La lecture est à la croisée de l’histoire personnelle et de l’intervention éducative : on doit la considérer comme digne de réflexion et tenter d’en appréhender les divers visages chez les jeunes. Éducateurs, bibliothécaires, parents, bref, tous ceux qui s’intéressent à la lecture trouveront dans Les pratiques de lecture des adolescents québécois des informations de première main. MONIQUE LEBRUN est professeure titulaire au Département de linguistique et de didactique des langues de l’Université du Québec à Montréal depuis une vingtaine d’années. Ses principaux travaux, subventionnés par le FQRSC et le CRSH, portent sur l’enseignement de la lecture. Elle a été, de 1996 à 2000, vice-présidente de la Fédération internationale des professeurs de français.
MONIQUE LEBRUN
Sous la direction de
Sous la direction de
MONIQUE LEBRUN des adolescents québécois
Les praTIQUES DE LECTURE
I
l est devenu courant de dire que les élèves de nos écoles lisent peu et que le plaisir de lire se perd au fil de la scolarité. Les auteures de Les pratiques de lecture des adolescents québécois ont voulu aller voir plus loin et ont entrepris de sonder les adolescents sur leurs habitudes de lecture et leurs attitudes face à la lecture. Loin de se contenter de leur proposer un questionnaire écrit, elles les ont aussi longuement interrogés, de même qu’un certain nombre de parents et d’éducateurs, pour connaître : • leurs habitudes de lecture, • leurs choix de livres, • la lecture de plaisir et la lecture scolaire, • la lecture à l’écran, • l’usage des bibliothèques, • les divers profils des adolescents lecteurs, tant les garçons que les filles, • la perception des parents et des éducateurs des lectures des jeunes.
Les
praTIQUES
DE LECTURE des adolescents québécois
ISBN 2-89544-049-2
,!7IC8J5-eeaejj! MM-PratiquesLectures.indd 1
11/07/07 15:37:35
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page i
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page ii
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page iii
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page iv
Données de catalogage avant publication (Canada) Vedette principale au titre: Les pratiques de lecture des adolescents québécois Comprend des réf. bibliogr. ISBN 2-89544-049-2 1. Adolescents – Livres et lecture – Québec (Province). 2. Lecture, Goût de la – Québec (Province). 3. Livres et lecture – Enquêtes – Québec (Province). I. Lebrun, Monique, 1944- ). Z1037.2P72 2004
028.5’5’09714
C2004-940154.8
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page v
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page vi
Révision linguistique : Solange Deschênes © Éditions MultiMondes 2004 ISBN 2-89544-049-2 Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2004 Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Canada, 2004 ÉDITIONS MULTIMONDES 930, rue Pouliot Sainte-Foy (Québec) G1V 3N9 CANADA Téléphone : (418) 651-3885 Téléphone sans frais depuis l’Amérique du Nord : 1 800 840-3029 Télécopie : (418) 651-6822 Télécopie sans frais depuis l’Amérique du Nord : 1 888 303-5931
[email protected] http://www.multim.com DISTRIBUTION EN LIBRAIRIE AU CANADA Diffusion Dimedia 539, boulevard Lebeau Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2 CANADA Téléphone : (514) 336-3941 Télécopie : (514) 331-3916
[email protected] DISTRIBUTION EN FRANCE Librairie du Québec 30, rue Gay-Lussac 75005 Paris FRANCE Téléphone : 01 43 54 49 02 Télécopie : 01 43 54 39 15
[email protected]
DISTRIBUTION EN BELGIQUE Librairie Océan Avenue de Tervuren 139 B-1150 Bruxelles BELGIQUE Téléphone : +32 2 732.35.32 Télécopie : +32 2 732.42.74
[email protected] DISTRIBUTION EN SUISSE SERVIDIS SA Rue de l’Etraz, 2 CH-1027 LONAY SUISSE Téléphone : (021) 803 26 26 Télécopie : (021) 803 26 29
[email protected] http://www.servidis.ch
Les Éditions MultiMondes reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités d’édition. Elles remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour son aide à l’édition et à la promotion. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – gestion SODEC. IMPRIMÉ AU CANADA / PRINTED IN CANADA
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page vii
Les auteurs Monique Lebrun est professeure titulaire au Département de linguistique et de didactique des langues à l’Université du Québec à Montréal Colette Baribeau est professeure titulaire associée au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières Flore Gervais est professeure titulaire au Département de didactique de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal Marie Nadeau est professeure au Département de linguistique et de didactique des langues de l’Université du Québec à Montréal Hélène Lévesque est étudiante au doctorat en didactique à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal Priscilla Boyer est étudiante à la maîtrise au Département de linguistique et de didactique des langues de l’Université du Québec à Montréal
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page viii
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page ix
Table des matières Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Monique Lebrun Chapitre 1 La méthodologie de la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Colette Baribeau Chapitre 2 Les habitudes de lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Colette Baribeau Chapitre 3 Les choix de livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Monique Lebrun Chapitre 4 Les adolescents face à la lecture de plaisir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 Monique Lebrun Chapitre 5 La lecture scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 Monique Lebrun Chapitre 6 La lecture à l’écran . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Priscilla Boyer et Monique Lebrun Chapitre 7 Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques . . . . . . . . . . . . 147 Monique Lebrun Chapitre 8 Les éducateurs et les bibliothèques scolaires: points de vue de bibliothécaires, d’enseignants et d’administrateurs . . . . . . . . . . . . . . . 169 Flore Gervais, Monique Lebrun et Hélène Lévesque Chapitre 9 La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents . . . . 193 Marie Nadeau Chapitre 10 Les profils d’adolescents lecteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219 Colette Baribeau
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page x
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 Monique Lebrun et Colette Baribeau Annexes Annexe 1 Questionnaire LIS sur les attitudes et habitudes des élèves du secondaire face à la lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 Annexe 2 Questionnaires sur les bibliothèques scolaires adressés aux bibliothécaires, aux enseignants et aux administrateurs . . . . . . 269 Annexe 3 Questionnaires sur la lecture des adolescents adressés aux parents . . 291 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297
Liste des tableaux Chapitre 1 Tableau 1 Données socioéconomiques selon les régions concernées par la recherche. Répartition des unités territoriales des rangs déciles 9 et 10 selon l’indice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Tableau 2 Données socioéconomiques selon les écoles concernées par la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Tableau 3 Répartition des élèves selon les niveaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Tableau 4 Répartition des élèves selon l’âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Chapitre 2 Tableau 1 Fréquence de lecture de livres (Québécois de 15 ans et plus) (MCC, 2001). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Tableau 2 Fréquence de lecture des quotidiens, des hebdomadaires régionaux et de revues et magazines (Québécois de 15 ans et plus) (MCC, 2001) . . . . . . . . . . . . . . . 27 Tableau 3 Raisons invoquées pour lire des imprimés autres que les livres (MCC, 2001). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Tableau 4 Répartition du temps de la semaine en diverses activités (en nombre d’heures par semaine) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Tableau 5 Répartition du temps de la semaine en diverses activités selon le niveau scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Tableau 6 Répartition du temps de la semaine consacré à la lecture de loisir selon le niveau scolaire et la région . . . . . . . . . . . . . . . . 34
x
MM-Pratiques de lecture
Tableau 7 Tableau 8 Tableau 9 Tableau 10 Tableau 11 Tableau 12 Tableau 13 Tableau 14 Tableau 15
17/02/04
17:20
Page xi
Nombre de livres lus selon le sexe (MEQ, 1994a). . . . . . . . . . . . 36 Répartition hebdomadaire des heures de lecture (MEQ, 1994a) . . 36 Occupation des temps libres (MEQ, 1994b) . . . . . . . . . . . . . . . 37 Milieu social et pourcentage du temps de lecture de collégiens français (Singly, 1989) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Activités sportives selon le sexe, par semaine. . . . . . . . . . . . . . . . 40 Comparaison entre l’enquête LIS et l’enquête du MEQ (1994a) concernant le temps consacré au sport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 L’occurrence de certaines pratiques de lecture . . . . . . . . . . . . . . . 40 Comportement de l’adolescent face au livre . . . . . . . . . . . . . . . . 42 Répartition des élèves selon divers éléments liés à leurs comportements ou à leurs attitudes à l’égard de la lecture (en %), Québec et France (MEQ, 1994b, p. 12). . . 43
Chapitre 3 Tableau 1 Appréciation des genres de livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Tableau 2 Appréciation positive de quelques genres selon les sexes, le niveau et la région. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 Tableau 3 Influences subies quant au choix des lectures . . . . . . . . . . . . . . . 58 Tableau 4 Différences quant aux influences subies en lecture selon le sexe, le niveau et le milieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Tableau 5 Caractéristiques préférées chez un personnage de roman . . . . . . 60 Tableau 6 Caractéristiques préférées dans un roman . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Tableau 7 Différences dans les caractéristiques selon le sexe . . . . . . . . . . . . 61 Chapitre 4 Tableau 1a Moments de la lecture de plaisir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Tableau 1b Moments de la lecture de plaisir selon le sexe, le niveau et le milieu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Tableau 2 Endroits de la lecture de plaisir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Tableau 3 Abonnement personnel à une revue, un magazine . . . . . . . . . . . 82 Tableau 4 Pratique de certaines activités reliées à la lecture . . . . . . . . . . . . . 83 Tableau 5a Amour de la lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Tableau 5b Amour de la lecture selon le sexe, le niveau et le milieu . . . . . . . 84 Tableau 6a Conditions pour être un bon lecteur (quatre réponses possibles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
xi
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page xii
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Tableau 6b Tableau 7 Tableau 8a Tableau 8b Tableau 9 Tableau 10
Conditions pour être un bon lecteur: variations selon le sexe, le niveau et le milieu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 Autoévaluation du sujet comme lecteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Autoévaluation des résultats scolaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Autoévaluation des résultats scolaires selon le sexe, le niveau et le milieu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Raisons données pour s’adonner à la lecture . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Motivations différenciées à la lecture selon le sexe, le niveau et le milieu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Chapitre 5 Tableau 1 Fréquence scolaire de certaines lectures. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Tableau 2 Fréquence scolaire de certaines lectures selon le niveau et le milieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 Tableau 3 Procédure pour le choix des romans en français . . . . . . . . . . . . 110 Tableau 4 Appréciation des activités de prolongement . . . . . . . . . . . . . . . 110 Tableau 5 Appréciation des activités de prolongement . . . . . . . . . . . . . . . 111 Chapitre 6 Tableau 1 Attitudes face à l’ordinateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 Tableau 2 Les stratégies de recherche d’information . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 Tableau 3 Possession de jeux vidéo ou sur ordinateur . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Chapitre 7 Tableau 1 Fréquentation d’une bibliothèque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 Tableau 2 Fréquentation de la bibliothèque publique durant les vacances . . 161 Tableau 3 Fréquentation de la bibliothèque publique seul ou avec d’autres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 Tableau 4 Types d’emprunts à la bibliothèque publique . . . . . . . . . . . . . . 162 Tableau 5 Nombre de livres empruntés depuis trois mois . . . . . . . . . . . . . 162 Tableau 6 Nombre de livres empruntés effectivement lus . . . . . . . . . . . . . 163 Tableau 7 Raison principale de la fréquentation de la bibliothèque publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Tableau 8 Secteur fréquenté dans la bibliothèque publique . . . . . . . . . . . 163 Tableau 9 Place occupée dans la bibliothèque publique . . . . . . . . . . . . . . 163 Tableau 10 Participation aux activités de la bibliothèque publique . . . . . . . 164
xii
MM-Pratiques de lecture
Tableau 11 Tableau 12 Tableau 13
17/02/04
17:20
Page xiii
Participation à un club de lecture de la bibliothèque publique . . 164 Fréquentation de la librairie au moins une fois . . . . . . . . . . . . 164 Fréquentation de la section «livres et revues» d’un magasin . . . 165
Chapitre 8 Tableau 1 Estimation par les enseignants de la condition des documents trouvés dans leur bibliothèque scolaire au regard de leur discipline d’enseignement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180 Tableau 2 Irritants perçus par les RBS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 Tableau 3 Les initiatives pédagogiques des RSB selon leurs visées . . . . . . . 184 Tableau 4 Motifs de satisfaction des RSB . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 Chapitre 9 Tableau 1 La fréquence de lecture des jeunes selon leurs parents. . . . . . . . 197 Tableau 2 La diversité des genres de lectures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 Tableau 3 La proportion de jeunes pratiquant certaines activités de loisirs dans trois enquêtes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200 Tableau 4 Les sorties familiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204 Tableau 5 La fréquence de lecture du jeune selon son sexe . . . . . . . . . . . . 206 Tableau 6 Les genres de lecture selon le sexe du jeune. . . . . . . . . . . . . . . . 207 Tableau 7 Portrait des sorties en famille selon le sexe du jeune . . . . . . . . . 208 Tableau 8 Le portrait des principaux loisirs des jeunes selon le sexe . . . . . 209 Tableau 9 Les types d’écrits selon la fréquence de lecture du jeune . . . . . . 211 Tableau 10 Les trois principaux loisirs des jeunes selon leur fréquence de lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212 Tableau 11 Les loisirs du jeune qui lit très souvent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212 Tableau 12 Les loisirs du jeune qui lit assez souvent . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 Tableau 13 Les loisirs du jeune qui lit rarement ou jamais . . . . . . . . . . . . . 213 Tableau 14 La fréquentation de la bibliothèque et l’achat de livres par les parents selon la fréquence de lecture du jeune . . . . . . . . 215 Tableau 15 Les sorties familiales selon la fréquence de lecture des jeunes . . 216 Chapitre 10 Tableau 1 Parallèle entre les profils du sportif, du récalcitrant et du réfractaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 Tableau 2 Parallèle entre les profils de l’active, de la rêveuse et de l’affairée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
xiii
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page xiv
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Liste des graphiques Chapitre 1 Graphique 1 Ventilation des sujets par âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Chapitre 6 Graphique 1 Perception des sujets concernant leur capacité à utiliser un ordinateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 Graphique 2 Comparaison entre les utilisateurs d’ordinateur experts et intermédiaires par rapport à leur perception de leur habileté en lecture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Graphique 3 Comparaison des utilisateurs experts et intermédiaires d’ordinateur par rapport à l’aisance, à la confiance en soi et au plaisir lors d’une tâche de lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 Graphique 4 Comparaison des heures hebdomadaires de lecture des utilisateurs d’ordinateur experts et intermédiaires . . . . . . . . 136
xiv
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 1
Introduction
I
l est devenu courant de dire que les élèves de nos écoles lisent peu et que le plaisir de lire se perd au fil de la scolarité. Nous avons voulu aller voir plus loin que ce constat alarmiste en entreprenant de sonder les adolescents de nos écoles sur les habitudes de lecture et leurs attitudes face à la lecture. Tous les lecteurs nous intéressaient, qu’ils fussent motivés ou réticents, car il importait de mieux les connaître pour mieux intervenir auprès d’eux. Nous ne sommes pas des sociologues de la lecture, mais bien des didacticiens engagés dans un projet subventionné par le Fonds pour la formation de chercheurs et d’aide à la recherche (FCAR) (1999-2003)1. L’enquête que vous lirez n’est que l’un des volets d’une recherche plus vaste portant l’appellation «Devenir compétent en lecture au secondaire » et qui comprend également un programme d’intervention s’étant déroulé sur trois ans. Ce programme consiste essentiellement en projets basés sur la lecture d’œuvres longues ; il utilise des formules pédagogiques novatrices impliquant l’élève dans son apprentissage. On trouvera les détails de l’ensemble du projet sur le site Internet de l’organisme subventionnaire (voir Lebrun 2003 dans la bibliographie). Notre groupe, le LIS (mis pour «Lecture interactive au secondaire»), a touché une vingtaine d’enseignants de trois commissions scolaires du Québec, soit les commissions scolaires Marguerite-Bourgeois et de la Pointe-de-l’Île pour la région de Montréal et celle de l’Énergie pour la Mauricie. Ce sont les élèves de cette vingtaine d’enseignants qui ont répondu à notre questionnaire. Ces enseignants eux-mêmes ont accepté d’être interviewés. Quant aux parents, ce sont ceux d’élèves provenant d’écoles ciblées pour notre projet. Les bibliothécaires travaillent dans les deux premières commissions scolaires mentionnées. Nous ne saurions remercier trop vivement tous ces collaborateurs, qui nous ont fait confiance et nous ont ouvert les portes de leurs écoles, de leurs classes, de leurs bibliothèques. Nous croyons que ce livre intéressera tant les enseignants que les bibliothécaires et les parents. Il donne de nos jeunes un portrait nuancé, d’autant plus que, loin de nous contenter de leur proposer un questionnaire écrit, nous les avons également interrogés. Nous avons appelé à la rescousse les enseignants, les bibliothécaires et les parents, dont on entendra ici les voix, souvent concordantes. Une enquête comme la nôtre demande aux sujets interrogés deux types d’information : soit des informations factuelles et vérifiables (ex. : le nombre d’heures consacrées à la lecture par semaine, les types de livres les mieux aimés), soit des jugements subjectifs sous forme d’opinions ou de représentations (ex.: la définition 1. Nous tenons à remercier le Fonds québécois de recherche société et culture (FQRSC), qui a succédé au FCAR et dont l’aide financière a permis de terminer cette recherche.
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 2
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
d’un bon lecteur). Le type de remémoration sollicité est inhabituellement lourd (ex.: combien de livres lus en un laps de temps donné) et requiert des qualités d’introspection particulières chez le sujet. Cependant, nous avons noté peu de difficulté à répondre, les sujets étant bien encadrés par leurs enseignants. De plus, contrairement à bien des études européennes, nous avons remarqué que les élèves québécois, du moins ceux de notre enquête, sont peu sensibles aux interdits sociaux, notamment sur les types de lecture non légitimés socialement. La franchise et la spontanéité de nos jeunes, même des récalcitrants, nous ont surpris. Afin d’illustrer et d’approfondir le sujet, nous avons joint à l’enquête écrite des analyses plus fines des pratiques de lecture obtenues grâce aux entrevues. Quoi qu’il en soit, nous nous efforcerons de démontrer que des enquêtes de ce type éclairent d’un jour particulier les compétences lectorales particulières des élèves. Le présent ouvrage compte dix chapitres. Dans le premier, Colette Baribeau présente la méthodologie de notre enquête auprès des élèves. Elle précise également, dans le deuxième chapitre, les habitudes de lecture de nos jeunes. Le troisième chapitre, sous la plume de Monique Lebrun, évoque les choix de livres préférés. Dans les chapitres quatre et cinq, Monique Lebrun nous amène également à distinguer la lecture de plaisir et la lecture scolaire. Le sixième chapitre aborde la lecture à l’écran, type particulier de lecture informative, comme le font remarquer Monique Lebrun et Priscilla Boyer, qui parlent également de jeux vidéo. Les deux chapitres qui suivent traitent de l’usage des bibliothèques, tant scolaires que municipales : Monique Lebrun, Flore Gervais et Hélène Lévesque y font ressortir le piètre état des bibliothèques scolaires et la nécessaire collaboration avec les bibliothèques publiques. Marie Nadeau donne la parole aux parents, dans le neuvième chapitre, sur leurs perceptions des lectures de leurs enfants. Enfin, dans le dixième chapitre, Colette Baribeau dessine les divers profils des adolescents lecteurs, tant les garçons que les filles. Une conclusion, sous forme de pistes d’interventions, clôt l’ouvrage. Nous y avons joint en annexe les divers instruments et questionnaires d’enquêtes que nous avons construits, validés et utilisés afin d’obtenir nos données. L’ouvrage se termine par une bibliographie et une liste de documents sur Internet fournissant au lecteur l’ensemble des ouvrages qu’il peut consulter et qui ont soutenu notre réflexion. Nous espérons que le lecteur trouvera dans cet ouvrage réponse aux questions qu’il se pose sur cette pratique culturelle qu’est la lecture chez les adolescents. La lecture fonctionne chez eux entre fonctionnalité et gratuité, tout en jouant un rôle non négligeable dans leurs apprentissages. Nous souhaitons que, à l’issue de cette lecture, les éducateurs, parents, enseignants et bibliothécaires en concluent à l’interpénétration de leurs rôles respectifs. La lecture est à la croisée de l’histoire personnelle de chaque sujet et de l’intervention éducative dont il bénéficie; on doit donc la considérer comme digne de réflexion et tenter d’en appréhender les divers visages chez nos jeunes. 2
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 3
CHAPITRE 1
La méthodologie de la recherche Colette Baribeau
E
n introduction, Monique Lebrun a cerné les contours du contexte général de notre recherche et le type de fonctionnement qui en a permis sa réalisation. Ce premier chapitre présente les instruments que nous avons utilisés pour recueillir nos données. Tout d’abord, nous reviendrons rapidement sur les principales enquêtes qui ont exploré les mêmes dimensions que les nôtres et qui nous permettent de faire un parallèle avec nos résultats, de cerner des ressemblances et des différences ou encore de discuter de l’évolution d’un aspect particulier ayant trait aux attitudes et aux habitudes de lecture des adolescents. Ensuite, nous présenterons plus en détail le premier instrument, à savoir le questionnaire d’enquête (que l’on retrouvera intégralement à l’annexe 1), pour terminer par la présentation du second, les entretiens du groupe de discussion. Il ne sera pas question dans ce chapitre des instruments particuliers utilisés à des fins de compléments d’enquête. On les retrouvera dans d’autres chapitres. Ainsi, le chapitre 8 aborde le point de vue des éducateurs sur la bibliothèque scolaire et présente les résultats d’un questionnaire d’enquête que l’on retrouvera à l’annexe 2. Le chapitre 9, qui traite du point de vue des parents sur les lectures des adolescents, est basé sur les résultats d’un questionnaire séparé, qui est présenté à l’annexe 3. Les deux chapitres en question contiennent un développement sur leur méthodologie auquel nous renvoyons le lecteur.
Les recherches antérieures Déjà, au Québec, en 1980, les travaux de Héon avaient permis de délimiter les contours généraux des habitudes de lecture des jeunes québécois de 10 à 12 ans. L’enquête de Hould (1980) a cerné le profil général de l’élève québécois du secondaire quant à ses habitudes de lecture et attitudes face à la lecture. Celle du ministère de l’Éducation du Québec (1994a et b) a permis d’établir une comparaison entre le Québec et la France quant à la compétence et aux pratiques de lecture des élèves à la fin des études au primaire et au début du secondaire. En France, Robine (1989) trace les grands contours de l’évolution de la lecture d’après les enquêtes françaises (1960-1987). Par la suite, plusieurs enquêtes ont permis de connaître les lectures des adolescents (De Singly, 1989) et de tracer le profil du jeune lectorat entre 14 ans et 17 ans (Baudelot, Cartier et Detrez, 1999). 3
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 4
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Une enquête standardisée comparative (voir W.B. Elley, 1992 pour les comparaisons entre pays, Lafontaine, 1996, pour certaines comparaisons entre pays francophones et pour la Belgique et Parent, Lebrun et al. 1994, pour le Québec) a été menée au début de la décennie 1990 sur la compréhension en lecture des élèves de 14-15 ans dans 32 systèmes scolaires sous l’égide de l’International Association for the Evaluation of Educational Achievement (AEEA). Cette ambitieuse enquête portait tant sur les intérêts que sur les rendements réels en lecture, contrairement à la nôtre, qui ne porte que sur le volet intérêt et pratiques, tout comme les enquêtes québécoises antérieures. L’instrument a été construit par l’IEA (International Educational Assessment) et traduit à l’international, tant pour les 9 ans que pour les 14 ans. Se basant sur l’étude de Guthrie et Siefert (1984 dans Guthrie, Alao et Rinehart, 1997), l’instrument d’enquête tient compte de quatre dimensions: médias et livres lus, contenu (sujets et genres de livres), volume (fréquence et durée des pratiques de lecture) et usage (raisons pour lire). Il comporte 84 questions au secondaire (55 au primaire) et son temps de passation est de 75 minutes. De nombreuses études américaines ont été menées dans le domaine. Mentionnons les plus récentes. Celle de Guthrie, Schafer, Wang et Afflerbach (1995) a examiné les liens entre l’enseignement de la lecture et la somme et la variété des lectures des élèves en tenant compte de facteurs sociaux, cognitifs et familiaux. Les travaux de Smith et de Wilhelm (2002), subventionnés par la Fondation Spencer, explorent la place de la lecture chez les jeunes hommes dont certains éprouvent de sérieuses difficultés. Worthy et McKool (1996) s’étaient déjà intéressés aux récalcitrants et à leur milieu éducatif. D’autres enquêtes, plus partielles, portant sur des dimensions plus restreintes de la lecture ont été menées et nous en ferons état de façon ponctuelle au fil des thématiques présentées dans les chapitres. Il est donc permis de constater que le domaine a été relativement bien exploré et que nous pouvons, prenant en compte certaines considérations, reprendre cette voie et enquêter à nouveau sur le terrain. Tout d’abord, au primaire, et également au secondaire, au Québec, les pratiques scolaires ont, au cours des années 1990, sensiblement évolué et un effort soutenu a été consenti pour offrir une littérature pour la jeunesse ; la production s’est accrue et s’est diversifiée. Ces deux variables sont susceptibles de modifier les attitudes et les habitudes de lecture des jeunes présentement au secondaire. De plus, il est difficile de mettre en relation ces nombreuses enquêtes fondées certes sur des échantillons représentatifs, mais dont les visées sont sensiblement différentes ; ceci nous permet difficilement d’obtenir un portrait actuel des habitudes et des attitudes en lecture des adolescents québécois d’aujourd’hui et de faire les choix stratégiques qui s’imposent pour soutenir et améliorer les pratiques de lecture scolaire et de lecture de plaisir. Il convient aussi de mentionner que le contexte médiatique s’est substantiellement modifié : la
4
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 5
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
télévision, qui occupait déjà une place importante dans les loisirs des jeunes, la partage maintenant avec Internet et les jeux vidéo.
Nos objectifs De façon globale, la visée de notre groupe de recherche (le groupe LIS) consistait à dresser un portrait de l’adolescent lecteur du secondaire ainsi que des pratiques scolaires qui soutiennent l’apprentissage de la lecture. Tout en explorant des composantes analogues à celles des enquêtes précédentes, afin de pouvoir comparer les résultats obtenus, nous y avons ajouté la composante des pratiques scolaires. Que pense le jeune adolescent de ce que lui propose son enseignant pour faire de lui un lecteur «à vie»? De quelles façons perçoit-il les romans dont on lui impose la lecture? Qu’est-ce qui l’accroche dans ces romans ? Les habitudes de fréquentation de la bibliothèque scolaire et de la bibliothèque municipale se sont-elles modifiées ? Comment Internet affecte-t-il ses pratiques de recherche d’information ? Le didacticien de la lecture trouve un intérêt à dresser un portrait, car ces statistiques deviennent parlantes et permettent de faire des propositions pédagogiques. Notre objectif global se ramifie en six grands volets: • cerner les habitudes de lecture scolaire des jeunes; • décrire leurs habitudes de lecture de plaisir (extra-scolaire); • analyser leurs choix de livres préférés; • décrire la fréquentation de la bibliothèque scolaire et de la bibliothèque publique par les jeunes; • analyser les nouvelles pratiques de lecture à l’écran; • tracer des profils d’adolescents lecteurs. Ces objectifs de recherche nous ont amenées à recourir à deux outils de collecte de données auprès des jeunes, pour atteindre nos visées : une enquête, de forme canonique, et des entretiens de groupes de discussion avec les élèves et les parents. En effet, après une première compilation des résultats de l’enquête, certaines données nous paraissaient requérir un supplément d’information. Mentionnons de plus que, bien que l’analyse des données permette de distinguer globalement les réponses des garçons de celles des filles, nous voulions nous pencher avec plus d’attention sur le lectorat masculin. L’entretien en groupe de discussion (ou focus group) est une technique peu utilisée dans les enquêtes en lecture. Toutefois, les résultats intéressants obtenus concernant d’autres champs disciplinaires nous ont poussées à retenir cette avenue.
5
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 6
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Précisions sur l’échantillonnage Nous tenons d’entrée de jeu à préciser que l’enquête que nous décrirons ici n’était que le premier volet d’une recherche beaucoup plus vaste comportant surtout des interventions en classe dans le désir de rendre l’élève plus compétent dans la lecture d’œuvres littéraires complètes. En ce sens, les élèves qui font l’objet de l’enquête sont ceux des enseignants qui ont accepté de travailler avec notre équipe et qui étaient déjà eux-mêmes ouverts aux innovations pédagogiques. Cependant, même si nous ne retrouvons pas ici un échantillon stratifié au sens strict du terme, nous pouvons dire que les écoles avec lesquelles nous avons travaillé offrent un échantillon varié des milieux socioéconomiques (indices de défavorisation) et des catégories socioprofessionnelles des parents. Le ministère de l’Éducation du Québec utilise un indice global de défavorisation basé sur l’indice de milieu socioéconomique. Cet indice est basé sur la sous-scolarisation des mères, l’inactivité économique des parents et le revenu familial, des variables ayant une influence significative sur la réussite scolaire. Voici le portrait pour les régions concernées par l’enquête LIS-élèves. TABLEAU 1 Données socioéconomiques selon les régions concernées par la recherche Répartition des unités territoriales des rangs déciles 9 et 10 selon l’indice* Unités de rangs déciles 9 ou 10 Nombre total en fonction en fonction des unités de l’indice de l’indice de faible revenu de milieu socioéconomique RMR DE MONTRÉAL CS de la Pointe-de-l’Île CS Marguerite-Bourgeois Région de la Mauricie ENSEMBLE DU QUÉBEC
51 106 53 1 445
30 34 11 287
13 11 16 287
* Ministère de l’Éducation (2003). Bulletin statistique de l’éducation. La carte de la population scolaire et les indices de défavorisation, no 26 (mars). Document accessible en ligne à l’adresse URL http://www.meq.gouv.qc.ca. Il convient d’ajouter que le MEQ, à la suite d’analyses statistiques, a établi un nouvel indice (IMSE) permettant le classement des unités et des écoles. Les résultats des analyses indiquent que les variables explicatives les plus fortes (96,3 %) sont la sous-scolarisation de la mère et l’inactivité des parents. La part de l’indice relatif au seuil de faible revenu est marginale (3,7 %) à l’explication de la non-réussite scolaire.
L’indice de défavorisation par école est obtenu en calculant la moyenne pondérée des indices relatifs aux élèves qui fréquentent l’école. Les écoles, au même titre que les unités, sont ensuite classées par rang décile. Les unités et les écoles de rangs déciles 9 et 10 correspondent aux unités et aux écoles les plus défavorisées. 6
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 7
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
On peut donc lire qu’en ce qui concerne la commission scolaire de la Pointe-del’Île pour laquelle 51 unités sont comptabilisées, 30 sont considérées comme défavorisées en fonction de l’indice relatif au seuil de faible revenu (SRF) et 13 si l’on considère l’indice relatif au seuil de milieu socioéconomique (IMSE). On peut constater qu’en ce qui a trait à l’indice relatif au seuil de faible revenu les écoles concernées par l’enquête se situent en dessous de l’indice québécois ; en ce qui a trait à l’indice relatif au seuil de milieu socioéconomique, le portrait est similaire à l’ensemble de la province. Puisque seul cet indice est dorénavant retenu par le MEQ, on peut dire que notre échantillon est représentatif de l’ensemble du Québec. Le tableau 2 présente, pour les écoles concernées par l’enquête, les données socioéconomiques. TABLEAU 2 Données socioéconomiques selon les écoles concernées par la recherche Nom de l’école
Indice seuil de faible revenu (%)
Rang décile (SFR)
Indice mère Rang sans diplôme décile et parents (IMSE) inactifs (%)
C.S. Marguerite-Bourgeois École PGL d’Outremont École Pierre-Laporte École sec. Cav.-de-la-Salle École sec. Félix-Leclerc École sec. Saint-Georges École Saint-Germain
39,23 9 36,88 9 39,44 9 13,56 1 19,39 4 données non disponibles
18,91 20,53 25,34 9,12 11,81
3 4 6 1 1
C.S. de la Pointe-de-l’Île École sec. Daniel-Johnson École sec. Antoine-de-St-Exupéry École secondaire Jean-Grou
29,62 43,50 32,82
8 10 9
26,48 28,30 25,97
7 8 6
C.S. de l’Énergie École sec. Val-Mauricie
24,00
7
27,71
8
On pourrait avancer, pour tracer un portrait rapide, que cinq écoles, si l’on considère l’indice de seuil de faible revenu (SFR), peuvent être considérées comme de milieux défavorisés (rangs déciles 9 et 10) mais qu’aucune ne l’est si l’on prend en compte les seuils de l’indice IMSE (indice de milieu socio-économique où la mère est sans diplôme et les parents inactifs). Trois écoles peuvent être considérées, en combinant les deux indices, comme présentant des seuils relativement élevés de défavorisation (Antoine-de-St-Exupéry SFR 10, IMSE 8; Cavelier-de-la-Salle SFR 9, IMSE 6; Jean-Grou SFR 9, IMSE 6). 7
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 8
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les écoles se répartissent approximativement en trois blocs selon les seuils de l’indice IMSE maintenant retenu à des fins de classement par le MEQ. Quatre présentent un profil d’école de milieu favorisé (indice 1, 3 et 4), deux présentent certains indices de défavorisation (rang décile 6), deux où les seuils de l’indice IMSE (7 et 8) excluent les écoles en matière de défavorisation, en dépit d’un seuil d’indice SFR élevé. Suivant l’application de cet indice, aucune des écoles ne peut être considérée comme défavorisée.
Le questionnaire d’enquête Notre questionnaire adressé aux élèves (appelé plus loin LIS-élèves) est intitulé Devenir compétent en lecture au secondaire, questionnaire sur les profils de lecteur au secondaire; il comporte 66 questions explorant quatre grands domaines: l’environnement socioculturel de l’élève, ses intérêts de lecture et ses habitudes comme lecteur, la place des bibliothèques dans sa vie de lecteur, sa perception des pratiques scolaires quant à la lecture. Les réponses se présentent soit comme des choix multiples exclusifs, soit comme une liste d’énoncés parmi lesquels un ou deux éléments peuvent être sélectionnés. Nous avons aussi une série d’énoncés sous forme de «oui» ou «non». Une question est ouverte (lectures faites en classe) et quelques questions à choix multiples comportent une case ouverte où une autre réponse peut être fournie. Cette enquête se présente néanmoins selon un modèle, rappelons-le, canonique, que nous avons en grande partie reproduit des études antérieures, en considérant l’intérêt manifeste de pouvoir discerner l’évolution de la situation et d’établir des comparaisons afin de distinguer l’émergence de nouvelles tendances ou le maintien de caractéristiques répertoriées.
Principales composantes du questionnaire En premier lieu, des précisions sociodémographiques sont demandées ; elles concernent l’âge, le sexe et le contexte socioculturel de l’adolescent ou de l’adolescente. Suivent une série de choix multiples, sur ses intérêts pour la lecture et ceux des membres de sa famille. Une dizaine de questions portent sur la fréquentation des bibliothèques publiques ou des librairies. Une vingtaine de questions touchent ses habitudes et ses attitudes face à la lecture et une plus particulièrement sur les stéréotypes; ce groupe de questions explore à la fois le livre sur support papier et les lectures faites à partir de support informatique (cédérom ou Internet). À la fin, cinq questions s’intéressent à la perception des jeunes sur les pratiques de lecture en classe.
8
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 9
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
Échantillon L’enquête s’est déroulée dans deux régions du Québec, soit la région montréalaise et la région de la Mauricie. En tout, 1737 élèves ont rempli le questionnaire; 40% sont en 1re secondaire, 33 % en 2e, 14 % en 3e et 13 % en 4e secondaire. Les filles représentent 53 % des répondants et les garçons 47%. Seuls quelques-uns (0,17%) n’ont pas répondu à cette question. Ils se répartissent semblablement dans les deux régions (Mauricie: filles 55% et garçons 44%; région montréalaise: filles 50% et garçons 49%). Les élèves se répartissent ainsi entre Montréal et la région de la Mauricie. TABLEAU 3 Répartition des élèves selon les niveaux Mauricie Montréal Total
1re sec. 296 (42,53 %) 400 (38,42 %) 696 (40,07 %)
2e sec. 310 (44,54 %) 263 (25,26 %) 573 (32,99 %)
3e sec. 4e sec. 89 (12,79 %) 0 152 (14,6 %) 226 (13,01 %) 241 (13,87 %) 226 (13,01 %)
Notre échantillon n’a pas été établi en regard des exigences de l’échantillon de type systématique par grappe, stratifié proportionnellement. Nos sujets ont été choisis dans les écoles où l’ensemble de la recherche (comportant également un plan d’intervention en lecture) allait se dérouler et notre stratégie fut établie en fonction des objectifs à atteindre, à savoir dresser le portrait d’un jeune lecteur du secondaire. Notre échantillon nous assure aussi que la région de Montréal et celle de la Mauricie sont proportionnellement couvertes, bien qu’en Mauricie nous n’ayons pas passé le questionnaire aux élèves de la quatrième année du secondaire. Ce niveau en était à sa première année d’implantation d’un nouveau matériel didactique; en 5e secondaire dans les écoles concernées, les enseignants se sont dits peu intéressés; d’autres implantaient un nouveau matériel didactique. Le nombre total d’élèves au secondaire, lors des épreuves uniques de juin 2001, était de 380546 élèves. Nous pouvons dire que notre échantillon représente 4,5% de la population totale des jeunes Québécois étudiant au secondaire dans les niveaux concernés. L’âge de nos répondants se répartit selon une distribution normale pour l’ordre secondaire.
9
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 10
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 4 Répartition des élèves selon l’âge Population entière
11-12 ans 364 20,96 %
13 ans 547 31,49 %
14 ans 396 22,8 %
15 ans 307 17,67 %
16 ans 17 ans et + 95 1 5,47 % 0,06 %
GRAPHIQUE 1 Ventilation des sujets par âge 17 ans et + 0,06 % 16 ans 5,47 %
11-12 ans 20,96 %
15 ans 17,67 % 14 ans 22,8 %
13 ans 31,49 %
Voyons plus en détail la répartition de l’échantillon selon le sexe. Dans notre enquête, les filles représentent 52,79 % des répondants et les garçons 47,04 % (trois personnes n’ont pas répondu à cette question). Ils se répartissent semblablement dans les deux régions (Mauricie: filles 55,6% et garçons 44,25%; région montréalaise: filles 50,91% et garçons 48,90%). Si l’on considère chaque niveau, il y a un nombre équivalent de garçons et de filles. Quant à la proportion garçons/filles, si l’on considère les taux de diplomation pour l’année 2001 où sont distingués les sexes, on retrouve 53,3% pour les garçons (pour 47% dans notre étude) ayant obtenu leur diplôme et 69,3% pour les filles (pour 53% dans notre étude) ayant obtenu leur diplôme, pour un total de 61,1% de diplomation des élèves pour l’année scolaire 2001, soit des proportions relativement semblables. Si l’on considère les régions, on remarque qu’en Mauricie 44% de garçons et 55 % de filles ont participé à l’enquête et, à la diplomation, pour la commission scolaire de l’Énergie, ce sont 43,1 % de garçons et 64,9 % de filles, soit une surreprésentation pour les filles. Pour la région de Montréal, notre étude a regroupé 49% de garçons et 50% de filles alors que, à la diplomation, on retrouve dans la commission scolaire Marguerite-Bourgeois 52% de garçons et 66,5% de filles et,
10
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 11
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
dans la commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, 37,8 % de garçons et 53,1 % de filles (soit une moyenne de 44,9% de garçons et 59,8% de filles), soit une légère sous-représentation des garçons et sur-représentation des filles de presque 10%. Le lecteur retrouvera, à la fin de cette partie, des précisions sur le contexte familial et socioculturel des jeunes qui ont répondu à notre enquête. Comparons notre échantillon à ceux d’autres recherches similaires auxquelles nous ferons fréquemment référence dans la comparaison de nos résultats de recherche avec ceux qui ont été obtenus par d’autres recherches analogues. Hould (1980) a testé 1687 répondants de toutes les régions du Québec, inscrits dans dans toutes les classes du secondaire, avec un taux de réponse de 87,83 % (grappes) ou de 95% (individus). Ce taux de réponse est considéré comme presque parfait. Le profil de la population selon le sexe, était de 50,2% de garçons et 49,3% de filles. L’écart avec notre étude est légèrement déséquilibré puisque, dans notre enquête, les filles représentent 53% de la population. Il faut considérer que Hould avait inclus le secteur professionnel dans son étude alors que notre enquête n’a pas considéré les élèves de ce secteur. Dans son enquête de 1994 concernant la lecture chez les jeunes du secondaire, le MEQ avait rejoint 5 843 élèves et la proportion des filles qui ont répondu est presque identique (50,3%) à celle des garçons (49,7%). Nous remarquons que la représentation des garçons est légèrement supérieure à celle de notre enquête (47%) et celle des filles, inférieure de 4,7 %. Cette enquête a été menée dans des écoles publiques (35) et privées (8), soit 43 écoles sur une possibilité de 45. Nous constatons donc que le nombre de répondants et d’écoles est largement supérieur au nôtre et que des écoles privées ont été considérées. Il nous semble toutefois que, pour le Québec, d’intéressantes comparaisons peuvent être faites à partir des données recueillies par Hould en 1980 et par le MEQ en 1994, dans la mesure où nous considérons les paramètres qui ont présidé à notre enquête. L’enquête de l’International Educational Assessment (IEA) (voir Elley, 1992) portait sur la compréhension en lecture auprès de deux populations cibles dont l’une était les jeunes de 14-15 ans (soit l’année d’étude où se retrouvent la majorité des élèves de 14 ans) dans 32 systèmes scolaires. La sélection des élèves est donc fondée sur l’année d’étude et non sur l’âge, la visée de l’enquête étant la comparaison des systèmes éducatifs. Il est mentionné (Lafontaine, 1996 : 28) qu’a posteriori la représentativité des échantillons a été vérifiée en comparant «certaines caractéristiques de l’échantillon d’élèves testés avec celles de la population qui sont connues grâce aux statistiques disponibles»; ces contrôles vont de «rigoureusement représentatifs» à « satisfaisants ». Des précisions et des nuances sont donc données pour chaque résultat présenté. Les filles représentaient 48 % de l’échantillon et les garçons 52%, 11
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 12
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
différence repérée dans toutes les enquêtes, mais en faveur des filles (proportion quasi à l’inverse de celle de notre enquête). Toutefois, un test de significativité a été appliqué aux résultats obtenus afin de «déterminer si les scores globaux des filles et des garçons différaient significativement» (Lafontaine, 1996, p. 111). Ceci nous autorise donc à établir avec circonspection, tout comme l’ont fait les chercheurs à l’intérieur de leur enquête, certains parallèles entre nos résultats et ceux qui ont été obtenus par l’IEA. Les élèves choisis pour le Québec étaient rattachés à la commission scolaire de la Commission des écoles catholiques de Montréal (5 écoles) et à la commission scolaire Jérôme-Le Royer (2 écoles) en fonction de la densité des élèves allophones ; ces derniers étaient représentatifs à 29,6 %. En tout, 365 élèves ont été rejoints au secondaire. La représentation des sexes était égale. En France, l’enquête de De Singly a permis de connaître les jeunes de 12 ans en ce qui a trait à leur «histoire sociale de la passion de lire» (De Singly, 1989, 6); 1066 jeunes âgés de 12 ans ont été interrogés, ainsi que leurs mères, par la passation de deux questionnaires. « L’échantillon de cette enquête, nous dit De Singly, ne correspond pas à l’échantillon standard, représentatif de la population française. Il a été construit en référence à une conception de l’identité sociale des jeunes adolescents, comprenant trois dimensions, susceptible a priori d’influer fortement sur l’accès à la lecture» (ibid., p. 7): leur milieu social, leur âge, leur sexe. Ce chercheur a privilégié une certaine égalité numérique entre les groupes sociaux, ce qui ne correspond pas à la réalité française, quoique les personnes interrogées soient représentatives de leur milieu ; mais cette décision sert une des orientations de l’enquête, à savoir de comprendre les relations entre le rapport à l’école et la pratique de lecture. À cet effet, le profil social, variable de base, est utilisé de façon quasi permanente (milieu populaire, moyen ou supérieur) dans la présentation de tous les résultats, ce qui nous suggère certaines réserves dans la comparaison entre les résultats de cette enquête et les nôtres. L’enquête longitudinale de Baudelot, Cartier et Detrez sur le profil du jeune lectorat entre 14 ans et 17 ans s’est effectuée auprès de 1 200 adolescents inscrits dans des académies. « Parmi eux, une parité quasi parfaite sous le rapport du sexe (599 garçons et 601 filles)» (Baudelot, Cartier et Detrez, 1999, p. 29) et une bonne représentation de tous les milieux sociaux (on avait demandé le métier du père). La déperdition des sujets a constitué l’écueil principal de cette étude longitudinale et les auteurs soulignent avec justesse que les résultats ont tendance « à légèrement surestimer les pratiques de lecture, cette tendance s’accusant au fil du temps» (ibid., p. 30). Sur les 1200 élèves constituant l’échantillon théorique, 75% ont répondu les ans 1 et 2, 67 %, les ans 1, 2 et 3 et 59 % les ans 1, 2, 3 et 4 (soit un total de 704 répondants). En chiffres absolus, an 1: N=1018; an 2: N=969; an 3: N=954, an 4 : N=894). La proportion garçons/filles du 59 % n’est pas fournie. Il n’en demeure pas moins que les résultats peuvent être comparés à ceux que nous avons 12
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 13
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
obtenus. Cette enquête se double d’une série d’entretiens en profondeur qui ont été réalisés auprès de 26 élèves qui avaient répondu au fil des quatre années de l’étude; comme ils ont été interrogés à la cinquième année, sur la façon dont leur scolarité secondaire avait ou non modifié leur rapport à la lecture, les propos recueillis nous permettront de comparer les perceptions des jeunes Français avec celles des adolescents québécois.
Procédure de validation et de passation Préparation des élèves Un survol de la première version du questionnaire avec les enseignantes engagées dans le projet nous a amenées à considérer le fait que la passation devait être encadrée et préparée. En effet, plusieurs renseignements pouvaient être inconnus des élèves et les conduire à fournir des réponses erronées. Or, ce que nous désirions, particulièrement au niveau du contexte socioculturel, c’était de recueillir des informations justes. Donnons un exemple à partir de la cinquième question: D’après toi, ta mère (tu peux cocher plusieurs cases) ❏ n’a pas terminé son secondaire; ❏ a terminé son secondaire; ❏ est allée au cégep; ❏ est allée à l’université; ❏ a eu une autre formation. Précise: ❏ je ne sais pas quelle formation elle a eue. Lors du pré-test et de la passation finale, les enseignantes ont donc précisé aux élèves les questions pour lesquelles ils devaient, s’ils avaient des doutes, demander des renseignements à leurs parents. Pensons entre autres au nombre de livres à la maison ou aux revues. Les enseignantes nous ont aussi fait remarquer que certains élèves pouvaient ne jamais voir leurs parents lire, ce qui ne signifiait pas que ces derniers ne lisaient pas. Cette distinction pourrait expliquer certaines différences entre nos résultats et ceux des enquêtes précédentes, telle celle du MEQ (1994a, 12) qui représentait davantage, à ce chapitre, la perception que les élèves avaient de cette situation. Nous avons condensé, dans un guide de passation, l’ensemble des précautions à prendre afin de préparer les élèves à cette passation.
13
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 14
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Validation du questionnaire et conditions de passation 1 Une première version a été rédigée par nous et validée en 1999 de diverses façons. Nous l’avons tout d’abord discutée avec les collègues2 de l’équipe engagés dans la recherche. Ceux-ci nous ont fait des commentaires pertinents. Citons pour mémoire la formulation de certaines questions ayant trait aux jeux vidéo et à l’usage d’Internet. Nous avons fait passer une version très préliminaire de notre questionnaire à quelques adolescents de notre entourage et avons conclu, après modifications, que nous pouvions le présenter aux enseignants du projet. Ces derniers firent quelques commentaires, mais, dans l’ensemble, le tout leur paraissait adéquat. La pré-expérimentation a eu lieu à la fin de l’année scolaire 1999-2000 auprès d’un échantillon représentatif de 326 sujets, de la première à la quatrième secondaire, fourni par les enseignants inscrits dans le projet LIS. Il s’agissait en l’occurrence d’une population bien échantillonnée (deux classes de la Mauricie et cinq classes de Montréal, de diverses années scolaires). Les résultats ont été analysés au cours de l’été 2000 et ont été remis aux enseignants pour qu’ils en estiment la représentativité générale (Est-ce que ce profil qui se dégage des réponses par les élèves de vos classes est globalement conforme à ce que vous connaissez de votre milieu de travail? Y at-il des réponses qui vous laissent songeurs ? Y a-t-il des éléments qui semblent incongrus?). Ce travail a permis de modifier le questionnaire d’enquête initial qui s’est révélé, somme toute, assez adéquat. Seules quelques questions ont été reformulées, surtout dirions-nous simplifiées, en tenant aussi compte des réponses des élèves au pré-test. Un certain nombre de réponses comportaient des données manquantes. Nous les avons donc revues et révisées. Dans certains cas, une case indiquant ne s’applique pas a été ajoutée (par exemple, lorsqu’il était demandé des précisions concernant la mère, alors que celleci était décédée). Des ajouts ont été faits dans les choix de réponses (par exemple, concernant les personnes avec lesquelles l’élève vit). La collecte des données Les élèves ont rempli le questionnaire en octobre de l’année scolaire 2000-2001. Bien que nous pensions que les élèves auraient préféré que le questionnaire leur soit lu, il s’est avéré que les groupes ont plutôt choisi de le lire d’eux-mêmes. Chaque élève était assuré de la confidentialité de ses réponses ; un numéro fut attribué à chaque sujet ainsi qu’un sigle permettant de distinguer les groupes et leur 1. Tous nos remerciements à Isabelle Roux, étudiante à la maîtrise en éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières qui a assumé la validation du questionnaire ainsi que le traitement des données. 2. Il s’agissait de Gilles Fortier, Flore Gervais, Lucie Godard, Hélène Guy, Élisabeth Mainguy, Marie Nadeau, Ginette Plessis-Bélair, Clémence Préfontaine et Noëlle Sorin.
14
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 15
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
appartenance. Une quarantaine de minutes ont été nécessaires pour que le questionnaire soit rempli et ceci a été effectué durant une période de classe. Les résultats furent analysés au cours de l’hiver 2001 et remis aux enseignants à l’automne de la même année.
Traitement et analyse des données Les données ont été traitées à l’aide du logiciel SPSS. La plupart des questions sont présentées par tableaux statistiques exprimant la distribution des réponses pour chaque question selon quatre paramètres : la réponse globale, la réponse selon le sexe, la réponse selon le milieu (Montréal ou Mauricie) et la réponse selon le niveau (1re, 2e, 3e ou 4e secondaire). L’analyse des données a été faite selon ces quatre paramètres, dans la mesure où ils étaient significatifs d’une différence.
Environnement familial et socioculturel du jeune Situation familiale Majoritairement, ces élèves vivent avec leurs deux parents (62,12%; ce pourcentage monte à 83% si l’on considère la famille reconstituée) alors que 11,74% vivent avec leur mère seulement ou avec leur mère et son conjoint. Cette situation est identique, que l’on soit en région montréalaise ou mauricienne.
Scolarité des parents Plus de 60 % des parents ont une scolarité postsecondaire ; toutefois, environ 280 mères et 260 pères n’ont pas terminé leur secondaire. La formation des parents de la région montréalaise est un peu plus élevée (soit environ 15 %) en ce qui concerne la fréquentation de l’université que celle des parents de la région mauricienne.
Langue d’usage à la maison Pour 67% des élèves, le français est la langue toujours utilisée à la maison. Dans la région mauricienne, 96 % utilisent toujours ou presque toujours le français. À Montréal, 58% de la population dit toujours parler le français à la maison et ce pourcentage monte à 80% si l’on additionne les presque toujours; donc une différence de 16% entre la région mauricienne et la région montréalaise. Cinq pour cent des élèves ne parlent presque jamais ou jamais le français à la maison.
15
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 16
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Langue d’usage en lecture Nous avons demandé aux jeunes des renseignements quant à la langue utilisée pour la lecture en dehors de la salle de classe. Un fait est intéressant: alors qu’en Mauricie 81,9 % utilisent toujours ou presque toujours le français et 16 % moitié anglais moitié français, à Montréal, 68% lisent surtout en français et 5% surtout en anglais; parmi ceux qui lisent moitié en français et moitié en anglais, on y retrouve 22% de la population adolescente. On s’aperçoit donc que la langue parlée à la maison est largement le français alors que les jeunes lisent aussi dans une autre langue, celle qui est mentionnée étant majoritairement l’anglais. L’italien et l’espagnol sont les deux autres langues mentionnées pour la lecture.
Projet de scolarisation Presque 60% des élèves envisagent de faire des études à l’université et 15% désirent s’arrêter après leur cégep. Les proportions sont identiques quelle que soit la région ou le niveau. On peut donc y discerner la manifestation d’un intérêt pour les études; à peine 200 élèves songent à quitter l’école à 16 ans.
Environnement physique à la maison À la maison, la grande majorité des élèves disposent de leur propre chambre (88,42%) et ils ont leurs propres livres (90,2%) et leur baladeur (84,23%); 52% ont leur propre télévision, 74% des maisons disposent d’un ordinateur et 82,56% des jeunes ont accès à des jeux vidéo à la maison. On ne note aucune différence significative entre les deux régions.
Présence de l’écrit à la maison Les livres sont présents dans la maison: bien que 21% des foyers disposent de moins de 50 livres, 44% ont entre 50 et 200 livres, 19% entre 200 et 500 et 11% plus de 500. Ces livres, ce sont majoritairement des romans (93 %), des livres documentaires (91 %) et des dictionnaires (95 %), mais ils semblent partiellement consultés (40% de oui, 40% de non). Par ailleurs, 32% des adolescents disposent personnellement de moins de 50 livres, 47% en ont une cinquantaine, 19% une centaine et plus. Soixante pour cent des foyers où vivent les adolescents ne sont pas abonnés à une revue, et, lorsqu’ils le sont (40 %), seulement 23 % des jeunes en lisent des parties; 30% des adolescents sont personnellement abonnés à une revue. De plus, 61% des adolescents sont déjà entrés dans une librairie pour acheter un livre et 68% aiment y flâner dans la section livres et revues d’un magasin.
16
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 17
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
À la maison, les journaux retiennent l’attention des adolescents ; ils disent à 94,5% en lire des parties. Pour les revues, le pourcentage est moindre (65,5%). Les garçons sont plus attirés par les quotidiens et les filles, par les revues. Les mères lisent (92%) surtout des revues et des magazines (80%), des livres (82%) et, en proportion un peu moindre (72%), des journaux. Les pères lisent (78%) surtout des journaux (78%) et 56% d’entre eux lisent des revues, des magazines ou des livres. Il semble que les membres de la famille (67 % de « peu » et de « jamais ») s’informent peu de ce que les jeunes lisent. L’intérêt des adolescents pour les lectures de leurs deux parents se répartit de façon semblable (57 % de « non » et 27 % de «oui»). Ils s’intéressent un peu plus aux lectures de leur fratrie (40% de «oui») et plus à celles de leurs amis de l’école (63%) et en dehors de l’école (58%).
Vision de l’école Questionnés par rapport à leur perception de l’école, les jeunes avaient un choix de sept réponses. Nous voulions ainsi savoir s’ils aimaient l’école et le type d’apprentissage qu’ils estimaient y faire. Dix pour cent des jeunes affirment vraiment aimer aller à l’école, alors que 48,13 % sont « plutôt d’accord avec cet énoncé » ; une proportion de 41,28% adopte un point de vue opposé. Parmi les élèves, 91,65% («tout à fait d’accord» et «plutôt d’accord») affirment que les enseignants les aident à faire de leur mieux, la proportion d’élèves «tout à fait d’accord» étant supérieure de 13% en région mauricienne; 93% ne se sentent pas seuls à l’école («tout à fait d’accord» et «plutôt d’accord»), 66% disent y apprendre beaucoup sur eux-mêmes et 88% y apprennent par eux-mêmes et en apprennent beaucoup sur les autres. Un pourcentage moins élevé (69%) y apprend beaucoup par les autres. En résumé, nous pouvons dire que les jeunes qui ont participé à notre enquête vivent en majorité avec leurs deux parents qui ont fait des études postsecondaires; ils parlent français à la maison et lisent le plus souvent en français. Ils envisagent de faire des études universitaires. Ils jouissent d’un environnement physique confortable; l’écrit y est présent, mais est souvent peu exploité. Les parents lisent, mais les membres de la famille s’intéressent peu à leurs lectures réciproques. La fréquentation des bibliothèques scolaires ou publiques ne semble pas une pratique courante. Le livre est moins consulté que l’écran, du moins pour l’information ponctuelle. Sous plusieurs aspects, les comportements des jeunes devant un livre et devant l’ordinateur se ressemblent: ni rejet ni emballement; quelques soubresauts d’intérêt. Ils recourent peu aux livres lorsqu’ils cherchent de l’information; ils préfèrent chercher sur Internet, demander aux amis ou à l’enseignant. On peut distinguer une facette intéressante de l’école: pour le jeune, l’école constitue un environnement social stimulant où les interactions humaines lui permettent d’apprendre. Le jeune aime s’y retrouver et apprécie le soutien que l’enseignant lui accorde. 17
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 18
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les entretiens de groupes de discussion Comme nous l’avons précisé plus haut, un deuxième instrument a été utilisé pour connaître avec plus de détails les attitudes et les habitudes de lecture des adolescents. Les jeunes que nous avons rencontrés en entretiens lors de groupes de discussion avaient signifié, sur le questionnaire d’enquête, leur intérêt à nous rencontrer, leur volonté de poursuivre avec nous leur collaboration. Des précisions seront données quant à la constitution des groupes et au fonctionnement que nous avons privilégiés. Commençons tout d’abord par un rapide survol décrivant l’instrument lui-même et son utilité en recherche.
Les entretiens en groupes de discussion et la recherche L’entretien en groupes de discussion (ou focus group) est un instrument de collecte de données largement utilisé en marketing. On peut succinctement le définir comme une méthode de collecte de données en recherche où un groupe, dirigé par un chercheur, est actif dans une construction ou une négociation de sens. Créée en 1940 par Lazarfeld, cette méthode a été largement utilisée aux États-Unis pour étudier tout d’abord l’effet de la publicité de guerre sur les citoyens américains. C’est Merton, collègue de Lazarfeld, qui a, vers les années 1954, donné le nom de focus group, car, soutenait-il, cette méthode permettait de centrer la discussion sur un matériel servant de stimulus (focus the discussion on a stimuli materiel; il faut comprendre ici un film, une publicité ou un programme). Puis, la méthode est tombée en désuétude; les chercheurs s’y sont intéressés à nouveau autour des années 1970, marquées par une uniformisation des pratiques (Morrison, 1998). Quittant le domaine du marketing, la méthode a été utilisée par des organismes de développement international actifs dans les champs de la planification des naissances, de l’efficacité des programmes d’éducation populaire. Vers 1980, la méthode est utilisée en santé, en éducation à la santé et dans les médias. De nombreux écrits sont mis en circulation sur la méthode et ses applications. Il faut attendre 1990 pour voir l’émergence timide de son utilisation en éducation. Peu d’écrits en français lui sont dédiés et une application dynamique tarde à être constatée. Les appellations de cette méthode sont multiples; nous avons choisi l’entretien en groupe de discussion, empruntant à Boutin (1997), Poupart (1997) et Blanchet (1982) le terme d’entretien considérant les précisions que ces derniers apportent afin de le distinguer de l’entrevue, une méthode utilisée en thérapeutique ; nous conservons l’aspect groupal repris par la quasi-généralité des chercheurs comme champ d’interaction (Mucchielli, 1996; Van der Maren, 1995; Deslauriers, 1991) et nous préservons le terme focus, à défaut d’un meilleur en français, pour assurer la filiation avec les intuitions de Merton et Lazarfeld de focus (centration) sur une tâche qui donne au groupe sa cohésion. L’ensemble des écrits mentionnent qu’en recherche 18
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 19
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
les entretiens de groupe focus ont tout intérêt à être couplés à des instruments de collecte certes qualitatifs (entrevue, observation directe, étude de documents) mais surtout quantitatifs, nommément le questionnaire et l’enquête (Fern, 1982). Les entretiens apportent alors plus de nuances, d’explications sur un phénomène. De plus, ce type d’entretien permet de recueillir des données en recourant au vocabulaire utilisé par les sujets eux-mêmes. Un aspect non négligeable de la question et qui explique peut-être en partie sa popularité et l’intérêt que la méthode suscite est qu’elle est un choix valable pour obtenir de l’information sur les attitudes, les croyances, les habitudes d’une population donnée (Fern, 1982 ; 2001). Les recherches ont démontré qu’on obtient peu, sinon pas de contradiction avec les données d’enquête, mais plus de nuances, des variations sur un même thème et des explications. De plus, il convient de souligner que cette méthode s’accorde tout aussi harmonieusement avec un cadre interprétatif que positiviste et, à la limite, critique et que, lorsqu’elle est utilisée en qualitatif, elle peut répondre aux critères de scientificité requis (Laperrière, 1997).
Composantes de l’entretien de groupe focus L’entretien de groupe, qui se déroule sous forme de discussion, ne consiste pas, comme le souligne Aubel (1994, p. 2) «en une série d’interviews individuelles au sein d’un groupe; il s’agit plutôt d’un processus dans lequel sont impliqués tous les membres du groupe, au cours duquel les participants peuvent échanger des idées et des opinions». La méthode fait maintenant largement consensus et peu d’auteurs divergent quant à son fonctionnement (entre autres, Morgan, 1997; Bloor et al., 2001; Barber et Ketzinger, 1999; Merton, Fiske et Kendall, 1990). Les ouvrages méthodologiques donnent des précisions quant à son utilisation auprès des enfants et des adolescents (Boutin, 1997; Vaughn, Schumm et Sinagub, 1996). Toutefois, on note très peu d’utilisation en recherche en éducation (Jarrell, 2000), et encore moins en contexte québécois3. Nous reviendrons sur une originalité que nous estimons avoir été introduite dans l’analyse des données. Nous avons donc choisi cet instrument pour compléter les données recueillies au questionnaire et pour entrer en communication plus personnalisée avec les élèves. En effet, à partir des résultats de l’enquête et d’observations en classe, nous avons pu 3. À notre connaissance, une seule publication mentionne l’utilisation des entretiens de groupe focus en recherche. Il s’agit de l’article de Colette Gervais, publié en 1999, intitulé « Éléments conceptuels présents dans les représentations des acteurs d’un stage d’enseignement » et publié dans la Revue des sciences de l’éducation (25,2, p. 271-291). On note toutefois que cet instrument fait quelques percées au niveau des thèses de doctorat, comme instrument complémentaire aux entrevues en profondeur et aux observations sur le terrain.
19
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 20
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
dresser un portrait des jeunes lecteurs québécois, de leurs habitudes et de leurs attitudes face à la lecture. Or, nous cherchions à présenter un portrait factuel plus documenté des adolescents du secondaire comme lecteurs quant à leurs habitudes et à leurs attitudes et à resituer, dans leurs mots, leur relation à l’univers de l’écrit. Dans l’entretien de groupe focus, le rôle de l’animateur consiste, à partir du canevas d’entretien, à encourager les participants à donner leur opinion, à révéler leurs préoccupations ou à faire savoir les connaissances qu’ils possèdent ou les expériences qu’ils ont concernant un domaine. Ce rôle a été tenu par les chercheurs eux-mêmes, assistés d’auxiliaires chargés d’assurer l’enregistrement des données et de noter succinctement les noms et les propos des jeunes, de façon à se rappeler les tours de parole et à faciliter la transcription des propos. Le guide d’entretien Un guide d’entretien a été préparé et utilisé par tous les animateurs. Il a été validé auprès des enseignants pour s’assurer du vocabulaire et du niveau de langue adopté. L’entretien s’est ouvert par la narration d’événements où le phénomène à l’étude est susceptible d’émerger, de façon à permettre aux jeunes d’apprivoiser la situation. Les thématiques structurantes ont été abordées (voir encadré).
L’échantillon Dans un premier temps, 77 adolescents des quatre premières années du secondaire, garçons et filles en nombre égal, furent rejoints au printemps 2001, soit 44 élèves de la région de la Mauricie et 33 de la région montréalaise. À Montréal, nous avons rejoint 18 garçons et 15 filles ; en Mauricie, 19 garçons et 25 filles, soit, au total, 37 garçons et 40 filles. Ces jeunes se sont donc portés volontaires en inscrivant leurs coordonnées lors de la passation du questionnaire. Une dernière page avait en effet été introduite, leur décrivant notre intérêt à les rencontrer pour mieux connaître leurs goûts et leurs intérêts, discuter avec eux à la façon du programme de télévision Droit de parole. Ceux qui nous ont signifié leur intérêt avaient le goût d’exprimer leur point de vue; ils n’étaient pas nécessairement de bons lecteurs, mais tous se sont dits intéressés par la lecture. Chaque groupe était constitué de quatre à dix élèves. Nous avions veillé à équilibrer les groupes en répartissant de façon égale les garçons et les filles et à nous assurer du statut de volontaire des participants. Le consentement de leurs parents fut obtenu. Il a été nécessaire d’assurer l’autorisation d’enregistrement (vidéo ou audio). La durée des entretiens fut d’une heure. Chaque participant avait une place assignée. En introduction, après l’accueil, le chercheur-animateur veillait, après la présentation des personnes a) à préciser la tâche et les règles de fonctionnement de l’entretien, 20
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 21
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
Questions des entretiens de groupe focus 1. J’aimerais vous entendre raconter/décrire une situation/un moment où vous avez du plaisir à lire. Où êtes-vous ? Que lisez-vous ? Comment êtes-vous installés ? Pendant combien de temps lisez-vous? 2. J’aimerais vous entendre raconter une situation où vous n’éprouvez aucun plaisir à lire. Où êtes-vous ? Que lisez-vous ? Comment êtes-vous installés ? Combien de temps? La première et la deuxième question explorent le goût de lire et le contexte de lecture. 3. Selon vous, qu’est-ce qu’il faut pour que ça soit plaisant, lire ? Vous pouvez aussi mentionner des choses qui ne doivent pas être présentes. Cette question explore les facteurs et les éléments contextuels. 4. Quand vous retournez en arrière, dans vos souvenirs, grâce à quoi ou grâce à qui pouvez-vous avoir développé le goût de lire ? Ne pas l’avoir développé ? Être indifférent? Cette question aborde les influences (parents, amis, etc.). 5. On dit ou on entend souvent dire que les filles sont meilleures en lecture que les garçons. Êtes-vous d’accord ? Pourquoi ? On dit aussi que ceux ou celles qui réussissent bien à l’école et qui ont des bonnes notes sont de bons lecteurs. Êtesvous d’accord avec cela? Pourquoi? Cette cinquième question aborde les stéréotypes. 6. Vous êtes magicien: qu’est-ce qui devrait changer à l’école pour que, soudain, vous aimiez encore plus lire? Qu’est-ce qui devrait changer autour de vous, à la maison, dans votre milieu d’amis? Y a-t-il quelque chose qui devrait absolument être présent? Cette dernière question aborde les conditions idéales.
b) à rappeler le contenu qui serait couvert à l’aide des questions, c) à mentionner l’objectif de la rencontre (obtenir le plus de points de vue contrastés à partir d’un même thème, d) à assurer aux élèves la confidentialité des propos et à leur demander de faire de même. Nous avions précisé aux enseignants, titulaires de classe, qu’il était préférable de ne retenir que des adolescentes et des adolescents capables d’exprimer leur point de vue, intéressés par la lecture, quelle qu’elle soit, en vue d’avoir un ensemble présentant une diversité d’opinions. Afin d’affiner le portrait du lecteur «récalcitrant», nous avons, dans un second temps (automne 2003), rencontré une seconde cohorte de jeunes (60 garçons et 10 filles). Un protocole identique d’entrevue a été retenu. Une question fut ajoutée concernant un événement marquant auquel l’élève rattache son désintéressement 21
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 22
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
pour la lecture, bien que les adolescents de la première cohorte aient souvent mentionné des événements de leur enfance qu’ils considèrent comme déterminants dans l’orientation de leur attitude envers la lecture.
Déroulement des entrevues de groupe focus Les questions étaient posées et chaque jeune s’exprimait à tour de rôle ; puis des positions contrastées, des nuances, des précisions pouvaient être énoncées. Les interventions de l’animateur visaient à éviter un débat, à prévenir les confrontations ou encore à empêcher la recherche d’un consensus dans le groupe. L’atmosphère fut détendue ; les adolescentes et les adolescents se sont exprimés avec beaucoup de nuance et d’intensité et tous se sont dits satisfaits de l’expérience.
Traitement et analyse des données Les données enregistrées ont été transcrites sous forme de texte où étaient notées les interventions de chaque personne. Puis, les données ont été codées à l’aide du logiciel N’Vivo. Le système catégoriel était de type mixte: catégories prédéterminées, issues du cadre conceptuel, et catégories émergentes, issues des propos des jeunes. Cela nous a permis, d’une part, d’apporter un éclairage global pour quelques réponses au questionnaire, tels l’importance de certaines pratiques de lecture au primaire, le rôle des parents, les stéréotypes et les conditions favorables à une lecture agréable. Ce traitement des données correspond à une utilisation usuelle de la méthode qui a suscité l’émergence de nuances, des précisions à partir d’une thématique ou d’une question. Le lecteur retrouvera, au fil des chapitres, les propos des jeunes. D’autre part, nous avons pu, à partir du traitement facilité par l’utilisation de N’Vivo, distinguer tous les éléments rapportés par les garçons de ceux qui ont été mentionnés par les filles et dégager les grandes tendances en les regroupant autour de cas types ou profils. Nous avons donc établi ces profils en déterminant des caractéristiques générales, en les précisant à partir d’un cas type qui y répondait de façon plus précise et, par la suite, en étoffant ce profil à l’aide de traits retrouvés chez l’un ou l’autre adolescent ou adolescente qui pouvait se greffer à ce profil. Le lecteur retrouvera au chapitre 10 les résultats de ce travail. Ce type d’analyse nous a permis de rompre l’analyse traditionnelle où N=1 (c’est-à-dire le groupe) et d’accéder aux discours de tous les sujets, puis d’accéder à certaines grandes tendances que nous avons vu se dégager à partir des réponses données par les jeunes (Catterall et Maclaran, 1997). Les derniers entretiens auprès d’adolescents récalcitrants furent analysés selon les mêmes procédés; toutefois, nous nous sommes retrouvés avec une cohorte relativement homogène, constituée de filles et de garçons qui se disaient non intéressés par la lecture.
22
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 23
Chapitre 1 – La méthodologie de la recherche
La méthodologie privilégiée pour recueillir les données relatives aux attitudes et aux habitudes de lecture des adolescents est donc relativement classique. Le questionnaire que nous avons élaboré, par ses grandes thématiques, permet d’établir une filiation avec les études antérieures sur le même objet. D’utilisation moins fréquente en éducation, les entretiens de groupe focus permettent de corroborer les données d’enquête et d’obtenir plus de nuances et de finesse dans la description des attitudes et des habitudes. Le cadre méthodologique choisi, la procédure et les instruments mis en place garantissent que notre recherche a satisfait aux exigences de rigueur scientifique requises. Toutes les précautions prises nous ont permis d’atteindre, à notre avis, les objectifs que nous nous étions fixés.
23
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 24
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 25
CHAPITRE 2
Les habitudes de lecture Colette Baribeau
C
e chapitre concerne les habitudes de lecture des adolescents. Nous aborderons la question rappelant brièvement le contexte général de la lecture en ce qui concerne la population en général, les adolescents faisant partie d’une tranche d’âge dans plusieurs études qui ont été menées au Québec et au Canada. Nous rappellerons les principaux traits de cette population quant à la présence du livre, aux habitudes de lecture, aux préférences et aux raisons de lire. Nous verrons par la suite ce qui concerne spécifiquement les adolescents, tant au Québec qu’à l’étranger en ce qui a trait aux habitudes de lecture scolaire et extrascolaire. Nous présenterons les résultats de l’enquête LIS en touchant divers aspects: la répartition du temps de la semaine (à savoir le temps accordé à la télévision, au sport, aux travaux scolaires, à la lecture de loisir, à Internet, aux jeux à l’ordinateur, aux travaux rémunérés, à l’écoute de la musique et aux sorties entre amis), l’occurrence de certaines pratiques de lecture (entre autres, la lecture à haute voix, le théâtre, les discussions, la visite de salons du livre, le chat) et, pour terminer, le comportement de l’adolescent devant un livre.
Les habitudes de lecture selon les enquêtes antérieures Nous dresserons en premier lieu les habitudes de lecture dans la population en général en nous attardant tout particulièrement au contexte québécois. Nous présenterons ensuite les données qui concernent plus spécifiquement la population cible, à savoir les adolescents. Nous relèverons ce qui a été mis en lumière par les enquêtes du ministère de l’Éducation du Québec et du ministère des Communications et de la Culture ; nous rappellerons pour terminer cette partie ce que des recherches américaines et québécoises, plus restreintes, ont mis en lumière sur les habitudes de lecture.
Dans la population en général En France, Robine (1989) note que trois enquêtes (celle de l’INSEE en 1987 et les deux enquêtes sur les pratiques culturelles des Français) ont permis d’observer une diminution du nombre des lecteurs assidus. Ceux-ci, par ailleurs, lisent moins, alors que croît légèrement le nombre de faibles lecteurs. Aux États-Unis, la Fondation 25
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 26
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Kaiser1 révèle que les enfants de 6 ans et moins sont assis en moyenne deux heures par jour devant la télévision, l’ordinateur ou un jeu vidéo alors que seulement 39 minutes par jour sont consacrées à lire ou à se faire faire la lecture. Au Québec, le rapport Larose2 (2000) sur les pratiques commerciales dans le domaine du livre n’aborde pas la dimension socioculturelle du problème, car il ne mentionne pas la proportion de la population québécoise entrant dans la catégorie de lecteur assidu. Dans Le Temps de lire, un art de vivre (MCC, 1998a et b), on rappelle que, selon les statistiques de 1997, 57% de la population dit lire «très souvent» ou «assez souvent» des livres, ce qui laisse 47% de faibles lecteurs, pour ne pas dire de nonlecteurs. C’est d’ailleurs à eux que s’adressent les campagnes de promotion de la lecture, pour ne pas dire les mouvements d’alphabétisation. Une enquête analogue, effectuée en 1999 par le MCC (2001), intitulée Les Pratiques culturelles des Québécoises et des Québécois, montre que, pour les 15 ans et plus, deux heures par semaine (2,8 heures en Mauricie et 1,4 heure à Montréal) sont consacrées à l’écoute de la télévision durant la saison ordinaire. Les données recueillies en lecture sont intéressantes, car elles recoupent une partie des sujets que l’enquête LIS a touchés. Voyons tout d’abord les éléments qui concernent la lecture de livres. Le tableau suivant nous indique qu’il y a le même pourcentage de Québécois qui disent lire «souvent» (30,1%) et «jamais» (30,2%), soit une légère différence par rapport aux données statistiques de 1997. On perçoit toutefois une différence entre la région de la Mauricie et celle de Montréal. Plus de gens de la région montréalaise disent lire «très souvent» et «souvent» qu’en Mauricie. En corollaire, en Mauricie, les gens lisent plus rarement et une plus grande proportion ne lit jamais. TABLEAU 1 Fréquence de lecture de livres (Québécois de 15 ans et plus) (MCC, 2001) Fréquence de lecture de livres Mauricie Montréal
Très souvent Souvent 21,9 30,1 18,9 26,7 27,2 31,4
Rarement 17,8 22,3 14,9
Jamais 30,2 32,1 26,5
Les gens lisent pour se détendre ou relaxer (90,7 %), pour s’informer ou se renseigner (69,2%), qu’ils soient de la région montréalaise ou mauricienne. Il convient de noter que l’enquête a distingué la lecture de livres de la lecture de revues, de magazines de toutes sortes ainsi que la lecture de quotidiens. Voici quelques données (MCC, 2001) en ce qui concerne ces imprimés. 1. Times, 10 novembre 2003, page 16. 2. Le Devoir, 21 octobre 2001.
26
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 27
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
TABLEAU 2 Fréquence de lecture des quotidiens, des hebdomadaires régionaux et de revues et magazines (Québécois de 15 ans et plus) (MCC, 2001) Très souvent Souvent Lecture de quotidiens 46,5 24,4 par région Mauricie 51,2 23,1 Montréal 47,6 23,4 Lecture d’hebdo. régionaux 52,3 7,8 par région Mauricie 59,2 3,8 Montréal 37,7 8,9 Lecture de revues et magazines 24,3 31,3 Mauricie 23,3 34,2 Montréal 25,1 29,0 Fréquence de certains types de magazines : Revues ou magazines sur la mode, le foyer ou la décoration Sur le sport, le plein air ou les voyages À caractère humoristique ou de bandes dessinées Sur le cinéma, photos-romans ou feuilletons
Rarement 11,3
Jamais 17,8
8,8 11,4 10,2
16,8 17,6 29,7
10,2 10,6 13,3 14,2 12,9
26,9 42,7 31,1 28,3 33,0
OUI 58,0 58,6 30,7 30,6
NON 42,0 41,4 69,3 69,4
Les données montrent que les gens lisent beaucoup les quotidiens et les hebdomadaires régionaux, ces derniers étant plus populaires en Mauricie qu’à Montréal. La population lit un peu moins les revues et les magazines. Les revues sur la mode, le foyer, la décoration ou sur le sport, le plein air ou le voyage sont lues par plus de la moitié de la population. TABLEAU 3 Raisons invoquées pour lire des imprimés autres que les livres (MCC, 2001)
Total Mauricie Montréal
Se détendre S’informer Le travail relaxer se renseigner les études 43,9 43,1 10,0 45,1 44,2 8,6 42,2 39,3 14,7
Autres 3,0 2,2 3,8
Nous pouvons donc constater que les Québécois de 15 ans et plus lisent pour se détendre et pour s’informer. Un peu plus que la moitié lisent des livres (particulièrement des romans et du polar); 70% des gens interrogés lisent les quotidiens et 55%, des revues. 27
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 28
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Chez les adolescents La désaffection de la lecture par les adolescents est un phénomène de société. Aux États-Unis, puis au Canada anglais, la chaîne alimentaire Pizza Hut3 a mis sur pied, il y a plus d’une dizaine d’années, le programme «Book it», voulant encourager les élèves à la lecture par la distribution d’une trousse pédagogique destinée à mesurer les progrès en lecture et contenant des suggestions de livres ainsi que des coupons échangeables contre des pizzas, si l’élève atteint ses objectifs. Sous le nom «Moi je lis!», le programme a été établi au Québec en 1995 et a duré six ans, jusqu’à ce que le ministre de l’Éducation de l’époque, François Legault, y mette un terme au nom de la Loi sur la publicité destinée aux enfants et en invoquant la nécessité de décommercialiser les apprentissages. On veut donner à l’élève québécois qui lit une autre motivation que celle de gagner une pizza avec garniture de son choix à la fin de chaque mois. Nous mentionnerons ici quelques-uns des résultats les plus probants de l’enquête du ministère de l’Éducation du Québec (1993-1994). Au total, 5843 élèves ont été sondés, à tous les échelons du secondaire. Nous comparerons quelques-uns de nos résultats avec ceux de cette enquête. Il en est de même pour les données de l’enquête effectuée en 1999 par le MCC (2001), Les Pratiques culturelles des Québécoises et des Québécois. De ces données ont été extraits des renseignements sur les pratiques culturelles des jeunes de 15 à 35 ans. La population des 15 à 35 ans formait 37,2 % de l’échantillon total. Ce groupe sondé parle majoritairement le français, les personnes ont entre 12 et 15 ans de scolarité (20,4% ont de 8 à 11 ans de scolarité, soit environ 870 personnes) ; l’échantillon est composé de plus d’hommes (54,7 %) que de femmes (45,3 %), 61,3 % travaillent et 31,2 % sont étudiants. Parmi eux, 29,6% sont mariés ou ont un conjoint de fait et 67,4% sont célibataires. Comme pour l’enquête du MEQ, nous y reviendrons au fil de notre présentation des résultats. Dans une étude restreinte sur un échantillon de 5e secondaire sélectionné dans une seule école de l’ouest montréalais, Landreville (1995) mentionne que, des 16 élèves sur 130 qui avouent aimer lire « passionnément », huit lisent plus de 25 livres par année alors que les huit autres en lisent de 15 à 25. Des 38 qui aiment beaucoup lire, six lisent plus de 25 livres et onze, entre 15 et 25 livres. Landreville a même relié le nombre de livres lus et le classement des élèves en rang cinquième en production écrite. Il en ressort que, des 23 élèves occupant le premier rang cinquième en production écrite, neuf lisent plus de 25 livres par an et six en lisent entre 15 et 25. Par ailleurs, les effets de la non-lecture sur l’écriture sont encore plus visibles aux 4e et 5e rangs quintile : près de la moitié des sujets du 4e rang, entre autres, lisent moins de cinq livres annuellement. L’auteure s’est livrée à des calculs 3. La Presse du 1er juin 2001, « Pizza Hut quitte l’école » et « Lire et manger ».
28
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 29
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
identiques sur le parallèle à faire entre les rangs cinquième et la compréhension écrite, cette fois. Les 12 meilleurs lecteurs (sur les 16 du premier rang quintile) lisent tous au moins 15 livres par an.
Le temps de lecture hors de l’école par rapport aux autres activités La recherche d’Anderson, Wilson et Fielding (1988) donne des renseignements précis sur le temps que les jeunes consacrent à la lecture en dehors de l’école. Il s’agit d’une étude intensive des activités de 155 élèves de 5e année à l’extérieur de l’école: elle porte sur la lecture extrascolaire et ses relations avec les autres activités. Les élèves ont d’abord tenu un relevé quotidien de leurs activités durant une période de deux à six mois. Les auteurs ont ensuite analysé les rapports entre le temps consacré à des activités et les mesures de compétences en lecture et ont cherché à savoir si les activités des enfants à l’extérieur de l’école influençaient la réussite en lecture. Anderson et al. (1988) s’inspirent de deux études antérieures publiées dans les années 1980: Greaney, d’une part, et Walberg et Tsai, d’autre part. Greaney (1980) a mené une étude en Irlande. Les résultats obtenus ont démontré que les enfants passaient beaucoup de temps dans des activités telles que jouer, faire des sorties, s’adonner à leur passe-temps favori, regarder la télévision et aider les parents dans la maison. De plus, le temps passé à lire des livres était positivement associé à la réussite en lecture. L’autre étude a été menée par Walberg et Tsai (1984). Ceux-ci ont trouvé qu’il existait des relations positives entre les réponses aux questions et la réussite en lecture des élèves. Pour évaluer les compétences en lecture des élèves, Anderson, Wilson et Fielding (1988) ont administré trois tests. Le premier était un test de compréhension en lecture du Metropolitan Achievement Tests. Le deuxième consistait à vérifier le vocabulaire par une liste d’éléments à cocher, comme ceux qui sont décrits par Anderdon et Freebody (1983, dans Anderson, Wilson et Fielding, 1988). Le troisième test visait à mesurer la vitesse de lecture. Les analyses principales de cette étude concernent l’administration de ces trois tests à des élèves de 5e année en milieu d’année. Pour évaluer l’influence des activités à l’extérieur de l’école sur les progrès en lecture, les auteurs ont examiné le changement dans les compétences en lecture de la fin de la 2e année au milieu de la 5e année en utilisant une analyse de régression. Les enfants qui étaient bons lecteurs en 2e année lisent davantage en 5e année. Les filles lisent davantage que les garçons. La plupart des élèves lisent peu, mais certains groupes d’enfants lisent durant des périodes de temps assez longues; ainsi, 2% des élèves lisent plus de 90 minutes par jour et 10%, plus de 40 minutes. Les pratiques de lecture extrascolaire s’avèrent le meilleur prédicteur de plusieurs évaluations de la réussite en lecture, de même que pour les progrès en lecture à survenir entre la 2e et la 5e année. 29
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 30
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Le temps passé à manger a des effets positifs sur les compétences de lecture en 5e année et sur les progrès des compétences en lecture de la 2e à la 5e année. L’écoute de la musique est un prédicteur négatif de compétence en lecture, de même que l’écoute de la télévision. Le temps passé à faire des devoirs peut avoir une influence significative sur les progrès en compréhension de lecture de la 2e à la 5e année.
Les habitudes de lecture selon l’enquête LIS-élèves Notre présentation des résultats de l’enquête concernant les habitudes de lecture des adolescents comporte quatre parties. Nous verrons tout d’abord le temps que les adolescents consacrent à la lecture, en soulignant au passage certaines caractéristiques qui distinguent les garçons des filles; en deuxième lieu, nous aborderons l’occurrence de certaines pratiques de lecture dans la vie des jeunes ; en troisième lieu, suivront les taux de fréquentation des librairies ; en quatrième lieu, nous présenterons les comportements adoptés par les adolescents devant un livre ; le chapitre se terminera par la présentation des réponses des adolescents au sujet des stéréotypes traditionnels concernant les lecteurs.
Temps consacré à la lecture Il s’avère toujours intéressant de connaître l’activité à laquelle le jeune adolescent consacre une partie de son temps. Parmi un éventail de neuf choix, voici un aperçu de la façon dont les élèves disent répartir le temps de leur semaine. On s’aperçoit que la télévision occupe une large part du temps des adolescents. En effet, 33,73% de ceux-ci y consacrent plus de onze heures (on pourrait penser à une moyenne de deux heures par jour, environ) et près de 26 % entre six et dix heures. Ces pourcentages sont d’ailleurs semblables à ceux qui ont été obtenus dans la quasi-totalité des autres enquêtes et dans celle de 1994 du MEQ. Sur 5812 répondants, 19% des jeunes consacraient entre une et deux heures (LIS 15%), 27% entre 3 et 5 heures (LIS 24%), 28% de 6 à 10 heures et 26% 11 heures et plus, soit 54% (LIS 60%). Le temps consacré à la lecture de loisir, faite librement, est très limité, occupant une part congrue de moins de deux heures pour plus des deux tiers des jeunes (69,14%); on retrouve sensiblement les mêmes pourcentages pour le temps accordé aux jeux sur l’ordinateur et au travail rémunéré. L’enquête du MEQ avait aussi inclus le travail rémunéré. Sur 5542 répondants, 62% disent en faire entre une et deux heures (LIS 72%), 17% de trois à cinq heures (LIS 13%) et 21% y consacrent plus de six heures (LIS 13%).
30
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 31
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
TABLEAU 4 Répartition du temps de la semaine en diverses activités (en nombre d’heures par semaine) Travaux scolaires Lecture de loisir* Télévision Internet Jeux à l’ordinateur Travail payé Sport Écoute de la musique Sorties entre amis
Jamais
Moins de 2
De 3 à 5
De 6 à 10
De 11 à 20
Plus de 20
66 (3,80%)
502 (28,90%)
605 (34,83%)
379 (21,82%)
136 (7,83%)
39 (2,25%)
453 (26,08%) 28 (1,1%) 598 (34,43%)
748 (43,06%) 241 (13,87%) 436 (25,10%)
290 (16,70%) 424 (24,41%) 268 (15,43%)
133 (7,66%) 449 (25,95%) 199 (14,46%)
60 (3,45%) 320 (18,42%) 135 (7,77%)
35 (2,01%) 266 (15,31%) 88 (5,07%)
756 (43,52%) 920 (52,96%) 231 (13,30%)
486 (27,98%) 328 (18,88%) 506 (29,13%)
192 (11,05%) 227 (13,07%) 445 (25,62%)
138 (7,94%) 146 (8,41%) 278 (16%)
82 (4,72%) 57 (3,28%) 147 (8,46%)
69 (3,97%) 31 (1,78%) 112 (6,45%)
117 (6,74%)
551 (31,72%)
457 (26,31%)
261 (15,03%)
147 (8,46%)
185 (10,65%)
255 (14,69%)
334 (19,24%)
474 (27,30%)
376 (21,66%)
138 (7,95%)
148 (8,53%)
* Il était précisé : lecture faite librement, sans autre mention.
De façon générale, on pourrait dire, à partir des données LIS, en jumelant les colonnes «de trois à cinq heures» et «de six à dix heures» que la semaine des deux tiers des adolescents se compose de travaux scolaires, de télévision et de sorties entre amis. Ils lisent peu, font peu d’Internet, jouent peu aux jeux vidéo et ne font pas de travail rémunéré. Ils font (nous verrons que ce sont davantage les garçons) du sport entre deux et cinq heures par semaine. Les travaux sur les jeunes et la culture (MCC, 2000) montrent que les jeunes de 15 à 24 ans ont des pratiques très éclatées: ils ont une préférence marquée pour les activités de loisir menées à l’extérieur du domicile. La sociabilité caractérise les activités qu’ils privilégient. Plusieurs activités les attirent, délimitées il est vrai par l’offre des produits culturels selon les régions: le sport, l’écoute de la musique, les sorties au cinéma, la télévision (40% ont accès au réseau Internet) et la lecture de quotidiens (bien que les taux de lecture sur une base régulière baissent constamment après une hausse en 1994). Quelques distinctions intéressantes peuvent être faites à partir des données que nous avons recueillies. Regardons à propos de quels aspects les garçons et les filles se distinguent. Ces aspects ont trait aux travaux scolaires, au temps consacré au sport et au temps consacré à la lecture de loisir.
Travaux scolaires Dans notre étude, 45 garçons et 21 filles disent ne jamais consacrer de temps à leurs travaux scolaires à la maison ; 34 % des filles et 36 % des garçons y consacrent de trois à cinq heures et 36 % des filles et 27 % des garçons y consacrent plus de six heures. Il semble de plus que les adolescents de la région mauricienne (36,8 %) 31
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 32
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
consacrent plus de temps (dans la fourchette de six heures et plus de temps) à leurs travaux scolaires que ceux qui vivent dans la région métropolitaine (28,6%) L’enquête du MEQ (1994a) montrait que, pour 5542 répondants, les travaux scolaires à la maison occupaient par semaine moins de une heure pour 19 % des répondants, de une à deux heures pour 27%, de trois à cinq heures pour 30%, de six à dix heures pour 17% et 11 heures et plus pour 7%. Les résultats obtenus sont donc différents: le pourcentage des adolescents consacrant entre une et deux heures passant de 46% à 30% (LIS) et 24% à 31% (LIS) pour ceux qui y consacrent plus de six heures.
