que m'assure Ce dtre si je ne les obtiens pas de.ton ime; et,. toujours digne de ton ccur' sr ce n'est Pas mol que tu Preıeres' en t'amenant ceıui que tu Peux chĞrir, j'aurai du moins mĞritö ta tendresse, si je n'ai Pu caPtiver ton c(Eur; et je serai l'ami d'EugĞnie, n'ayant pu devenir son amant. - Tu seras toua, mon hĞre, ru seras tout, dit Eug6nie, brülant d'amour et de dösir. A qui veırxtu que je m'immole, si ce n'est i celui quej'adore uniquement ! Quel €tre dans l'univers P€ut ötıe plus digne que toi de ces faibles atraits que tu ilesires... er que döjİı tes mains brülantes parcourenı avec ardeur ! Ne vois-ru donc pas au leu qui m'embrase que je suis aussi pressÖe que toi de conrıaiıre le plaisir dont tu me parles? Ah! jouis, iouis, mon tendre frĞre, mon meiııeur ami, fais
176 de
Les Crimes de I'amour Eug6nie
a vicıime; jmmolöe par
Euglıie de Franıal
elle sera toujouri,.;;h".;;.; "''"', L ardenı Franval qui, d,aprĞs ie caractĞre oue lro'us lu! connaissons. ne s'6tait ParĞ de ıant,rle qye pouJ sĞduire plus h.,.rn.nt, ,brr" ::]|_._1,...: d9 Ia credulitö de'sa fille' ,or' :l*n,",, oDsIacles ecartğs, ıanr par les principes ", donıi.,il avalt nourrl cette ime ouverte ir toutes sorıes (] lmPresslons, que par I'arı avec lequel il la can_ tlvalr en ce dernier insıant, il achü sa oerfiİ" conque(e. et devinı Iui_m€me impunĞ'ri..,, l" oes(ru(teur d,une virginiti dont la.nuıur. .ı ılıres lui avajenı confi6 la dĞfense. '., Plusieurs joürs se passörenı dans une iwesse en' ige de connaitre ı. İ},ll:T^.l;g::ic' Pı.;; u( l.amour' encouragöe par ses svsıöm6s_ .'., ll\,Talt avec emPortemenl Franval lüi upp'ii tous l€s mjsıöres' il iui en traça "" rolier; ıoutes ie. plus il multipliaiı ses hommages' mieux enchii_ naıı sa.conquöıe. Elle aurai] uorl l.il ,..*oi. cans milie ıemples ) la fois, elIe u._'ri, i'l-riinatıon de son ami de ne pas s,6garer assez; ıt'İui semblair qu'il Iui cachaiı'q.aqJ. .ı,"'.. iıi.'il de son ige. a'ri. i'1g*"ii6 ;üil: 9.laignaiı ", assez s6duisante; 13. rendait pas İtI9 iı s,i elle "9 desirait 'ıon chö1ies'
d'ötre.pIu^s' instruite,
tes
mains
.;Ğ;_;;;'q;.;;:
d'enflammeruon .mani n. pi..*.,t f:,.:_T"yg., lur rester ınconnus*.
i Paris. mais les criminels plaisirs ,^9İ s.Iİ^,l, u(rİlt eullt enıwğ Cet homme pervers avaient trop dĞlicieusemenl flaıtĞ .". rr.[ıJpıi.,q""; eı que l'inconstance qri .6;i;i; ,mo-rales, Pour orolnalrement toutes ses autres ıntrıgues, püt tırıser les nceuds.de celle-ci. Il a*i"i ,Tor.9r}'. eı de cetıe dangereuse ei?"j"-5"i naiıre in6viıablement le plu"s ...ı"ı phssion drt ibu.,Jo., T.
177
şa femme... Quelle victime, h6las! Mme de Fran_ val. igĞe pour lors de trenıe eı un ans' eait ). Ia fleur de sa plus grande beautö; une impression de tristesse in6vitable d'aprös les chagrins qui la consumaient, la rendait plus int6ressante cncore; inond6e de ses larmes, dans I'abattement de la m€lancolie, ses beaux cheveırx nögligemment 6Pars sur une gorge d'albitre, ses lövres amoureusement empreintes sur Ie porırait ch6ri de son infidöle et de son ryran, elle ressemblait ) ces belles vierges que peignit Michel-Ange au sein de la douleur; elle ignorait cependant encore ce qui devaiı complöter son tourTnent. La façon dont on insıruisait Eugenie. les choses essenıielles qu'on lui laissaiı ignorer, ou donr on ne lui parlaiı que pour les lui fajre hair; la certiıude qu'elle avaiı que ccs devoirs' m6prisös dc Franval, ne seraienı jamais permis İı sa fille; le peu de ıemps qu'on lui accordaiı pour voir cette jeune personne, la crainte que l'öducation singrıliöre qu'on lui donnait n'entrainİt töt ou tard des crimes, les 6garemens de Franval enfin, sa duret6journaliĞre envers elle..., elle qui n'ötait occupĞe que de le pr6venir, qui ne connaissaiı d'autres charmes que de l'intĞresser ou de lui plaire; ıelles 6ıaient jusqu'alors les seules causes de son affiiction. De quels traits douloureux ceııe ime tendre et sensible ne serait_elle pas pöneır6e, aussitöı qu'elle apprendrait tout ! Cependant l'6ducation d'Eug6nie continuait; elle-möme avait d6sir6 de suiıre ses maıres jus_ qu') seize ans, eı ses talents, ses Connaissances öıendues, les grices qui se döveloppaienı chaque jour en elle' ıouı enchainait plus fbrtemenı Franval; il itait facile de voir qu'il n'avaiıjamais rien aimö comme Eugönie. On n'avait chang6 au premier plan de vie de
Iıs
178
Cimcs de l'amoar
Mlle de Franval oue le ıemps des ces_ ıĞre-i-töte
ari..on
Euglnie dc conferences;
pere se renouvelaient
P.,ıii'i,*..T,.11$.*..#;?:
$;;HL. liii "!: eaıı au..laiı de touıe I'inıiigue, ., ı,""."r"iri,
sur elle, pöur ne point redJuter ll v avaiı aussi quelques chandans les ref as d'Eug6nie,, .ı ıJ 9.::.ıl1 -rn gJri, avec ses parents. Ccıte circonshnce drna "une maıson comme celle de Franval mit bientöi E'ggĞnie iı port6e de connairre d, o etre, desırĞe pour 6pouse. r|le fut -";;.__;; demandöe qar plusıeurs Personnes. Franval certain d, cer. oe sa te, et ne croyant point devoiruedorter ces dĞmarches, n,auaiİ oor'.,, .::: ff : ;,jİfi1..:1: :::. Peut-etre a tout dĞvoiler. .,Dans Uh€ conversation avec sa fille, faveur si dĞsir6e de Mme de Franval et qr'"ıı. ,i rarement' cette tendre möre apprit.:ı "b,..ri, eugJ"; que-M. de Colunce la voulait en marıage. ıt Vous connaissez cet homme, - -.- 6ııa, dit Ivtme.
j9|idement ||s-e son tndtscreıton.
;ffiçt
fiöffi
.de Franval; il vous aime, il sera riche, il
aimable;
qr: voıre unique i]_lr.. sera ma reponsei ı
iı ." lJui._ ;;;T; "i;j'ma fiıı;... aveu, queıı;
Eugenie, surprise, rougit eı rğpond ou,elle ne.se sen( encore aucrın goüı poui Ie mai-i.o._ c, on peut consulıer son 'pere; elle n'aıİra oTr|. autres volontğs que les sienııes. Mme de Franval'ne voyanr rien que de simole , :1L: _..".enhn Ieponse. patienta quelqles fours,'er l'occasion d,en parlir :, .irn ITP^"Y"ı, -r.i' crle Communiqua les inıeniions de la famille .lul J9"n9 Col.unce et celles que lui_m6me avaii 1l [emolgnees' joignir la iöponse de sa frlle. .elle. y rJn ımagıne bien que Franval savait tout;
Fıaıaal
l79
mais se d6guiser Eans se contraindre nöanmoins assğz
:
Madame, diıil sechement İ son 6pouse, je vous dernande avec instance de ne point vous m6ler d'Euçnie; aux soins que vous m'avez rır prendre ir l'öIoigııer de vous, il a dü vous Ğrre hcile de reconrniare combien je dösirais que ce qui la concernait ne vous regardit nullement. Je vous renouvelle mes ordres sur cet objeı... vous ne les oublierez plus, je m'en flarte? _ Mais que röpondrais_je, monsieur' puisque c'est iı moi qu'on s'adresse? - Vous direz que je suis sensible i I'honneur qu'on me fait, eı que ma fiIle a des dğ[auts de naissance qui s'opposent aux nceuds de I'hymen. - Mais, monsieur, tes dehuts ne sonı poinı rĞels; pourquoi voulez_vous que j'en impose' et pourquoi priver voıre fille unique du bonheur qu'elle peut ırouver dans Ie mariage? - Ces liens vous ont-ils rendue fiort heureuse, madame? - Toutes les femmes n'ont pas les torts que j'ai eus, sans doute, de ne pouvoir reussir a vous enchainer (et avec un soupir), ou tous les maris ne vous ressernblent pas. _ Les femmes... fausses, jalouses, impörieuses, coqueates ou dĞvoıes... Les maris, perfides, inconstants, cnıels ou despotes, voilİı l'abr6gö de tous les individus de la ıerre, madame; n'esp6rez Pas trouver un phönix. _ Cependant ıout le monde se marie. - Oui, les sots ou les oisifs; on ne se marie jamais, dit un philosophe, que quand on ne saiı ce qu'on fait, ou quand on ne sait plus que laire - ll hudrait donc laisser pörir l'univers? - Autant vaudrait; une plante qui ne produit que du venin ne saurait ötre extiiT€e troP töL <
180 -
Les Cimes de l'amour
Eugenie Vous saura peu de 916 de cet excĞs de rigueur envers elle. _ Cet hymen paraiı-il lui plaire? - Vos ordres sont ses lois, elle I'a dit. - Eh bien ! madame, mes ordres sont que vous laissiez li cet hyrnen. ı Et M. de Franval sortit en renouvelant a sa femme les d6[enses les plus rigoureuses de lui parler de cela davantage. Mme de Franval ne manqua pas de rendre i sa mdre Ia conversation qu'elle venait d'avoir avec son mari, et Mme de Farneille, plus fine, plus accoutumĞe aux e[fets des passions que son int6ressante fille, soupçonna tout de suite qu'il y avait li quelque chose de surnaturel. Eugenie voyait fort peu sa grand_mĞre, une lıcure au plus. aux evönements, et toujours sous les yeux de Franval. Mme de Farneille ayant envie de s'6claircir fit donc prier son gendre de lui envoyer un jour sa petiıe-fille, et de la lui laisser un aprös-midi tout entier, pour la dissiper' disait-elle, d'un accös de migraine dont elle se trouvait accabl6e; Franval fit r€pondre aigrement qu'il n'y avaiı ricn qu'Euginie craigniı comme }es vapeurs, qu'il la nıinerait pourant oü on la d6sirait, mais qu'elle n'y pouvait rester longtemps, i cause de l'obligation oü elle €tait de se rendre de li i un cours de physique qu'elle suivait avec assiduit6. On se rendit chez Mme de Farneille, qui ne cacha point i son gendre l'ğtonnement dans lequel elle ğtait du refus de l'hymen propos6. t< Vous pouvez, je crois, sans crainte, poürsuivit-elle, permetre que votre fille me convainque elle-m€me du d6faut qui, selon vous' doit la priver du mariage? - Que ce d6laut soiı r6el ou non, madame,
Eugönie
dı Franıal
181
peu surpris de la r6solution de _ı.'hit dit Franval, un e't'qu'ıl m'en coüterait fort I'' ı.il"--e'", ;;-;;". marier ma filli, et que je..suis encore
i
de pareıIs sacrlhces; vingıcinq ans' elle agiIa Comme ."IJ "iı. i".'i"ı '"iuı";; q,,:elle ne compte point sur moi |usqu'i cette öpoque' sont-ils les m€mes' Eug6'_ -' E, uo, se.,timents nie? dit Mme de Farneille' "''- ;ı; ;'iffö..;; .n q"lq" chose' madame' dit ı"ııı. ie i.u"r.l ,n.c b""o'p de fermetĞ; mon_ vingı_cinq.ans' .;;;.;; ,..-., d. me mariir i madame' de ne i lui' et vous :" ;"i:'i";.;;e i qui' avec permission"' d'une ;.;i;;;; ;; vie qu'au malxj; ü;,,.i; ;;'l'. " 'o'nt'ib"'raiı ie mes jours' heur '*] ö"'";u'p"int de façon -de_pens:J a :9:r: et ıı y ;oe_ mademoiselle, dit Mme de Farnellle' d'extraordinaire' chose ;";;;;;;.;;t quelque ;',;iı'};;;;; por'Lr,, Li"' q" je d6m€le' tranvaı' '- I. nous y exhorıe, madame' dıt m€me rrĞs bierı .";*;;;;;, i. fiıl'' uo" ferez clerg6 pour parvenir au mot de ):"r""i"".i """. et quand töutes vos Puissances au'ont ia"iJ''r.i -habi[eme',t ag, quand v.ous scfez instruıG ennn' ,o"a'.r"uıen me dire si j'ai .tort ou.si iai "Jr, raison de m'oPposer au mariage 9'Eugenıe:,]). _ Le sarcasmi qui Portait sur les consetllers avait *Jıi'ir',ür*-a.- ıa üeııe_mö'e de franval est d qu'il respectable' oour but un personnage suite des #;;";-;. Tri.. .on"'it"' puisque laactlon' '*eri.a"no va le montrer bientöt en -' t' ji' .;"rı.rri, du directeur de Mme de Farneille plus vertueux o ].-o'hıı.' l'un des hommes les plein l'"İi .*'.l' r'ance; honn€te' debienfaisant' loin.de clervil' M' " -"'""ı que des qualitĞs ."
...,., i"uire Dour Consenıir 'aura
_
::;l;;,-;,';'''"1"'*' Li"Iı.. "j..''a"
"ou"'
I
82
Izs Crimes
de
douces et utiles. Appui cerain du pauwe, ami sincöre de I'opulent, consolateur du malheureux, ce digne homme r6unissait tous les dons qui rendent aimable, i toutes les vertus qui font I'homme sensible.
Clervil, consult6, r6pondir en homme de bon
sens, qu'avant de prendre aucun parti dans cette affaire, il fallait d6m€ler les raisons de M. de
Franval, pour s'tıpposer au mariage de sa fil}e;
et quoique Mme de Farneille lançit quelques raits propres i hire soupçonner l'intrigue, qui
n'existait que trop r€ellement, le prudent directeur rejen ces idöes, et les trouvant beaucoup trop ourageuses pour Mme de Franval et pour son mari, il s'en Ğloigna toujours avec indignation. rı C'esı une chose si a[ igeante quc le crime, madame. disaiı quelquelois ceı honniıe homme; il est si peu vraisemblable de supposer qu'un €tre sage franchisse volontairement aoutes les digues de la pudeur et rous les freins de la vertu, que ce n'estjamais qu'avec la r6pugnance la plus extrdme que je me d€termine
Euglnie de Franaal
l) amour
i
pr€ter de tels torts;
livrons_nous rarement aux soupçons du vice; ils sont souvent I'ouvrage de notre amour-propre, presque toujours le fruit d'une comparaison sourde, qui se fait au fond de nore ime; nous nous pressons d'admettre le mal, pour avoir droit de nous trouver meilleurs. En y r6fl6chissant bien, ne vaudrait-il pas mieux, madame, qu'un tort secret ne füt jamais d6voil6, que d'en sup_ poser d'illusoires par une impardonnable pr6iipitation, et de fl6rir ainsi sans sujet, i nos yeux, des gens qui n'ont jamais commis d'autıes fautes que celles que leur a pr€t6es notre orgueil; tout ne gagne-t-il pas d'ailleurs i ce principe? N'est-il pas infiniment moins n6cessaire de punir un crime, qu'il n'est essentiel d'emp€cher ce crime
183
de s'6tendre? En le laissant dans I'ombre qu'il recherche, n'est-il pas comme an6anti? Le scandale est sür en l'6bruitant, le r6cit qu'on en fait reveille les passions de ceux qui sont enclins au m6me genri de dĞlis; l'ins6parable aveuglement du criĞe flatte l'espoir qu'a le coupable d'€rre plus heureux que celui qui vient d'€tre reconnu; .. .r'.'ı pr. une leçon qu'on lui a donnĞe, c'est ,., co'rr.iı, eı il se liwe i des excĞs qu'il n'eüt Deut-dre iamais os6s, sans I'imprudent 6clat... '[rr.r.-..r1 pris pour de la justice... et qui n'est que de la iigueur mal conçue, ou de la vanit6 ou'on d6suise. ıı ' ıl ne Ğ priı donc d'autre r6solution dans ce premier comit6, que celle de v€rifier avec exaciiı,ıde les raisons de l'6loignement de Franval pour le mariage de sa fille, et les causes qui fai. iaient partagei i EugĞnie cette mime maniĞre de p.n.er": or, ie d6cidt e ne rien entreprendre que ces motifs ne fussent devoilĞs. < Eh bien! Eug€nie, dit Franval le soir i sa fille' vous le voyez. on veut nous sÖparer, y r6ussira-t-on, mon enfant?... Parviendra-t-on i briser les plus doux nauds de ma vie? appr6hende pas, ö ne l'aPPr6hend - f amais... jamais, que tu- d6lecte5 ncruds Ces ami! *on"pır' tendie ru ne m'as point qu'i ıoi; pr6cieux me sont aussi i quel formant, les en fait voir, m-'as tu romp6e, poi''i iıs choquaienı nos mceurs: eı Peu elTrayie de franchir dis usages qui. variant i chaque climat, ne peuvent avoir rien de sacr6' je les ai uoulus cei nceuds, je les ai tiss6s sans remords, ne crains donc pas que je les rompe. sait?... Colunce esı plus jeune - Hğlas! qui tout ce qu'il faut pour ıe.charque moi... I I'a
-J
mer: n'Ğcoute Das, EuqĞnıe, un reste d egarement qui ı'rrergı. sans-doute; l'ige et le flam-
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Iıs
Crimes de l'amour
beau .de la raison en dissipant Ie prestise produiront bientöt des regreb' fu ı* ae!"*.?. Toi sein,^et je ne me pardonnerai'pas de İ^l". les avoır tait rıaire ! Eugönie fermemenı, non, ie suis ,. . 'yoT.a repriı n aımer que ıoi seul; je me cioirais la 'ojc]gee Ptus malheureuse des femmes- s'il me lallaiı prendre un .6poux... Moi, poursuivit_elle avei cnateur, mo!, me joindre i un 6transer ouin ayant pas comme toi de doubles .ri.o-r,, oJ,l. m atmer. meıtraiı a la mesure de ses sentim.ents, touı au plus celle de ses des;.s... nbandonne.] lui, deviendrai_je apris? Prude, :l.İI,'.. parCatin? .que Eh ! no,i. ::_":'' "i ',on,oui, .;laime mieırx eare ta mairresse, mon ami. ie-ı'aime mieux cent fois,.gue d'€tre röduite i jo"J ar"r-i. -l"il r un ou ı-aure de ces röIes inflimes... Mais ouelle d...our ce rain, p;";;i;#r;:;;; T.l]r^ar-:. avec argreur... La sais-tu. mon ami? quellE elie 9s1P...Ta femme?... Elle seute... s", i;;ü;;;ü j1l"y;i.,.. N'en doute point, voili ıi" ..ri, motlts des malheurs donion nous menace... Ah ! je ne I'en blii.me poinı : tout esl simple... tout se se hit quand il s,agiı je ," .or,r..] :Tç"], .. ıouı n.enrreprendrais_je pai si j'6tais i sa Ifl--gij PlacE et.qu'on voulüt m'enlever ton_ccur? u Ctonnamment emu, embrasse ....rnu3,1., ıoıs sa tılle; et celle-ci, plus encouraıĞe mille oar ces cnmınelles
dĞveloppant l-J ,,.o.. aveç Plus. d.caresses, 'o., a son oereenerglE hasarda de dire avec une_ımpardonnable impudence, que la ;eul; Iaçon d etre moins observĞi l'un et ltautre etaiı oe donner un amant a sa mire. Ce projet divertii mais bien ptus m6chanr .Ti.T^r:]: {re,sa fille. ei Voulan1 PIeParer impercepıiblement ce ieunecrrur a touıes les ımpressions de hajne qu'ij dösiraiı., semer Pour sa femme' ıI röpondiı ğr. ..,r. u"nl
Euglnie de
Franaal
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geance lui paraissaiı trop douce: qu'il y avait bien
d'autres moyens de rendre une femme malheureuse quand elle donnaiı de I'humeur ). son mari. Quelques semaines se passerent ainsi, pendant lesquelles Franval et sa fille se d6cidörent enfin au premier plan conçu pour le dĞsespoir de la vertueuse 6pouse de ce monsre' ğoyant' avec raison, qu'avant d'en venir iı des proc6d6s plus indignes, il fallaiı au moins essayer celui d'un amant qui, non seulement pourrait fournir matiöre İr tous les autres, mais qui, s'iI rĞussissait, obligerait n6cessairement alors Mme de Franval ir ne plus tant s'occuper des tors d'aumri, puisqu'elle en auraiı elle-möme d'aussi constatis. Franval porta les yeux pour l'exöcution de ce proieı sur tous les ieunes gens de sa connaissance et, apres avoir bien röflĞchi, il ne trouva que Valmont qui lui parüı susceptible de le servir. Valmont avait rente ans, une figure charmante, de l'esprit, bien de l'imagination, pas le moindre principe, eı par consequent trös propre iı remplir le röle qu'on aIlaiı lui oflrir, Franval l'inviıe unjour i diner, et le prenant a parı au sortir de table: < Mon ami' lü diı-il' je t'ai toujours cnı digne de moi; voici l'instant de me prouver que je n'ai pas eu tort : j'exige une preuve de tes sentiments... mais une preuve ırĞs exrraordinaire. - De quoi s'agiıil? explique_toi, mon cher, et ne doute jamais de mon empressement ir r'are utile! - Comment arouves-tu ma femme? - D6licieuse; et si tu n'en 6tais pas le mari, il y a longtemps que j'en serais I'amant. - Cette consid6ration est bien dĞlicate, Valmont, mais elle ne me touche pas. - Comment? - Je rn'en vais t'6tonner'.. c'est prĞcisement
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Iıs
Crimes
dı l'amour
Pa.rc:,gue ru m'aimes... pröcisĞmenı parce oue ie de Mme de Franval q"e j,ağe je ::]',l:P.,,* tot d.en devenir I'amanr. - Es-m fou? fanasque... mais capricieux, il .. ,|i1 maisque y a_ tongıemP_s tu me connais sur aa to.r... Je veux lalre faire une chute i la verıu eıje prö_ tends^que_ce soit toi qui la prennes ,, pıtgi. _ Quelle er,ı'auagaice ! ' - Pas un mot, c'eiı un chel'-d'ceuwe de raison. - Quoi! ıu vero( que "l'exige, ie ıe [asse...? je Ie er je cesse de re _--- gri.commeveux,'jc mon ami' si tu mö refuses ceıte J€8arder servira_i... je ıe procurerai des insl1I:". . J:leste mulıiplierai... tu en profiteras: eı_ F."ı"..J9 bien certain de mdn sorı, je me J,:,':.i 1::^:-:" Jetıeraı' s'ıl,le laut' a ıes pieds pour ıe remircier oe ıa ComP|atsance. . - Franval, je ne suis pas ta dupe; il v a li_ des-sous quelque chose de-forı öıonnint...-;! n,en_ trePrends rien que je ne sache ıouu . -ne oui... mais je ıe crois un peu scnrDuleuxte souPçonne pas encore asjez de force Je dans l esPrıt Pour- Ğtre suscçtible d,entendre le dĞveloppement de tout ceci... Encore des prejugĞs.. de la chevalerie, je gage?... ru frömirls ioiıme un enlant 9uan9 je ı'aurai touı diı" et tu ne vouoriıs Plus rıen laire. Moi, fiömir/... Je suis en vöriı6 confus de - -. de me juger: apprends, mon cher. 9,.',"ç9" 9u ıı n y a Pas un Ğgarement dans le monde... non, Pas un seul, de quelque irr6gırlaritĞ ou,il Pulsse eıre' qui soit capable d'alarm-er un inslnı mon c(rur. - Valmonq as-ru quelquefois fixĞ Eug6nie? - Ta fille? - ou ma maitresse, si tu l'aimes mieırx?
Euglnie de Franıal
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- Ah! scĞl6raq je ıe comprends. - Voiliı la premiĞre fiois de ma vie oü je
trouve de Ia p6nĞtraıion.
te
- Comment? d'honneur, tu aimes ta fille? - oui, mon ami, comme Loü! j'ai toujours
€Ğ pĞnĞtrö d'un si gıand. resPect Pour les liwes sainıs, toujours si convaincu qu'on gagnait le ciel en imitant ses heros!... Ah! mon ami, la folie de Pygmalion ne m'ötonne plus... L'univers n'esçil donc pas rempli de ces hiblesses? N'a_ t-il pas fallu commencer par Ii pour peupler le monde? Eı ce qui n'6aiı pas un mal alors, peut'il donc l'Ğtre devenu ? Quelle extravagance ! Une jolie personne ne saurait me tenrer, parce que j'aurais ie tort de l'avoir mise au monde ; ce qui doit m'unir plus intimemenı i elle deviendrait la raison qui m'en öloignerait? C'est parce qu'elle me ressemblerait, parce qu'elle serait issue de mon sang, c'esı-İr-dire' parce qu'elle r6unirait tous les motifs qui peuvent fionder le plus ardent amour. que je la verrais d'un ceil lroid?... Ah! quels sophismes... quelle absurditö! Laissons aux sots ces ridicules freins, ils ne sont pas his pour des imes telles que les nötres; l'empire de la beaiıtĞ, les sains drois de I'amour, ne connaissenı point les futiles conventions humaines; leur ascendant les anĞantit comme Ies rayons de l'asrre du jour apurent Ie . sein de la ıerre des brouillards qui la couwent Ia nuiı Foulons aux Pieds ces PrEug6s atroces, touiours ennemis du bonheur; s'ils seduisirent quölquefois la raison, ce ne fut jamais qu'aux d6pens des plus . flatteuses jouissances... qu'ils soıent a Jaİnaıs mePrıs€s Par nous. - Tu me convaincs, r6pondir Valmonq et je ı'accorde bien facilement qu€ ton Eu#nie doit Ğıre une maıresse dĞlicieuse; beauĞ bien plus
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Les Crimes de I'amour
Eugönie de Franaal
vive que sa möre, si elle n'a pas tout i fait, comme a ['emme, cette langueur qui s'empare de l';ime
voir mömes' de la chuıe de sa möre, qu'elle Püt incontestablement cette höroine de vertu cöder
avec tanı de volupıĞ' elle en a ce piquant qui nous dompte, qui semble en un mot subjuguer tout ce qui voudrait user de rösistance; si l'une a l'air de cöder, l'auıre exige; ce que l'une Per_ met, l'aure l'offre, et j'y'conçois tıeaucoup plus de charmes. _ Ce ı'est Pourtant pas EugĞnie que je te ' oonne, c esı sa mere. t'engage İ ce proc6d6? - Eh, quelle raison jalouse, Ma femme est elle me g6ne, elle m'examine; elle veut marier Eugönie, il faut que je lui fasse avoir des ıorts' Pour r6ussir ) couwir les miens; il fauı donc que tu l'aics... que ıu ı'en amuses quelque temps... que tu la trahisses ensuite... que je te surprenne dans ses bras... que je la punisse' ou qu'au moyen de ceıte d6couverıe j'achöıe la paix de part eı d'autre dans nos mutuelles erreurs... mais point d'amour, Valmont, du sang-froid, enchaine-la, et ne a'en laisse pas maitriser; si le sentiment s'en m€le, mes projets sont au diable. - Ne crains rien, ce serait la premiĞre femme qui aurait Ğchauffe mon ccur. )) Nos deııx scĞlörats convinrent donc de leurs alTangements' et il fut r6soıu que dans trös Peu de jours, Valmont entıeprendraii Mme de Franval avec pleine permission d'employer tout ce qu'il voudrait pour reussir... m€me |'aveu desamours de Franval, comme le plus puissant des moyens pour d6terminer ceıre honnöte lemme İı la vengeance. Eugönie' a qui le pro|et [uı confi6. s'en amusa prodigieusement; I'infime Cröaıure osa dire que si Valmont r6ussissait, pour que son bonheur, ) elle devint aussi complet qu'il pourrait l'€tre, il hudrait qu'elle püt s'assurer par ses yeux
d'un plaisir, qu'elle blimait avec u.o "t,t"io tant de rizueur. -';"fr" ü iour arrive oü la plus sage eı la Plus recemalheu.ers]e des femmes va, non seulemenı
le plus sensible qui puisse lui Ğrre nonö. mais'oü eile va örre assez outragĞe de son Iır.."* ar""r. pour ötre abandonn6e"' liw6e.par .Jıri p^. lequel il Consent d'atre il-;Ğ-t a.'t Quel hölirel"' quel mĞpris de tous ' """ie... p.irrcip.., Jt dans quelles vues la naıure peut_ L. auisi döpravös que ceux-lirl"' .*urs ;'ii.';;h; pr€liminaires avaıent drsConversa(ions oıreloues İ-.a i.". scĞne; Valmonı, d'ailleurs' 6tait assez pour que sa femmc' iı.qui cela f;i_r'.._i...rı' jrii'aea Jans .ilq'e, püt n'en_imaginer "-ı'a' j ,r.rn rester en teıe-a_tete avec lur' lous ırors le salon, Franval se lĞve' et - iin, au"'sauve, diı-il, une affaire importante i. -. " mettre avec vorre gouvervous C'est m'aioelle... de. vou.s *"a"-., aiouıa-ı-il, en riant' quemars s ll "rili sage"' si laisser avec Valrionı, il est
;;;'i. .;;o
vous me le direz, je ne l'aime pas encore . "uuıi". au ooinı de lui ceder mes droits"' D it l'impudent s'Ğchappe' n6s de la i".j'' [".ıqr.' proiıös ordinaires' rouqu'il dit Valmont rr"i-,u,İ. pı;il';;;";]; dJ mors' sıx depuıs changĞ vaiı '_,; son ami i;' '."",l'","^,i' İ.o, bsi lui en demander la "';i ı-il] mais il a l'air d'avoir des *i.i" chasrins. "'T'ö.'or'iı y a de bien sür' rĞpondit Mme de aux Franval, i'esı qu'il en donne furieusement autres.
que m'aPPrene7-vous? " ' - Ö cieııvous des torts/
aurait avec
mon amı
190 Les Cimes de Pamout _ Puissions_nous n'en ötre encore que H! - Daignez m'insıruire, vous connaissez mon zĞle... mon inviolable attachement.
- Une suite de dösordres horribles... une CorruPtion de mceurs, des torts enfin de touıes les es$ces... le croiriez-vousl On nous propose pour sa fille le mariage le plus avanıageux... il
ne le veut pas... ı Et ici I'adroit Valmont detourne les yeux, de l'air d'un homme qui penĞrre... qui g6miı... eı qui craint de s'expliquer. ( Comment, monsieur, reprend Mme de Franval, ce que je vous dis ne vous Ğtonne pasl votre silence est bien singulier. - Ah! madame, ne vaut-il pas mieux se ıaire, que de parler pour dĞsesperer ce qu'on aime? .- Quelle est Cette Ğnigme, expliqueı-la' je . vous en conJure. - Comment voulez-vous que je ne frömisse pas ir vous dessiller les yeux, dit Valmont, en saisissant avec chaleur une des mains de cette int6ressante femme. - Oh! monsieur, reprit Mme de Franval trĞs anim6e, ou ne dites plus mot, ou expliquez-vous, je l'exige... la siuation oü vous me tenez est affreuşe. - Peut_ötre bien moins que I'ötat oü vous me röduisez vous-möme, dit Valmont, laissant tom_ ber sur celle qu'il cherche a şĞduire' des regards enffammĞs d'amour. - Mais que signifie tout cela, monsieur; vous commencez par m'alarmer, vous me faites dösirer une explication, osant ensuite me hire entendre des choses que je ne dois ıi ne peux souflrir, vous m'ötez les moyens de savoir de vous ce qui m'inquiĞte aussi cnıellement. Parlez, monsieur, parlez, ou vous allez me reduire au dösespoir. - Je serai donc moins obscur, puisque vous
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Eugöıiı ıle Franıal
l'otigez, madame, et quoiqu'iı m'en coüte iı döchirer votre CGur... aPPren€z le motif cnrel o"i io"a. ü ,.fu, q.re ,öie Öpoux faiı İ M' de iolrnce... EugĞnie... - Eh bien?
_ ıh bıen ı madame, Franval l'adore; moins ,on Jtl.l"i""'d'hui que son amanı' il preferejour' tt celle de rait i'obligaiion de renoncer au c6der Eugenie. ı *;;;;;
enrendu ce faıal lui fit Ğ.;;;;;i'.;;a..r,. ,,'. r&olution qui s emPresse oerdre I'usage de ses scns; Valmont he lu ,ecor.i., eı dĞs qu'il a r6ussi ( Vous voyez, conıinue-ı-il. madame' ce.que coüte l'aveu'que vous avez exigĞ"' Je voudrais n()ur tout au monde..' monsieur' laissez-moi' .dit '":'i;;;--;i dans un 6ıat difficile.i peindre; i'a"u"l ı"ı-.-d* sfcousses, J'aı besoın violentes d'aussi aorÖs ,n instant seule' dlötre - _';;;; voudriez que je vous quiıtasse dans troP vıvecette siuadon? Ah'! vos douleurs sont que ime, Je ne vo.rıs Pour ment ressenties de mon les partager; de permission pas .;-aı la demande gu6rir' la laissiz-moi la olaie, -i-or..,o fait *:'F:;;;i
i;r.val n'avait pas
:
de"
sa fille, juste ciel!
seın' c-est cette cr6ature que |'ai port6e dans mon
Un .iü-."l-ı. daichiie a^vec tant !d'arrocit6!"' cela monsieur' ;j;.';";; Ğporua"ubl'"'bienah sür? ,e j_ği oeut-ilr... * 'i'.; in ötes-vous encore' madame, j'aurais
Jouais
ne oardJ'ı.' rlierr.e, i'eusse aim6 mieux cent fois c'esı vain; en alarmer 3;;;;;-Ji';' ;.i. d. uo.,' je ıiens la certitude de ;;;;; 6;;},öme que j la confrdence; quoi fait ;;;i;i#t.' iı *'.n
;;1ı ;;';"i;, ;"
&-por''
peu de calme, je vous en supplie; nous flutöt maintenant des moyens oe
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Eugİniı de
Les Crimıs de P amour
rompre cette intrigue, que de ceux de l'6claircir; tır, ces moyens sont en vous seule... - Ah! pressez-vous de me les apprendre... ce LTime me lait horreur. - Un mari du caracıire de Franval, madame, lıe se ramĞne point par de la vertu; voıre epoux tıoit peu i la sagesse des femmes; fruit de leur orgueil ou de leur temperamenı, pretend-il. ce qu'elles tbnr pour se conserver i nous est bien plus, pour se Contenter elles-mĞmes. que pour nous plaire ou nous enchainer... Pardon, madame, mais .je ne vous deguiserai pas que ie pense assez comme lui sur cer objet; je n'ai jamais \,ıı que ce füt avec des verıus gu'uni femme par_ vint i d6ıruire les vices de son ipoux; une conduite } peu prös semblable İı celle'de Franval ie piquerait beaucoup davantage et vous le ramö_ nerait bien mieux; la jalousie en serait la suite assuröe, et que de cceurs rendus ) l'amour par ce moyen toujours infaillible; vorre mari voyant alors que cette vertu ir laquelle il est hiı, eıqıi'il a l'impudence de mĞpriser, esı bien plus l'ouhage de la reffo
Franıal
l93
Franval. vous le captivez Öternellement; il vous [uir. par une condii(e contraire; il s'Öchappe pour ;e plus revenir; oui, madame, j'ose le certifrer, or'voııs n'aimez pas Votre öPoux' ou vous ne devez oas balancer. ı Mme d'e Franval, ırĞs surprise de ce discours, fut ouelque tetnps sans y rĞpcndre; rePrenanı ensuiie li parole: en se rippeiant les regards de Valmont' et ses premıers ProPos : < Monsieur, dit-elle, avec adresse, İı suPPoser oue ie cödasse aux conseils que vous me donnez, slr ğui croiriez-vous que je'dusse jeter les yeux oour'inquiÖter davanuge mon mari? ' Ahi s'öcria Valmont, ne voyant pas le piĞge ou'on lui tendait; chÖre et divine amie"' sur ı'homme de l'univers qui vous aime le mieux, sur celui qui vous aöore depuis qu'il vous connait, eı qui iure iı vos pieds de mourir sous vos lois...
Sortez, monsieur, sortez ! dit alors impö_ rieusement Mme de Franval, et ne reParaissez iamais devant mes yeux; voıre artifice esı dÖcou'r.rt; uo,l, ne prĞtez İı mon mari, des torıs'''.qu'il est incapable E'a',,oir,.que Pour mieux ötablir vos perfides söductions; a'ppr'enez que-füı-il meme ioupable. les moybns que vous m'o[Trez r6pugneun .aient troo i mon cceur pour -d'un les employer ne l6giti6poux insunt; ia'mais les travers ment ce; d'une lbmme; ils doivent devenir pour elle des moıifs de plus d'öre sage, afin que le Iuste. oue I'Eternel irouvera dans les villes afHiia.' i.öto a subir les effes de sa colĞre, puisse "t se Peut, de leur sein, les flammes'qui Eca.ıer,'s'il vont les dĞvorer. )) Mme de Franval sortit i ces mots, et' demandant les gens de Valmont' elle I'ohligea i se *i..r... .iL. ı,"nıeux de ses premiöres d6marches'
-
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-T Les Crimes de !,amour
ceıte int6ressante .lesQuoique ruses.de l,ami
de
femme eüt dĞm6l6
franral,-ce;;,;i#;1;
s'accordait si bien avec ses craıntes eı celles de se rğsolut de ;;;_#; 1 mire qu'elle se convlaincre ae .e. .."eıl.. ffi;ır1 ElIe va. |9Y. volr Mme de Farneille, ell" I"ı ,J.-ite.. ce qui s'etait passĞ eı revient, '"con-te a?ri".] .nş qrı nous allons lui voir aeiiaa. ",* enreprendre. rr y a longtemps que l'on a dit, ei avec bien de r_ que nous n'avions pas de pl"s g.andi l1-.1,.9n, enn€ mıs que.nos propres valeis; ,""iö"r. -semble ;?ioğ ,ch*.rh.;;; rouJours envieux, il qu,ils allfger leurs chaines en d6".i"ppr;;;;;;;;; plaçant alors au_ dessoü' d' e;x; i;iss; ^q.|,'-19". au molns' -pour quelques instants' a leur vaniı6 ra Preponderance sur nous que leur enıĞve -ie
sort.
Franval fiı seduire une des femmes o,'*.1.-,9. f,ugenle: une retraite sürt I,app;rence J ;;; ;J;,i',, jİl,o?[*İl,? cette cr6ature, eı elle s'engage' di' l";;;';;: vante.. A mettre Mme de Fiaival iı -;;';;;. plus douter de ses malheurs. L'insanr arrive. La malheureuse mire est ınıroduire dans un cabinet voisin a. l;"ip".i* ment oü son perfide 6Doux o chaque nuit eı ses neuds ei le Ciel. .Eus6n.uırage
;;;.
pl,.l.,,,.bo,gi*,;;;;;",Hi; jö'.'.'i':i,ı:iİff ] gnure. .eIles vont eclairer le crime... ı,";;i_;;, P.İpu:.; la vicrime s'y place. ı" ,r..in.","l. ü Franval'n'i plus pour di; q;;.; ::l-."*:""9:
ji'.iiliH:. :"ı:::fi
;;,İ,j: l|*:i*i_"::i aPPartement: 1T' et la. ıombanı a geno-ux eı en larmes aux pieds de ceı incesrucux U vous: quı laites le malheur; de ma vie, , .( s ecrie-t-elle, en s'adressant a Franval, ırora. ao.r, I
Eug*nic de
Franıal
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je n'ai pas mörit6 de tels traitemen6... vous que j'adore encore quelles que soient les injures que i'en reçoive, voy€z mes pleurs... et ne me rejetez pas; je vous demande la grice de cette malheureuse, qui, trompĞe par sa faiblesse eı par vos sĞductions' croit trouver le bonheur au sein de I'impudence et du crime... Eug6nie, Eug6nie, veıır(- tu Port€r le fer dans le sein oü tu pris le jour? Ne te rends pas plus longtemps complice du forfait donı on te cache l'horreu;!... Vians... accours.., vois mes bras pröc a ıe recevoir. Vois ıa malheureuse mĞre, i ces genotlx, te conjurer de ne. pas ourager ir la fois I'honneur et la narure... Mais si vous me refusez l'un et ı'aure, continue cette femme dösolĞe' en se Portant un poignard sur Ie ccur, voiliı par quel moyen je vais me sousıraire arıx H6ırissures dont vous prĞ_ tendez me couwir; je ferai jailIir mon sang jusqu'iı vous' et Ce ne sera plus que sur mon ıriste corps que vous PouITez consommer vos crrmes. D Que l'ime endurcie de Franval püt rösister İ ce spectacle, ceux qui commencenı i connaire ce scel6rat le croiront facilement; mais que celle d'EugĞnie. ne s'y rendiı point, voili ce qui esı rnconcevable.
< Madame, dit cette fille corrompue, avec le ffegme le plus cnrel, je n'accorde pas avec vore raison, je l'avoue, le ridicule esclandr€ que vous venez fhire chez votre mari; n'esr-il pas le mairre de ses actions? eı quand il approuve les miennes, avez-vous quelques droits de les blimer? Examihons-nous vos incartades avec M. de Valmont?
vous troublons-nous dans vos plaisirs? Daignez donc respecter les nötres, ou ne Pas vous ötonner queje sois la premiöre a presser votre öpoux de prendre le parti qui pourra vous y conıraindre... ı En ce moment la patience öchappe İr Mme de
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Eug[niı de
Les Crimes de I'amour
FIanvaı, toute sa colĞre se tourne contre l,indigne cröaıure qui peut s'oublier au point de lui pailer arnsı' eı' se relevant avec fureür. elle s.6lance şur elle... Mais I'odieux, le cmel Franval,;;il;;i sa femme par les cheveux, I'enrraine en furie loin de sa fiIle eı de la chambre, et, la ieıanr avec force dans les degres de la maison, il i'envoie tomber eJanourle et en sang sur le seuil de la porıe d'une de ses lemmes.qui' rĞveillöe par ce brıiit horrible, soustraiı en hite sa maiıresse aux lureurs de son ryran' döjiı descendu pour achever sa malheureuse VıCrime... Elle esı chez elle, on l'y enferme, on l'y soigne' eı le monsıre' qui vient a'. ı",'ui,.. avec tant de rage. revole auprĞs de sa döıesıable ComPag_ne..1ı asser aussi ıranquillement ia nuit que sll ne_se İü( pas ravale au-dessous des bĞıes ies plus. t€roces, par des aııenıats tellemenı exĞcrables, ıellemenı faiıs pour l'humilier... tellemenı horrıbles' en un mor' que nous rougissons de la necessıte oü nous sommes de les devoiler. Plus d'illusions pour la malheureuse Franval; ll, n en.etart plus aucune qui püt Iui devenir permlse; ıl n'eıaıt que troP clair que le ccui de son ePoııx, c'esl-i-dire le plus doux bien de sa vre, rut eıart enleve... er par qui? par celle qui luı devaıt le plus de respecı... eı qui venait'de luı.Parler avec le plus d'insolenci; elle s'eaiı egalement rlouı6e que toute l'aventure de Val_ mont n-eıalt qu'un dötesıable piĞqe tendu nour luı laire avoir des ıorıs, si l,on'Po"urraiı, eı. ians le cas co_ntraire. pour lui en pr6ıer' pour l'en couvrır ahn.de balancer, de lögiiimer pui ıu, ..r* mılle loıs. Pıus graves qu'on osait avoir avec elle. X.len n eüılt Plus cerıain. Franval, instruit des mauvaıs succĞs de Valmonı, |'avait engagĞ i remplacer le vrai par l'imposture ı'iniiiretlon... a publier hautement qu.il -et eıait l'amanı
Franaal
'97
de Mme de Franval; et il avait öte conclu dans cette socidrĞ qu'on feraiı contrelaire des lettres abominables, qui sıarueraient, de la nıaniöre la moins öquivoque, l'exisrence du commerce auquel cependant cette malheureuse öpouse avait refus6 de se prĞter. Cçendani au dĞsespoir' blessöe mĞme en plusieurs endroits de son corps, Mme de Franval tomba sdrieusement malade; et son barbare 6poux se refusanr a la voir, ne daignanı pas möme s'informer de son 6tat, Partit avec Eugönie pour la campagne, sous pr6texte que la fiövre 6tant dans sa maison, il ne voulait pas exposer sa fille.
Valmont se prĞsenta plusieurs fois a la porte de Mme de Franval pendant sa maladie, mais sans ötre une seule fois reçu; en|ermöe avec sa tendre mere et M. de Clervil, elle ne vit absolument personne; consolĞe par des amis si chers, si fairs' pour avoir des droiıs sur elle. et rendue i la vie par leurs soins, au bouı de quarantejours elle fui en öat de voir du monde. Franval alors ramena sa frlle i Paris. et l'on disposa ıouı avec Valmont pour se munir d'armes capables de balancer celles qu'il paraissait que Mme de Franval et ses amis aııaient diriger contre eux. Notre scĞl6rat Parut chez sa femme dös qu'il la cnıt en ötat de le recevoir. < Madame, lui dit-il froidement, vous ne devez pas douter de la part que j'ai prise a Vo.re ğtat; il m'est impossible de vous döguiser' que C'est i lui seul, ğue vous devez la retenue d'Eugenie; elle ötait dĞcidee iı porter contre vous les plaintes les plus vives sur la hçon dont vous l'avez traiıÖe;
queique convaincue qu'elle puisse iıre du respect
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I Les Cimes de I'amour
ca1.{u monde en se jeıant sur sa fiIle. Poıgnard a la main; une vivac"itö de ce,," madame' pourraiı en "-.^;.]' ı.' y._,o-d;_;5J!..] "r*"",,"i.J voıre. conduite, i"rulıi;iĞi'Jr, I!T1r, un Jour a1r. vorre liberr6 et ;, uoı.a horrrar.. -' '_ " _ Je ne m aııendais pas a cetıe rĞcrimina_ tıon, .mon.ieur, rĞpondii Mme de F;;;i,";, q_uand.,seduire pr. i,orr' -. fiıı. ,;'.";;; ı;,üb;; CouPable d'incesıe' d.adultere' d" iib;;;;; et. dc l'ingrarirude la plus .;r;';fi: uI,* au monde... oui, "di;r; je I,avoue, :1,^i i. n,i-uP"'"9r:' d'aPres (etıe i"-pıi.rıl,J, J'_hoi9]:::' reursl cC !üt i ınoi de redouıer,a"' plrin,.r'i.iı |auı ıout votre art. toute votre ;.;üi;ri.;;:'il;-, Pou.' en ex(.usant le crıme .'.a'r",]n, c},a^"r; audace, accuscr l.innocence. Je n'ignoıc pas. madame' gue les prĞtexıes , -votre de scene onı 6te |es odieu,x 9':.. {ormeı sur moi; mats '9"P{;;;;;; des chimires ::"ılegltlm_enı ne pas des crimes ; Ce que vous avez 11auv.ais ıe
Pense est [aux; ce que vous avez reusement que trop'de realitĞ.
ı";J.," -riı'ir_ vom uous ea.nl adressĞs -" fiıl. ;i;;;:
que' vous a ;ı5reProches (aslon de.votre inırigue ,u.. vrı*or| -r-i-r' i111TE elle ne dövoil I.. ı...grl"riıe. je;o_ı.; (tın<ıulıe
qu aprös ıout Paris; Cel arrangement est sl_connu... les preuves, malheureusement si cons_ tantes, que ceux qui vous en parlent,
.;;;;;;. tour au -plus ,ne impruden.Jmals non pas une calomnie.
M,oi, monsieur, diı cene respecuble _ - se öpouse, en levınr indiqnĞe... moi a rrangement' a.u.c vrlmont ı. ]';;r;; iŞi' ^qes. djıes! (Et a.,tJo d;T;,J":'lü,T;:,?*,l; p..o d. "'.. ma ıendresse... ,"ili :,.t-avoır tant. aimĞ : ıu n,es pas contenı J" rn'o,-,trager aussi cnrellement; ıl n.';;;,i;;";;; t. .rm,'prr?