La lecture de plaisir ou lecture de loisir Les données recueillies font ressortir que 69% des jeunes (64% des filles et 74% des garçons) consacrent moins de deux heures par semaine à la lecture de loisir; 26% n’y consacrent jamais de temps. Lorsqu’on les interroge sur le moment de leurs lectures de loisir, les adolescents le situent le soir (63% en moyenne, soit 70% pour les filles et 55% pour les garçons), puis les fins de semaine et durant les vacances. La grande majorité lisent à la maison; toutefois, 171 adolescents (soit environ 10% de nos sujets) ne lisent jamais pour le plaisir. Reprenons les données sur la répartition du temps (présentées au tableau 4) et ventilons ces résultats selon les niveaux scolaires. Nous avons arrondi les pourcentages pour faciliter la lecture et le repérage d’informations distinctives. TABLEAU 5 Répartition du temps de la semaine en diverses activités selon le niveau scolaire Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Travaux scolaires 30 % 34 % 31 % Secondaire 1 272 (39 %) 248 173 (25 %) Secondaire 2 188 205 176 (31 %) Secondaire 3 59 76 104 (43 %) Secondaire 4 47 (21 %) 76 96 (42 %) Le temps consacré aux travaux scolaires fluctue au fil des années, mais augmente à la fin de la scolarisation, les jeunes y consacrant de plus en plus de temps. Cela est corroboré par les propos des jeunes dans les entretiens. Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Lecture de loisir 69 % 16 % 13 % Secondaire 1 451 (65 %) 114 124 (18 %) Secondaire 2 411 99 57 Secondaire 3 171 40 24 Secondaire 4 164 (73 %) 37 23 (10 %) La lecture de loisir chute dramatiquement, quel que soit le niveau. 32
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 33
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
Tableau 5 – suite Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Télévision 15 % 24 % 60 % Secondaire 1 103 159 432 (62 %) Secondaire 2 69 133 378 (66 %) Secondaire 3 39 60 139 (58 %) Secondaire 4 58 72 95 (42 %) Le temps consacré à la télévision baisse après être remonté en 2e secondaire. Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Internet 59 % 15 % 21 % Secondaire 1 422 (60 %) 103 167 (24 %) Secondaire 2 339 85 145 Secondaire 3 144 41 55 Secondaire 4 129 (57 %) 39 54 (24 %) Il semble ne pas y avoir de fluctuation, mais plutôt une relative stabilité quant à l’utilisation d’Internet. Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Jeux à l’ordinateur 71 % 11 % 17 % Secondaire 1 474 (68 %) 98 120 (24 %) Secondaire 2 419 (73 %) 55 94 Secondaire 3 178 (74 %) 22 40 Secondaire 4 171 (76 %) 17 34 (11 %) Le temps consacré aux jeux est toujours en bas de 2 heures mais le nombre de jeunes s’y adonnant est continuellement en hausse au fil des années, passant de 68 % à 76 %. En tout, 756 jeunes (N=1729 répondants pour cette question), soit presque 44 %, répondent ne jamais consacrer de temps aux jeux à l’ordinateur. Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Travail rémunéré 72 % 13 % 13 % Secondaire 1 533 (77 %) 90 63 Secondaire 2 393 (69 %) 85 90 Secondaire 3 158 (65 %) 40 39 Secondaire 4 164 (73 %) 16 41 L’importance du travail rémunéré fluctue. Il est « assez important » en secondaire 1, il baisse puis remonte vers la fin du secondaire. Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Sport 43 % 25 % 30 % Secondaire 1 284 (40 %) 200 206 (30 %) Secondaire 2 233 (40 %) 138 195 (34 %) Secondaire 3 102 (42 %) 55 82 (34 %) Secondaire 4 118 (52 %) 52 53 (23 %) Les jeunes continuent de faire du sport au fil des années, mais le temps qui y est consacré baisse. Il reste que 231 jeunes (soit 13 %) disent ne jamais faire du sport durant la semaine.
33
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 34
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Tableau 5 – suite Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Écoute de la musique 37 % 26 % 24 % Secondaire 1 290 188 208 Secondaire 2 218 153 198 Secondaire 3 84 57 98 Secondaire 4 76 58 89 Les données nous montrent deux groupes : ceux qui écoutent peu et ceux qui consacrent 6 heures et plus à la musique ; 185 jeunes disent y consacrer plus de 20 heures par semaine. Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Sorties entre amis 34 % 27 % 38 % Secondaire 1 272 190 228 (32 %) Secondaire 2 176 150 245 (43 %) Secondaire 3 66 59 115 (48 %) Secondaire 4 75 75 74 (33 %) Les sorties entre amis atteignent un sommet en secondaire 2 et 3, vers 13-14 ans ; 255 jeunes disent ne consacrer aucun temps aux sorties entre amis.
Le tableau suivant présente les mêmes données mais de façon plus raffinée, en ventilant par année scolaire et par région et en établissant des pourcentages afin d’établir une comparaison. TABLEAU 6 Répartition du temps de la semaine consacré à la lecture de loisir selon le niveau scolaire et la région Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Lecture de loisir 69,14 % 16,7 % 13,11 % Secondaire 1 451 (65,46 %) 114 (16,55 %) 124 (17,99 %) Secondaire 2 411 (72,48 %) 99 (17,47 %) 57 (10,05 %) Secondaire 3 171 (71,9 %) 40 (18 %) 24 (10,1 %) Secondaire 4 164 (73,21 %) 37 (16,52 %) 23 (10,27 %) La lecture de loisir chute dramatiquement, quel que soit le niveau. Activité Moins de 2 heures De 3 à 5 heures 6 heures et + Lecture de loisir 69 % 16 % 13 % Mauricie 491 (71,79 %) 114 (16,66 %) 82 (11,99 %) Montréal 710 (68,74 %) 176 (17,13 %) 146 (14,13 %)
La lecture de loisir chute dramatiquement, quel que soit le niveau, mais on peut constater que 7 élèves sur 10, au secondaire, consacrent encore deux heures et moins à la lecture de loisir. Il n’en reste pas moins que, pour l’ensemble de la population, 453 jeunes (soit 26,08%) disent ne consacrer aucun temps à la lecture
34
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 35
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
de loisir (22,27 % dans la région de la Mauricie et 28,63 % dans la région montréalaise). Les jeunes des deux régions se comportent de façon sensiblement analogue, ceux de la Mauricie étant plus nombreux à consacrer moins de deux heures et ceux de la région montréalaise à consacrer six heures et plus. Les pourcentages pour les six tranches composant les choix de réponse («jamais», «moins de 2 heures», « 3 à 5 heures », « 6 à 10 heures » et « plus de 20 heures ») ne laissent pas paraître de différence significative. À cet effet, on peut dire que le type de travail qu’exercent les parents n’a pas de réelle influence sur les habitudes générales des jeunes. Le type de traitement que nous avons choisi ne permet pas de jumeler les réponses de chaque élève avec celles qui sont fournies pour l’occupation parentale. Nous ne pouvons soutenir que ceux qui consacrent plus de six heures à la lecture de loisir font partie d’une famille où le père et la mère lisent ou dont la famille jouit d’une certaine d’aisance économique. Les résultats de l’enquête de Hould (1980) montrent que 56,7% des répondants affirment que la lecture est l’une de leurs activités habituelles. Toutefois, la lecture n’occupe la première place que pour 4,9% des répondants (p. 16). Les sports volent la vedette avec 43%. Suivent les sorties avec 24,7%, la télévision avec 9,7% et des loisirs diversifiés (photo, peinture, etc.) avec 6,8%; 35,5% des sujets indiquent lire trois livres ou plus par mois, 45%, entre un et deux livres et 19,1% aucun livre. Le nombre d’heures consacrées à la lecture montre que «plus du tiers des répondants (35,8%) consacrent trois heures ou plus par semaine à la lecture des livres; près de la moitié (49,3%) y consacrent deux heures ou moins». Il reste 14,3% de jeunes qui peuvent être qualifiés de non-lecteurs. Hould (1980, p. 20) note qu’il «existe une très grande corrélation entre le nombre de livres lus par mois et le temps consacré chaque semaine à la lecture de livres ». L’enquête montre que 66,7 % des jeunes consacrent entre une heure et deux heures par semaine à la lecture de journaux, de revues ou de magazines. L’enquête du MEQ (1994a) s’est aussi intéressée à la lecture pour le plaisir, estimée à partir du nombre de livres lus. Durant les quatre mois précédant l’enquête, 40% des filles et 23% des garçons disent avoir lu plus de cinq livres pour leur plaisir. Sur la période de quatre mois, 29% des garçons répondent n’avoir lu aucun livre pour le plaisir, comparativement à 13 % de filles. Le tableau suivant présente la répartition en pourcentage des élèves (au secondaire) selon le sexe et le nombre de livres lus pour le plaisir en quatre mois.
35
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 36
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 7 Nombre de livres lus selon le sexe (MEQ, 1994a) Nombre de livres Aucun livre Garçons Filles 1 ou 2 livres Garçons Filles 3 à 5 livres Garçons Filles 5 livres et plus Garçons Filles
1re
2e
3e
4e
5e
19 8
29 12
29 15
35 13
37 15
19 15
25 24
33 25
32 27
32 31
23 24
19 25
20 24
18 24
18 26
39 53
27 39
18 36
15 36
13 28
Afin d’estimer l’évolution dans les habitudes, les chercheurs ont fait des rapprochements entre les réponses obtenues à l’enquête de 1980 et celles qui ont été obtenues en 1994. Ils constatent tout d’abord que les habitudes de lecture ont peu changé en 13 ans. «Les données recueillies indiquent que les garçons et les filles consacrent à la lecture le même nombre d’heures qu’en 1980. Comme en 1980, les filles lisent toujours davantage que les garçons. En 1980, 65 p. 100 d’entre elles contre 48 p. 100 des garçons indiquaient que la lecture constituant une de leurs activités favorites» (MEQ, 1994a, p. 37). Les résultats obtenus par le MEQ en 1994 montrent que, sur 5812 répondants, les heures hebdomadaires de lecture se répartissent ainsi. TABLEAU 8 Répartition hebdomadaire des heures de lecture (MEQ, 1994a) Une heure à deux heures De trois heures à cinq heures De six heures à dix heures 11 heures et plus
27 % 27 % 18 % 14 %
Si l’on combine les pourcentages concernant les sujets qui disent consacrer plus de six heures par semaine à la lecture, on obtient un score de 32%. De plus, 41% des répondants consacrent deux heures ou moins par semaine à la lecture, ce qui est fort peu, faut-il l’avouer. Les données de cette enquête montrent une différence importante entre les filles et les garçons, ces derniers étant plus nombreux à faire du sport plus de six heures par semaine.
36
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 37
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
Une enquête, effectuée en 1991 et dont les résultats ont été publiés en 1994 (MEQ, 1994b), concerne une évaluation de la lecture commune à la France et au Québec. Elle a été faite auprès des élèves à la fin des études primaires et au début de secondaire, c’est-à-dire à l’étape du passage du primaire au secondaire. Certaines données touchent aux aspects que nous analysons. Tant en France qu’au Québec, les élèves lisent entre 17 et 32 livres par année. «Ceux et celles qui lisent le moins, c’està-dire entre 0 et 16 livres par année, représentent 22,9 p. 100 des jeunes du Québec et 32,8 p. 100 des jeunes de la France. Les mordus de la lecture, soit les élèves qui lisent plus de 33 livres par année, sont plus nombreux au Québec qu’en France soit 24 p. 100 et 15,4 p. 100 respectivement (MEQ 1994b, p. 14). Lors de cette enquête, les élèves ont aussi été questionnés sur les activités qui occupent leurs moments libres. Voici, en pourcentage (regroupant « souvent » et « très souvent»), les activités faites par les jeunes adolescents. TABLEAU 9 Occupation des temps libres (MEQ, 1994b) Activités QUÉBEC Regarder la télévision 83,9 Faire du sport, rencontrer des amis pour discuter ou jouer, se promener 68,1 Lire un livre 58 Lire une bande dessinée, jouer à des jeux électroniques ou avec un ordinateur 54,2 Feuilleter une revue, écouter de la musique, chanter 49,3 Dessiner, faire du bricolage 35,7
FRANCE 67,2 53,9 48,8 53,5 47,6 38,3
On remarque que la télévision occupe la place privilégiée dans les choix d’activités, place qui ne se dément pas au fil des années et sous tous les cieux. Comme point saillant, cette enquête met en lumière que les jeunes aiment lire (trois quarts d’entre eux l’affirment), lisent beaucoup, ont des goûts variés même si la bande dessinée arrive en tête dans leurs préférences. Robine (1989) a dressé un portrait de l’évolution de la lecture des jeunes d’après les enquêtes françaises. Elle note qu’en 1960 les jeunes de 9 à 17 ans préfèrent les occupations sportives à la lecture. Plus de filles que de garçons disent aimer lire. Les enfants de milieux aisés ont plus d’occupation de loisirs que ceux des milieux ouvriers. En 1965, on constate que, pour 4000 jeunes de 15-16 ans, la lecture, les sports et l’audition de disque sont parmi les activités de loisir les plus fréquemment mentionnées. Un sondage effectué en 1982 montre que 42 % des 473 garçons et filles de 12 à 17 ans disent que la lecture les ennuie; 21 % préfèrent la télévision, 26% d’autres loisirs et 42% lisent un livre de temps en temps. L’auteure note que le milieu familial et scolaire influence largement les comportements en lecture. 37
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 38
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
«Le nombre de livres lus est moindre chez les enfants de milieu culturel peu favorisé, même si l’enfant est un lecteur» (Robine, 1989, p. 123). Les enquêtes françaises ont tissé des liens étroits entre le temps de lecture et l’appartenance à une classe sociale. Baudelot, Cartier et Detrez (1999) constatent que la lecture de livres occupe une place modeste parmi les loisirs des adolescents. Ces derniers ont questionné les jeunes sur la distribution des activités pratiquées «pour se distraire» au cours de la fin de semaine précédant l’enquête. Les données montrent que la proportion d’élèves passe de 33,7% en l’année 1 de l’enquête à 30% en l’année 4, soit du sixième au septième rang dans la hiérarchie des loisirs. Les chercheurs notent ceci: la lecture d’un livre a été déclarée par un collégien sur trois, alors que tous ou presque ont écouté de la musique, que trois élèves sur quatre ont regardé la télévision et/ou vu des amis et que deux élèves sur quatre ont fait du sport et/ou lu des magazines. Située au cinquième rang des activités de loisirs pratiqués (c’est nous qui soulignons), la lecture de livres l’emporte encore sur les jeux vidéo, la lecture de bandes dessinées et les activités ménagères ou de bricolage (p. 55).
Baudelot, Cartier et Detrez (1999) constatent que plus les élèves vont à l’école, moins ils lisent de livres à titre personnel: la baisse est nette et «n’épargne aucune catégorie d’élèves, garçon ou fille, élève à l’heure ou en retard, enfant de cadre ou d’ouvrier» (p. 67). Il faut dire ici que l’enquête sépare la lecture de livres de la lecture de bandes dessinées, de magazines (des mauvais genres, dirait Robine). Pour sa part, De Singly (1989) a mis en lumière que les collégiens de milieu populaire déclarent lire 1,4 roman par mois, ceux de milieu moyen, 2,4 et ceux de milieu supérieur 2,2. Ce profil se modifie en fonction du temps de lecture en fin de semaine: 17% des collégiens de milieu populaire, 25% de milieu moyen et 33% de milieu supérieur passent au moins une heure dans leurs livres non scolaires. Voici la façon dont se répartit le temps de lecture, selon les données recueillies par De Singly (1989). Nous pouvons donc constater que les collégiens de milieu supérieur consacrent beaucoup plus de temps à la lecture durant la semaine et encore plus durant la fin de semaine (dimanche). Les données montrent aussi que deux tiers des collégiens des milieux supérieur et moyen estiment lire «pour le plaisir» alors que ceux des classes populaires lisent plutôt sous la contrainte de l’école ou de leurs parents. Au Québec, Boily, Duval et Gauthier (2000, p. 54) ont fait ressortir que, «chez les lecteurs réguliers (assez souvent et très souvent), les jeunes de moins de 30 ans lisent en plus grande proportion les quotidiens (66%). La lecture de revues (59%) et celle de livres (53%) viennent ensuite». Leurs données montrent que la lecture des journaux croît avec l’âge. La lecture de revues est aussi très populaire auprès des 38
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 39
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
TABLEAU 10 Milieu social et pourcentage du temps de lecture de collégiens français (Singly, 1989) Milieu
Populaire (semaine) dimanche Moyen (semaine) dimanche Supérieur (semaine) dimanche
0 heure
Un quart d’heure ou -
Entre un quart d’heure et une demi-heure
Entre une demi-heure et 1 h
1h et +
14,5 16,7 10,8 15,6 9,6 9,1
22,5 14,2 21,9 9,3 17,1 6,7
31,2 19,8 35,9 20,4 29,1 16,5
24,1 29 23,7 28,1 33,6 32,8
5,6 16,7 7,5 24,6 9,3 33,1
15 à 17 ans, quoique le profil qui se dégage pour « l’ensemble de la population indique une diminution avec l’âge» (p. 55). L’enquête montre que «la relation au livre fluctue avec les années, mais la lecture de livres demeure une activité qui attire plus de la moitié des jeunes». Les auteurs ajoutent que, «par comparaison avec 1994, cela représente une baisse notable des taux de lecteurs réguliers d’un peu plus de 10 points chez les jeunes de 15 à 24 ans» (p. 56) (de 66,7 en 1983 à 53,5 en 1999). De plus, les filles de cette tranche d’âge lisent moins (de 25 à 18 livres), le nombre moyen de livres lus durant les douze derniers mois étant de 16,5 livres (comparé à 22 en 1994). Il n’en reste pas moins que la proportion de lecteurs de livres selon le groupe d’âge montre que la tranche de 15 à 17 ans, bien que les taux aient diminué, se démarque en 1999 de toutes les autres, sauf celle des 45 à 54 ans. Cette enquête a aussi montré que la télévision constitue une grande source de divertissement chez les jeunes. En 1994, les garçons y consacraient 3,5 heures par jour et les filles, 2,7 heures. Ce nombre est passé à 2,9 heures en 2000 (pour les garçons comme pour les filles). L’écoute de la télévision semble diminuer en fonction de l’ordre d’enseignement, passant à 6,2 heures par semaine au collégial (selon l’étude de Lacroix et autres, 1996 citée par Boily et al., 2000) à 5 heures à l’université (selon l’étude de Sales et autres, 1996 citée par Boily et al., 2000). Des entrevues menées auprès de jeunes de 18 à 24 ans montrent que la télévision devient un divertissement parmi tant d’autres. La navigation sur Internet occupe chaque semaine environ 12 heures pour les garçons et 5 heures pour les filles.
Temps consacré au sport L’enquête LIS-élèves présente quelques différences intéressantes entre les garçons et les filles.
39
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 40
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 11 Activités sportives selon le sexe, par semaine Activités sportives Garçons Filles
Moins de 2 heures 30 % 54 %
De 3 à 5 heures 26,6 % 25 %
6 heures et + 42,4 % 20 %
Voici une comparaison entre les données obtenues en 1994 concernant la répartition, en pourcentage, des élèves selon le sexe et le nombre d’heures consacrées au sport par semaine comparées à celles qui ont été obtenues dans l’enquête LIS. Cette comparaison montre que les pourcentages varient très peu d’une enquête à l’autre TABLEAU 12 Comparaison entre l’enquête LIS et l’enquête du MEQ (1994a) concernant le temps consacré au sport
Garçons Filles
Moins de 2 heures MEQ LIS 27 % 30 % 54 % 54 %
De 3 à 5 heures MEQ LIS 27 % 26,6 % 28 % 25 %
6 heures et + MEQ LIS 46 % 42,4 % 17 % 20 %
Certaines pratiques de lecture Les élèves ont été questionnés sur l’occurrence de certaines pratiques de lecture dans leur expérience, telles la lecture à haute voix ou la visite d’un salon du livre. Ils devaient cocher et pouvaient cocher à plusieurs endroits. Comme plusieurs choix pouvaient être faits, nous avons indiqué les nombres (sur une possibilité maximale de 1737 mentions). TABLEAU 13 L’occurrence de certaines pratiques de lecture Oui Oui Jamais durant la avant la dernière année dernière année Lire à haute voix pour des enfants 908 588 485 Raconter des histoires à des enfants 925 575 480 Écouter tes parents te lire des histoires 179 757 838 Écouter tes enseignants te lire des histoires 932 594 411 Faire de la poésie personnelle 522 316 1031 Jouer dans une pièce de théâtre 404 546 861 Faire un exposé oral sur un livre 1 046 704 216 Écouter un livre-cassette 255 638 889 40
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 41
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
Tableau 13 – suite Oui Oui durant la avant la dernière année dernière année Lire un livre dont on a vu le film 476 390 Participer à une discussion orale sur un livre 586 447 Visiter un salon du livre 268 422 Chatter sur Internet 1 050 425 Tenir un journal personnel 577 463 Écrire une BD 310 456 Écrire des scénarios 277 256 Écrire à des amis 1 139 637
Jamais 946 825 1 087 539 864 1 042 1 271 382
La colonne « jamais » est intéressante et désolante à la fois, et ce, à plus d’un titre. Il semble que l’écriture de scénarios, de BD, de poésie personnelle et la visite de salons du livre, la participation à des pièces de théâtre ne constituent pas des pratiques de lecture courantes. Toutefois, on peut constater que la participation à des forums électroniques (chating) est en hausse. Les adolescents semblent néanmoins beaucoup écrire à des amis et participer à une discussion orale sur un livre (ceci est vraisemblablement un effet des pratiques de classe). Toute pratique qui est de l’ordre du privé (opposé ici au scolaire), à part le chating, semble assez absente. Ces résultats sont en concordance avec ceux relatifs à la place très limitée qu’occupe la lecture de plaisir dans la vie de l’adolescent par rapport à celle, très grande, de la lecture scolaire.
Fréquentation des librairies On observe que 61% des adolescents sont déjà entrés dans une librairie pour acheter un livre et que 68% aiment flâner dans la section livres et revues d’un magasin. Dans l’enquête Les Jeunes et la culture (voir MCC, 2000), les 15 à 18 ans ont été questionnés sur leur fréquentation des établissements culturels: 65,9% disent aller à la librairie, une fois par année, 45,7% à la bibliothèque municipale et 43,4% à la bibliothèque scolaire. De plus, 12,9% fréquentent les salons du livre. La bibliothèque vient au deuxième rang des établissements culturels les plus fréquentés par la population; elle l’est davantage par les jeunes (28% fréquentent et la bibliothèque municipale et scolaire). Les données recueillies montrent que l’assiduité à la librairie demeure constante et se conserve jusqu’à l’âge de la retraite.
Le comportement devant un livre Un autre aspect intéressant en ce qui concerne les habitudes de lecture consiste à explorer les comportements adoptés devant un livre : l’adolescent peut-il lire une heure sans s’ennuyer? Est-il passionné par sa lecture au point d’en oublier l’heure des 41
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 42
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
repas? Le tableau suivant présente les réponses des jeunes, en regroupant «parfois» et «rarement» afin de mieux voir les tendances. TABLEAU 14 Comportement de l’adolescent face au livre Il peut lire une heure sans s’ennuyer Il aimerait avoir plus de temps pour lire Quand il commence un livre, il le finit rapidement Quand il lit, il est tellement concentré que rien ne peut le déranger Quand il a lu un livre passionnant, il le suggère à des amis Quans il est fatigué, la lecture lui apporte repos et détente
Parfois et rarement Toujours 63 % 36 % 74 % 24 % 73 % 24 % 67 %
32 %
53 %
36 %
64 %
34 %
On pourrait avancer que la relation à l’acte de lire n’est pas une passion à tout le moins pour les deux tiers des jeunes. La lecture n’entraîne pas une sensation de détente. Dans cet esprit, on comprend que l’adolescent ne ressent pas le besoin d’avoir plus de temps pour lire, sauf peut-être une légère augmentation en 4e secondaire. On peut noter quelques différences entre les garçons et les filles. Ces dernières sont plus nombreuses à lire une heure sans s’ennuyer: 45% le font et 47% suggèrent des lectures à leurs amis. Par ailleurs, 50 % des garçons disent qu’ils n’aimeraient pas avoir plus de temps pour lire et 45%, que la lecture leur apporte rarement repos et détente. Les adolescents relisent (45 %) ou ne relisent pas (52 %) les livres qu’ils ont aimés. Ces proportions sont les mêmes quels que soient la région, le sexe ou le niveau scolaire. Ils préfèrent largement (641 jeunes) acheter des livres, puis les emprunter à la bibliothèque publique (634 personnes) ou encore les recevoir en cadeau (553 personnes) avant de les emprunter à la bibliothèque scolaire ou à des membres de leur famille. L’enquête comparative France-Québec (MEQ, 1994b) avait aussi sondé les jeunes sur leur comportement face au livre et leur goût de lire : 80 % répondent aimer «beaucoup» ou «assez lire» (comparativement à 74% en France). Seuls ceuxci ont répondu à la question portant sur leurs comportements ou leurs attitudes à l’égard de la lecture. Voici les résultats obtenus aux questions.
42
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 43
Chapitre 2 – Les habitudes de lecture
TABLEAU 15 Répartition des élèves selon divers éléments liés à leurs comportements ou à leurs attitudes à l’égard de la lecture (en %), Québec et France (MEQ, 1994b, p. 12) Dans tous les cas Ça dépend de Rarement ce que je lis Québec France Québec France Québec France J’aimerais voir prolonger les périodes de lecture Je peux lire une heure sans m’ennuyer Quand je commence un livre, je le finis en quelques jours Quand je lis, j’oublie tout ce qui se passe autour de moi Quand je lis un livre passionnant je suggère à mes amis de le lire Quand je suis fatigué, la lecture m’apporte repos et détente
31,3
19,4
64,5
70,9
4,2
9,7
29,3
30,7
64,6
56,9
6,0
12,4
39,1
30,7
47,3
47,8
13,6
31,4
42,1
39,8
44,4
37,9
13,6
22,3
58,3
49,5
16,7
17,0
25,0
33,6
55,6
46,8
32,5
33,0
11,9
30,3
Tant les jeunes Québécois que les jeunes Français aimeraient voir se prolonger les périodes de lecture et les jeunes Québécois sont nombreux (64,6%) à pouvoir lire une heure sans s’ennuyer, ce qui contraste avec les données que nous avons recueillies. Plus de la moitié des répondants disent suggérer une lecture passionnante à un ami alors que les jeunes de notre enquête le font plus rarement; 55,6% des jeunes disent que la lecture leur apporte toujours repos et détente alors que nos données nous donnent qu’un tiers seulement de l’échantillon.
Les stéréotypes en lecture Les données recueillies par questionnaire montrent que les adolescents ont une vision intéressante et nuancée de la question des stéréotypes: 68,3% affirment que les filles lisent plus que les garçons, 74 % sont en désaccord avec l’énoncé qui dit que les jeunes lisent plus que les adultes, 56,6 % sont en désaccord avec l’énoncé qui dit que les gens instruits lisent plus que les autres et 67,4 % sont en désaccord avec l’énoncé qui dit que les bolés sont les plus grands lecteurs. On ne note aucune différence significative entre filles et garçons sur ces sujets non plus qu’en fonction de leur niveau d’étude ou de leur région. Nous verrons que cette question a fait surgir d’intéressantes discussions lors des entretiens en groupe de discussion et que le portrait s’avère plus contrasté qu’il n’y paraît.
43
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 44
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Conclusion Les résultats de l’enquête concernant les habitudes de lecture des adolescents montrent que le temps que les adolescents consacrent à la lecture a peu varié au fil des années et que la télévision occupe une large part du temps des adolescents. Les garçons, davantage que les filles, se consacrent au sport. Le temps consacré à la lecture de loisir, faite librement, est très limité. La semaine des deux tiers des adolescents se compose de travaux scolaires, de télévision et de sorties entre amis. Les pratiques de lecture sont avant tout restreintes à la sphère scolaire (exposés oraux, entre autres) bien que la correspondance virtuelle (chating entre amis) gagne du terrain. Les jeunes fréquentent peu les librairies. La lecture n’est pas une passion, à tout le moins pour les deux tiers des jeunes quoique les filles soient plus nombreuses à lire sans s’ennuyer et à suggérer des lectures à leurs amis. Les comparaisons faites avec les études antérieures et celles qui ont été effectuées en France tout particulièrement montrent que le portrait de l’adolescent lecteur a peu varié au fil des années, qu’il ressemble au portrait général de la population des 15 ans et plus et qu’il est, dans ses grands traits, sensiblement le même en France et au Québec. Il n’en demeure pas moins que la lecture, particulièrement en ce qui concerne la lecture de plaisir ou de loisir, retient peu la faveur des jeunes et qu’elle est battue en brèche par la télévision en dépit d’efforts soutenus du milieu scolaire pour intéresser les jeunes aux livres.
44
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 45
CHAPITRE 3
Les choix de livres Monique Lebrun
L’adolescence et les changements À l’adolescence, les jeunes cherchent à s’émanciper, à s’affranchir de leurs parents; parallèlement, l’influence des pairs grandit. Des changements physiologiques se produisent, les rendant souvent mécontents de leur image corporelle, d’autant plus qu’ils commencent à établir des relations avec le sexe opposé. C’est également l’âge où s’établit le système de valeurs. Les jeunes désirent mieux se connaître eux-mêmes: il n’est donc pas étonnant qu’ils cherchent à s’identifier aux protagonistes des romans. Ce n’est en général qu’à partir de 16 ans qu’ils deviennent moins égocentriques et développent de l’intérêt pour les problèmes sociaux, voire pour les aspects esthétiques de la littérature: ils sont alors mûrs pour l’analyse littéraire, ce qui n’est pas le cas des plus jeunes. Le rôle de la littérature adolescente dans le développement de la lecture chez l’adolescent et sa place dans la classe ont donné lieu à des discussions entre les éducateurs d’anglais pendant plusieurs décennies. Pour certains, dont Bleich (1980), la littérature adolescente est l’une des expériences transactionnelles importantes dans la croissance cognitive et émotive de l’adolescent. À l’adolescence, l’identité s’affirme. Les programmes de lecture devraient refléter et accepter le rôle que peuvent jouer les processus de lecture dans le développement du concept du lecteur individuel. Ils doivent valoriser le développement de ces processus cognitifs et émotifs par des expériences permettant de faire des tests, des choix et des abstractions. Comme Rosenblatt (1978, 1983), Bleich recommande de mettre l’accent sur le lecteur individuel ainsi que sur ses besoins et ses intérêts dans le processus de lecture. Il existe des stades dans les intérêts des lecteurs, mais aussi dans les effets sociaux que la littérature peut avoir sur le lecteur. De nombreuses études ont analysé les relations entre les processus de développement psychologique et les intérêts de lecture par le conte de fée chez l’enfant, par exemple. Cependant, plusieurs adolescents sont incapables de passer de la littérature enfantine à la littérature adulte, entraînant ainsi une chute du nombre de lectures à l’adolescence. Cette chute survient en même temps que la transition développementale entre l’enfance et l’adolescence. C’est le
45
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 46
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
rôle des enseignants de langue d’intéresser les adolescents à la lecture par des livres qui répondent à leurs besoins et à leurs intérêts. Ce chapitre traitera des livres que les adolescents choisissent de lire. Après une mise au point sur le rôle de l’enseignant concernant ce choix, nous diviserons notre propos en deux grandes parties. La première traitera des types de livres que les adolescents préfèrent selon les enquêtes antérieures, et la seconde, des résultats de notre enquête LIS menée auprès des élèves québécois sur le même sujet.
Les enseignants et le choix des livres Lorsqu’il choisit un livre pour des adolescents, l’enseignant doit se rappeler que celui-ci doit être, d’une façon ou d’une autre, relié à leur vie et que sa qualité littéraire ne sera pas toujours perçue par le jeune lecteur. On peut se fier aux stades de développement moral de Kohlberg: l’adolescent est souvent au troisième stade, celui de la relation avec autrui: il veut être accepté socialement. Il commence à peine à se soucier des devoirs et des obligations de la vie en société. Que l’adolescent perde de l’intérêt pour le matériel de lecture présenté à l’école ne signifie pas pour autant qu’il ait perdu tout intérêt pour la lecture en soi. Un adolescent sera d’autant plus intéressé à discuter d’un livre qu’il aura l’impression de l’avoir lui-même choisi (Bintz, 1993). Les garçons aiment l’horreur et le suspense. Ils ont cependant des différences individuelles: l’un peut aimer les lectures sur les sports et un autre la science-fiction. Depuis quelques années déjà, les enseignants québécois du secondaire disposent de l’ouvrage De la lecture à la culture (Provost, 1995), qui leur donne des balises et des suggestions quant aux titres à choisir pour les jeunes. Cet ouvrage remplace Lire et aimer lire, toujours de Provost (1988), qui allait de pair avec le programme de lecture de 1980. L’ouvrage laisse la place à la littérature de jeunesse, pour la classe d’âge des 12 à 15 ans, et tient compte des classiques incontournables, tant de la littérature internationale que de la littérature québécoise. Comme dans l’ouvrage précédent, les critères de choix sont variés et tiennent compte de l’âge, du niveau de difficulté, du genre littéraire et de la disponibilité des ouvrages. On précise les projets pouvant être menés grâce aux livres, dans une optique de lecture de plaisir qui est également un apprentissage. On peut parler également du travail de Gemme (1994) de la commission scolaire Saint-Jean-sur-le-Richelieu, qui combine les choix de livres à des tâches de lecture stimulantes et à des instruments servant à mesurer les apprentissages en lecture. Il existe des « fiches de lecture » pour environ 25 titres par année du secondaire.
46
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 47
Chapitre 3 – Les choix de livres
Les types de livres que préfèrent les jeunes selon les enquêtes antérieures On dispose de beaucoup de recherches (de type sondage) sur les types de livres que préfèrent les jeunes. En fait, ce sujet touche les lectures de loisir, même s’il peut également être considéré dans les pratiques de lecture scolaire. Pour plus de facilité d’interprétation, il faut généralement ventiler ces intérêts selon l’habileté, le sexe et l’âge du lecteur. Voyons ici, dans l’ordre, une enquête française, quelques enquêtes américaines et quelques enquêtes québécoises.
En France En France, Baudelot, Cartier et Detrez (1999) ont recueilli tous les choix de leurs sujets. Pour 493 garçons et 525 filles, ils ont eu 1504 titres de 737 auteurs. Seuls deux ouvrages recoupent ceux qui sont mentionnés dans notre enquête : Les Dix Petits Nègres et L’Herbe bleue. La liste comporte un grand nombre de classiques, même si les élèves sont en 3e (15 ans et demi), ce qui démontre bien la polarisation des activités de lectures de loisir et la prégnance du modèle scolaire français. D’après les auteurs, la moitié des livres est soit directement étudiée au collège, soit conseillée et les auteurs que les jeunes préfèrent n’ont pas changé depuis 10 ans: Stephen King est toujours en tête. Parler de genres préférés est un peu réducteur à cet âge. Les romans classiques sont lus par environ 38 % des jeunes, les romans jeunesse par un peu plus de 20%, de même que les policiers. Les romans d’aventures, par 20 %, le fantastique par environ 13%, la science-fiction, par environ 12%, les best-sellers, par environ 8%, les biographies, par environ 4%, la poésie, par 2%. Les auteurs sont Français à 66%, les Anglo-Saxons occupant près du tiers restant. Les choix de livres varient selon qu’on est mauvais ou bon élève.
Aux États-Unis L’étude de Stange et Carter (1995) se penche sur les lecteurs doués de 6e, 7e et 8e année, d’écoles urbaines américaines. Les résultats montrent qu’ils sont attirés par les histoires de mystère, par l’humour, la fiction et les revues. Les élèves démontrent peu d’intérêt pour des sujets tels que la santé, la religion, la géographie, les mathématiques, l’informatique. Selon la taxonomie de Krathwohl et al. (1964), les filles ont des attitudes plus positives que les garçons, à tous les niveaux d’études. Elles démontrent plus d’intérêt pour les textes à l’étude, les apprécient davantage et accordent en général plus de valeur à la lecture comme activité. L’étude démontre qu’il faut varier les types d’œuvres présentés à la clientèle de cet âge tout en tenant compte des genres les plus prisés.
47
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 48
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
La littérature sérielle La littérature sérielle occupe une place importante dans les choix des jeunes. Greenlee, Monson et Taylor (1996) ont exploré le sujet chez les jeunes Américains. Mentionnons deux séries importantes: les Baby-Sitters Club Books, d’Anne Martin, et les Goosebumps Series Books, de R.L. Stine. Il s’agit, dans le cas des Baby-Sitters, d’un groupe de jeunes filles ayant formé un club pour garder des enfants ; elles s’organisent de petites fêtes, visitent New York, s’intéressent aux garçons. Chaque histoire de la série de 90 livres (en 1996) est racontée par l’une des jeunes filles. Les Goosebumps sont des histoires terrifiantes écrites par Stine à raison de deux par mois. Les héros sont des adolescents ordinaires intéressés par l’étrange et le surnaturel. L’engouement des jeunes pour ces séries, et d’autres, est réel, mais laisse les éducateurs et les critiques sceptiques. Ils aiment bien les séries de L.M. Montgomery et de Laura Ingalls, mais trouvent que, dans d’autres, les jeunes n’apprennent pas. La qualité littéraire de certaines séries est également contestée, de même que les messages implicites et explicites adressés aux jeunes. Lorsqu’il s’agit de romans à l’eau de rose, on renforce les stéréotypes relatifs à la famille. La série des Baby-Sitters ne tient aucunement compte des problèmes de société tels que la famille éclatée, l’abus de drogues et autres problèmes graves qui sont exposés dans une littérature pour la jeunesse recommandable. Et que dire de la violence gratuite des Goosebumps! Greenlee et al. (1996) ont interrogé 32 garçons et filles de 11 et 12 ans sur leurs lectures libres de séries et de livres non inclus dans des séries. Ils ont découvert que les jeunes s’engagent plus dans les séries que dans les autres livres (72% des réponses comparativement à 60%) et qu’il n’y a pas de processus d’interprétation lors de la lecture de séries, alors que celle-ci intervient pour 4 % des réponses dans les autres livres. Pour 56% des élèves, les livres non sériels sont les meilleurs. Pour 20% d’entre eux, on devrait utiliser en classe les littératures sérielles seulement. Les élèves ont beaucoup de difficulté à se justifier, évoquant parfois le sujet du livre, parfois leur identification au héros. Les considérations littéraires les dépassent; ils mentionnent parfois la structure de l’œuvre, l’intrigue ou la clarté de la langue, mais en restent là. L’avantage des séries, pour eux, c’est qu’elles facilitent les choix de lectures, alors que les autres livres sont habituellement recommandés surtout par des amis. En ayant une aide soutenue pour choisir des livres de qualité, les jeunes s’écarteront inévitablement de certaines séries qu’ils jugeront, à la longue, trop répétitives. La littérature policière et de suspense Le cas des polars et des histoires mystérieuses est particulier. L’étude de Sugarman (1995) examine des exemples typiques du genre policier et inclut des interviews avec des enfants quant à leur plaisir du mystère. Les adultes ont également été questionnés à des fins de comparaison. Depuis les années 1980, on a assisté à une plus grande tolérance face à ce type de lecture. On croit que la lecture est justifiée 48
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 49
Chapitre 3 – Les choix de livres
par son action (lire), peu importe le contenu de l’ouvrage lu. On espère ainsi que les enfants progresseront vers une littérature de qualité supérieure. Cet optimisme n’est pas nécessairement justifié. Gold (1983, dans Sugarman 1995) et Vardell (1983, dans Sugarman, 1995) ont trouvé que la lecture d’histoires mystérieuses peut aider à améliorer les habiletés en écriture des jeunes parce qu’ils en analysent les éléments et qu’ils écrivent leur propre histoire. Ainsi, les enfants et les adultes délaissent parfois des livres sérieux et réalistes au profit de livres plus rassurants, parce que la résolution de problèmes est rarement remise en question. Les personnages de polar ont en commun une pensée rationnelle. La source de leur force physique réside en leur habileté à penser correctement, à réfléchir. Pour les enfants et les adolescents vulnérables économiquement et face à la force physique des adultes, être plus intelligent est un but réaliste et réalisable. Un pouvoir raisonnable est peut-être la raison d’être de la lecture d’histoires mystérieuses par les enfants et les adolescents. Ce que nous lisons façonne les idées que nous avons du monde. Ainsi, les jeunes qui ont une mince expérience de la vie sont vulnérables aux messages de base et aux thèmes véhiculés dans les livres, à la télévision et dans les films. Les enfants et les adultes ne critiquent généralement pas les idées et les valeurs qu’ils absorbent par les divertissements qu’ils apprécient. Par conséquent, la tâche de l’auteur en observant la culture populaire est d’examiner le texte et le lecteur afin de mieux comprendre leur interaction. Selon Sugarman (1995), les jeunes préfèrent les mystères parce qu’ils sont effrayants. Les adultes sont attirés par l’évasion que ces livres procurent. Parmi les qualités données aux détectives, l’intelligence était la préférée des adultes tandis que le courage et la prise de risque étaient les préférées des enfants. Les garçons préfèrent des hommes comme détectives, alors que les femmes préfèrent les femmes ou des paires mixtes comme détectives. La série Goosebumps de R.L. Stine (cité comme auteur préféré), dans laquelle l’irrationnel et le surnaturel créent du désordre et de la peur, a été choisie comme mystères favoris par 71% des filles et par 35% des garçons. Les résultats indiquent également que les enfants choisissent des mystères d’après la page couverture et d’après les commentaires de l’éditeur. Comment la présence du surnaturel dans les livres aide-t-elle les jeunes à se développer ? Si l’on voit ces livres comme des métaphores permettant à l’enfant de traiter des questions du mal avec le courage et la résolution de problèmes, on peut comprendre pourquoi l’anxiété et la méfiance qui font partie de la vie contemporaine se reflètent chez eux. Le manque de délimitation entre les frontières du monde des vivants et du monde des morts se trouve non seulement dans les mystères, mais aussi dans les histoires de fantômes. Pour les ados dont la vie est stressée par le divorce, les crimes urbains, les pressions familiales et pour qui les adultes qui les aiment peuvent parfois paraître transformés 49
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 50
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
en monstres, en extraterrestres ou en créatures sorties de lieux sombres, il peut sembler plus facile de réagir à ces phénomènes plutôt qu’aux problèmes projetés dans des formes plus réalistes. En 1982, Gallo (1983) a mené une enquête sur des élèves du primaire et du secondaire au Connecticut. Les échantillons provenaient de 51 écoles de différentes villes. Au total, 1 647 garçons et 1 752 filles, soit 3 399 élèves, ont répondu au questionnaire. Pour le type de livre préféré, les intérêts des filles de la 7e à la 12e année sont dominés par les romans (57% des cas). Pour les garçons, les livres traitant de sports arrivent en tête de liste dans tous les niveaux. Pour le regroupement des filles et des garçons, les types de livres préférés sont, dans l’ordre, les mystères et le suspense, la romance et l’amour, l’horreur et le surnaturel suivis des sports. Les graphiques des pages 3 et 4 présentent les types de livres préférés en pourcentage selon le sexe, et selon le total des élèves. La variété dominait non seulement dans les livres préférés, mais aussi dans la liste des livres récemment lus pour le propre plaisir des élèves. Ainsi, on trouve des livres médiocres et des classiques. Il est surprenant de constater que plusieurs élèves n’ont pas inscrit d’auteur favori et que la variété dans les auteurs préférés n’est pas aussi élevée que dans le cas des livres préférés. Les mêmes noms sont revenus encore et encore, même parmi les différents niveaux. Les filles sont plus nombreuses que les garçons à lire d’autres livres d’un même auteur, mais cet attrait diminue avec l’âge, et ce, pour les deux sexes et pour tous les degrés. On a demandé aux élèves les types de sujets qui les offensent: 38% des garçons disent n’être offensés par aucun sujet, alors que les filles deviennent moins offensées lorsqu’elles gagnent de la maturité. Le sujet entraînant le plus de réponses négatives était l’homosexualité: un élève sur 4 arrêterait même la lecture du livre. Viennent ensuite les critiques sur la religion (18% de tous les élèves), puis les critiques sur l’Amérique (13% de tous les élèves).
Au Québec L’enquête ministérielle de 1994 Il s’agit de la dernière enquête faite par le MEQ en lecture. Elle s’intéresse au genre de livres que l’élève possède à la maison, et, parmi ceux-ci, à la proportion de livres documentaires par rapport aux œuvres de fiction (question 11). On demande ensuite à l’élève d’apprécier chaque type de livres sur une échelle en cinq points (question 16). La question 21 sonde la lecture des magazines et des journaux. Voici comment le rapport analyse les réponses des jeunes. Dans un premier temps, on classe les genres de livres préférés par les jeunes selon la classification en 20 catégories du Service documentaire multimédia (SDM), ce qui éparpille les réponses. Mentionnons quelques grandes catégories, par ordre décroissant d’importance chez les jeunes: romans, contes et nouvelles pour les jeunes (38%), 50
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 51
Chapitre 3 – Les choix de livres
romans, contes et nouvelles pour les adultes (21%), romans policiers (10%), romans fantastiques (8 %), biographies (5 %), théâtre (4 %), bandes dessinées (3 %). Les deux premières catégories sont privilégiées indifféremment par les garçons et par les filles. Les différences entre sexes interviennent à partir du troisième choix, les filles préférant, dans l’ordre, les romans policiers et les biographies et les romans fantastiques et les garçons, les romans fantastiques, les romans policiers et les bandes dessinées. C’est en 4e et 5e secondaire que s’affirment les choix de romans pour adultes et que l’on constate le déclin des bandes dessinées. Dans un second temps, l’enquête de 1994 opère une classification selon les genres littéraires classiques. C’est ainsi que l’on remarque que les deux genres préférés, tant des filles que des garçons, sont le roman d’aventures et le polar, préférés par les deux tiers, voire les quatre cinquièmes des ados. Le roman historique se classe en troisième avec le tiers des suffrages. Viennent ensuite des genres littéraires où la différence entre garçons et filles joue fortement. On peut en mentionner deux exemples; les romans d’amour, que 77% des filles et que 19% des garçons disent aimer, et, d’autre part, la sciencefiction, qui rejoint l’assentiment de 63% des garçons, comparativement à 37% pour les filles. On ne parle pas des lectures de journaux autrement que par une question insérée dans une autre plus générale sur les types de textes lus : selon les résultats, 64 % des garçons et 56 % des filles en lisent. Par ailleurs, l’enquête comporte des renseignements intéressants sur les lectures de livres, de journaux et de revues que font les deux parents. Le tiers des mères lisent des livres et les journaux tous les jours et plus de la moitié lisent des revues au moins une fois par semaine. Quant aux pères, si plus de la moitié disent lire les journaux tous les jours, seuls 13% lisent des livres tous les jours; le tiers lisent des revues au moins une fois par semaine. On n’a pas interrogé les élèves sur les caractéristiques de leurs personnages préférés. Par ailleurs, le rapport contient des énoncés très vagues sur la composition de la bibliothèque familiale ou personnelle. Quant aux influences subies, on nous dit qu’environ la moitié des élèves sont sensibles aux commentaires des amis, de la famille, des tiers et de l’enseignant, surtout chez les filles. L’enquête ministérielle de 1980 Cette enquête (Hould, 1980) comporte quatre questions sur la lecture de revues et de journaux, cinq questions sur les influences subies quant au choix des lectures, une question sur les types de livres préférés, une autre sur les sujets préférés et une question sur les caractéristiques préférées de l’univers d’un livre (soit les aspects faisant appel à l’imagination, à la réflexion et à la sensibilité). Le rapport fait état des résultats suivants. Plus de la moitié des répondants (soit 52,7 %) se fient à leur expérience de lecteur ou à leur intuition pour choisir leurs livres. Selon Hould, ce comportement révèle que le jeune n’a pas de programme de 51
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 52
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
lecture et qu’il lit souvent en fonction d’intérêts passagers. Les conseils des parents, des amis et des enseignants ne comptent que pour 30 % des choix de livres ; l’influence de la publicité ou des chroniques de livres dans les médias reste très marginale. Lorsqu’ils sont devant le livre, les adolescents se laissent influencer par certains aspects. Environ 80 % des répondants se laissent influencer par le titre, toujours ou presque toujours. Plus du tiers des élèves prennent toujours le sujet du livre en considération et le tiers le font souvent. Le nom de l’auteur est important pour environ le tiers des répondants, ce qui révèle que les pratiques scolaires insistant sur les auteurs n’influencent pas nécessairement les choix. Les types de livres qui ont le plus de popularité sont, par ordre décroissant, tous sexes confondus, le roman d’amour, les bandes dessinées, la science-fiction, les romans policiers, avec des pourcentages de 58 % à 73 %, lorsque l’on combine les « très intéressés » et les «moyennement intéressés». Les livres sur l’actualité, les pièces de théâtre et les recueils de poèmes sont prisés par une infime partie de la population étudiante, à cet âge, soit entre 7 % et 12 % des sujets dits « très intéressés ». Quant aux ouvrages rassemblant des textes de type informatif, ils se situent entre ces deux extrêmes, les livres scientifiques, les encyclopédies et les livres sur l’actualité rassemblant deux sujets sur cinq qui se disent «très intéressés» ou «moyennement intéressés» par eux. Quant à la question sur les sujets d’intérêts privilégiés chez les jeunes relativement à leur choix de livres, l’enquête fait ressortir qu’ils entendent que l’on traite de problèmes de leur âge, dont la sexualité et la drogue. Viennent ensuite, en deuxième position, les jeux, les sports et le bricolage, en troisième position, le monde vivant (animaux et plantes) et, en quatrième position, les sciences. Dans l’ordre, on retrouve ensuite les techniques, l’histoire, les métiers, les voyages, les arts, les problèmes d’actualité tels que la pollution, les questions sociopolitiques, les arts et, enfin, la philosophie et les religions. On peut penser que les sujets se retrouvant en queue de liste intéresseront plus tard les jeunes, au moment de leur entrée au cégep. Les lecteurs de fiction sont majoritairement des filles (63,5% contre 36,2%), tandis que l’on retrouve une suprématie des garçons chez les lecteurs de non-fiction (70,6% contre 28,8%). Le comportement de lecteur du garçon est fonctionnel et pratique: la lecture est pour lui un moyen d’apprentissage, alors que le comportement de la fille est celui d’une lectrice qui recherche l’évasion. L’enquête de Hould (1980) comporte plusieurs questions sur les revues et journaux. Il en ressort que ce type de lecture est plus fréquent au deuxième cycle du secondaire. Les élèves qui s’y adonnent sont généralement des lecteurs assidus. L’enquête de l’IEA-Québec Selon l’enquête IEA-Québec (voir Parent, Lebrun et al., 1994) faite en 1991 auprès de 365 adolescents de 2e secondaire, voici les pourcentages des répondants affirmant ne lire presque jamais, pour leur intérêt personnel, les livres traitant des sujets 52
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 53
Chapitre 3 – Les choix de livres
énumérés: aventures (16,2%), humour (23,8%), sports, loisirs et santé (31,2%), horreur (33,7%), science-fiction (36,4%), policiers ou espionnage (37,3%), monde sauvage et nature (40,3 %), musique (40,6 %), histoires romanesques (46,8 %), sciences et technologies (51,5%), biographies et autobiographies (55,1%), voyages (55,9 %), poésie (57,3 %), histoire et politique (63,8 %), littérature classique (68,8%). Si l’on inverse ces pourcentages, on obtient les genres les plus prisés par la clientèle de cet âge, en ordre décroissant. Nous terminerons en citant un travail universitaire. Dans son enquête limitée à 130 élèves de 5e secondaire d’une école de l’ouest de Montréal, Landreville (1995) ne classe pas les types d’œuvres selon les priorités de lecture des adolescents. Elle isole le roman «roman» du polar et du roman de science-fiction, ce qui lui permet de dire que 66,4 % de ses sujets lisent des romans « souvent », que 24,6 % lisent «souvent» de la science-fiction et que 22,5% lisent souvent un polar. La lecture de journaux et de magazines Selon l’enquête de l’IEA-Québec (1991) menée auprès de 365 adolescents de 2e secondaire, voici la fréquence des jeunes ne lisant presque jamais dans les magazines, les rubriques suivantes: cinéma et télévision (16,4%), sports, loisirs et santé (27,4%), musique (37%), roman-photo et mode (37,5%), monde sauvage et nature (42,5 %), automobiles et motos (44,4 %), ordinateurs et technologies (48,8%), actualités et politique (56,7%). La même enquête fournit les pourcentages suivants pour les jeunes ne lisant presque jamais certaines rubriques dans les journaux: cinéma et télévision (18,4%), bandes dessinées (20,8%), sports, loisirs et santé (27,4%), petites annonces (37%), roman-photo et mode (46%), actualités et politique (51%), monde des affaires et finance (63%). L’enquête IEA-Québec (1991) a révélé que les élèves favorisent les journaux. Viennent ensuite les magazines et les livres. En cela, leur comportement est semblable à celui des élèves de la Finlande, de la Norvège, de la Suède et de l’Islande (IEA, 1992). Au niveau international (1992), les pays pour lesquels les élèves favorisent les livres sont tous des pays en développement (par exemple, Nigeria, Philippines, Trinidad et Tobago, Zimbabwe, Bostwana). Dans l’enquête ministérielle de 1994, on ne parle des lectures de journaux que par une question insérée dans une autre plus générale : 64 % des garçons et 56 % des filles en lisent. Landreville (1995) a trouvé pour sa part les résultats suivants. Chez les finissants du secondaire : 30,5 % lisent souvent La Presse, 22,8 %, The Gazette, 12,3 %, Le Journal de Montréal et 0,8%, Le Devoir. On peut imaginer que les chiffres seraient
53
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 54
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
plus bas encore avec une population moins âgée. La presse à grand tirage est plus populaire que les journaux plus intellectuels comme Le Devoir.
Les résultats de l’enquête LIS Nous présentons ici quelques tableaux issus du questionnaire écrit, suivis des propos recueillis lors des entrevues de groupe.
Les genres de livres lus Cette question est l’un des grands classiques des enquêtes en lecture. Plutôt que de demander aux élèves s’ils lisaient ou non tel genre de livre, nous avons requis leur appréciation. TABLEAU 1 Appréciation des genres de livres* a) roman d’amour b) roman d’aventures c) roman policier d) roman historique e) science-fiction f) poésie g) ouvrages documentaires h) bandes dessinées traditionnelles i) courts textes avec images j) romans-photos k) mangas l) fantastique, Moyen Âge
Excellent 409 (23,5%) 609 (35%) 532 (30,6%) 258 (14,8%) 447 (25,7%) 210 (12%) 159 (9,1%)
411 767 544 409 442 298 346
635 212 244 248 477
589 426 453 152 410
(36,5%) (12,2%) (14%) (14,2%) (27,4%)
Bon Peu d’intérêt (23,6%) 422 (24,2%) (44,1%) 258 (14,8%) (31,3%) 419 (24,1%) (23,5%) 548 (31,5%) (25,4%) 488 (28%) (17,1%) 492 (28,3%) (19,9%) 654 (37,6%) (33,9%) (24,5%) (26%) (8,7%) (23,6%)
Jamais lu 483 (27,8%) 97 (5,5%) 233 (13,4%) 511 (29,4%) 344 (19,8%) 721 (41,5%) 558 32,1%)
365 (21%) 133 (7,6%) 857 (49,3%) 229 (13,1%) 545 (31,3%) 478 (27,5%) 231 (13,3%)1048 (60,3%) 346 (19,9%) 483 (27,8%)
* Le taux des non-réponses va de 0,1 % à 1,2 % par catégorie, sauf pour les mangas (3,3 %, sans doute à cause du mot, inconnu d’un certain nombre d’adolescents).
Il semble que le grand intérêt des adolescents va vers le roman d’aventure, la bande dessinée puis le roman policier. Les romans d’amour, de science-fiction et fantastiques sont aussi appréciés. La poésie et les ouvrages documentaires suscitent peu d’intérêt, et dans une proportion moindre les romains historiques et les courts textes avec image. La mode des mangas s’est évanouie. Deux domaines sont également partagés: les romans-photos, romans fantastiques et romans d’amour. Regardons de plus près certains genres et l’appréciation diversifiée selon le sexe, le niveau et la région. Nous ne parlerons ici que du pourcentage d’appréciation positive (soit le total des réponses «excellent» et «bon»). 54
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 55
Chapitre 3 – Les choix de livres
TABLEAU 2 Appréciation positive de quelques genres selon les sexes, le niveau et la région Fém. roman d’amour 76,9% roman d’aventure 80,8% roman policier 57,7% roman historique 38% science-fiction 40,2% poésie 46,2% documentaire 29,3% BD 62,4% fantastique-MÂge 52,2%
Masc. 13,9% 77,4% 66,4% 38,6% 24,6% 10,2% 28,7% 79,4% 49,9%
1re 41,6% 76,7% 58,7% 40% 28,4% 26,2% 30% 77,5% 48,1%
2e 48,8% 81,1% 62,1% 33,1% 26,8% 27,9% 24,9% 68,7% 54,9%
3e 55,6% 80,9% 65,1% 38,1% 25,7% 32,7% 26,9% 64,3% 48,5%
4e Mauricie 51,3% 53,3% 80% 85,1% 67,6% 62,5% 46,4% 38,2% 29,2% 49% 37,6% 31,9% 38,4% 27,1% 59,2% 71,2% 52,6% 48,4%
Montréal 43,2% 75,4% 61,6% 38,5% 29,4% 27,5% 30,4% 70,1% 52,9%
Analysons les corrélations entre la perception de soi comme lecteur et l’appréciation des deux genres littéraires les plus estimés, soit le roman d’aventure et la bande dessinée. Pour l’ensemble des répondants, les données nous permettent de dire qu’il y a consistance entre la façon dont les sujets se perçoivent comme lecteur et leur appréciation à propos du roman d’aventure. C’est là la plus forte corrélation (0,28985) même si, statistiquement, le résultat n’est pas tellement concluant. Un aspect intéressant à souligner est la relation entre la perception comme lecteur et l’appréciation de la bande dessinée: la corrélation obtient le score le plus bas (0,00601). Il semble que l’on pourrait avancer que la bande dessinée est lue par toutes les catégories de lecteur. Voyons maintenant, sur le même sujet, les corrélations selon le sexe des répondants. Pour les garçons, la tendance pointe vers des correlations plus grandes entre la perception de soi comme lecteur et l’appréciation positive des romans d’aventure (0,29206) et des corrélations moindres avec l’appréciation du roman fantastique, le roman policier et la science-fiction obtenant des scores quasi identiques. On retrouve une tendance analogue chez les filles (0,27955) quant à la corrélation entre la perception de soi comme lectrice et l’appréciation positive du roman d’aventure. La corrélation est moindre entre la perception de soi comme lectrice et l’appréciation positive du roman historique, du policier et de la science-fiction. Dans l’enquête du MEQ (1994), voici les pourcentages obtenus : roman d’aventures (79 % des garçons et 81 % des filles), polar (64 % et 63 % respectivement), roman historique (31% et 28% respectivement), roman d’amour (19% et 77% respectivement), théâtre (10% et 31% respectivement), la bande dessinée (78% et 60% respectivement), la science-fiction (63% et 37%), le livre documentaire (51% et 39%). Quand on fait la ventilation par niveau scolaire, on voit que le roman de littérature de jeunesse croît jusqu’en 3e secondaire et qu’il est ensuite 55
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 56
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
remplacé par le roman pour adultes. Les BD sont appréciées surtout en première secondaire. La popularité des polars croit constamment tout au long du secondaire, alors que celle des œuvres fantastiques se maintient à un niveau un peu plus modeste. Pour notre part, nous retrouvons des pourcentages équivalents sur des genres littéraires précis, comme le roman d’aventures, la bande dessinée et le polar. La proportion des adeptes du roman d’amour chez les garçons et les filles varie peu d’une enquête à l’autre. La popularité de la science-fiction semble avoir baissé. Cependant, l’enquête ministérielle ne comprenant pas de choix pour le fantastique, alors que l’enquête LIS en a une, on peut croire que cette disparité explique quelque peu les différences. On peut également expliquer la supposée baisse du documentaire d’une enquête à l’autre en y voyant, depuis 1994, la montée de la lecture sur Internet, lecture, comme on le sait, largement dominée par les textes informatifs.
La lecture de revues et de journaux La lecture de revues s’inscrit d’emblée dans les lectures libres, non contrôlées par l’école et permet de satisfaire des intérêts très ciblés. Les garçons de milieux populaires lisent de préférence des magazines sportifs, alors que les filles vont lire des magazines sur le monde du spectacle. Il y a une hiérarchie entre ces types de magazines. Il ressort de notre enquête que les adolescents tant de la région de Montréal que de celle de Trois-Rivières préfèrent les magazines québécois. Pour les filles, ce sont les magazines suivants: Adorable, Elle Québec, Cool, Filles d’aujourd’hui. Pour les garçons, on retrouve une forte propension à préférer les titres parlant de sport (Chasse et pêche, Hockey) ou, encore, les revues humoristiques (Safarir). Voyons un peu plus en détail les contenus de quelques-unes de ces revues. Adorable est un magazine québécois, publié sur une base mensuelle, et qui s’adresse toujours aux adolescentes, mais peut-être un peu plus vieilles à en croire la rédactrice en chef Natacha Brisson qui, dans ses éditoriaux, s’adresse à ses lectrices en présumant qu’elles pensent à leur future carrière. Il y est également question de la recherche incessante d’équilibre de plusieurs jeunes femmes d’aujourd’hui. Les principales rubriques du magazine portent les titres suivants : « Mode », «Beauté», «Mecs, sexe et amour» et «Vie en société» (cette dernière donne un côté un peu plus sérieux à la revue). Les articles les plus originaux ou intéressants touchent la santé, l’éducation sexuelle et l’éducation économique. On peut visiter le site Internet d’Adorable au «www.adorable.qc.ca». Elle Québec est la version québécoise de la revue Elle publiée dans de nombreux pays. Il s’agit d’un mensuel qui s’adresse essentiellement aux jeunes femmes (disons de 17 à 35 ans), aux jeunes professionnelles, mais qui peut également plaire aux femmes plus âgées. Elle Québec se caractérise par la diversité et la qualité de ses 56
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 57
Chapitre 3 – Les choix de livres
rubriques: on y trouve bien sûr des rubriques sur la mode et la beauté, mais également sur la santé, la forme, la décoration, la cuisine et le voyage. Parmi les «incontournables» du magazine (lesquels reviennent tous les mois), on compte les guides « sorties », « livres » et « cinéma », la chronique « Humeur » de Richard Martineau, quelques entrevues avec des personnalités du monde des arts (littérature, cinéma, musique, etc.) et l’article de la rubrique «Ailleurs», dans lequel il est question de la situation des femmes dans différents pays du monde. On peut visiter le site Internet du magazine à l’adresse suivante: www.ellequebec.com. Elle Québec se distingue nettement des autres magazines par la qualité de ses articles (étoffés et bien documentés, traitant régulièrement de sujets sérieux, rédigés par des chroniqueurs d’expérience, etc.) et le contenu de ceux-ci (féminisme, situation des femmes, problèmes de société, économie, littérature, etc.). Il s’adresse clairement à des femmes et à des jeunes femmes, contrairement aux autres magazines qui ont les adolescentes pour public cible. Cool est un magazine québécois, également publié sur une base mensuelle, mais qui s’adresse cette fois essentiellement aux (jeunes) adolescentes. Les rubriques du magazine sont consacrées surtout à la mode, à la beauté et au monde du spectacle (musique, vedettes du petit et du grand écran). À l’occasion, on traite de sujets plus sérieux touchant la psychologie ou les faits de société. Filles d’aujourd’hui est un mensuel québécois qui s’adresse essentiellement aux adolescentes. La majorité des rubriques du magazine sont consacrées à la mode, à la beauté et au monde du spectacle (entrevues avec des vedettes, potins, etc.). On y trouve cependant des articles un peu plus originaux ou «substantiels» (reportages et chroniques de nature psychologique sur l’image corporelle et sociale de la femme, sur l’école en général, etc.). Cool et Filles d’aujourd’hui se ressemblent beaucoup (ils sont d’ailleurs tous deux distribués par Québécor Média) : ils s’adressent au même public (les jeunes adolescentes) et présentent essentiellement le même contenu (en mettant l’accent sur la mode, la beauté et les vedettes d’ici et d’ailleurs). Ils sont également similaires sur le plan visuel (beaucoup de photos et peu de textes). Safarir est un magazine humoristique québécois publié sur une base mensuelle et qui regroupe bon nombre de parodies et de caricatures, de blagues, de critiques (de phénomènes surtout culturels, mais aussi sociaux et politiques). On y trouve par exemple des bandes dessinées parodiant des films récents. Ce magazine s’adresse essentiellement aux jeunes, garçons et filles. On peut consulter le site Internet à l’adresse suivante : www.safarir.com. Safarir se distingue clairement des autres magazines sélectionnés par sa vocation humoristique, par le fait qu’il s’adresse autant aux garçons qu’aux filles et par son côté très « visuel » (peu de texte, mais de nombreuses illustrations, bandes dessinées, photos, etc.).
57
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 58
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Le poids des influences sur les choix des livres Le tableau 3 fait état de la compilation des choix proposés aux élèves quant à l’influence subie relativement à leurs lectures. Les questions ouvertes donnent des réponses complémentaires: les élèves seraient influencés par la taille des caractères typographiques, par la jaquette, par la première page du livre, par les personnes rencontrées dans les salons du livre et par les éventuelles photos, en plus des facteurs se retrouvant dans le tableau ci-dessous. TABLEAU 3 Influences subies quant au choix des lectures a) b) c) d) e)
Beaucoup Moyennement 310 (17,8 %) 479 (27,5 %) 239 (13,7 %) 502 (28,9 %) 119 (6,8 %) 247 (14,2 %) 351 (20,25 %) 447 (25,7 %)
amis et amies enseignants bibliothécaires famille radio, télévision, cinéma 377 (21,7 %) f) publicité imprimée 184 (10,5 %) g) page couverture 711 (40,9 %) h) titre 782 (45 %) i) thème, sujet 1 097 (63,1 %) j) nombre de pages 339 (19,5 %) k) illustrations 353 (20,3 %) l) auteur 209 (12 %) m) collection 197 (11,3 %) n) résumé 676 (38,9 %) o) autres 76 (4,3 %)
464 315 541 530 353 380 409 272 314 476 40
(26,7 %) (18,1 %) (31,1 %) (30,5 %) (20,3 %) (21,8 %) (23,5 %) (15,6 %) (18 %) (27,4 %) (2,3 %)
Peu 420 (24,1 %) 438 (25,2 %) 433 (24,9 %) 338 (22,3 %)
Pas du tout 515 (29,6 %) 542 (31,2 %) 922 (53 %) 533 (30,6 %)
407 494 227 215 122 453 483 373 404 220 211
475 726 244 192 151 544 475 866 801 342 14
(23,4 %) (28,4 %) (13 %) (12,3 %) (7 %) (26 %) (27,8 %) (21,4 %) (23,2 %) (12,6 %) (12,1 %)
(27,4 %) (41,8 %) (14 %) (11 %) (8,6 %) (31,3 %) (27,3 %) (49,8 %) (46,1 %) (19,6 %) (0,8 %)
Il semble donc que les facteurs qui ont le plus d’influence sont le thème ou le sujet, la page couverture et le résumé. Les personnes et la publicité semblent peu influencer les choix de livres, de même l’auteur ou la collection. Illustration, famille, radio, télévision, cinéma et nombre de pages semblent avoir une influence partagée. Voyons un peu plus en détail s’il existe des différences entre filles et garçons et selon les niveaux. Les pourcentages mentionnés ici compilent les réponses obtenues aux choix «beaucoup» et «moyen», les adolescents reconnaissant par là que ce facteur d’influence est positif (important).
58
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 59
Chapitre 3 – Les choix de livres
TABLEAU 4 Différences quant aux influences subies en lecture selon le sexe, le niveau et le milieu Amis Professeurs Bibiothécaires Famille Radio, télé, cinéma Pub imprimée Couverture Titre Thème Nbre de pages Illustrations Auteur Collection Résumé
Fém. 54,9% 50,3% 26,1% 53,1%
Masc. 34,8% 34% 15,2% 37,9%
1re 47,8% 43,6% 28% 48,2%
2e 42,9% 41,7% 17,1% 41,5%
3e 46,8% 48,5% 17% 41,4%
4e 42,4% 35,8% 14,1% 54,4%
54% 34,8% 81,1% 85,7% 91,1% 40,1% 38,7% 32,2% 31% 82%
42,2% 21,7% 61,9% 64,1% 74,9% 42,8% 49,6% 22,6% 27,5% 48,8%
49,5% 30,6% 67,5% 70,6% 77,1% 39,2% 45,4% 27,5% 36,3% 59,3%
45,3% 28,7% 75,5% 77,8% 83,7% 45,5% 46,9% 23,7% 26% 69,8%
53,1% 27,3% 81,3% 83,8% 91,7% 42,7% 41,4% 20,7% 22,8% 70,1%
47,3% 23,8% 67,2% 75,6% 93,3% 35,8% 33,6% 45,1% 23,4% 74,7%
Mauricie Montréal 48,4% 43,5% 51,3% 37,1% 23,4% 19,5% 45,6% 46,2% 49,9% 31,7% 79,7% 80,5% 85% 42% 46,3% 26,6% 30% 69,3%
47,5% 26,7% 67,1% 72,3% 82,6% 41% 42,3% 28,4% 29% 64,4%
Il faut manipuler ces chiffres avec attention. En effet, il y a 52,79 % de filles dans le total de l’échantillon, dont 55,6% à Trois-Rivières et 50,91% à Montréal. Par ailleurs, les élèves de Trois-Rivières représentent 40,08 % du total de tous les répondants. Néanmoins, on remarquera que les filles se laissent influencer davantage par les amis, les parents et les professeurs, de même que par le para-texte, soit la page couverture, le titre et le résumé. Les garçons ne sont fortement influencés, quant à eux, que par le thème, le titre et la page couverture. Les diverses influences sont stables tout au long de la scolarité.
Ces héros que les jeunes préfèrent Il nous semblait important de donner aux jeunes des caractéristiques des héros de romans, afin de les aider à faire leur choix sans avoir à se buter à la question de leur vocabulaire parfois limité.
59
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 60
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 5 Caractéristiques préférées chez un personnage de roman (trois réponses possibles) a) audacieux b) romantique c) original, surprenant d) courageux e) célèbre f) aventurier g) drôle h) réaliste i) marginal (pas comme les autres) j) il me ressemble (âge, sexe) k) je fais des liens avec ma vie, ma personne l) autre caractéristique
(6,5 %) nommé par 11 % des filles et 17,8 % des garçons 253 (14,5 %) nommé par 43 % des filles et 5,8 % des garçons 232 (13,3 %) 228 (13,1 %) nommé par 22,5 % des filles et 46,2 % des garçons 55 (3,1 %) 162 (9,3 %) nommé par 23,6 % des filles et 46,5 % des garçons 219 (12,6 %) nommé par 42,2 % des filles et 51,8 % des garçons 63 (3,6 %) 52 (2,9 %) 78 (4,4 %) nommé par 27 % des filles et 12,9 % des garçons 73 (4,2 %) nommé par 24,1 % des filles et 9,1 % des garçons. 24 (1,3 %)
Le tableau est très révélateur des tendances des jeunes. La palme revient aux personnages romantiques, originaux (surprenants), courageux et drôles. Les audacieux et les aventuriers viennent en second. Le fait de leur ressembler (être un adulte ou un adolescent de leur âge, vivant le même quotidien) est de moindre importance. En queue de peloton, des personnages réalistes, célèbres ou des marginaux. Dans les questions ouvertes, les sujets mentionnent leur fascination pour les personnages possédant des pouvoirs surnaturels, les héros violents, ce qui n’était pas un choix que nous voulions leur donner, mais qui nous a rattrapés au tournant.
Les caractéristiques d’un bon roman Peu importe le genre de roman, voici les caractéristiques que l’élève préfère retrouver dans les œuvres qu’il lit.
60
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 61
Chapitre 3 – Les choix de livres
TABLEAU 6 Caractéristiques préférées dans un roman (trois réponses possibles) a) il présente des liens avec des thèmes vus en classe 162 (9,3 %) b) il présente des sujets complètement différents 381 (21,9 %) c) il me touche et me fait pleurer 227 (13 %) nommé par 49 % des filles et 11,9 % des garçons d) il traite de sentiments vécus 273 (15,7 %) nommé par 66,1 % des filles et 30,1 % des garçons e) il fait faire le lien avec des livres déjà lus 123 (7 %) f) il présente un monde de rêve 276 (15,9 %) nommé par 61,7 % des filles et 46,8 % des garçons g) c’est un livre dont je suis le héros (6,5 %) nommé par 12,9 % des filles et 45 % des garçons
Incités à choisir trois caractéristiques qu’ils préfèrent, les élèves préfèrent tout d’abord qu’on leur présente des thèmes ou des sujets différents de ce qu’ils connaissent déjà (voir le tableau 6). Viennent ensuite à égalité le fait de traiter d’un monde de rêve et le fait d’exposer des sentiments vécus. Les thèmes déjà traités en classe ont moins d’intérêt pour eux, de même que le fait de faire des liens avec des œuvres déjà lues. Étonnamment, on retrouve en fin de liste les œuvres dans lesquelles les jeunes pourraient se reconnaître comme héros. Là encore, la disparité est grande entre filles et garçons, comme l’explique le tableau 7: les filles préfèrent nettement les émotions et les sentiments vécus, alors que les garçons sont plus nombreux à s’identifier au héros. Ils sont cependant tous les deux tentés par le monde de rêve que présente le roman. TABLEAU 7 Différences dans les caractéristiques selon le sexe Les filles : Fréquence la plus élevée en premier choix : TOUCHE ET FAIT PLEURER TRAITE DE SENTIMENTS DIFFÉRENTS SUJETS COMPLÈTEMENT DIFFÉRENTS Les garçons : Fréquence la plus élevée en premier choix : PRÉSENTE DES SUJETS COMPLÈTEMENT DIFFÉRENTS EN LIEN AVEC LES THÈMES VUS EN CLASSE UN MONDE DE RÊVE est le deuxième choix en parts égales entre garçons et filles 61
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 62
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
La relecture des œuvres fétiches Il arrive aux jeunes de relire leurs œuvres préférées. Voici quelques exemples d’œuvres relues pour le plaisir, selon les questions ouvertes de notre enquête: les romans de Marie Laberge (en 4e secondaire), la série des Annie Croche (une série jeunesse), les Archie, les Astérix, les Boule et Bill, les Tintin, les Garfield, les Gaston Lagaffe, Bilbo le Hobbit, Le Don (de Beauchesne et Schinkel), les romans de Robert Soulières, des romans à préoccupation sociale du type Moi Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée, ou encore Comme une peau de chagrin (de S. Sarfati), les romans de Lucy Maud Montgomery, ceux d’Anne Rice (sur les vampires), d’Agatha Christie (la série des Poirot), d’Arlette Cousture, d’Anique Poitras, de Denis Côté, de Raymond Plante, de François Gravel (la série des Klonk), de Dominique Demers (la trilogie, Maïna, etc.), les Harry Potter, les essais de Coelho, sans compter les Dragon Balls pour les plus jeunes. On le voit, il y a là un mélange de bandes dessinées et de livres pour la jeunesse, une bonne dose de policier et de fantastique, mais peu de vraie littérature.
Les propos tenus en entrevue Lors de nos entrevues de groupe, les jeunes ont touché le choix de livres. Nous donnons ici des extraits de leurs propos suivant la légende habituelle pour désigner le lieu (TR ou MTL), le sexe (ga ou fi) et le niveau d’études au secondaire (le chiffre suivant la mention du groupe, indiqué par « gr »). Nous avons effectué une classification par sexe, et ensuite par niveau d’études. Les propos des garçons classés par année Première secondaire TRgr1-ga1: Je m’intéresse à la Seconde Guerre mondiale, alors tous les romans qui parlent de la guerre, je peux les lire pendant longtemps, mais parfois je préfère jouer au tennis ou au base-ball ou aller faire du skate. Je lis plutôt des recherches, par exemple sur la chasse, sur les armes de chasse. J’aime aussi lire des Chair de poule. Moi, lorsque je dis qu’un livre n’est pas bon, c’est parce que je ne comprends rien. C’est très gênant parfois. Par exemple, lorsque j’étais en 4e ou 5e, je voulais lire des Agatha Christie parce qu’on en avait parlé et mon père a dit que j’étais un peu jeune. Trgr1-ga2 : Je ne lis pas beaucoup, mais ça dépend des livres. Je m’intéresse beaucoup à la science-fiction, aux fusées, à l’espace et je lis en me couchant, car je pense à mon livre quand je dors. Je me fais des idées sur mon histoire. Lorsque je choisis un livre, je porte plus attention à l’endos qu’à la couverture parce que le livre peut être intéressant même si celle-ci est laide. Je commence à le lire et, s’il y a de l’action et que l’histoire m’intéresse, je continue à lire.
62
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 63
Chapitre 3 – Les choix de livres
TRgr1-ga3 : J’aime les romans policiers réalistes. Un mauvais livre, c’est lorsque l’histoire tourne en rond, lorsqu’il y a trop de détails. TRgr1-ga4: J’achète beaucoup de Stephen King et d’Agatha Christie et je lis des romans. Ce sont plus les auteurs qui m’intéressent que le genre de livres ou les collections. Moi, ce que je n’aime pas, ce n’est pas les différentes sortes de livres, ce sont les collections. Les histoires qui se suivent toujours, qui n’ont pas de fin. TRgr1b-ga 1: J’aime les biographies sportives. Je lis le journal, la section des sports. Je lis un peu aussi les nouvelles. TRgr1b-ga2: Je lis tous les genres de livres, mais je préfère les livres d’informatique ou les romans policiers comme Agatha Christie. Les gars lisent peut-être autant (que les filles), mais ils lisent autre chose, par exemple la section des sports dans le journal. C’est aussi de la lecture. Les gars lisent en cachette. Je lis des revues informatiques comme SVN et Le Nouvelliste pour être au courant de ce qui se passe. TRgr1b-ga3: Je lis des romans policiers, d’aventure. Il faut qu’il se passe quelque chose. Je lis la section des sports dans Le Nouvelliste. Je lis Sept Jours, Star inc. Si je pratique un sport, par exemple le basketball, je lis des histoires sur ce sport. Je lis des livres qui me ressemblent. Je ne lis pas des livres qui ne me ressemblent pas et qui ne m’intéressent pas. MTLgr1-ga1 : [J’aime] les livres de peur genre Chair de poule ou des livres d’aventures. Je lis aussi le Sept Jours. J’achète à tous les mois le Safarir, qui est un magazine drôle. Je n’aime pas les Dragon Balls; j’aime mieux les livres de peur, d’aventure, genre de cape et d’épée, et puis des Livres dont vous êtes le héros, des Passeports. MTLgr1-ga2: Moi, c’est plutôt les BD, mais, même avec les images, j’imagine pareil des affaires. Je vais les acheter. Je [les] lis encore plusieurs fois. Et aussi les livres de mystères. J’aime mieux les BD que les romans à cause des images. Il y a aussi les paroles : on sait ce qu’ils font. J’ai des Dragon Balls, que je lis. MTLgr1b-ga1: [Je lis] des livres d’action et de suspense. J’aime bien Financier de l’enfer: il y a plus d’action et de suspense (que dans Vendredi ou la vie sauvage). Tu [en] perds des bouts, mais c’est bien. C’est dans «La courte échelle». Les filles, elles passent tout leur temps à écrire des poèmes et à lire des livres d’amour. Elles passent leur temps à lire de gros romans, de gros livres pour les vieux, les adultes. MTLgr1b-ga3: [Je lis] des livres d’action et de suspense.
63
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 64
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Deuxième secondaire TRgr2-ga1: J’aime les romans policiers, les bandes dessinées. Je pense que les gars lisent autant que les filles, mais ont des goûts différents. Par exemple, moi je lis Le Guide de l’auto. J’aime également les romans. TRgr2-ga2: Je préfère les romans policiers où les enfants sont les enquêteurs. TRgr2-ga3: Je lis surtout des Livres dont vous êtes le héros. Je ne retiens pas vraiment les titres. Je lis de la documentation sur Internet. TRgr2-ga4 : Moi, je lis des romans psychologiques, des romans qui veulent dire quelque chose. Je lis des livres qui m’apprennent des choses, des poèmes. [Un bon roman], ça touche les valeurs. TRgr2-ga5 : Je lis des romans de suspense policiers ou d’aventure où j’ai hâte de connaître la fin. MTLgr2-ga1: [J’aime] les romans policiers et les romans fantastiques, des romans d’action. Il faut qu’il y ait des suites [des séries]. Je lisais «La courte échelle» avant, mais plus maintenant. MTLgr2-ga2 : Quand je lis, c’est plus des documentaires de toutes sortes, astronomie, espace. Je lis aussi de la science-fiction, tout ce qui touche le corps humain. Moitié science-fiction, moitié horreur, Entretien avec un vampire, d’Anne Rice, par exemple. Il y en a eu quatre.
Troisième secondaire TRgr3-ga1: Je préfère les romans d’aventures et de science-fiction. TRgr3-ga2 : Je lis des romans fantastiques. J’aime bien les Harry Potter. Un bon livre doit avoir de la magie, du fantastique. TRgr3-ga3: Je lis des livres où il y a de l’action, les biographies d’anciens prisonniers, par exemple. Je suis abonné à la revue Safarir. Je la reçois tous les mois. Je lis aussi des BD et des romans. TRgr3-ga4: Moi, j’aime les livres d’horreur, par exemple Stephen King. Nous autres les gars, on lit moins de romans, mais on lit plus de revues et de BD. Ça ne veut pas dire qu’on lit moins que les filles. MTLgr3-ga1: Je préfère les livres d’action et de fantastique. MTLgr3-ga2: J’aime les livres d’action, de fantastique et médiéval (sic). J’ai lu la série Klonk, une série fantastique.
64
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 65
Chapitre 3 – Les choix de livres
Quatrième secondaire MTLgr4-ga1: J’aime tous les livres d’Alexandre Jardin et les romans québécois. Je lis des articles de journaux, par exemple sur la marijuana. J’aime les revues de musique. Je prends le Voir et je le lis régulièrement: j’adore ça. J’aime les articles sur les artistes. MTLgr4-ga2 : Je regarde le titre du livre et, si ça m’intéresse, je le lis. J’aime beaucoup le style d’Homère (ex.: L’Iliade). Je n’aime pas le style d’écriture des romans québécois. Je lis la Gazette. Je lis d’abord la première page, et, s’il y a des choses qui m’intéressent, je lis les autres pages. MTLgr4-ga3 : Je n’aime pas lire le journal : il y a trop d’informations, c’est trop mélangé. J’aime les revues de jeux vidéo. MTLgr4b-ga1: J’ai adoré Le Seigneur des anneaux. Je l’ai lu six fois et je ne me tanne pas. Il y a la série de quatre livres de…, il faut que je réussisse à prononcer son nom, Itijo Isaine, un Japonais. Il a écrit La Pierre et le sabre, Vers l’infini. Il y a des descriptions, de l’action, t’embarques. Notdog, de Sylvie Desrosiers, ça été le peak, quand on était jeunes. En 6e année, je me souviens, j’ai lu tous les Stephen King. J’ai eu ma période, j’ai tout lu ; maintenant, je ne suis plus capable d’en voir un, je n’aime plus du tout ça. J’ai embarqué dans Harry Potter: j’ai trouvé ça excellent. Avec mes amis, je lis beaucoup de science-fiction, de fantastique. On s’échange nos livres. Endings et Tolkien, je les relis constamment. David Endings a écrit La Mallorée et La Belgariade. C’est du fantastique, genre Tolkien. Je pense que j’ai mieux aimé ça que Tolkien, j’ai plus embarqué. Il a aussi écrit la trilogie des Joyaux, la trilogie des Périls. Zone de Dubé, je trouve ça vraiment intéressant, mais, normalement, je déteste les auteurs québécois. Je conseille à tout le monde Annabelle, de Marie Laberge. C’est le livre fétiche d’une de mes amies, qui l’a lu au moins 15 fois. C’est un des seuls livres québécois que j’ai trouvé intéressant. MTLgr4b-ga3 : J’ai aimé Le Second Violon d’Yves Beauchemin et Le Parfum, de Suskind. Le livre de Grisham, Le Client, c’est la première brique que j’ai lue, mais ça m’a pris du temps. J’ai vu le film ensuite et j’ai été déçu. C’est là que j’ai découvert que les livres, c’est très détaillé comparés à un film, parce que tu vois toute l’évolution. Ensuite, j’ai lu L’Ombre de l’épervier. J’avais acheté Le Second Violon pour ma mère quand j’étais assez jeune. J’avais lu les premières pages et j’avais trouvé ça assez ennuyant. Je l’ai lu cet automne et je l’ai trouvé bon. Je remarque que je change vite. Je l’ai lu en quatre à cinq jours : je l’ai dévoré. J’aime Félix Leclerc, les textes de chez nous, Adagio. J’ai commencé à lire Le nez qui voque: je trouve ça pas mal bon. J’ai aimé Quand j’avais 5 ans, je m’ai tué. MTLgr4b-ga4: Je me rappelle d’un livre qui m’a beaucoup marqué quand j’étais jeune : c’est Sans famille, d’Hector Malot. Je me rappelle que j’avais vu un dessin animé et que j’étais tellement captivé que j’avais acheté les deux tomes et que je les avais lus. Quand j’étais au primaire, j’étais vraiment un maniaque de littérature québécoise. J’avais lu des livres de Philippe Chauveau, Sylvie Desrosiers, Chrystine Brouillet. Beaucoup de «La courte échelle», comme tout le monde. C’est ma mère qui m’a apporté un jour mon « premier roman » de « La courte échelle ». Finalement, j’ai lu toute la collection.
65
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 66
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Je capotais vraiment, je trouvais ça le fun. En secondaire 1, j’ai lu Le Long Silence, de Sylvie Desrosiers. C’est un livre qui parle du suicide. J’ai fondu en le lisant : ça m’a vraiment marqué. Actuellement, j’aime beaucoup le policier. J’aime beaucoup Chrystine Brouillet. J’aime les livres qui ont un caractère social, une morale, ou des valeurs qui sont transmises, par exemple Alouette, je te plumerai (To kill a mocking bird). Ça parle de racisme dans le sud des États-Unis dans les années 1930. J’aime que le narrateur fasse
On remarque que les garçons recherchent dans leurs lectures les émotions fortes, que celles-ci soient basées sur des faits vécus ou non. Ils avouent à l’occasion des lectures de revues. Si les propos des élèves du début du secondaire insistent fortement sur les polars et les livres d’horreur, une évolution se dessine en 4e secondaire vers des œuvres plus psychologiques. Les propos des filles, classés par année
Première secondaire TRgr1-fi1: Je lis des histoires vraies, des histoires qui ne sont pas vraiment arrivées, mais qui sont réalistes. Je lis tout ce qui est fait vécu. Les histoires qui ont un titre accrocheur. Un mauvais livre, c’est un livre qui tourne en rond, qui se répète, dont la couverture n’est pas intéressante. Le titre [est important] aussi, l’endos. Je n’aime pas les livres de guerre. TRgr1-fi2 : Je lis n’importe quoi, que ce soit des romans de science-fiction, en français, sur n’importe quoi, des revues. Mes parents lisaient des documentaires, alors j’ai commencé à en lire moi aussi. TRgr1-fi3 : Je lis surtout des livres dans lesquels je me reconnais. Des livres qui intéressent les adolescents, qui traitent de sujets tabous comme l’anorexie, le viol, les peines d’amour. Je n’aime pas beaucoup les histoires qui traitent de violence, les enquêtes policières. J’aime les histoires vraies. Si le livre m’intéresse, je peux lire pendant des heures. TRgr1-fi4 : J’aime les histoires vraies, réalistes comme Des fleurs sur la neige ou Marie tempête. Un mauvais livre, c’est un livre où il n’y a pas d’action, où il ne se passe rien. TRgr1b- fi1 : [Je lis] toutes sortes de revues sauf celles de science. Je lis ce qui m’intéresse. Je regarde d’abord les images et, si ça m’intéresse, je lis. TRgr1b- fi2: Moi, il faut qu’il y ait de l’aventure, quelque chose qui accroche. Il faut que je puisse entrer facilement dans le livre. Je lis le journal presque autant que des livres. Je suis l’actualité et en particulier le sport.
66
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 67
Chapitre 3 – Les choix de livres
TRgr1b-fi3 : Je lis Adorable. Je lis les articles qui m’intéressent. Je lis le titre, le premier paragraphe. Je n’ai jamais vu un homme lire un livre à part le catalogue Canadian Tire. TRgr1b- fi4: J’aime les romans d’aventures et d’amour. Si le résumé ne m’intéresse pas, je ne lis pas le livre. J’aime les faits vécus. Je lis surtout Filles d’aujourd’hui, Adorable et parfois le journal. TRgr1b- fi5 : Moi, c’est un peu le contraire de tout le monde. Je lis des romans d’amour, des Harlequin, des livres un peu tristes. La revue de Skate, c’est aussi de la lecture. Je lis beaucoup de revues. Je lis Filles d’aujourd’hui, Adorable, Cool, Safarir un peu, mais je les lis de A à Z. TRgr1b- fi6: [Je lis] des faits vécus, des romans d’horreur. [Les revues] Si une image m’accroche, je lis le texte. Je lis Filles d’aujourd’hui, Cool, le journal de temps en temps. Les gars lisent des revues, des circulaires, des journaux. TRgr1b-fi7: Je lis surtout Le Nouvelliste, Filles d’aujourd’hui et parfois Safarir. Je lis tout. TRgr1b-fi8 : J’ai eu des Harry Potter en cadeau à Noël. J’aime bien ce genre de livres, la magie, les histoires fantastiques. MTLgr1-fi1 : [J’aime] la science-fiction, les romans policiers, puis des romans aventuriers. Les Archie, c’est plein de fautes là-dedans. (Les romans qui me permettront d’avoir une meilleure orthographe.) Des romans de «La courte échelle». J’aime les BD, parce que j’ai la collection de Tintin, mais j’aime aussi les romans. J’essaie de m’imaginer dans ma tête comment ils [les personnages] sont. MTLgr1-fi2: [J’aime] n’importe quoi. Je suis abonnée à la revue Cool. J’aime mieux les romans que les BD, parce que des fois, comme les Garfield, il n’y a pas d’histoire, c’est juste des niaiseries.
Deuxième secondaire TRgr2-fi5 : Ma mère lit le même style de roman que moi, des romans psychologiques. Elle me parle de ses lectures et ça m’intéresse. TRgr2-fi1: J’aime bien les romans de science-fiction. TRgr2-fi2: Je lis des documentaires et des romans d’aventures. Des revues. [Un bon roman] Quand il y a des descriptions de lieux et de personnages. TRgr2-fi3: Je lis des romans d’amour pour jeunes. J’ai adoré La Lumière blanche (A. Poitras). TRgr2-fi4: Moi, j’aime les romans de suspense et d’amour.
67
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 68
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TRGr2-fi5: J’aime beaucoup lire des romans d’amour des personnes de notre âge. Celui que j’ai le plus aimé, c’est la trilogie de La Deuxième Vie (A. Poitras). [Un bon roman] Que l’histoire commence rapidement, que ça ne traîne pas. TRgr2-fi6 : Je lis des romans d’amour. J’ai beaucoup aimé Marie tempête (D. Demers). J’ai lu les deux premiers d’un seul coup. TRgr2-fi7: J’aime les romans d’amour et de suspense. TRgr2-fi8: Quand j’ai le temps, je lis des romans d’action. MTLgr2-fi1 : J’aime les romans jeunesse, les revues. Ma mère m’en rapporte toujours, comme Filles d’aujourd’hui, Cool. Avant, je lisais «La courte échelle». MTLgr2-fi2: Je lisais des Archie, mais maintenant je lis des romans. C’est plus long et plus dur à comprendre.
Troisième secondaire TRgr3-fi1: Je lis de tout sauf des romans de science-fiction. Le dernier bon livre que j’ai lu était Comme une peau de chagrin (S. Sarfati). Moi, j’aime ça lire des revues, car il y a parfois des chroniques intéressantes, et les journaux pour m’informer de ce qui se passe. TRgr3-fi2: J’aime les livres où il y a une intrigue et où tu peux prédire ce qui va se passer, où les descriptions sont tellement bonnes que je peux m’imaginer l’histoire et presque entrer dedans. Avant, je ne lisais que des BD. C’est l’an passé que j’ai vraiment commencé à lire. J’ai commencé à lire à cause des livres Frissons. TRgr3-fi3: J’aime les histoires d’amour, les enquêtes. Moi j’aime les livres réalistes qui font vivre des émotions. Le titre et le résumé influencent mon choix. TRgr3-fi4 : Je lis des récits de vie où n’importe qui peut se retrouver. J’aime ça parce que je peux m’y retrouver. TRgr3-fi5: Je lis n’importe quels livres. TRgr3-fi6: Moi, je préfère les livres réalistes. TRgr3-fi7: Je regarde des revues, mais je ne fais que regarder des images. MTLgr3-fi1 : J’aime mieux tous les petits livres, surtout les petits portraits, les histoires vraies et les histoires d’amour. MTLgr3-fi2: Je lis des BD en français et parfois en anglais. MTLgr3-fi3: Je lis la revue Adorable, des revues de musique.