Eug|nie dı
Fıanıal
l99
seduire ma ProPre fille, il fauı encore que tu oses l65itimer tes crimes en m'en prĞtant qui seraient plus a{freux Pour moi que la mon... (Eı se reprenant:) Vous avez des preuves de cette innigue, monsieur, dites-vous, hites-les voir, j'exige qu'elles soient publiques, je vous conıraindrai de les faire paraitre i toute la terre, si vous refusez de me les rnontrer. - Non, madame' je ne les montrerai poinı i toute la teITe' Ce n'esı Pas communöment un mari qui fait 6clater ces sortes de choses; il en g6mit et les cache de son mieux; mais si vous les exigez, vous, madame, je ne vous les refuserai certainemenı point... (Eı sortant alors un portefeuille de sa'poche) : Asseyez-vous, dit-il, ceci doit 6tre vĞrifiö avec calme; l'humeur et l'emPortemenı nuiraienı sans me convaincre; remet_ rcz-vous donc, je vous prie, et discutons ceci de sang-froid. ı Mme de Franval, bien parhitement convaincue de son innocence, ne savait que penser de ces pröparatifs; et sa surprise, mölöe d'effroi, la tenait dans un Ğtat violent. a Voici d'abord, madame, dit Franval en vidant un des cötĞs du portefeuille, toute votre correspondance avec Valmont depuis environ six mois : n'accusez point ce jeune homme d'imprudence ou d'indiscretion : il e* troP honnöte sans doute pour oser vous manquer i ce point. Mais un de ses gens, plus adroit que lui n'est attentif, a Eouvö le secret de me Procurer Ces monuments pröcieux de votre exıröme sagesse et de votrc 6minenıe verıu. (Puis leuilletanı les letıres qu'il eparpillait sur la table): Trouvez bon, continua-t-il, que parmi beaucoup de ces bavardages ordinaires d'une femme 6chauffĞe... par un homme fort aimable... j'en choisisse une qui m'a
2m
Les Crime s de I'amour
Pl:'
Eugmie de
leste.et plus döcisive encore que les
Pr} La voici, madame autres...
:
epoux soupe C? ioir & ra petil( mıilor.rr\rrru,auü --'| du 5on Ceıle cıealure horrible... eı ou'il Jaubourg eıl ımpossibk,que j'aie mise au monde , -or}n r, mc (onloter de lou' le' thagnns que me ""nrr, donıunt ceı deux
Q:c diı.jc? n'eı-ce'paı le plus grand ıeruice :'i::|*: qu ıI! Puurenl mı rendre a pi\üt, eI |e e inıisue n em,p,echera- I ell( pa' mon man d'operceuoir la nöü're ? w'ıl en feslcı? donc leı nrruds auranl qu'il lui blaira, mnıı qu''ıl ne s'auise Pıinı au moıru a', ,o"ı"ii"nir|, (Cux quı m'alıa:h(nı au seul homme que1'aie vraiıııenl -
adorğ dans le
mond.e ,
ı
Eh bien ! madame? Eh bien! monsieur. ie vou5 26lmi1s, 16r.._ Mme de Franval; chalue |our atoure a l'in_ T"-Iuı,. esllme que vous ires-[aiı p6ur möriter; qualiıös que je vbus aie reconİl !":,ır.i.g.u.,ides nufs-lusqu a presenr,-je I'avoue,le ne vous savais <
diı
pas encore celles de hussaire et öe calomniateur. - Ah! vous niez? - Poinı du ıouı; je ne demande qu'a €tre convarncue; nous lerons nommer des iuies... des exPerıs; et demanderons, si voıis Te u""ı., 'nou_s plus rigoureuse pour celui dei 11,p.,n.,lu ucux qul sera le coupable? V"ila .. qr'o,i appelle de l.effronıerie: _,'irl|ons,.J aıme mieux cela que de la douleur.,. vous ayez un amant. madame, ::":'_Y'""T'ençıue secouanı l'auıre partie d, porreF],.,İlui"r|' leullle' avec une jolie figure eı un ennuwux.(boux. c:: oe rris simple assuremenı: :,^.:_ ."]|.. uş. vous enıreteniez cet amant'mais qu'a er cel.a a mes.lrals. c est Ce gue me permerırez de ne .vous pas rrouver aussi simple... Cependant por.
Slll
"";.i
Franıal
20|
100 000 6cus de m6moires, ou payes par vous, ou arrctös de Votre main en faveur de Valmont; daignez les parcourir, ie vous conjure, aiouta ce monstre en les lui pr6sentant sans les lui laisser
toucher...
A
Zaide
, bijoutier
.
Anİti ıe prisenı nuimohe de La somme de uingldeux mille liıres pour le cdnpte de M. de Valmonl, paı arrangemınl aıec Lui.
Flıxıırıı nı Fneıvıı.
(
A
Jamet, marchand de chevaıx, six millı
liures... c'est ceı attelage bai_brrın qui fait aujour-
d'hui les delices de Valmont et l'admiraıion de tout Paris... Oui, madame, en voili pour /rois rent mille deux rcnl qualre-uingl- lrois liıres dix sols, dont vous devez encore plus d'un tiers, et dont Vous avez trös loyalemenı acquitt€ le reste... Eh bienl madame ? - Ah! monsieur, quant ) cette fraude, elle est trop grossiere Pour me causer Ia plus lĞgĞre inquietude: je n'exige qu'une chose pour contoıdre ceux qui l'inventent contre moi... que lcs gens ) qui l'ai, diıon, arr€ığ ces mömoires, Pa_ iaissent,'et qu'ils hssent serrnent que j'ai eu affaire iı eux. - Ils le feront, madame, n'en doutez pas; m'auraient-ils eux-mömes pr6venu de votre Conduite, s'ils n'ğtaient d6cid6s h soutenir ce qu'ils
ont d6clar6? L'un d'eux devait möme, Sans moi, ı vous faire assigner auiourd'hui... -jaillissent alors des beaux Des pleurs amers yerıx de ceıte malheureuse lemme; son courage iesse de la soutenir. elle ıombe dans un accĞs de dösespoir, möI6 de symPtömes effrayants, elle
ks cines
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de l'amour
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203
2M
Iıs Cimes dı
Euglnü dı Fraııal
l'amour
n'ayant que le sein de sa möre qui püt s,enrouwir iı ses larmes, ne fut pas longteriıpJ i lui faire oart de ses- nouveau)( sujets de chagrins; ce fut alors que Mme. de. Farneille imagini que l,ige, l,Ğtaı, la consıderaoon personnelle de M. da Clervil, PouıTalent peuı_ötre produire quelques bons eııeıs sur son gendre; rien n'est coniianicomme le matheur; elle mir le mieux qu,elle put ce resrrc_ ıable ecclesiasıique au hit d'e ıous'Ies dĞsor.dres oe İranval,. elle le convainquit de ce qu'il n,avait Jamais, voulu croirc, elle lui enjoignit'surrout de n emPloyer avec un ıeI scĞlörat, que cette Ğlo_ quenc.e persuasive, pluıöı laite poui le cceur que ı esPrtt; aprĞs qu'il auraiı causĞ avec ce Pour Dirnoe' clle luı recommanda d,obıenirune enrrirr. d'Eug6.nie, oü iI mettrait de mame ." ;;;;";; ce qu'il croirait de plus propre i 6claire? ce-ti Jeune malheureuse sur I'abime ouvert sous ses pas' et i la ramener, s'il Ğıaiı possible, au sein de sa mere eı de la vertu. . Franval,.insıruir que Clervil devait demander a Voır_sa hlle et lui' eut le temps de se combiner avec.elle, et leurs projeıs bien bisposes, tü. fi;;;i savoır au direcıeur de Mme de Faineille aue l,un et l'autre Ğtaienı pröts a l,entendre. Lr;;;;; ıranval- espör}it ıouı de l'Ğloquence de ce suide sPlrltuel; |es malheureux saisissent les chifiĞres ave( tanı d'avidiıĞ, et pour 5e procıırer une Jouıssance que la veriıĞ leur refusi, ils röalisenı avec beaucoup d'arı ıouıts les illusions! Clervil arrive: il iıaiı 9 heures du matin; Franval le. reçoiı dans |'appartemenı oü il avaiı coutume de Passer les nuits avec sa fille; il l,avaiı ıaı: orner avec toute l'6lögance imaginable, en y laıssant nĞanmoins rĞgner une sorte de dĞTrgre qıl.ı consıatait ses criminels plaisirs... Eu_ genıe, prĞs de liı, pouvait ıout entdndre, afin ;e
m5
i l'entrevııe qu'on lui destinait.i son tour. r Ce n'est qu'avec ıa plus grande crainte de vous döranger, monsieur, dit Clervil, que j'ose me pr6senter dev-ant vous; l5 gens de nore 6ğt son] coITımunement st a cnarge arıx p€l'sonnes se mieux disposer
qui, comme vous, passent leur vie dans les voluptii de ce monde, que je me rçroche d'avoir consenti aux dösirs de Mme de Farneille, en vous faisant demander la permission de vous entretenir un instanl - Asseyez-vous, monsieur, et ant que le langage de ia justice eı de la raison rĞgnera dans vos discours, ne redoutezjamais I'ennui pour moi. jeune dpouse pleine - Vous 6tes ador6 d'unequ'on vous accuse de de charmes et de vertus, n'ayant pour monsieur; rendre bien malheureuse, elle que son innocence et sa candeur, n'ayant que l'oreille de sa mĞre qui puisse 6couter ses plaintes, vous idolitrant toujours malgı6 vos torts' vous imaginez ais6ment quelle doit €tre l'horreur de sa position ! Je voudrais, monsieur, que nous allassions - fait, il me semble que vous employez des au dĞtours; quel est l'objet de votre mission? - De vous rendre au bonheur, s'i| ötait possible. _ Donc, si je me ırouve heureux comme je suis, vous ne devez plus rien avoir i me dire? - tl est impossible, monsieur, que le bonheur puisse se trouver dans le crime.
- J'en
conviens; mais celui
qui, par
des
6tudes profiondes, par des r6flexions müres, a pu mettre son esprit au point de ne soupçonner de mal i rien, de voir avec la plus tranquille indiff6rence ıoutes les actions humaines, de les consid6rer toutes comme des r6sultats nğces_
206
Eugİniı dı
Les Cıimes d,ı l'amour
saires d'une puissance, telle qtı'elle soit, qui t,nıöt. bonne et ıantöt Perverse' mai. toujours lmp€neuse' nous inspire tour i ıour. ce que les hommes approuvent ou ce qu'ils condamnent, mais -jamais rien qui la d6range ou qui la trouble, celui-li, dis-je, vous en conviendrez, monsieur, peut se Eouver aussi heureux, en se conduisant comme je le fais, que vous l'€tes dans la carrıere que vous parcourez; le bonheur est idĞal, il est l'ouwage de l'imagination; c'est une maniĞre d'6tre mü, qui dĞpend uniquement de notre hçon de voir et de sintir; il n'ist, exceptd la satisfaction des besoins, aucune chose ğui
rende tous les hommes €galement heureux; nous voyons chaque jour un individu le devenir, de ce qui d6plait souverainemenr i un aurpe; il n'y a-donc point de bonheur certain, il ne peut en exister pour nous d'autre que celui que nous nous formons en raison de nos organis et de nos principes. - Je le sais, monsieur, mais si l'esprit nous trompe, la conscience ne nous 6gare jimais, et voilii le liwe oü la nature 6criı tous nos devoirs. - Et n'en faisons-nous pas ce que nous voulons, de Cette conscience factice? ı'habitude la ploie, elle est pour nous une cire molle qui prend sous nos doigts toutes les formes; siie Iivre 6tait aussi sür que vous le dites, l'homme n'aurait-il pas une conscience invariable? D'un bout de la terre i I'autre, toutes les actions ne seraienı-elles pas les mĞmes pour lui? et cepen_ danı cela est_il? L'Hottentot tremble-t-il de ce qui effıaie le Français? et celui-ci ne fait_il pas tous les jours ce qui le ferait punir au Japon? Non. monsieur. non, il n'y a rien de r6el dins Ie monde, rien qui mĞrite louange ou bljme. rien qui soit digne d'€tre rĞcompens6 ou puni, rien
Franıal
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qui, injuste ici, ne soit l6gitime i cinq cents lieues de li, aucun mal r6el, en un mot, aucun bien constant.
_ Ne le cİoyez Pas' monsieur, la vertu n'est point une chimöre; il ne s'agit pas de savoir si une chose est bonne ici, ou mauvaise i quelques degr6s de li, pour lui assigner une dğtermirıation pr6cise de crime ou de vertu, et s'assurer d'y ırouver le bonheur en raison du choix qu'on en aura [ait; l'unique f6liciı€ de l'homme ne peut se trouver que dans la soumission la plus entiĞre aux lois de son pays; il faut, ou qu'il les respecrc, ou qu'il soit mis6rable, point de milieu enire leur infracdon ou I'infortune. Ce n'est pas, si vous le voulez, de ces choses en elles-mdmes, d'oü naissent les maux qui nous accablent, quand nous nous y livrons, lorsqu'elles sont d6fendues, c'est de la l6sion que ces choses, bonnes ou mau-
vaises intrinsĞquement, font aux convenıions
sociales du ciimat que nous habitons. Il n'y a cer-
ainemena aucun mal i pr€ferer la promenade des boulevards i celle dis Champs_İlys6es; s'il n6anmoins une loi, qui interdit se promulgrıait les boulevirds aux citoyens, celui qui enfreindrait cette loi se prdparerait peut-€tre une chaine 6temelle de malheurs, quoiqu'iı n'eüt fait qu'une chose trös simple en l'enfreignant; l'habitude d'ailleurs, de rompre des fieins ordinaires, fait bientöt briser les plus serieux, et d'erreurs en erreurs, on arrive i des crimes, fais pour 6tre punis dans tous les pays de I'univers, faits pour inspirer de l'effroi i toutes les cr€atures raison_ rıabtes qui habitent le globe, sous quelque pöle que ce puisse Ğtre. S'il n'y a pas une conscience universelle pour I'homme, il y en a donc une nationale, relative i I'existence que nous avons reçue de la nature, et dans laquelle sa main
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Les Cıdmes de l'amour
imprime nos devoirs en raits, que nous n'effaçons point sans danger. Par exemple, monsieur, votre famille vous acclıse d'inceste; de quelques sophismes que l'on se soit servi pour lĞgitimer ce crime, pour en amoindrir l'horreur, quelque
sp6cieux qu'aient 6ı6 les raisonnemenıs entrepris sur cette matiöre, de quelque autorit6-qu'on les ait appuy6s paı des exemples pris chez les nations voisines, il n'en reste pas moins d6montr6 que ce d6lit, qui n'est tel que chez quelques peuples,
li oü les lois l'interdisent, il n'en est pas moins certain qu'il peut entrainer aprĞs lui les plus affteux iıconv6nienıs, et des crimes n6cessit6s par ce premier;... des crimes, dis-je, les plus faits pour 6tre en horreur aux hommes. Si vous eussiez 6pousĞ voıre fille sur les bords du Gange, oü ces mariages sont permis, peut-6tre n'eussiez-vous fait qu'un mal trös inferieur; dans un gouvernement oü ces alliaıces sont d€fendues, en offrant ce tableau r6volant au public... aux yeux d'une femme qui vous adore, et que cette peifidie met au tombeau, vous commettez, sans doute, une action Ğpouvantable, un d6lit qui tend i briser les plus sainrc ncuds de la nature, ceux qui, attachant votre fille i l'€tre dont elle a reçu le jour, doivent lui rendre cet itre le plus respectable et le plus sacr6 de tous les objes. Vous obligez cette fitli i m6priser des devoirs aussi prĞcieux, vous lui faites hair celle qui I'a port6e dans son sein; vous pr6parez, sans vous en apercevoir, les armes qu'elle peut diriger conare vous; vous ne lui pr6ienrz aucun systĞme' vous ne lui inculquez aucun principe, oü ne soit gravöe votre condamnation; eı si son bras aıtenıe un jour ir Votre üe' vous aurez vous_mĞme aiguisĞ les poignards. - Vou'e maniĞre de raisonner, si di{ferente de ne soit certainement dangereux,
t
Eugönie
dı
Franıal
209
celle des gens de Votre ötat, r6pondit Franval' va m'enga"ger d'abord İ de la confiance, mon_ sieur; ie- ğourrais nier votre inculpation; ma franchiie
f
me devoiler vis-a-vis de vous va vous
oblicer.'tJ--.,'quand ie I'esoĞre' ir croire ögalemenİ les lorts d" ,i, i'emploidrai, pour vous les qui va guider l'aveu des veriiĞ mönie la exposer.
mie.,s. tıri, monsieur. j'iime ma fille, je_l'aime avec passion, elIe est ma maiıresse, ma İemme' m, .&r', ma confidenıe. mon amie, mon'unique dieu sur la terre, elle a tous ıes titres enfin qui peuvent obtenir les hommages d'un ccur, et tous i-eux du mien lui sont dus; ces sentiments dureront autant que ma vie; je dois. donc les justifier, sans douıe. ne pouvant parvenir a y renoncer' < Le premier^ devoir d'un pĞre invers sa fille est inçonıestablement, vous en conviendrez, monsieur, de lui procurer la plus grande sornme de bonheur possible; s'il n'y est poinı parvenu, ıI ...i. avec ceıtf fille; s'il a rÖussi, il esı i .rt "n l'abri de tous les reproches. Je n'ai ni s€duit ni conıraint Eugönic' cöıtc considöraıion est remarauable' ne li laissez pas öchapper; je ne lui ai joint cachö le monde, je lui ai developpe les ioses de l'hymen i cöt6 dĞs ronces qu'on y trouve; ie me suis 6ffert ensuite' |'ai laissĞ Eug6nie libre 'de choisir, elle a eu tout Ie temps de la r6flexion: elle n'a point balance, elle a protestö qu'elle nt trouvait ie bonheur qu'avec moi; ai-ie eu tort de lui donner pour la iendre heureuse ce qu'avec connaissanci de cause elle a paru prĞİ6rer i tout? ne lÖqiıiment rien, monsieur; - Ces soohismes pas laissĞ entrevoir İı votre fille, ,or. .,e dJig, pouvait pr6fĞrer sans crime, qu'elli ne oue l'ötre jouvaiı deıLnir l'objöt de son bonh€ur; quelque Lelle apparence qui püt avoir un fruit, ne vous
Iıs Cimıs dı
210
lş
l'amour
Eagtıiı
H:L İİ' r'".'"".ffi , "*:il*'*T
J
:i!: Non,.monsieur, non, -oi-o.i pulpe? uo,rr r,.ro vous pour objeı, a"n' ..t,. -iıı.r.*;;;;;"H: ., .rol. :r, avez rendu vorre fille ., ;;;;ı; et la üctime; ces procedĞs sonil;P;;j;";;[J:: '"
oü je vous veux, monsieur, et c,est q'ue j'aıtends ;" ,r,_r.,.,"rr., nance; J'aı quelque droit d'en-esp6rer .r.r'doii*, maniĞie pleine de frahchise d"";;;;; 1r:: 11 venez de me voir convenjr ce qu,on Franyal, en montiant i-,i_p;;i; Clelvil les .^.İl_:lg.. Iausses leıtres et les faux billets qu,il ,ır.iü".li a sa İemme, lui certifia oue rien nrataı, pl".-iJ.i
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bien! monsieur, diı_il alors fermemenı i lranval, ai-je eu raison de vous dir. ;;;;;; erreur vue d'abord comme sr el le-m€me PJ; ;"* rı Eh.
il;.;Jİ:"ff;;:THff:
des bornes, nous conduire a.."i.., ola. i, oıme et de möchanceıĞi ""* Vous avez commencö .la
par une action, nulle İı vos
v
i1'1;,ı"ıes,",-J1;'iLl".i,IllJ;,::;:H"Jıl qu rt vous laut hire... Voulez-vous
- Permetrcz, morsieur; je n'ai pour les supposer vraies que ce que vous me dites, et vous avez Ie plus grand inıĞr6t i soutenir vore acoı_ sarion; j'ai, pour croire ces piĞces husses, les aveııx de votre 6pouse, qui aurait egatement le plus grand inter6ı İı me diie si elles öaient reelles, dans le cas oü elles le seraient; voih comme je juç, monsieur... L'int6röt des hommes, tel eit le vehicule de routes leurs d6marches, !e grand resson de touıes leurs acıions; oü |e le rrouve, s'allume aussitöt pour moi le flafrbeau de la v6riĞ; cetıe rögle ne me romPa jamais, il y a grİıı:rnıe :ıns que je m'en sers; et la vertu de votre İırnme n'anĞantira-ı-elle pas d'ailleurs i tous les yeux cetıe abominab|e ca-Iomnie? Esı_ce avec sa hanchir, est-ce avec sa candeur, elı-ce avec l'amour dont elle brule encore pour vous, qu'on se permet de telles arocit6s? -Non, monjieur, non, ce ne sont point li les d6buts du crime; en
en conrıaissant aussi_bien les e{fets, vous en deviez mieux diriger les fils - Des invectives, monsieur!
- Pardon, I'injustice, la calomnie, le libertirnge, rĞvoltenı si souverainemenı mon ime, que je ne suis quelquefois pas le maitre de I'agitadbn oü ces horreurs me Plongent; brülons ces papiers, monsieur, je vous le demande encore avec instance... brülons-les, pour Votre honneur et Pour votre rePos. - Je n'imaginais pas, monsieur, dit Franval, en se lwant, qu'avec'le ministĞre que vous exefcgz, on devinı aussi facilement, l'a-polo'giste... le protecteur de l'inconduite l'ınconduite et de l'aduliöre; l'adultĞre; ma femme me fl6trit, elle me ruine, je vous le prouve; votre aveuglement aveuqlement sur elle voui vous fait pr6ferer or6ferer de m'accuser moi_möme m'accııseT moi_meme eı eİ de me suoooser supposer olutöt un calomniaıeur, qu'elle une fem'nie p"#d. .,
z|2
Eugnie de
Lcs Cıimes dı I'amour
d6bauch6e! Eh bien, monsieur, les lois en d6cideront; tous les tribunaux de France retentiront de mes plaintes, j'y porterai mes preuves, j'y publierai mon dĞshonneur' et nous verrons alors si vous aurez encore la bonhomie ou plutöt la sottise de proteger conre moi une aussi impudente Cröature.
- Je me redrerai donc, monsieur, dit Clervil, en se levant aussi; je n'imaginais pas que les travers de vore esprit alt6rassent autant les qualit6s de votre c(rur, et qu'aveugl€ Par une ven_
geance iniusıe' vous devinssiez capable de soutenir de sang-froid ce que put enhnter le dölire... Ah ! monsieur, comme tour ceci me convainc mieux que jamais, que quand I'homme a franchi le plus sacr6 de ses devoirs, il se permet bientöt de pulvöriser tous les autres-.. Si vos r6flexions vous ramönent, vous daignerez me faire averıir, monsieuri et vous ırouverez ıoujours, dans votre famille et moi, des amis pr€ts i vous recevoir... M'esı-il permis de voir un instant mademoiselle vore fille? - Vous en 6tes le maitre, monsieur, .ie vous exhorte mĞme i faire valoir auprĞs d'elle, ou des moyens plus öloquents, ou des ressources plus süres, Pour lui pr6senter ces vöritĞs lumi_ neuses' oü je n'ai eu Ie malheur d'apercevoir que de l'aveuglement er des sophismes. ı Clervil passa chez Eug6nie. Elle l'attendait dans le dĞshabill6 le plus Coquet et le plus elĞ_ gant; cette sorte d'indĞcence, fiuit de l'abandon de soi_möme et du crime, r6gnait impudemment dans ses gestes et dans ses regards, et la perfide, outrageant les grİces qui l'embellissaienı malgrö elle, röunissait et ce qui peut enflammer le vice, et ce qui r6volte la vertu. N'apparrcnant pas i une jeune fille d'entrer
Fraııal
2l3
un Philo_ dans des dÖtails aussi profonds' qu'a. au Perılnt s'en EugĞnie soohe comme Franval' les agaceries aux en"vinı e|le ;ğ;;'_;;; peu, 'mais s'apercevant bieııröı que ses ' aussı "irJacJiat.; lĞductions 6uient perdues, et qu'un homme ne alıalre' avatt elle vertueu(' que celui auquel adroicoupe elle ,tt ..';;;^'i-;; i iiag"'' te voile de ses i"L*'ı"' ".iras qui ietiinnent charmes, et se metant aınsı dans le plus.grand de s en d6sordre avanı que Clervil ait le temPs
'oİİİ"$';*o,",
dit_elle en jeıanı les hauts cris'
s;"},'j?rffi }",::.j:l,:TJ;i]';L'.i".:T:ıİl eı le malhonnĞte homme en des conseils
pieui."
;;;;i *. irder.." Voyez' diı-elle i ses gcns ..i,' uof., l'Ğtat oü -l'impudent ;:#;';J.;. --;" les'voilir ces bĞnins secavoili' -i*, les scandale' l;;'.r' ;i;;.';;ri"iiJ q'' il' ourr_'genı ; le qui comPose
seduction, voili ce duPeş de leur fausse vertu' nous et, i]"o. --"a.' sottement les r6v6rer encore' ı) osons -"Ğ]"*ı. trös irritĞ d'un pareil esclandre' parvını .-".L",'ı, cacher son troiıble; et se retiranq avec: ü;- r-tJ, - -.'... de la foule qui l'entoure -n"o". ie Ciel, diı-il paisiblement' constTve qu'il la'rende meilteure s'il le
i"-Jeu.".t., la
..r,.-ili"iir"c.... ';;;;; r.rroi,," ;;;;;
dans sa maison n'atıente de vertu" ' que ıi;;'.;.'*oi.r' des sentiments moins pour flĞtrir que Pour ranli. **i. bien mer dans son c(xur' )) "T.ü; i"'.*ı ı'ş' que Mme de Farneille-et dont elles * frıi" ;;;.iıii'enı d'u'ie n6gociation connaıFe de loin iri'.* ta"a espĞr6' Elles 6ıaient le crime occasionne dans ff;;ö;;!ue i;a*.'a.' sc6lĞrats; ce qui agiraic sur les.deaures' ıa sa|es aigrit, eı c'est dans les leçons mem€s
214 gesse
Iıs Ciws ılı
l'aınour
qu'ils rouvent de I'encouragement
au mal. De ce tout s'enveniiıa de orrt l ,, oaure; -momenı } ranval et EugĞnie virent bieh or,ii
İaılalt convaincre Mme de Franval de ses l';tend,,s ıorts, d,une maniöre qri- ..-irı pIus d'en douıer; et Mme d" F;.iıı., ".fir'ı, ;.:;;;; avec sa fiIle,. projea trös *.i"r..-""i-al ai.. enlever EugĞnie. - on en a Cü*ii ,'; P"rıu rell:a de prindre parı iı d'aussi ::::::T ?m] vıve.s resolutlons; il avait,- disait_ il,.eı6 ı.op maid,rn. cette allhire pour pouvoiı ,u,ri.ı,or. L"]I: qu. ımPlorer la grice des couiıables, iI Ia deman<ıalr- avec lnsıaııCe' eı se deGndait consamment cıe rour autre genre d'ofEce ou de m6diation. Quelle sublimiti de sentimenıs ! Pourquoi cette nobiesse esıelle si rare dan, i.. -ıra'irıir}'il cette robe? Ou pourouoi .", h"_^;;n'i;; ;; portait-il une si flötrie? Cc>mmençons par les tenl:rtives de Franval. Valmont reoaruı. u-n imbecile, lui ,,:.|1_T .dir le coupable amanr q ğugenıel tu es indigne d'6rre mori ĞlĞve, eı i" Ie_tymPanise aux yelıx de ıout Paris .i, d;.;;; seconde entTevue, tu ne te conduis avec.ma femme; il faut l'avoır, mon p.. -iir" ami_ mr;C ı avoır au.hendquemenı, il faut oue -; ;;;;
de sa d6faite...'i! ft;; J;;;
le- p.uisse öter ir que ceıte d6ıesable .;e fonvainqu^ent
.rĞilr;;;
moyen d'orcuse et de d6fense. - Mais si elle r6siste, röpondiı Valmont. *pt9,eras la viole-nce... j,aurai soin ,,._^j-y ıo^uı Ie monde... Effraie-la] a.nr..-ı.' ^"_:r.t.. je regarderai comme auhnı ::lP_Por]e?..: . . de servıces sigııales de. ta oarı ,"". ı* ;;r;' ;; ton O'iomohe.
Ecorie, diı alors valmont, je consens i je te donie ,,,, p"."ı.
--_que tu me ce ProPoses'
Eugtnie dc Franıal
215
que ıa femme cedera; mais i'exige une condition, rien de fait si tu la refuses; la jalousie ne doit entr€r Pour rien dans nos alTangements, tu le sais; j'o(ige donc que tu me laisses passer un seul quart d'heure avec EugĞnie... ru n'imagines pas comme je me conduirai qubnd j'aurai ioui du plaisir d'entrete4ir un moment ıa fille... Valmonı.. -_ Mais, Je conçois tes craintes; mais si tu me crois ton ami, je ne te les pardonne pas; je n'aspire qu'aux charmes de voir Eugönie seule eı de I'entretenir une minute. - Vaımont' dit Franval un peu 6tonn6, tu meıs } tes selvices un prix beaucoup trop cher; je connais, comme toi, tous les ridicules de la jaloüsie, mais j'idolire celle dont ru me parles' et je cöderais P|uıöı ma lorıune que ses faveurs. - J. .'y pretends pas, sois tranquille. ı Et Franval qui voit bien que, dans le nombre de ses connaissances' aucıın ötre n'est capable de le servir comme Valmonı, s'opposant vivemenı a ce qu'il Ğchappe : < Eh bien! lui dirit avec un peu d'humeur, je le r6pete, tes services sont chers; en les acquittant de cette façon, tu me tiens quitte de la reconnaissance. - Oh! la reconnaissance n'est le prix que des services honnötes; elle ne s'allumera jamais dans ton ccur pour ceux que je vais te rendre; il y a mieux c'est qu'ils nous tirouilleront avant deux mois... Va, mon ami, je connais I'homme... ses fiavers... ses 6carts, et toutes les suites qu'ils entrainenı; place ceı animal' le plus ınechant de tous, dans ıelle situation qu'il te plaira, eıje pas un seul rĞsultat sur ıes donnĞes. ne manquerai _ -6tre donc payĞ d'avance, ou je ne fais veux Je rıen.
2|6
Iıs Cimes dt l'amour
-
J'accepte, dit Franval. Eh bien! repondit Valmonı, ıout döpend de ta volonıd maintenant, j'agirai quand tu joudras. -. ll ıne faur quelques jours pour mes pr€pa_ raıiİs' dit Franval' mais dans quarre au ğıuj ;e suis i toi. ı M. de Franval avait elevĞ sa fille de maniöre ir 6rre bien sür que ce ne serait pas l'exces de sa pudeur qui lui'Graiı refuscr d'e se pröıer aux Plans combınes avec son ami; mais il Ğtait ialoux, EugĞnie le savaiı; ellc l'adoraiı pour le"moins autant qu'elle en €tait ch6rie, ei elle avoua İ
Franval, dös qu'elle sut de quoi iI s,agissait, qu'elle. redoutait infinimcnt qire ce t€tJİı- töıe n'eüt des suiıcs. Franval, qui crovait connaitre assez Valmonı. pour iıre süi qu'il n'y aurait dans touı cela quc quelques aliments pour sa a€te' mais aucun danger pour son cceur, dissipa de son mieux -les-craintes de sa fille, et tout se prĞpara. TeI füt l'instanı oü Franval apprit par des gens sürs et toalenıent ) lui dans la riıiisoıi de sa bğllemöre-, qu'Eugenie courait de grands risques et que Mnie de-Farneille 6tait au moment d'dbtenir un ordre pour la faire eıılever. Franval ne doute pas que le.complot ne soit I'ouwage de Clervil; et laissant la pour un momenı les oioiea de ValmoıL il ne j'occrp. que du soin' dJ se d6faire du malhcureux ecclesiasıique qu'il croit si hussement l'instigareuı de ıouı; il sĞme l'or, ce v6hicule puissanı de tous les vices est plac6 oar lui dans mille mains diverses ; six coquins'affidĞs lui r6pondent enfin d'ex6cuterce, oid.e.. Un soir, au moment oü Clervil, qui soupait souvent chez Mme de Farneille, s'eı ietire siul' eı i pied' on l'enveloppe' on le saisiı... on lui dit que C'esı de la part du gouvernemenı on lui monıre un ordre contrefaii. <ın le jetıe dans une
Eugöniı
ılı
Frunıal
2|7
chaise de Doste et on le conduit en toute diligence dan; tes prisons d'un chiteau isolö que öossödait Franval, au fond des Ardennes. Liı, le iı'ıaıherre,o est recommand6 au concierge de cette teTre, Coİnme un sc6ı6rat qui a voulu atten_ ter İı la vie de son maitre; et les meilleures prĞ_ cautions se Drennent pour que cette ücnme infortun6e, dönı le seui tort est d'avoir us6 de trop d'indulgence enveni cerıx qui l'ouıragent ausii cnıellement, ne puisse jamais reparaitre au
j"}J;.
o. Farneille [uı au dösespoir. Elle ne point que le couP ne partit de la main de douıa son gindre; les soins nöcessaires i retrouver Clervii ralendrent un Peu cerıx de l'enlĞvement d'Eus6nie: avec un trĞ; Deıit nombre de connais_ ,rn.ö .ı un crĞdiı fon hödioc.e, il 6ait difficile de s'occuper h la fois de deux objets aussi importans, d'ailleurs cette action vigoureuse de Frinval en avait impos6. On ne pensa donc qu'au directeur; mais toutes les recherches furent vaines; nore sc6l6rat avait si bien pris ses mesures, qu'il devint impossible de rien dĞcou_ lrir : Mmi de Franval n'osait trop quesıionner son mari, ils ne s'6taient pas encore parlĞ depuis la derniĞre scine' mais li grandeur de l'int6röt an6antit toute considĞration; elle eut enfin le coumge de demander i son tyran, si son projet 6tait ii'aiouıer ) tous les mauvais procĞdĞs qu'il avait pour elle, celui d'avoir privö sa mĞre du meilleur ami ou'elle eüt au monde. Le monstre se d6fendiı; il'poussa la faussetÖ jusqu'i s'offrir pour faire des iecherches; voyant que pour prö_ barer la scöne de Va|mont, il avait besoin d'adoulir I'erprit de sa femme en renouvelant sa parole de tout mettre en mouvement Pour retrouver Clervil, il prodigua les caresses i cene cr6dule
2t8
ks Cimıs
dı Pamoar
Eugmie dı
g:ouse, l'assura que quelque infidölitĞ qu'il lui tit' ıl lui devenait impossible de ne oas l}adorer au lond de l'ime; eı'Mme de FranJal. touiours complaisante et douce, toujours heureuse fe ce quı la rapProchait d'un homme' qui lui 6niı plus cher que Ia vie, se pröıa İı ıous les dĞsirs de ceı ĞPoux perfide, les - previnı, les servit, les Paragea,-.tous' sans os€r profiter du momenL qommç el.le l'aurait dü, pour obtenir au moini de Ce barbare une conduite meilleure' eı qui ne plongeıiı pas chaque jour sa malheure".. eir"*. dans un abime de ıourrnen$ et de maux. Mais
l'eüt_elle fait, le succös eüt_il couronnĞ ses tentatives? Franval, si faux dans toutes les actions de sa vie, devait_il €ıre plus sincöre dans celle qui n-avaıt, seıon lui, d'atraits ou'auıant or'.rri v franchissaiı quelques digues; i:l .ı,,ort'o.o-i', sans doute pour le seul plaisir de touı enfriindre, Peut-Ğrre möme eüt_il dösirĞ qu'on exigeiı de lui pour ajouıer leJ attraio j" 9T-:.T.."' a ses aİlreuses iouissances. Franval, _absöIument en rePos' ne songea plus qu a roubler les aures; tel 6tait Ie genrĞ de'son cara.cıöre vi ndicaıif, ıurbulent, imp6Ğeux, qııand on ı ünquletaıt; redğsirant sa ıranquillit6 iı queljue. prix que ce.püt ötre, eı ne i..r,rnt droıtement pour l'avoir que les mbyens les'ıirıa_ olus d.e la lui faire perdre 6. ,rorul"r. Spables .
Prır;
L obtenal(_ıl/ ce n'6tair plus qu'i nuire qu'il emPloraıt toutes ses lacultes morales et phvsiques; ainsi ıouiours en agiaıion, ou il'hilait qu'il prerıint .les artifices ğu'il contraignait les conrre lui, ou it tailait qu'it ::1T-,:-:ipt"fr en oırıgeat conEe eu(. Tout Ğtait^ dispose pour satisfaire Vaırnont; et son tete_a-tete eut lieu prĞs d'une heure dans l-aPParte,rnent möme d'Eug6nie.
Franıal
2l9
* Liı, dans une salle d6cor6e, Eugenie, sur un piödesul, reprösenıaiı une jeune sauvage
1aıigu6e de la chasse et s'aPPuyant sur un tronc de palmier, dont les brani}ies 'ölev6es cachaient une infinit6 de lumieres disposĞes de façon que les rcfleıs, ne porhnı que sui les charmes de citte belle fille, les faisaient valoir avec le plus d'art. L'espöce de petiı ıhĞitre oü paraissait Ce(te statue anim6e se lrouvaiı environn6 d'un canal plein d'eau et de six pieds de large, qui servait de barriöre a la jeune sauvage eı l'empöchaiı d'ötre approchĞe de nulle parı Au bord db cette circonrallation öait place le fauteuil du chevalier, un cordon de soie y rĞpondait. En manceuwant ce filet, il faisait rourner le pi6destal en telle sorte que l'objet de son culıe pouvait öre aperçu par lui de ıous cöığs' eı l'aıtitude 6ıait telle qu'en quelque maniĞre qu'elle füt dirigĞe, elle se ırouvait toujours agröable. Le comte' cachğ derriĞrc une d6coration du bosquet, pouvait İ la fois porter ses yett)( sur sa maiffesse eı sur son ami, et I'exahen d'aprös la demiöre convention devait 6ıre d'une demi-heure... Valmont se place... Il est dans l'iwesse, jamais autanı d'attraits ne se sonı, diı_il, offers i sa vue. Il cĞde aırx rrarısPorts qui I'enflamrnent, le cordon variant sans tesse lui offre ir touı insıant des attraits nouveau(. Auquel sacrifiera-t_il, lequel sera pr€ferĞ, il l'ignore; touı cst si beau dans Eug6nie! Cçendant les minuıes s'öcoulenı; elles passent vite dans de rclles circonstances. L'heure'fraooe. le chev'alier s'abandonne, et l'encens vole aüi ji.d. d, di.,, dont le sanctrıaire lui est inıerdiı Une gaze tombe, il faut se retirer.+
Les Cimeı dı l'amour
220
<
Eh bienl es-tu
content?
Eug*nie
dit
Franval, en
rejoignanr son ami. - C'est une cr6ature dölicieuse, r6pondit Val_
mont; mais Franval,
je re le
conseille, ne
hasarde pas pareille chose avec un aure homme,
et lelicite-ıoi des senıimens gui, dans mon cırur, doivent te garandr de tous dangers. - J'y compte, röpondit Franval assez s6rieu' sement, agis -donc maintenant au plus töt. _ Je pröparerai demain ıa femme... tu sens qu'il
[aut une conversadon pr6liminaire... quatre .;ours aprĞs ıu peux Ğtre sür de moi. > Les. paroles _se donnent eı l'on se söpare. Mais il s'en falluı bien qu'aprös une telle enrrelr.-ıc, Valmont eüt envie de rahir Mme de Franval, ou d'assurer i son ami une conqudte dont il n'Ğıaiı devenu que ıroP envieux. Eugönie avait lait sur lui des impressions assez orofondes nour
qu'il ne püt y renoncer; il Ğtait rĞs'olu de l'obienir pour femme' i quelque prix que ce püt €tre. En
y Pensant müremenq dĞs que I'intrigue d'Eugönie avec son pöıc ııe le rebutaiı pas, il Ğtait bien cerıain que sa fortune Ğgalanı celle de Colunce' i| pouvait a ıoul aussi juste ıitre pröıendre i Ia m€me alliance; il imagina donc qu'en se pr€senıant Pour Ğpoux, iI ne pouvait pas ötre re1i.ıs6' et qu.en agrssant avec ardeur, pour rompre les liens
incesıueux d'Eugönie, en ripondant i la hmille {'Y röussir' il obtiendraiı i;failliblemenı l'objet de son culte... i une a{faire prĞs avec Franv?l, donı son courage et son adresse lui lhisaient espĞrer le succĞs. Vingt-quaıre heures sufEseni İr ces rötleı
dı Franıal
m
raccommod6e, ou Plutöt qu'ayana ced6. aux anifices insidieux de ce perfide, elle ne pouvait plus reluser la visite de Valmonı Elle lui avait Pourıant objmö les billea, les propos, les idĞes qu'avait eues Franval; mais lui, n'ayanı plus l'air de songer i rien, l'avait trĞs assurĞe, que la plus süre façon de faire croire que tout ceıa 6tait faııx ou n'existait plus, 6ait de voir son ami comme a l'ordinairet s'y refuser, assurait-il, lögidmeraiı ses souPçons; la meilleure preuve qu'une femme puisse fournir de son honn€tet6, lui avait_il dit, est de continuer }ı voir publiquement celui dont on a tenu des propos relatifs İ elle : ıouı cela 6ait sophistique; Mme de Franval le senıaiı İ merveille, mais elle esP6rait une eırplication de Valmont; le desir de l'avoir' ioint iı ielui de ne poinı ficher son öpoux, aviii fait disparaitre ir ses yeux tout ce qui aurait dü raisonnablemenı l'emp€cher de voir ce jeune homme. Il arrive donc, et Franval se hitant de sortir, les laisse aux Prises Comme la derniöre fois : les 6claircissements devaient 6tre vifs et longs; Valmonq plein de ses idöes, abrĞge ıout et vient au fait. < Ö madame! ne Voyez plus en moi le m6me homme qui se rendit si coupable i vos yeııx la derniĞre fois qu'il vous entreıint' se pressa-t-il de direl j'ötais alors le complice des tons de votre öpoux, i'en deviens aujourd'hui le r6parateur; mais prinez confiance en moi, madame; daignez vous pĞn6ırer de la parole d'honneur que je vous donne dc ne venir ici ni pour vous mentir. ni pour vous en ımposeT sur rren. ), Alors il convint de I'histoire des faux billets et des leures contrefaites, il demanda mille excuses de s'y örre prötö. il prĞvint Mme de Franval des nouvelles horreurs qu'on cxigeait
222
Eugİıiı ılı
Les Crimes de Pamour
encore de lui, et pour constater sa franchise, il avoua ses sentimenb pour Eugönie, d6voila ce qui s'ötait fait, s'engagea İr tout rompre, i enlever EugĞnie a Franval, et İı la conduire en Picar_ die, dans une des terres de Mme de Farneille, si I'une et l'autre de ces dames lui en accordaient la permission. et lui promeııaient en mariage pour r€compense, celle qu'il' aurait retir€e de l'abime. Ces discours, ces aveux de Valmonr, portaient un tel caractöre de v6ritö, que Mme de Franval ne put s'emp€cher d'ötre convaincue; Valmont 6taiı un excellent Parti Pour sa Rlle: aprös la mauvaise conduiıe d'Eugönie, pouvait-elle espĞrer auhnı? Valmonı se chargeaiı de ıouı. il h'y avait pas d'autre moyen de faire cesser le crime
affreux qui desespiiait Mme de Franval;
ne
devait-elle pas se flarter d'ailleurs du rerour des sentimenıs de son epoux' aprĞs la rupture de la seule inırigue' qui rĞellemenı püt devenir dangereuse et Pour elle eı pour lui; ces considĞrations la diciderent, elle sc rendiı, mais aux condiıions que Valmont lui donnerait sa parole de ne point se baıtre Conıre son mari, de Pass€r en pays ötranger apris avoir rendu EugĞnie iı Mme de Farneille, et d'y rester jusqu'i ce que Ia t€ıe de Franval [üt devenue assez calme, pour se consoler de la perıe de ses illicites amours' et consenıir enfin au mariage. Valmont s'engagea i tour; Mme de Franval, de son cöt6, lui r6pondit des intentions de sa möre, elle l'assura qu'elle ne contrarierait en rien les r6solutions qu'ils prenaienı ensemble, eı Valmont se retira en renouvelant ses excuses ) Mme de Franval, d'avoir pu se porter contre elle a tout ce que son malhonn€te €poux en avait exig6. Dös le lendemain, Mme de Farnei|le' instruite, Partiı Pour la Picardie, eı Franval' noy6 dans le tourbillon perp6tuel
Franaal
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de ses plaisirs, compant solidernent sur Valmont, ne craignant plus Clervil, se jeta dans le Pi€ge PrĞparĞ' avec la m6me bonhomie qu'il dösirait si souvenı voir aux autres, quand a son tour iı avaic envie de les y hire tomber. Depuis enüron six mois' Eugönie qui touchait ir sa dix-septiĞme annĞe, sortait assez souvent seule, ou avec quelques-unes de ses amies. La veille du -ami, iour oü Valmonı, par arrangement pris devaiı atıaquer Mme de Franval, avec son
elle ötait absolument seule ir une piöce nouvelle des Français, et elle en revenait de möme, devant aller chercher son oere dans une maison oü il lui avait donn6 ,.r,de.'-uorr, afin de se rendre ensemble dans Ce|le oü ıous deux soupaient... A peine la voiture de Mlle de Franval a-t-elle quitt6 le laubourg Saint-Gqrmain, que dix hommes masqu6s arr6ıenı les chevaırx, ouwen( la PortiĞre, se siisissent d'EugĞnie eı Ia jetıenı dans une chaise de poste. i cötö de Valmont, qui prenant toutes sorĞs de pr6cautions pour empöcher les cris, recommande la plus exröme diligence, et se rouve hors de Paris en un clin d'cril. Il ötait malheureusetTıent devenu impossible de se d6{iire des geni et du camosse d'Eug6nie, moyennant quoi Franval fut averti forı vite. Vallnont' pour ie mettre i Couverl, avaiı comPı6 sur l'incen'itude oü serait Franlal de la route qu'il prendrait, et sur les deırx ou trois heures d'avance qu'il delraiı nĞcessairement avoir. Pourvıı qu'il töuchıit la terre de Mme de Farneille, c'6tait tout ce qu'il fallait, parce que de li, deux femmes sürei, et une voiture de poste, attendaient Eug6nie Pour ıa conduire sur ıes f;ontiĞres, dans un asile ignorĞ m€me de Valmont' qui, passant tout de suite en Hollande, ne reparaissait plus que Pour Ğpouser sa mairresse, dĞs que Mme de Farneille
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Iıs Crinıs
ıle Pamoaı
et sa fille lui feraienr savoir qu'il n'y avait plus d'obsucles; mais la forrune pirmit que ces siges pğets 6chouassent prĞs des horribles desseins du sc€l6rat dont iI s'agit. franval, instruit, ne perd pas un instant, il se rend i la posre , il demande pour quelle r-oure on a donnĞ des chevaux depuis 6 heures du soir. A 7 heures, il est parti une berline pour Lyon, i 8, une chaise de poste pour la Picardie; Franval ne balance pas, Ia berline de Lyon ne doit assurĞmenı pas l'inı6resser, mais une chaise de Doste faisant rouıe vers une province oü Mme'de Farneille a des ıer.es, c'est cela, en douıer serait une folie; il fait donc merrre promptement les tıuiı meilleurs chevaux de la poite sur la voiture dans laquelle il se trouve, il faii prendre des bideti i ses gens,__achĞte et charge deJ pistoles pendanı qu'on attelle, cı vole comme un trait oü le conduisent I'amour, le d6sespoir et la vengeance. En- relayanı i Senlis, il apprend que lJchaise qu'il poursuit en sort i peine... Franval ordonne qu'on fende l'air; pour ion malheur, il aneint la voiture : ses gens er lui, Ie pistolet i la main, arr€tent le postiılon de Valmont, et ı'impĞtueux Franval reconnaissant son adversaire, ı;i brüıe la cervelle avant qu'il ne se merrc en d6fense, arrache Eug6nie mouranre, se jette avec elle dani son carrosse, et se retrouve i paris avant l0 heures du maıin. Peu inquiet de ıout ce qui üent d,arriver,_ Franval ne s'occupe que d'EugĞnie... lr perfide Valmont n'a-ı-il Poi;t voulu ğrofiter des cırconstances? EugĞnie est-elle encore fidĞle, et ses coupables ncuds ne sont-ils pas fl6tris ? Mlle de Franv.al rassure son pĞre. Valmont n'a fait que Iui dĞvoiler son projet, et plein d'espoir'de l'6pouser bientöt, ii s'est gardĞ'de profanei l'autet oü il voulait offrir des vceux purs; les sermens
Eugİniı dı
Franıal
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d'Eug6nie rassurent Franval... Mais sa femme... 6tait-ille au fait de ces mancuwes... s'y 6taiı_elle prdt6e? Eug6nie, qui avait eu le temps de s'instruire' certifie que tout est l'ouvrage de sa mĞre, i laquelle elle prodigue les noms les plus odieux, et que cette fatale entrevue, oü Franval s'ima_ ginait que Valmont se pr6parait d le servir si bien, 6tait positivement celle oü il le trahissait avec le plus d'impudence. < Ah! dit Franval, furieux, que n'a-t-il encore mille vies... j'irais les lui arracher toutes les unes aprĞs les autres... Et ma femme!... quand je cherchais i l'6tourdir... elle 6tait la premiÖre i me
tromper... cette CrĞaturequel'on croitsi douce... cet
ange de vertu !... Ah ! traitresse, traitresse, tu paieras
cher ton crime... il faut du sang i ma vengeance, eı i'irai, s'il le faut, le puiser de mes lövres dans tes veines perfrdes... Tranquillise-ıoi, Eug6nie' poursuit Franval dans un 6taı violent... oui. ıranquilliseıoi, le repos te devient n6cessaire, va le goüter pendant quelques heures, je veillerai seul i tout ceci. ı Cependant Mme de Farneille' qui avaiı plac€ des espions sur la route, n'esı pas longtemps sans €ıre averıie de tout ce qui vienı de se passer; sachant sa petiİe-filla reprise, eı Valmont tu6, elle accourt promptement i Paris... Furieuse, elle assembıe sur-le-champ son conseil; on lui fait voir que le meurtre de Valmont va livrer Franval entre ses mains' que le crğdit qu'elle redoute va s'Ğclipser dans un instant, et qu'elle redevient aussitöt maitresse et de sa fille et d'EugĞnie; mais on lui recommande de pr6venir l'Ğclat, et dans la crainte d'une proc6dure ffötrissante' de solliciter un ordre qui puisse mettre son gendre i couvert. Franvaı aussitöt instruit de ces avis et des d6marches qui en deviennent les suites, aPPrenan( i la fois que son affaire se sait. et que sa
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Iıs Cimıs dı
l'amour
belle-sceur n'attend, lui dit-on, que son d6sastre pour en profiıer, vole aussit6t i Versailles, voit le ministre, lui confie tout, et n'en reçoit Pour r6ponse que le conseil d'aller se cacher promptement dans celle de ses terres qu'il possede en Alsace, sur les frontiĞres de la Suisse. Franval revient A l'instant chez lui, et dans le dessein de ne pas manquer sa vengeance, de punir la trahison de sa femme et de se Eouver toujours possesseur d'objes assez chers jı Mme de Farneille, pour qu'elle n'ose, politiquement au moins, prendre parti contre lui, il se r6sout de ne partir pour Valmor, cette terre que lui a conseill6e le ministre, de n'y aller, dis-je, qu'accompagnĞ de sa femme et de sa fille... Mais Mme de Franval acceprera-r-elle? Se senıanı. coupable de l'espöce de trahison qui a occasionnĞ ıouı ce qui arrive' pourra-t_elle s'Ğloigner aumnt? Osera-t-elle se confier sans crainte aux bras d'un 6poux outragö? Telle est l'inquiĞtude de Franval; pour savoir i quoi s'en tenir, il entre i l'instant chez sa femme, qui savait d6jitour. < Madame, lui dit-il avec sang-froid, vous m'avez plong6 dans un abime de malheurs par des indiscrĞtions bien peu r6fl6chies; ıout en blimant l'effet j'en approuve nĞanmoins la cause, elle est assur6ment dans yotre amour pour votre fille et pour moi; et comme les premiers torts m'appartiennent, je dois oublier les seconds. Chöre et tendre moiti6 de ma vie, continue-t-il, en tombant aux genoux de sa femme, voulez-vous accepıer une r6conciliaıion que rien ne puisse troubler d6sormais; je viens vous l'offrir, et voici ce que je me6 en vos mains pour la sceller... > Alors il döpose aux pieds de son Ğpouse tous les papiers contrefaits de la pr6tendue correspondance de Valmont. < Brülez tout cela, chĞre amie, je vous conjure,
Eugİnie de Franıal
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poursuit le traitre, avec des larmes feintes, et pardonnez ce que la .jalousie m'a fait faire: bannissons toute aigreur entre nous; j'ai de gr:ands tors, je le confesse; mais qui sait si Valmont, pour r6ussir dans ses proje6, ne m'a point noirci prĞs de vous bien que je ne le m6rite... S'il avait os6 dire que j'eusse pu cesser
de vous aimer... que vous n'eussiez pas toujours 6t6 l'objet le plus prĞcieux et le plus respectable qui füt pour moi dans l'univers; ah! cher ange, s'il se ltıt souill6 de ces calomnies, que j'aurais bien fait de priver le monde d'un pareil fourbe et d'un tel imposteur! - Oh ! monsieur, dit Mme de Franval en larmes, est-il possible de concevoir les atrocitğs que vous enfantites contre moi? Quelle confiance voulez-vous queje prenne en vous aprĞs de telles horreurs? - Je veux que vous m'aimiez encore, 6 la plus tendre et la pıus aimable des femmes! Je veux, qu'accusant uniquement ma t€te de la multitude de mes 6carts, vous vous convainquiez que jamais ce C(Eur, oü vous r6gnites 6ternelle_ ment, ne püt €tre capable de vous rrahir... oui, je ıeux que vous sachiez qu'il n'est pas une de mes erreurs qui ne m'ait rapproch6 plus vivement de vous... Plus je m'6loignais de ma chĞre 6pouse, moins je voyais Ia possibilit6 de la rerouver dans rien; ni les plaisirs, ni les sentiments n'dgalaient ceux que mon inconstance me faisait perdre avec elle, et dans les bras mdmes de son image, je regTettais la r6alitĞ... oh! chöre et divine amie, oü trouver une ime comme la tienne? oü goüıer les lhveurs qu'on cueille dans ıes bras! oui' j'abjure tous mes 6garemenıs... je ne veux plus üvre que pour toi seuleau monde... que pour rğtablir dans ton ccrur ulcĞrĞ cet amour si juııe-
2.28
Les Crimes de I'amour
meiıt d6truit par des torts... dont j'abjure jus_ qu'au souvenir. ı ll €tait impossible i Mme de Franval de r6sisıer i des expıessions aussi tendres de la part d'un hommc qu'ellc adoraiı ıoujours; peuı_on hair ce qu'on a bien aime? Avec I'dme i6ıic.ı. sensible de cette inıeressante lemme, voiı-on de"tsanelroid' i ses pieds, noy6 des Iarmesdu remords,l'oü..1et
qui fut si pr6cieux. Des sanglots s,Ğchappörent... Moi. dit-elle. en prcssanı sur son cceur |es.