68
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 69
Chapitre 3 – Les choix de livres
Quatrième secondaire MTLgr4-fi1 : J’aime La Princesse de Clèves, La Dame aux camélias. J’aime pas les auteurs québécois et canadiens et à l’école, on ne fait que ça. J’ai commencé avec « La courte échelle ». J’aime les livres bien écrits : c’est pour ça que je n’aime pas les livres québécois. Ça ne doit pas être prévisible. Il faut un peu d’intrigue, que l’histoire soit captivante. Je n’aime pas lire le journal. Mes parents n’en reçoivent pas. Certaines revues ne sont pas intéressantes. Par contre, il y en a une pour laquelle je craque, c’est Jeune et jolie: j’adore. Je trouve ça adorable. Il y a des petits jeux, des articles sur les acteurs, les chanteurs français… MTLgr4-fi2: Je n’aime pas tous les genres. Par exemple, la science-fiction, je n’aime pas du tout. J’aime les livres assez réalistes, j’aime bien m’associer au personnage. Je lis Le Journal de Montréal. MTLgr4-fi3 : J’ai adoré Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué. J’aime la façon dont l’auteur compose ses phrases : ça m’a rappelé mes cinq ans. J’aime les livres psychologiques. Il faut que l’histoire tourne autour des gens. J’aime bien la narration continue et je n’aime pas les dialogues. J’aime beaucoup lire le journal, mais, chez moi, il n’y en a presque jamais. Dès que j’ai le temps et que j’en ai un à côté de moi, je le prends et je le lis, sauf les articles sur la politique, parce que je déteste ça. J’aime bien le Voir, parce que c’est différent [des autres journaux]: c’est assez divertissant. MTLgr4-fi4: J’ai aussi commencé avec «La courte échelle». Je n’aime pas trop les revues. C’est trop «plat», les thèmes sont ordinaires. Par contre, j’aime bien les revues pour les gars, il y a des choses différentes, des BD à l’intérieur. MTLgr4b-fi1 : J’ai aimé Le Mystère de la chambre jaune et Maurice Leblanc. J’ai toujours été attirée par les grosses briques. Je suis comme ça depuis la 3e année. J’aimais ça, des histoires longues, complexes. Ça m’attirait plus que, disons, «La courte échelle». Quand j’étais petite, j’ai lu beaucoup de romans relativement sérieux. À trois ans, je feuilletais des Tintin, comme mon frère et ma sœur, je faisais semblant de lire. Quand j’ai su lire, j’ai lu toutes les comtesses de Ségur, puis Hector Malot, puis j’étais partie. J’ai lu Agatha Christie. Les auteurs québécois, on dirait qu’ils essaient de se trouver un style à eux, mais, au fond, ils se ressemblent. Mais j’ai vraiment aimé Gabrielle Roy, Ces enfants de ma vie, La Petite Poule d’eau. Je trouve qu’elle est vraiment sensible. J’ai trippé sur Ionesco, parce qu’on en a joué un petit peu l’an passé. C’est tellement absurde que tu te dis: «Il me semble que ça vaut la peine d’être lu.» MTLgr4b-fi2: J’ai trippé sur Agatha Christie un bout de temps: j’ai vraiment lu beaucoup de ses romans. Puis Alexandre Dumas, que j’aime vraiment : j’en ai lu beaucoup, je les ai tous aimés, Les Trois Mousquetaires, Vingt ans après. J’ai lu Harry Potter. J’ai lu George Sand, Émile Zola, Balzac, Jules Verne. Je n’aime pas Danielle Steel. J’ai aimé Les Rois maudits : je lis historique. J’aime pas les auteurs québécois. Il y a tellement de livres que j’ai aimés que j’ai de la difficulté à en nommer un, peut-être La Mare au diable. J’ai lu cinq fois L’Homme au complet marron d’Agatha Christie.
69
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 70
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
MTLgr4b-fi3 : J’aime beaucoup Alexandre Dumas. J’ai lu Péplum d’Amélie Nothomb et j’ai trouvé ça vraiment bon. Je trouve que Les Trois Mousquetaires, c’est le meilleur Dumas. Vingt ans après, je l’ai trouvé quand même bon. Le Vicomte de Braguelone, j’ai eu un peu de difficulté. Quand j’étais petite, j’entendais mes frères me parler d’Alexandre Dumas : j’ai été influencée. Je n’ai pas lu beaucoup d’auteurs québécois, mais je les trouve insignifiants. Rhinocéros, La Cantatrice chauve, ça vaut la peine d’être lu. J’ai vu Les Chaises au théâtre et j’ai pas trouvé ça excellent. J’ai aimé Le Baron perché.
Les filles aiment bien les histoires vécues, car elles désirent avant tout se connaître. Ce sont aussi des adeptes de revues spécialisées pour les jeunes. Elles sont plus conscientes que les garçons de l’évolution de leurs habitudes lectorales au fil de la scolarité, mais, comme eux, elles ne débouchent sur la littérature dite pour adultes que vers la 4e secondaire. On voit la variété des propos. Tout y passe: à la fois les œuvres préférées durant l’enfance, les prédilections pour des univers romanesques appartenant tant à la culture populaire qu’à la culture lettrée (chez les plus âgés), les jugements enthousiastes sur certains auteurs, les images stéréotypées des goûts de l’autre sexe. Les jeunes rencontrés ne sont pas nécessairement de bons lecteurs, mais tous ont voulu nous parler de leurs expériences avec les livres, sans complexe.
Conclusion Ce chapitre portait sur les choix que font les jeunes de 12 à 16 ans dans leurs lectures. On l’a vu, les jeunes lisent peu les journaux. Par contre, les revues de jeunes les attirent, surtout du côté des filles. Toutes les enquêtes ont souligné le grand clivage entre les choix de lecture des filles et ceux des garçons. L’enquête LIS ne peut que confirmer ce fait. La facture matérielle du livre ou encore son thème influence davantage le jeune lecteur que le jugement des pairs et de la famille. Un personnage de roman qui serait à la fois romantique et drôle remporterait tous leurs suffrages, rassemblant les publics masculin et féminin. Les jeunes possèdent leurs œuvres fétiches, souvent tirées du répertoire québécois pour la jeunesse. On peut d’ailleurs y voir l’importance de la littérature sérielle. En tout état de cause, les ouvrages cités relèvent des choix personnels: il est rare que l’école les entérine.
70
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 71
CHAPITRE 4
Les adolescents face à la lecture de plaisir Monique Lebrun
L
ire suppose un certain effort et parfois même du déplaisir. La littérature, surtout, constitue une confrontation à la difficulté, à l’inquiétude, au doute, et non pas seulement au plaisir, voire au ravissement. Les modèles sur les attitudes en lecture présentés par différents chercheurs relient toujours attitudes, valeurs et affectivité. Les jeunes développent, au fil du temps, de leur scolarité et de l’adoption de loisirs diversifiés, des attitudes envers la lecture qui sont très variées et dépendent de multiples facteurs (reliés à leurs normes subjectives, entre autres à la motivation, à la désirabilité sociale), ainsi que nous le verrons en commentant quelques recherches. Nous avons divisé ce chapitre en quatre parties. La première traitera des attitudes en lecture et des concepts clés qui s’y rattachent, la deuxième, des enquêtes antérieures portant sur le plaisir et sur les attitudes, la troisième, de l’enquête LIS ellemême, et la dernière, du résultat des entrevues portant sur le plaisir des adolescents à s’adonner à la lecture.
Les attitudes en lecture Dans cette partie, nous définirons ce que l’on entend généralement par les attitudes face à la lecture. Nous nous interrogerons sur la possibilité pour l’école de développer la lecture de plaisir, et, afin de voir plus clair dans cette question, nous examinerons en quoi le choix de livres et leur accessibilité d’une part, le sexe, le classement scolaire et l’ethnicité d’autre part, peuvent nous fournir des pistes de réflexion. Nous conclurons par des portraits types de lecteurs quant au développement des attitudes.
Les attitudes et leur mesure Les attitudes ne pouvant être vues, il faut les déduire des comportements (par l’observation) et des opinions émises ; on peut également utiliser les techniques projectives. Les propriétés sont mesurées soit en sentiments allant du négatif au positif, soit en termes de magnitude. Les mesures de type opinion se font par des questionnaires oraux ou écrits où l’on retrouve des questions ou des énoncés face auxquels le sujet doit se situer. On 71
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 72
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
suppose que le sujet se connaît assez bien pour répondre. On établit ainsi des échelles d’attitudes, c’est-à-dire d’énoncés gradués selon les réponses individuelles. On mesure alors des réactions affectives selon les pôles positif et négatif. Il y a derrière ce type de mesure la croyance qu’une attitude de nature affective peut se quantifier et même une présomption : celle selon laquelle une même place sur l’échelle correspond à des réactions identiques, quel que soit l’individu. Une bonne façon de procéder est de générer des catégories à partir des énoncés des sujets eux-mêmes et de voir ensuite à les hiérarchiser en respectant les recherches des spécialistes dans le domaine. On peut également avoir les questionnaires par questions du type Oui ou Non, mais cette alternative réduit forcément les choix des sujets, qui se situent, pour certaines questions beaucoup mieux sur un continuum que sur des pôles trop opposés l’un de l’autre. On peut également obtenir l’opinion des sujets par l’entrevue; celle-ci permet même par la suite de générer des questionnaires, et même des échelles d’attitudes. Une entrevue permet généralement de compléter le questionnaire écrit pour un sujet ou un même type de sujets. Cependant, l’entrevue n’est pas anonyme, ce qui peut entraîner un effet de halo. Ajoutons que la technique d’entrevue est coûteuse en temps et en argent, en plus de nécessiter des intervieweurs expérimentés. Parlons de deux autres techniques, soit les observations et les mesures projectives (Epstein, 1980). Lors de l’observation, on a quand même besoin, tout comme pour la mesure des opinions écrites ou orales, de critères précis, habituellement présentés sous forme de liste, ou mieux de liste ordonnée (du positif au négatif, par exemple). Il est préférable d’utiliser deux codeurs indépendants et bien entraînés (de préférence, ne pas observer ses propres classes, pour des questions d’objectivité) et d’observer les sujets sur une période de temps qui leur permet vraiment d’exprimer leurs sentiments. On peut ensuite mesurer les scores entre les sujets et respecter la fidélité et la fiabilité. Quant aux techniques projectives, elles explorent les aspects latents des attitudes en présentant des stimuli sous forme de dessins ou de phrases incomplètes. Les sujets doivent répondre spontanément à ces stimuli ambigus, et ainsi compléter une histoire ou un dessin. C’est au chercheur à y trouver ensuite ce qui relève de l’attitude positive ou négative. On peut citer également d’autres techniques: l’approbation des pairs, les dossiers d’un enseignant qui renseignent, par exemple, sur le nombre de livres lus par élève.
La lecture de plaisir à l’école : mission impossible ? L’enseignant de français ne s’intéresse pas qu’aux apprentissages formels en lecture, il cherche également à former des lecteurs pour la vie. En ce sens, il opte souvent pour les « vrais » livres, comme complément au manuel, et offre de plus en plus à ses élèves des plages de lecture de loisir de façon à déscolariser les pratiques de lecture. Voyons-en quelques exemples.
72
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 73
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
Goodman (1993) chante les louanges des enseignants qui délaissent les manuels, les techniques et les méthodes traditionnelles pour permettre aux enfants de faire des apprentissages authentiques de la lecture et de l’écriture. Selon lui, l’aptitude à communiquer oralement se développe tôt chez l’enfant pour répondre à un besoin de communication ; les aptitudes à lire et à écrire ne surviennent que plus tard. «La clé d’une aptitude à lire et à écrire est la même que pour le développement de l’écoute : elle est d’autant plus facile qu’elle est utile à l’apprenti et que le langage écrit qui se présente à lui est concret, pertinent et signifiant» (Goodman,1993:13). De plus en plus d’enseignants, dit l’auteur, reprennent le contrôle des apprentissages qu’ils avaient abandonné aux éditeurs de manuels et de cahiers d’exercices. Quelques-uns ont modifié l’usage qu’ils faisaient de ces manuels et de ces cahiers d’exercices, d’autres les ont totalement mis de côté pour s’adapter aux besoins, aux goûts et aux intérêts des enfants. Ces enseignants, précise-t-il, entourent les enfants d’écrits authentiques et signifiants tels « des livres, des revues, des journaux, des enseignes de rues, des boîtes de céréales, toute chose concrète qui peut capter l’intérêt de leurs élèves. Ils transforment leur classe en un milieu en lequel les enfants sont entourés par le langage écrit signifiant » (Goodman,1993 :13). De « vrais » livres remplacent les manuels de base, leur langage artificiel et leur approche où tout est planifié. La bibliothèque de classe joue un rôle très important dans une telle pédagogie. Ces mêmes enseignants n’évaluent pas les habiletés en lecture et en écriture au moyen des exercices et des tests standards, mais au fur et à mesure de leurs observations continues en classe. L’évaluation des habiletés fait partie de chaque interaction de l’élève avec l’enseignant. Elle intervient au cours de conférences régulières de lecture entre l’élève et l’enseignant ou d’activités en petits groupes. L’enfant n’est pas traumatisé par l’évaluation, puisque son contact avec l’écrit est authentique. À l’instar de Pennac, Tran (1993) propose à l’enseignant de partager son propre plaisir de lecture et d’instaurer une coopération adulte-enfants en lecture. Par exemple, une personne, telle la conseillère pédagogique, choisit et achète les livres, planifie l’activité en classe, recherche des adultes participants, prépare des fiches. Ainsi, si on fait lire cinq livres dans la classe, on forme cinq groupes de discussion. Afin de déscolariser l’activité, il est préférable que l’enseignant ne soit pas l’animateur. On rappelle aux élèves que l’activité ne sera pas évaluée. L’animateur présente le livre aux adultes et aux enfants; aux premiers, il explique comment intervenir, et, aux seconds, comment se servir de la fiche de lecture. Chaque élève a à présenter un livre lu: il est encadré en ce sens. Lors de la rencontre en classe, on échange d’abord en petits groupes, puis on discute en grand groupe, et alors chacun des livres des cinq groupes y passe. Tran mentionne les thèmes choisis et les livres les illustrant. Elle termine en soulignant la merveilleuse complicité des grands et des petits qui s’établit autour du livre et note que pareille méthode encourage l’emprunt de livres de bibliothèque, même chez les moins habiles, qui auront tout de même apprivoisé la lecture. 73
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 74
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Chartier et al. (1993) ont établi une éclairante typologie sur les lectures qui se capitalisent et qui se consomment, pour reprendre leurs propres termes. Pour eux, on peut envisager deux types de finalités à la lecture: «Lire pour satisfaire une nécessité ou une curiosité ponctuelle en attribuant du sens aux circonstances ou au contenu de la lecture, ou lire, avant même de lire pour une raison particulière, par principe et par habitude, c’est-à-dire en attribuant du sens à la lecture elle-même» (p. 139). Dans le premier cas, on lit pour s’instruire, répondre à un besoin, lutter contre l’ennui; dans l’autre, on lit parce que la lecture est une valeur en soi. Seules les lectures qui se capitalisent permettent de se constituer un capital culturel, de se former à travers des «œuvres». Les autres se consomment et s’oublient. Donc, on voit que le clivage se fait autrement que par les concepts de lecture obligatoire et de plaisir. D’après les auteurs, la lecture de consommation est la plus fréquente chez les adolescents. La lecture de divertissement peut cependant être soit marginalisée, soit fréquente et intégrée dans une routine. Elle n’implique ni mémorisation, ni verbalisation, ni contemplation esthétique. C’est d’ailleurs pourquoi les noms d’auteurs et les titres s’estompent : seule reste l’expérience d’avoir lu un bon livre, un livre qui a captivé. Le goût du suspense trouve à se satisfaire dans le policier et le fantastique, qui sont fondés sur une esthétique de la répétition. Les ados font une lecture tendue vers la fin, alimentée par la curiosité et l’envie de savoir. C’est pourquoi ils ne veulent pas, dans leurs exposés oraux, dévoiler la fin: ce serait alors enlever aux autres la raison la plus importante pour lire l’histoire. Les ados ne parlent pas de style (sinon par des remarques indirectes tendant à montrer qu’il n’est apprécié que s’il se plie au type d’histoire) et sautent les descriptions. Ils veulent toujours finir au moins leur chapitre, pour ne pas couper l’histoire et perdre le fil. Plusieurs n’aiment pas le rythme des quelques pages par semaine d’un roman complet comme on le pratique en classe. La posture est associée à la lecture. La préférée : allongée sur un lit (idée de détente, de relâchement du corps). Les adolescents ont tendance à se référer souvent à des films. On lit des livres dont on a tiré des films, généralement après avoir vu ceux-ci. Dans les deux cas, on recherche des sensations fortes. Ils adhèrent d’autant plus à l’histoire qu’il y a identification. Cela traduit l’usage éthico-pratique du livre. Le roman n’est pas perçu comme une œuvre littéraire, mais comme un livre pratique pour apprendre l’expérience humaine. On se rappellera, entre autres, que Michel Tremblay, dans Un ange cornu avec des ailes de tôle, fait part de réflexions semblables sur ses perceptions de lecture à l’adolescence. L’adolescent se libère des contraintes de son existence. Il formule des jugements éthiques à propos des situations ou des personnages, prolonge la lecture par des questionnements personnels de différents types: identification admirative si le héros est supérieur à soi, identification sympathique pour un égal, identification cathartique si on se plonge
74
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 75
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
dans ses souffrances pour oublier son propre réel (notons, dans la littérature québécoise pour la jeunesse, la quasi-absence du premier type). Vivre la vie des personnages, c’est faire un apprentissage éthique. On juge le personnage à l’aune de sa propre morale contemporaine. On cherche des résonances à soi dans l’expérience des héros. Ainsi, la fiction et le réel s’entremêlent. On aime l’accent «vrai», le type témoignage. Ainsi, on forme sa personnalité, on construit son identité, on donne une toile de fond à ses aspirations à partir de comportements fictifs. Cela est aussi valable pour les faibles lecteurs, mais, pour se construire, ceux-ci utilisent encore plus d’autres supports: télévision, musique, radio, sociabilité.
L’influence du choix et de l’accessibilité sur l’attitude Presque tous les enfants commencent l’école en ayant une attitude positive envers la lecture. Au fur et à mesure que décline le temps de lecture et que croissent les difficultés liées au développement du vocabulaire et au développement intellectuel général, les attitudes envers la lecture deviennent de moins en moins positives. Pour devenir des lecteurs engagés, les élèves doivent être intrinsèquement motivés. Il faut donc laisser aux élèves du temps pour qu’ils lisent personnellement. Worthy et McKool (1996) se sont intéressés à des lecteurs récalcitrants et à leur milieu éducatif. Ils les ont identifiés d’après leurs résultats scolaires et les dires de leurs enseignants indiquant qu’ils détestaient lire. Ils ont finalement choisi huit garçons et trois filles de 6e année. Les élèves ont été interviewés sur leurs préférences en lecture. On leur a montré une variété de livres et de revues. Ils ont également eu à lire et à recommander des livres. On les a observés en classe et à la bibliothèque. On a remarqué que les attitudes dépendaient du matériel d’expérimentation, du fait de pouvoir lire individuellement et du type d’enseignement donné. Ce qui a le plus frappé les chercheurs, c’est que le matériel de lecture pour ce type de jeunes est lacunaire ou inexistant. Ces jeunes ne lisent pour ainsi dire jamais dans leurs loisirs, sauf des histoires d’horreur, des revues populaires et des BD. Ils se disent fatigués des questions posées par les enseignants sur leurs lectures. Ils lisent de façon peu attentive dans les périodes de lecture individuelle en classe. On a d’ailleurs remarqué que les enseignants leur laissaient peu de choix dans leurs lectures, sous prétexte d’un programme chargé ou encore d’un manque de matériel adéquat. Dans les classes observées, les enseignants ne favorisaient pas les échanges entre pairs. Seul un projet exigeant des lectures personnelles en bibliothèque les a stimulés. L’accès aux livres et aux revues qu’ils préfèrent est réellement problématique pour ces jeunes à l’école, leurs choix personnels étant jugés non recevables.
75
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 76
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
L’influence du sexe, du classement scolaire et de l’ethnicité sur le plaisir de la lecture Stone et Wu (1993) ont examiné les différences dues au sexe sur la lecture par plaisir chez les élèves de 8 à 12 ans. Les filles passent plus de temps à lire et lisent plus de livres par plaisir que les garçons, et cette différence est associée à un ensemble d’habitudes sociales et d’utilisation des médias par les adolescents. Selon les chercheurs, l’auditoire des médias pourrait être divisé en deux groupes : ceux qui adhèrent aux médias imprimés (journaux, magazines, livres) et ceux qui adhèrent aux médias non imprimés (c’est-à-dire, entre autres, aux émissions de télévision). Les gens qui ont des habiletés de lecture inadéquates ne portent pas attention aux médias imprimés. Des chercheurs ont essayé d’expliquer ces différences entre filles et garçons, une perspective sociale et culturelle selon laquelle la lecture de livres est compatible avec les attentes culturelles (lecture et écriture) touchant le rôle de la femme (Dwyer, 1973, dans Stone et Wu, 1993). Stone et Wu se sont également penchés, dans la même étude, sur les différences entre garçons et filles durant les deux premières années d’université. Les résultats démontrent que les jeunes femmes lisent davantage de livres pour le plaisir que le font les jeunes garçons. Cette différence est associée à un ensemble d’habitudes sociales touchant l’utilisation des médias par un adolescent. Les jeunes adultes qui ont eu les niveaux les plus élevés de lecture de livres pour le plaisir dans leur jeunesse ont également rapporté qu’ils participaient beaucoup moins aux activités sociales à l’adolescence. Les différences de sexe dans l’utilisation des médias semblent se dissiper quand les élèves atteignent le collège. Mac Millan, Widaman, Balow, Hemsley et Little (1992) ont étudié les relations entre ces variables chez des sujets en 8e année. Sur le plan scolaire, on a considéré les classes ordinaires et les classes de mésadaptation. Grâce à des tests standardisés, ils ont trouvé que, dans les classes ordinaires, les attitudes envers la lecture sont meilleures. Les Noirs et les Chicanos avaient des attitudes plus favorables que les Blancs. Quant aux filles, elles ont des attitudes plus favorables que celles des garçons. Ce dernier résultat est concordant avec ceux des recherches antérieures. On ne peut en dire autant des résultats concernant l’ethnicité. Les Noirs sont encore plus favorables à la lecture que les Chicanos. Précisons que les Noirs de cette étude avaient des résultats en lecture égaux à ceux des Blancs. Selon l’enquête de McKenna, Kear et Ellsworth (1995), qui ont analysé plus de 18 000 enfants du primaire aux États-Unis, les facteurs sociaux et les attentes façonnent progressivement les attitudes au cours du temps. En premier lieu, les attitudes envers la lecture de loisir et la lecture scolaire deviennent de plus en plus négatives tout au long de la scolarité élémentaire: la chute est régulière et, à la fin du primaire, les élèves sont dans une situation d’indifférence relative face à la lecture. En second lieu, les chercheurs ont découvert que les attitudes négatives face à la 76
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 77
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
lecture de loisir sont très liées au niveau de maîtrise des habiletés de lecture. Cet écart d’attitude selon les niveaux de maîtrise croît avec l’âge pour la lecture de loisir. Quant au déclin de l’attitude positive face à la lecture scolaire, il dépend beaucoup moins du niveau de maîtrise. Quel que soit le type de lecture, scolaire ou de loisir, les filles présentent toujours plus d’attitudes favorables que les garçons; l’écart entre les deux sexes est constant, quel que soit l’âge, pour la lecture scolaire, alors que, dans le cas de la lecture de loisir, il s’accroît avec l’âge. Ces différences entre filles et garçons semblent indépendantes de leur niveau de maîtrise de la lecture. Le degré de dépendance de l’enseignant à l’égard de ses manuels ne semble jouer sur aucun des deux types de lectures.
Les portraits de différents types de lecteurs quant à leurs attitudes Selon Early (1984), les lecteurs au seuil de l’adolescence sont relativement habiles en lecture; ils en ont maîtrisé les principaux processus, mais ont encore des problèmes avec les sujets abstraits. Ceci est corroboré par diverses recherches empiriques, dont celle du National Assessment of Educational Progress (National Center for Educational Statistics, 1994), qui révèle que seulement 30% des élèves des middle schools américaines peuvent aller au-delà de la compréhension littérale d’un texte. Ces études s’entendent pour dire que les élèves ne lisent pas beaucoup hors de l’école, que les plus faibles n’utilisent pas des stratégies efficaces et qu’ils développent des attitudes négatives face à la lecture. Mis à part les études longitudinales, qui visent certains objectifs précis (d’ordre quantitatif ), il existe peu d’études descriptives (qualitatives) sur les attitudes des lecteurs, même s’il en existe sur leurs stratégies et leurs performances. Bintz (1993) a exploré les raisons du déclin de l’intérêt envers la lecture durant les années d’adolescence. D’après lui, même si les élèves perdent intérêt à la lecture scolaire, ils ne perdent pas tout intérêt dans le plaisir de lire et dans la lecture informative hors de l’école. De plus, pour lui, les élèves n’utilisent pas nécessairement des stratégies non fonctionnelles, mais plutôt des stratégies différenciées selon qu’ils sont à l’école ou hors de l’école. À l’école, ils privilégient les stratégies d’écrémage pour repérer ce que l’enseignant risque de demander. Hors de l’école, ils sont plus enclins à utiliser des stratégies de haut niveau, car le matériel de lecture les intéresse davantage. On ne peut donc, selon Bintz (1993), classer les élèves une fois pour toutes et dans tous les contextes en lecteurs avides, passifs ou résistants: tout dépend des tâches, des textes et du contexte. La recherche de Worthy et McKool (1996) va dans le même sens. Ils ont interviewé des élèves de 6e année ayant des résultats scolaires dans la moyenne et en dessous de la moyenne. Ils ont complété leur recherche par des entrevues d’enseignants et de directeurs d’écoles. Selon eux, les attitudes négatives sont dues 77
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 78
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
au manque de temps consacré à la lecture libre à l’école, aux directives empêchant le libre choix des textes et, enfin, au manque de matériel de lecture intéressant à l’école. Il est évident que ces facteurs négatifs viennent déformer toute la question des attitudes réelles envers la lecture, puisqu’il s’agit de facteurs externes au lecteur lui-même, sur lesquels il a peu de prise. Il convient donc d’examiner de plus près la situation réelle de ces lecteurs soi-disant récalcitrants dans leur classe. C’est ce que fait Ivey (1999), chez lequel on retrouve des portraits détaillés, sur une longue période de trois lecteurs du niveau middle-school (6e, 7e et 8e années), plus précisément en classe de 6e année. On y parle de leur interaction avec les textes en classe et de leurs lectures personnelles, de diverses motivations et stratégies, à la lumière des contextes scolaires. Les données ont été recueillies durant cinq mois, à raison de 12 à 16 heures hebdomadairement, lors d’activités de grands groupes et de petits groupes auxquelles se sont ajoutées des entrevues et des périodes de lecture active avec les trois sujets. Ivey s’est interrogé sur le «concept de soi comme lecteur» de ses trois sujets. Il a remarqué la grande variabilité du rendement de ses trois sujets selon les contextes et le matériel de lecture : la plus haute motivation à la lecture était la satisfaction d’un besoin personnel. Il rejoint Early (1984) en disant que des habiletés de lecture restent encore à acquérir en 6e année (entre autres, le vocabulaire) et Bintz (1993) en disant qu’il est faux de prétendre que cette clientèle perd tout intérêt à la lecture après l’école primaire. Le choix du matériel de lecture est primordial: il doit impérativement répondre aux intérêts des élèves. Ceux-ci ne se cantonnent pas dans un genre de livre. Cependant, leur choix de livres, à cet âge, est peu exigeant sur le plan cognitif (cf. les histoires d’horreur). Il faudrait donc plus de livres «légers» à l’école, du moins les rendre acceptables dans certains contextes. Il conviendrait également de s’interroger à nouveau sur les buts de la lecture scolaire et de dépasser la lecture factuelle (informative) ; les jeunes sont très intéressés à communiquer entre eux, donc il faut en tenir compte. Il faut également laisser la place aux différences individuelles dans les sélections de livres. Entreprendre des discussions en classe sur un livre lu en commun est intéressant, mais il convient également de chercher d’autres pistes d’intervention.
Les résultats des enquêtes antérieures Une enquête sur les rapports entre lecture de plaisir et rendement scolaire Dans son enquête auprès de 130 jeunes de 5e secondaire de la région de Montréal, Landreville (1995) met en rapport la variable « goût pour la lecture » avec les rangs cinquièmes en production écrite. On voit ainsi que les 23 élèves occupant le premier rang cinquième, c’est-à-dire maîtrisant le mieux la langue écrite, aiment tous lire (5 « passionnément », 12 « beaucoup » et 6 « modérément »). Ceux occupant les 78
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 79
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
quatrième et cinquième rangs cinquième se rangent majoritairement dans les catégories «modérément», «peu» et «pas du tout», quant à leur amour de la lecture. L’auteure a fait le même calcul pour le parallèle entre l’amour de la lecture, cette fois, et les rangs cinquième. Des 16 répondants du premier quintile, 16 affirment aimer «passionnément» lire et 9 «beaucoup». Le rendement scolaire en lecture et écriture est donc directement relié à l’amour de la lecture.
Les enquêtes longitudinales sur le développement des attitudes Les chercheurs prêtent mois attention à l’attitude et à la motivation en lecture qu’aux résultats en lecture. Il en est de même des éducateurs. On croit trop souvent que l’attitude est exclusivement du domaine du privé, ou encore que des attitudes positives se développeront naturellement avec l’âge. Il se peut également que le manque d’instrument fiable pour évaluer les attitudes en lecture puisse jouer. Ley, Schaer et Dismukes (1994) ont investigué les attitudes de 164 élèves en 6e, 7e et 8e années face à la lecture. Les élèves devaient parler de leur attitude générale en lecture et dire comment ils se situaient quant à trois aspects distincts : le développement personnel, la lecture utilitaire et le plaisir. Les données confirment que l’attitude générale envers la lecture et la fréquence de la lecture volontaire ont décliné durant les trois années de la recherche. Les auteurs ont également prouvé qu’il existe une relation directe et statistiquement significative entre les attitudes et les comportements en lecture. Quant aux trois aspects distincts investigués, c’est pour la lecture utilitaire que l’on a retrouvé les scores les plus élevés durant les trois ans. Les scores de la lecture de plaisir sont légèrement plus élevés avec l’âge, sauf chez les Noirs, où il y a déclin. Les chercheurs n’ont trouvé aucune différence significative relative au sexe ou à l’ethnicité. Cette recherche fait ressortir le fait que les attitudes positives envers la lecture déclinent entre 12 et 14 ans, et qu’à cet âge les jeunes choisissent de lire moins, et de façon plus scolaire, comme le démontre l’importance attachée à la lecture utilitaire. Le but de développement individuel décline durant ces trois ans, sauf pour les filles de race blanche, chez lesquelles il augmente. Les chercheurs suggèrent aux éducateurs de laisser davantage aux ados le choix de leurs lectures, de leur faire découvrir systématiquement de nouveaux livres, de varier les objectifs de lecture et de miser sur les échanges entre pairs sur les livres. Baudelot, Cartier et Detrez (1999) ont également fait une étude longitudinale. Selon eux, les élèves interrogés ne voulaient pas passer pour de grands lecteurs à mesure que le temps passait (il s’agit d’une enquête durant quatre ans avec les mêmes sujets) ; ils estiment lire de moins en moins. La lecture n’est l’activité préférée d’aucune catégorie d’élèves (ni les filles, ni les bons élèves, ni les élèves des classes favorisées); seul 5% de l’échantillon la place en premier. 79
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 80
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Selon eux, voici, en importance décroissante, les objets que s’échangent les jeunes (p. 57): disques compacts, cassettes vidéo, magazines ex æquo avec les livres, jeux vidéo et enfin BD. Dans l’enquête, un garçon sur cinq et une fille sur deux déclarent parler de lectures avec leurs amis. Les filles de milieux populaires fréquentant l’enseignement professionnel le font beaucoup. L’auteur parle de sociabilité amicale autour de Stephen King.
Les enquêtes ministérielles générales L’enquête ministérielle de 1994 comprend des questions sur l’amour de la lecture (question 15: Aimes-tu lire?), sur les raisons pour s’adonner à la lecture (question 18: Pourquoi lis-tu?) et sur des comportements de bon lecteur (question 19: Coche la case qui correspond le mieux à ton comportement de lecteur). Voici quelques conclusions du rapport. Environ les trois quarts des élèves disent aimer lire beaucoup ou moyennement. Cet amour de la lecture est plus fort au début qu’à la fin du secondaire, la proportion de livres lus pour le plaisir diminuant sensiblement vers la fin de la scolarité obligatoire. Les filles se démarquent par leur amour de la lecture plus grand que chez les garçons: c’est le cas de la moitié des filles et du quart des garçons, tous niveaux confondus. Alors que l’intérêt en lecture se maintient chez les filles au cours de leur scolarité, celui des garçons baisse constamment. Les élèves disent aimer lire pour rêver et se désennuyer tout autant que pour s’informer et se cultiver. À la fin du secondaire, la lecture dans un but informatif croît légèrement. L’enquête ministérielle de 1980 (Hould, 1980) comporte des questions reliées aux activités impliquant la lecture (question 9 : Aimez-vous faire les activités suivantes: par exemple, discuter en classe du livre lu, lire des résumés de livres, etc.), au nombre de livres lus durant une période donnée (question 18 : En moyenne, combien de livres lisez-vous par mois ?), aux raisons pour s’adonner à la lecture (question 46 : Quel objectif visez-vous quand vous lisez ?) ou ne pas s’y adonner (question 54: D’après vous, pour quelles raisons ne lisez-vous pas plus que vous ne le faites actuellement?) et à l’amour de la lecture comparativement à d’autres activités (question 55: Parmi les activités suivantes, indiquez celle qui vous intéresse le plus). Voici quelques résultats issus de cette enquête. Les élèves disent à 60,7% faire moins de lecture qu’ils ne l’aimeraient par manque de temps. Lire n’est l’activité préférée que de 4,9% d’entre eux, bien après la pratique des sports (43%), les sorties (24,7 %), l’écoute de la télévision (9,7 %). Plus du tiers des répondants (35,5 %) ont indiqué lire trois livres ou plus par mois, alors que près du cinquième (19,1%) n’en lisent aucun. Près de la moitié des sujets (46,3%) lisent autant durant l’année scolaire que durant les vacances, 32,1%, surtout durant l’année scolaire et 16,7%, surtout durant les vacances. Comme la régularité des habitudes de lecture est l’une des caractéristiques du bon lecteur (Bamberger, 1975), on voit que la moitié de la clientèle fait de la lecture une activité habituelle, nonobstant le temps dont elle 80
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 81
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
dispose. Au chapitre des objectifs de la lecture, 46,9% disent lire surtout pour en connaître davantage, 40,9% pour se distraire et s’évader de la réalité et 10,3% pour résoudre un problème ou aller chercher une information précise.
Les résultats de l’enquête LIS Nous présentons ci-après une série de tableaux regroupant les réponses aux questions de notre enquête relatives aux plaisirs de lecture. Nous toucherons successivement l’amour de la lecture, les conditions pour être un bon lecteur, les raisons pour s’adonner à la lecture, l’auto-évaluation de soi comme lecteur, le moment de la lecture de plaisir, l’endroit de la lecture de plaisir, la possession de jeux d’ordinateur, l’abonnement personnel à une revue, un journal et, enfin, certaines pratiques reliées à la lecture. On peut dire que les élèves du secondaire aiment les livres de façon modérée. TABLEAU 1A Moments de la lecture de plaisir (plus d’une réponse possible pour 1 734 sujets) a) aucun moment de lecture de plaisir b) durant la journée c) le soir d) les fins de semaine e) en vacances f) à d’autres moments Grand total cumulé pour 1 734 sujets
171 332 1 094 520 500 200 2 817
(9,86 %) (19,14 %) (63,09 %) (29,98 %) (28,83 %) (11,53 %)
C’est surtout le soir que l’on aime lire pour se détendre: plus de 63% de nos sujets aiment le faire. Les fins de semaine et les vacances sont également des moments privilégiés où pas loin du tiers des sujets se laissent tenter par les lectures de détente. Cependant, ce type de distraction est ignoré par un sujet sur dix, en moyenne (surtout des garçons, comme le montre le tableau 1b). Ce tableau révèle également que ce sont toujours les filles qui lisent le plus, quel que soit le moment. TABLEAU 1B Moments de la lecture de plaisir selon le sexe, le niveau et le milieu Jamais Dans la journée Le soir Les fins de semaine En vacances
Fém.
Masc.
1re
2e
3e
4e
5,4% 21,2% 70,2% 37,5% 35,8%
14,8% 16,7% 54,9% 21,4% 20,9%
11,1% 25,7% 62,5% 33,5% 10,3%
8,5% 15,1% 65,6% 27,5% 12,9%
11,6% 17% 64,7% 24,8% 11,6%
9,2% 15,4% 66,8% 36,2% 13,2%
81
Mauricie Montréal
8,9% 20,2% 66,4% 28,2% 12,3%
10,4% 18,3% 60,8% 31,1% 10,9%
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 82
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Ainsi que le révèle le tableau 2, le domicile personnel reste le lieu de prédilection pour lire. Les transports en commun devancent tout de même les bibliothèques, ce qui vient corroborer le fait que les ados n’aiment pas beaucoup lire dans les cadres institutionnels, surtout à la bibliothèque scolaire (voir plus loin le chapitre sur les adolescents et les bibliothèques). TABLEAU 2 Endroits de la lecture de plaisir (plus d’une réponse possible pour 1 734 sujets) a) à la maison b) à la bibliothèque de l’école c) à la bibliothèque publique d) en auto, en autobus, en métro e) autre endroit Grand total cumulé pour 1 734 sujets
1 479 179 219 420 181 2 478
L’abonnement personnel à une revue ou à un magazine est un bon indice de l’immersion fréquente dans la lecture de loisir. On voit, dans le tableau 3, que c’est le cas de près de sept ados sur dix. TABLEAU 3 Abonnement personnel à une revue, un magazine Non Oui Ne répondent pas
1190 (68,5 %) 533 (30,6 %) 14 (0,8 %)
Nous voulions savoir quelles étaient les pratiques des jeunes reliées à la lecture. Le tableau 4 nous renseigne sur le sujet. Il est étonnant de voir que plus de la moitié des sujets ont lu à des enfants durant l’année précédant l’enquête, mais qu’environ la moitié ne se sont jamais fait raconter des histoires par leurs parents durant l’enfance. Pennac étant passé par là, plus de la moitié des enseignants de français font la lecture à leurs élèves. Par ailleurs, plus de 60% ont déjà fait un exposé sur un livre et tout autant ont participé à une discussion (chat) sur Internet. L’activité la plus populaire est toutefois le courriel entre amis: les deux tiers s’y adonnent.
82
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 83
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
TABLEAU 4 Pratique de certaines activités reliées à la lecture
a) b) c) d)
lu à haute voix pour des enfants raconté des histoires à des enfants écouté tes parents lire des histoires écouté tes enseignants te lire des romans e) fait de la poésie personnelle f) joué dans une pièce de théâtre g) fait un exposé oral sur un livre h) écouté un livre-cassette i) lu un livre parce que tu avais vu le film j) participé à une discussion orale sur le livre k) visité un salon du livre l) participé à un forum de discussion sur Internet m) tenu un journal personnel n) écrit des BD o) écrit des scénarios p) écrit des lettres à tes amis
Oui Oui Jamais la avant la dernière année dernière année 908 (52,36 %) 588 485 925 575 480 179 757 838 932 522 404 1 046 (60,32 %) 255 476 586 268 1 050 577 310 277 1 139 (65,68 %)
594 316 546 704 638 390
411 1 031 861 216 889 946
447 422
825 1 087
425 463 456 256 637
539 864 1 042 1 271 382
Il nous semblait opportun de solliciter l’opinion des élèves à propos de leur amour de la lecture. Presque tous se sont exprimés, preuve que le sujet les interpellait. Quatre sur dix avouent que la lecture les intéresse moyennement. Ils ne sont que le quart à dire qu’ils aiment beaucoup la lecture. Peut-être devrions-nous nous en réjouir. Dans l’enquête ministérielle de 1994, les trois quarts aiment lire « beaucoup » et « moyennement », ce qui est légèrement plus que nos propres données. TABLEAU 5A Amour de la lecture a) b) c) d) e)
beaucoup moyennement peu pas du tout ne répondent pas
461 715 375 173 13
83
(26,5 %) (41,1 %) (21,5 %) (9,9 %) (0,7 %)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 84
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
L’amour de la lecture varie selon le sexe, le niveau d’étude et la région. On note sans surprise que les filles se retrouvent dans les deux premières catégories : 78 % aiment lire beaucoup ou moyennement, alors que ce n’est le cas que de 56 % des garçons. L’amour de la lecture atteint des sommets en première secondaire, mais il est relativement stable au long des quatre années d’études. Par contre, de moins en moins de jeunes disent ne pas aimer «du tout» la lecture, au fil de la scolarité. Les grands amants de la lecture se retrouvent un peu plus en Mauricie et les indifférents à la lecture sont légèrement plus nombreux à Montréal. TABLEAU 5B Amour de la lecture selon le sexe, le niveau et le milieu Beaucoup Moyennement Peu Pas du tout
Fém.
Masc.
35,7% 42,3% 15,7% 5,6%
16,2% 39,7% 28,1% 14,8%
1re
2e
3e
4e
Mauricie Montréal
30,3% 23,5% 24,8% 29,6% 29,4% 42,5% 41,1% 41% 44,6% 41,5% 19,9% 24% 25,7% 19% 20,4% 12,3% 9,9% 8,2% 6,6% 8,2%
24,6% 41% 22,4% 11,1%
Dans l’enquête de Baudelot et al. (1999), 6 % des garçons et 20 % des filles de 3e (équivalent à sec. 3) estiment lire beaucoup, 33% et 45%, lire moyennement, 42% et 28% lire peu, et 19% et 7%, pas du tout. Ainsi qu’on le voit, les chiffres se ressemblent, et le Québec est même un peu en avance. Appelés à se prononcer sur les conditions nécessaires pour être un bon lecteur, les élèves mettent au premier plan l’amour de la lecture, suivi d’habiletés de compréhension, d’une bonne capacité de concentration, d’un bon choix de livres et d’une imagination poussée. Le temps ne semble pas jouer trop fortement: le bon lecteur, le lecteur passionné, trouve presque toujours le temps de lire. La curiosité joue un peu, la maîtrise du vocabulaire également. Par contre, l’enseignant de français, quelles que soient ses qualités, semble bien moins important que tous les facteurs que nous venons de mentionner. Les jeunes ne relient pas l’amour de la lecture au rendement scolaire, ce en quoi une longue tradition d’intellectuels amoureux de la lecture leur donne raison. Enfin, ils ne rattachent aucunement le fait de lire à la possession d’un ordinateur. Il faut, pour en connaître les raisons, lire le chapitre que nous consacrons dans le présent ouvrage à la lecture à l’écran.
84
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 85
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
TABLEAU 6A Conditions pour être un bon lecteur (quatre réponses possibles) (en nombre d’occurrences sur un total de 1 734 sujets) a) aimer lire b) avoir beaucoup de temps pour lire c) être capable de bien se concentrer d) avoir un bon vocabulaire e) avoir des livres intéressants à sa disposition f) avoir beaucoup d’imagination g) avoir un bon enseignant de français h) avoir du temps en classe pour lire i) avoir des amis qui lisent j) comprendre facilement ce que je lis k) avoir un ordinateur à la maison l) avoir envie de tout connaître m) être bon à l’école n) ne répondent pas
1 542 444 1 012 327 868 709 106 123 63 1 068 55 427 71 116
Peut-on faire des liens entre aimer lire, l’autoévalution en lecture et la perception des résultats scolaires? Pour l’ensemble de la population, les indices de corrélation pointent des liens plus étroits entre aimer lire et l’autoévaluation comme lecteur (0,57324). Pour l’ensemble de la population, il y a peu de relations entre l’autoévaluation et les résultats scolaires (0,32424) et encore moins entre les résultats scolaires et aimer lire (0,1995). Sur les liens entre ces trois mêmes variables, voyons les différences selon le sexe du répondant. On peut noter que, pour les filles, la corrélation entre aimer lire et autoévaluation est plus forte (0,61806) que pour l’ensemble des sujets et évidemment plus forte que pour les garçons (0,50731). Pour les filles comme pour les garçons, la corrélation entre aimer lire et résultats scolaires n’est pas très forte (0,21171 et 0,19617). Sous cet aspect, filles et garçons se distinguent très peu. Quant aux relations entre les résultats scolaires et l’autoévaluation, les corrélations sont quasi identiques, ne permettant pas de distinguer les filles des garçons (0,32457 et 0,32609) mais peu signifiantes. Les filles font donc plus de liens que les garçons n’en font entre le fait d’aimer lire et leur perception d’elle comme lectrice. Tous les sujets, tant les garçons que les filles, font des liens ténus entre le fait d’aimer lire et leurs résultats scolaires et très peu de liens entre les résultats scolaires et leur perception d’eux-mêmes comme lecteurs. 85
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 86
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Selon l’enquête IEA-Québec (voir Parent, Lebrun et al., 1994) voici les réponses obtenues aux trois conditions les plus importantes pour devenir un bon lecteur : aimer lire: 80%; savoir bien se concentrer: 51%; savoir bien prononcer les mots: 29 % ; avoir beaucoup de temps pour lire : 24,7 % ; apprendre la signification des mots : 24,1 % ; avoir beaucoup de bons livres à sa disposition : 20,8 % ; avoir beaucoup d’imagination: 16,2%; que quelqu’un m’apprenne à lire: 11,5%; avoir beaucoup d’exercices sur ce qui est difficile à lire: 6,6%; avoir beaucoup de «devoirs de lecture»: 6,3%; avoir beaucoup d’exercices écrits: 3,6%. Nous retrouvons quelques-unes de ces conditions dans notre propre enquête. Au niveau international (IEA, 1991), les élèves ont effectué les mêmes choix que dans l’enquête IEA-Québec, avec des pourcentages cependant différents: aimer lire (69 %), savoir bien se concentrer (48 %) et savoir comment prononcer les mots (35 %). Comme dans les autres pays, les répondants ne croient pas en l’efficacité des «devoirs de lecture», des exercices écrits et de l’enseignement de la lecture pour devenir de bons lecteurs. Nous retrouvons dans le tableau 6b les variations dans les réponses aux conditions pour être un bon lecteur selon le sexe, le niveau scolaire et le milieu géographique. Nous avons marqué en gras les résultats les plus intéressants, soit les écarts entre les sexes, les niveaux ou les régions sur des points particuliers. Les filles sont plus sensibles au choix de livres, plus curieuses. Par contre, les garçons sont légèrement plus dépendants des habiletés pédagogiques de leur enseignant. Le manque de temps semble davantage marquer les élèves de 4e secondaire, et le manque de vocabulaire, de même que la qualité de l’enseignant, ceux de 1re secondaire. Les sujets de Montréal sont moins sensibles que ceux de la Mauricie à l’offre de livres intéressants, au fait d’avoir du temps de lecture en classe et d’avoir développé des habiletés de compréhension. TABLEAU 6B Conditions pour être un bon lecteur : variations selon le sexe, le niveau et le milieu Fém.
Aimer lire Avoir le temps Être concentré Bon vocabulaire Livres intéressants Beaucoup d’imagination Bon prof Temps en classe
90,2% 25% 58,5% 15,1% 52,1%
Masc.
1re
2e
3e
4e
87% 25,9% 57,7% 22,8% 47,6%
90,7% 21,9% 60,2% 24% 46,4%
88,3% 28,7% 61,6% 17,9% 54,2%
94,6% 23,2% 56,8% 14,1% 53,9%
93,8% 34,5% 56,1% 13,7% 53,9%
Mauricie Montréal
90,5% 24,8% 58,2% 18,2% 53,2%
87,8% 26% 58,4% 19,2% 47,9%
41% 40,6% 44,3% 38,2% 43,1% 42% 38,9% 42,1% 4,1% 8,3% 9,1% 5,5% 3,3% 2,6% 4,8% 6,9% 5,7% 8,5% 8,8% 7,8% 5,8% 2,6% 10,7% 4,6%
86
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 87
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
Tableau 6 – suite Fém.
Amis lecteurs Comprendre bien Ordi à la maison Envie de tout connaître Bon à l’école
Masc.
1re
2e
3e
4e
Mauricie Montréal
2,9% 4,4% 4,5% 2,9% 4,9% 1,7% 2,8% 4,1% 67,2% 55,2% 68,7% 60,3% 60,1% 55,7% 64% 59,9% 1,6% 4,7% 4,2% 2,9% 1,6% 2,2% 3% 3,2% 29,1% 19,4% 23,4% 23% 26,5% 33,6% 23,5% 25,2% 2,3% 5,9% 6,5% 3,3% 2,4% 1,7% 3,3% 4,6%
Lorsqu’on pose aux jeunes lecteurs la question de leur amour de la lecture, le corollaire est évidemment leur auto-évaluation de leur propre rendement en lecture. On remarquera sans surprise que plus de filles que de garçons s’évaluent bonnes en lecture. Étonnamment, même s’ils sont plus nombreux à avoir des difficultés en lecture (mais surtout parce qu’ils aiment davantage la lecture), les sujets de 1re secondaire ont la plus forte cote de compétence autoproclamée en lecture. On s’évalue davantage à la hausse en Mauricie qu’à Montréal. TABLEAU 7 Autoévaluation du sujet comme lecteur Total
Bon Moyen Peu habile Très malhabile
30,6% 51,6% 13,4% 3,9%
Fém. Masc.
36,5% 49,7% 10,5% 2,8%
23,9% 53,4% 16,6% 5,1%
1re
2e
3e
4e
Mauricie Montréal
35,3% 52,8% 13,1% 4,1%
28,6% 52,3% 14,1% 4,5%
27,8% 52,6% 14,9% 3,7%
30,5% 53,9% 12,8% 2,6%
33,8% 28,5% 50% 52,6% 12,5% 14% 3,4% 4,2%
Selon l’enquête IEA-Québec (Parent, Lebrun et al., 1994), voici la perception qu’ont les élèves de 2e secondaire de leur habileté à lire : 5,8 % disent ne pas bien lire, 17 %, lire moyennement, 38,4 %, lire bien, 29,6 % lire très bien et 9,3 % ne répondent pas. Ces chiffres se comparent à ceux de nos sujets de 2e secondaire: si nous combinons «bon» et «moyen», nous en arrivons à 81% de lecteurs, alors que si l’on assemble « lire moyennement », « bien » et « très bien » de l’enquête de IEAQuébec, on a un total de 85%. Les élèves s’évaluent également à la hausse dans leurs résultats scolaires. À les croire, il n’y aurait qu’un peu plus de 8% de faibles parmi eux. Rappelons que nos questionnaires étaient anonymes et que les élèves avaient toute latitude pour répondre « correctement ». Faut-il voir là un effet du bulletin descriptif, ou de l’évaluation sommative?
87
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 88
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 8A Autoévaluation des résultats scolaires Excellents Très bons Bons Moyens Faibles Ne répondent pas
126 (7,2 %) 398 (22,9 %) 653 (37,5 %) 398 (22,9 %) 145 (8,3 %) 17 (0,9 %)
En tout état de cause, les filles s’estiment légèrement plus fortes que les garçons, ce qui correspond néanmoins à un état de fait : il n’y a pas là exagération de leur part. Ce sont plutôt les garçons qui se surévaluent. TABLEAU 8B Autoévaluation des résultats scolaires selon le sexe, le niveau et le milieu Fém.
Excellents Très bons Bons Moyens Faibles
Masc.
1re
2e
3e
4e
7,7% 6,6% 9,2% 6,6% 5,3% 23,5% 22,2% 24,3% 25,1% 19% 36,8% 38,3% 40,3% 37,1% 38,5% 22,2% 23,7% 22,2% 21,6% 26,1% 8,7% 7,9% 8% 8,7% 9,9%
Mauricie Montréal
21,2% 6,9% 7,5% 21,2% 24,8% 21,6% 36,2% 40,2% 35,8% 28,3% 21,2% 24% 7,9% 6,6% 9,5%
Un autre grand classique des enquêtes en lecture est de demander les raisons de lire. Le tableau 9 nous donne quelques réponses. Nous avons mis les plus intéressantes en caractères gras. TABLEAU 9 Raisons données pour s’adonner à la lecture (plus d’une réponse possible)
a) b) c) d) e)
pour rêver, m’évader pour me désennuyer pour m’informer pour me cultiver pour avoir de meilleures notes f) pour mieux connaître les autres g) pour me connaître
Tout à fait d’accord 447 (25,7 %) 547 (31,4 %) 438 (15,2%) 354 (20,3%)
Assez d’accord 383 (22 %) 552 (31,78 %) 538 (30,9 %) 494 (28,4 %)
Peu d’accord 360 (20,7%) 277 (15,9%) 383 22%) 422 (24,2%)
Pas du tout d’accord 528 (30,4%) 338 (19,4%) 360 (20,7%) 442 (25,4%)
264 (15,2%) 366 21%)
499 (28,7%) 587 (33,7%)
104 (5,9%) 232 (13,3%) 151 (8,6%) 247 (14,2%)
603 (34,7%) 777 (44,7%) 511 (29,4%) 804 (46,2%)
88
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 89
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
h) pour trouver des modèles de vie i) pour savoir ce qu’est la littérature j) par obligation k) Autre raison
Tableau 9 – suite Tout à fait Assez d’accord d’accord
Peu d’accord
Pas du tout d’accord
125 (7,2%) 252 (14,5%)
469 (27%)
867 (49,9%)
159 (9,15%) 315 (18,1%) 204 (11,7%) 195 (11,2%) 177 (10,1%) 23 (1,3%)
459 (26,4%) 776 (44,6%) 310 (17,8%)1000 (57,5%) 18 (1%) 474 (27,2%)
* Taux de non-réponse oscillant de 0,9 % à 1,7 % pour les choix de a à j.
Il semble bien que les adolescents ne lisent pas pour mieux se connaître ou pour connaître les autres ou trouver des modèles de vie ; ils ne lisent pas par obligation ou pour connaître la littérature. Il ne semble pas que la perspective d’améliorer ainsi ses notes soit un facteur déterminant. Rêver, s’évader, s’informer, se cultiver sont des raisons qui les poussent à lire et puis, surtout, pour se désennuyer. Le tableau 10 fait intervenir quelques variables qui permettent d’éclairer ces résultats. Les filles ont plus tendance à rêver que les garçons. On rêve de plus en plus en lisant, au fil de la scolarité: le pouvoir d’évocation se développe parallèlement au bagage littéraire. On combat également l’ennui, encore plus chez les filles que chez les garçons. La lecture informative croît avec l’âge, de même que le désir de culture. On se préoccupe de moins en moins du lien entre lecture et notes au bulletin. Les filles sont plus nombreuses que les garçons à se chercher des modèles littéraires et à aimer la littérature pour elle-même. TABLEAU 10 Motivations différenciées à la lecture selon le sexe, le niveau et le milieu Rêver Se désennuyer S’informer Se cultiver Avoir de meilleures notes Connaître les autres Se connaître Trouver des modèles Découvrir la littérature Par obligation
Fém.
Masc.
1re
2e
3e
4e
61% 70,4% 54,5% 50%
32,9% 55,3% 58,1% 47,4%
32% 69,6% 57,3% 50%
45,7% 62,3% 52,7% 46%
49,7% 62,6% 63% 48,9%
60,6% 58,8% 64,1% 59,2%
50,9% 65,4% 55,1% 48,9%
45,8% 61,9% 57% 48,8%
34,1% 20,5% 49,5% 35,6%
38,8% 18,1% 37,2% 18,3%
46,6% 24,8% 46,1% 26,8%
30,1% 16% 41% 19,7%
35,6% 17% 49,3% 21,1%
28,3% 17,2% 44,6% 15,9%
36,4% 17,1% 45,4% 22,7%
36,2% 20,8% 42,5% 21%
Mauricie Montréal
33,6% 20,1% 31,7% 22,8% 28,6% 28,7% 28,3% 26,6% 28,8% 29,2% 25,7% 30,5% 33,6% 35,3% 27,4% 30,2%
N.B. Pourcentages compilés des « tout à fait d’accord » et « assez d’accord ».
89
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 90
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Selon l’enquête de Baudelot et al., (1999), la fonction de distraction attendue de la télévision, des magazines et des livres n’est pas exactement la même. Le magazine doit non seulement distraire, mais également documenter, de même que le livre, qui doit, de plus, contribuer à la culture générale, à l’apprentissage de façon moins utilitariste que le magazine. Les corrélations faites entre les formes de loisir rattachées à la télé, à la musique et à la lecture ne sont pas très parlantes, selon les auteurs. Ainsi, pas de lien entre faibles lecteurs et grands auditeurs de télé. De plus, plus on lit des magazines, plus on lit des livres.
Ce que nous apprennent les entrevues sur le plaisir de lire Nous avons complété les nombreuses questions adressées aux élèves sur leurs plaisirs de lecture et leurs attitudes face à la lecture des rencontres de groupes avec des élèves volontaires des quatre niveaux d’études concernés. Nous regroupons les énoncés selon les types d’attitudes des élèves. L’identification des sujets selon la région (TR ou MTL), le niveau d’études (gr 1, 2, etc.) et le sexe (ga ou fi) est indiqué chaque fois. Les récalcitrants (voir également sur le sujet le chapitre 10 sur les profils de lecteurs)
TRgr1-ga1: J’aime mieux jouer dehors. Nous faisons présentement une recherche, mais, s’il n’en tenait qu’à moi, je ne la ferais pas. Je ne la fais que parce que je suis obligé. Une situation où je n’ai aucun plaisir à lire, par exemple, hier soir, je lisais un roman que nous devons lire en classe. Je me suis dit: «J’ai jusqu’à demain pour le lire: qu’estce que je fais? Est-ce que je lis ou si je vais jouer au tennis?» J’ai continué à lire, mais parfois j’aime vraiment faire autre chose. La lecture c’est différent du sport. Lorsqu’on pratique un sport, on bouge plus. On se tanne de lire. Je préfère sortir dehors, il y a plein de choses à faire. TRgr1b-ga3: Je lis pour me détendre lorsque je n’ai rien à faire. Je n’ai pas le goût de lire lorsqu’il fait beau. Les filles lisent plus que les gars, car nous avons plus d’énergie à dépenser. TRgr1b- fi2: Je n’ai pas de plaisir à lire lorsque j’ai trop de choses à faire. Je n’ai plus le temps et je n’ai pas le goût lorsque tout arrive en même temps : l’école, le sport, les activités, etc.
90
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 91
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
Les dépendants du contexte et de la situation TRgr1-ga1 : Plus on est confortable, plus on est détendu et mieux on peut lire, entrer dans le livre. Je suis distrait par la télévision et par la musique. TRgr1-ga2 : Je ne peux lire lorsqu’il n’y a aucun bruit. Je mets toujours de la musique lorsque je lis pour mettre de l’ambiance. Si je lis un bon livre, je peux lire s’il y a du bruit, mais si je ne suis pas concentré, c’est difficile. TRgr1-ga3: Je lis si je n’ai rien à faire. Je n’aime pas lire lorsque c’est trop calme: ça m’endort. TRgr1-ga4: Nous devrions avoir un coin de lecture et avoir une période de lecture à l’extérieur. Se coucher dans l’herbe est beaucoup plus relaxant que d’être assis sur une chaise de bois. TRgr1b- fi5 : J’aime lire avant de me coucher, car je peux lire des histoires avant de m’endormir. Lorsqu’il fait beau dehors, qu’il fait trop chaud ou qu’il n’y a rien à faire, je lis de livres «de joie», et lorsqu’il ne fait pas beau, qu’il pleut et qu’il n’y a rien à faire, je m’installe dans mon lit et je lis des livres tristes. TRgr3-ga3: Je lis pendant mes temps libres, quand je n’ai rien à faire. J’écoute de la musique en même temps, de la musique qui m’aide à entrer dans le livre. MTLgr4b-ga1: Je lis le soir, c’est l’idéal. Après 11 h, je suis là, dans ma chambre, tout seul. Je lis dans le noir, juste avec une petite lumière. Je peux lire jusqu’à 4 ou 5 heures du matin. Je peux arrêter de lire pendant un mois: je prends une pause. Après ça, pendant un mois, je vais finir six, dix, quinze livres, je vais lire tout le temps.
Les malhabiles TRgr1-ga2: Je n’aime pas lorsque je lis et que je pense à autre chose. Je lis, mais je ne comprends pas ce que je lis et je n’ai pas le goût de lire. TRgr2-fi4: Je ne lis pas souvent. [Ce qui fait perdre le goût de lire] Je perds le goût de lire quand le livre ne m’intéresse pas et que je suis obligée de le lire. TRgr2-fi6: Je perds le goût de lire lorsque je ne comprends pas, si le livre est trop compliqué. TRgr2-fi8 : Moi, je ne lis pas souvent. Il ne faut pas donner à ceux qui n’aiment pas lire un roman de 1000 pages.
91
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 92
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les boulimiques TRgr1-fi1 : Je lis beaucoup, je lis toujours. Je lis quand je mange, pendant les annonces lorsque je regarde la télé, quand je n’ai rien à faire. J’aime ça [lire] pas mal toujours, mais je n’aime pas lorsque je dois lire un livre que je n’aime pas. Je n’aime pas que l’on choisisse un livre pour moi et être obligée de le lire. J’aime mieux choisir mes livres moi-même. Je lis dans mon lit et m’installe confortablement avec les couvertures et les oreillers et, lorsque je commence à lire, je peux terminer mon livre et lire pendant toute la nuit. TRgr1b-fi7: Je peux lire très tard et me lever le lendemain matin comme si de rien n’était. Pour moi, lire, c’est comme dormir. MTLgr1-ga1 : [Moment où j’ai du plaisir à lire] Moi, c’est le soir dans mon lit, avant de me coucher. Souvent, le soir, je lis des chapitres de mon roman. Je ferais complètement disparaître la télé du monde. Ça serait dur sur le coup, mais après ça nous laisserait beaucoup plus le temps de lire, d’être plus relaxes. MTLgr1b-ga1 : Je lis dans l’autobus et aussi en cours de math, quand le prof réexplique ce qu’il avait dit au début. J’essaie de lire quand je peux: ça ne me donne pas de mal, je ne perds rien. TRgr2-fi1 : J’aime beaucoup lire. Je peux lire n’importe où, même quand il y a beaucoup de bruit. TRgr2-fi2: Je suis un vrai rat de bibliothèque. Je lis quand j’ai le temps et n’importe où. Je crois que le fait que nous soyons obligés de lire à l’école un genre de livres peut nous faire découvrir autre chose. Par exemple, moi, je lis des romans d’aventures, mais j’ai été obligée de lire un roman de science-fiction il y a quelque temps, et j’ai aimé ça. Je lis maintenant des romans d’aventures et de science-fiction. TRgr3-ga1: Je lis avant de me coucher et, quand je lis un bon roman, je peux lire pendant deux, trois heures. Moi et X, des fois on se parle des livres qu’on a lus et que l’on a trouvés bons et on se rappelle des passages que nous avons aimés ou non. TRgr3-fi3: Je lis n’importe quand, quand j’ai le goût. Je lis surtout l’été, n’importe où. Si je lis un bon livre, je peux lire toute une journée. TRgr3-fi7: Lire pour moi c’est une passion. MTLgr3-fi1: Quand je lis, il faut absolument que je termine ce que je lis: je pourrais passer des heures dessus. MTLgr4-fi3: La lecture, ce n’est pas que ça enrichit, mais ça aide à s’ouvrir l’esprit, à exercer son imagination. MTLgr4b-fi1: J’ai quelque chose de vraiment niaiseux. Pour partir dans un livre, je le feuillette, j’ouvre une page au hasard, je lis un passage. Parfois, je trouve ça tellement intéressant que je lis un chapitre en plein milieu du livre. Ça me donne le goût de lire le livre. Même quand j’étais petite, je lisais tout le temps la fin. Une fois, j’ai lu la fin d’un Agatha Christie et je n’aurais pas dû. Moi j’aime ça (Le Baron perché). Des fois, on se dit «J’aimerai pas ça, c’est sûr », mais, dans le fond, on ne sait pas (avant d’avoir lu). 92
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 93
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
Les amateurs de lecture libre mal à l’aise en contexte scolaire TRgr1-fi2: Lorsqu’un prof m’oblige à lire un livre, je suis facilement distraite, mais, lorsque je lis un livre que j’ai choisi, je suis plus concentrée: il n’y a rien pour me déranger. TRgr1-fi3: Si le livre m’intéresse, je peux lire pendant des heures. Je ne lis pas parce que je suis obligée, je lis parce que j’aime ça. Je n’aime pas lorsque je suis obligée de lire. Ceux qui n’aiment pas lire et qui sont obligés de lire ne seront pas incités à lire par la suite. Je n’aime pas lire un livre que je n’ai pas choisi. Il faut que je choisisse ce que je lis. Les chaises d’école sont très inconfortables pour lire. TRgr1-fi4: Je n’aime pas lorsque je suis obligée de lire un livre que je n’aime pas. Et qu’en plus nous devons nous rendre jusqu’à telle page pour telle date. J’aime lire dehors. Il faudrait que les activités de lecture que nous faisons en classe soient amusantes. TRgr2-ga2: J’adore lire dans ma chambre quand je suis seul. Je n’aime pas lorsqu’on me pose des questions sur ma lecture. Je lis pour le plaisir et pour me détendre, mais ce n’est pas le cas lorsque je dois répondre à des questions. TRgr2-ga3 : Moi, j’aime surtout lire dans ma chambre avec de la musique. [N’aime pas…] quand tu dois prendre des notes ou faire des résumés, car tu perds le fil et dois en relire des parties. TRgr2-ga4: [Ce qui fait perdre le goût de lire] être obligé de lire un livre. Il faut que le livre que tu lis t’intéresse. Je crois que lire devrait t’amener dans un autre monde et, si ce n’est pas le cas, ce n’est pas intéressant. Je pense que ceux qui disent ne pas aimer lire n’ont jamais lu. MTLgr4b-ga1: En secondaire II, je me souviens, on avait lu un Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers, un livre imposé. Je l’avais trouvé super intéressant. Mais, présentement, on lit un livre qu’on n’aime pas, parce qu’on ne se sent pas visés (Le Baron perché). Je lis, mais je sais très bien que le lendemain je vais avoir une question, par exemple sur l’évolution de l’action. Douze coups de théâtre, j’ai trouvé ça pénible. Je lisais pendant la sieste, je lisais une demi-heure, mais finalement je tombais endormi. MTLgr4b-ga3: Le Jules Verne, j’étais moins tenté de le lire parce que je savais que le lendemain on allait le décortiquer, faire une analyse de quasiment chaque mot. C’est vrai que je n’aime pas beaucoup les livres où ça prend six pages pour décrire un verre de vin. Quand Jules Verne fait la description d’un sous-marin, ça lui prend un chapitre au complet: c’est pas mon genre de lecture. Je n’ai pas aimé Douze coups de théâtre. Moi, me faire raconter des histoires d’époque… Quand je commence à lire le soir, je me fixe un ou deux chapitres, pas plus, parce que la dernière fois j’ai eu les yeux cernés à l’école, le lendemain. Quand je lis un livre que je trouve bon, je le dis à tout le monde.
93
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 94
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les lecteurs faisant référence à l’univers de la télévision et du cinéma TRgr3-ga2: Ce qui m’a donné le goût de lire, c’est la télé. Ils parlaient toujours des Harry Potter. Tout le monde disait que c’était bon, alors j’ai décidé de les lire. TRgr3-fi1: Je lis lorsque ça me tente et que j’ai un bon livre. [Un bon livre c’est] un roman. J’aime mieux lire les livres que [voir] les films. Lorsque tu lis, c’est toi qui décides de l’apparence de ton personnage, de sa maison. Lire, ça nous aide pour notre culture […], mais je ne crois pas que ça aide pour les travaux [scolaires]. TRgr3-fi2: Moi, je lis le matin quand je me lève. Je lis une ou deux heures, selon le temps dont je dispose. Je lis aussi avant de me coucher. Il y a des livres que je lis à chaque opportunité, pendant les cours. Une journée où je n’ai rien à faire, je vais commencer un livre et essayer de le finir. Je n’ai pas vu le film La Ligne verte, mais j’ai lu le livre. Tout le monde m’a dit que c’était bon, mais j’ai préféré lire le livre parce que je peux me faire mes propres images. Je pense que tu as moins de chances d’être déçu lorsque tu lis le livre parce que tu imagines l’histoire à ta façon. MTLgr4b-ga4 : Quand je commence en lisant la dernière page du roman, ça m’amène à m’imaginer plein de scénarios. Quand j’arrive à la fin du livre, je me dis : «Ah!, c’est ça!» et je suis déçu ou content si c’est ce à quoi j’avais pensé. Je lisais la nuit et, quand j’entendais un bruit, je cachais mon livre. Ma mère entendait le bruit des couvertures et elle prenait mon livre. Mais j’allais le reprendre après.
La plupart des sujets que nous avons interrogés ont connu la lecture expériencielle de plaisir. Les rares récalcitrants ont néanmoins tenu à se faire entendre (voir, sur le sujet, l’analyse plus spécifique de Colette Baribeau dans cet ouvrage). On a pu remarquer l’importance de l’ambiance, de même que les fortes réticences face à un certain type de lecture scolaire. Le chapitre suivant, portant sur la question, devrait d’ailleurs nous aider à préciser les avenues que peut choisir l’école pour faire aimer la lecture.
Conclusion La lecture librement choisie est généralement un révélateur. Elle transforme nos vies, nous ouvre à nous-mêmes à travers des expériences vicariantes ou nous conduit à de nouvelles visions du savoir par la présentation de mondes possibles. C’est pourquoi tout éducateur, qu’il soit enseignant ou parent, souhaite que les jeunes s’adonnent le plus possible à la lecture, qu’ils l’aiment pour la richesse de l’expérience qu’elle procure, sur le plan tant de l’affect que de l’intellect. La lecture de fiction, plus particulièrement, fait se rencontrer le monde objectif du réel et le monde subjectif de la psyché. Rappelons que, pour Barthes (1973), 94
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 95
Chapitre 4 – Les adolescents face à la lecture de plaisir
l’art est un simulacre orienté non vers une copie parfaite de ce qu’est la vie, mais vers le sens. Il faut considérer ici l’émotion comme une lente reconnaissance de la valeur d’une expérience transmise textuellement, comme une impulsion irrésistible qui nous informe sur nous-mêmes. Sous une forme symbolique, l’émotion a valeur cognitive, puisqu’elle est articulée : c’est la projection de soi, la structuration du ressentir. Explorer ses propres émotions rend conscient de la valeur de l’expérience humaine par le recours à la mémoire des formes culturelles et des propriétés formelles. Il faut considérer les réactions spontanées des élèves comme des manifestations de leur désir de modeler, à leur tour, leur expérience par une déconstruction et une reconstruction imaginaire. En ce sens, la lecture de plaisir est irremplaçable.
95
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 96
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 97
CHAPITRE 5
La lecture scolaire Monique Lebrun
Introduction On peut se demander si l’école est un lieu stimulant pour développer le goût de lire. En fait, l’école planifie différents apprentissages autour de la lecture. Au secondaire, les premiers apprentissages sont censés être assurés : on peut aller plus loin que le déchiffrage et tenir compte de la maturité psychologique de l’élève pour choisir des textes plus complexes, présenter des personnages plus fouillés, des genres littéraires dont on analysera les composantes en parlant de la qualité de l’écriture. Parallèlement, les textes informatifs étudiés deviennent plus complexes. Le journal fait une timide entrée, de même qu’Internet. Nous aborderons la question de l’attitude des élèves face aux lectures légitimées par l’institution scolaire, le développement des stratégies de lecture assuré par l’école et la motivation à lire. À la suite d’une description des résultats d’enquêtes antérieures sur la lecture scolaire, nous présenterons les résultats de notre enquête LIS : après une ventilation des réponses des élèves au questionnaire écrit, nous ferons état de leurs propos lors des entrevues et, enfin, nous donnerons la parole à leurs enseignants.
Les élèves face aux lectures légitimées Le rapport des élèves aux livres, à l’école, est un rapport à la culture légitime, socialement valorisée et valorisante. Ainsi, les élèves racontent qu’ils ont lu tant de livres, ou encore certains auteurs qu’ils savent connus. Ou alors, certains élèves dissimulent la faiblesse de leur pratique de la lecture. On prétexte alors le manque de temps, on s’arrête souvent, on avoue son incompétence, on dit qu’on lit des revues. Certains élèves apprécient à ce point la télévision qu’ils parlent de téléséries avec autant de ferveur que d’autres parlent de leurs lectures. Nous verrons ici que la notion de valeur littéraire des auteurs est peu parlante pour les jeunes et que l’enseignement explicite de la lecture influence le nombre de livres lus.
97
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 98
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
L’absence de hiérarchisation culturelle des livres et des auteurs Puisque la lecture est souvent pratique et expériencielle, les jeunes oublient les auteurs, ou ne les classent pas selon leur valeur littéraire. Ou alors, ils trouvent génial un auteur secondaire (souvent de best-seller). Le rapport à la littérature de jeunesse est particulier. On se souvient presque avec tendresse de ses premières lectures avec «La courte échelle». La notion de classique littéraire est quasi absente entre 12 et 16 ans. Les exercices, résumés et exposés divers sur la narratologie marquent les élèves. Ils leur permettent de repérer des détails et sont, jusqu’à un certain point, utiles pour les lectures de plaisir. Par ailleurs, même si on contextualise l’œuvre à l’école, l’élève ne le fait pas dans sa lecture de plaisir. En fait, ce n’est qu’au collégial (cégep, 17 à 19 ans) que les adolescents accéderont véritablement à la littérature, à la lecture savante de contemplation esthétique, remplie de références littéraires, et qu’ils comprendront véritablement la notion de patrimoine culturel. En attendant, la leçon de lecture expliquée forme leur jugement, affine leur esprit d’analyse, nourrit leurs habiletés langagières. L’adolescence est l’âge des lectures d’identification. Par ailleurs, par le jeu des sociabilités, les élèves ont moins besoin de la lecture de type ordinaire pour avoir des leçons de vie.
La relation entre l’enseignement explicite et le nombre de livres lus Parce qu’une culture diversifiée se base sur différentes lectures, il est important de comprendre comment les élèves acquièrent la capacité de lire fréquemment une variété de livres. La lecture et l’écriture dans un contexte social donné peuvent favoriser une variété d’apprentissages qui se développent à travers le texte et par rapport au texte. La participation à des activités de littératie socialement situées peut améliorer le savoir du lecteur sur les processus de lecture, les conventions de l’écrit et augmenter ses possibilités interprétatives littéraires. Plusieurs études ont démontré que des modèles sociaux présentés en classe façonnent la quantité et la qualité des lectures des élèves; il en est ainsi lorsque l’enseignant encourage les élèves à débattre des idées et des thèmes. Les élèves s’engagent relativement souvent dans des activités pour lesquelles ils se sentent compétents au niveau cognitif. Guthrie, Schafer, Wang et Afflerbach (1995) ont examiné les liens entre l’enseignement de la lecture d’une part, et la somme et la variété des lectures des élèves d’autre part, en tenant compte de facteurs sociaux, cognitifs et familiaux. Ils croient que les perspectives épistémologiques sociologiques et individuelles sont potentiellement complémentaires. Ils ont utilisé l’ouvrage américain du National Assessment of Educational Progress de 1986 sur la lecture, parce qu’il contenait 98
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 99
Chapitre 5 – La lecture scolaire
74 questions sur l’enseignement reçu, les activités de lecture, les facteurs sociaux et les variables cognitives qui leur ont semblé utiles. L’étude visait des élèves de 9, 13 et 17 ans. Après avoir analysé les réponses de ces élèves, ils les ont mises en relation avec les lectures. Les résultats obtenus pour les 9 ans démontrent que les interactions sociales sont positivement associées à l’activité de lecture, entre autres à la quantité de livres lus et aux stratégies développées. Les élèves qui parlent de la lecture et de l’écriture à leurs parents et à leurs amis sont des lecteurs plus actifs que les élèves qui n’en parlent pas. Ceux qui possèdent une variété d’approches en compréhension lisent beaucoup. Les résultats obtenus pour les 13 et 17 ans sont sensiblement les mêmes que pour les 9 ans. Pour les 13 ans, les stratégies d’apprentissage, les interactions sociales et l’enseignement dirigé contribuent à la quantité de lectures en bibliothèque. Pour les 17 ans, ceux qui lisent moins de livres de fiction sont ceux qui reçoivent un enseignement plus directif et moins centré sur l’élève. Ces observations servent de complément à la perspective sociolinguistique sur la lecture qui appuie ces modèles d’interaction sociale, incluant les matériels, les buts, les cadres, les conversations et les opinions qui entourent la lecture. Le fait d’être conscient de ses propres stratégies cognitives favoriserait l’usage de ces stratégies pour l’apprentissage et le plaisir à travers la lecture. On éclaire ainsi un peu mieux les relations entre lecture et apprentissage. C’est ce que nous verrons maintenant, au moyen des stratégies.
La lecture et le développement de stratégies à l’école : une optique cognitiviste Les stratégies de lecture développées par l’institution scolaire varient en niveau d’expertise selon le niveau scolaire, la complexité et la diversité des tâches (Paris et al., 1983). Ainsi, le sujet malhabile a besoin d’établir des stratégies concernant le vocabulaire, entre autres, alors qu’un lecteur plus avancé appréciera qu’on le guide dans ses interprétations. Les recherches cognitivistes (voir Pearson et al., 1992) ont prouvé que la compréhension en lecture pouvait être enseignée autant en mettant en place des conditions d’apprentissage en classe que par l’enseignement de stratégies afin de faire face au texte directement et explicitement. La compréhension est perçue comme un processus complexe impliquant des interactions entre les lecteurs et les textes dans des contextes et pour des buts variés. Chez les cognitivistes, la lecture est vue comme un processus actif de construction de sens par lequel un lecteur relie ses connaissances antérieures aux nouvelles informations rencontrées dans le texte. Les lecteurs construisent le sens d’un texte en s’engageant dans une série d’interactions récursives. Dans chacune de ces 99
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 100
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
interactions, les lecteurs génèrent un modèle qui procure le meilleur ajustement possible avec les données perçues dans le texte. Ils construisent leur propre signification. Chaque personne conçoit un modèle unique. Pour parvenir à de véritables lecteurs, on doit s’assurer qu’ils possèdent les caractéristiques des lecteurs actifs et réfléchis. Ceux-ci: 1. cherchent à faire des liens entre ce qu’ils savent déjà et ce qu’ils apprennent (nouvelle information) dans les textes qu’ils lisent; 2. contrôlent l’efficacité de leurs modèles de signification du texte; 3. fonctionnent par étape pour réparer leurs erreurs de compréhension lorsqu’ils se rendent compte qu’ils n’ont pas compris quelque chose; 4. apprennent très tôt à distinguer les idées importantes des idées moins importantes dans les textes qu’ils lisent; 5. sont des experts de la synthèse d’information à l’intérieur et à travers les textes et leurs expériences de lecture; 6. établissent des inférences pendant et après la lecture pour réaliser une compréhension complète intégrée sur ce qu’ils ont lu; 7. se questionnent, parfois consciemment, et la plupart du temps inconsciemment, sur eux-mêmes, sur les auteurs qu’ils lisent et sur les textes qu’ils lisent. Voyons plus en détail chacun de ces points. 1) L’information est reçue et retenue plus facilement quand elle est associée à des connaissances antérieures ou à un schéma existant (c’est-à-dire un réseau conceptuel plus ou moins large sur un sujet donné). Elle sert à organiser les structures pour incorporer la nouvelle information. Les bons lecteurs font référence à leurs connaissances antérieures pour s’aider avec le texte, alors que les mauvais lecteurs le font rarement. On peut enseigner aux mauvais lecteurs à utiliser leurs connaissances générales du monde pour repérer des informations et pour générer des élaborations qui les aident à mieux retenir l’information. 2) Les bons lecteurs sont conscients d’une bonne ou d’une mauvaise lecture lorsqu’ils lisent, alors que les mauvais lecteurs semblent moins conscients des problèmes qui existent et sont moins aptes à compenser les informations qui ne sont pas claires. Quatre raisons sont à prendre en considération pour l’établissement de stratégies de contrôle de la compréhension en lecture: a) le contrôle de la compréhension permet de distinguer le lecteur expert du lecteur novice; b) il est conciliable avec l’enseignement ; c) il répond à notre intuition concernant les capacités des bons lecteurs ; et d) il se mêle bien à une autre caractéristique du lecteur stratégique, soit de régulariser ou de réparer la compréhension quand un problème a été détecté.
100
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 101
Chapitre 5 – La lecture scolaire
3) Les bons lecteurs tendent à être plus flexibles dans leur planification de la période d’étude. Les lecteurs experts retournent plus souvent dans le texte pour résoudre un problème que ne le font les lecteurs novices. Les lecteurs experts sont plus flexibles et adaptables dans leur utilisation de stratégies et ils changent plus souvent de stratégies pour faire face à diverses circonstances que ne le font les novices. 4) Les bons lecteurs utilisent trois stratégies pour déterminer l’information importante d’un texte : a) ils se servent de leurs connaissances générales du monde et de leurs connaissances propres à un domaine particulier pour avoir accès partiellement au sens du texte ; b) ils emploient leurs connaissances relatives à la structure du texte pour les aider à distinguer et à organiser l’information; et c) les lecteurs adultes habiles utilisent leurs connaissances des partis pris des auteurs (author bias), de leurs intentions et de leurs buts afin de mieux déterminer l’importance de l’information. 5) Kintsch et van Dijk (1978) ont relevé les cinq étapes importantes dans la production d’un résumé souvent utilisées par les lecteurs experts: a) éliminer l’information superflue ; b) éliminer l’information redondante ; c) créer une étiquette (superordinate label) pour une liste de choses ou d’actions; d) localiser les phrases parlant du sujet traité dans un paragraphe et s’en servir dans le résumé lorsque approprié; e) inventer des phrases parlant du sujet traité dans un paragraphe lorsqu’on est incapable de les localiser. 6) L’inférence est l’élément central du processus de compréhension. Le schéma sert à organiser la structure à partir de laquelle on ajuste des pièces d’informations. Les lecteurs et les auditeurs utilisent ces structures pour ajouter les omissions de détails et pour élaborer davantage leur compréhension. Les jeunes peuvent faire des inférences, bien qu’ils ne le fassent pas toujours automatiquement et ils peuvent améliorer leurs habiletés à inférer. 7) Le processus par lequel on génère des questions (surtout les questions de haut niveau) mène à des niveaux de traitement de texte plus approfondis, ce qui permet d’améliorer la compréhension et les apprentissages. Apparemment, la compréhension active d’histoires permet d’améliorer la compréhension du texte. Au Québec, les programmes, surtout depuis 1995, comprennent une panoplie de stratégies de lecture que l’enseignant doit veiller à faire maîtriser. Ce dernier doit donc les connaître et savoir comment les utiliser, à la fois de façon systémique et de façon ponctuelle, au fil des diverses activités de la classe de français, en tenant compte des réactions des élèves, surtout lorsqu’il est question de lecture interactive dans les nouvelles formules pédagogiques que sont le journal dialogué et le cercle littéraire (groupe de discussion).
101
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 102
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
La motivation et la lecture Stratégies et motivation vont de pair. Un élève motivé développera des stratégies de lecture plus sophistiquées. Nous passerons ici en revue des études cognitivistes importantes sur les types de motivation en lecture et sur les facteurs de résistance à la lecture scolaire.
Les divers types de motivation Selon Guthrie et al. (1996; 1997), la motivation et les stratégies sont liées. Les bons élèves emploient des stratégies plus complexes : ils tentent de relier l’information nouvelle à ce qu’ils savent, discriminent l’information importante de celle qui l’est moins, planifient leurs efforts. Les stratégies de haut niveau requièrent la motivation intrinsèque, où le sujet est littéralement immergé dans la tâche à accomplir, pour son propre plaisir. Par contraste, la motivation extrinsèque se base sur la compétition, la crainte de l’évaluation négative et le désir d’approbation sociale. Le déclin de la motivation intrinsèque s’accompagne généralement d’un accroissement de la motivation extrinsèque; c’est généralement parce que l’enfant ou l’ado a connu des échecs qu’il perd de sa motivation intrinsèque. Sa compétence a été mise en doute et il réaligne ses positions. On peut parler de causes contextuelles au déclin de la motivation en lecture au secondaire. Avec l’âge, la compétition devient plus forte entre les élèves. De plus, le tissu social de l’école secondaire est plus varié, ce qui entraîne une perte momentanée des repères du jeune lecteur. Il est difficile de motiver un lecteur rebuté, résistant à la lecture et dont les habiletés sont limitées. La faiblesse de la motivation à lire se remarque dans le temps consacré à la lecture. De mauvaises expériences de lecture dans l’enfance ou encore l’absence de lectures stimulantes à un âge tendre peuvent marquer durablement. Par ailleurs, vers le milieu de l’adolescence, la vie sociale entraîne parfois les jeunes à délaisser la lecture, tant la lecture de loisir que la lecture imposée par l’école, à laquelle ils ne se livreront qu’avec réticence. L’école doit composer avec ce fait, tenir compte des intérêts de lecture, promouvoir des méthodes actives, dont la discussion autour des lectures. Il importe de développer sans cesse des habiletés en lecture, car, plus elles seront grandes, plus l’élève trouvera du plaisir à lire. L’élève motivé a des buts, dont l’engagement envers le sujet traité dans le livre, le désir d’apprendre, la confiance en ses habiletés et le désir de faire part aux autres de sa compréhension. Il emploie des stratégies cognitives complexes pour atteindre ses buts. Certains enseignants permettent aux élèves, dans un premier temps, d’apporter en classe leur propre matériel de lecture (ex.: revues, BD, etc.). D’autres cherchent activement les meilleurs livres pour les jeunes auprès des libraires et des bibliothécaires. En ce sens, il ne faut négliger aucun genre littéraire, que ce soit le fantastique ou la science-fiction. Pour accroître l’autonomie en lecture, rien de mieux que de 102
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 103
Chapitre 5 – La lecture scolaire
valoriser la réponse de l’élève, qui pourra ainsi se dire qu’il n’y a pas qu’une bonne réponse ou qu’une bonne réaction à un texte (Rosenblatt, 1983). Il faut également tenir compte des rythmes de lecture, plusieurs jeunes ne pouvant « tenir » plus de 15 minutes, sauf s’ils font une lecture à l’écran. Il est également important de développer les habiletés langagières, afin que le texte ne rebute pas le lecteur dont le vocabulaire ou la syntaxe serait trop pauvres. Les habiletés linguistiques peuvent se modéliser. Il ne faut pas craindre de recourir aux liens possibles entre lecture, écriture et oral, ce qui incite les jeunes lecteurs à tirer profit du contenu de leurs lectures, à les réinvestir différemment (journal de réponses personnelles, cercle littéraire). Plus modestement, la lecture à haute voix constituera une stimulation à ne pas négliger, surtout quand elle est faite par un enseignant lui-même motivé. L’enseignant a tout à gagner à se mettre lui-même en scène comme lecteur, à démontrer de l’enthousiasme lors de certaines lectures. Il doit amener l’élève à distinguer les lectures informatives des lectures expériencielles. Certains lecteurs aimeront toujours davantage les premières que les secondes: il convient donc de le comprendre et d’en tenir compte dans les choix. Le jeune lecteur a besoin de sentir qu’il progresse. En ce sens, le portfolio lui est d’une aide précieuse pour garder la trace de ses efforts et de ses réussites. Il convient d’évaluer souplement les apprentissages en lecture si l’on ne veut pas que le jeune lecteur se décourage. Cependant, pour assurer ses apprentissages, il faut lui présenter des défis stimulants et s’y tenir, en utilisant les moyens nécessaires pour obtenir de bons résultats. Pourquoi ne pas ajouter à toutes les activités déjà énumérées des activités d’arts plastiques (ex. : les affiches, les jeux), d’exposition, d’observation scientifique, de jeux de rôles, voire de sport, si cela s’y prête ? Le travail par équipes de spécialistes permet à chacun de trouver sa voie. Sur le plan stratégique, les élèves réinvestissent leur savoir antérieur, se fixent des buts, trouvent l’information, prennent des notes, recourent à leur mémoire, planifient, communiquent entre eux. Leur participation devient à plus long terme, puisqu’ils personnalisent leurs tâches.
La résistance à la lecture Selon Bintz (1993), l’élève du secondaire se construit peu à peu une résistance à la lecture : il peut trouver de bons prétextes à cette résistance : le temps consacré au travail scolaire et aux emplois à temps partiel, mais aussi la vie sociale et les sports. On ne peut cependant arguer que l’école secondaire soit très répressive concernant les lectures imposées: si l’élève ne les fait pas, ou s’il ne les fait que partiellement, il est rare qu’il échoue ses cours de langue maternelle. S’y ajoute ce que Goodlad (1984, dans Bintz, 1993) appelle le déclin du concept de soi de l’élémentaire au secondaire: les élèves sont satisfaits d’eux-mêmes et de leur rendement scolaire à 73 % au primaire, à 66% au début du secondaire et à 57% à la fin.