ıt
de son Ğpoux'.. moi qui n'ai jamais cess6 de t'idolirrer. cruel! c'esr moi g,le ııl dĞsespeıes Ilesel_aisirı .. Ah ! le Ciel m'est tĞmoin que di tous flĞaux d<_ını ıu pouvais mc frapper, la crainte d avoır perdu ton c(rur' ou d'€tre souoconn6e oar ıoi, devenaiı le plus sanglant de tous... ıt quel objeı encore ru prends pour m'outrageri'.. 'ma tilIe!... c'esı de ses mains donı tu perces mon cceur... tu veux me forcer de hair celle que la nature m'a rendue si chöreP - Ah! diı Franval, toujours plus enflamm6' je veux Ia ramener i res ginoux,'je veux qu,elle y aDJure, comme moi. et son impudence et ses torts... qu'elle obtienne, comme möi, son pardon. Ne noıs_ occupons plus tous trois que de notre muıuel bonheur. Je vais ıe rendie ta fille... rends-moi mon 6pouse... eı luyons. - Fuir, grand Dieu! - Mon aventure fait du bruit... je puis €tre perdu demain... Mes amis, le milnisire, tous m'ont conseill€ un voyage i Valmor... Daignerastu m y sulvre. ö mon amie! Serait-ce i l,instanı oü je demande i ıes pieds mon pardon, que tu dechıreraıs mon ccrur par un refus? - Tu m'effraies... Quoi, certe a(faire!... - Se traite comme un meurtre, et non comme un duel. 1nai1s.
L--_
Eugönie de
Franoal
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- Ö Dieul et c'est moi qui en suis cause!'.. Ordonne... ordonne: dispose de moi, cher 6poux... Je te suis, s'il le [aut, au bout de la terre... Ah! je suis la plus malheureuse des femmes
_
!
Dis _Ia plus |brıunöe sans d<-ıuır., 1ıuisque ı()us les ınslanıs dl, ına r'ie voııı aıre r.oıısacri,s i_ chaııger dösormais eıı fleurs lcs Ğ1ıiııcs tloırt .j'ırıı<-ıurais tes Pas... un döscrı ne sulliı-il 1ıas quand on s'aime/ D'ailleurs ı'cci ırc 1ıt.uı t:ırc iıcrnel; mes aınis, prĞveılus, vı-ıııı agir. - Et ma möre... je voudrais la voir... - Ah! garde_t'en bien' ihöre amie, j'ai des preuves süres qu'elle aigrit les parents de Valmont... qu'elle_möme, avec eux, sollicite ma Perte...
- Elle en est incapable; cesse d'imaginer ces perfides horreurs; son ime laite pour aimer n'a jamais connu l'imposture... tu ne l'apprĞcias jamais bien, Franval... que ne sus-ıu I'aimer comme moi! nous eussions trouvö dans ses bras la feliciĞ sur la terre ! c'Ğıait I'ange de paix qu'offrait le Ciel aux erreurs de a üe, ton iıijustice a rePouss€ son sein, toujours ouvert a ta aendresse, et Par ınconsequ€nce ou caprlce' Par ingratitude ou libertirıage tu t'es volonairement privö de la meilleure et de la Plus tendre amie qu'eüt cr#e pour toi la nature : eh bien!je ne la verrai donc pas? _ Non, je ıe le demande avec instiınce... les moments sont si pr6cieux ! Tu lui 6criras, tu lui peindras .mon rep€ntir... Peut_are se rendrat-elle i mes remords,. peut-ere recouvrerai-je un jour son esdme ğ son cceuT; tout s'apaisera, nous rerıiendrons... nous reviendrons jouir dans ses bras de son pardon et de sa tendresse... Mais Ğloignons-nous maintenant, chĞre amie... Il le
Iıs Cimes fu
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faut dĞs I'heure möme, et les voiİures attendenu..
ı
Eugeıie dı Franıal
l'amour
nous
Mme de Franval effrayöe n'ose plus rien röpondre; elle se prepare: un dösir de Franval n'est-il pas un ordre pour elle. Le traitre vole i sa fille; il la conduit aux pieds de sa möre; la fausse cr6ature s'y jette avec autant de perfidie que son pöre : elle pleure. elle implore sa grice, elle l'obtient. Mme de Franval l'embrasse; il esı si diffrcile d'oublier qu'on est möre, quelque outrage qu'on ait reçu de ses enfants... la voix de la nature est si impörieuse dans uıre ime sensible, qu'une seule larmc de ces objets sacres su{İt İı nous laire oublier dans eux, vingt ans d'erreurs ou de ravers. on partit pour Valmor. L'extröme diligence qu'on 6tait obligö de mettre i ce voyage legitima aux yerıx de Mme de Franval, toujours credule et toujours aveugl6e, le petit nombre de domestiques qu'on emmenait. Le crime övite les regards... il les craint tous; sa s6curit6 ne se rouvant possible que dans les ombres du mystöre, il s'en enveloppe quand il veut agir. Rien ne se d6mentit ir Ia campagne; assiduit€s' 6gards, attentions, respecas, preuves de tendresse d'une part... du plus üolent amour de l'autre' tout [ut Prodigu€, tout s6duisit la malheureuse Franval... Au bout de monde, 6loignöe de sa möre, dans le fond d'une solitude horrible, elle se trouvait heureuse puisqu'elle avait, disait-elle, le ccur de son mari' eı que sa fille, sans cesse a ses genoux' ne s'occupaiı que de lui plaire. Les aPPartements d'EugĞnie eı de son pĞre ne se ırouvaient plus voisins l'un de l'autre; Franval logeaiı İı l'extrömiıĞ du chiıeau. Eugönie, ıout prös de sa mĞre; et la d6cence, la rĞgularit6, la pudeur, remplaçaient i Valmor, dans le degr6
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le plus öminent, tous les dösordres de la capitale. Chaque nuit Franval se rendait auprĞs de son 6pouse, et le fourbe, au sein de I'innocence, de la candeur et de I'amour, osaii impudemment nourrir l'espoir de ses horreurs. Assez cruel pour n'Ğtre pas desarm6 Par ces Caresses naives et brülantes' que lui prodiguait la plus dölicate des femmes, c'6tait au flambeau de l'amour möme, que le scğl€rat allumait celui de la vengeance. on imagine Pourtant bien que les assiduitös de Franval pour Eug6nie ne se ralentissaient pas. Le matin, pendant la toilette de sı mire' Eugönie rencontrait son pire au fond des jardins, elle en obtenait iı son tour et les avis n6cessaires ) la conduite du moment et les faveurs qu'elle 6tait loin de vouloir c6der totalement i sa rivale. Il n'y avait pas huit jours que l'on 6tait arrivö dans ceıte retraite, lorsque Franval y apprit que Ia famiIle de Valmont lc poursuivaiı i outrance, eı que l'a{faire allaiı se ıraiter de la maniire la plus grave; il devenait, disait-on, impossible de la laire passer pour un duel, il y avait eu malheureusement rop de t6moins; rien de plus ceraain d'ailleurs, ajoutait-on ) Franval, que Mme de Farneille 6ait iı la töte des ennemis de son gendre, pour achever de le perdre en le privant de sa liberte, ou en le conraignant İı sortir de France, afin de faire incessamment rentrer sous son aile les deux objets ch6ris qui s'en sĞparaient. Franval montra Ces lettres İı sa femme; elle prit ir l'instant la plume pour calmer sa möre, pour l'engager İı une laçon de penser differente, et pour lui peindre le bonheur donı elle jouissaiı depuis que |'inforıune avaiı amolli l'ıimi de son malheureux 6poux; elle assurait d'ailleuıs qu'on emploierait en Vain touıe sorte de procödös pour la {aire roıenir i Paris avec sa fille' qu'elle 6tait
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Iıs Cimıs dı
l'amour
rösolue de ne point quitter Valmor que l'affaire de son mari ne [üt arrangĞe; et que si la m6chancetö de ses ennemis, ou l'absurditĞ de ses juges, lui laisaiı encourir un arr€t qui düt le flĞırii, elle Ğtait padaitement dğcidee i s'expatrier avec luiFranval remercia sa femme; mais n'ayant nulle envie d'attendre le sorr que I'on lui preparait, il la pr&int qu'il allait paiser quelque teriıps en Suisse, qu'il lui laissait EugĞnie, et les conju_ rait touıes deux de ne pas s'öloigner de Valmor que son destin ne [üt 6clairci; que, quel qu'iI füı, il reviendraiı ıoujours passer vingı-quatrğ heures avec sa chöre Ğpouse pour aviser di concerı au moyen de reıourner i Paris si rien ne s'y opposait, ou 'd'aller, dans le cas conıraire, ,i#e l1i.,.ıqr. part en süret6. Ces rösoludons prises' Franval, qui ne perdait point de vue que I'imprudence de sa femme avec Valmont Ğtait l'unique cause de ses revers, et qui ne respirait que la vengeance, fit dire i sa fille qu'il I'aırcndait au lond du parc, et s'6tant enlbrm6 avec elle dans un pavillon solitaire, apres lui avoir fait jurer la sbumission la plui aveugle İı tout ce qu'il allaiı lui prescrire, il l'embrasse, et lui parle de la maniöre suivante: . ( Vous) me perdeu, ma fille... peur-Arre pour .|amaıs... Eı voyant Eugönie en larmes : < Calmez-vous, mon ange' Iui dit_il, il ne ıienı qu'i vous que notre bonheur renaisse, eı qu'en France, ou ailleurs, nous ne nous retrouvions i peu de chose prös, aussi heureux que nous l'eıions. Vous ötes' je me flaıte, Eugenie, aussi convaincue qu'il est possible de l'ötre' que votre mĞre est la seule cause de ıous nos malheurs; vous savez que je n'ai pas perdu ma vengeance de vue; si je l'ai döguisöe aux yeux de nıa femme, vous en
Eugmie dı
Franıal
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avez connu les motifs, vous les avez approuvĞs' vous m'av€z aid6 İı former le bandeaü, donı il ötait prudent de l'aveugler; nous voici au terTne' Eugönie; il huı agir; votre tranquilliıö en dĞpend, ce que vous allez entrçrendre assure i jamais la mienne; vous m'enıendrez j'espöre, et VouS avez trop d'espriı, Pour que ce que je vous Propose puisse vous alarmer un instanı... oui' ma fille, il faut agir, il le lauı sans d6lais, il le fauı sans remords, et ce doiı ötre votre ouwage, Votre mere a voulu vous rendre mallıeureuse, elle a souil16 les nceuds qu'elle rĞclame, elle en a perdu les droiıs; dĞs lors, non seulemenı elle n'esı plus pour vous qu'une lemme ordinaire. mais elle devient möme votre plus mortelle enİremie; or, la loi de la nature la plus inıimemenı gravöe dans nos imes est de nous dĞfaire lcs premiers' si nous le Pouvons, de ceux qui conspirenı conıre nous; cette loi sacröe, qui nous .meut et qu.i nous inspire sans cesse, ne mit point en nous I'amour du prochain avant celui que nous nous devons a nous-mömes,.. D'abord nous, et les autres ensuite, voiliı la marche de la nature; aucun resPect, Par consöquent, aucun mĞnagement pour les autres, sitöt qu'ils ont prouv6 que notre infortune ou noıre Pene 6taiı Ie seul objet de leurs vceux; se conduire difföremmenı, ma fille, seraiı prĞferer les aures i nous, et cela serait absurde. Maintenant' venons aux motifs qui doivent dÖcider l'action que je vous conseille. <ıJe suis oblig6 de m'öloigner' vous en savez les raisons; si je vous laisse avec cette femme, avant un mois, gagn6e Par sa mĞre' elle vouş ramöne iı Paris, et comme vous ne pouvez plus Ğtre mariĞe aprös ı'ecıaı qui vient d'€tre faiı, soy€z bien süre que Ces deux cruelles personnes ne deviendront maitresses de vous, que pour I
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vous faire 6ternellement pleurer dans un cloitre, et votre faiblesse et nos plaisirs. C'est votre grandmöre, Eugenie' qui poursuit contre moi, c'esı elle qui se reunit i mes ennemis pour achever de m'6craser; de tels procĞdös de sa part Peuvent-ils avoir d'autre objet que celui de vous ravoir, et vous aura-t-elle sans vous renfermer? Plus mes a{Taires s'enveniment, plus le pani qui nous rourmcnıe prend de la lorce eı du cr6diı or, il ne fauı pas douıer que Vo]re möre ne soiı inıerieurement i la t€te de ce Parti, il ne faut pas douter qu'elle ne le ğoigne dis que je serai absent; cependant ce parti ne veut ma perte, que pour vous rendre la plus malheureuse des femmes; il faut donc se hiter de l'a{taiblir, et c'est lui enlever sa plus grande €nergie, que d'en soustraire Mme de Franval. Prendrons-nous un autre arrangement? vous emmönerai-je avec moi? Votre mdre irrit6e, rejoint aussitöt la sienne, et dds lors, Eugönie, plus ün seul instant de tranquillite pour nous; nous serons recherches, poursuivis parıouı, pas un pays n'aura le droit de nous donner un asile, pas un re[uge sur la surlace du globe ne deviendra sacrö... inviolable, aux yeux des monstres dont nous poursuivra la rage; ignorezvous a quelle disıance aııeignenı ces arTnes odieuses du despotisme et de la ryrannie, lorsque payees au poids de I'or, la mechancet6 les dirige?
Votre möre morte' au conraire, Mme
t
Eag6nü de
Les Crimes de I'amour
de Farneille, qui I'aime plus que vous, et qui n'agit dans ıout que Pour elle, voyanı son parıi diminuö du seul ötre qui rĞellement l'aııache a ce parıi, abandonnera tout, n'excitera plus mes ennemis-.. ne les enflammera plus cdnıre moi. De ce mom€nq de deux choses l'une, ou l'aIfaire de Valmont s'arrange, et rien ne s'oppose plus i noare retour ir Paris, ou elle devient plus mau-
Franıal
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ırıise, et contraints alors iı passer chez l'6tranger' au moins y soıTıInes_ııous İı l'abri des traits de la Farneille. qui, ıant que Votre möre vivra, n'aura Pour but que noere maıheur, Parce que' encore une fois, el]e s'imagine que la felicitÖ de sa fille ne peut etre 6tablie que sur notre chute. < De quelque cöt6 que vous envisagiez norre position, vous y verrez donc Mme de Franval traversant dans tout noEe repos, et sa d6testable existence, le plus sür eınpöchement ) notre feıicit6.
Eug6nie, Eug6nie, poursuit Franval avec chaleur' en prenant les iieııx mains de sa fille... chöre Eug€nie, ü m'aimes, verrx-tu donc, dans la crainte d'une action.. aussi essentielle ir nos int6röts, perdre i jamais celui qui t'adore ! Ö chĞre et tendre amie, dĞcide-toi, tu n'en peux conşerver qu'un des dzux; n6cessairement parricide, ıu n'as plus que le choix du ccur. oü ıes criminels poignards doivent s'enfoncer; ou il faut que ü mĞre pĞrisse, ou il faut renoncer ) moi.-. que dis-je, il faut que tu m'6gorges ınoi_ mĞrne... Vivrais-ie. hĞlas ! sans ıoi?... crois-tu qu'il me serait pössible d'eııister sans mon EugĞıiie? R6sisteı-ıi:ie au souvenir des plaisirs que i'aurai goüt6s d1ns ces bras... i ces plaisirs d6licieux 6ternellement perdus pour mes sens? Ton crime, Eug6nie, ton Crime, est le mĞıne en l'un et l'autre cas; ou il faut dĞmıire une m€re qui t'abhorre, et qui ne vit que pour ton malheur, ou iI faut assassiner un pĞre qui ne resPire que Pour toi. Choisis, choisis donc, Eug6nie, et si Cest moi que tu condarnİres, ne balance pas, fille ingr:aıe, dechire sans piti6 ce ccur dont üop d'amour est le seul tort, je bĞnirai les coups qui viendront de ta main, et mon dernier soupir sera Pour <
t'adorer.
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Les Crimes ıh l'amour
Eagİnie dı Franıal
Franval se tait pour 6couter la rdpoııse de sa fille; mais une r6flexion profonde parait la tenir en susPens... elle s'ĞIance i la fin dans les bras de son $re. tl O ıoi! que j'aimerai tout€ ma vie, s'Ğcriet-elle, peırx-tu douter du pard que je prends? Perıx_tu souPçonner mon courage? Arme i l'ins_ tant mes mains, et celle que proscrivenr ses horreurs et ı-a süret6' va bientöt tomber sous mes coups; instruis-moi, Franval, regle ma conduite, pars, puisque u tranquillir6 I'exige... j'agirai pendant ıon absence, je ı'instruirai de tout; mais quelque ıournure que Prennent les affaires... notre ennemie perdue, ne me laisse pas seule en ce chiteau, je I'exige... viens m'y reprendre, ou fais_moi part des lieux oü je pourrai ıe joindre. _ Fille chĞrie, dit Franval, en embrassant le monstre qu'il a troP su sĞduire, je savais bien que je ırouverais en toi tous les senıimenıs d'amour et de fermet6 nĞcessaires İr notre muuel bonheur... Prends cette boite... la mort est dans son
Franval fut s'Ğtablir İı Bile afin de se rouver, moyenııant cela, et i l'abri des poursuiıes qu'on pourrait hire conre lui, et en m€me temps aussi pres de Valmor qu'il 6tait possible, pour que ses lettres pussent, İı son d6hut' entretenir dans Euçnie les dispositions qu'il y dĞsiraic.. ı! y avait enüron vingı_cinq lieues de Bile i Valmor, mais des communications ass€z faciles, quoique au miıieu des bois de la Foröt-Noire, pour qu'il oüı se orocurer une fois la seınaine des nouvelles lı. o dlı". A ıout hasard. Franval avaiı ernPortö des sommes imırıenses, mais plus encore en papier qu'en argenL Laissons-le s'Ğtablir en Suisse, ei reıoumons auprĞs de sa femme. Rien de pur, rien de sincere comme les incendons de cette exceılente cr6ature; elle avait promis İ son öpoux de rester i ceııe camPagne, jusqu'i ses nouveaırx ordres; rien n'eüt flait changer sı:s rĞsoluıioiıs, elle en assurait chaque.iour Eug6nie... Trop malheureusement 6loign6e de prendre en elle li confiance que cette resPectabıe mĞre 6tait faiıe pour lui inspirer, partageanı toujours
sein...
>
Eug6nie prend la funeste boitg elle renouvelle ses serTnents h son pĞre; les autres r6solutions se d6terminent; il est arrang6 qu'elle artendra l'öv6nement du proces, et que ıe crime projetö aura lieu ou non' en raison de ce qui se döcidera pour ou contre son pöre... on se s€pare, Franval revient trouver son 6pouse, il porte I'audace et la husset6 jusqu'i l'inonder de larmes, jusqu'i recoıoir, sans se d6mentir, les caresses touchantes et pleines de candeur prodigu6es par cet ange c6leste. Puis Ğtant convenu qu'elle restera süre_ ment en Alsace avec sa fille, quel que soit le succĞs de son affaire, le sc6l6rat monte;r cheval, et s'Ğloigne... Il s'6loigne de I'innocence et de la verru' si longıemps souillĞes par ses crimes
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l'injusdce de Franval, qui en nourrissaiı les par des letres röglĞes' EugĞnie n'imaginait pas qu'elle püt avoir au monde une pıus grande ennemie que sa möre. Il n'y avait poursernences
tant rien que ne fft celle-ci pour d6truire dans sa
fiIle l'6loignemenı invincible que cetıe ingraıe conservait au fond de son ccur; elle I'accablait de caresses et d'amiti6, elle se felicitait tendre-
ment avec elle de l'heureııx retour de son mari, Dofiait ıa douceur et l'am6niıĞ au ooint de remeriier quelquefois Eugönie, eı de'lui laisser tout Ie m6rite de cette heureuse conversion; ensuiıe, elle se d6solait d'Ğre devenue l'innocente cause des nouveaux malheurs qui menaçaient Franval; loin d'en accuser EugĞnie, elle ne s'en prenait
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Eugtnie
Les Cimes de I'amour
qu'i elle-möme, et Ia Pressant sur son sein, elle lui demandait avec des larmes. si elle oourrait
jamais lui pardonner... L'ame aroce d'hugönie r6sistait i ces procĞd6s ang6liques, cette ime Per'v€rse n'entendait plus la voix de la narure, le vice avait fiermĞ ıous les chemins qui pouvaient arriver i elle... Se retirant froidemenr des bras de sa mĞre, elle la regardait avec des yeux quel_ quefois ögar6s, et se disait, pour s'encourager: Comını cette Jiıırnıu est Jausıe... cammı elle esı perjde'.. elle rıu caressa de mime le jour oü elle ıne ft mleveı ; mais ces reproches injustes n'öıaient que les sophismes abominables dont s'öraie le crime, quand il veuı €ıoufler I'organe du devoir. Mme de Franval, en faisant enlever Eug€nie pour Je bonheur de I'une... pour la tranquillitd de I'autre, et pour les int6r€ts de la verm, avait pu d6guiser ses d6marches; de telles feintes ne sont d6sapprouv€es que par le coupable qu'elles trompent; elles n'o{fensent pas la probit6. Eug6nie r6sistait donc i touıe la tendresse de Mme de Franval, parce qu'elle avaiı envie de commettre une hor_ reur, et nullement i cause des torts d'une mĞre qui sürement n'en avait aucııns vis_i_vis de sa fille. Vers la fin du premier mois de s6jour i Valmor; Mme de Farneille ecrivir a sa fille que I'affaire de son mari devenait des plus s6rieus'es, et que d'aprös la crainte d'un arr€t ffğtrissant, le retour de Mme de Franı,al et d'Eug6nie devenait d'une extr€me n6cessitĞ' tanı pour en imposer au public, qui tenaiı les plus mauvais propos' que pour se joindre i elle, et solliciter ensemble un arrangement qui püt dösarmer la justice, et r6pondre du coupable sans le sacrifier. Mme de [ranval, qui s'Ğtait döcidĞe i n'avoir aucun mystöre pour sa fille, lui montra sur-le_ champ cette lettıe; Eug6nie, de sang_fioid, _
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Franıal
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demanda, en fixant sa möre, quel 6tait, i ces ristes nouvelles, le parti qu'elle avait envie de prendre? <Je I'ignore, reprit Mme de Franval... Dans le fait, i quoi servons-nous ici? ne serions-nous pas mille fois plus utiles i mon mari, en suivant les conseils de ma mĞre? _ Vous €tes la maitresse, madame, rEpondit Eug6nie, je suis faite pour vous ob6ir, et ma soumission vous est assur6e... )ü Mais Mme de Franval, voyant bien i la s6cheresse de cette r6ponse que ce parti ne convient pas i. sa fille, lui dit qu'elle attendra encore, qu'elle va rĞcrire, eı qıı'Eug6nie peut itre süre, que si elle manque aux intentions de Franval, ce ne sera que dans l'extröme certifude de lui €tre plus udle i Paris qu'i Valmor. Un aure mois se passa de cette maniöre, pendans lequel Franval ne cessait d'ğcrire i sa femme et i sa fille, et d'en recevoir les lettres les plus faites pour lui &re agr6ables, puisqu'il ne voyait dans les unes qu'une padaite condescendance i ses d6sirs, et dans les autres qu'une fermetĞ la plus entiĞre aux r6solutions du cıime projetö, dös que la tournure des affaires l'exigerait, ou dös que Mme de Franval aurait l'air de se rendre aux sollicitations de sa möre; ( car, disait Eug6nie dans ses lettres, si je ne remarque dans votre femme que de la droiture et de la franchise, et sj les amis qui servent vos affaires i Paris parviennent i ıes finir, je vous remetrai le soin dont vous m'avez charg6e, et vous le remplirez vous-m€me quand nous -serons ensemble, si vous lejugez alors i propos, i moins pourtant que, dans tous les cas, vous ne m'ordonniez d'agir, et que vous ne le trouviez indispensable, alors je prendrai tout sur moi, soyez_en cerİairı. ))
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Les Crimes de I'amour
Eughıiı dı Franaal
Franval approuva dans sa rĞponse tout ce que lui mandait sa frlle, et telle fut la derniĞre lettre qu'il en reçut et qu'il Ğcrivit. La Poste d'ensuite n'en apporta plus. Franval s'inqui6ta; aussi peu satis[ait du courrier d'aprös, il se desespĞre' et son agitation naturelle ne lui permettant plus
s'6loigne comme il peut de ce lieu funeste en se dirigeant du cöt6 de Valmor. Connaissant rral les environs d'une terre dans laquelle il n'a 6tö que la seule fois oü nous l'y avons ıır, il s'6gare dans les routes obscures de cette foröt entiĞrement inconnue de lui... tpuis6 de fatigue, an6anti par la douleur... dĞvorö d'inquiörude, tourmentğ de la tempöte, il se jette ) terre, et lİr' les pre_ miĞres larmes qu'il ait versĞes de sa vie viennenı par flos inonder ses yeux... ( InFortunĞ, s'öcrie-t-il, ıouı se röuniı donc pour m'6craser enfin... pour me faire sentir le remords... c'ötait par la main du malheur qu'il devait p6nötrer mon i.me; trompe par les douceurs de_ la prospĞriıĞ' je I'aurais toujours mĞconnu. o toi, que j'outrageai si griĞVement' toi, qui deviens peut-ere en cet instant la proie de ma fureur et de ma barbarie!... €pouse adorable... le monde' glorieux de ıon existence, ıe poss6derait-il encore? La main du Ciel a-çelle arr€t6 mes horreurs ?... Eug6nie ! fille trop crödule... trop indignement s6duiıe par mes abominables arrifices... la naıure a-r_elle amolli ton ccrur?... a_t-elle suspendu les cnıels e{fets de mon ascendant et de-ta faiblesse? est-il temps?... est_il temps, juste Ciel... ı Touı i coup Ie son plainıif et majestueux de plusieurs cloches, rıistemenı 6lancĞ dans les nues, vient accroitre I'horreur de son sort... Il s'6meut... il s'effraie... < Qu'entends-je? s'6crie-t-il en se levant... fille barbare... est-ce la mort?... est-ce la vengeance?... Şont-ce les furies de l'enfer qui viennent achever leur ouırage?... ces bruits m'annoncenı-ils ?... oü suis-je? Puis_je les entendre ?... achöve, ö Ciel!... acheve d'immoler le coupable... ı
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Iıs Cines fu
l'amow
Et se prostemant : < Grand Dieu! sou{Re que je möle ma voix İı ceux qui cimplorent en cet insı:lnl.. vois mes remords et ta puissance, pardonne-moi de t'avoir mĞconnu... eı daigne exaucer les vcerıx...^les premiers vcı.ıx que j'ose Ğloer vers toi! Etre Supr6me-.. pr6serve la vemı, garantis celle qui fut ta plus belle image en ce monde; que ces sons, hĞlas! que ces lugubres sons ne soient Pas cerıx quej'apprĞhende. ı Eı Franval 6gar6... ne sachanı plus ni ce qu'il fait, ni oü il va, ne proferant que des mos döcou_ sus, suit le chemin qui se pr6sente... Iı entend quelqu'un... il revient iı lui... il pr€te l'oreille... c'est un homme ir cheval... < Qui que vous soyer' s'Ğcrie Franva!, s'avançant vers ceı homme... qui que vous puissiez Ğtıe, ayez piıi6 d'un malheureııx que la douleur Ğgare; je suis pröt d'attenter İr mes joıırs... instruis€z-moi, secourez_moi, si vous €tes homme eı
compatissanı.. daignez me sauver de moi_ m&ne.
- Dieu! ı'Ğpond une voix trop connue de cet infortun6, quoi! vous ici... ö Ciel! €loignez-
vous.
))
Et Clervil... c'6tait lui, c'6tait ce resPecabıe
morıel echapp6 des fers de Franval' que le sorı envoyait vers ce malheureux, dans le plus ıriste instant de sa vie, Clervil se iette i bas de son cheval, er vient tomber dani les bras de son ennemi.
< C'est vous, monsieur, dit Franval en pressant cet honnete homme sur son sein, c'est vous envers qui j'ai ıant d'horreurs ) me reprocher? - Calmez-vous, monsieur, calmez-vous, j'6carte
de moi les malheurs qui viennent de m'entourer, ie ne me souviens plus de ceux dont vous
Eagİnie
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Fraııal
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avez voulu me couwir, quand ıe Ciel me permet de vous €tre utile... et je vais vous l'Ğtre, monsieur, d'une façon cruelle sans doute, mais nĞcessaire... Asseyons-nous... jeıons-nous au pied de ce cyprĞs, ce n'esı plus qu'İı sa feuille sinistre qu'il aPPartient de vöus couronn€T maıntenant... O mon cher Franval, que j'ai de revers ) vous aoorendre!... Pleurez... ö mon ami! les lr.m.. ,ö,i. soulagent, et j'en dois arracher de vos yeıD( de bien plus amĞres encore... Ils sont oassiis les iours de d6Iices... Ils se sonı övanouis |or. .,our'.o-rne un songe, il ne vous resıe plus oue Ceııx de la douleur. ' - oh ! monsieur, je vous comprends... ces cloches... - Elles vont pofter aux pieds de l'Etre SuprĞıne... les hommages, les vceux des tristes habiıans de Valmor, h qui l'tternel ne permit de connaiıre un ange que Pour le plaindre et ie regremer... ) Alors Franval tournant la pointe de son €pöe sur son ccur, allait trancher le fil de ses jours; mais Clervil, prĞvenant cette action furieuse : < Non, noıi, mon ami, s'Ğcrie-t-il, ce n'esı pas mourir ou'il faut. c'est röDarer. Ecoutez-moi, i'ai beauöup de choses i vdus dire, il est besoin he calme pour les entendre. - Eh bien! monsieur, parlez, |e vous 6couıe; enfioncez par degrds Ie poignard dans mon sein, il est iusti qu'il soit oppress6 comme il a voulu tourmenter les autres. - Je serai court sur ce qui me regarde, monsieur, dit Clervil. Au bout de quelques mois du s6iour a[freux oü vous m'aviez plongÖ' je fus asiez heureux pour fl6chir mon gardien; il m'ouwit les portes; je lui recommandai surtout de cacher avec le plus grand soin I'injustice que
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Eugİnie de Franıal
Les Crimes de I'amour
vous vous Ğtiez permise envers moi. Il n'en par_ lera pas, cher Franval, jamais it n'en pariera. - Oh I monsieur... - tcoutez-moi, ie vous le rĞpĞte. j'ai bien d'autres choses i Jous dire. De'retou; iı Paris j'appris votre malheureuse aventuı:e... votre d6_ pan... Je partageai les larmes de Mme de Farneille... elles Ğtaient plus sincires que vous ne I'avez cnr; je me joignis ir certe digne lemme pour engager Mme de Franval ir nous ramener Eugenie, leur presence Ğtant plus n€cessaire i Paris qu'en Aisace... Vous lı]i aviez dĞfendu d'abandonner Valmor... elle vous ob6it... elle nous manda ces ordres, elle nous fit part dc ses ripugnances a les enfreindre; elle bilança ıant qu'elle le put... vous fütes condamnö, -Frinval... vous l'€tes. Vous avez perdu la tĞte Comme Coupable d'un meurıre de grands chemins : ni les sollicitations de Mme de Farneille, ni les dĞmarches de vos parens et de vos amis n'ont pu d6tourner le glaive de la iusıice; uous auez ,uc_ combĞ... vous €tes i jamais fl6tri... vous €tes ruinö... ıous vos biens sont saisis... (Et sur un second mouvement furieux de Franval) : tcourez-moi, monsieur, 6coutez-moi, je l'exige de vous comme une r6paration i vos crimes; je |'exıge au nom du Ciel que Votre repenıir peut desarmer encore. De ce momenı nous 6crivimes ii Mme de Franval, nous lui apprimes tout : sa mĞre lui annonça que sa pr6jence 6tant devenue. indispensable. elle m'envoyair i Valmor pour la d6cider absolument au d6part: je suivis la lettre; mais elle parvint malheureusement avant rnoi;.il n'6tair plus remps quand j'arrivai... votre horrible complot n'avaiı que rrop röussi; ie trou_ vai Mme de Franval mourante..'. oh ! mönsieur' quelle scğlöratesse ! '.. Mais votre ötat me touche,
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cesse de vous reprocher vos crimes... Apprenez tout. EugĞnie ne tint pas i ce spectacle; son repentir, quand j'arrivai, s'exprimait d6ji par les larmes et les sanglots les plus amers... Oh! monsieur, comment vous rendre l'effet cruel de ces diverses situations... Votre fumme expirante... d6figuröe par les convulsions de la douleur... Eug6nie, rendue i la nature, poussant des cris a{freux, s'avouant coupable, iıivoquant la mort, voulant se la donner, tour i tour aux pieds de ceux qu'elle implore, tour i tour coll6e sur le şein de sa m€re, cherchant i la ranimer de son souffie, i la r6chaufler de ses larmes, i l'attendrir de ses remords; tels €taient' monsieur, les tableaux sinistres qui frappirent mes yeux: quand j'entrai chez vous, Mme de Franval me reconnut... elle me pressa les mains... les mouilla de ses pleurs, et prononça quelques mots que j'entendis avec difscultĞ, ils ne s'exhalaient qu'i peine de ce sein comprim6 par les palpitations du veniır... elle vous excusait... elle implorait le Ciel pour vous... elle demandait surtout la grİce de sa fille... Vous le voyez, homme barbare, les derniĞres pens6es, les derniers vcux de celle que vous d6chiriez 6taient encore pour votre bonheur. Je donrıai ıous mes soins; je ranimai ceux des domestiques, j'employai les plus cĞlĞbres gens de I'art... je prodiguai les consolations i votre Eug6nie; touch6 de son horrible 6tat, je ne Crus pas devoir les lui refuser; rien ne rĞus_ sit : votre malheureuse femme rendit I'ime dans des tressaillements... dans des supplices impossibles i dire... i cette funeste 6poque, monsieur, .ie vis un des effets subits du remords qui m'avait 6tğ inconnu jusqu'i ce moment. Eug6nie se pr6cipite sur sa mĞre et meurt en m€me temPs qu'elle : nous crümes qu'elle n'6tait qu'6va-
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Cimes de I'amour
nouie... Non, toutes ses facult6s 6taient 6teintes; ses organes absorb6s par le choc de la situation s'Ğtaient an6antis i la fois, elle ötait r€ellement expir6e de la violente secousse du remords, de la douleur et du d6sespoir... Oui, monsieur, toutes deux sont perdues pour vous; et ces cloches dont le son frappe encore vos oreilles, c6lĞ_ brent i. la fois deux cr6atures, n6es I'une de I'autre pour vore bonheur, que vos forfaits ont rendues victimes de leur attachement pour vous, eı dont les images sanglanıes vous poursuivront jusqu'au sein des tombeaux. ,l o- cher Franval! avais_je ıort de vous engager auırefois i sortir de l'abime oü vous prĞcipitaient vos passions; et blimerez-vous, iidicuıi_ serez-vous les sectateurs de la vertu? Auıont_ ils tort enfin d'encenser ses autels, quand ils verront autour du crime tant de troubles et tant
de ff6aux?>
Clervil se taiı. Il jeııe ses regards sur Franval; p6trifiĞ par la douleui; ses yeux 6taient fixes, il en coulair des larmes, mais aucune expression ne pouvaiı arriver sur ses löwes. Cler_ vil lui demande les raisons de l'6tat de nudit6 dans lequel il le voit: Franval le lui apprend en _
il le voit
deux mots.
a Ah! monsieur, s'€cria ce g6n6reux mortel, que je suis heureux m6me au milieu des horreurs qui m'environnent, de pouvoir au moins soulager votre Ğtat. J'allais vous trouyer i Bile, j'allais vous apprendre tout, j'allais vous offrir le peu que je possĞde... Acceptez-le. je vous en conjure; je ne suis pas riche, vous le savez... mais voili cent louis... ce sonr mes 6pargnes, c'est tout ce quej'ai... J'exige de vous... - Homme g6n6reux, s'öcrie Franval, en embrassanı les genoux de cet honn€te et rare ami,
Eugİnie de Franıal
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:i moi?... Ciel! ai.je besoin de quelque
chose aprĞs les pertes que j'essuie! et c'est vous... vous que j'ai si mal trait6..- c'est vous qui volez i. mon secours.
- Doit-on se souvenir des injures quand le malheur accable celui qui peut nous les faire, la vengeance qu'on lui doit en ce cas est de le soulager; et d'oü vient l'accabler encore quand ses reproches le dĞchirent?... Monsieur' voili la voix de la nanıre; Vous voyez bien que le culte sacrğ d'un Etre Supr€me ne la contrarie pas comme vous vous l'imaginiez, puisque les conseils que I'une inspire ne sont que les lois sacr6es de I'autre.
- Non, r6pondit Franval en se levant; non, je n'ai plus besoin, monsieur, de rien; le Ciel me laissant ce dernier effet, poursuit-il, en montrant son 6pĞe, m'appıend l'usage que j'en dois faire... (Et la regardant) : C'est la m6me, oui, cher et unique ami, c'est la m€me arrne que ma cğleste femme saisit un jour pour s'en percer le sein, lorsque je l'accablais d'horreurs et de calomnies... c'est la m€me... je trouverais peut€tre des races de ce sang sacrğ'.. il faut que le mien les efface... Avançons... gagnons quelques chaumiöres oü je puisse vous faire part de mes dernidres volont6s... et puis nous nous quitıerons Pour touJours... )) Ils marchent. Ils allaient chercher un chemin qui püt les rapprocher de quelque habitation... La nuit continuait d'envelopper la fordt de ses voiles... de tristes chants se font entendre, la pi.le lueur de quelques flambeaux vient rout i coup dissiper les ıĞnĞbres. vient y jeter une teinte d'horreur qui ne peut ötre conçue que par des İmes sensibles; le son des cloches redouble; il se joint ) ces accents lugubres, qu'on ne
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l'amour
disringue encore qu'}ı Peihe, la foudre qui s'est tue jusqu':ı cet insüınt, 6tincelle dans les cieux et m6le ses öclas aux bruits funĞbres qu'on entend. Les öclairs qui sillonnent la nue, öclipsant Par inteıvalles le sinistre leu des flambeaux, semblent disputer aux habitants de la terre le droit de conduire au s6pulcre celle qu'accompagne ce convoi, tout fair naitre l'horreur, tout respire la dösolation... il semble que ce soit le deuil Ğternel de la nature. t< Qu'est ceci ? dit Franval ömu. - Rien, röpond Clervil en saisissanı la main de son ami eı le d6tournant de cette rouıe. _ Rien, Vous me ırompez, je veux voir ce que _ c'est... ı Il s'Ğlance..' il voit un cercueil : < Juste ciel! s'öcrie_t-il, la voili, c'est elle... c'est elle, Dieu permeı que je la revoie... ı A la solliciration de Clervil, qui voit l'imoossibilite de calmer ce malheuriux. les prötres s'Ğloignenr en silence... FranvaI 6garö s'e iette sur le cercueil, il en arrache les tristes rest;s de celle qu'il a si vivement offensöe; il saisit le corps dans ses bras, il le pose au pied d'un arbre, eı se pröcipitanı dessus avec le dĞlire du d6sespoir : rı o ıoi. s'6crie_t-iI hors de lui, toi, dont ma barbarie put Ğteindre les jours, objet touchant que j'idolitre encore, vois i tes pieds ton 6poux oser demander son pardon et sa grice; n'imagine pas que ce soit pour ıe survivre, non, non. c'est pour que l'liternel, touchö de tes vertus, daigne, s'il est possible, le pardonner comme toi... il ıe faut du sang, chöre epouse' il en faut Pou.r que tu sois vengee... tu vas l'ötre... Ah! vois mes pleurs avanı, eı vois mon repenıir; je vais te suiwe, ombre cherie... mais qui recevra mon ime bourrel6e, si tu n'implores Pour elıe?
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RejetĞe des bras de Dieu comme de ton sein, veux_ıu- qu'elle soiı condamnĞe aux affreux suPplices des enfers, quand elle se repenr aussi sihcörement de ses crimes... Pardonne, chĞre İme, pardonne_les' et vois comme je les venge. ı A ces mots Franval öchappant i l'ceil de Cler_ vil, se passe I'ep6e qu'il tient, deux Cois au travers du corps; son sang impur'coule sur la victime et semblb la ffĞtrir bien plus que la venger. ( o mon ami! dit-il iı Clervil' ie meurs, mais je meurs au sein des remords... Apprenez i ceux qui me restent et ma d6plorable fin er mes crimes, dites-leur que c'est ainsi que doit mourir le ıriste esclave de ses passions, assez vi|, pour avoir ğteint dans son cceur le cri du devoir et de la nature. Ne me refusez pas la moitiö du cercueil de cette malheureuse öpouse, je ne l'aurais pas meritĞ SanS mes remords' mais ils m'en rendent digne, et je I'exige; adieu. ı Clervil exauça les dĞsirs de cet infortunĞ, le convoi se remit en marche; un Ğternel asile enseveliı bientöt pour jamais deux öpoux n6s pour s'aimer' hiıs pour le bonheur, eı qui l'eussent goütĞ sans m6lange, si le crime et ses effrayants dĞsordres, sous la coupable main de l'un des deux, ne fussent venus changer en serpenb toutes les roses de leur vie. L'honnöte ecclösiasıique raPPorıa bientöt i Paris l'affreu:< dĞtail de ces diflbrenıes catasrophes, personne ne s'alarma de la mort de Franval, on ne lut fichö que de sa vie, mais son Ğpouse fut pleur6e... elle le fut bien amirement; et quelle crĞature en effet plus pr6cieuse, plus intöressante aux regards des hommes que celle qui n'a ch6ri, respect6, cultiv6 les vertus de la
terre, que pour
y
trouver
l'inf<ıı'ıune et la douleur.