103
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 104
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Cette chute de l’intérêt en lecture se remarque dans le temps qui y est consacré, les lecteurs du secondaire se mettant volontairement à la diète. La grande enquête faite par Bintz auprès d’ados se basait sur la théorie constructiviste. Il a choisi 44 élèves dans quatre écoles secondaires (soit 11 par école), leur a fait passer des tests de lecture et les a suivis de la 6e à la 10e année. Dans chaque groupe, quatre élèves ont progressé en lecture, quatre ont régressé et trois sont restés stables. Il a enregistré ponctuellement des entrevues avec ces élèves, leurs parents et leurs enseignants. Il a pu ainsi disposer de biographies de lecteurs que les ados eux-mêmes ont commentées. Trois portraits de lecteurs ont émergé de cet ensemble de données de Bintz (1993) : l’avide, le passif et le résistant. Il souligne le rôle positif des modèles de lecture (ex. : les parents). Ces modèles permettent de créer des communautés de lecteurs qui s’entraident et échangent entre eux. Les lecteurs avides sont ceux qui ont compris l’importance de la lecture pour l’apprentissage. La majorité des lecteurs adolescents sont toutefois ou des lecteurs passifs ou des lecteurs résistants. Ils ne cherchent pas toutes les occasions de lire, n’éprouvent pas toujours du plaisir à lire. Ils lisent davantage à l’école qu’à la maison, et encore le font-ils sous la pression de l’enseignant ou de leurs pairs. Ils ne se posent que peu de questions sur leur propre compréhension et ont de la difficulté à faire des liens, les « résistants » étant évidemment les pires. Les faibles lecteurs ont des stratégies de survie: lecture écrémée, pour repérer ce qui est important dans le texte, donc ce qui est susceptible d’être demandé, lecture des sous-titres, mémorisation des noms et des dates, écoute active lorsqu’un tiers parle du livre, etc. Cependant, on a parfois des surprises, le lecteur scolaire résistant pouvant être un lecteur avide de textes de son choix (sur Internet ou dans les revues, par exemple). La disparité entre ces lectures intra et extra-scolaires ne manque pas d’agacer les élèves, et même les enseignants, qui ne connaissent pas, à vrai dire, ce que lisent les élèves hors de l’école. Alors que, pour les enseignants, les faibles résultats en lecture viennent d’un manque d’intérêt pour cette activité (du moins telle qu’eux-mêmes la présentent), pour les élèves, le problème vient de la sélection de textes faite par l’école (le one size fits all doit être combattu) et du fait qu’ils n’ont pas voix au chapitre. Ils voudraient à tout le moins que l’enseignant justifie ses choix. (Pour poursuivre cette réflexion, voir le chapitre 4 intitulé « La lecture de plaisir», dans cet ouvrage.) L’énoncé selon lequel les élèves du secondaire ne s’intéressent pas à la lecture est donc réductionniste. Le problème dépasse la classe de langue et touche la pédagogie, voire le curriculum en entier. Selon l’enquête nationale américaine de 1994 (National Center of Educational Statistics, 1994), seuls 5% des élèves de 4e, de 8e et de 12e année atteignent le niveau avancé en lecture et, pour les mêmes niveaux, de 24% à 33% (en 12e année) atteignent le niveau d’efficacité (proficient) que visent les programmes. Le reste, les élèves inefficaces, ne reçoivent pas d’aide spécialisée 104
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 105
Chapitre 5 – La lecture scolaire
en lecture. C’est qu’il existe une croyance tenace voulant que les habiletés en lecture s’acquièrent au primaire et que le secondaire doit tabler sur le fait qu’elles ont été maîtrisées à la fin de la 6e année. Les enseignants du secondaire se perçoivent plus comme des spécialistes de contenu que comme des spécialistes de méthodes et la lecture demeure une activité rattachée à la classe de français. Tous les enseignants sont concernés par les habiletés en lecture de leurs élèves. Ainsi, l’enseignant de mathématiques doit miser sur le fait que les élèves connaissent les énoncés des problèmes, les enseignants de sciences, que leurs élèves peuvent lire des protocoles d’expérimentation en laboratoire, etc. Il ne s’agit pas que de comprendre des textes de fiction. Le point tournant dans la chute de motivation à la lecture ou la réticence à lire semble être à 12-13 ans. On peut le voir dans quelques recherches, dont celle de Duggins (1989) qui a suivi une même cohorte durant deux ans. Le but du chercheur était d’examiner la motivation comme précurseur de la réussite en lecture chez des élèves du primaire ayant de faibles habiletés en lecture. Les facteurs affectifs de motivation sont les valeurs, les attitudes, les croyances et les intérêts (Feather, 1987, dans Duggins, 1989). Plusieurs auteurs mêlent les termes attitudes et intérêts ou les utilisent de manière à ce qu’on les croie presque interchangeables. Les intérêts semblent plus volatils et plus sujets aux changements dans le temps que les attitudes. Des auteurs ont déterminé un âge précis (12, 13 ou 14 ans) où l’enfant développe des intérêts en lecture (Fryer, 1931; Terman et Lima, 1931; Anderson, 1948; Bloom, 1964, dans Duggins, 1989). Pour Duggins (1989), les attitudes et les intérêts des enfants de 6e année sont volatils et vulnérables. La 6e année pourrait être l’année pivot, le dernier moment d’influence maximale face à la lecture et à la réussite scolaire. C’est à cette période également que l’élève devient influençable par des forces extra-familiales. Les interventions scolaires basées sur des études et des analyses sérieuses peuvent s’avérer très efficaces. Il se peut même que ce soit la dernière chance de provoquer des changements significatifs dans la vie des jeunes. Pour l’auteur, il est logique de commencer avec les élèves de 6e année (12 ans) alors qu’ils sont susceptibles de changer et il faut le faire avant que les attitudes et les intérêts soient fixés, ce qui est généralement fait à 18 ans. Duggins (1989) a utilisé comme instrument de collecte des données l’enquête California Media and Education Librarians’ Literature/Reading Survey de 1984. Cette enquête étudiait les intérêts en lecture, l’utilisation du temps libre et les connaissances de la littérature (p. 9). L’étude de Duggins se veut subjective, car elle est basée sur les commentaires des élèves. Au total, 753 élèves de 6e année ont été interrogés sur leurs habiletés dans six milieux. Les données ont été regroupées en dix groupes ethniques. 105
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 106
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les habiletés en lecture ont été examinées dans six environnements et auprès de 10 groupes ethniques, dont les Noirs, les Hispanophones, les Chinois, les Coréens etc. Les résultats démontrent que les filles sont deux fois plus intéressées à la lecture que les garçons. À 12 ans, les groupes ethniques se ressemblent quant à leur comportement. Un an plus tard, 10% des sujets ont perdu intérêt à la lecture, mais de 20% à 30% ont accru leur intérêt. Huggins a également examiné les changements dans les groupes d’amis et a noté des influences possibles sur l’attitude face à la lecture. La nouvelle lecture scolaire devrait être pratiquée en suivant les principes du constructivisme, ce qui répondrait, à notre avis, aux critiques que certains adolescents ont envers elle. Il faut oublier la pédagogie de la bonne réponse, mettre les élèves en situation de projet, favoriser les échanges dialectiques, prendre tous les moyens (échanges de lettres, théâtre, etc.) pour qu’il y ait construction de sens. Un livre a besoin de lecteurs engagés pour vivre : l’enseignant doit le comprendre et relier la lecture à la vie en structurant un environnement agréable et stimulant. Il faut concevoir le livre comme une vitrine et un miroir: on apprend sur soi, sur les autres et sur l’univers. Des habiletés différenciées (dont le célèbre K.W.L. d’Oggle, 1986, mais d’autres encore plus raffinées) se développent grâce à des enseignants et à des livres stimulants. Le chapitre 10 intitulé « Profils d’adolescents lecteurs », dans le présent ouvrage complète ce que nous venons de dire sur la motivation et l’éventuelle résistance à la lecture.
Les enquêtes antérieures Nous évoquerons ici les résultats des deux enquêtes ministérielles les plus connues quant à l’opinion des élèves sur la lecture scolaire, soit celles de 1994 et de 1980, de même que ceux de l’enquête IEA-Québec (Parent, Lebrun et al., 1994). L’enquête ministérielle de 1994 distingue les lectures scolaires des lectures de loisir en termes de livres lus (question 20). On demande à l’élève de préciser le genre d’écrit qu’on l’oblige à lire à l’école (question 22) et la procédure pour le choix des livres (question 24). L’élève est amené à indiquer les livres lus dans chacun de ses cours, mais c’est uniquement dans le questionnaire destiné à son enseignant qu’on demande à celui-ci d’énumérer certaines activités qu’il fait autour du livre: on n’a donc pas, malheureusement, l’opinion des élèves sur le sujet. On dispose cependant d’un parallèle entre les résultats des élèves de 5e secondaire à l’épreuve uniforme de français selon le temps consacré aux travaux scolaires, selon l’intérêt pour la lecture et selon la scolarité des parents. Voici les résultats de l’enquête sur ces questions. On remarque que, lorsque la scolarité des parents est élevée, c’est surtout le fait d’aimer lire beaucoup qui a une influence positive sur la réussite scolaire, alors que, dans le cas d’une scolarisation parentale peu élevée, c’est surtout le fait de consacrer beaucoup de temps aux travaux 106
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 107
Chapitre 5 – La lecture scolaire
scolaires qui contribue positivement à la réussite. Il est dommage que le rapport de recherche (MEQ, 1994a) ne donne pas les réponses aux questions 20, 22 et 24. Par contre, on apprend, dans la partie compilant les réponses au questionnaire des enseignants, que près du tiers laissent les élèves choisir leurs lectures, que 18 % les obligent à choisir parmi plusieurs ouvrages et que 22% imposent certains titres. Dans l’enquête ministérielle de 1980 (Hould, 1980), quelques questions traitent spécifiquement de la lecture scolaire. Ainsi, on demande le nombre de minutes par semaine que l’enseignant laisse à l’élève pour lire individuellement (question 7) et le nombre de minutes qu’il devrait donner (question 8), l’appréciation de certaines activités autour du livre (question 9). Le rapport distingue la lecture scolaire de la lecture de loisir. Les élèves sondés se disent d’accord à 72,4 % pour intégrer trois livres et plus par année au programme de français. Même ceux qui ne sont pas intéressés à la lecture comme activité de loisir (soit 9,6 %) reconnaissent qu’elle constitue un moyen valable d’apprentissage. Au sujet des activités entourant la lecture des livres, 37% aiment beaucoup ou assez jouer des scènes tirées des livres lus, 45%, beaucoup ou assez recevoir des explications orales de l’enseignant, 36 %, beaucoup ou assez lire des critiques ou des analyses sur le livre lu, 34 %, beaucoup ou assez discuter en classe du livre lu. L’exposé oral et les fiches de lecture sont moins populaires. Plus de 60% des élèves suggèrent de présenter les nouveautés à l’ensemble de la classe, d’augmenter le nombre de livres à la bibliothèque et presque autant, d’organiser des rencontres d’écrivains, d’avoir des discussions fréquentes sur les livres et des techniques de lecture rapide. Selon l’enquête IEA-Québec (1991, voir Parent, Lebrun et al., 1994) faite auprès de 365 adolescents de 2e secondaire, 49,9% disent ne jamais avoir de lectures obligatoires à faire à la maison, 30,1 %, en avoir un ou deux jours par semaine, 7,1 %, en avoir 3 ou 4 jours par semaine, 3,3 %, en avoir cinq jours ou plus par semaine et 9,6 % ne répondent pas. Par contre, les répondants consacreraient en moyenne 1,4 heure par semaine à la lecture silencieuse dans leurs classes de français.
Les résultats de l’enquête LIS Notre propre enquête aborde la lecture scolaire au moyen de certaines questions touchant la fréquence de certaines pratiques de lecture, la procédure pour les choix de romans à lire en classe et, enfin, l’appréciation de certaines activités autour du livre.
107
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 108
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 1 Fréquence scolaire de certaines lectures (plusieurs réponses possibles) Quelques fois par semaine Journaux 64 (3,6%) Revues 101 (5,8%) Manuels scolaires 1178 (67,8%) Livres 728 (41,9%) Textes 1158 (66,6%) Informations sur Internet 145 (8,3%) Autres 16 (0,9%)
Quelques fois par mois 91 (5,2%) 199 (11,4%) 261 (15%) 575 (33,1%) 353 (20,3%) 318 (18,3%) 13 (0,7%)
Rarement 490 556 115 288 91 630 18
Jamais
(28,2%) 1016 (58,4%) (32%) 801 (46,1%) (6,6%) 114 (6,5%) (16,5%) 84 (4,8%) (5,2%) 69 (3,9%) (36,2%) 573 (32,9%) (1%) 459 (26,4%)
* Taux de non-réponse allant de 3,5 % à 4,6 %, sauf pour « autres » (70,8 %), une catégorie sans doute trop imprécise.
Les répondants pour cette question sont au nombre de 1661, dont 670 pour Trois-Rivières et 991 pour Montréal. On remarque sans surprise que le manuel scolaire est l’ouvrage auquel recourt massivement l’enseignant de français. Il utilise tout autant les photocopies, vieille habitude bien enracinée, particulièrement pour les exercices que l’on recycle, mais qui cache parfois une démarche innovante de l’enseignant. La bonne surprise vient de l’utilisation de «vrais» livres, qui n’est pas si marginale qu’on l’aurait craint. La politique ministérielle de lecture de quatre livres par année, conjuguée à l’habitude prise dans plusieurs écoles de faire lire les élèves en classe (souvent un dix minutes en début de cours), explique peut-être ce pourcentage non négligeable. Les revues et les journaux sont en quantité négligeable. Quant aux lectures sur Internet, pour limitées qu’elles soient actuellement dans le contexte scolaire, si l’on en croit nos propres chiffres, on peut présumer qu’elles ne pourront que croître avec le développement des technologies de l’information et des communications (TIC) à l’école. Dans le tableau 2, nous avons regroupé les choix « quelques fois par semaine » et «quelques fois par mois» et donnons le pourcentage des fréquences des pratiques de ces lectures par rapport au total des répondants de chaque sous-groupe. On remarque un usage un peu plus important de revues, journaux et vrais livres en Mauricie qu’à Montréal. L’importance du manuel et des textes polycopiés est quasi constante, quel que soit le niveau scolaire. Un chiffre étonne, soit la quasisurutilisation du manuel en quatrième secondaire : nous ne pouvons l’expliquer autrement que par le surgissement, ces dernières années, d’excellentes collections de manuels à ce niveau.
108
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 109
Chapitre 5 – La lecture scolaire
TABLEAU 2 Fréquence scolaire de certaines lectures selon le niveau et le milieu Journaux Revues Manuels Livres Textes Info. sur Internet
1re 10,3 % 21,1 % 84 % 77,6 % 87,9 % 31,5 %
2e 8,9 % 16,6 % 85 % 74,8 % 91,6 % 24,8 %
3e 10 % 17,2 % 90,7 % 87,3 % 94,9 % 30,2 %
4e Mauricie Montréal 5,9 % 11,9 % 7,5 % 13,2 % 20,4 % 16,4 % 96,3 % 83,1 % 89 % 82,1 % 89,2 % 71,1 % 96,3 % 89,7 % 91,8 % 22,3 % 26,4 % 28,8 %
Même si les directives ministérielles sont formelles pour que tous doivent lire quatre livres par an, 80,1% des adolescents de notre enquête ont eu obligatoirement des livres à lire pour le cours de français. Les proportions varient peu, selon qu’on est dans la région de Montréal (soit 81,2 %) ou de Trois-Rivières (soit 78,4 %). Précisons tout de suite que l’enseignant peut choisir d’évaluer ces lectures par des cercles de lecture (une formule souple), ou encore de baser son enseignement, en tout ou en partie, sur ces livres, une situation qui est beaucoup plus marginale. La procédure pour le choix de ces ouvrages est fort différente, ainsi que le révèle le tableau 3: ou bien l’enseignant choisit pour tous les élèves de la classe, ou bien les élèves choisissent dans une liste imposée par l’enseignant, ou bien les élèves sont entièrement libres. On remarque que les trois situations se retrouvent de façon équivalente. Lorsque le choix est libre, on peut présumer que l’enseignant ne demande que des fiches de lecture et que l’évaluation est légère. Dans le cas du livre unique pour tous, on peut supposer que l’ouvrage sert à différentes sauces dans la classe de français. La procédure de choix varie selon les régions : on note une nette différence entre la région de la Mauricie où seulement 7,18% des répondants disent qu’il arrive « souvent » que l’enseignant choisisse lui-même les livres alors que 45,15 % des répondants de Montréal disent que cela se passe souvent. On retrouve des résultats aussi contrastés à la fréquence «jamais»: 60% des jeunes de la Mauricie estiment que l’enseignant ne choisit jamais les mêmes livres pour tous en comparaison de 20% des jeunes de la région de Montréal. Considérons également les distinctions quant au niveau d’études. Cette pratique du choix unilatéral de l’enseignant est plus répandue en quatrième année du secondaire où 204 répondants sur un total de 220 ont affirmé que l’enseignant choisit les mêmes livres pour tous. On peut y voir l’effet des pratiques pédagogiques de lectures dirigées. On constate que la pratique du choix de livres par l’élève dans une liste proposée par l’enseignant est plus fréquente en Mauricie qu’en région montréalaise. Si l’on 109
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 110
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
regarde maintenant le niveau d’études, on constate que cette pratique est très peu fréquente en 4e secondaire: 132 répondants sur 216 ont répondu que cette situation ne se présente jamais. Il semble que cette façon de faire existe, à l’occasion, au cours de l’année, pour ce qui est des autres niveaux d’études. TABLEAU 3 Procédure pour le choix des romans en français Souvent L’enseignant choisit les mêmes pour tous Les élèves choisissent dans une liste Le choix est libre
Parfois
Jamais
520 (29,9 %)
520 (29,9 %) 627 (36,1 %)
510 (29,3 %) 602 (34,6 %)
578 (33,2 %) 578 (33,2 %) 545 (31,3 %) 516 (29,7 %)
Questionnés sur leur appréciation des activités de prolongement à la lecture qui font l’objet d’efforts soutenus de la part de plusieurs enseignants, les adolescents accordent leurs suffrages, dans l’ordre, à la lecture de sites Internet, aux visites d’auteurs (souvent soutenues financièrement par l’Union nationale des écrivains du Québec) et aux expositions de livres. Si la recherche documentaire sur des auteurs et des thèmes est toujours de mise, elle passe dorénavant par le Web, et très peu par les encyclopédies traditionnelles. TABLEAU 4 Appréciation des activités de prolongement Beaucoup Visite de l’auteur 360 (20,7 %) Recherche sur l’auteur 130 (7,4 % Exposition des romans 312 (17,9 %) Recherche documentaire 192 (11 %) Sites Internet 819 (47,1 %)
Moyen 438 (25,2 %) 357 (20,5 %) 426 (24,5 %) 412 (23,7 %) 381 (21,9 %)
Peu 344 (19,8 %) 510 (29,3 %) 382 (21,9 %) 485 (27,9 %) 217 (12,4 %)
Pas du tout 537 (30,9 %) 685 (39,4 %) 555 (31,9 %) 587 (33,7 %) 248 (14,2 %)
Il nous a semblé important de ventiler par niveau d’études ces activités de prolongement. Dans les commentaires, nous rappelons le nombre de répondants par niveau.
110
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 111
Chapitre 5 – La lecture scolaire
TABLEAU 5 Appréciation des activités de prolongement Visite de l’auteur 1re secondaire 2e secondaire 3e secondaire 4e secondaire Recherche sur l’auteur 1re secondaire 2e secondaire 3e secondaire 4e secondaire Exposition des romans 1re secondaire 2e secondaire 3e secondaire 4e secondaire Recherche documentaire 1re secondaire 2e secondaire 3e secondaire 4e secondaire Sites Internet 1re secondaire 2e secondaire 3e secondaire 4e secondaire
Beaucoup
Moyen
Peu
Pas du tout
184 97 33 45
170 149 57 62
129 106 66 43
187 199 84 67
82 18 16 13
159 109 46 43
199 167 78 66
231 258 99 97
156 96 33 26
150 152 73 51
157 102 59 64
206 200 73 76
93 60 25 13
186 126 59 51
180 163 66 76
218 202 88 79
378 261 111 68
127 123 62 69
71 69 33 44
89 90 33 36
En 1re secondaire, il y a une possibilité de 696 répondants. On peut dire qu’un adolescent sur deux aime beaucoup faire des recherches sur Internet mais qu’une bonne partie d’entre eux n’apprécient pas beaucoup la recherche sur l’auteur ; le groupe est partagé quant à l’exposition des romans et à la visite de l’auteur. Le groupe de 573 répondants de 2e secondaire se comporte sensiblement de la même manière que celui de la 1re secondaire. Internet occupe toujours la première place et la recherche sur l’auteur et la recherche documentaire présentent peu d’intérêt. Le groupe est partagé en deux en ce qui concerne la visite de l’auteur et apprécie moyennement les expositions de romans. Un phénomène assez intéressant semble se produire chez les 241 répondants de 3e secondaire. Les goûts se nuancent-ils? Ou peut-être assiste-t-on à davantage de 111
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 112
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
personnalisation de la relation avec l’univers romanesque. Toujours est-il que chaque activité de prolongement suscite un certain intérêt chez les jeunes, mais on ne peut indiquer une activité qui plaît vraiment à tous, bien qu’Internet recueille la faveur de presque la moitié du groupe. On peut avancer qu’un enseignant proposant une recherche documentaire ou une recherche sur l’auteur ne fera pas un malheur avec cette suggestion. Bien que le nombre de répondants soit beaucoup plus limité en 4e secondaire (soit 226), on peut dire encore une fois que les jeunes n’aiment pas la recherche sur l’auteur et la recherche documentaire et sont moindrement intéressés par l’exposition de romans. Tout comme pour les autres cohortes, Internet arrive en bonne place, plus de la moitié des adolescents disant aimer beaucoup et moyennement cette activité. Pour la rencontre avec un auteur, la réaction est mitigée. Ce portrait serait incomplet si nous n’allions voir ce que disent spontanément les jeunes sur les lectures que leur propose l’enseignant.
Les résultats des entrevues Nous avons pensé regrouper les énoncés des élèves selon leur approbation ou leur désapprobation des pratiques scolaires de lecture. Pour chaque énoncé, on retrouve l’origine régionale (TR ou MTL), de même que le sexe (ga ou fi) des répondants et leur niveau scolaire («gr 1» signifiant un élève de première année, et ainsi de suite). Les satisfaits TRgr1-ga3 : J’ai aimé [le dossier Polar]. C’est ce qui m’a donné le goût de lire des romans policiers. C’est pour cela que je lis des Agatha Christie et des Arsène Lupin. TRgr1b-ga2 : Pour ma part, si le livre est bon, ça ne me dérange pas qu’il soit imposé. Quand on était jeunes, on devait lire des livres à l’école : c’est ce qui m’a donné le goût de lire. Moi, je n’aime pas tenir un journal de bord (de lecture), parce que c’est une obligation. Mais j’aime les groupes de discussion, car on ne fait que parler. TRgr1b- fi3: C’est intéressant de discuter de nos lectures. Ça nous aide à choisir nos livres. MTLgr1-ga1 : [Au sujet de Vendredi ou la vie sauvage] Ce qui est le fun avec un livre de même, c’est que cette histoire-là, elle pourrait nous arriver pour de vrai. MTLgr1-ga2 : [Lectures imposées] Nous, on a eu Vendredi ou la vie sauvage. Ils nous l’ont imposé, mais moi, je l’ai bien aimé. C’était intéressant. Il y avait comme un peu de mystère. Je ne sais pas : j’ai vu ça comme ça. MTLgr1-fi1 : [Au sujet de Vendredi] Il y a des personnes qui disaient qu’ils ne l’avaient pas aimé parce qu’à des places il y avait de l’action, puis à d’autres places, il n’y
112
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 113
Chapitre 5 – La lecture scolaire
avait pas d’action. Moi, j’ai trouvé ça super bon parce que c’est comme si on vivait seul sur une île : tu essaies de te débrouiller tout seul avec ce que tu as. TRgr2-ga1 : Au primaire [les professeurs] nous lisaient des extraits de livres. Au secondaire aussi. J’aime que le prof nous donne un texte sans indications précises et que nous soyons obligés de démontrer qui est le meurtrier. TRgr2ga-2: [J’aimerais] avoir le temps de choisir un livre et des périodes complètes à la bibliothèque pour lire. Les cercles de lecture m’ont donné le goût de lire. TRgr2-fi2 : Je crois que le fait que nous soyons obligés de lire à l’école un genre de livres peut nous faire découvrir autre chose. Par exemple, moi, je lis des romans d’aventures, mais j’ai été obligée de lire un roman de science-fiction il y a quelque temps, et j’ai aimé ça. Je lis maintenant des romans d’aventures et de science-fiction. Ce serait bien si chacun lisait un roman et en parlait ensuite aux autres pour leur donner le goût de lire. On pourrait lire un livre et en faire un sketch. On pourrait mettre en scène l’élément déclencheur pour donner aux autres le goût de lire. TRgr2-fi5: J’aime lorsque tout le monde lit le même livre et que l’on partage ensuite nos impressions. MTLgr3-fi2 : Je n’arrive pas à choisir un livre : je préfère qu’on m’oblige. Cette année, je suis contente parce que notre professeur nous donne des livres. Elle les lit avec nous et j’aime ça. Cela me donne envie de lire et me motive davantage. Il faudrait varier plus les activités, faire plus de lecture que d’écriture. MTLgr4-ga1 : Il faudrait essayer de faire comprendre aux gens que lire, c’est un plaisir et non une obligation. J’aime quand on nous fait lire à haute voix. MTLgr4-fi3 : J’aime faire des projets, analyser un livre, transmettre mon opinion aux autres. J’ai eu un projet comme cela, mais où le livre était au choix. J’aime faire des résumés et des critiques, des portraits de personnages. MTLgr4b-ga4 : Je suis d’accord pour lire tout le livre avant de commencer à l’étudier. Si je trouve le livre bon, je le relis avec enthousiasme. Pour améliorer le sort de la lecture à l’école, je ferais disparaître la télévision et le programme de français.
On remarque que ces jeunes, quel que soit leur niveau scolaire, leur sexe ou leur provenance régionale, acceptent que l’on choisisse les lectures à faire, à condition que le choix soit approprié à leurs goûts. Ils en profitent même pour découvrir de nouveaux genres littéraires, dont le polar, la science-fiction et le fantastique. Le livre unique trouve grâce à leurs yeux. Ils aiment bien que l’enseignant lise à voix haute pour eux. Ils apprécient également pouvoir discuter dans les cercles de lecture, même si l’un des jeunes sujets dit qu’il ne s’agit que de parler: la lecture lui est sans doute plus pénible que la parole, attitude que nous avons pu remarquer chez certains garçons des classes dites faibles du début du secondaire, lors de nos observations. 113
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 114
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les insatisfaits TRgr1-ga1: Je n’ai pas vraiment aimé [le dossier Polar]. C’était trop difficile à faire et ça s’est fait trop rapidement. On a dû faire une communication orale et on n’a presque pas eu le temps. Ce sont les échéances que je n’ai pas aimées. Comme je ne lis pas beaucoup, lorsqu’on me dit que je dois lire un certain nombre de pages en deux semaines, par exemple, je ne prends pas le temps de lire, d’imaginer. Je crois qu’un résumé est suffisant pour que le professeur puisse s’assurer que tu as vraiment lu le livre. TRgr1-ga4 : Je n’ai pas vraiment aimé le dossier Polar. J’ai préféré lire le livre. Je n’aime pas vraiment parler des romans policiers, j’aime mieux les lire. Je n’ai pas aimé parler du livre pendant un cours complet. TRgr1-fi1: Je trouve que le dossier [Polar] était très bien construit, mais, personnellement, je n’aime pas ce genre de romans, alors, je n’avais pas vraiment le goût de lire le livre. Mais on avait aussi une communication orale à faire et cela m’a aidée, car, lorsque j’ai lu le livre, j’ai pu m’imaginer ma communication orale. On a encore un livre à lire et ce que je n’aime pas, c’est que l’on doit remplir une fiche, écrire les mots clés. Alors, tu lis et tu dois en même temps trouver ces mots: tu ne peux être bien dans ta lecture. MTLgr1b-ga1: Je n’aime pas qu’on me force à l’école quand il y a des projets de lecture. Quand on lit, il faut vraiment que personne ne parle. Par exemple, pour Robinson, en classe, on travaille en équipe. Il y en a qui vont commencer à parler autour de toi et tu essaies de te concentrer. Il y en a qui vont commencer à faire des niaiseries, qui vont rire : tu n’es pas capable de suivre. Les profs devraient demander conseil aux jeunes. Ils peuvent demander quels genres de livres nous aimons. [Il faudrait] que les sujets soient variés, car tout le monde n’aime pas, par exemple, les livres de suspense. Moi, j’aime bien travailler en équipe, mais le partage [des tâches] n’est pas sûr: certains lisaient à moitié et ne savaient pas ce qu’ils devaient faire. En équipe, on a plus de discussions, tout le monde donne son avis, on s’échange des idées. Parfois on oublie quelque chose et quelqu’un s’en souvient. MTLgr1b-ga2: [J’aimerais mieux] des questions pas trop difficiles. MTLgr1b-ga3: [Les profs pourraient] faire une liste de choix de livres. On choisirait et à la fin on ferait un travail sur un sujet qu’on aurait choisi nous-mêmes. TRgr2-ga4: [Ce qui fait perdre le goût de lire] être obligé de lire un livre. Il faut que le livre que tu lis t’intéresse. Je crois que lire devrait t’amener dans un autre monde et, si ce n’est pas le cas, ce n’est pas intéressant. TRtgr2-fi3: [Ce qui fait perdre le goût de lire] Je n’aime pas avoir à faire un résumé des pages, car je dois relire la page que j’ai résumée avant de continuer. TRgr2-fi8: Je n’aime pas lorsqu’on commence à lire en classe et qu’on doit terminer à la maison. On perd le fil. Je n’aime pas non plus les échéances. L’école devrait nous donner plus de temps pour lire, car je ne lis pas par moi-même.
114
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 115
Chapitre 5 – La lecture scolaire
MTLgr2-ga2: Je choisis ce que je veux lire, mais il faut qu’il y ait une période fixe. Les romans qu’on nous fait lire à l’école, c’est jamais de l’horreur, jamais de la sciencefiction. C’est de la galanterie, du romantique. TRgr3-ga3 : C’est pas facile de respecter les échéances quand le livre est plus ou moins bon, mais pas lorsqu’il est bon. C’est un problème lors des cercles de lecture où l’on doit parler des pages que nous devions lire. Pour que ce soit plaisant de lire à l’école, il faudrait avoir plus que 20 minutes de lecture de suite. On entre dans l’histoire et on doit s’arrêter. TRgr3-fi1: Il faudrait que l’on ait plus de choix et que l’on ne doive pas lire de telle page à telle page. Il faudrait également qu’il n’y ait plus de résumés des pages lues et de descriptions écrites des personnages, car tu dois t’arrêter de lire pour prendre des notes et tu n’as plus l’impression de lire. Je trouve qu’on ne nous incite pas assez à lire dans notre classe. On ne nous parle pas de lecture et on n’a pas de période de lecture. TRgr3-fi2 : [Pour que ce soit plaisant de lire à l’école, il faudrait] que l’on ait le choix du livre. Que l’on nous dise seulement la date à laquelle nous devons avoir terminé le livre plutôt que de nous dire de lire de telle page à telle page. Nous devrions avoir plus de périodes pour lire. J’aimerais qu’au moins trois ou quatre heures par semaine soient consacrées à la lecture. TRgr3-fi3: [Pour que ce soit plaisant de lire à l’école, il faudrait] que l’on ait plus de temps pour lire: 20 minutes, ce n’est pas assez. On n’a pas le temps d’embarquer dans l’histoire. J’aime le cercle de lecture lorsque le livre que je lis est bon. TRgr3-fi6: J’aimerais que les enseignants nous donnent plus de temps pour lire à l’école. Nous avons seulement une période de lecture de 60 minutes tous les 24 jours. TRgr3-fi7 : Je trouve que ça commence mal lorsque tu es obligé de lire un livre. C’est correct lorsque tu as un mois ou une étape pour lire un livre, quand tu décides toimême combien de pages tu lis, mais pas quand tu dois lire de telle page à telle page. Lire, c’est un passe-temps, ce n’est pas une matière scolaire. Je n’aime pas lire à l’école, j’aime mieux lire chez moi quand j’en ai le goût. J’aimais en secondaire 1 lorsque nous faisions des cercles de lecture. Chacun devait lire un livre et en faire un résumé à la classe. MTLgr4-fi1 : C’est désagréable qu’on me force à lire, parce que la lecture, c’est quelque chose qui est supposé nous enrichir. MTLgr4b-ga3 : Je trouve que la meilleure chose à faire, quand un professeur de français prévoit travailler un livre, c’est de donner le livre aux élèves deux à trois semaines avant. C’est beaucoup plus facile après de le travailler. Je n’aime pas être obligé de lire en 5e vitesse à l’heure du dîner. Pour améliorer la lecture à l’école, il faudrait faire des liens entre les matières, avec la vie de tous les jours.
115
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 116
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
On remarque que les causes d’insatisfaction sont plus nombreuses que les causes de satisfaction. Plusieurs élèves se plaignent des contraintes de temps qu’entraîne la lecture de l’œuvre: ici, les voix sont contraires, certains soulignant que l’enseignant s’attarde trop longtemps à la lecture d’une œuvre, d’autres, qu’on leur donne trop peu de temps pour lire un ouvrage à domicile. Le problème du choix de livres est crucial (voir le chapitre 3 consacré à cette question dans le présent ouvrage). On regrette également de la brièveté des périodes de lecture en classe. Les aléas du travail d’équipe et l’ennui des fiches à remplir sont exposés par quelques-uns, mais, règle générale, on semble bien accepter la formule des groupes de discussion.
Les propos des enseignants Lors de notre enquête, nous avons également interrogé les enseignants (24 questionnaires écrits et six entrevues). Voici leurs propos concernant leurs perceptions de la lecture scolaire et de leurs élèves comme lecteurs1.
Les objectifs de la lecture scolaire, selon les enseignants Voici, selon les enseignants, la différence entre la lecture scolaire (la plupart du temps littéraire) et la lecture de loisir. Celle-ci ne tient pas à la difficulté des textes, non plus qu’à l’absence d’évaluation pour ce qui est de la lecture de loisir, ni même au plaisir éprouvé. La première différence est que la lecture scolaire est très structurée et la seconde est qu’il y a partage entre tous les élèves de la classe. Les enseignants croient qu’ils peuvent faire aimer la lecture de loisir en favorisant les formules interactives telles que le journal de lecture et les cercles de lecture. Nous avons interrogé les enseignants sur les finalités de la lecture littéraire à l’aide de la question suivante: Si on vous dit que la littérature a trois grandes finalités, qui sont à la fois a) culturelles (ex. : savoirs sur les auteurs, les genres…) ; b) intellectuelles (ex. : les savoirs conceptuels sur la structure d’une œuvre, les habiletés de compréhension et d’interprétation) ; c) et psycho-affectives (ex. : les savoirs sur l’homme et le monde, les valeurs…) ; dites laquelle des trois finalités vous semble la plus importante pour les élèves auxquels vous vous adressez et commentez votre réponse.
Les enseignants placent en tête les finalités psycho-affectives, surtout en fonction de l’âge de leurs élèves : pour douze d’entre eux, c’est la finalité prioritaire. Les 1. Cette dernière partie reprend des passages d’un article de M. Lebrun et C. Baribeau, « Enseignants et élèves face à la lecture : pour une redynamisation des rôles respectifs », dans la revue Enjeux (sous presse).
116
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 117
Chapitre 5 – La lecture scolaire
finalités culturelles constituent le deuxième choix pour sept d’entre eux et les finalités intellectuelles le deuxième choix pour deux d’entre eux, car ils mentionnent que ce sont les aspects sur lesquels les élèves sont interrogés à l’examen. Pour certains, les finalités varient selon les types d’œuvres à l’étude. Comme les élèves en sont au stade primaire du «j’aime/j’aime pas», les enseignants doivent s’avancer davantage dans l’explication. Pour d’autres, les élèves sont en pleine crise d’adolescence: ils vivent leurs émotions au jour le jour. Il faut partir de là pour leur faire découvrir la lecture. Nous ne pouvons nous empêcher de citer le jugement d’une enseignante2 : Si la variable psycho-affective comprend le développement de la pensée critique, c’est effectivement celle-là qui me semble la plus importante. Le roman est la pierre angulaire de l’éducation. L’éducation passe par l’enseignement des valeurs, des principes de base de la société. Ensuite, on peut intellectualiser, dès que les lecteurs auront développé leur pensée créatrice (S.R.).
Nous pouvons remarquer que les enseignants éprouvent de la difficulté, pour ne pas dire de la réticence, à définir la littérature. Certains nous ont même dit en entrevue qu’ils ne se rappelaient pas la définition vue dans leurs cours de littérature à l’université. En général, les enseignants se basent surtout sur l’univers décrit, un peu moins sur la langue et assez peu sur les finalités du texte littéraire. Voici quelle pourrait être, pour eux, une bonne définition du texte littéraire : une œuvre intemporelle, aux caractéristiques très personnelles, qui nous interpelle, car « c’est une œuvre à trous, que le lecteur comble», qui nous fait rêver, nous apprend à nous connaître et à mieux vivre. Il ne faut pas non plus oublier la qualité de la langue et se souvenir que celle-ci est marquée par son époque. En général, les enseignants du premier cycle du secondaire (s’adressant aux élèves de 12 à 14 ans) éprouvent plus de difficultés (ou de répugnance…) à définir le texte littéraire que les autres enseignants, car ils parviennent moins que les autres à faire vivre en classe une véritable lecture littéraire. Dix enseignants trouvent leur rôle absolument indispensable pour faciliter l’accès pour les élèves à une véritable lecture littéraire; les quatre autres le trouvent important, mais non indispensable. Voici leurs raisons: – Les parents ne le font pas, c’est à nous de le faire, même avec les plus forts (F.N. et C.U.). – Rares sont les jeunes qui lisent pour leur propre plaisir, alors, il faut quelqu’un pour les y obliger. C’est notre rôle de les guider (A.L.). – Il faut que l’enseignant ait d’abord découvert la littérature pour luimême. Avec 120 élèves, c’est une mission parfois difficile, d’autant plus
2. Les enseignants sont désignés dans les pages qui suivent par leurs itiniales.
117
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 118
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
– – –
– – –
–
que les parents et les amis sont là, également. Il faut être capable de vivre ce que vit l’élève quand il lit (M.L.). Il faut leur ouvrir les horizons, les faire réagir (G.R.). Si on n’était pas là, il y aurait les parents. Nous, par contre, on a la formation (L.H. et M.R.). Cela dépend de leur environnement : certains parents sont de véritables éducateurs et transmettent le goût de lire. Cependant, pour la majorité des élèves, le rôle de l’enseignant est indispensable (M.V.). Notre rôle est un rôle de soutien et d’accompagnement, et même d’initiateurs à certains genres littéraires (J.C. et L.L.). Le jeune lecteur lit souvent en surface sans se poser de questions, sans se soucier de ce qui se cache derrière l’histoire. Il a besoin de nous (T.R.). Mon rôle est d’aider l’élève à utiliser les stratégies pertinentes lui permettant de développer aussi sa curiosité et d’accéder à une véritable lecture littéraire de son propre chef (T.R.). Mon rôle est nécessaire pour faciliter l’accès à la lecture littéraire, certes, pour l’approfondir, parfois, pour en discuter et confronter nos idées (S.R.).
Pour ce faire, les enseignants soignent leurs choix de textes, se proposent souvent (c’est le cas de sept d’entre eux) ou à l’occasion comme modèles de lecteur. Onze enseignants sur quatorze entendent développer l’esprit critique de leurs élèves en leur demandant leur opinion (écrite ou orale) sur les textes littéraires lus. Dix d’entre eux ont pour but d’amener éventuellement les élèves à lire des œuvres littéraires hors de l’école, de développer la culture de leurs élèves par la littérature et de leur faire vivre des expériences esthétiques. Neuf enseignants veulent créer une communauté de lecteurs grâce aux discussions sur les œuvres. Pour six enseignants, la lecture de textes littéraires peut avoir un effet positif sur l’écriture des élèves en leur fournissant un modèle. Ajoutons quelques commentaires succincts aux réponses des enseignants. À propos du fait de se présenter comme modèle à ses élèves, deux enseignants comprennent la question comme étant celle de faire de la modélisation suivant les principes de l’enseignement stratégique, alors que nous nous attendions à ce qu’ils l’interprètent dans le sens où l’enseignant se pose en modèle de lecteur à imiter. En ce qui regarde l’un des buts de faire aimer la lecture des textes littéraires, une enseignante ajoute que cela passe mieux quand on aime lire soi-même. Une enseignante souligne qu’il est plus facile de faire vivre des émotions esthétiques avec la poésie qu’avec tout autre type de texte. En ce qui regarde les « beaux exemples de vie » fournis par la littérature, un enseignant rappelle qu’il faut parfois relativiser la philosophie de vie d’un personnage.
118
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 119
Chapitre 5 – La lecture scolaire
Le choix des œuvres selon les enseignants Selon les enseignants, il faut prendre en compte diverses variables lorsqu’on se lance dans le choix des œuvres. La majorité des enseignants interrogés prennent en compte le sexe des élèves, la moitié disent se soucier de leur origine ethnique (ce sont d’ailleurs la moitié de nos répondants qui travaillent en milieu pluriethnique), de même que du milieu socio-économique. Le type de héros n’est important que pour le tiers d’entre eux. La moitié des enseignants veillent à choisir un sujet ou un thème qui intéresse les élèves. Pour les deux tiers des enseignants, il faut également vérifier si le style de l’auteur correspond aux capacités linguistiques des élèves. Les enseignants accordent peu de poids à la structure même de l’œuvre, ou encore au statut de classique que l’on accole à une œuvre. L’originalité de l’univers de l’auteur compte un peu plus, et surtout, pour la moitié des répondants, le désir d’aborder un genre littéraire particulier (ex.: le polar). À propos du thème, on suggère de faire lire Le Journal d’Anne Frank, car l’ouvrage rejoint autant les garçons que les filles (T.R.). Il en est de même pour Vipère au poing, sur la thématique de l’orphelin (M.L.). Un enseignant rappelle la séduction qu’exercent les biographies sur les jeunes (M.L.), un autre dit la même chose à propos des policiers, de Narcejac en particulier, grâce à sa belle langue (T.R.). Deux enseignants (J.C. et L.L.) mentionnent que la pondération des critères dépend des œuvres choisies. Enfin, une enseignante nous mentionne qu’elle a à cœur d’enseigner à la fois la culture et la langue et que, en ce sens, le niveau de langue de l’œuvre est impérativement mesuré avant de mettre un point final à son choix (S.R.). Nous voulions savoir si les enseignants avaient déjà vécu une situation où ils avaient dû défendre leur choix de livres face à une direction d’école ou des parents et des collègues. Cette question touche la censure. Neuf n’en ont pas été victimes. Par contre, pour les cinq autres, nous avons eu des réponses plus mitigées. Une enseignante s’autocensure et ne veut pas que les œuvres suggérées comportent des passages où la sexualité est explicite. Une autre mentionne avoir reçu des plaintes de parents après avoir donné à lire des nouvelles de Monique Proulx. Il en a été de même pour Le Grand Cahier d’Agota Kristof : la plainte est même montée jusqu’à la commission scolaire. Selon cette enseignante, les parents ne comprennent pas le travail préparatoire à la lecture de l’œuvre que font les enseignants. Un enseignant revient lui aussi sur « l’affaire » du Grand Cahier de Kristof en ajoutant que le livre a alors disparu de la bibliothèque de l’école et que l’Union nationale des écrivains du Québec (UNEQ) s’en est mêlée. Lui-même avoue avoir donné en lecture à une de ses élèves, pour l’aider psychologiquement, L’enfant qui ne pleurait pas. Le père est venu le voir avec des passages soulignés comme trop explicites, mais s’est rendu à ses raisons d’éducateur. Deux enseignants soulignent que leur seule difficulté est de proposer des romans que les parents jugent trop « adultes » pour leurs enfants. 119
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 120
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Ajoutons à ces prises de position quelques commentaires d’enseignants: – J’aime bien présenter des réflexions sur la condition féminine (S.R.). – Les filles veulent plus de socio-affectif et les garçons, plus d’action (M.L.). – Les filles aiment le fantastique autant que les garçons (C.U. et F.N.). – Certains auteurs comme Michel Tremblay apparaissent à certains élèves trop connotés comme québécois, mais d’autres auteurs (ex.: Dubé, dans Zone) sont bien acceptés par les élèves (dans les classes pluriethniques) (G.R.). – La langue est uniquement un outil pour eux. C’est pourquoi certaines œuvres leur semblent trop difficiles (M.L.). – On ne tient pas compte à notre école des différences à propos du sexe et de l’origine, car on se base sur le manuel (qui propose des choix de livres) et sur le budget de l’école pour les achats (L.N.). Les enseignants se laissent suggérer des titres principalement par leurs collègues. En ce qui concerne le groupe LIS, qui a fait passer le questionnaire d’enquête et suggéré des œuvres à lire, les enseignants se disent très satisfaits des œuvres, qui font également l’objet de dossiers pédagogiques à exploiter en classe. Pour la moitié des enseignants, les suggestions de lecture du matériel scolaire ne comptent pas, non plus que celles des revues pédagogiques. Très peu d’enseignants disent écouter les élèves lorsqu’il s’agit de choisir les livres à lire. Parmi les influences marginales, comptons également celles de la bibliothécaire et celles des émissions littéraires. Et surtout, les enseignants disent lire beaucoup eux-mêmes pour trouver la perle rare, en se laissant influencer par le programme scolaire des élèves: Je me fie aux autres matières qui sont au programme de l’élève. Par exemple, en 2e secondaire, les objectifs au programme de sciences physiques (l’énergie thermique, le feu), de mathématiques (le cercle, la roue), d’histoire (la préhistoire), d’enseignement moral et religieux (la spiritualité), d’enseignement physique (le rythme), etc., me permettent de mettre au programme un extrait choisi de Ayla, enfant de la terre en début d’année, et un autre extrait, tiré des Raisins de la colère, lorsqu’on parle de la révolution industrielle, par exemple (S.R.).
Nous avons recueilli plusieurs exemples de lectures réussies, selon les enseignants. Nous en évoquons ici quelques-uns, avec la justification de l’enseignant concerné: – Les Fourmis de Werber, car cela a été une lecture suivie et encouragée par moi (A.L.). – Douze coups de théâtre de Tremblay et La Guitare de Del Castillo, à cause du lien de confiance des élèves avec moi (G.R.).
120
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 121
Chapitre 5 – La lecture scolaire
– Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, pour les activités ludiques et variées (J.C. et M.V.). – Tristan et Yseult, à cause du thème de l’amour (L.L.). – Le Journal d’Anne Frank, car le livre rejoint les garçons et les filles (T.R.). – Toutes les activités faites en cercles de lecture ou, encore, avec le journal dialogué. – Les cercles littéraires sont toujours un plaisir renouvelé pour les élèves, puisque l’échéance est assez longue et la lecture, progressive. Ce qui est bon pour certains l’est moins pour d’autres, entre autres ceux qui dévorent littéralement un roman en quelques jours, sinon en quelques heures. Le journal dialogué est sans doute la voie d’accès la plus agréable vécue par ces jeunes lecteurs rapides. Une fois habilités (sic) à la stratégie, ils n’ont plus de limites. J’ai donc trouvé la solution en laissant le choix aux élèves entre ces deux activités (S.R.).
Les enseignants tirent également des leçons de leurs échecs: Candide : j’ai trop laissé les élèves à eux-mêmes (A.L.). Le Baron perché : je n’étais pas assez convaincu de la pertinence de l’œuvre pour mes élèves (G.R.). L’étoile a pleuré rouge : les élèves ont jugé ce roman trop violent (M.R.). L’Appel de la forêt: même si c’est un classique, ça n’a pas passé (F.N. et C.U.). L’Ile au trésor: les activités étaient trop difficiles pour les élèves faibles (J.C.). Les œuvres de science-fiction en lien avec des films : les élèves sont trop jeunes pour se projeter dans l’avenir de façon réaliste (T.R.).
Les modalités de la lecture scolaire selon les enseignants Les enseignants du secondaire sont à la fois conscients qu’il convient d’établir une progression dans la présentation des œuvres littéraires et soucieux de préserver le discours des programmes officiels sur le sujet. Ils ont, pour la plupart, enseigné à au moins deux niveaux différents du secondaire, soit au premier, soit au second cycle, et sont renseignés sur ce qui se fait au primaire, d’une part, et au collégial (ordre pré-universitaire), d’autre part. Un seul enseignant dit que la progression selon l’âge des élèves n’est pas automatique, mais qu’elle dépend des références culturelles et des connaissances antérieures des élèves. Pour certains, l’idéal serait une approche personnalisée qui prenne en compte les acquis et la maturation de chacun. En 4e et 5e secondaire, on peut exercer plus d’introspection sur l’œuvre, sur les valeurs. En première et deuxième secondaire, il faut s’attarder davantage sur la structure, sur les personnages. Les programmes font une obligation de la lecture d’œuvres littéraires, à la fois sous forme d’extraits et en œuvres intégrales. On recommande la lecture de quatre œuvres complètes par an, au choix de l’enseignant. La plupart le font par des projets 121
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 122
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
autour des livres englobant l’oral et l’écriture. Ces façons de faire sont maintenant si bien intégrées à leurs pratiques de classe qu’ils continueraient à les réaliser, même si les programmes n’en faisaient pas mention. Aucun enseignant ne dit faire lire trop d’œuvres intégrales. Ici, il faut distinguer les œuvres lues pour le plaisir et choisies par les élèves eux-mêmes (pour le cercle de lecture et le journal dialogué, par exemple) et les œuvres intégrales identiques pour tous, lues pour s’adonner à des activités structurées par l’enseignant et visant des apprentissages plus particuliers. Certains enseignants regrettent de ne pas faire lire plus d’œuvres complètes, alléguant d’abord le manque de temps, et ensuite l’absence d’un budget d’achat adéquat. Quelques-uns mentionnent qu’il ne faut toutefois pas abandonner la lecture d’extraits, qui permet de présenter plusieurs auteurs et plusieurs genres. C’est d’ailleurs ce que promeut le groupe LIS dans ses dossiers pédagogiques: on greffe à une œuvre principale de courts textes littéraires et courants sur le même thème, ce qui permet de pratiquer l’intertextualité.
Conclusion Ainsi qu’il apparaît par ce portrait de la lecture scolaire que nous venons de tracer, un enseignement bien pensé doit ouvrir les jeunes sur le plan culturel en leur faisant découvrir les meilleurs auteurs de chaque genre littéraire et développer des stratégies efficaces et diversifiées de compréhension d’œuvres de plus en plus exigeantes au fil de la scolarité. Les garçons devraient recevoir un enseignement de la lecture plus ciblé sur leurs intérêts réels, car nos données montrent que, sous plusieurs aspects, ils sont très différents des filles. Il faudrait également mieux doser les lectures littéraires et les lectures informatives, recourir plus systématiquement à la recherche sur des sites Internet pour ces dernières et tenter d’abolir l’hiatus entre lecture imposée et lecture de plaisir. La question de la motivation est cruciale: on ne saurait toucher les jeunes par des choix d’œuvres trop hermétiques ou inadaptées à un âge donné. Par ailleurs, offrir des œuvres exigeantes suppose un accompagnement pédagogique inventif, centré tant sur l’affect que sur l’intellect : les ados savent reconnaître les bons parcours didactiques, même quand une œuvre leur paraît difficile au premier abord. Il semble évident, à lire nos résultats, que les adolescents de 12 à 16 ans n’adoptent pas la posture de contemplation esthétique de l’œuvre, mais bien celle de l’identification personnelle et de la recherche de l’émotion. Cependant, ils ont une lecture alimentée par la curiosité de connaître, le désir de rêver et de parler de leurs découvertes aux autres: il faudrait savoir en tirer profit.
122
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 123
CHAPITRE 6
La lecture à l’écran Priscilla Boyer et Monique Lebrun
Les liens entre ordinateur et lecture Peu de recherches portent sur les habitudes culturelles des utilisateurs d’ordinateur, encore moins sur leurs habitudes de lecture. Pourtant, beaucoup de parents s’inquiètent devant l’importance que prend l’ordinateur dans les loisirs de leur enfant, au détriment des autres loisirs, notamment la lecture de roman. Langouët et Observatoire de l’enfance en France (2000) s’y intéressent brièvement, dans une étude concernant l’influence des médias sur la jeunesse française. Ils arrivent à la conclusion que 51% des forts utilisateurs d’ordinateur sont également de gros lecteurs. Il existe incontestablement des liens (entre ordinateur et lecture), mais des liens complexes et qu’il ne faudrait pas assimiler à des relations de causalité, entre la fréquence d’utilisation des ordinateurs ou des jeux vidéo et la consommation d’autres biens culturels, tels que la lecture de livres (Langouët et Observatoire de l’enfance en France, p. 90).
Pourtant, dans les quotidiens et les revues pour grand public, les ordinateurs et les jeux vidéo ont mauvaise presse. En effet, ces jeux sont jugés trop violents, antisociaux et abrutissants, et l’on voit d’un mauvais œil les heures passées en navigation sur Internet et en clavardage. En juin 1996, le ministère de l’Éducation du Québec démarrait l’implantation d’un plan quinquennal des technologies de l’information et des communications (TIC) à l’école afin d’améliorer la réussite scolaire par l’introduction de nouvelles possibilités d’accès à l’information provenant de sources différentes et de stimuler les échanges entre jeunes par la télécollaboration. À l’école, grâce à ce programme, le ratio élève/ordinateur est passé de 21 à 6. En 2001, plus de la moitié des ordinateurs scolaires québécois étaient en réseau et on continuait le perfectionnement informatique des enseignants. Dans ce chapitre, nous présenterons tout d’abord les enquêtes sur l’utilisation de l’ordinateur (en lien avec la lecture) antérieures à la nôtre. Nous ferons ensuite part de notre grande enquête auprès de 1 737 sujets, et nous la compléterons par une étude exploratoire auprès de mordus d’Internet et de jeux vidéo afin d’apporter des pistes de réflexion, que nous espérons stimulantes, sur la lecture à l’écran. 123
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 124
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les enquêtes antérieures sur l’utilisation de l’ordinateur et d’Internet Au Québec Les enquêtes sur les pratiques informatiques des jeunes sont de plus en plus nombreuses. Sujet oblige, elles paraissent surtout sur Internet. Ainsi en est-il de l’enquête du réseau Éducation-Médias de 2001 auprès d’environ 6000 élèves. Ceuxci ayant de 6 à 16 ans, il nous est difficile d’isoler la tranche d’âge qui nous intéresse, soit les adolescents. Cette enquête a donné lieu à deux séries de résultats. En juin 2001, les rapports font état d’une forte utilisation d’Internet chez les jeunes, mais d’un écart important entre ce que font véritablement les jeunes lorsqu’ils utilisent Internet et la perception qu’en ont les parents. En octobre 2001 paraissent des résultats complémentaires sur les secteurs à risque dans l’exploration d’Internet et sur l’importance des balises familiales quant à l’utilisation d’Internet. Voyons tout d’abord ce que disent les jeunes eux-mêmes. La moitié des jeunes Québécois affirment utiliser Internet à la maison au moins une heure par jour, comparativement à 77% qui disent regarder la télévision au moins une heure par jour. Plus de la moitié des jeunes Québécois (56%) disent mieux connaître Internet que leurs parents. Les jeunes sont laissés à eux-mêmes sur Internet: 77% ne discutent pas du tout avec leurs parents de leurs activités en ligne. Alors que leurs parents pensent que la majorité des jeunes utilisent Internet pour leurs travaux scolaires, ceux-ci privilégient bien davantage le téléchargement et l’écoute de la musique, le courriel, le téléchargement de logiciels, les jeux et le clavardage. Si 37% des jeunes Québécois utilisent effectivement Internet pour leurs devoirs, il faut ajouter qu’Internet est actuellement devenu la première source d’information des jeunes (c’est le cas de 82 % des jeunes québécois) devançant le livre de la bibliothèque scolaire (55 %) ou celui de la bibliothèque publique (64 %). C’est au point où le réseau Éducation-Médias offre maintenant aux jeunes des renseignements et des conseils pratiques sur l’utilisation d’Internet, sur les logiciels de blocage et de filtrage, sur la critique des stratégies de marketing en ligne, sur la propagande haineuse et sur l’authentification de l’information sur le Net. La langue du Net pose problème: 12 % des jeunes Québécois ne naviguent qu’en anglais, 42 %, uniquement en français, et 43% dans l’une et l’autre langue. Selon 80 % des parents, Internet constitue la voie de l’avenir. Ils sont encore plus nombreux (soit 94%) à requérir de l’école, du gouvernement et des concepteurs de sites qu’ils éduquent leurs enfants au sujet de leur responsabilisation quant aux pratiques sur Internet et également au sujet de la fiabilité des renseignements apparaissant sur la Toile. Selon les parents, 86 % des jeunes utilisent Internet, et ceci, à peu près également pour les garçons et pour les filles. Cependant, les filles préfèrent les activités de communication et les garçons, le divertissement, dont les 124
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 125
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
jeux. Voici, selon les parents, les activités pour lesquelles les enfants recourent à Internet. Quelles sont les activités sur Internet des enfants, selon les parents: faire leurs devoirs (65%), chercher des renseignements (31%), jouer à des jeux (29%), communiquer par courriel (28%) ou par groupes de discussion (28%). L’enquête du Centre francophone d’information des organisations (CEFRIO) (2003) auprès de 2 800 jeunes mentionne que 99 % des adolescents ont utilisé Internet dans les six mois précédant l’enquête et 88% dans la semaine la précédant. C’est le groupe d’âge des 14-15 ans qui fréquente le plus assidûment la Toile: 94% disent le faire sur une base régulière. Leurs activités préférées sont les suivantes, par ordre décroissant d’importance, les pourcentages allant de 78 % à 54 % des adolescents, selon le cas: la recherche d’information, le courrier électronique, l’écoute ou le téléchargement de musique, le clavardage, les jeux en ligne et la visite de sites relatifs à leurs loisirs. Il existe une différence entre les sexes, les filles préférant la communication par courriel, et les garçons, les jeux en ligne. En tout, les jeunes disent utiliser Internet huit heures par semaine, dont deux heures pour leurs travaux scolaires et six heures pour leurs loisirs ; les garçons naviguent en moyenne neuf heures, et les filles, sept heures, hebdomadairement. À 77%, les jeunes font confiance à l’information qui leur est présentée sur les sites Web; ils se font cependant plus critiques sur l’information fournie par les sites de vente ou de forums de discussion. Plus de la moitié des parents (soit 56%) se sentent en mesure et trouvent nécessaire d’accompagner les adolescents dans leurs activités sur le Net. D’ailleurs, les familles avec enfants sont plus branchées que la moyenne : soit 85 % comparativement à 50 % pour celles sans enfant. Internet se présente de plus en plus comme une grammaire technologique que les jeunes maîtrisent, à l’heure actuelle, mieux que leurs parents et que leurs enseignants.
Aux États-Unis Côté américain, on dispose d’une pléthore de recherches. Mentionnons celles du Pew Institute, un organisme sans but lucratif sondant les relations entre Internet et la vie des Américains. Une récente étude de cet organisme (2003) sur les jeux vidéo et Internet mentionne qu’ils font dorénavant partie de la vie sociale des college students, soit la tranche d’âge des 17 à 20 ans, qui jouent à des jeux vidéo dès qu’ils ont un moment, et même pour se délasser durant leurs périodes de travaux scolaires. L’enquête auprès de 1162 sujets a révélé que 65% d’entre eux s’adonnent à des jeux de ce type sur une base régulière ou occasionnelle. Ils sont motivés par le désir de se retrouver entre amis ou de s’en faire de nouveaux. Pour 48% d’entre eux, le jeu les éloigne de leurs études d’«un peu» à «beaucoup»; pour 9%, le jeu électronique est même le moyen par excellence pour échapper aux travaux scolaires. L’industrie (par exemple, les consoles Nintendo, Sony et Microsoft) a beaucoup développé ces jeux depuis quelques années. L’une des surprises de l’enquête est que les jeunes filles sont 125
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 126
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
des joueuses plus régulières de jeux en ligne (soit 40% des filles et 40% des garçons), alors que les deux sexes se retrouvent à égalité pour les jeux vidéo. La plupart disent être devenus joueurs vers 15 ans et avoir ainsi amélioré leur vie sociale. Une étude de 2002 du Pew Institute souligne le fait que, selon les college students, Internet les aide dans leurs études. Ils sont 86% à y recourir couramment, 73 % utilisent Internet davantage que la bibliothèque pour leurs recherches, 72% recourent à leur messagerie électronique quotidiennement, dont 56 % pour les relations avec leurs enseignants ; 46 % d’entre eux vont même jusqu’à dire que le courriel leur permet d’exprimer à leur enseignant des idées qu’ils n’oseraient pas mettre de l’avant en classe. Plus que les adultes, les collégiens utilisent le courriel, le téléchargement de musique (ex. : 60 % le font, comparativement à 28 % de la population générale), le partage des fichiers de musique, les groupes d’études virtuels.
En France En France, la situation est moins favorable à Internet et à l’ordinateur en général qu’en Amérique. Selon l’enquête de l’Observatoire de l’enfance en France (voir Lagouêt, 2000), 35 % des jeunes de 15 à 17 ans vivant dans un foyer équipé utilisent un ordinateur presque tous les jours. Un foyer sur quatre possède un ordinateur. Sur 100 «forts utilisateurs» des jeux vidéo, 47, soit près de la moitié, sont aussi de «gros lecteurs», alors que 29 se disent «petits lecteurs» et 24 «non-lecteurs». Quant à Internet, son usage reste relativement peu répandu en 2000: 60% des jeunes ne l’ont jamais utilisé et seuls 11 % en sont très familiers. Au collège même (soit l’équivalent de notre cours secondaire), on utilise Internet pour la recherche documentaire (92 %), la production de documents (90 %) et la communication avec d’autres élèves (42%): ces pourcentages combinent les choix «quelquefois», «assez souvent» et «très souvent». Par comparaison, la pratique de la lecture de livres et de BD décroît fortement chez les jeunes Français à partir de 15 ans, alors que celle des magazines croît régulièrement et se stabilise à partir de 12 à 14 ans. La lecture des journaux, quant à elle, double entre la tranche d’âge de 12 à 14 ans et celle de 15 à 17 ans.
Les résultats de l’enquête LIS Rappelons ici que nous avons nous-mêmes interrogé 1 737 élèves et que nous en avons rencontré une centaine en entrevue. Nous voulions explorer, entre autres, cette nouvelle présence de l’ordinateur dans la vie de l’adolescent, car les études ministérielles antérieures portant sur la lecture, même celle de 1994, n’y avaient nullement porté attention. Nous analysons tout d’abord les attitudes face à l’ordinateur, les stratégies de recherche d’information et, enfin, le comportement face aux jeux vidéo. 126
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 127
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
Les attitudes face à l’ordinateur Les choix de réponses que nous donnons ici étaient suggérés aux élèves, qui pouvaient donner plus d’une réponse. TABLEAU 1 Attitudes face à l’ordinateur Ne voit pas le temps passer Navigue partout Consulte régulièrement des sites ou CD préférés Conseille des sites ou CD à des amis Internet lui apporte repos et détente
Toujours Parfois Jamais 577 (33,2 %) 648 (37,3 %) 311 (17,9 %) 639 (36,7 %) 644 (37 %) 255 (14,6 %) 717 (41,2 %) 507 (29,1 %) 310 (17,8 %) 602 (34,6 %) 533 (30,6 %) 395 (22,7 %) 314 (18 %) 551 (31,7 %) 665 (38,2 %)
* Le taux de non-réponses oscille de 11,5 % à 11,9 %.
Si l’on se fie un tant soit peu à ces réponses, l’adolescent n’est pas «accroché» à l’ordinateur au point de perdre contact avec l’extérieur. Sa relation avec l’ordinateur est plus nuancée : il consulte ses sites préférés, navigue un peu partout et partage quelquefois ses découvertes avec ses amis. Toutefois, il serait faux de penser qu’il navigue pour se reposer et se détendre. Le taux de non-réponses correspond sans doute à ceux qui, en plus de ne pas avoir d’ordinateur (soit environ 7% des sujets), n’ont pas Internet à la maison et n’y recourent à peu près pas à l’école. Précisons que les écoles où s’est déroulée la passation du questionnaire ont toutes un laboratoire d’informatique et que les élèves ont des cours sur le sujet. De plus, des postes informatiques branchés à Internet existent dans les bibliothèques scolaires, mais en nombre limité. L’enseignant de français va rarement au laboratoire d’informatique avec ses élèves; il dispose rarement d’un poste informatique dans sa classe. Les analyses de corrélation ne montrent aucun lien entre les deux variables «temps consacré à la lecture» et «temps consacré à différents supports informatiques» (0,13915). Les garçons font un peu plus de liens (0,14927) que les filles (0,12660) mais le tout n’est absolument pas significatif. Garçons comme filles peuvent lire une heure sans voir le temps passer et ne pas avoir la même réaction face à différents supports informatiques; l’inverse est aussi vrai, tant pour les gars que pour les filles. En ce qui concerne les analyses corrélatives entre, d’une part, la détente que procure la lecture, et, d’autre part, l’utilisation de différents supports informatiques, ici encore, les analyses montrent peu sinon pas de lien (0,13515) entre la détente que peut procurer la lecture et celle que procurent différents supports informatiques. Les garçons et les filles répondent sensiblement de la même façon.
127
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 128
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
La relation entre le fait de suggérer des livres à des amis, par opposition au fait de leur suggérer des sites Internet ou des disques compacts (CD) est très ténue (0,18547) quoique un peu plus forte lorsqu’on cherche à distinguer les garçons des filles; ces derniers auraient plus tendance (0,22111) à suggérer soit des livres, soit des sites ou des CD à des amis que les filles ne le font (0,17369). Ces dernières peuvent suggérer soit l’un, soit l’autre.
Les stratégies de recherche d’information La recherche d’information constitue l’une des grandes intentions de lecture, tant pour l’adolescent que pour l’adulte. Nous voulions savoir comment l’adolescent procédait pour trouver l’information requise soit pour ses travaux scolaires, soit pour ses besoins personnels. Il semble bien que le virage technologique ait complètement changé la recherche d’information, depuis l’enquête ministérielle de 1994. TABLEAU 2 Les stratégies de recherche d’information Toujours Je consulte un livre ou une encyclopédie chez moi Je consulte un livre ou une encyclopédie à la bibliothèque publique Je consulte un livre ou une encyclopédie à la bibliothèque scolaire J’interroge mes amis J’interroge mes parents J’interroge mes enseignants Je cherche sur Internet J’appelle à la radio Autres
Parfois
Jamais
401 (23,1 %) 915 (52,6 %)
378 (21,7 %)
296 (17 %)
689 (39,6 %)
706 (40,6 %)
169 (9,7 %) 435 (25 %) 632 (36,3 %) 253 (14,5 % 735 (42,3 %) 28 (1,6 %) 29 (1,6 %)
677 (38,9 %) 841 (48,4 %) 870 (50 %) 387 (22,2 %) 835 (48 %) 228 (13,1 %) 953 (51,9 %) 532 (30,6 %) 595 (34,3 %) 358 (20,6 %) 98 (5,6 %) 1 552 (89,3 %) 47 (2,7 %) 433 (24,9 %)
* Le taux de non-réponses va de 2,4 % à 3,4 % selon la catégorie.
Visiblement, les adolescents ne sont jamais pris au dépourvu lorsqu’il s’agit de chercher une information. Internet semble une voie de réponse au même titre que les parents. Quant aux autres sources, elles sont quasi absentes du décor.
Les jeux vidéo selon le questionnaire écrit Les résultats de l’enquête LIS sur les jeux vidéo rejoignent ceux du Pew Institute: les jeux vidéo font vraiment partie des habitudes de détente des jeunes. 128
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 129
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
TABLEAU 3 Possession de jeux vidéo ou sur ordinateur Oui, je possède des jeux vidéo Oui, et ils me demandent de lire Non, je n’ai pas de jeux vidéo Je n’ai pas d’ordinateur Non-réponses
84,6 % 70 % des 84,6 % de oui 7% 6,9 % 1,3 %
Nous pouvons ventiler quelque peu les réponses de ceux qui doivent lire à l’écran pour leurs jeux : dans 57,7 % des cas, il s’agit de garçons. Il y a une faible disparité au niveau régional : 68,9% des élèves de la Mauricie qui ont des jeux vidéo en ont qui les entraînent à lire à l’écran, alors que c’est le cas de 65,6% des élèves de la région de Montréal. Les disparités sont à peine plus importantes si l’on considère les niveaux d’études : de la première à la quatrième secondaire, on a les pourcentages suivants: 70,7%, 66,1%, 65,4%, 58,9% des élèves ayant des jeux vidéo les obligeant à lire. Les chiffres les plus intéressants nous semblent toucher les disparités des réponses en commençant par un «oui», nonobstant le fait que les jeux entraînent ou non à lire: 63,7% des élèves de première secondaire ont des jeux vidéo, comparativement à 58,6% en deuxième, 58,9% en troisième et 48,2% en quatrième. On utiliserait donc de moins en moins les jeux vidéo avec l’évolution de la scolarité.
Les questions ouvertes sur les jeux vidéo Notre enquête comportait des questions ouvertes permettant aux jeunes de nous donner les titres de leurs jeux vidéo préférés. Nous les avons classés en plusieurs types: a) les jeux de tir : les joueurs, munis d’armes diverses, s’affrontent dans un environnement particulier (Unreal Tournament : des guerriers provenant de différents mondes doivent s’affronter dans des décors spéciaux. Le joueur doit tuer les autres sans se faire tuer); b) les jeux de plateforme : (Super Mario Bros. : Mario doit se frayer un chemin à travers plusieurs tableaux pour aller libérer la princesse enlevée par un dragon. Le joueur est Mario); c) les jeux de rôle: ils comportent plus de textes que dans les jeux d’aventure, mais font davantage appel à la réflexion qu’aux réflexes (ex.: Final Fantasy: un groupe d’aventuriers doit sauver le monde. Le joueur est le chef du groupe et contrôle les autres); d) les jeux de stratégie militaire : on a des troupes qu’il faut diriger correctement pour remporter des batailles. On a des ressources à gérer; il faut également tenir 129
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 130
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
compte du terrain dans certains jeux: eau, montagnes, etc. (ex.: Starcraft: trois espèces s’affrontent. Le joueur choisit une des trois. Chacune a ses forces et ses faiblesses. L’action se passe dans l’espace et sur des planètes diverses); e) les jeux de combat: deux bagarreurs s’affrontent en utilisant les arts martiaux. Le joueur choisit parmi plusieurs personnages celui qu’il veut être. (ex. : Streetfighter : lors d’un tournoi, des combattants venus du monde entier s’affrontent, un à un); f) les jeux de sport; g) les jeux de course: par exemple, le joueur est poursuivi par la police, car il a volé une voiture. Le but du jeu est d’échapper aux policiers (Grand Theft Auto); h) les jeux éducatifs: le joueur apprend la géographie, l’histoire, etc., et cela, tout en jouant (Carmen Sandiego: il faut, par exemple, retrouver la voleuse, Carmen Sandiego, soit dans le temps, soit dans l’espace ; on a divers pays du monde, selon le jeu de la série). La participation à un jeu vidéo suppose un type de lecture tout à fait particulier, non seulement délinéarisé, comme pour tout site, mais également dépendant du type de jeu lui-même. La majorité des jeux étant en anglais, les élèves francophones favorisent souvent les jeux ayant un minimum de texte. Chaque jeu (sauf exception) est accompagné d’un manuel d’instructions qui peut compter quelques dizaines de pages pour un jeu d’action ou beaucoup plus pour un jeu de stratégie. Le manuel est écrit dans la même langue que le jeu. Dans les jeux de tir, il y a peu de lecture à faire, à part, occasionnellement, des panneaux indicateurs dans l’univers du jeu ou de brefs messages. Cependant, la lecture et l’écriture sont davantage présentes lors des parties en réseau, où la communication entre les joueurs est importante. Dans les jeux de rôle, on retrouve beaucoup de texte, de dialogues. Les jeux de stratégie minimisent le texte au profit des statistiques. Les jeux de combat n’offrent que de courts messages de victoire ou de défaite après chaque combat. Dans les jeux de sports, à part les noms des joueurs et les statistiques, on trouve très peu de lecture à faire, de même que dans les jeux de course, alors que dans les jeux éducatifs il peut y avoir beaucoup de texte à lire sous forme de questions et d’information. Il faut ajouter que ce type de jeu est assez rare, sauf ceux qui sont destinés aux jeunes enfants. La participation aux jeux vidéo développe chez les jeunes certaines habiletés cognitives: la mémorisation des règles, la pensée logique servant à résoudre certaines énigmes, le recours à l’imagination, surtout pour les jeux de stratégie. Les jeux concourent également à l’acquisition d’habiletés narratives non négligeables. Une partie des jeux d’action, la plupart des jeux d’aventure ainsi que des jeux de rôle, racontent une histoire. Celle-ci est généralement exposée lors de séquences « cinématiques », des scènes linéaires où le joueur n’intervient pas (donc, non
130
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 131
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
interactives). Chaque jeu compte au moins une séquence narrative : il s’agit de l’épilogue: le joueur peut ainsi pouvoir dire qu’il a «fini» le jeu.
Les résultats des entrevues sur la lecture à l’écran Nous avons abordé le sujet d’Internet et des jeux électroniques lors des rencontres de groupes de discussion avec les jeunes. Nous citons ici quelques remarques qui sont tout à fait concordantes non seulement avec les résultats du questionnaire général, mais également avec les études canadiennes et américaines récentes sur la question, soit l’adoption d’Internet tant par les filles que les garçons, l’envahissement d’Internet, qui distrait du travail scolaire, et l’usage à la fois du courriel et du téléchargement de musique, de la première à la quatrième secondaire. Qu’on en juge. J’ai Internet, j’ai des jeux. J’ai un nouveau jeu très long, un jeu de stratégies, Age of empire. Ça parle de l’âge de pierre, de l’âge de fer. Il faut que tu construises une ville, puis, quand tu as assez de soldats, tu vas attaquer une autre ville pour pouvoir survivre (garçon de 1re secondaire, Montréal). J’ai le jeu Starcraft (fille de 1re secondaire, Montréal). Il y a toutes sortes de loisirs. Par exemple, tu peux lire dans Internet, des documentaires sur les oiseaux (fille, 2e secondaire, Montréal). Des fois, [consulter Internet], ça m’empêche de lire. Des fois, je me dis : «Je vais débarquer dans cinq minutes» et 30 minutes après je suis encore là, à faire du chat, à écouter les paroles des chansons (fille, 2e secondaire, Montréal). Moi, je lis mes mails à l’écran (garçon, 3e secondaire, Montréal). Moi, j’y vais juste pour des petites informations, mais pas vraiment (garçon, 3e secondaire, Montréal). J’y vais juste pour la musique (fille, 3e secondaire, Montréal). Je lis à l’écran. Je consulte les jeux vidéo. Shooter, c’est un jeu où il y a des modes. On peut faire [créer] des modifications de jeu, et donc ça fait un autre jeu (garçon, 4e secondaire, Montréal).
Une enquête supplémentaire dans les Basses-Laurentides Nous voulions aller plus loin dans notre enquête en départageant les forts utilisateurs d’Internet et des jeux vidéo et les autres utilisateurs. Nous avons donc mené à l’hiver 2003 une enquête complémentaire de type exploratoire auprès de 26 jeunes du secondaire affirmant passer plus de 20 heures par semaine devant l’ordinateur. Ce critère ne nous paraissant pas suffisant pour déterminer les véritables mordus d’informatique, nous avons séparé notre échantillon en deux groupes, les jeunes qui se perçoivent très habiles ou experts sur un ordinateur (les utilisateurs experts) et les 131
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 132
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
jeunes qui ne se sentent pas très à l’aise avec un ordinateur (utilisateurs intermédiaires). Sur les 26 répondants, il y a 14 garçons et 12 filles. Ils ont entre 15 et 17 ans, sont en 4e et 5e secondaire et ont tous un ordinateur à la maison. Nous parlerons dans un premier temps de leur compétence en informatique et en lecture, de leur aisance face à l’ordinateur et du temps consacré à la lecture à l’écran. Dans un second temps, nous nous pencherons sur l’utilisation que font ces jeunes des jeux vidéo.
Les compétences en informatique et en lecture Les compétences en informatique Dans le premier graphique, nous avons réparti les sujets en fonction de leur perception de leur habileté à utiliser un ordinateur. C’est sur ces bases que nous les avons divisés en deux groupes à peu près égaux, soit 14 sujets (54%) dans ceux qui se perçoivent comme experts ou habiles utilisateurs et 12 sujets (46 %) dans ceux qui se perçoivent comme intermédiaires ou débutants. L’argument le plus souvent utilisé pour justifier ce classement de la part des sujets est le temps consacré à l’ordinateur. Par exemple, les utilisateurs d’ordinateur experts affirment: «J’y passe beaucoup de temps », « Je suis toujours sur l’ordinateur », alors que les utilisateurs intermédiaires disent plutôt : « Je ne passe pas tout mon temps là-dessus », « Je n’y vais pas souvent.» Cependant, le temps n’est pas le seul facteur qui détermine leur habileté, il y a aussi leur capacité à utiliser l’ordinateur, leurs connaissances dans le domaine. Par exemple, les utilisateurs d’ordinateur experts disent: «Je m’y connais beaucoup», «Je sais l’arranger quand il y a des problèmes», alors que les utilisateurs intermédiaires disent: «Je sais m’en servir, mais pas plus que cela», «Je ne maîtrise pas tout.» Un seul sujet (intermédiaire) justifiera son classement par le plaisir qu’il en retire. GRAPHIQUE 1 Perception des sujets concernant leur capacité à utiliser un ordinateur
Utilisateurs experts 54 %
Utilisateurs intermédiaires ou débutants 46 %
132
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 133
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
Les compétences en lecture À partir de ces résultats, nous avons cherché à savoir quelle était la perception des sujets devant une tâche de lecture. La distinction entre utilisateurs experts d’ordinateur et utilisateurs intermédiaires prend tout son sens lorsque l’on observe le deuxième graphique: 71,43% des utilisateurs experts d’ordinateur se considèrent comme d’excellents ou de bons lecteurs et seulement 28,56% d’entre eux se considèrent comme des lecteurs intermédiaires, peu habiles ou des non-lecteurs. La situation est pratiquement inversée dans le cas des utilisateurs intermédiaires d’ordinateur qui se considèrent comme d’excellents ou de bons lecteurs dans 16,66% des cas et comme des lecteurs intermédiaires, peu habiles ou des non-lecteurs dans 83,34% des cas. Pour ce type de pratique, les arguments donnés par les sujets pour justifier leur classement sont différents de la lecture. En effet, les sujets justifient beaucoup leur classement par le plaisir qu’ils retirent de la lecture. Les bons lecteurs, peu importe le groupe d’utilisateurs d’ordinateur, affirment: «J’aime bien lire et ça me relaxe», alors que les lecteurs débutants et les non-lecteurs disent : « Je n’aime pas lire, je trouve cela ennuyant.» En plus du plaisir, d’autres facteurs interviennent, dont la compréhension et la facilité de lecture. Les bons lecteurs soutiennent: «Je vais comprendre n’importe quel roman»; «je comprends ce que je lis», alors que les lecteurs débutants disent plutôt: «J’ai de la difficulté à imaginer l’histoire dans ma tête.» GRAPHIQUE 2 Comparaison entre les utilisateurs d’ordinateur experts et intermédiaires par rapport à leur perception de leur habileté en lecture 50 Utilisateurs experts d’ordinateur
Pourcentage
40
Utilisateurs intermédiaires d’ordinateur
30
20
10
0
Excellent lecteur
Bon lecteur
Lecteur intermédiaire
133
Lecteur peu habile
Non-lecteur
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 134
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
L’aisance, la confiance en soi et le plaisir dans la lecture Pour confirmer ces résultats, nous avons adapté une grille de comportements construite par Chapell et Taylor (1997) permettant de mesurer l’aisance, le plaisir et la confiance en soi à la lecture d’un roman. Ce troisième graphique nous confirme la différence entre les deux groupes cibles, les utilisateurs d’ordinateur experts étant beaucoup plus à l’aise devant une tâche de lecture (83,6 %) que les utilisateurs d’ordinateur intermédiaires (63,8 %). Dans une moindre mesure, le plaisir et la confiance en soi sont aussi plus élevés pour les utilisateurs experts (77,2% et 75,8% respectivement) que pour les utilisateurs intermédiaires d’ordinateur (64,4 % et 61,2%). GRAPHIQUE 3 Comparaison des utilisateurs experts et intermédiaires d’ordinateur par rapport à l’aisance, à la confiance en soi et au plaisir lors d’une tâche de lecture 100 Utilisateurs d’ordinateur experts
Utilisateurs d’ordinateur intermédiaires
Pourcentage
80
60
40
20
0 Aisance
Plaisir
Confiance
Certes, notre échantillon est petit pour affirmer hors de tout doute que les jeunes experts en informatique sont aussi des lecteurs habiles qui aiment lire. Cependant, ces résultats confirment ce qu’ont obtenu Langouët et Béraud-Caquelin (2000), à savoir que 51% des forts utilisateurs d’ordinateur sont de gros lecteurs. Reste à savoir si le temps consacré à la lecture chaque semaine est à la hauteur de ce qu’affirment les sujets.
134
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 135
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
Le temps consacré à la lecture et à l’ordinateur Les sujets, tous groupes confondus, passent 33,24 heures par semaine devant un ordinateur, incluant les heures consacrées au téléchargement de fichiers. D’ailleurs, cette dernière activité est révélatrice de l’habileté des élèves à utiliser les ressources de l’ordinateur, puisqu’il est beaucoup plus difficile de télécharger un fichier sur Internet que de jouer à un jeu ou de répondre à ses courriels. L’âge d’apprentissage de cette activité est en conséquence plus élevé (vers 13 ans) que pour les autres pratiques informatiques (vers 11 ans). Les activités préférées des sujets sont la navigation sur Internet (7,31 heures par semaine), le téléchargement (7,24 heures par semaine) et les jeux (6,85 heures par semaine). Cette dernière activité sera détaillée plus en profondeur dans la seconde partie de cet article. Sans le téléchargement, qui est plus souvent qu’autrement une activité passive où la présence de l’utilisateur n’est pas toujours requise devant l’ordinateur, les sujets passent 26 heures par semaine devant leur écran cathodique (3,71 heures par jour). Si l’on compare ces résultats à ceux de Beentjes et al. (2001), obtenus auprès d’une large population de jeunes Européens de 6 à 16 ans, le temps passé devant l’ordinateur est beaucoup plus élevé que les 54 minutes d’utilisation de matériel informatique, incluant les jeux vidéo sur console et les ordinateurs, obtenues dans cette recherche. Cela n’a rien de surprenant, puisque nous avons sélectionné les sujets pour notre enquête en fonction du temps qu’ils consacraient à l’ordinateur chaque semaine. La moyenne d’heures passées à la lecture par semaine est de 10,5 heures pour tous les sujets. C’est beaucoup moins que le temps passé à l’ordinateur, mais ce n’est pas négligeable. Si nous distinguons les résultats en fonction des utilisateurs d’ordinateur experts et intermédiaires, nous obtenons des différences significatives entre les deux groupes, comme l’illustre le quatrième graphique. Les utilisateurs experts passent 14,5 heures par semaine à lire alors que les utilisateurs intermédiaires d’ordinateur ne font que 6,7 heures de lecture par semaine.
135
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 136
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
GRAPHIQUE 4 Comparaison des heures hebdomadaires de lecture des utilisateurs d’ordinateur experts et intermédiaires 15
Heures
12
9
6
3
0 Utilisateurs d’ordinateur experts
Utilisateurs d’ordinateur intermédiaires
Les enseignements de ce volet de l’enquête sur les activités générales à l’ordinateur Que ce soit en ce qui concerne le temps consacré aux activités de lecture ou la perception de leur habileté en lecture, les utilisateurs d’ordinateur experts ne semblent pas délaisser la lecture aux dépens d’un autre médium; au contraire même, puisque les amateurs d’ordinateur semblent être aussi des amateurs de lecture. Rien de surprenant à cela : la pratique informatique est faite de réflexion et d’abstraction autant que la lecture. De plus, il suffit de quelques heures en contact avec Internet pour comprendre à quel point la lecture sur ordinateur est une des clés de la pratique informatique. En effet, quoi de plus omniprésent que le texte écrit dans les sites Internet. Malgré l’importance grandissante des images et des séquences vidéo, le texte est à la base de la majorité des sites. Il faut admettre que la qualité de la langue anglaise ou française n’est pas toujours bonne, mais elle a tendance à s’améliorer avec les années. Il n’en demeure pas moins que la lecture, dans des conditions qui sont loin d’être idéales, est nécessaire à la navigation sur Internet. Non seulement l’utilisateur doit lire ses informations sur un écran, mais il doit aussi être habile dans l’utilisation des hyperliens, qui interrompent fréquemment la lecture. De plus, contrairement aux livres où la lecture se fait de façon linéaire, d’un chapitre à l’autre, les sites Internet 136
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 137
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
offrent souvent une lecture «à la carte» où le retour à la page d’accueil est nécessaire pour s’orienter. Il est indéniable qu’il faut avoir acquis une habileté particulière en lecture pour bénéficier de toute l’information disponible. Cela étant dit, les résultats de cette recherche sont très intéressants. Ils confirment ce qu’avaient obtenu Langouët et Observatoire de l’enfance en France (2000) qui arrivaient à la conclusion que 51 % des forts utilisateurs d’ordinateur sont de gros lecteurs. Cependant, il ne faut pas sauter aux conclusions trop rapidement, car il ne s’agit pas de liens de cause à effet. Ce n’est pas parce qu’un jeune aime jouer à l’ordinateur qu’il devient un bon lecteur. De même, ce n’est pas parce qu’un jeune est un bon lecteur, qu’il est nécessairement intéressé par les ordinateurs. Simplement, les utilisateurs d’ordinateur experts, qui s’intéressent à des jeux complexes qui sollicitent beaucoup les capacités d’abstraction et de réflexion ont très souvent le même intérêt pour des livres de lecture, sollicitant aussi leurs capacités d’abstraction. Loin d’être un facteur nuisant à l’acquisition de culture chez les jeunes joueurs, Internet et les jeux d’ordinateur sont une facette d’une culture qui leur est propre, comme l’est la musique qu’ils écoutent, les films qu’ils visionnent ou les romans qu’ils lisent.
Les jeux d’ordinateur Nous nous centrerons maintenant exclusivement sur les jeux d’ordinateur. Beaucoup de gens ne pensent pas que le jeu d’ordinateur (ou jeu vidéo, la distinction étant uniquement d’ordre matériel) soit lui-même un produit culturel. Comme le cinéma à ses débuts, le jeu est décrié de toutes parts en tant que divertissement de masse, ce qui veut nécessairement dire nivellement par le bas (Genvo, 2002). Pourtant, ce médium intègre entre autres les référents culturels du cinéma, de la littérature et de la musique. Nombre de films s’inspirent de jeux vidéo (Final Fantasy, Tomb raider, Resident Evil, etc.). L’univers glauque de H.P Lovecraft y côtoie celui, fantastique, de J.R.R. Tolkien. Et que dire de la musique des jeux à laquelle participent de nombreux artistes reconnus comme David Bowie et Trent Reznor (artiste principal du groupe de musique NIN). Les utilisateurs sont au courant des liens multiples entre ces divers médias; ils ont lu ces livres, ils ont vu ces films et sont en mesure de porter un jugement sur la qualité de ces multiples adaptations. Ce qui n’empêche pas la prolifération des préjugés de toutes sortes concernant les jeux vidéo et les jeux d’ordinateur. Comme l’explique Fromme (2003), nous nous retrouvons devant un clash of media cultures, un choc des cultures entre deux générations: Parents and educators tend to address the media cultures of children and youth from their own generational perspectives which they represent as an implicit norm in educational – and political – discourses (p. 2).
137
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 138
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Pour porter un jugement plus juste, il faut donc modifier notre point de vue sur le sujet et observer le jeu de l’intérieur. Dans un premier temps, nous nous attarderons à l’apprentissage dans les jeux d’ordinateur, plus spécifiquement dans un domaine particulier : l’économie. Dans un second temps, nous développerons l’acquisition de compétence en lecture par les jeux en réseau, en particulier sur le site Internet Neopets.com, et par les autres types de jeux dont les jeux de rôles et les jeux de simulation. L’apprentissage par un jeu d’ordinateur Contrairement à la télévision qui maintient son utilisateur dans un rôle passif au moyen d’images, le jeu d’ordinateur oblige ses adeptes à l’activité et, effet secondaire non négligeable, à l’apprentissage. Comme l’affirmait déjà Turkle (1986): Il n’y a rien de stupide à dominer un jeu vidéo. Il est nécessaire d’avoir beaucoup de qualités pour arriver à les maîtriser […] on interagit avec un programme, on apprend comment apprendre ce qu’il est capable de faire […]. Et quand on maîtrise un jeu, on peut réfléchir à la façon de généraliser sa stratégie aux autres jeux. On apprend à apprendre (p. 58-59).
Les habiletés acquises par le jeu peuvent non seulement s’appliquer à d’autres jeux, mais aussi se réinvestir dans d’autres domaines intellectuels. Cependant, certains chercheurs sont plus réticents à accorder aux jeux d’ordinateur les bienfaits que Turkle (1986) présente. En effet, Baron (2000) affirme que: Les résultats des études entreprises à ce sujet ne sont guère convergents. De fait, si la pratique du jeu sur ordinateur a des effets sur la personnalité, ces derniers sont difficiles à mesurer, d’autres facteurs intervenant. […] Il est aussi probable que certaines formes d’apprentissage collatéral soient possibles (de nature technique, voire factuelle) (p. 114).
Ces propos, plus que prudents, ne soulèvent que du bout des lèvres les apprentissages que font les utilisateurs de jeux d’ordinateur, les réduisant à des connaissances déclaratives ou procédurales peu exportables hors d’un programme informatique. Le développement de compétences variées: l’exemple de l’économie Pourtant, pour démontrer à quel point un jeu d’ordinateur peut augmenter les compétences latentes d’un individu sur un sujet donné, nous nous intéresserons au jeu économique Mule, présenté sur Comodore 64 dans les années 1980, ainsi que les versions subséquentes de jeux économiques s’inspirant d’un modèle semblable. Ce type de jeu, qu’on pourrait considérer comme un jeu de simulation, tourne autour d’un principe fondamental en économie: l’offre et la demande. Les joueurs doivent produire trois types de ressources (énergie, nourriture et métaux), dépen138
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 139
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
dantes les unes des autres (pour faire de la nourriture il faut de l’énergie, pour faire de l’énergie, il faut des métaux, pour produire des métaux et de l’énergie, il faut de la nourriture). Les surplus accumulés sont ensuite vendus aux enchères aux autres joueurs ou gardés en réserve. Le but du jeu est d’accumuler le plus d’argent possible. Or, si un joueur réussit à créer un monopole, il contrôle le prix de son produit. S’il inonde le marché d’une denrée, il fait chuter les prix et peut ruiner d’autres joueurs. Bref, avec si peu de facteurs, les possibilités sont très grandes et permettent de comprendre en quelques heures le principe de l’offre et de la demande, des monopoles et quasi-monopoles. Non seulement les apprentissages faits dans le jeu permettent d’améliorer les résultats des joueurs, mais ces apprentissages sont facilement transposables dans la réalité. Ce jeu culte des années 1980 a inspiré beaucoup d’autres jeux qui ont intégré la dimension économique, à un degré encore plus complexe, que l’on pense à Merchant Prince, à Capitalism II, à Trade Empires ou à la série de jeux de simulation Tycoon. Il faut ajouter que l’économie n’est qu’un des domaines intellectuels, parmi tant d’autres (histoire, géographie, etc.), qui sont exploités dans l’univers des jeux. La lecture dans les jeux vidéo en réseau Cependant, tous les jeux ne sont pas de niveau équivalent. Si l’on prend pour base l’importance de la lecture, certaines catégories de jeux en sont presque dépourvues alors que d’autres s’en servent abondamment. La difficulté d’une classification apparaît plus clairement alors que les revues spécialisées ne s’entendent pas sur les critères qui déterminent à quelle catégorie appartient un jeu, comme le démontre Genvo (2002). Sans avoir l’intention de créer une nouvelle catégorisation, nous allons nous baser sur les termes les plus couramment utilisés. On peut diviser les jeux en deux grandes catégories, même si certains jeux chevauchent celles-ci: les jeux solitaires et les jeux en réseau. Au départ, tous les jeux étaient solitaires (le joueur contre l’appareil), mais, avec le développement technologique, on voit apparaître un nouveau type de jeu qui permet aux utilisateurs de jouer les uns contre les autres (ou avec les autres), malgré la distance qui les sépare (l’un pouvant être en Australie et l’autre au Mexique). Cette nouvelle façon de faire a changé le visage de l’informatique. Une communauté, qui existait à moindre échelle avant cette poussée technologique, se développe de plus en plus. Celle-ci fonde des guildes sur Internet, des sites d’information, des forums de discussion. Les membres échangent beaucoup entre eux et se donnent des trucs, des conseils et même un code d’éthique. Ce mouvement est plus populaire qu’il n’y paraît. Il suffit de se promener dans un magasin d’informatique, un café Internet ou tout endroit où il y a des ordinateurs en réseau pour constater l’ampleur du phénomène. L’intérêt de ces groupes, outre de rendre obsolète la critique antisociale adressée aux utilisateurs, est de mettre en évidence l’importance que prennent la lecture et 139
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 140
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
l’écriture dans ce type de jeu. Peu importe lequel, Diablo II, Everquest, Ultima Online, il y a toujours une grande importance accordée aux échanges écrits entre personnages et entre joueurs (le personnage étant l’entité virtuelle créée par le joueur). Comme l’affirme Mortensen (2002): The player is no longer a passive amateur consuming texts, reading without writing, but is required to play, and, at some points, is even able to « compose », to create new works or creatively change (hack) the existing ones (p. 4).
Dans Diablo II, non seulement les joueurs peuvent échanger par écrit au moment de la partie des informations et des commentaires, élaborer des stratégies d’attaque, mais ils ont également la possibilité hors jeu d’entrer dans les nombreuses sessions de clavardage pour échanger avec les autres joueurs, se constituer un groupe, vendre des objets ou même des entités virtuelles. Comme les échanges se font en temps réel, mais par écrit, les utilisateurs se créent un code d’écriture propre, un peu à la façon des copistes du Moyen Âge, ce qui rend la lecture de ces extraits bien difficile pour un non-initié. Le cas de Neopets.com Les jeux en réseau, sans doute en raison de leur grande popularité, se sont constitués en monde virtuel complet que le joueur peut prendre souvent des mois à explorer. Certains de ces mondes virtuels complexes s’adressent à de tout jeunes utilisateurs, comme le site Internet Neopets.com. Celui-ci est un phénomène en soi; il atteindra près de 60 millions de comptes enregistrés à la fin de 2003. Il s’agit du quatrième site parmi les plus visités, après Yahoo.com, eBay.com et MSN.com, avec 2 794 184 pages lues. Ce site s’adresse à une jeune clientèle, même si 21 % de ses utilisateurs ont 18 ans et plus. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est la proportion de filles relativement élevée (43%) parmi les utilisateurs du site. Enfin, chaque utilisateur passe en moyenne 4,31 heures par jour sur le site Internet, ce qui est supérieur à n’importe quel autre site, dépassant de loin eBay.com (1 h 28) et Yahoo.com (1 h 26) (info.neopets.com/presskit). Neopets.com s’inspire de l’expérience des Tamagotchi, de petits animaux électroniques qu’il fallait nourrir et amuser. Pour entrer dans l’univers de Neopia, il faut adopter un animal informatique. Celui-ci, et le joueur par la même occasion, a alors la possibilité de se promener dans un monde virtuel, d’acheter des denrées, de construire sa maison, de mettre sur pied sa boutique et d’accomplir des missions. Il peut jouer aux jeux (une centaine) disponibles sur le site. Il peut aussi s’inscrire dans les guildes (plus d’un million) réunissant des joueurs de partout au monde. Mais, ce qu’il y a de plus intéressant dans ce site, c’est l’importance de la lecture. Chaque page est accompagnée de textes qu’il est nécessaire de lire pour comprendre 140
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 141
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
ce qui se passe. Il est impossible d’évoluer dans cet univers sans lire. Mieux encore, la lecture est valorisée par différentes activités, dont un journal de Neopia, qui publie des articles quotidiens sur les événements du monde virtuel, des concours de récits, des concours de descriptions de Neopets qui sont très populaires, etc. Les plus beaux textes sont publiés sur le site et ouverts à la lecture. De plus, les utilisateurs sont invités à faire leur propre page, où la description et la narration sont à l’honneur. Jusqu’à présent, tout se passe en anglais, bien que les auteurs du site aient l’intention de le traduire en sept langues d’ici janvier 2004. Une typologie des jeux d’ordinateur quant à la place de la lecture Au-delà de la distinction entre un jeu solitaire (qui ne permet évidemment pas des échanges de ce type) et un jeu en réseau, d’autres distinctions interviennent dans les jeux qui accordent une place plus ou moins grande à la lecture. Par exemple, les jeux d’action (Doom, Unreal Tournament, Counter Strike) et les jeux sportifs (NHL Hockey) lui en font une bien mince place. Comme le temps est un facteur important dans ce type de jeu, les informations écrites doivent être brèves, pour ne pas nuire au déroulement de la partie. Cependant, d’autres types de jeux font une plus grande place à la lecture, particulièrement les jeux de simulation et de stratégies et les jeux de rôle. On comprendra cependant que chaque jeu est particulier et que la place de l’écrit est plus ou moins importante selon le concept qui a été développé, mais il existe des tendances très nettes selon le type de jeu, et c’est ce dont il sera question ici. Les jeux de simulation consistent à imiter la réalité dans une partie virtuelle. Par exemple, certains jeux de simulation de vol sont utilisés dans les écoles d’aviation pour permettre aux jeunes pilotes de s’habituer à des conditions extrêmes, sans danger (Genvo, 2002). D’autres jeux de simulation tendent à imiter la vie réelle en permettant au joueur d’être maire d’une ville (Sim City), de gérer une compagnie internationale (Railroad Tycoon) ou encore de recréer la vie à l’échelle d’une planète (Sim Earth). Ces jeux se concrétisent surtout dans la gestion de multiples facteurs s’influençant les uns les autres, un peu à la façon du jeu économique Mule. Par ailleurs, la part économique (gestion d’un budget) est inévitable dans ce genre de jeu. Ces jeux attirent particulièrement les joueurs, car ils permettent, à petite échelle, de jouer à Dieu, ce qui soulève d’ailleurs bien des questions, considérant que la ligne entre la réalité et l’imagination tend à se réduire de plus en plus (que l’on pense à Babyz, un bébé virtuel ou à The Sims, simulation de la vie quotidienne). Il existe une sous-catégorie particulière de simulation, qui, considérant la quantité de jeux disponibles, est devenue une catégorie à part entière: les jeux de stratégie, dont les échecs sont l’ancêtre le plus célèbre. Ces jeux imitent une partie bien précise de la réalité: la guerre et la conquête (Civilisation, Warcraft, Heroes of Might and Magic). Ces jeux de simulation accordent une grande part à la lecture, d’abord en raison du manuel d’instructions, toujours imposant, qui explique la façon de jouer et qui 141
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 142
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
met en lumière certaines combinaisons de facteurs qui peuvent s’influencer, laissant au joueur le plaisir (ou le déplaisir) d’en découvrir d’autres. De plus, ces jeux fonctionnent souvent avec un mode « tuteur », qui interrompt régulièrement la partie pour donner des renseignements sur les règles du jeu ou des conseils (Civilisation Test of Time, Heroes of Might and Magic). Une fois ces renseignements connus, ils demeurent toujours disponibles pour le joueur, sous des formes variées (encyclopédie, rubrique d’aide), car la quantité de renseignements à retenir est parfois tellement impressionnante que ces rubriques sont absolument nécessaires et jouent le rôle d’une mémoire. La deuxième catégorie qui nous intéresse est le jeu de rôle ou RPG (role playing game). L’origine de ce type de jeu revient à Gary Gigax, le créateur de Donjons et Dragons en 1967. Depuis cette époque, le jeu de rôle s’est diversifié et a gagné en popularité. Au départ, il s’agissait d’un jeu qui se jouait autour d’une table, avec des amis. Rapidement, avec le développement des ordinateurs, les concepteurs de jeux informatiques l’ont adapté à l’écran. Il s’agit d’entrer dans la peau d’un personnage et de le faire évoluer dans un monde bien souvent fantastique ou futuriste. Les personnages ont une quête principale à accomplir, ainsi qu’une série de quêtes mineures les menant vers l’objectif ultime. Dans les premières années d’existence du jeu, la narration était toujours à sens unique : il n’y avait qu’un but possible, qu’une fin envisageable et les actions du joueur étaient dirigées vers ce but. Mais, avec le développement des technologies et des budgets entourant les jeux d’ordinateur, les quêtes se multiplient, les fins sont différentes en fonction des actions des personnages, bref le joueur influence directement l’histoire. De lecteur au sens large, il devient pratiquement auteur. Ce type de jeu fait une grande place à la lecture. Les commandes des premiers jeux de rôle (Larry Suit, Bard’s Tales) devaient se faire à l’écrit, car la souris n’existait pas encore. Plus les jeux ont évolué, plus l’interface est devenue conviviale et a intégré des séquences DVD (Digital Versatile Disc). Trois facteurs importants, outre les limites informatiques, mettent un frein à l’utilisation des images au détriment du texte: le temps, la mémoire et l’interaction. En effet, le joueur manque de patience. Il faut que le concepteur garde son attention sur le jeu. Or, les séquences vidéo, particulièrement lorsqu’elles contiennent des dialogues, sont considérées comme beaucoup trop longues pour le joueur. Un dialogue lu plutôt qu’entendu va beaucoup plus vite, car bien souvent le texte défile à la vitesse convenant au lecteurjoueur. Le cas de Final Fantasy VII ou de Zelda est typique. La mémoire est aussi un facteur clé pour justifier la présence de textes dans un jeu de rôle, car elle est une faculté limitée qui ne peut retenir tous les éléments d’une quête. Cela est encore plus vrai si le jeu est très long et très complexe, ce qui est souvent le cas. Il existe donc des moyens de consigner par écrit l’information vitale dont le joueur a besoin, comme un journal de bord automatique. Enfin, l’interaction entre le joueur et 142
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 143
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
l’appareil demande parfois l’utilisation de l’écrit. Les jeux Indiana Jones et Monkey Island l’utilisent abondamment. En effet, à plusieurs reprises, le joueur participe à une conversation qui va déterminer la suite de la partie. Celui-ci doit choisir, parmi des lignes de réponses, celle qui lui semble la plus appropriée. Le « dialogue » se poursuit ainsi jusqu’à sa conclusion et le jeu reprend dans une direction différente selon les réponses fournies par le joueur. La fin du jeu est alors influencée par ces réponses. Par exemple, Indiana Jones accomplira sa quête (oui ou non), gagnera le cœur de la fille (oui ou non), réussira à garder l’artéfact (oui ou non), etc. Il ne faut pas omettre de dire que, de tous les types de jeux qui existent, le jeu de rôle est celui qui est le plus inspiré d’une littérature abondante, dont Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien est le roman le plus connu. Quelques remarques d’ensemble sur les jeux vidéo Actuellement, la place de la lecture dans toutes les activités informatiques est assez grande. La navigation dans Internet suppose nécessairement de la lecture dans un grand nombre de sites. De même, la plupart des jeux sur ordinateur sont encore très dépendants de l’écrit. Cependant, on peut penser que la part de l’écrit se réduira de plus en plus dans les jeux vidéo, dans un proche avenir. En effet, les concepteurs veulent rendre leurs jeux plus faciles d’accès et tentent donc de minimiser la part de la lecture, en favorisant une interface simple et efficace et des séquences audio et DVD. Cependant, non seulement la technologie, la force des ordinateurs et surtout les connexions Internet ne sont pas encore assez puissantes pour que l’image remplace totalement l’écrit, mais, plus important encore, l’écrit joue un rôle fondamental dans certains types de jeux, car il est difficile de se rappeler de toutes les informations nécessaires à la réussite. De plus, l’écrit permet d’établir un dialogue avec le joueur et peut faire gagner beaucoup de temps.
Remarques conclusives sur l’utilisation d’Internet et de l’ordinateur en général On le voit, l’ordinateur et les activités qui sont pratiquées à l’écran gagneraient à être connus de la part des parents et des intervenants qui s’inquiètent de l’importance de ce médium dans la vie des enfants dont ils ont la charge. Il s’agit d’un divertissement beaucoup plus enrichissant que ne le laissent croire les commentaires de certains chercheurs comme Baron (2000). De plus, l’utilisation de l’ordinateur ne remplace pas des activités jugées plus pédagogiquement rentables par les parents, comme la lecture, mais s’ajoute au contraire au développement de la culture chez les jeunes utilisateurs. Bon nombre d’entre eux, se considérant experts, pensent aussi qu’ils sont de bons lecteurs (71,43%) et passent d’ailleurs beaucoup de temps à lire chaque semaine (14,5 heures). Les deux activités les plus populaires sur Internet, la
143
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 144
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
navigation et les jeux (en excluant le téléchargement qui n’est pas à proprement parler une activité réelle), impliquent chacune beaucoup de lecture. La plupart des sites Internet sont constitués en grande partie de textes et plusieurs catégories de jeux, parmi les plus populaires, dépendent de la lecture et bien souvent de l’écrit. Qui plus est, nombre de domaines intellectuels sont exploités dans ces jeux, permettant ainsi des apprentissages importants, en économie, en géographie, en histoire, etc. Et cette tendance ne semble pas vouloir se modifier dans un avenir rapproché. De plus, il ne faudrait pas perdre de vue la jeune génération qui est née avec un ordinateur à la maison. L’âge d’apprentissage de cet outil sera de plus en plus réduit. Ils ont 5 ans et leur aisance à utiliser un ordinateur est surprenante. Bien que les activités culturelles aient tendance à se multiplier plutôt qu’à se remplacer, quelles seront les conséquences de l’omniprésence de l’ordinateur sur les pratiques culturelles de ces jeunes enfants? Est-ce que la pratique précoce de jeux d’ordinateur éducatifs (Adibou, Mango Plumo, etc.) où la place de l’écrit est primordiale créera chez les enfants un intérêt marqué pour la lecture ? Le passage des jeux éducatifs aux jeux ludiques, où la place de la lecture est moindre, se fera-t-il trop tôt pour avoir des conséquences positives sur les jeunes joueurs ? Beaucoup de questions sont sans réponse, mais la lecture n’est pas appelée à disparaître, ni dans la vie de tous les jours, ni en informatique, ni dans les jeux informatiques; elle va simplement s’adapter à ce médium changeant qu’est l’ordinateur. L’émergence et le développement ultrarapide d’Internet nous entraînent à réfléchir sur les relations de la technologie et de l’apprentissage. Accès à l’information ne signifie pas automatiquement communication, acquisition de connaissances ou développement de l’esprit critique face à ces connaissances. Plus encore, Internet questionne l’apprenant et son enseignant sur la nature du savoir: celui-ci est-il un préconstruit transmissible tel quel ou une construction personnelle émanant de sources diverses. Internet est plus qu’un simple outil: c’est un médium relationnel personnel. Il ne faut pas que les enseignants oublient cet aspect et créent, en collaboration si possible, leurs propres outils didactiques pour l’utilisation d’Internet dans leurs classes. Non seulement dynamiseront-ils ainsi leur pédagogie, mais ils contribueront à donner à Internet une cohérence systémique qui lui manque, à l’heure actuelle. Nous croyons qu’il appartient aux parents et aux éducateurs de baliser l’usage de l’ordinateur. Les dangers d’une utilisation tous azimuts d’Internet à l’école sont grands. À trop laisser de liberté à l’élève, celui-ci a l’impression que les savoirs sont toujours fragmentaires et isolés, sans fil directeur. L’écran favorise le passage d’une page à l’autre, sans continuité: c’est le règne du fragment et de la profusion factice. Recueillir et accumuler de l’information, ce n’est pas comprendre. De plus, le rapport
144
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 145
Chapitre 6 – La lecture à l’écran
à la langue n’est pas toujours adéquat, certains sites la malmenant. Le livre, pour sa part, se lit dans la continuité, dans la concentration, et contribue au développement d’une pensée structurante, tout en facilitant l’accès à une langue de qualité. Plus l’enfant est jeune, plus il faut recourir avec lui aux meilleurs textes de la littérature de jeunesse afin qu’il se sensibilise tôt à toute la force d’évocation du langage et qu’il construise, de façon structurée, son outil de communication langagière, tout en réfléchissant, à sa mesure, sur la vie. Les jeux éducatifs à l’ordinateur viendront ensuite, en complément, et n’en seront que plus appréciés.
145
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 146
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 147
CHAPITRE 7
Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques Monique Lebrun
L
e terme de « bibliothèque » que nous utiliserons dans ce chapitre couvre une réalité multiforme : médiathèque, centre multimédia, centre documentaire, centre de documentation et d’information, centre de ressources documentaires sont également englobés dans ce terme. Nous analyserons dans un premier temps les caractéristiques générales des bibliothèques publiques (appelées également « municipales » et des bibliothèques scolaires. Une description de quelques enquêtes importantes sur l’utilisation de la bibliothèque chez les jeunes suivra. Nous présenterons, dans un troisième temps, les résultats de notre propre enquête.
Les bibliothèques publiques Les bibliothèques publiques sont fréquentées tant par les adultes que par les jeunes. Ces derniers y retrouvent une section qui leur est destinée et qu’ils fréquentent généralement jusqu’à 12 ans, âge auquel ils optent pour la section des adultes. Après avoir rappelé ce que doit être pour l’Unesco la bibliothèque publique, nous ferons état des pratiques familiales de lecture, des types d’usagers et de livres lus, des liens de l’emprunt en bibliothèque avec le succès scolaire et enfin du rôle des bibliothécaires.
La position de l’Unesco Sur le site de l’Unesco, on trouve un manifeste datant de 2000 sur les bibliothèques publiques et leur pendant, les bibliothèques scolaires (voir plus loin dans ce texte). Selon l’organisme, les autorités locales et nationales doivent encourager ce type d’établissement, lui apporter le soutien financier et logistique nécessaire et en garantir l’accès sans discrimination relative au sexe, à l’âge, à la race ou à la religion. Les collections proposées doivent être exemptes de censures idéologiques et de pressions commerciales. Selon Savard (2002), les bibliothèques constituent «un service culturel de base» et une « porte d’entrée à la culture ». Il révèle que, sur l’île de Montréal, les bibliothèques publiques consentant le plus grand nombre de prêts par habitant sont 147
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 148
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
également celles qui ont le plus de bibliothécaires professionnels et de livres par habitant. Il est important de privilégier l’embauche de personnel compétent : le choix des livres et le catalogage en dépendent, de même que la mise en valeur du fonds. Or, Savard (2003) fait remarquer que, de 1994 à 2000, si le nombre de livres dans les bibliothèques a augmenté de 22% en chiffres absolus, par contre, le nombre de bibliothécaires n’a augmenté que de 3,8 %. Actuellement, le Québec se classe parmi les dernières provinces canadiennes tant pour le financement que pour le nombre de livres et de prêts par habitant, de même que pour le nombre de bibliothécaires.
L’identité personnelle et familiale Pour la France, Poissenot (1997) note des défaillances institutionnelles en ce qui a trait à l’adolescence. En effet, certains jeunes, surtout les bons lecteurs, voudraient sauter directement de la bibliothèque des jeunes (livres d’enfants) à la bibliothèque pour adultes. En France, c’est l’âge où les élèves vont dans les CDI (centres de documentation) où ils sont avec des jeunes de leur âge, sans adultes, contrairement à la bibliothèque publique, qui est perçue comme un espace familial. Il évoque également la dichotomie entre inscrits et non-inscrits, qui n’existe pas au Québec. Entre 10 et 15 ans, les jeunes construisent leur identité personnelle en affirmant leur maturité et leur appartenance à un groupe socio-sexué. Il y a une forte incidence du niveau de diplomation des parents sur la fréquentation des équipements culturels et sur la trajectoire scolaire des enfants. L’auteur a étudié les inscriptions parallèles en bibliothèque des parents et des enfants : les parents membres ont plus souvent des enfants membres que les parents non membres. Par ailleurs, les plus grands lecteurs sont des inscrits. On voit ici que la bibliothèque n’a pas pour fonction principale de faire du rattrapage auprès d’enfants en difficulté de lecture.
L’intensité de la pratique en relation avec les types de livres lus en bibliothèque publique Le prêt de livres constitue l’objet premier ou secondaire de fréquentation de la bibliothèque pour neuf jeunes sur dix. L’abandon de la bibliothèque est facilité par des goûts particuliers: revues préférées non disponibles ou en nombre trop restreint, moindre appréciation de l’ambiance. Les lecteurs de BD et de livres-jeux n’ont pas de propension à la fréquentation de la bibliothèque. La bibliothèque n’est pas perçue par les jeunes comme un lieu privilégié d’accès aux documentaires. Toutefois, la lecture de romans et de contes se retrouve chez les lecteurs les plus actifs, selon Poissenot (1997). On remarque aussi que les jeunes qui ont lu beaucoup de classiques scolaires sont ceux qui fréquentent le plus les bibliothèques. Il y aurait donc là des jeunes ayant acquis ou en voie d’acquérir une compétence littéraire, c’est-à-dire une capacité à percevoir les ouvrages selon les catégories en vigueur dans 148
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 149
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
le champ littéraire (ex. : identification de l’auteur, du titre, de la collection, de l’éditeur, au lieu de parler de la couleur, du format, de la reliure…). C’est à l’école que les jeunes acquièrent cette catégorisation. On sait que la bibliothèque adopte elle aussi ce mode de classement. Poissenot (1997) distingue quatre profils d’usagers des bibliothèques en France: • Les rebelles (24%): issus de milieux populaires, ils n’ont pas bénéficié d’accompagnement familial à la bibliothèque, ils sont éloignés des valeurs de l’école et de la bibliothèque. • Les scientifiques (18 %) : issus de milieux populaires, ils ont bénéficié d’un accompagnement familial; ils aiment l’école et les sciences et trouvent insuffisante l’offre et préfèrent aller au CDI. • Les sous-tutelle (18 %) : à 71 %, ce sont des garçons ; ils sont sportifs et ne restent à la bibliothèque que sous la contrainte des parents; ils ont des préférences pour les BD et les sorties entre amis. • Les littéraires (40 %) : issus de milieux socioculturels privilégiés qui leur ont donné le goût de la lecture. On y dénote deux sous-groupes : les distants, réservés envers la bibliothèque, et les enthousiastes, surtout des filles. Au Québec, Séguin (1992) s’est penché sur le cas des faibles usagers. D’après lui, la bibliothèque publique doit leur offrir des services adaptés, car la tendance à la non-lecture trouve souvent son ancrage dans des conditions socioéconomiques difficiles. Il rappelle que, selon Statistique Canada (1990), 6% des Québécois âgés de 16 à 69 ans sont à peu près incapables de lire et que 13% peuvent à peine décoder quelques mots simples. La Bibliothèque publique de Montréal offre des services adaptés aux clientèles à risque dans certains quartiers populaires de la ville. On a acheté des livres pour cette clientèle et le bibliothécaire effectue un certain encadrement. Cependant, ce sont les clientèles les plus scolarisées qui profitent le plus de la bibliothèque publique. Depuis quelques années, on parle du concept de «sociabilités de lecture» sous l’influence des sociologues, qui veulent rompre avec l’emprise du modèle de la lecture solitaire. Les sociabilités donnent du sens à la lecture. Les inscrits discutent plus souvent de livres avec leurs amis, leurs parents (les études de Burgos et al. (1996) et de Chartier et al. (1993) pointent cette tendance) et parfois même avec les bibliothécaires. Ce qui était acte privé devient acte public, d’autant plus que les livres empruntés ont été lus par d’autres.
La lecture, le niveau scolaire et le développement de bonnes habitudes On peut voir que les bons élèves fréquentent davantage la bibliothèque publique que les autres (Poissenot, 1997). Deux bons indicateurs: la force en français et en 149
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 150
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
mathématiques. Le meilleur profil est celui-ci: un élève qui n’a pas eu de difficultés d’apprentissage à l’école primaire, qui lit intensément, avec une préférence pour les romans et les contes, qui épouse le modèle valorisé par l’école, qui goûte les livres étudiés en classe, qui aime beaucoup l’école. Pour les jeunes au bas de la hiérarchie sociale, le bon rapport à l’école compte encore plus. Les élèves jugés mauvais en français ne vont pas à la bibliothèque publique parce qu’ils perçoivent intuitivement sa connivence avec l’école. Une autre difficulté surgit pour les garçons non lecteurs: la sur-représentation du personnel féminin des bibliothèques. Par ailleurs, la bibliothèque et les sports ont des relations antagonistes. L’amour du sport, qui est souvent masculin, va de pair avec le retrait de la bibliothèque. «La fragilité du public sportif tient moins à son origine socioculturelle qu’à son désir d’affirmer son identité sexuelle » (Poissenot, 1997, p. 108). La télévision ne concurrence la bibliothèque que pour un public limité. Plus un jeune regarde la télévision longtemps, moins il s’inscrit ou se réinscrit à la bibliothèque. En réalité, ce qui joue plus, c’est la distance des parents à l’égard d’une certaine forme de culture valorisée par la bibliothèque. Ces parents ont peu de livres pour enfants et fréquentent peu ou ne fréquentent pas du tout la bibliothèque. Hill et Pain (1988) ont mené une enquête auprès des 13 à 16 ans sur le lien entre la fréquentation de la bibliothèque publique et le développement d’habitudes de lecture, en Grande-Bretagne. Selon elles, 63,51 % des 245 jeunes utilisaient la bibliothèque publique, dont un peu plus de jeunes filles que de jeunes garçons. C’est à 14 ans que la proportion est la plus forte; elle tend ensuite à décliner. C’est dans les grandes villes que l’utilisation des bibliothèques est la plus forte (35,8 % des sujets y vont au moins une fois par semaine comparativement à 25,7% des jeunes dans les petits villages). Ce fait peut s’expliquer par une moindre distance entre la bibliothèque et le domicile, entre autres. Les jeunes des petits villages sont plus nombreux, en proportion, à emprunter des disques, alors que, dans les grandes villes, ils sont plus nombreux à y faire leurs devoirs. Les différences s’amoindrissent entre les milieux géographiques quand il s’agit d’y rencontrer des amis ou d’y trouver de l’information. C’est à 15 ans que les jeunes y font le plus leurs devoirs. Chez les jeunes qui ont participé aux sondages, la fréquentation de la bibliothèque publique est en moyenne trois fois plus forte que celle de la bibliothèque scolaire. Les livres les plus souvent empruntés touchent la fiction pour adolescents. En général, les deux tiers des sujets trouvent leur bibliothèque chaleureuse et invitante.
Le rôle des bibliothécaires et les types de lectures Les bibliothécaires veulent se démarquer des enseignants. La frontière entre ces deux professionnels est cependant poreuse en ce qui concerne certaines responsabilités et certains points de vue : l’enthousiasme pour la pratique, la priorité accordée à la lecture par rapport à celle qui est accordée à la télévision, le rejet de la sous-littérature, 150
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 151
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
l’attachement à la notion d’auteur. Par ailleurs, les bibliothécaires (cf. Seibel 1988) sont imprégnés des critères scolaires d’excellence et des valeurs scolaires. En France comme au Québec, les bibliothécaires se font les propagandistes de la littérature de jeunesse (et plus rarement des classiques scolaires). Les bibliothèques contribuent à propager l’idée que la lecture doit s’accompagner d’une forme d’enchantement, d’enthousiasme. Toute lecture qui ne suscite pas ces réactions est défavorisée. C’est le cas de la lecture technique (de type mode d’emploi) et de la lecture documentaire. Le public qui se réinscrit souscrit au modèle dominant: il a des comportements socialement désirables et acceptables. Cependant, de faibles lecteurs s’inscrivent sous la pression parentale. La lecture de plaisir suppose une relation directe (sans intermédiaire) et désintéressée avec le livre. «Celui-ci doit être apprécié pour lui-même, indépendamment de sa valeur sur le marché scolaire ou des biens symboliques» (Poissenot, 1997, p. 208). Or, si l’école impose (mariage forcé), la bibliothèque propose (mariage arrangé). On ne peut opposer lecture instructive et lecture, selon Marcouin (1994) : il faut plutôt opposer lecture documentaire et lecture littéraire. C’est l’acte de lecture qui construit l’objet littéraire. On peut procéder à différents types de lecture d’un même texte. On peut parler de rôles d’intervention pédagogique des enseignants et des bibliothécaires face à l’acte de lecture. Quand on souhaite, à l’école, que l’enfant lise tel texte, même si ce n’est pas un classique, celui-ci devient dans les faits un classique. Marcoin (1994) est contre le discours des bibliothécaires, disant que la lecture obligatoire de l’école ne serait pas une lecture de plaisir. On peut soutenir que le traitement scolaire de la littérature fait écran à des pratiques libres et agréables de lecture, mais, si la littérature disparaissait des épreuves, c’est toute la littérature qui disparaîtrait du champ éducatif. La littérature est objet de mémoire : on ne peut disposer que des nouveautés dans un fonds de bibliothèque. À l’école, l’élève lit surtout des textes littéraires en classe de français. On l’envoie faire des recherches sur les textes documentaires à la bibliothèque. Par contre, pouvoir chercher suppose déjà une certaine forme de savoir. Parfois aussi, il y a un détournement documentaire des textes littéraires (ex.: étudier la bourgeoisie du XIXe siècle à travers tel roman). Inversement, on se méfie d’une littérature de jeunesse didactique. En littérature, la question de la fiction (mélange de réel et d’imaginaire) est aussi fondamentale que celle du style ou de la forme. En classe, on déconstruit les textes littéraires, ce qui va à l’encontre du plaisir immédiat d’une lecture naïve. Actuellement, la littérature de jeunesse se complexifie en recourant à nombre de procédés dans le texte ou l’image: utilisation du non-dit, contradiction apparente entre le texte et l’image, procédé du monologue intérieur, etc. Bibliothécaires et enseignants doivent viser les procédures de connaissance, de compréhension. C’est 151
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 152
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
de la lecture intensive (rôle de l’école) et extensive. Nous reprenons ici la différence que fait Chartier (1995) entre lecture intensive et lecture extensive. La lecture intensive est le propre de l’école, où le corpus est limité et soumis à certaines traditions. La lecture extensive, pour sa part, s’apparente à la lecture de plaisir en ce qu’elle suppose un corpus large, varié, que l’on dévore en faisant fi de l’autorité.
Les bibliothèques scolaires Plusieurs des éléments évoqués à propos de la bibliothèque publique se retrouvent dans la bibliothèque scolaire, dont les relations entre la lecture et le rendement scolaire et le rôle des bibliothécaires. Nous avons cependant éprouvé le besoin de préciser, dans un premier temps, la nécessité des bibliothèques scolaires, pour décrire ensuite la situation québécoise et rappeler l’importance d’une bonne bibliothèque scolaire, le rôle des bibliothécaires, particulièrement auprès des élèves à risque, la nécessité d’un plan d’action pour les bibliothèques scolaires et, enfin, les développements récents de l’informatique et en quoi ils touchent ce type de bibliothèque.
Le rôle de la bibliothèque scolaire Nous n’avons plus à démontrer, de nos jours, l’influence que peut avoir la qualité d’une bibliothèque scolaire sur le développement des habiletés en lecture et en écriture des jeunes (Short, 1984 ; Trudel, 1995). Pour que la bibliothèque joue pleinement son rôle de soutien pédagogique, elle doit disposer de ressources matérielles et humaines adéquates. Comme le rappelle Bernhard (1994), plusieurs réformes récentes de systèmes éducatifs, tant aux États-Unis qu’en Europe, se sont appuyées sur l’importance accrue d’un recours aux ressources documentaires des bibliothèques scolaires. Certains pays du tiers-monde ont même bénéficié du soutien de la Banque mondiale et de grandes fondations privées pour ce faire. L’Unesco a publié électroniquement en 2000 un manifeste sur la bibliothèque scolaire. On y trouve plusieurs énoncés de principes, par exemple, la nécessité d’offrir ce service de bibliothèque scolaire à tous sans distinctions de sexe, de race ou de religion, la nécessité d’une collaboration entre les bibliothécaires et les enseignants, la nécessité également d’un financement régulier et suffisant. À l’heure de l’informatique, la nouvelle bibliothèque scolaire doit être connectée en réseau.
Une longue tradition de négligence Au Québec, on s’interroge sur les bibliothèques scolaires depuis plus d’un demisiècle au moins. Déjà, vers 1946, Toupin, dans un opuscule qui fait figure d’œuvre novatrice, mentionne le rôle éducatif, le rôle social et même le rôle moral (époque oblige) de la bibliothèque: «Le spectacle de la beauté morale, le récit des actes nobles et désintéressés des saints et des héros provoquent l’enthousiasme et entraînent la 152
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 153
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
volonté du lecteur. Aussi, la lecture et, par suite, la bibliothèque constituent-elles un instrument de formation morale de première importance » (Toupin, 1946c, p. 19). Toupin conseille au bibliothécaire de se cultiver et de faire de la bibliothèque un lieu accueillant. Elle propose d’initier les élèves au fonctionnement de la bibliothèque, notamment à la classification Dewey, et conseille la collaboration avec l’enseignant. Elle s’attarde peu au délicat problème du choix des livres, car il est quasi réglé, à l’époque, par les ouvrages des clercs spécialisés, tant québécois (Farley) que français (Sagehomme, entre autres). La revue L’Instruction publique de septembre 1961, sous la plume de Brière, du Bureau des bibliothèques scolaires de la Commission des écoles catholiques de Montréal, se penche sur le choix des livres pour les jeunes. L’auteur veut surtout des livres de référence: dictionnaires, atlas, encyclopédies, ouvrages de vulgarisation. Il ne se cache pas d’accorder plus d’importance aux livres documentaires qu’à ceux «qui divertissent». Les livres de fiction seront choisis dans l’ordre suivant: les contes et légendes, les romans historiques, les romans d’aventures. Il souligne l’éclosion de la littérature canadienne pour la jeunesse. Même son de cloche chez Bélisle (1962) dans un numéro subséquent de la même revue. Elle fait remarquer qu’une bibliothèque scolaire digne de ce nom devrait comporter au moins 10 ouvrages par enfant et suggère l’élagage des «rossignols», ces livres de valeur médiocre. La bibliothèque scolaire est en danger au Québec depuis une trentaine d’années. On ne lui a pas accordé, durant longtemps, les crédits budgétaires suffisants. En 1987, le ministère de l’Éducation du Québec publiait un document d’orientation et d’organisation intitulé Les Ressources documentaires. Aspects pédagogiques et aspects organisationnels. On y recommandait de placer l’élève au centre des préoccupations de l’organisation documentaire, et on y proposait « un virage important dans le développement des services de la bibliothèque scolaire » (Léveillé, 1991a, 17). Ce document d’orientation était inspiré par les programmes éducatifs de l’époque. Dans les années qui suivent, le Conseil supérieur de l’éducation et le Conseil de la langue française, ainsi que plusieurs autres organismes, font aussi leurs recommandations pour améliorer les bibliothèques scolaires. Le rapport Bouchard (MEQ, 1989) rappelle que le rôle premier de la bibliothèque est de collaborer avec l’enseignement dans l’application des programmes d’études. Cependant, l’argent manque pour faire toutes les modifications qui s’imposent : informatisation des services, amélioration du fonds documentaire, réalisation d’activités d’animation, perfectionnement du personnel, conclusion d’ententes avec les municipalités, etc. Malgré cela, «la réalité de la bibliothèque s’est passablement modifiée […]; le dossier de la bibliothèque et des ressources documentaires est de plus en plus vivant et […] il doit occuper toute la place qui lui revient dans la démarche d’apprentissage des élèves et dans la démarche pédagogique des enseignantes et des enseignants » (Léveillé, 1991a, 18). 153
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 154
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Des données statistiques récentes Trois documents récents (1998) du ministère de la Culture et des Communications (MCCQ), soit les deux tomes de l’ouvrage Le Temps de lire, un art de vivre, de même que le rapport statistique Enquête auprès des bibliothèques scolaires du Québec, font quand même ressortir quelques données. Ainsi, 92 % des écoles québécoises disposent d’une bibliothèque scolaire, même si celle-ci est souvent, au primaire, un local polyvalent. En moyenne, ces bibliothèques offrent 12,5 livres par élève au primaire et 14 au secondaire. Alors que le personnel des bibliothèques scolaires du secondaire est spécialisé, celui du primaire est constitué de bénévoles. Le budget d’achat est minime: en moyenne 5,29$ par élève annuellement, soit moins que le prix d’un seul ouvrage de littérature de jeunesse en édition québécoise, selon les statistiques du MCCQ (1998b). Les divers rapports de ce ministère reconnaissent à la bibliothèque scolaire deux types de missions: l’information portant sur le système de classification et sur le repérage de la documentation, d’une part, et l’animation proprement dite (ateliers de lecture, rencontres d’auteurs, promotion de la lecture), d’autre part. Dans l’enquête menée auprès des bibliothèques scolaires, les auteurs déplorent que le premier type d’activité dépasse toutefois largement le second. Comme il est écrit dans le rapport Le Temps de lire, un art de vivre (1998a, 20): «Dans le contexte d’un projet éducatif qui met l’accent sur la maîtrise de la langue écrite et dans lequel la lecture occupe une place de choix, la bibliothèque est un lieu essentiel au sein de l’école pour assurer la qualité des services éducatifs.» Le même rapport note que le nombre moyen de livres dans les bibliothèques des écoles secondaires est passé de 15,1 par élève en 1988 à 14,0 en 1997 et que la somme consentie annuellement à l’achat de livres n’a pas changé en dix ans, soit 5,29$ par élève en 1997 comparativement à 5,27$ en 1988. Malgré la nouvelle Politique sur le livre et la lecture du ministère de la Culture et des Communications et des injections de fonds depuis 1998 (voir MCC, 1998 a et b) afin d’accroître les collections de livres dans les écoles, le réseau québécois des bibliothèques scolaires bat de l’aile et les trois quarts d’entre elles sont désuètes et sous-équipées. C’est au point où le ministère de l’Éducation a décidé, en février 2003, sous le régime péquiste, d’injecter dans le réseau 100 millions répartis sur cinq ans, sous forme de budget «dédié» (ou consacré à l’achat de livres). Le problème de formation et d’embauche des bibliothécaires a été pointé du doigt, de même que l’aménagement des locaux. La somme avancée peut paraître minime si l’on songe que l’on a promis 61 millions sur deux ans pour la modernisation des ordinateurs dans les écoles. Cependant, le nouveau gouvernement libéral (depuis avril 2003) a remis en cause la politique péquiste en novembre 2003 (Chouinard, 2003), en décidant plutôt d’inciter les bibliothèques scolaires à des partenariats avec les bibliothèques publiques. Actuellement, la Coalition en faveur des bibliothèques scolaires, qui regroupe une douzaine d’associations du milieu du livre, proteste contre la décision 154
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 155
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
de l’État québécois. Reprenant à son compte les études du MEQ (2001) sur l’état des bibliothèques scolaires, de même que celle de Haycock (2003), la coalition entend recourir à tous les moyens pour obtenir des bibliothèques de l’an 2000 au lieu des bibliothèques du tiers-monde.
L’importance d’une bonne bibliothèque scolaire La bibliothèque d’établissement retient davantage l’attention que le coin de lecture en classe, mais le langage est légèrement différent, puisqu’il faut alors composer avec les impératifs institutionnels. Vézina (1981) traite de l’importance d’une bonne bibliothèque scolaire, même au primaire : cela est précieux pour l’intégration des matières qu’on y enseigne. Même son de cloche chez Hopper (1982) qui y voit une façon de revitaliser les leçons de lecture avec les plus jeunes. Boily et al. (1977) déplorent que la lecture de loisir ne soit pas suffisamment valorisée par les commissions scolaires et maintiennent que les enseignants ont la responsabilité d’animer la bibliothèque pour la rendre attirante. Dans un article mi-humoristique, mi-alarmiste, Léveillé (1988) énumère les mauvais usages de la bibliothèque scolaire. Signalons, entre autres, la bibliothèque «chapeau d’âne», où l’on punit les récalcitrants, la bibliothèque «salle d’étude», où l’on fait ses devoirs en silence, la bibliothèque «suppléante» qui prend la relève du maître absent, la bibliothèque « dépôt de livre » où règne le désordre dû à une mauvaise classification, la bibliothèque «va-et-vient» réduite à un comptoir de prêt. Léveillé déplore que les enseignants n’amènent pas assez les élèves à la bibliothèque, sous prétexte d’un manque de temps et de programmes contraignants. Il regrette également que les valeurs pédagogiques fassent en sorte que l’on favorise à l’école les sorties de toutes sortes au détriment d’un projet de bibliothèque. Le rôle et les services de la bibliothèque sont banalisés et son personnel est isolé des activités de la vie scolaire. Il faut mettre sur pied un partenariat avec les travailleurs de la scène documentaire pour analyser la situation actuelle et proposer des démarches concrètes de collaboration. Gervais (1989a et b) présente aux parents bénévoles, aux enseignants et aux non-bibliothécaires des suggestions d’aménagement de bibliothèques pour le primaire afin d’en faire un lieu stimulant. Elle conseille de viser un aménagement qui incite à la détente, qui éveille la curiosité, qui tienne compte tant des aspects cognitifs que des aspects affectifs de l’enfant dans la diversité des ouvrages présentés et, enfin, une animation conjointe de l’enseignant et du bibliothécaire. En 1991, Vie pédagogique consacrait un numéro complet à la bibliothèque scolaire. Nous en extrayons ici les commentaires les plus significatifs. Dans une large synthèse, Léveillé (1991a) y relate la prise de conscience de la place sans cesse diminuée qu’occupait la bibliothèque scolaire au sein des préoccupations des
155
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 156
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
commissions scolaires et du ministère de l’Éducation, et comment, à partir de 1985, les choses ont changé. Il rappelle qu’en 1985 Vie pédagogique avait publié un dossier complet sur les centres de documentation dans les écoles qui visait: à ranimer des énergies, éveiller des intérêts, susciter des actions dans un secteur un peu négligé de la vie pédagogique […] on concluait que la relance ne sera efficace que si les responsables des moyens d’enseignement, les enseignants et les autres agents de l’éducation se concertent et élaborent ensemble des stratégies permettant de renouveler leurs attitudes et leurs actions dans les centres de documentation. Il faut penser et s’organiser en fonction des élèves. En ce sens les liens entre les différents programmes d’études sont essentiels, tant sur le plan de la documentation à acquérir que sur celui des activités d’animation à organiser (Léveillé, 1991a, 17).
De son côté, Gaudet (1991a) traite de la bibliothèque comme outil pédagogique pour le primaire. Une des omissions de l’école, selon lui, est qu’elle ne donne pas accès adéquatement aux connaissances, voire à l’érudition, en négligeant de montrer aux enfants comment utiliser une bibliothèque et les ressources documentaires qu’elle contient. Il conviendrait même de leur apprendre les subtilités du système de classement. Dans un autre article qu’il signe dans le même numéro, Gaudet (1991b) parle d’un groupe de travail régional actif dans la Mauricie qui établit la politique des bibliothèques scolaires, procède à l’élagage, choisit la documentation servant de soutien aux programmes officiels, planifie des activités de promotion de la lecture et diffuse un guide de littérature de jeunesse. Ce dernier article est complété par celui de Marcotte (1991), qui fait valoir la nécessité pour les bibliothécaires de travailler en collaboration avec les enseignants, les conseillers pédagogiques et les responsables de programmes. Il parle, entre autres, de la production et de la diffusion de listes bibliographiques, listes préparées en commun par les intervenants. D’autres articles plus courts complètent ce numéro de Vie pédagogique, dont la contribution de Lavoie (1991) sur la nécessité de l’élagage, faite en collaboration avec les enseignants, de même que l’exposé de Héon (1991) sur les façons de choisir les livres pour une bibliothèque scolaire en faisant participer un comité multidisciplinaire. Pour clore ce numéro, un article de Gaudet et Léveillé (1991) présente un programme d’initiation des élèves du primaire à l’organisation matérielle et intellectuelle des bibliothèques où l’on retrouve souvent le système de classification Dewey. On expose la nécessité de conserver la même classification dans le coin lecture de la classe et dans la bibliothèque de l’école. En conclusion, Léveillé (1991b) constate le progrès accompli par les bibliothèques scolaires pour se tailler une place significative au sein de l’équipe pédagogique de la commission scolaire et de l’école. L’auteur prévient cependant le personnel des bibliothèques qu’il: 156
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 157
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
[…] lui revient d’assurer un leadership qui fera en sorte que les ressources documentaires conserveront toujours une place au cœur de la vie pédagogique de l’école afin de permettre aux enfants d’avoir accès à une information riche, actuelle et conforme aux exigences de formation liées aux programmes d’études et capable de soutenir leurs besoins personnels d’apprendre, de connaître et de découvrir (Léveillé, 1991b, 36).
Les plans d’action des bibliothèques scolaires Pour qu’une bibliothèque fonctionne efficacement, elle doit se pourvoir d’un plan d’action. Le programme de bibliothèque provient de la philosophie du service offert en bibliothèque et se répercute sur le programme éducationnel entier de l’école. Il détermine la qualité et la quantité des ressources, le nombre et les types de personnels, la taille et la disposition des installations. Le programme de chaque école doit être le résultat d’une planification du personnel. Le rôle unique de la bibliothèque scolaire est de servir les besoins éducationnels d’une clientèle limitée: les élèves et les enseignants (Brown, 1997). L’une des fonctions principales consiste à établir un vaste programme de lecture en coopération avec les enseignants. Un bon matériel de lecture utilisé dans un cadre attirant encourage les élèves à satisfaire leurs intérêts de lecture. Quand on permet à l’enfant de poursuivre ses goûts individuels et qu’on le stimule par une riche collection de livres, il lira pour enrichir ses intérêts particuliers ou il lira pour favoriser un enrichissement de son travail fait en classe. La bibliothèque scolaire joue un autre rôle: aider les élèves à développer un jugement critique, des attitudes sociales désirables et des habitudes de lecture par le développement d’habiletés d’apprentissage indépendantes et de stratégies de résolution de problèmes. Afin de progresser individuellement, tous les élèves doivent avoir ces habiletés de traitement de l’information. Le bibliothécaire participe, tout comme les enseignants et les élèves, au processus éducationnel. L’objectif est de permettre à chaque élève de devenir un apprenant indépendant, un penseur critique et un participant créatif dans son propre apprentissage. Par la suite, la bibliothèque deviendra le véhicule permettant d’acquérir des habitudes d’apprentissage pour la vie. Les enseignants et les bibliothécaires doivent travailler ensemble pour planifier et diriger des activités qui concernent les élèves dans l’utilisation ou dans la production d’une grande portée de ressources.
Le rôle supplétif de la bibliothèque scolaire auprès des clientèles à risque Champion (1993) a mené une étude sur plus de 3000 élèves immigrants du secondaire d’une école de Floride. Elle souligne le rôle vital que joue le programme de médias en bibliothèque en aidant les jeunes à faire face à l’aliénation, à l’assimilation et à l’acculturation littéraire. Le programme prévoit l’établissement de partenariats 157
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 158
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
entre les enseignants, les bibliothécaires, les parents et les administrateurs. Le centre de médias où est logé le programme offre des ateliers internes sur les stratégies de lecture à haute voix, sur la littérature adolescente, sur l’apprentissage coopératif, sur le choix des matériels et sur la technologie. Une petite équipe d’enseignants et de spécialistes en médias a mis au point une série de projets de lecture autour du thème du mythe personnel et du héros archétypal. Deux professeurs d’anglais qui ont chacun quatre classes ont travaillé avec des spécialistes en médias pour présenter la littérature qui plongerait les élèves dans une étude à long terme. Les résultats de Champion (1993) indiquent que les élèves se sont sentis les bienvenus au centre et que leur langue et leur culture ont été valorisées. Ils ont apprécié particulièrement la disposition informelle du centre et les politiques qui encourageaient le travail en groupe, le tutorat entre pairs et les conversations sociales. Le matériel imprimé et non imprimé portant sur divers sujets était classé selon le système Dewey et consulté sur place ou emprunté au besoin. Plutôt que de consulter leur enseignant, les élèves ont lu par eux-mêmes et recouru à l’ordinateur. Comme les élèves échangeaient entre eux sur la signification des mythes dans les groupes en lisant de courts poèmes héroïques et en comparant leurs mythes personnels, le mythe personnel est devenu façon de voir l’unité culturelle à travers la diversité.
Un développement récent : l’informatique Depuis plus de dix ans, les bibliothèques scolaires comme les bibliothèques publiques prennent le virage informatique. Elles le font cependant avec lenteur et difficulté, les crédits dévolus à l’achat de matériel informatique étant soustraits à l’enveloppe globale d’achat de matériel. Souvent plus d’ordinateurs et de disques compacts signifie moins de livres. Néanmoins, les jeunes ont accès depuis quelques années dans leur bibliothèque scolaire à des banques de données sur cédérom et des partenariats avec des entreprises ont été noués. Le virage informatique est en phase avec une école à laquelle on demande de passer d’une pédagogie de la réponse à une pédagogie du questionnement, de tenir compte des apprentissages différenciés et individualisés, tout en favorisant la coopération. Internet favorisera-t-il la mort du livre ? Rien n’est moins sûr, puisqu’il se cantonne presque exclusivement dans les textes dits informatifs et que les tentatives de publier sur le Net ou sous forme de «livrel » (le livre électronique) des œuvres de fiction ne sont pas, à l’heure actuelle, très concluantes. Néanmoins, on peut penser que la situation évoluera très vite de ce côté. Par ailleurs, des programmes d’études plus exigeants en termes de recherche de documentation personnelle favoriseront sans doute la lecture sur Internet, à l’école ou à domicile.
158
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 159
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
Les résultats des enquêtes québécoises antérieures concernant l’utilisation des deux types de bibliothèques L’enquête ministérielle de 1994 posait peu de questions sur la fréquentation de la bibliothèque, soit les questions 12 (As-tu accès à une bibliothèque?) et 17 (Habituellement, par qui ou par quoi es-tu influencé dans tes choix de lecture ?). Étrangement, le rapport n’analyse pas les réponses à ces questions. Par contre, dans l’enquête ministérielle de 1980, les questions portant tant sur la bibliothèque publique que sur la bibliothèque scolaire sont beaucoup plus nombreuses, soit la question 12 sur la fréquentation (Si la bibliothèque scolaire était ouverte le soir, que feriez-vous?), la question 33 sur les lieux de lecture (Indiquez si vous lisez souvent, parfois ou jamais dans chacun des endroits suivants…), la question 35 sur la provenance des livres lus (D’où viennent la plupart des livres que vous lisez ?), la question 54 sur les raisons de désaffection de la lecture (D’après vous, pour quelles raisons ne lisez-vous pas plus que vous ne le faites actuellement ? Les choix de réponses incluent les suivants : parce que le choix de livres est trop limité à la bibliothèque scolaire, parce que la bibliothèque scolaire n’est pas assez accessible, parce qu’il n’y a pas de bibliothèque publique dans mon quartier). Les réponses à l’enquête ministérielle de 1980 (Hould, 1980) nous disent que 8,8% des élèves lisent souvent à la bibliothèque publique et 56%, jamais. Par contre, 22,3% lisent souvent à la bibliothèque de l’école et 19%, jamais. Plus du cinquième des répondants empruntent leurs livres à la bibliothèque scolaire et 9,5 %, à la bibliothèque publique. Il n’est pas étonnant d’apprendre que 61,5 % suggèrent fortement de rendre la bibliothèque scolaire plus attrayante et que 60,6 % demandent avec insistance d’augmenter le nombre de livres à la bibliothèque de l’école. Selon l’enquête IEA-Québec (1991; voir Parent, Lebrun et al., 1994), faite chez les élèves de 2e secondaire, 16,2 % des élèves n’empruntent jamais de livres à la bibliothèque, 22,5%, presque jamais, 27,9% une fois par mois, 16,7%, une fois par semaine, 7,4%, plus d’une fois par semaine et 9,3% ne répondent pas. On le voit, cette enquête manque de précision, puisqu’elle ne distingue pas bibliothèque scolaire et bibliothèque publique.
Les résultats de l’enquête LIS auprès des jeunes sur l’utilisation des deux types de bibliothèques Les 1737 sujets de notre enquête avaient à parler de leurs emprunts de livres à l’une ou l’autre bibliothèque et des lectures effectuées dans ces livres empruntés. Nous parlerons ici de la fréquentation des bibliothèques, en distinguant ce qui est du ressort de la bibliothèque scolaire et ce qui touche la bibliothèque publique. Nous 159
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 160
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
aborderons les types et le nombre d’emprunts, la section de la bibliothèque utilisée, les lieux préférés dans la bibliothèque, la participation aux activités proposées. Nous évoquerons enfin la fréquentation des librairies et des sections «livres» des magasins à grande surface. TABLEAU 1 Fréquentation d’une bibliothèque a) scolaire b) publique
Oui 835 (48 %) 58,3 % de filles 1 043 (60 %) 58,7 % de filles
Non 814 (46,8 %) 46,8 % de filles 661 (38 %) 43,5 % de filles
Comme on le voit, les filles constituent la base du lectorat des deux types de bibliothèques. Par ailleurs, la bibliothèque publique est plus fréquentée que sa consœur, sans doute parce qu’elle n’a pas de connotation d’obligation. Le niveau scolaire joue grandement dans la fréquentation des deux types de bibliothèques. Regardons tout d’abord les bibliothèques scolaires. La chute de fréquentation se présente ainsi, de la première à la quatrième secondaire: 55,9%, 51,3%, 48,2% et, enfin, 34,5%. Inversement, du côté des bibliothèques publiques, la fluctuation à la hausse de la fréquentation se présente ainsi, de la première à la quatrième secondaire: 53,6%, 51,1%, 66,5% et enfin 74,2%. Si nous passons maintenant aux disparités régionales, voici ce que cela donne. En Mauricie, 65,1% des jeunes, tous niveaux confondus, fréquentent la bibliothèque scolaire, comparativement à 40,6 % à Montréal. En Mauricie, tous niveaux confondus, 53,9% des jeunes fréquentent la bibliothèque publique, alors qu’ils sont 65,9 % à Montréal. On peut supposer que les bibliothèques publiques sont meilleures en Mauricie ou, alors, que les jeunes de Montréal ont davantage tendance à acheter (ou à emprunter à des amis) les livres qu’ils lisent. Le tableau 2 illustre la fréquentation de la bibliothèque publique durant les vacances. Le fort taux de non-réponses (plus de 22 %) donne à penser qu’elles proviennent de non-lecteurs, d’autant plus que, lorsqu’on amène les jeunes à préciser la fréquence de leurs visites par rapport à l’année scolaire, plus de la moitié ne font aucun choix de réponse. Quoi qu’il en soit, les jeunes ne fréquentent vraisemblablement pas davantage la bibliothèque publique durant les vacances. Il faudrait évaluer les programmes d’animation qu’offrent ces bibliothèques aux adolescents durant l’été.
160
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 161
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
TABLEAU 2 Fréquentation de la bibliothèque publique durant les vacances
a) b) c) d)
Oui Non 722 (41,5 %) 629 (36,2 %) plus souvent que durant l’année scolaire moins souvent que durant l’année scolaire autant que durant l’année scolaire ne font aucun choix en a), b) et c)
288 287 182 979
(16,5 %) (16,5 %) (10,4 % (56,3 %)
Il est difficile de connaître le type de fréquentation de la bibliothèque publique: le taux de non-réponses très élevé (soit plus de 83%) donne à penser que les jeunes n’aiment pas cette question ou la trouvent inopportune. TABLEAU 3 Fréquentation de la bibliothèque publique seul ou avec d’autres a) b) c) d) e) f)
seul avec un ami/une amie avec un ou des membres de ta famille avec quelques amis autres ne répondent pas
325 217 412 199 72 1 446
(4,4 %) (2,9 %) (5,6 %) (2,7 %) (0,9 %) (83,3 %)
La bibliothèque publique est généralement plus riche que la bibliothèque scolaire en disques et cédéroms. On voit au tableau 4 que plus de 11% de la clientèle jeunesse fait ce type d’emprunts. Il en est de même pour les revues: plus de 22% de la clientèle jeune en emprunte, car elles sont nombreuses et récentes. Ce sont toutefois les romans et les bandes dessinées qui remportent la palme : plus de la moitié des lecteurs empruntent des œuvres romanesques et 41,2% jettent leur dévolu sur les bandes dessinées. On verra plus loin dans les extraits d’entrevues (et également dans le chapitre portant sur les «choix de livres») que les jeunes apprécient davantage le choix qui leur est offert à la bibliothèque publique qu’à la bibliothèque scolaire.
161
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 162
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 4 Types d’emprunts à la bibliothèque publique a) des revues b) des romans c) des documentaires d) des biographies e) des bandes dessinées f) des disques g) des cédéroms h) autres
394 906 574 242 717 205 195 104
Oui (22,7 %) (52,1 %) (33 %) (13,9 %) (41,2 %) (11,8 %) (11,2 %) (5,9 %)
Non 772 (44,4 %) 296 (17 %) 591 (34 %) 908 (52,2 %) 470 (27 %) 941 (54,1 %) 951 (54,7 %) 898 (51,7 %)
Ne répond pas 568 (32,7 %) 532 (30,6 %) 294 (42,2 %) 584 (33,6 %) 547 (31,4 %) 588 (33,8 %) 588 (33,8 %) 732 (42,1 %)
Le tableau 5 illustre d’ailleurs ce que nous pressentions à regarder les données du tableau 4. Les gros lecteurs empruntent davantage à la bibliothèque publique. Quant aux petits lecteurs, ils empruntent davantage à la bibliothèque scolaire, sans doute pour leurs travaux. Les emprunts aux enseignants et à la bibliothèque de la classe jouent un rôle très modeste. Il ne faut pas négliger les prêts entre amis, bien qu’ils semblent modestes. Il s’agit sans nul doute de ces œuvres fétiches ou aimées dont les ados nous font part dans leurs entrevues (voir le chapitre sur les choix de livres). TABLEAU 5 Nombre de livres empruntés depuis trois mois a) à la bibliothèque publique (en % du total) a) à la bibliothèque scolaire (en % du total) c) à tes amis (en % du total) d) à tes enseignants (en % du total) e) à la bibliothèque de ta classe (en % du total)
Aucun 900 51,8 % 987 57,4 % 1101 63,3 % 1385 79,7 % 1355 78 %
1 ou 2 3à5 6 à 10 Plus de 10 233 231 133 232 13,3 % 13,3 % 7,6 % 13,3 % 408 204 62 54 23,4 % 11,7 % 3,5 % 3,1 % 438 133 39 15 25,2 % 7,6 % 2,2 % 0,8 % 252 63 17 7 14,5 % 3,6 % 0,9 % 0,4 % 230 93 26 18 13,2 % 5,3 % 1,5 % 1%
Les éducateurs savent tous qu’un livre emprunté n’est pas nécessairement lu. Ce qui peut étonner, outre la franchise des jeunes à répondre à cette question, c’est le faible taux des lectures effectivement faites, ainsi qu’il en ressort du tableau 6.
162
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 163
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
TABLEAU 6 Nombre de livres empruntés effectivement lus Aucun 326 18,7 %
1 ou 2 476 27,4 %
3à5 356 20,5 %
6 à 10 222 12,7 %
Plus de 10 306 17,6 %
On ne doit pas s’étonner de voir, au tableau 7, que les jeunes fréquentent la bibliothèque publique tout autant pour y faire leurs travaux que pour y lire. L’atmosphère y est propice, peut-être plus qu’à la maison, dans certains cas. TABLEAU 7 Raison principale de la fréquentation de la bibliothèque publique a) pour les travaux scolaires b) pour les loisirs c) autres
579 (42,2 %) 624 (45,5 %) 166 (12,1 %)
La majorité des adolescents se sentent en phase de transition dans leur choix de lecture. C’est pourquoi, ainsi que le montre le tableau 8, 40,4 % d’entre eux fréquentent à la fois le secteur jeunesse et le secteur adulte de la bibliothèque publique. TABLEAU 8 Secteur fréquenté dans la bibliothèque publique a) celui des jeunes b) celui des adultes c) les deux d) ne répondent pas
273 (15,7 %) 185 (10,6 %) 702 (40,4 %) 577 (32,2 %)
Nous avons hésité avant de demander aux jeunes s’ils s’asseyaient ailleurs qu’à une table à la bibliothèque publique. Quand ils en ont le choix, les jeunes préfèrent les fauteuils (ce que leur offrent plusieurs bibliothèques publiques, contrairement aux bibliothèques scolaires), ou encore lisent par terre. Cette posture de lecture revient d’ailleurs dans leurs propos lors des entrevues et traduit une certaine attitude de décontraction. TABLEAU 9 Place occupée dans la bibliothèque publique a) À une table b) Par terre c) Ailleurs
871 (75,4 %) 72 (6 %) 211 (18,2 %)
163
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 164
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Contrairement à ce qui se passe pour les enfants accompagnés de leurs parents, peu de lecteurs adolescents participent aux activités de leurs bibliothèques. C’est sans doute que l’offre les concernant est mince. D’ailleurs, le taux élevé de nonréponses (voir le tableau 10) nous incite à croire que les jeunes ne comprennent pas vraiment la question. TABLEAU 10 Participation aux activités de la bibliothèque publique a) oui b) non c) ne répondent pas
57 (3,29 %) 1 168 (67,2 %) 512 (29,4 %)
Ce que nous disions pour le tableau 10 trouve dans le tableau 11 sa confirmation. Peu de jeunes participent à un club de lecture de la bibliothèque publique. D’ailleurs, peu de ces établissements en offrent. TABLEAU 11 Participation à un club de lecture de la bibliothèque publique a) oui b) non c) ne répondent pas
10 (1,9 %) 1 203 (69,2 %) 510 (29,3 %)
Étonnamment, plus de 90% des adolescents fréquentent les librairies, même sans rien acheter. Les filles sont légèrement plus nombreuses à le faire, et à se procurer livres et revues, ce qui va de pair avec leur statut de plus grandes lectrices confirmé par notre enquête. Les chiffres sont sensiblement équivalents pour la fréquentation de la section «livres» des grandes surfaces. TABLEAU 12 Fréquentation de la librairie au moins une fois a) b) c) d)
non oui, sans rien acheter oui, pour acheter un livre, une revue ne répondent pas
122 545 1 059 11
(7,2 %), dont 39,3 % de filles (31,3 %), dont 51,9 % de filles (60,9 %), dont 54,8 % de filles (0,6 %)
Le niveau scolaire joue sur l’achat de livres et de revues en librairie, passant de 57,3% en première secondaire à 60,4% en deuxième secondaire, puis à 61,2% en troisième secondaire et à 75,6% en quatrième secondaire. En Mauricie, 60,1% des jeunes ont déjà vécu cette expérience, comparativement à 62,1% à Montréal: l’effet de la région semble donc nul.
164
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 165
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
TABLEAU 13 Fréquentation de la section «livres et revues» d’un magasin a) n’aiment pas le faire b) aiment le faire c) ne répondent pas
535 (30,8 %) 1 188 (68,4 %) 11 (0,6 %)
On voit, à la lecture des tableaux qui précèdent, que 60% des élèves environ vivent dans un univers où la bibliothèque est présente, que celle-ci soit scolaire ou publique. Les emprunts de livres ne sont pas très nombreux, et encore moins les lectures effectives des livres empruntés, mais, à tout le moins, un grand nombre de jeunes aiment se retrouver à la bibliothèque publique pour travailler ou pour leurs loisirs. Nous verrons maintenant ce que révèlent les jeunes de cette situation en entrevue.
Les résultats des entrevues des jeunes sur la fréquentation des bibliothèques Lors de nos entrevues auprès d’une centaine de jeunes, ces derniers se sont exprimés sur leur utilisation des bibliothèques à leur disposition. Nous présentons ici quelques énoncés en les regroupant par année scolaire et par sexe. Les propos des filles Première secondaire – Je ne lis pas souvent, mais, quand on lit à l’école, j’aime lire à la bibliothèque parce que c’est calme et que c’est fait pour ça. – Je n’arrive pas à lire à la bibliothèque. Je dois être chez moi ou pas du tout. – J’ai du plaisir à lire quand je vais à la bibliothèque. C’est rare que j’y vais, mais j’y vais des fois le mardi et le jeudi, lire des livres sur les animaux. – J’aime la bibliothèque de la ville. J’y vais souvent. Des fois pour louer un livre, des fois juste pour le fun de s’asseoir sur un divan et de parler avec des amis, sinon pour lire. – Je vais quand même à la bibliothèque, mais pas ici [à l’école] parce qu’il n’y a pas grand-chose à lire. Il y a beaucoup de livres, mais ils ne sont pas récents. Deuxième secondaire – J’aimerais qu’il y ait plus de livres à la bibliothèque [de l’école]. – Je suis un vrai rat de bibliothèque. Je lis quand j’ai le temps et n’importe où. – J’aimerais qu’on ait du temps pendant les cours de français pour pouvoir aller se chercher un livre à la bibliothèque et qu’on puisse lire pendant un cours complet et non un petit 15 minutes. 165
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 166
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Troisième secondaire – [J’ai commencé à aimer lire au primaire] Un jour, nous sommes allés à la bibliothèque et j’y ai lu un livre au complet pour la première fois. Avant, je ne lisais pas les livres au complet, je les mettais de côté. Mais j’ai aimé ce livre-là et je lis depuis ce temps. Après l’avoir lu, je me suis dit […] que je pouvais en trouver d’autres que j’aimerais. – Je trouve qu’à la bibliothèque scolaire on devrait rajouter des livres, parce qu’il n’y en a pas assez. – Je trouve que, lire à la bibliothèque, ça pourrait être bien, mais c’est l’ambiance qui me gêne. Ceux qui y travaillent [les bibliothécaires], c’est important qu’ils donnent de la motivation, qu’ils soient plus accueillants. Le répertoire de livres n’est pas bon. – J’ai commencé à ne pas aimer lire quand on a été obligé d’aller à la bibliothèque une fois par semaine, au primaire. Moi, ça m’ennuyait. Je ne lisais pas, je regardais, je parlais. Puis, c’est avec «La courte échelle» que j’ai de nouveau commencé à aimer lire. – Il n’y a pas assez de livres à la bibliothèque. J’y suis allée trois fois pour un livre et, à chaque fois, ils ne l’avaient pas, et en plus ils n’avaient aucun livre de cet auteur-là. Quatrième secondaire – Ça ne me dérange pas de lire à la bibliothèque. Comme les gens n’ont pas le droit de parler, je sais que personne ne va me déranger.
Les propos des garçons Première secondaire – J’aime beaucoup les périodes de bibliothèque, mais [les coussins dans la classe], c’est encore mieux. – J’ai quand même beaucoup de livres chez moi, dans ma bibliothèque. J’y vais rarement à la bibliothèque. J’aime pas ça la bibliothèque: c’est trop silencieux. J’aime le calme, mais, quand il n’y a vraiment pas de bruit et que tu n’entends rien du tout, j’aime pas. C’est vrai que, dans le silence, tu peux mieux te concentrer. [Dans une bibliothèque] tu n’entends pas un mot, tu entends juste ce qui se passe, j’aime pas ça. Tu as plein de personnes autour de toi, mais tu as l’impression d’être seul. […]. Quand tu dis un mot, on te met dehors. – La bibliothèque c’est pas pire, mais moi j’aime lire dans le noir [avec] une petite lumière pour avoir de l’éclairage. Dans le noir, bien allongé.
166
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 167
Chapitre 7 – Les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques
Deuxième secondaire – [J’aimerais] avoir le temps de choisir un livre et des périodes complètes à la bibliothèque pour lire. – Je crois qu’il n’y a pas beaucoup de livres pour les gars à la bibliothèque. Moi, je n’y vais pas. Quatrième secondaire – Je ne vais pas à la bibliothèque. Il y a trop de livres: ça me gêne. – Moi, j’emprunte à la bibliothèque, mais je ne suis pas capable de lire là, juste des BD. Les romans, j’aime mieux les lire chez moi. Je trouve que l’ambiance est lourde. Je n’aime pas le choix de livres: ce sont des livres des années 1940 et les pages sont en train de se décomposer. J’aime mieux acheter mes livres. Comme ça, je sais que je peux les relire, je prends mon temps. Je prends un exemple. L’autre fois, je suis allé à la bibliothèque de l’école et j’ai cherché un livre pendant une demi-heure: c’était Les Fourmis de Benweder (en fait, Werber). Je vais à la lettre W, et ce n’était pas en ordre. J’ai demandé de l’aide à la bibliothécaire et elle n’a rien trouvé. Je l’ai acheté: ça a été plus simple. Même les bibliothèques publiques ne sont pas toujours complètes. Et puis, je n’aime pas les déplacements. – L’ambiance est trop statique: pas moyen de dire un mot, tu te sens surveillé. Et les néons qui font du bruit… – À la bibliothèque, t’es pas dans ton monde. Je vais souvent à ma bibliothèque publique, surtout pour les dictionnaires de différentes langues ou des cartes. Mais ce que j’aime, c’est quand le roman m’appartient. – Pour le choix de livres, je vais plutôt à la bibliothèque publique : elle est vraiment complète.
On peut noter que l’un et l’autre sexe, quel que soit son âge, déplore non seulement le piètre état des ressources de la bibliothèque scolaire, mais également l’atmosphère de surveillance qui y règne. Les jeunes lecteurs préfèrent une atmosphère de lecture intimiste, feutrée. Bien que ce soit peu souvent mentionné, la bibliothèque publique est quand même préférée à la bibliothèque scolaire en raison de son fonds mieux garni et de son ambiance moins sévère et parfois pour pouvoir s’asseoir sur un divan et parler à ses amis.
Conclusion Des relations étroites entre l’école et la bibliothèque sont plus que jamais nécessaires, si l’on vise la vitalité de la lecture comme pratique culturelle. Les pratiques scolaires formelles ne peuvent seules assurer le développement du plaisir de lire. Les liens
167
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 168
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
entre des habitudes de lecture fréquente et la réussite scolaire et professionnelle ne sont plus à démontrer. Il faudrait écouter la voix des jeunes et consacrer des budgets plus importants à l’achat de livres stimulants pour nos bibliothèques scolaires et prévoir, dans nos bibliothèques publiques, des activités d’animation du livre qui inciteraient les jeunes à être des lecteurs pour la vie.
168
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 169
CHAPITRE 8
Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue de bibliothécaires, d’enseignants et d’administrateurs Flore Gervais, Monique Lebrun et Hélène Lévesque
N
ous avons vu, dans le chapitre précédent, les rôles respectifs des bibliothèques scolaires et publiques, de même que, à partir de diverses enquêtes dont la nôtre, l’usage que font les adolescents des bibliothèques. Nous nous pencherons maintenant sur le discours des bibliothécaires, des enseignants et des administrateurs sur la question. Nous procéderons en deux parties. Nous analyserons tout d’abord le discours de ces intervenants dans la presse pédagogique québécoise depuis un quart de siècle. Une seconde partie permettra de donner la parole aux répondants de l’enquête LIS, soit une dizaine de bibliothécaires œuvrant dans le domaine scolaire, dix-huit enseignants et cinq administrateurs.
Le discours des éducateurs sur la bibliothèque scolaire dans la presse pédagogique québécoise depuis 25 ans Il nous a semblé intéressant d’aller vérifier le discours des pédagogues eux-mêmes sur la question cruciale du rôle de la bibliothèque scolaire dans les apprentissages d’élèves du secondaire au moyen de deux revues professionnelles1. La première, Vie pédagogique, est une publication gouvernementale qui s’intéresse à la pédagogie générale. Quant à l’autre, Québec français, elle continue depuis trente ans, contre vents et marées, à animer et à soutenir le milieu des enseignants de français de tous les ordres d’enseignement. Notre développement comportera quatre parties. Nous présenterons d’abord une image de la lecture scolaire qui tient également compte du plaisir de 1. Nous reprenons dans cette première partie de larges extraits d’un article de M. Lebrun, «Les relations entre l’école et la bibliothèque dans la presse pédagogique (1978-1998)». Documentation et bibliothèque, 44, 4, 201-210.
169
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 170
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
lire. Dans un deuxième temps, nous décrirons deux types de bibliothèques : le coin de lecture en classe et la bibliothèque d’établissement. Enfin, une troisième et une quatrième parties, étroitement imbriquées, évoqueront les lignes directrices de l’animation du livre à l’école et présenteront des activités concrètement réalisées.
Une certaine image de la lecture à l’école : la lecture de plaisir L’enseignant de français ne s’intéresse pas qu’aux apprentissages formels en lecture, il cherche également à former des lecteurs pour la vie. En ce sens, il opte souvent pour les « vrais » livres, comme complément au manuel, et offre de plus en plus à ses élèves des plages de lecture de loisir de façon à déscolariser les pratiques de lecture. Voyons-en quelques exemples. Les « vrais » livres Pour apprendre à lire, il faut de vrais livres (Nadon, 1990). Les vrais livres sont souvent absents de l’école: ils ne se retrouvent que dans les bibliothèques publiques, ce qui est une aberration puisque c’est en lisant qu’on apprend à lire. Les manuels de lecture ou les méthodes sont des écrits artificiels, très souvent composés par de prétendus experts, qui ne conviennent ni aux goûts ni aux besoins des jeunes. Cependant, ces ouvrages absorbent une bonne partie de l’argent des écoles, ce qui n’en laisse à peu près pas pour l’achat de nouveaux livres pour la bibliothèque de classe ou la bibliothèque scolaire. Les écoles qui ont des bibliothèques scolaires n’ont pas toujours le personnel spécialisé pour les activités d’animation du livre. Ce sont souvent des enseignants qui doivent conjuguer cette tâche avec leurs activités d’enseignement ou, encore, des parents bénévoles qui s’occupent de la bibliothèque scolaire, si bien que les heures d’ouverture sont restreintes. Les activités de lecture en classe devraient permettre aux enfants de lire ce qu’ils ont envie de lire et aussi leur donner la possibilité de se réunir en petits groupes pour discuter d’une lecture qu’ils ont faite ou qu’ils sont en train de faire. Il faut, écrit Nadon (1990, 32) «redonner aux livres la place qu’il leur revient. D’abord, en les plaçant au centre du programme scolaire de lecture et ensuite en organisant trois types de bibliothèques ». Il s’agit de la bibliothèque de classe, de la bibliothèque d’école et de la bibliothèque publique, chacune ayant son propre rôle à jouer. La première, la bibliothèque de classe, pourrait répondre à des besoins de lecture populaire. La bibliothèque d’école devrait servir à des projets spéciaux (ex. : visite d’écrivains, séances de contes, expositions thématiques). Quant à la bibliothèque publique, poursuit-il, elle «est là pour confirmer la valeur sociale des livres, répondre aux goûts et aux besoins de la société et offrir aux enfants d’autres expériences littéraires» (Nadon, 1990, 32).
170
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 171
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
La lecture de loisir en classe ou ailleurs S’inspirant de Smith et de Goodman, Nadon (1992) témoigne de son expérience en tant qu’enseignant pour parler de la place des livres dans sa classe. Ses élèves choisissent eux-mêmes leurs livres, lisent beaucoup, s’intéressent à différents auteurs et à différents genres, bouquinent, etc. Il aide les plus faibles en leur donnant des stratégies, leur lit des livres avec accompagnement sonore. D’autres lisent un livre en petits groupes, en se donnant un rôle. Les enfants tiennent un journal de lecture. Il y a des prolongements : modelage, couverture, réécriture, affiche, sketch. Nadon oppose à la lecture fonctionnelle la lecture esthétique ou de plaisir. Les méthodes d’apprentissage enlèvent du temps à la vraie lecture. Il faudrait utiliser davantage les bibliothèques scolaires et publiques, faire du «terrorisme livresque», c’est-à-dire obliger les commissions scolaires et les écoles à acheter des livres. Il faudrait également avoir une bibliothèque de classe riche et donner aux enfants du temps pour lire. Quant à Blain (1995, 40-41), dont le témoignage laisse deviner la passion qui l’anime lors de ses activités de lecture, elle écrit: La seule histoire, moi, que j’ai à raconter, c’est une histoire d’émerveillement, de découverte, de communication réelle […]. C’est la joie de lire ensemble, à deux, à dix ou à vingt. C’est le bonheur de découvrir et d’apprécier le même texte, de vivre la même histoire avec chacun sa vision personnelle du récit. C’est de partager de grandes émotions, les participants collés les uns aux autres ou retranchés dans une magie individuelle, mais enveloppés d’une même atmosphère, d’images et de mots communs.
Pour Gervais (1996), la didactique de la littérature de jeunesse est celle de l’utilisation du livre de loisir en classe. Elle énonce cinq règles: (1) faire pressentir le livre comme source de plaisir accessible. Pour convaincre ses élèves de cette accessibilité du plaisir de lire, il faut les accompagner sur les plans à la fois affectif et cognitif; (2) les aider à définir leurs intérêts en lecture; (3) les aider à ouvrir leurs horizons en lecture ; (4) leur faire découvrir ce qu’ils sont capables de lire en les plaçant devant l’imprimé et en inventoriant avec eux des stratégies ; (5) réinvestir avec eux le plaisir de lire en les aidant à faire des liens et en les conviant à parler de leurs lectures. En conclusion, elle souhaite que s’instaure à l’école une véritable didactique de la littérature de jeunesse, «car, comment l’enfant pourra-t-il faire tous les efforts nécessaires pour apprendre à lire, utiliser ses lectures à des fins variées et, finalement, se doter de solides habitudes de lecture, s’il ne sait pas qu’il peut y trouver du plaisir?» (Gervais, 1996, 50). Pour sa part, Brossard (1994b) a rencontré quelques jeunes qui ont déclaré aimer lire en réponse à l’enquête réalisée par Legault (1994). Certains étaient des mordus de lecture, d’autres, des lecteurs moyens ; cependant, ils étaient tous des lecteurs sélectifs. Plusieurs de ces jeunes ont raconté que le goût de la lecture leur 171
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 172
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
venait d’un parent, d’un membre de la famille ou même d’un grand-parent qui leur lisait des histoires, d’un intérêt qui avait toujours été là. D’autres se rappelaient le «premier vrai bon livre» qui les avait accrochés de façon définitive. La lecture était une activité importante dans leur vie, mais ne s’avérait certainement pas une activité prioritaire. Un vrai bon livre, ont-ils dit, est celui qui leur permettait de s’évader et d’entrer dans l’histoire, « de s’identifier au personnage principal et de partager ses émotions » (Brossard, 1994b, 19). Un bon livre pouvait aussi être une source d’inspiration ou de perfectionnement de la langue parlée et écrite. Comme les moments de lectures sont privilégiés, le choix du livre est important. Il n’y a pas d’interdit, seule la difficulté d’un ouvrage peut représenter un obstacle. Les goûts et les intérêts de ces jeunes guident leur choix de lecture; la couverture, la jaquette, l’auteur et la collection d’un livre sont des indices importants. En général, les conseils des pairs ont plus de poids que ceux des adultes. Les jeunes de la cellule de lecture d’une école lisent les critiques des journaux et discutent de leur choix avec l’animatrice du groupe. Ces jeunes se procurent les livres de différentes sources (bibliothèque scolaire, bibliothèque publique, librairie, salon du livre, etc.). Les élèves interrogés par Brossard (1994b) ne considéraient pas les enseignants comme des modèles puisqu’ils ne les voyaient jamais lire, ni discuter de lecture ou de livres avec eux, en dehors du contexte obligatoire de la classe de français. Les jeunes ne connaissaient pas la « personnalité de lecteur » de leurs enseignants. Ils désiraient que ceux-ci leur donnent plus de temps pour lire en classe, les informent sur la variété des livres et animent des activités à la bibliothèque. Ils ont avoué avoir une aversion pour l’obligation de remplir des fiches, de répondre à des questionnaires, d’être évalués à la suite de leurs lectures. Le club de lecture libre est une formule qui plaisait à tous. Les discussions animées auxquelles participaient les jeunes de la cellule de lecture leur permettaient de s’exprimer plus librement sur leurs lectures que les autres jeunes. Dans les revues pédagogiques, nous retrouvons peu de témoignages de bibliothécaires sur la lecture de plaisir. Citons cependant celui de Guindon (1986). L’auteure dit qu’il faut guider les jeunes afin que la lecture devienne pour eux un réel loisir. Elle mise sur la préférence que les jeunes ont pour les collections, qui les sécurisent et les aident à choisir. Elle présente une liste de quatre pages de titres sélectionnés selon leur appartenance à une collection dans laquelle les œuvres québécoises sont quasi absentes. Elle souligne au passage que la présence des traductions est importante dans la fiction pour enfants.
Des bibliothèques de diverses natures Legault (1994) a réalisé, en 1993, une méga-enquête auprès de 5 843 élèves du secondaire dans 41 écoles secondaires. Plusieurs informations importantes s’en dégagent. Près de 80 % des élèves utilisent les bibliothèques scolaire et familiale, 172
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 173
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
plus de 50% disent avoir lu, pour leur plaisir, plus de trois livres en six mois; il n’y a guère de différence dans les pratiques d’un niveau à l’autre du secondaire. L’enquête révèle également que 80% des enseignants font la promotion de la lecture dans leurs classes et que les enseignants de français lisent plus que les autres et beaucoup plus que la population adulte québécoise en général. Les enseignants des autres matières lisent également un peu plus que la population adulte québécoise en général. Les coins de lecture en classe La bibliothèque de classe permet de tenir compte des différences dans les rythmes d’apprentissage et de fournir un appoint précieux à la matière présentée en classe. Il est important que le coin de lecture soit isolé à l’intérieur de la classe, ne serait-ce que par une cloison symbolique. L’aménagement de ce coin doit permettre la détente et allier lecture et plaisir. Un nombre restreint de livres (environ une centaine, au minimum) peut suffire, dans la mesure où ceux-ci correspondent aux goûts des jeunes. L’enseignant doit intégrer le livre à sa démarche pédagogique. Tout d’abord, il faut prévoir des périodes consacrées à la lecture libre. Il importe aussi de planifier l’utilisation du livre comme aide à l’enseignement, comme outil de recherche. «L’expérience montre que bon nombre d’activités, pourvu qu’elles soient variées et bien adaptées aux besoins aux intérêts des enfants, incitent ces derniers à lire, et cela, avec satisfaction » (Gervais, 1989b, 16). Le coin de lecture se retrouve plus fréquemment au primaire qu’au secondaire, où on parlera plutôt de bibliothèque de classe. Les bibliothèques scolaires En 1994, Léveillé rend compte d’une rencontre avec le personnel des bibliothèques scolaires du Québec afin de définir le rôle des spécialistes en documentation au regard de la lecture à l’école. Comme on l’avait fait auparavant avec les enseignants du primaire et du secondaire, on a demandé aux spécialistes en documentation de dresser le portrait type de l’élève lecteur. Leur approche s’est révélée différente de celle des enseignants : ils établissent une différence entre le lecteur et la personne qui fréquente la bibliothèque scolaire, l’un et l’autre n’étant pas forcément les mêmes. Le lecteur ne ressemble à aucun élève en particulier et à tous les élèves à la fois. Il y a cependant certaines caractéristiques qui ne mentent pas : les vrais lecteurs lisent dès qu’ils ont quelques secondes où qu’ils soient, délaissent vite les livres faciles pour s’attaquer aux ouvrages plus complexes. Tous les responsables de la documentation, écrit-il, reconnaissent que « le mandat de lecture de la bibliothèque est partie intégrante de sa mission et qu’il ne se dissocie pas de celui de l’école au regard de la promotion et du soutien de la lecture auprès des élèves » (Léveillé, 1994, 26). Cependant, dans la réalité, les choses ne sont pas aussi faciles ; tout dépend de la philosophie de la direction et des enseignants de l’école. 173
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 174
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
L’auteur a demandé aux responsables de la documentation de se définir comme lecteurs. Ils se disent «gourmands de lecture», bien qu’ils admettent que le temps consacré aux lectures de plaisir est rare : ils doivent bien connaître le fonds de la bibliothèque pour mieux conseiller les jeunes et les enseignants. Nous en déduisons que la lecture professionnelle occupe une place très importante dans leur vie. Les responsables rencontrés, en plus d’assurer la promotion habituelle de la lecture, participent à diverses activités d’animation de lecture et à des projets spéciaux tels des salons du livre en collaboration avec les libraires de leur région, à des concours de création littéraire, etc. La tenue régulière de nombreuses activités d’animation et de promotion du livre et de la lecture a un effet d’entraînement chez les élèves. Cela permet d’intéresser les non-lecteurs, de stimuler ceux qui hésitent et de soutenir l’intérêt des lecteurs convaincus. Les responsables de bibliothèque croient unanimement que la relation d’accompagnement et l’approche personnalisée sont les meilleurs moyens pour inculquer le goût de la lecture aux élèves et l’entretenir. Les bibliothèques publiques Nous retrouvons, dans les trois revues constituant notre corpus, peu d’articles relatifs aux bibliothèques publiques. Celui de Lebrun (1986) consiste en une entrevue avec une bibliothécaire du Service des bibliothèques de la ville de Montréal. En plus de discuter de choix de livres pour les enfants, celle-ci énumère les services offerts par les bibliothèques publiques: clubs de lecture, feuillet promotionnel, spectacles divers, rencontres avec les auteurs. D’autre part, Guindon (1986), qui travaille dans une bibliothèque publique, énumère certaines activités des bibliothécaires. Par exemple, elle fournit des informations sur les collections destinées à la jeunesse et, s’il y a lieu, des mises en garde aux enseignants et aux parents. Préalablement au choix de la documentation, les bibliothécaires dépouillent les revues spécialisées et les critiques de journaux. À Montréal, il y a même un comité pour l’évaluation des romans. Quelques rares bibliothèques (ex.: Charlesbourg) disposent d’une politique écrite de choix de livres et d’acquisition avec critères de sélection, instruments bibliographiques, catégories d’usagers et types de documents.
Activités d’animation du livre à l’école et à la bibliothèque : un travail de collaboration Nous insisterons ici sur l’importance du rôle de l’enseignant et d’un matériel de qualité dans l’animation. Nous ferons également état de quelques attitudes générales face à l’animation, du côté tant des enseignants que des bibliothécaires. Une évocation du rôle de premier plan de Communication-Jeunesse, organisme de
174
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 175
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
promotion de la lecture, clora cette partie et permettra d’enchaîner sur les activités particulières d’animation présentées dans la dernière partie de notre analyse. L’importance du rôle de l’enseignant et de la qualité du matériel De l’avis de plusieurs auteurs, l’école a tendance à didactiser les activités de lecture. Un bon choix de livres en classe et à la bibliothèque est essentiel pour la promotion de la lecture. Plusieurs moyens sont utilisés pour s’approvisionner en livres qui correspondent aux goûts des jeunes: prêts de livres qui sont la propriété personnelle des élèves, échanges de livres entre enfants, achats directs, sur la base de listes constituées par des experts. Les élèves et les enseignantes font à tour de rôle des présentations de livres, en petits groupes ou à l’ensemble de la classe. Des ateliers sont organisés à la suite de la lecture de certains ouvrages. Pour Desroches (1996), également animatrice professionnelle, les approches sont variées au point de s’opposer: heure du conte, rencontre d’auteurs, séance de signature, promotion du livre, questionnaire de vérification, leçon de vocabulaire, bricolage, marathon de lecture, etc. Leur point commun: elles visent à augmenter le nombre de lecteurs, à leur inoculer l’amour des livres. Il ne s’agit pas d’enseignement, mais de création de liens entre une matière abstraite et un public grouillant. N’est-il pas curieux que la notion de lecture comme plaisir soit aussi répandue, suscite un consensus aussi unanime, alors que tous les discours moraux encensent l’effort, se méfiant du plaisir et l’assimilant à la facilité ? Le plaisir est plus subversif qu’il n’y paraît. Si la recherche du plaisir est, selon les psychanalystes, le moteur par excellence de nos vies, la religion le tient pour suspect et la pédagogie, pour accessoire. Pour les deux, le plaisir suprême se trouve à la fin du parcours, au ciel pour l’un, à la remise des diplômes pour l’autre (Desroches, 1996, 87).
Parfois, l’animation tombe dans le piège de la pédagogie, la littérature de jeunesse fournissant aux enseignants une façon d’augmenter les compétences en lecture. Beauchesne (1985), rappelle Desroches, distingue trois formes de plaisir : s’épanouir en tant qu’être humain, apprécier les beautés d’un style, d’une atmosphère, augmenter ses connaissances du monde, tout en affinant son jugement. «Lire est donc une activité qui trouve en elle-même sa propre justification» (Desroches, 1996, 88). La première règle de l’animateur est de rendre le texte accessible ; la seconde est de faciliter le choix des livres pour rendre le lecteur autonome. Le discours des bibliothécaires Chez les bibliothécaires scolaires, le discours est légèrement différent, bien qu’il soit complémentaire. Hervé (1980) explique aux enseignants comment animer le livre à la bibliothèque. L’auteure leur recommande de se familiariser avec le contenu de celui-ci pour être plus à l’aise et de faire preuve de créativité dans l’élaboration des 175
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 176
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
séquences d’animation. Elle explique que l’animation peut être reliée à un des sujets à l’étude en classe ou, tout simplement, ne viser que le plaisir de lire un bon livre. Elle recommande de maîtriser parfaitement le contenu d’un livre lorsqu’on veut le présenter, d’en lire des passages, d’en présenter les illustrations, de se servir de supports tels que le tableau de feutrine ou des ombres. Selon elle, il faut prévoir prolonger le récit par des activités pour permettre à l’enfant d’exprimer les émotions qu’il vient de vivre. Ces activités peuvent lier lecture et écriture par l’entremise de la création littéraire; ainsi, les enfants peuvent écrire des poésies inspirées par le récit. De telles séances d’animation sont susceptibles de changer l’attitude des enfants face à la lecture. Le propos de Lavoie (1989) est d’aider les élèves intimidés par la lecture de textes suivis, eux qui sont les adeptes de la lecture «mosaïque». Pendant quatre ans, il a observé les habitudes de lecture des jeunes pour conclure qu’il fallait les obliger à apprendre à lire pour le plaisir. Il compare d’ailleurs son projet de lecture à des leçons de natation: une fois que le jeune y a pris goût, il en oublie l’appréhension initiale et prend plaisir à pratiquer cette activité. Il faut cependant prendre garde que l’initiation à cette nouvelle activité ne brûle les étapes. L’auteur cite Edmond Desrochers, président de la première Association canadienne des bibliothécaires de langue française, qui, déjà en 1959, militait en faveur d’un projet de lecture préparé conjointement par les bibliothécaires et les enseignants. Lavoie s’est inspiré de lui et a mis sur pied un projet de lecture où le jeune était amené à lire et à rendre compte de ses lectures. Les élèves avaient accès à une banque de livres intéressants et étaient constamment épaulés par le bibliothécaire et l’enseignant. Le rôle fondateur de Communication-Jeunesse Cet organisme à but non lucratif de promotion de la lecture joue un rôle primordial depuis près de trente ans dans les écoles du Québec. Il structure des clubs de lecture pour les 12 à 15 ans, la Livromanie, en plus de s’occuper des élèves du primaire (la Livromagie). Actuellement, plus de 250 clubs sont actifs, dont les deux tiers au primaire. Ils atteignent environ 50000 jeunes qui lisent en moyenne dix titres chacun lors des activités des clubs. Provost (1986) rappelle les quinze premières années de vie de Communication-Jeunesse (1971-1986). L’auteure y parle des activités et des palmarès de la Livromagie et de la Livromanie, des salons du livre, des visites d’auteurs, des animations dans les garderies et les écoles par une équipe d’animateurs.
176
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 177
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
Des projets pédagogiques concrets intégrant l’utilisation de la bibliothèque Jusqu’ici, nous avons peu parlé de projets concrets sollicitant la collaboration rapprochée des enseignants et des bibliothécaires dans la promotion du livre et de la lecture. Nous en ferons maintenant état en divisant notre propos selon la nature des projets: activités ponctuelles à la bibliothèque, activités extensives intégrées dans une pédagogie de projet. Les activités ponctuelles à la bibliothèque Bien qu’elle soit moins présente dans les écoles secondaires que dans celles du primaire, l’animation du livre y existe néanmoins. Cormier (1991) donne une foule de conseils et d’idées d’activités d’animation quasi publicitaires des livres mises en pratique dans une école polyvalente. La bibliothèque et son personnel sont chargés de cette animation destinée à toute la population étudiante, animation qui se déroule quelquefois en bibliothèque ou encore sur la place publique. Voici quelques exemples d’activités : 1) palmarès des « mardis bons livres » où, chaque mardi, de nouveaux livres sont en montre devant la bibliothèque, identifiés par un chiffre représentant leur place au palmarès. Ces livres peuvent être réservés pour la semaine suivante à l’aide de ce chiffre; 2) «titre en charivari», où il s’agit de mettre les lettres du titre en désordre et de le faire deviner; 3) «détective», où, à l’aide d’une question, on fait parcourir les outils de référence pour trouver la réponse ; 4) « question-tabou » : le tabou s’adresse aux enseignants qui ne peuvent aider le jeune à trouver la réponse à une question portant sur un livre donné. Les activités extensives reliées à un projet Selon Provost (1994), voici une liste de conditions de réalisation de projets de lecture selon les personnes rencontrées pour une enquête sur les projets de lecture à l’école: offrir les bons livres, aider à choisir les livres, montrer le chemin de la recherche aux élèves, rendre les livres accessibles, informatiser la bibliothèque, rationaliser les investissements d’achat de livres, encourager les animations et les démonstrations, établir des liens cohérents entre l’enseignement et la bibliothèque et constituer des comités décisionnels composés d’intervenants.