)
chaque pas,
et
I
l
l
t' C ommcntaire s
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6c laircis s emenls
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les jours, tant qu€ c€la se pourTait, et il en parait conrcnt. )) Il grossit, Ğtant ainsi reduit i un exercice
Commentaires et
6claircissements Hisıoite du liıre
La vocarion de conteur semble remonter trĞs haıit dans la vie liırĞraire de Sade. DĞs 1788, it projetait de r6unir une trentaine de textes, pr€c6d6s d'un aver_ üsscment, sous le titre de Contcs eı Fabliaux da xvıır ıiicle, par un hou1'İfe pıoıençal, qui auraient constitu€ un ouvrage en qua(re volumes, tandis que les lülo. ndlles auraienı et6 intĞgr6es iı un recueil d'essais sous le titre : |e Porıe/cuillı d.'un hommı dc letıfes, et que Iı-' InIofluncs dc la lcfıu Prenaieıl un tel dĞveloPPemenr
qu'elles devenaient un roman auıonome. Toute ceıte Ğnorme producıion eıait nĞe i la Basıille' au cours des ann6es 1787-1788, donc iusıe İı la
veille de la RĞvotuıion. Aprds cinq ans eı-demi de rĞclusion au chiteau de Vincennes' Sade se ıfouve, depuis l7E4, i la Bastille,.iı la ıı deuxieme liberrĞ ı, c'esı_i_dire au deuxieme eıage de la ıour de la LibertĞ. qui faisait parıie de la bastide Saiııı-Anıoine. Il apparıenait i Ia caıĞgorie des prisonniers d€ıenus iı la Bastille par suiıe d'une letıre de cachet demand6e par la lbmille. Il n'a guĞre le droiı qu'i une heure de promenade dans la cour - < cour resserıĞe oü l'on ne respire gu'un air de corps de garde eı de cuisin'e )), et, aprĞs maintes requ€aĞs, i une heure le matin pour prendre I'air sur les tours. Sa santĞ phpiquc et psychique sont 6ııidemment atteintes par cette rĞclusion. Le 23 mai 1767 :
insu{frsant; sa vue le fait sou{frir, comme ıe Prouvent la v€nue d'occulistes, le 2t juin l7E7, et plus d'une note en marge du manuscrit d'es lılortunıı dı la ıertu' ll reçoit assez souvent la visite de la marquise
de Sade. La grande joie dc ces jours, de ces annĞes sinistrement consumğes dans la priıon, c'est €videmment
l'6criture: le l'r mars 17E8, il commence le conte Eugnia de Franval. El quand, le ı'' octobre t788' il ğtablit un Calalogue rai:oıni de ses ouwages, celui-ci s'Ğldve d ji i la matiĞre correspondant i quinze voluınes in-octavo. Dans ce catalogue, il n'est plus question des cozrrJ eı Fabliıllx, ou du moins le proiet initial figure sous un aure titre, car Sade demeure fidele a l'archiıecture qu'il annonçait dĞjiı dans son manuscrit: ( cet ouvrage forme qııaıre volumes, avec tıne esıampe i chaque conıe; ces hisıoires sonı enırem€lĞes de maniöre qu'une avenıure gaie et m6me polissonne, mais toujours contenu€ dans les rigles de la pudeur et de la döcence, suit imm6diatement une avenıure s6rieuse ou tragique. ıı Retenons, de cette dĞclaraıion, deux elğmenıs qui prĞsideront i l'Ğcri-
ıure des contes: d'une part le souci de conserver une variĞtĞ de ton, au besoin par un systdme d'alternance, d'autre parı la volonıĞ de se soumeatre aux
rigles d'un cerıain vocabulaire, disons, Pour em_ ploycr les ıermes de l'Ğpoque, le vocabulaire de la iiĞcence. Ce qui entraine tou( un systĞme d'6crirure
sur lequel nous reviendrons, et gui se siıue aux antipodes de l'entreprise des Cent ıingt joumies, eı de Ia maieure partie de I'cuwe de Sade. Mais ce Projet initial, Sade ne le r€alisa Pas exacrement, puisque I'an VllI, il publie un recueil de orue nouvelles, d'un ıon uniquemenı ıragique, eı qu'il intiıule kı Cimcı dı l'amau. Le sous-tiıre esr caracrĞrisıique : < Nouvelles hĞroiques et ıragiques ı. L'ouvrag€ est precĞdĞ d'un ıexte th6orique, txırĞmement imPorurnt pour l'histoire de l'esıhĞıique romanesque:
Idiı
sur
hı roınaııı' Paru chez l'6diteur Mass6,
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iı
Paris,
Sade
il
comPorte 4 volumes. Tome I: Julieıte eı
Rounai, ou la Conspiation d'Ambois?, nouıelle hüıoiquı; I'a Doııble Epıeuıı; ıome ll: Miss Hcntiıtle sıfalson, ou
lİ5 Elfets du d4sespoir, nouvıllc anglaüe; Foxclaıge uı lcs Torü d,c l'anbitioıı; Floııillı ıt Coumal oıı lc Füalisnı; ıome IIı : Rodigue ou La Tour enchaııtie, conıe alligoique; lıurence et Anlonio, nııuıeLlı italienne; Emestine ' nouıelle suiıioıse; tome ıV: Dorgeıilk, ou le Ciminel Pal vertu; la comles\e de Sancııre, ou la Riuale dı sa jlle, anccdole dı la Couı de Bouıgogne; Euglnie dc Fran.,71. Les autres nouvelles de Sade demeurerent in6dites jus<1u'en l926 oü elles furent r6ıınies par Mau_ rice Heine sous le ıiıre'. Hiıroieıtes, conıer eı Fabliaux. La plupart de ce. ıexıeı s<.ını pluıöı gais; Mauİice Heint leur adjoignaiı un texıe plus dramatique et qui avaiı d6ii iıö Ğdiıi en I88l : Doı.i oıı Io Bizanene du so . q|'anl i Emilic d'e TouıııIIe ou la Cruauli .|ra!ernel/e, on peut penseı gu'elle aurait peut-€tre davantage eu sa place danı kı Cnınıı de l'amoır' ıant Pour sa lacıııre que Poul son ton indiniablement ıragique. En 1803_1804, Sade revint iı son projeı, d€iiı bien ancien. Il semble voırlolı reprendre cei enlacemenı de nouvelles ırisıes eı gaies,_ en ai<ıutanı dix riciıs allegıes aux ıragiques Cnme, de l'amouı. Il dĞsiraiı enfin constiruer un aurre recueiI. sous Ie ıiıre oü se r€vdle la conscience d'appartenir i toute une tradiıion liııĞraire : le Borrde fıançaiı. Des noıes, extraiıes des Cahicıs pcııonnels' rivilent Ğgalement un cerrain nombre de projets: ainsi Madame dc Thilime' Iı Cruaule [taıemcllc, ks Inıonuinıents.d? ıa Piııi' Aocuglemenl vaul mie'ux que lumi}re, L'Aıı sqcİislain. Sade ne puı r€aliser toutes ces Ğbauches.
Il est donc de couıume de r€unir sous le titre Cimcs de l'amour les oıue nouvelles de l'an VIII; c'esı ce gue [ait. par exemple. l'ediıion des Gıııır tonpliles' (hez Pauverı. Ce Classemen( est saİisfaisant dans la mesure oü il correspond ir la seule edition publiee du vivanr de l'aureı-ır. eı oü nous ne pouvons pas a[firmer que les plans des ann6es l8O3-lE-04 aienr ĞtĞ dĞfinilits dans l'espriı de Sade. De (e5 on2e nou_ vellcs. nous ne pubiions. ıci, pour des raisons pra-
Commeılaires et [elaircissımıntİ
253
tiques, qu'un choix. Mais si nous ne donnons pas touıes les nouvelles' nous donnons l'inıögralitĞ de celles que nous publions, Ğtant hostile, par principe, i ıout ce qui coupe morcelle le texte. Chaque nou_ velle conserve donc par{aiıement son unitö. Le nom_ bre de orue rĞpond plus aux hasards de l'ğdiıion qu'A une intenıion esıhĞtique d6ıerminĞe chez Sade,
comme
le prouve l'histoire de l'ouvrage;
aussi
pensons-nous que cette 6dition ne trahira pas Sade, en s'en tenant i un nombre de nouvelles plus
ümit6.
L'accueil du liıre
ks Cnmıs dc L'amour suscitörent un article extre_ mement hostile de Villeterque dans le Joumal d.cs A s, dcs sciences el de Litılrulurc, du 30 vendĞmiaire, an IX. Le moralisme_y €claıe a chaque ligne, conıre un auteur qui cst suspecıĞ - non sans raison d'avoir ecrir Jultine. Une parrie de I'article porte donc. en fait. sur ce roman, plus que sur les nouvelles; il en vient finalement i parler des Cimes en ces terTn€s
(Je n'ai pu lire :
sans indignation ces quatre volumes d'aırocites rĞvolıanıes; on n'esı m€me pas dĞdommage du dĞgoüı.qu'elles inspirent par le style; celui de l'auıeur, dans cet ouwage, est pitoyable, ıoujours hors de mesure, plein de phrases de mauvais goüt, de contresens. de rĞflexions triviales. ıl Le Joumal d,c Pais, dans un article anonyme du 6 brumaire an IX, est plus favorable et loue chez Sade, la < f6conditĞ de l'imagination ı' la c grande vari6tĞ dans les tableaux ı. Mais l'article de Villeterque eut au moins Ie mdrite de susciter, par la bassesse de son attaque' une r6ponse Ğnergique et indign6e de Sade lui-mdme. Cet opuscule de 20 pages, paru chez Massğ, l'an Ix, est un exemple de I'dloquence violente de Sade et, par certains points, complite,
dans Ie sryle de la pol6mique, l'Idİe ıur les romans, plus sereine et plus ıh6orique. A celui qu'il appelle
254
Sade
< folliculaire ı, Sade rĞtorque qu,il n'a proba_ blemenr pas lu I'ouvrage doni il parle. ll 'refuse, comme il !a. toujours fait, la paternitĞ de Justiıv,
un
puis r€pond i des quesıions pluj particuliĞresi villeterque lui impute de prirendues erreurs historiques: < Il laudrair avoir soi-m€me un peu d'inkiıion pour relever les erreurs en iıud.itioı'ı; mais li oü Sade foudıoie I'adversaire, c'est sur la quesdon de la vertu dans l'ceuwe d'arr : ( Ce n'esı pas touiours en .faisanı. triompher ta vertu qu'on '(peut) "prd_ tendre i l'intirdt dans un roman'o, daıis ,rre't.agĞdie. ı Et Sade de rappcter que les ressorıs tradirionnels de l'art dramatique Ğıant la ıerreur et la pı(tĞ' on les trouvera difEcilemenr dans une aımo_ sphire de vertu l€ni6anıe. D'autres artuments se succddenı alors, eı qui nous sembleni €videnrs rı Chaque acreur d'ıın ouvıage dramaıique doiı y par_ ler Ie langage dtabli par le üracıiıe q"'iı p".tJ t.'.l; c e5ı le personnagc qui parle et non l,auıeur. ı :
Le manuscriı
La Bibliothiqııe nationale possıide un manuscriı de..Sade du.plus hauı intdı€ı. sous la cote: Nouveıües acquısiılons lrançaises. 40l0. Il s.agiı d'un groupe de cahiers. numĞrotis par Sade lui-m€me: tl manque malheureusement les cahiers 3 eı 7. Li se trouvenl m€lĞs i la fois des ıextes qui appartiendront aux Hisıoricıtes, Contes el Fabliau), la'piremiire version de Juıine, c'est-d-dire Leı InJoıfu}eı dı lo vertu' et en6n Les Cimıs dc l'aııour' ön voit nette_ ment dans cer asemblage la ırace du premier projet ou ıous ces recıts etaient rĞunis et oü Sade s'effoiçait de varier les ıons, en aIternant ie t."giq". .t'i; comique. Le deuxiöme cahier contient Ğ beb,ır du Faİalisme' qui est le premier tiıre de Floııille et Cour. va1; le cahier 4 nous donııe ta fin de cette nouvelle, ainsi que Le ManagP .t/hrılP.?uı qui deviendra Faxclange ' eı qul se poursuiı dans le cahier 5. Ce cahier coiı_ porıe aussi Emılie de Toutıitle oıı la cruauıy' rfakm.lle
qui a
Ğt6 rattach6 alrx conıes et Fabıiaux, mais qui,
Par
le tragique, appartient Plutöt au registre des cri'1ırJ,' lı Talioı qui, lui, est franchement de la veine des fabliaux, et enkn l'a coıılcsıe dt Soncene, du moins les premiers feuillets' car la suite est donnĞe par le cahier 6 qui contient €galemena Henictle straıı,oL s6par6e de I'a comtesse dı Sanceıe par une anecdote gauloise: Soit Iaiı ainri qu'il est requis. Hendette Stfulsoz est parfois d€sign6e par ce qui deviendra son sous_tiıre : Les E[fets du d'isespoir. On trouvera Doıgeıillc dans le cahier 8. La dispariıion du cahier 7 nous a priv€s du döbut. Iıl Double Epreuue se ripartiı enıre les huiriime et neuviime cahiers, prĞcddanr Iİİ In/ontunes de Ia ıle u. On se r6fĞrera pour Lauİence et Anıonio aux cahiers t4 et 15; Po'J.. Emesıirıe aux 14, 16 et 18; pour Eug4niı de Frunval au dixseptiĞme et dix-huitiime, avec quelques passages refaits dans le vingtiĞme; e^6^ Poğr Juli'ııc et Raünoj, aux cahiers ı6' ı9 et 20. Outre les renseignements que l'ordre mdme de ces contes nous foumit, puisqu'y apparait trĞs netrcment une volont6 d'auteur, on trouve dans ce manuscrit de nombreuses indications sur la façon dont Sade travaillait.
on
est d'abord frappĞ par le rythme
de composition trĞs intense. Emprisonne, il se consacre i son ceuvre trĞs excıusivement. ıl notc i la fois des pğets de travail oü il s'impose un effon
continu, avec de longues sĞances matin et soir; il consigne 6galement, non sans quelqu'accent triomphant' de vĞritables records: pour Eugmiı dı Frcnıal : ıı conae fait en six jours >, et les dates exacteş : <ı commencĞ le lCr mars et fini ıe 7 de bonne heure. Il s'agit de I'annee 17E8, co[une nous I'avons dit. En mai, il remanie des passages €ntiers d'Eug6niı (cf. cahier 20). TrĞs pr6cieux 6galement sont les tableaux r€capitulatifs oü l'auteur marque m6thodi quement, sur des colonnes, la longueur' le caractĞre et la source de chacune de ses nouvelles. Les sources les plus { equentes ; < moi ı, < Dunoycrı b' ı< mon ı. Mrrı. Dunoyer (t563-l'm). aurcur d.İ z.d'r' ıi'lali4luı .,
gdo!.'
d'1!'ı.
düv dı Pğü.
256
Sade
pĞre ), ( ent€ndu dire ). Mais on notera que pour Irs Cirut dont nous avons le manuscrit, c'est presque toujours < moi > que Sade indique, ii I'exception de Rodriguc ou la Toıır ınchantğc dont le caractdre est assez diflerent et pour lequel il note : < arabe et moi >, ce qui suggĞre une sourc€ orientale, peut-€tre leş MillZ eı Unc "lfzjır. Pour le reste, donc Sade aurait
puisĞ essentiellement dans son imagination. Les cor_
rections de sryle sont nombreuses; la rapiditĞ de la composition n'entraine pas de n6gligence; les inexactitudes, les redites sont pourchassees; des passages entiers sonr refaio, en particulier dans Euginie dı Franıal, mais aussi dans Emestine dont le dĞbut est retouchĞ (cahier l8, fol. 389).
la ıraıLiıion ıiııfuaire En voulanı composer des nouvelles, Sade se ırouvait l'h6riıier de toute une tradition française et europĞenne. Nul doute qu'il ne se souvienne de Boccace, puisqu'il a pens€ le faire figurer dans le titr€ m€me d'un autre volume, mais aussi de Marguerite de Navarre, et, plus prös de lui, de la nouvelle qui eut un tel d6veloppemena au xvıI' siĞcle. on sait en effet que la deuxiĞme moiıi6 du xVIı'siĞcle Sade et
avait Ğt€ marqu€e par le ıriomphe de la nouyelle ou du roman de pedte proponion aux d6pens du roman Ğnorme et 6pique du d6but du siĞcle. Mme de Ville_ dieu avait comme crĞĞ un genre nouveau' quand elle Ğcrivait, en 16?0' des nouvelles brğves, cenrĞes sur un drame amoureux et qu'ell€ inıiııle Annahs galınİcs. 8ayle n'avait Pas tort ıorsqu'iı affirmaiı: ( Le nouveau goüt qu'elle cr6a subsiste encore > : il subsis_ tera bien au_delıi de Bayle €t certainement jusqu'i Sade.
Mais il est un autre courana du siĞcle classique auquel se rattache Sade, c'est celui de la nouvelle historique, des Nouıcllıs françaiscs de Segıais, ou de la pincersc dc Moüpaısiır de Mme de La Fayette. Sade ayait une gTande admiration pour la premiĞre de nos romanciĞres; il lui rend hommage, prĞcisĞment
t_
Commmlıires et
öclaircissemmh
dans cette ldİe sur Leı romans qu'i| plaça en t6te
257 des
Cimes de l'amour : tı Rien d'intĞresşan. comme Z(rtdc, rien d'6crit agr6ablement comme La pincessc dı Clİaıs. Aimable et char' mante femme, si les gıdces renaient ton pinceau. n'6rait-il donc pas permis i l'amour de le diriger quelquefois. > Sade rĞpond li i ceux qui pr6tendaient que les cruvres de Mme de La,Fayette devaient tour i Seşais ou i La Rochefoucauld). Le troisidme courant que l'on peut distinguer
dans la nouvelle classique, celui dıı rğalisme d'un Donneau de VisĞ, par exemple, dans ses Nouvelles galafuıe' et comiqucs, Sade en ParticiPe aussi, mais plus dans les textes prösentĞs sous Ie titre dozrrJ ,l FatrLiaux que danş les rĞcits que nous prğsentons ici: ils appartiennent bien Ğvidemment i la tradition historique, ıragique er ga|anİe. Julictte ct Bdunai se situe dans un contexte historique prdcis: celui de la Conspiration d'Amboise; La..rencc et Antonio eorraine le lecteur en Italie, au temps de Charles Quint. Mais Eugenie de Franıal se passe i l'€poque conıem_ poraine. Sade n'a garde d'oublier les ressources qu'il peut tirer de la f6erie, ainsi dans le conte Rodiguc ou la Tour enchaıtİe, et de la nouvelle noire importĞe d'Angleterre pour Mi's Hcrıictİe sı'aısorı' Si l'on ajoutaiı encore la diversiĞ des tons pratiqu€s sur le regibtre comique dans les Contes ct Fabliaux, on aurait une id6e de l'extr€me richesse, de la variĞtĞ de Sade nouvellisıe. Cette ampleur de Ia gamme que lui offre Ie r6cit
bref, Sade en .est parfaitement conscient, lui qui, comme nous I'avons vu, voulait, dans son projet primitif, alterner le tragique et le comique, et qui, en tout cas' dans ses Crizız.ı dı (aıınıı, prend la peine de sous-ıitrer, Po\|f Juıieııe el Rauıni: < nouvelle hisıorique ı, Pou., l,e corntc de Sanccrıe : < anecdote de la cour de Bourgogıe ı tandis qu'il appel|e Rodiguı < conte all6gorique )), er que seu|e Eugmie dı Franıat a droit au terme de < nouvelle tragique ı. Quanı aux nouvelles donı le sous_titre indique plutöt une localisation gĞographique (anglaise, italienne,
258
Commmtahes et [claircissemtnts
Sade
su6doise), elles n'excluenı pas cependant une ref6rence un genre; la nouvelie anglaise n'ayant pas la m€me structuıe de base que la nouvelle italienne.
i
Passion et cıuaut! dans
a Lıs Crimes de l'amour
>
Le sadisme des Ctiınes de I'amoıır est tout psycho_ logigue. Peu ou pas de violence physique; pas de description €rotique, ni m€me d'jllusions tant soit peu scabreuses. Sade est bieıı loin du libertinagc l6ger. Ce qui frappe ici, c'est le tragique et la passion
:
la passion, passion tragique, La vraie cruautĞ de Sade s'exerce i propos des İmeş, beau_ coup plus encore que des corps, et d'aurant que les 6mes sonı hauıes et passionnĞes' Ainsi dans Emcstine , Sade prĞfĞre dĞcrire la souffrance de l'hĞroine qui voit d'une fen€tre son amant d€capit€ que la torture tragique de
du malheureux sur l'€chafaud. Et, plus loin
dans
la nouvelle, la vraie souffrance n'est pas chez Ernes-
tine transp€rc6e par une ip€e, mais chez Sanders qui s'aperçoit bnrsquement qu'il a tu6, sans le savoir,_sa propre fille. L'arr de Sade dans Zer Crizcı consiste, non i peindre des scĞnes de violence - il veut ici passer outre _ mais i crĞer des situations v€ritablement torturantes.
Pour que ces douleurs soient parfaites, exquises li point Ie pluj aigu d'une douleur diffuse), il hut que les €tres mis-i la torture aient un sens de l'honneur, et surtout une passion d'absolu, qui ne suppoite pas les compromissions. Des nouvelles de Sade sourdent non les hurlements des suppliciĞs, mais un trĞs beau et rös (au sens oü les m6decins dĞsignent
profond chanı de l'amour pa:sion. on glanerait ıour le long du rexıe ces diclirations de ü passion la plus violente: rr Elle sonne, cette heure funeşte du döpart; pour deux ccrurs vĞritablement 6pris, quelle diff6rence y a_ı_il entre celle-li et l'hiure je la mort?,) ( Pour des cceurs vĞritablement 6pris ı: li est le secret de la cruautĞ de Sade, et non dans le raffinement de tel ou rel supplice. Mais il faur que
les ccurs soient
ils le sont
<
259
vğritablement €Pris ); et, chez Sade,
furieusement, irrĞm6diablement jusqu'i la morı, et par-deli, dans l'absolu d'une passion qui cılcine tout ce qui n'est pas elle. De la passion encore chez Dorgeville qui ne peut cesser d'aimer celle qui l'a ırompĞ, bafoue, celle qui,
si
affreuscment criminelle,
sc r&dle €ıre sa
sceur.
Pas un personnage de lıı cuıııcsse de Sanuııe gui ne soit digne de figurer dans une ırag6die. L'amour de la jeune AmĞlie esı bi€n ıouchanı. Sa [oi, les pires
calomnies nG Peuvenı l'Ğbranler: < Lui, luir (sur le champ de bataille)ıJe l'aurais vu, je ne le croirais pas. ıı Monrevel €sı un amaDı romantique, avanı I'h.r..' o, pluıöı de ce romantisme Ğtirnel que connaisscnı les meilleun de chaque gĞn6rıtion. Quand il s'aperçoiı que' victime d'une atroce machination, iI avair ıu6 AmĞlie, il < se poignarde, eı s'Ğlance ıellement en rendanı les derniers soupirs, dans les bras de celle qu'il chĞriı, il l'Ğıreinı avec tant de violence, qu'aucun effort humain ne put les sĞparer. ı Mais l'ime - ı, l'ime damnĞe ı de celıe nouvelle' esı la terrible comıesse de sancerre, mdre d'AmĞli€, aimant dĞsespĞrĞmcnı Monrsvel eı ne Pouvan( suPporter qu'il lui prĞldre sa fille. Elle ourdiı sa machination avec la science' la ficrce de vengeance de Mme de la Pommeraye. Mais quand elle fait, la premiire, I'aveu de sa passion i Monrevel, elle a |es accents de Phddre s'adressanr İı Hippolyre. A la fin, elle I'implorera, elle lui demandera Ia mort pour chiıiment de ses crimes. EI|e la rĞclamera en vain; il ne daignera pas m6me lui faire l'aumöne d'un meurlre' et elle aura ce cri de vraie passion oü n'entre ni remords, ni reniemenı' mais le dösespoir d'un amour i jamais inassouvi: ıı Crois-tu Clue je ch6ris la vie, quand l'espoir de ıe possĞder m'esr enlev6 pour jarnais ! D Eı l'on douıe qu'ensuite elle se reıire dans un couvent pour < pleurer ses crimes ı : il s'agiı bien plutöı de pleurer l'amour impossible et d'atten_ dre une mort trop longue iı venir.
ıl
Commmtairıs Th)mes romantiques
Au romantisme des senıiments, s'ajoute celui des döcors et de touıe une mode oü l'on senı que I'au-
teur esı contemPorain du roman noir. C'est parfois
le romanıisme Ğchevelö qu'auıorise I'atmosphĞre anglaise de Miıı Henrielle sırclıon: |a nouvelle abouıiı a c€tte scene si ötrange du cadavre de Williams transpercĞ dt treize poignards, sur qui vienı justement se poignarder i son ıour |ajeunc miss : mais li' c'est presque ırop! on peuı pre{'crer |a seule Ğvocaıion lunebre des tentures noircs et des dagues enfonc6es sur le corps inerte, veillant la victime, comme des cierges au nombre funestc. La poĞsie des ıombeaırx' si chdre aux romantiques anglais, i Grey' a Hervey, eı en gĞnĞral i touı ce gue |'on a coutume d'appeler le ıı pröromanıisme ı euro_ P6en' n'csı pas absenı des Cnmıs : il vienı leur app<ırter un surcroit d'horreur dramaıique, ou une'touche de mölancolie. Ainsi, i la fın de Flonille et Coumal, ou' ir la fin de lı comlısıe dc Sanceıre : les deux amanıs < furent mis dans le m€me cercueil, et d6pos6es dans la principale €glise de Sancerre, oü les vrais amants vont quelquelois encore verser des larmes sur leur ıombe ı. C'esı sur le mEme ıon quc Sade [ait l'€loge de l'auıomne au dĞbuı de Dorgcville: ceı ensemble dc thĞmes faiı parıie du code romanesque de ceıte fin du xvıııC siöcle.