L’enquête LIS touchant les éducateurs et les bibliothèques scolaires Le contexte général Trois ans après l’adoption par le gouvernement du Québec de la Politique de la lecture et du livre (2000), le taux des lecteurs réguliers âgés de 15 à 34 ans a chuté de 10 points (Boily et al., 2000, 46) et celui de la fréquentation des bibliothèques 177
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 178
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
par les jeunes de 15 à 17 ans a aussi baissé. D’après les travaux de recherche de Boily et ses collaborateurs (ibidem, 56), le taux de fréquentation de ces derniers aurait diminué de plus de 10% dans les bibliothèques publiques, et de près de 24% dans les bibliothèques scolaires. Ces constats s’avèrent d’autant plus préoccupants qu’ils coïncident avec deux changements marquants dans l’enseignement au Québec: la réforme du programme scolaire et l’entrée plus généralisée des techniques d’information et de communication (TIC) dans les écoles. Ainsi, malgré les recommandations du rapport Bouchard (MEQ, 1989) et du Sommet sur la lecture et le livre (MCCQ, 1998a), il semble que les bibliothèques scolaires battent plus que jamais de l’aile. Par conséquent, il nous a semblé pertinent de reconsidérer leur place dans les écoles. Aussi, en février 2002, après une première enquête exploratoire menée auprès de cinq responsables de bibliothèques scolaires (RBS) (Gervais, 2002) nous avons estimé pertinent d’élargir notre population à 33 répondants qui travaillent dans trois domaines distincts, mais connexes à la bibliothèque scolaire : dix responsables de bibliothèques d’écoles secondaires du Grand-Montréal, cinq administrateurs scolaires et dix-huit enseignants. Notre enquête s’est effectuée dans quinze écoles. La majorité de nos répondants, c’est-à-dire douze, exerçaient leur profession dans des polyvalentes situées sur l’île de Montréal. Trois se trouvaient à l’extérieur de la région métropolitaine, dont deux sur la rive sud et un autre dans la région de l’Outaouais. À l’exception d’une école privée, toutes les écoles visitées relèvent du secteur public. D’une part, étant donné l’importance que nous voulions accorder à l’analyse fine des perceptions recueillies, nous avons procédé à une analyse qualitative des réponses aux trois questionnaires constitués surtout de questions ouvertes. Le libellé de chacune, tout en visant le même objet d’information, variait en fonction du rôle des répondants. Nous présenterons dans ce qui suit les principaux résultats de cette recherche tout en les comparant, le cas échéant, à ceux que le gouvernement du Québec a présentés, il y a plus de cinq ans, au terme de son enquête sur la situation des bibliothèques scolaires (MCCQ, 1998b). Pour ce faire, nous mettrons en relief les perceptions que les répondants ont de l’état de leur bibliothèque, l’importance du rôle des administrateurs scolaires dans le dossier, les irritants auxquels font face les RBS et leurs modalités de survie et, enfin, les perceptions et les comportements des enseignants au regard de la bibliothèque scolaire. Nous terminerons en exposant les améliorations souhaitées par chacune de ces trois catégories de répondants.
L’état des bibliothèques scolaires visitées Ce qui émerge des réponses de tous les intervenants, peu importe leur statut, c’est la disparité des bibliothèques pour ce qui est non seulement de leur superficie mais aussi de l’importance de leur collection. 178
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 179
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
La superficie des bibliothèques scolaires La plus petite mesure 160 m2 et la plus vaste, 600 m2. Quoique moindre, l’écart se maintient si nous considérons l’espace au prorata du nombre d’élèves. En effet, même si le nombre d’élèves qui fréquentent la petite bibliothèque est pratiquement deux fois moins élevé que celui de la grande, 680 comparativement à 1 600, « l’espace-bibliothèque » occupé en moyenne par chaque élève affiche cette même disparité : ainsi il y a 0,23 m2 « d’espace-bibliothèque » par élève dans la petite bibliothèque et 0,37 m2 dans la grande. Le nombre de places assises varie, en fonction de la superficie, de 52 à 158. Précisons que ces chiffres incluent les postes d’ordinateur. La proportion livres/élève Il est toujours intéressant de vérifier si une bibliothèque qui dessert un plus grand nombre d’élèves renferme plus de documents. En calculant le nombre de livres disponibles par élève, nous obtenons des résultats frappants: une petite école dispose de 23 volumes par élève alors qu’une institution de près de 2000 élèves ne compte que 8 volumes par élève. Évidemment, il faut considérer l’âge des documents et leur intérêt potentiel. Par exemple, le RBS qui dispose du plus grand nombre de livres par élève explique par ailleurs qu’ils ont été publiés, en général, il y a plus de seize ans ! Ce portrait correspond dans ses grandes lignes à celui de l’enquête gouvernementale de 1997 (MCCQ, 1998b, p. 11) où l’on observait non seulement une immense disparité entre les écoles, mais aussi la pauvreté des bibliothèques scolaires: 35% des écoles offraient moins de 10 livres par élève. La variété et la qualité des documents Le nombre de revues et de documents multimédias qui constituent le fonds d’une bibliothèque varie d’une école à l’autre et ne semble pas relié au nombre d’élèves qui fréquentent l’école concernée. En effet, certaines bibliothèques sont mieux pourvues en revues, d’autres en cédéroms, mais encore là des écarts importants existent entre les écoles. Par exemple, une petite polyvalente de moins de 500 élèves du premier cycle du secondaire compte 17 abonnements à des revues et une centaine de documents multimédias (incluant des vidéocassettes) alors qu’une autre, qui couvre les mêmes niveaux du secondaire, mais qui accueille une clientèle deux fois plus nombreuse, n’est abonnée qu’à cinq revues et ne dispose présentement que de 60 cédéroms. Ajoutons que nous avons été étonnées de constater que certains types d’ouvrages, notamment les pièces de théâtre, ne figurent pas sur les rayons de certaines bibliothèques scolaires. Les journaux sont absents de la presque totalité des bibliothèques visitées: une seule en conserve. Les chiffres de l’enquête publiée par le gouvernement du Québec (MCCQ, 1998b, p. 13) montrent que 90% des 179
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 180
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
écoles secondaires en 1997 étaient abonnées à des périodiques. Précisons que les journaux et les magazines étaient considérés alors sans distinction de genres. Quant aux documents multimédias, ils ne sont pas toujours disponibles. Dans certaines écoles, ils ne se trouvent qu’à l’audiovisuel, dans un local à part. Par ailleurs, pour attirer les jeunes à la bibliothèque, et parce qu’ils croient à la valeur éducative des bandes dessinées, tous les RBS consultés s’assurent que leur bibliothèque en offre un certain éventail choisi. Ajoutons que, parmi les particularités observées, l’un des RBS a attiré notre attention sur son vaste répertoire de documents pédagogiques pour les enseignants. Ces ouvrages sont placés dans un local fermé à l’intérieur de sa bibliothèque. Enfin, voici le jugement que les enseignants portent sur la qualité des documents de leur bibliothèque. TABLEAU 1 Estimation par les enseignants de la condition des documents trouvés dans leur bibliothèque scolaire au regard de leur discipline d’enseignement Quantité et variété
Onze des dix-huit enseignants interrogés estiment que leur bibliothèque pourrait être mieux documentée (6) ou qu’elle souffre de manques importants (5), comparativement à sept enseignants satisfaits qui trouvent qu’elle est très bien documentée (3) ou assez bien documentée (4). Plus de la moitié (10) des enseignants interrogés trouvent que les documents que contient leur bibliothèque sont moyennement variés. Âge de la collection La grande majorité des répondants (15) constatent qu’en général les volumes reliés à leur discipline d’enseignement à leur bibliothèque ont moins de 10 ans. Un de ces enseignants spécifie cependant que sa bibliothèque compte de vieux documentaires. État La majorité (12) des enseignants retrouvent habituellement des livres légèrement abîmés à leur bibliothèque. Adéquation aux intérêts Une majorité (11) des enseignants estiment que les documents trouvés à la bibliothèque correspondent des adolescents moyennement aux intérêts de leurs élèves ; sept enseignants considèrent que les documents disponibles correspondent tout à fait aux intérêts des adolescents. Adéquation aux objectifs La plupart (11) des enseignants consultés pensent que les des programmes documents à la bibliothèque scolaire sont moyennement appropriés aux objectifs de leur programme.
180
MM-Pratiques de lecture reprise p.181
25/02/04
14:30
Page 181
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
Adéquation à la discipline Une majorité d’enseignants (12) considèrent que les enseignée documents reliés à leur discipline d’enseignement à la bibliothèque sont trop peu nombreux. À preuve, autant d’enseignants (12) trouvent qu’il n’y a jamais
suffisamment d’un même titre d’un roman pour l’utiliser avec tout leur groupe. La place des TIC à la bibliothèque Toutes les bibliothèques ont mis à la disposition des élèves au moins deux postes informatiques, mais l’usage qu’elles en font est fort varié. Deux se sont même transformées en centres multimédias utilisables soit pour les cours d’informatique, soit pour la rédaction de travaux, soit pour la consultation d’Internet (sous la supervision d’un professeur seulement). Des RBS réservent aussi certains postes informatiques pour la consultation du catalogue ou la navigation sur Internet uniquement. Si toutes les bibliothèques utilisent le système de catalogage Dewey, trois d’entre elles ne l’ont pas encore informatisé ; les postes informatiques servent alors à la recherche sur cédéroms, sur Internet, et à la rédaction de travaux scolaires.
L’importance du rôle des administrateurs scolaires Nous verrons tout d’abord quelles sont les conceptions que les administrateurs scolaires se font de la nature et de la fonction d’une bibliothèque scolaire, puis nous verrons dans quelle mesure ces conceptions affectent le budget qu’ils allouent à la bibliothèque, leurs critères à l’embauche de son personnel et ce qu’ils lui accordent en ressources humaines de soutien. Tout d’abord, nous observons qu’à l’heure de la réforme des programmes scolaires, les administrateurs scolaires perçoivent leur bibliothèque scolaire comme: • un centre de ressources d’informations; • un lieu de travail en collaboration avec les enseignants; • un outil essentiel au développement des compétences; • un lieu de recherche et de travail d’équipe pour les élèves; • un lieu de convergence des savoirs et des habiletés. D’après eux, la bibliothèque joue trois rôles: elle facilite la recherche, développe des habitudes de lecture des élèves et participe à l’élargissement de leur culture. Sur cette question, tous les autres répondants se rejoignent. Ajoutons que, pour une RBS, la bibliothèque scolaire s’avère aussi un lieu de culture non seulement pour les élèves, mais aussi pour les enseignants.
181
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 182
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les administrateurs scolaires allouent présentement entre trois et sept dollars par élève, selon les écoles, pour l’achat de documents (livres, abonnements, cédéroms). Ce montant (en excluant celui qui est accordé aux achats d’ordinateurs) représente entre 1 % et 4,25 % du budget global de l’école. Ces données illustrent toute l’importance des choix des administrateurs scolaires pour la qualité et le bon fonctionnement d’une bibliothèque scolaire. Ajoutons que leur poids décisionnel ne se fait pas sentir uniquement dans la répartition des budgets, mais aussi dans les critères de sélection de leur RBS. En effet, au moment de l’embauche, leurs critères manifestent leur degré d’exigence quant à la tâche qu’ils confient aux RBS. Ainsi, les administrateurs scolaires consultés exigent tous d’un RBS qu’il ait un diplôme d’études collégiales (DEC) en documentation; aucun ne demande cependant de diplôme universitaire en bibliothéconomie. Quatre des cinq administrateurs scolaires s’assurent ensuite des connaissances informatiques du candidat potentiel. Deux engagent un responsable avec de l’expérience préalable dans les bibliothèques ou les librairies. Un seul vérifie les capacités d’animation. Les ressources humaines de soutien que les administrateurs scolaires engagent pour aider les RBS dans leurs multiples tâches montrent combien divergent leurs représentations de la complexité du travail d’un RBS. Trois des cinq administrateurs scolaires interrogés pensent que le RBS doit être soutenu dans sa tâche. Ils proposent une aide administrative ou celle d’un commis afin de préparer et de placer les livres, d’assurer plus d’animation ou de suppléer aux besoins d’une grosse école qui mène beaucoup de projets. Les deux autres répondants justifient l’absence d’aide par la présence d’un bon soutien de la part de la direction et d’une bonne collaboration avec les enseignants ou par le fait que le RBS assume sa tâche sans difficulté. Sur la question du soutien de la part de la direction, un des RBS rencontrés nous a effectivement mentionné que c’est le nouveau directeur de l’école qui est responsable de l’aménagement de la bibliothèque actuelle dans son école et que si lui, le RBS, a besoin d’acheter des volumes pour réaliser un projet, le directeur lui débloque immédiatement les fonds. Cet exemple souligne à nouveau combien l’administrateur scolaire constitue un maillon important dans le développement des bibliothèques scolaires.
Les facteurs motivationnels et le dynamisme des bibliothécaires scolaires Les RBS interrogés nous étonnent par la nature et le nombre des irritants qu’ils relèvent dans l’exercice de leur profession, par la diversité et le nombre d’initiatives pédagogiques que, en revanche, ils disent prendre dans le cadre de leur fonction, et enfin par la variété de leurs motifs de satisfaction.
182
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 183
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
Les irritants et inhibiteurs de dynamisme Comme on peut le voir dans le tableau 2, les principaux irritants qui ralentissent le travail des RSB relèvent de facteurs liés non seulement au financement, mais aussi aux conditions de travail, aux usagers (élèves ou enseignants) et à la concurrence. TABLEAU 2 Irritants perçus par les RBS Liés au financement • Budget insuffisant
– empêche le renouvellement de documents
Liés aux personnes • Les élèves
• Informations floues – empêchent toute planification sur le budget alloué rigoureuse
• Budget parfois grugé – empêche les services • Les enseignants à d’autres fins prévus, les achats et la planification
Liés aux conditions de travail
– sont indisciplinés – volent des livres – sont peu formés à utiliser des ressources – sont peu présents – sont nombreux à avoir des problèmes d’apprentissage – fréquentent peu la bibliothèque personnellement – sont peu présents avec leurs groupes
Liés à la concurrence
• Surcharge de travail • Manque de personnel de soutien
• Des TIC
• Isolement professionnel – entravent la qualité (physique et moral) du service: consultation, • Entretien insuffisant références, des locaux • De la bibliothèque animation de la publique • Définition floue des lecture… tâches
– Local bruyant
– mieux garnie, mieux aménagée, elle draine la clientèle de l’école
• Horaire de quatre jours ou temps partiel
Compte tenu des conditions adverses dans lesquelles semblent le plus souvent travailler les RBS, il est surprenant de constater le nombre et la pertinence des initiatives qu’ils prennent par ailleurs. Voici ce que ces personnes réalisent à force de volonté et de conviction.
183
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 184
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les initiatives des RBS ou leurs modalités de survie Les RBS réalisent en moyenne chaque année quatre types d’activités pédagogiques qu’ils ont eux-mêmes élaborées, allant jusqu’à sept chez les plus créatifs. Celles-ci touchent en général le prêt, l’animation et la promotion des livres. Voici, dans le tableau 3, comment les initiatives pédagogiques des RBS se répartissent selon leurs visées. TABLEAU 3 Les initiatives pédagogiques des RSB selon leurs visées Visées Prêts de livres
Initiatives pédagogiues Formation à la recherche en bibliothèque Information sur les ressources de la bibliothèque
Animation et promotion du livre
Cercle de lecture «Tirage de livres» pour certaines réussites Quiz sur des lectures: concours, livromanie, croisière lecture Rencontre avec des écrivains Ateliers sur de grands écrivains Projet «Ouvre-moi» en collaboration avec la bibliothèque publique Présentation ritualisée des nouveautés Décoration d’un local pour la lecture d’une histoire d’horreur Réalisation d’un vidéo-clip pour la promotion des livres de la sélection Communication-jeunesse Semaine de la lecture Livre-film Création de pages Web Inauguration d’une section BD Club de lecture pour le personnel de l’école
Ces activités, pour la plupart, sont élaborées de façon ponctuelle par les RBS, à deux exceptions près: les cercles de lecture qui, une fois mis sur pied, réunissent les participants de façon régulière, et les expositions de livres qui sont, elles aussi, renouvelées continuellement au cours de l’année. Quant aux formations en recherche documentaire, elles sont dispensées de façon ponctuelle par le RBS aux élèves à la demande des enseignants. Par ailleurs, les ateliers informant les élèves des ressources disponibles à leur bibliothèque scolaire se déroulent habituellement en début d’année. Enfin, des rencontres avec un écrivain, organisées par des RBS, se produisent dans certaines écoles environ une fois l’an.
184
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 185
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
Les motifs de satisfaction professionnelle des RBS Tous les RBS se disent « très satisfaits » ou « satisfaits » à l’égard des activités qu’ils ont eux-mêmes élaborées, et ce, pour diverses raisons: ces activités leur permettent de rencontrer les nouveaux élèves et de «prendre leur pouls» quant à leurs intérêts en lecture. Elles élargissent leur champ d’action et le rayonnement de la bibliothèque ; elles stimulent le savoir et la débrouillardise des élèves qui à leur tour stimulent le RBS dans son travail. Elles accroissent l’achalandage (notamment là où a eu lieu l’inauguration officielle d’une section BD); elles permettent enfin une plus grande prise en main par les élèves de leur démarche de recherche et, dans certains cas, cet effet se fait sentir auprès de tous les élèves de l’école. Voici comment se résument les motifs de satisfaction des RBS, d’une part à l’égard des élèves et, d’autre part, à l’égard des enseignants. TABLEAU 4 Motifs de satisfaction des RSB Les élèves qui • manifestent leur curiosité
•
• apprécient les concours et les animations • trouvent de façon autonome ce qu’ils recherchent
•
• expriment leur satisfaction devant la mise en place d’une section BD
•
•
Les enseignants qui manifestent une meilleure connaissance des ressources préparent des activités en concertation avec eux reconnaissent l’influence du RBS sur le développement de l’autonomie de leurs élèves apprécient la BD comme incitatif à la lecture
Parmi ces motivations positives, on remarque spécialement l’opinion des enseignants et leur présence à la bibliothèque – comme le mentionnait aussi Bernhard (1996). Nous avons donc interrogé les enseignants eux-mêmes pour en savoir plus sur leur propre perception, d’une part, quant à la nature et à la fonction de la bibliothèque scolaire, et d’autre part quant à leur mode de fréquentation de celle-ci.
La relation entre les enseignants et les bibliothèques et leur responsable Tout d’abord, nous constatons que ce sont surtout des enseignants de français qui fréquentent la bibliothèque. Ce fait se trouve confirmé par les observations de tous nos répondants RBS. Ainsi, quatorze de nos répondants enseignants se consacrent à l’enseignement du français comme matière principale et une autre travaille en adaptation scolaire avec les élèves de première secondaire. (Trois autres n’ont pas mentionné leur discipline.)
185
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 186
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Dans cette enquête nous avons voulu, d’une part, connaître comment ces enseignants percevaient l’aide qu’ils obtenaient des RBS et, d’autre part, ce qu’ils faisaient eux-mêmes au regard de la fréquentation par leurs élèves de la bibliothèque, tant du côté fréquence que du côté mode d’utilisation. La perception des enseignants quant à l’aide apportée par les RBS La moitié des enseignants reconnaissent que le RBS les aide de façon plus qu’occasionnelle à réaliser leurs activités. Voici, avec la fréquence des mentions, le type d’aide que ce dernier leur apporte: • choix d’ouvrages pour leurs élèves (13/18); • concertation dans la planification des activités (8/18); • information sur les nouveautés qui peuvent intéresser leurs groupes (8/18) ou l’école (7/18); • prêt du local (7/18, notamment pour une nuit d’écriture); • visites promotionnelles dans les classes (3/18); • soutien aux élèves dans leur recherche de documentation (3/18). Un seul enseignant qualifie d’inutile la contribution du RBS à la réalisation d’activités pédagogiques. Il ne fréquente pas, de toute façon, sa bibliothèque scolaire. Trois trouvent peu utile l’aide du RBS, cinq en profitent occasionnellement. Quant à l’autre moitié des enseignants, ils disent tirer grand profit des services rendus par le RBS : quatre les jugent très utiles et cinq nécessaires à la concrétisation de leurs projets scolaires. La fréquentation de la bibliothèque avec les groupes Deux des enseignants interrogés amènent leurs élèves toutes les semaines à la bibliothèque. Deux s’y déplacent une fois par cycle de neuf jours ou toutes les deux semaines. Deux la fréquentent tous les mois et quatre le font à l’occasion. Six y effectuent avec leur groupe entre deux et six visites par année. Enfin, deux enseignants ne la fréquentent pas du tout avec leurs élèves. Si les enseignants semblent fréquenter la bibliothèque scolaire « avec leurs élèves » de façon très inégale, une forte majorité d’enseignants (14) disent par contre les inciter à la fréquenter «de façon autonome»: • en leur suggérant la lecture de certains romans et en les invitant à aller les chercher par eux-mêmes à la bibliothèque; • en organisant des périodes de lecture où les élèves doivent apporter un volume provenant de la bibliothèque scolaire; • en lisant avec les élèves le Biblio-flash, et en les informant des nouveautés et des activités (en cours ou à venir) à la bibliothèque; 186
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 187
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
• • •
en exigeant des élèves qu’ils aient toujours un livre avec eux; en organisant des concours de lecture en fonction du nombre de pages lues; en présélectionnant un certain nombre de romans et en demandant aux élèves de choisir parmi ceux-ci; • en leur demandant de sélectionner des documents comme devoir; • en les invitant à se procurer un roman pour certaines activités spéciales en français comme «le journal dialogué» (Lebrun, 1994); • en réalisant des recherches documentaires où les élèves doivent trouver euxmêmes leur documentation et fournir les références bibliographiques. Trois enseignants par ailleurs n’incitent pas du tout leurs élèves à fréquenter la bibliothèque de façon autonome. Un autre a aussi reconnu ne pas le faire suffisamment. L’incitation auprès des élèves et la fréquence des visites avec le groupe sont reliées bien souvent à la condition générale des documents dont dispose la bibliothèque scolaire. L’enseignant évalue l’âge, la quantité, la variété et la valeur pédagogique des documents disponibles dans sa bibliothèque scolaire au regard de sa discipline d’enseignement. Il décide ensuite de fréquenter ou non sa bibliothèque et d’inciter ou non ses élèves à s’y rendre de façon autonome. Avant de se rendre avec leur groupe à la bibliothèque, seize des dix-huit enseignants avisent le RBS, et l’un des deux enseignants qui ne fréquentent pas la bibliothèque scolaire préviendrait s’il décidait de s’y rendre. Un seul n’a pas à s’en soucier, puisqu’il dispose déjà d’une période réservée à son groupe. Les seize enseignants qui effectuent des activités à leur bibliothèque scolaire réservent des documents. Quelques-uns le font rarement (2), d’autres à l’occasion (6), autant réservent souvent (6), et deux enseignants avisent toujours le RBS afin qu’il mette de côté la documentation utile à leurs élèves. Les activités réalisées à la bibliothèque scolaire Voici les activités effectuées à la bibliothèque par seize des enseignants interrogés, ordonnés selon la fréquence de leur réalisation: • travaux de recherche; • périodes de lecture; • rencontres avec un écrivain; • formations en recherche documentaire; • présentations, exposés; • productions écrites;
187
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 188
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
•
ex æquo: concours littéraires, «tirages de livres» pour certaines réussites, cercles de lecture; • semaine de la lecture. S’ajoutent à cette liste d’autres activités un peu spéciales qui débordent de ces catégories, mais que nous ne nommerons pas pour protéger l’anonymat de nos répondants. Si l’on est curieux d’une autre forme de collaboration bibliothécaireenseignant – la critique de livres écrite par les élèves –, on pourra lire Jenks et Roberts (1990), qui décrivent minutieusement les effets d’une expérience au primaire. La plupart de ces activités, particulièrement les rencontres avec des écrivains et les projets spéciaux comme ceux qui sont mentionnés ci-dessus, se réalisent avec des groupes enrichis et réguliers. Par contre, des enseignants effectuent aussi des périodes de lecture, des travaux de recherche, des productions écrites, des formations en recherche documentaire et même des cercles de lecture avec des élèves en cheminement particulier et en difficulté d’apprentissage. La bibliothèque et le travail en équipe La moitié des enseignants interrogés font travailler leurs élèves en équipe (de deux le plus souvent) à la bibliothèque lors de travaux de recherche, d’exposés, de cercles de lecture et de certaines activités spéciales. Ils offrent ainsi à leurs élèves un exercice de travail coopératif. Une enseignante favorise aussi l’entraide mutuelle en jumelant ses élèves de groupes enrichis avec ceux de groupes d’appui. Des enseignants préfèrent le travail individuel, soit pour favoriser le silence, quand il est obligatoire à la bibliothèque, soit pour favoriser la concentration dans les groupes très faibles où les élèves sont reconnus comme étant peu responsables. D’autres contournent les difficultés en amorçant le travail d’équipe en classe par l’assignation des tâches et des responsabilités de chacun, pour ensuite laisser les élèves chercher leur information de façon individuelle à la bibliothèque. La majorité (12) des enseignants éprouvent à l’occasion des problèmes de discipline avec certains de leurs élèves lorsqu’ils travaillent en équipe à la bibliothèque. Quelques-uns n’en éprouvent que rarement ou jamais. Lorsqu’une telle situation se produit, selon les enseignants, le RBS intervient à l’occasion ou rarement, dans la plupart (12) des cas. Une seule RBS intervient toujours et trois autres, jamais. La collaboration avec la bibliothèque publique Quatre enseignants ont déjà réalisé ces activités avec un responsable de bibliothèque publique: • Le projet « Ouvre-moi » a consisté à inviter un comédien qui, d’une manière dynamique, présentait des livres aux élèves. Une trousse leur était ensuite remise
188
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 189
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
et ils étaient invités à aller à la bibliothèque publique se choisir un roman avec lequel ils effectuaient une activité de lecture en classe. • Une enseignante a réalisé dans une école certaines activités en collaboration avec la bibliothèque publique voisine puisque sa propre bibliothèque scolaire était restée fermée pendant deux ans pour réaménagement. • Des élèves de première secondaire ont produit un document vidéo, grâce à une collaboration établie entre l’enseignante de français et le responsable de la bibliothèque publique voisine de l’école. • On a réalisé des expositions de livres de la bibliothèque publique (Salon du livre) à l’école. En s’engageant ainsi dans une collaboration avec la bibliothèque publique, l’enseignante a mieux mis celle-ci au fait des besoins et des attentes des élèves. L’expérience a ainsi eu un retentissement sur l’approche générale de la bibliothèque publique vis-à-vis des enfants d’âge scolaire.
Les améliorations souhaitées par les répondants Globalement, l’intérêt manifesté par les enseignants, ces maîtres d’œuvre de la réforme des programmes scolaires, s’avère mitigé à l’égard de leur bibliothèque scolaire. Par conséquent, il n’est pas surprenant qu’il en soit de même pour la place qu’ils accordent à la concertation. Quand on approfondit la question, on peut se demander dans quelle mesure le contenu et la qualité du fonds même de la bibliothèque ne sont pas justement l’une des principales causes du phénomène. La question demeure. On ne peut terminer sans citer les améliorations que les répondants espèrent, quant à leur bibliothèque, au regard de la réforme scolaire. Voici les principales améliorations souhaitées par chaque type de répondant. Les améliorations que les administrateurs scolaires envisagent pour leur bibliothèque s’avèrent surtout d’ordre budgétaire et matériel: plus de budget pour l’achat de livres et de disques compacts, ajout d’ordinateurs, achat d’une imprimante. Ces suggestions d’amélioration rejoignent, du moins sur ces plans, celles qui sont souhaitées par les RBS. Ajoutons que, parmi certaines suggestions plus particulières formulées par les administrateurs scolaires, il y a, sur le plan matériel, l’ajout de chaises et la rénovation des planchers. Sur le plan humain, un administrateur souhaite plus d’ouverture de la part du RBS et une utilisation plus diversifiée de sa bibliothèque. Quant aux RBS consultés, ils semblent prêts à accueillir la réforme à condition qu’on leur offre plus de moyens financiers, matériels et humains. Plus de budget leur permettrait d’acheter des romans en nombre suffisant d’un même titre pour toute une classe, de renouveler leurs documentaires, d’offrir une sélection intéressante 189
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 190
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
de cédéroms, d’ajouter des postes informatiques supplémentaires et d’aménager des cubicules pour le travail individuel et en équipe. L’embauche de personnel supplémentaire dégagerait les RBS de leurs tâches de documentalistes tout en leur donnant du temps pour s’engager dans l’élaboration d’activités d’animation et de promotion de la lecture. Une plus étroite collaboration avec les enseignants permettrait une meilleure compréhension des contenus des nouveaux programmes en vue d’activités futures à la bibliothèque. Enfin, les RBS consultés apprécieraient beaucoup que la direction reconnaisse leur travail comme une collaboration à part entière à l’apprentissage des élèves, et qu’elle les soutienne dans leurs efforts pour favoriser le rayonnement de la bibliothèque au sein de l’école. Pour ce qui est des enseignants, voici leurs principales suggestions d’améliorations: • augmentation du budget alloué, ce qui permettrait notamment de réaliser plus d’activités pédagogiques et d’augmenter le nombre et la variété des documents (ouvrages de jeunesse, romans, documentaires, revues, cédéroms et plusieurs exemplaires d’un même roman); • achat de romans qui coïncident avec les apprentissages des élèves; • augmentation du nombre de postes informatiques; • augmentation de la capacité d’accueil de la bibliothèque; • informatisation du catalogue de la bibliothèque; • construction de salles fermées (pour le travail en équipe ou le travail individuel); • augmentation des activités d’animation; • accroissement du dynamisme et de l’implication du RBS dans sa tâche; • amélioration de la gestion de la bibliothèque pour éviter le laisser-aller dans le rangement des livres ou le manque de vigilance dans les retours d’ouvrages. Des enseignants nous ont aussi fait part de suggestions plus particulières: • augmentation des heures d’ouverture de la bibliothèque; • présence d’un coin de lecture avec sofas et télévision pour le visionnement d’adaptations cinématographiques de romans; • espace d’animation du livre; • accès à Internet; • meilleure promotion sociale des RBS et des enseignants; • amélioration de l’attitude du RBS quant à son accueil; • amélioration de son niveau de langage et de ses connaissances littéraires.
190
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 191
Chapitre 8 – Les éducateurs et la bibliothèque scolaire : points de vue
Conclusion Comme on a pu le voir, le discours sur les bibliothèques scolaires n’a guère changé depuis un quart de siècle. Les acteurs sont au courant des problèmes structurels et financiers. Les lacunes récentes soulevées tant par les enseignants que par les RBS et les administrateurs se retrouvaient déjà, entre autres, sous la plume de Léveillé, l’ancien responsable des bibliothèques scolaires au ministère de l’Éducation du Québec, il y a vingt ans. On a promis de meilleurs jours à la bibliothèque scolaire, mais celle-ci les attend toujours ! Enfin, tous ces constats nous portent à nous interroger sur le sort réservé aux bibliothèques scolaires à l’ère de la réforme et de l’intégration des TIC. Les bibliothèques scolaires au secondaire s’adapteront-elles à la réforme des programmes avec tout ce qu’elle suppose (travail en équipe, pédagogie par projet, interdisciplinarité)? Amorceront-elles le virage technologique auquel on s’attend de leur part avec le peu de budget dont elles disposent souvent? Pourront-elles compter sur le soutien financier et moral de la direction de l’école ? Surtout, les bibliothèques scolaires seront-elles en mesure de déployer les moyens adéquats pour attirer les élèves, les inciter à lire, à découvrir? Comment les bibliothèques scolaires attirerontelles vers la lecture ces adolescents, continuellement sollicités par toutes sortes de stimuli sonores et visuels ? Comment les amèneront-elles à développer l’habitude de s’isoler pour mieux s’imprégner d’autres univers que ceux qu’ils connaissent déjà?
191
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 192
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 193
CHAPITRE 9
La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents Marie Nadeau
Introduction L’importance de développer le goût de lire et l’habitude de lire n’est plus à démontrer. Il est essentiel que l’école s’en charge, pour assurer la réussite scolaire mais aussi pour la qualité de la vie après l’école, tout comme il est essentiel de développer chez les jeunes le goût de bouger et l’habitude de faire de l’exercice pour leur santé tout au long de la vie. L’ensemble du projet LIS va dans ce sens. Dans ce chapitre, nous présentons les résultats d’un des volets de ce projet: une enquête auprès des parents sur la lecture de leur adolescent ou adolescente. Pour développer la lecture de loisir, l’école doit mieux connaître les habitudes de lecture des jeunes en dehors de l’école, la place de la lecture dans leurs loisirs et le rôle de la famille en général. À l’adolescence, il semble que les jeunes se désintéressent de la lecture (Gervais 1997). Bintz (1993), qui reprend les mots de Paris, Lipson et Wixson (1983), dit que les élèves du secondaire perdent l’habileté et la volonté de lire («they lose the skill and the will »). Toutefois, par des entrevues auprès de jeunes, cet auteur constate une réalité beaucoup plus complexe et nuancée qu’il n’y paraît dès qu’on sort du cadre scolaire. Entre autres, il montre que plusieurs lecteurs passifs ou nonchalants (reluctant readers) devant les lectures scolaires manifestent une activité de lecture non négligeable en dehors de l’école. Qui plus est, ces jeunes n’ont pas recours aux mêmes stratégies. Face à une lecture scolaire imposée qu’ils jugent à l’avance inintéressante, ils lisent en sautant des passages, en essayant de prédire les questions du professeur, en portant leur attention sur des détails du texte comme le nom des personnages ou des dates. Lorsque ces mêmes jeunes lisent pour eux-mêmes (des romans de fiction, mais aussi des revues spécialisées sur des sujets variés comme les sports, la course automobile, l’aviation), ils adoptent des stratégies plus pertinentes pour comprendre et retenir l’information d’un texte.
193
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 194
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Le contexte familial joue aussi un rôle dans la réussite ou l’échec scolaire en lecture, au-delà de la petite enfance où l’on sait depuis longtemps que la lecture régulière d’histoires prépare l’enfant à cet apprentissage. Lahire (1995) a mené une recherche dont le but est de «mieux saisir ce qui, dans les configurations familiales en milieux populaires, pouvait rendre raison de l’échec mais aussi de la réussite » (p. 39) des élèves. Cet auteur, pour qui la culture de l’écrit est au «cœur de l’appropriation adéquate de l’univers scolaire », fait ressortir l’importance pour l’élève de trouver des appuis familiaux dans cette appropriation ; le fait d’avoir des parents lecteurs et scripteurs ne la garantit pas. Il décrit certaines familles possédant un patrimoine culturel (livres, encyclopédies) qui reste à l’état de «lettre morte parce que personne ne le fait vivre familialement» (p. 40); les parents manquent de temps ou de dispositions pour accompagner leur enfant dans la découverte de ces objets culturels. L’auteur décrit, à l’opposé, des familles dans lesquelles les parents ne lisent pas eux-mêmes ou très peu, mais jouent un rôle d’intermédiaire entre la culture écrite et leurs enfants, par exemple en leur posant des questions sur ce qu’ils lisent ou en les amenant à la bibliothèque. Ainsi, Lahire (1995) fait ressortir l’importance des interactions parents-enfants autour de la lecture, interactions qui permettent à l’enfant de verbaliser son expérience de l’écrit, de ne pas la vivre seul. Au Québec, les habitudes de lecture des 9 à 12 ans ont déjà fait l’objet d’une étude approfondie (Gervais, 1997), celles des adolescents et adolescentes et celles des adultes ont également été sondées à travers les études que nous décrivons cidessous. Toutefois, le point de vue des parents n’a jamais, à notre connaissance, fait l’objet d’une recherche au Québec. Dans ce chapitre, les résultats au questionnaire LIS-parents seront comparés, lorsque c’est possible, à d’autres recherches s’intéressant de près ou de loin aux habitudes de lecture chez les adolescents ou les adultes québécois. L’enquête du groupe LIS sur les habitudes et les attitudes de lecture menée auprès de plus de 1700 élèves du secondaire, dans les écoles participant au projet (questionnaire LIS-élèves, Lebrun, 2003) nous permettra de confronter les perceptions des parents et des élèves sur la lecture chez les jeunes. Précisons que les parents qui ont participé à notre enquête forment un sous-ensemble des parents des élèves de l’enquête LIS-élèves. Une enquête du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) sur les habitudes de lecture chez les jeunes du secondaire a été publiée en 1994. Elle présente les résultats d’un questionnaire auprès de 5 000 élèves. De plus, leurs enseignants (presque 800 enseignants dont 182 de français) ont aussi été questionnés sur leurs propres habitudes de lecture et certaines pratiques de promotion de la lecture en classe, pratiques formelles (lectures hors du manuel scolaire, visite du salon du livre, conférence d’un auteur, etc.) ou informelles (discuter d’un livre, en conseiller, etc.). (Voir le chapitre «Méthodologie» pour plus de détails.) 194
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 195
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
Le ministère de la Culture et des Communications (MCC), dans un document de 1998, fait une synthèse de la situation de la lecture et du livre au Québec à partir de diverses études gouvernementales. Les thèmes abordés sont les suivants : les habitudes de lecture des Québécois, les compétences en lecture (en formation initiale et continue), les bibliothèques scolaires et publiques, les librairies et, enfin, l’édition de livres et les médias écrits. Ce bilan a pour but l’élaboration du projet de politique de la lecture et de diffusion du livre. En 1994, la Direction générale du loisir et des sports et la Direction du loisir et des programmes à la jeunesse du ministère des Affaires municipales (MAM) publient les résultats d’une enquête sur les loisirs menée auprès de plus de 5000 jeunes de 12 à 18 ans qui fréquentent l’école secondaire au Québec. L’étude s’intéresse à la pratique d’activités socioculturelles, physiques et sportives ainsi que touristiques et de plein air. Elle se veut «un outil de référence pour les intervenants en loisir préoccupés d’offrir à cette nouvelle génération des activités conformes à leurs attentes» (p. 19). Afin d’alléger le texte, nous nous référerons désormais aux enquêtes gouvernementales décrites ci-dessus par le sigle du ministère dont elles émanent : MEQ, MCC ou MAM. Ces trois enquêtes, bien qu’elles poursuivent toutes des buts différents, fournissent des données souvent comparables aux nôtres, permettant à l’occasion de mieux saisir une évolution, de confirmer une tendance ou de trouver une source d’explication à nos propres données. Nous diviserons le chapitre de la façon suivante. Une première partie précisera les détails de notre prise de données. En deuxième partie, nous exposerons nos résultats.
La prise de données Le questionnaire aux parents Le questionnaire aux parents, reproduit intégralement en annexe, porte sur les habitudes de lecture des adolescents et adolescentes ainsi que sur certains facteurs pouvant influencer ces habitudes. Il a été construit à partir du questionnaire LIS aux élèves et de la grille de discussion pour les groupes de discussion d’élèves (voir le chapitre sur les groupes de discussion). Il s’agit d’un questionnaire comportant un nombre limité de questions afin de ne pas paraître rébarbatif aux parents qui devaient y répondre. Il est donc moins approfondi que le questionnaire LIS aux élèves. En évitant de trop accaparer le temps des parents, nous avons obtenu, comme nous l’espérions, un fort taux de retour des questionnaires.
195
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 196
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Ce questionnaire sommaire permettait tout de même d’obtenir la perception des parents sur les habitudes de lecture de leur jeune dans ses grandes lignes : fréquence de lecture, principaux types d’écrits lus, place de la lecture dans ses loisirs. Toutefois, la plupart des questions touchaient les parents eux-mêmes, en rapport avec la lecture et certaines habitudes familiales. Nous avons ainsi obtenu des données sur les points suivants: • les interactions parents-enfants en rapport avec la lecture (connaissance de ses lectures, discussions autour d’elles, soutien dans les lectures scolaires, lecture d’histoires lorsqu’ils sont enfants); • le parent comme modèle-lecteur: ses habitudes de lectures passées et présentes (fréquence de lecture, place de la lecture dans les loisirs personnels, achat de livres, fréquentation d’une bibliothèque); • l’importance de la vie culturelle dans la famille, évaluée à travers les sorties en famille. Une question ouverte demandait au parent son avis à propos du stéréotype suivant sur la lecture: «Les garçons aiment moins la lecture que les filles.» Enfin, le questionnaire se terminait par une invitation à participer à un groupe de discussion (groupe focus) autour de la lecture chez les jeunes. Toutefois, l’analyse des résultats à la question ouverte et aux groupes de discussions qui ont pu avoir lieu ne fait pas l’objet du présent chapitre.
Les sujets Le questionnaire LIS aux parents a été distribué par quelques enseignants de trois écoles de la région de Montréal participant au projet LIS, par l’intermédiaire de leurs élèves de la 1re à la 4e secondaire. Aucun questionnaire n’a été distribué dans les écoles où un grand nombre de parents ne comprenaient pas le français, selon les enseignants. Au total, 338 parents forment notre échantillon, ils se répartissent comme suit: 192 parents d’élèves de 1re secondaire et 41 parents d’élèves de 2e secondaire de l’école Daniel-Johnson de la commission scolaire de la Pointe-de-l’île ; 47 parents d’élèves de 3e secondaire de l’école Saint-Georges et 58 parents d’élève de 4e secondaire de l’école Pierre-Laporte, ces deux écoles faisant partie de la commission scolaire Marguerite-Bourgeois. Parmi les sujets qui ont répondu au questionnaire, 45 % sont parents d’un garçon et 54 % d’une fille, 1 % n’ont pas répondu à la question. Il était demandé aux parents de répondre en fonction de ce jeune. La structure de la famille n’est pas un facteur dont nous avons tenu compte; d’autres enfants peuvent donc faire partie de la famille, tout comme certaines familles peuvent être monoparentales. Nous n’avons pas non plus contrôlé le milieu socio-économique, ce qui constitue une limite de cette enquête. 196
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 197
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
La compilation des résultats La compilation des réponses des parents à chacune des questions fournit les résultats généraux présentés ci-dessous. Les différences qu’entraînent certains facteurs comme le sexe, l’âge et la fréquence de lecture seront précisées. Lorsque c’est possible, nos résultats seront comparés à ceux des enquêtes décrites ci-dessus, soit celles de LISélèves (Lebrun, 2003), du MEQ (1994a) et du MCC (1998a) sur la lecture ainsi que celle du MAM (1994) sur les loisirs des jeunes du secondaire.
Résultats généraux au questionnaire LIS-parents Nous verrons ici successivement un portrait de la lecture des jeunes selon les parents et le comportement des parents devant la lecture des jeunes, en distinguant les différences selon l’âge du jeune, selon son sexe et selon sa fréquence de lecture. La lecture et les jeunes selon les parents Les jeunes lisent-ils? La première question portait sur la fréquence de lecture de l’adolescente ou de l’adolescent concerné par l’enquête. Le tableau 1 suivant montre qu’environ la moitié des jeunes (51%) lisent régulièrement si on regroupe les catégories «assez souvent» et «très souvent», l’autre moitié (49%) lisant de «rarement» à «jamais». TABLEAU 1 La fréquence de lecture des jeunes selon leurs parents Jamais (ou presque) 7%
Rarement 42 %
Assez souvent 37 %
Très souvent 14 %
Dans leurs questionnaires aux jeunes du secondaire, LIS-élèves (2003), de même que le MEQ (1994a) n’ont pas abordé la fréquence de lecture dans les mêmes termes. Dans ces deux enquêtes, une question porte sur l’amour de la lecture et une autre demande une approximation du temps de lecture en nombre d’heures par semaine. À la question «Aimes-tu lire?», les résultats de l’enquête LIS-élèves (2003) sont les suivants: 26% aiment beaucoup lire, 41% moyennement, 22% peu et 9% pas du tout. En regroupant ceux qui aiment lire beaucoup et moyennement, 67%, soit les deux tiers des jeunes, apprécient la lecture. C’est un peu moins qu’en 1994, selon l’enquête du MEQ (1994, p. 21) où l’on trouve qu’«environ trois élèves sur quatre affirment aimer lire beaucoup ou moyennement». (Voir le chapitre «Les adolescents face à la lecture de plaisir» dans le présent ouvrage.) Ainsi, le fait d’aimer lire beaucoup ou moyennement (67 % des jeunes de l’enquête LIS-élèves et 75% de celle du MEQ) ne se concrétise pas toujours par la fréquence de lecture puisque seulement 51% des jeunes de notre enquête sont des 197
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 198
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
lecteurs assidus, c’est-à-dire qui lisent assez ou très souvent. Il s’agit là du jugement des parents sur leur jeune mais eux, que déclarent-ils à ce sujet? Le questionnaire LIS-élèves a donné les résultats suivants : 69 % des jeunes consacrent deux heures ou moins par semaine à la lecture de loisir, 16 % de trois à cinq heures, 13 % y consacrant six heures et plus. L’enquête du MEQ (1994a, p. 37) sur la lecture chez les élèves du secondaire fournit des résultats semblables: 39% des jeunes lisent moins d’une heure par semaine, 31% de une à deux heures (donc 70% lisent 2 heures ou moins par semaine), 19 % de trois à cinq heures et 11 %, six heures et plus. À la lumière de ces résultats, il y a tout lieu de croire que, pour certains parents, lire une ou deux heures par semaine, c’est, pour un ado, lire «assez souvent». Que lisent les jeunes ? Selon les réponses des parents présentées dans le tableau 2 ci-dessous, plus de la moitié des jeunes lisent des romans (60%) et des revues (55,5%). Les lecteurs de bandes dessinées sont à peine plus nombreux que les lecteurs de journaux et les BD attirent seulement un jeune sur six environ. Les autres catégories d’écrits ne récoltent que très peu d’adeptes. TABLEAU 2 La diversité des genres de lectures Genres de lecture Romans Revues Journaux Sur Internet Bandes dessinées Textes informatifs
% de jeunes qui en lisent selon les parents 60 % 55,5 % 15,5 % 2% 17 % 4%
Selon l’enquête du MEQ (1994a) sur la lecture chez les jeunes du secondaire, 78% des garçons et 60% des filles déclarent être intéressés par les bandes dessinées (p. 26). La même question dans l’enquête LIS-élèves donne un résultat semblable: 71% des jeunes sont intéressés par la BD (80% des garçons et 58% des filles.) On constate donc un écart important entre l’engouement pour la bande dessinée selon ces deux études et le fait que dans notre enquête, selon les parents, seulement 17% des jeunes en lisent. Cette différence entre l’intérêt et la lecture effective se retrouve cependant aussi dans l’étude du MEQ. Une analyse de tous les titres de livres (lectures de loisirs ou scolaires) mentionnés par les jeunes (25000 mentions, au total de plus de 5000 ouvrages) selon un classement en 20 genres d’écrits montre en effet que la bande dessinée concerne seulement 3% des mentions. Les romans sont cités substantiellement plus souvent: 38% des mentions se classent parmi les «romans,
198
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 199
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
contes et nouvelles pour jeunes » et 21 % parmi les « romans, contes et nouvelles pour adultes». De plus, les romans fantastiques, historiques, policiers et de sciencefiction sont classés à part des catégories précédentes et comptent respectivement pour 8 %, 2 %, 10 % et 2 % des mentions. Notons enfin que les biographies fournissent 5% des mentions. Dans l’enquête LIS-élèves (Lebrun, 2003), l’intérêt pour les romans se trouve détaillé en six genres: romans policiers, d’aventure, d’amour, historique, de sciencefiction, fantastiques. Il est donc impossible de retrouver un pourcentage global pour l’intérêt envers les romans en général par rapport à d’autres types d’écrits ; mentionnons simplement que l’intérêt qu’y portent les jeunes varie, selon le genre, de 38% à 80%, trois genres se situant autour de 50%. Considérant ensemble les journaux et les périodiques, l’enquête du MEQ (1994a) révèle que 64% des garçons et 56% des filles disent s’y intéresser, ce qui est du même ordre de grandeur que ce que nous déclarent les parents 10 ans plus tard à propos des revues (55,5 %), mais la lecture de quotidiens semble les attirer beaucoup moins (15,5 %). Toutefois, dans l’enquête LIS-élèves, une question concernait la lecture de revues ou de journaux auxquels les parents sont abonnés («T’arrive-t-il d’en lire une ou des parties?»): 94,5% des jeunes déclarent qu’il leur arrive de lire des parties de ces journaux et 65,5% des parties de revues. Ces résultats montrent que, si peu d’adolescents ou d’adolescentes lisent régulièrement les journaux, le fait d’en avoir à la maison les amène à les feuilleter de temps à autre. Enfin, les jeunes se distinguent nettement des adultes en ce qui concerne le type d’écrits lus. En effet, l’enquête du MCC (1998a) révèle que les Québécois lisent davantage de journaux et de revues que de livres: 43% ne lisent jamais ou rarement de livres, ces proportions étant de 37% pour les revues et de 24% pour les journaux. Quelle est la place de la lecture dans les loisirs du jeune ? La lecture est mentionnée comme un des trois principaux loisirs du jeune dans seulement 23,5% des cas. Écouter la télévision ou regarder des vidéos constitue un loisir important pour 52,5 % des jeunes. Ils sont également nombreux à voir des amis (46,5%), à pratiquer un sport ou une activité de plein air (45%) ou, encore, à écouter de la musique (42,5%). Passer du temps sur Internet ou sur l’ordinateur est un des trois principaux loisirs pour 39,5 % des jeunes et les jeux vidéo le sont pour 24 % d’entre eux. D’autres activités comme le bricolage ou l’artisanat, le magasinage, les jeux de sociétés, l’écriture ou le dessin récoltent très peu d’adeptes (moins de 10%, et souvent moins de 3%). Dans l’étude du MEQ (1994a, p. 16) sur la lecture chez les jeunes du secondaire, on trouve, entre autres, le temps consacré à la lecture, au sport et à la télévision. Comme nous questionnions les parents sur les trois loisirs principaux du jeune, et que les résultats du MEQ se trouvent sous forme d’un nombre d’heures par semaine, 199
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 200
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
nous procédons à deux regroupements des données disponibles de l’enquête du MEQ: six heures ou plus, ce qui est indéniablement un loisir important dans la vie d’un jeune, puis trois heures et plus. Le tableau 3 ci-dessous fournit de plus les données provenant de l’enquête LIS-élèves (Lebrun, 2003), qui questionnait aussi les jeunes sur le temps consacré chaque semaine à diverses activités, ainsi que les résultats selon notre propre enquête auprès des parents. TABLEAU 3 La proportion de jeunes pratiquant certaines activités de loisirs dans trois enquêtes Nombre d’heures par semaine consacrées à diverses activités selon l’enquête du MEQ (1994) et LIS-élèves (Lebrun, 2003) Temps consacré à l’activité : Lecture Sports Télévision Rencontre d’amis Écoute de musique Temps sur Internet ou sur l’ordinateur
6 heures et plus 3 heures et plus par semaine par semaine MEQ LIS-élèves MEQ LIS-élèves 11% 13% 30% 29% 32% 30% 59% 55% 54% 60% 81% 84% 38% 65% 24% 50% 38%
64%
Selon les parents de notre enquête, l’activité est un des trois principaux loisirs du jeune
23,5% 45% 52,5% (tv + vidéo) 46,5% 42,5% 39,5%
Les deux enquêtes (MEQ, 1994 et LIS-élèves, Lebrun, 2003) qui questionnaient directement les jeunes obtiennent sensiblement les mêmes résultats pour le temps consacré à la lecture, à la télévision et au sport, qu’on fasse le calcul pour six heures et plus par semaine ou trois heures et plus par semaine. Nos propres résultats montrent cependant que le jugement du parent sur les principaux loisirs du jeune ne concorde pas nécessairement avec une durée hebdomadaire précise. Néanmoins, on constate, dans ces trois enquêtes, la maigre place de la lecture par rapport aux autres activités comme les sports, la télévision, les amis, la musique ou Internet. Dans notre enquête, la lecture obtient le plus faible pourcentage parmi ces activités et, dans les deux autres études, la lecture est l’activité à laquelle le moins de jeunes consacrent du temps, qu’il s’agisse d’y passer six heures par semaine ou trois. Le rapport du MAM (1994) sur les loisirs des élèves du secondaire ne présente pas de données sur le temps consacré par les jeunes à la lecture de loisir ; on y mentionne simplement (p. 9) «la popularité du loisir littéraire» qui «attire» 46% de jeunes, sans qu’on sache exactement par quelle question on a obtenu ce résultat. 200
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 201
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
Les renseignements sur la télévision ne sont pas plus élaborés, elle «demeure toujours un loisir fort populaire» (p. 11). Par contre, quelques éléments plus approfondis du rapport peuvent être comparés aux résultats précédents: • «28% des jeunes passent 6 heures ou plus par semaine à écouter des cassettes ou des disques et près de 20% écoutent la radio 6 heures et plus» (p. 11). • «Près de 80% d’entre eux louent des films vidéo dont 37% au moins deux par semaine. On note également que 60 % des jeunes passent de 1 à 5 heures à regarder des films loués et près de 8%, plus de 6 heures» (p. 11). • 38% des jeunes s’adonnent à la pratique sportive 6 heures ou plus par semaine (p. 13) (MAM 1994, p. 11-13). Ces résultats du MAM font ressortir l’importance, dans les loisirs des jeunes, de l’écoute de la musique et de la pratique sportive, comme nous l’avons observé dans notre propre enquête. Il en ressort aussi l’importance du visionnement de films vidéo, montrant ainsi que le temps passé devant un écran de télévision ne veut pas nécessairement dire regarder des émissions. Ce rapport, qui date de 1994, n’approfondit pas la place de l’ordinateur dans les loisirs des jeunes. Pourtant, on peut voir que la « micro-informatique » était mentionnée dans la liste des activités socioculturelles (p. 25) et pratiquée par 35% des jeunes pendant l’été et 40 % à l’automne (Internet n’est pas mentionné mais était très peu répandu à cette époque). Ce taux ne fournit aucun indice du temps consacré à l’activité ou de son importance dans les loisirs des jeunes (voir le chapitre «La lecture à l’écran» dans le présent ouvrage). Les parents et la lecture Lorsque les parents étaient adolescents, il semble qu’ils lisaient davantage que leurs jeunes : 32 % lisaient alors très souvent et 33 % assez souvent. Seulement 31 % lisaient rarement et 4%, jamais ou presque. Les deux tiers des parents lisaient donc régulièrement quand ils étaient ados, et le tiers ne lisaient pas ou lisaient peu. Seulement 32% des parents déclarent lire aujourd’hui moins qu’à cette époque. Les deux tiers des parents lisent autant (31%) ou plus qu’avant (35%). Il est difficile de dire s’il y a ici un effet de désirabilité qui a influencé les réponses des parents lorsque la question les concernait plus directement sur leur propre pratique de lecture. Le comportement des parents face à la lecture des jeunes Diverses questions touchent le comportement des parents en rapport avec la lecture et leur adolescent ou adolescente ou lorsqu’il était enfant. Les questions portant sur la connaissance qu’ont les parents des lectures de leur ado et les interactions autour d’elles révèlent que la grande majorité des parents s’intéressent aux lectures de leur 201
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 202
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
jeune. Presque tous les parents (87,5%) connaissent ses lectures de loisir et un grand nombre en discutent (70,5%) avec leur jeune. Les parents sont toutefois moins au courant de leurs lectures scolaires; mais il y a quand même 60% d’entre eux qui les connaissent et environ un parent sur deux (45%) qui fournit à l’occasion de l’aide au jeune dans les lectures en lien avec l’école. Lorsque l’adolescent ou l’adolescente était jeune, la quasi-totalité des parents (93%) lui ont lu des histoires. Quant à la fréquentation d’une bibliothèque, 85% des parents déclarent l’avoir fait lorsque leur jeune était au primaire et 61 % des parents disent l’avoir fréquentée au cours des six derniers mois. Les parents sont aussi nombreux à acheter des livres: 70,5% d’entre eux en ont acheté un ou plusieurs dans les six derniers mois. Les réponses à cet ensemble de questions révèlent des parents au comportement plutôt exemplaire en ce qui a trait à la lecture et à leurs enfants, petits et grands. Il y a lieu de se demander s’il n’y aurait pas ici un effet de désirabilité, les parents cherchant à montrer d’eux-mêmes une image socialement valorisée. La comparaison avec d’autres études peut nous éclairer à ce sujet, tout en gardant à l’esprit que ces autres enquêtes ne sont pas davantage à l’abri de cet effet de désirabilité. Ainsi, les parents se perçoivent en général comme attentifs aux lectures de leur ado. Cette vision ne semble pas partagée par les jeunes eux-mêmes selon les résultats de l’enquête LIS-élèves: 67% des jeunes y déclarent que les personnes à la maison s’intéressent peu ou jamais à ce qu’ils lisent. Le taux de fréquentation d’une bibliothèque semble également beaucoup plus fort chez les parents de notre enquête que dans la population québécoise en général. Selon l’enquête du MCC (1998a) faisant état de la situation de la lecture et du livre au Québec, «la moyenne québécoise de fréquentation des bibliothèques publiques par rapport à la population desservie est de 31%» (p. 77). Cette proportion est de 34 % à Montréal. Précisons cependant que ces proportions sont calculées à partir du nombre d’abonnés. Le rapport mentionne aussi que «22% des usagers, toutefois, disent qu’ils y vont rarement ou n’y vont jamais pour emprunter des livres, mais pour d’autres raisons, par exemple pour lire des revues et des périodiques ou pour accompagner les enfants» (p. 81). De plus, considérant l’ensemble des usagers par rapport à la population en général, il s’avère que, « globalement, les bibliothèques accueillent en proportion plus importante des personnes venant de familles qui comptent des enfants de moins de 15 ans et dont le revenu annuel brut est inférieur à 50000$» (p. 80). À la lumière de ces facteurs, les forts taux de fréquentation d’une bibliothèque par les parents de notre enquête (85% quand le jeune était au primaire et 61% dans les six derniers mois) s’expliquent mieux et, du même coup, l’effet de désirabilité s’estompe quelque peu. Nos parents ont presque tous un jeune de moins de 15 ans
202
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 203
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
et peuvent avoir été à la bibliothèque pour un motif autre que celui d’emprunter un livre. Quant au revenu familial, nous ne disposons pas de cette donnée. Les sorties en famille Les sorties familiales consistent surtout à voir la parenté (84,5%), aller au cinéma (78%) et faire une sortie de plein air (73%). D’autres activités sont tout de même assez répandues même s’il s’agit d’activités par nature plus ponctuelles que les précédentes : voir un spectacle (36,5%), assister à un match de sport (35%), visiter un salon (de la jeunesse, de l’auto, du plein air…), 30,5%, visiter un musée (27,5%). D’autres activités sont rares, pratiquées par 5% ou moins des familles. On observe donc un certain équilibre, dans la vie familiale, entre l’entretien des relations sociales (avec la parenté), les activités physiques (le plein air) et celles plus culturelles. Parmi ces dernières, si le cinéma est de loin l’activité la plus populaire, environ le tiers des parents exposent leur jeune à une certaine variété de sorties culturelles comme voir un spectacle ou visiter un musée. Les trois principaux loisirs du parent Après le plein air ou la pratique d’un sport (74,5%), la lecture est mentionnée par 47,5 % des parents et la télévision-vidéo par seulement 31,5 % des parents. Les parents semblent avoir moins de temps que les jeunes pour voir des amis (21,5%) ou écouter de la musique (21%). Selon l’étude, 15,5% des parents considèrent leurs tâches familiales ou ménagères comme un de leurs principaux loisirs et 14% sortent au cinéma ou à un spectacle. Internet (8%) et les jeux vidéo (1,5%) ne sont pas des loisirs populaires auprès des parents. Les autres loisirs consistent à travailler ou à étudier ou autres, dans moins de 3% des cas chacun. La lecture constitue donc un loisir plus répandu chez les parents que chez les jeunes, ce qui est cohérent avec les résultats obtenus pour la fréquence de lecture lorsque le parent était adolescent (les deux tiers lisaient alors assez ou très souvent) et aujourd’hui (les deux tiers lisent plus ou autant qu’avant). Encore une fois, cette différence générationnelle peut être le fruit d’un effet de désirabilité qui se manifeste davantage lorsque les questions concernent directement le parent qui répond au questionnaire. Les différences selon l’âge du jeune L’adolescence étant une période de grands bouleversements, nous avons vérifié à quel point le portrait général dressé ci-dessus était valable autant au début du secondaire qu’à la fin. Nous avons comparé les élèves de 1re et 2e secondaire (n=233) à ceux de 3e et 4e secondaire (n=105), considérant le niveau scolaire comme une mesure de l’âge des jeunes. Nous mentionnons ci-dessous seulement les différences
203
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 204
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
qui s’avèrent significatives. Elles touchent les interactions parents-enfants autour de la lecture et les sorties familiales ainsi que le genre de lectures et les loisirs des jeunes. Plus de la moitié (53%) des parents de jeunes de 1re ou 2e secondaire déclarent aider leur enfant à l’occasion dans ses lectures scolaires, comparativement à seulement 27,5% des parents d’adolescents de 3e ou 4e secondaire. Cette baisse hautement significative (p inférieur à 0,001) peut s’expliquer de diverses manières: on peut penser qu’en vieillissant les jeunes ont moins besoin d’aide parce qu’ils maîtrisent la lecture, mais cela peut aussi vouloir dire qu’ils ne veulent plus recevoir l’aide du parent. Ce moins grand contact entre le parent et l’adolescent avec l’âge se manifeste aussi dans la connaissance qu’a le parent des lectures de loisir de l’adolescent ou de l’adolescente. Pour ceux du début du secondaire, 90,5 % des parents disent les connaître. Tout en restant nombreux à les connaître, cette proportion, chez les parents des plus vieux, diminue à 81 %. Cette différence s’avère très significative (p=0,009) Les sorties familiales semblent sensiblement influencées par l’âge du jeune, même si des frères et sœurs plus jeunes ou plus vieux peuvent aussi faire partie de la famille. Dans les réponses à la question sur ce sujet, présentées au tableau 4, presque tous les éléments montrent une différence significative entre les familles avec un jeune de 1re ou 2e secondaire par rapport à celles avec un jeune de 3e ou 4e secondaire. TABLEAU 4 Les sorties familiales
Visiter la parenté Aller au cinéma Faire une activité de plein air Assister à un match sportif Visiter un salon (jeunesse, de l’auto, etc.) Voir un spectacle Visiter quelque chose (autre qu’un musée) Visiter un musée Voyager Faire une activité ludique (ex. : La Ronde)
1re et 2e secondaire 3e et 4e secondaire % des familles % des familles 91 % 78 % 84,5 % 70 % 82,5 % 66,5 % 39,5 % 27,5 %
Différence1 (p-valeur) *** (0,001) ** (0,002) *** (0,001) * (0,03)
38,5 % 33 %
14 % 47,5 %
*** (0,0001) ** (0,01)
2% 26,5 % 3,5 %
16 % 32,5 % 7%
*** (0,0001)
2%
3%
1. *** Indique une différence hautement significative (p inférieur ou égal à 0,001). ** Indique une différence très significative (p inférieur ou égal à 0,01). * Indique une différence significative (p inférieur ou égal à 0,05).
204
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 205
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
En vieillissant, les ados suivent moins leurs parents dans la visite à la parenté, le cinéma, les activités de plein air et assistent moins ensemble à un match sportif. La baisse de fréquentation familiale d’un salon peut s’expliquer par l’âge, mais aussi, pour cet élément, par la proximité géographique du stade olympique pour les familles avec des jeunes de 1re et 2e secondaire qui venaient, rappelons-le, de l’école Daniel-Johnson, située dans l’est de l’île de Montréal. Les parents répondant à notre questionnaire ont très souvent spécifié qu’il s’agissait du Salon Pepsi-jeunesse. Enfin, les parents des adolescents plus vieux sont un peu plus nombreux (92,5%) à avoir fréquenté leur bibliothèque municipale lorsque leur enfant était au primaire, en comparaison des parents d’adolescents plus jeunes (82,5 %). Cette différence significative (p=0,02) s’explique difficilement. Il s’agit peut-être d’un effet géographique, lié par exemple à une plus ou moins grande proximité ou à l’accès à la bibliothèque selon le quartier. Les adolescents se distinguent également selon l’âge (différence hautement significative: p=0,0002) pour la lecture de bandes dessinées: relativement populaire chez les plus jeunes du secondaire (22,7%), elle est presque abandonnée des plus vieux (5%). Il n’y a pas de différences significatives dans la lecture d’autres genres (romans, revues, journaux, etc.). La popularité décroissante avec l’âge de la bande dessinée chez les ados a aussi été observée dans l’enquête du MEQ (1994a) sur la lecture et les jeunes du secondaire. Les loisirs des jeunes se modifient également quelque peu au cours du secondaire. Les jeux vidéo sont deux fois moins souvent parmi les trois principaux loisirs des plus vieux (différence très significative : p=0,002) : 29 % des plus jeunes s’y adonnent comparativement à 13,5% des 3e et 4e secondaire. Cette baisse d’intérêt pour les jeux vidéo semble se faire au profit de l’ordinateur et d’Internet qui devient un des principaux loisirs chez 56% des jeunes de 3e et 4e secondaire alors que cette activité est mentionnée par 32 % des 1re et 2e secondaire (différence hautement significative: p=0,0001). Que font les jeunes sur l’ordinateur ou sur Internet ? Il est étonnant de constater à quel point les parents ne considèrent pas cette activité comme une activité de lecture puisque seulement 2% des parents mentionnent Internet comme genre de lecture de leur jeune comme nous l’avons indiqué au tableau 2 de ce chapitre. Notre propre connaissance de ce groupe d’âge nous amène à penser que le temps passé à lire des informations est sans doute bien mince par rapport au temps passé à télécharger de la musique, à jouer à des jeux en réseaux ou encore à s’adonner au clavardage, dans une langue et une orthographe qui s’éloignent tant de la norme que le parent ne la considère pas comme de la lecture (voir le chapitre 6 «La lecture à l’écran», dans le présent ouvrage).
205
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 206
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Des loisirs comme regarder la télévision, voir ses amis, écouter de la musique, pratiquer un sport restent des activités très populaires tant au début qu’à la fin du secondaire, ces activités étant mentionnées dans des proportions variant de 40% à 53%. La lecture conserve sa place, mentionnée comme loisir pour moins du quart des jeunes (23,5% chez les plus jeunes et 24% chez les plus vieux). Les différences selon le sexe du jeune Les enquêtes s’intéressant à la lecture chez les jeunes (MEQ, 1994a, LIS-élèves, Lebrun, 2003) ou dans la population en général (MCC, 1998a) révèlent toutes des différences appréciables selon le sexe de l’individu, les filles ou les femmes lisant davantage que les garçons ou les hommes et s’intéressant à des genres d’écrits différents. Nos résultats vont dans le même sens. Le tableau 5 ci-dessous montre que, parmi les jeunes qui lisent assez ou très souvent, on trouve beaucoup plus de filles que de garçons, et trois fois plus de garçons que de filles qui ne lisent jamais (différence très significative: p=0,0002). TABLEAU 5 La fréquence de lecture du jeune selon son sexe Selon le parent, le jeune lit… Filles Garçons
Jamais (ou presque) 3,5 % 10,5 %
Rarement 34,5 % 50,5 %
Assez souvent 44 % 29,5 %
Très souvent 18,5 % 10 %
Total 100 % 100 %
Ces résultats vont dans le même sens que ceux du MCC (1998a) sur la population québécoise en général pour la lecture de livres: «Deux fois plus de femmes (32%) que d’hommes (16%) affirment lire très souvent des livres alors que presque deux fois plus d’hommes (27%) que de femmes (16%) n’en lisent jamais» (p. 8). On retrouve des résultats semblables dans l’enquête du MEQ (1994) chez les jeunes du secondaire, tant pour l’amour de la lecture que pour le nombre de livres lus: près de la moitié des filles déclarent aimer beaucoup lire comparativement au quart des garçons. […] Le fait d’aimer lire se traduit aussi dans le nombre de livres lus. Durant les quatre mois précédant l’enquête, près de 40 % des filles contre 23 % des garçons ont lu plus de cinq livres pour leur plaisir (p. 23-24).
Le parent d’une fille connaît plus souvent ses lectures de loisir (92,75%) que le parent d’un garçon (82,5%), mais cette différence (très significative, p= 0,003) pourrait être induite par le fait que les filles lisent davantage que les garçons et que plus de garçons ne lisent jamais.
206
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 207
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
Garçons et filles ne partagent pas tout à fait les mêmes lectures. Les filles lisent plus de revues et de romans, mais moins de journaux et de BD comme le montre le tableau 6 ci-dessous. Toutefois, les romans et les revues restent tout de même les deux sortes d’écrits les plus souvent lus par tous, les autres genres étant moins souvent mentionnés. TABLEAU 6 Les genres de lecture selon le sexe du jeune Selon le parent, le jeune lit… Romans Revues Journaux Internet Bandes dessinées Textes informatifs
Filles %
Garçons %
72 73,75 13,75 0 10,75 4
60,25 47,5 22,25 4 31,75 5,5
Différence1 (p-valeur) * (0,035) *** (0,0001) * (0,05) ** (0,009) *** (0,0001)
1. *** Indique une différence hautement significative (p inférieur ou égal à 0,001). ** Indique une différence très significative (p inférieur ou égal à 0,01). * Indique une différence significative (p inférieur ou égal à 0,05).
Au sujet de l’intérêt pour divers genres littéraires, l’enquête du MEQ (1994a) et celle de LIS-élèves (Lebrun, 2003) révèlent aussi des différences selon le sexe du jeune. Les résultats du MEQ montrent un attrait plus grand des garçons (78 %) pour la bande dessinée par rapport aux filles (60 %) mais LIS-élèves observe le contraire : 81 % des filles et 66 % des garçons déclarent s’intéresser aux BD. On pourrait croire à un changement dans les goûts littéraires des filles mais notre propre enquête, auprès des parents d’un sous-ensemble des jeunes de l’enquête LIS-élèves, révèle que près de trois fois plus de garçons que de filles lisent des bandes dessinées. Nous avons déjà vu cependant à quel point des différences peuvent ressortir entre les intérêts déclarés et la lecture effective, jugée par le parent dans notre étude ou par l’analyse des titres mentionnés dans celle du MEQ. Les revues et journaux se trouvant dans la même catégorie et les romans détaillés en divers genres, on ne peut pousser plus loin la comparaison avec nos données. On observe très peu de différences dans les sorties familiales selon que le jeune est un garçon ou une fille (tableau 7 ci-dessous). Ceci paraît normal d’autant plus qu’il peut y avoir d’autres enfants dans la famille. Toutefois, quelques tendances (proche du seuil du significatif : soit p valant entre 0,06 et 0,09) se dessinent: avec un garçon, les familles sont moins nombreuses à visiter la parenté et plus nombreuses à faire des activités de plein air. Elles sont aussi plus nombreuses à assister en famille à un match sportif, cette différence étant très significative (p=0,033). Enfin, les familles avec une fille vont en plus grand nombre au spectacle. 207
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 208
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 7 Portrait des sorties en famille selon le sexe du jeune Filles % 1. Visite de la parenté 2. Cinéma 3. Sortie de plein air ou pratique d’un sport 4. Spectacle (musique, théâtre, humoriste, etc.) 5. Assistance à un match (baseball, hockey, volley, etc.) 6. Visite d’un musée 7. Voyage 8. Activité ludique 9. Visite de «quelque chose» 10. Visite d’un salon (… de l’auto, des jeunes, etc.) 11. Magasiner
Garçons %
90
83,75
79,25 74,25
81 82,5
41,5
31,75
29
44,5
26,75 2,75 1,5 4,5
30,5 6 3,5 8
29,5 2,25
33 0,5
Différence1 (p-valeur) tendance (0,09) tendance (0,08) tendance (0,07) **0,003
1. Tendance indique une différence proche du seuil de la signifiance : p inférieur à 0,10. ** Indique une différence très significative (p inférieur ou égal à 0,01).
Certaines tendances observées ci-dessus concordent avec les différences de loisirs selon le sexe qui ressortent de l’étude du MAM (1994) sur les loisirs des élèves du secondaire, bien que cela ne concerne pas les sorties familiales, mais plutôt les loisirs en général: les filles font plus d’activités socioculturelles que les garçons […]. Elles assistent aussi à une plus grande variété de spectacles. Les garçons […] font plus d’activités physiques et sportives (p. 17).
Les tendances que nous observons proviennent possiblement du fait qu’un certain nombre de familles dans chaque groupe n’ont qu’un seul enfant ou plusieurs enfants du même sexe, ce qui influence les sorties familiales. Questionnés sur les trois principaux loisirs de leur jeune, les parents fournissent un portrait très différent selon que leur enfant est un garçon ou une fille. Les différences dans la pratique de nombreuses activités sont fortement significatives comme le montre le tableau 8.
208
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 209
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
TABLEAU 8 Le portrait des principaux loisirs des jeunes selon le sexe
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13.
TV-vidéo Lecture Écouter de la musique Jeux vidéo Internet Sports Voir des ami(e)s Bricoler, artisanat Magasiner Plein air Cinéma Écrire ou dessiner Jeux (de société)
Filles %
Garçons %
53,75 32,5 55 6,5 37,25 33,5 53,25 12 1 2,25 4,5 3,75 0,5
51 13,75 28 45 41,25 52,25 40 5,75 0 4 0,5 4 3,25
Différence1 (p-valeur) *** (0,0001) *** (0,0001) *** (0,0001) *** (0,0005) ** (0,014) * (0,05)
** (0,035) tendance (0,06)
1. Tendance indique une différence proche du seuil de la signifiance : p inférieur à 0,10. *** Indique une différence hautement significative (p inférieur ou égal à 0,001). ** Indique une différence très significative (p inférieur ou égal à 0,01). * Indique une différence significative (p inférieur ou égal à 0,05).
1. 2. 3. 4. 5. 6.
Les loisirs les plus populaires chez les filles sont, dans l’ordre: L’écoute de musique 55% La télé et le vidéo 54% La rencontre des ami(e)s 53% Internet 37% Les sports 33,5% La lecture 32,5%
1. 2. 3. 4. 5. 6.
Les plus populaires chez les garçons, dans l’ordre, sont les suivants: Les sports 52% La télévision et le vidéo 51% Les jeux vidéo 45% Internet 41% La rencontre des ami(e)s 40% L’écoute de musique 28% 209
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 210
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Parmi les six activités de loisirs les plus populaires, cinq se retrouvent chez les garçons comme chez les filles. Les jeunes de deux sexes regardent la télé ou des films vidéo et passent du temps sur Internet dans des proportions semblables. Les sports arrivent premiers dans les loisirs des garçons (pour plus de la moitié d’entre eux mais, pour seulement le tiers des filles) tandis que, pour les filles, écouter de la musique est l’activité la plus populaire (pour plus de la moitié d’entre elles, mais pour moins du tiers des garçons). Les filles voient plus d’amis que les garçons (53% comparativement à 40%), mais s’intéressent très peu aux jeux vidéo (6,5%), une activité très répandue chez les garçons (45%). Enfin, la lecture est un loisir pour le tiers des filles, mais pour seulement 14% des garçons. Dans l’enquête du MAM (1994) sur les loisirs des jeunes, on observe des différences semblables dans les loisirs des garçons et des filles pour les activités socioculturelles (plus populaires chez les filles), les activités physiques et sportives ainsi que les jeux vidéo (plus populaires chez les garçons). L’enquête du MEQ (1994a) révèle également que les filles lisent davantage et font moins de sport que les garçons. On ne trouve pas d’influence du sexe du jeune sur les loisirs personnels des parents. Les différences selon la fréquence de lecture du jeune Toutes les données ont été réparties à nouveau selon la fréquence de lecture du jeune. Les catégories « jamais ou presque jamais » et « rarement » ont été regroupées pour le traitement statistique. On a donc trois catégories de jeunes : ceux qui lisent rarement ou jamais, d’une part, ceux qui lisent assez souvent d’autre part, et, enfin, ceux qui le font très souvent. Ce traitement des données présente une certaine originalité puisque les autres études sur les habitudes de lecture des adolescents ou des adultes n’examinent pas les effets de la fréquence de lecture sur d’autres variables, sauf pour l’enquête du MEQ (1994a) qui examine un seul facteur : le lien entre cette fréquence et la réussite à l’épreuve de français écrit de 5e secondaire. Ainsi, dans cette section, nous ne pourrons pas comparer nos résultats à ceux d’études antérieures. Il s’avère que la fréquence de lecture du jeune entraîne des différences significatives dans les réponses à plusieurs questions. Nous avons déjà vu à la section précédente que les filles sont beaucoup plus nombreuses que les garçons à lire souvent. Nous présentons ci-dessous les autres résultats liés à la fréquence de lecture, en commençant par les variables touchant directement les jeunes puis celles concernant plutôt le comportement des parents.
210
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 211
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
Ce que le jeune lit Les jeunes qui lisent très souvent et assez souvent se distinguent nettement des autres pour la lecture de plusieurs types d’écrits, comme le montre le tableau 9. Ils sont plus nombreux à lire une variété de types d’écrits tout en restant, pour ainsi dire, des boulimiques de romans. TABLEAU 9 Les types d’écrits selon la fréquence de lecture du jeune Selon le parent, le jeune lit… Romans Revues Journaux Internet BD Informatifs
Rarement ou jamais (%) 46 61,75 11 2,25 28,25 3,25
Assez souvent (%) 79 66,5 20,25 2,5 11 4,25
Très souvent (%) 93,75 58,5 27 0 18,75 10,5
Lien entre les variables1 (p-valeur) *** (<0,0001) * (0,0233) ** (0,0031)
1. Le test statistique du Chi 2 indique ici si la lecture de chaque genre varie de façon significative selon la fréquence de lecture. *** Indique un lien hautement significatif (p inférieur ou égal à 0,001). ** Indique un lien très significatif (p inférieur ou égal à 0,01). * Indique un lien significatif (p inférieur ou égal à 0,05).
En effet, plus la fréquence de lecture augmente, plus les jeunes sont nombreux à lire des romans, passant de moins de la moitié des jeunes de la catégorie rarement ou jamais à la presque totalité de ceux qui lisent très souvent. La lecture des journaux augmente aussi de façon significative avec la fréquence de lecture d’un jeune, même si les ados demeurent relativement peu nombreux à en lire (un peu plus du quart des jeunes en lisent très souvent). Ceux et celles qui lisent très souvent lisent aussi davantage de textes informatifs (mais cette augmentation n’est pas significative). On constate par contre que tous les jeunes lisent des revues dans des proportions semblables (environ six jeunes sur dix) et que les lecteurs de BD sont significativement plus nombreux parmi les jeunes qui lisent peu. Ces résultats nous amènent à penser qu’une façon d’augmenter la fréquence de lecture des jeunes qui lisent peu serait d’exploiter davantage en classe les articles de revues et même, pour les plus jeunes, la bande dessinée. Les loisirs des jeunes Le portrait des principaux loisirs des jeunes s’avère différent selon leur fréquence de lecture, bien que la télévision (ou le vidéo) récolte autant d’adeptes (la moitié des jeunes) d’un groupe à l’autre, tel qu’on peut le constater dans le tableau 10. 211
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 212
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 10 Les trois principaux loisirs des jeunes selon leur fréquence de lecture Selon le parent, le jeune lit : 1. Télé et vidéo 2. Lecture 3. Écoute de musique 4. Jeux vidéo 5. Internet 6. Sports 7. Rencontre d’ami(e)s 8. Bricolage, artisanat 9. Magasinage 10. Plein air 11. Cinéma 12. Écriture oudessin 13. Jeux (de société)
Rarement ou jamais (%) 52,25 3,75 41 28,75 43,5 49 49 8,5 0,5 4,25 2 2,5 2
Assez souvent (%) 53,5 22,5 47,25 17,5 40 38,5 50,5 9,5 1 1,5 4,75 4,75 2,5
Très souvent (%) 50 95,75 33,33 23 23 29 29,25 10,5 0 2 0 6,25 0
Lien entre les variables1 (p-valeur) *** (0,0001)
* (0,03) * (0,03) * (0,03)
1. Le test statistique du Chi 2 indique ici si la pratique d’un loisir varie de façon significative selon la fréquence de lecture. *** Indique un lien hautement significatif (p inférieur ou égal à 0,001). ** Indique un lien très significatif (p inférieur ou égal à 0,01). * Indique un lien significatif (p inférieur ou égal à 0,05).
Les jeunes qui lisent très souvent présentent un profil se rapprochant du stéréotype de « l’intello-toujours-dans-ses-livres ». Ils ont presque tous la lecture comme loisir au détriment des activités sociales et physiques. Ils sont aussi moins nombreux à passer du temps sur Internet. La liste des loisirs le plus souvent mentionnés, par ordre, chez les jeunes qui lisent très souvent, fait ressortir un tel portrait (tableau 11). TABLEAU 11 Les loisirs du jeune qui lit très souvent 1. 2. 3. 4 et 5.
Lecture Télé et vidéo Écoute de musique Sports (29 %) et rencontre d’amis
(95 %) (50 %) (33 %) (29 %)
Les loisirs les plus populaires sont par contre assez semblables chez les jeunes qui lisent assez souvent ou de «rarement» à «jamais» (tableaux 12 et 13). Les amis, la musique, le sport et Internet prennent plus d’importance, au détriment de la lecture 212
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 213
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
de loisir. Ceux qui lisent de «rarement» à «jamais» font plus de sport et écoutent un peu moins de musique. La lecture entre peu comme loisir chez les jeunes qui lisent assez souvent (seulement 22,5% de ces jeunes) et n’est à peu près jamais un loisir chez ceux qui lisent rarement ou jamais (3,75%). TABLEAU 12 Les loisirs du jeune qui lit assez souvent 1. 2. 3. 4. 5.
Télé et vidéo Rrencontre d’amis Écoute de musique Internet Sport
TABLEAU 13 Les loisirs du jeune qui lit rarement ou jamais
(53,5 %) (50,5 %) (47,25 %) (40 %) (38,5 %)
1. Télé et vidéo 2 et 3. Sports et rencontre d’amis 4. Internet 5. Écoute de musique
(52,25 %) (49 %) (49 %) (43,5 %) (41 %)
Ces portraits des loisirs des jeunes selon leur fréquence de lecture montrent que l’image qui se dégage des jeunes qui lisent très souvent n’est pas nécessairement des plus positive, elle est même un peu triste. Ces jeunes semblent vivre leur adolescence dans leurs livres tout en restant isolés, car même le sport, chez les adolescents et adolescentes, est une activité sociale. L’enquête du MAM (1994a) sur les loisirs des élèves du secondaire révèle en effet que presque tous les sports se pratiquent entre amis : les sports d’équipe, bien entendu, mais aussi des sports comme la bicyclette, la natation, le jogging ou le patin. Les activités de plein air nécessitant davantage de transport se pratiquent aussi en groupe, mais, cette fois, autant avec des amis qu’en famille. Les jeunes qui lisent assez souvent ou rarement semblent vivre la vie typique de l’adolescence: comme loisirs, ils font un peu de tout… sauf lire. La connaissance des lectures du jeune Il existe des liens significatifs entre la fréquence de lecture d’un jeune et la connaissance qu’a le parent de ses lectures, scolaires et de loisir. La moitié des parents (49,25%) de jeunes qui lisent de rarement à jamais connaissent ses lectures scolaires. Cette proportion augmente à 71 % et 73 % chez les parents de jeunes qui lisent assez ou très souvent (lien hautement significatif, p=0,0002). Dans l’ensemble, les parents connaissent mieux les lectures de loisir que les lectures scolaires, mais cette connaissance des lectures de loisir varie aussi de manière hautement significative (p=0,0001) selon la fréquence de lecture du jeune. Presque tous les parents de jeunes qui lisent assez (95,25 %) ou très souvent (100 %) connaissent leurs lectures de loisir, comparativement à 79% des parents de jeunes qui lisent rarement ou jamais.
213
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 214
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
L’aide du parent dans les lectures scolaires du jeune La fréquence de lecture du jeune influence l’aide qu’il reçoit de ses parents dans ses lectures scolaires, de façon très significative (p=0,01). Moins du tiers des parents (30 %) aident leur jeune dans ses lectures scolaires quand le jeune lit très souvent. Puisqu’un lecteur assidu est généralement un lecteur compétent, il y a tout lieu de croire que ces élèves ont tout simplement moins besoin de l’aide de leur parent dans leurs lectures scolaires. Environ la moitié des autres jeunes reçoivent l’aide de leurs parents, qu’ils lisent assez souvent (55 %) ou de rarement à jamais (45 %). Les discussions autour des lectures de loisir du jeune Plus la fréquence de lecture augmente chez les adolescents, plus les parents sont nombreux à discuter avec eux de leurs lectures de loisir, et ce, de manière hautement significative (p=0,0001). Plus de neuf jeunes sur dix (94%) qui lisent très souvent ont un parent qui en discute avec eux. Cette proportion diminue à environ trois sur quatre (77%) parmi les jeunes qui lisent assez souvent puis à six sur dix (59%) parmi les jeunes qui lisent de «rarement» à «jamais». Évidemment, si un jeune ne lit jamais, le parent ne peut discuter avec lui de ses lectures, mais rappelons que seulement 7 % des jeunes se trouvent dans cette catégorie (jamais ou presque jamais) selon les réponses des parents (voir les résultats généraux dans le tableau 1). Les jeunes qui lisent rarement représentent 42% des sujets de notre enquête. Ce résultat concorde avec ce qu’observait Bintz (1993). Dans une enquête auprès d’adolescents américains, ceux qui étaient des lecteurs « avides » avaient en commun la présence, dans leur entourage immédiat, de modèles positifs de lecteurs (« positive role models for reading »). L’auteur souligne aussi l’importance des échanges, des interactions sociales autour de la lecture: Essentially, these models constituted «reading families» or «communities of readers» whose members all valued and supported reading. Members not only made a practice of reading widely but also made a point of sharing what they read with others for a variety of reasons, not the least of which was to share information, facilitate communication within the community, and to legitimate and perpetuate the value of participating in a reading family (p. 608).
Les autres comportements des parents Les parents ne se distinguent pas quant à la lecture d’histoires et à la fréquentation de la bibliothèque lorsque leur adolescent ou adolescente était enfant. Les réponses à ces questions ne montrent pas d’influence sur la fréquence de lecture du jeune. Par contre, on constate que plus les jeunes lisent, plus les parents sont nombreux à fréquenter la bibliothèque et à acheter des livres dans les six mois précédant l’enquête comme le montre le tableau 14. 214
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 215
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
TABLEAU 14 La fréquentation de la bibliothèque et l’achat de livres par les parents selon la fréquence de lecture du jeune Jeune qui lit Jeune qui lit Jeune qui lit Liens entre de rarement assez très les variables1 à jamais souvent souvent (p-valeur) (%) (%) (%) Parents qui ont fréquenté la bibliothèque dans les six derniers mois Parents qui ont acheté un livre dans les six derniers mois
52
66
79
64
73
87,5
*** (0,001)
** (0,005)
1. *** Indique un lien hautement significatif (p inférieur ou égal à 0,001). ** Indique un lien très significatif (p inférieur ou égal à 0,01).
Enfin, on trouve un lien significatif (p=0,02) entre la fréquence de lecture des jeunes et celle de leurs parents lorsqu’ils étaient eux-mêmes adolescents ou adolescentes. Parmi les jeunes qui lisent très souvent, la moitié des parents (51%) lisaient aussi très souvent quand ils étaient jeunes tandis que, parmi les jeunes qui lisent rarement ou jamais, 42 % de leurs parents lisaient rarement ou jamais lorsqu’eux-mêmes étaient jeunes. Les sorties familiales Les sorties familiales ne sont pas très différentes d’une famille à l’autre pour ce qui concerne les activités les plus populaires. Par contre, les familles de jeunes qui lisent très souvent se distinguent des autres de manière significative par leurs activités socioculturelles, comme le montre le tableau 15. Dans des proportions semblables et très fortes (de 75 % à 90 %), les familles visitent la parenté, vont au cinéma et pratiquent une activité de plein air ou un sport. Il en est autrement de certaines activités socioculturelles: plus de la moitié des familles dont le jeune lit très souvent assistent à des spectacles en famille alors que cette activité est pratiquée par le tiers seulement des autres familles. On observe le même phénomène pour la visite de musées : la proportion de familles qui s’y rendent augmente avec la fréquence de lecture du jeune, passant de une famille sur cinq lorsque le jeune lit peu à environ une famille sur trois lorsque le jeune lit assez souvent et près d’une famille sur deux lorsque le jeune lit très souvent. Notons que la visite d’un musée se distingue de toutes les autres activités familiales par son caractère éducatif, voire «intello», alors que les autres relèvent plutôt du divertissement.
215
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 216
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 15 Les sorties familiales selon la fréquence de lecture des jeunes Selon le parent, le jeune lit : 1. Visite de la parenté 2. Cinéma 3. Sortie de plein air ou pratique d’un sport 4. Assistance à un spectacle 5. Assistance à un match sportif 6. Visite d’un musée 7. Voyage 8. Activité ludique 9. Visite de «quelque chose» 10. Visite d’un salon (de l’auto, des jeunes, etc.) 11. Magasinage
Rarement ou jamais (0) 84 79
Assez souvent (0) 90,25 80,5
Très souvent (0) 87,5 81,25
77,75 33,75 42 20,5 3,75 3,25 9
78,75 35 29,25 31,75 4 2,5 1,5
75 56,25 33,5 45,75 8,5 0 8,25
31,25 2
30 2,5
35,5 0
Liens entre les variables1 (p-valeur)
** (0,01) ** (0,002)
* (0,03)
1. ** Indique un lien très significatif (p inférieur ou égal à 0,01). * Indique un lien significatif (p inférieur ou égal à 0,05).
Enfin, parmi les activités de loisir, «visiter quelque chose» s’avère aussi varier de façon significative selon la fréquence de lecture du jeune mais l’interprétation des résultats pour cette activité nécessiterait une analyse qualitative des «choses» visitées, ce qui ne fait pas l’objet de ce chapitre. Les principaux loisirs chez les parents Les loisirs des parents demeurent assez semblables, quelle que soit la fréquence de lecture du jeune, sauf pour une activité: la lecture. En effet, 73% des parents de jeunes qui lisent très souvent déclarent avoir eux-mêmes la lecture comme loisir comparativement à 42% et 47% des parents de jeunes qui lisent peu ou assez souvent, respectivement (lien hautement significatif, p=0,0007). Le rôle que peut jouer le parent modèle-lecteur, son influence auprès de son ado, apparaît ici de façon marquée. Enfin, deux autres activités s’avèrent significativement différentes selon la fréquence de lecture du jeune: • seulement 0,5% des parents de jeunes qui lisent peu déclarent le travail ou les études comme loisir comparativement à 4% et 7% des autres parents (lien très significatif, 0,01).
216
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 217
Chapitre 9 – La lecture chez les adolescents et les adolescentes vue par les parents
–
le jardinage est mentionné comme loisir par 6% des parents de jeunes qui lisent très souvent et par seulement 1% des autres (lien significatif, 0,04). Toutefois, ces loisirs ne touchent pas un grand nombre de parents.
Conclusion En général, on peut dire que les perceptions des parents sur les habitudes de lecture de leurs jeunes, sur leur propre comportement de parent lecteur et sur leurs interactions en lien avec la lecture chez les jeunes concordent souvent avec les résultats des autres enquêtes dans lesquelles les jeunes eux-mêmes étaient interrogés. On retrouve, par exemple, les différences habituelles entre garçons et filles pour la fréquence de lecture ou l’importance de la pratique d’un sport. Mais, à quelques reprises, la vision des parents diffère de celle des jeunes, par exemple sur la lecture de bandes dessinées ou l’intérêt que portent les parents envers les lectures de leur jeune. On obtient ainsi, pour ainsi dire, les deux côtés de la médaille, ce qui permet une meilleure connaissance du phénomène. En guise de conclusion, reprenons simplement les faits saillants de cette enquête auprès de 338 parents parmi les jeunes du secondaire ayant participé au projet LIS. Selon les parents, de nombreux jeunes (51%) lisent régulièrement à la maison, lisant assez souvent ou très souvent. Seulement 7 % ne lisent jamais ou presque jamais. On est donc loin d’une situation catastrophique. Les parents observent que leurs ados lisent surtout des romans (60%) et des revues (55%) mais peu de bandes dessinées (17 %), contrairement à l’intérêt que les jeunes eux-mêmes déclarent y accorder selon les résultats de l’enquête LIS-élèves (2003) ou celles du MEQ (1994a). Ces jeunes lisent très peu de quotidiens (17% en lisent) contrairement aux adultes dont seulement 24% n’en lisent jamais d’après l’enquête du MCC (1998a). Les parents trouvent que les adolescents et adolescentes passent beaucoup de temps à Internet ou à l’ordinateur (cela constitue un des trois principaux loisirs pour 40 % des jeunes), mais sans considérer cette activité comme de la lecture (mentionnée par seulement 2% des parents comme genre de lecture). D’une manière générale, la lecture n’occupe pas une place prépondérante dans les loisirs des jeunes. Moins du quart des parents la déclarent comme un des trois principaux loisirs de leur jeune. Cependant, il est sans doute normal, à l’adolescence, de délaisser quelque peu la lecture de loisir, une activité qui demeure en grande partie solitaire. Il est même triste de constater que les jeunes qui lisent très souvent et ont la lecture comme important loisir sont en même temps les moins nombreux à «voir des amis».
217
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 218
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Il ne faut pas oublier qu’avec l’entrée au secondaire le jeune quitte du même coup sa vie de quartier; son rayon d’action s’agrandit, de même que le cercle de ses relations. L’adolescence est un âge où les relations sociales prennent énormément d’importance, où l’on acquiert (ou revendique) de plus en plus d’autonomie, où l’on commence à organiser sa vie. L’enquête du MAM (1994) montre bien que la quasi-totalité des loisirs des jeunes se pratiquent entre amis. Ainsi, les adolescents et les adolescentes se détachent peu à peu de la famille et ceci se reflète dans nos résultats d’enquête auprès des parents. En vieillissant, les ados sont moins présents dans les sorties familiales et ont un peu moins d’interactions avec leurs parents autour de la lecture. Néanmoins, les jeunes qui lisent régulièrement (« assez » ou « très souvent ») vivent dans des familles qui se démarquent des autres, justement pour ces interactions. Ces jeunes ont les parents qui sont les plus nombreux à s’intéresser à leurs lectures et les plus nombreux à en discuter avec eux. Comme Lahire (1995), nous pensons que ces interactions doivent être considérées comme une cause et non une conséquence de la place importante de la lecture dans la vie du jeune. Les parents des jeunes qui lisent régulièrement se démarquent aussi par leur propre comportement de lecteur. Ils sont plus nombreux que les autres, «dans les six derniers mois», à avoir fréquenté la bibliothèque et acheté des livres. Ces familles sont également plus nombreuses à faire des sorties culturelles en famille (voir un spectacle, visiter un musée). Enfin, les parents de jeunes qui lisent « très souvent » ont euxmêmes la lecture comme loisir (73%) plus souvent que les autres (environ 45%), étant ainsi un modèle-lecteur pour leur jeune. Enfin, quelle que soit la fréquence de lecture des jeunes, ils lisent tous autant des revues et ceux qui lisent peu lisent davantage de bandes dessinées que les autres. Comme ce sont des textes plus courts que le roman et plus complets que les traditionnels extraits qu’on retrouve dans les manuels scolaires, ces écrits sont peut-être une piste à exploiter davantage en classe de français, comme porte d’entrée pour intéresser un plus grand nombre de jeunes à la lecture de loisir. Les revues peuvent en effet offrir un éventail de sujets des plus variés, en autant qu’on ne censure pas ceux qui typiquement intéressent davantage les garçons que les filles.
218
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 219
CHAPITRE 10
Les profils d’adolescents lecteurs Colette Baribeau
L
es réponses à un questionnaire d’enquête suscitent souvent de nombreuses interrogations et notre enquête n’y a pas échappé. Donnons quelques exemples de ces aspects surprenants ou déconcertants ou en apparence décevants après une décennie d’efforts consentis à la promotion de la lecture auprès des jeunes. Le nouveau matériel didactique en usage dans les classes présente une grande diversité, tant dans les thèmes traités que dans les types de textes (courants ou littéraires). Les adolescents ont donc accès à un large éventail de matériel. Or, les adolescents disent encore lire pour se désennuyer, pour s’évader et avouent que la lecture les intéresse moyennement. Les filles surtout lisent le soir. Les garçons lisent beaucoup moins et presque jamais le soir. Peu se sont fait raconter des histoires par leurs parents durant l’enfance. L’activité en voie de devenir la plus populaire est le chat (clavardage) entre amis bien que la télévision occupe toujours la part du lion de leurs activités de loisir. L’enquête permet aussi de constater la place grandissante, au fil des années du secondaire, accordée aux travaux scolaires; 69% de la population sondée consacre moins de deux heures par semaine à la lecture de loisir. Comment les jeunes vivent-ils cet écartèlement entre le monde livresque qui leur est présenté à l’école et une vie d’adolescents où le sport, la télévision et les rencontres entre amis occupent une très grande place ? Est-ce plutôt là le fait d’une vie « équilibrée » ? Sommes-nous en présence d’une nouvelle génération où les stéréotypes n’ont plus place? Notre enquête LIS-élèves (questionnaire écrit) met en évidence le fossé qui sépare presque toujours les garçons des filles quant aux habitudes et aux attitudes face à la lecture, fossé depuis longtemps constaté dans les résultats scolaires, et ce, dans de nombreux pays. Les jeunes de 12 à 16 ans constituent un groupe où l’on retrouve de faibles lecteurs, des jeunes susceptibles plus que d’autres de décrocher de l’école. Qui sont ces garçons qui lisent, mais disent ne pas aimer lire ? L’enquête permet d’intuitionner qu’ils demeurent en contact avec l’écrit, mais risquent-ils de décrocher? Qu’est-ce qui les rebute tant? Quel type d’écrits les adolescents québécois fréquentent-ils? Bien que l’enquête permette de distinguer les sexes, aucun lien ne peut être établi entre les résultats scolaires des jeunes et différentes questions qui leur ont été posées, à part le fait qu’une proportion d’environ 80 % de tous nos 219
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 220
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
répondants se disent relativement satisfaits de leurs résultats scolaires et 70 %, de leur compétence en lecture. La société québécoise se préoccupe de plus en plus de l’écart entre les garçons et les filles et constate la surreprésentation des garçons dans les jeunes qui décrochent de l’école secondaire ou dont les résultats scolaires sont nettement en dessous des attentes. Qui sont donc ces jeunes « récalcitrants » ? Comment réagissent-ils aux activités qui leur sont proposées ? Sont-ils en contact avec une forme ou l’autre d’écrits dans leur vie ? Peut-on les rejoindre et faire en sorte qu’ils ne décrochent pas de toute forme de lecture? Couplés à des enquêtes, les entretiens de groupe de discussion apportent alors plus de nuances, d’explications sur un phénomène. L’entretien dans un groupe de discussion est une solution de rechange valable aux entretiens en profondeur pour obtenir de l’information sur les attitudes, les croyances, les habitudes d’une population donnée, comme le rapporte Fern (2001). Cet auteur mentionne que les recherches ayant recours aux entretiens de groupe de discussion montrent que les données obtenues (à partir d’une même question, par exemple) nuancent celles qui sont obtenues par questionnaires d’enquête, mais qu’elles ne les contredisent pas; elles apportent des nuances, des variations sur le même thème. Ce type de protocole nous permet de donner la parole aux adolescents. Un traitement qualitatif des données facilite l’émergence de propos en utilisant le vocabulaire employé par les sujets eux-mêmes. Des entretiens de groupe de discussion ont donc été menés avec cent vingtsept adolescentes et adolescents (à Montréal et en Mauricie) sur leurs attitudes et leurs habitudes, leurs goûts, leur motivation, les stéréotypes véhiculés dans la population à propos de la lecture, etc., selon les paramètres précisés au chapitre 2. La première cohorte comportait soixante-dix-sept adolescents des quatre premières années du secondaire, garçons et filles en nombre égal qui furent rejoints, soit 44 élèves de la région de la Mauricie et 33 de la région montréalaise. À Montréal, nous avons rejoint 18 garçons et 15 filles; en Mauricie, 19 garçons et 25 filles, soit, au total, 40 filles et 37 garçons intéressés par la lecture, certains passionnés, d’autres tièdes. La seconde cohorte était constituée de cinquante jeunes qui avaient dit vouloir participer parce qu’ils détestaient lire, ce qui avait été corroboré et par leur enseignant, et par la conseillère pédagogique rattachée à l’école. Dans ce chapitre, qui complète ce qui est dit aux chapitres présentant les résultats du questionnaire (chapitres 2, 3, 4, 5 et 6), nous ne traiterons que des données recueillies à l’oral dans les entretiens de groupe de discussion dont la méthodologie a été traitée au premier chapitre1. Tout d’abord, nous présenterons le portrait 1. Nos remerciements à Denyse Blondin, étudiante au doctorat-réseau en éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières qui a contribué à l’analyse des données des entretiens de groupe de discussion.
220
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 221
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
général des adolescents lecteurs en nous attardant aux traits qui apportent un éclairage intéressant sur les données recueillies par l’enquête. Nous tenterons ensuite de tracer les grands contours des profils de lectrices et de lecteurs au secondaire pour terminer par un voyage au pays des récalcitrants. Nous proposerons, en conclusion, quelques pistes particulières d’intervention pour la «clientèle» réfractaire.
Portrait général du lecteur Comme le précisent l’ensemble des écrits sur les entretiens de groupe de discussion, beaucoup de données recueillies corroborent celles qui ont été obtenues par l’enquête, ce qui s’est révélé juste, ajoutant ainsi encore plus de validité aux données de l’enquête. Quatre grandes thématiques nous serviront à ordonner nos propos. Tout d’abord l’environnement physique, à savoir le contexte, qui favorise ou nuit à la lecture, tant à la maison qu’à l’école. Deuxièmement, l’environnement relationnel, c’est-à-dire les personnes ou les événements qui ont créé ou qui maintiennent le goût de lire. Troisièmement, l’environnement cognitif, entre autres les facultés que le jeune sollicite lorsqu’il lit, les stratégies qu’il utilise, les embûches qu’il rencontre. Quatrièmement, les dispositions générales, ou attitudes, qui facilitent son engagement dans une activité de lecture. Nous terminerons par l’intérêt que présentent ces données pour la recherche sur le plan pédagogique.
L’environnement physique Au sujet de l’environnement physique pour la lecture, le jeune ressemble en tout point à l’adulte; il dit avoir besoin de calme, il aime s’entourer d’objets fétiches. Les jeunes ont laissé déborder leur imagination aux questions ouvertes de notre enquête à ce propos: il existe autant de rituels que d’adolescents. Certains lisent les jours de pluie ou encore «dehors par une belle journée d’été». Le bruit ne semble pas trop les déranger ; ils mettent de la « vieille » musique (celle qu’aiment leurs parents). Plusieurs lisent la porte fermée, dans leur chambre, allongés sur leur lit. Lire par plaisir comporte donc plusieurs exigences: un décor familier, une ambiance rassurante, une sorte de cocooning quoi ! À la maison, il convient aussi de mentionner qu’à plusieurs reprises les adolescents se sont plaints d’être souvent extraits de leur monde par le bruit d’un aspirateur ou encore par des interventions intempestives, à savoir s’ils veulent du jus, des biscuits ou autres friandises. Reconnaissant la bienveillance d’un proche, ils constatent quand même ne pas apprécier cette «infraction» dans leur monde. L’un s’est même aventuré à souhaiter la disparition de la télévision! L’environnement scolaire est jugé tout à fait inadéquat (le terme est quasi euphémique) pour soutenir leur goût de lire: chaises dures et inconfortables, courte période qui leur permet à peine de s’immerger dans leur roman, bruits ambiants et 221
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 222
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
copains distrayants. Il est intéressant de constater le nombre de fois où l’animateur de l’entretien est pris à témoin pour justifier leur propos: «Vous, Madame, vous ne tiendriez pas dix minutes dans ces conditions. » Plusieurs qui disent aimer lire en profitent alors pour bavarder avec leurs amis, sachant qu’il ne sert à rien d’investir temps et énergie pour si peu; ils savent qu’ils se reprendront plus tard. De nombreux garçons nous ont mentionné leurs difficultés à se concentrer, leur goût pour les activités sportives et les jeux à l’extérieur comme étant des facteurs qui ont une influence sur leurs attitudes en lecture. L’un résume cet état de fait en disant: «Quand j’ai beaucoup d’énergie, je ne peux pas me concentrer sur quelque chose. Je sors lancer des balles avec mes chums.» Les nombreux propos qu’ils ont tenus sur la bibliothèque scolaire confirment qu’ils n’apprécient pas s’y retrouver. L’ambiance est souvent peu conviviale, permettant peu les échanges. Le temps est limité, les collections suscitent peu d’intérêt; le chapitre consacré aux adolescents et aux bibliothèques scolaires et publiques rapporte leurs paroles à cet effet. Les adolescents souhaitent un renouvellement des collections et un desserrement des règles de fonctionnement. Plusieurs disent apprécier la bibliothèque publique parce que le fonds d’ouvrages est plus imposant. Certains s’en désintéressent parce que les best-sellers sont toujours «sortis ou réservés». D’autres y vont dans un but informatif, pour consulter les dictionnaires plus complets que ceux dont ils disposent à l’école ou à la maison, des dictionnaires de langues étrangères ou des cartes. Quelques-uns disent aller y faire leurs devoirs avant le retour à la maison; ils y retrouvent leurs amis.
L’environnement relationnel : les personnes et les événements Les propos recueillis nous permettent d’entrer dans l’univers des personnes d’influence. Alors que les résultats de l’enquête montrent des jeunes peu sensibles à l’influence des personnes de leur entourage, à part leurs amis, la situation se présente différemment au travers des entretiens. Le facteur « mère » s’avère absolument déterminant pour les jeunes. Ils font aussi référence aux grands-parents qui lisent et les conseillent. «[Mes parents] ils ne m’ont pas forcé à lire; ils m’ont montré que c’était un plaisir intellectuel», dit un garçon. Un autre dit avoir vu son père lire San Antonio, rire tout au long de sa lecture et avoir su qu’il pourrait le lire «seulement à 14 ans » ; il avoue avoir évidemment cherché à le lire avant. Ah ! ces lectures défendues qui portent en elles le germe de la délinquance! Pour la bonne cause? L’un raconte les stratégies mises en place à la maison pour le motiver à lire: Depuis un an ou deux, depuis le début de l’année, je lisais pas mal, ça me tentait. Mais mon petit frère, ma petite sœur ne lisaient jamais; ma grande sœur, elle lit beaucoup. Ma mère dit, ça dépend des livres […] pour un petit 222
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 223
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
roman du genre La courte échelle, elle donne deux dollars suivant que tu fais un résumé après. Pour une grande version, ma mère m’a donné 10$.
L’un adopte un point de vue assez critique : « S’ils [les parents] n’aiment pas lire, ils devraient ne rien dire, pas dire que c’est “plate”. Dire, je t’encourage à lire pour avoir un meilleur avenir.» Certains mentionnent qu’un frère ou une sœur lit et lui refile des titres. Le partage se fait aussi avec les amis; les échanges sont soutenus sur les sujets de prédilection, allant du monde du sport à l’informatique en passant par la vie des grands hommes, des vedettes, du dernier roman lu ou relu, des auteurs préférés. Les jeunes qui sont intéressés par la lecture échangent abondamment sur leurs lectures. Ce facteur est d’ailleurs jugé déterminant dans le développement de lecteurs compétents (Guthrie et al., 1997; Smith et Wilhelm, 2002). Deux garçons ont mentionné avoir été sensibilisés par leur enseignant d’éducation physique ou de mathématiques [un homme]. Pour des lecteurs intéressés, les suggestions des chroniques télévisuelles sont des moments intéressants pour repérer de bons romans. Ceci leur permet de faire connaître leurs désirs comme ouvrages à recevoir en cadeau. Certains avouent offrir des livres en cadeau à leur mère ou à leur père pour Noël avec l’assurance qu’ils leur seront passés une fois la lecture terminée. D’autres mentionnent aimer être abonnés à des revues (Safarir tout particulièrement pour les garçons) et guetter le facteur le jour de la livraison (qui précède la sortie en kiosque). Posséder sa propre bibliothèque à la maison ou avoir accès à une bibliothèque familiale semble aussi un facteur ayant une certaine importance ; les plus boulimiques achètent, échangent, empruntent : mais le plus grand plaisir, c’est de posséder un livre à soi: Moi, ce que j’aime, c’est quand le roman t’appartient, vraiment le sentiment d’appartenance, puis je suis possessif pour mes romans. Ça fait que moi, je les achète, puis si je veux les relire ou [les lire] je prends le temps que je veux. Je ne sais pas, j’aime mieux cela qu’en bibliothèque. Même que c’est jamais arrivé que j’aie emprunté un roman à la bibliothèque.
Tous les propos sur des événements marquants de l’enfance ayant fait naître le goût de lire tournent autour de la lecture en cachette, sous les draps, la nuit tombée : Moi aussi c’était ma mère qui me lisait des histoires avant de m’endormir. Puis un jour, elle m’a apporté un roman de La courte échelle, un premier roman, mais j’étais comme en première année, deuxième peut-être. Puis je l’ai lu, puis finalement j’ai lu toute la collection. Puis je «capotais» vraiment, je trouvais ça vraiment le fun. Même que ma mère, elle venait aux 10 minutes quand j’étais couché pour voir si j’étais pas en train de lire parce que j’avais ma petite flash light de porte-clés. Puis là quand j’entendais un bruit, je cachais mon livre. Puis là ma mère entendait le froissement de couverture puis elle rentrait puis elle prenait mon livre. Mais j’allais le reprendre après. 223
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 224
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Il faut ajouter que l’enregistrement audio permet d’entendre les autres du groupe qui abondent dans le même sens, ajoutant l’un ou l’autre un commentaire corroborant cette aventure. Presque tous les groupes y ont fait référence. Sans vouloir aborder tout de suite le sujet des réfractaires, on peut dire dès maintenant que plusieurs d’entre eux ont aussi des parents qui les ont encouragés, leur ont lu des histoires quand ils étaient petits. Certains événements de leur vie scolaire ont aussi eu des effets positifs. Les adolescents ont mentionné que la lecture au primaire est le moment où ils ont senti l’attrait. Le coin de lecture, les activités autour du livre les ont marqués. Ils ont aimé faire des recherches. Ils se souviennent de ces moments où l’enseignant leur lisait un livre, des extraits et discutait avec eux de cette lecture. Les premiers pas dans l’univers de l’écrit semblent donc déterminants et ceci est largement mis en évidence, a contrario, par les études sur la réussite scolaire: l’échec scolaire se dessine dès les premières années et plus particulièrement les difficultés en lecture.
L’environnement cognitif Les résultats de l’enquête montrent que le jeune lit pour se désennuyer, pour s’évader. Nulle surprise de voir apparaître l’imagination comme première faculté sollicitée. La lecture, tout particulièrement la lecture de romans, plonge le lecteur dans un monde nouveau et sollicite son imagination. Les jeunes y sont sensibles et reconnaissent le rôle déterminant de l’imagination. Les images font rêver. «Quand je lis, j’imagine tout ce que je lis en dessin.» Plusieurs, mais pas tous, critiquent les bandes dessinées et les films qui empêchent d’imaginer. Certains disent avoir préféré lire le livre plutôt que de regarder le film ou ont été déçus du film. La rêverie est associée à l’imagination: «Quand je lis, je m’invente des histoires.» Certains vont même jusqu’à changer les mots dans leur tête. Auteurs en herbe? Des adolescents disent que lire leur donne de l’inspiration. « J’imagine plein de scénarios, plein d’affaires dans ma tête.» Leurs propos amènent le pédagogue à repenser le rôle de l’imitation dans l’apprentissage. Une jeune fille de 4e secondaire raconte: Je reviens un peu à ma comparaison avec la musique. Tu regardes pour apprendre à bien écrire, il n’y a rien comme copier ou reprendre puis un peu modifier. Tu regardes Mozart lui, quand il était petit, il allait chercher des partitions puis il retranscrivait, il changeait des petites affaires. Il reprenait ça dans sa mémoire, il comprenait pourquoi. Au début, ça vient pas de lui mais, à un moment donné, tu finis par trouver ton style.
La discussion se poursuit dans le groupe sur l’imitation, un garçon racontant qu’il a fait de même pour le dessin à partir des bandes dessinées ou du roi Lion. Notons au passage que plusieurs grands auteurs ont commencé par imiter le style d’un autre avant de trouver le leur… 224
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 225
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
Questionnés à propos des stratégies employées pour choisir un livre, plusieurs mentionnent celles que nous retrouvons dans l’enquête LIS-élèves. Toutefois, d’autres font sourire ou sourciller. Un grand nombre disent lire la dernière phrase du roman, certains avouant s’être fait prendre, car Agatha Christie y avait mentionné l’assassin, ce qui gâcha un tant soit peu la lecture. Par contre, d’autres aiment bien savoir la fin et se demander tout au long comment l’auteur parviendra à tricoter son histoire. Rodés au schéma narratif, certains disent lire « jusqu’à l’élément déclencheur»: si cela les accroche, ils continuent. Si la fin les laisse perplexes, ils songent à la façon dont le tout aurait aussi pu se terminer. Au secondaire, un élève qui éprouve des difficultés de compréhension en lecture et dont le rythme de lecture est un tant soit peu lent est incapable de lire un roman sans perdre le fil de l’histoire. Plusieurs adolescents mentionnent que la profusion des détails les mêle; que les péripéties compliquées les embrouillent, que les longues descriptions ou l’abondance de personnages nuisent à leur bonne compréhension. Bien que rien de précis n’indique que ces jeunes qui parlent éprouvent des difficultés de lecture, leurs propos le laissent penser, surtout quand ils disent dans un même souffle lire lentement et éprouver des difficultés à se souvenir de l’histoire. Certaines pratiques scolaires les rebutent: faire des résumés, prendre des notes, relire un passage déjà lu pour répondre à des questions. Elles nuisent à leur concentration et les amènent à abandonner leur lecture ou à la terminer parce qu’ils s’y sentent obligés (devoirs, examens, tests, activités de groupe en classe).
Les dispositions facilitantes Certains facteurs facilitent l’engagement dans une activité de lecture. Les recherches (Guthrie et al., 1997 pour un résumé succinct) ont montré que l’autonomie dans le choix du matériel a de grandes incidences sur le développement des compétences et les habiletés en lecture. Il existe une relation étroite entre la disponibilité d’un matériel intéressant et l’engagement dans la lecture. Ceux qui discutent de leurs lectures avec leur entourage ont de meilleurs scores en lecture. Un lecteur devient plus compétent dans la mesure où il est intéressé par le sujet développé dans le texte et qu’il veut en connaître le contenu; animé par ce désir d’apprendre, il cherchera à mettre en œuvre les meilleures stratégies pour comprendre et interpréter. Enfin, Pintrich et Scrauben (1992) ont mis en lumière la relation étroite entre la motivation intrinsèque et la croyance dans ses capacités personnelles et la perceptive de succèsréussite de la tâche. Que nous ont dit à ce propos nos adolescents? Nous avons rencontré, rappelons-le, plus de jeunes intéressés par la lecture que de jeunes détestant la lecture. En ce sens, l’ensemble de leurs propos corrobore les données recueillies par l’enquête écrite LIS-élèves. Les jeunes sont en contact avec un matériel relativement abondant (pour le temps dont ils disposent pourrionsnous ajouter). Ils connaissent bien leurs goûts; ils aiment les romans, l’aventure, le 225
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 226
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
fantastique, la science-fiction, le policier. Les filles ont évidemment manifesté leur penchant pour les romans d’amour ; elles craquent aussi pour les histoires vraies, l’actualité, les grands destins. Les garçons penchent vers les biographies de grands hommes, de sportifs; ils ne dédaignent pas les guides de l’auto, les livres de records, les bandes dessinées. Leurs sujets de prédilection sont l’informatique, le sport, les fusées, l’espace, la guerre, la chasse, les armes. Les deux sexes s’intéressent aux événements qui retiennent l’attention dans l’actualité et plusieurs mentionnent en 4e secondaire s’intéresser aux livres psychologiques, à caractère social, moral, qui traitent des valeurs. Cela les amène à réfléchir. Certains, plus sensibles aux œuvres littéraires, mentionnent qu’ils aiment bien des ouvrages où le narrateur fait partie de l’histoire ; d’autres ont déjà des préférences quant au style. Leurs auteurs préférés sont nombreux quoique plusieurs ne se souviennent ni des noms ni des titres, mais racontent les grandes lignes de l’histoire. Tout comme l’enquête le montre, les jeunes consacrent du temps à leurs travaux scolaires. En entretien, plusieurs mentionnent qu’ils ont trop de devoirs pour lire tous les soirs et, comme ils lisent à l’école, ils ont moins à lire à l’extérieur de l’école. La question de la liberté de choix demeure un enjeu notable, même si plusieurs disent avoir découvert certains auteurs au travers des lectures imposées. Les échéances et les questions sur le texte en stressent plusieurs et des périodes trop brèves de lecture enlèvent le plaisir de lire. Les adolescents constatent que la lecture a son utilité. Elle permet, selon eux, d’améliorer l’orthographe, le vocabulaire et la syntaxe. Comprendre ce qu’on lit aide à réussir dans les autres matières scolaires (lecture de problèmes en mathématiques et contenus de sciences). Les jeunes voient que la lecture et l’écriture sont liées: lire aide à structurer les idées, à rédiger des histoires. La lecture a aussi son utilité dans la vie quotidienne, mais ici les idées sont assez minces: lire un menu, déchiffrer les trajets de métro. Bien que tous fassent un lien direct entre la capacité de comprendre ce qui est écrit et les résultats aux examens, un grand nombre avancent qu’on peut aimer lire sans bien réussir en classe, sans bien savoir écrire. Tous ces adolescents ont une personne de leur entourage venant confirmer leur affirmation, qui un père, qui une mère, un frère ou une sœur. Comme dans les enquêtes précédant la nôtre, il ressort des propos des adolescents qu’aimer lire est une attitude rattachée à l’univers féminin. Les données recueillies par questionnaire montrent en effet que les adolescents ont une vision nuancée de la question des stéréotypes : 68,3 % affirment que les filles lisent plus que les garçons; on ne note aucune différence significative entre filles et garçons sur ce sujet pas plus qu’en fonction de leur niveau d’étude. Les garçons qui aiment lire, surtout ceux au début du secondaire, ont tendance à cacher cette disposition,
226
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 227
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
craignant les quolibets. Ils se cachent pour lire. Ce comportement s’estompe au fil du secondaire et semble disparu en 4e, du moins pour les élèves rencontrés.
Profils d’adolescents lecteurs Après cette courte incursion dans l’univers de l’adolescent lecteur où nous avons précisé et nuancé des tendances qui se dégageaient de l’enquête, des profils plus précis de ces jeunes peuvent-ils être dégagés ? Deux motifs nous ont conduites à nous aventurer sur cette voie. En effet, une lecture attentive des entretiens nous suggère que tous les adolescents ne sont pas semblables, que certains ont des attitudes, des habitudes et des goûts qui, tout en étant positifs, sont très différents. L’idée nous est d’abord venue de De Singly (1989, p. 110) qui estime qu’une politique de la lecture doit développer l’appétit de lire. Les lecteurs sont donc regroupés en un nombre restreint de classes plus homogènes, à partir de trente-trois variables qualifiées d’«actives» (nombre d’ouvrages lus, tels les BD, les journaux, les romans, les documentaires, les livres jeux ; genres préférés en 1er et en 2e ; thème préféré ; temps de lecture ; variation du niveau de lecture ; provenance du livre ; origine du livre acheté; score de compétence littéraire et d’appropriation livresque; amour de la lecture). De Singly souligne le côté arbitraire de cette typologie, mais il fait remarquer que les trois grandes catégories ont des effectifs assez semblables. Ces trois catégories sont les suivantes : le lecteur gourmand avec, en souscatégorie, le pilier de bibliothèque, l’amateur de suspense et le romantique; le lecteur modeste avec, en sous-catégorie, le futuriste, le fouineur et l’aventurier; le lecteur sans appétit avec, en sous-catégorie, le scolaire, le déchiffreur et le bédéphile. En second lieu, sur le plan méthodologique, les corpus de données qualitatives (études de cas, entretiens en profondeur auprès de plusieurs sujets) adoptent souvent la voie des profils, sorte de matrice générale à partir de laquelle peuvent se dégager des tendances. Le traitement des données que nous avons fait à l’aide du logiciel N’Vivo permet justement, sur des grands ensembles, de regrouper les données de multiples façons. Dans les entretiens usuels de groupe de discussion, le type d’analyse considère le groupe comme une unité (N=1 ; c’est-à-dire le groupe) ; l’entretien vise souvent à éclairer la prise de décision en regroupant, sous différents codes, l’ensemble des propos des sujets. Nous avons rompu cette unité et condensé les discours de chaque sujet (N = nombre de participants à l’entretien), puis, à partir des réponses données par les jeunes, déterminé certains profils types par jeux de ressemblances et d’oppositions (souvent marquées dans le discours même des jeunes). Catterall et Maclaran (1997), dans un intéressant article sur l’analyse des données dans les entretiens de groupe de discussion, mettent en lumière l’intérêt d’étudier l’effet de
227
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 228
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
la dynamique du groupe dans l’évolution des propos des participants, balisant ainsi la voie à une analyse fine et nuancée des propos de chaque individu. Poursuivant dans cette voie, nous nous sommes retrouvées en face de six profils de garçons et cinq de filles. Nous n’avons pas cherché à les jumeler, le passionné se rattachant à la boulimique, par exemple, bien que, sous certains traits, nous aurions pu le faire. Pour les garçons, nous retrouvons les profils suivants: • Le passionné, celui qui lit tout, rapidement et a toujours quelque chose à dire à propos de ses lectures. • Le psychosociologue en herbe, qui s’intéresse au genre humain, aux enjeux sociaux et n’aime pas être bousculé quand un sujet l’accroche. • Le sociable, qui aime échanger sur ses auteurs préférés, découvrir les nouveautés. • Le sportif, qui lit, quand il le faut, sauf pour les statistiques, les histoires vraies, les revues spécialisées. • L’hédoniste solitaire, qui, seul dans son coin, adore les beaux livres, aime relire ses auteurs préférés. • Le récalcitrant, qui écoute tellement bien en classe qu’il n’a pas besoin de lire. S’il le faut, il s’attelle à la tâche; mais comme le travail est pénible! Pour les filles, nous retrouvons les profils suivants: • La boulimique, qui lit tout ce qui lui tombe sous la main; elle lit tout le temps, partout, s’évade et cherche le dépaysement. • L’impulsive, qui butine d’un livre à l’autre, se laisse surprendre, abandonne et revient. • La sélective, intéressée par l’actualité, qui connaît ses goûts et choisit ses livres elle-même. • La rêveuse, qui, influencée par ses amies et ses parents, se crée des ambiances, s’y laisse couler et s’évade dans les mondes fantastiques des romans. • L’active, trop occupée pour lire par plaisir, mais qui ne dédaigne par les revues, les magazines, les journaux et tout ce qui touche l’actualité ou les bons romans d’aventure qui vous plongent dans le suspense pour vous en sortir au bout de 50 pages. Pour chaque profil, nous avons tenté de dégager les traits les plus marquants en retenant certaines catégories qui nous permettent de les distinguer: habitudes de vie, habitudes d’achat, environnement de lecture, rythme de lecture, attitudes face à la lecture scolaire, avantages perçus quant à la lecture, coups de cœur, genres ou types de lecture préférés. Chaque profil ne comporte pas des réponses à toutes les catégories puisque ce n’est pas selon ces paramètres que la discussion s’est enclenchée dans les entretiens. 228
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 229
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
On peut retrouver, au sein de ces profils, les grandes tendances déjà dégagées par De Singly. Bien que nos adolescents soient intéressés par la lecture, il y a dans l’ensemble des jeunes qui aiment beaucoup lire, qui lisent par plaisir et, à l’opposé, d’autres qui n’aiment pas lire et le font par obligation, et enfin un certain nombre dont les attitudes fluctuent selon les circonstances. On remarque aussi que certains genres littéraires, certains thèmes ont la faveur de certains types de lecteur. On note aussi, et on le verra davantage chez les récalcitrants, des jeunes qui détestent lire, éprouvent des difficultés à lire et qui, tout comme les déchiffreurs de De Singly, ont conservé de mauvais souvenirs de leur apprentissage de la lecture. Il est intéressant que De Singly ait aussi repéré chez ces derniers de la résignation et que les stratégies mises en œuvre pour les atteindre aient peu d’effet.
Au pays des récalcitrants Lorsque nous avons mené nos premiers entretiens de groupe de discussion, nous avions en face de nous des adolescents qui, sans être de bons lecteurs, disaient aimer lire. Certains nous confiaient avoir des difficultés à lire des romans ou des textes longs et nous pouvions intuitivement rattacher leurs propos à deux tendances : le sportif-récalcitrant et la rêveuse-active. Nous avons voulu nous pencher un peu plus sur ces jeunes et nous sommes allées rencontrer en entretien de groupe de discussion, cinquante adolescents (30 garçons et 20 filles) qui s’affichaient comme «détestant la lecture». Les entretiens ont duré une heure et ont été réalisés à partir du même protocole d’entretien. Nous avons toutefois ajouté une question à propos d’un événement marquant à partir duquel, à leur avis, leurs difficultés en lecture ont commencé, les recherches pointant le primaire comme lieu d’ancrage des difficultés. Recherches sur le lectorat récalcitrant La plupart des travaux ont été menés auprès d’adolescents, surtout des garçons ou de jeunes récalcitrants en lecture (les Américains parlent de reluctant reader, que nous avons traduit par «récalcitrants»). Ils ont été conduits auprès d’un nombre limité de sujets, se sont souvent poursuivis sur une longue période, car ils tentaient non seulement de décrire ces adolescents, leurs goûts et leurs attitudes, mais aussi d’intervenir pour modifier les approches en lecture et pour améliorer les rendements des élèves. À cet effet, du matériel didactique était confectionné et servait à infléchir la situation. Dès lors, il est difficile de comprendre les résultats sans prendre en compte le traitement. La plupart de ces études sont assorties de prescriptions pédagogiques pour soutenir l’intervention. Un rapide survol nous amène toutefois à constater qu’en dépit de ces biais tous les profils de ces adolescents se ressemblent étrangement et que les suggestions didactiques s’orientent toutes dans la même direction. 229
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 230
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Worthy et McKool (1996) se sont intéressés à des lecteurs récalcitrants et à leur milieu éducatif. Ils les ont repérés à partir de leurs résultats scolaires et du jugement de leurs enseignants selon lequel ils détestaient lire. Ils ont travaillé auprès de huit garçons et trois filles de 6e année. Les élèves ont été interviewés sur leurs préférences en lecture. On leur a montré une variété de livres et de revues. Ils ont également eu à lire et à recommander des livres. On les a observés en classe et à la bibliothèque. Voici le portrait général qui se dégage. Ces jeunes ne lisent pour ainsi dire jamais dans leurs loisirs, sauf des histoires d’horreur, des revues populaires et des BD. En classe, ils se disent fatigués des questions posées par les enseignants sur leurs lectures. Ils lisent de façon peu attentive dans les périodes de lecture individuelle en classe. Les chercheurs ont conçu un matériel d’expérimentation et ont pu remarquer que les attitudes dépendaient de ce matériel, du fait de pouvoir lire individuellement et du type d’enseignement donné. Ce qui a le plus frappé les chercheurs, c’est que le matériel de lecture est lacunaire ou inexistant quand on considère les goûts et les intérêts de ces jeunes. Lors des périodes d’observation en classe, les chercheurs ont d’ailleurs remarqué que les enseignants leur laissaient peu de choix dans leurs lectures, sous prétexte d’un programme chargé ou encore d’un manque de matériel adéquat. Dans les classes observées, les enseignants ne favorisaient pas les échanges entre pairs. Seul un projet exigeant des lectures personnelles en bibliothèque les a stimulés. L’accès aux livres et aux revues qu’ils préfèrent est réellement problématique pour ces jeunes à l’école, leurs choix personnels étant jugés non recevables. En 1997, Guthrie et al. ont fait une recension des connaissances que nous possédons sur les adolescents récalcitrants. Ils notent que leur intérêt pour l’écrit gravite autour des BD, des catalogues, des revues, de l’humour, des magazines spécialisés, des journaux. Ils ont une préférence marquée pour les textes illustrés et manifestent un grand intérêt pour la non-fiction. Le temps consacré à la lecture (incluant celui en classe) décline au fil des ans et se réduit à rien ou presque vers le secondaire. Toutes les études démontrent que, pour une très grande partie de la population et des élèves, la lecture est une activité féminine. Ces jeunes lisent peu, le plus souvent des histoires d’horreur ou de science-fiction. Ils sont à l’aise dans le décodage de mots. Plus la scolarité avance, plus ils sont en difficulté. Devant une tâche de lecture, une activité scolaire imposée, ils emploient des stratégies d’évitement. Plusieurs recherches pointent le rôle primordial de l’enseignant dans la motivation des jeunes de ce type. Ceux-ci témoignent de peu d’intérêt pour le français; ils préfèrent les mathématiques et les sciences. Leur choix de livres se base sur le nombre de pages et la quantité d’images. La source de leurs difficultés remonte au primaire. Moss (1999) s’est intéressé à la dynamique qui s’installe dans les regroupements de garçons en difficulté dans une tâche scolaire requérant un peu de lecture. Il s’est aperçu, en consultant une collection de timbres de joueurs de baseball, que les jeunes 230
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 231
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
soutiennent de grandes discussions sur les joueurs, leurs mérites respectifs. Ils font preuve d’une grande connaissance des performances de chacun. Il constate qu’en groupe ils se houspillent, se harcèlent même, la palme allant à celui qui fait la meilleure blague, la meilleure insulte. Moss (1999) a pu mettre en lumière que, dans l’univers de ces jeunes en difficulté, un expert en quelque chose n’est pas celui qui a le plus lu ; l’expertise ne vient pas non plus du texte en lui-même. L’expert est davantage celui qui a le plus d’expérience réelle. Moss avance que le lecteur faible peut donc rivaliser avec ses pairs s’il sait s’entourer de jeunes qui lui ressemblent. En 2002, Sokal passe en revue les raisons pour lesquelles les garçons ont des attitudes négatives envers la lecture. Elle recense plusieurs études qui montrent que la lecture est vue comme une activité féminine, que les modèles sont féminins, que les choix de livres ne sont pas en harmonie avec les goûts et les intérêts de plusieurs jeunes. Elle note aussi que les héros proposés aux garçons provoquent fréquemment chez eux des sentiments d’infériorité. Nous avons d’ailleurs pu recenser plusieurs publications qui traitent de cet aspect et qui proposent l’exploration du thème de la masculinité (entre autres Brozo, 2002, Smith et Wilhelm, 2002, Moore, Alvermann et Hinchman, 2000). Elle conclut que de nombreuses voies d’explication ont été fournies, mais que beaucoup de questions intrigantes persistent. Smith et Wilhelm (2002) sont deux enseignants qui ont poursuivi une recherche systématique dans quatre sites de trois États : milieux urbains afroaméricain, portoricain, milieu semi-urbain, milieu rural, école privée, école publique auprès de quarante adolescents répartis également entre des résultats scolaires élevés, moyens et bas. Les quatre types d’instruments utilisés sont les suivants: des grilles d’activités à ordonner et des entrevues sur les réponses des jeunes; des réactions sur des profils masculins comportant des registres variés d’attitudes et d’habitudes en lecture, les cahiers d’activités de lecture (et tout ce qui s’en rapproche) des jeunes sur une période de trois mois; l’observation en classe (auprès de certains) et à l’extérieur de la classe (activités sportives, entre autres). Les chercheurs définissent ainsi la question qui anime tout leur travail: How can we get a close look at the individual students in our classes so we can see their strengths, both in and outside of school and so we can get beyond essentialized definitions ? (p. 20).
II est bien évident qu’en résumant leurs propos nous dénaturons un tant soit peu leur visée générale, à savoir de restituer les singularités et d’éviter les généralisations abusives sur l’ensemble des garçons. Ces auteurs ont découvert des jeunes passionnés par des activités où les défis requièrent un niveau approprié d’habiletés pour lesquelles ils se sentent capables de réaliser la tâche. Quoique ces activités passionnantes soient différentes d’un garçon à l’autre, tous apprécient avoir des buts précis et un feedback immédiat. Les auteurs 231
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 232
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
soulignent que les jeunes ont mentionné que la lecture de courts textes informatifs, sur Internet par exemple, est intéressante et procure un feedback immédiat. Les jeunes apprécient être immergés dans le moment présent et le vivre avec intensité, surtout quand cela est vécu avec un groupe d’amis. Ces jeunes tentent à tout prix d’éviter les situations stressantes, de fuir la routine. Ces traits distinctifs peuvent aider l’enseignant à créer des conditions qui facilitent l’engagement de lecteurs à apprendre ce qu’ils doivent savoir. Les adolescents ont une vision instrumentale de l’école, de son importance; ils sont très sensibles au contrat social implicite entre l’enseignant et l’élève et s’engagent dans une activité s’ils se sentent pris en considération (goûts, capacité, rythme, entre autres). Plusieurs considèrent la lecture comme une activité scolaire. Smith et Wilhelm ont mis en place un ensemble d’activités structurées de telle sorte qu’elles prennent en compte le style d’approche du réel des jeunes garçons et leur proposent des pistes d’exploitation de textes et de courts récits qui rejoignent leurs préoccupations. Leurs réussites montrent qu’il est possible de les rejoindre. Dans un contexte et à partir d’un schème d’interprétation sensiblement différent, Robine (1987) a poursuivi des recherches auprès de jeunes travailleuses et travailleurs de la région bordelaise, de 18 à 23 ans, de langue maternelle française. Ces diplômés exerçaient des professions d’exécution dans les secteurs agricole, industriel, artisanal et tertiaire ; ils n’étaient pas des marginaux et constituaient quasiment une élite comparés aux «lecteurs exclusifs de magazines documentaires, aux réfractaires à la lecture ou aux simples consultants de la presse à scandale ». L’enquête qualitative est faite à propos de «genres littéraires» qualifiés de «mauvais»: collection sentimentale, livres érotiques. Cette enquête se double d’observation dans les domiciles familiaux. La chercheure a toutefois posé certaines questions sur la culture de l’école et celle de leur milieu. Elle adopte une position psychosociologique en notant que le classement des livres dans les mauvais genres implique des lecteurs de mauvais genre. Il y a un interdit, ou une stigmatisation, de ces genres (on qualifie souvent ces genres de paralittérature). Littérature indigne, littérature de masse, diton souvent. L’auteure repère un écartèlement entre la culture de la famille (intelligence pratique plus sensorielle qu’intellectuelle) et celle de l’école. Dans ces milieux, la présence de l’écrit est très limitée: quotidiens, presse gratuite, presse de cœur, illustrés de BD, recueils de blagues, magazines, quelques romans. Les parents lisent très peu et préfèrent des livres de culture populaire ou de la littérature de masse en plus des illustrés. Les jeunes se sentent souvent contraints de lire par leurs parents, discours souvent démenti par le comportement parental. « Les conversations à la maison ne s’orientent jamais sur les lectures; les prêts à l’intérieur de la famille ne s’accompagnent pas d’échanges verbaux. On se borne à dire : « Lis ça, c’est bien ». Les conversations entre copains ne s’intéressent pas aux livres, mais aux activités de groupe » (Robine, 1987, p. 98). Ces jeunes ne fréquentent ni les bibliothèques 232
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 233
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
publiques ni les librairies. Le livre sert à réussir à l’école, à se documenter sur un sport, à réaliser une activité manuelle. Les valeurs se situent dans la pratique d’un savoir-faire qui s’apprend par l’observation ou de façon orale, mais pas dans les livres. Le jeune, à l’école, s’entoure d’amis qui lui ressemblent, évitant ainsi des coupures affectives. Presque tous les jeunes de l’enquête ont l’impression que les jeux sont faits, que leur trajectoire sociale est inexorable. Robine souligne que l’école tient un discours sur le plaisir de lire et que, pour ces jeunes, la lecture constitue un « obstacle infranchissable». Elle est alors rejetée parce qu’elle confronte le sujet avec ses propres incapacités. Interrogés sur les pratiques de classe, certains des sujets déplorent la quantité de lecture à faire en peu de temps, un contenu des lectures scolaires qui ne les concerne pas. La littérature présentée les ennuie et les thèmes qu’elle touche ne présentent pas d’intérêt, ne soulèvent pas de curiosité. Les discussions, les explications écrites ou orales et les commentaires ne sont pas appréciés. Les jeunes disent ne pas avoir de mots pour exprimer leurs sentiments à propos de ce qui est écrit. Robine termine son article par quelques pistes de réflexion sur lesquelles nous reviendrons, car elles peuvent tout aussi bien s’appliquer à notre contexte. De très nombreuses études se sont penchées sur les différences entre les garçons et les filles, et sur les variables susceptibles d’expliquer les écarts (toujours constatés). Kendrick (1999) résume ce que corroborent tous les travaux au sujet des garçons sur le plan scolaire: ceux-ci ont une plus faible estime du soi scolaire et ont des résultats plus faibles en lecture. Le lecteur intéressé consultera avec profit les synthèses faites à l’Université de Manakau en Nouvelle-Zélande par Taylor-Smith (2000), Connell (2000) et Chapman (2000) dont nous donnons la référence en bibliographie.
Qui sont nos jeunes récalcitrants, réfractaires à la lecture? Sous plusieurs aspects, les jeunes que nous avons rencontrés ressemblent étrangement à ceux que décrivent d’autres recherches. Nous verrons tout d’abord ce qui corrobore les données déjà connues, puis ce qui est nouveau. Nous commencerons par décrire les garçons, puis les filles. Des goûts et attitudes : un public grouillant Les jeunes garçons, nous le savons déjà, aiment le mouvement, l’activité intense. Ils ont un grand intérêt pour les voitures, les sports, tout particulièrement la planche à neige, le basketball, le soccer, le hockey, le vélo de montage et la planche à roulettes. Certains parlent d’un goût pour le bizarre, l’inédit. D’autres frayent avec l’interdit, la violence, le sexe. Plusieurs disent apprécier la nature, les sciences, les choses vraies. Leur relation au monde conserve un aspect fonctionnel très prégnant:
233
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 234
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
C’est comme pour notre permis de conduire. On a le goût de l’avoir, alors ça nous sert de lire et on est motivé. Ça ne nous dérange pas de lire si c’est important, si ça nous sert à quelque chose (Daniel).
Goûts et attitudes en lecture Les garçons aiment feuilleter des BD; ils aiment en lire parce qu’il y a des images, des bulles et qu’il n’y a pas trop de texte. Ainsi ils peuvent se rappeler le texte parce que «tu vois ce qui se passe» disent-ils. Ils aiment aussi les textes courants dans les magazines ; ils lisent les images, les titres, de courts paragraphes. Ils consultent beaucoup les catalogues de toutes sortes, parce que la présentation est très aérée, le texte est facile à lire et il y a des images: Dans le journal, je vais voir tout de suite à la page des sports. Je regarde les images, je lis les gros titres. Des fois je lis les bandes dessinées, mais c’est tout (Pierre-Luc).
Plusieurs garçons ont de vives réactions à la folie des Harry Potter : tout cela est invraisemblable. Même le film est jugé ennuyant. Les histoires de baguettes magiques ne les intéressent pas: C’est plus amusant de voir le film parce que tu as l’image qui est plus impressionnante que lorsque tu ne fais que lire la description d’une action (Pierre-Luc).
À une question sur les romans d’amour, ils disent que c’est ennuyant parce que c’est toujours le même genre d’histoire ridicule. « Vivre l’histoire, c’est mieux que de la lire» (Marc-Antoine). La question du rythme de lecture est revenue souvent dans leurs propos. Lire leur demande du temps, beaucoup de temps et de la concentration. Toutefois, ils ont une grande capacité d’imagination: se mettre à la place d’une vedette, d’un chanteur, d’un sportif les intéresse beaucoup. Ils sentent très peu de stimulation dans la lecture imposée. Ils ont alors en tête de gros romans, sans image, qui correspondent aux goûts des professeurs (certains s’offusquant que leur enseignant ait pu lire l’ouvrage dans sa jeunesse!). Ils estiment que le matériel dont ils disposent est désuet (bien qu’ils avouent qu’eux-mêmes le brisent); ce sont des romans des années 1960, disent-ils et les livres qui traitent de sujets qui les passionnent (ex.: hockey ou Formule 1) datent de quatre ans: tout est dépassé. Le matériel didactique et les lectures imposées suscitent peu d’intérêt. Leurs propos nous amènent à penser que le matériel n’est pas adapté à leur compétence en lecture : les caractères sont trop petits, les textes trop longs et peu illustrés. Seuls les livres de «bébé» seraient appropriés: mais quelle honte! La question du vocabulaire a aussi été mentionnée par plusieurs d’entre eux : l’utilisation de termes scientifiques, des noms de personnages compliqués, des mots dont il faut chercher la signification dans le dictionnaire sont des entraves qui les rebutent. 234
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 235
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
Ces adolescents ne lisent pas ou lisent très peu ; ils ne discutent pas de leurs lectures. Leurs parents sont plus ou moins intéressés par leur rendement en classe; certains les encouragent, d’autres ont abandonné. Les jeunes disent que leurs pères lisent les journaux. Ces adolescents éprouvent peu d’intérêt à découvrir de l’information nouvelle par l’écrit; leurs stratégies d’apprentissage ne passent pas par l’écrit. Stratégies d’évitement En face d’une lecture imposée, ces jeunes font semblant, blaguent et font rire. Ils sautent des pages: Je ne lis pas. Lorsqu’on me regarde, je lis quelques mots et je tourne la page. Alors je ne comprends pas l’histoire (René).
Ils lisent le titre, la jaquette arrière et tentent de broder là-dessus. Les titres sont bons, c’est dedans que c’est moins bon (Karl).
ou encore des mots, mais pas l’histoire dont ils ne retiennent rien: Quand je lis, je n’ai pas nécessairement d’images dans la tête et c’est plus difficile de m’en rappeler. Dans les livres, les descriptions ne sont pas assez vraies. Je ne peux pas voir le sang qui gicle (Samuel).
Ils éprouvent de la difficulté avec des textes qui tournent autour du sujet plutôt que de le traiter directement (Oscar). Ils ont parfois le sentiment de lire pour rien, surtout quand ils abandonnent en cours de lecture, sans savoir la fin. Coincés, ils choisissent un livre dont le film existe et regardent le film pour parvenir à répondre aux questions ou à faire un résumé. La lecture d’extraits ne produit pas les effets escomptés. Je n’aime pas les extraits qu’on retrouve dans nos volumes scolaires parce qu’ils coupent l’histoire dans le bout le plus intéressant (Marc-Antoine). Je n’aime pas lire. Je n’aime pas non plus les extraits ; cela a tout pris pour que tu entres dans l’histoire et, quand tu commences à la trouver intéressante, l’extrait se termine pour te laisser sur ta faim et tu dois répondre à des questions, du genre « Que penses-tu qu’il va se passer ? » C’est décourageant parce que tu étais enfin prêt à lire (David).
Les tâches de lecture sont aussi exigées dans d’autres matières et la compétence en lecture a des effets directs sur les résultats scolaires. Les jeunes remarquent que le genre de question dans l’examen facilite le repérage de l’information; ils lisent tout d’abord les questions, avant de lire le texte, car ils n’ont pas le temps de lire le texte, les questions et de revenir au texte. Ils commencent par les questions courtes et 235
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 236
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
faciles, où des indications de paragraphes sont données. Dans les matières autres que le français, les textes à lire ne sont pas trop longs, cela les arrange. Souvent, ils sont conscients qu’ils vont trop vite et essayent de se débarrasser de la tâche de lecture et font alors des erreurs. Ils ne lisent pas jusqu’au bout et comprennent mal la question. Certains se tirent bien d’affaire, mais ils ne comprennent pas trop comment ils ont fait: [En mathématiques] Je fais semblant de l’avoir lu et je vais demander au professeur en disant que je ne comprends pas. Puis il m’explique. Dans les examens, j’essaie de lire, des fois je passe, des fois je ne passe pas (Christophe).
Les recherches montrent que les rendements en lecture ont des répercussions sur les résultats scolaires et sur l’estime de soi scolaire. Les jeunes sont conscients d’éprouver des difficultés et ils disent qu’ils choisiront un métier qui, selon eux, ne demande pas de lire ou ils pensent que, lorsque la situation le requerra et qu’ils seront motivés, ils sauront lire (ex.: permis de conduire, bail, contrat). Les jeunes sont conscients que leurs difficultés en lecture ont des répercussions sur leurs résultats scolaires en général et aussi dans des matières qu’ils aiment. Cela les désole. Ils démontrent déjà une sorte de fatalisme. Comme le disait Robine (1987), les jeunes ont l’impression que les jeux sont faits, que leur trajectoire sociale est inexorable. Les adolescents que nous avons rencontrés admettent que la lecture peut servir à résoudre des problèmes de la vie courante, mais ils ne voient pas la façon dont cela s’appliquerait à leur propre vie. On voit donc l’occurrence d’une vision fonctionnelle de la lecture, une lecture utile certes, lire pour la vraie vie; mais la leur se déroule jusqu’à présent sans qu’ils en subissent des conséquences qu’ils estiment désastreuses. Nous avons pu remarquer que ces jeunes donnent une large place à la communication orale, qu’ils apprennent même par «tradition orale», ils vont demander des renseignements ; ils écoutent souvent attentivement en classe. Pour s’informer, ils regardent la télévision. Ils préfèrent quelqu’un qui lit à haute voix, «c’est plus facile de se rappeler l’histoire» (Luc). Les amis qui les entourent s’intéressent aux mêmes activités qu’eux (ex.: sports) et ne lisent pas. Ils ont des réactions assez stéréotypées (les filles lisent, elles ne font que ça, un gars qui lit est une tapette), bien que plusieurs disent que les filles ont plus de temps qu’eux (eux font du sport), elles n’ont rien d’autre à faire, elles ont une mentalité différente. «La lecture, c’est plus pour les personnes âgées parce qu’elles n’ont rien d’autre à faire, qu’elles ont de la difficulté à se déplacer» (Jason).
236
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 237
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
Ce qui est nouveau ou a été mis en évidence Plusieurs parents ont été et sont encore très présents. Ils leur ont fait la lecture lorsqu’ils étaient petits ; ils ont apprécié ces moments d’intimité. Au cours du secondaire, on pressent que certains parents ont abandonné ; d’autres demeurent inquiets et font pression sur eux pour qu’ils réussissent. Ils n’acceptent pas les échecs, punissent en coupant le sport ou la télévision ou les jeux. Les jeunes font donc du rattrapage à la maison. Les jeunes sont néanmoins très sensibles au fait que les adultes démontrent de sérieuses contradictions entre leurs discours sur l’importance de la lecture et la place qu’ils accordent eux-mêmes à la lecture. Questionnés à savoir si «lire, c’est lire un roman», ils soutiennent que non, lire ce n’est pas lire un roman; cependant, quand on leur demande si leurs parents lisent, ils rapportent que leur mère lit des romans, mais que leur père ne lit que le sport dans les journaux. Quand ils parlent de lecture en classe, spontanément, ils racontent des activités de lecture de romans. Jamais n’a été mentionnée la lecture d’un texte courant. Ils mentionnent lire des textes courants, sur demande. Nous avions vu, dans les premiers profils, des jeunes sportifs et des jeunes récalcitrants qui, dans leurs propos, disaient ne pas détester la lecture. Sous plusieurs aspects, les jeunes élèves que nous venons de décrire leur ressemblent; sous d’autres, ils s’en distinguent. Le tableau de la page suivante met ces trois profils en parallèle, à des fins de comparaison. Nous avons choisi de qualifier cet élève récalcitrant de réfractaire en pensant que ce jeune résiste, refuse de se soumettre et est insensible à la plupart des stratégies employées: il ne réagit pas aux traitements essayés. Il refuse de lire, il ira même jusqu’à adopter des stratégies qu’il sait perdantes (lire vite, abandonner avant la fin) dans des situations importantes pour sa réussite scolaire. Il se laisse aller à des comportements distrayants qui amènent son exclusion de la classe. Quant au récalcitrant, on ne peut certes l’arranger à sa guise; lui aussi résiste avec entêtement mais, souvent, il parvient à s’accommoder tant bien que mal.
237
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 238
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
TABLEAU 1 Parallèle entre les profils du sportif, du récalcitrant et du réfractaire Sportif
Récalcitrant
Activités de la vie quotidienne
Aime tous les sports, les jeux et la TV.
Habitude d’achat
Privilégie les échanges. Reçoit des cadeaux.
Environnement de lecture
Lit s’il est obligé. Lit s’il est obligé. Se concentre difficilement. Quand la lecture est compliquée cela tient à la nature du texte et non à ses compétences. Est souvent en retard Déteste être bousculé. sur les équipiers.
Rythme de lecture
Lecture scolaire
Avantages de la lecture
Aime le sport, les films et la TV. Ne parle jamais de ses lectures avec copains. Consulte certaines revues.
Déteste être contrôlé par des questions. N’apprécie guère les discussions en classe: cela ne mène à rien. Aide à mieux écrire.
Déteste les tâches imposées. Fait le travail quand il compte. Aide à apprendre des mots nouveaux.
Coups de cœur
A adoré La courte échelle. A adoré Chair de poule. A lu des BD. A apprécié le coin de lecture au primaire.
Genres préférés
Compulse les statistiques sportives. Lit du policier, du fantastique. Lit Safarir et autres revues du genre. Aime s’imaginer dans la peau d’un personnage si c’est réaliste.
Réaction aux lectures
Émotions ressenties
Est fataliste mais peu dérangé. Est réaliste: c’est la vraie vie.
Lit du policier, du fantastique. Lit parfois des revues.
S’il participe aux échanges, ils doivent être courts et aller à l’essentiel. Vise l’efficacité. Est centré sur le pratique. Est toujours en action.
238
Réfractaire Aime tout, sauf lire. Parle peu de ses lectures mais échange beaucoup sur ses connaissances. Un incontournable: Safarir et quelques revues spécialisées. Commence s’il est obligé puis abandonne. S’attarde aux mots, regarde les titres et les images. Refuse de s’engager activement. Perd le sens facilement. Est sur la pente de ne plus le faire, même quand cela compte.
En voit pour les autres. Espère qu’il sera capable quand il en verra la nécessité. Se souvient des petits livres de son enfance. Compulse Safarir et revues de sport. S’intéresse aux magazines spécialisés. Consulte les statistiques sportives. S’intéresse aux textes réalistes et aux livres des records. Adopte des comportements distrayants: blagues et insultes, rigolades. Est centré sur le pratique. Adore le mouvement. Est résigné à son sort.
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 239
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
Et les filles alors ? Jetons maintenant un regard aux adolescentes qui disent détester la lecture. Comme la plupart des adolescents pour lesquels la lecture n’est pas le principal intérêt, quand ces filles lisent, elles préfèrent lire le soir, tranquilles dans leur chambre avec une musique douce en bruit de fond. Mais, à la lecture, elles préfèrent la télévision, le téléphone, l’ordinateur pour se changer les idées. Et pourquoi pas, un peu de danse aussi. Côté films, ce sont les films d’horreur et les comédies. Leurs matières préférées: l’art dramatique, l’éducation physique, les arts plastiques. Nous pouvons distinguer deux grandes tendances: des adolescentes davantage centrées sur l’action, qui aiment vivre avec intensité et pour lesquelles les relations d’amitié sont très importantes; d’autres plus timides, davantage rêveuses et dont les propos ne nous permettent pas de distinguer des goûts affirmés autres que la lecture de revues, une préférence marquée pour les romans d’amour et d’aventure pimentés d’un peu de suspense et, pourquoi pas, d’un meurtre ou deux. Il est surprenant d’apprendre ce qu’elles entendent par un livre réaliste ou un fait vécu, cet événement est souvent associé à un réel qu’elles estiment probable et à propos duquel elles éprouvent de la curiosité; les réactions des gens les intriguent et elles y trouvent une source de réflexion. Dans les vrais faits vécus, elles incluent des problèmes de drogue, d’argent, des meurtres. Certains de leurs propos laissent songeur: Cela nous renseigne et nous aide à nous remettre de situations difficiles, à y penser moins (Caroline).
La majorité des adolescentes que nous avons rencontrées occupent une grande partie de leur temps de lecture à feuilleter les revues où Cool et Filles d’aujourd’hui tiennent une place centrale. Ces revues, fort bien illustrées à leurs dires, parlent de gens connus, des chanteurs, des acteurs, de la mode. Elles aiment cette diversité dans un contenu familier; elles lisent les courriers du cœur, les extraits de journaux intimes. Elles jasent des reportages avec leurs amies, discutent des propos des uns et des autres, et laissent de côté ce qui ne les intéresse pas. Il semble donc qu’elles lisent des «mauvais genres», comme le dit Robine (1987), mais que, à l’instar de lecteurs moyens ou intéressés, elles aiment lire, discutent de leurs lectures, sont abonnées à des revues et manifestent de l’intérêt dans des domaines où elles sentent qu’elles ont une « expertise », tout comme nous l’avons vu pour les garçons récalcitrants. Ces propos rejoignent d’ailleurs ce que Monique Lebrun souligne au chapitre 4 sur la lecture de plaisir. Les adolescentes soutiennent que les lectures proposées par l’école ne rejoignent nullement leurs intérêts. Elles adoptent les mêmes stratégies d’évitement que les garçons pour effectuer les tâches scolaires. Tout comme eux, elles n’apprécient guère qu’on leur impose un livre et détestent tout particulièrement que l’enseignant leur demande de se souvenir de détails car, quand elles sont intéressées par l’histoire, elles ne s’attardent pas à cela. L’intérêt baissant, elles sautent des paragraphes et oublient les détails: 239
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 240
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les classiques, les vieilles histoires, comme Roméo et Juliette et les Vikings. Ce ne sont pas des thèmes qui me permettent d’avancer, ce sont des vieux thèmes qui n’ont rien à voir avec notre réalité. Les informations sur les vedettes, donc contemporaines, nous permettent de communiquer avec notre entourage parce qu’il y a un intérêt de sa part. On peut donc en parler, discuter sur ces sujets, partager nos connaissances (Nadine).
Tout comme les lecteurs éprouvant des difficultés, elles préfèrent des livres courts, bien illustrés, avec des mots faciles; elles pensent à autre chose pendant la lecture: Mon problème, c’est que, quand je lis, je suis facilement déconcentrée. Je lis et je pense à d’autres choses en même temps parce qu’en m’imaginant l’histoire il y a des idées qui me viennent et je pars dans mes idées. Je ne suis donc pas consciente de ce que je lis (Marie-Ève).
Plusieurs propos nous portent à penser que, parmi elles, se retrouvent des jeunes qui ont des comportements dyslexiques: elles s’arrêtent de lire, perdent le sens au bout de trente secondes, s’attardent aux syllabes parce que c’est trop difficile: Quand tu as de la difficulté à lire et que le professeur te pousse à continuer même si tu es tannée parce que c’est trop dur, que tu bégaies ou que tu ne comprends pas les mots difficiles (Nadine).
Les réactions parentales ne sont pas univoques: plusieurs mères sont très actives, stimulantes, donnent des cadeaux, échangent sur les lectures. D’autres disent que leurs parents ne lisent pas et n’ont aucun dialogue sur leurs lectures. Contrairement aux garçons, les filles ont mentionné que leurs parents réagissent négativement lorsque l’ordinateur occupe une large place dans leurs loisirs. Ces adolescentes ne voient aucune relation entre les résultats scolaires et l’habileté à lire. Elles décrivent des stratégies fort peu efficaces (ne jamais relire un texte deux ou trois fois; chercher les réponses dans le texte sans le lire) pour réussir des examens de français. Tout comme les garçons, elles ont l’impression que, quand cela sera nécessaire et motivant, elles liront. La perspective d’un métier exigeant de la lecture ne semble pas leur poser problème: «Ces lectures me serviront concrètement pour mon métier. Les sujets de lecture vont m’intéresser.» En fait, la difficulté vient du texte et de leur peu d’intérêt pour le sujet; elles-mêmes n’y sont pas pour grand-chose. «Le but de lire pour réussir son année n’est pas assez concret, il faut que tu aies un but de ce que tu veux faire plus tard pour que ça fasse sens à court terme» (Sophie). Sophie ajoute: «Quand je serai rendue là, je lirai. Mais, en ce moment, ça me sert à quoi? Si c’était des livres par rapport au métier qui m’intéresse, peut-être que ce serait plus motivant.» On remarque donc, au travers de ces propos, que c’est la lecture fonctionnelle qui prime et non la lecture évasion, attitude qu’il est plus étonnant de rencontrer chez une fille que chez un garçon. 240
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 241
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
Comme tous les adolescents rencontrés, elles se disent en désaccord avec les stéréotypes sur les « bollés » et les filles. Elles soutiennent que tout dépend de la personne elle-même. Elles constatent toutefois que c’était le cas au primaire, mais qu’au secondaire «ça s’équilibre». Selon elles, l’une des différences marquantes entre les filles et les garçons, c’est que les filles sont plus sociables. Questionnées sur la bibliothèque scolaire, elles portent le même jugement que leurs congénères: les livres sont vieux, brisés, l’ambiance est désagréable, le décor moche et les collections ne rejoignent pas leurs intérêts. Le lecteur retrouvera à cet effet des propos analogues dans le chapitre 7 sur les adolescents et les bibliothèques scolaires et publiques. TABLEAU 2 Parallèle entre les profils de l’active, de la rêveuse et de l’affairée Active
Rêveuse
Activités de la vie quotidienne
Est trop occupée pour prendre le temps de lire.
Privilégie des activités diversifiées, plaisantes; lit pour rêver.
Habitudes d’achat
Achète des revues, des journaux. Lit si elle est obligée. Se concentre difficilement.
Achète sous les conseils de ses amies, de sa mère. Lit, installée confortablement dans son lit, le soir. A en marche plusieurs livres, en même temps, du même genre.
Environnement de lecture Rythme de lecture
Aime lire à l’extérieur, quand il fait beau, l’été.
Lecture scolaire
Doit accrocher à la première ligne, sinon elle abandonne. Est d’accord que cela doit avoir des avantages, mais ce n’est pas suffisant pour la pousser à lire. Préfère les romans d’aventure aux histoires rondement menées. Aime les romans d’aventure, de suspense. S’engage quand les discussions sont courtes.
Avantages de la lecture
Coups de cœur
Genres préférés Réactions aux lectures
Émotions ressenties
Peut se laisser prendre au plaisir de lire.
Préfère choisir parmi un éventail et discuter de ses choix. Considère que lire, c’est se dépayser. Cela n’a rien à voir avec les résultats scolaires. Préfère les romans psychologiques et les histoires d’amour. Aime les romans d’amour. Aime discuter des personnages, de leurs émotions. Aime vivre le dépaysement.
241
Affairée N’aime lire que ses revues, car elle a beaucoup d’occupations. Parle beaucoup de ses lectures et échange avec ses amies sur l’actualité. Deux revues favorites: Cool et Filles d’aujourd’hui. S’attarde aux images, feuillette. Refuse de s’engager activement, mais cède parfois le soir, dans sa chambre. Perd le sens facilement. Commence si elle est obligée puis abandonne. Est certaine qu’elle sera capable quand elle en verra la nécessité. Aime les revues et les faits vécus. Aime les romans d’amour et d’aventure. Manifeste du désintéressement. Éprouve de l’ennui et de l’agacement
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 242
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Les événements marquants dans la vie du jeune lecteur Guthrie et ses collaborateurs (1997) avaient relevé que les recherches pointaient du doigt l’ordre primaire comme lieu d’émergence des difficultés en lecture. Au cours de nos entrevues, nous avons demandé aux jeunes de nous raconter des événements marquants auxquels ils attribuent une influence sur leur goût de lire. Nous avons vu que ceux qui aiment lire nous racontent la lecture sous les couvertures, les cadeaux de livres, les échanges avec leurs amis. La plupart ont aimé le primaire à cet effet; les livres les ont intéressés. Ils ont découvert des auteurs qu’ils ont adorés, des collections qu’ils ont dévorées. Mais tout n’a pas été rose pour chaque enfant. Certaines et certains ont vécu des situations difficiles ou des échecs. Les garçons nous ont raconté des moments pénibles dont la plupart datent du primaire. Un peu à l’encontre des garçons, pour plusieurs filles, cela semble surgir un peu plus tard au secondaire où les pratiques littéraires sont plus marquées : arrivée des ouvrages romanesques obligatoires et tâches afférentes caractérisées par les comptes rendus et les résumés à rendre dans des délais prescrits. Cinq types de situations ont été mentionnés: • L’élève est devant de petits textes avec questions à répondre: il ne se souvient pas de l’histoire et éprouve un sentiment de panique, d’incompétence. Une situation similaire : l’élève doit faire un compte rendu et ne se rappelle pas l’histoire lue. • Au cours de sa lecture, le jeune trouve le vocabulaire («des mots») compliqué, qu’il n’arrive pas à déchiffrer. Il se sent perdu et abandonne la tâche. Devant lire à haute voix, il est gêné, car il fait des erreurs et ses bévues provoquent le rire ou l’agacement. • Des adultes (parent, enseignant) jettent leur livre préféré à la poubelle, estimant cette lecture trop «bébé». • L’élève a été absent durant une période ressentie comme très longue. Au retour, il voit les autres très avancés en lecture et s’estime incapable de remonter la côte. Certains nous ont parlé de maladie ou de divorce des parents comme d’une illustration d’absence. • Vers la troisième année, certains ont éprouvé un réel découragement face à leurs piètres rendements scolaires ; ils se sont mis à détester l’école et ce qui s’y rattache. La lecture y est associée. Ces situations conflictuelles sont vécues dans la solitude. Personne ne semble prendre conscience de ce qui se passe. Le jeune éprouve des émotions très vives: le découragement, l’humiliation, la rage, l’ennui souvent (lecture de petits livres ennuyants). L’enfant se sent mésestimé et des personnes signifiantes pour lui (parent, 242
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 243
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
enseignant) le ridiculisent, le punissent. Plus de filles que de garçons nous ont mentionné la présence d’un enseignant exigeant, insatisfait de leur travail : ceci provoque le rejet de la lecture. La lecture est donnée en punition. Dans ces situations que les jeunes nous ont racontées, nous pouvons relever une certaine culture scolaire de l’écrit et des stratégies souvent privilégiées en classe de français, telles les suivantes. • Lire de «gros» (sous-entendu longs) textes et répondre à des questions. • Lire des romans et se rappeler l’histoire pour en faire un compte rendu. • Faire des présentations orales en rappel. • Lire des livres sérieux mais qui ne correspondent pas aux intérêts du jeune. • Lire des livres où le vocabulaire est compliqué. • Effectuer le passage aux livres sans image, en noir et blanc, avec beaucoup de texte. Ces jeunes réfractaires, plus que d’autres, acceptent difficilement de se conformer aux obligations et aux exigences scolaires, comme devoir composer un texte, devoir lire des romans, ne plus pouvoir choisir soi-même ses lectures, être obligé de lire et de finir la lecture sans être intéressé, devoir répondre à des questions, devoir terminer à la maison une lecture et le travail qui en découle. Les jeunes ne témoignent d’aucune intention personnelle (ils ne voient pas à quoi la lecture peut servir pour eux, dans leur vie) et on peut noter que, dans ces moments-là, ils sont sans soutien et vivent une absence de relations interpersonnelles.
Avenues à exploiter Les avenues que nous suggérons, à la suite de ce travail, complètent les chapitres sur la lecture scolaire, sur la lecture de plaisir et sur les choix de livres qui sont basés sur le questionnaire écrit, chapitres qui comportent également des extraits choisis des entretiens de groupe de discussion.
Intérêt de connaître les profils Certes, reconnaître l’un ou l’autre de nos élèves dans ces profils tracés à grands traits peut nous faire découvrir, sous un autre jour, ces adolescents auxquels nous enseignons tous les jours. Mais il nous semble que cela peut aussi être intéressant sous d’autres aspects.
243
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 244
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Une considération spéciale pour les garçons Dans son rapport intitulé Pour une meilleure réussite scolaire des garçons et des filles, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) ouvre certaines pistes de réflexions et d’action afin de «s’attaquer aux écarts de réussite entre les garçons et les filles2 ». Cet avis tente d’apporter un éclairage sur l’effet de la variable sexe sur la réussite scolaire et met de l’avant de grandes orientations dont nous nous inspirons pour proposer des voies d’exploration. Le CSE mentionne que plusieurs travaux de recherche ont pointé du doigt les conséquences des stéréotypes particulièrement en ce qui a trait à la lecture: aimer lire est un comportement féminin, pour plusieurs adolescents. Ces derniers nous ont dit être un peu gênés d’aimer lire, et chercher à le cacher. Il convient de contrer ces stéréotypes et de présenter des modèles positifs de lecteur. Pourquoi ne pas chercher à retrouver dans l’école un professeur masculin qui se reconnaît dans l’un ou l’autre profil? Celui-ci pourrait venir présenter le livre qu’il est en train de lire ou encore un livre qui l’a passionné. La connaissance des événements marquants La connaissance des événements marquants nous amène à suggérer qu’au primaire une attention plus spéciale soit portée au passage de l’image à l’écrit et à l’introduction de textes et de romans sans image. L’école aurait avantage à mieux gérer le suivi des absences, des maladies, des divorces qui créent, pour certains élèves, de grandes perturbations et pour lesquels le retour dans le groupe est traumatisant. Les enseignants devraient tenter de repérer très tôt des élèves montrant des comportements dyslexiques et s’assurer qu’ils reçoivent l’aide appropriée. Une pédagogie adaptée Nous avons pu constater que certains thèmes rejoignent plus les garçons que les filles. Dans cet esprit, les suggestions faites par Terwagne, Vanhulle et Lafontaine (2001) sont intéressantes, tout particulièrement en ce qui concerne les cercles d’idées. Ce genre de cercle de lecture est centré davantage sur l’acquisition de stratégies métacognitives, de compétences critiques et les documents utilisés peuvent facilement être des textes courants. Il en est de même pour les thématiques sur la masculinité dont les recherches démontrent le grand intérêt que les garçons y portent. Le travail intégrant à la fois des textes courants et des textes littéraires rejoint les besoins des garçons et des filles et permet une approche dynamique de la lecture.
2. Conseil supérieur de l’éducation (1999). Pour une meilleure réussite scolaire des garçons et des filles. Québec : Éditeur officiel.
244
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 245
Chapitre 10 – Les profils d’adolescents lecteurs
Conclusion Nous n’avons pas la prétention d’avoir tracé, par ces profils, le portrait de l’adolescent lecteur. Mais nous pensons qu’il y a là une voie intéressante d’exploration afin de mieux rejoindre les jeunes. Le Conseil supérieur de l’éducation note que l’origine de l’écart de réussite scolaire s’explique en partie par une série d’influences sociales et que ces influences proviennent autant du monde adulte que des autres élèves. En modifiant un tant soit peu le jeu des interactions et les modes d’approche, l’enseignant donne un nouveau sens à l’apprentissage de la lecture à l’école et fait mieux ressortir l’utilité concrète de cet apprentissage dans la vie de tous les jours. Avoir du plaisir à lire, c’est s’évader dans de nouveaux mondes, certes les mondes des auteurs, des vies qu’ils nous proposent, mais aussi laisser aller sa curiosité à explorer le monde qui nous entoure et les personnes qui l’habitent. Beaucoup de recherches, dont la nôtre, font le constat que seuls les enseignants de français fréquentent les bibliothèques scolaires. Les enseignants des autres matières semblent peu s’intéresser au processus de lecture et aux projets d’intégration. Cet état de fait est préjudiciable et empêche l’établissement et l’épanouissement d’une curiosité de type scientifique ou artistique. Robine (1987, p. 107) note que « lire n’est pas seulement lire de la littérature. La littérature ne représente que 20% de la production éditoriale. L’usage du livre documentaire ouvre à ces lecteurs des perspectives dans lesquelles le rêve est aussi présent. Il existe des collections de vulgarisation scientifique, des récits de voyages et reportages, à l’écriture accessible à tous. Les supermarchés et les clubs de livres en offrent aussi». L’enseignant a devant lui une grande variété de lecteurs; ces différences et ces contrastes auraient avantage à être mis à profit au moyen de stratégies utilisées en classe. Les propos des adolescentes et des adolescents sur la lecture nous les font découvrir intéressés à partager leurs points de vue, critiques à ceux des autres, souvent imperméables à la désirabilité sociale. Les jeunes démontrent une grande franchise quand nous les interrogeons et leurs jugements sur l’école nous les font découvrir sous un jour nouveau: ils aiment l’école et souhaitent que la classe de français soit plus dynamique, plus ouverte à leurs intérêts et à leurs goûts personnels. Même les récalcitrants et ceux qui disent détester la lecture demeurent en contact, sous une forme ou sous une autre, avec l’écrit et la lecture de plaisir : nous estimons vital, pour ces jeunes, que ce contact, si minime soit-il, soit maintenu. Peut-être un jour découvriront-ils un auteur qui saura les attirer vers le monde fascinant de la littérature et les y retenir.
245
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 246
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 247
Conclusion Monique Lebrun Colette Baribeau
L
e besoin de lire des jeunes peut être un héritage familial. Cependant, dans les familles des classes populaires, ce qui est le cas de la plus grande partie des sujets que nous avons interrogés, il naît le plus souvent de rencontres fortuites avec le livre, entre autres dans la classe de français. On ne saurait donc trop négliger le rôle des enseignants comme éveilleurs culturels. Des diverses stratégies éducatives qui doivent être mises en place pour favoriser les apprentissages des jeunes, celles qui touchent la mise à leur disposition de bons livres et la mise de l’avant de formules pédagogiques interactives favorisant l’engagement personnel en lecture nous semblent les plus importantes, la lecture étant la porte d’accès au savoir. Il faut donner au livre et à la lecture la place centrale de notre système d’enseignement-apprentissage. L’enseignant doit devenir le concepteur de situations stimulantes. Il est en de même pour les professionnels rattachés à la bibliothèque scolaire et à la bibliothèque publique par le soutien qu’ils apportent tant dans le choix des livres que pour leur promotion. Nous ne l’affirmerons jamais assez, des bibliothèques accessibles et bien garnies, où les collections sont nombreuses et adaptées aux goûts et aux intérêts des jeunes, constituent un puissant facteur de motivation à la lecture de plaisir.
Des regroupements diversifiés durant les activités de lecture Afin de soutenir l’engagement des élèves, de contrer l’ennui et de dépasser la contrainte qu’impose l’école pour certains, plusieurs enseignants ont résolument mis en place des stratégies différenciées : activités d’échange et de partage sur les lectures, présentations de coups de cœur, initiation aux ouvrages classiques; ces voies nouvelles retiennent l’intérêt des jeunes et suscitent leur curiosité. Dans cet esprit, on pourrait explorer la voie de groupes homogènes de garçons ou de filles, rassemblant des adolescents aux profils similaires. De cette façon, les pratiques de lecture rejoindraient davantage les goûts en lecture des adolescents et pourraient constituer des stimulants efficaces pour ceux qui sont moins intéressés. Discuter de la biographie d’un célèbre coureur automobile ou d’un grand général, s’attarder à la description d’une bataille célèbre extraite d’un classique et la comparer à la description d’un match de hockey aux Olympiques pour l’obtention d’une médaille d’or (n’y a-t-il pas là de belles illustrations de style épique), voilà peut-être des activités intéressantes pour un groupe de «sportifs». Plonger dans l’univers de la mode, de la 247
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 248
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
vie exigeante des mannequins, des stéréotypes féminins projetés par les revues ou dans les romans québécois, toucher l’anorexie et la boulimie peut rejoindre des adolescentes que cet univers fascine et attire. Il nous semble aussi qu’il est intéressant, pour l’enseignant, de recourir à d’autres incitatifs que les goûts ou les intérêts des élèves pour choisir les livres proposés. Penser aux garçons, en les considérant comme un tout, offre moins de nuances ; distinguer dans ce groupe des profils de lecteurs aux goûts différenciés permet des choix plus contrastés. En sollicitant les conseils d’une bibliothécaire, de collègues masculins, de parents mordus de lecture, de suggestions glanées sur le site de l’Union nationale des écrivains du Québec (UNEQ) entre autres, l’enseignant peut ainsi dépasser certains stéréotypes ou aller au-delà de ses goûts personnels pour offrir une diversité d’ouvrages qui capteront l’attention des jeunes. Faire un peu de place à la paralittérature, sans s’y complaire, peut garder en piste certaines adolescentes tentées d’abandonner la lecture.
Une approche intégrée L’enquête LIS et les entrevues ont montré qu’un enseignement bien pensé ouvre les jeunes sur le plan culturel et leur fait découvrir des auteurs fascinants, des genres littéraires insoupçonnés et que, sous la guidance de leur enseignant, ils s’initient à des œuvres de plus en plus exigeantes au fil de la scolarité. Graduellement s’abolit l’hiatus entre lecture imposée et lecture de plaisir, ce qui exige un accompagnement pédagogique inventif, centré tant sur l’affect que sur l’intellect. Les approches proposées dans les nouveaux programmes québécois du secondaire incitent à l’expérimentation de projets où l’acte de lire est intimement lié à l’apprentissage. De véritables pratiques de lecture allient l’utilisation de « vrais » livres à l’exploitation d’une documentation complémentaire. On peut noter que les garçons s’intéressent aux journaux et aux revues et qu’ils y puisent beaucoup d’information : une pratique de l’intertextualité permet d’intégrer ce type de textes aux activités de lecture et facilite les liens avec d’autres matières au programme en offrant au lecteur des textes autres que ceux qu’on trouve dans les manuels scolaires.. Une pratique pédagogique centrée sur le développement de compétences transversales amène la mise en place d’activités de lecture liées aux activités d’oral et d’écriture dans de réelles expériences de vie. Les entretiens de groupe ont permis de constater que les adolescents, pour la plupart, aiment parler de leurs lectures, échanger à propos de livres qu’ils ont aimés ou d’articles qui traitent de questions d’actualité. Des équipes de discussion regroupant des garçons aux profils contrastés permettraient des échanges riches et stimulants où les intérêts de chacun seraient mis à profit. Le plaisir de lire ne se développe pas que dans la classe de français ; dans toutes les matières scolaires, lire pour apprendre s’avère une compétence 248
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 249
Conclusion
déterminante pour la réussite éducative. L’enquête a montré que les jeunes sont curieux, ouverts au monde de l’écrit, qu’ils aiment l’école et qu’ils aiment apprendre. L’exploitation stratégique de textes, que ce soit en sciences ou en mathématiques ou en lecture de textes à l’écran, maintient un contact constructif entre l’élève et l’écrit.
Les réfractaires à la lecture Il est bien évident que les pistes suggérées aux paragraphes précédents sont aussi prometteuses pour rejoindre les adolescents qui disent ne plus aimer la lecture. De nombreux travaux, particulièrement américains (Brozo, 2002; Rycik et Irwin, 2001; Smith, et Wilhelm, 2002), suggèrent des pistes d’intervention qui ont fait leurs preuves. Bien que plusieurs d’entre elles amènent à modifier les pratiques de classe ou d’école, certaines peuvent être instaurées sans changer profondément la vie de tous les jours. Avec ces jeunes, il convient de porter une attention spéciale aux extraits dans les manuels. Les propos des jeunes nous font voir que l’utilisation de ces extraits ne produit pas l’effet escompté et ne les incite nullement à lire; il faut choisir plutôt de courtes histoires, des nouvelles, des énigmes. Alterner les lectures individuelles et les lectures en équipe est également rentable. Un enseignant peut aussi souligner l’importance des textes courants, diversifier les sources de lecture tout en sachant que le non-lecteur de romans pourra éventuellement aimer parcourir des statistiques, des plans, des reportages sur la vie de vedettes ou lire des faits vécus tirés du quotidien. La lecture peut aussi revêtir un aspect ludique: on se rappelle les goûts des jeunes pour les bandes dessinées, les blagues, les histoires drôles (souvent construites sur des jeux de mots). La place des jeux à l’ordinateur, très appréciés des jeunes garçons, constitue un complément et pourrait servir de soutien aux activités orales. On ne soulignera jamais trop l’importance de l’enseignement de stratégies de lecture, tout particulièrement les macroprocessus, pour ces jeunes, et ce, par les enseignants de toutes les matières puisque des relations étroites existent entre les compétences en lecture et la réussite scolaire. Une équipe d’enseignants de diverses matières d’un même niveau d’études pourrait aussi vouloir se donner un projet en lecture. Le groupe pourrait agrandir la vision, la perception de la lecture en réfléchissant sur la place de la culture populaire à l’école. Les textes choisis ne doivent pas constituer une entrave à la lecture. Les mots et la langue doivent être directement compréhensibles. Robine (1987) souligne que «les lectures classent les lecteurs» et que de taxer de mauvais genres certains types de texte a une influence sur certains lecteurs qui se sentent dénigrés. Plusieurs auteurs (Brozo, 2002; Rycik et Irwin, 2001; Smith, et Wilhelm, 2002) ont montré l’avantage de travailler certains thèmes qui suscitent la réflexion critique (tels la masculinité ou les stéréotypes sexuels) ou des problématiques contemporaines. Leurs ouvrages suggèrent de nombreuses mini-stratégies, davantage adaptées aux récalcitrants ou alliant à la lecture des activités d’exploitation en art 249
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 250
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
dramatique ou en arts plastiques. L’enseignant de français peut planifier des activités d’approfondissement qui sortent du texte et qui appellent des réponses affectives, personnelles, ou qui demandent à l’adolescent de faire appel à ses connaissances antérieures dans des domaines où il possède une certaine expertise. La plupart des enseignants-chercheurs qui ont modifié leurs pratiques pédagogiques donnent des suggestions de «stratégies terroristes» à mettre en place: donner accès à des collections d’écrits et d’images non standard, qui rejoignent les intérêts des jeunes, tels des photos, des images, des clips, de courts articles, des blagues, des textes d’actualité, des revues, des sites Web, l’exploitation des émissions favorites. Les activités autour du livre devraient accentuer les tâches orales: souvent les jeunes manquent de mots pour exprimer leurs points de vue, leurs idées.
L’émergence des événements marquants dans la vie du jeune lecteur La connaissance des événements marquants dans la vie des jeunes lecteurs nous amène à suggérer qu’au primaire une attention plus spéciale soit portée au passage de l’image à l’écrit et à l’introduction de textes et de romans sans image. L’école aurait avantage à mieux gérer le suivi des absences, des maladies, des divorces qui créent, pour certains élèves, de grandes perturbations et pour lesquels le retour dans le groupe est traumatisant. Les enseignants devraient tenter de repérer très tôt des élèves montrant des comportements dyslexiques et s’assurer qu’ils reçoivent l’aide appropriée. Il conviendrait également, pour les lectures d’œuvres longues, de prévoir, en continuité avec le primaire, un programme de lecture basé sur la littérature de jeunesse qui permette à l’élève de franchir plus aisément différents niveaux de lisibilité, en se donnant des défis accessibles et stimulants. L’enquête a montré le rôle important, sinon déterminant, des parents dans le développement du goût de lire chez l’enfant. Les jeunes qui lisent régulièrement ont des parents lecteurs eux-mêmes et qui s’intéressent aux lectures de leur progéniture. C’est dans ce genre de familles que les sorties culturelles sont le plus à l’honneur. Il conviendrait que les politiques gouvernementales et l’école en tiennent compte.
Internet : vers une redynamisation de la pédagogie L’émergence et le développement ultrarapide d’Internet obligent à prendre en compte la relation entre la technologie et l’apprentissage-enseignement. L’accès largement généralisé à Internet remet en cause la place de l’enseignant et son rôle. Il appartient aux parents et aux éducateurs de baliser l’usage de l’ordinateur, car les dangers d’une utilisation tous azimuts d’Internet à l’école ou de son exclusion systématique sont grands. La lecture à l’écran oblige à modifier la posture de lecture et 250
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 251
Conclusion
requiert le développement d’une pensée critique pour estimer la qualité, la pertinence et la véracité des informations recueillies. La Toile met le jeune en contact avec le monde et permet de développer une compétence culturelle qui dépasse les frontières de son pays.
Les bibliothèques : une ressource négligée faute de moyens On ne peut faire de la lecture une véritable pratique culturelle sans un réseau adéquat de bibliothèques. Les pratiques scolaires, si dynamiques soient-elles, ne peuvent assurer la vitalité de la lecture. Les jeunes fréquentent très peu les bibliothèques, les salons du livre ; ils apprécient les rencontres d’auteurs et témoignent d’un intérêt pour lire des revues, des séries d’un même auteur ou d’une collection. Les ouvrages cités relèvent des choix personnels et il est rare que l’école les prenne en considération. De l’avis de la quasi-totalité des adolescents rencontrés, les bibliothèques présentent peu d’intérêt, sont des endroits où l’ambiance n’incite pas au plaisir de lire, où les ouvrages sont vétustes et peu adaptés à leurs intérêts. Les sommes consacrées à l’achat de volumes et au soutien professionnel sont dérisoires et les critiques sur l’état lamentable du réseau n’ont pas vraiment changé depuis plus d’un quart de siècle. Les problèmes structurels et financiers sont connus, mais aucune volonté politique ne vient y faire écho. La situation est d’autant plus alarmante que l’enquête a montré que les jeunes adolescents sont de plus en plus intéressés par un ensemble d’autres activités qui rompent le contact avec l’univers de l’écrit: télévision, activités sportives, rencontres virtuelles. La question de les attirer, de les inciter à lire, de les imprégner d’autres univers que ceux qu’ils connaissent déjà demeure entière. Nous souhaitons que les résultats de notre recherche, de même que les quelques pistes que nous venons ici d’évoquer, suscitent des réflexions, voire des expérimentations diverses en faveur de la lecture chez les adolescents. Quel que soit le milieu, si grandes soient les contraintes, il faut relever le défi de les amener à lire et à aimer lire. Cela suppose une concertation entre tous les acteurs concernés, une articulation des moyens de promotion afin que la lecture devienne un pont entre la vie privée de l’élève et sa vie sociale d’apprenant.
251
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 252
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 253
ANNEXE 1
Questionnaire LIS sur les attitudes et habitudes des élèves du secondaire face à la lecture
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 254
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 255
Annexe 1
Recherche FCAR-MEQ Ton nom : _______________________________
Code permanent : ________ Date : _______________
1. Dans quelle classe es-tu, dans ton cours de français ? ❏1 1re sec. ❏2 2e sec. ❏3 3e sec. 2. Quel âge as-tu ? ❏1 11-12 ans ❏4 15 ans ❏7 18 ans 3. De quel sexe es-tu ? ❏1 féminin
❏2 13 ans ❏5 16 ans
❏4 4e sec.