A ceıte th6matique du roman noir preromantique, se raıtachent encore de nombreux r&es pr6moniıoires. Ainsi dans Floııilk cl Couııal l < Une nuit,
entre aulres, Senneval, ce malheureux amant que je
n'avais pas oubliĞ, puisque lui seul m'entrainaiı i Nancy (...), Senneval me faisait voir i la fois deux cadavres, celui de saint_Ange, eı celui d'une femme inconnue de moi, il les arrosait rous deux de ses larmes, eı me montrait non loin de li, un cercueil hörissi, d'öpines qui paraissaiı s'ouvrir pour moi. ıı Mais la scene la plus pathĞtique se siıue plus loin dans la nouvelle' quand Florville esı affronı6e avec
ıİ
İe laircissements
261
celle donr elle va causer la mort et qui se röv€lera €tre la mere de Courval. Celle-ci s'ğcrie: < Mademoiselle, un röve vous a offene ) moi au milieu des horreurs oü me voi|i; vous y ötiez avec mon fils [...] vous aviez la möme figure... la m€me taille... Ia möme robe... et l'Ğchafaud Ğtaiı devanı mes yeux. ı Aux Press€ntiments des rĞves s'ajoutenı enfin ceux que suscitenı dans l'ime de Florville des lectures romanesques: c€tıe fiction iı l'inı€rieur de la ficıion prend alors une secı-ınde rĞaliıĞ fascinanıe. La forme du rİciı
Le pressentiment a cependant une autre fonction
:
s'il permet de crğer une aımosphöre sombre et romantique, il eşt aussi un moy€n de communi-
quer au lecıeur lui-m€me une sorte de presciencç, et par cons6quent il peut devenir un 6l€ment organisateur du recit. On est frapp6, en effet, par la grande simpliciı6 de l'architecıure, par l'extr€me sobri6t6 des moyens. A la limiıe, la nouvelıe sadienn€ s'apparente a d'autres genres qui se caractĞrisent aussi par l'Ğconomie des proc6dĞs: la fable ou le conte. Bien que lzs Cimcs .regroupent plus particuliĞremenı les texıes qui aPpartiennent au registre de la nouvelle ProPrem€nt dite, on verra dans Faxelange, ııne histoire inwaisemblable de brigands, oü se rĞvöle un art assgı naif du recit qui tient i la fois du conte de lĞes eı dc l'Ğpisode Picaresque. ccıte ingĞnuiıe apparaiı aussi dans la simpliciı6 avec
laquelle l'auıeur confesse sa symPaıhie pour l'hĞroin€ eı la quasi-ja|ousie qu'il Ğprouve: par cxemple' lorsqu'il iefuse de la dĞsigıir PaT son nom de fiemme nnriöe, une fois r€vĞlĞe l'identiıĞ du mari : ( Mlle de Faxelange (car son nom de lemme nous r6pugne maintenant),r. Au regisıre de la fable, il faudraii rattacher Ie ton du dĞbut de lı Double Epreuıe gui esı celui d'une maxime que la narration aura Pour buı, ensuite, d'illustrer: ( Il y a longtemPs que l'on a diı que la chose du monde Ia plus inuıile Ğtait
262
Sade
d'6prouver une femme... ı La nouvelle historique, elle, suppose de plus vastes consid6rations comme point de d€part. C'est souvent Pour Sade qui aime l'Histoire' par instinct, par mode, par tradition litt€raire, Ie prĞıexıe i brosser une large fresque. Que I'on se reporte Juliette ?t Raunai oiı ıoute la conspiest €voqu6e avec la situation de ration d'Amboise ^ la France au lendemain de la paix de Caıeau-Cambr€sis.
Que l'impulsion premiire de la nouvelle soiı plus ou moins ample, une lois qu'elle a öte misc-en route, Ia m6canique esı ıoujours un peu idenrique, et se ramene plus ou moins a une conspiration, İı un complot, orr, dans le cas le plus bönin. a une ıı ipreuıe ı. dans le sens marivaudesgue. on Peut voir li unı: projecıion d'une dcs angoisses [ondamentales de Sade. EnfermĞ. iI a pcrpeıuellement le senıimenı d'6tre victime de machinations. Ces lettres 6crires a sa femme de Vinceıınes er de la Basİille sont tres
Tout devient indice, tout eŞı susPect aux yeux du prisonnier qui ne peut jamais v6rifier si ses douıes sont londĞs ou non. jamais connaitre cette contre-Ğpreuve que lui apporıeraiı le monde exıörieur, s'il lui iıait donnĞ de sortir de sa claustration. A ce propos, on notera la v6ritable hallucinaıion arithmĞıique iı laquelle le marquis s'est livr€ jusqu'i la fin de ses joun : il s'agiı pour lui d'essayer de contrecarrer les machinaıions qui se ırament i |'exığrieur' en les pr€voyanı dans son univers par_ laiıemenı clos eı absırait, grice au jeu gratuiı des nombres prĞmoniroires et de leurs combinaisons d'une complexiıĞ extr€me. Ces fantasmes favorisenı donc admirablemenı chgz Sade le recours iı ce pro_ cöd6 du rğcit qu'est la machina.ion avec ces qualit€s propres: a la fois deroulement lin6aire, complexitĞ eı intensiı6 au ccur du r6ciı' d6nouemenı parlaitemenı logiqut et oü tout doiı se r6soudre, commc dans une ıragĞdie classique, ou dans un roman Porevölatrices.
licier.
La machination s'aide möme de la machinerie. Dans Iı Double Epreuıc, |e hĞros n'hğsiıe pas i mo_
Commmlaire s et
İc
lairci-çsements
263
biliser une arm6e de comĞdiens et e hire executer les dĞcors les plus somptueux, les plus coüıeux: on se Croirait iı Versailles, au temPs dcs löıes royales, qui ne sont d'ailleurs pas encore abolies, lorsque Sade öcrit. Le gönie th€Atral de Sade qui s'exprime si manifestement dans touıe son Ceüvre ronıanesque' ne nöglige pas les machines les plus encombrantes. D'ailleurs la mode, aussi bien dans les jardins que dans la litĞrature, est aux savants truquages. Les Personnages sonı donc toııjours amenĞs a jouer une comĞdie _ ou plutöı une ıragĞdie: ils se degui_ sent, ou le destin se charge de cacher longtemps, trop longtemps, leur v€ritable identitĞ. Il peut s'agir de d6guisement vestimentaire, en Particuli€r dans l,1, comtısse de Sancerte.'ıı Rev€tez
qui avaient servi au pr6tendu Salins
donc ces habits,
i sa fille ceux ı _ d6guisement
continua la comtesse, en prdsentant
double donc. pııisque ce ne sonr mdme pas les viıements du veriıable Salins. Le rĞsulıaı de ce d€guisement est aıroce: sancerre sera ainsi ameııĞ i ıuer la femme gu'il aime, et la comtesse de Sancerre, au prix de ceıte longue intrigue, sera parvenue i
la vengeance la p|us terrible. Mais le travesti porte, plus souvent, sur l'identiĞ meme des personnages. Pendant longtemps ils ignorent quels sont les liens de Parent€ qui les lient, bien encore le_passĞ, le nom d'un des acaeurs .ou prıncıPaux' el (esl 8Tace a celle l8norance que tout se noue inexıricablemenı, au poinı que la mort semble le seul recours. Le raffinement du sadisme consiste, dans ce chef-d'cuwe de cruauı6 qu'esı Iz comtesse de Sanceııe. i forcer un Personnage naila revdtir un lravesti rouı aırssi funbsıe pour celle qui se ırouve chargee de tromper que pour celui qu'elle trompe. Avant de florcer şa fille iı se dĞguiser materiell€ment, pfndant tou(e la norıvelle' sa mire l'avaiı contrainte l f.ind..' mdtanl şans piıiĞ ses vetlditis de rFvolte' ( Je veux que cette feinte continue, reprit Mme de exercer conıre sa ProPre fille
Sancerre... Le lecteur, lui, entend bien ne pas se laisser prendre aux piiges qui captent les trop naifs personnages. >>
2&
Commentaire
Sade
A vrai dire.
dans ce rype de rĞcit, les raPPons de |'auteur au lecıeur sont parfois difEciles, D'une part, il esı bon que te public eprouve un sentiment de
sup€riorit6 devanı la vicıime; il doit pouvoir exercer sa'sagaciıĞ, et pr€voir ce qu'elle ne soupçonne m€me nas: iinsi oariicıoe-t-il iı la ioic du bourıeau. Mais iour qu'il puissJ connaiıre iussi le bonheur-simple, nuis ıouioıirs efEcace. de qui dĞcouvre' au fur et i mesure. le deroulement d'une histoire, il esı bon qu'il n'aiı pas du premier coup devin€ ıout ce qui .," .e pas'ei. Parıag? enırc deıri ııĞcessitĞs conıradicıoires._ il ne resıe plus qu'une ressource a l'auıeur: user a son ıour dc lbinıis multiples eı sufnsammenı diverses. Le suspens qu'6prouve'le lecıeur n'est ğvi_ demment oas di möme nature oue celui que subiı l€ p..ronrr.gi. La r6vitation .''rr.'" pu' pori ıri ı'.ffeı frrusq,ıe eı bouleversant qu'ellt a sur la victime, d'abord parce qu'il esı moins concern6' ensuite parce
qu'il esı infinimiııı moins surpris eı que dĞs le d6parı, i[ se mefiait, alors que la victime esı' par definiıion, d'une ınnocence i ıoule ĞPreuve' Pour stimuler, piquer le leçıeırr. Sade recourt a ce procĞd6 qui ionsiste'iı diffĞrer sans cesse l'explicaıion. Le lecteur a compris cc oui allaiı 5e passer; il brüle de voir enfin Ğ'clairci url m".ıd." qriil esı fie. d'avoir percĞ; le noııvelliste l'irriti en ritardanı Ie moment'oü il confirmera le bien londğ des intuiıions de son lecteur troP perspicace. Dans Flomille et Courıal, on a tout de_sulte ilcvinö de quoi il s'agit; mais l'explication sera remise jusqu'i la fin de la nouvelle. Dans Dorgeville, de m€me, le lecıeur saiı tiien qu'il va y avoir une rĞvĞlation, et il en Pressena le contenu, mais elle sera faiıc le plırs ıard possible. Il est aussi un autrc moycn de co'mbler le fe, teur, C'es( de dĞoasser son alicntc' Dans Flonılle e! Coııva1, s'il avaiı 'so,-,pçonne la vĞriıe. Peut.€tre n'avaiı_il pas une claiie conçcience de l'exırime tomplexiı€ de la sirua' ıion. avant que Florville n'aiı ıĞvĞlĞ a Courval la noirceur de scs crimes. L'Idy'e sur les rıınans qui serı de PrĞface aux crjzrJ de l'amour dans I'6ditibn que Sdde en a donn€e,
s et öclaircissemmls
265
conıient une violente prise i parti de R6tif. Sade lui reproche son sryle < bas, rampant ), ses ( ayenrures
dĞgoütantes )), et de dire ( ce que tout le monde sait ı. On verra li mĞpris de grand seigneur pour le plĞbĞien, le paysan; mais il y a davanuge: une oprion rnorale eı esth6tique fondamentale. L'exp6_ riençe de RĞtif ne sorr de l'ordinaire que par la quintit6, si j'ose dire. Tandis que chez Sade, c'esr la gualiıĞ exemplaire qui seule imporıe, Mais ce dĞcri de R6tif ne pouvair trouver mieux sa place que dans cette ( ouverture ı des Cıiıızs dı l'amouı. Tandis que, parallĞlement, dans les cerLı 1)ingt joumİcs, Sade
entreprenait de lozl dire, et de forcer le langage, et par cons€quent le lecteur, par la vioience m€me de sa parole et çiar cette volont€ destructrice de dire t'indicible' ici' aıı contraire. il semble s'6ııe efforc6 i recourir au sıyle le plus classique, le plus pudique. ll n'y a ni les allusions grivoises des Histoieues, ni
la
description cIinique des cerıı ıingı Jotırnöe'. A la pudeur, se joint cette autre qualit6, bien classique: la concision. Tandis qu'ailleurs l'auteur veur harasser son lecteur par I'insistance, I'ampleur, la monotonie, dans ks Cimıs d,e l'amour, il ğvite les longueurs er les redites. Quand il se meut dans le registre du roman noir, Sade conserve pourtant une sobri€t€ parfaite de la ddmonstrarion eı du r€ciı. Alors que I'esthĞıique baroque triomphe dans les ceuvres les plus violentes de Sadr, on trouvera dans ks Cimıs un chef_d'cuwe du plus pur classicisme. Les ddtracteurs de Sade sonı impardonnables de s'Ğtre atıaquĞs i son < style ı, eı de lui avoir repro_ chĞ sa gıossidretd. Ce qui frappe, au contraire, c'est l'absence de vulgaritĞ' assez remarquable darıs des sujets aussi şcabreux et rrĞs appr€ciable Par rapPort aux autres auıeurs libertins de cett€ €poque. qu'il choque par son exub6rance baroque, par I'outrance, ou qu'il veuille conseıver l'extr€me rĞscrve des Criızzs de l'aınouı, le sryle de Sade esı toujours celui de l'aris-
tocratie oü s'allie Ğtrangement, et ar'€c des dosages di{Ierents suivant les ceuvres, le vocabulaire ıechnique
et les grices fleuries du xvuı' siöcle. L'alliage
est
266
Sade
inoubliable' unique. La beaut6 du recit linĞaire et d6pouill€ ici, ti€nt i cette fantastique violence du langage, complĞtement endiguĞe' mais que l'on sent toujours pr€te i Ğclater; alors, cx6cutions, passion' intrigues gardent le sombre feu d'un diamant noir.
BIOBIBLIOGRAPHIE l740
_ Naissance de
de Sade.
Donatien-Aldonse-François
Seigıeur de La coste et de Saumane' cosei_ gneur de Ma'ıan, l'6crivain esı un aristocrate
de vieille souche
-
ce qui ne l'emiıdchera pas de
vouloir renverser I'ordre social: rien
n'est
plus bourgeois que d'y €tre attachğ. Parmi les ancGtres de la longuc lignĞe des Sade' la plus connue esa certainem€nt Laure, femme de Hugues de Sade, et que P€trarque chanta: il fit plus que la chanter, et l'on est en droiı d'imaginer qu'un peu de sang du podre se glissa dans l'antique lignĞe provençale. L'abb6 de Sade qui s'6tait fait justement I'historien de P6trarque, se üargea de l'6ducation du marquis- Il l'eıh_ mena avec lui dans ses chiteaux de Saint-L6ger
d'f,breuil et de Saumane. Comme Ren6- i Combourg, Sade connut les voütes sombres, l'isolernent et ıe mystĞre des vieilles demeures
1750
1754
seigneuriales.
_
L'enfant poursuit ses Ğrudes chez
de Louis_le-Grand. La vie des
les j6suites
collĞges 6tait rude. A Louis-le_Grand, une rĞs gıande place €ait laiss6e aux activites th6arales. Sade puı donc s'exercer trds töt A jouer : or, il sera hanı6 toute sa vie par le thĞitıe (essais de dramaturge, rcpr€sentations de charĞnton; cJ aussi les mises en scĞne de ses romans).
_ Sade quitte LouisJe-Grand Pour entİer i l'Ğcole des Ch<ıau_lĞgers oü njöİaieıt admis que les jeunes gens de la plus ancieıne noblessc.
1755
ı763
Biobitliogaph;ı
sadı
268
- tl est
nomm6 sous'lieurcnant au r6giment du Roi, infanterie, et ensuite capiıaine de cava_ lerie. tl panicipera i la guerre de Sept Ans' ct bravement. on peut voii une dcmi-confidence dans ce passage d'Aliıv ct Vakout : e Ceııe impĞ_ tuosit6 naturelle de mon caractöre, cette em€ de feu que j'avais reçue de la nature, ne_p€_ tait qu'un plus grand degrĞ de force et d'acıivitğ ö cette vertu fĞroce que l'on appelle cou_ ra8e.
),
- La premiire i Sade fut celle
passion que nous connaissions qui le lia iı Mlle de Lauris, chi_
i l'Ğpouser' quand intewint I'opposition de la famille. tl telaine de Vacqueyras; il €tait d€cidĞ
6Pouse
i
tion, < l'impi6t6 horrible > sccondörent un
d6lire sado-masochiste.
1768
1768
regret Mlle de Montreuil' de_petiıc
nbblesse de iobe, mais asscz riche. La famille de Monıreuil avait de puissantes relations i la
cour, c€ qui, croyaiı-on, servirait a la carriĞrc de Sade; mais ces relations, en fait, la rcdoutable be|le-mere s'cn scrviı surtout conıre son gendre pour obtenir de prolonger ses incarc€raıions. La fureur et la morgue arisıocratique du marquis 6clatent dans }es lettres qu'il Ğcrira i sa femme : c Comme votre bassesse, celle dc votre origine ct celle de vos Parents Ğclate en tout.
r,
i
1772
!e jeunc marvincennes. tl n'y reste guĞre'
grice i l'intervention d€ son PĞre: un€ residence obligaıoire esı assign6e au marquis : le chiıeau d'fchauffaı s. Parmi les maitresses qu'il eut pendanı les premiĞres ann6es dc son mariage, outre les filles foumies par la Brissault, il faut signaler des
t
com6diennes de l'AcadĞmie royale de musique : Mlle Coleı, MIle Beauvoisin qu'il installa möme a Lacoste pour un temPs: il fit alors restaurer i gıands frais le thĞitre du chiteau. Deux ır a{Iaires ı trĞs rğvĞlatrices : |769 - ocıürc. Sade passe une nuit avec Jeanne
Testard ıı ouwiĞri en Ğvenıails
u: la
profana_
d'Arcıeil. - L'affaire (d'ailleurs
Rose Keller fut emmede son consentement : eııe Pretcndit avoir cnı en toute bonne foi que le marquis avaiı des intenıions honnötes) dans sa peıite maison d'Arcueil, le dimanche de Piques : li ausşi scĞne de libertinage oü lc sadisme nĞe
semble capital. Sade est incarcĞrĞ i Saumur, puis Encise, pres de Lyon.
i
Pierrc_
Noucmhıe ' Sade revient }r son chAıeau de Lacoste. !l est arĞs öPris de sa belle-sceur, Ia chanoiııessc Anne-ProsPĞre de Launay; ellc l'accompagnera en Italie, en 1772, lorsqu'il
-
fuira. C'est qu'un nouveau scandale
Qyatre mois aprds son mariage, quis est incarcer€
269
|777
Ğclatğ
-
27
avait
:
jün. De pıssage i Marseille,
i
Sade s'etait
une partie avec des prosıiıu6cs a son valeı [l avaiı donnĞ aırx filles des bonbons i la cantharid€ qui les rendirent malades. Voili Ie marquis condamnĞ par le Parlemcnı de Provence i la peine de mort pour empoisonnement et sodomie. II se r6[ugie i ChambĞry. Dicembtc - Il est arr€tğ par ordre du roi de Sai_ daignc et conduit au fon de Miolans, donı il s'evadc le lcİ mai 1773. AprĞs unc p6riode oü il change souvenı de domicile pour dĞrouter livrĞ
les poursuivants, il revicnt i Lacoste. De nouveaux scandales, dont le plus retenıissanı €st ( l'affaire des Pe]i]es fiııcs D. La pr6sidente de Montreuil esı devenue, dePuis la scducıion d'Anne-ProsPĞre de Launay' l'en_ nemie acharnĞe de son gendre. Elle obıienı une lettre de cachet.
-
Föııier. Sade est emprisonnö au donjon de
Vincennes.
1778 _
Juin. L'arret du parlemenı d'Aix esı cass6: d'empoisonnement. sade e5ı pourtant emprisonnd encore i Vincennes de sc?krııbrc 1778, i fıieı 1784; puis transfĞre i
il n'y a pas eu
270
Biobibliographü
Sade
la Basıille oü il 6crit Iıs Ciıws' les Hüloiellcı'
la
cl
prenıiĞte Va.lcouı.
Juıtiııı, les Cenl
aingı
jaunia,
Aknc
Il sera envoyĞ i Charenıon, pour avoir tent6 d'ameuter la foule, en crianı qu'on allait Ğgorger des prisonniers iı la Bastille. 1789 _ I-a RĞvolution, qui devait l'emprisonner }ı nouveau' commetıça Pounanı par le lib6rer, puisqu'elle avaiı aboli les lettıes de cacheı. ll panicipe acıivemenı aux travaux des premiers temps de la RĞvolution, en particulier i la Section des Piques. ll s'occupe de la rĞforme des höpitaux.
|79l _ Jusıiııc w leı Malheurs de la ıerlu. En Hollande. Chez les libraires associĞs (Paris, Girouard). 2 vol. in-8.
Adresıe d'un ciıoym de 1792 1793
1795
Girouard.
Pais au fui deı Ftaıçcis,
- Divers opuscules eman€s de la Section Piqueı _ Ağıı. Victime de sa mod6ration eı d€
des
son
Transf6rc de prison en prison, il doit d'ailleurs ir ces transferts incessants de ne pas ötre guillotinö avant thermidor: il est sur la liste farale; mais on ne va pas le chercher dans la prison oü il est. La reacıion ıhermidorienne lui donne dıoiı a une humanitĞ, Sade est emprisonn€.
pĞriode de libertt (octobrc I794-rııar' l8ol). - Aline el Valcour, ou le roıan philosophiçuc. İoiı iı lı Basıillc ün an aua'ıı lı Riıoluıion de France, chgz Girouard' ı793 (ı 795).
I4
?hilosophie dans
b
boudoir. ouınage polıhuırv
de l'Auteur dc Ju'ıirv, A Londres, aux döpens de la Compagnie, 1795. Iı Nouvılle JL'tilu, ou lıs Malhıuıı dc la ııırtu. 1797 - En Hollande. lı Nouıelle Jusıine, ou Lıs Malhıurs dı la ııcrtu. Suiıic de (histoire d'e Juıicıh, sa ıcuı. En Hollande, ! 797. oxtiem,
au
oı bs Malhıurs du libeıtinıgc. RepresentĞ Moliere en l79l. Chez Blaizot,
thĞatr€ an VIII.
271
- lıs Ciınıı de l'amwr. NouveIIıı hüıoriquıs ı! ıtagğuıs, pr6c(A6es d'une < Id6e srir les romans ,r' par D.A.F. Sade, auteur d'llizı ct Valcour. Mass6, an VIII, 4 vol. --lECo _ Lbutıır dcs Ciınıs d,e l''oıour ıi Vilhıoquı, |olliııılaire . Mass6, an IX. 1799
l8ol -
Sade esı de nouveau incarcĞre Dar Ie Consu_
laı' comme auteur liberıin. S'ainıe- PĞIagie, Bicötre et enfin Charenton oü üendra- le
rejoindre Marie-Constance. A Charenton. Sade organise des reprĞsenıations thĞiırales. c-rande p6riode d'acıiviıĞ IittĞraire.
ı8l3 - L@ marquise dı Cnnge; Birhe\ l8l3, 2 vol. lEl4 - Malade, Sade demande en vain que la libert6 lui soit rendue, quand il meufi le 2
d6cembre.
Table Principales 6ditions posthumes originales tE6ı. Dorci
ou lo Bizanctic
France. Chamentier. 1gia. a*n*iır', conı.s
ü.r;". H.ı".,
ıta sorı, plfrlı| par Anatole
cı
FoÖJıczı, publiĞs par
Soci6t6 du roman philosophique'.
'., |926. Dialoguı erııfc un pıiıfe eı 'ı moflbo'lıı' Pl'İJlft ı' Compagnie et s Stendhal Heine' Maurici oar - ... 1gs3. Hüıoir' scoiı. d'Isab.llı de Bovı'fc ' P''blrce oar G. L6lv. Gallimard. igss. c"hr;;' püronncı' ll8o3-|8ü), par
Corr6a.
|il.- jaııor* dı
Bruıswick,
G'
L6ly'
par G. LĞly, Cercle du
liwe orecieux, |97|.' tolıral inidiı dc Sadı i Chııcnlqn. Guvti dc Scde l) tdiıion J ean-J acques Pauven, 2) tdiıion du Cercle du livreprecieux'
d'en dvoquer les cıimes. Lamour devenu passion brüle rouı ce qui ntsr pas lui. La passion de Sade, dans ces nouvelles, est une
passion incesıueuse. M. de Franval aime, ) la folie, sa fille Eugdnie. La malheureuse Florville, aprös avoir dtd sdduite paı son
pır Blıtrice Didiıı
fıöre, sera aimce de son propre fils et dpousde par son pöre. Linceste, ctst lhmour absolu,
lhmant se double d'un pöre. Linceste est aussi la contestation absolue. Le marquis de Sade esr un rğvolurionnaire qui renie Ibıdıe social et religieux du xvııf
siöcle. Linceste, enfin, est le repli supı€me
suI sa plopre famille et sur soi-m€me. Le style de ces nouvelles est admirable. Laction en est mouvementde, sanglante. Le clairobscur de chaque €tre, Sade l'a mis iı nu avec g€nie,
Couverture i Le Corra Juplrer et /o (detai), \ 1530. Kunslhistor scl @