(1)
❏3 14 ans ❏6 17 ans (2) ❏2 masculin
(3)
4. Tu vis surtout ❏1 avec tes deux parents ❏2 avec ton père seulement ❏3 avec ta mère seulement ❏4 avec ta mère et son conjoint ❏5 avec ton père et sa conjointe ❏6 en garde partagée ❏7 autre. Précise: ________________________________________________ (4) 5. D’après toi, ta mère (Tu peux cocher plusieurs cases.) ❏1 n’a pas terminé son secondaire ❏2 a terminé son secondaire ❏3 est allée au cégep ❏4 est allée à l’université ❏5 a eu une autre formation. Précise: ___________________________________ ❏6 Je ne sais pas quelle formation elle a eue. (5) 6. D’après toi, ton père (Tu peux cocher plusieurs cases.) ❏1 n’a pas terminé son secondaire ❏2 a terminé son secondaire ❏3 est allé au cégep ❏4 est allé à l’université ❏5 a eu une autre formation. Précise: ___________________________________ ❏6 Je ne sais pas quelle formation il a eue. (6) 7. Tu parles le français à la maison... ❏1 toujours ❏2 presque toujours ❏4 presque jamais ❏5 jamais
255
❏3 parfois (7)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 256
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
8. Dans quelle langue lis-tu, en dehors de la classe ? ❏1 surtout en français ❏2 surtout en anglais ❏3 moitié en français, moitié en anglais ❏4 surtout dans une autre langue. Laquelle? __________________________
(8)
9. Peux-tu nous donner une idée de tes projets d’études? (Ne coche qu’une réponse.) ❏1 m’arrêter à 16 ans, que mon secondaire soit fini ou non ❏2 faire un diplôme d’études professionnelles (secondaire) ❏3 terminer mon secondaire et m’arrêter après ❏4 terminer mon cégep et m’arrêter après ❏5 faire des études à l’université ❏6 je n’en ai aucune idée. (9) 10. Indique-nous si tu possèdes ou non, pour ton usage personnel, les choses suivantes, à l’endroit où tu vis principalement ? a) mes propres livres (de n’importe quel genre) ❏1 oui ❏2 non (10) b) mon propre baladeur («walkman») ❏1 oui ❏2 non (11) c) ma propre télévision ❏1 oui ❏2 non (12) d) un ordinateur à la maison ❏1 oui ❏2 non (13) e) des jeux vidéo à la maison ❏1 oui ❏2 non (14) f) ma propre chambre ❏1 oui ❏2 non (15) 11. L’école est un endroit où
a) j’aime vraiment aller b) les enseignants m’aident à faire de mon mieux c) je me sens seul d) j’apprends beaucoup sur moi-même e) j’apprends beaucoup par moi-même f) j’apprends beaucoup sur les autres g) j’apprends beaucoup par les autres
tout à fait plutôt plutôt en tout à fait d’accord d’accord en désaccord en désaccord ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (16) ❏1 ❏1
❏2 ❏2
❏3 ❏3
❏4 ❏4
(17) (18)
❏1
❏2
❏3
❏4
(19)
❏1
❏2
❏3
❏4
(20)
❏1
❏2
❏3
❏4
(21)
❏1
❏2
❏3
❏4
(22)
256
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 257
Annexe 1
12. T’intéresses-tu aux lectures a) de ta mère? ❏1 oui ❏2 non ❏3 ne s’applique pas (23) b) de ton père? ❏1 oui ❏2 non ❏3 ne s’applique pas (24) c) de tes frères et sœurs? ❏1 oui ❏2 non ❏3 ne s’applique pas (25) d) de tes amis à l’école? ❏1 oui ❏2 non (26) e) de tes amis en dehors de l’école? ❏1 oui ❏2 non (27) f) d’autres personnes? ❏1 oui ❏2 non (28) Si oui, précise: _____________________________________________________ 13. Est-ce que tes parents ou quelqu’un d’autre à la maison s’intéresse à ce que tu lis? ❏1 jamais ❏2 peu ❏3 souvent (29) 14. Est-ce que ta mère lit ? ❏1 oui ❏2 non
❏3 je ne sais pas
❏4 ne s’applique pas
(30)
15. Si oui, lit-elle tous les jours peu jamais a) des journaux? ❏1 ❏2 ❏3 (31) b) des revues et des magazines? ❏1 ❏2 ❏3 (32) c) des livres? ❏1 ❏2 ❏3 (33) d) d’autres types d’écrits? ❏1 ❏2 ❏3 (34) Si oui, précise: _____________________________________________________ 16. Selon toi, est-ce que ton père lit ? ❏1 oui ❏2 non ❏3 je ne sais pas
❏4 ne s’applique pas
(35)
17. Si oui, lit-il tous les jours peu jamais a) des journaux? ❏1 ❏2 ❏3 (36) b) des revues et des magazines? ❏1 ❏2 ❏3 (37) c) des livres? ❏1 ❏2 ❏3 (38) d) d’autres types d’écrits? ❏1 ❏2 ❏3 (39) Si oui, précise: _____________________________________________________ 18. Selon toi, est-ce qu’une autre personne lit, chez toi ? ❏1 non ❏2 oui Précise laquelle:_______________________________
257
(40)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 258
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
19. Au cours de la semaine dernière, combien de temps as-tu consacré jamais moins de 3 h de 6 h de 11 h de 2 h à 5 h à 10 h à 20 h a) à tes travaux scolaires à la maison? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 b) à la lecture de loisir (lecture faite librement)? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 c) à la télévision? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 d) à Internet? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 e) aux jeux à l’ordinateur? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 f) à un travail payé? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 g) au sport? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 h) à l’écoute de la musique? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 i) aux sorties entre amis? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5
plus de 20 h ❏6
(41)
❏6 ❏6 ❏6 ❏6 ❏6 ❏6 ❏6 ❏6
(42) (43) (44) (45) (46) (47) (48) (49)
20. Combien de livres dirais-tu qu’il y a à l’endroit où tu vis principalement ? (Tu ne comptes pas les revues.) ❏1 aucun ❏2 moins de 50 ❏3 de 51 à 100 ❏4 101 à 200 ❏5 de 201 à 500 ❏6 + de 500 ❏7 je ne sais pas (50) 21. Parmi ces livres, combien t’appartiennent personnellement ? ❏1 moins de 10 ❏2 de 11 à 50 ❏3 51 à 100 ❏4 plus de 100 (51) 22. Parmi les livres que tu as chez toi, y a-t-il a) des romans? b) des livres documentaires (ex.: des encyclopédies, des livres d’information sur différents sujets)? c) des dictionnaires?
❏1 oui
❏2 non
(52)
❏1 oui ❏1 oui
❏2 non ❏2 non
(53) (54)
23. As-tu chez toi des dictionnaires ou encyclopédies sur cédérom (ex. : Encarta, Atlas, Dictionnaire visuel) ? ❏1 oui ❏2 non
(55)
24. Est-ce que tu lis parfois certains livres qu’il y a à ton domicile principal ? ❏2 non ❏1 oui
(56)
25. Tes parents sont-ils abonnés à un journal (quotidien) ou plus ? ❏1 non ❏2 oui. Lequel ou lesquels? _____________________________ (57) 26. Si oui, t’arrive-t-il d’en lire des parties ? ❏1 non ❏2 oui. Laquelle ou lesquelles? __________________________ (58)
258
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 259
Annexe 1
27. Tes parents sont-ils abonnés à une revue (un magazine) ou plus d’une ? ❏1 non ❏2 oui. Laquelle ou lesquelles? __________________________ (59) 28. Si oui, t’arrive-t-il d’en lire des parties? ❏1 non ❏1 oui. Laquelle ou lesquelles? __________________________ (60) 29. Es-tu abonné toi-même à une revue (un magazine) ou plus d’une ? ❏1 non ❏2 oui. Laquelle ou lesquelles? __________________________ (61) 30. A) Depuis trois mois, combien de livres, BD et autres documents as-tu empruntés? aucun 1 ou 2 3 à 5 6 à 10 + de 10 a) à la bibliothèque publique (municipale)? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 (62) b) à la bibliothèque scolaire? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 (63) c) à tes amis? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 (64) d) à tes enseignants? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 (65) e) à la bibliothèque de ta classe? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 (66) B) Parmi ceux empruntés depuis trois mois, combien en as-tu lus ? ❏1 aucun ❏2 1 ou 2 ❏3 3 à 5 ❏4 6 à 10 ❏5 + de 10 31. Fréquentes-tu une bibliothèque a) scolaire? b) publique (municipale)? (si tu coches cette case, saute à la question 40)
❏1 oui ❏1 oui
❏2 non ❏2 non
(67) (68) (69)
32. A) Pendant les vacances, fréquentes-tu la bibliothèque publique (municipale) ? ❏1 oui ❏2 non (70) B) Si oui, la fréquentes-tu ❏1 plus souvent que pendant l’année scolaire ❏2 moins souvent que pendant l’année scolaire ❏3 autant que pendant l’année scolaire
(71)
33. Avec qui vas-tu à la bibliothèque publique (municipale) ? ❏1 tu y vas seul-e ❏2 avec un ou des membres de ta famille ❏3 avec un ami/une amie ❏4 avec quelques amis ❏5 autre. Précise: _______________________________________________ (72)
259
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 260
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
34. Qu’est-ce que tu empruntes à la bibliothèque publique (municipale) ? a) des revues ❏1 oui ❏1 non b) des romans ❏1 oui ❏1 non c) des documentaires ❏1 oui ❏1 non d) des biographies ❏1 oui ❏1 non e) des bandes dessinées ❏1 oui ❏1 non f) des disques ❏1 oui ❏1 non g) des cédéroms ❏1 oui ❏1 non h) autres? Précise: __________________________ ❏1 oui ❏1 non
(73) (74) (75) (76) (77) (78) (79) (80)
35. Pour quelle raison vas-tu principalement à la bibliothèque publique (municipale)? ❏1 pour tes travaux scolaires ❏2 pour tes loisirs ❏3 autre. Précise: ________________________________ (81) 36. Dans quel secteur vas-tu ? ❏1 celui des jeunes ❏2 celui des adultes
❏3 les deux
37. Si tu lis à la bibliothèque publique (municipale), t’installes-tu ❏1 à une table? ❏2 par terre? ❏3 ailleurs? Précise: ___________
(82) (83)
38. Participes-tu aux activités de la bibliothèque publique (ex. : animation du livre) ? ❏1 oui ❏2 non (84) 39. Fais-tu partie d’un club de lecture à la bibliothèque publique (municipale) ? ❏1 oui ❏2 non (85) 40. À quels moments lis-tu pour le plaisir ? ❏1 je ne lis jamais ❏2 durant la journée ❏3 le soir ❏4 les fins de semaine ❏5 en vacances ❏6 autre moment. Précise-le: ______________________________________ (86) 41. À quels endroits lis-tu pour le plaisir ? ❏2 à la bibliothèque de l’école ❏1 à la maison ❏3 à la bibliothèque publique (municipale) ❏4 en auto, en autobus ❏5 autre endroit. Précise-le: _______________________________________ (87) 42. A) As-tu des jeux vidéo ou des jeux sur ordinateur ? ❏1 oui ❏2 non ❏3 je n’ai pas d’ordinateur B) Si oui, est-ce que ces jeux te demandent de lire ? ❏1 oui ❏2 non 260
(88) (89)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 261
Annexe 1
C) Si oui, en quelle langue ? ❏1 surtout en français ❏2 surtout en anglais Donne quelques titres: __________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (90) 43. As-tu déjà (Tu peux cocher plus d’une case par ligne.) oui (durant la dernière année) a) lu à haute voix pour des enfants? ❏1 b) raconté des histoires à des enfants? ❏1 c) écouté tes parents te lire des histoires? ❏1 d) écouté tes enseignants te lire des romans? ❏1 e) fait de la poésie personnelle? ❏1 f) joué dans une pièce de théâtre? ❏1 g) fait un exposé oral sur un livre? ❏1 h) écouté un livre-cassette? ❏1 i) lu un livre parce que tu avais vu le film qui en avait été tiré? ❏1 j) participé à une discussion orale sur un livre? ❏1 k) visité un salon du livre? ❏1 l) participé à un forum de discussion («chatter») sur Internet? ❏1 m) tenu un journal personnel? ❏1 n) écrit des BD? ❏1 o) écrit des scénarios? ❏1 p) écrit des lettres à tes amis? ❏1
oui (avant la dernière année) ❏2 ❏2 ❏2
jamais ❏3 ❏3 ❏3
(91) (92) (93)
❏2 ❏2 ❏2 ❏2 ❏2
❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3
(94) (95) (96) (97) (98)
❏2
❏3
(99)
❏2 ❏2
❏3 ❏3
(100) (101)
❏2 ❏2 ❏2 ❏2 ❏2
❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3
(102) (103) (104) (105) (106)
44. Es-tu déjà entré dans une librairie ? ❏1 non ❏2 oui, sans rien acheter ❏3 oui, pour acheter un livre ou une revue
(107)
45. Aimes-tu flâner dans la section des livres et des revues d’un magasin ? ❏1 non ❏2 oui
(108)
46. Aimes-tu lire ? beaucoup ❏1
(109)
moyennement ❏2
peu ❏3
261
pas du tout ❏4
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 262
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
47. Coche quatre conditions (et uniquement quatre) nécessaires pour être un bon lecteur ? a) aimer lire ❏1 (110) b) avoir beaucoup de temps pour lire ❏2 (111) c) être capable de bien se concentrer ❏3 (112) d) avoir un bon vocabulaire ❏4 (113) e) avoir des livres intéressants à sa disposition ❏5 f) avoir beaucoup d’imagination ❏6 g) avoir un bon enseignant de français ❏7 h) avoir du temps en classe pour lire ❏8 i) avoir des amis qui lisent ❏9 j) comprendre facilement ce que je lis ❏10 k) avoir un ordinateur à la maison ❏11 l) avoir envie de tout connaître ❏12 m) être bon à l’école ❏13 48. Comment te considères-tu comme lecteur ? bon lecteur lecteur moyen lecteur peu habile lecteur très malhabile ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (114) 49. Comment considères-tu tes résultats scolaires ? excellents très bons bons moyens ❏1 ❏2 ❏3 ❏4
faibles ❏5
50. Donne ton appréciation à propos des genres de livres qui suivent : excellent bon peu d’intérêt a) roman d’amour ❏1 ❏2 ❏3 b) roman d’aventures ❏1 ❏2 ❏3 c) roman policier ❏1 ❏2 ❏3 d) roman historique ❏1 ❏2 ❏3 e) science-fiction ❏1 ❏2 ❏3 ❏2 ❏3 f) poésie ❏1 g) ouvrages documentaires ❏1 ❏2 ❏3 h) bandes dessinées traditionnelles ❏1 ❏2 ❏3 i) courts textes avec images ❏1 ❏2 ❏3 j) romans-photos ❏1 ❏2 ❏3 k) MANGA ❏1 ❏2 ❏3 l) genre fantastique, Moyen-Âge (gothique) ❏1 ❏2 ❏3
262
(115) jamais lu ❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3
(116) (117) (118) (119) (120) (121) (122) (123) (124) (125) (126)
❏3
(127)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 263
Annexe 1
51. Dans tes choix de lecture, tu es habituellement influencé-e par beaucoup moyen peu
pas du tout a) tes amies et amis ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (128) b) tes enseignants ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (129) c) les bibliothécaires ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (130) d) ta famille ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (131) e) la radio, la télévision, le cinéma ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (132) f) la publicité imprimée ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (133) g) la page couverture ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (134) h) le titre ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (135) i) le thème ou le sujet ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (136) j) le nombre de pages ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (137) k) les illustrations ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (138) l) l’auteur ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (139) m) la collection ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (140) n) le résumé ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (141) o) autres ❏1 ❏2 ❏3 (142) Précise: _____________________________________________________
52. Quand tu décides toi-même de lire, pourquoi lis-tu ? tout assez peu pas du à fait d’accord d’accord tout d’accord d’accord a) pour rêver, m’évader ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (143) b) pour me désennuyer ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (144) c) pour m’informer ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (145) d) pour me cultiver ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (146) e) pour avoir de meilleures notes ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (147) f) pour mieux connaître les autres ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (148) g) pour me connaître ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (149) h) pour trouver des modèles de vie ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (150) i) pour découvrir ce qu’est la littérature ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (151) j) par obligation ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (152) k) autre raison ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (153) Précise laquelle: _______________________________________________
263
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 264
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
53. Choisis trois caractéristiques que tu préfères chez un personnage de roman ? (Écris le chiffre 1 pour ton premier choix, le chiffre 2 pour le deuxième et le chiffre 3 pour le troisième dans les cases appropriées.) a) audacieux ❏1 (154) b) romantique ❏2 c) original (surprenant) ❏3 d) courageux ❏4 e) célèbre ❏5 f) aventurier ❏6 g) drôle ❏7 h) réaliste ❏8 i) marginal (pas comme les autres) o❏9 j) il me ressemble (âge, sexe) ❏10 k) je fais des liens avec ma vie, ma personne ❏11 l) autre caractéristique ❏12 Nomme-la: ________________________________ 54. Choisis trois caractéristiques que tu préfères dans un thème de roman ? (Écris le chiffre 1 pour ton premier choix, le chiffre 2 pour le deuxième et le chiffre 3 pour le troisième dans les cases appropriées.) a) les liens avec des thèmes vus en classe ❏1 b) il présente des sujets complètement différents ❏2 c) cela me touche et me fait pleurer ❏3 d) cela traite de sentiments vécus ❏4 e) je fais des liens avec des livres déjà lus ❏5 f) c’est un monde de rêve ❏6 g) ce sont les livres dont je suis le héros ❏7
(155)
55. Coche, à chaque ligne, la case qui correspond le mieux à ce que tu fais toujours parfois rarement a) je peux lire une heure sans m’ennuyer ❏1 ❏2 ❏3 (156) b) j’aimerais avoir plus de temps pour lire ❏1 ❏2 ❏3 (157) c) quand je commence à lire un livre, ❏2 ❏3 (158) je le finis rapidement ❏1 d) quand je lis, je suis tellement concentré-e que rien ne me dérange ❏1 ❏2 ❏3 (159) e) quand j’ai lu un livre passionnant, je le suggère à mes amis ❏1 ❏2 ❏3 (160) f) quand je suis fatigué-e, la lecture m’apporte repos et détente ❏1 ❏2 ❏3 (161)
264
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 265
Annexe 1
56. Relis-tu les livres, bandes dessinées ou autres documents que tu as aimés ? ❏1 non ❏2 oui Exemple: ___________________________________ (162) ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ 57. Que préfères-tu ? a) emprunter des livres et autres documents à tes amis? b) les emprunter à des membres de ta famille? c) les emprunter à la bibliothèque scolaire? d) les emprunter à la bibliothèque publique (municipale)? e) les acheter? f) les recevoir en cadeau?
❏1 ❏2 ❏3 ❏4 ❏5 ❏6
(163)
58. Indique ce que tu penses en cochant une case à chaque ligne. tout plutôt plutôt tout à à fait d’accord en fait en d’accord désaccord désaccord a) les filles lisent plus que les garçons ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (164) b) les jeunes lisent plus que les adultes ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (165) c) ce sont les gens instruits qui lisent le plus ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (166) d) ce sont les «bolés» qui lisent le plus ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (167) 59. Si, depuis trois mois, tu as fait des lectures libres, donne les titres ou d’autres renseignements sur les livres, BD ou autres documents que tu as lus. Inscris ton appréciation pour chacun. excellent bon passable pas intéressant a) __________________________ __________________________ ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (168) b) __________________________ __________________________ ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (169) c) __________________________ __________________________ ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (170) d) __________________________ __________________________ ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (171)
265
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 266
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
60. Si tu as accès à différents supports informatiques (Internet, cédéroms), coche, à chaque ligne, ce qui correspond le mieux à tes réactions de lecteur. toujours parfois jamais a) j’aime tellement cela que je ne vois pas le temps passer ❏1 ❏2 ❏3 (172) b) je navigue («surfer») un peu partout ❏1 ❏2 ❏3 (173) c) je consulte régulièrement mes sites ou CD préférés ❏1 ❏2 ❏3 (174) d) quand j’ai trouvé un site ou un CD passionnant, je le conseille à mes amis ❏1 ❏2 ❏3 (175) e) quand je suis fatigué-e, cela m’apporte repos et détente ❏1 ❏2 ❏3 (176) 61. Coche, à chaque ligne, la case qui correspond le mieux à ce que tu fais quand tu cherches une information. toujours parfois jamais a) je consulte un livre ou une encyclopédie chez moi ❏1 ❏2 ❏3 (177) b) je consulte un livre ou une encyclopédie à la bibliothèque publique (municipale) ❏1 ❏2 ❏3 (178) c) je consulte un livre ou une encyclopédie à la bibliothèque scolaire ❏1 ❏2 ❏3 (179) d) j’appelle mes amis ❏1 ❏2 ❏3 (180) e) j’interroge mes parents ❏1 ❏2 ❏3 (181) f) j’interroge mes enseignants ❏1 ❏2 ❏3 (182) g) je cherche sur Internet ❏1 ❏2 ❏3 (183) h) j’appelle à la radio (tribunes téléphoniques) ❏1 ❏2 ❏3 (184) i) autres. Précise: _____________________ _________________________________ ❏1 ❏2 ❏3 (185) 62. À l’école, à quelle fréquence te demande-t-on de lire quelques quelques rarement jamais fois par fois par semaine mois ❏2 ❏3 ❏4 (186) a) des journaux? ❏1 b) des revues? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (187) c) des manuels scolaires? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (188) d) des livres? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (189) e) des textes? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (190) f) des informations sur Internet? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (191) g) autres? ❏1 ❏2 ❏3 ❏4 (192) Précise: ____________________________________________________ 266
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 267
Annexe 1
63. Depuis le début de l’année, as-tu obligatoirement eu des livres à lire pour le cours de français ? ❏1 oui ❏2 non (193) 64. D’après toi, comment se fait le choix des romans à lire, en français ? souvent parfois jamais a) l’enseignant choisit les mêmes pour tous les élèves de la classe ❏1 ❏2 ❏3 (194) b) les livres sont choisis par les élèves dans une liste imposée par l’enseignant ❏1 ❏2 ❏3 (195) c) les livres sont au libre choix des élèves. ❏1 ❏2 ❏3 (196) 65. En partant du début de l’année, indique le cours où on t’a demandé de lire autre chose que le manuel (ex. : cours de biologie, histoire, géographie, français) et indique le genre de document ainsi que ton appréciation. Appréciation Cours Genre de document beaucoup peu pas aimé aimé aimé a) _______________ __________________ ❏1 ❏2 ❏3 (197) b) _______________ __________________ ❏1 ❏2 ❏3 (198) c) _______________ __________________ ❏1 ❏2 ❏3 (199) d) _______________ __________________ ❏1 ❏2 ❏3 (200) 66. Aimes-tu avoir des activités de prolongement, telles... beaucoup moyen a) b) c) d) e)
visite de l’auteur? recherche sur l’auteur? exposition des romans? recherche documentaire? sites Internet?
❏1 ❏1 ❏1 ❏1 ❏1
❏2 ❏2 ❏2 ❏2 ❏2
peu ❏3 ❏3 ❏3 ❏3 ❏3
pas du tout ❏4 (201) ❏4 (202) ❏4 (203) ❏4 (204) ❏4 (205)
Nous serions intéressés à savoir ce que tu penses vraiment des livres et de la lecture. Tu serais avec un groupe de cinq à sept copains, et, comme à Droit de parole, à la télévision, on vous poserait des questions et chacun répondrait ce qu’il pense. Si tu es d’accord, donne-nous les renseignements suivants: Ton nom: _____________________ Ton numéro de téléphone: ( ) _____________ Ton adresse: _____________________________________________ Ville: ___________________ Code postal: _______________ Est-ce que tu préfères être avec: ❏1 des filles ❏2 des garçons ❏3 les deux (206) Merci beaucoup de ta collaboration 267
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 268
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 269
ANNEXE 2
Questionnaires sur les bibliothèques scolaires adressés aux bibliothécaires, aux enseignants et aux administrateurs
269
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 270
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 271
Annexe 2
QRBS1 – Nom du répondant : _____________________________________ Les bibliothèques scolaires à l’heure du renouveau du curriculum Questionnaire adressé aux responsables de bibliothèque scolaire
L’objectif de cette enquête est de décrire la bibliothèque de votre école, ses irritants et ses objets de fierté pour ensuite communiquer aux intéressés votre conception de la bibliothèque idéale à l’heure de la réforme des programmes. Vos réponses seront «anonymisées» pour préserver la confidentialité. École : ____________________________________________________________ (1) Nombre d’élèves : ___________________________________________________ (2) Niveaux : _ 1re sec. _ 2e sec. _ 3e sec. _ 4e sec. _ 5e sec. (3) Volets :
_ Alternatif _ Programme d’études internationales _ Cheminement professionnel _ Sport-études _ Autres, précisez: _______________________________________
(4)
Partie 1 : Profil du responsable de bibliothèque
1.1 Occupez-vous un poste à temps plein au sein de cette bibliothèque scolaire ? _ Oui _ Non (5) Si non, combien d’heures en moyenne par semaine y travaillez-vous ? __________________________________________________________ 1.2 Êtes-vous responsable d’autres bibliothèques scolaires ? _ Oui _ Non Si oui, lesquelles ? ___________________________________________ 1.3 Êtes-vous secondé(e) dans votre travail ? _ Oui _ Non
(6) (7) (8)
(9)
Si oui, par qui ?______________________________________________
(10)
1.4 Comme responsable de bibliothèque, vous détenez une formation _ universitaire _ collégiale _ autre, précisez:_____________________________________________
(11)
Partie 2 : Portrait de la bibliothèque scolaire
2.1 Connaissez-vous la superficie totale de votre bibliothèque ? ________
271
(12)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 272
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
2.2 Quel est le nombre de places assises à la bibliothèque ? ____________
(13)
2.3 Combien de documents peut-on y trouver ? – Livres : ___________________________________________________ – Périodiques : ______________________________________________ – Documents multimédias (ex. : cédéroms, jeux vidéos, etc.) : ________
(14) (15) (16)
2.4 En général, les volumes que l’on y retrouve ont : _ entre 1 et 10 ans d’âge _ entre 11 et 15 ans d’âge _ 16 ans et + d’âge
(17)
2.5 De quels types d’ouvrages s’agit-il ? _ romans (18) _ pièces de théâtre (19) _ poésie (20) _ documentaires (21) _ bandes dessinées (22) _ périodiques (23) _ journaux (24) _ vidéocassettes (25) _ cédéroms (26) Autres, spécifiez : _____________________________________________
(27)
2.6 Des ordinateurs sont-ils mis à la disposition des élèves ? _ Oui. Combien? _______________ _ Non
(28)
2.6.1 Si oui, pour quel usage ? _ Consultation du catalogue _ Recherche sur cédéroms _ Recherche sur Internet _ Rédaction de travaux scolaires
(29) (30) (31) (32)
2.7 Est-ce que vous encadrez les élèves lorsqu’ils utilisent les ordinateurs ? _ Toujours _ Souvent _ Seulement s’ils me demandent de l’aide _ Jamais (33) Pourquoi ? ___________________________________________________ ____________________________________________________________ (34) 2.8 Lorsque vous n’êtes pas disponible pour encadrer les élèves à l’ordinateur, qui s’en charge ? _ Un professeur (35) _ Un commis de bibliothèque (36) _ Personne d’autre (37)
272
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 273
Annexe 2
2.9 Y a-t-il à l’extérieur de la bibliothèque des ordinateurs à la disposition des étudiants ? _ Oui _ Non
(38)
2.9.1 Si oui, pour quel(s) usage(s) ? _ Recherche sur Internet (39) _ Rédaction de travaux scolaires (40) _ Autre, précisez: ______________________________________________ (41) 2.10 De quelle façon se fait le catalogage ? _ Manuellement sur fiches _ Par ordinateur 2.10.1 Selon quel type de classement ? _ Selon le système Dewey _ Autre, spécifiez : __________________________________________
(42) (43) (44) (45)
2.11 Avez-vous établi un horaire fixe pour la visite de certains groupes-classes ? _ Oui _ Non (46) 2.12 Avez-vous établi un horaire fixe pour la visite individuelle des élèves ? _ Oui _ Non
(47)
2.13 La bibliothèque est-elle ouverte le midi ? _ Oui _ Non
48)
2.13.1 Si oui, qu’y viennent faire surtout les élèves ? (Répondez en chiffrant vos réponses par ordre de fréquence de vos observations) _ Lire pour le plaisir (49) _ Terminer des travaux scolaires (50) _ Travailler à des projets de classe (51) _ Consulter Internet (52) _ Jouer à des jeux vidéo (53) _ Autre, précisez: _____________________________________________ (54) 2.14 Comment incitez-vous les élèves à fréquenter leur bibliothèque scolaire ? _ En visitant les classes _ Par des annonces à la radio scolaire _ Par l’interphone de l’école _ Par des dépliants ou des affiches qui les informent sur les possibilités et les services offerts par la bibliothèque _ Aucune incitation _ Autre, précisez: _____________________________________________
273
(55) (56) (57) (58) (59) (60)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 274
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Dans le cadre de votre travail, quels sont les principaux irritants que vous rencontrez? À quelle fréquence les rencontrez-vous?
Toujours Souvent Parfois Jamais
Partie 3 : Les irritants
3.1 Budget insuffisant pour l’achat et le renouvellement: – de documents imprimés? (61) – de cassettes, disques compacts? (62) – de matériel informatique? (63) 3.2 Déplacement budgétaire (ex.: argent des livres consacré aux cédéroms)? (64) 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7
Manque d’espace? (65) Aménagement désuet? (66) Appareils non fonctionnels? (67) Entretien insuffisant du local? (68) Isolement physique de la bibliothèque? (69)
3.8 Isolement professionnel du responsable de la bibliothèque? (70) 3.9 Manque de personnel? (71) 3.10 Surcharge de travail? (72) 3.11 Peu de fréquentation de la bibliothèque par les enseignants avec leur groupe-classe? (73) 3.12 Peu de fréquentation autonome par les élèves? (74) 3.13 Peu de fréquentation par les enseignants individuellement? (75) 3.14 Trop grand nombre d’élèves en difficulté d’apprentissage? (76) 3.15 Trop grand nombre d’élèves indisciplinés? (77) 3.16 Formation insuffisante des élèves à l’utilisation des ressources de la bibliothèque? (78) Autres irritants, spécifiez: ____________________________________________ ________________________________________________________________ (79)
274
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 275
Annexe 2 Partie 4 : Les initiatives du responsable de bibliothèque
4.1 Élaborez-vous seul(e) [c’est-à-dire de votre propre initiative] des activités à votre bibliothèque ? Veuillez s.v.p. indiquer le ou les niveaux, les types de groupes concernés – enrichis (EN), réguliers (RÉ), cheminement particulier (CP), déficience intellectuelle (DI), classes d’accueil (CA) et le nombre de fois que vous avez réalisé ces activités. Niveaux Types de Fréquence groupes _ Concours littéraire (80) _ Tirage de livres pour certaines réussites (81) _ Cercle de lecture (82) _ Semaine de la lecture (83) _ Quiz portant sur une ou des lectures (84) _ Expositions de livres (85) _ Réalisation de livres par les étudiants (86) _ Rencontre avec un écrivain (87) _ Formation en recherche documentaire (88) _ Atelier informant les élèves sur les ressources de la bibliothèque (89) _ Autres, précisez: _________________ ________________________________ ________________________________ (90) 4.2 Ces activités que vous avez élaborées seul(e) sont-elles présentées dans des documents susceptibles d’êtres consultés comme des modèles à suivre ? _ Oui _ Non (91) Si oui, accepteriez-vous de joindre à ce questionnaire une copie des documents décrivant les activités réalisées afin de les publiciser auprès d’autres bibliothécaires et enseignants? Si nous désirons éventuellement en tirer des extraits pour un article, nous vous accorderions le crédit en tant qu’auteur. _ Oui _ Non (92) Le ou les documents que je peux joindre s’intitulent : ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (93)
275
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 276
4.3 En général, quel est, selon vous, le degré de satisfaction des intervenants et celui des participants à l’égard des activités que vous avez élaborées ?
Très satisfait(s) Satisfait(s) Neutre(s) Plutôt insatisfait(s) Très insatisfait(s) Ne sais pas
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Vous-même: (94) Pourquoi? __________________________________ ___________________________________________ (95) Les élèves: (96) Pourquoi? __________________________________ ___________________________________________ (97) Les enseignants: (98) Pourquoi? __________________________________ ___________________________________________ (99)
4.4 Quelle est l’activité dont vous êtes le plus fier ou la plus fière ? ____________________________________________________________ (100) 4.4.1 Pourquoi ? ______________________________________________ ____________________________________________________________ (101) 4.5 Quelles seraient, selon vous, les améliorations à apporter aux activités réalisées ? ____________________________________________________________ ___________________________________________________________ (102) Partie 5 : Les activités réalisées en concertation avec des enseignants 5.1 Réalisez-vous des activités en concertation avec des enseignants ? Veuillez s.v.p. indiquer le ou les niveaux et les types de groupes concernés – enrichis (EN), réguliers (RÉ), cheminement particulier (CP), déficience intellectuelle (DI), classes d’accueil (CA) – de même que la fréquence à laquelle vous réalisez des activités en concertation avec des enseignants.
276
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 277
Niveaux Types de groupes
Souvent À l’occasion Rarement
Annexe 2
_ Périodes de lecture (103) _ Travaux de recherche (104) _ Présentations, exposés (105) _ Productions écrites (106) _ Concours littéraires (107) _ Tirages de livres pour certaines réussites (108) _ Cercles de lecture (109) _ Semaines de la lecture (110) _ Réalisation de livres par les étudiants (111) _ Rencontres avec un écrivain (112) _ Formations en recherche documentaire (113) _ Autres, spécifiez: ______________________ _____________________________________ ________________________________ (114) 5.2 Avec les enseignants de quelles disciplines ? _ Français (115) _ Anglais (116) _ Mathématiques (117) _ Chimie (118) _ Physique (119) _ Biologie (120) _ Écologie (121) _ Géographie (122) _ Histoire (123) _ Religion (124) _ Morale (125) _ Formation personnelle et sociale (126) _ Informatique (127) _ Économie (128) _ Économie familiale (129) _ Autre: _______________________________________________ (130)
277
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 278
5.3 Quel est, selon vous, le degré de satisfaction des intervenants et celui des participants à l’égard de ces activités réalisées en concertation avec les enseignants ?
Très satisfait(s) Satisfait(s) Neutre(s) Plutôt insatisfait(s) Très insatisfait(s) Ne sais pas
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Vous-même: (131) Pourquoi? _________________________________ __________________________________________ (132) Les élèves: (133) Pourquoi? _________________________________ __________________________________________ (134) Les enseignants: (135) Pourquoi? _________________________________ __________________________________________ (136) 5.4 Quelles seraient, selon vous, les améliorations à apporter ? ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (137) Partie 6 : Activités réalisées en collaboration avec la bibliothèque municipale 6.1 Avez-vous déjà réalisé des activités en collaboration avec la bibliothèque municipale ? _ Oui _ Non (138) 6.1.1 Si oui, pouvez-vous nous décrire ces activités succinctement ? ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (139) 6.1.2 Si non, décrivez-en la raison : ______________________________ ____________________________________________________________ (140
278
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 279
Annexe 2
6.2 Selon vous, est-ce que la présence d’une bibliothèque municipale à proximité nuit à la fréquentation de la bibliothèque scolaire par les élèves ? _ Oui _ Peut-être _ Non (141) 6.2.1 Pourquoi ? ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (142) Partie 7 : La bibliothèque scolaire à l’heure de la réforme des programmes 7.1 Quelle est votre représentation de la bibliothèque scolaire idéale à l’heure de la réforme des curriculums ? Quelques pistes: budget, formation du personnel, collaboration avec les enseignants, diversification pédagogique, nouvelles technologies, ouverture sur le monde… ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (143) Merci de votre collaboration
279
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 280
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
QRBS2 – Nom du répondant : _____________________________________ Les bibliothèques scolaires à l’heure du renouveau des curriculums Questionnaire adressé aux responsables de bibliothèque scolaire ayant déjà participé à l’enquête
L’objectif de cette enquête est de décrire la bibliothèque de votre école, ses irritants et ses objets de fierté pour ensuite communiquer aux intéressés votre conception de la bibliothèque idéale à l’heure de la réforme des programmes. École : ____________________________________________________________ (1) Volets : _ Alternatif _ Programme d’études internationales _ Cheminement professionnel _ Sport-études _ Autres, précisez: __________________________________________ (4) 1. Depuis notre rencontre, l’hiver dernier, est-ce que vous avez élaboré seul (de votre propre initiative) des activités à la bibliothèque ? _ Oui _ Non (144) 2. Si oui, de quel type ? Veuillez s.v.p. indiquer le ou les niveaux, les types de groupes concernés – enrichis (EN), réguliers (RÉ), cheminement particulier (CP), déficience intellectuelle (DI), classes d’accueil (CA) et le nombre de fois que vous avez réalisé ces activités. Niveaux Types de Fréquence groupes _ Concours littéraire (80) _ Tirage de livres pour certaines réussites (81) _ Cercle de lecture (82) _ Semaine de la lecture (83) _ Quiz portant sur une ou des lectures (84) _ Expositions de livres (85) _ Réalisation de livres par les étudiants (86) _ Rencontre avec un écrivain (87) _ Formation en recherche documentaire (88) _ Atelier informant les élèves sur les ressources de la bibliothèque (89) _ Autres, précisez: __________________ _________________________________ _________________________________ (90)
280
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 281
Annexe 2
4. En général, quel est, selon vous, le degré de satisfaction des intervenants et celui des participants à l’égard de ces activités que vous avez élaborées ?
Très satisfait(s) Satisfait(s) Neutre(s) Plutôt insatisfait(s) Très insatisfait(s) Ne sais pas
3. Ces activités que vous avez élaborées seul(e) sont-elles présentées dans des documents susceptibles d’êtres consultés comme des modèles à suivre ? _ Oui _ Non (91) Si oui, accepteriez-vous de joindre à ce questionnaire une copie des documents décrivant les activités réalisées afin de les publiciser auprès d’autres bibliothécaires et enseignants ? Si nous désirions éventuellement en tirer des extraits pour un article, nous vous accorderions le crédit en tant qu’auteur(e). _ Oui _ Non (92) Le ou les documents joints s’intitulent : ___________________________ _____________________________________________________________ (93)
Vous-même : (94) Pourquoi ? ___________________________________ ____________________________________________ (95) Les élèves : (96) Pourquoi ? ___________________________________ ____________________________________________ (97) Les enseignants : (98) Pourquoi ? ___________________________________ ____________________________________________ (99) 5. Quelles seraient, selon vous, les améliorations à apporter aux activités réalisées ? ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (102) 6. Depuis notre rencontre, avez-vous réalisé des activités en concertation avec des enseignants ? _ Oui _ Non (145)
281
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 282
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Niveaux Types de groupes
Souvent À l’occasion Rarement
7. Si oui, de quel type ? Veuillez s.v.p. indiquer le ou les niveaux et les types de groupes concernés – enrichis (EN), réguliers (RÉ), cheminement particulier (CP), déficience intellectuelle (DI), classes d’accueil (CA) – de même que la fréquence à laquelle vous réalisez des activités en concertation avec des enseignants.
_ Périodes de lecture (103) _ Travaux de recherche (104) _ Présentations, exposés (105) _ Productions écrites (106) _ Concours littéraires (107) _ Tirages de livres pour certaines réussites (108) _ Cercles de lecture (109) _ Semaines de la lecture (110) _ Réalisation de livres par les étudiants (111) _ Rencontres avec un écrivain (112) _ Formations en recherche documentaire (113) _ Autres, spécifiez: ____________________ ___________________________________ ___________________________________ (114) 8. Avec les enseignants de quelles disciplines ? _ Français (115) _ Anglais (116) _ Mathématiques (117) _ Chimie (118) _ Physique (119) _ Biologie (120) _ Écologie (121) _ Géographie (122) _ Histoire (123) _ Religion (124) _ Morale (125) _ Formation personnelle et sociale (126) _ Informatique (127) _ Économie (128) _ Économie familiale (129) _ Autre: ____________________________________________________ (130)
282
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 283
Annexe 2 Questions supplémentaires pour dresser un portrait plus précis de votre bibliothèque scolaire
9. Quel est le nombre de places assises à votre bibliothèque scolaire ? ______ (13) 10. Combien de documents peut-on y trouver ? – Livres : _____________________________________________________ (14) – Périodiques : ________________________________________________ (15) – Documents multimédias (cédéroms, jeux vidéo, etc.) : ______________ (16) 11. En général, les volumes que l’on y retrouve ont : _ entre 1 et 10 ans d’âge _ entre 11 et 15 ans d’âge _ 16 ans et + d’âge Merci de votre collaboration
283
(17)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 284
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
QADM – Nom du répondant : _____________________________________ Les bibliothèques scolaires à l’heure du renouveau des curriculums Questionnaire adressé aux administrateurs scolaires
École : ____________________________________________________________ Nombre d’élèves : ___________________________________________________ Niveaux : _ 1re sec. _ 2e sec. _ 3e sec. _ 4e sec. _ 5e sec. Volets : _ Alternatif _ Programme d’études internationales _ Cheminement professionnel _ Sport/études _ Autres, précisez: __________________________________________
(1) (2) (3)
(4)
1. Quels seraient selon vous, les trois principaux rôles de la bibliothèque scolaire au sein d’un établissement d’enseignement secondaire comme le vôtre ? _ Étude (146) _ Lecture (147) _ Recherches (148) _ Travaux d’équipes (149) _ Divertissement (150) _ Culture (151) _ Échanges (152) _ Espace disponible pour d’autres activités (153) _ Autres, spécifiez: ____________________________________________ (154) 2. Quel est le montant par élève accordé à la bibliothèque pour l’achat de documents (livres, abonnements, cédéroms) ? _________ $ (155) 3. Le montant accordé annuellement à la bibliothèque (en excluant les ordinateurs) représente quel pourcentage du budget global de l’école ? _______ % (156) 4. Quelles améliorations souhaiteriez-vous apporter à votre bibliothèque ? ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ (157) 5. Quelles qualifications exigez-vous du responsable de votre bibliothèque ? _ Un diplôme universitaire en bibliothéconomie _ Un DEC en documentation _ Des connaissances informatiques _ De l’expérience à travailler dans les bibliothèques ou les librairies Autres, spécifiez: _____________________________________________
284
(158) (159) (160) (161) (162)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 285
Annexe 2
6. Considérez-vous que le responsable de bibliothèque doit être secondé dans sa tâche ? _ Oui _ Peut-être _ Non (163) Pour quelles raisons ? _______________________________________ ____________________________________________________________ (164) Par qui ? _____________________________________________________ (165) 7. Quelle est votre conception de la bibliothèque scolaire à l’intérieur de la réforme? ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (166) 8. Selon vous, la bibliothèque scolaire a-t-elle encore sa raison d’être avec la venue d’Internet ? Pourquoi ? ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (167) Merci de votre collaboration
285
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 286
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
QENS – Nom du répondant : _____________________________________ Les bibliothèques scolaires à l’heure du renouveau des curriculums Questionnaire adressé aux enseignants
École : __________________________________________________________ (1) Discipline(s) d’enseignement : _______________________________________ (168) Niveaux : _ 1re sec. _ 2e sec. _ 3e sec. _ 4e sec. _ 5e sec. (3) 1. À quelle fréquence visitez-vous la bibliothèque avec vos groupes-classes ? _ Chaque semaine _ Toutes les deux semaines _ Environ une fois par mois _ Nous n’y allons pas (169) 2. Avez-vous un horaire fixe de visite à la bibliothèque ? _ Oui _ Non (170) Pourquoi ? ___________________________________________________ (171)
Niveaux Types de groupes _ Périodes de lecture (103) _ Travaux de recherche (104) _ Présentations, exposés (105) _ Productions écrites (106) _ Concours littéraires (107) _ Tirages de livres pour certaines réussites (108) _ Cercles de lecture (109) _ Semaines de la lecture (110) _ Réalisation de livres par les étudiants (111) _ Rencontres avec un écrivain (112) _ Formations en recherche documentaire (113) _ Autres, spécifiez:____________________ ___________________________________ (114)
286
Souvent À l’occasion Rarement
3. S’il vous arrive de fréquenter la bibliothèque avec vos élèves, quelles activités y réalisez-vous ? Veuillez s.v.p. indiquer le ou les niveaux et les types de groupes concernés – enrichis (EN), réguliers (RÉ), cheminement particulier (CP), déficience intellectuelle (DI), classes d’accueil (CA) – de même que la fréquence à laquelle vous réalisez ces activités.
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 287
Annexe 2
4. Est-ce que, pour certaines de ces activités réalisées à la bibliothèque, les élèves doivent travailler en équipe ? _ Oui _ Non (172) Pourquoi ? ___________________________________________________ (173) 5. Quand vos élèves ont à travailler en équipe pour réaliser certaines activités, vous arrive-t-il d’éprouver des problèmes de discipline avec certains d’entre eux ? _ Toujours _ Souvent _ À l’occasion _ Rarement _ Jamais (174) 6. Lorsque certains de vos élèves sont indisciplinés, est-ce que le responsable de bibliothèque intervient ? _ Toujours _ Souvent _ À l’occasion _ Rarement _ Jamais (175) 7. Faites-vous appel au responsable de bibliothèque pour réaliser certaines activités? _ Toujours _ Souvent _ À l’occasion _ Rarement _ Jamais (176) 8. Si c’est le cas, de quelle façon vous aide-t-il à réaliser vos activités ? _ Visite promotionnelle dans les classes _ Prêt du local _ Informations sur les nouveautés qui peuvent intéresser votre classe _ Informations générales sur les nouveautés qui peuvent intéresser l’école _ Choix d’ouvrages pour vos élèves _ Aide à la planification de l’activité _ Autre, spécifiez: _____________________________________________
287
(177) (178) (179) (180) (181) (182) (183)
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 288
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
9. Comment qualifieriez-vous la contribution du responsable de la bibliothèque à la réalisation de certaines de vos activités pédagogiques ? _ Nécessaire _ Très utile _ Occasionnellement utile _ Peu utile _ Inutile (184) 10. Avant de vous rendre avec un groupe-classe à la bibliothèque, est-ce que vous avisez le responsable ? _ Toujours _ Souvent _ À l’occasion _ Rarement _ Jamais (185) 11. Vous arrive-t-il de réserver des documents pour réaliser certaines activités à la bibliothèque ? _ Toujours _ Souvent _ À l’occasion _ Rarement _ Jamais (186) 12. Par rapport à votre discipline d’enseignement, la bibliothèque de votre école : _ est très bien documentée _ est assez bien documentée _ pourrait être mieux documentée _ souffre de manques importants (187) 13. En général, les documents que vous retrouvez à la bibliothèque scolaire sont : assez récents? (188) _ moins de 5 ans en bon état? (189) appropriés aux intérêts des adolescents? (190) appropriés aux objectifs des programmes? (191) variés? (192) suffisamment nombreux? (193)
_ entre 5 et 10 ans _ entre 11 et 15 ans _ 16 ans et + _ en bon état _ légèrement abîmés _ très abîmés _ oui tout à fait
_ moyennement
_ très peu
_ oui tout à fait _ oui tout à fait _ oui tout à fait
_ moyennement _ moyennement _ moyennement
_ très peu _ très peu _ trop peu
288
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 289
Annexe 2
14. Pour une activité plus particulièrement, trouverez-vous à la bibliothèque scolaire une quantité suffisante d’un titre de roman à utiliser avec toute la classe ? _ Toujours _ Parfois _ Jamais (194) 15. Est-ce que vous incitez vos élèves à fréquenter de façon autonome la bibliothèque de leur école ? _ Oui _ Non (195) Si oui, comment ? _____________________________________________ ____________________________________________________________ (196) 16. Quelles améliorations devraient, selon vous, être apportées à votre bibliothèque ? ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (157) 17. À l’heure de la réforme des curriculums, quel devrait être, selon vous, le rôle pédagogique de la bibliothèque scolaire ? Quelques pistes: étude, divertissement, échanges, travaux d’équipe… ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (166) 18. Pensez-vous qu’Internet est appelé à remplacer les bibliothèques scolaires ? _ Oui _ Peut-être _ Non (197) Pourquoi ?___________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (198) 19. Avez-vous déjà réalisé un projet en concertation avec un(e) responsable de bibliothèque municipale ? _ Oui _ Non (199) Si oui, pouvez-vous nous décrire ce projet succinctement ? ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ ____________________________________________________________ (200) Merci de votre collaboration 289
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 290
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 291
ANNEXE 3
Questionnaire sur la lecture des adolescents adressé aux parents
291
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 292
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 293
Annexe 3
Montréal, le 25 octobre 2001
Madame, Monsieur, À l’automne 1999, la direction de votre commission scolaire de même que la direction de votre école ont accepté de participer à la recherche « Devenir compétent en lecture au secondaire». Cette recherche vise le développement de pratiques de lecture durables chez les jeunes. Plusieurs volets de cette recherche ont déjà été mis en place. – Au cours de l’année dernière, votre jeune a eu l’occasion de vivre en classe des pratiques nouvelles en lecture, plus interactives. Ces activités s’intégraient aux objectifs privilégiés par le programme du ministère de l’Éducation. – Votre jeune a aussi répondu à un questionnaire nous permettant de mieux connaître ses goûts et ses attitudes envers la lecture. – Nous avons de plus analysé les pratiques d’animation du livre dans les bibliothèques scolaires et municipales afin d’en promouvoir de nouvelles plus suceptibles d’attirer les jeunes. Nous sollicitons aujourd’hui votre collaboration. Les quelques questions ci-dessous portent sur votre perception de la lecture chez les jeunes. Ces renseignements et opinions permettront de connaître votre opinion sur cet important sujet pour un meilleur lienarrimage entre l’école et la famille en ce qui concerne les interventions autour de la lecture. Vous pouvez être assurés que les opinions et renseignements transmis ici resteront confidentiels et anonymes. Nous vous remercions de votre collaboration et vous adressons nos salutations distinguées.
Monique Lebrun et Marie Nadeau, Responsable du projet co-chercheure du projet «Devenir compétent en lecture au secondaire» Département de linguistique et de didactique des langues Université du Québec à Montréal
293
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 294
Les pratiques de lecture des adolescents québécois Questionnaire aux parents sur la lecture chez les jeunes
S.V.P. Encerclez la mention de votre choix. 1. D’après vous, votre jeune lit : jamais (ou presque) rarement
assez souvent
très souvent
2. Vous arrive-t-il d’aider votre jeune dans ses lectures scolaires ? oui non 3. Vous arrive-t-il de parler avec votre jeune de ses lectures de loisir ? oui non 4. Connaissez-vous ce que votre jeune lit en lien avec l’école ? oui non 5. a) Connaissez-vous ce que votre jeune lit comme lecture de loisir ? oui non b) Si oui, de quels genres de lecture s’agit-il ? romans revues journaux autres (précisez) _________________ 6. Avez-vous déjà lu des histoires à votre jeune, quand il était petit ? Oui non 7. Êtes-vous déjà allé à la bibliothèque municipale avec votre jeune quand il était au primaire ? Oui non 8. Faites-vous des sorties en famille ? oui non si oui, lesquelles? – visite de la parenté – cinéma – sortie de plein air (ou pratique d’un sport) – spectacle (musique, théâtre, humoriste, etc.) – voir un match (baseball, hockey, volleyball, etc.) – visite d’un musée – visite d’un salon (de l’auto, des jeunes, etc.) – autre (précisez) ______________________
294
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 295
Annexe 3
9. Quelles sont les trois principales activités de loisir de votre jeune ? (par ex. : TV, jeux vidéo, Internet, sports, lecture, écouter de la musique, voir des ami(e)s, bricoler, etc.) 1_________________ 2_________________ 3_________________ 10. Quelles sont vos trois principales activités de loisir ? 1_________________ 2_________________
3_________________
11. Avez-vous acheté des livres dans les six derniers mois ? oui non 12. Avez-vous fréquenté une bibliothèque municipale (ou scolaire) dans les six derniers mois ? oui non 13. Lorsque vous-même étiez adolescent, est-ce que vous lisiez… jamais (ou presque) rarement assez souvent très souvent 14. Vos habitudes de lecture ont-elles changé depuis ? oui non Si oui, lisez-vous plus qu’avant
moins qu’avant
15. On dit que les garçons aiment moins la lecture que les filles. D’après vous, est-ce vrai? oui non Pourquoi ? ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 16. Votre jeune est … un garçon une fille Seriez-vous disponible pour participer, avec d’autres parents, à une rencontre de discussion (focus group) portant sur les pratiques de lecture des jeunes ? Cette réunion aurait lieu à l’école de votre jeune et durerait une heure. oui non Si oui, veuillez s’il vous plaît laisser votre nom et numéro de téléphone ci-dessous pour que nous puissions vous contacter. Nom ____________________________ No de tél.: ________________________ Merci de votre collaboration !
295
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 296
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 297
BIBLIOGRAPHIE Alvermann, D.E., D. Weaver, K.A. Hinchman, D.W. Morre, S.F. Phelps, E.C. Thrash et P. Zalewski (1995). Middle- and high-school students’ perceptions of how they experience text-based discussions : A multicase study. University of Georgia, University of Maryland: National Reading Research Center. Reading Research Report no 36. Anderson, R.C., P.T. Wilson et L.G. Fielding (1988). «Growth in reading and how children spend their time outside of school». Reading Research Quarterly, 23(3), 285-303. Arnold, J. (1985). « A responsive curriculum for emerging adolescents ». Middle School Journal 16(3), 14-18. Association du personnel des services documentaires scolaires (APSDS) (1991). La Bibliothèque scolaire, mission et objectifs: document de réflexion. Saint-Grégoire: APSDS. Aubel, J. (1994). Guide pour des études utilisant les discussions de groupe. Genève : Bureau international du travail. Bamberger, R. (1975). Développer l’habitude de la lecture. Paris: Unesco. Barber, S.R. et J. Ketzinger (éd.) (1999). Developing focus group research. Politics, theory and practice. Thousand Oaks: Sage. Baron, G.-L. (2000). L’Informatique dans l’enseignement: quelle intégration? Les jeunes et les médias: l’état de l’enfance en France. Paris: Hachette. Barthes, R. (1973). Le Plaisir du texte. Paris: Seuil. Baudelot, C., M. Cartier et C. Detrez (1999). Et pourtant ils lisent… Paris: Seuil. Beauchesne, Y. (1985). Animer la lecture: comprendre, agir. Montréal: Asted. Beentjes, J.W.J., C.M. Koolstra, N. Marseille et T.A. Van Der Voort (2001). Children’s use of different media: For how long and why? In S. Livingstone et M. Bovill (2001). Children and their changing media environment. An european comparative study (p. 85-111). Mahwah, NJ London : Lawrence Erlbaum Associates. Bélisle, A. (1962). «La collection de livres de la bibliothèque d’école secondaire». L’Instruction publique, 139-141. Bernhard, P. (1994). «La vraie nature des bibliothèques scolaires». Documentation et bibliothèque, 40(4), 197-204.
297
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 298
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Bernhard, P. (dir.) (1996). Bibliothécaires et enseignants: un partenariat prometteur. Document d’accompagnement. Recueil des projets : secondaire. Montréal : Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec (accompagne le vidéogramme du même titre réalisé par P. Bernhard et P. Delobel). Bertrand, A.-M., M. Burgos, C. Poissenot et J.-M. Privat (2002). Les Bibliothèques municipales et leurs publics. Paris : Centre Georges-Pompidou. Bibliothèque publique d’information. Coll. Études et recherche. Bintz, W.P. (1993). «Resistant readers in secondary education: Some insights and implications ». Journal of Reading, 36(8), 604-615. Blain, C. (1995). «Mes lectures partagées». Québec français, 98, 40-41. Blanchet, A. (1982). L’entretien à l’interface du psychologique et du social. Bulletin de psychologie, 360, 565-571. Bleich, L. (1980). The developmental role of adolescent literature. Texas Tech Journal of Education, 7(1), 39-47. Bloor, M., J. Frankland, M. Thomas et K. Robson (2001). Focus groups in social research. Introducing qualitative methods. Thousand Oaks: Sage. Boily, C., L. Duval et M. Gauthier (2000). Les Jeunes et la culture. Revue de la littérature et synthèse critique. Québec : gouvernement du Québec, MCC ; Direction de l’action stratégique, de la recherche et de la statistique et INRSCulture et Société. Boily, R. et al. (1977). «La littérature au secondaire; 2e partie. Le travail de lecture et d’écriture». Québec français, 27, 21-23. Boisvert, M. et R. Greiss (1985). La Littérature et le jeune Québécois. Montréal : Guérin. Bouchard, G. (dir.) (1989). Les Bibliothèques scolaires québécoises. Plus que jamais (rapport Bouchard). Québec : Gouvernement du Québec, MEQ ; Direction générale de l’évaluation et des ressources didactiques. Bourdieu, P. et J.-C. Passeron (1964). Les Héritiers. Paris: Minuit. Bourdieu, P. et J.-C. Passeron (1970). La reproduction. Paris: Minuit. Boutin, G. (1997). L’Entretien de recherche qualitatif. Québec: Presses de l’Université du Québec. Brassard, D. (1986). Un goûter de poésie. Montréal: Graficor. Brière, M. (1961). « Choix de livres pour les jeunes ». L’Instruction publique, septembre, 47-49. Brossard, L. (1994a). «Donner le goût de lire dans toutes les matières: Table ronde avec des enseignants et des enseignantes du secondaire». Vie pédagogique, 88, 23-25. 298
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 299
Bibliographie
Brossard, L. (1994b). «L’important, c’est d’entrer dans l’histoire: entrevue avec des jeunes lecteurs et lectrices». Vie pédagogique, 88, 19-21. Brossard, L. (1994c). « La lecture est un outil pour le plaisir et pour s’informer ». Vie pédagogique, 88, 21-23. Broughton, J.A. (2002). « The performance and construction of subjectivities of early adolescent girls in book club discussion groups ». Journal of Literacy Research, 34(1), 1-38. Brown, G.R. (1997). School library and information services : A status report with recommendations. St-Lucia, West Indies Ministry of Education. Canadian International Development Agency, Winnipeg (Manitoba). Organization for Cooperation in Overseas Development, 10-18, ERIC: ED 416 904. Brozo, W.G. (2002). To be a boy, to be a reader. Engaging teen and preteen boys in active literacy. Newark: International Reading Association. Burgos, M., C. Evans et E. Buch (1996). Sociabilités du livre et communautés de lecteurs : trois études sur la sociabilité du livre, Paris : Bibliothèque publique d’information, Centre Georges-Pompidou, coll. Études et recherches. Catterall, M. et P. Maclaran. (1997). « Focus group data and qualitative analysis programs : Coding the moving picture as well as the snapshots ». Sociological Research Online, 2, 1. Document téléaccessible à l’URL :
. Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO) (2003). Netados. Portrait des 12-17 ans sur Internet. Sondage réalisé auprès des adolescents québécois et de leurs parents. Document téléaccessible à l’URL : . Champion, S. (1993). « The adolescent quest for meaning through multicultural readings: A case study». Library Trends, 41(3), 462-492. Chapman, R. (2000). Getting boys’ achievement in perspective. Document téléaccessible à l’URL :<www.manukau.ac.nz/departments/social_science/ conf/chapman.htm>. Chapell, K. et C.S. Taylor (1997). «Evidence for the reliability and factorial validity of the computer game attitude scale ». Journal of Educational Computing Research, 17(1), 67-77. Chartier, A.-M., J. Debayle et M.-P. Jachimowicz (1993). «Lectures pratiquées et lectures déclarées. Réflexions autour d’une enquête sur les étudiants en IUFM». In E. Fraisse (1993) Les Étudiants et la lecture (p. 73-111). Paris: Presses universitaires de France, coll. Politique d’aujourd’hui. Chartier, R. (1995). « Révolutions et modèles de la lecture, XVe-XXe siècles ». Le Français aujourd’hui, 112, 6-15. 299
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 300
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Chouinard, M.-A. (2003). « Pas un sou de plus pour les bibliothèques scolaires ». Le Devoir, 11 novembre, p. A-1 et A-8. Ciais, R. et J. Ribas (1975). Faire vivre un livre en classe. Tome 1. Paris : Hatier/ Éditions de l’Amitié. Cloutier, C. (1995). « La littérature jeunesse a-t-elle encore sa place dans nos classes?» Des livres et des jeunes, 49-50, 22-26. Connell, R.W. (2000). Educating boys. Document téléaccessible à l’URL : <www. manukau.ac.nz/departments/social_science/conf/connel.htm>. Cormier, G. (1991). «La parabibliothèque ou animer la bibliothèque par le parascolaire». Vie pédagogique, 70, 34-36. Côté, M. et al. (1991). Des centres de documentation qui s’animent. Vie pédagogique, 70, 30-31. Daly, C. (1999). «Reading Boys». Changing English: Studies in literacy and culture, 6(1), 16-22. Demers, D. (1994). Le héros sériel dans la littérature jeunesse québécoise. In H. Charbonneau (dir.) Pour que vive la lecture (p. 51-73). Montréal: ASTED. De Singly, F. (1989). Lire à 12 ans. Une enquête sur les lectures des adolescents. Paris: Nathan. Deslauriers, J.-P. (1991). La recherche qualitative. Guide pratique. Montréal : McGraw-Hill. Desroches, G. (1996). «L’animation sauce-tomate ou aigre-douce». Québec français, 103, 87-89. Dion, J. (1994). « Des bibliothèques branchées sur la planète ». Documentation et bibliothèque, 40(4), 249-252. Dion, J. (2003). Présentation du colloque de l’APSDS (Association du personnel des services documentaires scolaires). Actes du colloque La médiation de la lecture auprès des jeunes : le temps d’agir ! APSDS. Document téléaccessible à l’URL : . Doremus, E.J. et L.B. Reilly (1996). Sex, role, attitudes and role stereotyping: Recent literature. Research Bulletin no 16. New Jersey, Carreer Equity Assistance Center Research and Evaluation. Montclair University Upper Montclair New Jersey. ERIC: ED 404 462. Dugan, J. (1997). «Transactionnal literature discussions: Engaging students in the appreciation and understanding of literature ». The Reading Teacher, 5(2), 86-96.
300
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 301
Bibliographie
Duggins, J. (1989). Middle school students’ attitudes about reading. Communication à the Annual Meeting of the International Reading Association (34th). 30 avril au 4 mai. New Orleans, LA, 1-19. ERIC: ED 310 352. Early, M. (1984). Reading to learn in grades 5-12. New York : Harcourt, Brace, Jovanovich. Elley, W.B. (1992). How in the world do students read? IEA study of reading literacy. Hambourg: The International Association for the Evaluation on Educational Achievement. En collaboration (2001). Guide Internet, le magazine des sites à découvrir, 5(8), spécial éducation. Epstein, I. (1980). Measuring attitudes toward reading. ERIC Clearinghouse on tests, measurement and evaluation. Princeton, N.J. Escarpit, D. et B. Poulou (1993). Le Récit de l’enfance. Paris: Éditions du Sorbier. Farley, P.-E. (1929). Livres d’enfants. Montréal: Granger Frères. Fern, E.F. (1982). «The use of focus groups for idea generation. The effects of group size, acquaintanceship, and moderator on response quantity and quality ». Journal of Marketing Research, 19, 1-13. Fern, E. F. (2001). Advanced focus group research. Thousand Oaks: Sage. Fromme, J. (2003). «Computer games as a part of children’s culture». Game studies, the international journal of computer game research, 3(1), 1-23. Document téléaccessible à l’URL:. Fullan, M.G. et S. Stiegelbauer (1991). The New Meaning of educational change. New York: OISE Press, Teachers College Press. Gagnon, S. (1981). «Saisir toutes les occasions de lire». Vie pédagogique, 14, 27-29. Gallik, J.D. (1999). « Do they read for pleasure ? Recreationnal reading habits of college students». Journal of adolescent and adult literacy, 42(6), 480-488. Gallo, D.R. (1983). Students’ reading interest. A report of a Connecticut survey. Communication présentée à the Educational Paperback Association, 14 juin. New York, NY. ERIC: ED 232 143. Gamache, S. (1987). Le Plaisir de lire. Le plaisir d’animer. Montréal: Communicationjeunesse. Gaudet, R. et Y. Léveillé (1991). «Initier les élèves du primaire à l’organisation des bibliothèques». Vie pédagogique, 70, 27-28. Gaudet, R. (1991a). « La bibliothèque scolaire… un outil pédagogique ». Vie pédagogique, 70, 18-19. Gaudet, R. (1991b). «Pour stimuler le développement des bibliothèques scolaires: un groupe de travail régional». Vie pédagogique, 70, 20. 301
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 302
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Gemme, G. (1994). «Apprendre à lire pour aimer lire». Vie pédagogique, 88, 52-53. Genvo, S. (2002). Introduction aux enjeux artistiques et culturels des jeux vidéo. Paris: L’Harmattan. Gervais, F. (1989a). « La place du livre à l’école primaire : la bibliothèque ». Vie pédagogique, 61, 6-10. Gervais, F. (1989b). «La place du livre à l’école primaire: la classe». Vie pédagogique, 62, 15-17. Gervais, F. (1990). L’édition québécoise pour la jeunesse: plate-forme économique des valeurs pédagogiques d’une époque. In G.-R. Roy (dir.). Actes du 2e congrès des sciences de l’éducation de langue française au Canada, tome 1 (p. 292-299). Sherbrooke: Éditions du CRP. Gervais, F. (1991). Le conte comme outil pédagogique. In Séminaire de la fête autour du conte (42-56). Québec: Musée de la civilisation. Gervais F. (1996). « Didactique du plaisir de lire. Didactique de la littératurejeunesse». Québec français, 100, 48-50. Gervais, F. (1997) École et habitudes de lecture. Montréal: Éditions Chenelière. Gervais, F. (2002). «La bibliothèque scolaire: cette grande oubliée». Québec français, 125, 72-75. Goodman, K.S. (1993). « Détechnologiser l’enseignement de la lecture ». Vie pédagogique, 82, 13-14. Goodman, Y., V. Cox, V. Milz et M. Haussler (1977). Encouraging young authors and young readers. Communication présentée à the Annual Meeting of the International Reading Association (22nd). 2 au 6 mai. Miami Beach, Florida. ERIC: ED 140 253. Gorman, D. (1998). « Self-tuning teachers : Using reflective journals in writing classes». Journal of adolescent and adult literacy, 41(6), 434-442. Greaney, V. (1980). «Factors related to amount and type of leisure time reading». Reading Research Quarterly, 15, 337-357. Greenlee, A.A., D.L. Monson et B.M. Taylor (1996). « The lure of series books : Does it affect appreciation for recommended literature?» The Reading Teacher, 50(3), 216-225. Grow, G. (1997). Contemporary research, it’s peers and precedents : An annotated bibliography. ERIC: ED 406 643. Guérette, C. et L. Bertrand (1994). « Où sont donc Boucle d’or et les trois ours ? En route pour Québec, bien entendu». Canadian Children Literature/Littérature canadienne pour la jeunesse, 74(20), 76-98.
302
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 303
Bibliographie
Guindon, G. (1986). «Les collections de romans. Qualité, popularité, accessibilité». Québec français, 62, 31-37. Gustavson, L. (2000). «Normalizing the text: What is being said, what is not and why in students’ conversions of E.L. Konigsburg’s. “The View from Saturday”». Journal of Children’s Literature, 26(1), 18-31. Guthrie, J.T., W. Schafer, Y.Y. Wang et P. Afflerbach. (1995). Relationships of instruction to amount of reading : an exploration of social, cognitive, and instructional connections. Reading Research Quarterly, 30(1), 8-25. Guthrie, J.T., P. Van Meter, A.D. McCann, A. Wigfield, L. Bennett, C.C. Poundstone, M.E. Rice, F.M. Fabitsch, B. Hunt et A.M. Mitchell (1996). «Growth of literacy engagement : Changes in motivations and strategies during conceptoriented reading instruction». Reading Research Quarterly, 31, 306-333. Guthrie, J.T., S. Alao et J.M. Rinehart (1997). «Engagement in reading for young adolescents». Journal of Adolescent & Adult Literacy, 40(6), 438-446. Hassenforder, J. (1968). «Les lecteurs et la lecture». Le Livre et la lecture en France. Paris: Éditions Ouvrières. Haycock, K. (2003). The crisis in Canada’s school libraries : the case for reform and reinvestment. Association of Canadian Publishers. Document téléaccessible à l’URL:. Héon, G. (1980). Les Habitudes de lecture des Québécois de 10-12 ans. Publié chez l’auteur. 945, Louis-Champoux, Drummondville-Nord. Héon, G. (1991). «Une façon intéressante de choisir des livres pour la bibliothèque». Vie pédagogique, 70, 25-26. Hervé, M.-B. (1980). «Pour une bibliothèque vivante». Vie pédagogique, 9, 41-45. Hill, L. et H. Pain (1988). «Young people and public librairies: Use, attitudes and reading habits. A survey of 13-16 year olds in Nottinghamshire». Library Services and Teenagers. Int. Rev. Children Literature & Librarianship, 3(1), 26-40. Hopper, C. (1982). « S’organiser pour que les élèves s’enseignent à lire ». Québec français, 47, 62-65. Hould, R. (1980). Rapport d’enquête sur les habitudes de lecture des élèves du secondaire. Québec : ministère de l’Éducation, Service général du développement pédagogique. Huntley-Johnson, L., S.P. Merritt et L.E. Huffman (1997). « How to do how-to books: Real life writing in the classroom». Journal of adolescent and adult literacy, 41(3), 172-179. Ivey, G. (1999). « A multicase study in the middle school : Complexities among young adolescent readers». Reading Research Quarterly, 34(2), 172-192. 303
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 304
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Jarrel, J.G. (2000). Focusing on focus group use in educational research. Communication présentée à the Annual Meeting of the Mid-South Educational Research Association. 15 au 17 novembre. ERIC: ED448 167. Jean, G. (1982). Mon premier recueil de poésie. Paris: Retz. Jenks, C. et J. Roberts (1990). «Reading, writing and reviewing: Teacher, librarian and young readers collaborate». Language Arts, 67, 742-745. Katims, D.S. et S. Harris (1997). «Improving the reading comprehension of middle school students in inclusive classrooms». Journal of adolescent and adult literacy, 41(2), 116-123. Kendrick, J.M. (1999). Middle grade boys: Reading habits and preferences for a new millennium. ERIC: ED 429 274. Kintsch, W. (1977). Memory and cognition. 2e édition. New York: Wiley and Sons. Kintsch, W. et T. Van Dijk (1978). «Toward a model of text comprehension and production». Psychological Review, 85(5), 363-394. Kletzien, S.B. et S.J. Taylor (1992). Comprehension strategies of literary engagement: A study of adolescent readers. Communication présentée à the Annual Meeting of the National Reading Conference (42nd). 2 au 5 décembre. San Antonio, Texas. ERIC: ED 352 638. Kraschen, S. (1993). The Power of reading. Englewood, Colorado : Libraries Unlimited Inc. Krathwohl, D.R., B. Bloom et B. Masia (ed.) (1964). Taxonomy of educational objectives: The affective domain. New York: McKay. Lachance, N. (1993). Les Habitudes de lecture chez les élèves de 9 à 12 ans. Rapport d’internat en vue de l’obtention du grade de maîtrise en éducation (M. Éd.), option psychopédagogie, Montréal: Université de Montréal. Lafontaine, D. (1996). Performances en lecture et contexte éducatif. Enquête menée auprès d’élèves de 9 et 14 ans. Bruxelles: De Boeck-Wesmael. Langouët, G. et Observatoire de l’enfance en France (dir.) (2000). Les Jeunes et les médias. L’état de l’enfance en France. Paris: Hachette. Lahire, B. (1995). «Du rôle des configurations familiales dans la réussite ou l’échec scolaire en lecture». Le Français aujourd’hui, 111, 36-43. Lambert-Chesnot, O. et F. Vaniscotte (1985). «La production dans le domaine du documentaire pour enfants : ce qu’en retient l’école ». Pratiques, 47. Dossier : Littérature de jeunesse. Landreville, F. (1995). Étude descriptive des facteurs qui ont éveillé le goût de la lecture chez les élèves de 5e secondaire. Mémoire de maîtrise. Montréal : Université de Montréal. 304
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 305
Bibliographie
Langlois, Y. (1990). «La Manie-Livre, une façon originale de promouvoir la lecture et l’écriture». Vie pédagogique, 66, 9. Laperrière, A. (1997). Les critères de scientificité des méthodes qualitatives. In J. Poupart, J.-P. Deslauriers, L.-H. Groulx, A. Laperrière, R. Mayer et A. Pires, La Recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques (p. 365389). Montréal: Gaëtan Morin. Lavoie, R. (1989). «La bibliothèque et la lecture: une mécanique à réinventer». Vie pédagogique, 59, 47-49. Lavoie, Y. (1991). « Je jette peu, beaucoup, avec discernement ». Vie pédagogique, 70, 23-25. Lebrun, M. (1994). « Le journal dialogué : pour faire aimer la lecture ». Québec français, 94, 34-36. Lebrun, M. (1986). «La bibliothèque publique, une ressource à exploiter». Québec français, 62, 81-82. Lebrun, M. (1998). « Les relations entre l’école et la bibliothèque dans la presse pédagogique (1978-1998)». Documentation et bibliothèque, 44(4), 201-210. Lebrun, M. (2003). Devenir compétent en lecture au secondaire. Rapport de subvention de recherche FCAR-FQRSC, Programme d’action concertée en lecture (1999-2003), disponible en ligne sur le site du FQRSC à l’adresse URL http://www.fqrsc.gouv.qc.ca/recherche/pdf/rapp-lecture.pdf Legault, G. (1994). « Une réalité à rétablir. Les habitudes de lecture des élèves du secondaire». Vie pédagogique, 88, 16-18. Legendre, R. (1993). Dictionnaire actuel de l’éducation. 2e édition. Montréal-Paris: Guérin-Eska. Léveillé, Y. (1988). «La bibliothèque crie à l’aide». Vie pédagogique, 55, 35-36. Léveillé, Y. (1991a). « La bibliothèque scolaire : une ressource pédagogique ». Vie pédagogique, 70, 17-18. Léveillé, Y. (1991b). «Un dossier demeuré d’actualité». Vie pédagogique, 70, 36. Léveillé, Y. (1994). «Accompagner les lectrices et les lecteurs: Table ronde avec du personnel des bibliothèques scolaires». Vie pédagogique, 88, 26-27. Lewis, C. (1998). «Rock’n’roll and horror stories: Students, teachers, and popular culture». Journal of adolescent and adult literacy, 42(2), 116-120. Ley, T.C., B.B. Schaer et B.W. Dismukes (1994). «Longitidunal study of the reading attitudes and behaviors of middle-school students ». Reading Psychology : An International Quarterly, 15, 11-38.
305
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 306
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Mac Millan, D.L., K.F. Widaman, I.H. Balow, R.E. Hemsley et T.D. Little (1992). « Differences in adolescent school attitudes as a function of academic level, ethnicity, and gender». Learning Disabiblity Quarterly, 15(1), 39-50. Makhour, H. (1998). «Développer chez l’élève l’habileté à dialoguer». Vie pédagogique, 106, 10-11. Marcotte, J.-G. (1991). «Commencer à animer la bibliothèque». Vie pédagogique, 70, 29. Marcouin, F. (1994). Lecture instructive, lecture littéraire, en débat. In J.-M. Privat, Bibliothèque, école: quelles coopérations? (p. 165-175). Créteil: CRDP d’Île-deFrance, Académie de Créteil, Fédération française de coopération entre bibliothèques. Mayers, P.M. (1993). Experiencing a novel: the thoughts, feelings, and motivation of adolescent readers. National Louis University: Thesis. ERIC: ED 358 433. McAlpine, G. et J. Warren (1997). « Reader response approaches to teaching literature ». Fast back, 417. Phi. Delta Kappa Educational Foundation. Bloomington, Indiana. ERIC: ED 406 666. McAndrew, D.A. (1998). «Fourth period in grade 7 literacy workshop: insight from organizational and management theories ». Journal of adolescent and adult literacy, 41(6), 444-455. McKenna, M.C., D.J. Kear et R.A. Ellsworth (1995). «Children’s attitudes toward reading: A national survey». Reading Research Quarterly, 30(4), 934-956. Merton, R.K., M. Fiske et P.L. Kendall (1990). The Focused interview. 2e édition. New York: Free Press. Ministère de la Culture et des Communications (1998a). Le Temps de lire, un art de vivre. Politique de la lecture et du livre. Québec: gouvernement du Québec, MCC; Direction des relations publiques. Ministère de la Culture et des Communications (1998b). Enquête auprès des bibliothèques scolaires du Québec. Analyse descriptive gouvernement du Québec. Québec: gouvernement du Québec, MCC; Direction de la recherche et de la statistique. Ministère de la Culture et des Communications (2000). Les Pratiques culturelles des jeunes de 15 à 35 ans. Québec : gouvernement du Québec, MCC ; Direction de l’action stratégique, de la recherche et de la statistique. Ministère de la Culture et des Communications (2001). Les Pratiques culturelles des Québécoises et des Québécois. Rapport statistique. Québec : gouvernement du Québec, MCC ; Direction de l’action stratégique, de la recherche et de la statistique.
306
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 307
Bibliographie
Ministère de l’Éducation du Québec (1980). Rapport d’enquête sur les habitudes de lecture des élèves du secondaire. Gouvernement du Québec, MEQ ; Service de recherche et expérimentation pédagogique. Voir R. Hould (1980). Ministère de l’Éducation du Québec (1981). Guide pédagogique. Primaire. Français. Littérature de jeunesse. Québec : gouvernement du Québec, MEQ ; Direction de la recherche. Ministère de l’Éducation du Québec (1989). Les Bibliothèques scolaires québécoises. Plus que jamais. Québec: gouvernement du Québec, MEQ; Direction générale de l’évaluation et des ressources didactiques. Voir G. Bouchard (1989). Ministère de l’Éducation du Québec (1993). Bibliographie sélective, analytique et thématique. La didactique de la langue maternelle. Écriture. Lecture. Communication orale. Québec : gouvernement du Québec, MEQ ; Direction de la recherche. Ministère de l’Éducation du Québec (1994a). La Lecture chez les jeunes du secondaire. Des policiers aux classiques. Québec : gouvernement du Québec, MEQ ; Direction de la recherche. Ministère de l’Éducation du Québec (1994b). Compétence et pratiques de lecture des élèves québécois et français. Une comparaison Québec-France. Québec : gouvernement du Québec, MEQ; Direction de la recherche. Ministère de l’Éducation du Québec (1994c). L’Art d’enseigner la lecture. Québec: gouvernement du Québec, MEQ; Direction de la recherche. Ministère de l’Éducation du Québec (2001). Rapport sur la situation des bibliothèques scolaires québécoises. Québec: gouvernement du Québec, MEQ; Direction des ressources didactiques. Ministère de l’Éducation (2003). Bulletin statistique de l’éducation. La carte de la population scolaire et les indices de défavorisation. No 26, mars. Document téléaccessible à l’URL: . Ministère des Affaires municipales (MAM) (1994). En vacances et à l’école, les loisirs des élèves du secondaire. Québec: Ministère des Affaires municipales, Direction générale du loisir et des sports. Moore, D.W., D.E. Alvermann et K.A.Hinchman (éd.). (2000). Struggling adolescent readers. A collection of teaching strategies. Newark : International Reading Association. Morgan, D.L. (1997). Focus groups as qualitative research. 2e édition. Thousand Oaks: Sage. Morrison, D.E. (1998). The Search for a method. Focus groups and the development of mass communication research. Bedfordshire: University of Luton Press.
307
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 308
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Mortensen, T. (2002). «Playing with players: Potential methodologies for MUDs». Game Studies, The International Journal of Computer Game Research, 2(1), 1-13. Document accessible à l’URL:. Moss, G. (1999). « Boys and non-fiction : cause or effect ? » Literacy Today, 21. Document téléaccessible à l’URL:<www.literacytrust.org.uk>. Mucchielli, A. (1996). Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales. Paris: Armand Colin. Murail, M.-A. (1993). Continue la lecture, on n’aime pas la récré… Paris: CalmanLévy. Nadon, Y. (1990). «À quand les «vrais» livres dans les écoles?» Vie pédagogique, 64, 30-32. Nadon, Y. (1992). «En bonne voie vers la lecture». Québec français, 8, 53-55. Naff, B. et S. Fones (1998). Literacy clubs for at-risk girls. Clemson, South Carolina: National Dropout Prevention Center. National Center for Educational Statistics (1994). Reading: a first look at findings from The National Assessment Educational Progress. Washington, D.C. National Literacy Trust. (2002). Research on boys’ performance & how it can be improved. Document téléaccessible à l’URL : <www.literacytrust.org.uk/ Research/boyact.html. Neopets (2003). Document téléaccessible à l’URL :. Noël-Gaudreault, M., R. Gaudreault et J. Foster (1985). Le Jeu du dragon. Une approche ludique du conte à partir de la 3e année. Chicoutimi: Du dragon. Normandin, J. (1982). Stratégie d’enseignement en littérature enfantine. Montréal : PPMF-UQAM. Nothwest Regional Educational Lab. (2000). Motivating reluctant adolescent readers : Strategies for national service tutors. Portland : Northwest Regional Educational Lab. ERIC: ED 449485. Document téléaccessible à l’URL:<www.nwrel.org/ learns/tutor/win2000/win2000/pdf>. Oggle, D. (1996). « K-W-L. A technopole model that develops active reading of exposition text». The Reading Teacher, 39, 564-570. Parent, C., M. Lebrun, J.-M. Wood et R. Desrosiers-Sabbath (1994). Intérêts et habitudes de lecture d’élèves francophones de 14 ans vivant à Montréal. Communication présentée au 62e Congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS). 16 au 20 mai. Montréal: UQAM. Paris, S.G., M.Y. Lipson et K.K. Wixson (1983). « Becoming a strategic reader ». Contemporary Educational Psychology, 8, 293-316. 308
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 309
Bibliographie
Pearson, P.D., L.R. Roehler, J.A. Dole et G.G. Duffy (1992). Developing expertise in reading comprehension. In S.J. Samuels et A.E. Farstrup (ed.), What research has to say about reading instruction (p. 157-199). Newark, DE : International Reading Association. Pennac, D. (1992). Comme un roman. Paris: Gallimard. Pew Institute (2002). College students say Internet helps them. Document téléaccessible à l’URL:. Pew Institute (2003). College students and computer, video and Internet games. Document téléaccessible à l’URL:. Pintrich, P.R. et B. Schrauben (1992). « Students’ motivational beliefs and their cognitive engagement in classroom academic tasks ». In D.H. Schunk & I.L. Meese (éd.). Student perceptions in the classroom (p.149-184). Hillsdale : Erlbaum. Poissenot, C. (1997). Les Adolescents et la bibliothèque. Paris : Centre GeorgesPompidou, Bibliothèque publique d’information. Coll. Études et recherche. Poslaniec, C. (1990). Donner le goût de lire. Paris: Édition du Sorbier. Poslaniec, C. (1992). De la lecture à la littérature. Paris: Édition du Sorbier. Pouliot, S. (1994). Profil provisoire du lectorat de 6 à 16 ans. In H. Charbonneau (dir.), Pour que vive la lecture (p. 87-94). Montréal: Asted. Poupart, J., J-P. Deslauriers, L.-H. Groulx, A. Laperrière, R. Mayer et A.P. Pirès (1997). La recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques. Boucherville: Gaëtan Morin. Prêteur, Y. et C. Carayon (1986). « L’intérêt pour la lecture parmi les loisirs chez l’enfant de 6 à 12 ans». Enfance, 2-3, 279-296. Privat, J.-M. (1994). Bibliothèque, école : quelles coopérations ? Rapport d’enquête. Actes de l’Université d’été de la Grande Motte. Créteil: CRDP d’Île-de-France, Académie de Créteil, Fédération française de coopération entre bibliothèques. Provost, M. (1986). « Communication-Jeunesse. Raconte à ta façon ». Québec français, 62, 68-70. Provost, M. (1988). Lire et aimer lire. Québec : gouvernement du Québec, MEQ (2 tomes). Provost, M. (1994). « Donner le goût de lire aux élèves du primaire et du secondaire : un domaine où l’école a fait de grands progrès ». Vie pédagogique, 88 : 35-42. Provost, M. (1995). De la lecture à la culture. Sélection commentée d’ouvrages de fiction pour le secondaire. Montréal: Services documentaires multimédia. 309
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 310
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Puorro, M. (1997). The Whole Language approach versus the basal reading approach and the effect on reading achievement scores. M.A. Project Kean College of New Jersey. ERIC: ED 405 551. Raymond, A. (2003). « Cent millions dans les bibliothèques scolaires ». La Presse, 8 février, p. A-10. Réseau Éducation-Médias (2001). Jeunes Canadiens dans un monde branché. Document téléaccessible à l’URL: . Rivais, Y. et M. Laclos (1988). Les sorcières sont N.R.V. Paris: École des loisirs. Robine, N. (1987). «Lecteurs et lectures de mauvais genres». Pratiques, 54, 95-108. Robine, N. (1989). « L’évolution de la lecture des jeunes d’après les enquêtes françaises. Bilan 1960-1987». Pratiques, 61, 118-125. Rosenblatt, L.M. (1978). The Reader, the text, the poem. Carbondale, Ill.: Southern Illinois University Press. Rosenblatt, L.M. (1982). «The literary transaction: Evocation and response». Theory into practice, 21(4), 268-277. Rosenblatt, L.M. (1983). Literature as exploration. New York: the Modern Language Association of America. Rosenblatt, L.M. (1986). «The aesthetic transaction». Journal of Aesthetic Education, 20(4), 122-128. Rosenblatt, L.M. (1998). Writing and reading: the transactionnal theory. Center for study of reading. A reading research and education center report. New York University. ERIC: ED 292 062. Roy, P. (1995). La Relation entre les intérêts de lecture et le contenu des romans pour la jeunesse. Étude de trois collections : 1985-1993. Thèse de doctorat. Études françaises. Sherbrooke: Université de Sherbrooke. Rycik, J.A. et J.L. Irvin (2001). Introduction. In J.A. Rycik et J.L. Irvin (ed.). What adolescents deserve. A commitment to students’ literacy learning (p. 1-6). Newark: International Reading Association. Saccardi, M.C. (1998). « Can we read you our story ? The tale of a school-public library partnership». Reading Teacher, 51(5), 445-447. Sallenave, D. (1991). Le Don des morts. Sur la littérature. Paris: Gallimard. Samuels, S.J., S. Schermer et D. Reinking (1992). Reading fluency. In S.J. Samuels et A.E. Farstrup (ed.), What research has to say about reading instruction (p. 145156). Newark, DE: International Reading Association. Savard, R. (2002). «La lecture et la ville». Le Devoir, 6 juin, p. A-7.
310
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 311
Bibliographie
Savard, R. (2003). «Bibliothèques publiques: bilan et enjeux». Le Devoir, 3 juillet, p. A-7. Savier, L. (1986). «Tu lis encore!» J’aime lire et je bouquine. La Croix, 60. Séguin, F. (1992). « Bibliothèque publique et faible lectorat ». Documentation et bibliothèques, 38(3), 149-154. Seibel, B. (1988). Au nom du livre. Paris: BPI et La Documentation française. Shanahan, T. (1997). « Reading-writing relationship, thematic units, inquiry learning… In pursuit of effective integrated literacy instruction». The Reading Teacher, 51(1), 12-19. Shapiro, J. et W. White (1991). «Reading attitudes and perceptions in traditional and nontraditional reading programs». Reading Research and Instruction, 30(4), 52-66. Short, P. (1984). The School library media program’s impact on the goals of education: Retooling the message. Denton, Texas : Texas Women’s University. College of Education. Smith, J.W. et J.D. Wilhelm (2002). Reading don’t fix no chevys. Literacy in the lives of young men. Portsmouth: Heinemann. Sokal, L. (2002). «On cherche de l’aide. Les garçons et la lecture». Interaction, 15(4), 13-15. Document téléaccessible à l’URL: <www.cfc.efc.ca/cccf>. Stange, T. et E.J. Carter (1995). Gifted middle-grade readers: Attitudes and interests in the 90’s. ERIC: ED 391 346. Statistique Canada (1990). Enquête sur les capacités de lecture et d’écriture utilisées quotidiennement. Ottawa: Secrétariat national de l’alphabétisation. Stone, G. et L. Wu (1993). Influences of gender and adolescent pleasure book reading on young adult media use. Commission on the status of women research paper competition, AEJMC Conference. Kansas City, 1-25. ERIC: ED 361 682. Suchaut, B. (2002). La lecture au CP : diversité des acquisitions des élèves et rôle des facteurs socio-démographiques et scolaires. Texte préparatoire au colloque Vers la maîtrise de l’écrit pour tous, Association pour favoriser une école efficace (AFPEE), Conseil régional Rhône-Alpes. Sugarman, S. (1995). The Mysterious Case of the detective as child hero : Sherlock Holmes, Encyclopedia Brown and Nancy Drew as role models? The Annual Joint Meetings of the Popular Culture Association/American Culture Association. Philadelphia, 2-24. ERIC: ED 382 935. Tardif, J. (1999). Le Transfert des apprentissages. Montréal: Logiques.
311
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 312
Les pratiques de lecture des adolescents québécois
Taylor-Smith, J. (2000). What about the boys ? Document téléaccessible à l’URL : <www.manukau.ac.nz/departments/social_science/conf/taylor.htm>. Terwagne, S., S. Vanhulle et A. Lafontaine (2001). Les Cercles de lecture. Interagir pour développer ensemble des compétences de lecteur. Bruxelles: De Boeck Duculot. Thomason, N. (1983). Survey reveals truths about young adult readers. University of New Mexico: Library Media Education, 1-33. ERIC: ED 237 959. Tighe, M.A., (1995). Multicultural literature and the reader’s response : Developing the confidence to become independent learners and lifelong readers. Communication présentée à the Annual Meeting of the NCTE (85th). 16 au 21 novembre. San Diego, CA. ERIC: ED 396 299. Tochon, F.V. et I.C. Drue (1992). Oral et intégration des discours. Sherbrooke : Éditions du CRP. Toupin, L. (circa 1946). La Bibliothèque à l’école. Montréal: Fides. Tran, E. (1993). «Une structure coopérative: la communauté de lecture». Québec français, 88, 41-44. Traves, L. (2000). Boys catch up and overtake. Document téléaccessible à l’URL : . Trudel, R. (1995). « La bibliothèque scolaire peut-elle faire la différence ? » Argus, 24(2), 23-27. Turkle, S. (1986). Les Enfants de l’ordinateur. Paris: Denoël. Unesco (2000). Manifeste UNESCO/IFLA de la bibliothèque publique. Document téléaccessible à l’URL: . Unesco (2000). Manifeste UNESCO/IFLA de la bibliothèque scolaire. Document téléaccessible à l’URL: . Vacca, R.T. (1998). «Let’s not marginalize adolescent literacy». Journal of adolescent and adult literacy, 41(8), 604-609. Van der Maren, J.-M. (1995). Méthodes de recherche pour l’éducation. MontréalBruxelles: Presses de l’Université de Montréal et De Boeck Université. Vaughn, S., J.S. Schumm et J. Sinagub (1996). Focus group interviews in education and psychology. Thousand Oaks: Sage. Vézina, A. (1981). «Une place à la lecture au 2e cycle du primaire». Québec français, 41, 64-66. Walberg, H.J. et S. Tsai (1984). «Reading achievement and diminution return to time». Journal of Educational Psychology, 76, 442-451.
312
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 313
Bibliographie
Weir, C. (1998). « Using embedded questions to jump-start metacognition in middle-school remedial readers». Journal of adolescent and adult literacy, 41(6), 458-467. Winograd, P.N. (1984). « Strategic difficulties in summarizing texts ». Reading Research Quarterly, 19(4), 404-425. Worthy, J. (1998). « On every page someone gets killed ! Book conversations you don’t hear in school». Journal of adolescent and adult literacy, 41(7), 508-517. Worthy, J. et S.S. McKool (1996). Students who say they hate to read. The importance of opportunity, choice, and access. In D.J. Leu, C.K. Kinzer et K.A. Hinchman (ed.), Literacies for the 21st century : Research and practice. 45th Yearbook of the National Reading Conference, 45, 245-256.
313
MM-Pratiques de lecture
17/02/04
17:20
Page 314